BOLÎ
ÈOLI
BOLI BOLI 899
représenté pour la première fois, à Paris, sur
le théâtre des Variétés, en 1819. Bolivar, le
fameux chef insurgé de l'Amérique du Sud, et
le général espagnol Morillo, son adversaire,
servaient h cette époque de parrains à deux
nouvelles formes'de chapeaux d'hommes, et la
pièce, de MM. Dartois et Gabriel passait en re-
vue et faisait la caricature des modes plus ou
moins ridicules ou excentriques du jour. La li-
thographie, récemment importée d'Allemagne,
se popularisait alors et popularisait en même
temps tous les faits de notre histoire mili-
taire. Les guerres du premier empire alimen-
taient cet art nouveau, et ce n'était partout
que tableaux représentant des scènes de gar-
nison, des combats bien connus, des aventures,
des types et des portraits militaires, toutes
choses qui rappelaient un" régime où le canon
avait joué le plus grand rôle. Cependant les
boutiques d'estampes n'étaient pas, ainsi qu'on
le pourrait croire, les seules dont la devan-
ture offrît à la curiosité publique des exhi-
bitions guerrières. Les industries les plus di-
verses profitaient de la vogue et appliquaient à
leur usage la mode belliqueuse, en variant,
bien entendu, la matière et l'emploi. C'est ce
que nous apprendrait au besoin un couplet
dont le timbre est un des plus connus dans le
répertoire musical du vaudeville : il appartient
à l'ouvrage de MM. Dartois et Gabriel :
• Vive la lithographie !
C'est une rage partout ;
Grands, petits, (aide, jolie,
Le crayon retrace tout.
Les boulevards tout du long,
A présent sont un salon,
Où, sans même avoir posé,
Chacun se trouve exposé.
On- tapisse les murailles
l
De soldats et de hauts faits;
On ne voit que des batailles
Depuis qu'on a fait la paix.
Sur les assiettes, les plats.
On dessine des combats;
Jusqu'au fond des compotiers
On va placer des guerriers;
Sur nos indiennes nouvelles
On voit prendre des remparts,
Et sur les fichus des belles
On voit charger des hussards.
Les paravents, les écrans,
Sont ornés de combattants*
Mille canons en travail
Font feu sur un éventail.
Là, des villes assiégées
Sur les foulards les plus beaux.
Ou des batailles rangées
Sur des schalls de mérinos.
Nos mouchoirs de poche aussi
Ont leurs combats, Dieu merci;
Grâce à cette nouveauté,
Une sensible beauté
Peut, quand la douleur l'attaque,
Essuyer ses yeux très-bien
Avec le bras d'un Cosaque
Ou la jambe d'un Prussien.
Ces beaux vers ont bien tous sept syllabes,
et la rime y est presque partout suffisante;
c'est le seul éloge qu'il nous soit possible
d'en faire.
BOLIVAR
BOLIVAR (Grégoire D E ) , missionnaire et
écrivain espagnol, llorissait au commencement
du xvue siècle. Entré dans l'ordre de Saint-
François, il se consacra aux missions et passa
environ vingt-cinq ans à répandre l'Evangile
dans le Mexique, le Pérou, etc. On a de lui un
ouvrage intitulé Mémorial de arbitrios para la
réparation de Espana (Madrid, 1626, in-fol.)
BOLIVAR
BOLIVAR (Simon) , surnommé le Libéra-
teur, général et homme d'Etat, le Washing-
ton de l'Amérique du Sud, né à Caracas (Ve-
nezuela), en 1783. Il fit ses études à Madrid,
voyagea ensuite en France et dans une par-
tie des Etats de l'Europe, revint dans sa pa-
trie pénétré des principes inaugurés dans le
monde par la Révolution française, et en
commença l'application par l'affranchissement
des nègres de ses possessions' patrimoniales.
On rapporte qu'en voyageant en Italie, il avait
fait serment sur le mont Sacré de délivrer son
'*• pays de la domination espagnole. Nul serment
ne fut jamais mieux tenu. En 1812, il consacra
sa personne et sa fortune à la guerre de l'in-
dépendance, prit du service sous Miranda,
avec le grade de colonel, échoua dans ses
premières opérations militaires, mais répara
ces échecs 1 année suivante, en battant à plu-
sieurs reprises le général Monteverde et en le
chassant du Venezuela. Investi d'un comman-
dement dictatorial dans cette province, il eut
continuellement à lutter contre les bandes
d'esclaves et de brigands soudoyés qui rava-
geaient le pays au nom du parti royaliste. Les
Espagnols étaient également parvenus à ar-
mer contre l'indépendance les llaneros, métis
à demi sauvages des grandes plaines ou sa-
vanes (llanos), cavaliers redoutables dont la
physionomie et les mœurs rappellent les Tar-
tares des steppes asiatiques, et dont les bandes
indisciplinées passèrent quelquefois d'un parti
à l'autre, mais qui cependant, en haine des
Espagnols, combattirent le plus souvent pour
la révolution et assurèrent son triomphe défi-
nitif. Accablé par des forces supérieures, Bo-
livar dut se retirer à Carthagène, où flottait
encore le drapeau de l'indépendance; il fit une
nouvelle tentative en 1816, échoua de nou-
veau, mais reparut bientôt, menaçant et in-
dompté, aux. bouches de l'Orénoque, puis dans
ïa Nouvelle-Grenade, accomplissant ainsi des
mouvements et des marches immenses avec
une poignée de compagnons intrépides, et dé-
concertant les Espagnols par l'audace et la
rapidité de ses opérations. Après une série de
succès sur Morillo et les autres capitaines es-
pagnols, après avoir balayé plus de 1,200 ki-
lomètres de pays, et délivré la Nouvelle-
Grenade et Venezuela, il fit décréter par le
congrès général la réunion de ces deux vastes,
provinces en une seule république, sous le
nom de Colombie (1819). Investi de la prési-
dence avec un pouvoir dictatorial,le Libérateur
eut encore à lutter contre de nouvelles tenta-
tives des Espagnols et des révoltes roya-
listes et fédéralistes. Appelé par le Pérou
insurgé, il en chassa les Espagnols, reçut des
Péruviens le titre de dictateur, et délivra, par
son lieutenant Sucre, le haut Pérou, qui se
constitua sous le nom de Bolivie. L'isthme de
Panama avait également proclamé son indé-
pendance, et, dès 1824, l'affranchissement des
principales républiques du Sud était cimenté
par des alliances entre elles et consacré par
la reconnaissance officielle de l'Angleterre,
des Pays-Bas et des Etats-Unis. Nourri des
fortes doctrines politiques de la Révolution
française, Bolivar songeait à former une puis-
sante confédération entre les groupes de na-
tions répandus dans les deux Amériques, et il
réunit dans ce but à l'isthme de Panama (1827)
un congrès de tous ces Etats. Le résultat
ne répondit point à son attente; mais on ne-
peut en accuser que l'inexpérience de ces na-
tions, dont l'esprit d'indépendance sauvage a
été jusqu'ici l'oostacle principal à une organi-
sation politique rationnelle, et qui sont encore
loin d'avoir rempli les espérances de leur li-
bérateur. Les dernières années de ce grand
citoyen furent affligées par le spectacle des
divisions intestines de la Colombie, des luttes
des factions, des tentatives d'ambitieux vul-
gaires, et par les attaques incessantes de ses
envieux et de ses ennemis. Accusé d'aspirer à
la tyrannie, tandis qu'il ne tendait qu'à l'éta-
blissement de l'unité, il avait déjà à plusieurs
reprises déposé la dictature, que le peuple
l'avait toujours contraint à reprendre; enfin,
abreuvé de dégoûts, désespéré de voir ses
intentions méconnues, et n'espérant plus dés-
armer l'envie, il déposa une dernière fois le
pouvoir et résolut de s'expatrier, à l'exemple
des grands législateurs de l'antiquité. « La
présence d'un soldat heureux, quelque désin-
téressé qu'il soit, dit-il dans_ ses éloquents
adieux, est toujours dangereuse dans un Etat
jeune de liberté. » Ce fut en vain qu'on voulut
le rappeler à la tète des affaires ; il fit ses
préparatifs de départ, mais mourut de la fièvre
avant de s'embarquer, près de Santa-Marta,
le 17 décembre 1830, quelque temps après
avoir reçu le décret qui le proclamait le pre-
mier citoyen de la Colombie.
Qu'on nous permette d'ajouter à la biogra-
phie de cet illustre citoyen quelques ré-
flexions générales qui auront peut-être l'air
d'être un panégyrique, mais qui ne sont que
l'expression exacte de la vérité.
Parmi les grandes .qualités du Libérateur,
il faut mettre au premier rang le désintéres-
sement et la persévérance. Loin de devoir,
comme d'autres, sa fortune à la révolution de
l'Amérique espagnole, il lui sacrifia un patri-
moine considérable; propriétaire d'esclaves,
il les émancipa pour en faire des citoyens et
des soldats; conquérant des plus riches pro-
vinces, il ne voulut en être que le régénérateur ;
président de la Colombie, et réduit aux mo-
diques appointements 0e sa place (150,000 fr.),
il en donnait la moitié aux enfants et aux
veuves de ses compagnons d'armes morts dans
la guerre de l'indépendance, et il aidait encore
de sa bourse le fameux Lancastre à établir sa
méthode d'enseignement dans la Colombie.
Mais c'est à sa persévérance que la cause
américaine fut surtout redevable de son
triomphe. Trois fois accablé, avec sa patrie,
par les plus affreux revers, jeté pauvre et
proscrit sur des rives étrangères, poursuivi
d'île en île par le poignard espagnol, payé de
tant de sacrifices par la calomnie,"trois fois
il revint à la charge et finit par triompher de
ses ennemis privés et de ceux de son pays.
Comme homme de guerre, un voyageur l'a
comparé à Sertorius. Ainsi que ce Romain fa-
meux, Bolivar a eu souvent occasion de dire :
Rome n'est plus dans Rome, elle est toute où je suis.
Mais l'immensité de ses courses, les ob-
stacles qu'il eut à surmonter, ses stratagè-
mes pour retenir sous le drapeau et décu-
pler de petites armées, l'audacieuse rapidité
de ses mouvements, et jusqu'à la couleur et au
caractère de ses soldats, tout, dans ses cam-
pagnes , rappelle Annibal plus encore que
Sertorius. Comme homme d'État, c'est lui qui,
aidé de Zéa et du docteur Gual, fonda la puis-
sance politique et le crédit de la Colombie.
Sans cesse appliqué à étendre et à perfection-
ner son ouvrage , ce génie créateur avait
conçu.un plan des plus grandioses : il eût voulu
réunir, par un pacte de famille, trois Etats
qui lui devaient leur indépendance, la Colom-
bie, le Pérou et la Bolivie. Les- germes de
prospérité que renferme chacun de ces Etats
auraient fructifié pour tous. Abolition des
douanes et des armées permanentes, indépen-
dance inattaquable au dehors, sécurité et pro-
grès incalculable au dedans : tels eussent été,
pour les trois républiques, les effets de ce lien
fraternel; mais les troubles suscités par une
administration corrompue rappelèrent Bolivar
au sein de sa patrie. Son projet ne fut com-
pris que de quelques intelligences supérieures,
et le malheur des temps obligea ce grand homme
à l'abandonner. En résumé, Bolivar fut le
créateur de trois Etats libres; seul, sans se-
cours étrangers, à la tête d'une population
catholique, abrutie par trois siècles de servi-
tude, il a plus fait que l'immortel "Washington
lui-même, avec un peuple protestant déjà
éclairé et libre, guidé par des Jefferson, des
Franklin, des Adams, et secondé par la France,
l'Espagne et la Hollande. Bolivar n'a jamais
gêné la liberté que dans l'intérêt de la liberté
elle-même. Il m t , pour plusieurs nations,
l'homme nécessaire qui manqua au Mexique, à
Guatemala, au Chili, à Buenos-Ayres, et dont
l'absence livra ces belles contrées à tous les
fléaux de l'anarchie. Investi trois fois de la dic-
tature par la confiance publique, il la déposa
trois fois sur l'autel de la patrie, et ne se ré-
serva qu'un pouvoir conservateur et salutaire.
BOLIVIE,
BOLIVIE, État de l'Amérique méridionale,
formé de l'ancien haut Pérou; compris entre
90 et 250 30' lat. S. et entre 60° 20' et 73° 25'
long. O. Bornée au nord par le Pérou, la Bo-
livie confine à l'est, à'travers d'immenses dé-
serts , au Brésil et au Paraguay ; au sud, elle
aboutit aux provinces Argentines, dont elle
est séparée vers la partie orientale par le dé-
sert du Grand-Chaco, jusqu'ici à peu près
inexploré ; à l'ouest, elle touche , par un dis-
trict étroit, à l'océan Pacifique, et le reste de
sa limite occidentale est formé par le Pérou.
Elle a environ 900 kilom. de longueur, autant
de largeur, et sa superficie-est d'environ
800,000 kilom. carrés. La population a été éva-
luée en 1858 à 1,712,357 hab-, Espagnols,
hommes de couleur et indiens civilisés, et à
environ 245,000 indiens sauvages. Capitale,
Chuquisaca.
Orographie, hydrographie, aspect général.
Des montagnes élevées hérissent ce pays à
l'ouest, où il est traversé dans sa longueur
par la chaîne des Andes, qui s'y bifurquent
pour former la ceinture du grand plateau bo-
livien, au nord duquel se trouve le lac Titi-
caca, dont la partie sud-est seulement appar-
tient à la Bolivie. La bifurcation occidentale,
appelée Cordillera de la Costa, présente des
. escarpements abrupts du côté de l'océan,
dont elle est séparée par le désert de sables
d'Atacama;\a. bifurcation orientale, nommée
Cordillera Béai, s'abaisse graduellement et
finit par s'effacer dans les plaines. Le massif
culminant des montagnes de la Bolivie est le
vaste plateau du Titicaca ou Bolivien, qui s'é-
lève jusqu'à 4,200 m.; mais les deux contre-
forts que nous venons d'indiquer portent lés
pics les plus élevés, des Andes et de toute
l'Amérique : le Nevado de Sorata, 7,696 m.,
et le Nevado d'Jllimoni, 7,315 m. dans la Cor-
dillera Real; les points culminants de la Cor-
dillera de la Costa atteignent 6,700 m. (Voir,
pour la constitution géologique, le mot ANDES.)
• Les eaux de la Bolivie appartiennent, les
unes à l'océan Pacifique, les autres aux bas-
sins de l'Amazone et de la Plata. Les rivières
qui s'écoulent vers le Pacifique sont peu nom-
breuses, torrentielles, et la plupart d'entre
elles se perdent dans le sable avant d'arriver
à la mer. Au contraire, celles qui font partie
de l'immense bassin de l'Amazone, le Béni ou
Paro et les affluents supérieurs de la Madeira,
le Mamore, YUbahi, sont navigables; mais la
navigation est souvent obstruée par des cata-
ractes et des rapides. Les tributaires du Rio de
la Plata qui traversent la Bolivie sont deux
affluents du Paraguay : le Vermejo et le PU-
comayo, qui reçoivent un grand nombre de
cours d'eau secondaires. Citons encore le De-
saguadero, qui sort du lac Titicaca, arrose la
vallée qui porte son nom et va se perdre dans
les déserts salins de la province de Carangas.
La Bolivie se partage en trois zones dis-
tinctes : la région occidentale ou du littoral,
traversée par la Cordillière, est une contrée
dépeuplée, nue, stérile, dévorée^par le soleil,
et dont le sol ne fournit pas aux premières
nécessités de l'homme. La région centrale,
plateau élevé, hérissé de hautes montagnes,
est le véritable centre de la population; c'est
là que sont toutes lés grandes villes de cet
Etat : enfin la région occidentale, dégagée de
montagnes, offre des plaines immenses d'une
fécondité merveilleuse, s'étendant jusqu'au
Brésil et au Paraguay.
Climat, richesses minérales, productions
agricoles, faune. Le climat de la Bolivie, in-
salubre en général, est très-chaud dans les
terres basses, surtout dans le désert d'Ata-
cama. Les hivers, d'ordinaire assez froids,
mais moins rigoureux cependant que ne semble
l'indiquer l'altitude de ces régions, sont très-
secs sur le plateau Bolivien, ou la neige tombe
en avril et en novembre. Les pluies,* très-
rares et presque nulles dans le désert d'Ata-"
cama, deviennent continues d'avril en octobre,
dans les grandes plaines de l'est, où elles pro-
duisent souvent des inondations désastreuses.
On y est exposé à de violents orages et à de
fréquents tremblements de terre, surtout dans
la région occidentale, où la Cordillière contient
un grand nombre de montagnes volcaniques.
Le territoire de la république bolivienne est
très-riche en métaux; il renferme d'inépui-
sables mines d'or, d'argent et de cuivre. L'or
n'est pas le métal le plus recherché ; il abonde,
mais dans des, lieux peu accessibles, ou dans
une gangue trop dure et trop dispendieuse à
fondre ; la mine d'or la plus productive est
celle de Santiago de Catagoita. Les mines I
d'argent, beaucoup plus nombreuses et d'une
exploitation plus facile, ont" principalement
absorbé l'attention des colons. La célèbre
montagne de Potosi, qui a 20 kilom. de circuit
et 1,400 m,, d'élévation, a offert, pendant près
de trois siècles, des trésors d'argent inépui- -
sables; elle est percée de 300 puits, à travers
un schiste argileux, jaune et dur. Les nom-
breux fourneaux qui l'environnent, et dont
plusieurs sont aujourd'hui éteints, ont long-
temps formé pendant la nuit un spectacle
vraiment extraordinaire. Dans la province de
Carangas, on trouve, en creusant le sable, des
masses d'argent détachées, qu'on appelle des
papas ou pommes de terre, a cause de leur
forme. La région occidentale possède aussi des
mines fort riches, mais peu ou mal exploitées:
on y trouve de l'or, de l'argent, de l'étain, et
surtout du cuivre. La mine de cuivre de Co-
roco fournit annuellement 50,000 quintaux mé-
triques de ce métal, qu'on exporte surtout en
France. L'exploitation de toutes ces richesses
minérales, qui avait beaucoup souffert pendant
la guerre de l'indépendance, a repris depuis
avec quelque activité, et l'on estime ses pro-
duits annuels à 5,000 marcs d'or et 300,000
marcs d'argent.
Le sol, mal exploité, de ces vastes contrées
privées d'habitants, se prête aux cultures les
plus diverses, et l'on y pourrait récolter à la
lois les fruits de l'Europe et les produits des
régions tropicales. D'immenses forêts vierges,
riches en bois précieux de toute espèce,
couvrent la plus grande partie des plaines de
la Bolivie. Parmi les produits de la végétation
et de la culture, il faut citer les grains, le riz,
le maïs, le café, le coton, la canne à sucre, le
tabac, le cacao, l'orange, la figue, l'ananas, la
vanille, le coca, la oascarille, le quinquina, la
salsepareille, la gomme élastique, etc. Sur le
plateau de Titicaca, déboisé et impropre à la
culture des céréales, on cultive le quinoa, et
la pomme de terre y croît sans culture. On dit
même ce tubercule originaire de ce pays.
Les animaux domestiques sont : le bœuf, le
cheval, l'âne, le mulet, et, dans les régions
montagneuses, la vigogne, le lama et l'alpaca.
Dans les forêts, on trouve le tapir, le jaguar,
le léopard et plusieurs espèces de singes ; en
outre, les plaines de l'est sont infestées par
une multitude de reptiles et d'insectes veni-
meux ou destructeurs.
Industrie, commerce. Les nombreuses révo-
lutions qui ont bouleversé la Bolivie depuis la
conquête de son indépendance, l'état d anar-
chie incessante auquel l'ont livrée l'ambition
et l'impéritie de ses gouverneurs, ne lui ont
pas permis, on le comprend, de féconder les
éléments de prospérité et de richesse que
renferme son sol. Si l'agriculture y est négli-
gée, l'industrie y est à peu près nulle, et le
commerce, peu considérable, est rendu très-
difficile par l'absence de communications
entre l'intérieur des terres et la côte de l'o-
céan Pacifique. La principale branche d'in-
dustrie du pays est la fabrication de quelques
étoffes de coton, à Oropesa; des tissus de laine
d'alpaca, de lama, de vigogne, parmi lesquels
ceux de la Paz occupent le premier rang;
des chapeaux de laine do vigogne, des usten-
siles et oijoux "d'argent, et du verre de bonne
qualité, qui se fait particulièrement à Oropesa,
Mais ce sont les métaux qui,,transportés de
l'intérieur au port de Cobija ou Puerto de la
Mar, avec des peines infinies, en traversant la
double chaîne des Andes à dos de mulets ou
de lamas, par des chemins à peu près impra-
ticables, alimentent presque exclusivement le
commerce d'exportation de la Bolivie. En
1859, les exportations totales du port de Co-
bija s'élevaient à 17,403 tonneaux et se décom-
posaient ainsi : argent monnayé, 1 million de
piastres; cuivre, 17,300 tonnes; étain, 4,000;
guano, 6,000. A ces chiffrés peu élevés il con-
vient d'ajouter quelques étoffes de laine de
lama et d'alpaca, quelques chapeaux de vigo-
gne, une faible quantité de peaux de chinchilla,
de cascarille, quinquina et drogues diverses.
Les importations atteignent, dit-on, le chiffre
de 7 miilions. Elles consistent surtout en fer,
quincaillerie, articles de modes, tissus de soie,
toiles. Tout ce commerce se fait presque ex-
clusivement par navires français, anglais et
américains du Nord qui se rendent à Cobija
ou au port péruvien d'Arica.
Populations indigènes, gouvernement, divi~
sions administratives. Depuis la conquête es-
pagnole, la population indigène de la Bolivie
est singulièrement diminuée; néanmoins, sur
les 2 millions environ d'habitants que renferme
ce pays, les trois quarts sont Indiens purs; les-
uns, demi-civilisés et qui payent le tribu dit
indigène ; les" autres, sauvages et habitant
les provinces limijfophes du Brésil et de la
Confédération argentine ; ce sont les Chiqui-
tos, les Moxos et les Chiriguanos, peuplades
douces et inoffensives, hospitalières et faciles
à conduire. Le reste de la population se compose
de métis, provenant de l'alliance des Indiens
avec des Espagnols ou des nègres. Il y a très-
peu de blancs purs. Une loi a aboli l'esclavage;
cependant les Indiens ne jouissent pas d'une
liberté complète ; leur travail est réglementé,
et ils doivent un certain nombre de jours par
an aux plantations de l'Etat.
La Bolivie est partagée en six départements,
subdivisés en provinces et districts ou cantons :
Chuquisaca, Là Paz, Oruro, Potosi, Cocha~
bamha, Tarija ou Santa-Cruz de la Sierra.
Tous ces départements portent le nom de
leurs chefs-lieux, qui sont en même temps les
villes les plus importantes de la république.
900 BOLI BOLL BOLL BOLL
U n e nouvelle division e n t r e n t e - d e u x dépar-
t e m e n t s a été d é c r é t é e , mais non e x é c u t é e .
N o n o b s t a n t l e s nombreuses modifications
qu'a subies la constitution bolivienne depuis
1825, voici les principales bases du- pacte s o -
cial de c e t E t a t : le g o u v e r n e m e n t e s t u n e
république d é m o c r a t i q u e ; la souveraineté r é -
side d a n s le peuple e t est e x e r c é e par un corps
électoral, un corps législatif, un corps exécu-
tif e t u n corps j u d i c i a i r e ; l e pouvoir exécutif
fcst confié à u n président à v i e , à u n v i c e -
président e t ii trois s e c r é t a i r e s d ' E t a t . L e
corps législatif est formé d e d é p u t é s nommés
p a r les collèges é l e c t o r a u x , dont les m e m b r e s
sont choisis p a r l e p e u p l e . Il s e compose de
trois c h a m b r e s , celte d e s t r i b u n s , celle d e s
c e n s e u r s e t celle des s é n a t e u r s ; c h a q u e cham-
b r e compte t r e n t e m e m b r e s , qui siègent a n -
n u e l l e m e n t p e n d a n t d e u x mois, e t c h a q u e
législature d u r e q u a t r e a n s . L a constitution
g a r a n t i t à tous les citoyens l a liberté, l'invio-
labilité des p e r s o n n e s e t des p r o p r i é t é s , e t la
liberté d e l a presse s a n s censure préalable.
L ' e x e r c i c e des cultes est libre ; la religion c a -
tholique e s t celle de la g r a n d e majorité d e s
Boliviens^ dont le territoire e s t , a u point de
v u e r e l i g i e u x , divisé e n quatre diocèses : l'ar-
c h e v ê c h é de Chuquisaca e t les é v ê c h é s de
L a P a z , d e S a n t a - C r u z e t d e C o c h a b a m b a .
Quoique l a Bolivie possède u n e université à
Chuquisaca, d e s facultés de médecine e t de
droit, des collèges e t des écoles primaires, l'in-
struction publique laisse encore beaucoup à
désirer. C e p e n d a n t , dans ces dernières a n n é e s ,
le g o u v e r n e m e n t de la république, en multi-
p l i a n t les é c o l e s , en e n c o u r a g e a n t les institu-
t e u r s , en faisant t r a d u i r e e n espagnol les
livres d e n o t r e e n s e i g n e m e n t universitaire , a
fait de louables efforts pour p r o p a g e r l'instruc-
tion d a n s c e p a y s si a r r i é r é . L a r m é e p e r m a -
n e n t e , composée de trois r é g i m e n t s d'infante-
rie e t d e u x r é g i m e n t s de c a v a l e r i e , s'élève à
cinq mille h o m m e s . L e s finances sont e n m a u -
v a i s é t a t . L e monopole du quinquina e t . du
coca, la v e n t e du g u a n o , les douanes forment
les principaux r e v e n u s de l ' E t a t et n ' a t t e i g n e n t
p a s 2 millions de p i a s t r e s , absorbés e t a u delà
p a r les dépenses. L a dette publique s'élève a
5,850,000 p i a s t r e s . A u point de vue a d m i n i s -
tratif, on p e u t dire que les o r g a n i s a t e u r s de
la Bolivie o n t pris pour modèle l'administra-
tion française. Ils o n t importé chez e u x nos
Ïiréfets, n o s sous-préfets e t nos municipalités;
e code S a n t a - C r u z , qui r é g i t ce p a y s , n'est
q u ' u n e traduction de n o t r e code civil. ,
Histoire. Les peuples indigènes de la Boli-
v i e , c o m m e c e u x d u P é r o u , dont elle faisait
p a r t i e , v i v a i e n t j a d i s d a n s l'état le plus s a u -
v a g e ; n o m a d e s , a n t h r o p o p h a g e s , ils n ' a v a i e n t
d ' a u t r e industrie que la chasse e t la pêche, e t
d ' a u t r e culte q u e le fétichisme le plus g r o s -
sier. L e r è g n e de M a n c o - C a p a c , dont on n e
p e u t e x a c t e m e n t fixer la d a t e , fut pour eux un
c o m m e n c e m e n t de civilisation; ce prince leur
a p p r i t à cultiver l a t e r r e , à filer la laine, leur
d o n n a des lois b a s é e s s u r le culte du soleil e t
fonda l a d y n a s t i e d e s Incas. Cette dynastie
g o u v e r n a le b a s e t le h a u t P é r o u p e n d a n t
plusieurs siècles ; elle c r é a un certain nombre
de g r a n d e s r o u t e s , ouvrit des c a n a u x , construi-
sit d e s forteresses e t des temples, mais c o n -
s e r v a les sacrifices h u m a i n s . On sait c o m m e n t
u n e poignée d'Espagnols fit la conquête de tout
le P é r o u , e t força l a population d'embrasser le
christianisme. Sous la domination tristement
m é m o r a b l e des E s p a g n o l s , la Bolivie d é p e n -
dit d'abord de l a v i c e - r o y a u t é d e Buenos-
A y r e s , puis de celle du P é r o u . Elle ne se mêla
q u e t a r d a u m o u v e m e n t insurrectionnel d e s
colonies espagnoles contre le g o u v e r n e m e n t
métropolitain. Ce ne fut qu'en 1824 que S u c r e ,
j e u n e g é n é r a l colombien, lieutenant du Libé-
rateur Bolivar, affranchit le P é r o u p a r la v i c -
toire d'Ayacucho, r e m p o r t é e su." le vice-roi
e s p a g n o l L a S e m a , e t fit la conquête d u h a u t
P é r o u , dont il p r o c l a m a aussitôt l'indépen-
d a n c e (11 m a r s 1825), e t auquel il donna le
nom d e Bolivie, en l ' h o n n e u r du Libérateur.
L a Bolivie, qui d e v a i t tout a u g r a n d homme
d o n t elle s'était donné le n o m , fit bientôt
p r e u v e d'ingratitude en b r i s a n t s a c o n s t i t u -
tion, e n r e n v o y a n t les troupes colombiennes
e t en d é c l a r a n t la g u e r r e à la p a t r i e de s e s
l i b é r a t e u r s . Ce fut Te c o m m e n c e m e n t de cette
l o n g u e a n a r c h i e qui a travaillé ce m a l h e u r e u x
p a y s e t n e lui a permis ni d é v e l o p p e m e n t i n -
dustriel ni p r o g r è s social. E n 1831, le m a r é -
c h a l S a n t a - C r i i z , élu président, p r o m u l g u a le
c o d e qui p o r t e son nom , m i t d e l'ordre dans
les finances, e t conclut un traité de paix e t de
c o m m e r c e a v e c le P é r o u . P e n d a n t quelque
t e m p s , on p u t croire que la Bolivie allait e n -
t r e r d a n s u n e voie de p r o s p é r i t é , lorsque
l'ambition d e S a n t a - C r u z remit tout e n q u e s -
tion. L e 8 a o û t 1835, le président de l a Bolivie
b a t t i t , p r è s de Cusco, le g é n é r a l péruvien Ga-
m a r r a , fit la conquête du P é r o u , dont il se
d é c l a r a le Protecteur, e t donna à tout le pays
u n e nouvelle constitution qui, laissant à chaque
E t a t son i n d é p e n d a n c e , les soumettait l'un e t
l ' a u t r e a u g o u v e r n e m e n t c e n t r a l de S a n t a -
C r u z . C e t a r r a n g e m e n t fit d e s mécontents
d a n s les d e u x p a y s e t éveilla l a jalousie d e s
E t a t s voisins, surtout du Chili. E n 1836, les
hostilités éclatèrent entre le Chili e t S a n t a -
Cruz, q u i , a p r è s plusieurs combats i n d é c i s ,
perdit la s a n g l a n t e bataille de Y u n g a y . Aban-
donné des siens, le P r o t e c t e u r fut obligé de
se retirer, c é d a n t la place a des hommes d'une
ambition aussi effrénée e t d'une incapacité
plus notoire. Sous l'administration é p h é m è r e
a e Velasoo, qui r e v i n t plusieurs fois a u pou-
voir, d e B a l l i v i a n , d e B e l z a , l'anarchie conti-
n u a et le p a y s gémit sous une égale o p p r e s -
sion. Cependant, sous la présidence du g é n é r a l
Bclzu, l a question i r r i t a n t e e t interminable
des limites du h a u t e t du b a s P é r o u a é t é
résolue {1855); le port d'Arica e s t désormais
c o m m u n a u x d e u x r é p u b l i q u e s ; les eaux de
Bolivie sont d é c l a r é e s libres pour toutes les
n a t i o n s . E n 1858, à la suite d'une nouvelle r é -
volution, J . L i n a r è s a é t é élevé a l a p r é s i -
dence. Il a p p a r t i e n t au parti libéral, p a r a î t
avoir s u rallier a u t o u r de lui l'opinion publique,
et t o u t le monde r e n d justice à ses bonnes i n -
tentions, qui s e sont manifestées, m a l g r é quel-
ques fautes, p a r d e bonnes m e s u r e s d'ordre
et de s a g e s reformes.
B O L I V I E N , I E N N E s. e t a d i . ( b o - l i - v i - a i n ,
i-è-ne). Géogr. H a b i t a n t d e l a B o l i v i e ; q u i
a p p a r t i e n t à ce p a y s ou à ses h a b i t a n t s : Un
B O L I V I E N . La population BOLIVIENNE. Le gou-
vernement BOLIVIEN.
BOLKENIIAIN,
BOLKENIIAIN, ville de P r u s s e , province
de Silésie, c h . - l . du cercle de son nom, g o u -
v e r n e m e n t et à 30 kil. S. de Liegnitz ; 2,025 h .
Fabrication de r u b a n s , toiles e t d r a p s ; c o m -
m e r c e de fils. Cette ville, située s u r l a N e i s s e ,
d a n s u n e r i a n t e v a l l é e , e s t dominée p a r les
r u i n e s du B o l k o b u r g , l'un d e s plus anciens
c h â t e a u x de la Silésie. L a t o u r d e cette a n t i -
que forteresse féodale, h a u t e d e 50 m., e x i s -
tait déjà, d i t - o n , en 807. L e s hussites s'em-
p a r è r e n t de c e c h â t e a u e n 1428, l e s Bohèmes
en 14G3, e t les Suédois p e n d a n t la g u e r r e de
.Trente a n s . E n 1724, il fut incendié p a r la
foudre.
BOLKOF,
BOLKOF, ville de la Russie d ' E u r o p e , ch.-l.
du district de son n o m , g o u v e r n e m e n t e t à
54 kil. N . d'Orel, s u r le N o u g r a ; 15,400 h a b .
Fabrication e t c o m m e r c e de c u i r s ; c h a n v r e e t
suifs.
BOLIVARIE
BOLIVARIE s. f. (bo-li-va-rî — de Bolivar,
n. pr.) Bot. Section du genre ménodore.
BOLL,
BOLL, ville de Suisse. V . B U L L E .
BOLLA
BOLLA ( B a r t h é l é m y ) , poiite italien, né à
B e r g a m e a u xvie siècle. 11 alla se fixer e n
Allemagne e t devint, v e r s 1570, conseiller à
la cour de Heidelberg. Il a publié, sous le
titre de Nova novorum novissïma, des poésies
macaroniques qui manquent, en g é n é r a l , de
v e r v e e t de goût, et un Thesaures proverbiorum
italo-bergamascorum, deux o u v r a g e s aujour-
d'hui p r e s q u e i n t r o u v a b l e s . On t r o u v e quel-
ques pièces de Bolla d a n s le Stamp. in stam-
patura stampatorum, d'Ant. A r e n a (1G70), e t .
son éloge burlesque du fromage d a n s le Thea-
trum sapientiœ Socraticœ de D o r n a v i u s (1619).
BOLLADE
BOLLADE S. f. V . BOLADE.
BOLLAND
BOLLAND ou BOLLANDUS ( J e a n ) , j é s u i t e ,
h a g i o g r a p h e , n é à Tirlemont (Pays-Bas), en
1596, m o r t en 16G5. Ce fut lui qui commença
le v a s t e t r a v a i l d e s vies des saints connu
sous le titre d'Acta sanctorum. Ceux qui c o n -
tinuèrent ce recueil a p r è s lui furent n o m m é s
de son nom bollandistes. V . l'article suivant. '
BOLLANDISTE
BOLLANDISTE S. m . ( b o l - l a n - d i - s t e — d e
Bolland ou Bollandus, n. p r . ) . M e m b r e d ' u n e
société d e j é s u i t e s d ' A n v e r s q u i o n t t r a -
vaillé à la collection d e s actes e t d e s vies
des s a i n t s , c o m m e n c é e v e r s le milieu d u
x v u e siècle.
— E n c y c l . Un des c a r a c t è r e s qui d i s t i n g u e n t
la religion chrétienne du polythéisme e t de
toutes les a u t r e s religions, c'est la place i m -
p o r t a n t e qu'elle a donnée à l'homme dans les
cérémonies de son culte public, e t non p a s
s e u l e m e n t a l'homme élevé en p u i s s a n c e ,
en dignité, ou supérieur à la foule p a r l'éclat
de ses lumières, mais à celui que la fortune a
placé dans les r a n g s les plus infimes de la
société. L e plus p a u v r e p a y s a n , l'artisan le
plus obscur, le m e n d i a n t lui-môme peut deve-
nir un saint, s'il pratique tous ses devoirs r e -
ligieux a v e c un zèle soutenu p a r la g r â c e d i -
vine ; e t quand Dieu a u r a mis tin à son p è l e -
r i n a g e sur la t e r r e , cet h o m m e , qui n'était rien
aux y e u x .du m o n d e , peut être c a n o n i s é ; on
lui é l è v e r a des a u t e l s ; on d o n n e r a son nom a
de magnifiques basiliques; on c h a n t e r a s e s
l o u a n g e s , a v e c toute la pompe du c u l t e ; les
o r a t e u r s chrétiens r a c o n t e r o n t en chaire s e s
v e r t u s ; en un mot^il n'y a pas un seul c h r é -
tien, quelque abjecte que soit s a position s o -
ciale, qui ne puisse, quand il s'abandonne a u x
élans de cette v e r t u théologale qu'on appelle
l ' e s p é r a n c e , dire comme la m è r e de J é s u s :
Beatum me dicent omnes generationes. Les p h i -
losophes p e u v e n t rire de la simplicité du
c r o y a n t ; mais ils n e p e u v e n t nier qu'il n'y a i t
dans ces magnifiques e s p é r a n c e s , proposées
à" tous les fidèles s a n s distinction de r a n g ,
quelque chose de sublime qu'il e s t impossible
de r e m p l a c e r quand on ferme à l'homme la
perspective d'une v i e e x t r a t e r r e s t r e . L ' e r -
r e u r , s a n s d o u t e , n e doit p a s ê t r e admise p a r
cela seul qu'elle peut nous être a v a n t a g e u s e ;
mais c e u x qui n e croient plus a u x joies du
p a r a d i s doivent a u moins reconnaître qu'ils
ont perdu de belles illusions e n p e r d a n t cette
c r o y a n c e , et qu'elle a été u n e a r m e p u i s s a n t e
entre les mains d e s fondateurs du c h r i s t i a -
nisme, qu'elle e s t encore aujourd'hui la p r i n -
cipale force qui soutient c e t t e vieille religion
c o n t r e les assauts sans cesse r e n a i s s a n t s que
lui livre l'esprit m o d e r n e .
Il n'est donc pas é t o n n a n t que, dès les p r e -
miers siècles du christianisme, les h a u t s d i -
gnitaires de l'Eglise aient a t t a c h é une g r a n d e
importance à conserver le souvenir des faits
qui a v a i e n t signalé la vie et la mort d e s
saints. L e soin de recueillir ces faits fut d ' a -
bord une tâche officielle conférée p a r les é v ê -
q u e s ; i l s v o y a i e n t d a n s l a publicité d e c e s
a c t e s un m o y e n efficace d'édifier les fidèles et
de les e n c o u r a g e r a u x v e r t u s chrétiennes.
D a n s l a , p r i m i t i v e E g l i s e , les p a s t e u r s s'en-
v o y a i e n t les u n s a u x a u t r e s les récits de la
v i e e t de la m o r t des athlètes de la foi. Plus
tard, quand les b a r b a r e s se j e t è r e n t sur l'em-
pire romain, c e s communications d e v i n r e n t
plus difficiles; mais alors d e s hommes zélés
se c h a r g è r e n t du soin de recueillir les vies des
saints. Dans chaque couvent, dans c h a q u e
église, on ajouta a u m a r t y r o l o g e universel le
nom des saints qu'on honorait s p é c i a l e m e n t ;
et d u r a n t tout le moyen â g e , la littérature
h a g i o g r a p h i q u e fut l'occupation principale des
m o n a s t è r e s . U n p e u plus t a r d , les érudits e t
les s a v a n t s e u r e n t l'idée de r é u n i r tous c e s
actes et d'en former d e s collections. P a r m i
les n o m b r e u x recueils d u s à c e s p r e m i e r s
t r a v a u x , il suffira de citer celui de R u g g e r ,
composé v e r s 1156, celui de Vincent d e B e a u -
v a i s dans le Spéculum majus, et enfin la Lé-
gende dorée de J a c q u e s de V o r a g i n e , r e p r o -
duite d a n s toutes les langues e t sous toutes
les formes. Nous ne ferons point mention non
Î
)lus des collections s a v a n t e s publiées p e n d a n t
es d e u x p r e m i e r s siècles de l ' i m p r i m e r i e ;
celle d e s bollandistes l e s a toutes effacées.
C'est à l a Belgique q u ' a p p a r t i e n t l ' h o n n e u r de
cette gigantesque e n t r e p r i s e . L a première idée
en fut conçue v e r s le c o m m e n c e m e n t du
x v n c siècle, p a r le P . H e r b e r t R o s w e y d ,
d'Utrecht, de la compagnie de J é s u s . Il a v a i t
déjà rassemblé une g r a n d e quantité de m a t é -
riaux, e t le plan de l ' o u v r a g e était t r a c é a u
m o m e n t où l a m o r t s u r p r i t ce religieux à An-
v e r s , le 5 octobre 1G29. L e s s u p é r i e u r s de la
Société c h a r g è r e n t alors J e a n Bolland ou Bol-
landus du soin d'exécuter l ' œ u v r e conçue p a r
le P . R o s w e y d , et Bollandus e u t la gloire de
donner son nom a u recueil. Voici le mode de
publication adopté dès l'origine, et tous les
c o n t i n u a t e u r s 1 o n t suivi s c r u p u l e u s e m e n t :
les monuments relatifs à la v i e d e s saints
sont, comme dans le m a r t y r o l o g e r o m a i n ,
classés par mois et p a r j o u r s , et ainsi sous c h a -
3
ue j o u r se t r o u v e la série complète des saints
ont l'Eglise célèbre la fête, e t pour chacun
de c e s saints, tous les documents manuscrits
ou imprimés qu'il a é t é possible de recueillir
ont é t é consultés. C'était là u n e œ u v r e i m -
mense ; elle embrassait, non p a s seulement
l'Europe, mais le monde chrétien pendant
dix-sept siècles. Bollandus, dans s a piété et
d a n s son a r d e u r scientifique, ne recula p a s
d e v a n t les difficultés de cette e n t r e p r i s e ; il se
mit a u travail a v e c u u a c h a r n e m e n t incroya-
ble, et, p a r les seules r e s s o u r c e s de son zèle,
il p a r v i n t à former u n musée hagiographique
( c e s t le mot qu'emploient s e s biographes)
d'une richesse incomparable. L e p r e m i e r v o -
lume des Àcta sanctorum p a r u t en 1653; le
monde chrétien s'en é m u t vivement. L e pape
A l e x a n d r e VII adressa-k Bollandus une lettre
de félicitation, lui disant que jamais livre plus
utile e t plus glorieux p o u r l'Eglise n'avait été
e n t r e p r i s . Il pria le j é s u i t e de venir à R o m e ,
et mit à s a disposition les archives pontificales
et les richesses de l a bibliothèque Vaticane.
L e g r a n d â g e de Bollandus ne lui permit p a s
d'accepter cette invitation, e t il se fit r e m p l a -
cer p a r les P P . Henschen e t P a p e b r o c k , q u e
ses s u p é r i e u r s lui a v a i e n t associés. L e s s a -
v a n t s v o y a g e u r s r e v i n r e n t de Rome a v e c une
moisson abondante de documents ; ils en enri-
chirent les volumes suivants. Le pape o r d o n n a
à tous les provinciaux, de la compagnie de
J é s u s de choisir un religieux c h a r g é de r e -
chercher les documents existant d a n s s a
province, et d e m a n d a en outre la coopération
de tous les é v ê q u e s , abbés, moines e t s a v a n t s .
A p r è s cela, on ne doit plus s'étonner que la
collection de la vie d e s saints, d e v e n u e l'ou-
v r a g e de la société de J é s u s , a p p u y é e , encou-
r a g é e p a r l'Eglise, a i t atteint un d e g r é de
perfection qu'on n e t r o u v e point d a n s l e s e n -
treprises p a r t i c u l i è r e s . Comme p r e u v e du
succès d e s premiers volumes consacrés a u
mois de j a n v i e r «et de février, nous d e v o n s
dire qu'en 1688 on p a r l a i t déjà de les r é i m -
p r i m e r ; les sectes dissidentes applaudirent à
ce t r a v a i l , non moins que les catholiques ; les
t é m o i g n a g e s de Vossius, de Leibnitz e t de
Bayle ne laissent aucun doute à cet é g a r d .
11 a é t é déjà question du recueil des Acta
sanctorum dans ce d i c t i o n n a i r e ; inutile donc
de r e v e n i r sur ce sujet; tout le monde appré-
cie l'importance de cette œ u v r e . C'est là seu-
lement qu'on p e u t r e t r o u v e r la v é r i t a b l e his-
toire du m o y e n â g e , l'histoire d e s idées, d e s
u s a g e s , des m œ u r s e t des a r t s ; p a r t o u t ail-
l e u r s , il n ' y a qu'une succession aride de faits.
L a science historique doit être reconnaissante
e n v e r s les bollandistes d'avoir mis a u jour
quantité de textes historiques ; de plus, leur r e -
cueil est entremêlé
questions importantes. Bollandus a v a i t pour
principe, en publiant d e s d o c u m e n t s , de ne
laisser j a m a i s sans les éolaircir les points ob-
scurs d histoire, de g é o g r a p h i e e t de critique,
et s'il a c c e p t e quelquefois trop facilement des
récits qui nous font aujourd'hui sourire, il
n'en a p a s moins l e m é r i t e d e n o u s avoir con-
s e r v é de précieux monuments qui portent
l'empreinte ineffaçable d e s m œ u r s et des
c r o y a n c e s de chaque siècle. T o u s s e s conti-
n u a t e u r s ont fait comme lui • l'imagination
s'effraye à l'idée seule des r e c h e r c h e s e t d e s
t r a v a u x que nécessita cette v a s t e publication.
E t u d i e r et m e t t r e en ordre l'histoire g é n é r a l e
de l'Eglise était la moindre partie de leur
t â c h e ; la g r a n d e difficulté, pour c e s s a v a n t s
religieux, c'était de débrouiller les annales
particulières des cités, des é v ê c h é s , des m o -
n a s t è r e s , et les origines des ordres religieux."
Les actes des apôtres les ont mis d a n s Ta n é -
cessité d'étudier à fond les premiers t e m p s du
c h r i s t i a n i s m e ; dans les vies d e s pontifes, ils
ont déroulé les fastes du monde c h r é t i e n .
Outre les questions d'histoire g é n é r a l e , ils
ont t r a i t é une foule de points de g é o g r a p h i e ,
de chronologie, de d i p l o m a t i q u e , etc. L ' a r -
chéologie elle-même n ' a pas été oubliée; elle
ne doit pas non plus les oublier dans s a g r a -
titude ; le recueil des bollandistes contient de
n o m b r e u s e s g r a v u r e s ; ces g r a v u r e s ont cela
d ' i n t é r e s s a n t pour n o u s , qu'elles r e p r é s e n t e n t
des monuments pour la plupart détruits p a r
la main du temps e t des révolutions.
Les forces d'un seul homme, on le sent,
n ' a u r a i e n t p u suffire à cet i m m e n s e l a b e u r ;
aussi le P . Bollandus s'associa-t-il d e s o u -
v r i e r s , e t e n t r e a u t r e s , comme nous l'avons
déjà dit, les P P . Geoffroy H e n s c h e n et Daniel
P a p e b r o c k ; ce dernier est considéré comme
un des plus s a v a n t s critiques de l a société de
J é s u s ; p e n d a n t cinquante a n s , il p r ê t a son
concours au recueil des Acta sanctorum, et il
se fit r e m a r q u e r p a r une assiduité e t une per-
s é v é r a n c e infatigables. A u n e érudition i m -
m e n s e le" P . P a p e b r o c k joignait u n e g r a n d e
fortune, et, ce qui n'était pas moins utile pour
le bien de l ' œ u v r e , il jouissait d'un grand cré-
dit a u p r è s de la cour d'Autriche. A p r è s Hens-
chen e t P a p e b r o c k v i n r e n t des hommes non
moins laborieux et non moins zélés. Nous r e -
produisons ici, d'après lu prospectus des j é -
suites de Bruxelles, un tableau p r é s e n t a n t e s
noms des collaborateurs de Bollandus qui ont
successivement présidé à la direction du r e -
cueil des Acta sanctorum. On y v e r r a le n o m -
bre d e s a n n é e s p e n d a n t lesquelles c h a q u e
collaborateur a pris p a r t à l ' e n t r e p r i s e , et le
nombre de volumes à la rédaction desquels il
a travaillé. N'oublions pas toutefois (pie, d e r -
rière ces hommes illustres, il y a v a i t une a r -
mée de t r a v a i l l e u r s plus o b s c u r s , qui leur
v e n a i e n t en aide p a r d'activés c o m m u n i c a -
tions.
INGRESSI
SOC. JES.
JOAN. BOLLANnUS. . . .
GODEF. HENSCHENIUS. .
DANIEL PAPEBROCHIUS .
CONRAD JANNINGUS, . .
FRANC BAERTIUS. . . .
JOAN.-BAPT. SOLLERIUS
JOAN. PlNIUS
G U I L . C U P E R U S
P K T R U S B O S C H I U S . . . .
J O A N . S T I L T I N G U S . . . .
C O N S T A N T . SUYSKKNUS.
J O A N . P E R I E R U S . . . .
U R B A N . S T I C K B R U S . . .
JOAN. LlMPENUS
J O A N . V E L D I U S
J O A N . C L E U S
C O R N . B Y E Û S
J A C O B . B U E U S
J O S E P H G H E S Q U I B R U S . .
IGNAT. H U B E N U S . . . .
J O A N . - B A P T . F O N S O N U S .
A N S E L M . B E R T u o n u s . .
SlARDUS DYCKIUS. '. . .
C Y P R I A N . GOORIUS . . .
' M A T T H . S T A L Z I U S . , . .
Prima séries.
Julii-Mnnte (Limburg) 1596,13 aug.
Venradii (Geldria) 1600, 21 j a n u a r .
A n t v e r p i œ , 1628, 16 aprilis. . . .
Groningœ, 1650, 16 novembris . .
Ypris, 1651
In H e r s e a u {Fland.), 1669, 28 febr.
G a n d a v i , 1678, 13 decembris . . .
A n t v e r p i œ , 16S6, l maii
Bruxellis, 1686, 19 octobris. . . .
Vico-Duri(prov.Ultraj.),l703,24f.
Silvœ-Ducis, 1714, 20 a u g u s t i . . .
C o r t r a c i , 1711, 29 augusti
D u n k e r c œ , l 7 l 7 , 25 septembris . .
Secunda séries.
In Aalbeke ( L i m b u r g . ) , 1709 . . .
Antverpiœ
A n t v e r p i œ , 1722
In E l v e r d i n g h e ( F l a n d . ) , 1727. . .
Hallis, 1728, i l martii
C o r t r a c i , 1731, 27 februarii. . . .
Antverpiœ, 1737, 12 decembrî. . .
Tertia séries.
Bruxellis, 1757, 27 februarii. . . .
In R u p t (Sequan.), 1733, 21 febr..
T o n g e r l o œ ( B r a b a n t . ) , l 7 5 9 , l 0 n o v .
Turnholti, 1759,17 decembris . . .
In Mae_seyck, 17PI, 12 o c t
1612
1619
164Û
1070
1670
1GS7
1G96
1704
1705
1722
1732
1732
1733
1726
1727
1740
1745
1743
1750
1755
PROFESS.
Can. R e g .
O. S. Ren.
O. P r œ m .
O. P r œ m .
O. P r œ m .
1665,
1681,
1714,
1723,
1719,
1740,
1749,
1741,
173G,
17G2,
1771,
1762,
1753,
17501
1747[recessere.
1760)
1801, I l a u g .
1808, 1 oct.
1802, 23 jan.
1782, 18 j u l .
12 sept.
11 sept.
28 jun.
13 aug.
27 oct.
27jun.
19-maii.
2 febr.
14 nov.
28 febr.
28 jun.
23 jun.
26 oct.
34
46
55
44
38
38
35
21
15
25
26
15
2
1826,14 sept.
1788, 19 murs.
1830, 1 sept.
Supers tes.
1826, 2 febr.
7
4
5
5
4
t
1
1
1
1
BOLL
BOLL
BOLŒ BOLŒ 901
A cette l i s t e , les R R . P P . ajoutent la r e -
m a r q u e s u i v a n t e : « Omittimus Daniel Cardon
Antvërpiensem, Hentic. Thilleul, Nicol. Rayé
Uruxellensem, Franc. Verhoeven Brugensem,
Petr. Dolmansex Limmelprope Trajectum-ad-
Mosam , Jacob. Tretecamp Aldenardensem ,
et Adalb. Heylen, can. prœm., qui breviori
tempore cooperati sunt quam ut annumerandi
videantur kagiographis. »
L'organisation de la société des bollandistes,
l'ordre de leurs t r a v a u x , la r i g o u r e u s e é c o -
nomie dont ils ne se d é p a r t i r e n t j a m a i s , n e
c o n t r i b u è r e n t pas peu au s u c c è s d e leur e n -
treprise. Au c o m m e n c e m e n t , l e u r s r e s s o u r c e s
matérielles consistaient d a n s le produit de la
v e n t e des Acta sanctorum et d a n s les libéra-
Sites de quelques g r a n d s p e r s o n n a g e s . E n
168$, la cour de Vienne leur a c c o r d a u n e pen-
sion, mais en y m e t t a n t pour condition qu'ils
dédieraient tous l e u r s volumes à des m e m -
bres de la famille impériale. M a l g r é la modi-
cité de ces ressources et les d é p e n s e s o c c a -
sionnées p a r l'achat des livres et m a n u s c r i t s ,
p a r les v o y a g e s littéraires, c o r r e s p o n d a n c e s ,
frais d'une imprimerie fondée par e u x - m ê m e s
et uniquement c o n s a c r é e à leurs t r a v a u x , la
société, à l'époque de la suppression des j é -
suites, a v a i t réalisé un capital de plus de
130,000 florins, monnaie de B r a b a n t , somme
a laquelle il faut joindre 24,000 florins, produit
annuel de la v e n t e des Acta sanctorum. L a
suppression de la c o m p a g n i e de J é s u s e u t
lieu en Belgique le 15 s e p t e m b r e 1773. Ce
j o u r - l à , les scellés furent mis sur les a r c h i v e s
des h a g i o g r a p h e s bollandistes, et l e u r s t r a -
v a u x furent i n t e r r o m p u s . C e p e n d a n t un c o -
mité institué p a r la cour de V i e n n e , a p r è s
s'être m o n t r é c o n t r a i r e aux bollandistes, émit
un avis plus f a v o r a b l e : Marie-Thérèse, sur
l'avis de son c h a n c e l i e r , le prince de K a u n i t z ,
décida la continuation de l'entreprise. L e s
r e v e n u s a p p a r t e n a n t a u x bollandistes r e s t è -
r e n t affectés aux frais d e cette continuation.
P e n d a n t ce t e m p s , les h a g i o g r a p h e s t r a v a i l -
laient à la maison professe d ' A n v e r s ; m a i s ,
en 1775, on établit u n e a c a d é m i e militaire
d a n s cette m a i s o n ; ils furent donc obligés d e
p a r t i r , a b a n d o n n a n t leurs m a n u s c r i t s . L e
19 j u i n 1778, l'impératrice d é c r é t a q u e l ' é t a -
blissement des bollandistes s e r a i t t r a n s p o r t é
d a n s l'abbaye d e C a u d e n b e r g . Deux a n s fu-
rent employés à d é m é n a g e r le m u s é e .hagio-
g r a p h i q u e rassemblé p a r les bollandistes.
D a n s les p r e m i e r s mois de 1780, les s a v a n t s
p è r e s p u r e n t se r e m e t t r e à l ' œ u v r e ; le c i n -
q u a n t e et unième volume p a r u t v e r s la fin d e
la même a n n é e . Bientôt, p a r les o r d r e s d e
J o s e p h II, l'abbaye de C a u d e n b e r g fut suppri-
m é e ; un d é c r e t de 1786 t r a n s f é r a le siège
de la" société d a n s la bibliothèque des ci-de-
v a n t j é s u i t e s . Enfin, p a r u n d é c r e t du 23
août 1788, l ' e m p e r e u r c n a r g e a l a c h a m b r e des
comptes d e c h e r c h e r les moyens d'en finir
a v e c les bollandistes. Il fut d é m o n t r é que l'on
g a g n e r a i t 3,000 florins à la suppression des
h a g i o g r a p h e s . L a commission ecclésiastique
des é t u d e s , consultée à son tour, émit u n e
opinion conçue en ces t e r m e s : « Il est é t o n -
n a n t , disait-elle, q u e , lors de l'abolition d e
l'ordre j é s u i t i q u e , on soit p a r v e n u à i n t é r e s s e r
le g o u v e r n e m e n t dans un pareil f a t r a s ; il e s t
plus que t e m p s d'y m e t t r e fin. » E t plus loin :
« L'objet principal qui doit occuper le g o u v e r -
n e m e n t est de se d é b a r r a s s e r des frais. » L e
16 octobre 1788, le conseil notifia a u x bollan-
distes qu'ils eussent à cesser leur t r a v a i l ;
mais le 1er n o v e m b r e s u i v a n t , les é t a t s de
F l a n d r e p r o p o s è r e n t au g o u v e r n e m e n t i m p é -
rial la continuation des Acta sanctorum aux
frais de leur province. E n F r a n c e , les m i n i s -
t r e s de Louis X V I s o n g è r e n t à c h a r g e r les
bénédictins de Saint-Maur de l ' a c h è v e m e n t de
leur o u v r a g e .
S u r ces e n t r e f a i t e s , l'abbaye de Tongerloo
fit u n e convention a v e c le g o u v e r n e m e n t a u -
trichien et acquit la propriété des bibliothè-
ques des bollandistes pour 21,000 florins.-La
révolution b r a b a n ç o n n e vint i n t e r r o m p r e de
n o u v e a u les t r a v a u x des h a g i o g r a p h e s ; c e -
p e n d a n t , en 1794, ils d o n n è r e n t le c i n q u a n t e -
troisième volume de la collection. A 1 e n t r é e
des F r a n ç a i s eu Belgique, les bollandistes r e -
n o n c è r e n t définitivement à l e u r e n t r e p r i s e .
E n 1801, M. d ' H e r b o u v i l l e , préfet du d é -
p a r t e m e n t des D e u x - N è t h e s , ht des t e n t a t i -
v e s a u p r è s de quelques religieux , d e r n i e r s
débris de l'association. L ' I n s t i t u t d e F r a n c e
écrivit aussi à ce sujet a u ministre de l'inté-
rieur. Enfin u n e lettre de M. S a n t a n d e r , du
9 août 1810, constate u n e d e r n i è r e t e n t a t i v e
d e Napoléon pour obtenir q u e la collection des
Acta sanctorum fût p o u r s u i v i e . E n 1827, le
g o u v e r n e m e n t des P a y s - B a s a c h e t a les a r -
chives et la bibliothèque des religieux de Ton-
g e r l o o . L e s livres furent e n v o y é s à la biblio-
t h è q u e r o y a l e de L a H a y e , e t les m a n u s c r i t s
r e s t è r e n t à la bibliothèque de B o u r g o g n e , à
B r u x e l l e s . P e u de temps a p r è s la révolution
de s e p t e m b r e 1830, q u a t r e j é s u i t e s b e l g e s ,
v o u é s depuis longtemps a l'érudition, les
R R . P P . J . - B . Boone, J . V a n d e r m o e r e , P .
C o p p e n s , J . v a n H e c k e , e n t r e p r i r e n t , d a n s le
collège de Saint-Michel de Bruxelles, de c o n -
t i n u e r le t r a v a i l si longtemps i n t e r r o m p u . E n
1845, Us p u b l i è r e n t un volume r e n f e r m a n t
l'histoire des saints du 15 et du 16 octobre.
On leur a r e p r o c h é d'avoir fait u n e trop l a r g e
part à la vie de s a i n t e T h é r è s e d'Avila ; 681 pa-
ges lui sont c o n s a c r é e s . L a -composition de
ce v o l u m e m a n q u e donc d e proportion, q u a n d
on la compare a c e u x dont il n e devait ê t r e
q u e U continuation. N o u s finirons p a r u n e
citation de P . L e r o u x s u r le recueil des bol-
landistes : a C'est à la philosophie historique
à profiter de ce r i c h e t r é s o r ; , avec l'eéprit
d'incrédulité, il eût été impossible de le c o m -
p o s e r ; mais a u j o u r d ' h u i , pour s'en s e r v i r
c o n v e n a b l e m e n t , il faut employer u n e critique
tout a u t r e que celle que les bollandistes ont
mise en u s a g e pour le former. »
" U n i n c r é d u l e , — M. Veuillot dirait u n libre
p e n s e u r , et, dans ses m o m e n t s de j o y e u s e t é s
l i t t é r a i r e s , un crétin, un idiot, un p o d a c r e , — a
b e a u c o u p v a n t é l'immense t r a v a i l des bollan-
distes, en c e s e n s que c e t t e e n t r e p r i s e o c c u p a
des moines q u e l'oisiveté a u r a i t pu c o r r o m -
pre. Cela nous r e m e t en mémoire ce p è r e j u -
dicieux qui a v a i t douze filles qu'il occupait du
matin a u soir e n ' r é p a n d a n t d a n s s a cour un
t o n n e a u d e pois ronds q u e sa g é n i t u r e a v a i t
o r d r e de r a m a s s e r sans qu'un seul m a n q u â t à
l'appel. « T a n d i s qu'elles feront cela, disait le
c o m p è r e , elles n e p e n s e r o n t pas à a u t r e chose. »
BOLLE
BOLLE s. f. (bo-le). Ancienne forme du m o t
BAILLE.
BOLLÀNDUS
BOLLÀNDUS ou DE BOLLANDT (Sébastien),
théologien hollandais, né à M a a s t r i c h t , m o r t
en 1643, à A n v e r s . Membre de la c o n g r é g a t i o n
des récollets, il professa la théologie et la
philosophie. Il a édité : Historica, theologica
et moralis Terrœ sanctœ elucidatio, auctore
Francisco Quaresmio (1639, 2 vol. in-fol.) ; et
Sermones avrei fratris Pétri ad boves (1643,
in-fol.).
BOLLEVERCQ
BOLLEVERCQ s. m . ( b o - l e - v è r k ) . A n -
c i e n n e forme du m o t BOULEVARD.
BOLLEMONT
BOLLEMONT ( F r a n ç o i s - C h a r l e s - R o b e r t
CHONET D E ) , g é n é r a l f r a n ç a i s , né en 1749 à
A r r a n c y (M«:use),inort en 1815. Officiel' d ' a r -
tillerie à 17 a n s , il c o m m e n ç a à se d i s t i n -
g u e r , en 1792 et 1793, à l'armée des Alpes et à
celle du Nord, prit p a r t à la défense de M a u -
b e u g e (1793), fut n o m m é g é n é r a l de b r i g a d e
en 1794, c o m m a n d a l'artillerie au" siège de
M a ë s t r i c h t et fut c h a r g é , en 1797, de défendre
la citadelle de W u r t z b o u r g , lors de la g l o -
r i e u s e r e t r a i t e du g é n é r a l J o u r d a n . F o r c é
d'abandonner la place a u x A u t r i c h i e n s , a p r è s
u n e v i g o u r e u s e r é s i s t a n c e , il fut fait prison-
nier, r e n d u bientôt a p r è s p a r é c h a n g e , et
n o m m é i n s p e c t e u r g é n é r a l d'artillerie. E n
1802. il fit partie du Corps législatif. Il p a s s a
ses d e r n i è r e s a n n é e s dans la r e t r a i t e .
BOLLÈNE,
BOLLÈNE, ville de F r a n c e ( V a u c l u s e ) ,
ch.-l. d e c a n t . , a r r o n d . e t à 20 kil. N . d ' O r a n g e ,
s u r la r i v e droite du Lez ; pop. a g g l . 2,761 h.
— p o p . tôt. 5,007 h a b . E l è v e de v e r s à soie et
filatures, céréales, huile de ricin, vins o r d i -
n a i r e s et excellents f o u r r a g e s ; exploitation
en g r a n d de mines a b o n d a n t e s de t e r r e r é -
fractaire, dont les produits s e r v e n t à la con-
struction des h a u t s fourneaux -, fabrique de
v a s e s p o r e u x pour les piles électriques, d'une
conductibilité supérieure à celle des appareils
employés j u s q u ' à ce j o u r .
Bollène était déjà un relais du t e m p s des
R o m a i n s ; la voie Domitia, dont on voit e n -
core des v e s t i g e s , t r a v e r s a i t le Lez à 1 kilom.
a u l e v a n t . L e vieux S e n o m a g u s était à 2 kil.
a u nord ; on en r e t r o u v e des v e s t i g e s dans de
g r a n d s f r a g m e n t s d'anciens m u r s de fort belle
construction, a n n o n ç a n t l'existence d'une ville
g a l l o - r o m a i n e . L e s m o n u m e n t s les plus re-
m a r q u a b l e s d é p e n d a n t d e la petite ville de
Bollène sont la Maison c a r d i n a l e , qui est u n e
construction romaine, et l'église de S a i n t -
Biaise de B a u z o n , à 3 kilom. dans la c a m p a -
g n e , jolie chapelle du xie siècle, qui s'élève
au s o m m e t d'un mamelon isolé. On y r e m a r -
q u e aussi les restes de la vieille église de
S a i n t - M a r t i n .
BOLLET
BOLLET (Philippe-Albert), conventionnel,
n é p r o b a b l e m e n t a Violaines ( P a s - d e - C a l a i s ) ,
m o r t en 1811. Il v o t a la m o r t d u roi, quoiqu'il
siégeât à la Plaine, fut adjoint à B a r r a s dans
la j o u r n é e du 9 thermidor, fut ensuite e n v o y é
en B r e t a g n e a v e c Boursault, pour seconder
H o c h e d a n s la conclusion d'un t r a i t é a v e c les
royalistes. D e v e n u m e m b r e des C i n q - C e n t s ,
il était en c o n g é , .lorsqu'il fut a t t a q u é d a n s
s a maison p a r des bandits royalistes (1796).
F r a p p é de neuf coups d e s a b r e , d'abord j u g é s
m o r t e l s , il é c h a p p a c e p e n d a n t , et s i é g e a e n -
core dans les assemblées publiques j u s q u ' e n
1803.
BOLLIAC
BOLLIAC (César), poëte et publiciste r o u -
main, n é en 1813, à B u c h a r e s t , est un des
poëtes les p l u s distingués de l'école r o m a n -
tique r o u m a i n e . E n t r a î n é d a n s le m o u v e m e n t
national de 1836, il a été mêlé depuis à la plu-
p a r t des é v é n e m e n t s politiques qui se sont
accomplis dans les Principautés danubiennes.-
A r r ê t é et emprisonné à plusieurs reprises
(1838 et 1840), en raison de quelques écrits
satiriques, il prit u n e p a r t active a u x conspi-
rations du p a r t i révolutionnaire, fit p a r t i e du
comité national de 1848, oui p r é p a r a l'insur-
rection victorieuse de l'hospodar B i b e s c o ,
d e v i n t m a i r e de B u c h a r e s t , s e c r é t a i r e du g o u -
v e r n e m e n t provisoire, président du club r o u -
main,, collabora a u Peuple souverain, etc.
Député a u c a m p de Fuad-Effendi, pour p r o -
t e s t e r c o n t r e le r è g l e m e n t o r g a n i q u e , il fut
r e t e n u prisonnier. Il se réfugia sur le t e r r i -
toire de T r a n s y l v a n i e et y fonda un j o u r n a l ,
l'Expatrié, a y a n t pour but la réconciliation
des Hongrois et des R o u m a i n s . E n 1850, il se
rendit à P a r i s , où il s'est occupé surtout de
r e c h e r c h e s archéologiques et historiques sur
la R o u m a n i e . P o ë t e des classes p o p u l a i r e s ,
des serfs de l a g l è b e , il a publié un recueil
d'odes, d e satires et de légendes sous le titre
de Operile lui César Bolliac (1835) ; un d r a m e ,
Matilda, le premier écrit en langue roumaine ;
des AféaitatioîVi, poésies sociales (1842); des
Poésies nouvelles (1847) ; des Chants nationaux,
suivis d'un poëme historique ( P a r i s , 1852);
des Mémoires sur la Roumanie ( P a r i s , 1856).
BOLL1GEN, b o u r g de Suisse, canton et à
6 kilom. N . - E . " d e B e r n e , au pied du Boïliger-
b e r g , dans u n e c o n t r é e f e r t i l e ; 2,2G2 h a b .
E a u x minérales et bains t r è s - f r é q u e n t é s ;
dans les e n v i r o n s , n o m b r e u x établissements
industriels, p a p e t e r i e s , f o r g e s , moulins à fa-
rine et à foulon.
BOLLINGER
BOLLINGER (Ulrich), poëte allemand du
xvn« siècle, habita la Hessej où il remplit di-
v e r s e s fonctions dans l'enseignement, et s'a-
d o n n a à la poésie latine. P a r m i ses o u v r a g e s
nous citerons : Sodœpodica sanctorum pa-
triarcharum (1595); Nonni Panoplitœ para-
phrasis (1595); Moseïs seu'Carmen heroicum
de rébus gestis Mosis (-1597) ; Elogia de vera
antiqua philosophica medicina (1609).
BOLLINGER
BOLLINGER (Frédéric-Guillaume), g r a v e u r
prussien, n é à Berlin en 1777, m o r t en 1825,
a g r a v é plusieurs portraits au b u r i n , e n t r e
a u t r e s c e u x du comte de B r ù h l , d ' a p r è s
Buchhorn ; de l'électeur Joachim II, d ' a p r è s
K i m p f e l ; du p r i n c e Henri, du prince et de la
princesse Guillaume, d'après W i c h m a n ; d e
Muzio Clementi, d'après Albert ; du musicien
R i t t e r ; du professeur D e r e s e r , e t c .
BOLL1NGTON, b o u r g d ' A n g l e t e r r e , comté
de C h e s t e r , à 5 kilom. N . - E . de Macclesfield,
à 272 kilom. N . - O . de L o n d r e s ; 6,000 h a b .
C a r r i è r e s de pierres et d'ardoises, mines de
houille, c o m m e r c e de soie et de coton.
BOLLIOUD-MERMET
BOLLIOUD-MERMET ( L o u i s ) , littérateur
français, n é à Lyon en 1709, m o r t en ,1793.
Il cultiva la l i t t é r a t u r e pour occuper ses loi-
sirs, fut s e c r é t a i r e d e l'Académie de s a ville
natale et publia plusieurs o u v r a g e s qu'il ne
signa p a s . L e s p r i n c i p a u x sont : De la cor-
ruption du goût dans la musique française
(1745); De la bibliomanie (1761); Discours
sur l'émulation (1763); Essai sur la lecture
(1765), e t c .
BOLLO
BOLLO s. m . (bol-lo). C o m m . N o m d e l'ar-
g e n t m i s e n l i n g o t , d a n s l e P o t o s i .
BOLLULOS-DEL-CONDARO,
BOLLULOS-DEL-CONDARO, ville d ' E s p a -
g n e , p r o v . , et à 46 kilom. É . de H u e l v a ;
6,000 h a b . P o t e r i e s , tuileries, moulins à huile,
distilleries d ' e a u - d e - v i e . C o m m e r c e de vins
et e a u x - d e - v i e .
BOLLW1LLER, b o u r g de F r a n c e ( H a u t -
R h i n ) , a r r o n d . e t à 27 k i l o m . S. de Colmar,
c a n t . de Soultz ; 1,440 h a b . F a b r i q u e s de c o -
t o n ; pépinières t r è s - r e n o m m é e s et classées
parmi les plus belles de F r a n c e ; c o m m e r c e de
fer t r è s - i m p o r t a n t .
BOLNEST
BOLNEST ( E d o u a r d ) , médecin anglais du
x v n
e
siècle. Il r e ç u t le titre de médecin de la
r e i n e , et publia plusieurs o u v r a g e s , n o t a m -
m e n t : Medicina restaurata (sans date) ; Chi-
mia medicina illustrata ( 1 6 0 5 ) ; Methodus
prœparandi vegelabilia ad usus meaicos (1072) ;
Rational way of preparing anwials, vegetables
and minerais for physical uses (1672).
BOLNISI,
BOLNISI, b o u r g d e la R u s s i e d'Asie, dans
la Géorgie, à 28 kilom. S. d e T i f l i s ; 2,125 h a b .
E x c e l l e n t s vins j e a u x acidulés, employées
pour la guérison du bétail.
B o i œ a n a . Nous aimons les ana, nous n ' e n
faisons n u l l e m e n t m y s t è r e . Dans la biogra-
E
hie, le grand h o m m e se p r é s e n t e à nous a v e c
i g r a v i t é solennelle de l'histoire : poudré,
g a n t é , r a s é de frais, en habit de g r a n d e c é r é -
monie, l a figure impassible comme d a n s ces
vieux portraits qu'offrent les m u s é e s ; Yana,
au c o n t r a i r e , nous m o n t r e le p e r s o n n a g e en
r o b e de c h a m b r e et en pantoufles, c a u s a n t et
r i a n t au coin de son feu a v e c quelques fami-
liers; nous entrons dans son intimité, nous
fouillons tous les recoins de son cabinet, nous
o u v r o n s sans façon son secrétaire^ nous sai-
sissons sa moindre p e n s é e .
L e s ana offrent à la fois un i n t é r ê t anecdo--
tique et historique; p a r eux se complète la
physionomie d ' u n ' p e r s o n n a g e ; m a i n t détail,
qui e m b a r r a s s e r a i t la m a r c h e du récit, allon-
g e r a i t péniblement la biographie, t r o u v e là s a
place t o u t e naturelle.
Or si la vie privée d'un p e r s o n n a g e histo-
rique oifre quelque curiosité, c'est bien celle
de ce g r a v e e t s é v è r e l é g i s l a t e u c du P a r -
n a s s e , q u e nous ne nous r e p r é s e n t o n s j a m a i s
q u e le front plissé, l'air m a u s s a d e et u n e fé-
rule à la main, c e t t e s a n g l a n t e férule dont il
flagella les m a u v a i s -poëtes de son t e m p s ,
quelquefois m ê m e les bons. Nous c r o y o n s donc
taire plaisir à nos lecteurs en leur p r é s e n t a n t
Boileau sous cet a s p e c t intime qui a c h è v e r a
de le leur faire c o n n a î t r e .
Ceux qui c o n n u r e n t Boileau dans son en-
fance ne p r é v i r e n t point ce qu'il serait un
j o u r . Son p è r e m ê m e avait coutume de dire,
en le c o m p a r a n t à ses a u t r e s enfants : Pour
Colin, ce sera un bon garçon, qui ne dira du
mal de personne.
Il e u t un j o u r u n e dispute fort v i v e a v e c
u n de ses f r è r e s , qui était chanoine. Il en
a v a i t r e ç u u n démenti d'un ton assez d u r
| L e u r s amis communs v o u l u r e n t les réconci-
lier, et e x h o r t è r e n t D e s p r é a u x à p a r d o n n e r à
son frère : « De tout mon c œ u r , répondit-il
(
p a r c e q u e j e me suis possédé et q u e j e n e lui
ai dit a u c u n e sottise. S'il m'en était é c h a p p é
, une, j e ne lui p a r d o n n e r a i s de m a v i e . »
i Boileau, é t a n t allé t o u c h e r s a pension a u
:
T r é s o r r o y a l , r e m i t son ordonnance à un com-
| mis, qui, y lisant ces mots : ... La pension que
nous avons accordée à Boileau à cause de la
satisfaction que ses ouvrages nous ont donnée,
lui d e m a n d a d e quelle e s p è c e é t a i e n t s e s o u -
v r a g e s : De maçonnerie, r é p o n d i t - i l ; je suis
architecte;
Boileau demandait un j o u r à son ami C h a -
pelle ce qu'il pensait d e son style : Tu es un
bœuf qui fait bien son sillon, répliqua cet in- .
g é n i e u x a u t e u r .
Il fut u n temps où t o u t le m o n d e , à la
c o u r , disait gros pour grand : une grosse
chose, u n e grosse qualité, u n e grosse r é p u t a -
tion. L e roi a v o u a un soir chez Mme de Mon-
t e s p a n q u e cette expression nouvelle lui d é -
plaisait. D e s p r é a u x se t r o u v a n t là dit, en lin
courtisan, qu'en effet il était s u r p r e n a n t qu'on
voulût p a r t o u t m e t t r e gros pour grand, et q u e ,
p a r e x e m p l e , il y a v a i t bien d e la différence
e n t r e Louis le Grand et Louis le Gros.
Il a v a i t , dans u n e de ses s a t i r e s , a p p e l é le
t r a i t e u r M i g n o t un e m p o i s o n n e u r ; celui-ci
p o r t a ses plaintes a u m a g i s t r a t , qui le r e n -
v o y a en lui disant q u e l'injure dont-il se plai-
, g n a i t n'était qu'une plaisanterie, et qu'if d e -
vait en rire le premier. Mignot, peu c o n t e n t
de cette r é p o n s e , résolut de se faire j u s t i c e
lui-même. Il s'avisa, pour c e t effet, d'un e x -
pédient n o u v e a u . Mignot a v a i t la r é p u t a t i o n
de faire d'excellents biscuits, et tout P a r i s en "
envoyait quérir chez lui. Il s u t que l'abbé
Cottin a v a i t composé u n e satire contre D e s -
p r é a u x , leur ennemi c o m m u n ; m a i s , comme
v r a i s e m b l a b l e m e n t a u c u n libraire n ' a u r a i t
voulu se c h a r g e r de c e t t e s a t i r e , il la fit i m -
primer à ses d é p e n s ; et, quand on v e n a i t cher-
cher des biscuits, il les enveloppait d a n s la
feuille qui contenait la satire i m p r i m é e , afin
d e la r é p a n d r e p a r t o u t . L o r s q u e Boileau vou-
lait se réjouir a v e c ses amis, il e n v o y a i t cher-
c h e r des biscuits chez Mignot pour avoir la
satire de Cottin. P a r la suite Mignot, v o y a n t
que les v e r s de D e s p r é a u x , loin de le décrier,
n ' a v a i e n t servi qu'à le m e t t r e plus en v o g u e ,
c h a n t a les louanges du poëte, et lui a v o u a
plus d'une fois q u i l lui devait s a fortune.
Voici ce q u e Boileau disait de Quinault et
de l'Opéra : « Quinault est le plus g r a n d p a r -
leur d'amour qu'il y ait eu, mais il n'est point
a m o u r e u x . J e p a r d o n n e r a i s toutes leurs d é -
votions à l'Amour dans un sacrifice'qu'on s e -
rait forcé de faire à ce dieu sur le t h é â t r e ,
mais le c h œ u r de l'Opéra p r ê c h e toujours u n e
m o r a l e l u b r i q u e ; v o u s n'y e n t e n d e z a u t r e
c h o s e , sinon ;
Il faut aimer,
Il faut s'enflammer.
La sagesse
De la jeunesse,
O'est de savoir jouir de ses appas.
Ce n'est pns là l'esprit des c h œ u r s d e l ' a n t i -
quité, dans lesquels la s a g e s s e était toujours
p r ê c h é e , m a l g r é les t é n è b r e s du p a g a n i s m e .
C'est un s c a n d a l e public qu'il soit permis à
des chrétiens de prostituer leur voix pour per-
s u a d e r - a u x filles qu'il e s t h o n t e u x d e n e pas
s'abandonner d a n s le bel â g e . Ce n ' e s t point
là du tout le l a n g a g e de la passion, c'est celui
de la d é b a u c h e . » Que dirait d o n c Boileau en
e n t e n d a n t nos m o d e r n e s o p é r a s , et en v o y a n t
des féeries telles que la Biche au bois?
L e trait s u i v a n t de Boileau d e v r a i t ê t r e m é -
dité p a r nos a u t e u r s et nos j o u r n a l i s t e s , qui
sont loin de se m o n t r e r aussi d é s i n t é r e s s é s . Il
avait donné des conseils à T h . Corneille pour
l'opéra de Bellérophon, dont les v e r s étaient
impossibles à m e t t r e en musique. D ' a p r è s les -
conseils de Boileau, Corneille le refondit e n -
t i è r e m e n t . Lulli c r u t devoir t a n t de r e c o n n a i s -
sance à Boileau, qu'il vint lui a p p o r t e r s a p a r t
du bénéfice, qui était d e 300 l o u i s ; mais c e - -
lui-ci répondit : « M o n s i e u r , êtes-vous assez
neuf d a n s le m o n d e pour i g n o r e r que j e n'ai
j a m a i s rien pris de m e s o u v r a g e s ? Comment
'donc v o u l e z - v o u s que j e tire t r i b u t de ceux
d'autrui? » « L à - d e s s u s , continua Boileau, il
m'offrit pour moi et pour t o u t e ' m a postérité
u n e loge annuelle et perpétuelle à l ' O p é r a ;
m a i s , tout ce qu'il p u t obtenir, c'est q u e j e
v e r r a i s son opéra-pour mon a r g e n t . »
L e vieux d u c de L a Feuillade, a y a n t rencon
t r é D e s p r é a u x d a n s la galerie d e Versailles,
lui r é c i t a un sonnet de C h a r l e v a l a d r e s s é à
u n e d a m e ; Boileau lui dit qu'il n'y a v a i t rien
d'extraordinaire dans ce sonnet, qui é t a i t plu-
tôt mauvais que bon. L à - d e s s u s le m a r é c h a l ,
a y a n t a p e r ç u la dauphine qui p a s s a i t d a n s la
g a l e r i e , s'élança v e r s e l l e , et le lui récita.
• Voilà un beau sonnet, monsieur J e m a r é -
c h a l , » lui répondit c e l l e - c i , qui n e l'avait
S e u t - ê t r e p a s é c o u t é . Aussitôt le m a r é c h a l
e r e t o u r n e r v e r s D e s p r é a u x et de lui dire
d'un air m o q u e u r qu'il é t a i t bien délicat de ne
pas a p p r o u v e r un s o n n e t qui a v a i t été t r o u v é
bon p a r le roi et p a r la dauphine. * J e ne doute
point, répliqua Boileau, que le roi ne soit très-
e x p e r t à p r e n d r e des villes et g a g n e r des b a -
tailles ; m a i s , a v e c votre permission, j e crois
m e connaître en v e r s aussi bien que lui. » L a
F e u i l l a d e a c c o u r t aussitôt chez le r o i , et lui
dit : • S i r e , n ' a d m i r e z - v o u s pas l'insolence do
902 BOLCÈ
ËOLÔ
'BOLO
ÈOLO
Despréaux, qui dit se connaître en vers un
peu mieux que Votre Majesté? — Oh! pour
-jela, répondit le roi, Despréaux a mille fois
raison. « L'empereur Adrien s'était montré
moins raisonnable que Louis XIV, lui qui
avait fait mourir son architecte, coupable
d'en savoir plus que lui en fait de bâtiments.
Boileau soutenait la cause d'Homère devant
Harlay de Beaumont, le fils du premier pré-
sident. Il faisait surtout remarquer l'art que
possédait ce poëte de dire toujours ce qu'il
faut dire, et rien que ce qu'il faut dire. « Eh
quoi! est-ce donc une si grande merveille de
ne dire que ce qu'il faut dire? s'écria de Har-
lay. — Comment! répliqua Boileau, vous trou-
vez que ce n'est rien! c'est pourtant ce qui
manque à toutes vos harangues du parle-
ment. »
Molière était fort ami du célèbre avocat
Fourcroi, homme très-redoutable par la ca-
pacité et la grande étendue de ses poumons.
Us eurent une dispute à table en présence de
Boileau. Molière se tourna du côté du satiri-
que, et lui dit : « Qu'est-ce que la raison avec
un filet de voix, contre une gueule comme
celle-là?»
Boileau, qui avait l'indignation facile, comme
un vrai poëte satirique, — facit indignatio ver-
swm, — ne pouvait souffrir Lulli, intrigant in-
fatigable , comme la plupart de ceux de ses
compatriotes qui vont cherchant fortune en
pays étranger; il avait fait contre lui ces vers :
En vain par sa grimace un bouffon odieux
A table nous fait rire et divertit nos yeux;
Ses bons mots ont besoin de iarine et de plâtre.
Prenez-le tôte a tête, ôtez-lui son théâtre,
Ce n'est plus qu'un cœur bas, un coquin ténébreux ;
Son visage essuyé n'a plus rien que d'affreux.
Molière, au contraire, qui voyait en lui un
comédien de première force, aimait à le faire
poser devant lui, et il lui disait assez souvent •
« Baptiste, fais-nous donc rire. »
Ce même Lulli sollicitait une charge de se-
crétaire du roi ; Louvois lui dit un jour : « Nous
voilà bien honorés, nous voilà menacés d'a-
voir pour confrère un maître baladin. » Lulli
répondit au ministre : « S'il fallait, pour plaire
au roi, faire pis que moi, vous seriez bientôt
mon camarade. » Le musicien n'avait que trop
raison ; pour gagner les bonnes grâces de
Louis XIV, Louvois ne se fit pas baladin,
mais persécuteur féroce.
Barbin, le libraire, avait une magnifique
maison de campagne à Ivry; car, de tout
temps, les libraires ont été plus riches que les
auteurs. Cette maison n'avait qu'un défaut :
elle n'avait ni cour ni jardin. Un jour que
Boileau y avait dîné, aussitôt après le repas,
ilfit mettre ses chevaux au carrosse : « Mais
où allez-vous donc si vite? lui demanda Bar-
bin. — Je m'en vais respirer l'air à Paris, »
répondit le poëte.
Un laquais de Despréaux, revenant de chez
Boisrobert, lui apprit que sa goutte avait
redoublé . a II jure donc bien? dit Despréaux.
— Hélas! monsieur, répondit le laquais, il n'a
plus que cette consolation-là. »
On a souvent parlé de la rude franchise de
Boileau, et de la 6onscience littéraire dont il
se piquait. En voici un trait assez frappant:
Le marquis de Saint-Aulaire, désirant être
de l'Académie, pria le premier président de
Lamoignon de le recommander auprès de Boi-
leau, et de lui demander sa voix. Dès que le
poëte satirique eut parcouru le volume de pe-
tits vers galants qui formait tout le bagage
littéraire du candidat, il le jeta au loin.
« Voilà un plaisant titre pour entrer à l'Aca-
démie, s'écria-t-il ; je dirai tout net à M. de
Lamoignon que je n'ai point de voix à donner
à un homme qui fait d'aussi méchants vers à
soixante ans, et des vers qui renferment une
morale impudique, » Le jour de l'élection, il
alla exprès à l'Académie pour donner sa boule
noire. Quelques-uns lui ayant remontré que le
marquis était un.homme de qualité qui méri-
tait des égards : « Je ne lui conteste pas ses
titres' de noblesse, mais ses titre3 au Par-
nasse, et je le soutiens, non-seulement mau-
vais poëte, mais poëte de mauvaises mœurs.
— Mais, objecta l'abbé Abeille, ce sont de
petits vers comme ceux d'Anacréon. — Comme
ceux d'Anacréon ! s'écria le satirique ; les
avez-vous lus, vous qui en parlez? Savez-
vous bien qu'Horace se croyait un tout petit
compagnon auprès d'Anacréon? Eh bien!
monsieur, si vous estimez tant les vers de
votre marquis, vous me ferez grand honneur
de mépriser les miens. »
Boileau était fort ami du P. Ferrier, jésuite
et confesseur du roi. Un jour, il va le voir,
trouve nombreuse réunion chez lui, et quand
le jésuite lui a demandé ce qui l'amène, il lui
répond : a Je viens vous montrer un spectacle
assez nouveau pour vous; c'est un homme
qui ne vous demande rien. »
Boileau était satirique, mais non malin
comme Racine. Un jour, ce dernier se mo-
quait de Boileau, à qui il était échappé une
bévue; celui-ci répondit : a Je conviens que
j'ai tort; mais j'aime encore mieux l'avoir
que d'avoir raison aussi orgueilleusement que
vous. »
L'opinion de Boileau sur Louis XIV est pré-
cieuse à noter : « C'est un prince, disait-il,
qui ne parle jamais sans avoir pensé; il con-
struit admirablement tout ce qu'il dit; ses
moindres reparties sentent le souverain ; mais
quand il est dans son domestique, il semble
recevoir la loi plutôt que la donner. »
Malgré son opiniâtreté, Boneau savaft cé-
der quand il le fallait. Voyant un jour la co-
lère monter à la tôte du prince de Condé, qui
voulait toujours avoir raison, même quand il
avait tort, il cessa tout à coup la discussion
et se retira prudemment en disant à Gour-
ville : « Je serai toujours de l'avis de M. le
Prince, même quand il aura tort. « Cette ré-
ponse rappelle un peu celle de ce philosophe
qui, discutant avec un empereur romain, aban-
donna son sentiment pour prendre celui de
son interlocuteur ; et comme on lui faisait
honte de sa faiblesse, il répondit : « Un homme
qui a trente légions à m'opposer est toujours
sûr d'avoir raison" »
Dsspréaux eut une enfance pénible et ma-
ladive ; plus tard, il eut à souffrir de la jalou-
sie de son frère, et c'est à ce propos que Li-
nières fit l'épigramme suivante : '
Veut-on savoir pour quelle affaire,
Boileau, le rentier aujourd'hui,
En veut a Despréaux son frère?
Qu'est-ce que Despréaux a fait pour lui dépiaira?
Il a fait les vers mieux que lui.
La faveur dont Louis XIV entoura toujours
Boileau lui fit compter des amis parmi les
premiers seigneurs de la cour; il disait à ce
propos que l'archevêque de Reims l'avait une
fois de plus estimé depuis qu'il le savait ri-
che, et l'évêque de Noyon depuis qu'il le sa-
vait gentilhomme.
Boileau mourut en vrai poëte satirique, et
ses dernières paroles furent des imprécations
contre les mauvais auteurs. Depuis quelque
temps, il se voyait dépérir. En vain ses amis
essayaient de lui donner du courage ; il secouait
la tôte, en répétant ce vers de Malherbe :
Je suis vaincu du temps, je cède à son outrage.
Le Verrier s'avisa d'aller lui lire une nou-
velle'tragédie, lorsqu'il était dans son lit,
n'attendant plus que l'heure de la mort. A
peine en eùt-il écouté deux scènes, qu'il s'é-
cria : a Quoi, monsieur, cherchez-vous à nie
hâter l'heure fatale? Voilà un auteur devant
qui les Boyer et les Pradon sont de vrais so-
leils. Hélas! j'ai moins de regret à quitter la
vie, puisque notre siècle enchérit chaque jour
sur les sottises. «
BOLOGNA,
BOLOGNA, nom d'un assez grand nombre
d'artistes et de littérateurs italiens. Parmi les
artistes, nous nommerons seulement Franco da
BOLMEN,
BOLMEN, lac de S u è d e , d a n s le S m a l a n d ,
préfectures de J o n k ô p i n g et de V e x i o ; 34 kil.
de longueur sur 12 kilom. de l a r g e u r . Au milieu
de ce lac, qui v e r s e ses e a u x dans le K a t t é g a t .
par la petite rivière de L a g a , se t r o u v e n t 1 île
de Bolmso et un vieux c h â t e a u , ancienne r é -
sidence des g o u v e r n e u r s du S m a l a n d .
BOLOGNA,
BOLOGNA, cité par Dante dans le XI
e
chant
de son Purgatoire, et qui peut être regardé
comme le fondateur de l'école bolonaise. Une
Vierge assise sur un trône et portant la date
de 1313, e^t le morceau le plus authentique
que l'on connaisse de ce peintre. — Parmi les
littérateurs, nous signalerons : Antoine BOLO-
GNA , de Naples, auteur de cinq livres d'é-
pîtres, de harangues et de poésies latines.
Alphonse I
e r
d'Aragon l'envoya à Venise en
1449, pour obtenir de la ville de Padoue un
bras de Tite-Live, et il réussit dans cette mis-
sion, qui prouve combien Alphonsclo" admi-
rait le grand historien latin. — Jean-Baptiste
BOLOGNA,
BOLOGNA, né à Milan, qui fut successivement
avocat, notaire, intendant des domaines de
Manriche et gouverneur des prisons en 1607. Il
mena une vie déréglée et finit par être arrêté
pour une tentative de parricide. J.-B. Bolo-
gna publia des vers latms sous ce titre : Co-
rona poetarum, Jocus poeticus, etc. (Milan,
1616).
BOLOGNE
BOLOGNE (lîononia), ville forte du royaume
d'Italie, ch.-l. de la délégation de son nom, à
74 kilom. N. de Florence, à 300 kilom. N.-O.
de Rome, sur un canal qui joint le Reno à
l'E., et la Savena à l'O. ; 75,000 hab. Arche-
vêché, tribunaux d'appel de l
r c
instance et
de commerce; université très-célèbre et très-
ancienne, fondée par Théodose en 425 et re-
levée par Charlemagne; institut, observatoire
très-riche en instruments, bibliothèque de
300,000 volumes et manuscrits précieux. Nom-
breuses filatures de soie, fabriques renom-
mées de gazes, étoffes de soie, satin, velours,
toile, papier, parfumerie, orfèvrerie ; com-
merce considérable de chanvre et de cor-
dages; mortadelle très-renommée.
Cette ville, célèbre dans les arts et dans les
sciences, se glorifie d'avoir donné naissance
à huit pontifes et à une foule d'hommes il-
lustres, parmi lesquels ': Grégoire XIII, Gré-
goire XIV, Benoît XIV, François Francia, les
trois Carraches, le Dominumin, le Guide, l'Al-
bane, le Guerchin, Galvani, etc.
Bologne, située au milieu de plaines agréa-
bles et fertiles, est une ville très-ancienne,
autrefois connue sous le nom de Felsina; Tite-
Live et Pline la citent souvent comme la ca-
pitale des Etrusques ; elle fut occupée par la
tribu gauloise des Boïens, d'où lui vint son nom
de Bononia. Pendant les guerres puniques,
elle se déclara en faveur d'Annibal contre les
Romains, qui, en 190 av. J.-C, s'emparèrent
de cette vule et y envoyèrent une colonie.
A la chute de l'empire romain, elle eut beau-
coup à souffrir de l'invasion des barbares.
Elle fit successivement partie du royaume
d'Odoacre, de celui des Ostrogoths, de celui
des Lombards. Charlemagne l'enleva aux
Lombards, et elle fut longtemps soumise aux
empereurs. Sous les princes de la maison de
Franconie, elle se constitua en république et
devint assez puissante pour lutter avec suc-
cès contre les Vénitiens, les princes de l'Italie
et l'empereur Frédéric II lui-même ; mais, dès
le xnifc siècle, les discordes intestines qui dé-
chirèrent la république bolonaise, et qui
se prolongèrent pendant plus de deux cents
ans, lui firent perdre ses possessions et sa
liberté. En 1506, les Bentivoglio ayant été
chassés de Bologne par le pape Jules II, cette
ville et son territoire se soumirent volontaire-
ment au saint-siége, auquel elle est restée sou-
mise jusqu'au grand mouvementitalien de 1860.
Bologne, entourée de murailles construites
en simples briques et percées de douze portes,
serait une belle ville si ses rues, ornées de
portiques, étaient plus régulières et plus spa-
cieuses. Malgré cela, la vieille cité étrusque,
dans le dédale de ses rues tortueuses, ren-
ferme plusieurs palais remarquables, de belles
églises et un grand nombre d'autres monu-
ments dignes d attention. En voici la descrip-
tion :
La CATHÉDRALE, consacrée à saint Pierre,
s'élève à peu près au centre de la ville ; elle
a été plusieurs fois rebâtie. La façade et deux
des chapelles ont été construites au xvme siè-
cle, sur les dessins d'Alf. Torreggiani. L'in-
térieur est en style corinthien. Parmi les
peintures qui décorent cet édifice, nous cite-
rons : Saint Pierre consacrant évêque saint
Apollinaire, et le Baptême de Jésus-Christ,
par le Bolonais Ercole Graziani; la Vierge et
. l'Enfant Jésus avec saint Ignace et des anges,
tableau estimé de Donato Creti; une Annon-
ciation, fresque de la coupole de l'abside, der-
j nier ouvrage de Louis Carrache ; Saint Pê-
1
tronc et saint Pancrace, autre fresque exécu-
tée par Franceschini, à l'âge de quatre-vingts
ans, etc. La crypte ou confession renferme un
Christ mort pleuré par les trois Marie, travail
du sculpteur ferrarais Alfonso Lombardo.
L'église de SAINT-PÉTRONE, la plus belle
et la plus vaste des églises de Bologne,
fut commencée en 1390 par l'architecte An-
tonio Vincenzi ou di Vincenzo, qui fut un des
seize riformatorî, et qui fut envoyé comme
ambassadeur de Bologne à Venise en 1396.
Ce monument, bâti aux frais de la commune,
devait surpasser en ampleur toutes les autres
constructions religieuses élevées en Italie. II.
devait avoir, selon le plan primitif, 231 m.
environ de longueur, et 1G0 m. de largeur au
transsept; la coupole centrale octogone aurait
eu 32 m. de diamètre, 95 m. de nauteur, et
aveé la lanterne 152. Cinquante-quatre cha-
pelles devaient entourer 1 édifice, qui aurait
été surmonté de quatre tours. Ce plan gigan-
tesque ne fut exécuté que jusqu à la façade
orientale de la nef. Les travaux furent com-
plètement suspendus à partir de 1659. Us ont
été repris en 1853. Dans l'état actuel, l'église
de Samt-Pétronc a environ 133 m. de lon-
gueur et 56 m. de largeur, y compris les cha-
pelles; la grande nef a 40 m. 30 de hauteur.
Le style de l'édifice est le gothique italien
dans toute sa magnificence. La façade n'est
pas achevée ; les trois portes sont ornées de
sculptures très-remarquables, représentant
des figures de prophètes et de sibylles et des
scènes bibliques. La porte centrale, œuvre
capitale de Jacopo délia Quercia (1425), qui
n'y consacra pas moins de douze ans, avait
été surmontée d'une statue colossale en bronze
de Jules II, modelée par Michel-Ange ; le
pontife avait voulu être représenté tenant une
épée dans la main gauche, et faisant de la
main droite un geste de réprimande à l'a-
dresse des Bolonais. Ceux-ci brisèrent la sta-
tue en 1511, à l'arrivée des Bentivoglio et des
Français, et le duc, de Ferrare en fit une pièce
de canon, qui fut baptisée la Julienne. Les
sculptures des portes latérales sont dues à
Nicolo Tribolo, qui fut aidé dans ce travail
par plusieurs artistes de talent. La Résurrec-
tion, par Lombardo, au-dessus de la porte à
gauche, est admirable de noblesse et de sim-
plicité. Dans l'intérieur de l'église, on remar-
que : une Assomption, très-beau bas-relief par
Tribolo ; Saint François et Saint Antoine, sta-
tues du maître-autel par Campagna; les vi-
traux de la chapelle de Saint-Antoine, exécu-
tés d'après les dessins de Michel-Ange; les
grisailles de cette même chapelle, par Giro-
lamo de Trévise ; la tribune du chœur, com-
mencée vers 1554 par Annibal Nanni; uno
Madone entourée de saints, Saint Jérôme,
l'Annonciation, et quelques autres tableaux
de Lorenzo Costa; Sainte Barbe décapitée par
son père, ouvrage de la jeunesse d'Al. Tiarini ;
Dieu le Père avec des anges et un Christ en
croix, par Francia; Saint Michel, par Cal-
vaert ; Saint Bock, par le Parmesan, etc., etc.
Dans la chapelle où se trouve ce ""dernier ou-
vrage, on voit la méridienne substituée par
Cassini à celle du P. Ignace Danti, et rendue
encore plus précise en 1778, par Zanotti. Les
salles dites de la Beverenda fabbrica contien-
nent quelques œuvres d'art intéressantes, en-
tre autres un bas-relief représentant la Chas-
teté de Joseph, par Properzia de' Rossi, la
Sapho bolonaise, qui mourut de désespoir de
ne pas être aimée par un jeune homme dont
elle s'était éprise. On montre dans ces mêmes
salles seize dessins originaux des plans pro-
posés par les plus célèbres architectes pour
l'achèvement de la façade de l'église ; quatre
de ces dessins sont attribués à Palladio ; les
autres sont de Vignole, de Jacopo Ranuccio,
de Domenico Tibafdi, de B. Peruzzi, de Jules
Romain, de Christophe Lombardo, de Rai-
naldi, de Varignano, d'Andréa da Formigine,
d'Alberto Alberti et de Francesco Terribilia.
L'église de SAINT-DOMINIQUE , située sur la
place du même nom, renferme le tombeau de
l'illustre fondateur des dominicains, qui vécut
et mourut dans le couvent attenant à l'édifice.
Ce tombeau est un des monuments les plus
récieux de l'art : il est orné de nombrem
as-reliefs sculptés par Nicolas de Pise (i23i);
les sujets sont tirés de là vie du saint (v. DO-
MINIQUE). Les bas-reliefs de la base ont été
exécutés, en 1532, par Alfonso Lombardo, et
on regarde comme des ouvrages de la jeu-
nesse de Michel-Ange une statuette de saint
Pétrone et un ange à genoux, qui font partie
de la décoration du tombeau. L'architecture
de la chapelle où s'élève ce monument funé-
raire est attribuée à Fr. Terribilia. La fresque
de la coupole est une des plus belles qu ait
peintes le Guide : elle représente Saint Do-
minique reçu dans la gloire du paradis. On
voit dans là môme chapelle : Saint Dominique
brûlant les livres des hérétiques, par Leonello
Spada; YEijifant ressuscité, chef-d'œuvre de
Tiarini ; la Tempête, le Cavalier renversé, par
Mastellata. Parmi les peintures des autres
chapelles, on remarque : une Madone, de
Lippo Dalmasio; un portrait de saint Thomas
d'Aquin, par Simone de Bologne; Saint Ray-
mond traversant la mer sur son manteau, la
Visitation et la Flagellation, par Louis Car-
rache ; la Présentation au temple, par Cal-
vaert; l'Assomption, par le Guide, etc. C'est
dans la magnifique chapelle du Rosaire, où se
trouvent ces quatre derniers ouvrages, que
reposent" le Guide et son élève bien-aimée,
Elisabeth Sirani, morte empoisonnée h l'àgo
de vingt-six ans. D'autres beaux tombeaux
se voient dans l'église, et il y en a aussi plu-
sieurs dans le cloître, que décorent d an-
ciennes peintures murales attribuées à Lippo
Dalmasio.
L'église de SAINT-JACQUES-MAJEUR ( San
Giacomo Maggiore) a été fondée en 1267; sa
voûte, d'une hardiesse étonnante, est de 1497.
Cette église possède quelques belles pein-
tures : le Mariage de sainte Catherine, par
Tnnocenzio da fmola; le Couronnement de la
Vierge, par Jacopo Avanzi ; Saint Bock at-
teint par la peste, par Louis Carrache ; le
Triomphe de la Vie et le Triomphe de la Mort,
par Lorenzo Costa; Saint Michel archange,
par Calvaert; une admirable Madone, par
Francia, etc.
Bologne renferme un grand nombre d'autres
églises remarquables. Nous nous bornerons à
signaler les principales œuvres d'art qui les
décorent. Eglise Saint-Paul, bâtie en 1611
et restaurée en 1S19 : le Paradis, une des
f
iages les plus estimées de Louis Carrache;
e Purgatoire, par le Guerchin; la Nativité,
Y Adoration des mages, le Baptême de Jésus-
Christ, par Cavedone; Saint Paul décapité
par le bourreau, groupe vanté, par l'Algarde.
— Saint-Martin-Majeur, édifice de la fin du
XIIIC siècle, restauré en 1836 : l'Adoration des
mages, par Girolamo da Carpi; une belle As-
somption , du Pérugin ; Saint Jérôme, par
Louis Carrache; Madone entourée de saints,
par Francia; autres peintures de B. Passa-
; rotti, Mauro Tesi, Gir. Sori, etc.; dans le
| cloître, plusieurs tombeaux, parmi lesquels
j celui des deux frères Salicetti, par Andréa
| de Fiesole (1403). — Eglise des Mendiants
( / Mendicanti) : plusieurs des tableaux qui
l'ornaient ont été transportés dans la pinacothè-
i que ; on y voit encore des ouvrages de B. Pas-
' sarotti, Al. Tiarini, Cavedone, Lavinia Fon-
I tana. — Eglise de la Madone del Baraccano :
! statue de la Vierge, par Alf. Lombardo, dans
la niche du portique; sculptures du maître-
:
autel, par Properzia de' Rossi. — Eglise de la
; Madone di San Colombano : fresques par Louis
, Carrache et ses élèves. — Eglise de la Ma-
! done di Galliera : fresques de la voûte de la
| chapelle du Crucifix, par A.-M. Colonna ;
' Saint Antoine de Padoue, par Gir. Donni;
I l'Incrédulité de saint Thomas, par Teresa Mu-
ratori Moneta; l'Immaculée Conception, par
Elisabeth Sirani; le Christ mort montré au
peuple, par Louis Carrache; l'Enfant Jésus
montrant au Père étemel les instruments de
la passion, par l'Albane, etc. — Sainte-Marie-
Ma^eure : aiverses peintures de Tiarini. —
• Saint-Barthélémy di îieno, édifice du xvme siè-
cle : la Nativité, ouvrage de la jeunesse d'Au-
gustin Carrache; la Circoncision et l'Adora-
tion des rois, par Louis Carrache ; statue de
Saint Barthélémy, par Alfonso Lombardo. —
Saint-Benoît : la Madone sur un trône entourée
de saints, par L. Massari; le Crucifiement, par
Andréa Sirani; autres peintures de Tiarini,
Cavedone, Gabriele dagli Occhiali. — Sainte-
Christine : l'Ascension, tableau du maître-
autel, par Louis Carrache; une Madone, par
Fr. Salviati. — Sainte-Marie dei Servi, église
construite au xiv« siècle par Fra Andréa Man-
fredi, général des servîtes : beau portique de
marbre; le Paradis, par Calvaert; les Dix
mille crucifiés, par Elisabeth Sirani ; un Ecce-
homo, par Barbara Sirani; Noli me tangere et
Saint André, par l'Albane; autres peintures
du Guide, de Tiarini, Innocenzio da Imqla,
Ercole Graziani, Franceschini, etc. ; statues
d'Adam et de Moïse, par Agnolo da Montor-
solo. — Saint-Sauveur : la Nativité, par Tia-
rini ; Saint Jean aux genoux de Zacharic, par
le Garofolo; autres peintures de Cavedone,
C. Bonone, Jacopo Coppi, G. da Carpi,
Gessi, etc. — Saint-Matmas : une Annoncia-
tion, par le Tintoret; l'Apparition de la Vierge
à saint Hyacinthe, par le Guide. — Saint-
Jean in Mo)ite, église fondée en 433 par saint
Pétronius, rebâtie en 1221, restaurée en 1824 :
la Vierge sur un trône, bel ouvrage de Lorenzo
Costa ; Saint François adorant le Crucifix,
par le Guerchin ; une Madone, par Lippo Dal-
masio, etc. — Saint-Etienne, église des plus
curieuses, formée de la réunion de sept cha-
BOLO
BOLO
BOLO BOLO 903
pelles : vieilles madones, nombreux ex-voto;
peintures murales de l'époque bysantine ; un
Crucifiement, par Simone de Bologne (xive siè-
cle). — Sainte-Marie délia Vita : portrait de
Louis XIV, par Petitot, légué à l'église par
le chanoine Malvasia, auteur de la Felsina
pittrice, et qui l'avait reçu en présent du grand
roi lui-même ; tableau de Milani, représentant -
Saint Jérôme et un .bienheureux du nom de
Buonaparte Ghisilieri, dont on vénère les re-
liques dans une brillante chapelle ; dans son
oratoire, les Funérailles de la Vierge, beaux
bas-reliefs par Alfonso Lombardo. — Saint-
Vital-et-Saint-Agricol : la Fuite en Egypte,
par Tiarini; la Nativité, attribuée à Pérugin ;
la Visitation, par Bagnacavallo ; des Anges,
par Francia. — Citons enfin les églises de
Sainte-Marie-Madeleine, de la Mascarella, de
la Madone dei Soccorso, de Sainte-Marie In-
coronata, de Sairit-Donat, de Saint-Léonard,
de la Charité, de Saint-Roch, de Saint-Gré-
goire, de Saint-Georges, de Saint-Nicolas-et-
Saint-Eélix, du Corpus-Domini,des Célestins,
de Saint-Procul, de la Trinité, de la Présen-
tation, de Saint-Michel de' Leprosetti, de
Saint-Barthélémy di porta Ravegnana, de
Sainte-Lucie, où l'on voit des peintures des
Carraches, des Procaecini, de Tiarini, de La-
vinia Fontana, de Crespi, de Calvaert, de
Carlo Cignani, de Canturini, de Sammacchini,
de Gessi, du Guerchin, de Jennari, de Ram-
boldi,'de Lucio Massari, de Franceschini, de
Galanino, etc.
Le PALAIS PUBLIC OU DU GOUVERNEMENT,
construit au xine siècle, a subi plusieurs res-
taurations. Le grand escalier est un ouvrage
du célèbre Bramante. La tour de l'horloge est
du xve siècle. Au-dessus de la porte d'entrée
est une belle statue assise de Grégoire XIII,
par Al. Minganti, dont on a fait une image de
saint Pétrone, en 1796. A l'intérieur, dans la
salle dite d'Hercule, est une statue colossale
du dieu, par Al. Lombardo. La galerie Far-
nèse, récemment restaurée, a son plafond
peint par Cignani, Scaramuccia, Pasinelli et
le vieux Bibbiena.
Le PALAIS DU PODESTAT, a été bâti au com-
mencement du xin
e
siècle. La façade est de
Bart. Fioravanti (1485). Ce fut dans ce palais
que mourut en captivité le roi Enzius, fils de
Frédéric II (1272). La tour dite TorrazzodelV
Aringo, construite afin de surveiller Enzius,
est d'une architecture hardie. -
Les nombreux palais particuliers de Bo-
logne étaient jadis renommés pour les ri-
chesses artistiques qu'ils renfermaient ; mais
la plupart de ces richesses ont été dispersées
et vendues à l'étranger. Il ne reste plus guère
à voir que les édifices eux-mêmes, dont les
\plus remarquables sont : le palais Bevilacqua,
dont l'architecture est attribuée au Braman-
tino; le palais Aldrovandî, reconstruit en 1748;
le palais Fava, qui possède encore de belles
fresques par les trois Carraches, par l'Albane,
Massari et Cesij le palais Magnani, construit
par Tibaldi et ou l'on voit aussi des fresques
des Carraches; le palais Piella, auparavant
palais Bocchi, bâti par Vignole; le palais
Sampieri, qui a des peintures murales dues
11
aux Carraches et au Guerchin; le palais Al-
bergati, dont l'architecture est de Bal. Pe- •
ruzzi; le palais Zambeccari, où l'on voit en-
core quelques chefs-d'œuvre des Carraches,
du Guerchin, du Caravage, du Dominiquin,
du Baroche, du Titien, de Salvator Rosa, de
Jules Romain ; le palais Marescalchi, dont le
vestibule est de Brizzio, où Se trouvait en-
core, il y a une cinquantaine d'années, une
des plus riches galeries de l'Italie.
Au nombre des édifices les plus curieux de
Bologne sont les deux' célèbres tours pen-
chées : la Torre Asinelli et la Torre Garisenda,
construites au commencement du xne siècle
(V. ASINELLI). Il faut citer encore : le por-
tique de' Banchi, qui fait face au Palais public
et qui a été construit par Vignole en 1562 ; —
la fontaine publique, dessinée par Lauretti et
ornée d'une superbe figure de Neptune, par
Jean de Bologne ; — la maison Rossini, con-
struite pour le célèbre maestro, en 1825, mais
qui, depuis longtemps déjà, a changé de pro-
priétaire; — le théâtre communal, bâti en 1856
par Bibbiena;— le théâtre Contavalli, con-
struit en 1814 sur l'emplacement d'un ancien
couvent des carmes ; -^ les Ecoles pieuses
(Scuole pie), dont le bâtiment, élevé parTer-
ribilia, était autrefois le siège de l'université ;
— le collège d'Espagne, construit en 1364 et
orné de fresques de Bagnacavallo ; — le palais
actuel de l'Université (autrefois palais Poggi),
bâti par Pellegrino Tibaldi, et qui renferme :
un musée d'antiquités grecques, romaines et
étrusques, et d'objets d'art du moyen âge et
de la Renaissance ; des collections scientifi-
ques et une riche bibliothèque (150,000 vol.
et 6,000 manuscrits).
L'Académie des beaux-arts occupe des bâ-
timents d'un extérieur très-modeste, qui ap-
partenaient autrefois aux jésuites. Ces bâti-
ments renferment plusieurs collections impor-
tantes, dont la principale est la Pinacothèque
ou galerie de taoleaux, une des plus célèbres
de l'Italie. Le nombre des tableaux ne dépasse
pas quatre cents, mais la plupart sont des
œuvres de premier ordre. Nous nous borne-
rons à indiquer les principaux, en rangeant
les auteurs par ordre alphabétique : Albane :
Baptême du Christ, Madone entourée de saints:
— Aspertini : Adoration des mages; — Bar-
Mtri (le Guerchin) : Saint Pierre martyr, Saint
Bruno dans te désert, Saint Guillaume, duc
d'Aquitaine, prenant l'habit religieux, — Bu-
giardini : Madone entourée de saints;—De-
nis Calvaert : la Flagellation, Apparition du
Christ à la Madone; — Cantarini : Assomp-
tion; — Annibal Carrache : Assomption et
deux Madones glorieuses; — Augustin Car-
rache : Assomption et la célèbre Communion
de saint Jérôme, qui a figuré au Louvre sous
le premier empire; —Louis Carrache : une
dizaine de tableaux, parmi lesquels la Nati-
vité de saint Jean-Baptiste, la Vocation de
saint Mathieu et la Transfiguration; — Cave-
done : Vierge glorieuse; — Lorehzo Costa :
Saint Pétrone; — Francia: YAnnonciation,
trois Madones, etc.; — Gessi : Saint François
recevant les stigmates, Saint Bonaventure res-
suscitant un enfant ; — Gherardo, de Florence :
le Mariage de sainte Catherine;—Massari:
Déposition du Christ; — Mazzola (le Parme-
san) : Madone entourée de saints; — Guido
Reni (le Guide) : dix tableaux, parmi lesquels
le Massacre des innocents, une Vierge glo-
rieuse, la Madonna délia Pietà, composition
admirable qui a été au Louvre : — Raphaël
Sanzio : Sainte Cécile, la perle du musée; —
Elisabeth Sirani ; Saint Antoine de Padoue
adorant l'Enfant Jésus ; -r- Al. Tiarini : Ma-
riage mystique de sainte Catherine, Déposition
du Christ, Sainte Catherine de Sienne en ex-
tase: — Tintoret : la Visitation; — Vanucci
(le Pérugin) : Vierge glorieuse, tableau cé-
lèbre qui a été à Paris; — Vasari : la Cène
de saint Grégoire; — Timoteo délie Vite ; Ma-
deleine dans le désert;— Zampieri (le Domi-
niquin) : Martyre de sainte Agnès (a été à Pa-
ris), la Vierge au rosaire (a été à Paris), le
Martyre de saint Pierre de Vérone (a été à
Paris).
BOLOGNE
BOLOGNE (ACADÉMIE DE), institut scienti-
fique, fondé en 1690 par l'astronome Eusta-
chio Manfredi, l'un des seize associés primi-
tifs , qui appelaient leur collège Accademia
degli ïnquieti, et qui avaient pris pour devise
cet antique aphorisme : Mens agitât molem.
En 1714, cette Académie fut incorporée à l'u-
niversité ou institut de Bologne, et depuis
cette époque, elle a conservé le nom d'Aca-
démie de l'Institut, ou pris celui d'Académie
Clémentine (du pape Clément XI). Ses mé-
moires ont été publiés depuis 1831, sous le
titre de Commentarii.
BOLOGNEBOLOGNE (LÉGATION DE), anc. prov. ad-
ministrative des Etats de l'Eglise, comprise
actuellement dans le roy. d'Italie; ch.-l. Bo-
logne; superficie, 335,830 hectares; 332,500 hab.
La partie septentrionale présente de vastes
Î
ilaines fertiles, qui font suite à celles de
a Lombardie, tandis qu'au S. et à l'O. les ra-
mifications de l'Apennin accidentent un sol
très-productif et arrosé par une multitude de
rivières, dont les principales sont : le Reno,
le Panaro, la Savena, etc. Parmi les nom-
breuses productions du Bolonais ou légation
de Bologne, il convient de citer les céréales,
les fruits, le safran, le riz, la soie, le chanvre
et l'huile. Sous Napoléon I
e r
, cette contrée
forma le département du Reno et une partie
de celui du Panaro.
BOLOGNE
BOLOGNE (Jean DE), célèbre sculpteur fla-
mand, naquit à Douai en 1524. Destiné par sa
famille à exercer la profession de notaire,
mais entraîné par une vocation irrésistible
vers l'étude de l'art, il reçut les premières le--
.çons de son compatriote Jacques Beuch, sta-
tuaire et ingénieur. Il se fendit ensuite à
Rome, où il se perfectionna en copiant les
chefs-d'œuvre des maîtres. Michel-Ange
était alors parvenu au faîte de la gloire. Les
biographes ne disent pas si le jeune sculpteur
flamand travailla sous la direction de cet il-
lustre artiste, mais nous savons qu'il reçut
de lui des conseils. Dans sa vieillesse, il ai-
mait à raconter qu'ayant un jour modelé une
figure de sa composition, il la montra à Mi-
chel-Ange, qui, après l'avoir examinée et en
avoir changé complètement l'attitude, la lui
rendit en lui disant : « Apprends d'abord à
ébaucher, avant de finir (Or va' prima ad im-
parare à bozzare; e poi à finire). » Après deux
ans de séjour à Rome, Jean reprit le chemin
de son pays ; mais, en passant à Florence, il
fit la connaissance d'un gentilhomme nommé
Bernardo Vecchietti, qui l'engagea à rester
quelque temps dans cette ville pour y étudier
les magnifiques ouvrages exécutés par Mi-
chel-Ange pour les Médicis, et qui lui proposa
de lui donner un logement dans son palais et
de subvenir à tous ses besoins. Ces offres gé-
néreuses furent acceptées et décidèrent de
l'avenir du jeune artiste. Il se fixa pour tou-
jours à Florence et se mit à l'étude avec une
nouvelle ardeur. Ses progrès rapides excitè-
rent la jalousie de ses rivaux. Ceux-ci disaient
qu'il était sans doute fort habile à modeler
une figure en cire ou en terre, mais incapable
de l'exécuter en marbre. Jean, ayant eu con-
naissance de ce propos, obtint de la libéralité
de Vecchietti un bloc de marbre, d'où il tira
une Vénus d'une beauté surprenante , qui fut
achetée par François de Médicis, fils de Côme.
Peu de temps après, un concours ayant été
ouvert pour un projet de décoration de la fon-
taine de la place du Palais-Vieux, il ne crai-
gnit pas d'y prendre part, bien qu'il eût pour
concurrents les plus célèbres sculpteurs de
l'époque, entre autres l'Ammanati, Benvenuto
Cellini, Vincenzio Dànti. Son modèle fut jugé
le meilleur, mais la faveur de Côme 1er fit
adopter celui de l'Ammanati. En 1558, Jean
fut chargé de sculpter les armes ducales au-
dessus de la porte de la salle du Conseil, dans
le Palais-Vieux, et il s'acquitta de cette tâche
de façon à mériter les éloges de Vasari, qui
avait dirigé la construction de la salle. A par-
tir de cette époque, il fut attaché, comme
sculpteur, à la cour des Médicis, et ne cessa
de jouir jusqu'à sa mort d'une grande renom-
mée. Parmi les nombreux chefs-d'œuvre qu'il
exécuta à Florence, nous citerons les sui-
vants : Samson vainqueur des Philistins, groupe
qui, après avoir servi d'ornement à une fon-
taine du jardin dei Simplici, fut envoyé en
présent par Ferdinand de Médicis au duc de
Leona; en Espagne; deux Enfants occupés à
pêcher (bronze), pour la décoration de la fon-
taine du Casino de San-Marco ; une statue en
bronze de Mercure, dont le grand-duc fit ca-
deau à l'empereur d'Allemagne ; une statue
en marbre de Jeune fille assise, donnée au duc
de Bavière; une statue colossale représentant
Florence victorieuse, pour le Palais-Vieux;
les statues du Nil, du Ganqe, de YEuphrate
et de Neptune, et plusieurs oas-reliefs, pour
une des fontaines du jardin Boboli; la" statue
colossale en pied de Côme I
e r
, érigée sous le
portique des Offices; l'Enlèvement d'une Sa-
bine, célèbre groupe de trois figures, qui dé-
core le portique de la loge dei Lanzi; le co-
losse en pierre de Jupiter pluvieux, appelé
communément Y Apennin, dans la~villa royale
de Prattolino,à cinq milles de Florence, figure
assise, qui mesurerait, ditron, 50 brasses si
elle était debout, et dont la tête contient une
cavité assez vaste po'Ur servir de colombier ;
la statue en bronze de Saint Luc, pour la fa-
çade ouest de l'église d'Orsànmichele ; une
statue de Mercure, pour le jardin des Accia-
juoli ; une Femme arrangeant sa chevelure,
pour la villa de Castello ; une Vénus Anadyo-
mène, commandée par Giovangiorgio Cesarino
et qui a appartenu depuis à la famille Ludo-
visi ; la fameuse statue équestre de Côme I
p
-
r
,
qui fut érigée sur la place du Grand-Duc en
1594, au milieu d'un immense concours de po-
pulation; la statue couchée de Saint Anto-
nin, quatre figures d'Ages plus grandes que
nature, et divers bas-reliefs pour la chapelle
du saint, dans l'église du couvent de Saint-
Marc;- Hercule tuant le centaure Nessus,
groupe en marbre de Carrare, érigé en 1600,
sous le portique de la Loge dei Lanzi ; un
crucifix en bronze de grandeur naturelle, des
bas-reliefs représentant les scènes de la Pas-
sion et deux petites statues de Génies funèbres
pour la chapelle de l'église de la Santissima
Annunziata, dans laquelle l'artiste est en-
terré ; la statue équestre du grand-duc Fer-
dinand, commencée en 1601 et érigée sur la
place de la Santissima Annunziata, au mois
de décembre 1608, quatre mois après la mort
de l'auteur. Outre les ouvrages que nous ve-
nons de-citer, en suivant autant que possible
l'ordre chronologique de leur exécution, Jean
de Bologne fit une foule de bustes portraits,
de crucifix en bronze et en ivoire, de petits
ba^s-reliefs en métal précieux et de char-
mantes statuettes, que se disputèrent les ri-
ches amateurs du temps, et dont beaucoup
passèrent à l'étranger. La galerie des Offices
a de lui, entre autres chefs-d'œuvre, sept
statues en bronze : Apollon, Junon, Vénus,
Vulcain, Thétis, une autre Divinité marine,
et le fameux Mercure volant, prodige de lé-
gèreté et d'élégance. Au Palais-Vieux se
trouve un groupe également célèbre, dont le
musée de Çluny a une reproduction en ivoire :
la Vertu châtiant le Vice.
Au nombre des œuvres les plus remarqua-
bles du sculpteur flamand, il faut encore citer
le Neptune et les quatre Sirènes qu'il exécuta,
dans sa jeunesse, pour la décoration de la fon-
taine publique de Bologne. En échange de
ces merveilles de son ciseau, il demanda à
Bologne une épouse et le nom qu'il devait il-
lustrer, Giovanni Bologna, et par abréviation,
Giam-Bologna.JX se fût, montré meilleur pa-
triote, assurément, en se faisant appeler Jean
de Douai, du nom de sa ville natale. Il n'ou-
blia pourtant pas tout à fait son pays. Les ar-
tistes flamands trouvèrent toujours chez lui
un accueil empressé; plusieurs même devin-
rent ses élèves et furent associés à ses tra-
vaux. Du nombre de ces derniers fut Pietro
Francavilla, que Jean emmena avec lui à
Gênes en 1580, lorsqu'il se rendit dans cette
ville pour décorer la chapelle que Luca Gri-
maldi avait fait construire en 1 honneur de la
sainte Croix, dans l'église de Saint-François.
Le maître, secondé par son élève, fit pour
cette chapelle six statues en bronze de.gran-
deur naturelle : la Foi, Y Espérance, la Cha-
rité, la Justice, la Force, la Tempérance, six
figures d'enfant et sept bas-reliefs représen-
tant les Mystères de la Passion. Les six sta-
tues se voient aujourd'hui dans la grande salle
du palais de l'Université. Avant d'aller à
Gênes, Jean de Bologne ayait été appelé à
Lucques, où il fit, pour l'un des autels de la
cathédrale, un groupe représentant la Résur-
rection et les statues de Saint Pierre et de
Saint Paul. Plus tard, il exécuta deux Anges
en bronze,pour le Dôme de Pise(l60l), et une
statue de marbre du grand-duc Ferdinand,
pour la ville d'Arezzo. Un des derniers ou-
vrages auxquels il mit la main fut un cheval
destiné aune statue équestre du roi de France
Henri IV. L'œuvre, commencée en 1604, était
assez avancée lorsque l'artiste mourut; elle fut
terminée par'Pietro Tacca, l'un des meilleurs
élèves de Jean , et ne parvint à Paris qu'en
1614. Le cheval et la statue qui fut placée des-
sus ornèrent le Pont-Neuf jusqu'à l'époque
de la Révolution, pendant laquelle ils lurent
détruits. Le château de Meudon possède en-
core une statue d'Esculape, attribuée à Jean
de Bologne. Quant au groupe représentant
Mercure et Psyché, qui figura successivement
à Marly et à Versailles, avant de prendre
place au Louvre dans la salle à laquelle on a
donné le nom de Jean de Bologne, il a été re-
connu depuis peu comme n'étant pas l'œuvre
de ce dernier. Ce serait Adrien de Vries qui
aurait fait ce groupe à Prague, en 1598, pour
l'empereur Rodolphe IL Le seul ouvrage au-
- thentique du maître de Douai, que l'on voie
au Louvre, est une Renommée en bronze,
figure d'une tournure des plus hardies, qui fut
exécutée, ditron, pour le château Trompette.
Comme Michel-Ange, qu'il avait pris pour
modèle, Jean de Bologne se montra vigou-
reux et plein de hardiesse dans les œuvres
qui réclamaient un style grandiose ; mais, en
général, il a pour qualités la délicatesse et la
grâce; ses figures ont une sveltesse déformes
et une élégance d'attitudes d'un charme in-
comparable; le nu est traité avec une grande
science anatomique, et les attaches des mem-
bres ont une extrême souplesse. Son école
fut une des plus fréquentées de Florence, et
il jouit d'une immense renommée. Un voyage
qu'il fit dans la haute Italie fut pour lui un
long triomphe. Procaecini, à Milan, et le Tin-
toret, à Venise, donnèrent des banquets en
son honneur. Le portrait de lui que Von voit
au Louvre, et que Von attribue à Jacques Bas-
san le Vieux, fut probablement exécuté à cette
époque.
BOLOGNE
BOLOGNE (Pierre CE), poSte lyrique, né à
la Martinique en 1706, mort à Angoulême vers
1789. Il avait fait contre l'Autriche les cam-
pagnes du Rhin et des Pays-Bas, et avait été
réformé à la paix d'Aix-la-Chapelle (1748).
Suivant Sabatier, il est, après Pompignan, le
poôte de son temps qui a le mieux réussi
dans l'ode sacrée. On a de lui : Poésies di-
verses (1746); Odes sacrées (1758); Amusements
d'un septuagénaire, ou Contes, anecdotes, bons'
mots, etc., mis en vers (Paris, 1789).
BOLOGNESE
BOLOGNESE (G.-F. GRIMALDI, dit le), pein-
tre italien. V. GRIMALDI.
BOLOGNETTI
BOLOGNETTI (François), poëte italien, né
à Bologne dans le xvie siècle. Il fut élu gon-
falonier de Bologne en 1556. Il était membre
de l'Académie connue sous le nom de Convi-
vale, et il se fit une certaine célébrité par la
publication d'un poëme intitulé il Constante
(Venise, 1565, et Bologne, 1566, in-4°). On a
en outre de Bolognetti des Rime (Bologne,
1566); la Cristiana Vittoria maritima en trois
livres (Bologne, 1572), etc. Mais les vers de
l'Arioste et du Tasse * firent bientôt oublier
ceux de Bolognetti.
BOLOGNETTI
BOLOGNETTI (Pompée), médecin italien,
né à Bologne, vivait au xvne siècle. Il pro-
fessa la médecine à l'université de sa ville
'natale, et composa sur l'hygiène deux ou-
vrages fort estimés : Consilium de prœcau-
tione, occasione mercium, ab insultibus immi-
nentis contagii (1630, in-fol.); Rémora senec-
lutis (1650, ln-4o).
BOLOGNI
BOLOGNI ou BONONIUS (Jérôme), poëte
latin, né à Trévise ' en 1456, mort en 1517.
Docteur en droit, il exerça d abord la profes-
sion d'avocat, se fit agréer au collège des ju-
ristes (1475), et, quatre ans plus tard, il entra
dans les ordres, tûen qu'il eût une femme et
des enfants. Bologni s'occupa beaucoup de
l'étude des antiquités, composa des poésies
latines qui lui firent donner la couronne poé-
tique par Frédéric II, et publia des éditions
estimées de plusieurs ouvrages, entre autres ;
du Traité de l'orthographe deTorteWms (1477) j
de YHistoire naturelle de Pline (1479), etc.
Parmi les écrits qu'il a composés, on cite :
Apologiapro Plinio (1479, in-fol.); Mediola-
num, poëme (1626, in-49); Antenor Hieronymi
Bononii elegidion (1625). La plupart de ses
poésies n'ont pas été imprimées.
BOLOGN1NI (Louis), jurisconsulte italien,
né à Bologne en 1447, mort à Florence en
1508. Il professa le droit à Bologne et à Fer-
rare; plus tard, il fut nommé juge et podestat
à Florenc*e, sénateur de Rome, avocat con-
sïstorial et ambassadeur du pape Alexandre VI
auprès de Louis XII. "On a de lui : Emenda-
tiones jitris civilis; Interpretaiiones novœ in
jus civile; Interpretaiiones ad omnes ferme
leges ; Epistolœ décrétâtes Gregorii IX suœ
integritati restitutœ, cum notis ; Concilia, et
De quatuor singularitatibus in Gallia repertis.
BOLOGN1NI (Ange), médecin et chirurgien
italien duxyie siècle. Il fut professeur à-l'uni-
versité de Bologne, et passe pour avoir pres-
crit le premier les frictions mercurielles dans
le traitement des maladies vénériennes. Il
publia un traité sur les ,ulcères externes : De
cura ulcerum exteriorum et de unguentis com-
munibus in solutione, etc. (Bologne, 1514).
BOLOGNINI
BOLOGNINI (Giovanni-Battista) l'Ancien,
peintre et graveur italien, né à Bologne en
1611 ou 1612, mort en 1688 ou 1689. Il fut
élève du Guide, dont il reproduisit complète-
ment le style, non-seulement dans les copies
qu'il fit des tableaux de ce maître, mais dans
ses propres ouvrages, et notamment dans un
Saint Ubald qu'il a laissé dans l'église de
San-Giovanni in Monte, à Bologne. Il a aussi
gravé à l'eau-forte quatre compositions dû
Guide : le Massacre des Innocents, Jésus don-
nant les clefs de l'Eglise à saint Pierre, ,1e
Christ en croix^ Bacchus et Ariane. Ces es-
tampes sont traitées dans la manière de Lo-
904 BOLO BOLO
BOLT
BOLT
rënzo Loli j on pense que ce sont des œuvres
de la première jeunesse de Bolognini.
BOLOGNINI
BOLOGNINI (Giacomo), peintre italien, ne-
veu et élève du précédent, né à Bologne en
1664, mort en 1734. Il a peint avec une égale
facilité de vastes compositions et de petits
tableaux de fantaisie ; son style se ressent de
la décadence de l'école italienne.
BOLOGNINI
BOLOGNINI (Giovanni-Battista) le Jeune,
sculpteur italien, fils du précédent, né a Bo-
logne vers 1700, mort a Modène en 1760. Il
étudia d'abord la peinture sous la direction de
son père: mais il renonça à cet art pour s'a-
donner à la sculpture, dans laquelle il lit preuve
d'un talent gracieux. Il fut attaché à la cour
de Modènè. Son frère Francesco l'aida dans
ses travaux.
BOLOGNINO
BOLOGNINO s. m. (bo-lo-gni-no; gn mil.)..
Métrol. Monnaie d'argent de Bologne, qui
valait à peu près x fr. 25 c.
BOLOMIER
BOLOMIER (Guillaume DE), seigneur de
Villars, chancelier de Savoie, mort en 1446.
Secrétaire d'Amédée VIII, il fut nommé par
ce prince, qui appréciait fort son mérite, maî-
tre des requêtes, puis ministre, et il s'appliqua
surtout, dans cette dernière fonction, a dimi-
nuer les privilèges de la noblesse. Ayant dis-
suadé Félix V de se démettre du pontificat,
malgré l'opinion contraire du duc Louis do
Savoie, celui-ci accusa le chancelier d'être
cause de la continuation du schisme. A peine
le duc Amédée fut-il mort, que Bolomier
tomba en disgrâce et se vit accuser de con-
cussion par ses nombreux ennemis. Une
commission fut nommée pour examiner sa
conduite. Dans le but d'entraver l'enquête,
Bolomier accusa de trahison un des commis-
saires ; mais, déclaré calomniateur, il fut con-
damné à être jeté vivant dans le lac de Ge-
nève avec une pierre au cou.
BOLONAIS,
BOLONAIS, AISE s. etadj. (bo-lo-nè, è-ze).
Géogr. Habitant de Bologne ou du Bolonais:
qui appartient à cette ville, à ce pays ou a
leurs habitants : Les BOLONAIS. L'université
BOLONAISE. Ecole BOLONAISE de peinture. Il y
avait une princesse BOLONAISE qui formait ainsi
les majuscules. (A. de Muss.)
— s. m. Linguist. Un des dialectes de la
langue italienne, parlé dans la légation de
Bologne.
— Encycl. Peint. Plusieurs critiques d'art
ont nié l'existence d'une école bolonaise pro-
prement dite; ils sont bien forcés d'admettre
que Bologne a fourni un grand nombre de
peintres illustres, mais, à leur avis, les œu-
vres de ces peintres ne se distinguent par
aucun style qui leur soit propre et qui puisse
justifier la prétention de former une école dis-
tincte. Augustin Carrache , qui fut une des
gloires artistiques de Bologne, nous a laissé
un sonnet où il nous fait connaître qu'il avait
adopté pour principe de cueillir la plus belle-
fleur de chaque école ; on peut donc dire que
l'école à laquelle il appartenait empruntait
quelque chose à toutes les autres, et qu'elle
était en peinture ce qu'est l'éclectisme en phi-
losophie.
Les plus anciens monuments de l'école bolo-
naise sont des madones peintes au xin
e
siècle
par Guido, Ventura, Ursone. On peut citer
ensuite les miniatures d'Oderigi de Gubbio ,
dont l'élève Franco ouvrit, en 1313, une école
publique de son art. On compte, parmi les
meilleurs élèves de Franco, Vitale, Jacopo
Avanzi, Lippo di Dalmasio, Marco Zoppo. Plus
tard, Francesco Raibolini, dit Francia, sur-
F
assa tous ceux qui l'avaient précédé ; il fut
ami de Raphaël, qui le consulta quelquefois,
et il forma d'excellents élèves, parmi lesquels
nous citerons Lorenzo Costa, Girolamo da Co-
tignola, Amico Aspertini
7
Innocenzio d'Imola,
Bagnacavallo, Passerotii, Fontana, etc. Pel-
legrino Pellegrini et le Primatice soutinrent
ensuite l'honneur de l'école. Après eux vint
une époque de décadence momentanée; mais
à la fin du xvie siècle, Bologne se relève et se
met à la tête du mouvement artistique, sous la
direction de Louis Carrache et de ses deux
cousins, Augustin et Annibal Carrache. L'Aca-
démie des Jncamminati, fondée par Louis Car-
rache, eut la gloire dé compter parmi ses
élèves le Dominiquin, le" Guide, l'Albane, Lan-
franc, le.Guerchin, etc. Ce fut là l'époque la
plus brillante de Vécole bolonaise ; mais de tels
noms suffisent assurément pour lui mériter
l'admiration de tous les siècles. Parmi les suc-
cesseurs de ces illustres maîtres, on peut en-
core citer Lionello Spada, Francesco Brizio,
Cavedone, Tiarini, Carlo, Leoni, Lorenzo Pa-
sinelli,Carlo Cignani, les paysagistes Diaman-
tini et Grimaldi, etc., artistes d'un mérite réel,
mais bien moins éclatant.
BOLO
BOLO RÉTINE s. f. (bo-lo-ré-ti-ne—du gr.
bâlos, motte de terre; rétine, résine). Chim.
Substance résineuse, trouvée dans les feuilles
fraîches et les bois fossiles des sapins et des
autres conifères.
BOLOR
BOLOR ou BELOCR, chaîne de montagnes de
l'Asie centrale, s'étend du N. au S. le long du
70e degré de long. E., depuis l'Ala-Tau, chaî-
non le plus occidental du Thian-Chan, jusqu'à
l'Hindou-Kho au S., rattachant ainsi le sys-
tème de l'Altaï à celui de l'Himalaya. Elle
sépare le Turkestan de la Petite Boukharie,
et donne naissance au Djihourn ; son point
culminant est évalué à 5,700 m.
BOLOT
BOLOT (Claude-Antoine), conventionnel,
né à Gy (Franche-Comté) vers 1740, mort en
1812. Il était avocat au parlement de Besan-
çon à l'époque de la Révolution. Le départe-
ment de ta Haute-Saône le nomma député à la
Convention, et il y vota la mort de Louis XVI
avec sursis. Plus tard, il entra au conseil des
Anciens, puis il fut nommé juge au tribunal de
Vesoul.
BOLOTANA,
BOLOTANA, bourg du royaume d'Italie,
dans l'île de Sardaigne, prov. et à 28 kilom.
N.-O. de Nuoro; 2,274 hab. Territoire fertile
en pâturages et en grains.
BOLOTOO,
BOLOTOO, jardin imaginaire où les habi-
tants des lies Tonga placent le paradis. Ses
arbres sont constamment chargés de fruits et
toujours couverts de fleurs odorantes, qui re-
naissent à mesure qu'on les cueille. Les ani-
maux que l'on y tue pour la nourriture des
dieux et des élus renaissent également. Les
âmes des chefs de tribu y vont après la mort
et y deviennent des divinités de second ordre. .
BOLSEC
BOLSEC (Jérôme-Hermès), théologien pro-
testant, né à Paris, mort a Lyon en 1585.
D'abord aumônier de la duchesse de Ferrare,
il abjura, s'établit à Genève en 1551, encourut
la colère de Calvin pour avoir combattu sa
doctrine de la prédestination absolue, et fut
emprisonné, puis banni. Il rentra alors dans
le sein du catholicisme et vint exercer la mé-
decine à Lyon. C'est avec le ressentiment des
persécutions qu'il avait subies qu'il écrivit une
Histoire de Jean Calvin (1577) et une Histoire
de Théod. de Bèze (1580). Ces deux ouvrages
ne sont que des pamphlets sans aucune auto-
rité historique.
BOLSENA
BOLSENA ( Volsinium), petite ville des Etats
de l'Eglise, légation et à 25 kilom. N.-O. de
Viterbe, sur la rive orientale du lac du même
nom; 2,000 hab. C'est à Bolsena, dans l'église
de Santa-Cristiana, qu'eut lieu, en 1263, le
miracle de l'hostie sanglante, immortalisé par
la peinture de Raphaël. Un prêtre incrédule,
qui doutait de la présence réelle, vit, en di-
sant la messe, l'hostie saigner abondamment.
On montre encore, dans une obscure chapelle,
l'endroit où le sang divin tomba et qui a été
couvert d'une grille.
Le pittoresque coteau sur lequel est bâtie
la ville de Bolsena offre un grand intérêt géo-
logique par le curieux assemblage des ma-
tières basaltiques qui le composent.
La Bolsena actuelle passe pour avoir été
l'ancienne capitale des Volsques ; c'était la
Vulsinie des Latins. Vulsinie faisait partie des
douze cités formant la confédération étrusque ;
Tite-Live dit positivement que cette ville était
comptée parmi celles qu'il appelle les têtes de
l'Etrurie, JStruriœ capita. Nous avons d'autres
motifs de croire à son importance : c'est dans
ses murs que s'élevait le temple de la déesse
Nortia, où, dès la plus haute antiquité, les
Etrusques inscrivaient leurs annales d'une fa-
çon si primitive, en désignant le nombre des
années par des clous qu ils enfonçaient dans
les murs du temple. C'était aussi sur le terri-
toire de Vulsinie que se trouvait le temple de
la déesse Voltumna, où toutes les villes unies
envoyaient chaque année les députés chargés
de veiller aux intérêts de la confédération.
Après la chute de Tarquinies, Vulsinie tint
le premier rang dans la confédération étrus-
que , et déploya une grande énergie pour
lutter contre les envahissements de la répu-
blique romaine. En 489, une révolte générale
des esclaves força les habitants de Vulsinie à
implorer le secours de Rome, et celle-ci s'em-
pressa de répondre à un appel qui allait au-
devant de ses vues ambitieuses. Elle envoya
aussitôt une armée devant les murs de Vul-
sinie, dont Valérius Flaccus ne réussit à s'em-
parer qu'après une année de siège.
Les esclaves furent mis en croix; mais le
parti qui avait appelé les Romains n'eut pas
a s'applaudir autrement de cette victoire.
L'antique cité fut détruite, ses murailles ra-
sées, et les débris de la population furent
transportés à quelque distance, dans une ville
ouverte, à laquelle a succédé la ville moderne
de Bolsena. Ces événements commencèrent
la décadence de Vulsinie, qui perdit à jamais
son importance. Sous l'empire, elle obtint le
droit de cité romaine, et fit partie de la tribu
Pomptma ; elle resta, il est vrai, la métropole
religieuse de l'Etrurie et de l'Ombrie, mais
avec ses anciens dieux s'en allèrent les der-
niers vestiges de sa grandeur. Aujourd'hui le
voyageur qui, en allant à Rome, traverse la
paisible et solitaire ville de Bolsena, ne pour-
rait se douter que là fut jadis une cité riche
et florissante. L'art et l'industrie y avaient
été portés au plus haut degré. Métrodore de
Scepsis reprochait aux Romains de s'être
emparés de Vulsinie par convoitise pour les
deux mille statues qu'elle renfermait. Des
fouilles récentes, exécutées sur le territoire
de cette cité, montrent qu'il n'y avait rien
d'exagéré dans ce nombre. Elles ont amené
la découverte de magnifiques vases en bronze
doré, portant des inscriptions étrusques. Ces
vases ornent aujourd'hui le musée Grégorien
au Vatican, et leur riche ciselure, l'élégance
de leurs formes, la belle expression des têtes
prouvent le degré de perfection atteint par
les Etrusques dans l'art de travailler les mé-
taux. Bolsena est la patrie de Séjan, le trop
fameux ministre de Tibère.
BOLSENA
BOLSENA (lac de), petit lac aux bords ra-
vissants, situé près de la ville du même nom,
dans la délégation et à 13 kilom. N.-O. de
Viterbe (Etats de l'Eglise). Il déverse ses
eaux dans la Méditerranée par le petit cours
d'eau de la Marta, et offre une circonférence
de 43,000 m. sur une profondeur moyenne de
50 m. L'amphithéâtre de montagnes volcani-
ques qui l'entoure a fait supposer à quelques
naturalistes qu'il occupe le cratère d'un an-
cien volcan, comme le lac de Némi, près de
Rome. Ses eaux sont d'une extrême limpidité,
ses bords couverts d'une végétation luxu-
riante; des chênes au vigoureux feuillage lui
forment comme une couronne, et pourtant ses
rives sont inhabitées. C'est que, du sein de ce
gracieux entourage, s'élève l'air empesté de
la malaria, qui met en fuite les hommes et les
animaux. Seuls, les poissons peuvent vivre
dans ces eaux si transparentes, et depuis
longtemps ils jouissent d'une grande ^réputa-
tion. Les anguilles qu'on y pêche étaient les
délices du pape Martin IV, qui les faisait
mourir dans du vin blanc avant de les assai-
sonner ; aussi Dante a-t-il placé ce pontife
dans le purgatoire, pour lui faire expier ce
péché de gourmandise. Du milieu du lac sur-
gissent deux petites lies, aujourd'hui à peu
près inhabitées, l'isola Bisentina et l'isola
Martana, où Léon X venait tous les automnes
se livrer au plaisir de la pêche. C'est dans
l'île Martana, la plus petite et la plus sau-
vage, que fut reléguée et que périt, par ordre
v
de Théodat, son second mari, la grande reine
des Goths, Amalasonte, l'unique fille de Théo-
doric. On voit encore les ruines du petit châ-
teau où elle fut enfermée, et la trace d'un
ancien escalier taillé dans le roc par lequel on
descendait au rivage. Les princes Farnèse
l'habitèrent aussi, et y élevèrent des palais
magnifiques que le temps a détruits et dont il
ne reste aujourd'hui que des ruines.
BOLSWARD,
BOLSWARD, ville forte de Hollande, prov.
de Frise, arrond., et à 10 kilom. N.-O. de
Sneek ; 3,000 hab. Fabriques d'étoffes de laine,
commerce de beurre et fromages. Hôtel de
ville remarquable.
BOLSWERT
BOLSWERT (Boetius-Adam A ) , dessinar
teur et graveur hollandais, naquit vers 1580 à
Bolswert, en Frise, d'où lui vint son nom.
M. Ch. Le Blanc lui donne pour maître Cor-
nélis Bloemaert ; mais le fait paraît peu pro-
bable, si l'on songe que Cornélis avait plus de
vingt ans de moins que Bolswert., Nous pen-
sons que ce dernier se forma sous la direction
d'Abraham Bloemaert, d'après lequel il a
rave l'Adoration des bergers ( taoleau de
église de Bois-le-Duc), les Ermites (suite de
23 pièces numérotées), une figure de Betlone,
24 paysages et 14 pastorales, ces dernières
datées de 1611. Vers le milieu de sa carrière,
il vint s'établir à Anvers, où il mourut vers
l'année 1634. Il exécuta dans cette ville un
grand nombre de sujets religieux, entre au-
tres une suite de 76 pièces représentant les
Mystères de la Passion (1622), 33 pièces sous
le titre de Chemin de la vie éternelle (1623),
48 pièces pour un recueil intitulé Pia Desi-
deria (1628), etc. Il grava aussi, d'après Ru-
bens, plusieurs estampes qui sont au nombre
de ses meilleurs ouvrages : la Cène, Jésus-
Christ expirant sur la croix, le Jugement de
Salomon et la Résurrection de Lazare.
BOLSWERTBOLSWERT (Schelte A) , célèbre graveur
hollandais, frère du précédent, né à Bolswert
vers 1586, mort à Anvers dans un âge très-
avancé. Il se lia d'amitié avec Rubens, qui
l'employa à graver quelques-uns de ses ta-
bleaux et le dirigea lui-même dans ce travail.
Parmi les compositions qu'il reproduisit d'a-
près ce maître, nous citerons : la Vierge au
perroquet^ la Vierge à la fontaine, la Vierge
immaculée, l'Annonciation, l'Adoration des
mages, plusieurs Sainte Famille, l'Assomption,
le Christ en croix ou le Coup de lance, la Ré-
surrection , l'Ascension, Y Education de la
Vierge, Sainte Thérèse intercédant pour les
âmes du purgatoire, le Serpent d'airain, la
Destruction de l'idolâtrie, la Continence de
Scipion, une Chasse aux lions, etc. Bolswert
exécuta beaucoup d'autres estampes, d/après
divers maîtres flamands : Marie, mère de
Dieu, la Sainte Famille, Jésus bénissant le
monde, le Couronnement d'épines, une Pietà,
les portraits de Juste Lipse, d'Adr. Brouwer,
d'André van Ertvelt, de Sébast. Vrancx,
d'Artus Wolfart, du prince Albert d'Aren-
berg, etc., d'après van Dyck; l'Annonciation,
la Sainte Famille, Jésus bénissant le monde, le
Reniement de saint Pierre; Jésus-Christ, saint
Paul et les douze apôtres (suitede 14 pièces);
Saint Ignace de Loyola, d'après Gérard Zee-
ghers ; l'Enfance de Jupiter, Mercure et Argus,
Pan jouant de la flûte, un Concert de famille,
d'après Jordaens, etc. Ces divers ouvrages se
distinguent par la justesse de l'expression, la
transparence et l'harmonie du coloris, <• La
liberté, dit Basan, avec laquelle Bolswert a
manié le burin, le désordre pittoresque de
l'eau-forte qu'il a su imiter à propos avec ce
seul instrument, l'adresse qu'il a eue de rendre
sensibles les différentes masses de couleurs,
feront toujours l'admiration des connaisseurs,
et rendent cet excellent artiste digne d'être
compris dans le petit nombre des graveurs
célèbres, dont les estampes doivent servir de
modèles à tous les graveurs d'histoire. *
B O L T É N I E s. f. (bol-té-nî). Moll. Genre de
mollusques, du groupe des ascidies, compre-
nant deux espèces qui vivent dans l'océan
Boréal et l'océan Américain.
BOLTIGEN,
BOLTIGEN, bourg de Suisse, cant. de
Berne, à 21 kilom. S.rO. de Thun, sur la rive
gauche de la Simme, qu'on entend mugir dans
son lit profondément encaissé ; 2,149 hab. Aux
environs se trouvent les Toggelikilchen, ca-
vernes profondes qui contiennent des stalac-
tites remarquables et que la superstition peu-
ple de gnomes.
BOLTINN
BOLTINN (Ivan), historien et littérateur
russe, né à Kazan en 1735, mort en 1792. Il
commença par suivre la carrière militaire, qu'il
quitta avec le grade de colonel, et fit de longs
voyages à travers les provinces russes ou
midi, s'y occupant de recherches historiques
sur le pavs. Ayant repris le service en 178G,
il obtint bientôt le grade de général major, et
fut nommé chef de la chancellerie du prince
Potemkin , favori tout-puissant de l'impéra-
trice Catherine II. Peu de temps après, Bol-
tinn quitta définitivement le service et s'oc-
cupa exclusivement de travaux littéraires. Il
commença par publier des Remarques criti-
ques sur l'Histoire naturelle, morale, civile et
politique de la Russie ancienne et moderne,
par Leclercq (1788). L'ouvrage qu'il critiquait
avait paru en France en 1784, et renfermait
beaucoup de faits erronés, de données men-
songères, et même beaucoup de calomnies et
d'inventions sur ce pays si peu connu alors.
L'ouvrage de Boltinn tut immédiatement tra-
duit et eut un certain succès. On lui doit, en
outre, un Dictionnaire académique de la langue
russe, malheureusement inachevé ; l'édition et
l'explication du Coutumier russe (Rouskaya
Pravda), publication de premier ordre sur la
législation russe du xiie siècle ; une Analyse
critique de l'histoire de Russie, par le prince
Stcherbatoff ; enfin, un grand nombre de bro-
chures sur différentes branches des sciences
morales et politiques. Son dernier travail fut
une traduction en russe d'une pièce de théâ-
tre écrite en allemand, et ayant pour sujet un
épisode de la vie de Rurik, le premier prince
de Novgorod. Cette pièce attira l'attention de
Boltinn, parce que son auteur était l'impératrice
elle-même. Après la mort de Boltinn, l'impé-
ratrice Catherine, acheta tous ses papiers et
les donna à Pouchkine, qui publia encore le
travailintitulé : Recherches historiques sur la
position de l'ancienne principauté russe de
Tmoutarakan (1794, in-4"). Les manuscrits de
Boltinn, soigneusement gardés dans une des
bibliothèques particulières de Moscou, péri-
rent dans l'épouvantable incendie de 1812,
lors de l'occupation de cette ville par les
Français.
BOLTON
BOLTON - CASTLB , bourg d'Angleterre ,
comté de York, à il kilom. N.-O. de Midd-
lehain ; 350 hab. Près de ce village se trouve
le château de Scropes, où fut enfermée Marie
Stuart.
BOLTON
BOLTON ou BOLTON - LE-MOORS, ville
d'Angleterre, comté et à 64 kilom. S.-E. de
Lancastre, à 18 kilom. N.-O. de Manchester,
sur la Croale, petit affluent de l'Irwell, et au
centre d'un réseau de chemins de fer qui met-
tent Bolton en communication avec tous les
autres comtés de l'Angleterre.
Les développements graduels de l'industrie
cotonnière portèrent la population de Bolton
de 5,604 hab. en 1778, 51,61,171 en 1851; elle
dépasse aujourd'hui 70,000 hab.
Bolton produit surtout des futaines, des
couvre-pieds, des calicots cretonnes, dès
mousselines unies et de fantaisie, des basins,
des toiles imprimées, des châles de coton et,
en général, les tissus faits à la mécanique.
En 1852, il existait à Bolton vingt usines,
dont quinze étaient mues par la vapeur et re-
présentaient une force de 680 chevaux; elles
occupaient plus de 4,000 bras, produisaient
par an plus de 20,000 tonnes de fer et con-
sommaient plus de 40,000 tonnes de charbon.
Le chiffre des cotons blanchis et apprêtés
dans les vastes blanchisseries de Bolton s'é-
lève, par an, à plus de il millions de pièces,
dont l'aunage varie de 24 à 70 ou 80 yards.
Les principaux perfectionnements apportés
aux machines employées dans l'industrie co-
tonnière ont pris naissance dans cette ville.
Bolton, qu'on prétend d'origine saxonne,
tire son nom de sa situation au milieu d'une
contrée triste et marécageuse. C'est une belle
et vaste cité, divisée en Grand et Petit-Bol-
ton, et qui, grâce à son industrie, prend
chaque jour plus d'accroissement; ses deux
rues principales ont chacune 1,500 m. de lon-
gueur, et leur réunion forme la vaste place du
Marché. Parmi les édifices civils et religieux,
nous citerons les deux hôtels de ville, le théâ-
tre, l'église Saint-Pierre et celle de la Sainte-
Trinité , l'école de grammaire et plusieurs
chapelles de différentes sectes.
BOLTON
BOLTON (Robert), théologien anglais; né
en 1571, mort en 1631. Fort instruit, il con-
naissait à fond la langue grecque, qu'il parlait
avec une grande facilité. Il fut professeur de
philosophie naturelle à l'université d'Oxford.
Le roi Jacques I«
r
s'étant rendu dans cette
ville en 1605, Bolton fut chargé de soutenir
une thèse en sa présence. Parmi ses écrits,
on estime surtout son Discours sur le bonheur
(Londres, 1611).
BOLTON
BOLTON ou BOCLTON (Edmond), anti-
quaire anglais du xvne siècle. Il appartenait
a la religion catholique et était attaché au
duc de Buckingham, ministre de Charles 1er.
On a de lui, sous le titre de Néron César ou
la Monarchie corrompue (Londres, 1624, in-
fol.), un (.rès-intéressant ouvrage^ orné de
médailles curieuses, surtout au point de vue
de l'histoire d'Angleterre. Parmi ses autres
BOMA BOMB
BOMB
BOMB 905
écrits, on trouve : des Eléments de blason
(1610, in*4<>); Hypercritica ou Règles du
jugement pour écrire l'histoire d'Angleterre
(1722), etc.
BOLTONIE
BOLTONIE s. f. (bol-to-nî — de Bolton,
botan. angl.). Bot. Genre de plantes, de la
famille des composées" tribu des astérées :
Les
BOLTONIKSBOLTONIKS sont indigènes de l'Amérique
septentrionale. (J. Decaisne.)
BOLTONlTEs. f. (bol-to-ni-te — de Bolton,
nom de lieu}. Miner. Monosilicate de magné-
sie à peu près nur. C'est une substance grise,
légèrement bleuâtre ou verdâtre, qui, d'a-
près les analyses de Lawrence Smith, ne
renferme guère que 3 à 4 centièmes d'oxyde
de fer. C'est dans le Massachussets qu'on
trouve ce minéral en cristaux disséminés
dans une roche calcaire.
BOLTS
BOLTS (Guillaume), voyageur, administra-
teur et commerçant, né en Hollande en 1740,
mort à Paris en 1808. Il était à Lisbonne lors
du fameux tremblement de terre. De là il passa
dans l'Inde, et fut employé dans les établisse-
ments anglais du Bengale. Il y fit ensuite le
commerce pour son propre compte, et y
amassa une grande fortune. Des dissentiments
graves s'étant élevés entre lui et les membres
du gouvernement, il fut emmené prisonnier
en Angleterre. Il intenta un procès aux au-
teurs de son arrestation, mais ce procès fe
ruina. Ce fut alors qu'il publia un livre plein
de détails curieux, intitulé : Considérations on
India affairs. Marie-Thérèse l'ayant nommé
colonel et lui ayant confié la direction des
établissements qu'elle projetait dans les Indes,
Bolts en fonda sixj puis, lorsque l'empereur
Joseph 1 à eut retiré ses pouvoirs, il vint à
Paris, où il tenta vainement de refaire sa
fortune : la guerre avec l'Angleterre brisa
ses espérances. On a de lui : Etat civil, poli-
tique et commercial du Bengale, ou Histoire
des conquêtes et de l'administration de la Com-
pagnie des Indes anglaises dans ce pays
(Maëstricht, 1778, 2 vol. in-8°). Cet ouvrage
a été traduit en français. '
BOLTY
BOLTY s. m. (bol-ti). Ichthyol. Poisson du
Nil, du'genre labre.
BOLUNGO
BOLUNGO s. m. (bo-lon-go). Epreuve par
le feu,sorte de jugement de Dieu, qui serait,
dit-on, pratique par les prêtres d'Angola.
BOLUS
BOLUS s. m. (bo-luss). Pharm. V. BOL.
BOLVA,
BOLVA, rivière de la Russie d'Europe, qui
prend sa source dans le N.-O. du gouverne-
ment de Kalouga,'coule du N. au S., entre
dans le gouvernement d'Orel, où elle se jette
dans la Desna, à 4 kil. N. de Briansk, après
un coOrs de 137 kilom.
BOI/ZANO.V. BOTZEN.
BOLZANO
BOLZANO (Bernard), philosophe et théolo-
gien allemand, né à Prague en 1781, mort en
1848. Il fut nommé professeur à Prague dès
l'âge de vingt-quatre ans; on l'accusa de sui-
vre les principes de Schelling, et il eut à lut-
ter contre beaucoup d'ennemis. Enfin, il fut
expulsé de sa chaire en 1820, et dut se retirer
au sein d'une famille amie pour y revoir ses
écrits, dont les principaux sont: Enseigne-
ment scientifique ou Essai d'un nouvel exposé
de la logique (1837, 4 vol.); Traite d'esthéti-
que (1843) ; Qu'est-ce que la philosophie? (1849);
A thanasie ou Preuves de l'immortalité de
l'âme; Manuel religieux (1834, 4-vol.); Ma-
nuel succinct de la religion chrétienne catholi-
que, comme véritable révélation divine (1840).-
BOLZAS
BOLZAS s. m. (bol-zass — mot ind.).
Comm. Coutil do coton qu'on fabrique dans
l'Inde.
BOM
BOM s. m. (bomm). Erpét. Nom de deux
gros serpents, dont l'un habite l'Afrique, et
l'autre le Brésil. Il On dit aussi BOMA.
BOMAREBOMARE (VALMONT DE). V. VALMONT.
B O M A R É E s. f. (bo-ma-ré — du nom de
Valmont de Bomare). Bot. Genre de plantes
de la famille des amaryllidées, créé aux dé-
pens des alstraemeries, comprenant des vé-
gétaux à tige volubile et grimpante, dont
plusieurs sont cultivés dans les jardins d'agré-
ment.
BOMARIN
BOMARIN s. m. (bo-ma-rain — du lat. bos
marinus; bœuf marin). Mamm. Un des noms
donnés a l'hippopotame.
BOMARZO,
BOMARZO, ancienne ville d'Etrurie, située
sur une des pentes du Cimino, qui regarde la
vallée du Tibre. Cette ville, ou plutôt ce vil-
lage, car aujourd'hui elle n'a pas d'autre im-
portance, appartient au district de Viterbe,
dont il est séparé par une distance de 18 kil.
en remontant vers Bolsena. A 3 kilom. de Bo-
marzo, sur l'autre bord d'un profond ravin,
se trouve la nécropole d'une ville étrusque,
dont le nom est resté inconnu, et dont la dé-
couverte a été cependant un fait important
pour l'histoire de l'Etrurie. Dans les cryptes
sépulcrales de Bomarzo, on a trouvé peu de
vases peints, mais beaucoup d'objets en bronze,
des armes, des trépieds, des candélabres, des
vases ciselés et meme"dorés, enfin quantité de
miroirs. Toutes les armures sont maintenant
au musée Grégorien du Vatican. Mais la dé-
couverte la plus précieuse faite dans cette
nécropole est celle d'un petit vase sur lequel
se trouve tracé un alphabet en caractères
étrusques. Avant cette découverte, on igno-
rait l'ordre dans lequel se trouvaient rangés
les vingt signes dont se sont servis les Tos-
cans pour rendre tous les sons de leur idiome.
Cette découverte, faite en 1845 grâce aux
soins du prince de Borghèse, a jeté un jour
tout nouveau sur la question si compliquée
du langage étrusque et de ses origines, ques-
tion que les philologues les plus distingués
n'ont encore pu résoudre d'une manière satis*-
: faisante.
BOMBA
BOMBA s. m. (bon-ba). Linguist. Idiome
parlé dans la Guinée méridionale.
BOMBA,
BOMBA, ville du royaume d'Italie, dans
l'Abruzze citérieure, à 28 kilom. S.-O. de
Vasto, sur le mont Pallano, que baigne le Son-
gro; 2,500 hab. Récolte d'huile et de vins
très-estimés ; ruines de constructions cyclo-
péennes.
BOMBA
BOMBA (baie de), petit golfe d e l à Méditer-
ranée, sur la côte de la Cyrénaïque, à 200 kil.
S.-E de Cyrène, près du désert de Barca, par
"320 22' de latitude N., et 20° 56' de longitude E.
A l'entrée de cette baie, se trouve un îlot qui
Î
>orte le même nom, et que les anciens appe-
aient CEdonia. La baie de Bomba présente
une magnifique rade, la plus belle et la plus
sûre que l'on puisse trouver dans le nord de
l'Afrique.-
Sous Catherine II, alors que les Russes rê-
vaient un établissement maritime dans la Mé-
diterranée, la rade de Bomba excita leur con-
voitise. En 1793, les agents secrets de la czarine
entamèrent à ce sujet une négociation avec
le pacha de Tripoli, alors momentanément ré-
fugié a Tunis. Le pacha parut s'y prêter;
puis, une fois rentré à Tripoli, il ne voulut
plus en entendre parler. Le consul de France
songea alors à l'acquisition de ce point par
voie d'échange contre notre établissement de
laCalle; le gouvernement républicain parut
goûter le projet; mais ni-ce gouvernement
ni les gouvernements qui lui ont succédé ne
devaient y donner de suite.
BOMBA
BOMBA (IL RE), mots italiens qui signifient
le roi Bombe. C'était le sobriquet injurieux sous
lequel on désignait en Italie Ferdinand II, roi
des Deux-Sicfles, en souvenir des cruautés
qu'il exerça contre ses sujets et de divers
bombardements de villes révoltées.
BOMBACÉ,
BOMBACÉ, ÉE adj. (bon-ba-sé — rad.
bombax). Bot. Qui ressemble à un bombax.
— s. f. ni. Tribu de la famille des sterculia-
cées, voisine des malvacées, ayant pour type
le genre bombax.
— Encycl. Le groupe des bombace'es faisait
d'abord partie de la famille des malvacées;
mais il en a été séparé dans ces derniers
temps, et la plupart aes botanistes en forment
aujourd'hui uno famille à part, ou une tribu
de la famille des hterculiacées. Les espèces qui
la composent sont le plus souvent des arbres
gigantesques (baobab), rarement des arbris-
seaux, originaires des régions intertropicales.
Les fleurs, ordinairement régulières, sont her-
maphrodites ou polygames, solitaires ou réu-
nies en grappes et panîçules. Le calice est
nionosépale, a cinq, divisions, a préfloraison
valvaire. La corolle a cinq pétales. Les éta-
mines, en nombre indéfini, sont réunies en
cinq faisceaux, ou forment une colonne au
milieu de la fleur. L'ovaire est ordinairement
à cinq loges, renfermant chacune deux ou plu-
sieurs ovules attachés à l'angle interne ou aux
bords libres des cloisons. Les styles sont plus
ou moins soudés, et terminés chacun par un
stigmate capité. Le fruit est capsulaire, à cinq
loges, rarement indéhiscent, quelquefois bac-
ciforme ou à plusieurs follicules distincts. Les
graines, nombreuses ou solitaires dans chaque
loge, sont souvent couvertes d'une peluche
soyeuse et pourvues d'un albumen charnu ou
mucilaginenx.
BOMBACI
BOMBACI (Gaspard), historien italien, né à
Bologne en 1607. Il fut podestat.de Crevai-"
core, et publia plusieurs ouvrages, dont les
principaux sont : Memorie degli uomini illustri
di Bologna (1640, in-4<>); l'Araldo, ovvero délie
armi délie famiglie (1652) ; Istoria di Bologna
(1668).
BOMBAGE
BOMBAGE s. m. (bon-ba-je — rad. bomber).
Techn. Opération par laquelle le vitrier bombe
le verre au four.
BOMBALON
BOMBALON s. m. (bon-ba-lon). Grande
trompette marine dont se servent les nègres.
BOMBANAXA
BOMBANAXA s. m. (bon-ba-na-ksa). Bot.
Espèce de latanier dont les feuilles fournis-
sent les lanières avec lesquelles on fabrique
les chapeaux dits panamas.
BOMBANCEBOMBANCE s. f. fbon-ban-se — du lat.
pompa, pompe, grand appareil^ ou bombus,
Druit, fracas). Fam, Grande chère, ripaille :
Faire BOMBANCE. Se ruiner en BOMBANCES.
Tous les assistants firent BOMBANCE. (G. Sand.)
Elle portait avec elle un entrain d'amour, de
joie et de BOMBANCE que je ne puis vous dire.
(Fr. Soulié.) Sous prétexte-de tournois, de
passes d'armes, de banquets de la Table ronde,'
ce ne sont que galanteries, amours faciles et
vulaaires, interminables BOMBANCES. (Miche-
let.) Une foule d'individus faisaient BOMBANCE
dans les caves et les cuisines royales. (D.
Stern.)
. . . Maints rats assemblés
Faisaient, nui frais de l'hote, une entière bomoance.
LA FONTAINE.
Le campagnard, charmé de sa nouvelle aisance,
Ne songeait qu'auplaisir et qu'à faire bombance.
ANDRIEUX.
BOMBANTBOMBANT (bon-ban) part. prés, du v. Bom-
ber : En usez-vous quelquefois? répondit le
collégien en BOMBANT sa petite poitrine et
prenant un certain air crâne. (Balz.)
BOMBARDABLE
BOMBARDABLE adj. (bon-bar-da-ble —
rad. bombarder). Qui peut être bombardé :
Place BOMBAROABLE.
B O M B A R D E s. f. (bon-bar-do — bas lat.
bombarda, même -sens; de bombus, bruit). Art
milit. Ancienne machine de guerre, compli-
quée de cordes et de ressorts, dont on se ser-
vait au moyen âge pour lancer de grosses
pierres : Les autres princes, avec leurs engins
et leurs
BOMBARDES,BOMBARDES, semblaient peu de chose
auprès de ces sauvages sultans, qui versaient
ainsi des volcans sur les villes. (V. Hugo.) n
Plus tard, e t peu après l'invention de la
poudre, Nom donné a des pièces d'artillerie
assez semblables aux mortiers actuels, et qui
lançaient des boulets de pierre :
Un noble du bon temps, un brave, un Montarcy,
Un vieux nom qui sonnait au milieu des bombardes.
L. BOUILUET.
— Bombarde à main, Sorte de fusil à mèche
sans batterie.
— Mar. Petit bâtiment, galiote armée pour
lancer des bombes : Equiper une BOMBARDE.
Aujourd'hui, les chaloupes canonnières ont été
substituées aux BOMBARDES. Les BOMBARDES
de Nelson, grâce à la nuit, ne nous avaient pas
fait grand mal. (Thiers.) Les BOMBARDES ont
été inventées auxviie siècle.{Ma\giiQ.) il Dans la
Méditerranée, Petit navire à deux mâts, avec
voiles carrées au grand mât, voile latine au
mât d'artimon, un foc et une trinquette de-
vant.
— Mus. Un des jeux de l'orgue, qui diffère
do la trompette en ce qu'il est plus bas d'une
octave, n Sorte de trompette ou de hautbois
abandonné aujourd'hui, et qui était percé de
sept trous, dont le septième avait une clef, il
Ancien nom de la guimbarde. : Les conviés
dansaient au son du biniou et de ta BOMBARDE.
(J. Sandeau.)
— Techn. Gueule d'un four à briques, il
Sorte de voiture de charge.
— Art culin. Mets tyrolien, composé do lan-
gues de mouton et d'un hachis de viande.
— Cost. Manches à la bombarde, Nom donné
autrefois aux manches bouffantes, reprodui-
tes plus tard sous le nom de manches à gigots.
— Bot. Nom vulgaire du salsifis sauvage.
— Encycl. Artill. On donnait autrefois le
nom de bombardes indistinctement à toutes
les bouches à feu. A l'origine de l'artillerie, les
mots bombarde, baston à feu, canon, etc.,
étaient synonymes. Quand on commença à
classer les engins de destruction, dans les pre-
mières années du xv« siècle, bombarde dé-
signa des pièces de gros calibre, affectées
surtout au tirj sous de grands angles, de
projectiles en pierre. Il y avait les petites
bombardes, dont les boulets de pierre pesaient
de 50 à 150 kilogr., et les crosses bombardes,
dont les boulets pesaient jusqu'à 450 et 500
kilogr. Ce genre de bouches à feu a succédé
à la baliste ; elles étaient en usage en même
temps que les premiers canons. Moritz Meyer
rapporte qu'on s'en servit au siège de Bres-
cia (1311), au Quesnoy (1340), à la bataille de
Crécy (1346). En 1378, il y avait à Venise une
bombarde de 140 livres, qu'on appelait la
Trévisienne, et une de 125 livres, appelée la
Chanteuse. Suivant Tartaglia, il y avait cinq
espèces de bombardes : elles lançaient des
boulets de 250, de 150, de 100, de 45 et'de
30 livres. Elles étaient traînées : la première,
par dix-huit bœufs; la deuxième, par douze; la
troisième, par onze; la quatrième, par neuf,
et la cinquième, par trois. Leurs poids étaient
de8,900 livres, 6,146 livres, 5,500 livres, 2,740
livres, 1,600 livres. Ily avait une seconde bom-
barde, à boulets de 100 livres, ne différant de
la précédente que par la longueur (8 pieds et
demi, l'autre en avait 10). Elle ne pesait que
4,r>00 livres, et neuf bœufs suffisaient pour la
traîner. D'après Diego Ufano, on distinguait
huit calibres de bombardes, différant par leur
longueur. Leur chambre avait un diamètre,
égal au tiers du diamètre de l'âme, et sa ca-
pacité était calculée pour la charge du quart
ou du tiers.
11 existait encore trois bombardes en 1843:
l'une, de 57 centimètres, était à Gand ; l'au-
tre, de 47 centimètres, au MontrSaint-Michel ;
la troisième, de 36 centimètres, à l'arsenal de
Bàle, toutes trois, sans anses ni tourillons,
formées de douves en fer forgé, consolidées
par des cercles du même métal. Les obusiers
ont, de notre temps, remplacé les bombardes.
— Bombarde à main. C'est la plus ancienne
arme a feu portative. On rapporte même,
mais le cas paraît plus que douteux, qu'au
siège de Jérusalem, sous Titus, on aurait fait
usage d'une arme de ce genre. « Primitive- .
ment, dit E. Clément, la bombarde à main
exigeait le concours de deux hommes : un
pour la diriger, et un autre pour y mettre le
feu; plus tard, un çrand progrès s'opéra dans
cette espèce de fusil ; la bombarde à main fut
moins longue, moins lourde, et c'était le même
homme qui visait, en la tenant sur la main et
l'épaule droite, et, de la main gauche, posait
la mèche sur la lumière. »
— Mar. La bombarde ou galiote à bombes
est un bâtiment portant un ou deux mortiers,
et dont l'invention remonte à. Louis *XIV. Lais-
sons parler Voltaire (Siècle de Louis XIV):
« Le roi se vengea d'Alger avec le secours
d'un art nouveau, dont la découverte fut due
à cette attention qu'il avait d'exciter tous les
génies de son siècle. Cet art funeste, mais
admirable, est celui des galiotes à bombes,
avec lesquelles on peut réduire en cendre des
villes maritimes. Il y avait un jeune homme,
nommé Bernard Renaud, connu sous le nom
de petit Renaud, qui, sans avoir jamais servi
sur les vaisseaux, était un excellent marin à
force de génie. Colbert, qui déterrait le mé-
rite dans l'obscurité, l'avait souvent appelé
au conseil „de marine, même en présence du
roi. C'était par les soins et sur les lumières
de Renaud que l'on suivait depuis peu une
méthode plus régulière et plus facile pour la
construction des vaisseaux. Il osa proposer
dans le conseil de bombarder Alger avec une
flotte. On n'avait pas d'idée que les mortiers
à bombes pussent n'être pas posés sur un
terrain solide; la proposition révolta; il e s -
suya les contradictions et les railleries que
tout inventeur doit attendre; mais la fermeté,
et cette éloquence qu'ont d'ordinaire les
hommes vivement frappés de leurs inventions,
déterminèrent le roi a permettre l'essai de
cette nouveauté. Renaud fit construire cinq
vaisseaux plus petits que les vaisseaux ordi-
naires; mais plus forts de bois, sans ponts,
avec un faux tillac à fond de cale, sur lequel
on maçonna des creux où l'on mit les mortiers.
Il partit avec cet équipage sous les ordres du
vieux Duquesne, qui était chargé de l'entre-
prise et n'en attendait aucun succès. Du-
quesne et les -Algériens furent étonnés de
l'effet des bombes (28 octobre 1682). Une par-
tie de la ville fut écrasée'e't consumée; mais,
cet art, porté bientôt chez les autres nations,
ne servit qu'à, multiplier les calamités hu-
maines, et tut plus d'une fois redoutable à la
France, où il fut inventé. •
Cet appareil est en réalité beaucoup plus
effrayant que l'effet n'en est terrible. Les ga-
liotes ne manœuvrent pas bien et sont facile-
ment désemparées; les frais d'armement sont
considérables. On prétend même que le dey
d'Alger, apprenant ce qu'avait coûté au grand
roi 1 expédition de Duquesne, se serait écrié:
« Il n'avait qu'à m'en donner la moitié, j'au-
rais brûlé la ville tout entière. »
Comme le dit Voltaire, les mortiers sont
établis dans des creux ou puits. De nos jours,
les puits se composent d'une espèce de fajs-
cine triangulaire, formée verticalement d'un
assemblage élastique de bordages croisés,
de fagots mis les uns sur les autres, et de
tronçons de câbles qu'on superpose, et qui se
coupent entre eux diagonalement. Cet appa-
reil, consolidé par des étançons horizontaux,
d'un équarrissage suffisant, qui relient le puits
aux bordages intérieurs du navire, peut, à
cause de sa compressibilité, résister aux
ébranlements résultant des détonations des
bouches à feu. On n'arme généralement les
bombardes qu'au moment du besoin, c'est-à-
dire que dans la marine on n'a pas de bâti-
ments spécialement affectés à ce service.
BOMBARDÉ,
BOMBARDÉ, ÉE (bon-bar-dé) part. pass.
du v. Bombarder. Attaqué avec des bomoes :
Ville BOMBARDÉE. Citadelle BOMBARDÉE. Me-
zières fut cruellement assaillie et BOMBARDÉE
par les Prussiens en 1815. (V. Hugo.)
— Fam. Qui sert ou a servi de but à do
nombreux projectiles de nature quelconque :
Etre
BOMBARDEBOMBARDE de boules de neige. M
mc
Ai-
boni a été applaudie, rappelée, BOMBARDÉE de
bouquets. (Th. Gaut.) n Honoré de salves d'ar-
tillerie ou de pièces d'artifices ; Il fut fété
t
chanté, complimenté, aubade encore une fois de
cornemuses, BOMBARDÉ encore une fois de pé-
tards. (G. Sand.)
B O M B A R D E L L E s. f. ( bon-bar-dè-le —
dimin. de bombarbe). Artill. Petite bombarde,
petite pièce d'artillerie propre à lancer des
boulets de pierre.
— Encycl. La bombardelle était en usage en
même temps que les bombardes. On en déterra
une en mai 1830, au pied des remparts de Laon,
dans l'Aisne. Elle avait été fabriquée sous
Charles VU, de 1436 à 1440, alors que Tristan
l'Ermite avait la grande maîtrise de l'artillerie
en France. C'est du moins ce qui résulta de
l'interprétation des inscriptions qu'elle portait
et des recherches savantes du lieutenant-
colonel d'artillerie Bonneau. Elle était du ca-
libre de 0 m. 12. L'âme avait une longueur de
0 calibres et demi environ, et la chambre une
longueur de 1 calibre. Elle était formée de
rondelles recouvertes de douves maintenues
par sept cercles en fer, de 0 m. 43 à 0 m. 45
de largeur.
B O M B A R D E M E N T s. m. (bon-bar-de-man
— rad. bombarder). Action de bombarder,
d'attaquer avec des bombes : Le BOMBARDE-
MENT d'une ville, d'une citadelle, d'un port.
Les
BOMBARDEMENTSBOMBARDEMENTS ne prennent pas lesplaces,
ils ne tuent personne quand on veut prendre
garde à soi, et ils ne brûlent les maisons que
lorsqu'on manque de précaution. (Vauban.) Le
BOMBARDEMENTBOMBARDEMENT de Bruxelles, en 1795, écrasa
3,800 maisons. (De Chesnel.)
— Fam. Action de lancer de nombreux
projectiles d'une nature quelconque : Le BOM-
BARDEMENT
BARDEMENT fleuri a commencé; ça été mie
mitraillade de bouquets et de couronnes. (Th.
Gaut.)
Encycl. Art milit. De tous le<* moyens de
destruction qu'emploie la guerre, aucun n'est
plus barbare que les bombardements, parce
qu'ils n'atteignent pas seulement ceux qui ont
des armes pour se défendre, mais ils portent
la mort et la ruine parmi des populations inof-
fensives, qui ne demandent qu'à vivre en paix
et qui sont incapables de la moindre résistance ,
114
906 BOMB
BOMB
BOMB
BOMB
Il est vrai que les hommes de guerre qui n'ont
pas renoncé aux sentiments de l'humanité
veulent qu'on épargne, autant que possible,
les demeures des simples habitants-, Vauban,
dans son Attaque des places, dit : « Les
mortiers placés sur leurs plates-formes, il
faudra simplement tirer aux défenses, aux
batteries de la place et dans le centre des bas-
tions et de la demi-lune, où on peut faire des
retranchements, et non aux maisons, parce que
ce sont autant de coups perdus qui ne contri-
buent en rien à la prise de la place, et le dom-
mage qu'on y fait tourne à perte-pour l'assié-
geant ; c'est pourquoi il est nécessaire de bien
apprendre aux bombardiers ce qu'ils doivent
battre et de leur défendre très-expressément
de tirer aux bâtiments. » Mais, lors même que
tous les chefs d'armée seraient disposés à me-
nacer ainsi les édifices privés dans les villes
qu'ils font bombarder, il est évident que beau-
coup de projectiles doivent tomber a côté du
but vers lequel ils sont envoyés, et que les
propriétés particulières situées dans le voisi-
nage doivent souvent étre^ atteinte's : il est
évident aussi que l'incendie allumé dans un
magasin de munitions peut se propager en
tout sens et réduire en cendres tout un quar-
tier de la ville; qu'enfin les bombes peuvent
tomber au milieu des rues les plus tranquilles
et répandre la mort parmi les habitants, en
frappant indistinctement ceux qui ont des
armes et ceux qui n'en ont pas.
" D'ailleurs, il est rare qu'un général, qui ne •
pense qu'à .vaincre, se laisse influencer par
des motifs de pure humanité. Quand on a le
cœur sensible, Quand on éprouve une répu-
gnance invincible à jouer, comme Attila, le
rôle de Fléau de Dieu, on n'est pas propre à
réussir dans la carrière des armes ; on ne de-
vient pas général, ou l'on reste toujours un
fort mauvais général. Ecoutez ce que dit un
écrivain militaire, dont le langage ne fait
qu'exprimer crûment la pensée qui domine
évidemment dans toutes les âmes avides de
gloire militaire : « Sur un champ de bataille,
le chef d'une armée n'a jamais hésité et n'hé-
sitera jamais à mettre le feu à un village; dont
la possession pourrait devenir utile aux en-
nemis et gêner sa position ou ses manœuvres.
t
Doit-on lui reprocher de détruire ainsi les
* moyens d'existence d'une population rurale,
souvent plus intéressante que celle de nos
cités? On ne s'inquiète pas davantage du sort
des villes ouvertes, que l'on abandonne très-
facilement aux exactions des chefs ennemis et
à la brutalité de la soldatesque. N'est-il pas
étrange et déraisonnable de vouloir exiger
d'un général d'armée, à son entrée sur le ter-
ritoire ennemi, qu'il prenne des ménagements
envers les bourgeois des places fortes jusqu'au
point de perdre son temps et de sacrifier ses
nommes devant les remparts, dans l'espoir,
souvent chimérique, de conserver la vie de
cette classe de citoyens? Présenter en ces
termes la question de bombardement, c'est la
résoudre. » (De Blois, Traité des bombarde-
ments.)
Le but qu'on se propose en bombardant une
ville n'est pas de tuer les habitants, de brûler
ou de détruire les maisons: on tue cependant,
on brûle et on détruit, mais tout cela simple-
ment comme moyen de jeter la terreur dans
la place, pour forcer plus vite ceux qui la
défendent à se rendre. Un autre écrivain mi-
litaire, plus brutal encore dans sa franchise
que le précédent, va nous dévoiler toute la
rofondeur des calculs que l'art exige pour
tre porté à sa perfection : • Ce n est pas
sur les,habitations des gens riches, sur les
hôtels.qu'il faut tirer; les propriétaires aisés
ne sont pas portés à la révolte, ils ne pour-
raient que perdre dans une émeute populaire,
et, loin de fa provoquer, leur intérêt les porte
à maiutenir l'ordre Il n'en est pas de même
du peuple proprement dit Et puis, en mé-
nageant les gens riches, le peuple, toujours
soupçonneux, s'imagine qu'ils sont de conni-
vence avec vous, ce qui 1 irrite contre eux, et
amène des rixes qui ne sauraient que vous
être favorables. • (Noiret Saint-Paul, Elé-
ments de fortification.)
Il est aisé de comprendre que ces émeutes,
cet esprit de révolte qu'on veut ici provoquer
doivent avoir pour théâtre la ville bombardée.
C'est une petite guerre civile qu'on veut ex-
citer entre le peuple et la garnison de la ville
"bloquée, afin d'augmenter les embarras de
l'offi cier qui commande cette garnison, et dans
l'espoir de lasser plus vite son courage. Ainsi,
non-seulement on tue et l'on ruine ce pauvre
peuple, mais encore on le pousse à se faire
• tuer dans les rues par ceux mêmes qui n'ont
été placés là que pour le défendre. Après cela,
si l'on ne veut pas reconnaître la çuerre comme
le premier des arts, la gloire militaire comme
rimant toutes les gloires, c'est qu'on y mettra
ien de la mauvaise volonté. Ces moyens, du
reste, ne réussissent pas toujours, et quand le
peuple est soutenu par un vrai patriotisme, il
ne songe lui-même qu'à joindre ses efforts à
ceux de la garnison. « L'un des bombardements
les plus remarquables en France fut celui de
Lille. Vainement les Autrichiens, en 1792, firent
pleuvoir pendant cinq jours sur cette ville une
grêle de boulets rouges et d'obus. Les habi-
tants, leurs femmes, leurs enfants, familiarisés
avec ces scènes de désastre, arrachaient les
mèches des bombes pour les empocher d'éclater
et ramassaient les boulets rouges avec des
tenailles de fer pour les jeter dans l'eau. Ils
parvinrent par cette conduite héroïque à forcer
les Autrichiens de renoncer à leur entreprise.
Ceux-ci levèrent le siège le 9 octobre. » {En-
cyclopédie des gens du monde.)
Pour donner une idée des désastres que
peut produire le bombardement d'une ville,
nous nous bornerons à citer deux courts pas-
sages: «Toutefois le bombardement de Dieppe,
en I694j détruisit 1,200 maisons, et celui de
Bruxelles, en 1795, en écrasa 3,800. Pour le
bombardement de Namur, dans la même année,
Cohorn mit en batterie 60 mortiers, qui détrui-
saient plus de 100 maisons par jour. • (Le
comte de Chesnel, Encyclopédie militaire et
maritime.)
« Les effets du bombardement d'Anvers fu-
rent on ne peut plus complets : les souterrains
des fortifications et le grand magasin à poudre
exceptés, il ne resta pas, pour ainsi dire, pierre
sur pierre dans l'intérieur de la citadelle. Mais
ce qui étonna sans doute ceux qui accordent
une importance exagérée à ces moyens de
destruction, c'est que ce bombardement si ter-
rible n'avança pas sensiblement l'heure de la
reddition de la place. Ce ne furent point nos
batteries de mortiers et les 25,000 bombes
qu'elles lancèrent, ce fut la batterie de brèche
en ouvrant le corps de place, ce furent nos
travaux poussés jusqu'au fossé, qui seuls dé-
terminèrent le gouverneur à capituler. » (Spec-
tateur militaire. Siège d'Anvers en 1832,
t. XJV.)
Les précautions à prendre pour atténuer
les effets terribles des bombardements ont à
peine besoin d'être signalés. Il est évident,
d'abord, qu'une grande ville est plus difficile
â garantir qu'une petite; néanmoins, les pres-
criptions sont les mêmes. Lorsque la place
bombardée présente peu d'étendue, et que
toute la garnison ne peut être logée dans un
quartier où elle soit en sûreté, il sera néces-
saire de blinder les casernes exposées aux
effets destructeurs du bombardement, surtout
celles qui sont les plus rapprochées du front
d'attaque. On installera les hôpitaux dans les
souterrains les plus sains, ou mieux dans des
bâtiments à l'épreuve de la bombe, voûtés ou
blindés. Il sera également convenable de*ga-
rantir des bombes, par de solides blindages,
les fours, les puits et les citernes, qui rendent
des services indispensables. On pourra, si on
le juge prudent, dépaver les cours etles abords
de tous les établissements militaires, pour at-
ténuer les effets de la chute et de 1 explosion
des projectiles. Puisque la crainte de l'incendie
est la première que l-on doive éprouver, il est
évident qu'on doit toujours organiser des com-
pagnies de pompiers parmi les bourgeois, éta-
blir de nombreux réservoirs d'eau, avoir des
pompes en quantité, des échelles de toute
grandeur, etc.
Terminons par une liste des bombardements
les plus célèbres dans l'histoire ;
Alger, par Dusquesne en 1682 et 1G83
Gènes 1684
Tripoli 1GS5
Barcelone 1691
Bruxelles 1695
Toulon, par les Anglais 1707
Tripoli, par les Français.. . 1728- 1729
Prague 1729
Alger, par les Vénitiens 1784
Lille, par les Autrichiens 1792
Thionville, par l'armée coalisée. . . 1792
Fort Vauban, par les Autrichiens. . 1793
Blocus et bombardement de Landau,
par les Autrichiens et par les
Prussiens 1793
Ypres, par les Français 1794
Nieuport, par les Français 1794
Maèstricht, par les Français. . . . 1794
Magdebourg, par les Français. . . . 1806
Glogau, par les Français 1806
Breslau, par les Français 1807
Copenhague, par les Anglais, en
S
leine paix 1807
weidnitz, par les Français. . . . 1807
Stralsund, par les Français 1807
Dantzig,par les Russes, les Prussiens
et les Anglais réunis 1813
Anvers, par les Français 1832
Saint-Jean d'Ulloa, parles Français. 1838
Bevrouth, par les Anglais 1840
Saint-Jean-d'Acre, par les Anglais. 1840
Salé 1851
Odessa, par la flotte anglo-française 1854
Bombardement de Madrid ( L E ) , tableau de
Carie Vernet. V. MADRID.
BOMBARDER
BOMBARDER v. a. ou tr. (bom-bar-dé —
rad. bombe). Attaquer avec des bombes :
BOMBARDER
BOMBARDER une ville, une place de guerre, un
port de mer y une citadelle. On cartonna et
on
BOMBARDABOMBARDA la ville presque sans relâche.
(Volt.) L'intention de Nelson était de BOMBAR-
DER notre flottille. (Thiers.)
— Fam. Diriger de nombreux projectiles
sur : On le BOMBARDA de trognons de chou et
de pommes cuites. Telles sont les pommes et
pelures d'orange, dont le public espagnol ne
manque pas de BOMBARDER les acteurs qui lui
déplaisent. (Th. Gaut.) Il Accabler, ooséder
de : Le chevalier de Spontini BOMBARDE dans
ce moment ces pauvres Parisiens avec ses let-
tres lithographiées. (H. Heine.) Il Attaquer
vivement et sans discontinuer : L'opposition
se croit en mesure de BOMBARDER le ministère
durant toute la session. Il n'y avait guère de
jour que le duc de Grammont ne BOMBARDÂT
ainsi quelqu'un. (St.-Sim.)
— Fig. Lancer brusquement, faire arriver
tout à coup et sans préparation : Il s'agissait
d'une dame d'atour, le roi voulut une duchesse
t
et fax dit pourquoi et comment il/me de Main-
I tenon y
BOMBARDABOMBARDA MM* d'Arpajon. (St-Sim.)
il Ce sens énergique est propre au style vio-
lent de Saint-Simon.
BOMBARDERIE
BOMBARDERIE s. f. (bon-bar-dc-rî — rad.
bombarder). Art. milit. Nom sous lequel on
désignait autrefois l'artillerie, considérée au
point de vue de la théorie ou du matériel :
Etudier ta BOMBARDERIE. Prendre toute la
BOMBARDERIEBOMBARDERIE de l'ennemi.
BOMBARDIERBOMBARDIER s. m. (bon-bar-dié — rad.
bombarde). Art milit. Autref-, Soldat em-
ployé à la manœuvre des bombardes, des
mortiers, des obusiers : Sous Louis XIV, il
y avait un régiment royal de BOMBARDIERS,
composé de quatorze compagnies. (Gén. Bar-
din.) il Aujourd'hui Chacun des artilleurs
qui, dans une batterie de mortiers, sont em-»
ployés à charger la bombe et à en diriger
le jet ; les autres s'appellent servants : Le
BOMBARDIERBOMBARDIER garnit d'un tampon la charge de
poudre, assujettit dans le mortier la bombe au
moyen d'échsses en bois blanc, la lance, la di-
rige conformément aux règles balistiques.
(Gén. Bardin.)
Qu'a-t-il donc le pacha, le vizir des armées?
Disaient les bombardiers, leurs mèches allumées.
V. Huoo.
— Entom. Syn. de BRACHINE, insecte ainsi
appelé parce qu'il produit^ lorsqu'on le saisit,
un bruit qui ressemble a une explosion, il
s. m. pi. Terme proposé,, mais non adopté,
pour désigner les Drachmes et les genres
voisins.
— Encycl. Artill. En 1634, lors de l'intro-
duction des bombes en France, des soldats
furent spécialement chargés du tir de ces pro-
jectiles. On les appela bombardiers ou bom-
bistes. En 1071, on en forma deux compagnies,
qui devinrent, en 1684, le noyau d'un régi-
ment dit des fusiliers-bombardiers. En 1720, ce
régiment fut réuni k celui des fusiliers du roi
et aux mineurs, et l'ensemble des trois corps
reçut le nom de réciment Roy al-artillerie. La
dénomination de bombardiers fut abolie en
1791, par un décret de l'Assemblée nationale,
qui réorganisa l'artillerie. On créa aussi, a la
fin du xvnc siècle, des canorm'iers-bombardiers
dans l'artillerie de marine, mais ils furent in-
corporés dans l'artillerie de terre en 1762.
BOMBARDINI
BOMBARDINI (Antoine), jurisconsulte ita-
lien, né a Padoue en 1666, mort en 1726. Il
professa à Padoue le droit canonique, civil et
criminel, et publia un traité intitulé : De car-
cere et antiquo ejus usu (Padoue, 1713, in-8").
BOMBARDON
BOMBARDON s. m. (bon-bar-don — rad.
bombarde). Mus. Instrument de cuivre, à sons
graves, sans clefs, pourvu de trois cylindres,
et à timbre éclatant, dont la sonorité no dif-
fère que très-peu de celle de l'ophicléide : Le
BOMBARDONBOMBARDON n'est usité qu'en Allemagne, dans
les musiques d'harmonie.
BOMBAS1N s. m. (bon-ba-zain — bas lat.
bombacinus, mémo sens, do bombyx, ver à
soie). Comm.. Etoffe de soie qui se fabriquait
primitivement à Milan. Il Sorte do futaino
sans envers, qui n'est plus en usage.
BOMBASINE
BOMBASINE s. f. ( bom-ba-zi-no — rad.
bombasin). Comm. Etoffe plus légère que le
bombasin : L'alépine est une espèce de BOMBA-
SINE.
BOMBAXBOMBAX s. m. (bom-bakss — mot lat. qui
signifie cotonnier). Bot. Nom scientifique du
fromager, arbre qui produit des fruits cou-
verts d'un duvet analogue au coton.
— Encycl. Les arbres qui composent le
genre bombax sont originaires de 1 Amérique
tropicale. Ils se distinguent par les caractè-
res suivants : feuilles alternes, digitées et
longuement pétiolées; fleurs blanches, dispo-
sées en panicules axillaires ou en grappes
terminales; calice campanule à cinq divisions;
corolle & cinq pétales ; étaraines au nombre de
cinq ou indéfinies ; stigmate capité, à cinq di-
visions; fruit capsulaire, grand, oblong, cy-
lindrique, ovale ou turbiné, à cinq valves et
à cinq loges polvspermes; graines nombreu-
ses, entourées d un épais duvet. Les bombax
sont des arbres fort remarquables, tant par
leur croissance rapide que par la grosseur de
leur tronc et la beauté de leurs fleurs. Les
principales espèces sont : 1° le bombax à cinq
étamines ou fromager commun, haut de 20 a
25 mètres. Cet arbre fournit un bois lé^er,
mais cassant j son tronc est couvert d une
écorce verdâtre, parsemée de tubérosités épi-
neuses ; ses fruits, longs d'environ 16 cen-
timètres, renferment des semences noires, en-
veloppées dans un duvet semblable à celui du
cotonnier. Ce duvet sert à garnir les coussins
et les meubles, mais on ne peut le filer, parce
qu'il est trop court. Les feuilles fournissent
de l'huile, et les graines se mangent torréfiées.
2° le bombax de Carthagène ou fromager épi-
neux. Il produit un duvet grisâtre, enfermé
dans une capsule ligneuse ; son tronc est épi-
neux, renflé à sa base. Sous le climat de Pa-
ris, on ne le cultive qu'en serre chaude.
BOMBAY,
BOMBAY, ville de l'Indoustan anglais, ch.-l.
de la présidence de ce nom, dans l'ancienne
province d'Aurengabad, sur la petite lie basse
et marécageuse de son nom, baignée par la
mer d'Oman, par 18° 56' de lat. N. et 70° 37'
de long. E. a 250 kilom. S. de Surate, à
1,000 kilom. N.-O. de Madras e t a 1,650 kilom."
S.-O. de Calcutta. Sa population, à l'époque
où la couronne d'Angleterre en lit l'acquisi-
tion (1661), n'excédait pas 15,000 âmes; elle
est aujourd'hui d'environ 240,000 hab. parmi
lesquels on compte 25,000 Européens; le reste
de la population est composé de Parsis ou
guèbres, d'Indous et de juifs. Siège d'un
évêché anglican, dépendant de celui de Cal-
cutta, d'un vicaire apostolique catholique,
d'une cour suprême de justice civile et cri-
minelle pour la ville etles Européens de toute
la présidence. Ecole supérieure, jardin bota-
nique , sociétés littéraires et scientifiques.
Place de guerre défendue par une forte cita-
delle. Port de marine militaire, avec arsenal
et chantiers de construction; port de com-
merce, l'un des plus vastes et des plus sûrs de
l'Inde, avec des docks et de beaux bassins à
flot, dans lesquels on construit' des bâtiments
des plus grandes dimensions et de la plus
grande solidité. Si Bombay est le centre des
communications par bateaux à vapeur entre
l'Europe et les Indes, si les paquebots régu-
liers pour Suez stationnent dans son port,
cette ville est dans une situation beaucoup
moins avantageuse que Calcutta pour les fa-
cilités de communication avec l'intérieur. Elle
n'a pas, dans son ressort, de cours d'eau com-
parable au Gange et aux affluents de ce grand
neuve ; tons les transports de l'intérieur s'y
font par terre, sur de mauvaises routes rare-
ment praticables pour des voitures, à dos de
bœuf ou de chameau. Néanmoins, elle est
devenue, grâce à son excellent port, le se-
cond entrepôt de l'Inde, pour les marchandi-
ses du littoral de cette contrée, depuis Cal-
cutta jusqu'à l'Indus; et pour celles de la
Chine, de la Malaisie et des contrées de la
mer Rouge, ainsi que pour les articles de la
Grande-Bretagne et des autres pays d'Eu-
rope. Le mouvement de ses opérations com-
merciales, pendant l'exercice 1853-1854, a
presque atteint 8 millions et demi sterling
(212 millions de fr.) à l'importation, et dépassé
9 millions et demi à l'exportation. La Grande-
Bretagne envoie à Bombay des étoffes de co-
ton et de laine, des cotons filés, de la quin-
caillerie, du cuivre, fer, plomb, verre, effets
d'habillements, pelleterie, papeterie, vins, etc.;
les principaux produits qu'elle en tire consis-
tent en coton brut, soie écrue de Chine et de
Perse, ivoire, poivre, épices, café et laine.
Bâtie sur l'Ile de son nom, en face de la pe-
tite île de Colabba, qui n'en est séparée que
par un étroit canal, la ville de Bombay est
divisée en deux parties : la vieille ville ou la
forteresse, et la ville neuve ou Dungaree. La
première, construite sur une langue de terre
étroite qui domine le port, est entourée de
fortifications qui, du côté de la mer, parais-
sent inexpugnables. Elle contient quelques
édifices bien construits, mais ses rues sales
et étroites ne sont guère habitées par les Eu-
ropéens; les maisons sont en bois et de mai-
gre apparence. La ville neuve se trouve au
nord de la forteresse, dont elle est séparée
par une esplanade ; les maisons ont toutes des
vérandas soutenues par des piliers en bois et
fermées par des jalousies a la vénitienne; les
étages supérieurs avancent sur les inférieurs,
et les toits, très-inclinés sont couverts de tuiles.
Bombay ne rappelle ni Calcutta ni Madras;
ses plus belles rues ne valent pas celles des
faubourgs des deux autres capitales ; cepen-
dant, une grande partie de la ville ayant été
détruite par un incendie en 1803, on l'a re-
bâtie avec beaucoup de goût. Le grand
marché, appelé The Green (le Vert), est en-
touré de bâtiments magnifiques, parmi les-
quels se distinguent par leur belle architec-
ture l'église anglicane et le palais du gouver-
neur, autrefois collège des jésuites. Le nombre
des mosquées et des pagodes est considérable,
et quelques-unes peuvent passer pour de
beaux monuments.
Bombay, fondé par les Portugais, qui lui
avaient donné le nom de Boa-Bahia, est,-après
Madras, la plus ancienne possession des An-
glais dans n n d e . Depuis 1686, cette ville est
le siège dû gouvernement de la présidence j
en 1688, elle fut assiégée par les Mogols, qui
se retirèrent Vannée suivante, sur l'ordre
d'Aurençzeb. Toute la côte de l'Inde au N. et
à l'O. lui obéit aujourd'hui, et son influence
s'étend jusqu'aux rivages de la Perse et de
l'Arabie. Il L'Ile de Bombay, sur laquelle s'é-
lève la ville de même nom, située sur la côte
du Concan, dont elle n'est séparée que par un
faible bras de mer, se compose de deux cou-
ches parallèles de serpentine, et mesure
20 kilom. de longueur du N. au S. et 35 kilom.
de circonférence. Basse, marécageuse, h peu
près stérile, elle est réunie depuis le commen-
cement de ce siècle & l'Ile de Salsette par une
chaussée construite par les Anglais. Un des
princes indiens qui régnaient a Salsette la
céda aux Portugais en 1530, et Catherine de
Portugal la porta en dot, en 1661, au roi d'An-
gleterre Charles II.
BOMBESBOMBES d'Orsini.
~- Fig. Contre-temps soudain et imprévu ;
attaque violente et inopinée : Quelle BOMBE
tombée au milieu des plaisirs et des tranquil-
lités de votre amour l (M
mo
de Sév.) Quelle
BOMBE jetée au milieu de vous et de votre
tranquillité! (M^e de Sév.) 77 pleut des BOM-
DES dans la maison du Seigneur ; je tremble
toujours que quelqu'un de ces téméraires ar-
tilleurs-là ne s'en trouve mal. (Dider.)
— Loc. fam. Tomber comme une bombe, Ar-
river à l'improviste, sans êtro attendu : Cette
femme vient de vingt-cinq lieues et TOMBE ICI
COMME UNE BOMBE. (M'ne de Sév.) Je me sou-
viens que tu TOMBAS chez moi COMME UNE
BOMBE. (Ch. Nod.) Le maître ÉTAIT TOMBÉ
dans so7i château COMME UNE BOMBE. (Balz.) n
La bombe éclatera, crèvera, est près d'éclater,
de crever, L'événement, le malneur arrivera,
«0 tardera pas à arriver : Quoiqu'il dût bien
s'attendre qu'à la fin la BOMBE CRÈVERAIT, il
en parut accablé. (St-Sim.) tl Gare la bombe l
Prenez garde a vous, faites attention. I! Nom
d'une bombe! Mille bombes! Sortes do jurons
militaires: Eh bien! tant mieux,NOM D'UNE
BOMBE I répondit-il en choquant son verre contre
celui du paysan. (G. Sand.) AA / MILLE BOMBES,!
sans nous flatter, nous dansons presque comme
à l'Opérande Paris. (Etienne.) Je te promets
de rêver aux moyens de le délivrer. •— C'est
ça; délivrons-le, MILLE BOMBESI (Scribe.)
— Pyroteeh. Bombe d'artifice, Pièce de ré-
jouissance consistant en uno sphère creuse
en carton ou en bois, dans laquelle on intro-
duit une petito quantité de poudre et qui,
lancée avec un mortier ou un pot à feu. éclate
à uno certaine hauteur, et laisse échapper
les étoiles dont elle est bourrée.
— Mar. Bombe de signaux, Grosse boule
qui est montée sur des cercles et hissée à des
mats, à des vergues, pour faire certains si-
gnaux.
— Géol. Bombes volcaniques, Fragments de
matières en fusion lancées dans l'air par
les volcans, et qui, par l'effet de leur rota-
tion, ont pris une forme plus ou moins
spheroïdale.
— Cornm. Gros ballon, en verre de bou-
teille, à col court, d'une contenance de lo à
60 litres, spécialement employé à conserver
le kirsen, dans ses lieux de production et
particulièrement en Franche-Comté. U Son
augmentatif BOMBONNE est plus usité.
— Phys. Bombe-chandelle, Nom que l'on
donne quelquefois aux larmes bataviques.
'V. BÀTAVIQUE.
— Epitbètes. Horrible, affreuse, effroyable,
terrible, épouvantable, meurtrière, homicide,
tonnante, éclatante
;
éclatée, lumineuse, en
fou, embrasée, incendiaire.
— Bncycl. Artill. Ce projectile, appelé au-
trefois boulet à feu, pierre à feu, grande gre-
nade, est de forme sphériquo et creux, afin
qu'on puisse introduire dans sa cavité une
quantité déterminée de poudre pour le faire
éclater. On fabrique aujourd'hui les bombes en
fonte de fer. Cet engin de guerre est lancé
g
énéralement sous de grands angles par les
ouches à feu appelées mortiers. Son but est
"d'incendier les magasins et les abris de l'en-
nemi, de détruire les blindages et les maisons
des habitants.
On n'est pas d'accord sur l'époque où l'on
commença a faire usage de la bombe, ni sur le
nom de son inventeur. Quelques auteurs pré-
tendent que Jean Bureau, maître général de
l'artillerie de France, inventa les bombes en
U52, au siège de Bordeaux; d'autres font
'honneur de cette découverte a un bourgeois
de Vanloo, vers 1588. On a aussi prétendu que
les Chinois ont connu dès la plus haute anti-
quité l'usage de globes en fer, qu'ils faisaient
éclater. Valturio, oui écrivait dans la première
moitié du xve siècle, attribue l'invention des.
bombes à un de ses contemporains, Sigismond
Malatesta, seigneur de Rimini. Des projectiles
explosifs, lancés sous de grands angles, se
trouvent aussi représentés dans plusieurs ou-
vrages composés à la fin de ce même siècle
et dans le siècle suivant. Néanmoins, les écri-
vains militaires les plus compétents s'accor-
dent à reconnaître que, si les projectiles de ce
genre ont été , dès l'origine de l'artillerie,
1 objet de nombreuses tentatives, ce sont les
canonniers des Pays-Bas du xvi
c
siècle qui ont
réussi les premiers à les doter de perfectionne-
ments suffisants pour en rendre l'emploi effi-
cace et usuel. C'est donc aux Hollandais que
l'art militaire est véritablement redevable de
la bombe, telle qu'elle existe aujourd'hui. Elle
n'était pas encore connue en France en 1632 ;
mais elle y fut introduite en 1634 par un ingé-
nieur anglais appelé Malthus, et employée,
dans le courant de cette année, au siège de
^Lamotte, en Lorraine. 11 est à remarquer que,
""dans le principe, les bombes se tiraient à deux
feux, c'est-à-dire qu'on enflammait séparé-
ment leur fusée et 1 amorce du mortier. A la
fin du xvn
e
siècle (1693), on essaya cependant
de la tirer à un seul feu, en allumant la fusée
par l'action même dé la charge de la pièce ;
mais ce nouveau procédé ne devint pratique
qu'à partir de 1747.
Jusqu'en 1832, on a fabriqué des bombes de-
puis 10 kilogr. jusqu'à 300 kilogr. ; les bombes
ordinaires étaient de 12 pouces •, celles de
6 pouces n'étaient que des demi-bombes. Les
comminges pesaient 500 livres; on aurait pu
nommer alors doubles comminges les bombes
du colonel Paixhans, essayées en 1832,. qui
pesaient500 kilogr. eteontenaient 50 kilogr. de
poudre. Celles de moins de 10 kilogr. s'appe-
laient bombes de fossés, bombettes, bombines,
grenades, doubles grenades, obus, etc. On les
jetait le plus souvent à la main.
On distingue dans la bombe (v. la fig.) :
lo y œil a, dans lequel on enfonce la fusée qui
communique le feu à la charge intérieure ;
20 de chaque côté de l'œil, les anses ou men-
tonnets b, dans lesquels on passe les anneaux
en fer c, utiles pour le transport et le charge-
ment; 3° à l'intérieur, dans la partie opposée
à l'œil, le culot d, surcroit d'épaisseur en
forme de segment sphérique, destiné à renfor-
cer la partie de la bombe qui supporte toute la
pression du gaz de la poudre dans les pre-
miers moments de l'explosion, et à empêcher
le projectile de tomber sur la fusée. Les
bombes diffèrent des obus sphériques, en ce que
ceux-ci n'ont ni anses, ni anneaux, ni culot.
c
Les bombes sont coulées dans un moule
maintenu par deux châssis, le châssis mâle et
le châssis femelle. Un noyau intérieur ménage
le vide de la bombe. Avant d'être reçues, les
bombes sont soumises à deux visites, l'une
après le lissage, et la seconde, décisive, pou-
vant amener le refus sans appel, après le re-
battage. Elles sont alors empilées par espèces
et par calibres, sous de grands hangars, dans
des lieux aérés, aussi secs que possible, où la
circulation de l'air est parfaitement établie.
L'œil des projectiles est en dessous : chaque
pile porte une étiquette indiquant le calibre et
le nombre de pièces de service qu'elle con-
tient.
Les bombes réglementaires, en France, sont
celles de 32 centim., 27 centim. et 22 cent, de
diamètre, pesant 72, 49 et 22 kilogr. Pour ob-
tenir de très-grandes portées, on a fabriqué
des bombes, dites renforcées, dont les poids
étaient de 90, 100 et 110 kilogr. Elles étaient
lancées par le mortier de 32 centim. De nos
jours, on ne coule plus de bombes de 22 cent. ;
elles sont remplacées par l'obus du même ca-
libre ; on pense que celles de 32 cent, seront
aussi prochainement abandonnées.
Lés projectiles acquièrent' dans leur chute
une vitesse qui leur donne une grande force
de pénétration. La pénétration de chaque ca-
libre dépend d'abord de cette vitesse de chute;
elle augmente aussi en même temps que l'an-
gle de tir, et selon la distance à laquelle la
bombe est lancée. Outre leurs effets de péné-
tration, les bombes produisent encore de grands
ravages par leurs explosions. Au siège de Na-
mur (1746), une bombe tua trente hommes en
éclatant au-dessus du sol. En 1690
?
une bombe,
tombée sur le vaisseau le Terrible, enleva
toute sa poupe et mit cent hommes hors de
combat. Le déchargement des bombes, comme
celui de tous les projectiles creux, est une
opération dangereuse, qui cause de trop fré-
quents accidents et pour laquelle on ne sau-
rait prendre trop de précautions.
Dans les» guerres de siège, on a employé,
avec les bombes destinées à éclater, dites
bombes foudroyantes, d'autres bombes destinées
à éclairer le but sur lequel on visait; on les
appelait bombes lumineuses ou flamboyantes.
Ainsi en 1827, M. Charroy, artificier, imagina
des engins de ce genre portant un parachute
dont la nacelle contenait un pot à feu, espèce
de météore artificiel, soutenu dans l'espace et
envoyant au loin sa lumière. On s'est aussi
servi de bombes d'attrape, chargées seulement
de sable : l'assiégeant les jette sur une brèche
qu'il veut franchir j l'assiégé, attendant l'ex-
plosion, se couche a plat ventre, et la brèche
se trouve un moment sans défenseurs ; mais
le moment est court, car la ruse est bien vite
devinée.
Le lieutenant-colonel Miller ainventé(l829)
une bombe fougasse qui peut avoir son utilité
en campagne pour garder les abords d'un
camp. Elle éclate quand on la touche du pied.
Elle peut donc remplacer une sentinelle, le
bruit de l'explosion est suffisant pour annon-
cer l'approche de maraudeurs, de patrouilles,
de reconnaissances ou de détachements de
l'armée ennemie.
On désigne sous le nom de bombes à main
des projectiles explosifs assez petits pour
qu'un homme puisse les porter a la main,
même dans sa poche, et qui sont disposés de
manière à éclater quand on les jette ou quand
on les laisse simplement tomber à terre. C'est
d'engins de ce genre que se servirent les au-
teurs de l'attentat du 14 janvier 1858. Us se
composaient d'un cylindre creux en fonte très-
cassante, formé de deux parties réunies par
un pas de vis pratiqué dans les parois. Ils
avaient 9 centim. 5 de hauteur, et 7 centim. 3
de diamètre. La partie inférieure était armée
de 25 cheminées destinées à recevoir un égal
nombre de capsules de guerre, et placées de
telle sorte que le feu de ces dernières conver-
geait sur la charge placée dans l'intérieur.
L'épaisseur des parois n'était pas la même
partout. Elle ne dépassait pas 5 millimètres
a la partie supérieure. De cette façon, la bombe
devait se retourner d'elle-même dans sa chute,
et retomber du côté le plus lourd, sur les cap-
sules. Enfin, le projectile avait une capacité
intérieure d'environ 120 centim. cubes, et pe-
sait, non chargé, l kilogr. 377. Sa charge con-
sistait en 130 centigrammes à peu près de ful-
minate de mercure.
Enfin les Américains ont appelé bombe-
lance un projectile explosif qu'ils ont substitué
à la lance, pour attaquer et achever une ba-
leine amarrée au bateau pêcheur par un har-
pon. Ce projectile est lancé par un fusil à une
portée de 15 à 30 brasses (24 à 48 mètres).
L'Opinion nationale du 31 juillet 1866, sous la
signature Victor Meunier, nous donne la des-
cription de cet engin j nous empruntons à ce
journal cette description et la manière de se
servir de la bombe-lance : • C'est un tube en
fonte aigre, long de 3 à 4 décimètres et d'un
diamètre de 2 à 3 centimètres, rempli de pou-
dre de chasse (100 gr. environ), et terminé en
avant par une pyramide triangulaire à faces
évidées, aux angles tranchants et à pointes
(rès-aigùes; en arrière, par un tube plus étroit.
On verse dans le fusil une quantité déterminée
de poudre ; on recouvre celle-ci d'une bourre
percée en son milieu, et par-dessus on place
la bombe-lance, de manière que la mèche
touche la bourre. La pointe du projectile dé-
passé de l à 2 centim. l'extrémité du canon.
» Tel est l'outil. Voici la manière de s'en
servir. •
» La baleine étant amarrée au moyen du
harpon lancé à la main, on se haie sur la ligne
de manière à se trouver autant que possible
par le travers do l'animal, au moment où il
montre une partie notable de son corps. Si le
coup est heureux, la bombe pénètre dans les
parties charnues, portant avec elle la mèche
allumée par l'explosion du fusil. Quelques se-
condes après, un bruit sourd se fait entendre ;
le cétacé fait un soubresaut violent, et il
meurt presque instantanément, si l'explosion
a eu lieu au milieu du poumon. >
La bombe-lance, d'après ce qui précède, ne
dispense pas de l'attaque de la baleine par le
harpon. M. le docteur Thiercelin a remplacé
la bombe-lance par une bombe nouvelle renfer-
mant un poison. Ecoutons encore le même
article de Y Opinion nationale du même jour :
« L'innovation qu'il ( M. Thiercelin ) propose
est toute une révolution. Après en avoir poussé
l'étude aussi loin que faire se pouvait dans le
laboratoire, il a voulu eh diriger lui-même
l'expérimentation, précaution qui n'avait rien
d'excessif ; car telle est, dans cette industrie,
la puissance de la routine, qu'on a vu des ba-
leiniers i chargés d'essayer des ënglriS Se pêche,
les rapporter sans les avoir dépaquetés.
M. Thiercelin s'embarqua donc le 7 avril 1863,
a bord du baleinier le Gustave, qu'un jeune
négociant du Havre, M. Emile Rossière, jaloux
de faciliter l'es*sai du nouveau procédé, n'avait
pas craint d'équiper, au moment même où nos
armateurs s'accordaient à considérer la pêche
de la baleine comme une industrie morte.
L'auteur du Journal d'un baleinier s'est atta-
ché à rendre pratique une idée déjà ancienne.
Il propose d'empoisonner la baleine. D'autres,
avant lui, l'ont tenté. On avait essayé l'em-
ploi de l'acide prussique. Un journal a même
rapporté, il y a cinq à six ans, qu'une baleine,
atteinte par un projectile plein d'acide prus-
sique, était morte foudroyée. Cela n'a pas
empêché les pêcheurs de s en tenir au procédé
ordinaire, et, cette fois,-ils-ont bien fait, pour
plusieurs raisons, dont une suffira : l'instabi-
lité de l'acide prussique, qui est telle que, plu-
sieurs jours après avoir été préparé, ce poison
si énergique peut être transformé en un corps
complètement inerte.
» Après avoir travaillé pendant deux ans dans
le laboratoire de la faculté de médecine, aidé
des conseils et des lumières de M. \Vurtz,
M. Thiercelin s'est décidé à employer, pour
empoisonner la baleine, un mélange de deux
' poisons végétaux, à la dose de 5 à 10 milli-
grammes par kilogr. de l'animal que l'on veut
trapper. Le poison trouvé, restait à le mettre
en contact avec la surface absorbante la plus
large possible. Pour cela, M. Thiercelin a r e -
cours k la bombe-lance. 11 noie la cartouche
pleine de poison dans le tube de poudre, ia
charge de poudre se trouve réduite à 60 gr.;
mais c'est plus qu'il n'en faut pour produire
la rupture du tube et déchirer les tissus de la
bête. » (Opinion nationale du 31 juillet.)
Des expériences concluantes ont prouvé
qu'avec l'invention de M. Thiercelin, la ba-
leine meurt en peu d'instants, ce qui dispense
de l'amarrage au harpon, partie la plus diffi-
cile de cette pèche, et que la baleine morte
empoisonnée n'offre aucun danger pour les
hommes employés à la pêche de cet animal.
Le procédé de M. Thiercelin parait destiné a
être adopté.
— Géol. Les bombes volcaniques sont des
masses plus ou moins volumineuses de laves
lancées en fusion par le volcan, et se solidi-
fiant dans l'air sous une forme plus ou moins
sphérique. Quand le volume des bombes est
peu considérable, on les désigne sous le nom
de grenades volcaniques ; elles portent le nom
de lapillo quand elles sont en petits fragnfents.
Les bombes volcaniques ont souvent pour
noyau un cristal de nature variée. Le plus
souvent, c'est un cristal de pyroxène, ou en-
core d'olivine.
BOMBAY
BOMBAY (PRÉSIDENCE DE), une des quatre
grandes divisions politiques et administratives
de l'Indoustan anglais, la plus occidentale,
baignée à l'O. par la mer d'Oman, limitée
au N. par.la présidence du Pendjab, à l'E.
par celle de Calcutta, et au S. par celle de
Madras. Superficie, 313,000 kilom. carrés;
11,790,000 hab. Capitale Bombay; villes prin-
cipales, Surate, Pouna, Baroda, Ahmeda-
bad, etc. La présidence de Bombay comprend
les anciennes provinces de Bedjapour, Concan,
Aurengabad,Rhandeisch, Goudjerate, Sindhy
et le petit groupe d'îles parmi lesquelles
se trouve Bombay. Le nord et l'ouest de la
présidence sont peu accidentés; le so* d'Ah-
BOMB BOMB BOMB
BOMB 907
medabad et de Baroda est des mieux cultivés
et des plus productifs de l'Inde; le territoire
de S.urate est très-montagneux, couvert de
jungles et en partie inculte ; le Khandeisch est
coupé de collines, dernières ramifications sep-
tentrionales des Ghattes, qui courent parallè-
lement à la côte à l'est du Concan. Cette der-
nière contrée occupe une longue plaine qui
se déroule le long de la mer d'Oman, et qui se
relève à TE. jusqu'aux premiers contre-forts
des Ghattes. Les principaux cours d'eau qui
arrosent cette grande division de l'Indoustan
sont l'Indus, dans son cours
1
inférieur, la Ner-
budda et le Tapty. Le climat est le plus mal-
sain de l'Inde ; l a température moyenne est de
27" à 28° centigrades ; dans la saison chaude,
le thermomètre s'élève quelquefois jusqu'à
58°. Alors les fièvres lentes et inflammatoires
font de grands ravages, surtout parmi les Eu-
ropéens habitués k un climat plus tempéré.
Les seuls grands produits de la présidence
de Bombay sont le riz et le coton ; ce dernier
est le plus estimé de L'Inde. Dans quelques
parties, on cultive l'indigo et la canne àsucre
;
et l'on récolte de la soie; la laine, améliorée
par suite des soins apportés à l'élève des
moutons, devient un article considérable d'ex-
portation. Le célèbre bois de tek est une des
plus grandes richesses des forêts. Les princi-
paux articles fabriqués sont les tissus de coton
et de laine, et quelques soieries. Le commerce
•intérieur, rendu difficile par le manque de
grands cours d'eau navigables et de routes,
est appelé prochainement àprendre des déve-
loppements importants par la construction
des voies ferrées.
B O M B E s. f. (bon-be — du lat. bombus,
fracas). Art milit." Gros projectile
t
creux,
rempli de poudre, et muni d'une mèche qui
est destinée à le faire éclater en communi-
quant le feu à la charge : Lancer des BOMBES
sur une ville, sur une flottille. Etre tué par un
éclat de BOMBE. Les BOMBES se lancent avec
des mortiers^ et décrivent en l'air une para-
bole. J'ai tremblé d'un éclat de BOMBE qui a
aplati la garde de t'épée du petit Grignan sur
la hanche. (Mme de Sév.) Les bourgeois, à la
première BOMBE, se seraient rendus. (Montesq.)
La statue a été atteinte et à demi renversée
par une BOMBE. (V. Hugo.) Les BOMBES ordi-
naires'pèsent de 20 à 22 ou de 48 à 50 kilogr.
(De Chesnel.) On a inventé récemment des
BOMBES que l'on charge de fonte en fusion.
(De Chesnel.)
La bombe dans les airs s'élance en mugissant.
VoLTAiaE.
On entendait gronder ces bombes effroyables. -
VOLTAIRE.
— Par anal. Projectile creux qui se lance
k la main, et éclato en tombant sur le sol :
Les
BOMBÉS,BOMBÉS, où l'eau ne séjourne pas, exigent
moins de frais d'entretien. Le verre lenticulaire
est d'autant plus g7*ossissant qu'il est plus
BOMBÉ. M. de Colbert trouve dur de suivre le
quartier général sans sa voiture BOMBÉE. (P.-L.
Courier.) Son front, mollement BOMBÉ comme
celui de la Diane antique, n'avait pas même
une ride. (R. de Bcauv.) Une bonne grosse
taille, un embonpoint de nourrice, tout en elle
s'harmonisait aux formes BOMBÉES, à la grasse
blancheur des beautés normandes, (Balz.)
— Archit. Bombé en contre-bas, Convexe et
tourné vers le sol : Arc BOMBK EN CONTRE-BAS.
— Antonymes. Cave, concave, creux, ren-
trant.
BOMBÉ,
BOMBÉ, ÉE (bon-bé) part. pass. du v. Bom-
ber. Renflé, convexe, rebondi: Les chemins
BOMBÉE
BOMBÉE s. f. (bon-bé — rad. bombé).
Erpèt. Espèce de tortue.
BOMBELLES
BOMBELLES (famille DE), antique famille,
d'origine portugaise, qui s'établit en Franc»
et passa plus tard en Autriche. Les principaux
membres sont : Henri-François, comte DE BOM-
BELLES,
BELLES, lieutenant général au service de la
France, né en 1681, mort en 1760. Il se dis-
tingua à la bataille de Friedlingen, au siégo
d'Augsbourg, à Oudenarde et à Malplaquet;
assista au siège et à la bataille de Belgrade,
en 1717, avec le régiment de Boufilers, dont il
était colonel; fut'choisi,en 1734, pour gouver-
neur desenfantsduducde Chartres et nommé
ensuite commandant du fort de Bitche, L'es ha-
bitants de cette ville ont élevé un monument a
sa mémoire. — Marc-Marie, marquis DE BOM-
BELLES,
BELLES, fils du précédent, né à Bitche en 1744,
mort en 1821, embrassa d'abordla carrière di-
plomatique, émigra en 1792, combattit dans les
rangs de l'armée de Condé, puis entra dans
les ordres et fut fait chanoine à Breslau. Au
retour des Bourbons, il fut nommé aumônier
de la duchesse de Berry et évêque d'Amiens
en 1819.— Louis-Philippe, comte DE BOMBEL-
LES, fils du précédent,né àRatisbonneen 1780,
mort à Vienne en 1843, suivit la carrière di-
plomatique au service de l'Autriche et fut
chargé d'un grand nombre de négociations,
dont la plus importante consistait, en 1813, à
détacher le Danemark de la cause de Napo-
léon.— Charles-René, comte DB BOMBELLES,
frère du précédent, né à Paris en 1785, fut
conseiller intime de Marie-Louise, duchesse
de Parine, et grand maître des cérémonies.
— Son fils, Louis, né en 1817, est attaché
à la personne de l'empereur d'Autriche. —
Henri-François* comté DB BOMBELLES, fils
de l'ambassadeur autrichien Louis-Philippe do
Bombelles, né en 1789; mort en 1850» fut gou-
verneur àe l'empereur actuel François-Jo-
seph. Il a iaissé deux fils, MARC-HENRÎ-GUIL-
LAUMB et CHARLKS-ALBBKT-MAIUB.
908 BOMB
DOMBEIXl (Raphaël), né à Bologne à une
date inconnue du xvie siècle. Il fut employé
somme ingénieur ettravailla au dessèchement
des chiane de la Toscane. II publia, en 1572,
un Traité d'algèbre, qui a l'avantage, fort rare
à cette époque, d'être méthodique et de pré-
senter la science démontrée dans une série de
propositions systématiquementdéduites. On y
trouve de précieuses notations pour faciliter
les calculs, un exposé complet du calcul des
'radicaux, une bonne méthode pour l'extraction
de la racine cubique d'un binôme réel ou ima-
ginaire, l'annonce de la réalité des trois ra-
cines d'une équation du troisième degré dans
le cas dit imaginaire, et un procédé général
pour résoudre, dans tous les cas, les équations
du quatrième degré.
TîOMIïELLl (Sebastiano), peintre italien, né
à Udine en 1635, mort en 1685. Il eut d'abord
pour maître le Guerchiu; il lit ensuite une
étude spéciale des œuvres de Paul Véronèse
et les reproduisit avec tant de fidélité, que ses
copies ont été souvent confondues avec les
originaux. «Il s'adonna spécialement a la pein-
ture de portrait et renouvela dans ce genre,
dit Lanzî, les merveilles des temps pusses,
par la ressemblance, la vivacité et la vérité
de la couleur dans les chairs et dans les
étoffes. » Il y a, dans sa manière de peindre,
un mélange du style vénitien et du style bo-
lonais. 11 travailla pour divers princes alle-
mands, notamment pour l'archiduc Joseph, à
Inspruck, et pour l'empereur Léopold I « ,
dont il lit le portrait. Ses ouvrages sont très-
rares dans les collections publiques. Son pro-
pre portrait fait partie de la célèbre collec-
tion du musée des Ofrices, a Florence. On cite
pounne une de ses bonnes productions un
Christ en croix entouré de saints, dans l'église
paroissiale d'Udine. — Son frère, Raffaelle
BOMBELLI,
BOMBELLI, exécuta de nombreuses peintures;
mais sa réputation, dit Lauzi, ne franchit pas
les limites du Erioul.
BOMBELLI
BOMBELLI (Pietro-Leone),peintre et gra-
veur italien, né à Rome en 1737, mort après
1804.11 étudia la peinture sous la direction de
S. Pozzi, et la gravure dans l'atelier de
Girol. Frezza. Il s'est fait connaître dans ce
dernier art par quelques bons ouvrages : VA n-
nonciation, la Nativité, Jésus rompant le pain,
d'après le Baroche; le Mariage delà Vierge,
le Itepos en Egypte, d'après F. Vieira-, la Pré-
sentation au temple, d'après Andréa Proeac-
cini^ la Résurrection de Lazare, d'après Sal-
vator Rosa ; la Transfiguration, d'après
Raphaël ; {'Ascension, d après le chevalier
d'Arpino ; la Madeleine répandant des parfums
sur tes pieds de Jésus, la Cène à Emmaûs,
d'après Bened. Luti; la Vie de saint Jean-
Baptiste, en 12 pièces (1769), d'après Andréa
Sacchi; divers autres sujets religieux, d'a-
près S. Cantarini, A. Cavallucci, P . Angeletti,
Lor. Ottone, etc.
BOMBEMENT
BOMBEMENT s. m. (bon-be-man — rad.
bomber). Renflement, convexité, forme de ce
qui est bombé : Le BOMBEMKNT d'un verre, d'un
mur, d'un plancher. Dans les chemins de fer,
les rails ont un BOMBEMENT calculé avec soin
pour éviter une usure trop rapide dans le ban-
dage des roues,
— Archit.Arc de cercle, convexité appuyée
sur une corde ou un plan horizontal. Il Bombe-
ment en contre-bas, Celui qui est tourné vers
le sol.
— Ponts et chauss. Convexité d'une chaus-
sée, ménagée pour rejeter à droite et à gau-
che les eaux pluviales : La flèche du BOMBE-
MENT des routes est généralement égale au
cinquantième de la corde, soit 1 décimètre de
BOMBEMENTBOMBEMENT pour une chaussée de 5 mètres de
largeur. Le BOMBEMENT normal des chaussées
a été fixé au cinquantième de leur largeur, par-
une circulaire en date du 16 mai 1828. (E. Clé-
ment.)
BOMBER
BOMBER v. a. ou tr. (bon-bé; de bombe, à
cause de sa forme). Rendre convexe : BOM-
BER la chaussée d'une route, d'une rue. BOM-
BER un ouvrage de sculpture, de menuiserie.
BOMBERBOMBER une pièce d'orfèvrerie, de chaudronne-
rie. En France, tout militaire qui se respecte
doit étrangler sa taille et BOMBER sa poitrine.
— v, n. ou intr. Prendre de la convexité :
Ce mur BOMBE. Les boiseries exposées à l'hu-
midi té finissent
r
par BOMBER.
Se bomber, v. pr. Etre ou devenir bombé,
Prendre une forme convexe : Sa haute taille
se voûtait légèrement : soit que ses travaux
l'obligeassent à se courber, soit que l'épine dor-
sale SE BOMBÂT sous le poids de la tête. (Balz.)
Les cartons ventrus de son cabinet su BOM-
BAIENT et crevaient, tant il s'y trouvait en-
tassés des dossiers de toute nature. ( H. Ber-
thoud.)
— Antonymes. Gaver, creuser, emboutir,
excaver, refouiller.
BOMBîïRG (Daniel),imprimeur célèbre par
ses éditions hébraïques, né a Anvers, vint
s'établir à Venise, ou il mourut en 1549. Il se
ruina par les dépenses qu'il fit pour porter
son art à sa perfection. Les plus belles de ses
ublications sont : la Concordance hébraïque
u rabbin Isaac Nathan (1521, in-fol.); une
Bible (1526) , et le Thalmud de Babylone
(12 vol. in-fol.), avec commentaires, qui lui
demanda quinze ans de travail. Il s'était pas-
sionné pour son art, qu'il perfectionna en dé-
pensant, dit-on, plus de 3 millions ; la publi-
cation du Thalmud de Babylone, dont U fit trois |
BOMB
éditions, et à laquelle travaillèrent les hé-
bralsants les plus célèbres, lui coûta 300,000
écus.
BOMBERIB
BOMBERIB s. f. (bon-be-rî — rad. bombe).
Techn. Atelier où l'on fond les bombes.
BOMBETOK,
BOMBETOK, ville de Madagascar. V. BAM-
BETOK.
BOMBETTEBOMBETTE s. f. (bon-bè-to — dim. de
bombe). Art. milit.- Petite bombe. Il Vieux
mot.
BOM3EUR s. m. (bon-beur — rad. bomber).
Fabricant ou marchand de verres bombés.
BOMBIATE. Chim. V. BOMBYATE.
BOMBICE. Kntom. V. BOMBYX.
BOMBICELLE. Bot. Y. BOMBYŒLLE.
BOMBICIQUE
BOMBICIQUE OU BOMBYQUE. Chinl. V.
BOMBYCIQUE.
BOMBIERBOMBIER s. m. (bon-bié — rad. bombe).
Art milit. Ancien nom des bombardiers.
BOMBILEBOMBILE ou BOMBILLE s. m . V . BoM-
BYLE.
BOMBILERBOMBILER v. n. ou intr. (bon-bi-lé — du
gr. bombos, bourdonnement). Bourdonner
comme les abeilles. Il Inus.
BOMBILIER
BOMBILIER S. m. V. BOMBYUER.
BOMBINATEUR
BOMBINATEUR s. m. (bon-bi-na-teur —
du lat. bombus, bourdonnement). Erpét.
Genre de batraciens. . •
BOMBINATOROÏDE
BOMBINATOROÏDE adj. (bon-bi-na-to-ro-
i-do — de bombinateur, et du gr. eidos, as-
pect). Erpét. Qui ressemble à un bombina-
teur.
— s. m. pi. Famille de batraciens ayant
pour type le genre bombinateur.
BOMBINE
BOMBINE s. f. (bon-bi-nn; diminut. de
bombe). Art milit. Petite bombe, u Vieux
mot.
BOMB1NO (Pierre-Paul), théologien et his-
torien italien, né à Cosenza vers 1575, mort à
Mantoue en 1648. Il fit successivement partie
de l'ordre des jésuites et de la -congrégation
de Somasque. Outre des Oraisons funèbres,
il a publié une Vie de saint Ignace de Loyola
(Naples, 1615) ; Breviarium rerum hispanica-
rum (Venise, 1634, in-4°), etc.
BOMBIQUE
BOMBIQUE adj. (bon-bi-ke). Chim. Syn.
d e BOMBYCIQUE.
B O M B I S T E s. m. (bon-bi-ste —rad. bombe).
Techn. Ouvrior qui travaille à la fabrication
des bombos.
B O M B I T E adj.(bon-bi-te—du lat. bombus,
bourdon). Entom. Qui ressemble à un bour-
don.
— s. m. pi. Groupe d'insectes hyménoptè-
res mellifères, ayant pour type le genre
bourdon, et qui ont les mœurs des abeilles :
Le groupe des BOMBITES se compose essentiel-
lement au genre bourdon. (Blanchard.)
BOMB1X. Entom. V. BOMBYX.
BOMBOMYDEaflj. (bon-bo-mi-de —du gr.
bombos, bourdonnement; muia, mouche).
Entom. Qui bourdonne comme les mouches.
— s. m. pi. Groupe d'insectes diptères,
comprenant une partie des genres confondus
dans le langage vulgaire sous le nom de mou-
ches.
BOMBONNEBOMBONNE s. f. (bon-bo-ne — augment.
de bombe, bouteille). Comm. Sorte de dame-
jeanne ou de très-grosse bouteille ronde, en
verre ou en grès, dans laquelle on met cer-
tains liquides, particulièrement des acides et
du kirsch, il On écrit plus souvent BONBONNE.
BOMBRA,
BOMBRA, ville de l'Indoustan anglais, pro-
vince d'Orissa, h m k i l o m . S.-E. de Soum-
boulpour, sur la rive gauche du Braming;
4,000 hab. Territoire couvert de jungles et
très-peu productif.
BOMBUS
BOMBUS s. m. (bon-buss — mot lat.).
Entom. Nom scientifique du genre bourdon.
BOMBYATEBOMBYATE ou BOMBIATE s. m . (bon-
bi-a-to — rad. bombyx). Chim. Sel produit
par la combinaison de l'acide bombycique
avec une base.
BOMBYCAL,
BOMBYCAL, ALE adj. (bon-bi-kal, a-le —
rad. bombyx). Entom. Qui ressemble à un
bombyx.
BOMBYCE
BOMBYCE s. m. (bon-bi-se). Entom. V.
BOMBYX.
BOMBYCELLEBOMBYCELLE OU BOMBICELLE s. f. (bon-
bi-sè-le — dimin. de bombyx). Bot. Section du
genre hibiscus, dans la famille des malva-
cées.
BOMBYCIDE
BOMBYCIDE adj. (bon-bi-si-do — du gr.
bombux, ver à soie, eidos, aspect). Entom. Qui
ressemble au bombyx.
— s. m. pi. Première tribu de la famille
des bombyciens, ayant pour type lo genre
bombyx.
BOMBYCIE
BOMBYCIE s. f. (bon-bi-cî— rad. bombyx).
Entom. Genre d'insectes lépidoptères noc-
turnes, formé aux dépens des noctuelles.
B O M B Y C I E N adj. m. (bon-bi-si-ain — rad.
bombyx). Comm. Se dit d'une espèce de pa-
pier soyeux, fabriqué avec du coton non ou-
vré : La nécessité de remplacer le parchemin,
dont le prix était excessif, fit trouver, par une
imitation de papier BOMBYCIEN , le papier de
chiffons. (Balz.)
BOMBYCIENS
BOMBYCIENS s. m. pi. (bon-bi-si-ain —
rad. bombyx). Entom. Famillo d'insectes lé-
BOMB
pidoptèros nocturnes, ayant pour type le
genro bombyx.
— Encycl. Les caractères de cette famille de
lépidoptères nocturnes peuvent se résumer
ainsi : Antennes sétacées ou faiblement pecti-
nées chez les femelles, et parfois aussi chez les
mâles, mais le plus souvent fortement peoti-
nées et même en panaches chez ce dernier
sexe ; palpes très-courtes, ne dépassant guère
le bord du chaperon: trompe rudimentaire;
corps épais, robuste dans le plus grand nom-
bre des cas, quelquefois, mais rarement, grêle
et mince ; ailes plus ou moins étendues, par-
fois atrophiées dans les femelles ; vol assez
lourd. A l'état de chenilles, les bombyciens
ont un corps allongé, cylindrique, tubercu-
leux chez un petit nombre d'espèces, très-
velu dans les autres, et garni de deux sortes
de poils : les uns bas et très-denses, les au-
tres moins nombreux, longs, isolés ou fasci-
cules. Ces insectes vivent en général solitai-
res; ils se transforment dans des coques à
tissu plus ou moins solide, parfois soyeux.
La famille des bombyciens renferme les plus
grands lépidoptères connus, ainsi que les plus
petites espèces. Elle comprend une cinquan-
taine de genres, dont les espèces les plus re-
marquables habitent l'Amérique et surtout le
centre de l'Asie. L'une d'elles, le ver à soie,
est, même en Europe, l'objet d'uno culture
suivie et d'un commerce très-étendu. à cause
de ses cocons, qui produisent la soie. Quel-
ques autres pourraient, assure-tr-on, nous être
utiles au même point de vue; mais jusqu'à
présent aucune expérience bien sérieuse n'a
été tentée. A l'état d'insecte parfait, les bom-
byciens ne prennent aucune nourriture j les
quelques jours qu'ils ont à vivre sont unique-
ment consacrés à la réunion des sexes et a la
ponte des œufs qui doivent reproduire l'es-
pèce. Ils volent rarement pendant le jour.
» C'est plutôt, dit M. Chenu, le matin et le
soir qu'on les aperçoit, et encore sont-ce en
général les mâles, car les femelles se dépla-
cent peu, restent habituellement sur les ar-
bres ou cachées dans les buissons, ou peuvent
être, comme chez certaines psychés, tout à
fait aptères. »
Ces insectes paraissent présenter un déve-
loppement extraordinaire de l'odorat, qui n'est
pas le moins curieux de leurs caractères. Les
mâles de plusieurs espèces devinent de fort
loin la présence des femelles : ainsi, ces der-
nières, quoique renfermées dans des boites
bien closes, ne manquent presque jamais d'at-
tirer en quelques heures une foule de mâles.
Malgré toutes les recherches, on n'a pu trou-
ver la raison de ce fait, provisoirement attri-
bué à la délicatesse de l'odorat. Le sens de la
vue est loin d'être aussi puissant; il parait
même en général très-imparfait.
BOMBYCILÈNE
BOMBYCILÈNE s. f. (bon-bi-si-lè-ne — du
gr. bombux, ver à soie; laina, couverture).
.Bot. Section du genre micrope, de la famille
des composées.
BOMBYGILLE
BOMBYGILLE s. m. (bon-bi-si-le — du gr.
bombos, bruit). -Ornith. Syn. de JASEUR DB
BOHÊME.
BOMBBOMB Y CINE adj. f. (bon-bi-si-ne — rad.
bombyx). Comm. Se dit d'une sorte d'épongé
renflée, ventrue : Eponge BOMBYCINE.
BOMBYCINES
BOMBYCINES s. m. pi. (bon-bi-sï-ne—rad.
bombyx). Entom. Tribu d'insectes lépidop-
tères nocturnes, ayant pour type le genre
bombyx.
BOMBIQUEBOMBIQUE adj. m. (bon-bi-si-ke,
bon-bi-ke — rad. bombyx). Chim. Se dit d'un
acide trouvé dans le ver à soie.
;
BOMBYCIQUE
BOMBYCIQUE ou BOMBICIQUE, BOMBY-
QUE ou
BOMBYCITES
BOMBYCITES s. m. pi. (bon-bi-si-te — rad.
bombyx). Entom. Groupe d'insectes lépidop-
tères nocturnes, qdi renferme entre autres
le genre bombyx, et dont la circonscription
n'a pas été entendue de la môme manière par
les divers auteurs.
— Encycl. Dans la méthode de Latreille, les
bombycites forment la deuxième section du
grand genre phalène, famille des nocturnes,
ordre des lépidoptères. Ils ont pour caractè-
res : trompe courte, souvent rudimentaire ;
ailes étendues horizontalement ou en toit, les
inférieures débordant les supérieures;antennes
des mâles pectinées. Les chenilles, ordinaire-
ment velues, rongent les parties tendres des
végétaux, et se font pour la plupart une co-
que de soie. Devenus insectes parfaits, les
bombycites ne vivent que le temps nécessaire
pour assurer la propagation de l'espèce ; les
mâles périssent les premiers-, les femelles
meurent elles-mêmes dès que la ponte est ter-
minée. Les bombycites se divisent en trois
tribus ou sous-genres : les saturmes, les lasio*
campes et les bombyx propres. Les saturaies
ont les ailes étendues et correspondent aux
phalènes-attacus de Linné; les lasiocampes
ont des palpes qui s'avancent en forme de bec;
les bombyx sont désignés vulgairement sous
le nom de vers à soie.
.BOMBYCIVORE adj. (bon-bi-si-vo-re — du
lat. bombyx, ver à soie: voro, je dévore).
Ornith. Qui mange, qui détruit les bombyx.
— s. m. Ornith. Genre syn. de JASEUR.
BOMBYCOÏDE
BOMBYCOÏDE adj. (bon-bi-ko-i-de — du
gr. bombyx^ ver à soie; eîdos, apparence).
Entom. Qui ressemble aux bombyx.
— s. m. pi. Groupe d'insectes lépidoptères
nocturnes, qui ressemblent aux bombyx.
BOMB
BOMBYCOSPERMEBOMBYCOSPERME s. m. (bon-bi-ko-spèr-
me — du gr. bombyx, ver a soie; sperma,
graine). Bot. Genre de plantes, de la famille
des convolvulacées. Syn. d'ANisÉiE.
BOMBYLE
BOMBYLE ou BOMBILE s. m. (bon-bi-le
— du gr. bombulé, espèce d'abeille). Entom.
Genre d'insectes diptères, comprenant envi-
ron 25 espèces, dont la plupart vivent en Eu-
rope.- n On dit aussi BOMBYLLE ou BOMBILLE.
— Encycl. Les bombyles sont des insectes
à corps trapu et velu, à bouche armée d'une
longue trompe, à ailes grandes et étalées. Us
sont très-agiles et ont un vol rapide. Ils pla-
nent au-dessus des fleurs sans s'y poser, et y
enfoncent leur longue trompe pour v puiser la
liqueur mielleuse dont ils se nourrissent. Ils
font entendre en volant un bourdonnement
pareil à celui des sphinx et des abeilles-bour-
dons.
BOMBYLIAIRE
BOMBYLIAIRE adj. (bon-bi-li-è-re — rad.
bombyle). Entom. Qui ressemble à un bom-
byle. il On dit aussi BOMBYLLIAIRE.
— s. m. pi. Syn. de BOMBYLIERS.
BOMBYX.IDE adj. (bon-bi-li-de — de bom-
byle et du gr. eidos, aspect). Entom. Qui res-
semble à un bombyle. il On dit aussi BOMBYL-
LIDE.
— s. m. pi. Syn. de BOMBYLIERS.
BOMBYLIERBOMBYLIER OU BOMBILIER, 1ÈRE adj.
(bon-bi-lié, iô-re — rad. bombyle). Entom.
Qui ressemble au bombyle, ou qui se rap-
porte au bombyle. H On dit aussi BOMBYLLIER.
— s. m. ni. Tribu d'insectes diptères, ayant
pour type le genre bombyle. Les BOMBYLIERS
se reconnaissent à leur trompe longue et diri-
gée en avant. (Duponchel.)
— Encycl. La tribu des bombyliers, famille
des tanystomes, offre les caractères suivants :
corps ramassé et court, ailes écartées, balan-
ciers nus, palpes petites et grêles,'trois arti-
cles aux antennes, trompe filiforme ou séta-
cée. Ces insectes ont le vol bruyant, et leur
nom vient de bombos. bourdonnement. On les
divise en bombyles (Cuvier écrit bombilles),
usies, phthiries, ploas, gérons, etc.
BOMBYLITE
BOMBYLITE adj. (bon-bi-li-te — rad. bom-
byle). Entom. Qui ressemble à un bombyle.
— s. m. pi. Groupe d'insectes diptères,
dont les larves se développent comme celles
des bombyles.
BOMBYQUE. V. BOMBYCIQUE.
BOMBYX
BOMBYX OU BOMBYCE, BOMBIX OU BOM-
BICE
BICE (bon-bikss, bon-bi-se — du gr. bombux,
ver à soie). Entom. Genre d'insectes lépi-
doptères nocturnes, comprenant un grand
nombre d'espèces plus ou moins analogues,
par leur organisation et leurs moeurs, au
ver à soie ou à son papillon: Le BOMBYX par
excellence est celui du mûrier, autrement dit
le ver à soie. (Duponchel.) Les BOMBIX s'envo-
lèrent peu à peu pour aller au loin plonger
leurs trompes dans le calice des fleurs. (X.
Marmier.) La feuille du mûrier n'est pas ali-
mentaire pour la chenille du BOMBYX COSSUS,
qui corrode nos troncs d'orme. (Raspail.) u
Aujourd'hui, ce genre a été considérablement
réduit, et l'on en a retranché notamment,
S
our en faire un genre à'part, le bombyx
u mûrier ou ver à soie, qui lui avait d'abord
servi de type.
— Bot. Genre de malvacôes, syn. du genre
HIBISCUS.
— Mus. anc. Flûte grecque excessivement
longue.
— Encycl. Entom. Les bombyx constituent
l'un des genres les plus importants des lépi-
doptères nocturnes. Ce sont des insectes sou-
vent de grande taille ; ils ont une tête assez
grosse; la trompe courte; les antennes pecti-
nées de chaque côté, au moins chez les mâles;
le corps trapu et laineux ; les ailes presque
horizontales ou en toit pendant le repos ; l'ab-
domen très-volumineux, surtout chez les fe-
melles. Les chrysalides, arrondies, pointues
en arrière, sont renfermées dans un cocon
soyeux. L'espèce type est le bombyx du mû-
rier ou ver à soie (v. VER). Remarquons pour-
tant que Latreille a retiré le ver à soie du
genre bombyx, et qu'il en a formé le genre
sericaria; mais d'autres naturalistes l'y main-
tiennent. Les autres espèces sont : le bombyx
neustrien (bombyx neustria), dont la chenille
est vulgairement appelée livrée, à cause des
bandes longitudinales bleues et rouges que
présente son corps. La femelle dépose ses
œufs en anneaux sur les branches des ar-
bres. C'est une des espèces les plus nuisibles
à nos essences fruitières et forestières. Le
bombyx de l'aubépine (bombgx cratagi) pré-
sente des mœurs analogues-, mais sa chenille
commet moins de dégâts. Le bombyx proces-
sionnaire (bombyx processionea) est ainsi
nommé parce que ses chenilles marchent tou-
jours par troupes et en observant un ordre
régulier; elles vivent sur les chênes, dont
elles rongent les feuilles, au point que ces
arbres, en plein été, en sont complètement
dépouillés. Au moment de leur transformation
en chrysalides, elles se filent un grand cocon
commun, une sorte de bourse ou de nid, dans
lequel chacune se forme un petit cocon par*
ticulier. Le bombyx du pin (bombyx pithyo-
campa) ressemble beaucoup au précédent;
mais il vit sur les arbres résineux. Le bombyx
du chêne (bombyx guercus), vulgairement mi-
nime à bandes, est commun en Europe; il vit
sur le chêne et sur quelques autres arbres. Le
BOMI
BÔMP
BON •
BON 909
bombyx de la ronce {bombyx rubi) se fait r e -
marquer par les mœurs curieuses de sa che-
nille, qui se roule en anneaux dès qu'on ïa
touche, ce qui lui a valu le nom d'anneau du
diable. A ces espèces de bombyx propres, on
peut joindre les faux bombyx, dont voici les
principaux : le bombyx pudibond (bombyx pu-
dibunaa) est un des plus grands lléaux des
arbres forestiers. En 1848, ses chenilles ont
commis des dégâts incalculables dans quel-
ques cantons des Vosges; cette date, et les
trois couleurs bien distinctes qu'elles présen-
tent, leur ont fait donner, par les paysans-
lorrains, le nom de chenilles de la république.
Le bombyx étoile (bombyx antiqua) présente
une particularité assez bizarre : la femelle
est presque entièrement privée d'ailes, ces
organes étant réduits à des sortes de moi-
gnons très-courts. Le bombyx queue d'or ou
cul-brun (bombyx ckrysorrhœa), qui, malheu-
reusement, se trouve être le plus commun de
nos papillons. Les feuilles des poiriers, des
pommiers, des ormes, etc., sont complète-
ment dévorées par ses chenilles. Le bombyx
zigzag (bombyx dispar) vit sur l'orme; ses
chenilles et celles du bombyx du saule (bombyx '
salicis) ont les mêmes ntœurs que celles de
l'espèce précédente (v., pour plus de détails,
les mots: CHENILLE, ECHENILLAGË, INSECTE).
Le bombyx vineux (bombyx vinula) est appelé
vulgairement queue fourchue; la partie pos-
térieure de son corps se termine en effet par
. deux appendices fistuleuxet cornés. Le noto-
donte, dont les chenilles ont, pendant le re-
pos, une attitude singulière : elles s'appuient
sur les quatre pattes médianes seulement, et
relèvent les deux extrémités de leur corps.
Nous pourrions citer encore beaucoup d'au-
tres espèces de bombyx; mais comme elles
n'offrent rien de. bien remarquable, nous
préférons revenir sur le bombyx procession-
naire, pour donner quelques détails qui nous
semblent dignes d'intérêt. Les chenilles pro-
cessionnaires sont ainsi nommées parce
qu'elles marchentparcompagnies nombreuses,
et semblent former de véritables processions.
Elles sortent de leur demeure commune et
marchent régulièrement sous la conduite d'un
chef. Les rangs ne sont d'abord que d'une
seule file, puis de deux, de trois, de quatre et
même d'un plus grand nombre. Après avoir,
pris leur repas sur les feuilles des environs,
elles regagnent leur gîte dans le même ordre,
et cela se répète tous les jours. Le bombyx
processionnaire est bien connu de nos gardes
forestiers et de nos bûcherons, qui, en éla-
guant les chênes, ont à essuyer les influences
funestes de son voisinage. Cet animal a, effec-
tivement, la propriété de provoquer sur la
peau de l'homme l'éruption de papules à '
teinte rosée, accompagnées d'un prurit intolé-
rable. Un simple contact de l'animal, ou même
celui de la sécrétion qui remplit son nid sous
forme de poussière, suffit pour déterminer
ces accidents. On a même constaté que le nid
des processionnaires agit sur la peau à dis-
tance. L'influence délétère serait due à la
poussière renfermée dans le nid, et qui, d'une
ténuité extrême, vole au loin dans 1 air lors-
qu'on vient à défaire ce nid à l'aide d'une
erche, ou de toute autre manière. Conservée
ans un flacon, cette poussière garde toutes ses
propriétés pendant plusieurs années. Comme
exemple des funestes influences de la chenille
processionnaire, on cite un bûcheron des en-
virons de Paris, qui, pour s'être frotté avec
des feuilles de noisetier couvertes de parcelles
de nid de bombyx, fut pris d'un délire et d'un
mouvement fébrile des plus intenses. Un jour-
nal de médecine a fait connaître dernièrement
un cas de mort dû à une cause semblable ; la
vue surtout peut être gravement altérée par
la poussière du bombyx processionnaire.
BÔME
BÔME ou B A U M E s. f. (bô-me — holl.
boom, arbre). Mar. Ancien nom du gui> ver-
gue de la voile dite brigantine.
— Homonyme. Baume.
BOMERIE
BOMERIE s. f. (bo-me-ri — allem. bodme-
rei, même sens; de bodem, carène). Mar.
Prêt a la crosse aventure, en prenant pour
gage là auille du navire, dont la perte étein-
drait la dette.
BOMFIM,
BOMFIM, ville de Minas-Geraes, créée
ville municipale par la loi du 7 octobre f860.
Elle est distante de 100 kilora. d'Auro-Prêto
et forme une division judiciaire.
BOMFIM
BOMFIM (Joseph-Lucio VALDER, comte DE),
général portugais, né en 1787 à Péniche, dans
l'Estramadure. mort en 1863. Volontaire en
1807, lors de 1 invasion française, il fut mêlé
jusqu'en 1849 à tous les mouvements de la
guerre civile et aux vicissitudes du parti libé-
ral. Partisan de dona Maria, il fut successi-
vement ministre de la guerre et de la marine
de 1837 à 1841, défendit la constitution et
quitta le pouvoir pour entrer dans l'opposition.
Lorsque, en 1S46, le pacte fondamental fut
suspendu par un décret royal, le comte de
Bomfim fit un pronunciamento, et tenta de sou-
lever le pays; mais, poursuivi par le duc de
Saldanha, il fut battu et fait prisonnier à
Torres-Vedras, condamné à la déportation en
Afrique, d'où il revint bientôt après par suite
de l'amnistie de 1847.
BOMILCAR,
BOMILCAR, général carthaginois, tenta de
se faire proclamer roi à l'époque de l'invasion
d'Agathocle en Afrique, fit massacrer un
grand nomore de citoyens, mais fut vaincu
et mis en croix (308 av..J.-0.).
BOMILCAR,
BOMILCAR, amiral carthaginois, était un
des partisans d'Annibal, auquel il conduisit
quelques renforts après la bataille de Cannes
(216 av. J . - C ) . Envoyé plus tard au secours
de Syracuse, assiégée par Marcellus, il s'en-
fuit à la vue de la flotte romaine.
IÏOMILCAK, aventurier numide, favori de
Jugurtha, assassina par ses ordres, et dans
Rome même, le jeune Massiva, petit-fils de
Massinissa. Le proconsul d'Afrique Métellus
lui promit l'impunité s'il livrait Jugurthu aux
Romains; mais le prince numide découvrit ses
complots et le fit mettre à mort.
BOMI
BOMI US M ON S, nom donné par les anciens
au versant occidental du mont Œ t a , d'où le
nom de Bomienses, que portaient les habitants
de cette région.
BOMMEL,
BOMMEL, ville de'Hollande, province de
Gueldre, ch.-l. de canton, arrond. et à 14 kil.
S.-O.de Thiel,dans l'Ile de Bommeler-Waard;
3,250 hab. Petit port ensablé; prise parles
Français en 1672 et en 1794.
BOMIUM,
BOMIUM, ville de l'ancienne Grande-Bre-
tagne, chez les Silures, près de Bridgend,
dans le pays de Galles.
BOMMEL
BOMMEL (Cornelius-Richard-Antoine VAN),
évêque de Liège, né à Leyde en 1790, mort
en 1852. Après la révolution belge de 1830,
Guillaume, roi de Hollande, lui proposa de
transférer son siège à Maestricht; mais le
prélat aima mieux rester en Belgique. Bientôt
il acquit une haute influence sur le parti ca-
tholique belge, et il s'occupa activement des
Questions relatives à l'intervention de l'Eglise
ans l'enseignement public. Il écrivit de spi-
rituels pamphlets qui contribuèrent à faire
triompher momentanément les opinions qui
eurent pour représentant le ministère No-
thomb. En 1851, il fit un voyage à Rome, pour
mettre sous les yeux du pape les griefs du
clergé ; mais la mort vint le surprendre avant
que cette grave difficulté fût résolue. Son
principal ouvrage a pour titre : Exposé des
vrais principes sur l'instruction publique, pri-
maire et secondaire, considérée dans ses rap-
ports avec la religion (Liège, 1840, in-8°).
BOMMELER-WAARD,
BOMMELER-WAARD, la Batavorum insula
des anciens, Ile de Hollande, province de
Gueldre, canton de Bommel, arrond. de Thiel;
formée par la Meuse au S., et le Waal au N.
Cette lie, qui a 22 kilom. de l'E. à l'O. et
8 kilom.du N. au S.,est défendue par les trois
forts de Saint-Andries, Crèvecœur et Lœven-
stein ; c'est dans ce dernier château fort que
Grotius fut enfermé pendant deux ans. Belles
prairies, où paissent de nombreux troupeaux
de gros bétail.
BOMMELOE,
BOMMELOE, lie de Norvège, dans la mer
du Nord, diocèse de Bergen, préfecture de
Sœndre-Bergenhuûs; 32 kilom. de long sur
13 kilom. de large.
B O M M E R E N G s. m. (bo-nie-raingh). Arme
dont se servent les indigènes de la Nouvelle-
Hollande.
— Encycl. Les voyageurs ont raconté sur le
bommereng des merveilles extraordinaires, et •
fort capables de faire naître quelques soupçons
incrédules dans les âmes les plus candides ;
témoin l'article suivant, que nous extrayons
du Magasin pittoresque : * Le bommereng est
. une arme de trait formée d'un morceau de
bois très-dur, d'une longueur de 70 centi-
mètres, légèrement recourbé et légèrement
aiguisé. Son poids est d'environ 300 gr. Un
des côtés est un peu convexe et revêtu d'in-
crustations; l'autre est plat et uni. Lors-
que l'on veut se servir du bommereng, on le
tient, non comme un sabre, mais horizontale-
ment, à plat. On lui imprime un mouvement
de rotation et on le lance. Ce qu'un aborigène
peut faire avec une arme si simple est telle-
ment extraordinaire, que l'on hésite à le dire,
même en s'appuyant sur les témoignages de
voyageurs cependant dignes de foi. Lancé à
droite, le bommereng revient frapper à deux
ou trois cents pas à gauche; lancé aussi loin
que la portée d'un fusil, il revient, après avoir
parcouru l'air PENDANT QUELQUES MINUTES,
tomber aux pieds du sauvage qui l'a jeté.
Pour atteindre son «jnnemi E deux ou trots
cents pas, le sauvage jette successivement
un bommereng a droite et un autre à gauche;
les deux armes font des évolutions étranges,
auxquelles le malheureux qui sert de but
échappe rarement; pour s en garantir, il
faut qu'il use d'une grande adresse, et qu'il se
serve d'un bouclier de forme particulière
Jeté au milieu d'une volée de canards sau-
vages, le bommereng y fait un carnage hor-
rible ; c'est surtout à cette chasse qu'on l'em-
ploie. • A la bonne heure I personne ne sera
tenté de dire qu'on ne s'attendait guère à voir
des canards en cette affaire.
BOMOLOQUE
BOMOLOQUE s. m, (bo-mo-lo-ke). Crust.
Genre de crustacés suceurs, dont on ne con-
naît qu'une espèce, qui vit en parasite sur
les branchies du poisson appelé orphie.
BOMONIQUES. A Sparte, à l'époque où les
institutions de Lvcurgue étaient en vigueur,
on endurcissait les enfants à la souffrance
Ê
hysique en les flagellant devant l'autel de
iane ou Arthemis Orthia. Ceux qui voyaient
couler leur sang avec le plus de constance et
de sérénité étaient proclamés bomoniques,
c'est-à-dire victorieux à l'autel.
BOMPARDBOMPARD (Alexis), médecin français, né à
Confions en 1782. Ses principaux ouvrages
sont : Considération* sur quelques maladies
de l'encéphale et de ses dépendances, sur leur
traitement, et notamment sur les dangers de
l'emploi de la glace (1827) ; Traité des mala-
dies des voies digestives et de leurs annexes
(1829) ; Bu choléra-morbus (1831) ; Cours théo-
rique et pratique sur les maladies des femmes
(1834) ; Lectures sur l'histoire de la médecine
depuis les temps les plus reculés jusqu'à n^s
jours (1835).
BOMPART
BOMPART (Marcellin-Hercule), médecin
français, qui exerçait son art à Clermont-
Ferrand dans la première moitié du xvnc siè-
cle. On a de lui : le Nouveau chasse-peste
(Paris, 1630); Conférences d'ilippocrale et de
Démocrite (1632), et Miser Homo, tableau vif
et rapide de toutes les maladies auxquelles
l'homme est sujet, ouvrage qui eut de nom-
breuses éditions.
BOMPART
BOMPART (J.-B.-F.), contre-amiral français,
né à Lorient en 1757. Il entra fort jeune dans
la marine, fit les campagnes de l'Inde et de
l'Amérique, et fut nommé capitaine de fré-
gate en 1793. Chargé du commandement de
{'Embuscade, frégate de 36 canons, qui devait
conduire à New-York le consul général de là
République française aux Etats-Unis, il fut
provoqué par une frégate anglaise de 44 ca-
nons, dans la rade même de New-York ; Bom-
part accepta la lutte et resta vainqueur. Les
habitants le reçurent avec des acclamations
et firent frapper une médaille en son honneur.
Bompart assista ensuite à la malheureuse
affaire d'Ouessant, et il eut le malheur de
s'écarter de l'escadre ; mais il sut néanmoins
conserver son vaisseau, ce qui n'empêcha pas
qu'on ne le mît en prison, ou il resta jusqu au
9 thermidor. En 1798, il fut nommé chef de
division, et chargé de l'expédition d'Irlande.
Fait prisonnier par les AnglaiSj il fut traité
avec de grands égards et, bientôt après, ren-
voyé sur parole. A son retour en France, il
fut nommé contre-amiral ; mais, comme il
se montra opposé à l'établissement de l'em-
pire, il fut bientôt mis à la retraite. Il habi-
tait Bagnols en 1815, et il vit une bande de
forcenés assaillir sa maison, briser ses meu-
bles; ils l'auraient tué, s'il était tombé entre
leurs mains; mais ils se donnèrent au moins
la satisfaction de fusiller son portrait.
BOMP1ANO (Ignace), jésuite et littérateur
italien, né à Frosinone en 1612, mort en 1675.
Il enseigna les belles-lettres et l'hébreu dans
le Collège romain, et publia, entre autres, les
ouvrages suivants : Flistoria poniificatus Gre-
gorii XIII (1655); Modi varii et élégantes lo-
quendi latine (1662) ; Historia rerum christia-
narum ab ortu Christi (1665) ; Oraliones funè-
bres (1666, in-4°); Orationes de principibus
(1669, in-4°).
BON,
BON, BONNE adj. (bon, bo-ne — lat. bo-
nus, môme signif.). Qui a en soi toutes les
qualités convenables à sa nature, à sa desti-
nation, à remploi utile qu'on en veut faire :
Une
BONNEBONNE terre. Un BON pays. De BON blé.
pe
BOMST,
BOMST, ville de Prusse, régence et à 70 kil.
S.-O. de Posen, sur l'Obra; 3,007 hab. Ré-
colte et commerce de houblon.
BONNEBONNE avoine. De BONS pâturages. De
BONNEBONNE viande. De BONS aliments. De BON vin.
De
BONNEBONNE bière. Un BON remède. Un BON lit.
Tout arbre qui ne produit pas de BONS fruits
sera coupé et jeté au feu. (Evang.) Les che-
vaux qui naissent aux Indes ne sont pas BONS.
(Buff.) Ce sont ces BONNES vaches à lait qui
font une partie des richesses de la Hollande.
(Buff.) Les Polonais ne trouvent pas l'huile
BONNEBONNE si elle ne sent bien fort. (Regnard.) La
sauté du corps fait trouver BONS les aliments
les plus simples. (3.-3. Rouss.) Je ne prétends
pas qu'Emile s'exerce l'hiver au coin d'un BON
feu. (J.-J. Rouss.) Mon cher, qu'allez-vous me
donner de
BONBON pour mon diner? — Hien que
de
BON,BON, monsieur : BON bouilli, BONNE soupe
aux pommes de terre, BONNE épaule de mouton
et
BONSBONS haricots. (Brill.-Sav.) Un pays peut
se passer plus facilement de BONNES lois que
d'une
BONNEBONNE administration. (E. de Gir.)
Quelquefois du bon or je sépare le faux.
BOILEÀU.
On trouva parfois des hôtes généreux,
Et l'espoir d'un oon vin soutient les malheureux.
PONSARD.
Bonnes gens font les bons pays,
Bon cœur fait le bon caractère ;
Bons comptes font les bons amis,
Bon fermier fdit la bonne terre;
Bons livres font les bonnes mœurs,
Bon» maîtres les bons serviteurs.
Les bons bras font les bonnes lames,
' Le bon goût fait les bons écrits;
Bons maris font les bonnes femmes,
Bonnes femmes les bons maris.
— Heureux, bien doué; habile,expert dans
son art,* dans sa profession, dans ce qu'il
fait": BON jugement. BONNE mémoire. BONNE
tête.
BONBON goût. BON architecte. BON peintre.
BONBON pilote.
BONBON orateur. BON poète. BON poli-
tique.
BONBON écrivain. BON chasseur. Je crains
que la tête du pape ne soit pas fort BONNE.
(Boss.) Les BONS auteurs n'ont de l'esprit
qu'autant qu'il en faut. (Volt.) Oïl Rabelais
est
BON,BON, il va jusqu'à l'exquis et l'excellent.
(Volt.) Ce que le BON goût approuve une fois
est toujours bien. (3.-3. Rouss.) On ne saurait
enseigner le BON goût dans les arts, comme le
BONBON ton en société. (Mme de Staël.) Le naturel
et ta clarté se trouvent toujours dans tes BONS
auteurs de toutes les nations. (Boissonade).
Le
BONBON chien fait le BON chasseur, le BON chas-
seur fait le
BONBON chien. (E. Blaze.)
Ou vous n'avez pas la mémoire fort bôHné,
Ou vous n'y mettez rien de ce qu'on vous ordonna
CORNEILLE.
Il Consciencieux dans ses actions, dans l'exer-
cice de son art, de sa profession, de ses fonc-
tions : 77 n'est de BONS députés que ceux qui
ne consultent que leur conscience. Les BONS
magistrats vivent pour servir leur pays; les
mauvais le servent pour vivre. (Petit-Senne.)
— Doux, humain, indulgent, affectueux :
BONBON père. BONNE mère. BON mari. BONNE
épouse. BON fils. BON roi. BON prince. Une
femme
BONNEBONNE et enjouée. Un BON cœur. De
BONNESBONNES paroles. De BONNES dispositions. Un
BONBON accueil. Ce n'est point la nature gui donne
la vertu ; pour que l'homme devienne BON, il
faut qu'il se donne la peine de l'être. (Sénèque.)
Tout le mal de ce monde vient de ce qu'on n'est
pas assez BON ou pas assez pervers. (Machiavel.)
Que Dieu est BON l que sa miséricorde est éter-
nelle/ (Boss.) Tout BON père doit agir de con-
cert avec ses enfants les plus sages et les plus
expérimentés. (Fén.) Vous naissez tous BONS
sujets et BONS citoyens. (Fléch.) Celui-là est
BONBON qui fait du bien aux autres; s'il souffre
pour le bien qu'il fait, il est très-BOtt. (La
Bruy.) On a surpris sa bonne foi; on lui a
volé quinze mille francs; dans le fond, il est
trop BON. (Le Sage.) Nous sommes BONS, on
abuse de notre bonté; mais ne nous corrigeons
pas. (Volt.) Il faut déjà être BON soi-même
pour croire d'autres nommes meilleurs que
nous. (J.-J. Rouss.) Soyons BONS premièrement,
et puis nous serons heureux. (3.-3. Rouss.)
Dieu est BON parce qu'il est grand. (J'.-J.
Rouss.) L'homme est BON , les hommes sont
méchants. (3.-3. Rouss.) Pour être assez BON,
il faut l'être trop. (Mariv.) L'homme BON est
de tous les temps et de toutes les naticns.
(Mme de Staël.) Etre juste est le devoir; être
BONBON est la vertu. (Mme de Beauharnais.) / / faut
être
BON,BON, mais avant tout il faut être juste.
(Sénancourt.) Les BONNES dmes sont toujours
les plus faciles à tromper. (Custine.) Un BON
rire ne s'-épanouit que dans un BON cœur.
(Bongeart.) / / faut beaucoup d'esprit pour être
parfaitement BON. (Mme Swetchine.) Ne cher-
ches pas à être grand, mais à être BON.
(Mme de Lamart. mère.) L'homme est BON,
c'est là sonpremier caractère, qui ne s'efface ja-
mais entièrement. (3. l)roz.) Beaucoup de gens
tiennent moins à être BONS qu'à paraître meil-
leurs que d'autres. (Laténa.) Il est si facile
d'être
BONBON quand on a la jeunesse et la beauté!
(E. Sue.) Un cœur gui reste BON et délicat,
malgré de cruelles infortunes, est un si rare
trésor/ (E. Sue.) Le génie seul est essentielle-
ment BON. (Balz.)
Après les bons amis, les bons livres m'enchantent.
TALLEMANT DES RBAUX,
Le prince est vertueux, et TOUS êtes bon père.
CORNEILLE.
Il est trop bon mari pour être assez bon père.
CORNEILLE.
Quand on est ton pour tous, on ne l'est pour per-
[sonne.
C. Da LAVIONS.
Votre compassion, lui repartit l'arbuste,
Part d'un bon naturel,
LA FONTAINE.
NOUB causâmes longtemps ; elle était simple et bonne.
Ne sachant pas le mal, elle faisait le bien.
A. DE MUSSET.
. Vous êtes bon, monsieur.
— Moi 1 je ne suis pas bon
t
et c'est une sottise
Que, pour un compliment...— Oui, bonté c'est bêtise.
GRESSBT.
Il Doux, simple, candide et honnête : Un BON
vieux. Un BON homme.. Une BONNE femme. Un
BONBON bourgeois. Un BON campagnard. Il y a de
fort
BONNESBONNES gens qui ne peuvent se désennuya*
qu'aux dépens de la société. (Vauven.) Les
BONNESBONNES gens du hameau me connaissent déjà.
(Marmontel.) L'homme sensible, en voyage,
est tenté de s'arrêter chez les premières BON-
- NÉS gens qu'il trouve. (3.-3. Rouss.)
Attaquer Chapelain; ah! c'est un si bon homme.
BOILBAU.
Il Naïf à l'excès : Il est par trop BON homme
de croire cela. C'est une BONNE oéte qui ne met
malice à rien. Nos petits-enfants nous traite-
ront de BONNES gens, comme nous traitons nos
pères d'imbéciles. (Volt.)
— S'emploie très-souvent comme terme
d'affection et ne diffère guère alors du mot
cher : Mon BON petit père. Ma BONNE petite
sœur.
— Sage, prudent, bien avisé : De BONS con-
seils. De BONS renseignements. De BONS avis.
Ai-je de bons avis ou de mauvais soupçons?
CORNEILLE.
D Fait, exécuté, produit avec habileté, avec
adresse, avec goût : Un BON travail. Un BON
discours. Un BON livre. De BONS vers. De
BONNEBONNE musique. Un BON tableau. Un BON livre
est un
BONBON ami. (B. de St-P.)
Et moi, je vous soutiens que mes vers sont fort bons.
MOLIÈRE.
La bonne comédie est celle qui fait rire.
ANDRIEUX.
— Honnête, vertueux, conforme à la j u s -
tice, à la morale, au devoir, à l'équité : Une
BONNEBONNE conscience. Une BONNE action. De BON-
NES œuvres. De BONNES pensées. La BONNE
cause. On doit récompenser une BONNE action.
(Rac.) La plupart des hommes sont plus ca-
pables de grandes actions que de BONNES.
(Montesq.) La paix s'éloigne, les BONNES in-
tentions se ralentissent. (Fléch.) Une belle ac-
tion est celle qu'on peut nommer une BONNE ac-
tion. (Bonnin.) Cest de vos BONNES intentions
910 BON BON
BON
BON
que je vous remercie. (J.-J. Rouss.) L'enfer
est pavé de BONNES intentions. (Prov.) La BONNE
éducation veille à la perpétuité des BONNES
mœurs. (Raynal.) Les BONNES mœurs s'affer-
missent par le bonheur simple et vrai gui en
résulte. (Lacretelle.) Les BONNES pensées ont
leurs abîmes comme les mauvaises. (V. Hugo.)
Toutes les passions sont BONNES dans leur prin-
cipe. (Maquel.) Il n'y a de BONNE et vraie li-
berté que celle qui est accordée à tous. (E. de
la Bédoll.)
Quel forfait trouvez-vous en sa bonne conduite?
CORNEILLE.
— Avantageux, productif, convenable,
sage, salutaire : BON métier. BONNE a/faire.
BONNEBONNE saison. BONNE récolte. BON conseil.
BONNEBONNE résolution. BON parti. BON air. Une
rade assez BONNE. Nous 'avons fait de BONS
marchés. (Regnard.) Il faut tenir à une réso-
lution parce qu'elle est BONNE, et non parce
qu'on la prise. (La Rochef.-Doud.) Le soleil
est
BONBON quand il mûrit nos fruits, mauvais
quand il brûle la récolte. (H. Pinel.) De BON-
NES choses, dites par un anarchiste, n'en sont
pas moins de BONNES choses. (Colins.) C'était
d'abord une BONNE action
x
et ce fut plus tard
une
BONNEBONNE affaire. (Scribe.) / / n'appartient
qu'à des sophistes de prétendre que ta fortune
n'est pas avantageuse à qui sait en faire un
BONBON usage. (*")
— Oui a une utilité, une aptitude, une
propriété spéciale et déterminée : Homme
BONBON à tout. Homme qui n'est BON à rien. Fruits
BONSBONS à manger. Vin BON à boire. Terrain BON
pour la vigne. Manteau BON pour toutes les
saisons. Moisson BONNE à couper. Onguent
BONBON pour la brûlure. Il est ravi de lui être
BONBON à quelque chose. (La Bruy.) Ces fleurs ne
seront bonnes qu'à sécher sur votre tombeau.
(Fléch.) Quel chagrin pour moi de ne vous
être
BONNEBONNE à rien! (M
mo
de Sév.) Toutes vé-
rités ne sont pas BONNES à dire, mais elles
sont toujours BONNES à entendre. (M™o du
Deffand.) Les gens qui ont beaucoup vu SOJU
BONSBONS à entendre. (M
m
e Roland.) Laiiberté est
BONNEBONNE pour tout. (B. Const.) Les moralistes
sont
BONSBONS à lire et le sont rarement à voir.
(S. de Sacy.) Les demi-partis ne sont jamais
BONSBONS à rien. (A. Peyrat.)
Et toute médecine a tout mal n'est pas bomie.
RÉGNIER.
C'est n'être bon à rien que n'être bon qu'à soi.
VOLTAlEtE.
Ah! maudit animal qui n'es bon qu'à noyer!
Que n'avertissais-tu dès l'abord du* carnage?
LA FONTAINE.
Pendant une aimable jeunesse
On n'est bon qu'à se divertir ;
Et quand le bel âge nous laisse,
On n'est bon qu'à se convertir.
Mmo DH LA SABLIÈRE.
— Heureux, favorable, propice : BONNE
nouvelle. BON résultat. BON augure. BON vent.
Une
BONNEBONNE occasion. Notre BONNE étoile. C'est
BONBON signe. Il avance d'un BON vent. (La Bruy.)
Le ciel fut constamment pur
t
le vent BON, la
mer brillante. (Chateaub.)
J'ai peur que votre effort n'ait pas trop bonne issue.
MOLIÈRE.
Madame, toutefois, parmi leurs bons succès.
Vous montrez un chagrin qui va jusqu'à l'excès.
CORNEILLE.
il Valable, utilisable, pouvant être employé :
Billet d'entrée BON pour une personne, pour
deux personnes. Ces billets de bains ne sont BONS
que pour la maison d'été.
— Plaisant, malin, fin, piquant, spirituel :
BONNEBONNE repartie. BONNE farce. BONNE plai-
santerie. Jouer à quelqu'un un BON tour. L'his-
toire est fort BONNE, u Drôle, amusant, en
parlant des personnes : Est-il BON avec ses
gestes/ Parbleu/ le voilà BON avec son habit
d'empereur romain/ (Mol.) Il Don mot. V. MOT.
— Grand, considérable, bien complet: BON
nombre. Faire quatre BONNES lieues. Attendre
un
BONBON quart d'heure. J'en ai eu ma BONNE
- part. Il leur en a été une BONNE partie. (La
Bruy.) Je me trouvais avec un BON nombre de
voyageurs de toutes nations. (B. de S.-P.) A
_ Lucerne enfin, je trouvai, à une BONNE demi-
lieue de la ville, je ne sais quel ancien couvent
devenu auberge. (Michelet.) Il Qui dépasse ce
qui est dû strictement : Faire BON poids,
BONNEBONNE mesure.
— Solide, assuré : Une BONNE caution. Une
BONNEBONNE garantie. De BONS revenus. Avoir de
BONSBONS biens, il Qui offre des garanties par son
crédit, sa fortune : / / est BON pour payer cette
somme, pour en répondre. Vous savez que je
suis
BONBON pour cette somme. (Hamilt.) Nous ne
doutons pas de votre .solvabilité ; vous êtes sans
doute BON pour huit sous, comme disent mes-
sieurs les commerçants. (J. Rouss.)
— Strict, exact, rigoureux : Unnow'compte.
Faire BONNE garde.
Puisqu'on fait bonne garde aux murs et sur le port...
CORNEILLE.
Un loup n'avait que les os et la peau.
Tant les chiens faisaient bonne garde.
LA FONTAINE.
— Distingué, noble, élevé : Jeune homme
de
BONNEBONNE maison, de BONNE famille.
Votre sang est trop bon, n'en craignez rien de lâche.
CORNEILLE.
— Se dit aussi des choses mauvaises ou in-
différentes en soi, mais qui produisent effi-
cacement, énergiquemenf leur effet : Un BON
poison. Un BON coup de poing. Une BONNE vo-
lée. Être atteirit d'un BdN rhume, d'une BONNH
fluxion de poitrine. Il a fait une BONNE averset -
Je te ferai bien me connaître avec de BONS
coups de bâton. (Mol.) Une BONNE potence me
fera raison de ton audace. (Mol.) Il S'applique
également aux personnes en mauvaise part,
et dans un sons augmentatif : Un BON coquin.
Un
BONBON fripon. Un BON vaurien. Un BON men-
teur. C'est une BONNE pièce, une BONNE langue.
La
BONNEBONNE pièce! La BONNE langue! D'où viens-
tû, BONpendard? est-il l'heure de revenir chez
soi quand le jour est près de paraître? (Mol.)
La
BONNEBONNE dupe que M. Turcaret! (Le Sage.)
— Le bon Dieu Dieu, considéré comme
l'être bon par excellence : Aimer te BON DIEU.
Prier le BON DIEU. DIEU BON, veillez sur elle.
Il Interjectiv. Exclamation qui exprime l'é-
tonnement ou quelque autre sentiment vif et
soudain : BON DIEU 1 est-il possible ? BON
DIEU ! que va-t-il faire?
Qui frappe l'air, bon Dieu! de ces lugubres cris?
BOILEAU.
Point de glace, bon Dieu! dans le fort de l'été!
BOILEAU.
— Bon ange, bon génie, Ange gardien, génie
bienfaisant : Son BON ANGB veillait sur elle.
C'est votre BON GÉNIE qui vous a conduit ici.
Un .Ion génie à propos vous l'«nvoie.
BOILEAU.
il Personne qui veille avec sagesse sur la
conduite ou les affaires do quelqu'un : Ha
d'ans sa mère un BON ANGE qui le garde de tout
mal. Cette femme est son BON GÉNIE.
— Bon père, Terme respectueux qu'on em-
ploie en parlant d'un religieux ou ens'adres-
sant à lui : Je ne vous ferai pas plus de com-
pliments que le BON PÈRE m en fit la dernière
fois que je le vis. (Pasc.) il Donne mère, Nom
que les habitants du midi de la France don-
nent à la sainto Vierge : Prier la BONNE
MÈRE. Faire un pèlerinage à la BONNE MÈRE
de la Garde. Il Fils de bonne mère, Personne
quelconque qui mérite d'être comptée : / /
n'est FILS DE BONNE MÈRE qui n'ait ri de cette
aventure*
Il n'était fils de bonne mère
Qui, les payant à qui mieux mieux,
Pour ses ancêtres n'en fit faire.
LA FONTAINE.
— Bon ami
7
bonne amie. Personne dé-
vouée, profondément attachée et payée do re-
tour : C'est un BON AMI que je vous présente.
Ses^
BONNESBONNES AMIES sont venues la voir. || Amant,
maîtresse : Elle est sortie avec son BON AMI.
On ne lui connaît point de BONNE AMIE. | Mon
bon ami, ma bonne amie, Terme d'amitié fami-
lière : Réfléchissez à cela, MON BON AMI, je
vous en conjure. MA BONNE AMIE, je vous prie
de ne plus m'en parler. Encore une fois, BON-
NES AMIES, prenez garde que la méchante
femme ne vous devine. (Dider.)
— Donne fortune. Heureux hasard, chance
heureuse : C'est une BONNE FORTUNE pour lui
que de vous avoir rencontré. De semblables
BONNESBONNES FORTUNES, il ment joliment à son hon-
neur et gloire. (Mariv.)
— Bonne aventure, Aventure heureuse,
agréable : Il lui est arrivé une BONNE AVEN-
TURE. Quelle BONNE AVENTURE! il Prédiction,
par des moyens magiques, de ce qui doit ar-
river à quelqu'un : Dire, donner la BONNE AVEN-
TURE, un sorcier de Paris vient d'amasser pour
lui-même, en disant la BONNE AVENTURE aux au-
tres, une excellente fortune de 600,000 francs.
On dit aussi BONNE FORTUNE dans le même
sens.
— Bon sujet, Personne de l'un ou de l'autre
sexe, qui a de la capacité ou de la vertu :
C'est un BON SUJET, un très-Bon, un fort BON
SUJET. Cette flllë fera un três-uox SUJET, il So
dit aussi ironiquement et par antiphrase do
quelqu'un dont la conduite n'est pas régu-
hèro : Ah! le BON SUJET!
— Bon ou bonne enfant, Bon garçon, Bon
compagnon, Bon diable, Bon vivant, Personno
d'une humeur facile, accommodanto; homme
aimablo et gai, surtout dans les parties do
plaisir : J'aime mieux un BON DIABLE qu'un
mauvais ange. (A. d'Houdotot.) U Adjectiv.
Mademoiselle Corneille est une laideron très-
jolie et /r£s-B0NNE ENFANT. (Volt.) C'était un
habitué de ce salon où vinrent quelques dépu-
tés
BONNESBONNES FORTUNES sont rares. (V. Hugo.) u
Aventure galante : Un homme à BONNES FOR-
TUNES. Etre en BONNE FORTUNE. / / est plein de
lui-même, il a du caquet, il se dit persécuté de
BONSBONS ENFANTS et joueurs. (Balz.) Je lui
trouvais un air si ouvert et un œil si éveillé, si
BONBON ENFANT, que je sentais moins de colère que de
fierté. (G. Sand.) Le portraitiste est sûr d'un vé-
ritable succès d'arrondissement, lorsqu'il pro-
cure à ses modèles u?i embonpoint tout prospère
avec un sourire BON ENFANT. (Ch. Dupin.) Au-
tant l'étudiant en droit est guindé de sa na-
ture, autant l'étudiant en médecine a de sans-
façon dans les manières, autant sa mise ,est
négligée, son geste BON ENFANT. (Ed. Robert.)
U Bonne femme. Se d i t , par familiarité ou
par hauteur, d une femme du pcuplo ou de
la campagne, et surtout d'une femme avan-
céo en âge : Betirez-vous de là, BONNE FEMME.
Passez votre chemin, BONNE FEMME. La BONNK
FEMME n'en peut plus. (Acad.)
— Bonne chère, Nourriture abondante et
succulente : Faire BONNE CHÈRE. Aimer la
BONNEBONNE CHÈRE. Pour agir en habile homme, il
faut parler de faire BONNE CHÈRE avec peu
d'argent. (Mcî.)
Hélas] que sert la bonne chère
Quand on n'a pas la liberté ?
LA FOWTAINR.
il Donne vie, Bonne chère habituelle : Faire
BONNEBONNE VIE. La BONNE VIE est le rêve de ceux
gui n'ont pas de pain.
— Bonne fin, Mort sainte, religieuse ou
honorable : C'est un homme qui ne fera pas
une
BONNEBONNE FIN.
— Bon temps, Loisir, temps dont on peut
disposer à son gré : Avoir du BON TEMPS. Il
Repos, plaisirs auxquels on se livre avec in-
souciance : Prendre, se donner du BON TEMPS.
// a quitté les affaires, et ne pense plus qu'à
se donner du BON TEMPS. Il Temps passé,
temps de nos aïeux, parce que les vieilles
gens passent généralement pour de bonnes
gens.
Le conte est du bon temps, non du siècle où nous
[sommes.
LA FONTAINE.
D Bons moments, Moments heureux : J'ai
passé avec vous de BONS MOMENTS.
— Bonne année, Année où les récoltes, les
biens de la terre sont abondants : Les BON-
NES ANNÉES sont toujours trop rares, il Sou-
haiter la
BONNEBONNE ANNÉE à quelqu'un, Lui faire,
au commencement do janvier, un compli-
ment par lequel on souhaite que l'année qui
commence soit heureuse pour lui. Il Bonjour,
bon an, Je vous souhaite un bon jour et uno
bonne année. C'est une formule familière
pour souhaiter labonno année : BONJOUR ET
BON
BON AN, mon cher cousin, et BON JOUR et BON
AN, ma chère nièce. (Mme de Sév.) u Bon an,
mal an, Une année dans l'autre, par an en
moyenne, en compensant les années produc-
tives par celles gui ne le sont pas : Il tire,
BONBON AN, MAL AN, dix mille francs de son exploi-
tation.
— Les bons jours, les bonnes fêtes
?
Les jours
de grandes fêtes : C'est à l'institution des pè-
res de l'Oratoire, dans un petit appartement
qu'il y avait, que le chancelier se retirait les
BONNESBONNES FÊTES. (St-Simon.)
Que d'une serge honnête elle ait son vêtement,
Et ne porte le noir qu'aux bons jours seulement.
MOLIÈRE.
Il Faire son bonjour, Communier.
—Bonne heure, Heure matinale ou relative-
ment précoce : Se lever, se coucher de BONNE
HEURE. Il est encore de trop BONNE HEURE
pour s'en aller, U Signifie aussi Epoque rela-
tivement précoce : Ces arbres ont fleuri de
BONNEBONNE HEURE. Imprimez de BONNE HEURE dans
leurs cœurs les maximes de la vertu. Il A ta bonne
heure, Manière d'exprimer son approbation
pour une chose, quand les circonstances an-
térieures ne donnaient pas si bon espoir ou
quand l'approbation vient seulement de l'in-
différence. V. HEURE.
— Bonne société, bonne compagnie, Société,
compagnie composée de personnes distinguées
par leurs manières, leur éducation, leur for-
tune, leur naissance : Becevoir chez soi BONNE
SOCIÉTÉ. Ne voir que la BONNE COMPAGNIE. C'est
un homme de BONNE SOCIÉTÉ, de BONNE COM-
PAGNIE. On voit rarement ici de ces tas de désœu-
vrés qu'on appelle la BONNE COMPAGNIE. (J.-J.
ROUSS.) La BONNE COMPAGNIE avait autrefois le
privilège de juger ce qui est bien. (H. Beylo.) Il
Bonne maison, Maison, famille honorable et
où règne une certaine aisance : Elle est cui-
sinière dans une BONNE MAISON. Il travaille
dans les
BONNESBONNES MAISONS. / / est d'une BONNE
ou de BONNE MAISON, U Faire une bonne maison,
Faire très-bien ses affaires, amasser du bien :
Avec de l'activité et de l'économie, on FAIT
presque toujours UNE BONNE MAISON.
— Don ton, Manière de parler, de se tenir,
de s'habiller, conforme au bon goût et aux
usages de la bonne société : Un homme, une
femme du BON TON. On ne prend le BON TON
que dans la fréquentation des gens du monde.Le
goût est en littérature comme le BON TON en
société. (M"" de Staël.) Il n'y a point de BON
TON sans un peu de mépris. (J. Joubert.) u
Façon do parler ou d'agir qui est à la mode,
qui est généralement pratiquée : / / a été de
BONBON TON de ne pas croire en Dieu.
— Don bout. Côté, situation favorable :
Dans cette affaire, il a le BON BOUT, il tient le
BONBON BOUT.
— Bon marché, Conditions avantageuses
pour l'acheteur : Le BON MARCHÉ est l'effet na-
turel de l'abondance. Acheter à BON MARCHÉ
et revendre cher, c'est le moyen le plus prompt,
mais le moins facile de s'enrichir.
— A bon compte, A prix modéré, à bon mar-
ché : Auoir une marchandise à BON COMPTE, H
Homme de bon compte, Homme qui rend
des comptes exacts, et généralement homme
probe et fidèle : Je vois que vou3 êtes un
HOMME DE BON COMPTE, il Etre de bon compte,
Etre juste, franc, sincère, fairo ou avouer ce
qu'on reconnaît comme vrai : Il faut ÊTRE DE
BONBON ARGENT ce que je viens de dire? (Mol.) U
Prendre pour bon, So dit dans le mémo sens :
Je fis semblant de PRENDRE POUR BON tout ce
ou'ii lui plut de dire. (De Retz.ï u Pour de
bon, Sérieusement, sans feinte : Ils se battent
POUR DE BON. Cotte locution est surtout em-
ployée par lès enfants.
— Bon visage, Air do santé : Comment allez-
vous? je vous trouve BON VISAGE. Il Air gracieux
que l'on prend pour être agréable à quelqu'un.
Je l'entretins hier et lui Ûs bon visage.
CORNEILLE.
Il Donne mine, Air joyeux et affectueux : Il
vous fera BONNE MINE, bien qu'il vous en veuille
ait fond du cœur, il Faire bonne mine à mau-
vais jeu, Dissimuler le mécontentement qu'on
éprouve, le mauvais état où l'on est.
— Donne grâce, Tournure, manières, fa
çons élégantes et gracieuses : Elle chante,
elle danse, elle parle, elle rit avec beaucoup
de
BONNEBONNE GRÂCE, u Aménité gracieuse : Elle
me l'a accordé avec beaucoup de BONNE GRÂCE.
Il Faveur aimable : C'est une BONNE GRÂCE
qu'il vous a faite, il Amitié douce et bien-
veillante : Je suis dans ses BONNES GRÂCES.
Tâchez de vous attirer ses BONNES GRÂCES. Il
préférait à tout les BONNES GRÂCES du roi.
(Boss.) Ne s'emploie guère qu'au pluriel, n
N'avoir pas bonne grâce à faire quelque chose,
Ne pouvoir la faire convenablement, décem-
ment : Un fils N'A PAS BONNE GRÂCE à reprendre
son père. Il Bonnes grâces d'un lit, Etoffes qu'on
attachait autrefois au chevet et au pied d'un
lit, pour accompagner les grands rideaux :
Il s y trouvait un grand lit à colonnes, garni
de rideaux, de BONNES GRÂCES et d'un couvre-
pied en serge rouge. (Balz.)
— Bonne bouche, Arrière-goût agréable et
persistant : L'écorce d'orange fait BONNE
BOUCHEBOUCHE , donne BONNE BOUCHE, il Impression
agréablo que l'on réserve pour la fin : Garder
quelque chose pour la BONNE BOUCHE.
— Donne main ou Bonne plume, Ecriture
correcte, et aussi style facile et élégant, u
Main bonne, Vigueur dans la main, et aussi
habileté manuelle : Heureusement, j'ai la MAIN
BONNE,
BONNE, et je ne lâchai pas la bride. Cet ouvrier
a la MAIN BONNE, H Signifie encore Bonne
chance, habitude de réussir dans ce que le
hasard décide : Laissez-moi jouer pour vous,
j'ai la MAIN BONNE. U En bonne main, en bonnes
mains, A la direction, sous la gardo d'une
personno capable, sûre, honnête : Une affaire
qui est en BONNES MAINS. Des capitaux qui sont
en
BONNESBONNES MAINS.
Chacun bénit tout haut l'arbitre des humains,
Qui remet leur bon droit en do si bonnes mains.
BOILEAU.
il Signifie aussi : Sous l'autorité, sous la sur-
veillance d'une personne ferme, sévère, vigi-
lante : Il n'a qu'à se tenir, il est EN BONNE
MAIN. Soyez'tranquille, on le mettrait BONNES
MAINS, il De bonne main, de bonne part, de
bonne source, D'une personne digne de foi : Sa-
voir une chose DE BONNE PART, la tenir DE
BON
BON COMPTE, un enfant ne peut avoir la raison,
d'un homme. SOYEZ DE BON COMPTE, VOUS n'a-
vez pas été fâché de ce petit accident. Voyons,
SOYONS DE BON COMPTE, n'ai-je pas assez at-
tendu? il Ilendre bon compte d'une chose, En
répondre : Il m'A RENDU BON COMPTE de l'ar-
gent que je lui ai remis, u Expliquer d'uno fa-
çon satisfaisante comment on a exécuté un
ordre, rempli une mission, etc. : Soyez tran-
quille, je VOUS RENDRAI BON COMPTE de Sa
conduite.
Exécutez cet ordre «t m'en rendes bon compte.
ROTROU.
Tu m'as commis ton sort, je t'en rendrai bon compte.
CORNEILLE.
On vous rendra bon compte etâesdmiïroiBet d'ellei.
CORNEILLE.
• Il Vous m'en rendrez bon compte, J e saurai
vous en fairo repentir, vous en serez châtié.
(I Son compte est bon, On lui fera un mauvais
parti, sa punition est assurée : S'il y revient,
SON COMPTE EST BON. Il est prts, c'est assez ;
SON COMPTE EST BON.
— Bon argent, Monnaie qui est de bon
aloi, qui a cours, n Jouer bon jeu, bon argent.
Jouer loyalement et payer si l'on perd. H Y
aller bon jeu, bon argent, Agir sérieusement
et vivement. Se dit surtout des gens qui so
querellent, qui se battent : On a cru d'abord
qu'ils plaisantaient, mais ils Y ALLAIENT BON
JEU, BON ARGENT. Il Prendre pour de bon ar-
gent, Regarder commo vrai, comme sérieux
ce qui ne l'est pas : Quoi! tu PRENDS POUR DE
BONNE
BONNE SOURCE, l'aVOir DE BONNE MAIN.
— Donne jambe, Bon pied, Aptitude à mar-
cher yito et longtemps : Je vois que vous avez
BONBON PIED, n Avoir bon pied, bon œil, Se bien
porter, être encore vigoureux : Il touche à la
soixantaine
}
mais il A encore BON PIEO, BON
ŒIL. u Signifie aussi Etre très-vigilant, être
continuellement sur ses gardes : C'est un
homme aussi alerte que peu délicat, avec le-
quel il faut AVOIR BON PIED, BON ŒIL. Il Bon
pied, bon œil! Prenez garde à vous, faites
grande attention :
Courage, Valentin, fermai bon pied, bon œil!
REONA^D.
U Sur un bon pied, Dans des conditions, dans
une position avantageuse : On m'a dit que
vous étiez SUR ON BON PIED à la cour, et déjà
riche comme un juif. (Le Sage.) Il Mettre quel-
qu'un sur un bon pied, Lui procurer de grands
avantages, et, dans un autre sens, le ranger
à son devoir, le contraindre à fairo ce qu'on
souhaite de lui. D Mettre une chose sur un bon
pied, Lui donner une tournure, uno allure,
une marche convenable : Sa maison, qu'elle
n'AVAIT jamais MISE SUR UN BON PIED, se rem-
plissait de canaille. (J.-J. Rouss.)
— Bon plaisir, Consentement, agrément :
Je ne le ferai que si c'est votre BON PLAISIR.
L'a/faire sera poussée sous votre BON PLAISIR.
On ne fera cette démarche que sous votre BON
PLAISIR, que sauf votre BON PLAISIR. Il Volonté
tyrannique et capricieuse. On le dit surtout
en parlant des gouvernements absolus : Le
régime du BON PLAISIR. L'arbitraire, c'est le
BONBON PLAISIR dans la violence. (E. de Girard.)
il Bon vouloir, Bonne volonté, disposition
bienveillanto : Le BON VOULOIR n'est jamata
sans fruit. (Lamenn.)Sa vieille jument fit dea
merveilles d'adresse et de BON VOULOIR dan»
BON
BON BON
BON 911
les chemins e/frayants qu'ils eurent à suivre
pour gagner leur gîte. (G. Sand.) Il Bon office,
Aide, service, assistance, protection : Il faut
que je te récompense des BONS OFFICES que tu
m'as rendus. (Mol.) Elle offrait ou rendait ses
BONSBONS OFFICES. (Fléch.)
— Bonne opinion, Idée favorable : On a
BONNEBONNE OPINION de vous. Ne pensez-vous pas
que la BONNE OPINION de soi-même et la com-
plaisance qu'on a pour ses ouvrages est un des
péchés les plus dangereux? (Pase.)
— Bon esprit, Esprit juste, raison droite :
Comme le bon sens, plus utile que brillant, le
BONBON ESPRIT est le meilleur et le plus sûr ami
de l'homme. (S.-Dubay,) [| Sentiments droits
et honnêtes : Etre animé d'un BON ESPRIT. Il
règne un BON ESPRIT dans cette maison.
Le bon cœur fait le bon esprit.
DELILLE.
— Bon courage, Espoir, confiance qui donne
du cœur : Ayez BON COURAGE, cela se passera.
BON
BON COURAGE, mon ami! on vous aidera.
— Bon exemple, Conduite, action qui excite
les autres à bien agir : Donner, suivre le BON
EXEMPLE. Les BONS EXEMPLES ne sont' jamais
perdus. La vieillesse est de BON EXEMPLE et de
BONBON conseil. (J. Janin.)
— Bon français, Manière nette cl vive de
s'exprimer :
Notre ennemi, c'est notre maître.
Je vous le dis en bon français.
"LÀ FONTAINE.
— Bon motif, Intention d'épouser : Cour-
tiser une jeune personne pour le BON MOTIF.
— Bon droit, Justice, équité, droit fondé et
véritable : Faire triompher le BON DROIT. Dé-
fendre son BON DROIT. Il A bon droit, Avec
justice-, avec raison : C'est A BON DROIT qu'on
a condamné cet homme. Si l'oisiveté est appelée
A
BONBON DROIT la mère de tous les vices, l'é-
goïsme peut s'en déclarer le père. (S.-Dubay.)
— Bonne guerre, Guerre, attaque vigoureu-
sement menée :
Je ferai bonne guerre aux vanités du jour.
VIEKNET.
Il De bonne guerre, Manière équitable de se
défendre, d attaquer, de disputer quelque
chose à quelqu'un : Vous avez profité de ma
simplicité ; ce n'est pas de BONNE GUERRE.
—. Bon prince, Personne facile
?
indulgente
et simple, qui exerce avec bonté le pouvoir *
dont elle est revêtue : Allons, soyez BON
. PRINCE, donnez à votre femme ce qu'elle vous
demande, tl Bonne pâte. Caractère fort doux :
C'est une BONNE PÂTE d homme. Il est si BONNE
PÀTEI
— Courte et bonne, Vie de plaisirs, qui ruine
promptement la santé : c'est une allusion à
une phrase attribuée à la duchesse do Berry,
fille aînée du Régentj fameuse par ses déporte-
ments. Si l'on en croit la tradition, cette prin-
cesse, morte à vingt-quatre ans, aurait fait
cette réponseaux observations qu'on lui adres-
sait sur le danger d'abrégor sa vie par ses
excès;
tl Bonjour, bonne œuvre, Se dit d'une bonne
action, et souvent, par ironie, d'une mauvaise
action faite un jour de grande fête : / / a volé
le jour de Pâques, le jour de la Pentecôte, BON
JOUR,
BONNEBONNE ŒUVRE.
La drôlesse un matin s'en vint, bonjour, bonne œuvre.
Jusqu'il notre maison porter ce beau chef-d'œuvre.
REGNARD.
— Bonne ville, Nom donné, dffns l'ancienne
monarchie, à un certain nombre 'de villes
importantes : Une députation fut envoyée au
roi pour le supplier de revenir en sa BONNE
VILLE de Paris. (De Retz.)
— Une bonne fois, Enfin, définitivement :
Voyons, expliquons-nous UNE BONNE FOIS. Cette
façon d'argumenter me lavera peut-être UNE
BONNE FOIS du reproche de négligence. (Beau-
march.)
— Bel et bon, Irréprochable, parfait; pro-
prement, à la fois utile et agreaole :
Lorsque dans un haut rang on a l'heur de paraître,
Tout ce qu'on fait est toujours bel et bon.
MOLIÈRE.
fi Se dit par unesorte de concession oratoire
que Ton corrige immédiatement par une res-
triction : Tout cela est BEL ET BON, mais il
n'est pas moins évident que vous avez eu tort.
— A bon escient, Avec connaissance de
cause : Ne parler d'une chose qu'k BON ESCIENT.
Il A bonnes enseignes, Pour de justes raisons,
ou avec des sûretés, des garanties : Ne punir,
ne payer qu'k BONNES ENSEIGNES. Est-ce ainsi
que vous exercez votre élève à cet esprit de cri-
tique judicieuse qui ne se laisse jamais imposer
qu'k
BONNESBONNES ENSEIGNES? (J.-J. Rouss.)
— En bonne part, Dans un sens favorable :
Ce mot, cette expression se prend EN BONNE
PART. Prendre, expliquer, interpréter une chose
EN
BONNEBONNE PART.
— Etre de bonne composition, Etre d'une
humeur, d'un caractèro facile, aisé à gagner
ou à séduire, et aussi n'avoir pas la probité
nécessaire pour résister à la corruption : C'est
un homme doux et DE BONNE COMPOSITION. Ce
député EST DE BONNE COMPOSITION, le minis-
tère en aura facilement raison. Il est des
femmes très-fières, et cependant DE ^S-BONNK
COMPOSITION.
— Etre bon
t
bien bon, trop bon, Se dit,
comme formule de politesse, pour remercier
d'une offre ou d'un service accepté ou non :
Vous ÊTES BIEN BON, monsieur. Vous ÊTES TROP
BONNE, madame. Il S'emploie aussi, par euphé-
misme, au aeu de Etre simple, créduie, naïf
ou complaisant à l'excès : Vous ÊTES BIEN BON
de les croire. Ne SOYEZ pas si BON que de vous
y fier.
. . . Ah! vraiment je suis bonne
De leur ouvrir ma porte ; ils pensent que je suis
Fort en peine- de ma personne.
LA FONTAINE.
— C'est bon, Locution usitée pour exprimer
gu'on est satisfait, qu'on approuve ce qui a
été fait ou dit, qu'on n'y contredit pas, ou .
même qu'on y est indifférent : Ce monsieur'a
dit qu'il allait revenir. — C'EST BON, je l'at-
tendrai. Je ne puis vous les laisser à moins. —
C'EST BON, gardez-les. n II exprime souvent,
par une sorte d'ironie, le dépit que l'on
éprouve : C'EST BON, je me vengerai. 11 ne veut
pas répondre? C'EST BON, je vais le faire par-
ler, n 11 est bon là/ Se dit d'une personno qui
fait des propositions déplacées, qui avance ou
fait quelque chose d'exorbitant : IL EST BON
LA de venir parler pour les autres! IL EST BON
LÀ avec ses recommandations! Il C'est bon à
vous, à lui, C'est à vous, c'est à lui que cela
appartient, que cela convient : Je n'oserai
jamais recommencer, C'EST BON k vous. Je ne
veux plus y aller, C'EST BON k LUI. S'emploie
très-souvent en mauvaise part.
— Il est bon, Il est juste, convenable, utile :
IL EST BON que vous sachiez comment cela s'est
passé. IL EST BON de ne pas s'endormir là-
. dessus. IL EST BON à l'homme de se dévouer à.
Dieu. (Fléch.) IL EST BON d'être philosophe, il
n'est guère utile de passer pour tel. (La Bruy.)
IL EST BON quelquefois de ne point faire sem-
blant d'entendre tes choses qu'on n'entend que
trop bien. (J.-J. Rouss.) IL «'EST pas BON
d'apprendre la morale aux enfants en badinant.
(J. Joubert.) IL EST BON de se prosterner dans
la poussière quand on a commis une faute, mais
IL «'EST pas BON d'y rester. (Chateaubr.) IL
n'EST jamais BON que le pouvoir puisse tout.
(Guizot.) Il n'est pas fort nécessaire de se con-
soler de ses défauts, mais IL EST BON de les
connaître. (M
me
Guizot.) IL EST BON de ne pas
donner trop de vêtements à sa pensée. (Ste-
Beuve.)
/J est bon qu'un mari nous cache quelque chose.
CORNEILLE.
Il est bon cependant de la faire saisir.
CORNEILLE.
// est bon de vous dire en passant, notre ami.
Qu'a Rome il faut agir en galant et demi.
LA FONTAINE.
Il Cela est bien imaginé :
Par ma barbe! dit l'autre, il est bon, et je loue
Les gens bien sensés comme toi.
LA FONTAINE.
II A quoi bon? Pourquoi? pour quel motif?
pour quelle raison? A QUOI BON ce mystère?
A QUOI BON ces grands mots? A QUOI BON s'en
défendre ?
Eclate», mes douleurs; d quoi bon vous contraindre 7
CORNEILLE.
A quoi bon tant d'efforts, de larmes et de cris?
BOILEAU.
A quoi bon, quand la fièvre en nos artères brûle,
Faire de notre mal un secret ridicule?
BOILEAO,
Pourquoi, dans ton œuvre céleste,
Tant d'éléments si peu d'accord?
- A quoi bon le crime et la peste?
- O Dieu juste, pourquoi la mort?
A. DE MUSSET.
H On a dit aussi A quoi bon de suivi d'un infi-
nitif : A QUOI BON DE dissimuler? (Mol.)
Ah! j'enrageI d quoi bon de te cacher de moi7
MOLIÈRE. ,
Cette tournure n'est pas à imiter, le verbe
à l'infinitif, dans ces locutions, devant servir
logiquement de sujet.
— Trouver bon, Approuver, permettre :
TROUVEZ BON que nous cessions désormais tout
commerce entre nous. (J.-J. Rouss.) Je TROUVE
fort
BONBON que les hommes s'assemblent quelque-
fois pour raisonner, même à table. (J. de
Maistre.)
Trouves bon qu'avec vous mon cœur s'ose expliquer.
CORNEILLE.
, Au moins, c'est une affaire
Que vous trouverez bon, monsieur, que je diffère.
QOINAULT.
n Juger à propos, se décider à : IL A TROUVÉ
BON
BON de faire une querelle à son ami. On ne
m'accusera pas de m'étre fort occupé jusqu'ici
des critiques qu'on A TROUVÉ BON de diriger
contre mes écrits. (B. Const.)
— Tout lui est bon, Rien ne lui répugne, il
prend tout, il accepte tout : C'est un glouton
plutôt qu'un gourmand, TOUT LUI EST BON,
pourvu qu'il s'emplisse l'estomac. Les voleurs
ont tout emporte : argent
t
meubles, linge,
TOUT LEUR, A ÉTÉ BON. Oui, j'en conviens, TOUT
M'ÉTAIT BON : le plaisir, l'étude, la table, la
philosophie. (Marmont.) TOUT EST BON à qui
se défend. (E. de Girard.) n Trouver tout bon.
S'accommoder indifféremment de tout : II
n'est pas difficile en fait de nourriture, tl
TROUVE TOUT BON.
— Faire bon, bonne, Se porter caution de :
Vous pouvez compter sur cinquante pistoles, je
vous en FAIS BON. (Le Sage.),
Je prends sur moi sa dette* et je vous la fais bonne.
CORNEILLE.
n Assurer la possession à : Je vous FAIS BON
seulement de mon camr, et vous réponds d'une
sincérité pareille à la vôtre. (L.-J. de Balz.)
D Confirmer, appuyer : Cela donnait mauvaise
opinion de son esprit, et son esprit FAISAIT BON
sur tout ce que ton en croyait. (Hamilton.)
— Faire le bon apôtre, Contrefaire l'homme
de bien.
— La donner bonne. Avancer quelque chose
d'incroyable, d'exorbitant* faire une propo-
sition tout à fait inacceptable :
Vous me la donnez bonne.
J'ai six cousines, moi, que je vous abandonne.
VOLTAIRE.
H La garder bonne. Garder rancune : M. du
Maine n'osa répondre une parole ; sans doute
qu'il la lui GARDA BONNE. (St-Sim.) Malgré
tant de belles avances, il la lui GARDAIT BONNE,
et lui lâchait volontiers quelques brocards.
(St-Sim.)
— Comme bon me semble, vous semble, lui
semble, a semblé, semblera, A ma guise, à
votre guise, à sa guise ; à mon gré, à votre
gré, à son gré : Je ferai COMME BON ME SEM-
BLERA. Agissez COMME BON VOUS SEMBLE.
Usez-en comme bon vous semble.
CORNEILLE.
— Loc prov. N'être bon ni à rôtir ni à
bouillir, N'être propre à rien, en parlant
d'une personne ou d'une chose : Il n'entend
rien, if ne sait rien, il ne fait rien, il N'EST BON
NI À RÔTIR NI A BOUILLIR. Que voulez-vous faire
de cela ? Ce N'EST BON NI k RÔTIR NI k BOUILLIR.
Il N'être pas bon à jeter aux chiens, Etre r e -
poussé, rejeté de tous : Dans notre société, un
homme sans argent N'EST PAS BON À JETER AUX
CHIENS, il Etre bon comme le bon pain,. Etre
d'une extrême bonté, d'une grande douceur.
Il Tout cela est bel et bon, mais l'argent vaut
mieux, Nous ne voulons point nous laisser
leurrer par de belles paroles, de belles pro-
messes.-il Les bons maîtres font les bons valets,
Les valets servent bien les maîtres doux et
indulgents. Il Les bons comptes font les bons
amis, Il faut régler exactement les comptes,
pour rester d'accord avec ses débiteurs ou ses
créanciers. Il A quelque chose malheur est bon,
On tire quelque profit des accidents les plus
fâcheux :
Quand le malheur ne serait bon
Qu'à mettre un sot à la raison,
Toujours serait-ce a juste causa
Qu'on le dit bon d quelque chose-
LA FONTAINE.
Il A bon entendeur salut, Tâchez de com-
prendre, et faites-en votre profit, il À bon chat,
bon rat, Contre qui attaque, il est à propos de
se bien défendre. Signifie aussi Si 1 on a bien
attaqué, l'adversaire ne s'est pas moins bien
défendu. H A bon vin point d'enseigne, Il n'est pas
nécessaire de vanter ce qui est bon. n Ce qui
est bon à prendre est bon à rendre, Si l'on a
commis la faute de voler, il n'est jamais trop
tard pour restituer ce qu'on a pris. Beaumar-
chais a retourné plaisamment ce proverbe, et
a dit : Ce qui est bon à prendre est bon à gar-
der, il Qui bon l'achète bon le boit, Pour avoir
des choses de bonne qualité, il faut y mettre
le prix, il Bon droit a souvent besoin a aide, Le
droit ne prévaut pas toujours contre la force.
Il Une bonne fuite vaut mieux qu'une mauvaise
attente, Il vaut encore mieux prendre la fuite,
si le cas l'exige, que d'attendre par opiniâ-
treté ou par témérité. Il Aux bonnes fêtes, les
bons coups, Les malfaiteurs profitent des réu-
nions des jours de fête pour faire leurs coups.
— Jurispr. Bonnes mœurs, Moralité lé-
gale : On ne peut déroger par des conventions
particu,lières aux lois qui intéressent tes BON-
NES MŒURS, ainsi est nulle l'obligation dont
la cause est immorale. (C. Nap.) tl Bonne vie et
mœurs, Conduite régulière et particulière-
ment pure au point de vue des mœurs. Cette
locution est surtout usitée dans l'expression
Certificat de bonne vie et mœurs, Certificat
qui atteste la moralité de la personne à la-
quelle il est délivré. D'ordinaire, il doit être
produit quand on. sollicite une faveur, un
emploi, ou même qu'on se propose d'exercer
uno profession soumise à 1 autorisation ad-
ministrative. L'étudiant qui prend sa pre-
mière inscription, l'aspirant instituteur, l'as-
pirant douanier, et même le chasseur qui
demande un port d'armes, doivent fournir un
certificat de bonne vie et mœurs. Les maires,
juges de paix, commissaires de police, ont
qualité pour le délivrer.
— Mar. Bon vent, Vent qui permet d'a-
vancer 'sans louvoyer, n Bon frais, Vent assez
fort, et favorable, n Bon bord. Celui q u i ,
quand on louvoie, se rapproche le plus de la
route à faire. Il Bonne tenue, Fond auquel
l'ancre s'attache solidement. Il Bon bout, Bout -
de grelin qui reste à bord lorsqu'on toue des-
sus, n Bon quart! Cri que les marins de garde
P
endant la nuit poussent de demi-heure en
emi-heure. n Porter bon plein, Eviter de gou-
verner trop près, et défier avec la barre les
lans qu'on pourrait faire au vent, afin d'avoir
toujours un peu de largue dans les voiles. D
Faire bon bras, Brasser au vent quand il de-
vient favorable, n Faire bonne main, Amarrer
un cordage roide et sans filer, tl Faire bon
tour, Tourner, au changement de marée, de
manière à défaire une croix ou un tour qu'on
avait dans les câbles. fl Bon de nage, Se dit
d'une embarcation facile à manier, qui obéit
aisément à l'impulsion donnée par les avi-
rons : Canot BON DE NAGE. Chaloupe BONNE
DE NAGE.
•— Comm. Bonne première, bonne deuxiè-
me, etc. Titres par lesquels on désigne les di-
verses sortes de sucre : Cette qualité de sucre,
connue dans le commerce sous la désiqnation de
BONNEBONNE QUATRIÈME, devint le type de départ
pour toute l'échelle des droits. (Dict. d'écon.
polit.) H Bon pour, Formule d'approbation de
ia va>eur souscrite dans un billet, qui doit
être suivie de renonciation en toutes lettres
de ladite valeur : BON POUR mille j.'ancs.
BONBON POUR cent hectolitres de blé. Il Substantiv.:
Mettre le BON POUR. Votre billet est nul, vous
(tuez omis le BON POUR.
- — Manêg. Galoper du bon pied, Se dit d'un
cheval qui, se mettant au galop, part du
pied droit, u Mettre un cheval sur le bon pied,
Le faire partir du pied droit.
— Typogr. Bonne feuille. Feuille tirée
après la mise en train, c'est-à-aire non comme
épreuve à corriger, mais pour être mise en
volume.
— Jeux. Se dit de la balle qu'on a reprise
comme elle doit l'être, ou qui est tombée au
delà de la corde et dans le jeu, ce dont le
marqueur avertit au besoin par cette excla-
matipn : Bonne ! La balle est BONNE. — Non,
elle est dehors; non, elle est tombée sous la
corde, il Au jeu de l'hombre, Bon air, Nom
d'un hasard qui consiste dans la réunion d'un
sans prendre avec quatre matadors : Avoir
BONBON AIR. H Sonne couieur, Séquence princi-
pale, au whist.
— Il existe certaines expressions dans la
composition desquelles entre l'adj. bon, bonne,
sans être joint au second mot par un trait
d'union^ telles que bonne foi, bon sens. Ces
expressions ne rappellent assurément à l'es-
prit qu'une seule idée, parfaitement dis-
tincte ; aussi les avons-nous placées à leur
ordre alphabétique rigoureux. V. BONNE FOI,
BONBON SENS.
— Substantiv. Ce qu'il y a de bon, ce qui
est bon, par opposition à ce qui ne l'est pas :
Choisir le BON et laisser le mauvais. Entre
toutes les expressions qui peuvent rendre notre
pensée, il ny en a qu'une qui soit la BONNE.
(La Bruy.) Il y a bien des espèces de poli-
tesses : la politesse simple et bienveillante,
c'est ta BONNE. (Mm© Monmarson.)
Noua n'avons mange" que les bonnes.
FLO&LUT.
il Personne douce, honnête, vertueuse. Dans
le sens absolu, le masculin est seul usité, et
l'est surtout au pluriel : Les BONS et les mé-
chants. Les méchantes femmes, par leur grand
nombre, donnent plus de prix aux BONNES.
Dieu a tout fait pour les BONS lorsqu'il les a
faits bons. (Max. persane.) Les méchants per-
sécutent tes BONS. (Pasc.) Dieu fait luire son
soleil sur les BONS et sur tes méchants. (Boss.) .
Ainsi ta cruelle guerre moissonne les BONS et
épargne les méchants. (Fén.) Le méchant se
fait centre de toutes choses; le BON mesure son
rayon et se tient à ta circonférence. (J.-J.
Rouss.) Il n'y a d'heureux que les BONS, les
sages et tes saints. (J. Joubert.) Le BON croi'i
à la vertu ; il la regarde comme son véritable
bien, et il l'aime. (Lamenn.) Il y a pour les
BONSBONS des récompenses certaines, et des châti-
ments assurés pour tes méchants. (Lamenn.)
Montrez-lui comme il faut régir une province.
Remplir les bons d'amour et les méchants d'effroi.
CORNEILLE.
— Fam. C'est un bon. C'est un homme so- •
lide, sur lequel on peui compter.
— Mon bon, ma bonne, Mon cher, ma chère,
mon ami, mon amie. Ce terme affectueux,
qui ne s'emploie plus guère au masculin dans
le nord, est très-fréquent dans la bouche
des Marseillais : Qu'as-tu, MA BONNE,.que
veux-tu? (Balz.) Méfiez-vous, MON BON, lema-
riage vous engraisse : vous prenez du ventre.
(E. About.)
Quelle joie, en effet, quelle douceur extrême
De s'entendre appeler petit cœur ou mon bon'
BOILEAU.
il S'emploie quelquefois, au féminin, avec un
sens de dédain ou de supériorité : Payons de
hardiesse... Je ne vous connais pas, MA BONNE,
(Le Sage.)
— Prov. Aux derniers les bons, Ce qui reste
aux derniers, après que les autres ont choisi,
est souvent ce qu'il y a de meilleur.
— s. m. Ce qui est bon, louable, digne
d'approbation : Cet enfant a du BON. Le BON
* est ce qui est de l'institution générale de Dieu,
et conforme à ta nature et à la raison. (Leib-
nitz.) On peut hasarder dans toutes sortes
d'ouvrages d'y mettre le BON et le mauvais; le
BONBON plaît aux uns, le mauvais aux autres. (La
Bruy.) J'ai reconnu du BON dans cette fille.
(Règnard.) Le BON n'est que le beau mis en
action. (J.-J. Kouss.) Le BON et l'honnête ne
dépendent point des jugements des hommes
y
mais de la nature des choses. (J.-J. Rouss.)
Le
BONBON et te beau ne sont pas absolus, ils sont
relatifs au caractère de celui qui en juge, et à
la manière dont il est organisé. (Conoill.) La
nature joint toujours le BON au beau et l'utile
à l'agréable. (B. de Si>-P.) Le BON est la con~
dition principale du beau. (Lemontey.) De
quoi se compose le souverain BON ? De deux été'
ments : vertu et bonheur. (Kant.) La morale
étudie le BON, la philosophie cherche le vrai.
(Royer-Collard.)
La critique a du bon; je l'aime et je l'honore.
VOLT AIRS.
Que le bon soit toujours camarade du beau.
Dès demain je chercherai femme.
LA FONTAINE.
Ces malheureux rois,
Dont on dit tant de mal, ont du bon quelquefois.
ANDRIBUX.'
Ma foi, c'est grand dommage;
Je trouvais du bon, moi, dans ce mauvais ouvrage.
C. DELAVIG.NK.
912 BON
BON
BON
BON
— Ce qu'il y a de bon, d'utile, d'avanta-
geux :
Enfin le bon de tout, c'est qu'à d'autres qu'à lui
OD ne peut vous lier que vous ne disiez oui.
MOLIÈRE.
Il Gain, profit : Avoir du BON dans une affaire,
dans un traité, il Ce qu'il y a de piquant, de
plaisant : Le BON de l histoire est qu'il ne s'a-
perçut de rien. (Acad.) Le BON de l'affaire,
c'est qu'il amusera mes amis. (Volt.)
Le bon est qu'en courant il a perdu sa botte.
KEGNAKD.
— Avantage, agrément : Je n'ai guère eu
de
BONBON dans ma vie. On ne perdrait pas tout,
on aurait du moins quelques moments de BON.
(Massill.) On souffre de partout ; il y a cepew
dant du BON dans la vie. (Volt.) / / a eu trois
jours de BON, on a su en profiter. (Michelet.)
— Marchandise- de bonne qualité : Je vous
vends du BON. Prenez du BON ; le BON n'est
jamais trop cher. Il Mets, vin, boisson de
bonne qualité : Je ne Bots que du BON. Servez
du BON.
— Loc. adv. Tout de bon, pour tout de bon,
pour de bon, Sérieusement, véritablement :
Je ne le disais pas TOUT DE BON. (Pasc.) L'Ile
dit en montant sur l'échafaud : C'est donc TOUT
DK BON? (M
m e
de Sév.) Prenez-vous TOUT DK
BON des mesures pour commencer une nouvelle
vie? (Massill.) S'il se peut enferrer TOUT DB
BON, nous nous ôtons du pied une fâcheuse
épine. (Mol.) Bon ! dit Danglars, me voilà c«-
pitaine par intérim, et si cet imbécile de Ca-
derousse peut se taire, capitaine TOUT DE BON.
(Alex. Dum.) Tous tes hommes croient que les
femmes les aiment POUR DK BON. (L.-J. Lar-
cher.)
Tout de bon, la nouvelle est pour moi bien char-
fmante.
DESTOUCIIES.
Je ne reconnais point, pour moi, quand on se moque.
Parlez-vous tout de bon f
MOLIÈRE.
il arrangeait si bien ses scènes et ses rôles,
Qu'on croirait bien souvent que c'est tout de bon, dal
ANDRIEUX.
— Loc.adv.,, A la bonne, Bonnement, natu-
rellement, sans façon : Dans les capitales qui
passent pour avoir la police la mieux organi-
sée, la finesse des voleurs a renchéri sur la
prudence des policemen, et on vole à Paris et
à Londres comme à Borne, où ces choses-là se
font k LA. BONNE. (E. Roux.) Il En voilà une
bonne! Voilà une bonne charge, une chose
. fort drôle
?
fort singulière, bien digne d'être
notée. Il Ln dire, en conter de bonnes. Dire des
chosos extraordinaires, peu croyables : Ce
voyageur nous EN A DIT DK BONNES. Il En dire,
en écrire de bonnes. Faire de vertes répri-
mandes, de vive voix ou par écrit: M
m
° du
Châtelet va vous EN ÉCRIRE sur cela DK BONNES.
(Volt.ï Votre Majesté lui EN DIRAIT DE BONNES
sur Vhorreur d'avoir excité une guerre civile.
(Volt.) u Etre dans ses bonnes, Etre d'agréable
numeur, être dans de bonnes dispositions :
Leurs Majestés, ÉTANT DANS LEURS BONNES,"
dit-il, veulent-elles me permettre de leur pré-
senter mon successeur? (Balz.) Il A la bonne
franquette, Franchement, ingénument. V,
FRANQUETTE.
— Typogr. Don à tirer, Epreuve contenant
les dernières corrections do l'auteur ou de
, l'éditeur, et qui est renvoyée à l'imprimerie
. avec cette mention : Bon à tirer après correc-
tion, suivie do la griffe ou au moins des ini-
tiales du signataire, pour indiquer que le ti-
rage peut avoir lieu : Donner son BON À TIRER.
Nous n'avons pas le BON À TIRER.
— Hortic- Le gros bon, le petit bon, Nom
de deux variétés do pommes peu estimées.
—Jeux. Au reversi, Nom de différents paye-
ments : La première, la deuxième BONNE, il
Nom de la dernière levée au reversi et à
quelques autres jeux de cartes : Faire la
BONNE, u Première bonne, Première levéo au
reversi.
— Hist. Agrément : Le BON du roi, des mi-
nistres, il Vieille expression.
— Argot. Avoir la bonne, Aimer, Ôtro amou-
reux, il Être de la bonne, Etre heureux:
— s. f. Femme do service. V. BONNE à son •
ordro alphabétique.
— adv. N'est usité que dans quelques lo-
cutions : Il FAIT BON, If fait un temps agréa-
ble, il fait beau temps: Il FAIT BON ce matin.
Il FAISAIT BON hier^sur les bords de la rivière.
Il II est agréable, commode de : Il FERAIT BON
se baigner à présent. Il ne FAIT pas BON courir
quand, on a aine. Ll ne FAIT pas BON avoir af-
faire à lui. Il ne FAIT pas BON voyager quand
on ne voit goutte. (Dider.) tl II est curieux,
amusant de : Mais quand te bonhomme sortait
de la basse-cour pour dire bonjour à ses mois-
sons, IL FAISAIT BON voir sa haute taille et ses
larges épaules se dessiner sur l'horizon. (A, de
Musset.) « Fig. Il ne fait pas bon, Il y a quel-
que danger à courir : Monsieur, je viens vous
avertir çu'u. NE FAIT PAS BON ici pour vous.
JMol.) il II fait bon avec, On vit très-bien avec,
on n'a rien à craindre de la part de : IL FAIT
BON AVEC celui qui ne se sert pas de son bien à
marier ses filles, pourvu que l'on ne soit ni ses
enfants ni sa femme. (La Bruy). II II y fait bon,
C'est un lieu, une situation où l'on est com-
modément, où l'on vit à son aise : Je n'aime
point ces amis des hommes, qui crient sans
cesse aux ennemis de l'Etat: Nous sommes
ruinés; venez, IL Y FAIT BON. (Volt.)
— Sentir bon, Exhaler une odeur agréable
Cht que ces violettes SENTENT BON! (B, de St.-
P.) Ses cheveux, rabattus et peignés avec soin,
SENTAIENT BON. (Balz.)
— Tenir bon. Ne pas lâcher, résister à l'ef-
fort : TENEZ BON, ne -lâchez pas la corde. Les
autres six chevaux ONT TENU BON jusqu'ici.
(Mme de Sév.) Dans notre course furieuse, le
• carrosse TINT BON. pas un trait ne se rompit,
pas un cheval ne s abattit. (J. Sandeau.)
L'arbre tient bon; le roseau plie.
LA FONTAINE.
I! Ne pas céder, ne pas se relâcher : TENIR
BON
BON contre les attaques de ses ennemis. Econ-
duit, il insiste ; repoussé, il TIENT BON. (P.-L.
Courier.) Celui qui TIENT BON contre un choc
violent tombe quelquefois sous la plus légère
impulsion. (F. Soulié.)
. . . Le greffe tient bon
Quand une fois il est saisi des enoses;
C'est proprement la caverne au lion :
Rien n'en revient. . - .
LA FONTAINE.
— Coûter bon
t
Coûter cher, coûter un bon
prix : / / lui en COÛTA BON pour se faire réha-
biliter à la succession de son père. (St-Simon.)
S'emploie au pr. et au fig. V. COÛTER.
— Prov. 77 fait bon battre un glorieux, parce
qu'on n'a pas peur qu'il lo dise. II II fait bon
vivre et ne rien savoir, Il est avantageux et
commode d'ignorer beaucoup de choses dont la
connaissance ne pourrait que nous troubler.
— Fauconn. Voler bon, Etre bien dressé,
bien affaîté, en parlant de l'oiseau de proie.
—Interj.Bien! c'est cela, je vous approuve,
voilà ce que je voulais: BONI UOIW vous y pre-
nez bien. BON 1 le voilà lui-même.
Dont vers nous, a propos, je le vois qui s'avance.
IÏOILEAU.
[I Par ironie: BON! voilà qui est bien; nous
plaiderons. BON ! c'est ainsi que vous répondes/
BON!BON! voilà ce qu'il nous faut, qu'un compliment
de créancier, (Mol.).
— S'emploie au lieu de bah! avec les
nuances de sens de ce dernier m o t : BONI ce
n'est pas possible. BON I il y reviendra bien.
BONBON ! BON ! il a de l'argent de reste pour se ti-
rer d'affaire. (Le Sage.)
Bon f bon! il faut apprendre à vivre à la jeunesse.
REONARD.
Bon! mourir quand on a si longtemps combattu!
DESTOUCIIES.
— Bon cela! Bon celui-là! Formule d'ap-
probation qui tombe sur la chose ou la per-
sonne qui viennent d'être désignées : BON
CELA! ceci vaut mieux. De l'argent! BON CELA !
je suis sensible à cette éloquence.
Voyons s'il est ici quelque poète à lire.
Boileau! Bon celui-là! j'aime fort la satire.
C. D'HARLE VILLE.
— Gramm. Avec certains substantifs, l'ad-
jectif bon change de signification lorsqu'il est
placé avant ou après : bon air, signifie air dis-
tingué; air bon veut dire air qui annonce la
bonté; bon médecin, habile médecin; médecin
bon pour les malheureux, médecin bienfaisant;
bon homme, homme plein de candeur; homme
bon, plein de bonté, etc. Pour l'accord de bon
après avoir l'air. V. AIR.
L'infinitif placé après bon à doit toujours
être celui d'un verbe actif pouvant être rem-
placé par l'infinitif passif correspondant: Ceci
est bon à SAVOIR, a. être su. Mais on ne peut
mettre après bon à un infinitif neutre ou pro-
nominal. Il ne faut donc pas dire : Un temps
bon à VOYAGER, à se PROMENER; il faut rem-
placer à par pour, ou s'exprimer de quelque
autre manière.
— Homonyme. Bond.
— Antonymes. Malicieux, malfaisant, ma-
lin, mauvais, méchant, pervers, abominable.
Bon Paatour (LE), nom sous lequel Jésus-
Christ se désigna lui-même dans une parabole
célèbre de l'Evangile. C'est sous cette invoca-
tion que s'est placée une communauté de reli-
gieuses dites du Bon Pasteur. Dans l'origine,
ces religieuses se recrutaient exclusivement
parmi les Madeleines repenties. Ce fut une
protestante convertie, Marie-Madeleine do
Ciz, veuve du sieur Adrien de Combé, qui
eut l'idée de cette fondation, et la réalisa avec
l'appui de Louis XIV, qui lui affecta une mai-
son confisquée sur un protestant, plus une
somme de quinze cents livres. L'exemple fut
suivi, et des dons abondants vinrent faire
f
irospérer cette œuvre, qui fut confirmée pur
ettres patentes de 1698 ; mais sa condition
première fut modifiée : aux filles repentantes
vint se joindre une classe de jeunes filles
sages, qui se destinaient volontairement à l'é-
tat religieux. Cette communauté fut suppri-
mée en 1790.
C'est maintenant au Canada que se trouvent
les dames du Bon Pasteur, par suite du départ,
en 1844, pour cette colonie, des quatre reli-
gieuses qui habitaient encore la France à cette
époque. Plusieurs évêques des Etats-Unis ont
introduit dans leurs diocèses des filles de cette
communauté. Elles ont des refuges à Saint-
Louis, à Philadelphie, àLouisville, etc.
Bons Cousins , nom donné aux membres
d'une vaste association qui se forma au
ive siècle, sorte de compagnonnage qui réu-
I nissait les habitants des forêts, scieurs, fen-
| deurs, bûcherons et charbonniers. A cette
! époque, rapporte la tradition, l'Allemagne et
j lu Franche-Comté étaient couvertes de forêts
vierges où habitaient des hommes à moitié
sauvages. Des prêtres chrétiens conçurent le
i projet d'y pénétrer, l'Evangile à la main, et
' c'est à eux qu'on devrait Ta création de la
société des charbonniers ou Bons Cousins, une
des plus anciennes sociétés mystiques, la plus
ancienne peut-être, que nous connaissions,
celle qui, dans ses principes, a le plus du
rapport avec l'institution du compagnonnage.
L'initiation avait toujours lieu dans une forêt,
et le cérémonial en était des plus curieux. Le
récipiendaire était appelé guêpier. On étendait
à terre une nappe blanche, sur laquelle on
plaçait une salière, un verre d'eau, un cierge
allumé et une croix. Prosterné, l'aspirant ju-
rait par le sel et l'eau de garder fidèlement
le secret de l'association. Après plusieurs
épreuves, on lui indiquait les signes, paroles
et attouchements mystérieux au moyen des-
quels il devait se faire reconnaître comme
frère dans toutes les forêts. On lui expliquait
aussi le sens allégorique prêté par les Bons
Cousins aux objets exposés à sa vue : le linge
blanc figurait le linceul danslequeltouthomme
doit être un jour enseveli, le sel signifiait les
vertus théologales, la croix était le signe de
la rédemption, etc. Le néophyte apprenait
aussi que la vraie croix était de houx marin,
qu'elle avait soixante-dix pointes, et que
les charbonniers honoraient saint Thiébault
comme leur patron. Tout Bon Cousin devait
exercer la charité, et s'il rencontrait un mal-
heureux sur sa route, il était tenu de lui
donner pain et pinte, c'est-à-dire du pain, du
vin, cinq sous et une paire de souliers. De ce
que les Bons Cousins se rendaient dans les
villes voisines pour y vendre leur charbon,
les jours de marché devinrent leurs jours
de réunion, de manière que leurs assemblées
se nommèrent ventes. Saint Thiébault, né en
Brie, vers l'an 700, ordonné prêtre en Italie et
solitaire en Souabe,*fut l'un des principaux
propagateurs de la charbonnerie, et, après sa
condamnation et sa mort, les Bons Cousins se
placèrent sous son patronage. Aujourd'hui,
il n'y a plus guère que dans la forêt Noire et
le département de la Haute-Saône où cette
société se soit maintenue dans son principe
primitif; partout ailleurs, la charbonnerie a
pris un caractère politique et est devenue le
carbonarisme. L'association des Bons Cousins
est toujours restée isolée des divers compa-
gnonnages. Moins exclusive d'ailleurs que
ceux-ci, elle s'agrégea des personnes de tous
métiers et de tontes classes, auxquelles elle
rendait à l'occasion tous les bons offices pos-
sibles, et, en cas de persécution, les affiliés
trouvaient dans .les forêts un inviolable asile
et la protection des Bons Cousins.
Bon Berger (LE), ou le Vray régime et gou-
vernement des bergers et bergères, composé par
le rustique Jehan de Brie, traité moral en vers
français. Ce curieux monument de notre litté-
rature parut en 1379. Jehan de Brie est un
ancêtre de cet Agnelet matois et simplet, qui
dupera phi3 tard le drapier Guillaume et 1 a-
vocat Pathelin ; mais c'est un Agnelet disert
et lettré, qui a lu la Bible, Aristote et Vir-
gile, tout en gardant ses moutons. L'auto-
rité du roi couvre les hardiesses toujours dis-
crètes du bon berger. Ce livre, inspiré et peut-
être en partie dicté par Charles V, a un double
sens, allégorique et pratique. La dernière par-
tie n est guère qu'un petit manuel de pâturage,
d'astrologie et de médecine rustique à l'usage
des troupeaux; c'est l'embryon de nos aima-
nachs modernes; maïs elle est précédée d'un
long préambule, qui contient la pensée morale
de tout l'ouvrage. C'est là que maître Jehan
expose l'histoire de sa vie et de son éducation,
la manière dont il a tour à tour étudié la théo-
rie et la pratique, enfin les principes et les
beautés du noble art de bergerie. La première
maxime développée dans ce traité contient
une allusion facile à saisir : Qui n'entre par
l'huis dans la bergerie n'est pas un loyal ber-
ger. Le bon berger ne s'introduit pas furtive-
ment comme un larron ; il n'imite pas ce roi de
Navarre, Charles le Mauvais, de sinistre mé-
moire, qui tenta de surprendre Paris pendant
la nuit; ni ce Clément IV, qui vendit secrète-
ment la chrétienté ; ni ces clercs subtils, qui
s'emparent frauduleusement des prébendes et
des bénéfices, et deviennent loups ravisseurs
au lieu d'être les gardiens de leurs troupeaux.
La franchise, la probité, pour arriver au gou-
vernement des brebis, tel est le principe ton-
damental du bon berger. U n'aime pas les in-
grats, les simoniaques, les ignorants qui se
font appeler maître Robert ou maître Pierre,
sans avoir aucune science, mais sous couleur
qu'ils remplissent une charge de procureur ou
de notaire. Avec son air candide et sa naïveté
rustique, il égratigne en passant ces person-
nages fourrés, gens de robe et de l'Eglise, qui
se parent de peau plus que de science, et
qui, par conformité de nature, préfèrent le
poil de l'écureuil et de la fouine, bêtes grim-
pantes et malfaisantes, à l'humble toison des
brebis; mais la satire ne va jamais bien loin :
elle compromettrait le roi. Après avoir lancé
'quelque innocente raillerie ou quçlque beau
trait d'érudition, l'auteur revient toujours à
ses moutons. Le bon berger a des égards pour
son troupeau. Il respecte en lui le droit natu-
rel que nature a appris et enseigné à toutes
les bêtes. S'il doit recourir aux châtiments, il
le fait avec mesure, emplissant la houlette de
terre légère, et ramenant ainsi les agneaux
S
ar douce correction à l'obéissance ; il n'use
es verges, des lanières et du crochet qu'à
l'égard des vieux moutons entêtés et récalci-
trants. Aussi nul art au monde n'est-il plus
délicat, plus noble et plus respectable que ce-
lui de bergerie. La Bible l'atteste : Abel, Da-
vid, Juda. furent tous pasteurs. Pour l'ap-
prendre, il n'est besoin ni de maléfices ni de
science abstraite et mystérieuse, enfouie dans
les livres de Varron, de Pline, de Diogène, de
saint Augustin ou de saint Thomas ; il suffit
d'avoir le cœur et le sens droits :
Bon sens naturel fut exquis
Pour montrer l'art de pasiourie.
Et à. qui s'adresse-t-il en parlant de la sorte î
Est-ce seulement aux pasteurs des champs ?
En prenant congé du lecteur dans un petit
adieu versifié, maître Jehan nous donne lui-
même le secret de cette longue allégorie :
Les pasteurs portant crosse et mitre,
Voulans a cecy regarder,
Pourront apprendre maint chapitre,
Pour leurs ovilles bien garder.
• Ainsi se t e r m i n e , dit M. L e n i c n t , c e t t e
pastorale politique et morale, mélange de
douce ironie et de conseils affectueux. Malgré
ses prétentions littéraires, le livre est surtout
un almanacn, le livre vulgaire par excellence,
le journal en permanence pour les populations
des champs. En répandant les conseils de
Jehan de Brie, Charles V organisait une pro-
pagande pacifique et morale au profit de l'or-
dre public et de la royauté. •
Bon Pèro (us), comédie en un acte et on
prose, de Florian, représentée pour la pre-
mière fois à Paris, au Théâtre-Italien, en
1790. Florian, qui s'est toujours efforcé d'em-
bellir le caractère d'Arlequin, après avoir pré-
senté successivement ce personnage comme
amant dans les Deux Billets, et comme époux
dans le Bon Ménage, l'a ensuite offert comme
père dans ce nouvel ouvrage, inspiré, aflirme-
t-on, par le spectacle des vertus domestiques
de Carlin. Cet excellent Carlin eut le bon es-
prit de mourir juste assez à temps pour ne pas
voir défigurer complètement son héros, l'Arle-
uin balourd,gourmand etquelque peu vicieux
e la tradition, celui auquel il devait toute sa
célébrité. M. de Florian, en créant un Arle-
quin vertueux et sentimental, portait un der-
nier coup à cette bouffonne figure barbouillée
de suie, qui avait fait l'amusement do notre
France spirituelle, et excité la verve de plu-
sieurs générations d'auteurs forts en gueule,
comme la servante de Molière. Cependant lo
Bon Père fut fort goûté en son temps ; Flo-
. rian y avait semé quelques traits ingénieux.
Quant au sujet, le voici : Arlequin , après
avoir perdu sa chère Argentiue et ses deux
fils, a quitté Bergame, et est venu avec Ni-
sida, sa fille unique, s'établir à Paris, où,
jouissant de 60,000 livres de rente que lui a
laissée un certain comte de Valcour, il tient
un état très-brillant. Un jeune homme, Cléante,
a rencontré Nisida, et en est devenu éperdu-
ment amoureux ; mais, sans nom et sans for-
tune, il ne conçoit aucun espoir. Seulement,
pour voir de plus près l'objet de sa tendresse,
il s'introduit chez Arlequin, et, quoique capi-
taine de cavalerie, se donne à lui comme se-
crétaire. L à , il voit tous les jours sa chère
Nisida, et, sans lui avoir jamais parlé de l'a-
mour qu'il ressent pour elle, il sait lui en in-
spirer un très-violent. Nisida, apprenant qu'on
veut lui faire épouser un marquis, avoue
franchement à son père les sentiments qu'elle
a conçus pour Cléante, et le supplie de la
mettre au couvent, espérant
et lui promet seulement d'éloigner son secré-
taire; mais sli joie est au comble lorsque,
s'acquittant de cette commission pénible pour
son cœur, il apprend que Cléante est le fils de
son bienfaiteur, le comte de Valcour. Il se
dispose aussitôt à lui remettre tout le bien dont
il jouit, en le priant simplement d'assurer de
quoi vivre à sa fille. Cléante ne reprend l'im-
mense fortune d'Arlequin que pour l'offrir à
Nisida, dont la main, comme on doit bien le"
penser, ne lui est pas refusée. Telle est cotte
comédie, on Florian a mis plus de sentiment
et moins d'esprit que dans ses autres ouvrages
dramatiques.
Bon Garçon (LE), comédie en trois actes, en
prose, par MM. Picard et Mazères, représen-
tée pour la première fois sur le Théâtre-Fran-
çais, le 16 mars 1829. Le Bon Garçon est lu
dernier caractère tracé par Picard, la dernière
idée comique qui occupa cet esprit observa-
teur et fécond; c'est une .uvre posthume en-
fin , et qui compte parmi les meilleures de
l'auteur du Collatéral et de la Petite Ville.
Fauville est un bon garçon, ou plutôt un bon
vivant, toujours gai, sans souci, sans humeur,
sans intolérance, parce qu'il est sans capacité,
sans opinions, sans principes ; habile ordonna-
teur de fêtes, grand prometteur de places,
complaisant par calcul, égoïste par instinct, il '
exploite avec adresse sa renommée de bonho-
mie et de dévouement banal ; c'est le Tartufe
de l'épicurisme sentimental. Comme Tartufe,
il a son Orgon ; c'est un banquier stupide,
M. Beaugrand,dontil conduit la maison, choisit
les convives et désennuie la femme. Ce n'est
pas tout, l'obligeant Fauville est, en réalité,
l'obligé de tout le monde. 11 a fait endosser par
Darcy, son camarade de collège, un billet do
4,000 fr. Il oublie ,1e jour de l'échéance; ce jour
arrive, et il faut que Darcy paye. Ce qui con-
trarie le plus celui-ci, c'est qu'il est obligé de
quitter la maison de campagne de M. Beau-
grand, pour aller régler à Paris cette affaire,
au moment où il voit arriver M
m
c Derbelet et
sa fille, jeune personne dont il recherche )a
main. Fauville lui promet d'excuser son dé-
part; il s'engage même à faire plus: un grand
BON
personnage dont il est parent, le comte de Der-
sanne , directeur général, est attendu chez
M. Beaugraudj il a un poste de receveur à
donner ; Famille le" lui demandera pour son
ami, et assurera ainsi son mariage. En effet,
bientôt M. Dersanne arrive. Fauville solli-
cite aussitôt, pour son ami, la recette va-
cante j mais M. Dersanne ne veut pas d'un
pareil comptable; il sait que Darcy est pour-
suivi pour dettes. Tout à coup, il lui vient
une idée : pourquoi lui, Fauville, ne pren-
drait-il pas cette place? Fauville est d'a-
bord étourdi de la proposition ; il hésite, le
comte insiste, et le bon garçon se laisse faire.
Il lui faut donc un cautionnement; il s'adresse
à Beaugrand ; mais, au lieu de chercher de
l'argent, Beaugrand lui conseille de chercher
une femme ; la dot ira, 'comme toutes les dots
de Paris, à la caisse des consignations. Par
exemple, pourquoi ne demanderait-il pas
MUe Derbefet ? Il est vrai que Darcy devait
l'épouser, mais il fallait qu'il obtînt la recette;
ne l'ayant pas obtenue, et ayant des dettes, le
mariage est impossible. Fauville et M
|I1C
Der-
beiet trouvent le raisonnement sans réplique.
La jeune Laure, qui préfère Darcy à Fauville,
est seule indignée de cette conduite. Mm
e
Beau-
grand aussi, qui trouvait fort juste que Fau-
ville prît pour lui la pince qu'il demandait pour
son ami, crie à la trahison dès qu'il s'agit de
mariage. Elle fait avertir Darcy; celui-ci,
qui a payé le billet, revient et fait à Fauville
les plus amers reproches. Fauville, qui craint
le bruit, les querelles, qui tient par-dessus
tout à sa réputation de bon garçon, qui n'a pas
même l'énergie .du vice, et n'en a que la molle
bassesse, confesse ses torts et s évertue de
son mieux aies réparer. Il plaide si chaude-
ment la cause de son ami, qu'il lui fait enfin
obtenir la place à laquelle est liée la main
de la charmante Laure. Le bon garçon de Pi-
card est resté un type dont on rencontre en-
core , dont on rencontrera sans doute pen-
dant longtemps des spécimens. C'est, d'ailleurs,
le seul caractère bien tracé de la pièce ; pres-
que tous les autres sont pâles, indécis et lan-
guissants.
Bon* Viiiageoi» (NOS), comédie en cinq actes,
de M. Victorien Sardou, représentée pour la
première fois au théâtre du Gymnase drama-
tique , le 3 octobre 186G. Voici l'analyse de
cette pièce, que M. Sardou appelle une comé-
die,"mais qui n'est qu'un mélange assez mal
fondu de comique et de dramatique, genre fort
à la mode aujourd'hui.
Grinchu, Tétillard et Floupin sont trois ha-
bitants de Bouzy-le-Têtu; simples paysans,
mais pleins d'une ridicule suffisance, ils di-
raient volontiers, parodiant l'abbé Sieyès :
«Qu'est-ce que le paysan? — Rien. —Que
doit-il être? — Tout. — Qu'est-ce que le bour-
geois? — Tout. — Que doit-il être? — Rien W
Pour être conséquents avec leurs principes,
ils vont tâcher d'exclure de Bouzy-le-Tètû leur
maire, baron et ancien colonel, afin de prendre
ensuite sa place. Pour cela, ils profitent d'une
intrigue dont ils ont saisi les fils, intrigue à
laquelle est mêlée la baronne. Us signent une
pétition, qu'ils osent lui présenter en face de
tout le village, et dans laquelle ils lui deman-
dent de donner sa démission, le menaçant, sur
son refus, de le dénoncer au préfet pour le
mauvais exemple que * son intérieur donne
dans la commune. Le baron, après les avoir
écoutés gravement, prend une badine, et force
Floupin, l'un des trois, à ajouter en post-
scriptum : a Les signataires de cette pétition
sont trois polissons. » Mais nos trois gaillards
ne sont pas paysans pour rien, ils se promet-
tent d'avoir leur revanche, et de surveiller de
près l'amoureux de la baronne. Cet amoureux
n'est autre que Henri Morisson, qui avait ren-
contré, dans une ville d'eaux des Pyrénées, la
baronne et sa jeune sœur Geneviève. 11 avait
été fort ému par les beaux yeux de la ba-
ronne, tandis que, de son côté, la jeune Ge-
neviève le trouvait fort à son goût. Un beau
jour, ces deux dames étaient parties, et Henri,
qui s'était mis à leur recherche, les rencontre
au village de Bouzy-ïe-Têtu, où il se trouve
être leur voisin de campagne. Ces hasards
n'arrivent que dans les comédies. Geneviève,
qui tient à revoir Henri, lui donne la clef d'une
petite porte qui ouvre dans le parc de son
frère. Voilà une de ces inconvenances mon-
strueuses qui abondent dans la plupart des co-
médies modernes, et leur enlèvent tout mérite
sérieux. Les auteurs comiques veulent nous
représenter des filles honnêtes, et ils les font
agir en courtisanes. II faut, ou qu'ils ne con-
naissent pas les jeunes filles honnêtes, ou que
leur imagination soit bien pauvre, pour qu ils
soient obligés de recourir à de pareilles in-
vraisemblances. Aussi, quand on relit, après
quelques années, les pièces qui ont eu le
plus de succès, on s'étonne que le public ne'
les ait pas couvertes de sifflets mérités- Muni
de cette clef, Honoré Morisson pénètre chez
le baron, où il espère rencontrer la baronne;
mais son attente est déçue, et c'est Geneviève
qui se présente devant lui. Celle-ci lui laisse
entrevoir son amour d'une façon si délicate et
si ingénue, que les yeu* du jeune homme s'ou-
vrent; il comprend que c'est à la jeune fille
c/.ie son amour doit s'adresser, et il lui rend la
cief du parc, en lui disant qu'il entrera le len-
demain par la grande porte pour demander sa
main. Maïs il est plus facile d'entrer que de
sortir; les trois villageois, qui l'ont guetté,
lui coupent la retraite et sonnent l'alarme.
Henri, surpris par le mari en tête-à-tête avec la
BON
baronne, s'avise d'un expédient bien usé : il
saisit un collier de diamants et s'écrie : a Je
suis un voleur, ne me perdez pas, » quand il
lui serait si facile de dire avec vérité ; • J'aime
votre sœur Geneviève, et je viens vous de-
mander sa main.«Mais M. Sardou avait be-
soin de faire encore deux actes, et les in-
vraisemblances ne lui coûtent rien : tant pis
pour le public, qui les accepte si bénévole-
ment. Le baron s intéresse à ce jeune voleur,
qu'il ne croit pas endurci ; il en confie la garde
à M. Morisson père, qui avoue, lui aussi, bé-
névolement que son fils est un fripon. Mais
l'amour paternel se trahit quand Henri est sur
le point de sauter par la fenêtre pour s'éva-
der, et que son père lui crie : a Henri, prends
garde ! » Le baron se doute qu'il est dupe, et
que sa femme est pour quelque chose là-dedans;
aussitôt, il provoque le prétendu séducteur,
et il est convenu que tous deux se battront à
l'américaine. Pourquoi ce duel de cannibales?
On l'ignore, mais M. Sardou l'a voulu ainsi.
La situation, qui a atteint son plus haut degré
de tension, ne tarde pas à être dénouée de la
façon la plus satisfaisante. Geneviève re-
vient du bal tout heureuse ; elle racostte à son
frère l'amour d'Henri pour elle, et le prévient
que le lendemain il viendra lut demander sa
main. Le baron doute d'abord de la vérité des
paroles de sa sœur; néanmoins, il finit par se
laisser persuader, sans plus de raison qu'il
s'était laissé aller à croire qu'Henri était amou-
reux de sa femme; mais il fallait un dénoù-
ment, le voilà trouvé; tout le monde s'em-
brasse et le public s'en va content. Quant aux
bons villageois, ils reviennent à la fin, pour
que le spectateur ne les oublie pas complè-
tement; mais Us n'ont guère servi qu'à don-
ner leur nom à la pièce, procédé très-fréquem-
ment employé aujourd'hui par les romanciers
et les auteurs dramatiques.
Telle est cette comédie, qui contient les qua-
lités et les défauts ordinaires de M. Sardou :
une entente admirable du théâtre, des scènes
charmantes; mais à côté de cela des invraisem-
blances monstrueuses et aucun souci de l'art,
qui n'arrive à son but qu'à force de travail et de
méditation. Tout cela, c'est affaire entre lui et
le public, qui veut bien se laisser prendre à
ses pièges, quelque grossiers , quelque usés
S
u'ils soient. Nous n'avons à nous occuper que
e l'écrivain et des idées qu'il représente. Sous
ce rapport, notre tâche est bien facile; pas
plus que dans ses précédents ouvrages, M. Sar-
dou ne s'est proposé un but utile ou élevé;
peu lui importe d'instruire le.public; ce qu'il
veut, c'est l'amuser, et il l'amuse en flattant
ses goûts, ou plutôt en se prévalant de son
défaut de goût pour obtenir un succès facile.
Voici, sur Nos Bons Villageois, l'opinion des
principaux critiques, dont quelques-uns ont
voulu, bien à tort, donner à cette pièce une
portée politique. «Ce qu'a voulu faire M. Sar-
dou, le voici, dit M. Castagnary dans la Li-
berté. L'antique antagonisme de la campagne
contre la ville, la lutte sourde, formidable,
acharnée du paysan contre le bourgeois, qu'il
expulse lentement tous les jours, et à qui il
finira par fermer la route des champs : tel est
l'immense sujet qui s'était offert à M. Sardou,
comme dans une échappée rapide. Le sujet
n'est pas nouveau, il est actuel, et d'une ac-
tualité inattendue, comme le démontrera l'en-
quête agricole qui se poursuit en ce moment.
M. Sardou l'a abordé, je dois le dire, avec co-
lère et parti pris , mais avec une certaine
audace, comme le prouve son second acte. A
ce point de vue, sa conception est bien une, il
n'y a qu'une pièce dans sa pièce, et non deux,
comme on a voulu le dire, prenant le princi-
pal pour l'accessoire, et l'accessoire pour le
principal. D'un bout à l'autre, "ce sont bien les
paysans qui, publiquement et secrètement,
sont l'objet des ressorts qui se meuvent; ce
sont bien les paysans qu'il s'agit de peindre
dans leur esprit, dans leur caractère, dans
leurs mœurs ; et si tout le long ils sont ri-
diculisés, battus et finalement déjoués dans
leurs machinations, ils n'en occupent pas
moins la pièce tout entière, et à eux seuls.
Mais pour embrasser un tel sujet dans toute
son étendue, et pour en bien faire sentir toute
la grandeur, il fallait la large compréhension
d'un esprit humanitaire, et l'austère désinté-
ressement d'un esprit philosophique ; il fallait
se faire enregistreur, non tribunal; exposer,
non juger; expliquer, non condamner. M. Sar-
dou ne i'a point su, ne l'apoint pu; d'une telle
carrière de granit, la main d'un puissant ou-
vrier comme Balzac (il l'a essayé une fois)
eût tiré-tout un formidable peuple de statues;
lui n'y a vu que des statuettes. De la contem-
plation bienveillante de ces mœurs farouches,
de ces âmes enveloppées, l'idéalisme d'un Mil-
let tirerait, et tire encore des tableaux gran-
dioses comme une fresque de Michel-Ange ;
lui, n'y a vu que des caricatures. •
Dans l'Avenir national, M. Arago, après
avoir signalé les invraisemblances choquantes
auxquelles sont ducs les plus belles scènes,
aborde aussi la f:uejtion politique. Il disculpe
les paysans du blâme qu on leur inflige, sur-
tout de leurs fautes en 1848, et conclut ainsi :
« On a bonne grâce sans cloute , au centre de
Paris , à faire un tableau satirique de la vile-
nie des paysans, qui ne le verront pus ; mais il
serait plus piquant et plus justement satirique
encore,celui des mœurs journalières de ce beau
monde qui revient de la villégiature aussi raf-
finé de mièvrerie, aussi vain, aussi futile que
quand il y est allé. Qu'est-ce que les champs
lui ont donné ? L'air réparateur pour des forces
BON
épuisées dans l'oisiveté des plaisirs. En re-
vanche, qu'est-ce que l'on a donné de bon au
village ? Cherchez bien, et si vous pouvez me
le dire, vous m'obligerez. Ainsi, dans son idée
générale, la moralité de la pièce de M. Sardou
est absolument fausse ; la petite vanité bour-
geoise y est devenue une violente injustice,
car il ne faut jamais rire d'un rire impitoyable
des gens qui vous nourrissent, et sans les-
quels vous ne vivriez pas. De plus, avant d'in-
criminer autrui, il convient de voir si ses torts
ne procèdent pas de nous-mêmes. Croyez-vous
qu'avec de meilleurs modèles, une instruction
plus large, avec une participation plus di-
recte, plus fréquente, plus complète a la vie
publique, le paysan garderait tous ses vices,
toute son étroitesse d'esprit? Ce serait un
étrange dédain de la vie humaine, et certai-
nement une erreur. »
M. Francisque Sarcey ne s'occupe pas de
politique; il ne voit que le côté littéraire de
la nouvelle comédie, et il dit, avec son franc
parler de paysan du Danube: «Il y ade l'esprit,
beauooup d'esprit dans cette peinture du village
envahi par la marée montante des Parisiens.
On y sent des traits pris sur le vif et découpés à
l'emporte-pièce ; mais ce n'est pas iàde l'ob-
servation profonde et vraie dans le grand sens
du mot. Ces physionomies grimacent ; elles ne
vivent pas; on ne voit point ces personnages
a^ir. Tout se passe en conversations, récits et
dissertations. Quand on sort du théâtre, et
que, se pressant la tête entre les mains, on
s'interroge et l'on cherche ce qui nous est
resté de tout ce mouvement, de tout ce bruit,
on est tout étonné de ne trouver au fond de
sa mémoire que des formes flottantes, indé-
cises, qui, après avoir brillé un instant et jeté
une petite lueur, s'évanouissent comme un feu
follet. J'ai entendu comparer Floupin, le beau
parleur, au célèbre Homais de madame Bovary.
Il y a, en effet, quelques traits de ressem-
blance; mais ce rapprochement même ne fait
que mieux sentir la force du reproche que j'a-
dresse à Sardou. Quand vous avez fermé le
livre de M. Flaubert, vous voyez aussi dis-
tinctement son pharmacien que si vous aviez
vécu avec lui : vous pourriez au besoin pré-
dire en toute circonstance ce qu'il répondra,
tant vous savez le fond de sa cervelle et la
forme de son langage. Que vous a-t-on appris
de Floupin, sinon qu'il veut devenir maire;
de Grincheux , sinon qu'il n'est content de per-
sonne, et de Tétillard, sinon qu'il est l'homme
du curé, et qu'il dit amen aux propositions des
deux autres ? » Parlant plus loin des deux belles
scènes de l'ouvrage. «Ce sont là deux scènes
hors ligne , et telles que Sardou pouvait seul
les écrire. Elles demandent grâce pour cette
comédie si défectueuse à tant d'égards; elles
justifient les enthousiasmes de la première re-
présentation. » Tous les autres critiques,
M. Nestor Roqueplan, M. Théophile Gautier,
M. Paul de Saint-Victor, M. Vermorel, con-
statent que cette comédie montre beaucoup
de dextérité chez son auteur, mais aucune
trace de talent profond e* sérieux, aucune par-
celle de ce vis comica indispensable aux au-
tours comiques. Tous d'ailleurs sont unanimes
à reconnaître que la perfection avec laquelle
la pièce a été interprétée est la principale
cause du bon accueil que lui a fait le public.
Si maintenant le lecteur demande pour-
quoi le Grand Dictionnaire consacre tant de
lignes à une œuvre sans valeur réelle, le
Grand Dictionnaire répondra qu'il suit la modo
d'aujourd'hui, où le bon ton consiste à faire
plus de bruit autour du nom d'une chanteuse
a voix de rogomme qu'autour de celui de la
Patti ou de l'Alboni.
Bon Fil* ( L E ) , opéra-comique en un acte,
paroles de Devaux, musique de Philiddr, re-
présenté sur le Théâtre-Italien, le 11 janvier
1773. Le sujet du livret est une critique assez
plate dirigée contre les gardes-chasse et les
baillis. La musique de Philidor n'était pas de
nature à rendre la pièce plus divertissante.
Le Bon fils étaient alors à la mode au théâtre;
car un autre opéra en un acte, sur le même su-
jet, fut donné en 1795, au théâtre Feydeau,
paroles de Hennequin, musique de Lebrun.
Bon» Voisins (LES) , opéra-comique en un
acte, paroles de Planterre, musique de Jadin,
représenté à Feydeau le I
e r
novembre 1797.
Cet ouvrage n'est ni pire ni meilleur que les
quarante autres dus à la fécondité de cet an-
cien page de la musique du roi Louis XVI,
qui était un pianiste habile, mais qui, comme
compositeur, avait plus do facilité que d'in-
spiration.
Bonne Sœur (LA),opéra-comique en un acte,
paroles de Petit aîné et Philippon la Made-
leine, musique de Bruni, représenté au théâtre
Feydeau le 21 janvier 1801. Cet opéra offre
des mélodies agréables, des scènes bien traitées
dans le goût sentimental de cette époque.
Bruni éfait un musicien d'un grand mérite, et
ses duos de violon surtout sont estimés des
amateurs.
Bonne Mère (LA.), opéra-comique en un
acte, paroles de Florian et de Mélesville, mu-
sique de Douai, représenté au Gymnase le
6 juillet 1822. Cet ouvrage a servi de début au
compositeur qui s'est fait connaître depuis
dans le monde musical par plusieurs produc-
tions hardies, savantes, conçues d'après un
système de richesse et d'indépendance que le
public n'a pas goûté.
Bonne Aventure (LA), ronde anonyme que
les mamans et les nourrices, depuis une époque -
BON
9(3
qui se perd dans la nuit des temps, chantent
aux bambins pour leur former le cœur et l'es-
prit. Le fouet et les confitures, le bien et le
mal, la punition et la récompense, s'y asso-
cient dans des proportions assez bénignes pour
ne pas trop effrayer l'imagination d'un eniaut.
Certainement, la poésie n'est pas riche, et
l'auteur serait un poète de cinq ans qu'on ne
le surnommerait pas « l'enfant sublime. •
Venfant.
DEUXIEME COUPLET.
Je serai sage et bien bon
Pour plaire a ma mère ;
Je saurai bien ma leçon
Pour plaire à mon père.
Je veux bien les contenter,
Et s'ils veulent m'embrasser,
La bonne aventure
O gai!
La bonne aventure !
TROISIÈME COUPLET.
Lorsque les petits garçons
Sont gentils et sages,
On leur donne des bonbons,
De belles images;
Mais quand ils se font gronder.
C'est le fouet qu'il faut donner.
La triste aventure
O gai!
La triste aventure!
Don Dieu (LIS), chanson de Bdfanger. Cette
chanson est une des mieux faites de Bé-
ranger, sous le rapport de la forme,, et l'une
de ses plus mordantes. Messieurs les cléricaux
de l'époque faisaient intervenir Dieu dans
toutes les petites affaires de ce bas monde; on
n'agissait, on ne se mouvait que par l'ordre
du Créateur; rois, ministres, etc., recevaient
directement l'insufflation céleste, et il sait, le
divin Maître, quelles petitesses, quelles sot-
tises se perpétraient dans notre pauvre France,
à l'abri de son nom trois fois saint. L'auteur
de cette chanson interroge dévotement Jého-
vah sur son intervention dans les affaires
terrestres, et le Très-Haut, dépouillant béné-
volement sa majesté, répond avec une bon-
homie paterne aux interrogations du poète,
de manière à l'éclairer pleinement sur les
sottises que lui prêtent trop gratuitement se«
lévites ici-bas.
- lant. 11 met le nez a la fe -
- n é - t r e : Leur pla-nète a pe* - ri peut-
xe. Dieu dit, et l'a - per-çoit bien
^ É
loin Qui tour - ne dans un pe - tit
coin. Si je con-çoiscom-ment on s'ycom*
- por-te, Je veux bien, dit - il, que le diablo m'en!
- porte, Je veux bien que le diable m'empor-te.
DEUXIÈME COUPLET.
Blancs ou noirs, g*»lc*s ou rôtis.
Mortels que j'ai laits si petits,
Dit le bon Dieu d'un air paterne.
On prétend que je vous gouverne ;
Mais vous devez voir. Dieu merci,
Que j'ai des ministres aussi.
Si je n'en mets deux ou trois à, la porte»
Je veux, mes enfants, que le diable m'emport
Je veux bien que le diable m'emporte.
115
914 BON BON BON
BONA
TROISIÈME COUPLET.
Pour vivre en paix, vous ai-je en vain
Donné des filles et du vin?
A ma barbe, quoi ! des pygroées,
M'appelant le dieu des armées,
Osent, en invoquant mon n o m ,
Vous tirer des coups de canon !
Si j ' a i jamais conduit une cohorte,
Je veux, mes enfants, que le diable m'emporte,
Je veux bien que le diable m'emporto.
QUATRIÈME COUPLET.
Que font ces nains si bien parés
Sur des trônes à clous dorés ?
Le front huilé, l'humeur altière
Ces chefs de votre fourmilière
Disent que j'ai béni leurs droits,
Et que, par ma grâce, ils sont rois)
Si c'est par moi qu'ils régnent de la snrie.
Je veux, mes enfants, que le diable m'emporlc ,
Je veux bien que le diable m'emporte.
CINQUIEME COUPLET.
Je nourris d'autres nains tout noirs,
Dont mon nez craint les encensoirs;
11B font de la vie un carême,
En mon nom lancent l'an a thème
' Dans des sermons fort beaux, ma foi.
Mais qui sont de l'hébreu pour moi.
Si je crois rien de ce qu'on y rapporte,
Je veux, mes enfants, que le diable m'emporte ,
Je veux bien que le diable m'emporte.
SIXIÈME COUPLET.
Enfants, ne m'en veuillez donc plus!
Les bons coeurs seront mes élus.
Sans que pour cela je vous noie,
Faites l'amour, vivez en joie,
Narguez vos grands et vos cafards....
Adieu! car je crains les mouchards!
A ces gens-là si j ' o u v r e v n jour ma porte.
J e veux, mes enfants, que Je diable m'emporte,
Je veux bien que le diable m'emporte.
B o n n e Vieille ( L A ) , c h a n s o n de B é r a n g e r .
Quel chef-d'œuvre a d o r a b l e s e r a i t cette c h a n -
son s a n s d e u x ou trois i n c o r r e c t i o n s r e g r e t t a -
b l e s , n o t a m m e n t le Vous que j'appris à pleurer
sur la France! Nous ne s a u r i o n s lire c e t t e se-
reine e t a t t e n d r i s s a n t e poésie s a n s que les
l a r m e s n o u s v i e n n e n t a u x y e u x . A h ! q u e la
m u s e de n o t r e c h a n s o n n i e r est éloquente quand
elle t o u c h e à quelque c o r d e ' d u c œ u r ! . . . E t ,
p o u r ajouter un n o u v e a u c h a r m e à l ' œ u v r e , le
c h a n s o n n i e r a choisi pour timbre ce d i a m a n t
i m p r é g n é des plus douces l a r m e s de la mélo-
die : Muse des bois et des plaisirs champêtres,
u n des a i r s les m i e u x réussis que nos p è r e s
n o u s a i e n t l é g u é s .
Andante
-y—r
danssa vi-tes - se.Compter deux fois les jours
quej'ai perdus. Sur-vi-vea--moi, mais que
sigUÉH^
l'A - ge pé - ni - ble Vous trouve encor fl - rffile
à mes le-çons. Et, bon-ne vieille, au coin
£s^Ét=E=E=g
d'un feu pai - si - ble, De votrea - mi ré - pé-
les chan - sons.
DEUXIÈME COUPLET.
Lorsque les yeux chercheront sous vos rides
Les traits charmants qui m'auront inspiré,
De doux récits les jeunes gens avides
Diront : Quel fut cet ami tant pleuré?
De mon amour peignez, s'il est possible,
L'ardeur, l'ivresse et'même les soupçons,
Et, bonne vieille, etc.
TROISIÈME COUPLET.
On vous dira : Savait-il être aimable?
Et, sans rougir, vous direz : Je l'aimais!
D'un trait méchant se monfra-t-ÎJ capable?
Avec orgueil vous répondrez : Jamais!
Ah! dites bien qu'amoureux et sensible,
D'un luth joyeux il attendrit les sons,
Et, bonne vieille, etc.
QUATRIÈME COUPLET.
Vous que j'appris à pleurer sur la France,
•Dites surtout aux flls des nouveaux preux
Que j ' a i chanté la gloire et l'espérance,
•Pour consoler mon pays malheureux.
Rappelez-leur que l'aquilon terrible
•ùa nos lauriers a détruit vingt moissons,
•Et. bonne vieille, etc.
CINQUIEME COUPLET.
Objet chéri, quand mon renom futile
De vos vieux ans charmera les douleurs,
A mon portrait quand votre main débile
Chaque printemps suspendra quelques fleur?.
Levez les yeux vers ce monde invisible
Où pour toujours nous nous réunissons.
Et, bonne vieille, au coin d'un feu paisible,
De votre ami répétez les chansons!
B o n n e A v e n t u r e ( L A ) , t a b l e a u du Garofûlo;
au palais P i t t i , à F l o r e n c e . Un j e u n e s e i g n e u r ,
| é l é g a m m e n t v ê t u , tend la main à u n e jolie
s o r c i è r e qui en e x a m i n e les l i g n e s , tandis
i q u ' u n e vieille bohémienne introduit la sienne
d a n s l a poche du damoiseau, t r o p occupé des
c h a r m e s de l a diseuse de bonne a v e n t u r e p o u r
; s ' a p e r c e v o i r qu'on le v o l e . L e s t ê t e s sont e x -
p r e s s i v e s ; celle du j e u n e s e i g n e u r est h a b î i e -
; m e n t é c l a i r é e .
B o n n e A v e n t u r e ( L A ) , t a b l e a u x du C a r a v a g e
e t de d i v e r s a u t r e s m a î t r e s . V. BOHÉMIENNE e t
D I S E U S E DE BONNE AVENTURE.
B o n n e E d u c a t i o n ( L A ) , t a b l e a u de G r e u z e . '
V . E D U C A T I O N .
B o n n e M è r e ( L A ) , t a b l e a u de G r e u z e . V.
M È R E .
Bon S a m a r i t a i n (LE), t a b l e a u . V . SAMARITAIN.
BON
BON s. m . (bon — a d j . bon, p r i s s u b s t a n -
t i v . ) Billet q u i a u t o r i s e à t o u c h e r d e s o b j e t s
en n a t u r e , chez u n e p e r s o n n e d é s i g n é e p a r
le s o u s c r i p t e u r : Un BON de pain. Un BON de
viande. ïfn BON de bois. C'est surtout pendant
l'hiver que le bureau de bienfaisance distribue
des
BONSBONS aux indigents.
— Corn m . O r d r e , a u t o r i s a t i o n p a r é c r i t
a d r e s s é e à u n caissier, à un c o r r e s p o n d a n t ,
d e p a y e r u n e s o m m e p o u r le c o m p t e au s i g n a -
t a i r e : Un BON au porteur. Un BON du Trésor.
Un
BONBON sur la Banque de France. Un BON de
caisse. Toucher un BON de mille francs. On parle
d'un beau coup qui a été fait hier sur les BONS
de Naples. (Alex. D u m . ) Tenez, donnez-vous-
en le plaisir : conduisez mon commis à la Ban-
que, et vous l'en verrez sortir avec des BONS sur
le Trésor pour la même somme. (Alex. D u m . )
Mon oncle y pourvoira par un bon sur la banque.
I C. DÉLAVIONS.
j il A c c e p t a t i o n : Le BON d'un banquier. Mettre
i son
BONBON sur un billet. Il V i e u x en ce s e n s , il
i F a m . Mettre son bon à tout, E t r e d ' u n e faci-
l i t é e x c e s s i v e .
— E n c y c l . Bons du Trésor. Depuis 1824, on
désigne p a r ce t e r m e c e r t a i n e s v a l e u r s à
l'échéance d e trois, cinq, six mois e t un a n ,
p o r t a n t i n t é r ê t , q u e le ministre des finances
est autorLé. à é m e t t r e d a n s des conditions e t
d e s limites d é t e r m i n é e s c h a q u e a n n é e p a r la
loi des finances. A v a n t 1824, le nom et 1 u s a g e
des bons du trésor é t a i e n t p a r f a i t e m e n t con-
n u s ; mais ces v a l e u r s s'employaient d a n s d e s
conditions t o u t e s différentes : lorsqu'il était
n é c e s s a i r e de p a r e r a u x c h a r g e s e x t r a o r d i -
n a i r e s e t s u p p l é m e n t a i r e s du b u d g e t , on créait
des r e n t e s p e r p é t u e l l e s , q u e l'on m e t t a i t à la
disposition du ministre. Négociées ou n o n , ces
r e n t e s é t a i e n t considérées c o m m e r e c e t t e s
réalisées. E n a t t e n d a n t leur négociation ou
Jes échéa-nces des t e r m e s , quand la n é g o c i a -
tion a v a i t eu lieu, on e s c o m p t a i t l e u r r e n t r é e
à l'aide d'une émission de bons du Trésor.
F a i t e s d a n s de telles conditions, les émissions
de bons du Trésor a v a i e n t été s o u v e n t t r è s -
o n é r e u s e s ; n é a n m o i n s , on en a v a i t tiré de
t r è s - g r a n d s a v a n t a g e s . Aussi, en 1824, a p r è s
la liquidation de l'énorme a r r i é r é laissé p a r
i l'empire, M. de Villèle j u g e a à propos de con-
| s e r v e r un m o y e n de t r é s o r e r i e qui p e r m e t t a i t
j de s u p p o r t e r s a n s trop de p e r t e les r e t a r d s
j e t diminutions de r e c e t t e s , ainsi que les a v a n -
! ces e t a u g m e n t a t i o n s d e d é p e n s e s . Il se fit
, donc a u t o r i s e r , p a r la loi d u 4 a o û t 1824, à
é m e t t r e pour 140 millions de ces bons. Cette
r e s s o u r c e , j o i n t e à celles de l a d e t t e flottante,
d o n n a les m o y e n s d'en finir a v e c les a r r i é r é s ,
et d'acquitter les d é p e n s e s de l ' E t a t a u m o -
m e n t de leur liquidation, s a n s qu'on fût obligé
p o u r cela de c o n s e r v e r des e n c a i s s e s trop
o n é r e u x . L a ponctualité du T r é s o r à remplir
s e s e n g a g e m e n t s e u t ses effets o r d i n a i r e s ;
les bons du Trésor furent t r è s - r e c h e r c h é s p a r
les b a n q u i e r s , ce qui p e r m i t d'en r é d u i r e con-
s i d é r a b l e m e n t le taux d'intérêt. L ' i m p o r t a n c e
d'un tel m o y e n de t r é s o r e r i e , qui p o u v a i t , à un
m o m e n t d o n n é , m e t t r e des c e n t a i n e s de mil-
lions à, l a disposition du g o u v e r n e m e n t , n ' é -
c h a p p a p a s à la s a g a c i t é d'un financier
c o m m e M. de Villèle. Aussi, loin d ' u s e r j a -
mais de la faculté qu'il s'était fait donner
d ' a u g m e n t e r , en l'absence des c h a m b r e s , le
chiffre des émissions p a r o r d o n n a n c e r o y a l e ,
r e s t r e i g n i t - i l le plus possible ces émissions.
P e n d a n t toute son a d m i n i s t r a t i o n , la m o y e n n e
des bons en circulation n e d é p a s s a pas 47 mil-
lions. « S i , d i s a i t - i l , on m é n a g e c e t t e r e s -
s o u r c e , qui est de tous les modes d ' e m p r u n t le
moins o n é r e u x p o u r l ' E t a t , on p o u r r a , au b e -
soin, y t r o u v e r 300 millions. E n c a s d'inter-
ruption des spéculations c o m m e r c i a l e s e t i n -
dustrielles, les c a p i t a u x que de telles c i r c o n -
s t a n c e s r e n d r a i e n t m o m e n t a n é m e n t d i s p o -
nibles c h e r c h e r a i e n t à se p l a c e r en bons du
Trésor. » L a révolution de 1830 d e v a i t j u s t i -
fier cette prévision.
Cet é v é n e m e n t e u t t o u t d'abord pour c o n -
séquences d'amener u n e diminution c o n s i d é -
rable d a n s les r e c e t t e s , e t de p r o v o q u e r d e
t r è s - g r a n d e s a u g m e n t a t i o n s de d é p e n s e s . Afin
de faire r e s p e c t e r p a r l ' E u r o p e c e t t e r é -
volution, ainsi que celle qui venait de s'accom-
plir en Belgique, le b u d g e t de la g u e r r e dut être
a u g m e n t é de 182 millions. T a n t p a r suite des
a u g m e n t a t i o n s de dépenses que p a r suite des
diminutions de r e c e t t e s , le g o u v e r n e m e n t
é t a i t obligé de se c r é e r environ 400 millions
de r e s s o u r c e s n o u v e l l e s , qu'il ne fallait pas
plus s o n g e r à d e m a n d e r a l'impôt qu'à un
e m p r u n t . Si enclin que soit le peuple français
à accomplir des r é v o l u t i o n s politiques ou à
les laisser s'accomplir, il en accepte beaucoup
moins facilement les conséquences lorsqu'elles
se t r a d u i s e n t p a r des a g g r a v a t i o n s de c h a r g e s
financières. G o u v e r n e m e n t et c h a m b r e s ne
c r o y a i e n t p a s qu'il fût s a ç e d'imposer une
s u r c h a r g e de 200 millions à la propriété fon-
cière. L e m p r u n t a v a i t aussi ses i n c o n v é n i e n t s .
Au m o m e n t où il fallait c r é e r ces r e s s o u r c e s ,
en février 1831, la r e n t e 5 p o u r 100 était r e -
v e n u e à 93 fr. Il é t a i t s a n s doute permis
d ' e s p é r e r d ' e m p r u n t e r à ce t a u x ; mais il fal-
lait é g a l e m e n t prévoir les c i r c o n s t a n c e s qui,
d'un m o m e n t à l ' a u t r e , p o u v a i e n t e n c o r e
faire baisser la r e n t e . En pareil c a s , l'em-
p r u n t a u r a i t pu d e v e n i r o n é r e u x , non pas
t a n t à c a u s e de l'intérêt à p a y e r q u ' a c a u s e
de l a différence de capital qu'il a u r a i t fallu
s u p p o r t e r , e t s u r t o u t à c a u s e du mal qu'on
a u r a i t fait a u p a y s en r a m e n a n t les fonds au-
dessous du t a u x auquel ils é t a i e n t p a r v e n u s .
Aussi se décida-t-on à d e m a n d e r l'intégralité
de ces r e s s o u r c e s a u x bons du Trésor. L a loi
des finances de lgfel-en p o r t a l'émission à
200 millions ; une a u t r e loi a u t o r i s a l'émission
de 200 a u t r e s millions de bons du Trésor, r e m -
boursables en cinq a n s sur le produit d'une
aliénation de forêts d o m a n i a l e s , Ce fut la
seule émission e x t r a o r d i n a i r e de bons du Tré-
sor que fit le g o u v e r n e m e n t de Juillet. A la
c h u t e de ce g o u v e r n e m e n t , il s'en t r o u v a i t
p o u r 224 millions. F a u t e de pouvoir les r e m -
b o u r s e r à é c h é a n c e , le g o u v e r n e m e n t de la
s e c o n d e république les consolida, en v e r t u du
d é c r e t du 7 juillet 1848. R a m e n é e d è s c e t t e
é p o q u e au chiffre de 150 millions, l a limite de
l'émission de ces bons a é t é , dès la seconde
a n n é e de la g u e r r e de C r i m é e , portée à
250 millions. Depuis, on n'est j a m a i s r e d e s -
c e n d u au-dessous de cette l i m i t e ; elle a é t é
parfois d é p a s s é e , ce qui a motivé les consoli-
dations de 1857 e t 1864.
D a n s le m a x i m u m des émissions, d é t e r m i n é
c h a q u e a n n é e p a r les lois de finances, n e sont
pas compris les bons délivrés à la caisse d ' a -
m o r t i s s e m e n t , en v e r t u d e la loi du 10 juin
1833. D ' a p r è s c e t t e loi, dont l'exécution est
suspendue depuis 1848, le fonds d ' a m o r t i s s e -
m e n t a p p a r t e n a n t a u x r e n t e s d o n t le cours
e s t a u - d e s s u s du pair doit ê t r e mis en r é -
s e r v e . L a portion de la dotation applicable
au r a c h a t de ces r e n t e s est p a y é e en bons du
Trésor p o r t a n t i n t é r ê t de 3 p o u r 100, j u s q u ' à
l'époque du r e m b o u r s e m e n t . T o u t e s les fois
que le cours de ces r e n t e s est au-dessous du
pair ou au p a i r , ces bons s o n t exigibles et
doivent ê t r e r e m b o u r s é s à la caisse d'amortis-
s e m e n t , s u c c e s s i v e m e n t e t j o u r p a r j o u r ,
a v e c les i n t é r ê t s c o u r u s j u s q u au r e m b o u r s e -
m e n t et c o m m e n ç a n t p a r le bon le plus a n -
c i e n n e m e n t souscrit. L e s s o m m e s p r o v e n a n t
de ces bons sont employées au r a c h a t des
r e n t e s , t a n t que ces r e n t e s n e s'élèvent p a s
au-dessus du pair. E n cas de négociation de
r e n t e s , les bons du lYésor dont la caisse d ' a -
m o r t i s s e m e n t est p r o p r i é t a i r e doivent ê t r e
c o n v e r t i s , j u s q u ' à due c o n c u r r e n c e du capital
e t des i n t é r ê t s , en u n e portion des r e n t e s
mises en adjudication. L ' i n t é r ê t des bons du
Trésor délivrés au public suit les oscillations
du marché." On l'a vu à 6 e t m ê m e 7 pour 10c
en 1831, 1848 e t 1849. D a n s de telles condi-
tions, ces bons sont fort r e c h e r c h é s p a r les
capitalistes qu'effraye la p e r s p e c t i v e d'une
diminution de c a p i t a l ; en m ê m e t e m p s , l'ar-
g e n t qui se place dans ces v a l e u r s m a n q u e au
c o m m e r c e e t à l'industrie. E n g é n é r a l , les
é p o q u e s où ces bons d o n n e n t de g r o s i n t é r ê t s
sont des époques de crises m o n é t a i r e s .
— Bons de la caisse des travaux publics de
Paris. Depuis 1859, le chiffre des bons e u e
c e t t e caisse est autorisée à é m e t t r e est d é -
t e r m i n é p a r la loi des finances. T o u t d'abord ,
; les commissions du b u d g e t a v a i e n t considéré
c o m m e u n e chose t r è s - a n o r m a l e la c r é a t i o n ,
j d a n s u n i n t é r ê t p u r e m e n t m u n i c i p a l , d'une
dette flottante p e r m a n e n t e ; ' m a i s elles en
sont bien vite v e n u e s à c o m p r e n d r e que P a -
ris valait bien u n e e x c e p t i o n , p o u r v u que les
r e s s o u r c e s p r o d u i t e s p a r ces bons fussent e x -
c l u s i v e m e n t affectées au p a y e m e n t des p r i x
et indemnités n é c e s s a i r e s à l'exécution des
t r a v a u x autorisés p a r u n e loi ou s u b v e n -
tionnés p a r l ' E t a t . L e g o u v e r n e m e n t n'a pas
voulu de c e t t e r e s t r i c t i o n ; le Corps législatif
s'est donc r é s i g n é à a c c e p t e r p u r e m e n t o t s i m -
plement le s y s t è m e de c e t t e caisse e t de ces
émissions, tel qu'il lui é t a i t soumis. Ces émis-
sions, limitées d'abord a 30 millions, se sont
s u c c e s s i v e m e n t é l e v é e s à 125 millions; elles
o n t ensuite été réduites à 80 millions. L e u r
r e m b o u r s e m e n t est combiné do façon à ne
pas e x c é d e r 6 millions p a r mois.
— Bons de monnaies. On donne ce nom à
des titres d é t a c h é s d'un r e g i s t r e à s o u c h e ,
délivrés a u x p o r t e u r s de m a t i è r e s d'or e t
d ' a r g e n t p a r les d i r e c t e u r s do l a fabrication
des m o n n a i e s . Ces bo?is c o n s t a t e n t la q u a n t i t é ,
la n a t u r e e t l a v a l e u r au tarif des m a t i è r e s
v e r s é e s a u c h a n g e , et p o r t e n t en m ê m e t e m p s
l ' e n g a g e m e n t d'en a c q u i t t e r le m o n t a n t en
e s p è c e s fabriquées, d a n s le délai d é t e r m i n é
par les r è g l e m e n t s . L e délai, fixé à huit jours
pour la M o n n a i e d e P a r i s , e t a dix j o u r s pour
celles d e S t r a s b o u r g e t de B o r d e a u x , est cal-
culé s u r les m o y e n s de fabrication dont ces
établissements d i s p o s e n t ; il p e u t ê t r e prorogé
p a r le ministre des finances, s u r la proposition
de la commission des m o n n a i e s , lorsque les
m a t ' è r e s affluent au c h a n g e d a n s u n e propor-
tion qui e x c è d e celle d'une fabrication n o r -
male. L e s bons de monnaies s o n t contre-signes
p a r le c o n t r ô l e u r au c h a n g e , qui g a r a n t i t ainsi,
au nom de l'administration, la b o n n e e t saine
application du tarif officiel. Ce fonctionnaire
tient é t a t des bons émis e t de l e u r é c h é a n c e ,
e t il doit s'assurer que les m a t i è r e s e n c o r e
d a n s les ateliers ou enfermées d a n s la caisse
du c h a n g e sont toujours suffisantes p o u r en
a s s u r e r le p a y e m e n t . D a n s le cas d'insuffi-
s a n c e , il en a v i s e la commission, qui prend
i m m é d i a t e m e n t toutes les m e s u r e s p r o p r e s à
s a u v e g a r d e r les i n t é r ê t s des p o r t e u r s d e m a -
t i è r e s . Il n ' e s t point interdit a u x d i r e c t e u r s ,
d'accord a v e c les p o r t e u r s de m a t i è r e s , d'es-
c o m p t e r l e u r s bons, et de v e r s e r i m m é d i a t e -
m e n t ou a v a n t l ' é c h é a n c e le m o n t a n t desdits
bons, en r e t e n a n t l'intérêt de la s o m m e pour
le t e m p s à courir j u s q u ' a u j o u r de l'échéance
r é g l e m e n t a i r e . Il est bien entendu que les
bons de monnaies ne sont délivrés qu'aux por-
t e u r s de m a t i è r e s d'une c e r t a i n e i m p o r t a n c e ;
les p e t i t s v e r s e m e n t s p a r t i c u l i e r s , consistant
en vaisselle, bijoux, e t c . , sont p a y é s à b u r e a u
o u v e r t s a n s déduction d ' i n t é r ê t .
BON
BON ( J e a n - P h i l i p p e ) , médecin i t a l i e n , né à
P i a z z a , en Sicile, au xvie siècle. Il occupait,
v e r s 1573, u n e c h a i r e à l'université de P a -
doue, e t acquit, c o m m e s a v a n t e t c o m m e p o è t e ,
u n e g r a n d e r é p u t a t i o n . Son principal o u v r a g e
a pour titre : JJe concordantiis philosophiœ et
medicinœ (Venise, 1573, in-4°).
BON
BON ou RAS-ADAR ( c a p ) , p r o m o n t o i r e q u e
p r o j e t t e l a côte N . - E . de la r é g e n c e de Tunis
s u r l a M é d i t e r r a n é e , p a r 8° 45' long. E . e t
370 3' l a t . N .
BON
BON ( F l o r e n t ) , poète français du xviic s i è -
cle. Il a p p a r t e n a i t à la compagnie des j é s u i t e s ,
et p a s s a la plus g r a n d e p a r t i e d e s a vie à R e i m s .
Il publia, à l'occasion de la p r i s e de L a R o -
chelle p a r Louis X I I I , un recueil de v e r s i n -
titulé : Triomphe de Louis le Juste en la ré-
duction des Bochcllois et des autres rebelles
de son royaume ( R e i m s , 1629, in-4o).
BON
BON (Mme Elisabeth D E ) , femme de l e t t r e s
française, à qui l'on doit des t r a d u c t i o n s d'où- •
v r a g e s anglais dont voici les t i t r e s : les Aveux
de lamitié ( P a r i s , 1801); Pierre de Bogis et
Blanche d'IJerbault, nouvelle historique (1805);
les Douze siècles, nouvelles françaises (1816) ;
e t le Voyageur moderne ( 1 8 2 1 - 1 8 2 2 , 6 vol.
in-8°).
BON
BON (Louis-André), g é n é r a l de la R é p u b l i -
que, n é à R o m a n s , en 1758, tué d e v a n t Saint-
J e a n d'Acre en 1799. Il a v a i t fait la g u e r r e
d'Amérique, e t fut choisi en 1792 pour c o m -
m a n d e r un bataillon de v o l o n t a i r e s . Il servi!
a v e c la plus g r a n d e distinction à l ' a r m é e des
P v r é n é e s - O r i e n t a l e s , en Italie e t en E g y p t e ,
ou il e u t la plus g r a n d e p a r t à la prise du
C a i r e , d ' E l - A r i c h , de Gaza et de Jatfa. Bon
é t a i t un des officiers les plus distingués l ' a r m é e , e t il était appelé au plus brillant
a v e n i r . D'une intelligence peu c o m m u n e , il
j o i g n a i t à u n e é c l a t a n t e b r a v o u r e une r a r e
p é n é t r a t i o n e t u n e connaissance profonde de
l a s t r a t é g i e , dont il d o n n a des p r e u v e s nom-
b r e u s e s d a n s sa t r o p c o u r t e c a r r i è r e . D a n s
u n e visite qu'il fit à 1 Ecole militaire d e ^ a i n t -
G o r m a i n en 1812, N a p o l é o n , a y a n t v u s u r la
liste des é l è v e s le nom de Bon, fit a p p e l e r lelils
de son ancien c o m p a g n o n d ' a r m e s . « Où est
v o t r e m è r e ? lui d e m a n d a l ' e m p e r e u r . — S i r e ,
elle est à P a r i s . — Que fait-elle?— Elle m e u r t
de faim. — C o m m e n t 1 s a n s p e n s i o n ? — Nos
r é c l a m a t i o n s ne sont p a s p a r v e n u e s j u s q u ' à
v o u s . — J e v e u x r é p a r e r cette injustice, r é -
pondit Napoléon ; allez à P a r i s , dites à v o t r e
m è r e que j e vous fais b a r o n , e t q u ' à c o m p t e r
de ce j o u r vous jouirez tous deux d ' u n e d o t a -
tion. »
BON
BON DE SAINT-HILAlItE ( F r a n ç o i s - X a -
v i e r ) , s a v a n t e t m a g i s t r a t français, président
de l a c h a m b r e des c o m p t e s d e Montpellier,
né d a n s cette ville en 1678, m o r t en 1761. Il
s'est distingué surtout c o m m e n a t u r a l i s t e , et
a publié des m é m o i r e s r e m a r q u a b l e s , e n t r e
a u t r e s u n e Dissertation sur l'araignée ( P a r i s ,
1710, in-12), qui fut t r a d u i t e d a n s t o u t e s les
l a n g u e s de l ' E u r o p e , e t m ê m e en chinois (par
le P . P a r e n n i n ) . Il y e n s e i g n a i t le m o y e n d e
filer l a soie de l ' a r a i g n é e . L épouse de l'empe-
r e u r C h a r l e s VI v o u l u t a v o i r u n e p a i r e de
g a n t s de c e t t e soie, e t Bon se h â t a d e la lui
e n v o y e r . Déjà il a v a i t p r é s e n t é des b a s e t des
mitaines fabriqués ainsi à l'Académie des
s c i e n c e s . On sent, d'ailleurs, que c e t t e d é c o u -
v e r t e n e p o u v a i t produire de s é r i e u x r é s u l t a t s
industriels. Il p a r a î t , ce qu'on ignorait a l o r s ,
S
ue les s a u v a g e s du P a r a g u a y p r a t i q u a i e n t
epuis longtemps l ' a r t de filer la soie d ' a r a i -
g n é e . O u t r e l'écrit p r é c i t é , on a de Bon de
S a i n t - H i l a i r e : Mémoire sur le larix; Mé-
moire sur le grand paon; Observations sur la
chaleur directe du soleil et sur la météorolo-
gie; Mémoire sur les marrons d'Inde, t r a v a u x
qui unt é t é publiés d a n s la collection de l'Aca-
démie de Montpellier.
BONA
BONA ( P i e r r e ) , médecin italien, qui f l o n s -
sait à F e r r a r e au xvie siècle. Il s'adonna à
l'alchimie, à l a science h e r m é t i q u e , e t fit p a -
r a î t r e les o u v r a g e s s u i v a n t s , qui t r a i t e n t de i&
BONA
BONA
BONA
BONA 915
pierre philosophale : Pretiosa margarita no- .
vella, etc. (Venise, 1557, in-8°); Jntroductio
in divinam chimiœ artem (Bâle, 1572,_ in-4<>). I
BONA
BONA (Jean), savant prélat italien, né à '
Mondovi en 1609, mort en 1674. Devenu gé-
néral des feuillants, il fut créé cardinal par le
pape Clément IX, et peu s'en fallut qu'il ne
fût ensuite élu comme son successeur. A cette
occasion, le P . Dangières, jésuite, fit l'épi-
gramme suivante :
Grajvmaticee leges plerumque Ecclesia spernit :
Forte erit ut liceat dicere : papa Bona.
Voua solecismi ne te conturbet imago ;
Esset papa bonus, si Bona papa foret.
« L'Eglise méprise souvent les règles de la
grammaire; ainsi, elle peut permettre de l
dire : Le pape Bone. Ne vous révoltez pas
contre ce prétendu solécisme, car si Bone
était pape, ce serait un bon pape. »
Le cardinal Bona était un homme pieux et
savant; il a laissé en latin plusieurs ouvrages,
dont le plus remarquable a quelquefois été
comparé à {'Imitation de Jésus-Christ ; il est
intitulé : De principiis vitœ christianœ, et a
été traduit en français par Cousin ( Paris ,
1G93, in-12) et par l'abbé Goujet (1728). L'abbé
J.-H.-R. Prompsault a aussi traduit en fran-
çais deux des meilleurs opuscules de Jean
Bona, l'un sous le titre de Allons au ciel! et
l'autre sous celui de Principes et règles de la
vie chrétienne.
BONABONA (Jean DE),médecin italien, né en 1712
a Perarola, près de^Vérone. Docteur en phi-
losophie et en médecine, il occupa une chaire
à l'université de Padoue, et publia de nom-
breux ouvrages, dont les principaux sont :
Dissertazione dell' utilità del salasso (1754);
Hisloria aliquot curationum mercurio, etc.
(1757); Bell' uso e dell' abuso del caffe (Vé-
rone, 1751, in-8°); Observationes medicœ (Pa- •
doue, 1766, in-40).
BONAC
BONAC (Jean-Louis d'UssoN, marquis DE),
diplomate, lieutenant général dans le pays de
Foix, né vers 1672, mort en 1738. Louis X.W
lui coniia d'importantes négociations en Hol-
lande, en Suède, en Pologne, en Espagne et
le nomma son ambassadeur à Constantinople
en 1716. Ce fut lui qui obtint la restauration
du saint sépulcre, à demi ruiné, et qui déter-
mina le sultan à envoyer en France la pre-
mière ambassade turque qu'on y ait vue.
Choisi comme médiateur entre la Porte et le
czar, il parvint à faire signer le traité de 1724,
qui Hxait les limites des deux Etats. Cette ha-
bile négociation lui valut d'être comblé d'hon-
neurs par les deux souverains. De retour en
France, il devint successivement ambassadeur
en Suisse et lieutenant général dans le pays
de Foix. Il mourut d'une attaque d'apoplexie.
BONACCA,
BONACCA, île de la mer des Antilles, dans
la baie de Honduras, par 16° 30' lat. N. et
88° 45' long. O. Cette île, dont le périmètre^
a 80 kilom., dépend de la surintendance an-
glaise de Balize; elle est couverte d'épaisses
forêts.
BONACCfOLl (Louis), médecin italien, né à
Ferrare au xvit
1
siècle. Il cultiva la poésie
grecque et latine, enseigna la philosophie et
la médecine à Ferrare, et s'occupa surtout des
faits particuliers à la génération, à la gros-
sesse de la femme, etc. Il avait exposé ses
idées dans un ouvrage intitulé Enneas mulie-
bris, dont diiférentes parties ont été publiées
séparément sous le titre : De uteri partiumque
ejus cohformatione, etc. ( Strasbourg, 1535) ;
De conceptionis indiciis (Strasbourg, 153S); De
fœtus formatione (Leyde, 1639), etc.
I10NACC1UOLI (Alphonse), littérateur ita-
lien, né à Ferrare au xvie siècle. Il était sur-
tout très-versé dans la connaissance de la
langue grecque, et fut pensionné par le duc
Hercule H. On a de lui de bonnes trirJuctions
de la Géographie de Strabon (1562-1565, 2 vol.
in-40) ; de la Description de la Grèce, par
Pausanias (1593), etc.
BONACE
BONACE s. f. (bo-na-se — ital. bonaccia,
môme sens ; du lat. bonus, bon; on disait au-
tref. bonache). Mar. Etat de la mer pendant
un calme plat, quand ses eaux n'éprouvent
aucune agitation : Temps de BONACE. Etre en
BONACic. La BONACE est redoutée des marins
comme le signe précurseur d'un grand orage.
— Fig. Tranquillité, repos : Quand les choses
s'adouciront, il ne s'endormira pas pour cela
dans la BONACE. (L.-J. de Balz.) Aussi abject
dans le danger qu'audacieux dans la BONACE,
il tenta tout pour préoenir sa chute. (St-Sim.)
Toujours de quelque vent la bonace est suivie.
ROTROU.
Je changeai d'un seul mot la tempête en bonace.
CORNEILLE.
Ta bonace la plus profonde
N'est jamais sans quelque vapeur.
ROTROU.
— Antonymes. Bourrasque, gros temps, ou-
ragan, tempête.
— Homonyme. Bonasse.
BONAC1NA (Martin), théologien italien, né
à Milan, mort en 1631. Il était docteur en
théologie et en droit canon, comte palatin, et
il fut nommé nonce à Vienne par Urbain VIII,
peu de temps avant sa mort. Ses principaux
écrits sont : Theologia moralis (1645, in-foi.) ;
De légitima electione svmmi pontificis; De be-
neficiis, etc., réunis et publiés a Venise (1754,
3 vol. in-fol.).
BONACINA
BONACINA ( Giovanni-Battista), graveur
italien, né a Milan vers 1619, travaillait dans
. cette ville et à'Rome, au milieu du xvn
e
siè-
cle. Selon Malaspina, il eut pour maître Cor-
I nelis Bloemaert, dont il suivit en partie la
1 manière; mais il ne sut pas toujours éviter la
sécheresse. Il a gravé au burin : l'Expédition
des Argonautes, d'après Romanelli ; le Betour
de Jacob, l'Alliance de Laban et de Jacob,
Sainte Martine, une Allégorie à la gloire
d'Alexandre VII-, etc., d'après le Cortone; la
Sainte Famille, d'après Andréa delSarto; di-
vers portraits, entre autres ceux d'Alexan-
dre VII, de Clément IX, du cardinal Mancini,
du comte Turchi, du pofete Maddi, de Salvator
Rosa, etc.
BONACINA
BONACINA (Cesare-Agostino), graveur ita-
lien, probablement frère ou parent du précé-
dent, né à Milan vers 1620. M. Le Blanc dit
qu'il a gravé d'après C. Blanchi, Cerrini, Cairo
et autres. On a de lui un portrait du comte
Pinto, gouverneur du Milanais, estampe si-
gnée : Cesare Bonacina invent, et sculp. 1654.
BONACOSSI
BONACOSSI (famille des), puissante mai-
son de Mantoue, qui parvint, au xnie siècle,
à la souveraineté. — PJNAMONTE BONACOSSI,
chef du parti gibelin, s'empara du pouvoir en
1272, et régna jusqu'en 1292, époque où son
fils BARDELLONE le fit jeter en prison pour ré-
gner à sa place. Celui-ci se fit le protecteur
du parti guelfe; mais lui-même fut chassé de
Mantoue, en 1299, par son neveu BOTTESELLA,
qui retourna au parti gibelin, et mourut en
1310. — PASSERINO BONACOSSI, frère de Bot-
tesella, hérita de son pouvoir. Henri VII le
nomma vicaire impérial; mais, en 1328, il pé-
rit avec son fils dans une sédition, et la sou-
veraineté de Mantoue passa à Louis de Gon-
zague.
BONACOSSUS
BONACOSSUS ou BUONACOSSA (Hercule),
médecin italien, né a Ferrare, mort en 1578,
occupa une chaire à l'université de Bologne.
Ses principaux ouvrages sont : De humorum
exsuper antium signis, etc. (Bologne, i553,in-4°);
De affectu quem latini tonnina àppellant (Bo-
logne, 1552); De curatione pleuritidis, etc.
(1553, in-40).
BONABONA F I D E loc. adv. (bo-na-fi-dé — mots
lat.). De bonne foi, loyalement, sincèrement,
par erreur involontaire, s'il y a erreur . Pos-
séder BONA FIDE le bien d'autrui. Se tromper
BONABONA FIDE. Deux chevaux, appartenant BONA
FIDE à deux propriétaires différents, concour-
ront au pas de course pour le prix de la poule
des hacks. (Journ.)
BONAFIDE
BONAFIDE ou BUONAFEDE (François), bo-
taniste italien, né à Padoue en 1474, mort en
1558. Il exerça d'abord la médecine a Rome,
puis à Padoue, et, en 1553, il fut nommé pro-
fesseur de botanique dans cette dernière ville.
II y fonda un jardin des plantes, qui fut le
f
iremier établissement de ce genre. Il a laissé
es ouvrages suivants : De stirpibus et plan-
tis ; De nominibus ad historiam plantarum per-
tinentibus ; De nexu utriusque mundi; De se-
mestri partu ; De nomenclatura simplicium
medicamentorum ; De pleuritide curanda per
venœ sectionem ; De sex rébus non naturalibus ;
De practica medicinœ. Ces écrits ont été réu-
nis et publiés à Padoue (1550, 3 vol. in-4°).
BONAFIDIE
BONAFIDIE s. f. (bo-na-fi-dî — de Bona-
fide, n. pr.) Bot. Genre de plantes, de la fa-
mille des légumineuses. Syn. d'AMORPHE.
BONAFOS
BONAFOS (Joseph), médecin français, né à
Perpignan en 1725, mort en 1779. Il fit partie
de la faculté de médecine de sa ville natale,
et en devint doyen. .On a de lui plusieurs
écrits, notamment une Dissertation sur ta qua-
lité de l'air et des eaux, et sur le tempérament-
des habitants de la ville de Perpignan, qui a
été publiée dans le Recueil des hôpitaux mili-
taires.
BONAFOUSBONAFOUS (Mathieu), célèbre agronome,
né selon les uns à Lyon en 1793, selon d'au-
tres à Turin en 1794, mort à Paris en 1852.
Issu d'une famille protestante française, qui,
pour fuir les persécutions religieuses, était
venue s'établir en Piémont, il était fils d'un
négociant enrichi par l'établissement d'un ser-
vice de diligences entre l'Italie et la France.
Mathieu Bonafous fit ses études à Chambéry,
puis à Paris. Ayant perdu son père à l'âge de
vingt ans et étant devenu maître de son pa-
trimoine, il fonda à Turin, en 1814, une insti-
tution gratuite pour les enfants indigents, y
introduisit le système d'enseignement mutuel
de Bell et de Lancaster, et publia, en 1816,
des Reflessioni filosofico-morali, dans les-
quelles il exposait ses idées sur la façon dont
on doit exercer la bienfaisance. Dès cette
époque, malgré sa jeunesse, son esprit était
tourné vers les choses d'utilité pratique. Il
s'occupa avec passion surtout d'agronomie,
établit, dans une propriété qu'il possédait, à
Saint-Augustin, près d'Alpignano, une ma-
gnanerie, où il se livra à des essais sur l'édu-
cation des vers à soie, et commença, en 1821,
à publier une longue série d'excellents ou-
vrages sur l'économie agricole, et surtout sur
la sériciculture, qui lui est redevable de la
plupart des progrès qu'elle a faits à notre
époque. En 1827, il prit une grande part à la
fondation de l'institut agricole de Grignan,
puis à celle de l'institution de Rouville, se fit
recevoir docteur en médecine à la faculté de
Montpellier en 1830, et fut nommé directeur
de l'institut agronomique de Turin. Bonafous
fit porter dans cet établissement sa belle col-
lection de géologie et de minéralogie. Il y joi-
gnit les herbiers d'Allioni et de Bellardi, qui,
réunis à ceux de Balbis, de Biroli, de Colla
de Moris, présentent, dit M. Cap, l'ensemble
le plus riche et le plus complet de la flore du
Piémont et de la Sardaigne. Constamment oc-
cupé d'importer et d'acclimater des plantes
étrangères, il pratiquait ses essais non-seule-
ment à Turin, mais encore à Saint-Augustin,
à Montcalieri, sur le plateau du Cenis et à
Saint-Jean de Maurienne, dans les conditions
les plus variées au point de vue du sol et du
climat. Bonafous fonda dans cette dernière
ville une bibliothèque, un jardin d'acclimata-
tion, et, à peu de distance, l'établissement
thermal d'Echaillon ; aussi les habitants de
Maurienne reconnaissants le nommèrent-ils à
deux reprises leur député à Turin, honneur
qu'il refusa d'accepter. Bonafous avait réuni
une bibliothèque séricicole, dont il a publié
le catalogue. Elle ne contenait pas moins de
deux mille ouvrages, et elle était la plus riche
qui existât. Enfin, il fonda plusieurs prix, les
uns à l'Académie de Lvon, pour une histoire
de l'industrie de la soie et pour des éloges'
d'hommes utiles, les autres k l'Académie royale
et à l'Académie de chirurgie de Turin, pour
les meilleures dissertations sur l'influence des
rizières sur la santé, sur les maladies aux-
uelles elles donnent lieu et sur les moyens
e les guérir. Ce grand homme de bien con-
sacra toute sa vie à des travaux utiles. H
avait eu l'idée, pour propager la vaccine en
Sardaigne, d'en apprendre la pratique aux
mères. Il mourut dans un voyage qu'il fit à
Paris pour y surveiller la publication de deux
de ses ouvrages. Bonafous a écrit un grand
nombre d'articles, de dissertations et de mé-
moires, publiés dans divers recueils, dans les
Annales de l'agriculture, dans la Revue ency-
clopédique, etc., sur la propagation des plan-
tes utiles, sur divers instruments d'agricul-
ture, sur la fabrication des fromages, sur la
croissance des arbres, etc. Parmi ses ou-
vrages, nous citerons : De l'éducation des vers
à soie (Lyon, 1821); De la culture du mûrier
(Lyon, 1825), ouvrage couronné par la So-
ciété d'agriculture de Lyon; Mémoire sur une
éducation de vers à soie, Osservazioni ed espe-
rienze agrarie (Turin, 1825) ; Recherches sur
les moyens de remplacer la feuille de marier
par une autre substance (Paris, 1826); Note
sur un moyen de préserver les champs de la-
cuscute (Paris, 1828), ouvrage couronné par
la Société d'agriculture de France ; Excursion
dans le pays de Gruyères (Paris, 1828) ; Note
sur la culture des mûriers en prairies (Paris,
1829) ; Coup d'œil sur l'agriculture et les insti-
tutions agricoles de quelques cantons de /a.
Suisse (Paris, 1829); Notice sur l'introduction
en Italie des chèvres du T/iibet (1826); his-
toire naturelle, agricole et économique du
maïs (1836), etc. En outre, Bonafous a traduit
en italien l'ouvrage de Stanislas Julien sur
l'art de cultiver les mûriers et d'élever les
vers à soie en Chine, et traduit en vers fran-
çais le Bombyx, poëme de Vida.
BONAIR
BONAIR (Henri STUARD, sieur DE), histo-
rien français, qui florissait au xvn« siècle. Il
appartenait a ja garde écossaise, et il reçut
le titre d'historiographe du roi. De Bonair a
-composé de nombreux ouvrages historiques,
dont le principal est intitulé : Sommaire royal
de l'histoire de France (Paris, 1676, in-12). Il
comprend une traduction du Florus franciscus
de P. Berthauld, avec une continuation de
vingt années. On a également de lui : Pané-
gyrique pour M. le duc de Beaufort (Paris,
1649); Jactum pour Henri de Bondi, sur la
bravoure et la conduite du chevalier de Ven-
dos?ne, et sur les avantages des enfants natu-
rels de nos rois (1676).
BONA1BE, BON-AIR ou-BUEN-AYRE, une
des îles Sous le vent, dans la mer et l'archipel
des Antilles hollandaises, à 45 kilom. E. de
Curaçao, non loin de la côte de Venezuela;
2,700 hab. Longueur,32-kilom.; largeur, 2 kilom.
Bois de construction, élève de bétail. Bo-
naire renferme un bourg de même nom, ch.-l.
de l'île et résidence d'un commandant hol-
landais, dépendant du directeur de Curaçao.
BONAL
BONAL (François DE), prélat français, né
dans le diocèse d'Agen en 1734, mort à Mu-
nich en 1800. II. fut nommé évêque de Cler-
mont en 1776. Elu député aux états généraux,
il montra beaucoup de zèle à défendre les
principes religieux. Les événements le forcè-
rent bientôt à s'expatrier, et il se réfugia en
Flandre, puis en Hollande. Mais quand les
Français se furent rendus maîtres du pays,*il
fut arrêté et condamné à la déportation; il se
retira alors en Allemagne. Avant de mourir,
il dicta un Testament spirituel, qui fut im-
primé plus tard.
BONALD
BONALD (Louis-Gabriel-Ambroise, vicomte
DE), publiciste et philosophe célèbre, né à
Milhau, dans le Rouergue (Aveyron), le 2 oc-
tobre 1754, mort le 23 novembre 1840. Il sor-
tait d'une de ces vieilles familles provinciales
qui avaient servi à la fois avec honneur dans
les parlements et dans les armées. Il vint faire
ses études dans une pension a Paris, puis a
Juilly, chez les oratoriens. Il sortit de là pour
entrer, sous Louis XV, dans le corps des
mousquetaires, et y resta jusqu'en 1776, épo-
ue de la suppression de ce corps. Rentré
ans ses foyers k vingt-deux ans, il se maria
et vécut de la vie de ses pères. Maire de sa
ville natale, il fut, le 23 juillet 1790, nommé à
Rodez membre de l'assemblée de département.
Il ne tarda pas à donner sa démission de cette
dernière place et crut de son honneur d'émi-
grer. Après le licenciement de l'armée des '
princes, il vint se fixer à Heidelberg, et se
consacra à l'éducation de ses deux fils aînés,
qu'il avait emmenés avec lui. Au milieu de ses
soins tout paternels, il composa son premier
écrit, qu'il fit imprimer à Constance : Théorie
du pouvoir politique et religieux dans la so-
ciété civile, démontrée par le raisonnement et
par l'histoire, par M. de B..., gentilhomme
français (1796). C'est le titre exact. L'auteur
avait pris pour épigraphe cette phrase du
Contrat social de Rousseau : « Si le législa-
teur, se trompant dans son objet, établit un
principe différent de celui qui naît de la nature
des choses, l'Etat ne cessera d'être agité jus-
qu'à ce que ce principe soit détruit ou changé,
et que l'invincible nature ait repris son em-
pire. » Le but de cet ouvrage était d'établir
cette doctrine, fondamentale chez de Bonald,
qu'il n'y a qu'une seule constitution naturelle
et véritable de société politique, la constitu-
tion royale pure, et une seule constitution de
société religieuse, la religion catholique ; que
la vraie société civile résulte de l'union du
trône et de l'autel; que, hors de là, il n'y a
pas de stabilité, pas de salut. Le livre de Bo-
nalrl, introduit en France, et expédié de Con-
stance k Paris, fut en grande partie saisi et
mis au pilon par ordre du Directoire : il
n'eut donc pas d'effet, et fut alors comme non
avenu.
Peu de temps après la publication de sa
Théorie du pouvoir, de Bonald rentra en
France, mais sous un nom supposé, celui de
Saint-Séverin, et passa à Paris les dernières
années du Directoire. Sous le consulat, il fit
paraître successivement : Essai analytique sur
les lois naturelles de l'ordre social, ou au pou-
voir, du ministère et du sujet dans la société
(1800) ; Du divorce considéré au xix« siècle re-
lativement à l'état domestique et à l'état pu-
blic de société (1801); Législation primitive
considérée dans les derniers temps, par les
seules lumières de la raison (1S02). L'empe-
reur, qui, pendant la campagne d'Italie, avait
lu le premier ouvrage de de Bonald, l'appela
spontanément, en septembre 1808, à faire
partie du conseil de l'Université. L'auteur de
la Législation primitive se tint d'abord à l'é-
cart j ce ne fut qu'en 1810, deux ans après sa
nomination, qu'il céda aux instances de son
ami de Fontanes, et vint occuper la place
3
u'on lui avait destinée. Louis Bonaparte, roi
e Hollande, lui ayant proposé, vers cette
époque, de se charger de l'éducation de son
fils, il déclina cette offre; ses vœux et ses es-
pérances étaient ailleurs. Il reçut avec la
même indifférence quelques ouvertures du
cardinal Maury sur l'éducation du roi de
Rome. Les Bourbons, en revenant en France,
n'y trouvèrent pas de sujet plus dévoué ni de
cœur plus fidèle. * Il n'avait qu'un regret, dit
très-bien M. Jules Simon, c'était de voir ses
princes légitimes transformés en rois consti-
tutionnels. ".Il fit encore partie du conseil de
l'instruction publique'et fut décoré de la croix
de Saint-Louis pendant la première Restaura-
tion. Elu député de son département en 1815,
il ne fit qu appliquer aux choses publiques
et -aux discussions politiques dans lesquelles
il fut mêlé les théories qu'il défendait con-
stamment dans ses livres.
Plus que personne, de Bonald a contribué
k faire disparaître le divorce de nos lois. Il
l'avait combattu sans succès, dans un ou-
vrage remarquable publié en 1801 ; le 26 dé-
cembre 1815, il proposa aux chambres d'user
de leur initiative pour en amener l'abolition.
« Laissons, disait-il h. la Chambre des dépu-
tés sur le point d'être dissoute, un monument
durable d'une existence politique si fugitive,
dans la loi fondamentale de l'indissolubilité
du lien conjugal. Premiers confidents des
malheurs sans nombre que l'invasion étran-
gère a attirés sur notre pays, et ministres des
sacrifices rigoureux qu'elle lui impose, nous
nous ferons pardonner par nos concitoyens
cette douloureuse fonction, si nous avons le
temps de laisser plus affermies la religion et
la morale. » Le rapport fut fait par M. de
Trinquelague dans un sens tout à fait favo-
rable à la proposition, qui fut adoptée par la
Chambre et convertie en loi le 27 avril 1816.
De Bonald prit part à la discussion des lois de
réaction sur les cours prévôtales, le sacri-
lège, la réduction du nombre des tribunaux
et l'amovibilité des juges pendant la pre-
mière année de leur institution. Ce fut lui qui,
dans la discussion de la loi d'amnistie, pro-
posa d'étendre les restrictions, et de déclarer
par un article spécial que le roi pourrait dé-
cider dans tous les cas à son bon plaisir. On
se rappelle ce mot tristement célèbre qu'il
prononça dans une discussion sur la peine à
infliger, au sacrilège : « C'est Dieu qui est
l'offensé; renvoyons le coupable devant son
juge naturel! » Quand on vint proposer k la
Chambre une dotation pour le duc de Riche-
lieu, il saisit cette occasion de faire l'apolo-
gie des majorats ; la division incessante des
propriétés, « ce mal sous lequel nous péris-
sons, » entraînerait, disait-il, la ruine prochaine
de l'agriculture. Il tint tète k l'opposition
chaque fois que de nouvelles lois furent
présentées contre les journaux, et ne cessa de
combattre la liberté de la presse : 0 C'est un
impôt sur ceux qui lisent, disait-il; aussi
n'est-elle réclamée que par ceux qui écri-
vent. » Il s'était d'abord opposé à la censure
préalable, mais il revint plus tard sur cette
opinion et avoua qu'il s'était trompé. Il con-
courut à l'adoption de la loi du 14 février
1822, qui établit qji'un journal ne peut être
916 • BON A
fondé sans l'autorisation du roi, attribue aux
cours royales sans jury la suspension ou la
suppression des journaux dont Vesprit serait
mauvais, et autorise le gouvernement à réta-
blir la censure dans l'intervalle des sessions,
si lagravité des circonstances l'exige. Nommé
pair de France en 1823, de Bonald se démit
volontairement de cette dignité en 1830, en
refusant de prêter serment a la royauté issue
des barrieaaes. Il ne conserva que le titre de
membre de l'Académie française, où il était
entré, en 1816, par ordonnance royale.
De Bonald a beaucoup écrit, et il peut à
bon droit passer pour un de nos pubhcistes
les plus féconds. Il prit part a la rédaction du
Mercure de France et du Journal des débats
avec Chateaubriand, Fiévée, Lamennais. Ou-
tre les ouvrages dont nous avons parlé, il
publia en 1P18 des Recherches -philosophiques
sur les premiers objets des connaissances mo-
rales. On a de lui un recueil de pensées et
plusieurs brochures publiées à diverses épo-
ques sur les questions que les circonstances
mettaient à l'ordre du jour. C'est ainsi qu'il
produisit en 1815 des Réflexions sur l'intérêt
général de l'Europe, suivies de quelques con-
sidérations sur la noblesse ; en 1819, des lié-
flexions sur une séance de la Chambre des
députés, et la nécessité de garantir la reli-
gion des outrages de la presse; en 1822, des
Réflexions préjudicielles sur la pétition du
sieur Loveday, où il discute le droit d'adres-
ser des pétitions aux Chambres; en 1823, des
Réflexions sur le budget. Il donna aussi a
part, avec des appendices, un grand nombre
de ses discours des deux Chambres. Dans des
Observations publiées en 1818 sur un livre de
Mme de Staël, Considérations sur la Révolu-
tion française, il s'attache surtout à réfuter
cette erreur, que la monarchie absolue est la
pi M s informe des combinaisons politiques. Son
dernier ouvrage fut la Démonstration philoso-
phique du principe constitutif des sociétés
(1827). « On ne trouve pas dans cette longue
carrière, dit M. Jules Simon
7
une action qui
ne soit conforme à ses principes, pas une li-
gne qui les démente. Il pouvait relire, en
1840, son premier ouvrage, sa Théorie du
pouvoir, sans regretter une seule des opinions
qui y sont exprimées. Il figura cependant en
1815 dans le Dictionnaire des girouettes, et ja-
mais accusation ne fut plus contraire à la vé-
rité. M. de Bonald ne s'est jamais vendu, il
n'a jamais été le complaisant de personne, pas
même de ses amis politiques ; son amour pour
le pouvoir légitime, sa haine pour la liberté
ont constamment dirigé toute sa conduite. »
« Il acquit, sous la Restauration, dit M. Sainte-
Beuve, la réputation d'oracle et d'homme de
génie dans son parti, parmi le petit nombre
des esprits opiniâtres et immuables, et même,
jusqu'à un certain point, dans tous les rangs
des royalistes intelligents : auprès des libé-
raux, il passait pour un- gentiliâtre spirituel,
entêté, peut-être un peu cruel, et il jouissait
de la plus magnifique impopularité, M Dans le
commerce habituel, • il était indulgent et
doux, nous dit M. de Lamartine, comme les"
hommes qui se croient possesseurs certains et
infaillibles de leur vérité. »
Le principe sur lequel de Bonald a élevé
l'édifice très-régulier, très-symétrique de sa
philosophie, est que la parole a été ensei-
gnée à l'homme et qu'il n'a pu l'inventer lui-
même. Il fonde ce principe sur les raisons
suivantes: 1° IL est nécessaire de penser sa
parole avant de parler sa oensée; ?» le sourd
de 7iaissance
t
gui n'entenà pas la parole, est
muât, preuve que la parole est chose apprise
et non inventée: 3° si la parole est d'inven-
tion humaine, il n'y a plus pour l'esprit de
mérites nécessaires. De Bonald prend son
point de départ dans la question de l'origine
des idées ; il repousse tout à la fois et les
idées innées du rationalisme cartésien, et les
sensations transformées de l'empirisme con-
dillacien. Qu'est-ce que ces idées innées, dit-il,
qui sont présentes à notre esprit, et qui y pré-
cèdent toute instruction ? Si Dieu les y grave
lui-même, comment l'homme parvient-il a les
( ffacer? Si l'enfant idolâtre naît, comme l'en-
fant chrétien, avec des notions distinctes
d'un Dieu unique, comment ses parents peu-
vent-ils le faire croire à une multitude de
dieux? D'où vient qu'il y a dos matérialistes
et des athées, si nous apportons en naissant
(!os idées innées de l'existence de Dieu et de
1 "immortalité de rame? Si les hommes appor-
iiMit tous en naissant les mêmes idées, pour-
quoi tani de variété dans les opinons? 11 y a
«loue des idées innées et des idées acquises;
<'t comment les idées acquises font-elles ou-
hlicr les idées innées? Car enfin, on ne peut
I erdre que ce qu'on peut acquérir, comme on
i:e peut acquérir que ce qu'on peut perdre.
Et ici l'homme conserve les idées tausses
qu'il a acquises, et perd les idées vraies nées
:.vec lui, et qu'il tient de sa nature. Si la so-
lution de la question sur l'origine des idées
ne se trouve pas dans le système trop pure-
ment spiritnaliste des idées innées, elle ne
:• aurait se trouver non plus dans le système
purement matérialiste des sensations transfor-
nres. Il est évident, en effet, qu'il y a dans
les idées quelque chose de fondamental qui
ne vient pas des sens, parce que nous avons
tous sur beaucoup d'objets une pensée uni-
forme avec des sens extrêmement variés en
force et en perfection; parce que nous pen-
sons a ce que nous n'avons jamais perçu par
les s.utis, comme lorsque nous pensons à la
couleur en général, quoique les couleurs parti-
BONA
culières soient seules sensibles; parce que
nous pensons le contraire de ce que nos sens
nous rapportent, comme lorsque nous redres-
sons par la pensée les erreurs de nos sens;
enfin, parce que nous pensons le général, et
que nos sens ne nous apportent que le parti-
culier. Pour dévoiler le mystère de nos idées,
il faut se souvenir de cette parole de la Ge-
nèse : Dieu créa l'homme à son image et à sa
ressemblance, et, concluant de Dieu à l'homme,
comprendre qu'ainsi que Dieu, intelligence
suprême, n'est connu que par S07i Verbe, ex-
pression de sa substance, de même l'homme,
intelligence finie, n'est connu que par sa pa-
role, expression de son esprit, ce qui veut
dire que l'être pensant s'explique par l'être
parlant. La parole est l'expression naturelle
de la pensée; nécessaire non-seulement pour
en communiquer aux autres la connaissance,
mais pour en avoir soi-même la connaissance
intime, la conscience. Ainsi l'image que nous
offre le miroir nous est indispensablement né-
cessaire pour connaître la couleur de nos
yeux et les traits de notre visage ; ainsi la lu-
mière nous est nécessaire pour voir notre
Propre corps. La pensée se manifeste à
homme, se révèle, avec l'expression et par
l'expression, comme le soleil se montre à nous
f
>ar la lumière. La pensée est inséparable de
a parole. Qu'est-ce que penser? C'est se par-
ler à soi-même, c'eut parier intérieurement. Il
n'est donc pas exact de dire que la pensée est
l'antécédent et la cause de la parole ; ce qui
est vrai, c'est que la parole intérieure a pré-
cédé la parole extérieure, en d'autres termes
que Yhomme pense sa parole avant de parler
sa pensée. Mais, pour parler intérieurement,
pour penser sa parole, il faut savoir la
parole, proposition évidente et qui exclut
toute idée d'invention de la parole par
l'homme. Loin d'avoir inventé la parole,
Thomme n'aurait pu, sans la parole, avoir la
pensée de l'invention. Il a donc, k quelque in-
stant qu'on suppose de la durée, appris, reçu
la parole comme il l'apprend et la reçoit
encore aujourd'hui. En ce système de la
parole nécessairement enseignée et trans-
mise se concilient, dans une certaine me-
sure, celui des idées innées et celui des sensa-
tions transformées. La connaissance des vé-
rités morales, qui sont nos idées, est innée,
non dans l'individu, niais dans la société. Elle
peut ne pas se trouver dans tous les hommes,
mais elle ne peut pas ne pas se trouver plus
ou moins dans toutes les sociétés, puisqu'il ne
peut même y avoir aucune forme de société
sans connaissance de quelque vérité morale.
Ainsi, l'homme entrant dans la société y
trouve cette connaissance, comme une substi-
tution toujours ouverte à son profit, sous la
seule condition de l'acquisition de la parole
f
terpétuellenient subsistante dans la société. De
k vient qu'on trouve dans toutes les sociétés,
avec une langue articulée, une connaissance
plus ou moins distincte de divinité, d'esprits,
d'un état futur, etc.; qu'on peut ne pas la trou-
ver chez tous les hommes, et qu'on ne l'a même
jamais trouvée chez ceux que des accidents
avaient séquestrés de tout commerce avec les
hommes, et privés de la révélation de la pa-
role. D'autre part, si l'idée n'est point une
sensation transformée, comme le veut Con-
dillac, l'expression nécessaire et naturelle
de notre idée est une sensation de la vue ou
de l'ouïe transformée en parole, parce que
l'homme, forcé de se servir du moyen ou du
ministère de ses organes pour les opérations
de son intelligence, pense par le ministère du
cerveau, parle par le ministère de l'organe
vocal, voit par le moyen de ses yeux, etc.
Voyez maintenant la fécondité du principe
de la transmissio7i nécessaire de la parole, et
l'avantage qu'il-donne aux défenseurs du
chrUtianisme. La révélation, considérée jus-
3
u'ici comme un fait exceptionnel, un miracle,
evient une loi générale de l'esprit humain,
le mode unique et universel d'acquisition des
premières expressions et des premières con-
naissances pour l'homme de tous les temps.
Avant la révélation écrite, il y a eu nécessai-
rement la révélation orale. La nécessité phy-
sique de celle-ci vient a l'appui de la certitude
historique de celle-là. Or, quelle n'est pas
l'importance de ce secours? La vérité histo-
rique peut toujours être combattue, parce
que, quoique certaine pour tous les hommes,
tous les temps et tous les lieux, elle n'est évi-
dente que pour le lieu qui en a été le théâtre,
le temps qui en a été l'époque, les hommes
qui en ont été les témoins. Mais la nécessité
physique et vraie est évidente toujours, par-
tout et pour tous; si l'homme aujourd'hui ne
peut recevoir la parole que par transmission,
il n'a jamais pu l'acquérir par invention;
parce que, si l'on peut supposer un affaiblisse-
ment dans ses forces, on no peut supposer
une révolution dans sa nature. Qu'on n'op-
pose plus la raison à la révélation, la morale
naturelle à la morale chrétienne, la religion
naturelle à la religion révélée, la loi naturelle
à la loi positive. Tout ce dualisme s'écroule
avec le système des idées innées. Plus de re-
ligion innée, de morale innée, de loi innée,
de raison innée. La raison ne se meut,
n'existe que dans et par la révélation. Tout
devient révélé, positif, social. L'esprit hu-
main n'a plus rien à chercher en lui-même,
parce qu'il est vide et passif; c'est la tabula
rasa du sensualisme, avec cette différence
que ce n'est pas le inonde extérieur, mais
Dieu qui, par l'intermédiaire de la société,
vient y tracer les caractères. La religion dite
BONA
naturelle n'est pas autre chose que la religion
domestique et patriarcale, produit de la révé-
lation orale primitive; elle veut être apprise
ou révélée comme la religion appelée révélée.
La religion appelée révélée est le produit de
la révélation scripturale; elle est aussi natu-
relle que-la religion dite naturelle; l'une et
l'autre sont révélées, l'une et l'autre sont na-
turelles, l'une et l'autre sont divines. Ce n'est
pas tout : avec l'invention humaine de la pa-
role tombe la constitution humaine de la so-
ciété, le contrat social. Dieu, en nous révélant
la parole, nous a du même coup donné des
règles et des lois. C'est dans cette première
révélation qu'il faut chercher l'origine, le
fondement et la constitution véritable de la
société. La souveraineté du peuple est un
dogme impie et insensé; la déclaration des
droits de l'homme, une monstruosité. Une
philosophie qui atteint la raison et la con-
science dans leur indépendance, qui les consi-
dère comme absolument extérieures à l'indi-
vidu, comme entièrement acquises, comme des
produits de la révélation, de la société, ne
f
iouvaît abstraire la personne humaine de la
onction sociale, concevoir la liberté, le droit
individuel, l'inviolabilité humaine. Aussi de
Bonald estime-t-il que le mot droit, employé
pour exprimer indistinctement tous les rap-
ports, et même les plus opposés, n'en désigne
aucun avec précision, et qu'on devrait le
bannir de la langue politique, où il ne peut
qu'être funeste. La première vérité qui ait été
révélée à l'homme, et que le langage nous
transmette de génération en génération, est
celle-ci : Tout a une cause. A cette première
proposition il faut en ajouter une seconde :
c'est qu'entre la cause et l'effet il y a néces-
sairement un moyen terme. De Bonald trouve
et nous montre partout ce moyen terme. Dans
l'homme, par exemple, l'intelligence, qui est
cause, ne peut agir que par le moyen des or-
ganes; elle ne peut penser que par le moyen
de la parole. Ce moyen terme offre le pré-
cieux avantage de supprime.* toute communi-
cation directe entre VhomnnJ et Dieu, et de
ruiner le mysticisme et le rationalisme pro-
testant. Dieu ne nous donne des pensées que
par l'enseignement de l'Eglise; la grâce n a-
git sur nous que par les sacrements de l'E-
glise. Cause, moyen, effet! Dans ces trois ca-
tégories sont compris tous les êtres et tous
leurs rapports. Appliquées à l'ordre social,
elles nous donnent les trois personnes, les
trois fonctions générales de la société : Pou-
voir, qui correspond à cause; ministre, qui cor-
respond k moyen;sujet, qui correspond à effet.
Ces trois personnes, ces trois modes géné-
raux d'existence se trouvent dans la société
domestique ou familiale, dans la société poli-
tique et dans la société religieuse. La simili-
tude de constitution, l'unité de plan, de type
des trois sociétés est le principe fondamental
de la philosophie sociale de de Bonald. Dans
la société familiale, le père est pouvoir, la
mère ministre, l'enfant ou les enfants sujets ;
dans la société politique, le roi est pouvoir, la
noblesse ministre, le peuple sujet; dans la
société religieuse, Dieu est pouvoir, le sacer-
doce ministre, les fidèles sujets. Les trois
personnes, pouvoir, ministre, sujet, peuvent
être amovibles ou fixes; elles sont amovibles
i dans la famille, par la faculté du divorce;
j amovibles dans la religion, par le presby-
térianisme, qui n'imprime aucun caractère
de consécration à ses ministres ; amovibles
dans l'Etat, par les institutions populaires,
qui font du pouvoir et du ministère des fonc-
tions perpétuellement révocables et éligibles.
Elles sont au contraire fixes et inamovibles :
dans la' famille, par l'indissolubilité du lien
conjugal; dans la religion, par la consécra-
tion qui lie irrévocablement le ministre à la
Divinité et au fidèle, et par conséquent les lie
entre eux; dans l'Etat, par l'hérédité"du
pouvoir public et du ministère public, de la
I royauté et de la noblesse. Plus il y a d'amo-
vibilité dans les rapports des personnes entre
elles, plus il y a d'instabilité, de désordre, de
faiblesse dans la société ; plus il y a de fixité
dans ces rapports, plus il y a de force, de rai-
son et de durée. Comme les sociétés sont sem-
blables dans leur constitution, elles sont sem-
blables dans leurs accidents; et l'on peut
regarder comme un axiome de la science de
la société, axiome dont l'histoire offre une
continuelle application, que les Etats popu-
laires, les religions presbytériennes, et les fa-
milles dissolubles par le divorce se retrouvent
généralement chez les mêmes peuples, et
quelquefois malgré des apparences contrai-
res ; comme le lien indissoluble ou l'inamo-
vibilité des personnes dans l'Etat, dans la
religion, dans la famille, s'aperçoit générale-
ment dans les mêmes sociétés.
Nous venons d'exposer les doctrines de de
Bonald. Elles se réduisent, comme on l'a vu,
I à deux théories liées l'une à l'autre : la théorie
de la révélation du langage, et celle des trois-
catégories cause, moyen, effet, qu'on pourrait
appeler, pour abréger, théorie du moyen ou mé-
diateur. De Bonald n'a fait, en tous ses écrits,
que les reproduire, les développer, les appli-
quer à toutes questions, y enchaîner toutes
sortes de pensées, souvent fausses, presque
| toujours ingénieuses : « S'il est, dit très-bien
M. Sainte-Beuve, l'homme qui varie le moins, il
, est celui qui se répète le plus ; chez lui, le der-
I nier ouvrage ressemble au premier. » Il nous
resterait maintenant à discuter ces théories,
I et à montrer sur quelles bases fragiles elles
:
portent. Nous le ferons ailleurs. (V. LAN-
BONA
GAGE, MOYEN, POUVOIR, etc.) Bornons-nous
à dire ici que la contradiction signalée d'abord
par Rousseau entre ces deux propositions :
La pensée est nécessaire pour inventer la pa-
role, la parole est nécessaire pour penser, con-
tradiction qui, selon de Bonald, ne peut se
résoudre que par la révélation divine du lan-
gage, se résout très-facilement par la distinc-
tion de la pensée implicite et confuse, et de
la pensée claire, développée, expliquée. Ce
n'est certainement, pas la pensée réfléchie et
maîtresse d'elle-même qui a précédé et pro-
duit la parole ; cette pensée-là suppose évi-
demment la préexistence du langage. L'er-
reur est de croire qu'il n'y a pas d'autre état
de la pensée; qu'elle était dans l'homme pri-
mitif ce qu'elle est dans l'homme du xix
e
siè-
cle, qu'elle n'est pas soumise à la loi du déve-
loppement. L'erreur encore est de ne pas
comprendre que l'homme n'est pas seulement
pensée, intelligence, qu'il est encore sentiment,
passion; qu'à l'origine, la pensée, loin de se
séparer du sentiment, y était pour ainsi dire
enveloppée ; que le langage n'est pas une in-
vention réfléchie, artificielle, mais une pro-
duction spontanée, naturelle j qu'il n'est pas
né de l'entendement pur, mais de toutes nos
facultés psychologiques réunies. Ajoutons que
la parole qui nous viendrait du dehors ne'
i peut devenir signe pour nous qu'autant que
nous avons la faculté intérieure de.l'élever à
i cet état, en y attachant un sens, et que cette
1 faculté de s assimiler des signes inventés par
! d'autres, en leur donnant un sens, est tout
s
aussi difficile à concevoir que la faculté de les
produire. Le traditionalisme de de Bonald
estné du sensualisme de Condillac; cette filia-
tion s'accuse par des analogies frappantes.
De même que Condillac, de Bonald ne voit
dans l'homme que l'intelligence, et méconnaît
l'instinct, la passion, la volonté; de même que
Condillac, il fait venir l'idée du dehors, et nie
l'innéité des principes de la raison; de même
que Condillac, il attribue les idées générales
à l'usage des signes.
Terminons cette biographie en citant les ju-
gements portés sur de Bonald par deux de
ses contemporains : Marie-Joseph Chénier et
Chateaubriand.
CHÉNIER {Tableau de la littérature française
depuis 1789) : Des productions semblables aux
œuvres de M. de Bonald semblent exiger un
procédé fort simple : celui d'examiner ce qui
fut écrit de sage en matière politique, et d'é-
crire précisément le contraire. Tous les abus
dénoncés depuis cent cinquante ans par des
philosophes illustres, pard habiles magistrats,
par des cours souveraines, sont aux yeux de
l'auteur des inventions admirables; toutes les
gothiques institutions, fruit de l'ignorance du
moyen âge, lui paraissent des cht;fs-d'œuvre
du génie. C'est là ce qu'il appelle nécessaire,
ce qu'il trouve approcher de la perfection,
mais ce qu'il veut perfectionner encore, au
point que, s'il en fallait croire et ses conseils,
et ses vœux, et ses prophéties, car il est pro-
phète, l'Europe atteindrait bientôt le plus haut
degré d'intolérance politique et religieuse. Sa
diction, d'ailleurs, est aussi sèche que ses dé-
cisions sont tranchantes... Quant au raison-
nement, voici ce qu'il appelle raisonner : il
pose comme un principe incontestable ce qui
est le plus contesté, souvent ce qui est inad-
missible, et marche d'assertion en assertion,
prouvant chaque proposition qu'il affirme par
celle qu'il vient d affirmer. Veut-il ren'dre sa
démonstration complète? Cinq à six répéti-
tions sont pour lui cinq à six preuves. Veut-
il donner quelque puissance aux mots? Il les
imprime en lettres italiques. C'est avec cette
logique victorieuse et ces grands moyens
d'éloquence qu'il croit réfuter l'Esprit des lois
et le Contrat social, qu'il dénigre l'Essai sur
les mœurs des nations, qu'il prend, avec Vol-
taire, J . - J . Rousseau, Montesquieu, un ton
de supériorité plaisant par lui-même, et qu'un
extrême sérieux rend plus comique.
CHATEAUBRIANO (article du Mercure de
France) : Le style de M. de Bonald pourrait
être quelquefois plus harmonieux et moins
I négligé. Sa pensée est toujours éclatante et
' d'un heureux choix; mais je ne sais si son
I expression n'est pas quelquefois un peu terne
| et commune. On pourrait aussi désirer plus
j d'ordre dans les matières et plus de clarté
dans les idées. Les génies forts et élevés ne
compatissent pas assez à la faiblesse de leurs
let-teurs : c'est un abus naturel à la puissance.
Quelquefois encore, les distinctions de l'au-
teur paraissent trop ingénieuses, trop subtiles.
Comme Montesquieu, il aime k appuyer une
grande vérité sur une petite raison. La défi-
nition d'un mot, l'explication d'une étymologie
sont des choses trop curieuses et trop arbi-
traires pour qu'on puisse les avancer au sou-
tien d'un principe important... Le génie de
M. de Bonald nous semble plus profond qu'il
n'est haut; il creuse plus qu'il ne s'élève. Son
esprit nous paraît à la fois solide et fin; son
imagination n'est pas toujours, comme les ima-
ginations éminemment poétiques, portée par
un sentiment vif ou une grande image, mais
aussi elle est spirituelle, ingénieuse, ce qui
fait qu'elle a plus de c-alme que de mouve-
ment, plus de lumière que de chaleur.
Peut-être un mot de Royer - Collard sur
M. de Bonald ne sera-t-i! pas déplacé ici.
Ce sera, comme dit la petite presse d'aujour-
d'hui, le trait de la fin.
On sait que les affaires de l'Etat et de l'E-
glise étaient presque l'unique sujet des con-
BONA
BONA
BONA
BONA 917
versations dans les salons aristocratiques du
faubourg Saint-Germain, au commencement
du règne de Louis XVIII. Là dominait M. de
Bonald, dont l'aspect comme le talent avait
quelque chose d'austère et d'un peu rude. Le
•lieu y receva.it les hommages de ses admira-
teurs avec dignité, mais il n'y rendait point
d'oracles. Dédaigneux des discussions, il con-
versait peu, sous prétexte qu'il avait écrit tout
ce qu'il avait à dire." Les soins de sa fortune
et ceux de sa famille, d'ailleurs, ne le laissaient
point indifférent; il apportait même une cer-
taine âpreté à recueillir les fruits de ses ou-
vrages pour lui et les siens, qui en profitaient
volontiers; ce qui faisait dire a Royer-Collard :
« Ces Bonald, je les connais. »
BONALD
BONALD (Louis-Jacques-Maurice DE), car-
dinal, archevêque de Lyon, l'un des fils du
précédent, né à Milhau (Aveyron) en 1787. Il
entra dans les ordres en I8ll
v
et fut successi-
vement secrétaire de M. de Gressigny, arche-
vêque de Besançon, grand vicaire de l'évêque
de Chartres, puis archidiacre. Ses succès
comme prédicateur, et surtout le crédit de sa
famille, le firent nommer aumônier de Mon-
sieur (depuis Charles X), puis évêque du Puy
en 1823. Il occupa ce siège pendant plus de
seize ans, fut promu, en 1839, à l'archevêché
de Lyon, enfin créé cardinal en 1841. En gé-
néral, il se montra fortement imbu des doc-
trines exclusivement ultrumontaines et mo-
narchiques de son père. Cependant, sous le
gouvernement de Louis-Philippe, il ne cessa
de réclamer la liberté de l'enseignement. Mais
on sait que c'était là le drapeau du clergé
dans sa lutte contre l'université. Ayant atta-
qué dans une lettre pastorale le Manuel du
droit ecclésiastique de M. Dupin aîné, celui-ci
porta plainte au conseil d'Etat, qui condamna
comme d'abus la lettre du fougueux prélat.
Après la révolution de Février, il parut d'a-
bord accueillir la République avec faveur.
Il est vraisemblable que, comme beaucoup de
légitimistes, il vit avec une secrète satisfac-
tion la chute de Louis-Philippe. Quoi qu'il en
soit, il prescrivit un service solennel pour les
citoyens de Paris tombés glorieusement en dé-
fendant les principes de la liberté religieuse et
civile ; mais un arrêté du commissaire de la
République, dissolvant à Lyon les communau-
tés religieuses non autorisées, le ramena bien-
tôt à ses vrais principes et le rejeta dans les
rangs des ennemis avoués du régime nouveau.
Après le coup d'Etat, il a été, comme cardi-
nal, appelé au Sénat. Avec tous les cardi-
naux, il a constamment voté pour toutes les
propositions tendant à maintenir indéfiniment
à Rome l'occupation française. Dans quel-
ques-unes des discussions qui ont eu lieu au
Sénat sur la question romaine, M. de Bonald
s'est quelquefois abstenu de se prononcer de
vive voix et même, de voter. Tout récemment,
il a attiré sur lui l'attention en rendant pu-
bliques des plaintes confidentielles de Pie IX
contre le gouvernement français. Son indis-
crétion, si c'en était réellement une, a été
blâmée, mais avec une singulière mansuétude,
par le souverain pontife.
Les deux frères du cardinal, AUGUSTK-HHNRI
et VICTOR, se sont fait remarquer, le premier,
par sa collaboration à divers journaux reli-
gieux et par quelques brochures, l'autre par
des ouvrages intitulés : Moïse et les géo-
logues modernes (1835, in-18), et Des vrais
principes opposés aux erreurs du xixe siècle
(1833). Ces écrits donnèrent lieu à une vive
discussion entre leur auteur et le P. Ventura.
Le cardinal de Bonald prit, à ce sujet, la dé-
fense de son frère, en 1852.
BONAM1 (François), naturaliste français,
né à Nantes en 1710, mort en 1786. Il fut rec-
teur de l'université de Nantes, professeur de
botanique et membre associé de la Société
royale de médecine. Il fonda, à ses frais, un
jardin botanique, où il cultivait les plantes
les plus curieuses. Il publia : Florœ Nanten-
sis prodromus (1782-1785, 2 vol. in-12), avec
un supplément qui parut plus tard • on lui doit
aussi des Observations sur une fille sans lan-
gue, qui parle, avale et [ail toutes les autres
fonctions qui dépendent de cet organe.
BONAMY
BONAMY (Pierre-Nicolas), érudit, né h
Louvres (Seine-et-Oise) en 1694, mort en 1770.
Turgot, alors prévôt des marchand s
%
fit créer
pour lui la charge d'historiographe de la ville
de Paris. Il a publié dans le Recueil de l'Aca-
démie des insci'iptions, dont il était membre,
une foule de mémoires curieux sur les anti-
quités de Paris et de la Gaule. Il avait aussi
Préparé les matériaux pour une Histoire de
Hôtel de ville.
BONAMYBONAMY {Charles-Auguste-Jean-Baptiste-
Louis-Joseph), général français, né à Fonte-
nay-le-Comte, entre 1764 et 1770, mort en
1830. Volontaire en 1791, il s'éleva successi-
vement en grade et fit avec distinction les
campagnes de la République et de l'Empire ;
se couvrit de gloire à Marengo, oji il fut
blessé, à Smolensk, où sa brigade fut presque
entièrement détruite, et à la Moskov/a, ou il
fut percé de vingt coups de baïonnette. Il
rentra dans la vie privée après la seconde
Restauration. On a du général Bonamy : Coup
d'œîl rapide sur les opérations de la campagne
de Naptes jusqu'à l'entrée des Français dans
cette ville (Paris, 1799, in-8<>), et Mémoire sur
la révolution de Naples (1803, in-8°).
BONBON AMIE s. f. (bo-na-mî —.de Bonami,
n. pr.). Bot. Genre de plantes, de la famille
des convolvulacées, comprenant un arbrisseau
qui croît à Madagascar.
BONANA
BONANA s. m. (bo-na-na). Ornith.Trou-
piale. n Pinson de la Jamaïque, il On dit aussi
BANANA.
BONANNIBONANNI (Philippe), naturaliste. V. Buo-
NANNI.
BONAKNO,BONAKNO, architecte et sculpteur pisan
du xne siècle. Il commença avec Guillaume
d'Inspruck la fameuse tour penchée de'Pise
(1174) el fut également l'auteur des célèbres
portes de bronze de la cathédrale d<: cette
ville, qui furent détruites par un violent in-
cendie en 1596, incendie auquel une seule de
ces portes échappa.
BONAPABTE
BONAPABTE (Jacopo), historien toscan,
qu'on place, mais sans preuve, parmi les an-
cêtres de la dynastie des Napoléons. Né au
commencement du xvi^ siècle, contemporain
du sac de Rome par le connétable de Bourbon,
il fit paraître un tableau des événements sur-,
venus à la suite de ce siège, sous ce titre :
Rayguaglio storico di tutto l'occorso, giorno
per giorno, nel sacco di Roma dell' anno 1527.
Adami, professeur à Pise , fit réimprimer cet
ouvrage vers 1756, sous la rubrique In Co-
lonia, mais réellement en Toscane, avec le
nom de Jacopo Bonaparte. Il en fut publié,
vers 1809, une traduction par M. Hamelin,
sous ce titre : Tableau historique des événe-
ments survenus pendant le sac de Rome en 1527,
transcrit du manuscrit original, et imprimé
pour la première fois à Cologne en 1756, avec
une notice historique sur la famille Bonaparte,
le texte en regard. En 1829, le prince Napo-
léon-Louis, fils de la reine Hortense, mort
deux ans après, en fit paraître une traduction
nouvelle. Cet ouvrage, qui diffère en plusieurs
points essentiels de celui de l'historien Gui-
chardin, est écrit simplement, avec concision,
presque avec sécheresse , car ce n'est guère
qu'un sommaire un peu détaillé. A la publi-
cation du Sac de Rome se borne tout ce que
l'on sait sur Jacopo Bonaparte dont la vie
nous est aussi inconnue que l'époque exacte
de sa mort. En 1797, au moment des négo-
ciations du traité de Tolentino, qu'il avait
hâte de conclure , l'empereur Napoléon jeta
sur la table le livre de Jacopo Bonaparte, di-
sant avec vivacité : « Voyez ce livre : c'est le
sac de Rome en 1527, raconté par un de mes
ancêtres, Jacques de Bonaparte. Ne m'obligez
pas à faire moi-même ce dont un des miens
nous a transmis le récit. »
BONAPARTE
BONAPARTE (N'iccolo), professeur à Flo-
rence, né à San-Miniato, en Toscane, mort
vers 1598, a été placé, mais sans preuve,
parmi les ancêtres de l'empereur Napoléon.
Vers 1568 , il fit imprimer à Florence la
Vedova, une des plus anciennes comédies du
théâtre italien, dont le manuscrit original est
conservé à la Bibliothèque impériale de Pa-
ris. Cette pièce, plaisante 'et d'un ton fort
leste, fut réimprimée à Florence en 1592, et
à Paris, chez Molini, en 1803. L'empereur
commanda à Daillant de la Touche une tra-
duction de la Vedova, qui fut généreusement
payée, mais qui resta manuscrite, parce que
le censeur couronné craignit que sa légèreté
ne compromit la majesté de sa race. L'histoire
ne nous fournit pas d'autres détails sur cet
auteur, dont le style élégant et harmonieux
n'a pas toujours su éviter la farce en cher-
chant le comique.
BONAPARTE
BONAPARTE ou BUONAPARTE, nom patro-
nymique de la dynastie des Napoléons. Cette
famille descendait, dit-on, des Bonaparte du
continent italien, déjà connus àTrévise vers
le xii« siècle, et qui apparaissent ensuite à
diverses époques dans l histoire des cités ita-
liennes, telles que Padoue, Florence et San-
Miniato, comme podestats, prieurs, cheva-
liers, négociateurs, capitaines, etc. Une de
ses branches, établie à Sarzane, dans le pays
de Gênes, vint se fixer en Corse vers le
XVIIC siècle, et acquit à Ajaccio une impor-
tance assez considérable. Ce fut la souche de
la famille impériale de France. Son nom, des-
tiné à une si haute illustration, s'écrivait Buo-
naparte, avant que Napoléon I " s'arrêtât à
la forme plus française de Bonaparte. On sait
que les royalistes affectaient a'écrire et de
prononcer Buonaparte. Dans la bouche de Cha-
teaubriand, ce mot, en 1814, avait au moins
dix syllabes; c'était sans doute très-ironique,
très-profond et très-méchant; mais cette
finesse est si menue, que personne n'a jamais
pu la saisir, pas même l'auteur de Buonaparte
et les Bourbons, quand, quatorze ans après la
publication de son pamphlet, il apprit que
quelques mots, tombés des lèvres du Promé-
thée de Sainte-Hélène, venaient, comme il
le confesse lui-même,
Chatouiller de son cœur l'orgueilleuse faiblesse.
S'il est certain que la famille de Napoléon
descend de la branche génoise, il n'est pas
aussi bien établi qu'elle se rattache aux autres
familles italiennes du même nom. Mais on
sait que cet homme extraordinaire, qui eût pu
se passer d'aïeux, et qui, à d'autres titres que
le brave maréchal Lefèvre, aurait pu dire :
Je suis un ancêtre, accueillit avec faveur cette
généalogie, peut-être imaginaire. Dans tous
les cas, ici ce sont les aïeux qui se trouvent
illustrés par le descendant.
La noblesse de la famille Bonaparte est
prouvée par le certificat que le savant d'Hozier
de Sérigny délivra pour l'admission de Napo-
léon Bonaparte à l'Ecole militaire de Brienne,
où les gentilshommes avaient seuls accès.
Mais le dossier héraldique fourni par le père
du futur empereur ne comprenait que neuf
personnages, dont le plus ancien ne remontait
qu'à 15Û8,"SOUS le titre de messire Gabriel Buo-
naparte. Les autres étaient désignés par les
titres d'anciens d'Ajaccio et de magnifiques.
Voilà la vérité historique; la flatterie la trouva
insuffisante; et, sous l'Empire, les adulateurs
donnèrent carrière à leur génie inventif. On
fit sortir la famille Bonaparte d'une branche
des Comnènes et des Paléologues. ce qui la
rattachait aux empereurs de Constantinople.
On alla même jusqu'à la faire descendre de la
gens Ulpia, de la gens Sylvia et de la gens
Julia, souches des empereurs romains. Cette
généalogie n'était pas encore assez ridicule :
on prouva, Dieu sait par quels arguments!
que les Bonaparte étaient issus des Bourbons
par le mystérieux personnage désigné sous le
nom de l'Homme au masque de fer. Ayant
secrètement épousé la fille de M. de Bonpart,
son gouverneur, il en aurait eu des enfants qui
italianisèrent le nom de leur mère. Or tout
portant à croire que le Masque de fer était frère
jumeau de Louis XIV, les Bonaparte de Corse
se trouvaient ainsi faire naturellement partie
de la légitime race de Henri IV. Napoléon fut-
obligé de mettre lui-même un frein au zèle
de ces maladroits amis.
On sait, du reste, qu'à l'un de ces d'Hoziers
enthousiastes il répondit un jour : « Voilà une
» généalogie aussi plate que ridicule; ces re-
» cherches sont puériles. Â tous ceux qui de-
» manderont de quel temps date la maison
» Bonaparte, la réponse est bien simple : elle
» date du 18 brumaire. »
Les travaux généalogiques des Italiens sont
plus sensés. Us prouventque, dès le xvie siè-
cle, le nom de Bonaparte figurait dans leurs
annales, puisque, à cette époque, Maurojuge
àTrévise, constatait, dans une chronique très-
estimée, que, même avant l'an 1200, la fa-
mille Bonaparte était déjà comptée parmi les
plus nobles et les plus anciennes. Un-autre
auteur italien, Jacques Bonaparte, qui traça
une esquisse historique de sa race et qui
écrivait en 1756, citait parmi ses ancêtres,
"dans la marche de Trévise, un Jean 1er de
Bonaparte, pourvu d'un commandement dans
la ligue des villes lombardes, qui inaugura
le réveil des nationalités italiennes , et un
des petits-fils de ce Jean, qui, à la tête des
Guelfes du nord de l'Italie, arrêta en 1239, à
Castel-Franco, Frédéric II, qui commandait
une armée gibeline. Les Italiens rattachent à
la même branche Jean-Genesius de Bona-
parte, en religion fra Bonaventura. mort en
odeur de sainteté l'an 1593, dans 1 ordre des
capucins; Niccolo de Bonaparte, auteur co-
mique, et un Ferdinando Bonaparte, patrice
florentin, docteur en droit, savant dans les
lois civiles et canoniques. Ayant embrassé la
carrière ecclésiastique, ce dernier fut nommé
prévôt et sous-diacre de l'église de San-Mi-
niato, et mourut en 1746, laissant des poésies
latines et des dissertations théologiques qui
n'ont jamais été publiées.
Des recherches de MM. Stefani et Beretta,
dans leur ouvrage intitulé Antichità dei
Bonaparte, il ressort que le nom de Bona-
parte, né au milieu des factions de l'Empire et
de l'Eglise, a été porté par quatre familles
italiennes; et, de celles de MM. Passerini et
Rapetti, que les Bonaparte napoléoniens des-
cendent d'une ancienne famille longobarde,
celle des comtes de Fucecchio, Settimo et Pis-
toja, dont la souche est un certain Cunerado,
chef de la maison Kadolingio, né en 922. De
cette maison, qui s'éteint à la fin du xn
e
siècle,
après avoir joué un rôle brillant dans l'Etat
et dans l'Eglise, sont issus Hugues et Janfald.
Le premier, par son alliance avec les comtes
d'Orgnano, donna naissance aux Bonaparte de
Trévise, éteints en 1447; le second, à ceux de
Florence, éteints au xme siècle. En 1265, un
Bonaparte de Florence commence les Bona-
parte de San-Miniato; un autre, en 1278, ceux
de Sarzane, qui, en I49u,se transportèrent en
Corse, et dont le chef, François, devint l'au-
teur de la branche des Bonaparte d'Ajaccio.
Ceux de San-Miniato avaient complètement
disparu en 1799. Attachée également à l'Eglise
et à l'Etat, la famille des Cadolinge tira son
surnom de Bonaparte [bonapars, le bon parti),
de son ralliement à la cause populaire, surnom
qu'illustra bientôt l'un d'eux à la tête de la
ligue des villes lombardes contre l'empire
d'Allemagne. Les Bonaparte s'effacent ensuite
quelque temps de la scène politique, jusqu'au
moment où quelques membres de cette famille
passent en Corse pour les affaires de la banque
de Saint-Georges, et s'y fixent jusqu'à la fin
du xvme siècle.
Sans moyen de contrôle suffisant, nous ne
ouvons ni contester ni affirmer l'exactitude
e ces généalogies. Nous nous contenterons
de tracer l'historique de la branche génoise,
dont il est prouvé que descendait Napoléon.
Au commencement du XVIIIO siècle, les Bona-
parte d'Ajaccio étaient représentés par trois
frères : Lucien Bonaparte, archidiacre; Napo-
léon Bonaparte, qui n'a pas laissé de posté-
rité, et le grand-père de l'empereur Napo-
léon IPÎ.
Pendant que nous sommes sur l'arbre généa-
logique, voyons quelle était à ce sujet l'opinion
fiersonnelle de Napoléon. Cette question ne
ui était pas, comme pourrait le faire suppo-
ser la réponse citée plus haut, tout à fait in-
différente. Il tenait à l'origine florentine : La
patrie de Dante lui paraissait un digne berceau.
Un jour, à Sainte-Hélène, dans une conversa-
tion avec le docteur Antomarchi : «Vous avez,
lui dit-il, habité longtemps Florence; vous savez
que c'est de là que nous sortons. —Oui,sire;
votre famille y tenait un des premiers rangs;
elle était patricienne. — Connaissez-vous la
maison qu elle habitait? c'est un monument,
une curiosité qui n'échappe à personne. Elle
est au centre de la ville, revêtue au frontis-
pice d'un blason sculpté sur pierre, n'est-ce pas ?
— Oui, sire, et tout a fait intact. — A mon pas-
sage à Florence, quand je marchais sur Li-
vourne, on m'engagea beaucoup à la voir ; mais
j'étais si occupé, si surchargé d'affaires, que je
ne pus y aller. Le jour de mon départ, cepen-
dant, je me rendis à San-Miniato ; j'y vis un
vieux chanoine de parent; c'était le dernier
rejeton des Bonaparte de Toscane; je tenais à
le visiter. Nous fûmes accueillis, fêtés; la
chère fut exquise. L'appétit satisfait, ce fut le
tour du bavardage; nous étions tous jeunes,
gais, bruyants, républicains comme Brutus;
nous laissions parfois échapper des propos qui
sentaient peu 1 église. Le bunhomme ne se dé-
concerta pas ; il écoutait, répondait et nous
jetait de loin en loin des réflexions dont la jus-
tesse était frappante. Mon état-major était
charmé de voir un prêtre sans bigotisme; les
flacons circulaient d autant mieux ; nous por-
tions sa santé, il buvait à la prospérité de nos
armes. C'étaient des mots, des saillies où nous
pûmes remarquer le tact, l'aménité de cet excel-
lent chanoine. Mes officiers étaient réconciliés
avec sa robe. Notre irrévérence militaire ne
lui déplaisait pas. Il fit tous ses efforts pour
nous retenir le lendemain, mais les troupes
étaient en mouvement; nous lui dîmes que le
départ était obligé et que nous le verrions an
retour. Nous craignions que notre honorable
ecclésiastique n'eut pas assez de lits pour une
suite aussi nombreuse; nous le priâmes de ne
pas se mettre en peine pour nous coucher,
qu'il nous suffisait a'une botte de paille, que
nous étions accoutumés à vivre en soldats.
n Non pas , nous répondit-il, ma maison est
» sans luxe, mais assez grande pour vous loger
» tous. » Il nous accompagna successivement
dans les chambres qu'il nous avait fait pré-
parer, et nous souhaita une bonne nuit. Je me
couchai, mais la bougie n'était pas éteinte
que j'entendis frapper à ma porte ; je crus que
c'était Berthier ; point du tout; c'était le bon
prélat qui me demandait un instant d'entretien.
» A table, il avait commencé à parler de gé-
néalogie ; une discussion de cette espèce ne
pouvait qu'être fâcheuse dans la position où
je me trouvais. Je lui fis signe de se taire, il
se tut. Je tremblais qu'il ne voulût revenir sur
le sujet que j'avais esquivé. Je n'en laissai
cependant rien paraître. Je lui dis de s'asseoir,
que je l'écouterais avec plaisir. Alors il com-
mença à me parler du ciel, qui m'avait pro-
tégé, qui me protégerait encore, si je voulais
entreprendre une œuvre sainte, qui, d'ailleurs,
ne. pouva.it me coûter beaucoup. J'avais es-
suyé l'histoire des Bonaparte, celle des actions
de l'un d'entre eux ; je cherchais où il voulait
en venir, lorsqu'il me dit avec une espèce de
transport, qu'il allait me faire voir un docu-
ment précieux. Je crus pour le coup que c'était
l'arbre généalogique; i étouffais, le rire l'em-
portait sur'la crainte de déplaire au vieillard ;
mais quelle fut ma surprise quand je vis, non
un parchemin, un grotesque diplôme, mais
quelque chose de plus cocasse encore, un mé-
moire en faveur d'un membre de notre famille,
un père Bonaventure, béatifié depuis long-
temps, mais que les excessives dépenses qu'en-
traîne la canonisation n'avaient pas permis de
porter au calendrier. • Demandez au pape qu'il
» le reconnaisse, me disait le bon chanoine, il
u vous l'accordera ; peut-être cela ne vous
» coûtera rien, ou peu de chose. Par égard
» pour vous, Sa Sainteté ne refusera pas de
• mettre un saint de plus au ciel. Ahl cher
» parent, vous ignorez ce que c'est que d'avoir
» un bienheureux dans sa famille. C'est à lui,
» c'est à saint Bonaventure que vous devez le
» succès de vos armes; il vous a conduit, il
« vous a dirigé au milieu des batailles. Croyez
u que la visite que vous me faites n'est pas un
I » effet du hasard ; non, mon cher parent, c'est
» lui qui vous a inspiré, qui a voulu que vous
• soyez instruit de ses mérites. Il vous ménage
» l'occasion de lui rendre bien pour bien, ser-
» vice pour service ; faites pour lui auprès du
• pape ce qu'il fait pour vous auprès de Dieu. »
J'étais tenté de rire de l'onction du vieillard ,
mais il était de si bonne foi, que j'eusse fait
conscience de le blesser. Je le payai de belles
paroles, j'alléguai l'esprit du siècle, les soins
de la guerre, et lui promis de m'occuper de
l'affaire du père Bonaventurej dès que l'irré-
vérence publique serait moins prononcée.
«Cher parent, reprit-il, vous comblez mes
» vœux ; permettez que je vous embrasse. Vous
» épousez les intérêts du ciel, vous réussirez
» dans vos entreprises, je vous le prédis. Je
• suis vieux, peut-être ne verrai-je pas l'exé-
B cution de vos promesses, mais j'y compte,
» je mourrai content. » Il me donna sa béné-
diction, je lui souhaitai le bonsoir, et je cher-
chai à dormir; je ne le pus. L'aventure était
si plaisante, je trouvais la fantaisie si singu-
1 lière, au temps où nous étions, que j'avais à
peine fermé les paupières, lorsque Berthier se
présenta ; les autres généraux survinrent ; mon
état-major était réuni ; je racontai l'entretien.
Les sollicitations du bon vieillard, ses vœux,
son ambition, sa manière d'expliquer nos vio>
toires, mirent tout le inonde en gaieté. On rit»
BONA
BONA
918 BONA
on s'amusa, on se récréa sur le chanoine, sur
le saint qui combattait, qui s'escrimait pour
nous. Si le bon homme nous eût entendus! s'il
eût su comme j'étais dévot!
• Nous allions nous mettre en route ; je dé-
sirais lui laisser un souvenir, un témoignage
de satisfaction pour l'accueil qu'il nous avait
fait; mais quoi? qu'offrir hors de la légende?
je me creusais inutilement la tête, je ne trou-
vais rien, lorsqu'il me vint tout à coup l'idée
que je pouvais disposer d'une croix de Saint-
Etienne. Je dictai quelques mots à Berthier,
l'estafette partit. Nous fûmes embrassés,
béuis par le bon vieillard, qui, quelques jours
après, reçut la décoration. »
Une autre anecdote, et c'est par là que nous
terminerons ces préliminaires généalogiques,
milite encore en faveur de l'origine toscane.
A huit milles de Florence, sur la route de
Sienne, au-dessus d'une colline agréable et
bien cultivée, s'élève le gros bourg de San
Casciano, célèbre par cette auberge de la
Campana habitée par Machiavel, et sur le
seuil de laquelle on le voyait en sabots et en
habits de paysan, demander aux voyageurs
des nouvelles de leur pays, jouer, crier, se
disputer avec l'hôte, le meunier et le boucher
de l'endroit; c'est ainsi, comme il l'a dit lui-
même , qu'il calmait l'effervescence de son
cerveau. A une vingtaine de milles plus loin,
est Certaldo, qui se vante d'avoir donné
naissance à Boccace. Entre ces deux points
illustrés par les souvenirs de ces deux hommes
de génie, dans une vallée riante, est un vil-
lage inconnu, tellement il est peu considé-
rable; une église sans renommée, tellement
elle est dépourvue de toutes les merveilles
des arts qui fourmillent en Italie.
Il y avait là, en 1807, à l'époque la plus
brillante de l'empire français, un curé qui se
nommait Bonaparte. Il était pauvre et obscur,
comme si un homme de son nom. n'avait pas
tiré un pape du Vatican pour se faire sacrer
à Notre-Dame ; doux et sans ambition, comme
s'il n'était pas l'oncle de Laetitia et le grand-
oncle du jeune général qui avait si glorieuse-
ment conquis l'Italie, salué les pyramides, et
qui faisait et défaisait les rois en Europe.
C'était un autre Alcinoùs dans les jardins de
son presbytère, taillant ses arbres, mariant
ses quelques vignes aux cinq ou six ormeaux
de son petit domaine, et qui, comme le père
d'Ulysse, portait un manteau troué et une
chaussure rapiécée. Tout le bruit que faisait
son petit-neveu dans le monde avait passé
par-dessus sa tête sans qu'il l'entendît.
Personne autour de lui ne se doutait de sa
glorieuse parenté ; il paraissait avoir tout
oublié, pour ne songer qu'à ses paroissiens
simples et ignorants comme lui ; derrière l'é-
glise serait son tombeau ; dans sa maison cu-
riale était un fusil qui donnait quelquefois du
gibier à sa table, quelques lignes avec les-
quelles il péchait dans un étang voisin. Si l'on
ajoute à ces moyens de distraction la culture
de quelques fleurs et la dîme qu'il allait re-
cueillir deux fois par an, on aura un résumé
exact des occupations temporelles du curé
Bonaparte, qui, quant au spirituel, n'innovait
jamais, disait la messe deux fois par semaine,
et prêchait tous les dimanches après vêpres.
Cependant il y avait trois personnages que le
curé distinguait, et dont il s'occupait plus par-
ticulièrement que de ses autres paroissiens :
une jeune fille, un jeune garçon et... une poule.
La poule était blanche et familière, excellente
couveuse, et quand le curé déjeunait sous une
petite tonnelle devant sa porte, la poule chérie
venait becqueter les miettes de sa table. Elle
allait à lui quand il l'appelait, se laissait ca-
resser, et poussait quelquefois la condescen-
dance jusqu'à pondre ses œufs quotidiens dans
les plis poudreux de sa soutane ; avec celle-là
l'intimité était complète.
Il n'en était pas tout à fait de même de la
ieune fille Mattéa ; il l'avait vue naître, il l'avait
baptisée et catéchisée, et c'était avec un
plaisir innocent qu'il la voyait, grandir et s'em-
bellir tous les jours. Mattéa, avec ses beaux
yeux, sa taille leste et dégagée, et cette
finesse italienne qui s'allie à la naïveté et au
naturel, était l'orgueil du village. Le bon curé
rêvait sans cesse au bonheur à venir de la
jeune fille; il avait arrangé pour elle un ma-
riage superbe ; il voulait la donner à Tom-
maso, son sacristain, le troisième objet de ses
affections. Celui-ei, grand et vigoureux gar-
çon , était un hôte habituel du presbytère,
factotum du curé; il cultivait le jardin, taisait
la cuisine, répondait à la messe et chantait au
lutrin, parait l'autel et garnissait les burettes;
c'était un bon jeune homme, un peu tapageur,
mais honnête, toujours le premier et le plus
ardent aux auerelles du village; au temps de
Dante, il eût été guelfe ou gibelin, jamais
neutre. Il aimait Mattéa avec une vivacité qui
aurait effrayé le curé, si la froideur de la jeune
tille n'eût rassuré le vieux prêtre.
« Il n'est pas mal, pensait le grand-oncle
de l'empereur, que Mattéa conserve l'égalité
de son âme : les vierges folles ne sont pas
dignes de l'époux. •
Quand Mattéa venait au presbytère, le curé
s'amusait quelquefois à demeurer dans sa
chambre^ef à travers le rideau grossier de la
fenêtre, il regardait dans sa cour et observait
le manège de Tommaso auprès de Mattéa.
• Matiéa, je priais pour vous ce matin en
sonnant YAngeius. Que faisiez-vous dans ce
moment? disait le galant sacristain.—Je pen-
sais à laVierge, » répondait la jeune fille, dont
le regard de feu n'avait rien d ascétique.
BONA
Tommaso lui reprochait son indifférence, sa
cruauté, puis il voulait l'embrasser, et la jeune
fille rieuse s'échappait des bras de son amou-
reux et courait après la poule du curé: alors
celui-ci descendait, et il protégeait à la fois
Mattéa et Bianca, sa poule. ,.
C'est ainsi que le bon curé vivait douce-
ment au milieu dé ses paroissiens et des êtres
qu'il aimait, quand, un jour d'été, un bruit
inaccoutumé remplit le village: les pas de
chevaux sonnaient sur le chemin qui le tra-
versait, et en un moment la cour du presby-
tère se trouva pleine de cavaliers. Un des
lieutenants de l'empereur, tout chamarré d'or,
le chapeau orné de plumes blanches, se pré-
senta devant le curé; celui-ci, tremblant,
avança un siège et se tint debout, les mains
croisées sur sa poitrine, ne sachant encore à
quel martyre il était réservé. « Rassurez-vous,
monsieur le curé, dit le général de l'empire,
rassurez-vous; vous vous nommez Bonaparte,
et vous êtes'l'oncle de Napoléon, empereur
des Français, roi d'Italie? — Oui, monsieur,»
murmura le curé, qui savait confusément la
fortune de son neveu, mais qui la regardait
comme une de ces choses lointaines dont il
était séparé par des pays sans nombre, par
d'incommensurables distances.
o La mère de Sa Majesté... — Lsetitia, dit
le curé. — Madame Mère, reprit le général, a
parlé de vous à Sa Majesté. — Au petit Na-
poléon? dit encore le curé.— A l'empereur,
monsieur le curé. Il n'est pas convenable qu'un
parent aussi proclie que vous l'êtes, qu'un
homme aussi recommandable que vous, lan-
guisse ignoré dans une pauvre cure de vil-
lage, tandis que sa famille gouverne l'Europe,
tandis que votre neveu, monsieur le curé,
remplit le monde de son nom et de ses hauts
faits. L'empereur m'envoie vers vous; vous
n'avez qu'à parler, vous n'avez qu'à vouloir.
Quel siège épiscopal vous tente? Voulez-vous
un évêehé en France ou en Italie? Voulez-
vous échanger votre soutane noire contre la
Sourpre d'un cardinal ? L'empereur a trop
'amitié et trop de respect pour' son oncle
pour lui refuser quelque chose ; l'empereur
peut tout. »
Le plus grand personnage que le pauvre
curé eût vu dans sa vie était l'évêque de'
Fiesole, qui venait une fois par an dans le
village pour confirmer les petites filles et les
petits garçons. Après cette visite épiscopale,
le curé restait ébloui pendant quinze jours, au
souvenir de l'anneau du Pêcheur, de la mitre
d'or et du rochet de dentelle. Pour le moment,
on faisait briller à ses yeux de bien plus gran-
des richesses, on dorait son avenir d'une
puissance bien supérieure. Il hésita un in-
stant; il se recueillit devant le général, qui
s'inclinait.
« Monsieur, dit-il, cela est-il bien vrai? Ma
nièce Lœtitiaest impératrice?... Et moi qui ai
entendu sa première confession!... il y a bien
lontempsl... quand elle était petite fille 1... »
Le général sourit.
«Monsieur, continua le curé, permettez-
moi de m'examiner un instant j il faut y réflé-
chir avant de changer si subitement de for-
tune. »
Le général était aux ordres du curé, et
celui-ci monta dans cette petite chambre où
il y avait une fenêtre donnant sur la cour.
Dans la cour, tout était tumulte et confu-
sion. L'escorte du général avait débridé ses
chevaux, et les cavaliers fumaient et riaient
entre eux; Mattéa, cachée dans un coin, con-
sidérait ce spectacle nouveau pour elle, tandis
que Tommaso était tout occupé des grands
sabres et des brillants uniformes, et que la
poule Bianca courait effarouchée à travers
les pieds des chevaux.
Peu à peu les yeux de Mattéa se familiari-
sèrent avec ce qu'elle voyait; de son côté,un
dragon aperçut la jeune fille; il s'avança vers
elle ; il était jeune, beau et galant ; Mattéa, co-
â
uetteetnullementamoureuse de celui que lui
estinait le curé. Ce qu'ils se dirent, par quelles
paroles le soldat français séduisit l'Italienne,
c'est ce que nous ne savons pas; mais ce qui
est certain, c'est que'quand Tommaso voulut
aller au secours de la jeune fille, celle-ci le
repoussa rudement, en lui rappelant qu'il était
midi et qu'il devait aller sonner YAngeius,
Tommaso s'emporta, le dragon le prit par une
oreille, le fit pirouetter sur lui-même, et l'en-
voya tomber au milieu d'un groupe de cama-
rades. « C'est donc toi, grand nigaud, lui
dirent les soldats, qui sonnes VAngelus ici et
qui réponds aux patenôtres du curé, au lieu
d'être un homme et de servir l'empereur. Tu
seras bien avancé quand tu auras atteint le
grade de bedeau dans ce maudit village. Crois-
nous, mon garçon, laisse là ta clochette et
viens avec nous; nous te donnerons un bel
uniforme, un grand sabre et un beau cheval.
C'est cette fille qui te retient, dirent-ils en dé-
signant Mattéa, qui, dans un coin de la cour,
était en conversation réglée avec son nouvel
amoureux; c'est cette fille? regarde-la bien,
elle ne t'aime pas ; elle aime le Parisien ; vois
donc, il l'embrasse, »
Tandis que ces choses se passaient
?
un gros
dragon, qui n'en était plus à la saison des
amours et à qui, sans doute, la ration du ré-
giment ne suffisait pas, faisait la chasse aux
poules du curé, et la pauvre Bianca s'efforçait
vainement d'échapper au ravisseur.
« Mattéa, retournez chez votre mère, criait
le curé par la fenêtre de sa chambre; mon-
sieur le dragon, laissez Bianca tranquille, je
vous en prie. •
Hélas! la voix débile du curé'n'avait pas la
puissance "de la voix de Napoléon. Le Pari-
sien continuait à courtiser la jeune fille; le
gros dragon poursuivait toujours Bianca ; Tom-
maso, le petit gibelin, étendait une main sur
la croupe d'un cheval, de l'autre il caressait
la poignée d'un sabre. Enfin le Parisien fit
avancer son cheval, il s'élança dessus d'un
bond; puis, tendant les mains à Mattéa, il la
plaça en croupe derrière lui, et, sans respect
pour la maison du curé, il piqua des deux et
disparut avec l'Italienne. Au même moment,
le gros dragon s'emparait de Bianca. « Mattéa,
Mattéa... Monsieur le dragon, laissez cette
poule, » criait le curé d'une voix tremblante.
Alors Tommaso, entendant enfin la voix de
son maître, courut au secours de la poule; le
pauvre garçon n'avait pu défendre sa mal-
tresse, il sauva Bianca.
Le curé Bonaparte quitta sa chambre et alla
rejoindre le général : le pauvre homme était
pâle, défait.
" Qu'avez-vous, monseigneur, lui dit le
général, quel chagrin peut vous agiter ainsi?
— Monseigneur ! Monsieur, répondit triste-
ment le curé, laissons cela. Il y avait une
fille sage, honnête et bonne, et depuis que
vous êtes arrivés, elle est perdue. — Perdue !
expliquez-vous, s'il vous plaît. — Oui, mon-
sieur le général, Mattéa, ma filleule, a suivi un
de vos soldats ; elle vient de s'enfuir sous mes
yeux. — Un rapt dans votre maison ! s'écria le
général, dans la maison de l'oncle de l'em-
pereur 1 le coupable sera puni, il sera fusillé
sur l'heure... Holà!... brigadier, quel est celui
de vos hommes qui vient de se rendre cou-
pable de ce crime? — Oh! point de sang, je
vous en prie, monsieur le général, point de
sang; mais si cet homme est un bon sujet,
qu'iïépouse Mattéa et qu'il la rende heureuse. »
Le brigadier raconta le fait; il n'y avait
point eu de violence, et le ravisseur, le nou-
veau Paris de cette Hélène florentine était le
Parisien, un bon soldat, qui allait être élevé
au grade de maréchal des logis, et qui était
désigné pour avoir la croix.
« Il l'épousera, dit le général; il l'épousera,
je vous en réponds. »
Le curé Jetait çà et là des regards incer-
tains et effarés; évidemment il cherchait sa
poule, il voulait sa poule; mais la sévérité du
général, qui avait parlé de faire fusiller le
ravisseur de Mattéa le retenait, et il n'osait
pas compromettre la vie d'un homme par
amour pour un animal, lorsque Tommaso
entra, tenant dans ses bras la poule chérie;
Bianca était évanouie, ses paupières bleuâtres
recouvraient ses yeux ronds, et ses pattes
roidies ne pouvaient plus la soutenir. Le curé
s'en empara, il lui ouvrit le bec et
1
, y versa
quelques gouttes de vin; Bianca revint à elle,
doucement, peu à peu, comme une petite
maîtresse après une attaque de nerfs; elle
entr'ouvrit ses paupières, releva sa crête,
étendit ses pattes et agita ses ailes. Tommaso
saisit ce moment pour prendre la parole.
* Monsieur le curé, dit-il, j'ai perdu Mattéa.
Ils m'ont promis que je serais un jour capi-
taine, colonel, maréchal de France, que sais-je,
moi? Je me fais dragon. »
Le curé regarda d'un air triste le général;
tout en caressant sa poule, il lui dit:
« Je remercie mon neveu l'empereur, mon-
sieur le général, et je reste curé de ce pauvre
Eetit village inconnu, où j'ai été si longtemps
euieux. J'ai hésité un moment, et, vous le
voyez, Dieu m'a puni... Dites à Laetitia que
j'espère {et je le crois fermement) qu'elle a
toujours la même bonne conscience qu'elle
avait étant jeune fille... Embrassez pour moi
mon neveu, le petit Napoléon ; Dieu leur con-
serve à tous leurs trônes, ce sont de braves
enfants d'avoir songé à leur vieil oncle; je ne .
veux point d'évêché, point de robe rouge, ni
de barrette de cardinal... Allez, monsieur le
général, et si vous respectez les volontés de
ronde de votre empereur, ne revenez plus. »
Lorsqu'on recevait un ordre de l'empereur,
il fallait l'exécuter et réaliser la pensée impé-
riale, cet arrêt du destin qui a si longtemps
fait la loi en Europe. Si Napoléon disait : Vous
prendrez cette ville! il était nécessaire de la
prendre, il était écrit qu'on la prendrait, et
cette parole fatidique a été une des mille cau-
ses des grands succès de l'empereur. Or, il
avait dit au général N*** ; « Vous tirerez
mon oncle de sa cure, et le ferez venir à
Paris, ou vous le conduirez à Rome. Que
mon oncle soit auprès de moi ou auprès du
pape, n'importe, il sera toujours bien; mais il
ne peut être ailleurs : il faut qu'il devienne au
moins évêque. • Le général insista donc; il
pria, supplia, puis menaça : il ne pouvait com-
prendre comment on refusait la croix, apanage
des évêques, les revenus d'un diocèse, ou
l'influence qu'exerce toujours un cardinal. Le
curé demeura ferme dans sa résolution, il
résista aux prières, et quand vint le tour
des menaces, il répondit avec l'amertume d'un
Corse irrité et la ténacité d'un Bonaparte.
Le général, désappointé, fut forcé de se retirer
sans avoir rien obtenu, et sa turbulente es-
corte évacua le village.
Quand l'empereur apprit le mauvais succès
de son ambassadeur et le peu d'ambition de
son vieil oncle, il se contenta de sourire, et
jamais ne reparla plus de cette circonstance.
Mattéa épousa le Parisien, et, avec le temps,
elle se trouva la femme d'un colonel.
Tommaso prit du service, et, à la Restau-
ration, il était capitaine dans la garde impé-
riale. Le bon curé Bonaparte mourut dans sa
cure avant la fin de l'Empire. Hélas! il a été
le plus heureux de sa famille.
Cette réflexion, bien entendu, s'arrête res-
pectueusement aux frontières de l'année 1848.
Ces détails anecdotiques, charmants et
très-intéressants quand il s'agit d'une telle
personnalité, sont extraits d'un excellent ou-
vrage de M. de Coston, comme nous le dirons
tout à l'heure plus explicitement, à l'article
consacré au général Bonaparte.
BONAPARTE
BONAPARTE (Joseph), frère aîné de Na-
poléon, né a Corte ie 7 janvier 1768, mort à
Florence le 28 juillet 1844. Doué de toutes les
qualités qui rendent un homme estimable, il
eût été le particulier le plus honnête de son
temps, et, au besoin, eût fait un assez bon
monarque dans un Etat bien tranquille; mais,
jeté par les circonstances au milieu des révo-
lutions et des guerres, il ne se montra pas
toujours à la hauteur de sa position. Après
avoir terminé ses études au collège d'Autun,
où s'était déjà révélée sa philanthropie senti-
mentale, il revint en Corse, s'occupa de sa fa-
mille, que la mort de son père laissait sans
protecteur
t
et s.e fit .recevoir avocat. Ses opi-
nions républicaines le firent nommer président
du district d'Ajaccio en 1791, et il publia,
pour éclairer ses concitoyens, un livre élémen-
taire sur la constitution. Député vers Pauli
pour l'engager a débarquer à Ajnccio, il se
sépara de lui lorsque ce général rompit avec la
j France, et, au lieu d'occuper le poste déjuge au
tribunal d'Ajaccio, auquel il avait été appelé,
il partit pour le continent. Il venait d'y orga-
niser une expédition contre la Corse, lorsque
le soulèvement de Toulon nécessita la présence
d u corps d'armée dont il faisait partie devant la
ville rebelle, au siège de laquelle il seconda son
frère, en remplissant les fonctions de chef de
bataillon à l'état-major général. Les talents
administratifs dont il fit preuve en cette cir-
constance lui valurent le poste de commissaire
J>rovisoire des guerres à Marseille, où il épousa,
e 1er août 1794, Marie-Julie CLARY, fille d'un
riche négociant. Loin de s'endormir dans les
douceurs du mariage, il tenta contre la Corse
une seconde expédition, qui eut le sort de la
première. Pendant ce temps, son frère, plus
heureux que lui, venait de gagner sur les mar-
ches de Saint-Roch le grade de général en se-
cond de l'armée de l'intérieur, qu'il devait
échanger, deux mois plus tard, contre celui de
général en chef de l'armée d'Italie. Joseph' le
rejoignit, et, après l'armistice de Cherasco, se
rendit auprès du Directoire pour presser la con-
clusion de la paix avec le Piémont. U refusa
l'ambassade de Turin, pour retourner près de
son frère, et composa, chemin faisant, en une
nuit, au sujet d'un soldat blessé, une pasto-
rale intitulée Moina, qu'il fit imprimer. Les
succès de son frère lui permirent enfin de
réaliser le rêve de toute sa vie; la Corse fut
reprise aux Anglais, et il s'appliqua à la réor-
ganiser. Quelque temps après, il fut nommé
successivement résident de la République
auprès du duc de Parme, et ministre pléni-
potentiaire, puis ambassadeur à la cour de
Rome ; là, il se trouva dans une position fort
difficile, entre les méfiances du pape et les
menées des révolutionnaires. Les 28 et 29 dé-
cembre 1797, à la suite d'une émeute, il courut
de grands dangers en compagnie du général
Duphot, qui fut massacré. Il demanda immé-
diatement ses passe-ports, et revint à Paris
recevoir les félicitations du Directoire. t)n
lui proposa l'ambassade de Berlin, mais il
préféra entrer au conseil des Cinq-Cents,
dont il venait d'être élu membre par le dépar-
tement de Liamone (Corse). Il en sortit en
1799, pour aller jouir de la vie de famille à
sa propriété de Mortfontaine, où une lettre du
directeur Gohier lui apprit que son frère, de
retour d'Egypte, venait de débarquer à Fréjus,
nouvelle qui le surprit peu, puisqu'il avait fait
secrètement tenir à Napoléon le conseil de
revenir. Joseph ioua un rôle important dans
les préparatifs au 18 brumaire, en gagnant
^loreau et Sieyès, s'abstint de paraître au
moment décisif, n'osa se charger d'un mi-
nistère après l'événement, et consentit avec
peine à être membre du Corps législatif et
bientôt après du conseil d'Etat. Propre par
les qualités de son esprit à concilier les partis
et à représenter la France à l'étranger, il fut
nommé, en 1800, membre de la commission
chargée de rétablir la bonne harmonie entre
la France et les Etats-Unis, négocia avec
M. de Cobentzel la paix de Lunéville, conclue
le 9 février 1801 avec l'Autriche, et signa dans
son hôtel du faubourg Saint-Honoré le con-
cordat avec le pape. Il arrêta encore, avec lord
Cornwallis, la paix d'Amiens, signée avec
l'Angleterre le 25 mars 1802.
Tout en faisant les affaires du pays, Joseph
voulut faire les siennes, et, comme son frère,
sur le point de prendre le titre d'empereur,
allait avoir à régler la question d'hérédité, la
perspective du trône lui fit un peu oublier son
abnégation philosophique. En qualité d'aîné,
il soutint énergiquement ses droits et se fit
déclarer héritier de la couronne, que Napoléon
aurait désiré léguer au fils de Louis. Il était
môme allé jusqu'à l'emportement contre son
frère et Joséphine, qu'il conseillait à Napoléon
de répudier. Après avoir accepté Joseph comme
son successeur éventuel, Napoléon exigea,
pour qu'il fût à même de soutenir un aussi
lourd héritage, qu'il apprît l'art de la guerre,
et l'envoya avec le grade de colonel dans un
régiment de ligne ; puis lui offrit, à la condition
de renoncer à ses droits au trône de France, la
couronne de Lombardie, que Joseph Refusa,
ainsi que la présidence du sénat. L'année
suivante, chargé du. gouvernement par in-
térim, il s'occupait de 1 organisation des finan-
ces , lorsqu'il reçut l'ordre, d'aller conquérir
le royaume de Naples pour lui-même. Secondé
par Masséna, Reynier et Saint-Cyr, il y réussit
promptement ; mais, au lieu d'employer la
rigueur, comme le lui conseillait Napoléon, il
voulut jouer au roi philosophe. Investi du
pouvoir a Naples par un décret en date du
30 mars 180G, tout en conservant son titre de
grand électeur et en réservant ses droits à la
succession au trône de France, loin de con-
quérir la Sicile, il laissa reprendre l'île de
Capri par les Anglais, et apprit, tandis qu'il
assiégeait Gaëte avec Masséna, la défaite de
Reynier par le général anglais Stuart, et le
soulèvement des Calabres. Il était temps que
Gaëte se rendît pour que Masséna pût aller
secourir Reynier, arrêter les massacres-des
Français, soumettre les Calabres et refouler
les Anglais en Sicile. Désormais tranquille
possesseur de la partie continentale des Deux-
Siciles, Joseph essaya d'y faire régner l'ordre
et la.justice sous un gouvernement paternel,
que les conspirations fomentées par la rtdue
Caroline ne purent décider à la rigueur, bien
qu'on fût allé jusqu'à miner et faire sauter le
palais du ministère de la'police.
Napoléon, qui venait de conclure la paix de
Tilsitt, eut une entrevue avec Joseph à Ve-
nise, et le chargea de ménager un rapproche-
ment entre lui et Lucien, négociation qui
échoua complètement. Tout à coup, le 21 mai
1808, Joseph reçoit de son frère l'ordre de
venir s'asseoir sur le trône d'Espagne. «Telle
était, dit M. Thiers, la manière simple et ex-
f
iéditive avec laquelle se donnaient alors
es couronnes, même celle de Charles-Quint
et de Philippe II. » Le 6 juin, un décret, s'ap-
puyant sur les déclarations du conseil de
Castille, proclamait Joseph roi d'Espagne et
des Indes, et lui garantissait l'intégrité de ses
Etats d'Europe, d'Afrique, d'Amérique et
d'Asie. N'osant désobéir, Joseph partit, la mort
dans l'âme, niais fut agréablement surpris de la
foule d'adhésions qu'il recueillit, entre autres
celle de Ferdinand lui-même. Passant d'une
extrême méfiance à une extrême confiance, il
n'en trouva que plus affreux le revers de la
médaille. Si, à Bayonne, tout le monde lui fai-
sait fête, ses sujets se préparaient à le rece-
voir à coups de fusil. Une insurrection for-
midable et victorieuse nécessita l'envoi de
50,000 hommes de renfort, qui-purent à peine
soutenir sa couronne chancelante. Des revers
successifs, couronnés par la malheureuse ca-
pitulation de Baylen, épouvantèrent le nou-
veau roi, qui écrivait lettre sur lettre pour
qu'il lui fût permis à'aspirer à descendre et de
retourner à Naples. L empereur, comprenant
sa faute, aurait peut-être écouté ses prières,
s'il n'eût pas promis le royaume de Naples à
Murât, et ne se fût cru assuré du concours de
la Russie. Néanmoins, sentant la nécessité de
sa présence dans des conjonctures aussi gra-
ves, il prit la peine de venir en personne battre
les Espagnols et forcer les Anglais à se rembar-
quer. Après avoir tenu son frère à l'écart,
tandis qu'il changeait' de fond en comble la con-
stitution espagnole, il lui permit enfin de se
souvenir qu'il était roi etde rentrer à Madrid.
Une série de succès, qui semblaient devoir con-
solider le trône de Joseph, causa sa perte.
Vaincus en bataille rangée, les Espagnols
s'éparpillèrent en guérillas et devinrent invin-
cibles. Les dissidences des généraux et leur
manque d'obéissance à l'égard de Joseph
doublèrent les périls de la situation. Par la
faute de Soult, le roi ne put que rendre indé-
cise la bataille de TaJavera, et lui, qui seul
avait fait son devoir, fut blâmé par son frère.
Néanmoins, plusieurs victoires consécutives
effrayèrent les Espagnols et rendirent l'espoir
à Joseph, qui s'empara de l'Andalousie et
allait réussir à pacifier le pays, lorsque des
mesures imprudentes de Napoléon remirent
tout en question. Joseph envoya alors à Paris
deux de ses ministres, et l'empereur promit
de différer le démembrement qu'il projetait
des provinces de l'Ebre; mais, pendant ce
temps, ses généraux continuaient d'accabler
le pays, que désolaient leurs luttes contre les
-Anglais et les Espagnols. Voyant refuser sa
démission pour la quatrième fois, Joseph se
décida à partir pour la capitale , exposa avec
sagacité à Napoléon la situation, et lui an-
nonça prophétiquement que. s'il persistait dans
son système actuel de politique, l'Espagne
deviendrait le tombeau de ses armées, la con-
fusion de sa politique, peut-être même le terme
de sa grandeur et la ruine de sa famille. Par
malheur, Joseph joua en cette circonstance
le rôle de la pauvre Cassandre.
Sauf le stérile honneur de tenir le roi de
Rome sur les fonts baptismaux, Joseph ne
put rien gagner sur la volonté de son frère,
et se vit même, de retour dans ses Etats,
lorsque le mal empirait, accuser d'être cause
des revers des armes françaises. Cependant
Napoléon, avant de s'engager dans la désas-
treuse campagne de Russie, éclairé enfin par
l'expérience, remit entre les mains de Joseph
le droit de tout diriger par lui-même. II était
trop tard; les généraux, peu habitués à lui
obéir, n'exécutèrent pas l'ordre qu'il leur donna
de concentrer leurs forces, et la perte, de la
bataille des Arapiles, amenée par un fâcheux
défaut d'entente entre les généraux, força
Joseph à abandonner Madrid le 10 août 1812.
Obligé de se replier sur Valence, il éprouva
la douleur de se voir accuser de trahison près
de son frère par le maréchal Soult, dont le
•mauvais vouloir l'avait empêché d'exterminer
l'armée anglo-portugaise. Néanmoins ses de-
mi-succès lui avaient rendu l'espoir de re-
conquérir son royaume, lorsque Napoléon fit
avorter tous ses plans : le sort de 1 Espagne
venait de se décider en Russie. Au lieu d'en-
voyer des renforts à son frère, l'empereur lui
retira ses meilleures troupes pour réparer les
brèches faites à son armée en Russie, et, n'es-
pérant plus le maintenir sur le trône, mais
n'abandonnant pas l'idée de conserver les
provinces de l'Ebre, lui ordonna, au mois de
mars 1813, de transférer sa cour de Madrid à
Valladolid. Comme fiche de consolation, il
consentit au rappel du maréchal Soult. Con-
centrer immédiatement ses troupes et se re-
tirer en bon ordre, telle était la seule planche
de salut; Joseph le comprit sur les sages avis
de Jourdan, mate il n'apporta pas assez de
promptitude dans l'exécution.^Coupé dans sa
retraite par le général Wellington, qui avait
une armée supérieure en nonibre, il essuya
le 21 août 1813, dans le bassin de Vittoria,
une défaite désastreuse , à la suite de la-
quelle il put enfin déposer le fardeau de cette
royauté qui n'avait été qu'une guerre conti-
nuelle, et aller se reposer à Mortfontaine.
Napoléon, peu favorisé en Allemagne, traita
avec l'Espagne, sans même consulter son
frère, qui, cependant, n'hésita pas à se
ranger noblement à ses côtés, pour le sou-
tenir contre l'Europe coalisée. Installé au
Luxembourg le 25 janvier 1814 , il tenta vai-
nement d'éclairer l'empereur sur la situation.
L'in-lomptable volonté du conquérant refusa
de fléchit et le conduisit à 1 abdication du
4 avril. On imputa, dans le premier moment, à
la faiblesse de Joseph cette catastrophe iné-
vitable, lui reprochant : 1° le départ pour
Blois de Marie-Louise et du roi de Rome;
2° l'insuffisance des préparatifs de défetise;
3° l'autorisation de capituler donnée aux ma-
réchaux Mortier et Marmont, et son départ
précipité. Sur le premier chef d'accusation, la
défense est facile : Joseph obéissait, malgré
lui, à un ordre formel de l'empereur; sur le
second, les ressources étaient insuffisantes, et
Joseph ne fut coupable que d'irrésolution ;
quant au troisième grief, il découle naturelle-
ment du second : ne pouvant plus lutter, il
fallait bien capituler pour sauver Paris, et
fuir pour ne pas tomber entre les mains des
ennemis.
Après l'abdication de son frère, Joseph
s'était retiré en Suisse. A la nouvelle de son
débarquement à Cannes, il courut lui offrir
son épée, et le servit fidèlement jusqu'au
désastre de Waterloo. Il quitta le même jour
que lui la France et se réfugia à New-York,
où il vécut tranquillement sous le nom, de
comte de Survilliers, avec ses deux filles,
Zénaïde et Charlotte, et son neveu, le prince
Charles Bonaparte.
Lors de la révolution de Juillet, il pro-
testa, au nom de Napoléon I I , contre le
nouveau gouvernement, puis se rendit en
1832 en Angleterre, où il vécut respecté.
Le 2 mars i834, d'accord avec Lucien, il
adressa au duc de Dalmatie, président du
conseil des ministres, une protestation contre
le maintien de ia loi d'exil envers la famille
Bonaparte. Il envoyait en même temps une
pièce conçue dans le même sens aux si-
gnataires des pétitions pour le retrait de la
loi de bannissement. Ce fut son dernier acte
officiel; il portait un cachet de libéralisme
prononcé. De 1837 à 1839, Joseph habita de
nouveau l'Amérique. En 1839, il retourna en
Angleterre; puis, en 1841, le roi de Sardaigne
lui ayant permis de se rendre h Gênes, il fut
autorisé par le grand-duc de Toscane à sé-
" journer à Florence, où il mourut le 28 juillet
1844, précédant de quelques mois sa femme
dans la tombe.
. Il avait épousé à Marseille, le 1« août 1794,
Marie-Julie CLARY, fille d'un négociant, née
le 26 décembre 1777, morte le 7 avril 1845,
.dont la sœur cadette, Eugénie-Bernardine-
Désirée, épouse de Bernadotte, devint reine
de Suède et de Norvège. De son mariage
étaient issues deux fitles : 1° Zénaïde-Char-
lotte, née à Paris le 8 juillet 1801, morte à
Rome le 8 août 1354 ; elle avait épousé à
Bruxelles, le 29 juin 1822, son cousin germain
Charles Bonaparte, prince de Canino. Elle a
traduit les chefs-d'œuvre de Schiller, et aidé
son mari dans ses travaux d'histoire natu-
relle; 2o Charlotte, née à Paris le 31 octo-
• bre 1802, mariée à son cousin germain Napo-
léon-Louis, second fils du roi Louis, veuve
le 17 mars 1831, morte sans enfants à Sarzane,
le 2 mars 1839.
Le roi Joseph était un homme honnête et
de mœurs simples, rempli de bonnes intentions
et de bon sens, mais qui n'a pas été servi par
les circonstances, se trouvant toujours sa-
crifié à l'ambition de Napoléon, et dépourvu
d'ailleurs, il faut l'avouer, des qualités néces-
saires aux fonctions élevées dont les circon-
stances l'avaient investi.
Bonaparte (PORTRAITS DE JOSEPH). Une Sta-
tue en marbre, exécutée par F. Delaistre et
exposée au Salon de 1808, représente le frère
de Napoléon en costume de grand électeur de
l'Empire. Cette statue est au musée de Ver-
sailles, qui possède, en outre, un portrait de
Joseph, peint par Gérard en 1810, et un buste
de ce prince par BartoUni. .
Bonaparte (PORTRAITS DES PRINCESSES ZÉ-
NAÏDE ET CHARLOTTE, FILLES DE JOSEPH), ta-
bleau de David 5 musée de Toulon. Ce tableau-
représente les deux filles que Joseph Bona-
parte eut de son mariage avec Julie-Marie
Clary : la première née à Paris et morte à
Rome, la seconde née dans la même ville et
morte à Sarzane. David, exilé à Bruxelles
par la Restauration, peignit les deux sœurs
en 1822. Elles sont assises à droite sur un
canapé de velours rouge. L'aînée, âgée de
dix-huit ans, est placée au premier plan;
elle est vêtue d'une robe de velours noir,
sans manches, d'une écharpe rayée de jaune,
de blanc et de bleu, et d'un petit châle rouge
qui a glissé au bas de la taille. Un diadème
en corail est posé sur ses cheveux noirs. Elle
appuie son bras droit sur l'épaule de sa sœur
et tient dans la main gauche une lettre en tête
de laquelle on lit : Philadelphie... Mes chères
petites... et plus bas : Lolotte et Zénaïde. A
l'époque où ces portraits furent exécutés, Jo-
seph Bonaparte habitait les Etats-Unis sous
le nom de comte de Survilliers. Lolotte ou
Charlotte, la plus jeune des deux princesses,
porte une robe de soie grise dont les manches
descendent jusqu'au poignet, un petit col
tuyauté, un diadème enrichi de pierreries.
Ses cheveux sont châtains; sa physionomie,
douce et timide, contraste avec l'air assuré et
impérieux de sa sœur dont elle entoure la
P20 BONA
BONA
BONA
BONA
taille avec son bras gauche. David exécuta ce
tableau trois ans avant de mourir : cette œu-
vre inarque donc la dernière phase du talent
de l'illustre maître. «Je n'hésite pas à placer
cet ouvrage parmi les meilleurs qui soient
sortis du pinceau de David, a dit M. Marius
Chaumelin, dans ses Trésors d'art de la Pro-
vence (p. 265) j j'ai rarement vu des portraits
plu§ expressils, plus vivants, modelés avec
plus de science, peints avec plus de franchise.
Les chairs surtout sont admirables, ni^trop
roses, ni trop pâles, fermes et souples à la
fois. Les accessoires et les étoffes sont peints
dans une gamme de tons clairs et tranquilles,
puissants et harmonieux. Cette magnifique
peinture, qu'on croirait exécutée d'hier, tant
elle est merveilleusement conservée dans tou-
tes ses parties, ferait pâlir les œuvres les plus
voyantes de nos modernes romantiques. »
BONAPARTE
BONAPARTE {M
111
» Marie-Laetitia RAMO-
LINO), épouse du précédent, mère de Napo-
léon 1er, née à Ajaceio le 21 août 1750, d'une
famille patricienne. Bien qu'au milieu des
discordes civiles qui déchiraient son pays, elle
n'eût pu recevoir qu'une éducation médiocre,
elle se fit toujours remarquer par la pénétra-
tion de son esprit et la rectitude de son juge-
ment, autant que par l'élévation de son carac-
tère. Elle était d une beauté pleine d'éclat,
dont la gravité mélancolique et la dignité sé-
vère rappelaient à l'esprit le type idéal de la
matrone romaine. En 1767,elle épousa Charles
Bonaparte, dont elle partagea les périls lors
de la résistance armée contre la conquête
française ; elle le suivait à cheval, même pen-
dant ses grossesses, dans ses expéditions et
ses fuites à travers les montagnes. Devenue-
veuve en 1785, elle déploya le plus ferme
caractère et veilla seule à l'éducation de ses
enfants. Lorsque, en 1793, la Corse eut été
livrée aux Anglais, elle fut obligée de fuir au
milieu de mille dangers, et se réfugia avec-
son fils Lucien et ses trois filles à Marseille,
où elle fut réduite aux subsides que la Répu-
blique accordait aux patriotes réfugiés, et où
elle vécut dans un dénûinent extrême jusqu'au
moment où Bonaparte, devenu général en chef
de l'armée d'Italie, put améliorer le sort de sa
famille. Dès lors, elle suivit la fortune extraor-
dinaire de son illustre fils; reçut, en 1804, le
titre de Madame Mère, eut un palais, une cour,
dont les charges étaient remplies par les plus
grands noms de l'ancienne monarchie; mais
conserva, au milieu de cette grandeur inouïe
de sa race, l'austère simplicité de sa vie passée.
Il paraît même que, malgré le désir de l'em-
pereur, elle poussait sa répugnance pour le
faste et l'éclat jusqu'à la parcimonie, et qu'elle
s'attachait moins à jouir du présent qu'à se
prémunir contre les éventualités de l'avenir.
Par une prévoyance de mère de famille dont
la vie avait été douloureusement éprouvée,
elle disait parfois, avec une gaieté pleine de
mélancolie : Qui sait si je ne serai pas un jour
obligée de donner du pain à tous ces vois? On
sait qu'en effet, plus tard, les économies accu-
mulées par la sollicitude maternelle ne furent
pas inutiles à tous ces rois devenus des pro-
scrits. Après les désastres de Waterloo et la se-
conde abdication de Napoléon, Madame Mère
se retira à Rome, où elle vécut dans une re-
BONA BONA
BONA BONA 919
traite profonde, protégée par le respect et la
sympathie de toute 1 Europe, portant avec
une dignité admirable, et pendant plus devinât
ans encore, le poids de ses souffrances physi-
ques (elle s'était cassé la cuisse), de ses an-
goisses morales et de ses immenses douleurs.
Elle mourut en 1836, âgée de plus de quatre-
vingt-cinq ans, d'une fièvre gastrite, emportant
dans sa tombe la déchirante pensée que la
France était à jamais fermée à tous les siens,
et exprimant le désir qu'ils n'y rentrassent
jamais qu'appelés par la volonté nationale.
Quelques dissidences passagères avaient
existé entre le fils et la mère. Napoléon se
rappelait avec une certaine amertume qu'elle
s'était vivement opposée à ce qu'il prît le titre
d'empereur, et oubliait difficilement sa préfé-
rence pour Lucien, qu'elle avait sans cesse sou-
tenu, en disant.avec une grandeur d'âme toute
cornélienne : « Celui de mes enfants que j'aime
le plus, c'est toujours le plus malheureux. » Il
se montrait aussi blessé de son aversion pour
Marie-Louise. Cependant, en 1820
;
lorsque
les fautes de la Restauration suscitèrent des
révolutions en Espagne et en Italie, et qu'il
se forma une conspiration bonapartiste, accu-
sée de répandre des millions pour fomenter un
mouvement en faveur de son fils, elle ré-
pondit noblement : « Je n'ai pas de millions;
mais si je possédais les trésors qu'on me sup-
pose, je les emploierais à armer une flotte
pour enlever mon fils de l'Ile de Sainte-
Hélène, où la plus odieuse déloyauté le retient
prisonnier. » En effet, quoi qu'on ait dit de ses
immenses richesses, elle ne laissa qu'une for-
tune de 80,000 fr. de rente et environ 500^000 fr.
de bijoux. Le plus bel héritage qu'elle légua
à ses enfants fut l'exemple de sa modération
dans la prospérité, de sa grandeur d'âme dans
l'adversité.
B o n a p a r t e (STATUE DE M A R I E - L ^ T I T I A ) , p a r
Canova. L'attitude donnée à la mère de Na-
poléon par le célèbre statuaire est celle de
l'Agrippine assise du Capitole. Quatremère
de Quincy, à qui Canova avait envoyé d'Italie
un carton gravé de sa statue, ayant témoigné
par lettre a l'artiste la crainte qu'on ne l'ac-
cusât d'avoir copié servilement l'antique, Ca-
nova lui répondit : «Vous verrez un jour ma
statue à Paris. Eh bien, je vous défie, vous et
qui que ce puisse être, d'y trouver même un seul
pli emprunté à quelque ouvrage que ce soit.
Si j'ai posé ma figure a peu près comme l'est
l'épouse de Germanicus, il ne s'y trouvera
aucune autre espèce de ressemblance;, je n'en-
tends pas seulement dans la tête (ce qui va
sans le dire), mais dans son ensemble, dans
sa coiffure, dans le mouvement des jambes,
dans le parti général des draperies, dans leur
ajustement, dans les proportions du tout et
dans les moindres détails. » L'objection faite
par Quatremère fut reproduite par d'autres
amateurs lorsque la statue arriva à Paris;
mais Visconti y répondit péremptoirement,
par l'exemple même de 1 antique, où l'on
trouve, pour un grand nombre de sujets, la
même attitude et la même composition répétée
nombre de fois. Quatremère ne tarda pas à
reconnaître lui-même ce qu'il y avait eu de
précipité dans son observation. « Ceux qui
connaissaient la statue d'Agrippine, dit - il
dans son livre sur Canova, virent bien que
l'artiste moderne avait fait asseoir sa figure
sur un siège à dossier semblable, et dans
la position qu'un pareil siège peut tout natu-
rellement suggérer à la personne qui l'occupe ;
mais on reconnut en même temps que sur ce
siège était assise une tout autre personne;
qu'à cela près de certains rapprochements que
produit le petit nombre d'attitudes prescrites
par une position donnée, il n'existait pas la
moindre similitude entre les deux personnes,
soit dans la dimension et les proportions,
soit dans les détails de l'ajustement, soit dans
le caractère de l'ensemble, et surtout de la
tête, portrait en quelque sorte vivant qui don-
nait la vie à tout le reste, soit pour la nature
des étoffes et leur exécution. Le spectateur,
en tournant autour de la statue, observait que
chaque côté ou chaque aspect offrait, dans un
parti de plis naturels et variés, comme une
figure toujours nouvelle, sans cesser d'être
toujours la même. Il n'y eut qu'une voix sur
cet ouvrage. On disait que ce n'était plus une
statue : elle semblait parler et prête à se le-
ver. »
Le musée de Versailles a deux portraits de
M
in
e Laetitia peints par Gérard : dans l'un,
elle est représentée assise près d'une table
sur laquelle est une lettre; le buste de Napo-
léon est placé au fond.
BONAPARTE
BONAPARTE (Charles-Marie), père de Na-
poléon, né à Ajaceio en 1744, fut envoyé à
Pise pour étudier le droit, et épousa à son
retour Laetitia Ramolino. C'est de ce mariage
que naquit toute une génération de rois. En
1768, Charles Bonaparte fut du nombre de»
patriotes qui secondèrent les deux Paoli dans
leur lutte armée pour l'indépendance de la
Corse. Non-seulement il se distingua par son
courage, mais c'est lui qui rédigea, dit-on,
l'adresse à la jeunesse corse, publiée à Ûortc
en juin \168. Sa femme l'accompagna partout,
bien qu'elle fût enceinte de sept mois de Na-
poléon, et partagea av ec lui tous les périls de la
guerre, jusqu'au moment où Paoli, dont le
patriotisme ombrageux ne- comprit pas les
grandes idées de la Révolution française,
se réfugia en Angleterre. Alors, après l'éta-
blissement définitif de la domination française,
Charles Bonaparte revint s'établir dans ses
foyers, et, grâce à la protection du comte de
Marbeuf, gouverneur de l'île, fut reconnu
noble et nommé successivement assesseur do
la ville et province d'Ajaceio en 1774, député
de la noblesse de Corse à la cour de France
en 1777, et enfin, en 1781, membre du conseil
des douze nobles de l'île. Pendant qu'il rem-
E
lissait à Paris sa mission, il obtint trois
ourses : une pour Joseph, son fils aîné, au
collège d'Autun ; la seconde , pour Napo-
léon, à l'école de Brienne; la troisième, à la
maison royale de Saint-Cyr, pour sa fille
Marie-Anne-Elisa. Il lui fut eu même temps
donné gain de cause contre un ingénieur au
sujet du dessèchement d'un marais lui appar-
tenant, dans lequel son adversaire lui taisait
éprouver de graves pertes par l'interruption
des travaux. Charles Bonaparte mourut en
1785, à Montpellier, où il était venu pour se
faire traiter d'un squirre à l'estomac. Ses
restes furent transportés plus tard à Saint-
Leu, par les soins de son fils Louis. Il eut de
son mariage treize enfants, dont huit lui sur-
vécurent, cinq fils et trois filles, savoir :
1° Joseph Bonaparte ; 2° Napoléon Bona-
parte ; 30 Marie- Anne-EUsa Bonaparte ; 4« Lu-
cien Bonaparte ; 5° Louis Bonaparte ; C° Marie'
Pauline Bonaparte ; 70 Marie- Annonciade-
Caruline Bonaparte; 8° Jérôme Bonaparte.
B o n a p a r t e (PORTRAITS DE CHARLES-MARIK)."
Le musée de Versailles a deux portraits du
père de Napoléon I
e r
: l'un est une peinture
exécutée par Girodet-Trioson, en 1805, et qui
représente Charles-Marie Bonaparte en pied,
deuout devant une table sur laquelle se trou-
vent des livres et des papiers ; l'autre est un
buste en marbre, sculpté par M. Elias Robert,
en 1855.
BONAPARTE,
BONAPARTE, — le nom le plus grand, le
plus glorieux, le plus éclatant de l'histoire, sans
en excepter celui de NAPOLÉON, — général de
la République française, né à Ajaccio {Ile de
Corse) le 15 août 1769. mort au château de
Saint-Cloud, près de Paris, le 18 brumaire,
an VIII de la République française, une et
indivisible (9 novembre 1799).
Ce début, qui va faire dresser plus d'une
oreille, montre tout simplement qu'en toutes
choses nous aimons les situations tranchées;
et les oreilles reviendront à leur état normal
uand nous aurons dit que nous voyons
eux hommes, aussi bien que deux noms, en
Napoléon Bonaparte : Bonaparte et Napoléon ;
le général républicain, l'écolier de Brienne,
le brillant officier de Toulon, le convive répu-
blicain du Souper de Beaucaire, le vainqueur
d'Arcole, etc., etc. ; puis le colosse d'Auster-
litz, le maître de l'Europe, le vaincu de Wa-
terloo, le prisonnier de Sainte-Hélène. Oui, il
y a deux hommes en cette personnalité, en cet
être si singulièrement doué, dont le double
nom et le double visage, d'un caractère tout
particulier, se sont trouvés admirablement
appropriés au double rôle qu'il a joué dans le
monde. Auguste a beau s'appeler* Octave;
Octave a beau se nommer Auguste; c'est tou-
jours le même homme, rusé, timide, hypocrite,
astucieux, reniant ses amis quand son intérêt
lui commande de les sacrifier. Ici, nous le ré-
pétons, nous avons deux hommes distincts, en
même temps que deux noms séparés.
Bonaparte, nom frappant, facile à retenir,
simple, uni, militaire, à consonnes dures,
brèves, sèches, expressives, et signifiant quel-
que chose, par-dessus le marché; nom jusque
alors inconnu, mais composé de quatre sylla-
bes énergiques qui devaient se graver pour
toujours dans la mémoire, dès qu on les avait
une fois entendues soit sous la forme italienne
Buonapartc, soit sous la forme française, qui
est restée, Bonaparte; quel nom plus conve-
nable au citoyen, général en chef de l'armée
d'Italie, à ce jeune Corse qui rêve d'Annibal
quand il gravit les flancs escarpés des Alpes !
Napoléon, nom sonore, vibrant, impérial,
mais harmonieux aussi, coûtant, et, chose
remarquable, bruissant agréablement aux
oreilles françaises ; inconnu également {in-ouï,
in auditus), éminemment convenable a l'autre
rôle, au rôle de maître et d'impérator, un de
ces noms à l'emporte-pièce, qui vous obligent
à baisser machinalement la tête comme quand
on entend résonner le bruit de la foudre ou un
coup de canon, nom doux en même temps, où
les voyelles dominent et où l'on voit rjercer
quelque chose de ce oui si diversement inter-
prété du 10 décembre.
Examinons donc à la loupe ces deux indivi-
dualités; car il y a de même deux figures,
deux physionomies différemment caractéri-
sées, et, pour ainsi dite, taillées, appropriées
à chacun des deux rôles : l'une, celle du gé-
néral, belle et austère, telle qu'on la voit si
bien repioduite dans le portrait de Guérin,
gravé par Fiesinger et déposé a la Biblio-
thèque impériale, le 29 vendémiaire an VII de
la République française, avec ce simple nom
au-dessous, encore orthographié à t italienne :
BUONAPARTE:
BUONAPARTE: l'autre, celle de l'empereur,
si souvent reproduite, que tout l'univers con-
naît, qui se voit partout, que les mains les
.moins habiles crayonnent en quelques traits,
que la capote grise et le petit enapeau ont ca-
ractérisée à d'autres titres que certaines bottes
et certains gilets. Vraiment, on dirait deux
hommes différents, au physique et au moral.
Le premier, sobre, d'une activité prodigieuse,
ardent, passionné pour la gloire, d'un patrio-
tisme fougueux, insensible aux privations,
comptant pour rien le bien-être et les jouis-
sances matérielles ; nullementsensuel, presque
chaste, jugeant que l'amour est un oagage
oui gêne un homme dans les différentes étapes
de la vie, ne s'occupant que du succès de ses
entreprises ; l'homme de Toulon, l'homme de
vendémiaire ; prévoyant, prudent, sauf dans
les moments ou la passion, le sang corse l'em-
porte , « sachant donner quelque chose au
hasard, mais lui enlevant tout ce que la pru-
dence permet de prévoir, • résolu, et tenace
clans ses résolutions, ne reculant pas d'une
semelle quand il s'e;t dit : / / le faut ; croyant
les hommes capables de vertu et d'un généreux
eiUhousmsme, et les estimant dignes de mouru
pour une belle cause; ^'adressant au cœ.ir
e.t à l'esprit pur les plus nobles instincts, et
tenant compte du moral, qui joue un si grand
rôle dans !:i guerre ; bon,juste, susceptible: de
s'attendrir, et généreux envers ses ennemis
-raincis.
L'autre... Mais n'anticipons pas sur l'ordre
alphabétique. On l'a dit : Tout vient à point à
qui sait attendre, et nous souhaitons au lecteur
une petite dose de cette patience qui est le
commencement de la sagesse.
Le premier de ces deux hommes a été le
général, et même le consul Bonaparte; U a
brillé jusqu'à l'an X de la République ; 1 autre
lui a succédé. C'est du premier seulement que
nous nous occuperons a cette place; c'est de
sa jeunesse, de ses espérances, de sa vie pri-
vée et militaire, ou, plus exactement encore,
de sa vie républicaine que nous allons entre-
tenir le lecteur. Pour l'autre, V. NAPOLÉON,
à l'ordre alphabétique de notre Grand Dic-
tionnaire
Nous aurons recours, pour l'étude que nous
entreprenons, à des sources nombreuses, mais
surtout aux deux volumes publiés en 1840 par
le lieutenant-colonel d'artillerie en retraite,
baron de Coston, sous le titre de : Biographie
des premières années de Napoléon Bonaparte,
très-curieux-ouvrage, devenu fort rare, et
plein d'anecdotes extrêmement intéressantes
sur la jeunesse de Napoléon. M. de Coston y
suit, pour ainsi dire, jour par jour, les étapes
du héros, depuis sa naissance jusqu'à son
avènement au Consulat et à l'Empire.
Quel intérêt n'offre pas pour nous une pa-
reille étude 1 Nous nous inquiétons fort peu de
l'enfance d'Alexandre, d'Annibal, de César et
de Charlemagne; tous quatre sont nés sur les
marches ou à côté des marches du trône; ils
ont été élevés dans la pourpre, ils ont eu en
naissant d'humbles précepteurs, c'est-à-dire
des esclaves soumis, et, comme l'a si bien ditle
chansonnier, leur bourrelet fut une couronne.
Alors qu'y a-t-il là qui puisse nous intéresser?
Mais ici, c'est bien autre chose : nous sommes
en présence d'un chétif enfant, à peine Fran-
çais, qui, loin d'avoir Aristote pour maître,
traverse seul l'océan et parcourt deux cents
lieues pour venir demander à la France, sa mère
adoptive, l'hospitalité de l'instruction. •
Voilà pourquoi Bonaparte nous semble plus
grand qu'Alexandre, plus grand qu'Annibal,
plus grand que César, plus grand que Char-
lemagne :
Il ne doit qu'à lui seul toute sa renommée.
Revenons à M. de Coston, qui est la cause
involontaire de cette petite digression. Origi-
naire de Valence, le baron de Coston y avait
connu toutes les personnes qui, à deux re-
prises différentes, s'étaient trouvées en rela-
tions intimes avec le jeune officier d'artillerie;
de plus, il avait servi dans le 4e régiment
d'artillerie à pied, qui, en Egypte, avait com-
battu si vaillamment sous les yeux du jeune
général en chef. Curieux, dès cette époque,
de tout ce qui se rapportait à son héros, M. de
Coston ne le perdit pas de vue, ne le quitta
pas d'une semelle, et fut à même de recueillir
sur les premières années de son héros une
quantité innombrable de notes, de documents,
d'anecdotes. Ce n'est pas tout : l'infatigable
biographe, poussé par une sorte de passion,
s'est livré à de nombreuses recherches sur les
personnes de tout état avec qui Bonaparte a
eu des relations dans les premières années de
sa vie, et qui, plus tard, se sont retrouvées en
contact avec lui.
Dans l'histoire des voyages, on parle de
ces explorateurs infatigables qui ont usé
dix années de leur vie à lever le voile qui
nous cache les sources du Nil; ils remon-
taient le cours du fleuve malgré les déborde-
ments, malgré les inondations, malgré les
orages, en dépit des obstacles de toute nature
et de l'intempérie des .saisons ; et quand ils
avaient reconnu que la partie explorée n'était
qu'un affluent, ils s'attaquaient à une autre
branche.
Cette image est la peinture exacte des tra-
vaux du baron de Coston à la recherche des
moindres particularités de la vie de celui qui
offre plus d'un rapport avec ces grands cours
d'eau qui fertilisent et ravagent tour à tour le
monde. L'ouvrage du baron de Coston sera
donc notre principal guide dans l'étude que
nous avons entreprise, et nous nous permet-
trons d'y puiser k pleines mains.
Nous passerons rapidement sur la naissance
et l'enfance de Napoléon, pour arriver plus"
promptement au lieutenant en second du régi-
ment de La Fère, et aux faits subséquents de
sa vie avant son généralat d'Italie. Toutefois,
nous dirons quelques mots de ses premières
années, et nous en rapporterons quelques faits
d'après son véridique historien, qui, comme
nous l'avons dit, a eu soin de prendre ses in-
formations aux sources les plus authentiques.
On sait que Napoléon eut pour père Charles-
Marie Bonaparte, dont l'éducation avait été
très-soignée à Rome et à Pise, où il avait
étudié la jurisprudence. Plein de patriotisme,
Charles-Marie Bonaparte avait combattu avec
ardeur à la tête de sa paroisse dans la guerre
contre les Génois, oppresseurs de son pays, et
il s'était attiré particulièrement l'estime et
l'amitié de Paoli. Il s'étaitmarié très-jeune, au
commencement de 1767, à unel>ei)e fille corse,
Marie-Laetitia Ramolino, dont la mère, de-
venue veuve, avait épousé en secondes noces
M. Fesch, capitaine dans un des régiments
suisses que la république de Gênes entretenait
en Corse. De ce mariage était issu, le 3 jan-
vier 1763, un fils qui iut le cardinal Fesch,
par conséquent frère utérin de la mère de
Napoléon, et oncle, à ce titre, du futur empe-
reur.
Dans la matinée du lu août 17G9, au montent
où l'île tout entière célébrait la fête de la mère
du Christ, M
[n
° Lsetitia Bonaparte accoucha
d'un enfant mâle qu'on appela NAPOLÉON.
C'était, depuis des siècles, le nom que portait
le second fils de la famille Bonaparte, pour y
conserver éternellement le souvenir de ses re-
lations avec un NapoleoneDegïï Orsini, célèbre
dans les fastes militaires de l'Italie. Napoléon
arrivait à point pour payer cette dette à un
vieux souvenir de famille. Cette particularité
n'est qu'un détail infime; mais ici les moindres
choses acquièrent de l'importance. Ainsi ce
nom, qui doit retentir des Alpes aux Pyramides,
est un hommage à la reconnaissance ; et, chose
frappante, nous verrons dans la suite de cette
histoire, de cette épopée, que cette vertu est
peut-être celle qui domine toutes les autres au
sein de l'illustre maison.
Alors M
m
e Bonaparte était encore souf-
frante des fatigues qu'elle avait éprouvées
pendant la guerre de la liberté ; car la future
Madame Mère accompagnait son époux dans
la guerre de l'indépendance, et partageait avec
lui tous les dangers. C'était une maîtresse
femme que M
m e
Laetitia Bonaparte. Napoléon
eut constamment pour elle un respect qui tou-
chait à l'idolâtrie. Retirée à Rome, où elle
termina ses jours ; toujours vêtue d'habits de
deuil et vivant silencieusement dans une mo-
deste maison, elle était généralement vénérée,
et cette vénération, elle ne la devait qu'à elle-
même, puisque le géant que ses flancs avaient
fiorté était alors cloué sur son rocher. Napo-
éon tenait évidemment son génie de sa mère,
et, pour les hommes extraordinaires, il en est
généralement ainsi ; car on est toujours avant
tout, et tout au moins, le fils de sa mère.
Arrêtons-nous donc un instant sur ce phéno-
mène psychologique. Les Gracques avaient
pour mère Cornélie, le plus beau nom de
femme de l'histoire romaine ; Alexandre était
fils d'Olympias, cette grande reine qui sut
toujours montrer de la fierté et de l'énergie,
tandis que Philippe n'étalait que la ruse et le
machiavélisme ; c est de sa mère que Washing-
ton tenait son rare bon sens, sa droiture, sa
conscience rigide, son énergie de caractère
et son esprit de commandement ; et, pour n'em-
prunter qu'aux sources nationales, Clovis
reçut le jour de cette Basine qui, s'il faut en
croire Frédégaire, avait conscience de ce
qu'elle valait quand, dans l'enivrement adul-
tère de sa première nuit de noces, elle disait
au faible Cnildéric : • Que cette nuit ne soit
pas consacrée qu'à l'amour... Lève-toi, va à
ta fenêtre, et reviens dire à ta servante ce
que tu auras vu dans la cour du logis. »
Childéric se leva, alla à la fenêtre et vit un
lion monstrueux qui déchirait des licornes,
des léopards, des ours et des loups. H revint
alors, et Basine lui dit : • Ce que tu as vu
de tes yeux arrivera : il nous naîtra un fils
qui sera un lion à cause de son courage. •
Charlemagne était fils de cette Berthe aux
grands pieds, dont le nom u enrichi la lé-
gende; saint Louis était fils de Blanche de
Castille; Louis XIV, fils d'Anne d'Autriche...;
mais, et c'est le Bonhomme qui nous y invite,
Ne continuons pas de peur d'approfondir.
Une circonstance de la vie de Napoléon
vient, quoique indirectement, à l'appui de cette
loi. Sans jamais manquer de respect à la mé-
moire de son père, dont le rôle en Corse avait
été assez effacé, Napoléon parlait peu de l'au-
teur de ses jours, lui cependant qui aimait
tant à vivre dans le passé et qui ne laissait
échapper aucune occasion de s'inspirer des
souvenirs de sa jeunesse. Charles Bonaparte
était mort à Montpellier le 24 février 1785, et
il y avait été inhumé. Le 2 juillet 1802, le con-
seil municipal de cette ville) réuni extraordi-
nairement, eut l'idée d'une sorte d'exhumation;
il leur semblait que l'apothéose de Saturne
serait un encens qui ne déplairait pas à Ju-
piter. Un membre, un lettré sans doute, prit
la parole et dit : • Le père" de Bonaparte a
fait à cette ville l'honneur de décéder dans ses
murs. Je propose de saisir cette heureuse cir-
constance pour élever un monument à la gloire
du premier consul. Voici de quelle manière je
voudrais rendre mon idée : A gauche, un pié-
destal; au milieu, la Ville de Montpellier, ac-
compagnée de la Religion montrant de la main
droite le piédestal, et, de la gauche, le cou-
vercle du tombeau; au-dessous, cetto in-
scription :
» SORS nu TOMBEAU;
TON FILS NAPOLÉON T ' É I . Ê V E \ 1,'lMMORTALITÉ. »
Cette idée, surtout la prosopopée qui la cou-
ronnait, fut accueillie avec acclamation par le
conseil municipal, et, séance tenante, la déli-
bération fut envoyée àChaptal, alors ministre
de l'intérieur, qui la soumit immédiatement â
l'approbation do Napoléon. Celui-ci, avec son
sens droit et son jugement ordinaire, et peut-
être aussi avec un sentiment vague du phé-
nomène psychologique auquel nous avons fait
allusion plus haut, ne comprimas tout ce que
cette idée pouvait avoir de grandiose, et il re-
fusa l'offre des notables de Montpellier, en
leur disant ; « Ne troublons point le repos des
«morts; laissons leurs cendres tranquilles.
« J'ai perdu aussi mon grand-père, mon arrière-
» grand-père, pourquoi ne ferait-on rieu pour
» eux? Cela mènerait loin. Si c'était hier que
• j'eusse perdu l'auteur de mes jours, il serait
• convenable et naturel que j'accompagnasse
• mes regrets de quelque haute marque de res-
• pect; mais il y a vingt ans; cet événement I
• est étranger au public; n'en parlons plus, i '
Aiiisi l'érudit conseiller en fut pour ses frais de
rhétorique, et il est probable que, dans la suite,
il ne s'expliqua jamais qu'un homme d'un si
vulgaire positivisme ait pu remporter les vic-
toires d'Iéna et d'Austerlitz.
Encore un mot sur cette leçon de génésiolo-
gie ; le sujet en vaut la peine : neuf mois avant
son accouchement, M
m t
Laetitia parcourait la
campagne en compagnie de son mari, et c'estau
milieu des forêts et des rochers qu'elle conçut
le lionceau. Encore aujourd'hui, les pavsfins
de la Corse en tirent dos conclusions ouf sont
devenues pour eux une légende, et 1 impru-
dent qui oserait leur dire que ce sont là des
contes de bonne femme s'exposerait, nous
n'en doutons pas, à la plus terrible des vendetta.
Puisque nous en sommes sur cette matière
délicate, mais intéressante, citons ici une page
qu'un enfant de la Corse, fier de son compa-
triote au delà de toute expression, nous a
communiquée, et qui vient on ne peut mieux
à l'appui de l'idée que nous avons hasardée :
• Tout se tient, tout s'enchaîne dans la vie
d'un homme, et si sa carrière politique étonne
parfois, c'est qu'on ne cherche pas, à travers
l'éblouissement qu'elle cause, et dont il est
souvent difficile de se défendre, le fil conduc-
teur qui a dirigé l'essor du génie. La vie pri-
vée, où le caractère se dévoile tout entier,
donne parfois la cause première des grandes
actions ou des grandes fautes ; mais il faut
remonter plus haut pour rencontrer l'instinct,
cette partie du caractère de l'homme que l'on
peut vraiment dire naturelle, involontaire,
dont la trace ineffaçable se retrouve dans tous
ses actes, inexorable et fatale comme un sceau
dont Dieu aurait marqué sa créature pour la
faire connaître au monde et la pcmsser dans
la voie qu'il lui a tracée.. C'est dans la vie
antérieure à la naissance, alors que l'enfant
perçoit toutes les sensations de sa mère, s'im-
prègne en quelque sorte des impressions
qu'elle subit, que Von doit chercher le secret
de ces aptitudes, de ces prédispositions et de
ces goûts qu'on peut appeler organiques,
puisqu'ils sont nés chez l'enfant avant sa vie
intellectuelle.
» Bonaparte, plus que tout autre, dut porter
en naissant, par la vie que les événements
firent à sa mère pendant sa grossesse, des in-
stincts puissants et belliqueux.
s En 1768, la Corse était profondément trou-
blée : Paoli et toute l'île avec lui luttaient con-
tre la France. M. de Choiseul avait à cœur cetto
conquête pour faire oublier ses nombreux re-
vers en Europe et en Amérique. Charles Bo-
naparte, le secrétaire du général corse, sui-
vait sa fortune, et sa femme, bien souvent
éloignée de lui, avait à veiller à sa propre
sûreté. En novembre 1768, les deux époux se
retrouvèrent à Corte et purent y prendre quel-
ues jours de repos. Ils habitaient la maison
u général Gaffori: c'était une construction
massive , aux fenêtres étroites comme des
meurtrières, une vraie forteresse, dont la fa-
çade toute ravagée, toute couturée, conservait
encore l'empreinte des boulets génois dont
elle avait été si souvent et toujours inutile-
ment criblée. C'est là qu'avait vécu Gaffori,
vajllant soldat qu'en d'autres temps on eût
vanté à l'égal de Paoli ; là encore l'hospita-
lité était offerte aux jeunes époux par l'héroï-
que veuve qui se défendit seule dans sa
maison contre les Génois et menaça de se
faire sauter avec ses défenseurs, qui vou-
laient se rendre. Rapprochant les dates, on
voit que Bonaparte fut conçu dans cette
vaillante maison aux glorieuses cicatrices et
où devaient se faire de longs récits de gloire,
de courage et d'honneur patriotique. Il fallut
bientôt fuir Corte, errer de village en village
devant l'armée française; il y eut une halte
au pied du Monte Rotondo, la plus haute cime
de l'île, le géant dont le front neigeux la do-
mine tout entière, et enfin l'enfant prédestiné
vient au monde au milieu des splendeurs les
plus riches et les plus sublimes d'une grande
fête chrétienne. N y a-t-il pas dans cette vie
antérieure de récits héroïques qui durent
souvent faire tressaillir la jeune mère , de
grandes souffrances où plus d'une fois elle
maudit son sexe qui l'empêchait de se jeter au
milieu de la lutte, et de grandes pompes, le
secret des instincts de guerre, d'ambition et de
fastueuse vanité, ainsi que l'image fidèle de
la vie de celui qui fut Bonaparte et Napo-
léon ? »
La Corse avait été réunie à la France un
f
>eu plus d'un an avant la naissance de Napo-
éon. En 1777, son père, Charles Bonaparte,'
ayant été nommé membre de la députation en-
voyée à Versailles, obtint pour son second
fils, Napoléon
?
une bourse à l'Ecole militaire
de Brienne, ou celui-ci entra le 23 avril 1779,
âgé de neuf ans huit mois et huit jours.
Comme nous bénirions l'artiste qui nous re-
présenterait le jeune Corse traversant sur un
navire le bras de mer qui sépare sa ville
natale, et peut-être voyant déjà, à travers les
brumes de l'océan, à l'horizon, un trône et
un tombeau ! car on sait que Napoléon croyait
sérieusement à son étoile. Ahl oui, nous sau-
rions infiniment gré à l'artiste, au poète... La
muse athénienne a chanté la traversée de la
belle Lesbienne quittantsa patrie pour aller à la
conquête d'une couronne dans la ville de Péri-
clès. Que le voyage dut être long au gré de la
jeune et belle inconnue, sans îbrtune aussi et,
de plus, sans naissance, qu'un secret instinct
menait vers la grande cité, où elle devait trou-
ver pour époux plus qu'un roi l II nous semble
BONA
la voir debout à la proue du navire ; elle
cherche des yeux la célèbre cité hellénique.
Kilo aperçoit au loin une colline où elle ne dis-
tingue rien encore ; mais elle sait que c'est
Athènes, et elle sent en elle un trouble indé-
finissable. Comment la muse française n'a-t-elle
pas encore trouvé d'accents pour célébrer ce
passage autrement mystérieux ? car la, si c'est
une jeune fille, une beauté, un charme, un es-
prit; ici, c'est un homme prédestiné, un incom-
parable génie. Quelles sont les idées qui de-
vaient bouillonner dans ce cerveau de dix ans ?
Que se passa-t-il dans cette barque, qui portait
César et sa fortune? Admirable sujet, tout
d'invention, mais où la fiction n'atteindrait
point les hauteurs de la réalité.
A Brienne, le nombre des élèves n'excédait
guère cent dix, dont cinquante aux frais du
roi, qui payait pour chacun 700 livres par an ;
et soixante environ aux frais de leurs parents,
payant aussi une pension de 700 livres. La mai-
son, desservie par des minimes, n'avait que 8 à
10,000 livres de rente. On dit que ces moines
étaient bien inférieurs en connaissances à ceux
des congrégations qui dirigeaient les autres
écoles militaires; car, sous l'ancien régime,
chose singulière ! c'étaient des moines qui
étaient chargés de former les officiers de l'ar-
mée française. Obligés d'avoir recours à des
professeurs laïques, et trop pauvres pour leur
assurer un traitement convenable, les minimes
de Brienne n'avaient que des sujets médiocres.
Telle était leur pénurie à cet égard que, vers
le temps où Napoléon entra dans leur école, ils
avaient eu recours aux minimes de la Franche-
Comté, qui leur envoyèrent le Père Patrault
comme professeur de mathématiques, homme
assez ordinaire d'ailleurs, qui avait pris Na-
f
ioléon en grande amitié, et qui
?
rentré dans
a vie séculière après 1789, devint secrétaire
du général Bonaparte, quand celui-ci futnommé
commandant en chef de l'armée d'Italie.
Une tante de Pichegru, sœur de charité,
suivit ce minime à Brienne, et y amena son
neveu alors jeune, Franc-Comtois comme
elle, à qui l'on donna gratuitement la même
éducation qu'aux élèves. Pichegru, doué d'une
grande intelligence, devint, aussitôt que son
âge le permit, maître de quartier et répétiteur
pour les quatre règles d'arithmétique du Père
Patrault, quia'eu ainsi la gloire de compter
parmi ses élèves un des bons généraux de la
France et le plus grand capitaine des temps
modernes. Pichegru songeait alors à se faire
minime; c'était la toute son ambition, c'était
aussi le désir de sa tante; mais le Père P a -
trault l'en dissuada en lui disant que leur pro-
fession n'était plus du siècle, et qu'il devait
songer à quelque chose de mieux. Ce conseil
d'un homme de bon sens porta Pichegru à
s'enrôler dans le régiment d artillerie de Metz,
où il devint bientôt après bas officier, et obtint
rapidement, sous ^République, le grade de
général de division et les fonctions de général
en chef de l'armée de Hollande.
II y avait à l'Ecole de Brienne un maître
d'écriture nommé Dupré, qui donna pendant
quinze mois des leçons à Napoléon, et un
maître d'escrime, le sieur Datoval, qui lui
donna aussi des leçons de son art. Celui-ci
devint sous-officier de gendarmerie, et n'est
mort, retiré à Nogent-sur-Marne, qu'au com-
mencement de 1834, âgé de plus de quatre-
vingts ans. A propos de l'autre, on raconte
que, peu de temps après l'élévation de Napo-
léon à l'Empire, un homme âgé, et d'une mise
plus que modeste, arriva un jour à Saint-
Cloud, et sollicita du grand maréchal Duroc
la faveur d'une audience particulière de l'em-
ereur. Introduit presque aussitôt dans le ca-
inet de Napoléon : a Qui êtes-vous, et que me
voulez-vous? demanda sèchement l'empereur.
— Sire, répondit le solliciteur, c'est moi qui
ai eu le bonheur de donner des leçons d'écri-
ture à Votre Majesté pendant quinze mois, à
Brienne. — Le bel élève, en vérité, que vous
avez fait là! dit vivement l'empereur; ma
foi, monsieur Dupré, je ne vous en fais pas
mon compliment. » Puis, se prenant à rire de
sa vivacité, il adressa quelques paroles bien-
veillantes au pauvre vieillard, et le congédia
en lui promettant de lui faire savoir bientôt de
ses nouvelles. Le vieux professeur reçut, en
effet, quelques jours après, le brevet d'une
pension de 1,200 fr. sur la cassette particu-
lière de l'empereur, signée de'cette ter-rible
griffe parfaitement illisible, mais reeonnais-
sable entre toutes, comme une griffe de lion,
dont Sa Majesté était redevable aux leçons du
pauvre Dupré.
Napoléon avait apporté à Brienne une âme
encore tout italienne : il se sentait comme
étranger et mal à l'aise parmi ces jeunes nobles
français, la plupart infatués de leurs noms, et
qui regardaient la patrie du jeune Corse comme
un pays barbare. Il ne prenait que rarement
part à leurs jeux et à leurs exercices, et il ne se
lia qu'avec un ou deux de ses camarades.
Malgré sa petite taille, son air sombre et fier
leur imposait; toutefois, le nom "de Napoleone,
que son accent corselui faisait prononcer à
peu près Napoillioné, lui valut de ses nou-
veaux camarades le sobriquet de La Paille-
au-Nez. Dévoré du désir d apprendre, et déjà
pressé du besoin de parvenir, Napoléon se
faisait remarquer de ses maîtres par une appli-
cation forte et eoutenue; il était, pour ainsi
dire, le solitaire de l'école. On croit que l'éloi-
gnement du jeune écolier pour ses condisciples
prenait aussi sa source dans l'état d'infériorité
où il se sentait placé, en raison de sa condi-
BONA
t
tion de boursier et du peu de fortune de sa
famille, qui ne permettait pas a celle-ci de lui
envoyer les petits secours d'argent que les
autres recevaient de leurs parents. La lettre
suivante vient à l'appui de cette conjecture :
• De l'Ecole militaire de Brienne, le 5 avril 1781.
B Mon père,
» Si vous ou mes protecteurs ne me donnent
» pas les moyens de me soutenir plus honora-
• blementdans la maison où je suis, rappelez-
» moi près de vous, et sur-le-champ. Je suis
• las d'afficher l'indigence, et d'y voir sourire
» d'insolents écoliers qui n'ont que leur fortune
n au-dessus de'moi, car il n'en est pas un qui
» ne soit à cent piques au-dessous des nobles
» sentiments qui m'animent. Eh quoi ! mon-
» sieur, votre fils serait continuellement le
» plastron de quelques nobles paltoquets qui,
• fiers des douceurs qu'ils se donnent, insultent
» en souriant aux privations que j'éprouve t
» Non, mon père, non. Si la fortune se refuse
M absolument à l'amélioration de mon sort, arra-
» chez-moi de Brienne, donnez-moi, s'il le faut,
» un état mécanique. A ces offres, jugez de mon
» désespoir. Cette lettre, veuillez le croire, n'est
» point dictée par le vain désir de me livrer a
» des amusements dispendieux : je n'en suis
» pas du tout épris. J'éprouve seulement le
» besoin de montrer que j'ai les moyens de me
» les procurer comme mes compagnons d'étude.
» Votre respectueux et affectionné fils,
»• DE BUONAPARTE, cadet. »
Cette lettre est un chef-d'œuvre de style,
d'énergie, d'éloquence, que nous voudrions
voir figurer en tête de tous nos prétendus Tré-
sors épislolaires.
Un dernier trait, qui achèvera de peindre
cette fierté de l'écolier de Brienne :
Un jour, le maître du quartier, brutal de sa
nature, condamna le jeune Bonaparte, pour
une faute légère, à dîner à genoux sur le seuil
de la porte du réfectoire, punition que les
élèves redoutaient entre toutes et qu'ils con-
sidéraient comme une espèce de déshonneur.
L'exécution provoqua chez Bonaparte une
violente attaque de nerfs accompagnée de vo-
missements. Le supérieur, qui passait par la,
l'arracha au supplice* et réprimanda sévère-
ment le maître sur son peu de discernement;
en même temps, le P . Patrault accourait de
son côté et se plaignait que, sans nul égard,
on dégradât ainsi son premier élève.
Au mois d'août 1783, le duc d'Orléans (père
de celui qui s'appela plus tard Philippe-léga-
lité, et qui ne prit le titre de duc d Orléans
qu'à la mort de celui dont nous parlons, en
1785) et M
m
e de Montesson vinrent à Brienne.
M«>e de Montesson était alors mariée au prince,
avec le consentement conditionnel du roi, qui
portait : o Qu'elle ne changerait pas de nom ;
qu'elle ne s'attribuerait aucune prérogative de
princesse du sang ; qu'elle ne déclarerait
E
oint son mariage, et ne paraîtrait jamais à
i cour. » Le magnifique château de Brienne
fut, pendant plus d'un mois, un petit Versailles ;
on célébra par de brillantes-fêtes la présence
des nobles visiteurs, qui venaient pour pré-
sider à la distribution des prix aux élèves
de l'école. Ce fut le 25 août, jour de la Saint-
Louis, qu'eut lieu cette distribution. Le jeune
Bonaparte eut, avec Bourrienne, le prix de
mathématiques, partie à laquelle il avait a
peu près borné ses études et ou il excellait.
Tous deux reçurent leur couronne de la main
de M
m e
de Montesson.
Lorsque Bonaparte fut élevé au consulat,
ayant appris que Mme de Montesson vivait
encore, il la fit prier de se rendre aux Tuile-
ries. Dès qu'il la vit, il se leva, alla courtoise-
ment au-devant d'elle et l'engagea à lui de-
mander tout ce qui pourrait lui plaire, « Mais,
général, je n'ai aucun droit à ce que vous
voulez bien m'offrir, n répondit M
m e
de Mon-
tesson.— a Vous ne savez donc pas, madame,
» répliqua le premier consul, que j'ai reçu de
» vous ma première couronne? Vous vîntes à
» Brienne, avec M. le duc d'Orléans, distribuer
» les prix, et, en posant sur ma tête le laurier
n précurseur de quelques autres : Puisse-t-il
» vous porter bonheur! me dîtes-vous. Je suis,
« assure-t-on, fataliste, madame; il est tout
» simple que je n'aie pas oublié ce dont vous ne
» vous souvenez plus. Je serai charmé de vous
» être utile. D'ailleurs, le ton de la bonne com-
» pagnie est à peu près perdu en France; il
» faut qu'il se retrouve chez vous. J'aurai be-
» soin de quelques traditions; vous voudrez
» bien les donner à ma femme ; et lorsque quel-
le que étranger marquant viendra dans la ca-
» pitale,-vous lui offrirez des fêtes, pour qu'il
n soit convaincu que nulle part on ne peut voir
» plus de grâce et d'amabilité. » Le premier
consul fit restituer à M
m o
de Montesson les
60,000 livres de rente qui lui avaient été
léguées par le duc d'Orléans.
La grande dame survécut peu à. cette fa-
veur. Quelque temps après, mais lorsque déjà
Napoléon avait été élevé a l'Empire, elle se
fit transporter mourante à Saint-Cloud, et ob-
tint de lui la promotion à la dignité de séna-
teur du lieutenant général vicomte de Valence,
son petit-neveu par alliance, et neveu direct
du lieutenant général du même nom, qui avait
été gouverneur de l'Ecole militaire de Paris,
quand Napoléon y était passé au sortir de
Brienne.
Comme nous l'avons déjà fait pressentir plus
haut, cette famille est vraiment étonnante par
les élans de reconnaissance qui animent cha-
cun de ses membres ; chez elle, la mémoire du
BONA
cœur ne fait jamais défaut. En voyant ce sen-
timent toujours vivace, on dirait une plante
dans un sol généreux, qui rend au centuple le
peu qu'il a reçu.
Le 15 septembre 1783, arriva à Brienne
M. le chevalier de Keralio, maréchal de camp
et sous-inspecteur général des écoles royales
militaires de France. C'était un vieillard ai-
mable, des plus propres aux fonctions dont il
était chargé ; il aimait les enfants, jouait avec
eux après les avoir examinés, et retenait avec
• lui à la table des minimes les élèves qui lui
avaient pin.
Il avait conçu une affection toute particu-
lière pour le jeune Corse, qu'il se plaisait à
exciter de toutes manières. Il le mit sur la
liste des élèves en état d'entrer au service ou
de passer à l'Ecole de Paris. L'élève Napoléon
Bonaparte avait alors tout juste quatorze ans
! et un mois. L'enfant n'était fort que sur les
( mathématiques, et les moines représentèrent
j à M. de Keralio qu'il serait mieux d'attendre
à l'année suivante, afin de lui donner le temps
de se fortifier dans la langue latine. Mais le
chevalier tint bon. « Je sais, leur dit-il, ce que
je fais. Si je passe ici par-dessus la règle, ce
n'est point une faveur de famille ; je ne con-
nais pas celle de cet enfant. C'est tout à cause
de lui-même. J'aperçois ici une intelligence
quon ne saurait trop cultiver. » Et -M. de
Keralio rédigea la noté suivante sur cet élève,
dont il plaça le nom en tête de sa liste :
« ÉCOLE DE BRIENNE.
» Etat des élèves du roi capables, par leur
âge, d'entrer-au service ou de passer à l'Ecole
de Paris, savoir :
» M. de Buonaparte (Napoléon), nélë 15 août
.1769. Taille de 4 pieds 10 pouces 10 lignes;
bonne constitution ; excellente santé ; carac-
'. tère soumis. Il a fait sa quatrième. Honnête
et reconnaissant; sa conduite est très-régu-
lière. Il s'est toujours distingué par son appli-
cation aux mathématiques; il sait passable-
ment l'histoire et la géographie ; il est faible
dans les exercices d'agrément. Ce sera un ex-
cellent marin. Mérite de passer à l'Ecole de
Paris. »
Ce bon chevalier, si juste appréciateur du
mérite, fut bientôt mis à la retraite, et mourut
peu de temps après. M. Regnaud de Mons,
brigadier de dragons, qui remplaça M. de
Keralio, n'en avait pas la perspicacité; mais
il se conforma à ses notes, tout en s'étonnant,
à la vue du jeune Napoléon, de celles qui le
concernaient, et, l'année suivante, le futur
empereur des Français passa à l'Ecole de Paris
(17 octobre 1784).
Mais ne quittons pas si vite l'Ecole de
Brienne, restons encore quelques instants sur
ce mont Pélion ; nous avons bien le temps de
suivre Achille à la guerre de Troie.
Ceux des élèves de Brienne qui cherchaient
à taquiner Napoléon feignaient de ne pas com-
prendre le mot assesseur, qui était le titre de
son père, et se plaisaient a dire qu'il était tout
simplement huissier.
Le 8 octobre 1783, un écolier nommé Pougin
des Ilets, avec qui il se disputait, ne craignit
pas de lui dire : « Votre père est un misérable
sergent. •
A ces mots, Napoléon se retire frappé de stu-
peur, et revient bientôt avec un cartel qu'il ne
put faire tenir à celui qui venait de l'insulterj le
cartel ayant été aperçu et saisi entre ses mains
par le préfet des classes, qui condamna Bona-
parte à la .chambre de discipline et Pougin
aux arrêts.
L'irritation du jeune Corse fut extrême, et
toucha presque au désespoir. C'est dans ces
circonstances qu'il écrivit au commandant
général de la Corse, M. le comte de Marbeuf,
qui se trouvait en ce" moment à Sens chez
M
m e
d'Espinal, avec l'abbé Raynal, le mar-
quis de Saillant et le prieur de Chambonas,
une lettre qui se termine ainsi :
« Maintenant, monsieur le comte, si je suis
» coupable, si ma liberté m'est ravie à juste
o titre, veuillez ajouter aux bontés dont vous
» m'avez honoré la grâce de me retirer de
» Brienne et de me priver de votre protection :
» ce serait un vol que je ferais à qui saurait
» mieux la mériter que moi. Non, monsieur,
» jamais je n'en serais plus digne; je ne me
u corrigerais point d'une impétuosité d'autant
» plus dangereuse que j'en crois le motif sacré.
» Quel que fût l'intérêt qui me le commandât,
o je n'aurais pas la force de voir traîner dans
» la boue un homme d'honneur, mon père, mon
D respectable père ! Sous ce rapport, monsieur
» le comte, je sentirais toujours trop vivement
» pour me borner à en porter plainte à mes
» chefs ; je serais toujours persuadé qu'un bon
» fils ne doit point commettre un autre à -ven-
» ger un pareil outrage. Quant aux bienfaits
n que vous fîtes pleuvoir sur moi, ils seront
» sans cesse présents à ma pensée. Je me di-
» rai : J'avais acquis une honorable protection ;
a mais, pour en profiter, il fallait des vertus que
» le ciel m'a refusées.
» Veuillez, généreux protecteur, ne voir dans
» la présente qu'un jeune homme qui préfère
» à l a fortune la douce satisfaction de ne point
» affliger un jour son respectable bienfaiteur.
» Napoléon BUONAPARTE. »
La société de Mme d'Espinal était réunie
dans son salon quand un domestique du comte
de Marbeuf lui remit la lettre venue de
Brieûne. Il n'en avait pas terminé la lecture
qu'il s'écria que l'emprisonnement appliqué
BONA 921
dans ces circonstances était une injustice. La
lettre passa de main en main, et l'on prononça
unanimement que le jeune écolier n'avait fait
qu'obéir à des sentiments très-naturels et à
un orgueil très-légitime ; on insista pour que
M. de Marbeuf partît au plus tôt pour Brienne,
afin d'y faire cesser les persécutions exercées •
contre son protégé. Le 9 octobre, le gouver-
neur général de la Corse était en effet chez le
directeur de l'école, et une heure après son
arrivée, Napoléon était mis en liberté sur les
instances de son protecteur, qui lui dit :
• Quelque légitime que soit votre ressenti-
ment, je vous en commande le sacrifice, parce
que je suis certain que jamais outrage ne vous
sera fait. Soyez désormais moins facile à vous
irriter, car celui qui se met en colère pour de
bons motifs finit par s'emporter pour des riens. »
Cet incident, tout petit qu'il paraisse, eut ce-
pendant pour Napoléon un résultat important;
il lui dut le repos et presque le respect de ses
camarades. Frappés de l'énergie qu'il avait
déployée en cette occasion, ils ne se hasar-
dèrent plus à le mortifier, et prirent dès lors
la plus haute idée de son courage et de ses
qualités personnelles.
M. de Marbeuf, caractère de vieille roche,
et, comme nous venons de le voir, comman-
dant général de l'île de Corse au nom du roi,
avait toujours porté un grand intérêt à la fa-
mille Bonaparte ; sa puissante protection avait
aidé à l'admission de Napoléon à Brienne.
Celui-ci ne devait jamais l'oublier. M. de Mar-
beuf était mort à Bastia en 1786, âgé de
soixante-quatorze ans, laissant une veuve beau-
coup plus jeune que lui (elle avait vingt et un
ans) et un fils. Dans le cours de sa vie, Napo-
léon ne laissa échapper aucune occasion de
témoigner sa reconnaissance à la veuve et au
fils de celui qui avait été son ancien protec-
teur. Voici la lettre qu'il adressait, en 1805, au
jeune Marbeuf, alors officier au 25
e
régiment de
dragons : «Je vous accorde, votre vie durant,
» une pension de 6,000 livres sur le trésor de la
» couronne, et j'ai donné ordre à M. de Fleu-
» rieu, mon intendant, de vous en expédier le
» brevet. J'ai donné ordre qu'il vous soit remis,
n sur les dépenses courantes de ma cassette
» particulière, 12,000 fr. pour votre équipe-
» ment. Mon intention est de vous donner,
» dans toutes les circonstances, des preuves
» de l'intérêt que je vous porte pour le bon
• souvenir que je conserve et les services que
» j'ai reçus de monsieur votre père, dont la
» mémoire me sera toujours chère, et je me
» confie dans l'espérance que vous marcherez
» sur ses traces. Sur ce, je prie Dieu qu'il vous
» ait en sa sainte garde. » NAPOLÉON. »
Un bienfait, un service, un souvenir était
pour Napoléon une dette dont il ne croyait
jamais s'être suffisamment acquitté.
Le 19 octobre 1784, Napoléon arriva à Paris
avec quatre de ses condisciples de Brienne,
nommés comme lui, sur le rapport du cheva-
lier de Keralio, élèves de l'Ecole militaire de
Paris. Tous portaient de grands noms, des
noms aristocratiques : c'étaient MM. Nicolas-
Laurent Montarby de Dampierre, Jean-Joseph
; de Cominges, Henri-Alexandre-Léopold de
\ Castries et Pierre-François-Marie Laugier de
j Bellecour. Aucun, toutefois, de ces quatre
! élèves n'entra dans l'artillerie aussitôt que
Napoléon.
Les cinq jeunes gens furent accompagnés
jusqu'à Paris par un minime chargé de veiller
sur eux, et jusqu'à Nogent-sur-Seine, où ils
prirent le coche, par leur camarade Bour-
rienne, qui allait à Sens, son pays, faire une
visite à sa mère.
A l'Ecole militaire de Paris, Napoléon reçut
des leçons de mathématiques du célèbre Monge
. et de M. J.-B. Labbey. M. de l'Eguille, pro-
. fesseur d'histoire, dans le rapport qu'il fit sur
ses élèves, avait ainsi noté le jeune Napoléon
:
Corse de nation et de caractère; il ira loin si
les circonstances le favorisent. Ce professeur
• était très-fier — il y avait de quoi — de sa pré-
diction, et se plaisait, lorsqu'elle fut accom-
plie, à la rappeler.
M. Domairon, professeur de belles-lettres,
disait qu'il avait toujours été frappé de la
bizarrerie des amplifications de Napoléon ; il
les appelait du granit chauffé au volcan. Un
seul s y trompa : ce fut M. Bauer, le gros et
lourd maître d'allemand. Le jeune Napoléon
ne faisait aucun progrès dans cette langue, ce
qui avait inspiré un profond mépris à maître
Bauer, qui ne supposait rien au-dessus de son
art. Un jour que l'écolier ne se trouva pas à
sa place, ce professeur s'informe où il pourrait
être. On lui dit qu'il subissait en ce moment un
examen préparatoire pour l'artillerie. « Mais,
est-ce qu'il sait quelque chose ? dit ironi-
quement l'épais M. Bauer. —Comment, mon-
sieur! c'est le plus fort mathématicien de l'é-
cole , lui fut-ii répondu. — Eh bien, j e l'ai
toujours entendu dire, et j'ai toujours pensé que
| les mathématiques n'allaient qu'aux bêtes. »
i C'est Napoléon lui-même qui a rappelé ce mot
| à Sainte-Hélène ; et, comme il n'avait plus en-
tendu parler de ce professeur : « Je serais
• curieux, disait-il, de savoir si M. Bauer a vécu
assez longtemps pour jouir de son jugement. »
i Quoique nommé lieutenant en second d'ar-
; tillerie, le 1er septembre 1785, après avoir été
i examiné à Paris par Laplace, il n'avait encore
I reçu, le 23 septembre, ni son brevet ni sa lettre
| de service, ainsi que le témoigne une lettre
qii'il écrivit sous cette date, de Paris, à M. La-
! bitte, marchand de draps, rue Saitlt-Honoré,
au coin de la rue des Prouvaires, à J'enseigne
TI-
116
BONA . BONA
922 BONA
de la Croix d'or, et fournisseur de tous les
régiments étrangers au service de France.
Enfin le jeune officier reçut l'ordre de se
rendre à Valence;à la fin d'octobre 1785. il
arriva dans cette ville et fut logé par billet
dans la maison de M
l l e
Bou, qui forme l'angle
de la Grande rue et de la rue du Croissant,
et porte le n° 4.
L'Ecole d'artillerie de Valence était alors
commandée par M. Bouchard, maréchal de
camp, et le régiment de La Fère par le che-
valier de Lance, colonel d'artillerie, avec rang
de brigadier des armées du roi.
Le lieutenant Bonaparte fut placé dans une
des compagnies de la origade de bombardiers.
Il eut pour premier capitaine M. le chevalier
Masson d'Autume, que, en 1-802, premier con-
sul, il nomma à la place de conservateur de
la bibliothèque de 1 Ecole d'application d'ar-
tillerie et du génie, réceniment établie à Metz.
Le frère aîné du meilleur ami de l'élève Na-
poléon, M. des Mazis, lieutenant en premier au
régiment- de la Fère, fut son mentor dès son
arrivée. Bonaparte était venu h Valence, muni
des meilleures lettres de recommandation; il
en avait une, entre autres, de M. de Marbeuf,
évêque d'Autun, pour un spirituel ecclésiasti-
que, l'abbé de Saint-Ruf, très-répandu dans
les salons de Valence. L'abbé de Saint-Ruf
était un véritable abbé, non dans la légère
iicception de co mot, mais dans la plus sé-
rieuse ; il était crosse et mitre et abbé d'une
abbaye, avec le titre de prélat; d'ailleurs
homme du monde e,t très-lettré. Il présenta le
lieutenant Bonaparte dans plusieurs maisons
de Valence, notamment chez M
II1C
Grégoire du
Colombier. Cette dame habitait presque toute
l'année une maison de campagne appelée Bas-
seaux, à près de trois lieues sud-est de Va-
lence. Le prélat s'y rendait en voiture et
emmenait quelquefois son jeune protégé, qui,
plus tard, y fit seul et à pied de fréquentes
visites. M'oo du Colombier était alors âgée de
cinquante ans. C'était une femme de mérite,
oui s'engoua du jeune officier d'artillerie en
vraie méridionale; elle aimait à le faire causer
sur toutes choses, et elle parlait de lui à tout
le monde avec un enthousiasme qui touchait
à l'admiration. Elle vint exprès habiter sa
maison de Valence, pour l'y produire , et
bientôt les invitations affluèrent de tous côtés.
Lancé de la sorte dans les salons de la ville,
le jeune officier voulut, sans être un petit-
maître, y figurer comme danseur; et l'on
raconte qu'il prit des leçons d'un M. Dautel,
le maître à danser le plus renommé de Va-
lence; mais il eut beau faire, il fut toujours
très-mauvais danseur, et il aurait pu répondre
plus tard à M. Dautel ce qu'il répondit a son
maître d'écriture de Brienne : « Le bel élève,
• ma foi, que vous avez fait là! »
Napoléon allait quelquefois visiter M. de
Grave, évêque de Valence, homme pieux et
tolérant, qui aimait à le faire parler de son
^rand-oncle, l'archidiacre Lucien. Bonaparte
dit un jour au prélat qu'un de ses ancêtres
( Bonaventure Buonaparte ) avait été canonisé
à Bologne. L'évêque répliqua : « Mon enfant,
voilà un bel exemple à suivre; songez-y, un
trône dans le ciell—Ahl monseigneur, ré-
pondit Bonaparte, si, en attendant, je pouvais
passer capitaine I* Ceci, dit M. de Coston,
me rappelle un vœu analogue émis à l'empe-
reur par un vieux soldat de sa garde, a Ahl
c'est toi, mon ami, lui dit Napoléon, comme il
se présentait à lui, en le reconnaissant pour
un de ses braves; que me veux-tu? — Sire,
il m'est arrivé un grand malheur... — Une
injustice, un passe-droit, n'est-ce pas? —Non,
sire ; j'ai une bonne femme de mère qui vivait
heureuse et contente du produit de la paye
que lui faisaient ses cinq enfants, tous soldats
comme moi. Elle habitait une chaumière que
le feu vient de dévorée; et, comme il ne lui
reste plus que soixante-dix-sept ans et des
yeux pour pleurer, ce n'est pas assez. — Tu
viens me demander une pension pour elle?
C'est juste; la mère d'un de mes braves doit
compter sur moi. J'en parlerai au ministre de
l'intérieur. Es-tu content?—Non, sire. — Dia-
ble I tu es bien difficile. Alors que veux-tu?
un bon de moi sur le Trésor? — Non, sire.
Ce n'est pas que je trouve votre signature
mauvaise ; mais le temps que les commis
mettront à enregistrer, timbrer et parafer
votre bon, il n'y aura plus de vieille mère
pour moi. Tenez, mon empereur, je n'y vais
pas par quatre chemins; je viens vous em-
prunter de l'argent de la main à la main; et,
pour que vous ne pensiez pas que je veux
vous tromper, voici mon livret; vous toucherez
mon prêt, la solde de ma croix ; le quartier-
maître vous comptera tout cela. — Garde ton
livret, mon brave: entre deux vieilles con-
naissances comme nous, la parole suffit. Voici
un rouleau en attendant (c'était un rouleau
de 1,000 fr. ); tu me rendras cela quand tu
seras colonel. —Merci, mon empereur; mais,
dans votre intérêt, vous devriez bien me nom-
mer caporal, pour avancer un peu l'époque du
remboursement. * Plus heureux que l'évoque,
qui ne pouvait faire passer Bonaparte capi-
taine, Napoléon, dans SOJI intérêt, accorda au
vieux soldat les galons de sergent.
Napoléon, durant ce premier séjour à Va-
lence (de la fin d'octobre 1785 au 12 août 178G),
s'abonna, ainsi que ses camarades, au cabinet
littéraire de M. Aurel, alors libraire, qui avait
un salon particulier pour les officiers d'artil-
lerie, au rez-de-chaussée d'une maison située
u l'angle de la place des Clercs et de la
BONA
Grande rue, à côté de la maison de M'l° Bou.
Bonaparte, d'abord logé militairement chez
M'
l e
Marie-Claudine Bou, alors âgée de cin-
quante ans, laquelle mourut à Valence le
4 septembre 1800, loua d'elle peu après une
chambre au premier étage sur le devant, à
côté d'une salle ou était un billard, exploité,
ainsi que le café au-dessous, par M
|l
« Bou,
qui n'avait pas d'enseigne, et ne recevait dans
son établissement qu'un certain nombre d'ha-
bitués. M. de Coston nous donne la liste des
personnes qui, en 1785 et 1786, fréquentaient,
ainsi que Bonaparte, ce café-cercle. Voici cette
liste :
MM. Aurel, libraire, qui, en 1790, fut aussi
imprimeur, et chez lequel* Bonaparte publia,
en 1793, le Souper de Beaucaire; Bérenger,
procureur du roi à l'élection.de Valence, et,
en 1789, député aux états généraux; Bla-
chette frères, dont l'aîné a été payeur général
de l'armée des Alpes; Boveron, juge-mage,
mort au commencement de la révolution de
1789; Charlon, qui a été membre de la cour
d'appel de Grenoule; Charlon, horloger alors,
qui devint procureur impérial et mourut pro-
cureur du roi à Valence sous la Restauration ;
Colombier, procureur; Marboz, curé de Bourg -
lès-Valence, qui fut successivement évêque
constitutionnel, conventionnel et conseiller de
préfecture à Valence; Mésangère, avocat et
notaire; Mésangère-Cleyrac, procureur, qui
devint notaire à la mort de son frère, et dont
un des fils fut très-lié avec Louis Bonaparte;
Sucy, alors commissaire des guerres, puis
ordonnateur en chef en Italie et en Egypte,
et Vinet, imprimeur.
Telle est la précision des détails que donne
M. de Coston sur les premiers pas de Bona-
parte dans le monde, qu'il nous apprend même
où, chez qui et avec qui le futur empereur
prenait ses repas. Dans ce premier séjour à
Valence, Napoléon mangeait avec les lieute-
nants chez un sieur Gény, qui tenait l'hôtel
des Trois-Pigeons, rue Pérollerie. Les capi-
taines mangeaient chez le nommé Faure, à
l'hôtel de France, rue Saint-Félix. Le 4 dé-
cembre 1785, Napoléon fêta très-gaiement,
dans cet hôtel des Trois-Pigeons, la Sainte-
Barbe, patronne de l'artillerie. Les convives
étaient nombreux : outre les lieutenants du
régiment de La Fère, il y avait plusieurs offi-
ciers en semestre à Valence, au nombre des-
quels se trouvait M. de Bachasson, alors
sous-lieutenant au régiment de Rouergue
(infanterie), cousin germain de M. de Monta-
livet, à qui Napoléon, dont il a été un des
ministres favoris, a souvent parlé de ce repas
très-bruyant et très-cassant. Le .soir du même
jour, il assista à un bal brillant donné, dans
les salles de l'hôtel de ville, par les officiers
de son régiment, à la société de Valence. On
remarqua que Bonaparte y dansa beaucoup,
bien qu'il ne fût guère beau danseur. Il a laissé
de ce temps-là des souvenirs très-précis et
très-profonds chez tous .ceux qui le connurent
alors à Valence, et ces souvenirs de toute une
ville sont d'autant plus frappants, qu'à la date
de cette fête Napoléon n'avait que seize ans
trois mois et quatre jours; niais le caractère
de sa physionomie et de ses allures avait
quelque chose de si remarquable, qu'il s'impri-
mait dans la mémoire des plus indifférents.
Le 1
e r
janvier 1786, il n'était encore, et
c'était beaucoup à son âge, que le vingtième,
c'est-à-dire le dernier lieutenant en second du
régiment de La Fère, d'après l'Etat militaire
général pour 1780, et il avait fait, depuis son
arrivée à Valence, le service voulu de canon-
nier et de bas officier; mais, dans le courant
do janvier, il fut reçu officier, commença à en
remplir les fonctions, assista comme tel aux
manœuvres du canon, de chèvre, de force, et
aux exercices d'infanterie, enfin monta à son
tour, comme lieutenant, la garde au poste do
la place des Clercs. Il ligure, sous la date du
1er avril 1786, dans l'Etat militaire général,
comme le seizième lieutenant en second du
régiment de La Fère.
Ici se place un petit incidentde savieprivée,
qui en rappelle un autre raconté par Jean-
Jacques; et cependant le laborieux écolier de
Brienne n'avait pas encore eu le loisir de lire
les Confessions. On était au printemps de 178G ;
Napoléon, très-bien accueilli dans la meilleure
société de Valence, particulièrement, comme
nous l'avons dit, par M
m e
du Colombier, allait
plus souvent que de coutume à Basseaux. Il
avait distingué M
I l e
Caroline du Colombier,
jeune personne charmante, qui, de son côté, ne
le voyait pas sans intérêt. Us se ménageaient, a
dit Napoléon à Sainte-Hélène, de petits rendez-
vous ou tout leur bonheur se réduisait à manger
des cerises. Le mélancolique prisonnier dédai-
gne de nous apprendre si", à l'instar du citoyen
de Genève, il grimpa sur le cerisier et n'eut pas
aussi l'occasion de faire ce vœu d'une ardeur
toute juvénile : Que mes lèvres ne sont-elles
cerises! Mais il est probable que non; le futur
vainqueur d'Austerlitz devait avoir entête des
conquêtes dl'une tout autre nature. On mon-
trait encore, il y a quelques années, dans la
haie du domaine de Basseaux, théâtre de ces
innocentes amours, le tronc du cerisier dont
Napoléon aimait à cueillir et à manger les
fruits avec Mlle Caroline du Colombier. De ces
premiers temps, M. de Coston raconte une
aneddote assez caractéristique dans un autre
sens. Présenté par M»»c du Colombier à tous
ses voisins de campagne les plus distingués :
chez les dames Dupont, Anglaises qui avaient
aussi une maison à Valence ; chez M. Roux de
Montagnière, alors garde du corps; chez un
oncle de M. de Coston, M. des Aymard, qui
avait rencontré quelquefois Napoléon à Bas-
seaux; chez M. de Bressac, l'un des présidents
du parlement de Grenoble, propriétaire d'un
beau château à la Vache, le jeune lieutenant
en second du régiment de La Fère, bien reçu
partout, se plaisait à visiter' ces honorables
personnes ; et le vicomte d'Urtubie, lieutenant-
colonel du régiment, qui avait conçu de l'amitié
pour lui, loin de lui défendre ces visites, ne
cessait de lui être favorable, et de lui faciliter
les moyens d'allier les devoirs du service avec
ces honorables relations dans le monde. Au
mois de juin 1786, il lui permit d'aller, avec
M. des Mazis, son ami, faire une excursion à
Roche-Colombe, montagne d'une assez grande
élévation, et qui se trouvait à dix lieues sud-est
de Valence. Cette course avait été suggérée
à Napoléon par l'oncle de M. de Coston, M. des
Aymard, qui, venant d'y faire une partie de
chasse , s'était enthousiasmé de - son petit
voyage et parlait avec chaleur, en présence
du jeune Bonaparte, de cette montagne dont
il vanta les richesses minéralogiques et surtout
la beauté des sites, la magnifique perspective.
« Le jeune officier, dit M. de Coston, pria mon
oncle de vouloir bien lui procurer un guide, et
lui dit à plusieurs reprises : « Je ferai cette
» course avec plaisir; j'aime à m'élever au-
• dessus de l'horizon. » Ces paroles, qui sont
devenues prophétiques, ajoute M. de Coston,
m'ont souvent été répétées par mon oncle, et
à des époques bien antérieures à celle où l'an-
cien lieutenant d'artillerie vit ses vœux exau-
cés. Mon oncle lui désigna un nommé Frémond,
et, au jour convenu, les deux officiers ( Bona-
parte et des Mazis) et leur guide partirent pour
Roche-Colombe de chez M. des Aymard, qui
les recommanda à un de ses parents, M. le ba-
ron de Bruyères Saint-Michel, maréchal des
camps et armées du roi, qui habitait la ville de
Crest, où il commandait, et qui se trouvait alors
à sa campagne de Saou, village par où il fallait
passer avant de commencer à gravir la mon-
tagne. » Les mœurs du jeune militaire étaient
très-sévères, et ses habitudes de la plus grande
frugalité. Un officier âgé de moins de dix-sept
ans, c'était presque un écolier. Ses vertus (le
mot n'est pas trop fort), ses goûts élevés si
précoces, avaient quelque chose d'étrange et
comme de fatidique. La singularité eh avait
frappé tous les membres de la famille de M. de
Coston; les particularités s'en étaient comme
gravées dans leur mémoire. Un petit fait, qui
témoignait de ces goûts simples et presque
encore d'écolier dans le jeune .officier d'artil-
lerie destiné à une si haute fortune, fut re-
marqué à la rentrée des semestriers. Le régi-
ment commença ses écoles ; les cours de
mathématiques et de fortification furent re-
pris, et, chaque matin, Napoléon, revenant du
polygone ou de la caserne, ou enfin du couvent
des cordeliérs, dans lequel les moines louaient
un local pour les instructions théoriques des
officiers, Napoléon passait chez le père Cou-
nol, très-bon pâtissier, à l'angle des rues Ver-
noux et Briftaud, prenait deux petits pâtés
brûlants parmi ceux qu'on trouvait toujours
dans un tiroir en tôle établi au-dessous de
l'âtre du four, et buvait par-dessus un verre
d'eau, pour le prix de deux sous qu'il donnait
sans jamais dire un seul mot. Il s'était lié à
Valence avec M. Aurol, le libraire-imprimeur,
chef et fondateur de la maison qui, encore
aujourd'hui, exerce la même honorable in-
dustrie, et que M. de Coston ne mentionne
jamais qu'avec considération. Un ami libraire
devait être un trésor précieux pour cet esprit
insatiable, dévorant tous les livres qui lui
tombaient sous la main, et qui, quand il en-
trait dans la boutique de son ami, devait
s'écrier, comme l'ogre dans la chambre du
Petit-Poucet : « Cela sent ici la chair fraîche, B
C'est là, sans doute, qu'il a fait connaissance
avec Bernardin de Saint-Pierre, auquelildira
plus tard : « Monsieur Bernardin, faites-nous
» des Chaumière indienne. »
Donc, il se plaisait à faire, avec M. Aurel,
des courses dans les environs de Valence. A
la fin de juin, il visita en sa compagnie la
Chartreuse de Bouvantes, dont celui-ci con-
naissait le prieur, et tout ce pays resta dans
la mémoire de Bonaparte. Les deux voya-
geurs avaient passé, dans cette excursion, par
Romans et Saint-Jean-en-Royans, bourg à dix
lieues est-nord-est de Valence, où M. Aurel
visita, avec son jeune compagnon, un pro-
priétaire du lieu, qui était de ses amis, M. Grand
de Chàteauneuf. Ils y reçurent une hospitalité
antique. Bonaparte, qui ne laissait rien échap-
per, avait retenu ce nom ; car, à son retour
do l'île d'Elbe, comme il ne connaissait pas
encore assez les dispositions de Grenoble à son
égard, et qu'il craignait de no pas y être reçu
aussi facilement et aussi triomphalement qu il
lo fut, il envoya un de ses officiers d'ordon-
nance pour faire préparer son logement chez
M. Grand de Chàteauneuf; il avait calculé
qu'en cas d'échec il pouvait venir s'appuyer
sur un point central très-rapproché des ponts
volants de la Sône, de Rochebrune etd'Eymeu,
qui auraient rapidement transporté sa petite/
troupe sur la rive droite de l'Isère, ce qui lui
aurait facilité l'entrée de la ville de Romans,
dont il connaissait les bonnes dispositions.
Ce jeune homme, d'une intelligence si pré-
coce, est tout particulièrement curieux à étu-
dier pendant ce premier séjour à Valence.
Lieutenant en second d'artillerie avant d'avoir
atteint dix-sept ans, on le voit dans cette gar-
nison s'occuper sérieusement de la réalisation
d'un projet qu'il avait conçu à Brienne, quand
il venait d'accomplir à peine sa quatorzième
année, celui d'écrire l'Histoire politique, civile
et militaire de la Corse, depuis les temps les
plus reculés jusqu'à son annexion à la France.
Cette résolution est attestée par la lettre qu'il
écrivit de Brienne à son père, le 13 septem-
bre 1783, où il le priait de lui envoyer Y his-
toire de la. Corse, par Boswel. Il se mit réso-
lument à l'œuvre, et écrivit avec enthousiasme
les premiers chapitres, qu'il lut à ses cama-
rades et à M
m e
du Colombier,.laquelle lui con-
seilla de les soumettre à l'abbé Raynal. « Je
ne le connais pas, luidit Bonaparte. — Eh bien,
répondit M
m
e du Colombier, je lui ferai recom-
mander votre histoire par un de mes amis, et,
s'il l'approuve, vous continuerez. » Cet ami,
dont parlait M">e du Colombier, était l'abbé do
Saint-Ruf, chez qui l'abbé Raynal descendait
chaque fois qu'il allait à Marseille, et vice
versa. C'est alors qu'entraîné par le conseil de
sa confidente, le jeune auteur adressa à l'abbé
Raynal la lettre suivante :
« Monsieur l'abbé,
» Le destin des grandes réputations est d'at-
» tirer l'importunité : chaque débutant veut
»' s'attacher à une célébrité établie. Historien
B novice de ma patrie, c'est votre opinion que
» je voudrais connaître; votre patronage, qui
» me serait cher, auriez-vous 1 indulgence do
» me l'accorder? Je n'ai pas dix-huit ans et
• j'écris; c'est l'âge où ton doit apprendre.
» Mon audace ne m'attirera-t-elle pas vos
» railleries? Non, sans doute; car, si l'indul-
* gence est le partage du vrai talent, vous
• devez avoir beaucoup d'indulgence. Jo joins
» à ma lettre les chapitres un et deux de l'/Zis-
* toire de la Corse, avec le plan des autres. Si
» vous m'encouragez, je continuerai; si vous
» me conseillez de m'arrêter, je n'irai pas plus
• avant. Excusez, mon audace, et ne me re-
B prochez pas le temps que je vais vous faire
» perdre.
» Je suis, monsieur l'abbé, avec une haute
B admiration de vos écrits et un profond res-
» pect pour votre personne,
» Votre très-humble et très-obéissant ser-
» viteur,
» BUONAPARTE, officier d'artillerie. »
On remarquera que, dans cette lettre, il se
vieillissait de plus d'un an. Ce n'est pas, en
effet: « Je n'ai pas dix-huit ans et j'écris, B
mais : a Je n'ai pas dix-sept ans et j'écris, »
qu'il eût dû mettre (il était né le ]5aoûtl7G9),
et cette lettre à l'abbé Raynal est du commen-
cement de juillet 1786. C'était déjà de la diplo-
matie ; il voulait ne pas paraître trop près de
l'adolescence aux yeux de l'historien des deux
Indes. Il paraît que l'abbé donna des éloges
au travail de Napoléon, puisque celui-ci le
continua, ce qui ne l'empêchait pas do lire
beaucoup, à la fois pour s'instruire et pour
apprendre à bien écrire en français. Sa curio-
sité, d'ailleurs, s'étendait à tout, et l'on voit
que déjà il rêvait toutes les gloires. La lettre
suivante témoigne de ses préoccupations litté-
raires et historiques à ce moment do sa car-
rière :
• Valence, le 20 juillet I78G.
. » A M. Paul Barde, libraire à Genève.
» Je m'adresse directement à vous, mon-
n sieur, pour vous prier de me faire passer les
» Mémoires de M"
1
" de "Warens et de Claude
» Anet, pour servir de suite aux Confessions
» de J.-J. Rousseau. Je vous prierai égale-
» ment de m'envoyer les deux derniers vo-
» lomes de l'Histoire des révolutions de la
B Corse, par l'abbé Germanes. Je vous serais
B obligé de me donner note des ouvrages que
» vous avez sur l'île de Corse, ou que vous
» pourriez me procurer promptement. Vous
B pouvez m'adresser votre lettre : A monsieur
B de Buonaparte, officier d'artillerie au régi-
B ment de La Fère, en garnison à Valence, en
» Dauphiné.
B Je suis, monsieur, avec une parfaite con-
B sidération, etc.,
B BuoNArARTE, officier d'artillerie, B
Au dos de cette lettre, M. Barde a écrit ;
« Reçu le 4 août, répondu ledit jour. » Les
Mémoires de M
mo
de "Warens et les Mémoires
de Claude Anet, que Bonaparte demandait
dans cette lettre au libraire Barde, de Genève,
venaient de .paraître à Chambôry. A cette
époque, Napoléon était très-enthousiaste de
J.-J. Rousseau, dont tous les ouvrages lui
étaient familiers; mais ce sont surtout les
livres sur la Corse qu'il cherchait à acquérir et
à rassembler de tous côtés, pour son travail
d'historien, qu'il fut, du reste, bientôt obligé
de suspendre, car, une révolte ayant éclaté à
Lyon au commencement du mois d'août, à
propos du droit de banvin exigé par M. de Mon-
tazet, en sa qualité d'archevêque, le 2
e
bataillon
du régiment d'artillerie de La Fère, appelé à
Lyon, partit de Valence le 12 août, et Bona-
parte avec lui. pour aller, comme on dit tou-
jours en pareil cas, prêter main-forte à la loi
et faire régner l'ordre. Or ce droit de banvin
était un reste odieux des droits féodaux, dont
Mgr de Montozct, pour le bien de l'Eglise, no
voulait à aucun prix se départir; c'était, pour
plus de précision, une modification du droit
par lequel les anciens seigneurs, afin de débiter
plus facilement le vin de leurs récoltes,
interdisaient à leurs vassaux ou censitnires,
pendant la durée du mois d'août, la faculté de
vendre leur propre vin. C'était pour coopérer
au maintien de ce beau droit de banvin que
Bonaparte était obligé de quitter ainsi Va-
BONA
BONA
DONA BONA 923
lence; mais la fortune voulut lui épargner le
malheur de débuter dans la carrière militaire
pour la conservation d'un droit féodal. D'au-
tres que lui avaient donné cette satisfaction à
l'archevêque, en réprimant la révolte le jour
mémo du départ du 2e bataillon du régiment
d'artillerie de La Fère. Les soldats arrivés les
premiers à Lyon avaient suffi pour disperser
les ouvriers en- soie, les ouvriers chapeliers et
autres révoltés, dont trois furent arrêtés,
jugés et pendus dans la journée du 12 août.
Les lieutenants en second, Bonaparte et le
chevalier des Mazîs, qui faisaient partie du
détachement envoyé à Lyon, eurent le bon-
heur de n'y arriver que le 15. Ils entrèrent
dans la ville en même temps qu'un escadron
et une compagnie du bataillon des chasseurs
du Gévaudan,etun bataillon de Royal-marine.
L'artillerie occupa Vaise, les chasseurs prirent
poste à la Guillotière, et le bataillon de Royal-
marine s'établit à la Croix - Rousse; mais
aucun d'eux n'eut à sévir contre les Lyonnais.
Ici, puisque le nom du jeune des Mazis se
trouve encore dans notre récit, arrêtons-nous
un instant. Fidèle à son système de reconnais-
sance , Napoléon devait donner plus tard a
cet aimable compagnon une preuve de ses
souvenirs de jeunesse. Le noble royaliste
avait émigré en 1792. Avant de partir, il avait
écrit à son ancien camarade, qui paraissait
vouloir suivre une tout autre route et s'était
"lancé dans la carrière révolutionnaire. Dans
sa réponse, Bonaparte blâmait vivement la
résolution de son ami et cherchait a l'en dé-
tourner ; en même temps, il lui faisait tenir
25 louis, qu'il lui devait. Alexandre des Mazis,
rentré plus tard en France, fut nommé par :
Napoléon administrateur général du mobilier'
de l'empire. En lui donnant cette place, Napo-
léon, qui avait su apprécier ses principes de
loyauté, lui dit qu'il croyait par là gagner un
million.
Bonaparte avait, cette première fois, sé-
" journé à Valence neuf mois et douze jours, de
la tin d'octobre 1785 au 12 août 178G. A Lyon,
la révolte apaisée, comme nous venons de le
dire, sans que le concours des officiers du
régiment de La Fère eût été nécessaire,
ceux-ci furent logés militairement chez les
principaux négociants de la ville. Les lieute-
nants se faisaient tous les jours, à la parade,
des~confidences mutuelles sur leur manière
d'être dans les logements qui leur avaientété
assignés. Napoléon, forcé comme les autres
de se rendre à ces réunions quotidiennes, était
le seul à ne pas s'épancher à cet égard avec
ses camarades. Un d'eux lui dit : « Et toi, Bo-
naparte, comment es-tu dans ton logement?
(Tous les lieutenants du régiment de La
x
Fère
se tutoyaient; ils avaient à peu près le même
âge et la même éducation.) — Moi, répondit
Bonaparte, je suis dans un enfer; je ne puis
entrer ni sortir sans être accablé de préve-
nances ; je ne puis être seul dans mon loge-
ment. Enfin, il m'est impossible de penser
dans cette maudite maison. — Je voudrais
bien être à ta place, dit celui qui l'interrogeait,
je ne me plaindrais pas de ces prévenances. »
Le ministre de la guerre, qui voulait que les
officiers et les soldats ne s'acoquinassent point
dans une garnison, comme cela arrive trop sou-
vent, saisit cette occasion pour ordonner au
régiment de Bonaparte de se rendre de Lyon
à Douai, où il arriva le 17 octobre 1786. Bona-
parte séjourna peu dans cette ville. A la fin
de janvier, il obtint un congé'et partit pour la '
Corse, laissant à Douai son régiment. "Valence
lui tenait au cœur ; Valence était sur sa route ; '
il y arriva vers le milieu de février, et s'y •
arrêta quelque temps dans son ancien loge- j
ment chez M"e Bou, dont il avait eu à se,
louer pendant «son séjour, y visita toutes ses'
connaissances et en reçut le meilleur accueil.
A cette époque déjà, il avait contracté l'ha-
bitude de priser, et les souvenirs qu'il a lais-.
ses à Valence étaient d'une telle précision,
qu'il y a trente ans à peine, des gens qui vi-
vaient encore dans cette ville racontaient que,
pendant le court séjour qu'il y fit à cette
date, il donna à raccommoder sa modeste
tabatière en fer-blanc au sieur Jeannot, alors
ouvrier chez un M. Drojat, maître ferblantier
à Valence. Quelques jours après, il partit pour
sa ville natale, qu'il n'avait pas revue depuis
la fin de 1778, visita l'abbé Raynal à son pas-
sage à Marseille, et arriva malade à Ajaccio,
au commencement de mars, après neuf an-
nées d'absence assez bien employées, comme
on a pu le voir.
Bonaparte avait encore son vieil oncle, l'ar-
chidiacre Lucien, qui était le plus riche des
Bonaparte. Il le trouva perclus par la goutte )
^et alité depuis longtemps. Sain de tête, il ne
laissait commettre aucun abus dans l'adminis-
tration de ses biens. Il connaissait la force et
le nombre des pièces de bétail •, faisait abattre
l'une, vendre ou conserver l'autre; chaque
berger avait son lot, ses instructions. Les
moulins, la cave, les vignobles étaient soumis
à la même surveillance. L'ordre et l'abon-
dance régnaient partout. La situation de la
famille Bonaparte n'avait jamais été plus
prospère. Le grand-oncle était riche, avons-
nous dit ; mais il n'aimait pas à se dessaisir ; il
tenait surtout à prouver a sa famille qu'il ne
faisait pas d'économies. Quand- Napoléon, en
vertu d'un axiome bien connu des neveux, lui
demandait de l'argent : n Tu sais bien, lui ré-
pondait l'économe archidiacre, que je n'en ai
pas, que les expéditions de ton père ne m'ont
rien laissé. » En même temps, il l'autorisait à
vendre une tête de bétail, une pièce devin..
Mais on avait aperçu un sac; on était las dans
la famille de l'entendre chanter misère avec
des pièces d'or dans ses draps, car il en avait
fourré partout. On résolut de lui jouer un tour..
:
Pour cela, Napoléon se" ligua avec sa sœur
Pauline, qui était toute jeune alors et la plus
espiègle des trois. Il lui donna militairement
ses instructions, et, à l'heure dite, voilà ma
Paulette qui tire, comme par mégarde, un
grand sac à demi caché, et une armée de
doublons de rouler par la chambre. Toute la
famille réunie riait aux éclats. Pour ceux qui
connaissent la Corse, il sera plaisant de se
représenter cette scène où l'on parlait moitié
corse et moitié français. Le bonhomme d'oncle
étouffait de colère et de confusion. Si Napo-
léon, l'âme du complot, n'eut pas cette fois de
la canne sur le dos, c'est qu'il prit de la poudre
d'escampette, lui qui n'avait pas l'habitude de
fuir devant l'ennemi. M
lti
e Lœtitia, qui respec- :
tait les petites faiblesses de l'oncle Lucien, !
accourut au bruit, gronda fort les enfants, j
ramassa les espèces , et l'archidiacre de pro-
tester que cet argent n'était pas à lui : on '
savait dans la famille à quoi s'en tenir; mais j
le complot avait eu un plein succès, et l'on
n'eut garde de le contredire. Du reste, malgré
le tour qu'il venait de lui jouer, l'attachement
de Napoléon pour son-grand-oncle était très- i
sincère, et cet attachement se manifesta en
ce temps par une de ces lettres singulières
où se montrent tout à la fois les qualités mo- !
raies, l'activité et même l'inquiétude de son"!
esprit, qui le portaient, avec une sorte de curio-
sité vague, vers tous les hommes dont la ré-
putation était alors établie. Il est malheureux
que Voltaire et Rousseau fussent morts lors-
que le jeune Coi'se n'avait encore que neuf
ans ; il leur eût certainement adressé des
épîtres curieuses. Voiei celle que dictèrent à
son cœur les souffrances vraiment cruelles du
vieil archidiacre, et qu'il adressa au docteur
Tissot, à Lausanne :
« l<=r avril 1787. Âjaccio (Corse).
» Monsieur,
» Vous avez passé vos jours à instruire l'hu-
» manité, et votre réputation a percé jusque
» dans les montagnes de la Corse, où Von se
» sert peu de médecins. Il est vrai que l'éloge,
» court, mais glorieux, que vous avez fait de
>: leur aimé.général (Paoli), est un titre bien
» suffisant pour les pénétrer d'une reconnais-
» sance que je suis charmé de me trouver, par
» la circonstance, dans le cas de vous témoi-
» gner au nom de tous mes compatriotes. Sans
» avoir l'honneur d'être connu de vous, n'ayant
» d'autre titre que l'estime que j'ai conçue
» pour vos ouvrages, j'ose vous importuner en
» vous demandant vos conseils pour un de mes
» oncles qui a la goutte.
» Ce sera un mauvais préambule pour ma
« consultation, lorsque vous saurez que le
» malade en question a soixante-dix ans ; mais,
» monsieur, considérez que l'on vit jusqu'à
» cent ans et plus, et mon oncle, par sa con-
» stitution, devrait être du petit nombre de ces
n privilégiés; d'une taille moyenne, n'ayant
» fait de débauche d'aucune espèce ; ni trop
» sédentaire, ni trop peu-n'ayant jamais été
» agité de ces passions violentes qui dérangent
» l'économie animale, n'ayant presque point eu
» de maladie dans tout le cours de sa vie. Je
n ne dirai pas, comme on l'a dit de Fonte-
» nelle, qu'il avait les deux grandes qualités
» pour vivre : bon corps et mauvais cœur;
» cependant, je crois qu ayant eu du penchant
» à l'égoïsme, il s'est trouvé dans une situa-
n tion heureuse qui ne l'a pas mis dans le cas
n d'en développer toute la force. Un vieux
» goutteux génois lui prédit, dans le temps
» qu'il était encore jeune, qu'il serait affligé
» de cette incommodité, prédiction qu'il fon-
« dait sur ce que mon oncle a des mains et des
« pieds extrêmement petits, et la tête grosse,
u Je crois que vous jugerez que cette prédic-
» tion accomplie n'est qu'un effet du hasard.
» La goutte lui prit, en effet, à l'âge de
» trente-deux ans : les pieds et les genoux en
n furent le théâtre. Il s est écoulé quelquefois
n jusqu'à quatorze ans sans qu'elle revînt. Un
» ou deux mois étaient la durée des accès. 11
» y a dix ans, entre autres, qu'elle lui revint,
n et l'accès dura neuf mois. 11 y aura deux ans
» au mois de juin que la goutte l'attaqua aux
» pieds. Depuis ce temps-là il garde toujours
» le lit. Des pieds la goutte se communiqua
» aux genoux ; les genoux enflèrent considé-
» rablement. Depuis cette époque, tout usage
» du genou lui a été interdit. Des douleurs
» cruelles s'ensuivirent dans les genoux et
» les pieds; la tête s'en ressentit, et il passa
» les deux premiers mois de son séjour au lit,
i> dans des crises continuelles. Peu k peu, sans
» aucun remède, les genoux se désenflèrent,
» les pieds se guérirent, et le malade n'eut
n plus d'autre infirmité qu'une inflexibilité de
» genoux occasionnée par la fixation de la
» goutte aux jarrets, c'est-à-dire aux nerfs et
» aux artères qui servent au mouvement. S'il
» essaye de remuer le genou, des douleurs
» aiguës le font cesser. Son lit n'est jamais
» refait; simplement on découd les matelas et
» Ton remue la laine et les plumes. Il mange
n bien, digère bien, parle, lit, dort, et ses jours
» s'écoulent, mais sans mouvement, mais sans
» pouvoir jouir des douceurs du soleil. Il ira-
it plore le secours de votre science, sinon pour
» le guérir, du moins pour fixer dans une autre
» partie ce mal gênant. '
» L'humanité, monsieur, me fait espérer
n que vous daignerez répondre à une consul-
» tation si mal digérée. Moi-même, depuis un
s-mois, je suis tourmenté d'une fièvre tierce,
» ce qui fait que je doute que vous puissiez
» lire ce griffonnage. Je finis, monsieur, en
» vous exprimant la parfaite estime que m'a
« inspirée la lecture de vos ouvrages, et la
» sincère reconnaissance que j'espère vous
» devoir.
« Monsieur, je suis, avec le plus profond
n respect, votre très-humble et très-obéissant
ii serviteur,
» BUONAPARTK, officier d'artillerie au
* régiment de La Fère. «
On voit ici que Napoléon, qui savait tant
ménager ses paroles, ne ménageait pas son
encre aussitôt que le cœur venait à parler.
L'adresse de ce curieux autographe porte :
« A monsieur Tissot, docteur en médecine, de
» la Société royale de Londres, de l'Académie
« médico-physique de Basle, et de la Société
» économique de Berne, à Lausanne en Suisse.
» A Lausanne, »
Et au coin : a Isle de Corse, *
Le cachet, très-bien conservé, porte les
armes de la famille Buonaparte, surmontées
d'une couronne de comte. La requête était
sérieuse : le neveu, pieux et dévoué, l'entou-
rait de toute la solennité désirable.
Le passage sur Paoli, auquel Bonaparte fait
allusion, se trouve dans le Traité de la' santé
des gens de lettres, p. 121, édition de Lau-
sanne de 17G8. Tissot combat l'abus du travail
de cabinet, qui privé trop tôt le monde des
lumières et des travaux de tant d'hommes de
lettres, morts trop jeunes pour le bien de
l'humanité : « César, Mahomet, Cromwell,
M. Paoli, plus grand qu'eux peut-être, ont
sans doute reçu de la nature des forces plus
qu'humaines, et, malgré cela, ils auraient
succombé sans le secours de l'exercice et de
la sobriété. »
Tissot avait écrit ces lignes dans le plus
beau moment de la lutte de la Corse contre
les Génois, et ce passage avait inspiré au
jeune Bonaparte autant de respect que d'es-
time pour le savant philanthrope, qui savait
applaudir de si loin aux efforts de ses conci-
toyens pour conquérir leur liberté. Ce senti-
ment, exprimé avec tant de chaleur dans la
lettre de Bonaparte, auraitdû, semble-t-il, exci-
ter chez le docteur Tissot quelque sympathie ;
mais, soit que vingt-cinq ans écoulés depuis
ce temps eussent un peu refroidi son enthou-
siasme pour les sujets qui se révoltent contre
leurs souverains, soit que Paoli n'eût pas ré-
pondu à son attente, soit que les maux du vieil
archidiacre Lucien lui parussent au-dessus
des ressources de l'art, soit enfin qu'il eût mal
déchiffré l'écriture, toujours mauvaise, de Na-
poléon, et sans doute plus mauvaise encore ce
jour-là qu'à l'ordinaire, puisque lui-même
tremblait la fièvre
t
Tissot ne fit aucune réponse
à la lettre, sur laquelle il écrivit de sa main
l'inscription suivante : « Lettre non répondue;
peu intéressante, »
On sait que ce médecin célèbre est mort à
Lausanne le 12 juin 1797, à l'âge de soixante-
dix ans, c'est-à-dire quand déjàde jeune offi-
cier d'artillerie auqjuel il avait jugé inutile de
répondre s'appelait le vainqueur de l'Italie,
qu'il s'était placé parmi les César, les Mahomet
et les Cromwell, et qu'on pouvait dire de lui
mieux que du général Paoli, « plus grand
qu'eux peut-être, » et le docteur Tissot put
s'apercevoir qu'il avait manqué là une fameuse
occasion d'être prophète.
Le brave oncle avait été toujours, malgré
sapassion de thésauriser, la providence de la
famille. Quand Charles-Marie Bonaparte, le
père du héros, était revenu de Versailles en
Corse, satisfait d'avoir obtenu des bourses
pour ses enfants, il retrouva les affaires de sa
maison, qu'il avait laissées en mauvais état,
rétablies par les soins de Mme Lœtitia et les
économies du vieil oncle Lucien. La principale
vertu de l'archidiacre était sans doute l'éco-
nomie, mais cette vertu n'était pas chez lui
stérile : elle lui avait donné le moyen de com-
bler les déficits occasionnés par les dépenses
et le luxe un peu inconsidérés de son neveu
Charles-Marie, et parles expéditions militaires
que celui-ci avait commandées pendant la
guerre de l'indépendance, bien que l'oncle
Lucien ne fût pas un grand partisan de cette
f
uerre. Il s'accommodait assez pour son compte
e la domination des Génois, sous laquelle il
n'avait rien à craindre pour ses chèvres, qui,
selon l'usage du pays, allaient brouter, sous la
garde de ses bergers, dans les vaines pâtures
ou les makis de l'île. Il aimait ses chèvres,
et, pour tout dire, regrettait les Génois. Le
jeune Napoléon, dans ce premier retour en
Corse, apportait beaucoup d'idées françaises,
et déclamait'souvent devant son grand-oncle
contre les chèvres trop nombreuses dans l'île,
et qui y causaient de grands dégâts ; il voulait
qu'on lès extirpât entièrement. Il avait à ce
sujet des prises terribles avec le vieil archi-
diacre, qui en possédait de grands troupeaux
et les défendait en patriarche. Dans la cha-
leur de la dispute, il reprochait à son petit-
neveu d'être déjà un novateur, et accusait les
idées philosophiques du péril de ses chèvres.
Le congé de Napoléon était de ceux qu'on
accordait ordinairement aux jeunes nobles
élevés dans les écoles militaires, et qui, bien
que dispensés pendant la durée de ces congés
de tout service actif, gardaient tous leurs
droits à l'avancement dans le corps auquel ils
étaient attachés. Le 1er janvier 1788, Bona-
parte était devenu le treizième lieutenant en
second de son régiment, et, à la fin de ee>
mois, il quitta sa patrie, où il avait séjourné
onze mois près de sa famille (du commence-
' ment de mars 1787 au 31 janvier 1788). Pen-
dant ce séjour, il avait beaucoup lu, beaucoup
travaillé; il avait consulté sur les lieux de nom-
breux documents pour son Histoire civile et
politique de la Corse, et il avait écrit ou
griffonné avec sa fougue ordinaire les deux
volumes qui devaient les composer, sauf à les
revoir et à les corriger. Pour un si jeune
homme (il n'avait pas encore dix-neuf ans ac-
complis), c'était là, certes, un honorable tra-
vail, de quelque façon qu'il fût exécuté, et
qui témoignait d'une rare capacité et d'une
singulière aptitude pour les entreprises sé-
rieuses. Nous verrons tout à l'heure ce qui
advint de cette œuvre, en tout cas méritoire.
Parti de la Corse pour rejoindre son régi-
ment à Auxonne, Bonaparte revit pour la troi-
sième et non pour la dernière fois sa chère
Valence, qu'il trouvait sur son chemin. Son
congé n'était pas expiré, et il résolut de passer
la plus grande partie de ce qui en restait en-
core à courir auprès des amis qu'il s'y était
faits dans son précédent séjour. Il y arriva au
commencement de février 1788. Tout d'abord,
il alla prendre son logement au café de
Mlle Bou, disant dès son arrivée, en plaisan-
tant : « Je viens me reposer chez moi. » Ce
nouveau séjour à Valence, tout court qu'il
fut, ne laissa pas d'être marqué par un in-
cident qui mérite qu'on le rapporte. Vers le
milieu dece mois de février,la enaire de philo-
sophie de l'université de Valence étant deve-
nue vacante, cinq concurrents se présentèrent,
pour lutter d'arguties selon l'usage des écoles
du temps. Le concours s'ouvrit le 4 mars, et
chacun des concurrents eut à soutenir pen-
dant cinq jours, alternativement, les assauts
de la dialectique de ses adversaires. Parmi les
combattants était un jeune abbé nommé Bosc,
qui, absent, fut lâchement attaqué par un de
ses compétiteurs, dominicain, appelé Pajet.
Les curieux étaient nombreux, et l'un d'eux,
lieutenant d'artillerie, paraissait suivre avec
beaucoup d'intérêt les chances de la lutte
orale; il recueillait des notes, et surtout im-
prouvait fort la conduite déloyale du moine
envers le jeune abbé. Ce lieutenant était Bo-
naparte. Au sortir de la séance, ayant ren-
contré l'abbé Bosc, il le conduisit au café Bou,
lui parla de matières théologiques et philoso-
phiques avec science et sagacité, ce dont
s'émerveilla le jeune clerc; puis, lui mettant
entre les mains une carte à jouer : « Voici,
» lui dit-il, le relevé succinctdes erreurs avan-
» cées par cet impertinent moine dans le cours
n de son argumentation. A l'aide de ces docu-
» ments, il vous sera facile de le confondre. Pre-
» iiez courage.» Puis, le contraignant d'avalec
coup sur coup, malgré l'insistance de ses refus,
six tasses de café, il ajouta : o Buvez ; Voltaire
« puisait ses inspirations dans cette liqueur gé-
ii néreuse : elle vous suggérera des arguments
u contre ce coquin de moine. »
L'abbé Bosc se présenta de nouveau dans
la lice le 6 mars, et, grâce aux renseignements
écrits que lui avait fournis Bonaparte, et aux
arguments qu'ils avaient trouvés ensemble
après leur petit excès de tasses de café, il fit
chèrement expier au dominicain et ses erreurs
et ses impertinentes insinuations.
Quelques années après, le lieutenant Bona-
parte était devenu général en chef de l'armée
d'Italie ; son nom était dans toutes les bouches,
et l'abbé Bosc, devenu curé de son côté, ai-
mait à rappeler et les six tasses de café et la
carte aux notes qu'il'avait précieusement con-
servée, et qui, de babiole, était devenue à ses-
yeux une sorte de relique. Plus tard, lorsque
le lieutenant Bonaparte était devenu empereur,
un jour que le curé Bosc racontait cette anec-
dote devant Fourcroy, avec qui il dînait au
château d'Alex, celui-ci le pria avec tant d'in-
stance de lui donner la carte aux notes de
Napoléon, que le bon abbé consentit à s'en des-
saisir, et le célèbre Fourcroy aimait à mon-
trer ces caractères menus et hiéroglyphiques,
qui témoignaient des précoces expansions in-
tellectuelles du grand et bizarre enfant gâté
du xvme siècle et de là Révolution française.
Napoléon passa ainsi, à Valence, deux mois
de son congé; il en partit au commencement
d'avril pour Paris, où il arriva peu après, et où
il s'arrêta près d'un mois encore, car il n'alla
rejoindre, à Auxonne, le régiment d'artillerie
de La Fère, que le l«
r
mai 1788. Dans ce court
intervalle, il alla visiter plusieurs fois, à Passy,
l'abbé Raynal, qu'il avait vu à Marseille, et
à qui il communiqua son manuscrit de l'His-
toire de Corse, terminée tant bien que mal.
Frappé de quelques phrases énergiques, et
sensible aussi peut-être à la chaude admira-
tion que le jeune officier d'artillerie profes-
sait pour lui, l'abbé Raynal loua l'œuvre et
l'engagea à la publier. Napoléon envoya éga-
lement son travail au P. Patrault de l'école de
Brienne, pour avoir son avis ; celui-ci lui
manda que son œuvre, toute méritoire qu'elle
était, lui paraissait trop hostile à la France,
et était écrite dans un trop grand esprit de
liberté. Napoléon fut très-blessé'de ce juge- '
ment ; il avait fondé de grandes espérances
sur la publication de ce livre, espérances
qu'il caressa longtemps. Il perdit depuis ou
brûla cet ouvrage de sa jeunesse, où il avait
comme jeté sa gourme et sou premier feu.
Le régiment d'artillerie de La Fère était en
garnison à Auxonne depuis le 25 décembre
924 BONA
1787, lorsque Napoléon y arriva le îcr niai
1788, et il devait y rester jusqu'au 1er sep-
tembre 1789. C'est à Auxonne que le jeune offi-
cier atteignit sa vingtième année, et il a laissé
dans cette ville, comme à Valence, des sou-
venirs très-précis près de tous ceux qui l'ont
connu dans cette garnison. Sa manière de
vivra et d'être étonnait et occupait tout le
monde. Il avait loué une chambre dans la
maison du professeur de mathématiques do
l'Ecole d'Auxonne, M. Lombard, qui l'avait
pris en grande amitié, et qui, comme s'il eût
pressenti les hautes destinées qui attendaient
son élevé, ne cessait de répéter : Ce jeune
homme ira loin. Bonaparte était très-studieux
et très-assidu aux leçons du savant profes-
seur. Il donnait au travail presque tout le
temps que son service n'exigeait nas
?
et, pour
être moins souvent dérangé, il allait sans fa-
çon manger un peu de bouillie de maïs ou de
millet chez une bonne femme qui demeurait
dans la maison. Quand il se promenait, il
avait toujours des livres ou des papiers a la
main.Ildirigeait le plus souvent ses pas vers le
village de Villers-Roti, à une lieue d Auxonne,
et s'asseyait là sous un vieux et gros tilleul,
qu'on appelait l'arbre de Sully, parce qu'il
avait été planté un jour que l'ami de
Henri IV passait par là pour se rendre a
Autun. Dans ses courses, il s'arrêtait souvent
pour tracer sur le sable du chemin des figures
de géométrie avec le bout de son épée. Une
de ses promenades favorites était la grande
chaussée établie a l'extrémité du pont sur la
Saône. Arrivé à une chaumière qui était au
bout de cette chaussée, il s'y faisait servir
une tasse de lait ou de café, qu'il prenait tou-
jours l'un ou l'autre pur. Cette chaumière prit
plus tard et conserva jusqu'à la Restauration
le nom de Café Bonaparte.
Il n'aimait pas, comme il disait « qu'on l'em-
pêchât de penser. » Or presque tous les offi-
ciers de la garnison d Auxonne se prirent,
vers ce temps-là, d'une belle passion pour la
musique, et ils déchiraient impitoyablement,
jusque très-avant dans la nuit, les oreilles de
leurs voisins. On se plaignit au commandant
d'école, qui n'était pas plus tendre que mélo-
mane, et il défendit ce tapage depuis la re-
traite jusqu'au roulement du matin : mais dans
le jour le vacarme était permis, et à quelques-
uns il paraissait insupportable. De ce nombre
était le lieutenant Bonaparte, qui faillit avoir
un duel à propos de musique. C'était se mettre
en flagrante contradiction avec les principes
du maître à chanter du Bourgeois gentil-
homme, qui prétendait que si les hommes ne
s'entendent pas entre eux, c'est parce qu'ils
ne savent pas la musique. Un de ses camara-
des du même grade, logé au-dessus de lui,
(M. Belli .de Bussy, qui depuis fut son aide
de camp pendant la campagne de France)
avait pris le goût de sonner du cor, et l'as-
sourdissait de manière à le distraire de toute
espèce de travail. Bonaparte le rencontre
dans l'escalier : « Mon cher, vous devez bien
vous fatiguer avec votre maudit instru-
ment. — Mais non, pas du tout. — Eh bien,
vous fatiguez beaucoup les autres. — J'en
suis fâché. — Mais vous feriez mieux d'aller
sonner de votre cor plus loin. — Je suis
maître de ma chambre. — On pourrait vous
donner quelque doute là-dessus. — Je ne
pense pas que personne fût assez osé. » Duel
arrêté. Dans le régiment de La Fère, à moins
de courir la chance d'être renvoyés, deux
lieutenants ne pouvaient se battre qu'après
avoir préalablement fait juger le duel par
leurs camarades, qui décidaient s'il aurait lieu
ou non. Le conseil décida en cette occasion
qu'en effet ce vacarme du cor trop prolongé
ne pouvait pas se produire quotidiennement
sans préjudice pour les voisins, et qu'à l'ave-
nir on irait donner du cor à pleins poumons
dans les forêts.
Les deux lieutenants devaient avoir une for-
tune bien diverse; M.Belli de Bussy se retira
de bonne heure du service ; mais l'empereur
prouva en 1814 à M. Belli de Bussy qu'il avait
oublié la rancune du lieutenant. Lors de la
urunde invasion, le patriotisme se réveilla
.dans l'aristocrate, qui trouva l'occasion de
donner à son ancien adversaire des rensei-
gnements importants sur la. position de l'en-
nemi, dans cette terrible lutte qu'on a appelé©
si justement la campagne de France. Napo-
léon le nomma d'emblée son aide do camp,
avec le grade de colonel d'artillerie, et, pour
subvenir aux frais de son équipement, Un re-
mit sur le Trésor un bon de 25,000 fr. A la
place du petit caporal, Henri IV, qui aimait la
plaisanterie en action, l'aurait nommé son
grand-veneur pour qu'il pût donner du cor
tout à son aise : malheureusement, à cette
triste époque, il s'agissait de courre autre
chose que les daims et les sangliers.
Un autre souvenir du séjour de Bona-
parte à Auxonne se rattache à une anecdote
ultérieure. En cette année 1788,1e général du
ïeil ordonna, dans le polygone d'Auxonne, di-
vers travaux dont il chargea le lieutenant Bo-
naparte, auquel il adjoignit le sieur Floret,
alors sergent au régiment d'artillerie de La
Fère. Le commandant d'école, qui était sé-
vère, trouvant que ses instructions n'avaient
fias été suivies, mit le lieutenant aux arrêts et
e sergent en prison.
A une affaire assez importante de la pre-
mière campagne de Saxe, sous l'ex-lieutenant
Bonaparte alors passé empereur, ce même
Floret. qui était devenu capitaine comman-
dait d artillerie au 1er régiment à pied, ayant
BONA
tardé à venir se mettre en ligne, l'empe-
j reur Napoléon arrive : • Monsieur Floret,
s'écria-t-il, votre batterie est toujours en
retard 1... Je vous ferai arrêter à la tête de
votre compagnie l — Sire, si vous me faites
arrêter, ce ne sera pas le moyen de me faire
aller plus vite, » répondit froidement le capi-
taine. Ce mot fit sourire l'Empereur. Deux
jours après, Napoléon rencontrant cet offi-
cier, et ne pensant plus à ce qui s'était passé,
s'approche de Floret, cause amicalement avec
lui, et lui rappelle, entre autres choses, le
temps où ils étaient en garnison à Auxonne.
• Te souviens-tu, dit-il en lui tirant l'oreille,
de ces travaux que nous fûmes chargés d'exé-
cuter au polygone? — Oui, sire, — Te rap-
f>elles-tu que nous les effectuâmes si mal, que
e sergent Floret fut mis en prison pour huit
jours, et le lieutenant Bonaparte aux arrêts
1
pendant vingt-quatre heures? — C'est vrai,
, sire, répondit Floret avec une sorte de viva-
' cité ; vous avez toujours été plus heureux que
moi. »
Ces anecdotes sont charmantes, et la vie
militaire de Napoléon, comme, celle do plu-
sieurs autres grands capitaines, en est rem-
plie. Seulement ici, on rencontre une viva-
cité, une bonne humeur de corps de garde,
en un mot, une grognardise qui ne se trouve
que rarement ailleurs.
Le séjour de Bonaparte à Auxonne, ou bien,
pour les besoins du service, dans des lieux
peu éloignés, à Seurre et à Autun, fut d'un
an et quatre mois (du 1 " mai 1788 au 1er sep-
tembre 1789). Il avait dans cet intervalle,
comme nous l'avons dit, atteint sa vingtième
année. Une émeute ayant éclaté à Seurre
au commencement de 1789, le marquis de
Gouvernet, lieutenant général, commandant
en chef le duché de Bourgogne, envoya de
Dijon à Auxonne l'ordre d'en faire partir im-
médiatement pour Seurre un détachement de
cent hommes du régiment d'artillerie de La
Fère. Ce détachement était commandé par
M. de Menoir, lieutenant en premier, qui de-
vint colonel d'artillerie sous le Consulat, et
par Bonaparte, lieutenant en second. Heureu-
sement encore, comme à Lyon, ce détache-
ment n'eut point à sévir ; l'ordre s'était rétabli
de lui-même. On jugea nécessaire cependant
délaisser là quelque temps ce détachement.
Ici encore se place une petite anecdote ca-
ractéristique. A Seurre, Bonaparte était logé
chez le procureur de cette petite ville. Celui-
ci, voulant régaler son hôte d'une distraction,
donna en sonhonneur un bal, auquel il invita
tous ses amis et les personnages marquants
de la localité. Minuit venait de sonner; tous
les violons étaient en branle depuis deux
heures, et notre lieutenant n'avait pas encore
paru. Le maître de la maison monte à la
chambre de son hôte, frappe à la porte, entre
et le trouve couché tout de son long sur dts
plans. Comme Archimède au milieu du sac
de Syracuse, il n'avait entendu ni la musi-
que ni le sourd retentissement des sauts et
des galops des danseurs, qui faisaient trem-
bler la-maison, lui dont l'oreille s'était mon-
trée si délicate à l'occasion du cor de chasse
de M. de Bussy. Sur les instances du pro-
cureur, Napoléon se rendit au bal, où il ne
resta que trois quarts d'heure. Pendant son
séjour à Seurre, le jeune Bonaparte fut re-
marqué comme étant très-studieux, très-sé-
rieux, très-liseur et peu communicatif ; on
s'aperçut aussi qu'il était moins que recherché
dans sa tenue. Cette remarque avait été faite
également à Auxonne, où sa mise simple,
presque négligée, contrastait avec celle de
plusieurs de ses camarades, qui étaient'très-
élégants, et donnaient autant d'heures aux
soins de leur toilette que Napoléon en donnait
à l'étude et à la méditation. Une autre re-
marque que l'on fit encore, c'est qu'une riche
bibliothèque de la ville ayant été mise à sa
disposition,les ouvragesqu'il recherchait avec
i le plus d'avidité étaient ceux qui traitaient des
révolutions chez les peuples. Les préoccupa-
tions du patriote corse semblent, dès cette
époque, avoir commencé à dominer fortement
son esprit. On a de lui, du 12 juin 1789, une
lettre politique écrite d'Auxonne à Paoli, qui
était alors en Angleterre, lettre dans laquelle
il entretient le citoyen démocrate de son His-
toire de Corse, lettre curieuse à plus d'un
titre et qui témoigne hautement dés senti-
. ments qui l'agitaient déjà à cette époque.
I On sait ce qu'était Pascal Paoli. Né le
25 avril 1725, d'Hyacinthe Paoli, au village
de Stretta, paroisse de Rostino, en Corse, il
• avait été nommé général de la nation en 1755,
par une assemblée tenue au couvent des frè-
res servites de San-Antonio-di-Casabianca, et,
le 13 juin 1769 , après d'infructueux efforts
pour rendre l'indépendance à son pays (quel-
ques mois avant la naissance de Napoléon), il
s'était embarqué pour Livourne, puis pour
Londres, où il avait vécu depuis, loin de sa
!
patrie annexée à la France. Le père de Na-
ît poléon, Charles-Marie Bonaparte, avait com-
t battu avec lui pour cette indépendance, qui
! lui était chère ; ainsi c'est à cet ancien ami
de sa famille, mais surtout au chef de l'an-
cien parti national, que le jeune homme corse
adressait cette lettre, qui fut trouvée en 1797,
à Corte, dans les papiers de Paoli, qui venait
de quitter sa patrie pour la troisième et der-
nière fois.
« Général,
» Je naquis quand la patrie périssait. Trente
• mille Français, vomis sur nos côtes, noyant
BONA
le trône de la liberté dans des flots de sang,
tel fut le spectacle odieux qui vint le pre-
mier frapper mes regards. Les cris du mou-
rant , les gémissements de l'opprimé, les
larmes du désespoir environnèrent mon ber-
ceau dès ma naissance.
» Vous quittâtes notre île, et avec vous dis-
parut l'espérance du bonheur; l'esclavage
fut le prix de notre soumission. Accablés
sous la triple 'chaîne du soldat, du légiste et
du percepteur d'impôts, nos compatriotes
vivent méprisés..., méprisés par ceux qui
ont les forces de l'administration en main.
N'est-ce pas la plus cruelle des tortures que
utese éprouver celui qui a du sentiment ?
'infortuné Péruvien périssant sous le fer
» de l'avide Espagnol éprouvait-il une vexa-
• tion plus ulcérante? Les traîtres à la patrie,
» les âmes viles que corrompit l'amour d'un
» gain sordide ont, pour se justifier, semé des
» calomnies contre le gouvernement national
• et contre votre personne en particulier. Les
» écrivains, les admettant comme des vérités,
» les transmettent à la postérité. •
» En les lisant, mon ardeur s'est échauffée,
• et j'ai résolu de dissiper ces brouillards, en-
» fants de l'ignorance. Une étude de la langue
» française commencée de bonne heure, de
» longues observations, et des mémoires pui-
» ses dans les portefeuilles des patriotes m'ont
I* » mis à même d'espérer quelque succès... Je
. • veux comparer votre administration avec
(
• l'administration actuelle... Je veux noircir
: » du pinceau de l'infamie ceux qui ont trahi
• la cause commune... Je veux appeler au
» tribunal de l'opinion ceux qui gouvernent,
» détailler leurs vexations, découvrir leurs
» Sourdes menées, et, s'il est possible, inté-
» resser le vertueux ministre qui gouverne
« l'Etat (c'était alors Necker) au sort déplo-
» rable qui nous afflige si cruellement.
« Si ma fortune m'eût permis de vivre dans
» la capitale, j'aurais eu sans doute d'autres
• moyens pour faire entendre nos gémisse-
» ments; mais, obligé de servir, je me trouve
• réduit au seul moyen de la publicité; car,
» pour des mémoires particuliers, ou ils ne
» parviendraient pas, ou, étouffés par la cla-
• meur des intéressés, ils ne feraient qu'oc-
» casionner la perte de l'auteur.
• Jeune encore, mon entreprise peut être
» téméraire; mais l'amour de la vérité, de la
» patrie, de mes compatriotes, cet enthou-
» siasme que m'inspire toujours la perspective
; • d'une amélioration dans notre état, nie sou-
» tiendront. Si vous daigne2, général, approu-
» ver un travail où il sera si fort question de
• vous; si vous daignez encourager les efforts
» d'un jeune homme que vous vîtes naître, et
. » dont les parents furent toujours attachés au
| B bon parti, j'oserai augurer favorablement du
; » succès.
1
n J'espérai quelque temps pouvoir aller à
» Londres vous exprimer les sentiments que
» vous m'avez fait naître, et causer ensemble
• des malheurs de la patrie; mais l'éloigne-
» ment v met obstacle. Viendra peut-être un
» jour ou je me trouverai à même de le fran-
» chir.
«-Quel que soit le succès de mon ouvrage,
B je sens qu'il soulèvera contre moi la nom-
B breuse cohorte d'employés français qui gou-
B vernent notre île, et que j'attaque ; mais
» qu'importe, s'il y va de 1 intérêt de la patrie !
B j entendrai gronder le méchant, et si coton-
» nerre tombe, je descendrai dans ma con-
B science, je me souviendrai do la légitimité
B de mes motifs, et, dès ce moment, je le bra-
» verai.
» Permettez-moi, général, de vous offrir les
:
» hommages de ma famille. Eli! pourquoi ne
t dirais-je pas de mes compatriotes? ils sou-
» pirent au souvenir d'un temps ou ils espérè-
B rent la liberté. Ma mère, madame Lcetitia,
s m'a chargé surtout de vous renouveler le
« souvenir des années écoulées à Corte.
• Je suis avec respect, général, votre tres-
» humble et très-obéissant serviteur,
B Napoléon BUONAPARTE,
» Officier au régiment de La Fère. •
Auxonne en Bourgogne, 12 juin 1789.
Le Corse, le libéral, le républicain déjà,
éclatent dans cette lettre. Une profonde amer-
tume y règne, et, malgré l'inexpérience de
l'écrivain et quelques expressions pompeuses;
on y trouve un je ne sais quoi d'éloquent à la
Raynal, en un mot on y sent un homme sé-
rieux et profondément passionné, qui appor-
tera dans tous les actes de sa vie le sérieux
et la passion. On se figure qu'à cet âge, Bru-
tus, ce .jeune homme triste et pâle qui par-
courait silencieusement les rues de Rome, ne
devait ni penser, ni écrire, ni se conduire au-
trement. Singulier rapprochement, dira-t-on ;
Brutus devenir César 1 Ce sont là les caprices
ou, si l'on veut, les ironies de l'histoire.
Le mois suivant (juillet 1789), Napoléon
écrivait d'Auxonne à sa mère
T
au moment
peut-être où Ton prenait à Paris la Bastille,
et où commençait cette Révolution qui allait
lui ouvrir une si vaste carrière et le conduire
à de si hautes destinées. Voici ce que confiait
le futur empereur à la sollicitude maternelle :
« Je n'ai d'autre ressource ici que de tra-
» vailler. Je ne m'habille que tous les huit
• jours, je ne dors que très-peu depuis ma ma-
» ladie : cela est incroyable. Je me couche à
» dix heures et je me lève à quatre heures du
• matin. Je ne fais qu'un repas par jour à trois
» heures : cela me fait très-bien à la santé..»
BONA
Cela lui faisait au contraire très-mal à la
santé, car la maladie dont il parle n'avait
d'autre cause que le régime annihilant auquel
il s'était soumis pendant l'hiver de 1788 à 1789.
Par besoin d'économie, par vertu, et comme
pour tout essayer des choses humaines, Na-
poléon avait persuadé à deux de ses amis,
Alexandre des Mazis et un autre dont l'his-
toire n'a pas conservé le nom, que l'homme
pouvait ne vivre qu'avec du lait et du pain :
principe animal et principe végétal. Les deux
amis s'étaient laissé convaincre, et l'on se
réunissait pour ce copieux repas dans la
chambre du jeune Bonaparte. Seulement,
our que l'esprit ne fût pas complètement
éshénté de ce festin du corps, il avait été
convenu que chacun à son tour y apporterait
un conte en prose, qu'on lirait après ce qu'ils
appelaient par hyperbole le diner. Napoléon
fournissait son continrent avec une exacti-
tude militaire; ses récits étaient toujours bi-
zarres et roulaient sur quelque aventure roma-
nesque et tragique. Ce qu'il y avait de sombre
et d amer en lui y débordait, et souvent sa
physionomie réfléchie prenait un air de tris-
tesse en les lisant. Mais ces agapes fraternel-
les, bonnes au cœur, étaient mauvaises à l'es-
tomac ; et c'était en ne vivant que de lait que
Napoléon était tombé dans un état d'anémie
dont un seul ftepas par jour ,ne pouvait
guère le tirer. Il fut traité par M. Bien-
velot, chirurgien-major du régiment d'artille-
rie de La Fère, lequel l'était encore sous le
Consulat, dans le même régiment, lorsque, le
15 prairial an X (4 juin 1802), Bonaparte, pre-
mier Consul, en passa la revue au Champ-de-
Mars. L'ancien officier de La Fère reconnut
son docteur, et lui dit : o Eh bien, mon vieux
Bienvelot, êtes-vous toujours aussi original?
— Pas tant que vous, citoyen premier Consul,
qui ne faites rien comme les autres, et que
personne jusqu'ici n'a encore pu imiter. «
Les soins do M. Bienvelot donnés au jeune
Napoléon à Auxonne firent beaucoup pour le
rétablissement de la santé de celui-ci, qui, par
ordonnance, dut manger de la viande et boire
du vin ; mais il fallait encore quelques distrac-
tions et l'air natal, et, par les conseils du même
docteur, le petit lieutenant d'artillerie obtint
un congé de semestre, et partit d'Auxonne
pour la Corse le 1er septembre 1789.
Il va sans dire qu'il ne manqua pas de s'ar-
rêter dans cette Valence qui tint toujours une
si grande place en ses souvenirs. Il y revit avec
une vive satisfaction tous ceux dont il avait
pour ainsi dire reçu la bienvenue aussi bien-
veillants à son égard : l'excellente Mme du Co-
lombier; la non moins excellente Mlle Bou, son
ancienne 'hôtesse; l'abbé-prélat M. de Saint-
Ruf, dont l'obligeance envers lui ne s'était pas
affaiblie malgré la divergence de leurs opinions
politiques, qui s'accusait de plu$ en plus à me-
sure que les événements marchaient, et qui de-
vait les pousser bientôt très-loin en sens di-
vers. Mais il avait hâte de revoir sa patrie, sa
mère, sa famille, et il arriva en Corse dans les
derniers jours de septembre. Il fut reçu avec
des larmes de joie par tous les siens, et sa con
duite dans ses diverses garnisons en France
lui méritait bien cet accueil. Jamais sa fa-
mille n'avait reçu de plaintes contre lui ;
officier pauvre, il n'avait aucune dette, vi-
vant chétivement, mais sans créanciers. Il
en résultait que, malgré sa jeunesse, il jouis-
sait, dès l'âge de vingt ans, de cette consi-
dération précieuse que les mieux doués n'ac-
quièrent ordinairement qu'avec les années, et
à laquelle bon nombre d'hommes n'arrivent
jamais.
Cependant la Révolution marchait toujours.
. Elle avait fait, même en Corse, de grand.s
progrès. Le jeune officier d'artillerie se sen-
tait poussé invinciblement vers elle. Chose
singulière, il retrouva son vieux grand on-
cle, 1' archidiacre, presque démocrate en dépit
de sa robe et de ce qu'il redoutait pour le
clergé. Il s'éteignait visiblement, souhaitant
peut-être de s'endormir avant l'orage que tout
annonçait, mais que son petit-neveu semblait
respirer d'avance. Il ne tarda pas, durantee se-
mestre, d'en donner des marques non équivo-
ques. 11 prit part, dès son arrivée, aux assem-
blées populaires, et, le 31 octobre 1789, il
signa, le premier en tête, l'adresse de plusieurs
Corses à l'Assemblée nationale* qu il passe
même pour avoir rédigée. Voici le début do
cette pièce importante, dont l'original imprimé
est devenu d'une extrême rareté : <*
ADRESSE DK PLUSIEURS CORSES A L'ASSEMBLÉU
NATIONALE.
Ajaccio, le 31 octobre 1780."*
A Nosseigneurs de l'Assemblée nationale,
• Nosseigneurs,
« Lorsque des magistrats usurpent une auto-
rité contraire à la loi; lorsque des députés
sans mission prennent le nom du peuple pour
parler contre son vœu {allusion a des Corses
qui, sans mandat, avaient contrecarré à Ver-
sailles les députés légaux de la Corse, Colonna,
di Cesare-Rocca et Salicetti), il est permis à
des particuliers de s'unir, de protester, et, de
cette manière, de résister à l'oppression. Dai-
gnez donc, Nosseigneurs, jeter un coup d'œil
sur notre position, B Suit l'exposé des griefs
de la Corse. La pièce se termine ainsi :
• Vous, les protecteurs de la liberté, dai-
gnez jeter un coup d'œil sur nous, qui en
avons été jadis les plus zélés défenseurs.
Nous avons tout perdu en la perdant, et nous
' n'avons trouvé dans le titre de vos compa-
BONA
BOXA BONA
BONA 925
triotes que l'avilissement et la tyrannie. Un
peuple immense attend de vous son bonheur.
Nous en faisons partie... jetez les yeux sur
nous, ou nous périssons.
o Nous sommes avec respect, Nosseigneurs,
vos très-humbles et très-obéissants sujets. »
Les signatures de cette adresse, rédigée en
quelque sorte ab irato, et dans un style sou-
vent incorrect, mais énergique, sont surtout
curieuses à connaître. Les voici dans leur or-
dre et avec les qualités :
BUONAPARTE,
BUONAPARTE, officier d'artillerie; TARTA-
ROLI, propriétaire ; Pozzo DI BORGO , secré-
taire des électeurs de la noblesse de Corse ;
BUONAPARTE,
BUONAPARTE, ancien archidiacre ; ORTO, an-
cien procureur du roi de l'amirauté, et ancien
podestat; LAZARO BALLERO, avocat et député
de la corporation des laboureurs ; FRANCKSCO
Pozzo DI BORGO, ancien oflicier municipal et
député de la corporation des laboureurs ;
PIKTRO DKLLA COSTA, ancien ofrîcier de la
légion corse; GIUSEPPE DRAGO; GIOVAN GIU-
SEPPE Pozzo DI BORGO; GIOVAN-BATISTA TER-
NANO; GIROLOMO BALLERO, négociant; PIETRO
ZKRBJ, député de la corporation des cordon-
niers; GIOVAN-BATISTA PIETKAPIANA, procu-
reur du siège royal et député de la corpora-
tion des maçons; ANTONIO PERALDI, chanoine;
ANTONIO COLONNAD'ORNANO; SILVESTRO CAL-
OATOGIOJ chef des laboureurs ; IGNAZIO MATTEO,
vicaire général; MARIO GIGLIARA, chef des
laboureurs ; FILIPPO SPETURNO , chanoine ;
CARLO PAULINO ; ANTONIO PETRETTI GUIDAC-
CIOLI ; l'abbé COLONNA ; l'abbé GIOVAN-BATISTA
RECCO ; TOMASO TAVERA; PIETRO PETRETTO ;
ANDRÉA SUZINNI; SIMONI BONISONI; GIUSEPPE
CUNKO; GIROLOMO COSTA, chanoine; l'abbé
FRANCKSCO RAMOLINI: GIUSEPPE; ANTONIO
RUBAGLIA, négociant; l'abbé GIOVAN-BATISTA
Pozzo DI BORGO, électeur du clergé d'Ajac-
cio ; GIOVAN-MARIA PARAVICINI; FESCH, ar-
chidiacre du chapitre; CUTOLI, etc., etc.
Ainsi déjà, ce jeune officier de vingt ans
s'était mis, par son ascendant moral et sa
bouillante ardeur, à la tête des plus notables
citoyens de sa patrie, revendiquant la liberté,
avec des citoyens de toutes les classes. On
voit là, en effet, pêle-mêle, et dans un vérita-
ble laisser-aller égalitaire et démocratique
des hommes des plus humbles professions mê-
lés aux noms les plus aristocratiques de l'île,,
et le jeune Bonaparte y entraîne jusqu'à son
vieux grand-oncle, l'archidiacre Lucien.
A cette heure solennelle où la France nou-
velle jetait un défi superbe au vieux monde,
au lendemain de la prise de cette forteresse
en qui se personnifiaient tous les abus de la
royauté, le souffle de la Révolution avait évi-
demment passé sur l'âme de Bonaparte, et
toutes les ardeurs bouillonnaient dans son
cerveau. La grande aurore de 89 l'éblouissait
de ses feux naissants. Le l " janvier 1790, il
était devenu le huitième lieutenant en second
du régiment de La Fère, mais le citoyen pri-
mait en lui le lieutenant. L'adresse que nous
venons de rappeler était un acte collectif,
dont il avait, sans nul doute, pris l'initiative,
et que, en le signant le premier, il avait parti-
culièrement marqué de son nom et de sa griffe,
ex ungue leonem. Il ne devait pas tarder à
faire plus encore, mais cette fois en son
propre nom, et sous sa seule responsabilité.
En effet, le 23 janvier 1790, il écrivit sa
fameuse lettre à Buttafuoco, foudroyante
apostrophe à celui qu'il regardait comme le
Judas de sa patrie. Cette lettre, qui est datée
de l'an II de la liberté, et signée simplement
Buonaparte, sans autre qualification, est une
i véhémente philippique qu'il fit imprimer peu
' après, sous ce titre : Lettre écrite par Buona-
parte à M. Matteo di Buttafuoco, maréchal
des camps et armées du roi, député de la no-
blesse corse à l'Assemblée nationale consti-
tuante. On lit à la première ligne de cette
lettre : De mon cabinet de Milleli. Or, ces
mots seraient pour le lecteur une énigme, si
nous ne les faisions pas suivre de quelques
éclaircissements. Ce cabinet, comme si tout
devait être bizarre dans ces commencements
d'un grand homme, était une grotte près d'A-
jaccio, qui tire son mérite principal des sou-
venirs de Napoléon qui y sont attachés. La
tradition de ceux qui ont familièrement vécu
avec lui durant son jeune âge est restée vi-
vante à Ajaccio. Dans presque toutes les
classes, on y trouvait encore, il y a une tren-
taine d'années, des compagnons de son en-
fance, et il n'en était aucun qui ne dît, avec
une sorte de simplicité mêlée d'orgueil, quand
on parlait de lui : Era uno di noi! c'était un
de nous. La maison de campagne où il fut
élevé, et qui appartenait à sa famille, était un
peu au-dessus de la ville, et la grotte de Mil-
leli est situpe à quelque distance. C'est là qu'il
aimait à se retirer, loin de tout hruitet de toute
compagnie. Il s'y cachait, dit-on, pour appren-
dre ses leçons avec plus de calme et de trmi-
G R O T T K D E M I L L E L I .
quillité ; mais sans doute aussi que la nature
et la position du lieu exerçaient sur son âme,
qui ne se connaissait point encore, une attrac-
tion involontaire, ainsi que le dit M. de Cos-
ton, à qui nous allons emprunter la description
de cette grotte, désignée'vulgairement au-
jourd'hui sous le nom de Grotte de Napoléon. Il
en fait remarquer le caractère singulier dans
ses rapports avec la nature même du jeune
Corse. Jamais cachette d'enfant ne fut mieux,
. dit-il, à la mesure de celui qui l'avait choisie
pour asile. Elle est formée par deux énormes
blocs de granit éboulés du sommet de la mon-
tagne. En roulant sur la pente, ils sont venus
choquer l'un contre l'autre, et se sont servis
mutuellement d'appui : il en résulte une es-
pèce de voûte naturelle, à la manière d'une
voûte cyclopéenne. Une extrémité est ou-
verte, l'autre bouchée par le talus du terrain,
et dans le vide, un homme se tient à l'aise.
Les forces de ces rudes et pesantes masses
de pierre, se balançant l'une l'autre, les ont
maintenues dans un merveilleux équilibre,
et ont là arrêté leur chute
?
formant cette
grotte étrange, ce cabinet ou aimait à venir
s'abriter du soleil cette jeune tête occupée
dès l'enfance de tant d'idées. La colline où se
trouve la grotte est déserte, d'un caractère
grandiose et sauvage; elle est pleine d'aspé-
rités et parsemée de blocs éboulés, sembla-
bles à ceux qui forment la Grotte de Napo-
léon. La végétation en est presque africaine.
Les plantes qui y croissent le" plus volontiers
sont les cactus, a feuilles grasses et épineuses,
s'élevant à huit et dix pieds de hauteur ; parmi
ces cactus sont mêlés des buissons de myrtes
et d'oliviers, des arbousiers avec leur feuillage
d'un vert sombre et leurs fruits rouges, des
lauriers et de grandes bruyères. Le silence
n'est troublé que par le sifflement des merles
voltigeant dans les broussailles, et par le
bruit lointain de la mer roulant sur la plage.
La vue domine la ville et les vergers qui l'en-
tourent, et se repose sur les flots bleus du
golfe. La courbe immense de la côte est aride
et sans villages, et la solitude, quand on re-
garde au-dessus de la ville, est aussi grande
que celle du désert. En avant, la pleine mer ;
en arrière, les hautes cimes de la montagne
d'Ajaccio, toutes voisines des neiges éternel-
les du Monte Rotondo. Voilà quelle était et
quelle est encore la grotte à laquelle Napo-
léon enfant a mis son nom, et qui, sans lui,
serait encore perdue peut-être par»ni les acci-
dents ignorés de cette contrée rocailleuse.
C'est là ce que Napoléon appelait son cabinet
de Milleli, et c'est de là qu en partant d'Ajac-
cio pour la France, le 23 janvier 1790, il lançait
sa bombe à l'ancien patriote corse, qui s'était
si aisément accommodé du joug français.
Arrêtons-nous un peu dans cette grotte,
pour ainsi dire découverte par un bambin de
nuit ans, qui y va méditer et apprendre ses
leçons. A cet âge, on s'arrête aux nuissons du
chemin, on fuit la chasse aux papillons, on
met au pillage les prairies émaillées, et si,
par fortune, on aperçoit un nid de bouvreuil
caché dans les branches, plus heureux qu'un
roi, on embrasse le vieux tronc et l'on met la
veste en lambeaux pour posséder l'innocente
couvée. Voilà l'enfance, et qui de nous ose-
rait la blâmer? Non ignora malt... Ici, tout
est différent; la nature ne se reconnaît plus,
tant elle est bouleversée : il n'y a rien de l'en-
fant, presque rien d'humain. Ce n'est qu'après
avoir connu les hommes que Diogène les mé-
prise et les fuit; les anachorètes avaient une
barbe blanche, devenue proverbiale, quand ils
s'enfonçaient dans les déserts de la Thébaïde :
dans la grotte de Milleli, c'est un petit être
tout frais et tout rose, sur le menton duquel
le duvet n'a pas encore eu le temps de naître ;
mais déjà, dans cette tête, s'agitait un monde.
Des rêves d'une ambition immense voltigeaient
sous ces voûtes humides, l'aiglon sortait la
Ééfce de son aire, embrassant l'horizon de son
œil étincelant et regardant la nature face à
face.
Revenons à la fameuse lettre à Matteo
Buttafuoco, où règne, avec le sentiment et
l'expression de l'ironie la plus amère, la dé-
clamation la plus énergique contre les trahi-
sons vraies ou supposées de celui auquel elle
s'adresse ; elle fait merveilleusement con -
naître quelle impression avait produite la Ré-
volution française sur les idées du jeune Corse,
et retrace avec une rapidité et une éloquence
remarquables les événements qui amenèrent
la soumission de sa patrie à la France. Toute-
fois, avant de parler de cette pièce historique,
disons quelques mots de celui à qui elle s a-
dresse. Buttafuoco n'était pas, à proprement
dire, un traître, du moi/is dans la honteuse
acception de ce mot. Frappé des troubles,
des tiraillements qui agitaient son pavs de-
puis trop longtemps, il avait cru que le seul
moyen d'y mettre un terme était une incorpo-
ration pure et simple à la France, et, lors-
926 BONA
BONA BDNA
BONA
qu'en 1768 Gênes céda à Louis XV la souve-
raineté de l'Ile, comprenant que la lutte avec
la France était désormais impossible, Butta-
fuoco fit connaître ses sentiments a Paoli,
dont il avait été j u s q u e - l à le compagnon
d'armes. Mais Paoh voulait pour son pays une
liberté absolue. Alors les liens qui unissaient
ces deux "nommes furent rompus, et Buttafuoco
fut déclaré traître à la patrie. Celui-ci sui-
vit en Corse l'armée française^ mais à la con-
dition expresse qu'il ne serait jamais contraint
à tirer lépée contre ses compatriotes. Sur
ces entrefait es, 1789 éclata, et Buttafuoco eut
le tort de rester dévoué aux principes de l'an-
cienne monarchie. Les idées républicaines
travaillaient profondément la Corse et la ré-
veillaient de son. engourdissement •, les parti-
sans de Paolï sentirent renaître leur enthou-
siasme pour la liberté, et cette haine vigou-
reuse, endormie mais non éteinte, contre ce
qu'ils appelaient le despotisme militaire. Dans
ceux qui s'étaient ralliés à la monarchie de
Louis XV
;
ils ne virent plus que des adver-
saires politiques. C'est alors que le jeune Bo-
naparte , gagné entièrement aux principes
républicains,Tança sa fameuse lettre qui accrut
encore "l'irritation. Il est impossible à qui ne
l'a pas lue de se faire une idée de la violence
avec laquelle elle est écrite. Il y a surtout,
vers la fin , un passage singulièrement cu-
rieux: « 0 Lameth l o Robespierre I ô Pé-
» thionl ô Volney! ô Mirabeau I ô Barnave!
» ôBailly! ô La Fayette, » s'écrie le fougueux
patriote"après avoir tracé le portrait le plus
hideux de celui à qui il s'adresse, « voilà
» l'homme qui ose s'asseoir parmi vous! Tout
» dégouttant du sang de ses frères, souillé
n de crimes de toute espèce, il se présente
» avec confiance sous une veste de général,
• inique récompense de ses'forfaitsl II ose
» se dire représentant de la nation, lui qui la
» vendit, et vou3 le souffrez 1 il ose lever les
» yeux, prêter les oreilles à vos discours, et
» vous le souffrez l Si c'est la voix du peuple, il
» n'eut que celle de douze nobles ; si c'est la
* voix du peuple, Ajaccio, Bastia et la plupart
» des cantons ont fait à son effigie ce qu'ils
» eussent voulu faire à sa personne. (Il avait
» été brûlé en effigie).
» Et vous, que l'erreur du moment, peut-
» être les abus de l'instant, portent à vous op-
•> poser aux nouveaux changements, pourrez-
• vous souffrir un traître, celui qui, sous l'exté-
» rieur froid d'un homme sensé, cache une avi-
» dite de valet?je ne saurais 1 imaginer. Vous
» serez les premiers à le chasser ignominieuse-
» ment, dès que l'on vous aura instruits du
» tissu d'horreurs dont il a été l'artisan.
» De mon cabinet de Milleli. le 23 janvier an II. •
On voit que Bonaparte était admirablement
préparé pour les grands jours qui s'appro-
chaient. Par les idées et surtout par le tem-
pérament, il était dès lors acquis a la Révo-
lution. Mais, dans cette philippique, il y avait
évidemment beaucoup d'exagération. Butta-
fuoeo répondit au bouillant officier : » Vous
voulez blâmer dans votre lettre, et vous ne
connaissez les personnes que par vos souf-
fleurs, n 11 répondait en même temps à son
compatriote Salicetti, qui l'avait traité d'aris-
tocrate en pleine Assemblée nationale : a Je
fus sans doute zélé royaliste, c'était un de-
voir ; j'ai autant loué ceux du tiers état qui
ont soutenu leurs droits avec modération.
Mon avis était pour la monarchie réglée et
tempérée par les états généraux permanents ;
ce système aurait satisfait tout le monde,
mais on n'adoptait que des idées extrêmes. »
Nous croyons savoir qu'en ce moment même
un des descendants de Buttafuoco prépare
avec un soin pieux une correspondance et des
documents qui tendront à sa réhabilitation.
Ces documents viendront s'ajouter à un té-
moignage peu connu. Napoléon, lorsque M. de
Talleyrand lui rapporta ses œuvres de jeu-
nesse, qu'il avait tait rechercher, brûla sa
lettre à Buttafuoco, qu'il disait o empreinte de
l'exaltation produite dans une jeune* tête par
jes événements de la Révolution. »
Ci-dessus figure un dessin de cette grotte, dû
au crayon de M. J.-P. Laurens. Nous faisons
des vœux pour que ce sujet, si digne d'inspirer
le pinceau, soit traité par un de nos grands
artistes. Toute la difficulté consiste à être
vrai, et la grotte de Milleli nous parait un
thème autrement poétique que le célèbre pas-.
s;»ge des Alpes, où la vérité historique n'a
point été respectée, puisque le cheval fou-
gueux était simplement un prosaïque mulet.
Sa bombe a Buttafuoco lancée, cet acte
de patriotisme corse accompli, le citoyen
avait quitté ses concitoyens, et le lieutenant
d'artillerie était immédiatement parti pour
aller reprendre stoïquement son service, em-
menant dans cette patrie nouvelle, qui n'é-
tait pas encore même sa patrie d'adoption, son
frère Louis. Le 31 janvier 1700, il était déjà à
Valence, où il aimait singulièrement à se re-
trouver, et il y assistait à la fédération des
gardes nationales du Dauphiné, du Vivaràis et
de la Provence, réunies sous les murs de Va-
lence, d'après les mandats de leurs municipa-
lités respectives. C'était un dimanche, une
double fé^ejuiquelque chosedel'enthousiasme
de ces Français récemment émancipés com-
mença à passer dans son âme.
a Le dimanche 31 janvier 1790, dît le procès-
verbal de cette fédération du Midi, sous les
murs de la ville de Valence, se sont réunis,
par détachements de cavalerie et d'infanterie,
dix mille six cents citoyens armés. »
Il y eut ce jour-là un grand dîner chez le
commandant de la garde nationale de Valence,
et, le soir, chez M. Perrin, citoyen renommé
par son zèle patriotique, un bal nombreux au-
quel assista Bonaparte. C'était ce grand mou-
vement national , cet enthousiasme de la
liberté, qui, du jeune Corse, allait bientôt
faire un Français.
Les semestriers n'étaient tenus à rentrer
dans leurs corps respectifs que sur l'appel de
leurs chefs, et les semestres comportaient,
hors de cet appel, plusieurs mois et souvent
un an d'absence. Bonaparte passa environ
trois mois à Valence, où il était comme en fa-
mille, chez lui, selon son expression. Il ne
rejoignit son corps que le 1er juin 1790, à
Auxonne, où il arriva avec son frère Louis,
qu'il présenta à ses camarades comme un.
jeune homme gui vient observer une nation gui
tend à se détruire ou à se régénérer. «Un de
mes parents, ancien compagnon d'armes de
Napoléon, m'a certifié avoir présentes à sa
mémoire, dit M. de Coston, les expressions
énergiques dont se servit Bonaparte en sa
présence, D II doutait un peu encore, comme
on voit; mais observer était son mot comme
son acte favori.
C'est pendant ce second séjour de onze mois
à Auxonne (du îet juin 1790 aux derniers jours
d'avril 1791) qu'il fit imprimer à Dôle, chez
M. F .-X Joly, sa lettre à Buttafuoco, qui ne fut
tirée qu'à cent exemplaires. Napoléon, toujours
accompagné de son frère Louis, allait en corri-
ger lui-même les épreuves chez l'imprimeur à
Dôle. Ils partaient d'Auxonne à pied, dès
quatre heures du matin, prenaient chez M. Joly
un déjeuner frugal, et se remettaient en route
pour revenir à Auxonne, où ils étaient sou-
vent de retour avant midi, ayant ainsi par-
couru huit lieues de poste dans la ma-
tinée.
A Auxonne, Napoléon était h la fois et le
mentor et le précepteur de son jeune frère.
Le futur roi de Hollande couchait à la ca-
serne, dans un cabinet de domestique contigu
à la petite chambre qu'occupait le futur em-
pereur. Bonaparte mettait lui-même le pot au
feu, dont Louis et lui se contentaient philoso-
phiquement.
Au rapport de M. de Coston, on n'a jamais
connu à Bonaparte d'aventures galantes à
Auxonne, quoique plusieurs dames peu scru-
puleuses se soient vantées plus tard d'avoir
eu des relations intimes avec lui. Il nous ap-
prend, toutefois, qu'il aimait beaucoup une de-
moiselle Pillet, belle-fille de M. Chabert, ho-
norable citoyen d'Auxonne, dont le salon lui
était ouvert. Mlle Manesca Pillet était une
belle personne, très-bien élevée ; Napoléon
voulait l'épouser, et l'on avait conservé pré-
cieusement dans la maison Chabert des fiches
de jeu en ivoire où le futur conquérant de
l'Europe s'était plu à écrire le nom de bap-
tême peu commun, et qui lui plaisait beaucoup,
de sa prétendue.
Dans les courses qu'il aimait à faire aux
environs d'Auxonne, à pôle, à Nuits, à CI-
teaux, partout le jeune officier d'artillerie,
d'une bonne logique et d'une langue alerte,
prêtait main-forte à la cause de la Révolution,
sans précisément déplaire aux aristocrates,
dont cependant il combattait vaillamment les
doctrines surannées. C'est ainsi qu'étant allé,
au printemps de 1791, faire à Nuits une visite
à M. de Gassendi, capitaine commandant au
régiment de La Fère, qui avait épouséj le
4 mai 1790, la fille d'un riche médecin de
Nuits, il ne tarda pas à s'apercevoir du dissen-
timent des opinions politiques entre le beau-
père et le gendre. Le gentilhomme Gassendi,
tout descendant qu'il était du philosophe de
ce nom, était aristocrate, et le médecin très-
" chaud patriote. Celui-ci trouva dans le jeune
lieutenant un auxiliaire puissant, ne déguisant
rien, allant au fond des choses, rétorquant
sans embarras tous les arguments de son ad-
versaire , et il en fut si ravi que, le len-
demain, au point du jour, il faisait à Bona-
parte une visite de reconnaissance et de sym-
pathie.
Le tocsin de la Révolution venait de son-
ner. Bonaparte, alors détaché en garnison à
Nuits, a tracé de l'état des opinions à ce mo-
ment un tableau d'une vérité saisissante; et,
à ce propos, M. .de Coston raconte une anec-
dote *très-caractéristiquc. Il y avait, dans cette
même ville de Nuits, si célèbre par ses vins,
beaucoup d'aristocrates. Le maire, loin d'être
patriote, s'était fait en .quelque façon l'espion
du parti; il dénonçait aux ennemis de la Ré-
volution tous ceux qui en professaient les
principes, et il s'étonnait qu'on ne les pendît
f
ioint en compagnie des membres les plus il-
ustres de l'Assemblée constituante, qui n'é-
taient pour lui que des coguins et des brigands.
Il faisait sa lecture habituelle et ses délices
des Actes des Apôtres, l'insolent journal qui
leur prodiguait les insultes les plus irritantes.
Mais monsieur le maire do Nuits tenait sur-
tout à ce qu'on destituât, puisqu'on était assez
faible pour ne pouvoir les pendre, ceux qui
n'étaient pas, comme lui, ennemis des philoso-
phes et des novateurs. Or un dimanche, Bo-
naparte fut invité à souper chez Mme Marey,
auprès de laquelle un de ses camarades,— que
M. de Coston ne désigne* que par les initiales
M. R... de V..., mais dont nous n'avons,
nous, aucune raison pour ne pas écrire le nom
tout au long, M. Rolland de Villeneuve,— sem-
blait fort bien établi. C'était là le renaire de
l'aristocratie du canton, bien que la dame ne
fût quo la femme d'un marchand do vins ;
mais elle avait une grande fortune et les
meilleures manières du monde; c'était la Cé-
limène de l'endroit. Là se trouvait toute la
gentilhommerie contre-révolutionnaire des
environs. Le jeune officier avait donné dans
un vrai guêpier. Il lui fallut rompre force lan-
ces. La partie n'était pas égale. Au plus fort
! de la mêlée, on annonce M. le maire» Napoléon
j crut que c'était un secours envoyé du ciel
i dans ce moment de crise. « Mais il était le
pire de tous, ce maudit homme, dans son
bel accoutrement du dimanche, bien bour-
', souflé sous un grand habit cramoisi. Toute
: la compagnie jugea le jeune républicain
perdu. Heureusement, la maîtresse de la mai-
son , peut-être par une secrète sympathie
'd'opinions, car elle tenait à la famille Monge,
J vint au secours de Napoléon dans cette cir-
< constance; elle détourna constamment, avec
j esprit, les coups qui eussent pu porter; elle
fut sans cesse pour Bonaparte le bouclier gra-
cieux sur lequel les armes ennemies venaient
* s'émousser et perdre leur force ; M
m
e Marey
préserva de toute blessure son convive, qui a
toujours conservé d'elle un agréable souvenir
pour le service qu'il en avait reçu dans cette
chaude affaire. »
Pour un observateur superficiel, la France,
en ce moment, semblait, partagée en deux
camps d'égale puissance. Selon les lieux où l'on
était, on pouvait se faire aisément illusion sur
la force respective des partis et des opinions.
Partout on rencontrait des champions des
deux causes qui divisaient la France ; on dis-
cutait avec feu. Dans les salons, dans la rue,
sur les chemins, dans les auberges, toutes les
questions à l'ordre du jour étaient agitées ; on
s'enflammait de part et d'autre; on semblait
prêts à en venir aux mains. Un patriote, c'était
alors le mot consacré, pouvait croire sou
parti le moins fort quand il se trouvait dans
les salons ou dans les réunions d'officiers, tant
il se voyait en minorité; mais, aussitôt qu'il
était dans la rue ou parmi les soldats, il se
retrouvait au milieu de la nation tout entière.
Par instinct, par nature, Bonaparte apparte-
nait à ce parti. Peu à peu les résistances de
.la cour, l'insolence des journalistes qui la
soutenaient, les menaces de l'émigration pro-
duisirent un effet contraire à ce qu'on s'en
était promis. Les opinions, les sentiments du
jour ne laissèrent pas que de gagner jusqu'aux
officiers mêmes, surtout après le fameux ser-
ment à la Nation, à la Loi et au Itoi. C'est à
ce sujet que Napoléon a dit : « Jusque-là, si
» j'eusse reçu l'ordre de tourner mes canons
» contre le peuple, je ne doute pas que l'ha-
» bitude, le préjugé^J'éducation, le nom du roi,
» ne m'eussent porté à obéir; mais, une fois
» le serment national prêté, c'était fini : je
n n'eusse plus connu que la nation. Mes pen-
» chants naturels se trouvaient dès lors en
» harmonie avec mes devoirs, et concordaient
n à merveille avec toute la métaphysique de
n l'Assemblée. Toutefois, les officiers patrio-
0 tes, il faut en convenir, ne composaient que
P le petit nombre ; mais, avec le levier des
> soldats, ils conduisaient le régiment et fai-
» saient la loi. Les camarades du parti op-
D posé, les chefs même recouraient à eux
» dans les moments de crise. »
Telles étaient la véritable situation de la
France et les très-vives et très-sincères opi-
nions de Napoléon Bonaparte, lorsqu'il reçut,
1er avril 1791, son brevet de lieutenant en
premier au régiment de Grenoble, qui tenait
alors garnison à Valence. Il partie en consé-
quence d'Auxonne avec son frère Louis, de
1 éducation duquel, comme nous l'avons vu, il
s'était chargé.
On a dit qu'à Auxonne Bonaparte avait
laissé quelques dettes : un billet de 100 livres
entre les mains d'un marchand de drap pour
i fournitures d'étoffes; un autre de 15 livres à
un fournisseur pour le prix d'une épée de ren-
contre à poignée de cuivre doré, et une recon-
naissance d une petite fourniture de bois :
voilà des dettes honorables. L'entretien de
son frère Louis sur sa solde l'obligeait d'ail-
leurs à la plus sévère économie. Plus tard,
sous l'Empire, le marchand de drap, M. Lou-
vrier, se vantait, avec une prétention d'assez
i mauvais goût, d'avoir fourni à Napoléon son
premier habit d'uniforme et ses premières
épaulettes de lieutenant. Sous la Restauration,
le drapier donna bassement une autre direc-
tion aux fils de sa trame : quand il racontait
l'anecdote, il ajoutait, mensongèrement sans
doute, que le drap du lieutenant n'avait été
payé que par le premier Consul.
1
Du commencement de mai 1791 au l " octo-
bre de la même année, nouveau séjour de
Napoléon à Valence. C'était pour la seconde
fois qu'il y tenait garnison. Comme un chef
de famille qui suivrait l'éducation d'un fils, il
avait auprès de lui son frère Louis, qu'il
avait toujours dirigé à Auxonne.
' Un matin, que M. Parmentier, chirurgien-
major du 4c régiment d'artillerie, se trouvait
dans la chambre de Napoléon, le jeune Louis
entra les yeux rouges et un peu gros, comme
quelqu'un qui a dormi plus longtemps que
de coutume. Bonaparte fit observer avec
quelque sévérité à son jeune frère'qu'il s'était
oublié dans son lit. Louis s'excusa timide-
ment en disant qu'il venait de faire un songe
agréable, qu'il avait rêvé qu'il était roi. n—Toi,
roi 1 répliqua Bonaparte avec une légère pointe
. d'ironie ; quand tu seras roi, je serai einpe-
! reur. u M. Parmentier, qui avait assisté à ce
petit dialogue, aimait plus tard à répéter cette
anecdote.
Fidèle à ses anciennes affections, Bona-
parte voulut habiter la première chambre
qu'il avait occupée chez M fie Bou ; elle n'était
pas libre, et il s'installa avec Louis dans une
autre pièce 'plus grande, au premier étage
et prenant jour sur la rue de l'Equerre. Il
ne trouva plus dans sa nouvelle garnison
tous ceux qu'il y avait connus, ni M. de
Grave, èvêque de Valence, mort en 1788 à
Paris; ni l'abbé de Saint-Ruf, mort quelque
temps auparavant, le 4 avril 1791; mais il y
revit ses autres amis, ainsi que M
m o
du
Colombier, auprès de laquelle il reprit presque
toutes ses anciennes habitudes. Seulement, son
nouveau grade le contraignait, par bienséance,
à manger avec les lieutenants du régiment,
qui prenaient leur pension chez un sieur Geny,
traiteur, qui tenait alors l'hôtel des Trois-
Pigeons, rue Pérollerie. Quant à son frère, il
mangeait avec Ml'
0
Bou, dans un salon-cui-
sine de l'arrière-fond du café. IV s'abonna de
nouveau au cabinet littéraire de M. Aurel, où
on le voyait fort assidu.
Cependant, la Révolution marchait, et le
patriotisme de Bonaparte devenait de j'our en
jour plus ardent. Il entra dans la Société des
Amis de la constitution, dont il fut succes-
sivement secrétaire et président, cumulant
ces fonctions avec celles de bibliothécaire.
La Société des Amis de la constitution de
Valence, d'abord composée de vingt-cinq mem-
bres, tint sa première séance chez Mf*
e
Bou
et dans son café; d'autres séances eurent lien
dans le cabinet littéraire de M. Aurel ; plus
tard, le 3 juillet 1791, après la fuite, du roi,
cette société, dans laquelle Bonaparte fit rece-
voir deux officiers supérieurs de son régiment,
MM. de Mauroy et de Campagnol, se réunit.
dans l'église de Saint-Ruf, avec vingt-deux
sociétés patriotiques des départements de la
Drôme, de l'Isère et de l'Ardèche; et, dans
cette espèce de fédération, Bonaparte pro-
nonça un chaleureux discours. Dans une
lettre du 27 juillet 1791, écrite à M. Naudin,
commissaire des guerres, qu'il avait connu et
avec lequel il s'était lié à Auxonne, il parle de
sa sollicitude pour la mère patrie, et il s'ex-
prime avec une grande vivacité sur cette réu-
nion du 3 juillet, où fut prêté le serment
. civique. « Ce pays-ci est plein de zèle et de
» feu, dit-il. Dans une assemblée composée do
» vingt-deux sociétés des trois départements,
» on fit, il y a quinze jours, la pétition que
» le roi fût jugé.
» Mes respects à Mme Renaud, à Marescot
» et à M
m
e de Goi. J'ai porté un toast aux
» patriotes d'Auxonne, lors du banquetdu M .
» Ce régiment-ci est très-sûr en soldats, ser-
» gents et la moitié des officiers. »
Le post-scriptum surtout est remarquable -.
« P.-S. Le sang méridional coule dans me3
» veines avec la rapidité du Rhône; pardonnez
» donc si vous avez de la peine à lire mon
n griffonnage. n Griffonnage, en effet, dit
M. de Coston, griffonnage dont nous avons
sous les yeux un fac-similé qui témoigne à lui
seul de la chaleur de ce sang méridional qui
coulait dans les veines de Bonaparte « avec
la rapidité du Rhône. *
Tout le monde, à Valence, parlait des ar-
deurs révolutionnaires du jeune lieutenant.
M. de Campagnol, son colonel, ne les parta-
geait point, non plus que ses autres chefs et
quelques-uns de ses camarades. On commen-
çait à se diviser plus sérieusement que par le
passé. La fuite du roi était l'objet de toutes
les conversations, et, comme on l'imagine bien,
était diversement jugée. Il fallait avoir été
élevé dans la foi monarchique la plus aveugle
ou la plus servile, pour ne pas voir un acte
coupable au plus haut degré dans cette déser-
tion, dans ce passage à l'ennemi du chef mili-
taire et civil d'un grand empire, pour aller
se mettre à la tête ou se laisser remorquer à
la queue des émigrés et des armées liguées
contre la France. Bonaparte pensait comme
ceux qui jugeaient que cette fuite à l'étranger
n'était ni d'un roi, ni d'un honnête homme, ni
d'un homme courageux; il mit même tant de
vivacité dans ce blïine au moment du retour
de Louis XVI, que M. de Campagnol, très-bon
royaliste, s'en souvint quand Louis XVI eut
été refait roi par l'assemblée. Bonaparte re-
çut une forte admonestation sur sa chaude
participation aux séances des Amis de la con-
stitution, et lorsque, au commencement d'août
1791, il sollicita un congé, ce congé lui fut po-
sitivement refusé; mais, avec sa puissance
de volonté ordinaire, il tourna la difficulté en
s'adressant directement au baron du Teil, l'an-
cien commandant de l'école d'Auxonne, qui
avait toujours eu beaucoup de bonté pour lui,
st qui était alors maréchal de camp, inspecteur
général de l'artillerie du VI
e
arrondissement,
comprenant l'école et la place de Valence. Ce-
lui-ci lui fit accorder par le ministre de la guerre
un congéj au grand déplaisir des chefs immé-
diats du lieutenant, que M. du Teil n'en avait
nullement prévenus. Paris l'attirait en ce mo-
ment: il en respirait de loin l'esprit, et sentait
qu'il y avait quelque chose avoir et àjuger, et
aussi quelque chose à faire pour la cause de
son pays natal. En effet, avec cet esprit pra-
tique qu'il mêla toujours à son enthousiasme,
il avait rédigé pour le ministre de la guerre un
mémoire qu'il voulait lui présenter et lui expli-
quer de vive voix. Dans ce mémoire, il pro-
I posait d'armer les gardes nationales corses
| avec les fusils d'artillerie qu'on venait de
BONA
BONA.
BONA
BONA 927
retirer à cette partie de l'armée comme inu- .
tiles ou embarrassants. Mais il avait besoin,
pour ce voyage, de plus d'argent qu'il n'en
possédait, car il ne pouvait faire d'économies
sur sa solde, qui suffisait à peine à ses besoins
et à ceux de son frère Louis, et il est proba-
ble qu'il devait encore les fameuses 100 livres
a ce M.- Louvrier, qui se voyait menacé de
n'être payé qu'à l'avènement du consulat —
le pauvre homme 1
Dans cette situation embarrassante, Bona-
parte écrivit à soTi grand-oncle l'archidiacre
Lucien les deux lettres que, dans le recueil
d'Adolphe Blanqui, on voit datées par erreur
de 1792, puisque l'archidiacre mourut comme
nous le verrons tout à l'heure, à Ajaccio,
dans la nuit du 15 au 16 octobre 1791, en pré-
sence de son petit-neveu Napoléon, qui, n'ayant
jm se rendre à Paris faute d'argent, était allé
jouir de son congé en Corse, près de sa fa-
mille. On lit dans la première : « J'attends
» avec impatience les 6 écus que me doit ma-
» man (sans doute la part modeste de la mère
» dans l'entretien de Louis); j'en ai le plus grand
» besoin. «Etdaris la seconde : « Envoyez-moi
» 300 fr. ; cette somme me suftira pour aller
» à Paris. Là, du moins, on peut se produire,
» surmonter les obstacles; tout me dit que j'y
» réussirai : voulez-vous m'en empêcher faute
» de cent écus? »
Il ne reçut pas l'argent demandé et resta
quelques jours encore a Valence, où, aspirant
à toutes les gloires, il avait écrit un discours
sur cette question : « Quelles vérités et quels
sentiments importe-t-il le plus d'inculquer aux
hommes pour leur bonheur?» mise au concours
par l'Académie de Lyon pour un prix de
1,200 fr., fondé par l'abbé Raynal de ses pro-
pres deniers. Le concours fut jugé le 25 août
1791 par l'Académie, et aucun des concurrents
n'obtint le prix, qui, plus tard, devait être ad-
jugé à-Daunou. On connaît aujourd'hui le tra-
vail que le jeune officier présenta au concours.
Ce travail incohérent, déclamatoire souvent,
mais plein de feu, est écrit tout entier dans les
idées philosophiques du temps. C'est une sorte
de nébuleuse ardente, en travail de formation,
et dont se dégagent de temps en temps des étin-
celles lumineuses, comme des rayons de soleil
qui jaillissent du milieu d'épaisses ténèbres.
Voici d'ailleurs en quels termes les juges du
concours apprécièrent le mémoire du jeune
Bonaparte : « Le numéro 15 est un songe très-
prononcé, c'est peut-être l'ouvraged'un homme
sensible; mais il est trop mal ordonné, trop
disparate, trop décousu pour fixer l'attention. »
Au luxe de déclamations qui signalaient cet
écrit, on aurait difficilement deviné la future
haine de l'empereur pour les idéologues, mot
qui, dans sa bouche impériale, sera le nec plus
ultra du dédain et du mépris.
Enchaîné à Valence, malgré son congé, par
la pauvreté, il faut bien le dire, Napoléon ne
put partir pour la Corse avec son frère Louis
que le îcr
0
u le 2 octobre 1791, afin de profiter
des trois mois qui restaient a courir de ce
congé. Ils prirent un bateau qui les porta à
Avignon, d'où ils gagnèrent Marseille, et de
là la Corse. Ils arrivèrent à Ajaccio dans la
première quinzaine d'octobre, et Napoléon
trouva son grand-oncle Lucien, qu'il aimait
beaucoup, malgré tout, au lit de la mort.
Il était avec tous les siens près du mou-
rant dans la nuit du 15 au 16 octobre, et il
le vit expirer avec douleur. L'archidiacre était
E
lus philosophe que ne semblait l'indiquer son
abit. Au moment suprême, il s'occupait sur-
tout des intérêts et de l'avenir de sa famille,
et paraissait peu s'inquiéter de son salut dans
l'autre monde. L'abbé Fesch, alors grand vi-
caire de l'évêque .constitutionnel d'Ajaccio,
accourut au lit du mourant pour lui débiter les
homélies d'usage. L'agonisant l'interrompit;
Fesch n'en tint aucun compte. Le vieillard
s'impatienta : « Eh! laissez donc, je n'ai plus
que quelques moments à vivre; je veux les
consacrer aux miens. » Il les fit en effet ap-
procher, leurdonna des avis, des conseils; et,
s'adressant à Joseph, Quelques instants avant
de mourir : a Tu es laîné de la famille, lui
dit-il ;• mais voilà celui qui en est le chef. Aie
soin de t'en souvenir. » Et il désignait Napo-
léon. Napoléon avait alors vingt-ueux ans, et
Joseph près de vingt-quatre.
Napoléon a raconté lui-même, à Sainte-
Hélène, qu'à genoux en ce moment près du
lit où l'archidiacre venait de rendre le dernier
soupir, il pleura comme un -enfant, lui qui
pleurait si peu.
Dans les cinq mois que Bonaparte avait
passés à Valence lors de sa seconde garnison,
il avait beaucoup pensé, beaucoup agi, beau-
coup souffert aussi ; car il y avait vécu dans
la gêne, tout occupé, comme eût pu le faire
un père, de l'éducation de Louis. Lui-même a
rappelé ces temps où il vivait durement avec ce
j eune frère, à l'avenir duquel il s'était dévoué ;
il les a rappelés dans une circonstance où,
pourquoi ne le dirions-nous pas, il nous semble
avoir jugé trop sévèrement ce Louis qu'il ai-
mait tant. L'empereur, parlant au duc de Vi-
cence,de son frère qui venait d'abdiquer le-
trône de Hollande,, s'exprimait ainsi : « Abdi-
» quer sans me prévenir! se sauver en West-
» phalie comme s'il fuyait un tyran!... Mon
» frère me nuire au lieu de m'aider!... Ce Louis
» que j'ai fait élever sur ma solde de lieute-
» nant, Dieu sait au prix -de quelles priva-
• tionsl... Je trouvais de l'argent pour payer
» la pension de mon jeune frère. Savez-vous
. comment j'y parvenais? C'était en ne met-
n tant jamais les pieds ni au café ni dans le
M monde; c'était en mangeant du pain sec, en
» brossant mes habits moi-même, afin qu'ils
» durassent plus longtemps. Pour ne pas faire
» tache parmi mes camarades, je vivais comme
« un ours, toujours seul dans ma petite cham-
» bre, avec mes livres, alors mes seuls amis.
» Et ces livres! par quelles dures économies,
» faites sur le nécessaire, achetais-je cette
"jouissance! Quand, à force d'abstinence,
» j'avais amassé deux écus de six livres, je
» m'acheminais avec une joie d'enfant vers la
« boutique d'un libraire, qui demeurait près de
» l'évêché. Souvent j'allais visiter ses rayons
» avec le péché d'envie; je convoitais long-
» temps avant que ma bourse me permît d'a-
» cheter! Telles ont été les Joies et les dé-
» bauches de ma jeunesse ! » Ici, cette interrup-
tion arrachée au duc de Vicence : « Sire,
jamais le trône ne vous vit plus grand que- ne
l'était lé lieutenant d'artillerie dans sa petite
chambre de Valence. — a Eh! non, j'avais du
n cœur, voilà tout, répondit l'empereur avec
» simplicité. Tout petit garçon, j'ai été initié à
» la gêne et aux privations d'une nombreuse
» famille. Mon père et ma mère ont connu de
» mauvais jours!... Huit enfants!... Le ciel
» est juste... Ma mère est une digne femme. »
Nous soulignons ces mots, qui viennent à
l'appui de la thèse que nous avons soutenue
plus haut.
Pour consacrer le souvenir du double séjour
ue Napoléon a fait à Valence, dans la maison
e Mlle Bou, M. Planta, maire de cette ville,
ordonna, le 11 brumaire an X (2 novem-
bre 1801), l'érection d'une table de marbre
avec *une inscription en lettres d'or, au fron-
tispice' de cette maison, portant que Bona-
parte y avait occupé un logement de 1785 à
1791, ce qui n'était pas absolument exact,
puisque cette inscription faisait bon marché de
la solution de continuité pendant laquelle Na-
poléon avait habité Auxonne et Douai.
On sera peut-être surpris de nous voir in-
sister si souvent, et avec une complaisance qui
peut paraître minutieuse, sur les moindres cir-
constances des premières années de Bona-
parte ; c'est qu'elles nous semblent, à nous,
dignes du plus grand intérêt : une fois ces
humbles commencements mis hors de toute
contestation, le contraste fera mieux com-
prendre la fortune extraordinaire de notre hé-
ros. Encore une fois, voilà pourquoi nous nous
complaisons tant à insister sur toutes ces mi-
sères extraordinairement honorables, et qui
n'ont armorié les commencements d'aucun .
héros de l'histoire. Nous nous supposons à
l'embouchure du Missouri ou des Amazones :
, quelles proportions ne prendra pas notre éton-
nement, si, transporté tout à coup vers, la
source, nous sommes en présence d'un mince
filet d'eau que le moindre rayon de soleil
menace de tarir et de dessécher!
Nous voici arrivés à une phase nouvelle de la
vie de Bonaparte. Son séjour et sa conduite en
Corse vont décider de sa fortune. D'abord,
nous l'y voyons, comme à Valence, se jt'tcr
dans le grand parti de la Révolution française,
et y rechercher Paoli, qui, rentré au sem de
sa patrie, semblait avoir sincèrement embrassé
ce parti. Il alla voir Paoli, qui accueillit avec
gfande amitié le fils de son ancien compagnon
d'armes. Bonaparte accompagna dans ses
courses le vieux général, qui, chemin faisant,
lui montrait avec orgueil les lieux où il avait
autrefois combattu pour l'indépendance de l'île,
et lui racontait l'histoire de ces combats. Une
fois, à Ponte-Novo, un cortège de 500 hommes
à cheval accompagnait Paoli. Bonaparte mar-
chait à ses côtés. Paoli lui désignait les posi-
tions, les lieux de résistance, de défaite et de
triomphe des Corses dans la guerre de l'indé-
pendance: il parlait avec feu de cette lutte
glorieuse a son jeune compatriote, qui l'écou-
tait avec une attention pleine d'intelligence,
et lui soumettait de temps en temps des obser-
vations. A l'une d'elles, qui était probable-
ment une de ces subites illuminations dont
parle Bossuet, Paoli ne put s'empêcher de
s'écrier : « O Napoléon! tu n'as rien de mo-
derne; tu appartiens tout à fait aux hommes
de Plutarque. Courage 1 tu prendras ton essor.»
A partir de ce moment, le grand citoyen con-
çut pour son jeune ami une sorte d'admiration,
et il allait disant à tout venant : « Ce jeune
homme, si on lui en donne le temps, fera
parler le monde de lui. » Ce mot ne rappelle-
t-il pas la fameuse exclamation de Kléber :
« Général, vous êtes grand comme le monde ! »
Mats, puisque nous en sommes aux rappro-
chements, voici l'occasion de placer cette fa-
meuse prophétie, si connue dans l'histoire,
que l'on doit à l'esprit si perspicace de l'au-
teur du Contrat social :
« Il est encore en Europe un pays capable
» de législation, c'est l'île de Corse. La valeur
B et la constance avec lesquelles ce brave peu-
» pie a su recouvrer et détendre sa liberté,
» mériteraient que quelque homme sage lui ap-
» prît à la conserver. J'ai quelque pressenti-
» ment qu'un jour cette petite île étonnera
» l'Europe. »
Le sêjourde Bonaparte en Corse était limité
par son congé au 1er janvier 1792; mais, dès
le 1er novembre 1791, le général Rossi, son
parent, avait demandé au ministre de la
guerre et obtenu l'autorisation de choisir le
lieutenant d'artillerie Bonaparte pour adjudyrit-
major d'un des quatre bataillons de volon-
taires nationaux corses qu'on organisait dans
l'île, et, par conséquent, l'autorisation pour
Bonaparte d'y rester au delà du terme de son
congé. Mais déjà, le 2 décembre 1791, à la
suite d'un discours trop accentué, prononcé au
club de Calvi, Bonaparte s'était attiré les re-
proches de Paoli.
Les grades dans les volontaires nationaux
n'avaient rien de commun avec ceux de l'ar-
mée régulière. L'adjudant-major des volon-
taires corses restait toujours premier lieu-
tenant dans le 4« d'artillerie, et c'est à raison
de son ancienneté dans ce dernier grade qu'il
fut promu, le 14 janvier 1792, à celui de ca-
pitaine en second d'artillerie et classé dans
la douzième compagnie du 4c régiment, en
garnison à Valence, sans obligation de re-
joindre.
Il est à remarquer que ce fut le comte Louis
de Narbonne, ministre de la guerre du 7 dé-
cembre 1791 au 10 mars 1792, qui contre-signa
le brevet de Bonaparte, dont plus tard il devait
devenir aide de camp. Ainsi Bonaparte avait
été, de 1785 à 1791, simple lieutenant. Cette
circonstance, il devait la rappeler lui-même
plus tard dans l'occasion suivante.
On était sous l'Empire. A une revue, un
jeune sous-lieutenant sort des rangs et vient
se placer devant Napoléon, qui lui dit : « Que
me voulez-vous? — Sire, il y a quatre ans que
je suis sous-lieutenant, et depuis lors je n'ai
pas eu d'avancement. » Après un moment de
silence, Napoléon répondit : « Moi, monsieur,
je l'ai été pendant sept ans. — Sire, cela est
vrai, mais Votre Majesté a bien rattrapé le
temps perdu. » Ici, si l'écolier de Brienne
avait été un peu moins rebelle au thème et à
la version, il aurait pu, en guise d'épipbo-
nème, ajouter : Vade, et fac similiter.
Revenons à la Corse. NapoJ^on, quoique ca-
pitaine, resta dans son pays; mais il se mon-
trait de plus en plus révolutionnaire, au grand
déplaisir de Paoli, qui avait d'autres vues sur
lui dans le cas où la Révolution triompherait
tout à fait en France. Cette circonstance ne
tarda guère à se présenter. Le canon du 10
août retentit bientôt jusqu'en Corse. La Répu-
blique fut proclamée, et Bonaparte en mani-
festa une grande joie, que Paoli et ses parti-
sans feignirent de partager.
En janvier 1793, le gouvernement de la Ré-
publique française avait ordonné une expédi-
tion contre la Sardaigne. Paoli, et certes, quel
que soit le sentiment qui l'inspira dans cette
circonstance, cela ne lui fait pas honneur et
justifie ce nom de traître que lui donnèrent les
républicains français, Paoli fit échouer l'ex-
pédition de Sardaigne. Dans ce but, il avait
demandé et obtenu le commandement de la
contre-attaque pour son neveu et confident, le
général Cesare Rocca, à qui il avait dit en
secret : « Souviens-toi, ô Cesare! que la Sar-
daigne est l'alliée naturelle de notre île; que, •
dans toutes les circonstances, elle nous a se-
courus en vivres et
v
en munitions, et que le
roi du Piémont a toujours été l'ami des Corses
et de leur cause. Fais donc en sorte que cette
expédition s'en aille en fumée, n
Le 8 mars 1793,Bonaparte fut promu au grade
de capitaine commandant dans le 4e régi-
ment d'artillerie, et, pour la première fois, son
nom figure dans l'almanach national de la
même époque, sous cette forme : Buonaparte.
Des ce moment, nous allons le voir s'élever de
grade en grade avec une rapidité extraordi-
naire. Les ailes ont poussé à l'aiglon d'Auxonne,
de La Fère et de Valence, des ailes de la
plus grande envergure, e't l'aiglon menace de
devenir un aigle immense. On le voit aussi,
dès cette époque, prendre un intérêt passionné
à la cause de la Révolution et à tout ce qui
touche à la France. Jusqu'à ce jour, il avait
été Corse; la Révolution le fit Français : le
voilà tout à fait des nôtres.
Après l'expédition malheureuse de la Sar-
daigne, il avait rejoint à Corte son bataillon,
où il apprit sa promotion et, peu après, l'acte
du 2 avril 1793, par lequel la Convention na-
tionale mandait à sa barre le général Paoli.
dénoncé comme traître, ainsi, que Pozzo di
Borgo, alors procureur général syndic du
département de la Corse, et nommait com-
missaires en Corse les représentants du peu-
ple Lacombe-Saint-Michel, Delcher et Sa-
licetti, qu'elle autorisait à faire arrêter Paoli
s'ils le jugeaient à propos. Paoli n'obéit pas
au décret de la Convention; il lui écrivit tou-
tefois une très-longue lettre, où il essayait
de se justifier et où il offrait, si la Convention
jugeait « ce nouveau sacrifice » nécessaire, de
s'éloigner de la Corse. Mais déjà il avait résolu
d'abandonner la France, et il s'en était ouvert
à ses amis et, entre autres, à Napoléon. Il crut
un moment pouvoir lui faire partager son opi-
. nîon. Il lui peignit sous les plus noires cou-
leurs la situation de la République; il lui
parla de l'anarchie dans laquelle la France
était plongée, de l'heureuse constitution de
l'Angleterre, des brillantes récompenses que
lui vaudrait son génie s'il consentait à se-
conder son dessein de livrer la Corse aux An-
glais; il essaya, en un mot, de le séduire. Mais
Bonaparte, avec son énergique esprit, sa pré-
coce et pénétrante sagacité, et, disons le mot,
son républicanisme, rejeta sans hésiteTun seul
instant les propositions de Paoli, au grand
étonnement de ce dernier. Ce ne fut pas sans
une extrême surprise que Paoli entendit ce
jeune officier de vingt-quatre ans, qui jusque-là
avait amèrement enduré la sujétion de la
Corse à la France, rétorquer avec fougue, vi-
vement et franchement, tous ses arguments,
«Eh! quoi! se séparer maintenant de la
» France! nous ne ferons jamais cela! Nos plus
H chers intérêts, nos habitudes, nos coutu-
» mes, l'honneur, la gloire, nos serments so-
ii lennels, tout enfin exige que la Corse soit,
» oui, soit française! L'anarchie actuelle, fille
« de la grande Révolution, ne peut être qu'é-
i> phémère. Tout doit changer, l'ordre renaî-
» tra infailliblement ; les lois se modèleront
» sur les idées du siècle, et la France, avant
» peu, s'élèvera majestueusement au comble
« de }& gloire. Moi! l'abandonnerI Vous, gé-
» néral, vous, parler de se livrer à l'Angle-
» terre ! la vénale Angleterre, protectrice des
» peuples libres 1 Ah! quelle erreur! Et puis,
B î'éloignement, la langue, notre caractère,
B les dépenses énormes, incalculables, qu'il
» faudrait faire, tout s'oppose impérieuse-
u ment à notre réunion avec la reine qui ty-
» rannise les mers et les terres qui ne lui ap-
» partiennent pas! » Jusque-là, il avait été
Corse ; la Révolution française, nous le ré-
pétons , l'avait fait Français et républicain.
Conclusion : malgré tout, en dépit de tout
ce qui pourra s'ensuivre, le nom glorieux
de Bonaparte est et reste à jamais rivé à la
Révolution; et Lodi, Arcole, Castiglione, les
Pyramides, Aboukir, etc., etc., sont des vic-
toires républicaines.
A cette sortie imprévue, Paoli, déconcerté
et presque hors de lui, regardant Napoléon
de travers, lui tourna le dos sans dire un
mot, et rentra dans son cabinet, dont il ferma
brusquement la porte, laissant Napoléon seul
dans la pièce où avait eu lieu l'entretien.
.Connaissant le caractère bilieux et vindi-
catif de Paoli, Napoléon comprit ce que cette
attitude et ce regard voulaient dire : il sentit
que Paoli ne laisserait pas partir librement
de Corte celui dont il avait en vain voulu"
faire un complice, et qu'il devait considérer
désormais comme un ennemi. Dans ces con-
jonctures, Bonaparte jugea qu'il était prudent
de ne pas perdre une minute. Il monta donc
à cheval et sortit précipitamment de Corte,
par des sentiers détournés qui lui étaient
parfaitement connus. C'est ainsi qu'il arriva,
au milieu de la nuit, dans des lieux nommés
Sanguinares, sortes de makis incultes, fré-
quentés par les seuls bergers. Il mit pied à
terre chez l'un d'eux, un certain Bagaglino,
qui gardait depuis longtemps les troupeaux
de la famille Bonaparte, et qui était le chef
de plusieurs autres bergers des environs.
C'est dans cette cabane que Napoléon demeura
quelques jours, et qu'il put échapper aux
émissaires que l'irascible Paoli avait envoyés
pour l'arrêter. De là, il se rendit près d'un des
commissaires de la Convention, à Calvi, où
s'était déjà réfugiée toute sa famille, q,ue le
parti anglais avait obligée de quitter Ajaccio.
Sous l'influence de Paoli, la réaction contre-
révolutionnaire qui voulait livrer la Corse à
l'Angleterre prenait de moment en moment
une plus grande importance. Paoli avait réel-
lement négocié la reddition et la remise de
l'Jle aux Anglais ; d'un instant à l'autre, il at-
tendait la flotte anglaise. Pendant que Bona-
parte'se tenait sur la défensive dans les San-
guinares, partout la voix de Paoli était
écoutée, partout on désobéissait aux commis-
saires de la Convention, et, le 27 mai 1793,
Paoli était parvenu à réunir une consulte na-
tionale à Corte. Dans cette consulte, dont
Paoli fut nommé.président, et Pozzo di Borgo
secrétaire, on se borna d'abord à prétendre,
en termes vagues, qu'on ne s'assemblait que
pour résister au parti qui, disait-on, voulait
s'opposer au bonheur de la Corsé, et on si-
gnalait les familles Bonaparte et Arena comme
perturbatrices du repos public.
Toutes ces tergiversations avaient ceci pour
cause : l'escadre anglaise n'était pas encore
en vue, et l'on craignait l'énergie bien connue
des commissaires de la République.
La situation de ceux-ci, ainsi que celle des
patriotes, devint dès lors très-critique en
Corse. Calvi, cependant, n'était point entré
dans la conjuration antifrançaise. Toutefois
les représentants de la Convention qui s'y
trouvaient alors, et que Bonaparte y avait re-
joints, désespérant de réduire les adhérents
de Paoli par leur seule présence, résolurent
d'aller chercher sur le continent des forces
nouvelles pour dominer le parti contre-révo-
lutionnaire, et empêcher, s'il en était temps
encore, les Anglais de s'emparer de l'île. Ils
firent donc embarquer avec eux, à Calvi, Bo-
naparte et sa famille, pour les soustraire à la
fureur de leurs ennemis. Cette colère était
telle, qu'à peine la frégate française qui em-
portait vers Marseille Bonaparte et les siens
fut-elle en mer, que leur maison d'Ajaccio était
pillée, leurs campagnes dévastées et leurs
troupeaux détruits par les fauteurs armés de
ce gouvernement, appelé rebelle par les répu-
blicains, et gouvernement provisoire par les
partisans du général Paoli. On sait ce qui ad-
vint après ce départ des commissaires de la
Convention et, avec eux, des familles corses
du parti français : la Corse, comme Toulon,
fut livrée aux Anglais ; mais elle ne devait pas
tarder à rentrer dans le giron de la Répu-
blique, et Paoli à se voir contraint lui-même
de se réfugier en Angleterre.
Telle fut la rupture de Napoléon et de Paoli.
Cependant, chose étrange, malgré la trahison
de Paoli envers la France, malgré l'arresta-
tion ordonnée par lui du jeune officier d'ar-
tillerie, ces deux grands cœurs ne purent
parvenir ni à se haïr ni à se mépriser; au
contraire, il y eut toujours entre eux un cou-
rant sympathique, né de leur commun amour
028
BONA
du pays natal. Pour les républicains purs de
la Convention, Paoli était un traître : aux
yeux de Napoléon, il ne fut qu'un patriote
égaré, qu'il estima toujours. Et tel était chez
le vieux Paoli l'ardent amour de la terre
natale, que les victoires de l'enfant d'Ajaccio
en Italie et en Egypte le faisaient tressaillir
d'aise a Londres; il battait bruyamment des
mains et riait dans sa barbe grise à la nou-
velle de ses triomphes, comme s'ils eussent été
remportés pour sa propre cause. A le voir et
à l'entendre, on eût dit qu'ils étaient encore
tous deux dans l'intimité où ils avaient autre-
fois vécu. Lorsque Napoléon fut devenu con-
sul, puis empereur, l'enthousiasme de Paoli ne
connut plus de bornes. A chaque nouvelle vic-
toire de son jeune compatriote, if donnait un dî-
ner, auquel Fox ne paraissait pas trop contrarié
d'assister. Les choses allèrent si loinj que le mi-
nistère anglais s'en émut. C'est à Pitt surtout
que cet enthousiasme déplaisait. On en fit des
reproches au vieux général corse, complète-
ment fourvoyé, qui répondit : a Vos reproches
sont justes ; mais, que voulez-vous? Napoléon
est un des miens, je l'ai vu croître, je lui ai
prédit sa fortune. Voulez-vous que je déteste sa
gloire, et que je ne sois pas fier pour mon
pays de l'honneur qu'il lui fait? » Toutes les
puissances du monde ne l'eussent pas fait
sortir de là.
De son côté, Napoléon portait le plus vif
intérêt à ce vieil ami de sa famille et de la
liberté corse, qui s'était malheureusement trop
effrayé de premières violences rendues inévi-
tables, et dans sa plus haute fortune il a fré-
quemment exprimé ses-sympathies. Il aurait
voulu, a-t-il dit lui-même, pouvoir le rappeler,
l'associer à ses entreprises et à sa gloire ; mais
comment s'y prendre? comment satisfaire à
tout, dans l'entraînement de ses conquêtes,
emporté comme tant d'autres dans le tour-
billon vertigineux où l'avaient lancé ses pas-
sions et son génie? Paoli mourut en 1807, dans
tout l'enivrement des triomphes du vainqueur
d'Austerlitz et d'Iéna, envoyant sans doute sa
dernière pensée et son dernier soupir à son
jeune et brillant ami.
Peut-être n'a-t-on pas encore assez ap-
profondi le caractère de la lutte entre Paoli
et Bonaparte, ces deux génies que l'âge seul
séparait et qui, nés au même jour, auraient
étû si puissants par leur union. Paoli n'a pas
été, comme on l'a prétendu h tort, le parrain
de Bonaparte; le seul lien qui les unissait
était l'amitié du général corse pour Char-
les Bonaparte, son ancien secrétaire, et
l'un de ses partisans les plus zélés. Paoli avait
aspiré avec bonheur le vent de la liberté qui
soufflait sur la France; il avait compris, dans
les longues heures de l'exil, que la Corse
ne pouvait se défendre seule contre toutes
les ambitions qui s'élevaient autour d'elle, et
parfois bien loin d'elle; il acceptait mainte-
nant la domination de la France comme un
protectorat d'autant plus doux que son amour-
propre était agréablement flatté des honneurs
qu'à l'exemple des républiques grecques on
lui avait rendus à Paris. >
Napoléon, à cette époque encore, était plus
Corse que Français ; fier des dernières pages
si glorieuses de l'histoire de son pays, sur les-
quelles rayonnait le çrand nom de Paoli, il
se fit son ombre, le suivait pas à pas, recueil-
lant ses grands enseignements, et Paoli se
prit pour lui de l'affection qu'éprouvent les
vieillards pour le talent naissant qui s'incline
devant eux.
Mais Paoli appartenait trop au vieux monde
qui s'écroulait; il s'effraya de la pente verti-
gineuse qui emportait son œuvre j 1793 le fit
trembler; sa voix n'avait plus, d'ailleurs, sur
ses compatriotes, l'influence d'autrefois; il
demanda aux Anglais un pouvoir et le respect
que la France lui refusait déjà. Bonaparte, au
contraire, né au milieu de l'embrasementj s'y
précipita avec ardeur, et, laissant Paoli se
roidir contre le mouvement, il se sépara de
lui. Paoli se prit alors de haine pour son élève
dont le rôle venait si subitement de changer,
et qui osait lui tenir tête ; ce fut une de ces
haines terribles et aveugles : si Bonaparte
fût tombé entre ses mains, il l'eût certaine-
ment fait mettre à mort.
La haine des vieillards ressemble à celle
des enfants, elle est oublieuse. Aussi, de nou-
veau vaincu, rendu à sa solitude de Londres,
le vieux lion corse, négligé de ceux même dont
il espérait tout, se prit à regretter la France,
la France alors régénérée après ses sanglantes
épreuves; l'amour de sa patrie, cet amour
E
assionné qui fait aimer le sol et ceux qui l'ha-
itent, se réveilla en lui aussi puissant, aussi
ardent qu'aux grands jours de sa lutte contre
Gênes j il applaudit aux succès de son ancien
ennemi qui n'était plus que son élève, son
compatriote, et l'astre couchant salua avec
enthousiasme le nouveau soleil qui montait
toujours.
Mais revenons à l'an I«
r
de la République.
Au commencement de juin 1793, le lieutenant-
colonel des volontaires corses, Bonaparte,
obligé de quitter son pays livré aux Anglais,
et redevenu simple capitaine d'artillerie dans
les cadres réguliers des armées de la Répu-
blique française naissante, arriva à Marseille
nvec sa famille, fort dépourvu d'argent, et se
logea dans les petits appartements de l'hôtel
Cypières, rue Lafont. Plusieurs familles corses
du parti français, chassées de l'île par la contre-
révolution, vinrent aussi chercher l'hospitalité
sur ie continent* et, le i l juillet i793,laCon-
BONA
vention nationale, sur la proposition de Collot-
d'IIerbois, mit à la disposition du ministre de
l'intérieur une première somme de 600,000 fr.
pour leur être distribuée.
Presque aussitôt après son arrivée à Mar-
seille, le capitaine Bonaparte reçut l'ordre de
se diriger sur Nice, où se trouvait déjà une
partie du 4e régiment d'artillerie, auquel il ap-
partenait. Son ancienneté l'avait porté, comme
on l'a vu, au commandement de la 12« compa-
f
nie de ce régiment, qui était, à son arrivée,
étachée dans les montagnes, et se trouvait
en ce moment à trois lieues du camp des Four-
ches, en face de celui de Braous, alors occupé
par l'ennemi; mais il fut autorisé par M. Du-
jard, chef de brigade du régiment et comman-
dant en chef l'artillerie de l'armée d'Italie, à
rester à Nice comme chargé des détails de l'ad-
ministration de plusieurs compagnies déta-
chées à l'exemple de la sienne. Le capitaine
Bonaparte avait avec lui son sergent-major,
appelé Dintroz, qui était Franc-Comtois, brave
et digne garçon assez instruit et qui avait une
belle écriture. Il tenait à merveille les regis-
tres du jeune capitaine, qui se prit pour lui
d'une véritable affection. Ils se lièrent inti-
mement et se tutoyaient. Cette marque de fa-
miliarité se_ prolongea même entre eux jus-
qu'après l'époque où Bonaparte fut nommé gé-
néral en chef de l'armée d'Italie. Il avait conçu
à Nice une telle estime pour Dintroz, qu'il lui
confia, en entrant en campagne, les fonctions
pénibles de conducteur général d'artillerie de
cette armée, avec le grade de capitaine. On
raconte de cette époque une anecdote qui
témoigne au plus haut degré de cette familia-
rité républicaine et soldatesque.
La veille de la bataille de Castiglione, le
général en chef Bonaparte envoya au con-
ducteur jgénéral Dintroz l'ordre autographe
de lui faire parvenir sur-le-champ deux*oou-
siers de six pouces. On connaît ta mauvaise
écriture de notre héros. Dintroz ne pouvant
déchiffrer le billet, même avec l'aide des nom-
breux employés qui étaient avec lui au grand
parc, se disposait à lui en faire demander l'ex-
plication, lorsqu'il le voit accourir au galop,
et là s'établit entre eux le dialogue suivant :
BONAPARTE. Pourquoi ne m'as-tu pas en-
core expédié ce que je t'ai demandé ?
DINTROZ {bégayant selon sa coutume). Je...
je... je... (très-vite) j ' n'ai pas pu lire ton
Dillet.
BONAPARTE. Tu es une f.... bête : apprends
à lire.
DINTROZ. E t toi, b , apprends à écrire.
L'ordre fut donné de nouveau, et les obu-
siers ne se firent pas attendre.
Après cette campagne si brillante, loin de
garder rancune à Dintroz. Bonaparte, voulant
le récompenser de son zèle et de ses fatigues,
lui offrit le grade de chef de bataillon d'artil-
lerie, que celui-ci, malade et épuisé, ne put
accepter, et il obtint du général en chef sa
retraite, dont le brevet était accompagné d'un
cadeau de 10,000 fr. Le pauvre et brave Din-
troz mourut de consomption en arrivant dans
son pays.
Nous nous sommes arrêtés un peu longue-
ment sur cette amitié militaire ; c'est parce
qu'elle est caractéristique : la bonne confra-
ternité y garde sans mélange son caractère
républicain. Vieux amis d'un autre temps, le
capitaine et le général ne croyaient pas la
discipline violée patee qu'ils se tutoyaient et
s'expliquaient en s'envoyant à la tête les épi-
thètes de f.... bête et de b....
Comme si tout devait être agitation et mou-
vement dans la vie de cet homme extraordi-
naire, il y avait à peine un mois que le capi-
taine Bonaparte' avait quitté la Corse et qu'il
étaità Nice, lorsqu'il reçut du chef de brigade
Dujard l'ordre de partir de Nice sur-le-champ,
et de se rendre en poste à Vonges, poudrerie
située dans le département de la Côte-d'Or,
sur la rive gauche de la Saône, entre Auxonne
et Gray. Il devait y inspecter, les poudres né-
cessaires au service de l'armée et en presser
l'envoi. Sa mission consistait surtout à empê-
cher que les fédérés qui s'étaient organisés à
Marseille et à Avignon n'employassent ces
munitions contre les troupes de la République.
L'ordre verbal du chef de brigade Dujard fut
porté au milieu de la nuit au capitaine Bona-
parte, que l'adjudant chargé de le lui signifier
trouva au travail avec Dintroz dans son ap-
partement. Dès le lendemain, il était en route.
Le sort en était jeté. Bonaparte ne devait
pas aller à tire-d'aile jusqu'à Vonges. Le 5
ou le 6 juillet, il rencontra à Valence l'adju-
dant général Carteaux, que le délégué de la
Convention avait nommé, depuis quelques
jours, général de- brigade, et qui, à la tète
d'une colonne de 2,000 hommes, se disposait
à partir de cette ville pour le Midi. Carteaux
avait ordre de longer les deux rives du Rhône,
afin de s'opposer à la jonction des fédérés de
Marseille et de Nîmes, et Bonaparte fut re-
quis par le représentant du peuple Albitte,
1 un des trois délégués de la Convention' na-
tionale près de l'armée des Alpes, pour servir
provisoirement dans la petite armée de Car-
teaux. Le voilà donc appelé à une tout autre
oeuvre que celle à laquelle il devait naturel-
lement s'attendre à son départ de Marseille
pour Nice, la guerre contre les Austro-Sardes
dans les Alpes-Maritimes. Patience, cela
viendra. Il s'agit maintenant d'avoir raison
des fédérés du Midi, rebelles à la République,
puis, après, des Anglais dans Toulon, oeuvre
BONA
plus difficile et qui sera le vrai commence-
ment de cette étonnante fortune.
Albitte avait été délégué par ses collègues,
Dubois-Crancé et Gautier, pour accomplir la
première de ces œuvres; ses pouvoirs étaient
très-étendus, car, le 17 juillet 1793, ce pro-
consul avait annoncé à la Convention, comme
chose toute naturelle de sa part,- qu'il venait
d'élever l'adjudant général Carteaux au grade
de général de brigaae. Bonaparte, ainsi requis,
se rangea provisoirement sous les ordres du
général Carteaux. Voilà donc le jeune capitaine
attaché à l'artillerie de l'armée de celui-ci.
Nous ne le suivrons pas dans tous les détails
des premières opérations auxquelles il prit
part dans cette campagne ; nous n'en mar-
querons que les points principaux. Le con-
ventionnel Albitte, suivant l'usage, fit partie
de l'expédition et l'anima de sa présence.
Médiocre était sa capacité ; mais l'esprit et le
courage du temps vivaient en lui, et il ne
faillit pas à ses devoirs. Dès le 14 juillet, à
cinq heures du soir, le général Carteaux, le
représentant Albitte et le jeune Bonaparte
faisaient leur entrée dans la citadelle du Saint-
Esprit , que venaient d'évacuer devant eux
les rebelles du département du Gard. L'armée
républicaine poursuivit sa marche en passant
par Orange. Elle était divisée en deux ailes :
l'une, dont l'artillerie était commandée par le
capitaine Bonaparte, longeait la rive di oite du
Rhône ; l'autre, que commandait Carteaux en
personne, s'avançait le long de la rive gauche.
Le 25 juillet, l'une et l'autre étaient en vue
d'Avignon. Le générai Carteaux, ayant sommé
inutilement les insurgés qui occupaient la ville
de livrer la place aux troupes de la Républi-
?
ue, l'attaqua résolument, bien que son armée
ùt de beaucoup inférieure a celle des fédérés ;
mais sa colonne ne fut pas la seule à agir. Il
savait que celle de droite venait d'entrer sans
résistance à Villeneuve-lès-Avignon, et il en-
voya à Bonaparte l'ordre d'opérer avec l'artil-
lerie qu'il commandait. Bonaparte, qui ne de-
mandait pas mieux, plaça ses deux pièces de
quatre en batterie sur uu emplacement d'où
Ion découvrait très-bien la plate-forme du
rocher d'Avignon, sur laquelle les insurgés
avaient établi leur artillerie de siège, et il
pointa lui-même ses canons. Au premier coup,
il démonta une pièce des assièges; au second,
il tua un de leurs canonniers et cassa le bras
àunautre. A ces ravages, les insurgés, voyant
qu'ils ne pouvaient pas lutter contre l'artille-
rie républicaine, cessèrent leur feu, qu'ils diri-
geaient d'ailleurs assez mal; ils évacuèrent la
ville en désordre et se retirèrent sur Saint-
Remy. Le général Carteaux entra dans Avi-
gnon avec sa colonne ce jour-là même (25
juillet 1793), tandis que la colonne de droite
reïta sur l'autre rive du Rhône, à Villeneuve-
lès-Avignon, jusqu'au lendemain 26 ou au sur-
lendemain 27 juillet. Ce jour-là, Bonaparte
reçut des représentants du peuple en mission
dans les départements méridionaux l'ordre de
revenir sur la gauche, pour marcher avec
un détachement de 200 hommes du 59° régi-
ment, ses 20 artilleurs et ses deux pièces, sur
Tarascon, ce qu'il fit avec l'entrain que les
hommes de sa trempe mettaient à tout en ce
temps-là. Le 28 juillet 1793, il entrait sans
résistance dans Tarascon, au cri de : Vive, la
République !
Le politique commençait à se dessiner en lui ;
une circonstance va le prouver. Beaucairo
n'est, comme on sait, séparé de Tarascon que
par le Rhône, sur lequel il y avait alors un
pont de bateaux. Le lendemain 29, Bonaparte
se fait annoncer aux autorités de Beaucaire,
rendez-vous des insurgés du Gard, et se met
en marche avec 100 hommes et ses deux ca-
nons. A la vue de cette troupe marchant sur
le pont, Bonaparte en tète, des cris répétés
de : Vive la République î sont poussés par un
groupe de citoyens rassemblés sur la rive
droite du fleuve. On les prend pour des fédé-
rés, car ce cri était alors commun aux deux
partis. En un instant les pièces sont braquées,
et l'on allait faire feu, quand un délégué des
représentants du peuple accourt et dit : Arrê-
tes! ils sont des nôtres. — Ah! c'est différent;
c'est très-bien, répond Bonaparte d'un air très-
satisfait; car, comme nous aurons l'occasion
de le voir, il lui répugnait extrêmement d'a-
voir à tirer le canon contre des poitrines
françaises. Alors la petite troupe républicaine
entra à Beaucaire sans avoir à combattre.
Ce même soir 29 juillet 1793, le capitaine
Bonaparte soupa dans une auberge de Beau-
caire avec des négociants de Montpellier, de
Nîmes et de Marseille. C'était à l'époque de
la foire. Vers la fin du repas, il s'engagea,
entre le jeune militaire et les négociants, une
discussion politique sur la situation de la
France ; les convives avaient chacun une opi-
nion différente., qu'ils soutenaient avec cha-
leur; et c'est cette discussion, d'ailleurs très-
convenablement menée de part et d'autre, qui
fait le sujet du mémorable et célèbre écrit de
Bonaparte, intitulé : le Souper de Beaucaire,
qu'il publia quelques jours après à Avignon,
avec l'autorisation des représentants du peu-
ple en mission dans le Midi, auxquels il l'avait
communiqué.
C'est ce Souper, où les opinions républicai-
nes de Bonaparte sont catégoriquement expo-
sées, qui forme le sujet du petit croquis ci-
contre. Inutile, ce nous semble, d'indiquer
laquelle de ces quatre physionomies est celle
de notre héros.
Nous ne suivrons point Bonaparte pas à
BONA
pas dans le reste de cette rapide campagne ,
où les troupes du général Carteaux, agissant
au nom de la République, arrivèrent à dis-
soudre l'insurrection des fédérés. 11 nous suf-
fira de dire qu'après avoir rétabli et consolidé
l'autorité de la Convention à Beaucaire, Bona-
parte repassa le Rhône, se porta sur Arles, et
rejoignit le 8 août le général Carteaux à
Saint-Martin-de-la-Crau. Mais il avait gagné
les fièvres dans le Delta du Rhône, et, quel-
ques jours après, c'est-à-dire dans la première
quinzaine d'août, il sentit la besoin de prendre
au repos, et se rendit au quartier général à .
Avignon, où il logea chez M. Bouchet, négo-
ciant. Toujours actif, et pouvant dire comme
le grand poëte de l'Italie :
I miei pensier in me dormir non puono,
« Mes pensées ne peuvent pas dormir en moi, •
il consigna, dans la brochure le Souper de
Beaucaire, la conversation qu'il avait eue dans
cette ville le 29 juillet précédent, et l'état des
opinions dans le Midi. Cet écrit, émanant d'un
si jeune homme et composé dans de telles
circonstances, est remarquable surtout par la
sagacité des vues militaires et politiques; il
est d'un bout à l'autre plein de modération et
de bon sens; et tout ce que, à cette date, l'élo-
quent convive concevait de succès pour ta
cause qu'il avait embrassée et qui semblait
si compromise aux yeux des insurgés, s'est
réalisé de point en point.
C'est en août 1793 que le jeune auteur sol-
licita et obtint des représentants du peuple en
mission dans le Midi l'autorisation de faire
imprimer le Souper de Beaucaire par M. Marc
Aurel de Valence, nommé imprimeur en chef
de l'armée du Midi le 19 juillet 1793, et qui se
trouvait en ce moment à Avignon avec une
imprimerie ambulante. Bonaparte fut heureux
de retrouver le père Aurel, une de ses vieilles
connaissances de Valence. L'impression fut
exécutée aux frais du trésor national.
C'était, en effet, une publication utile à ré-
pandre pour l'apaisement des esprits, et l'on
ne doit pas être surpris que les délégués de la
Convention l'aient comprisse cette manière.
Ainsi Bonaparte défendait* alors la grande
cause patriotique, non-seulement de Tépée,
mais de la plume, ense et calamo.
Les particularités relatives à cet opuscule
nous ont paru, à double titre, dignes d'être rap-
pelées
7
et nous comprenons que le prote qui
en avait conservé le manuscrit signé par l'au-
teur y ait attaché quelque prix. Les exemplai-
res imprimés à Avignon en août 1793 sont
devenus introuvables. Diverses causes y ont
contribué. On dit, en effet, que Napoléon voulut
plus tard le retirer du"commerce; maison peut
en attribuer à des causes plus naturelles la dis-
parition presque entière. Tout le inonde sait
avec quelle facilité les brochures, ce qu'on
appelle les plaquettes dans le commerce de la
librairie, deviennent en peu de temps très-
rares , sinon introuvables. D'après la lettre
suivante de Louis Bonaparte, datée de Paris
.4 germinal an VII (24 mars 1799), on pourrait
penser que Bonaparte voulait lui-même, dès
ce temps-là, retirer le Souper de Beaucaire du
commerce de la librairie. Cette lettre est assez
curieuse, ce nous semble, et clora, comme
il le mérite, cet historique de la brochure du
républicain Bonaparte.
• Paris, 4 germinal an VII.
« Louis Bonaparte, aide de camp du général
en chef de l'armée d'Orient, au citoyen Au-
rel, imprimeur-libraire à Avignon.
» C'est chez vous, citoyen, qu'a été imprimée
» en 1793 une brochure ayant pour titre le
» Souper de Beaucaire. Si vous pouviez m'en
» envoyer plusieurs exemplaires, je vous en
» ferais passer aussitôt le prix.
. » Salut et fraternité, Louis BONAPARTE,
• Rue du Rocher, n» 505, près la barrière
de Monceau. •
L ' a d r e s s e p o r t e :
« Au citoyen Aurel, imprimeur-libraire à
» Avignon, département de Vaucluse. »
Voici le début de cette brochure, remar-
quable à plus d'un titre :
« Je me trouvais à Beaucaire le dernier jour
» do la foire : le hasard me fit avoir pour con-
» vives, à souper, deux négociants marseil-
» lais, un Nîmois et un fabricant de Montpel-
» lier. Après plusieurs moments employés à
» nous reconnaître, l'on sut que je venaîv
» d'Avignon et que j'étais militaire. Les esprits
» de mes convives, qui avaient été toute la
B semaine fixés sur le cours du négoce qui
» accroît les fortunes, l'étaient dans ce mo-
» ment sur l'issue des événements présents,
» d'où en dépend la conservation ; ils cher-
* chaient à connaître mon opinion, pour, en
» la comparant à la leur, pouvoir se rectifier
» et acquérir des probabilités sur l'avenir, qui
» nous affectait différemment; les Marseillais
» surtout paraissaient être moins pétulants:
» l'évacuation d'Avignon leur avait appris à
» douter de tout : if ne leur restait qu'une
B grande sollicitude sur leur sort. La confiance
B nous eut bientôt rendus babillards, et nous
B commençâmes un entretien à peu près en
B ces termes... B
Suit un dialogue où les convives pren-
nent tour à tour la parole, avec ces mots
à chaque changement d'interlocuteur : le N Î -
MOIS... le MARSELLAIS... le FABRICANT DE
MONTPELLIER; quant à l'auteur, il se désigne
toujours parce mot: le MILITAIRE. Est-il besoin
de dire que c'est ce dernier qui tient presque
constamment le dé de la conversation? Il a
BONA
BONA
BONA
BONA 929
affaire à des esprits prévenus, mais non en-
durcis. La Convention a soulevé des défiances,
a éveillé des craintes, surtout dans nos dépar-
tements du Midi ; on y fait le signe de la croix
quand on entend prononcer les noms de nos
grands révolutionnaires. Bonaparte, dont l'es-
prit droit est loin de partager ces préjugés,
répète sur tous les tons ce mot à ses convives :
« Confiance, confiance, confiance; laissez à la
Révolution le temps de grandir; est-il juste "île
mettre en doute la vigueur future de l'enfant
qui vient de naître ? » Toutes ces raisons, aux-
quelles l'uniforme militaire et ce ton bref, sûr
de lui-même, que tout le monde connaît, por-
tent la conviction dans les esprits, et le cu-
rieux écrit se termine par ces mots :
« LE MILITAIRE. Croyez-moi, Marseillais, se-
couez le joug du petit nombre de scélérats
qui vous conduisent à la contre-révolution ;
rétablissez vos autorités constituées, acceptez
la Constitution; rendez la liberté aux repré-
sentants ; qu'ils aillent à Paris intercéder pour
vous; vous avez été égarés. Il n'est pas nou-
veau que le peuple le soit par un petit nombre
de conspirateurs et d'intrigants ; de tout temps,
!a facilité et l'ignorance de la multitude ont
été la e;uis.'; de la plupart dos guerres civiles.
mission dont il avait <:lé priuiiiivument chargé.
Vers le 28 août, il était à Auxonne, et c'est là
que, le 3 septembre, il apprit la trahison qui
avait livré Toulon aux ennemis de la France.
Les Anglais en ' avaient pris possession le
27 août. Cet événement fut connu au camp
devant Lyon le 1 " septembre, et on n'en fut
instruit à Auxonne que deux jours après.
Bonaparte prit, sur cette nouvelle, une déter-
mination qui témoigne de son esprit d'initia-
tive; il partit spontanément pour Paris, sans
autorisation, de son chef, parvint à s abou-
cher avec les membres du comité de Salut
public, et obtint d'eux l'ordre de commander
provisoirement l'artillerie du siège de Toulon.
Il n'était toujours que capitaine de l'arme,
et^ n'avait que vingtquatreans et un mois,
même un peu moins : on était au 12 ou au
13 septembre 1793. Il partit en poste de Paris
et arriva rapidement à Lyon, où il s'embarqua
aussitôt dans un bateau commandé par un
nommé Benoît Mathieu de Condrieux, qui
le conduisit jusqu'à Avignon. D'Avignon, Bo-
naparte se rendit en toute hâte à OUioules,
quartier général de l'armée de siège, où il
arriva le 1er vendémiaire an II (22 septembre
1793). Il s'empressa d'aller faire une visite et
•> L E MARSEILLAIS. Eh! monsieur, qui peut
faire le bien de Marseille? Seront-ce les réfu-
f
iés qui nous arrivent de tous les côtés du
épartement? Ils sont intéressés à agir eu
désespérés. Seront-ce ceux qui nous gouver-
nent? ne sont-ils pas dans le même cas?
Sera-ce le peuple? Une partie ne connaît pas
sa position, elle est aveuglée et fanatisée;
l'autre partie est désarmée, suspectée, humi-
liée ; je vois donc, avec une profonde afflic-
tion, des malheurs sans remède.
» LE MILITAIRE. Vous voilà enfin raisonna-
ble ; pourquoi une pareille conversion ne s'opé-
rerait-elle pas sur un grand nombre de vos con-
citoyens qui sont trompés et de bonne foi?
Alors Albitte, qui ne peut que vouloir épar-
gner le sang français, vous enverra quelque
nomme loyal et habile; on sera d'Sccord, et,
sans s'arrêter un seul moment, l'armée ira
sous les murs de Perpignan faire danser la
carmagnole à l'Espagnol enorgueilli de quel-
ques succès, et Marseille sera toujours le cen-
tre de gravité de la liberté, ce sera seulement
quelques feuillets qu'il faudra arracher à son
histoire. »
Puis, 1'aul.eur de la brochure conclut en ces
termes -•
de présenter, ses lettres de service au général
Carteaux, qui était le commandant en chef
dé cette armée. Comme on le voit, la trahison
de Toulon lui tenait au cœur.
Ici commence une sorte d'épopée bizarre,
où l'on voit l'impéritie d'un chef d'un âge mûr
lutter maladroitement contre la capacité pré-
coce d'un jeune homme de vingt-trois ans;
épopée tout à la fois sublime et burlesque,
grâce à la présomption comique du. chef et
aux soudaines illuminations du subordonné.
En présentant des lettres de service signées
par les membres du comité de la guerre de la
Convention, et où le nom de Carnot se trouvait,
Bonaparte ne pouvait être mal reçu. Il aborde
l'officier général, homme magnifique, doré
depuis les pieds jusqu'à la tête. « C'était bien
inutile, dit Carteaux avec une prétention su-
perbe en caressant sa moustache ; nous n'avons
plus besoin de rien pour reprendre Toulon.
Malgré cela, soyez le bienvenu ; vous parta-
gerez demain la gloire de le brûler sans en
avoir pris la fatigue. » Le général Carteaux,
comme un homme sûr de son fait, donna
rendez-vous au jeune officier pour le lende-
main, au jour naissant, afin de lui faire voir
quelque chose de bon. Bonaparte n'eut garde
t « Cet heureux pronostic nous remît en hu-
meur ; le Marseillais nous paya de bon cœur
i plusieurs bouteilles de vin de Champagne qui
i dissipèrent entièrement les soucis et les solli-
citudes. Nous allâmes nous coucher à deux
? heures du matin, nous donnant rendez-vous
s au déjeuner du lendemain, où le Marseillais
; avait encore bien des doutes à proposer, et,
moi, bien des vérités intéressantes à lui ap-
prendre. »
Ainsi donc, comme le jeune Bonaparte lui-
même le sentait, toute la France était alors
? plus ou moins républicaine ; elle n'avait qu'un
cœur, seulement ce cœur ne battait pas éga-
a lement partout : les pulsations étaient rapides
., à Paris, lentes en province : Toulon, Mar-
•\ seille, Lyon, Avignon, Nîmes, Montpellier,
ii Beaucaire trouvaient que la Convention allait
trop vite en besogne. C'est ce que montre la
i- brochure du Souper de Beaucaire, avec une
t grande franchise d'allure et une admirable
n lucidité de raisonnement. Nous avoni là, sur
notre bureau, cette brochure, devenue à peu
s près introuvable en librairie et dont l'impor-
tance historique et politique n'échappera à
d'y manquer, et Carteaux le mena, d'un air
triomphant, à une batterie dont il avait lui-
' même indiqué la direction dans le but louable
d'incendier la flotte anglaise. Cette curieuse
batterie n'avait pas moins d'une lieue d'éten-
due; les canons y étaient disposés de distance
en distance en dehors des gorges d'Ollioules,
sur la droite et à deux mille toises de la mer ;
c'était cette batterie sans pareille qui devait
agir et incendier les vaisseaux anglais mouil-
lés à plus de quatre cents toises du rivage.
Après une discussion de quelques instants, il
fallut, on le pense bien, renoncer à entre-
prendre cette belle opération, et Toulon ne fut
nullement brûlé ce jour-là. Dès ce même jour
24 septembre, Bonaparte reconnut toute l'im-
portance du Caire, position restée inoccupée ;
il vit, avec son œil d'aigle, que c'était de là
qu'on pouvait dominer Toulon, et il dit avec
assurance à Carteaux que s'il voulait s'établir
en force sur ce point et y faire placer, sans
perdre une minute, de nombreuses batteries,
il répondait de le faire entrer dans Toulon.
Carteaux parut se rendre à cet avis ; mais il
ne prit que des demi-mesures; il envoya
400 hommes pour occuper la position du Caire.
Les Anglais, qui, comme Bonaparte, avaient
personne. Notre intention était d'abord de la
r aonner en entier, et si nous renonçons à la
ù publier, c'est uniquement à cause de son éten-
due, et parce que ces pages ralentiraient un
K récit dont le principal mérite doit être la con-
s cision et la rapidité. Ce n'est nullement,
s comme quelques-uns pourront le croire, la
;, crainte de déplaire qui arrête notre plume.
Le Grand Dictionnaire a pris pour règle" de
ne jamais s'abandonner à une critique, à une
opposition de parti pris. Il n'est que l'humble
serviteur, l'instrument passif de l'histoire;
contrairement à un.adage bien connu, il ra-
s conte non pour plaire, mais pour prouver, et
u comme aucune intention méchante ne se ca-
che au fond de son encrier, il n'a besoin ni
s de ruser ni de dissimuler. De même que le
bœuf, attaché à sa charrue, creuse un sillon
', droit et profond, sans s'inquiéter des racines
t malfaisantes que le tranchant du fer détruit ;
a ainsi le Grand Dictionnaire tend simplement
e à déraciner les erreurs et les préjugés qui ont
e envahi le domaine de l'histoire,
r Bonaparte, remis de son indisposition, partit
u en poste d'Avignon le 22 avril 1793, avec
l'agrément des délégués de la Convention,
à pour aller remplir à Auxonne ou à Vonge^ U
compris toute l'importance de cciio position,
résolurent de l'occuper eux-mêmes ; quelques
. jours après, ils envoyèrent 4,000 hommes, qui
en chassèrent aisément les 400 Français, et
élevèrent le fort Murgrave sur ce promon-
toire du Caire qui, comme l'avait vu sur-le-
champ Napoléon, était la vraie clef de Toulon.
Ainsi, grâce à l'impéritie de Carteaux, c'étaient
les ennemis qui profitaient des savantes com-
binaisons de Bonaparte. Carteaux n'ordonna
pas même une attaque générale des Anglais
pour les empêcher de poursuivre les travaux
commencés. Ils purent, pour ainsi dire en paix,
travailler pendant un'mois à fortifier cette
formidable redoute, qui devait être notre
pierre d'achoppement, et dont là prise seule
nous permit bien tard de nous rendre maîtres
de Toulon. Aucun effort, disons-nous, ne fut
même tenté par le général Carteaux pour
interdire à l'ennemi de faire là ce qui devait
nous coûter tant à recouvrer. Bonaparte ne
cessait de lui dire que cette position ruinait
toutes les espérances d'une prise immédiate
de Toulon, et qu'on laissait, ainsi prendre aux
ennemis une position formidable. Carteaux,
plein de confiance, bien qu'il pût voir les
ingénieurs anglais tracer les premiers linéa-
117
930 BONA BONA BONA
BONA
ments de ce qui devait être le fort Mur-
grave, répondait avec aplomb aux représen-
tations que lui faisait Bonaparte : » Tranquil-
lise-toi; quand je croirai utile de débusquer
les ennemis, ils partiront. •
On ne riait de rien dans ces jours solennels,
et Bonaparte, jeune, n'était pas rieur de sa
nature. Il s'affligeait de l'ignorance du général
en chef; il en craignait les suites fâcheuses
pour l'armée de siège; mais il ne pouvait rien
contre son supérieur, dont les plans fantas-
tiques contrariaient incessamment les siens.
On peut dire que le général en chef Car-
teaux accumula fautes sur fautes dans ce
commandement du siège de Toulon.
Notre intention, on le conçoit, ne saurait
être de donner ici l'histoire détaillée de ce
siège, et d'en suivre jour par jour les péripé-
ties. Il nous suffira de dire que, jusqu'au mo-
ment ou Carteaux cessa d'y commander, Bo-
naparte s'y vit perpétuellement contrarié par
l'ignorance et îa présomption du général en
chef, brave homme au demeurant, mais dont
les procédés militaires parurent, dans le temps,
Ses plus étranges du monde aux juges com-
pétents.
On en raconte, en effet, des traits incroya-
bles. Ainsi Carteaux proposa un jour à Bona-
parte d'établir sur une hauteur, entre le fort
Malbousquet et les forts Rouge et Blanc, tous
trois occupés par les Anglais, une batterie qui
les mitraillerait à la fois ; il fit mieux, il lui
ordonna de faire construire cette batterie. Les
militaires expérimentés savent que c'est en
plaçant contre un fort trois ou quatre batte-
ries dont les feux convergent, que le feu de
l'assiégeant peut avoir l'avantage sur celui de
l'assiégé ; ils savent également que de faibles
batteries, construites à la hâte, ne peuvent
rien contre des batteries établies avec soin et
le relief de la fortification permanente. Il fut
impossible à Bonaparte de faire comprendre à
Carteaux que la batterie qu'il ordonnait de
construire serait rasée en un quart d'heure, et
?
ue les canonniers en seraient tous tués. Force
ut cependant à Carteaux de retirer cet ordre
impossible à exécuter.
Une autre fois, il voulait fuire construire
une batterie sur la terrasse d'une maison de
campagne, mais cette terrasse était si étroite
que, par l'effet du recul, les canonniers ne
pouvaient manquer d'être écrasés par les dé-
bris de la maison.
On n'en finirait pas si l'on voulait rapporter
tous les faits du même genre qui illustrèrent
devant Toulon le commandement de ce gé-_
néral en chef, si peu digne de l'être. Bona-
parte était renversé par la tactique militaire
de Carteaux, et déjà sans doute il méditait
ce mot célèbre qu'il devait prononcer en Es-
pagne : « U (Sébastiam) me fait marcher de
••surprise en surprise. »
On peut dire avec justice que tout ce qui
s'exécuta de bien à, ce siège, sous le comman-
dement de Carteaux, fut fait pour ainsi dire
en dépit de Carteaux, par Bonaparte, qui ne
lui obéissait que dans la rigoureuse mesure
hiérarchique exigée par la discipline militaire,
dont le jeune ofhcier, malgré les bouillonne-
ments de son naissant génie, avait un senti-
ment très-profond.
C'est ainsi que, dès son arrivée, Bonaparte fit
élever, presque malgré son général en chef,
les batteries qu'il baptisa lui-même de la Mon-
tagne et des Sans-culottes, batteries qui jouè-
rent un si grand rôle durant le siège, et ne
cessèrent de jeter l'alarme parmi les assiégés.
Le feu en était épouvantable -. les premières
chaloupes anglaises furent coulées bas, quel-
ques frégates furent démâtées, quatre vais-
seaux de ligne furent si fort endommagés,
qu'ils durent entrer dans le bassin pour y être
réparés.
Ce fut pendant la construction d'une de ces
batteries que Bonaparte, ayant besoin de dicter
un ordre, demanda un homme qui sût écrire.
« Présent, capitaine, » répondit un sergentd'un
bataillon de la Côte-d'Or. Comme il achevait
d'écrire sur l'épaulement de la batterie, un
boulet ennemi, qui venait de frapper à côté,
le couvrit de terre, lui et son papier. Bon! dit
le secrétaire improvisé ; je n'aurai pas besoin
de sable. C'était Junot. Cette preuve de sang-
froid fut l'origine de sa fortune, Bonaparte
prit aussitôt *le sergent en amitié, et ce ser-
gent devint successivement officier, chef de
bataillon, aide de camp, général, enfin duc
d'Abrantès. On sait que pareille chose arriva
au siège de Stralsund, à Charles XII et à son
secrétaire. C'est identique, seulement c'est
tout le contraire, comme disait le caporal in-
structeur faisant exécuter l'exercice de flanc
droit et de flanc gauche : l'exclamation de ter-
reur du Suédois, en passant par la bouche du
soldat bourguignon, s'était changée en un mot
plaisant.
A propos de ce fameux siège de Toulon,
Î
tremtëre page d'une grande histoire, nous al-
ons rapporter encore un fait excessivement
honorable, où la calomnie joue, comme par-
tout, un bien vilain rôle.
Un jour, un canonnier ayant été tué à une
batterie, Bonaparte arracha le refouloirdeses
mains et se mit à charger lui-même dix ou
douze coups. Quelques jours après, il était
couvert d'une gale très-maligne : le canonnier
mort en était infecté. Bonaparte-.apprit ce
détail de son adjudant, le brave Muiron, tué
depuis, colonel aide de camp du générnl Bo-
naparte, auquel il sauva la vie, au prix de la
sienne, en le couvrant de son corps, à la ba-
taille d'Arcole, le 16 novembre 1796.
Entraîné par l'ardeur de sa jeunesse et par
sa passion pour le service, Bonaparte se con-
tenta d'un léger traitement. Le mal sembla
disparaître ; il n'était Que rentré. Cette ma-
ladie cutanée, gagnée devant Toulon au ser-
vice de la République, affecta longtemps la
santé de Napoléon ; mais la cause en était
si glorieuse, qu'on rougit en songeant aux
cruelles épigrammes qu'elle devait inspirer
plus tard (1814) aux royalistes. De telles
armes, si lâchement empoisonnées, ne bles-
sent que les mains qui ont le courage de s'en
servir.
Cependant, et malgré Carteaux, la liberté
d'action de Bonaparte devenait de jour en
^our plus grande. Il y avait à peine quinze
jours qu'il était arrivé, et déiàtoutle monde,
hors le général en chef, semblait disposé à ne
suivre que ses avis. Gasparin et Salicetti, dé-
légués de la Convention, qui présidaient aux
opérations du siège, l'écoutaient avec défé-
rence; Gasparin surtout en faisait les- plus
grands éloges et lui donnait, malgré sa jeu-
nesse, les marques d'une sorte de respect
bienveillant, qui allèrent profondément au
cœur du jeune officier. Il s'en souvint dans
son testament de Sainte-Hélène, bien qu'il ne fut
resté que quelques jours avec ce représen-
tant, qui mourut le U novembre suivant. Dans
le sein du conseil, Gasparin appuyait toujours
les avis du jeune officier et les soutenait
contre ceux de Carteaux.
A partir du 9 octobre 1793, jour de la prise
de Lyon par l'armée des Alpes, le secours que
la soumission de cette ville permettait d'en-
voyer donna l'espoir d'une prompte réduc-
tion de Toulon, et Bonaparte fit tout ce qu'il
put pour hâter cette reddition. Le 15 octobre,
il soutint opiniâtrement au conseil que le vrai
point d'attaque était le fort Murgrave, appelé
par les Anglais le Petit-Gibraltar ; que Tou-
lon était là, ajoutant que soixante-douze
heures 'après la prise de ce fort, l'armée de
siège aurait recouvré Toulon. La-dessus, Car-
teaux, appelé à donner son avis, répondit que
la chose valait peut-être la peine d'être exa-
minée; et, après huit jours de profonde médi-
tation, il envoya l'ordre suivant à son jeune
subordonné :
a Le commandant de l'artillerie foudroiera
Toulon pendant trois jours, et le quatrième, je
ferai attaquer la ville par trois colonnes. » Ce
mot souligné sonnait admirablement dans une
bouche républicaine.
Ce ton d'assurance de Carteaux rappelle
f
iarfaitement — avec une légère nuance que
e lecteur saisira— celui que prendra plus
tard le général en chef de l'année d'Italie, en
se parlant à lui-même. La scène se passe dans
son cabinet des Tuileries; le premier consul
est couché tout de son long sur une carte, et
il s'écrie, en présence de son secrétaire, qui
l'écoute avec surprise : • Ce pauvre M. de
» Mêlas passera par Turin... il se repliera vers
» Alexandrie... Je passerai le Pô... je le join-
» drai sur la route de Plaisance, dans les
» plaines de la Scrivia... et je le battrai là,
» là!... » Et, en disant cés'mots, il piquait
une épingle a San-Giuliano (village qui se
trouve dans la plaine de Marengo). La suite
prouvera que c'était là une vision extraordi-
naire de l'avenir.
Cette héroïque résolution, le foudroiement
de Toulon, fut le coup de grâce du pauvre
Carteaux. L'ordre pittoresque du général en
chef et le projet de Bonaparte'furent expé-
diés au comité de Salut public par un courrier
extraordinaire, dépêché par Gasparin lui-
même, çt Carteaux fut immédiatement ré-
voqué.
Un dernier mot sur ce type curieux de nos
armées de la République. Le général était
accompagné de M"
16
Carteaux, femme de bon
sens. Son mari lui faisait en particulier des
, doléances sur ce que son autorité semblait
I tomber de ses mains dans celles de Bonaparte.
' « Laisse faire ce jeune homme, répondait
M
m e
Carteaux; il en sait plus que toi, et il ne
te demande rien. Ne te rend-il pas compte
exactement de tout? la gloire te reste, et, s'il
fait des fautes, elles seront pour lui. » Dans
une autre circonstance, elle lui disait : «Ne
t'y trompe pas : Bonaparte a trop d'esprit
\ pour rester longtemps un sans-culotte.—
, Citoyenne Carteaux, répliqua le général en se
' redressant fièrement, car il se sentait blessé
dans son amour-propre; citoyenne Carteaux,
c'est donc à dire que nous sommes tous des
bêtes? — Je ne dis pas cela, mon ami, reprit-
elle sur le ton d'Alceste à Oronte ; je dis seu-
lement que ce jeune homme ne te ressemble
en aucune manière. »
Gasparin tomba malade sur ces entrefaites,
et partit pour Orange, son pays, où il mourut
presque aussitôt.
Carteaux avait commandé en chef devant
Toulon depuis fin août jusqu'au 6 novembre,
c'est-à-dire pendant deux mois et six jours ;
et Bonaparte avait servi sous lui du 23 sep-
tembre au 6 novembre, c'est-à-dire pendant
quarante-cinq jours.
Bonaparte, qui avait appris à estimer Car-
teaux, comme nomme et comme républicain,
a dit plus tard de lui que ce n'était pas un
méchant'homme, mais un officier très-mé-
diocre. Il ne lui garda nullement rancune des
rapports tendus qu'ils avaient eus au siège de
I Toulon, et, devenu premier consul, il le nomma
d'abord administrateur général de la loterie,
' puis administrateur de la principauté doPteS-
bîno. Carteaux exerçait de nouveau les fonc-
tions d'administrateur de la loterie, lorsque, le
17 mars 1804, il .écrivit à Bonaparte la lettre
suivante, qui a passé sous nos yeux à la vente
de la collection Villenave : « Général pre-
mier consul, comme dit le proverbe, où l'on
trouve son bien on le reprend. C'est à ce titre
que j'ai accepté de vous offrir, d'après la sou-
mission ci-jointe des actionnaires d'Avignon,
la somme de 166,650 francs qu'ils vous resti-
tuent sous le titre précieux de don à la patrie
pour les frais de la guerre. Une telle offrande
répugnera peut-être à votre cœur, mais je
crois que, sans blesser ni votre religion ni
votre honneur, vous pouvez accepter. » Le
premier consul accepta et fit verser la somme
au trésor public. Carteaux, qui n'avait jamais
su s'enrichir dans les diverses fonctions qu'il
avait exercées, et qui était devenu infirme,
fut mis à la retraite à son retour d'Italie, et
reçut de celui dont il avait été autrefois le su-
périeur une pension de 3,000 fr. sur la cas-
sette particulière de Napoléon. Cet honnête
républicain mourut au mois d'avril 1813.
Comme on le voit, le ciel lui avait accordé
vingt ans pour méaiter sur la prédiction de la
citoyenne Carteaux.
Enfin, le 17 novembre 1793,1e général fran-
çais Dugommier vint prendre le commande-
ment du siège de Toulon.Napoléon,à Sainte-
Hélène, a fait de ce général ce bel éloge :
« Il avait toutes les qualités d'un vieux mtli-
> taire; extrêmement brave de sa personne,
« il aimait les braves et en était aimé. Il était
» bon, quoique vif, très-actif, juste ; avait le
» coup d'ceil militaire, du sang-froid et de l'opi-
» niâtreté dans le combat. »
Il n'y a ici que cinq lignes; mais cela peint.
Dès la première entrevue, le vieux général
et le jeune officier d'artillerie s'entendirent à
merveille et se parlèrent comme s'ils s'étaient
i connus toute leur vie. Us poussèrent de con-
i cert le siège avec une vigueur extraordinaire.
I Bonaparte venait d'être nommé, par rang
d'ancienneté (21 novembre), troisième chef de
bataillon de son régiment, lorsque Robespierre
jeune vint remplacer Gasparin en qualité de
délégué de la Convention. Comme les autres,
le frère de Maximilien ne tarda pas à être
frappé de la fiévreuse activité de Bonaparte;
nous verrons tout à l'heure ce que cette atten-
tion valut au jeune officier.
De jour en jour, les assiégeants faisaient de
nouveaux progrès. Le 14 décembre, les repré-
sentants du peuple, Robespierre jeune, Sali-
cetti et Ricord réunirent à Ollioules un con-
seil de guerre, où l'assaut du fort Murgrave
fut résolu.
Toulon était là, selon la pittoresque expres-
sion de Bonaparte, et Dugommier, avec son
tact militaire, le comprenait comme lui; mais
c'était un rude morceau à emporter que ce
fort Murgrave. Il le fallait emporter cepen-
dant, ou se résoudre à voir traîner le siège en
longueur, et à ne prendre Toulon que dans un
délai qui n'allait point à l'impatience de ces
temps de fiévreuse ardeur. 11 fallait donc tout
tenter et tout braver pour enlever cette posi-
tion aux Anglais. Trois mille hommes de leurs
meilleures troupes et quarante-quatre pièces de
gros calibre défendaient le fort Murgrave,
qu'ils jugeaient imprenable, et auquel ils
avaient donné le nom de Petit-Gibraltar. Le
commandant des Anglais avait même dit : Si
les Français emportent cette batterie, je me
fais jacobin. Les plus grands moyens de dé-
fense étaient accumulés dans cette grande re-
doute, située sur le promontoire du Caire,
d'où l'on domine la ville. C'était, on se le rap-
pelle, cette même position que, le surlendemain
de son arrivée à 1 armée, Bonaparte avait pro-
posé au général en chef Carteaux de faire oc-
cuper par une force suffisante, avant que les
Anglais se fussent avisés eux-mêmes de son
importance et s'y fussent solidement établis,
l'assurant que dans huit ou dix jours il serait
maître de Toulon.
Tous les efforts furent dirigés sur ce point,
et d'abord sans succès. Bonaparte avait fait
construire, à 120 toises de la redoute anglaise,
comme le meilleur moyen de l'entamer, une
batterie masquée, qui fut foudroyée au mo-
ment où elle commençait à tirer. Et cette bat-
terie masquée avait été jugée par Bonaparte
indispensable au succès de l'opération. C'est ici
que 1 énergie morale du jeune officier devait se
montrer dans toute sa puissance. Les canon-
niers effrayés refusaient de servir cette batte-
rie. Bonaparte, persuadé plus que jamais que
toute attaque sur un autre point serait vaine
pour l'unique objet qu'il fallait se proposer ;
que la prise de Toulon dépendait absolument
de celle du Petit-Gibraltar ;-qu'il ne fallait
viser qu'à cela, qu'en un mot Toulon était là ,
Bonaparte s'avisa d'une de ces ressources
morales que les grands capitaines savent seuls
employer à l'occasion,' lorsqu'ils agissent sur
des soldats tels que les soldats républicains
d'alors. Il fit, de sa personne, ce qu'il devait
faire plus tard à Arcole et au pont de Lodi; il
l'exposa tout entière. Il se fit apporter un po-
teau et chargea Junot, qui
?
comme nous le
savons, avait une belle écriture, d'y adapter
un écriteau en gros caractères, portant ces
mots : Batterie des hommes sans peur, et il alla
en personne, avec Junot, le planter en avant
de la batterie. Puis il s'écria qu'il ne com-
mandait à personne d'y servir, mais qu'il at-
tendait les hommes sans peur. Son courage
inspira un courage égal atout le monde. Tous
les canonniers de 1 armée voulurent servir
i cette batterie, remontée en un moment. C'était
le 16*aécembre 1793. Elle commença immé-
' diatement à jouer, et ne cessa son feu, ce jour-
là, qu'à minuit. Le lendemain 17, d'autres bat-
teries furent établies et dirigèrent un feu rou-
lant. Il va sans dire que les Anglais ne furent
pas sans riposter de leur mieux. D'après ce qui
avait été concerté entre le général en chef et
le commandant de l'artillerie Bonaparte, ce
'jour-là même, toutes les troupes républicai-
nes se rassemblèrent pour l'attaque générale
du fort Murgrave. Il pleuvait à verse. La di-
vision qui avait été placée dans le village de
la Seyne, du côté de l'ouest, témoignait, mal-
gré le mauvais temps, une ardeur et un en-
thousiasme extraordinaires. Dugommier avait
formé son armée en quatre colonnes, qui de-
vaient toutes opérer à la fois ; et, le 27 frimaire
an II (17 décembre 1793), malgré la plus vive
résistance, et au cri de Vive la République
t
nous fûmes maîtres à minuit du fort Murgrave.
Dans cette attaque, le général Laborde et
le capitaine Muiron furent grièvement blessés.
Bonaparte eut un cheval tué sous lui, et reçut
au mollet un coup de sabre d'un canonnier an-
glais. Une lettre datée du lendemain et écrite
iar les représentants, qui avaient assisté de
eur personne à cette brillante et périlleuse
affaire, rendit compte au comité de Salut pu-
blic du succès de la chaude journée de la
veille.
Mais Toulon n'était pas encore au pouvoir
des troupes républicaines. H fallait donc battre
le fer pendant qu'il était chaud. Le 28 frimaire
(18 décembre 1793), toute l'artillerie de siège
bombarda Toulon, et l'on s'empara d'un autre
fort important, le fort Malbousquet; ce qui lit
dire par Bonaparte aux commissaires de la
Convention : u Demain, ou après-demain au
» plus tard, vous souperez dans Toulon. »En ef-
fet, le 29 frimaire, l'armée républicaine prit
possession de la ville ; des lettres, du même
jour, de Robespierre jeune et Salicetti et du
général en chef Dugommier, annoncèrent à la
Convention Ventrée dans Toulon de l'armée
victorieuse ; et telle avait été la part glorieuse
que Bonaparte avait prise au succès du siège,
qu'il en reçut immédiatement la récompense.
Il ne figurait sur les cadres réguliers de l'ar-
mée qu'avec le grade de chef de bataillon
d'artillerie, le troisième de son régiment et le
cinquante et unième de l'arme, qui, d'après
VAlmanach national de l'an II, en comptait
soixante-sept. Le lendemain 30 frimaire, les
représentants du peuple relevèrent provisoi-
rement au grade de général de brigade d'ar-
tillerie, lui faisant ainsi franchir les deux
grades intermédiaires de lieutenant-colonel et
e coloneL.Cette nomination fut confirmée et
rendue définitive par le comité de Salut pu-
blic, où siégeait Carnot, c'est-à-dire par le
gouvernement, le 18 nivôse an II (7 janvier
1 7 9 4 ) .
Le nom de Bonaparte figure pour la pre-
mière fois, dans VA tmanach national de France
de l'an III (de septembre 1794 à septembre
1795), parmi les généraux de brigade de l'ar-
mée d Italie, page 219, sous cette forme:
liuonoparté, et non dans celui de l'an II, comme
on l'a dit par erreur, parce que celui del'an III
avait déjà paru a la fin de 1793. Dans celui de
l'an IV (après le 13 vendémiaire), on lit,
page 103 : Armée de l'intérieur. Citoyen Buo-
NAPARTE, général en chef. Dans celui de l'an V,
page 105 : Armée d'Italie. Citoyen BUONA-
PARTE,. général en chef. Mais nous anticipons.
Revenons à 93.
En conséquence de sa nomination, qui n'a-"
vait besoin que pour la forme de la sanction
du gouvernement, puisque les délégués de
la Convention près des armées pouvaient
conférer des grades, Bonaparte assista en
uniforme d'ofnoier général à un dîner qui fut
donné à Toulon par l'ordonnateur en chef
Chauvet, en l'honneur des représentants du
peuple Robespierre jeune, Salicetti, Ricord
et Fréron. Dans le menu figurait, par plai-
santerie , comme pièce de résistance, une
bombe française qui, pendant le siége
î
était
tombée sans éclater dans la maison ou l'on
dînait, appartenant à un citoyen de Toulon
fidèle à la République. La bombe républicaine
avait compris qu'elle était sous le toit d'un
ami, et qu'elle devait se comporter de manière
à ne pas faire de bruit pour ne point réveiller
les petits enfants de son hôte. Pendant une
partie du repas, ce fut un feu roulant de bons
mots sur l'intelligence de cette bombe.
Le 28 décembre 1793, Dugommier adre*
à la Convention son rapport général sur i
siège de Toulon, qui fut lu en séance publi-
que, et où le nom de Bonaparte tient en quel-
que façon la première place parmi ceux qui
ont le plus contribué à la prise de la ville.
C'est dans ce rapport, qui parut au Moni-
teur universel, que fut consigné pour la pre-
mière fois le nom de Bonaparte, sous cette
forme : Buoha-Parté.
L'attachement et l'estime de Dugommier,
qui devait bientôt trouver une mort glorieuse
à l'armée des Pyrénées-Orientales, laissèrent
dans l'âme de Napoléon un profond souvenir,
souvenir qu'il consigna à Sainte-Hélène de la
façon suivante, dans le quatrième codicille de
son testament, parmi les legs qu'il se plut à
faire à tous ceux dont la mémoire lui était
chère ou à leurs descendants: «Deuxième legs:
» idem, au fils ou petit-fils du général Dugom-
» mier, qui a commandé en chef l'armée de
* Toulon, la somme de 100,000 francs; nous
• avons, sous ses ordres, dirigé et commandé
BONA BONA BONA BONA 931
» l'artillerie ; c'est un témoignage pour les mar-
» ques d'estime, d'affection et d'amitié que
» nous a données ce brave et intrépide gé-
» néral. a
Bonaparte partit de Toulon dans les der-
niers jours de décembre 1793; le 30 décembre
il était à Marseille, où il revit sa mère, ses
frères, et ses sœurs, qui n'avaient cessé d'y
habiter depuis que sa famille avait quitté la
Corse; il était accompagné du sergent-calli-
graphe Junot, dont il avait fait son aide de
camp, et un peu aussi son secrétaire. C'est de
cette ville et sous cette date qu'en qualité
de général de brigade d'artillerie, nous le
voyons délivrer un certificat élogieux à la
17« compagnie d'artillerie à cheval, et les
jours suivants donner des ordres en la même
qualité. Huit jours après, le 7 janvier 1794, il
recevait l'ampliation du brevet de son grade de
général de brigade d'artillerie, signé des mem-
bres du comité de Salut public, et telle était
alors déjà la confiance qu'il inspirait, qu'il fut
chargé, par le Comité, du commandement en
chef de l'artillerie de l'armée d'Italie, ainsi
que de l'armement des côtes de la Méditer-
ranée, depuis l'embouchure du Rhône jusqu'à
celle du Var.
Mais ne quittons pa3 cette bonne ville de
Marseille sans dire que c'est là, pour la pre-
mière fois, que Junot vit cette Paulette, dont
il devint tout d'un coup éperdument amou-
reux. Des huit enfants, Pauline Bonaparte
était celle qui ressemblait le plus à M
100
Lae-
titia Ramohno ; elle avait alors quatorze uns,
et l'aurore de cette splendide beauté que de-
vait immortaliser le ciseau de Canova se re-
flétait déjà en elle.
Pendant les mois de janvier et de février
1794, Bonaparte s'occupa de l'armement don t il
avait été chargé, et c'est alors qu'il fit avec sa
famille plusieurs courses pour déterminer la
position des diverses batteries à établir, et
qu'il adressa au comité de Salut public un
mémoire où étaient savamment calculés les
moyens de défense du littoral de la Méditer-
ranée, et où il annonçait les mesures qu'il
avait prises lui-même en qualité de général
de brigade d'artillerie, chargé de l'armement
de ce littoral. Ainsi il menait de front les
devoirs de sa charge et ceux non moins
sacrés de la famille et de l'amitié. Le général
La Poype lui avait été adjoint pour cette opé-
ration ; et c'est ici que se place un incident
qui faillit le compromettre assez gravement
et terminer d'une manière tragique la carrière
la plus gigantesque qu'il soit donné à un
homme de parcourir.
Bonaparte avait proposé au représentant
Maignet, délégué de la Convention et alors
tout-puissant à Marseille, de faire réparer les
forts Saint-Nicolas et Saint-Jean, en partie
démolis par le peuple au 'commencement de
la Révolution. Son dessein, très-louable et très-
patriotique, était de mettre par là à l'abri d'un
coup de main les poudres de guerre et'les
armes qui y étaient renfermées. Le citoyen
Maignet trouva là une belle occasion de faire
du zèle, à cette époque suprême où chacun
tremblait pour sa vie. Adressa-t-il à ce sujet
une dénonciation en forme au comité de Salut
public? on serait tenté de le croire. Toujours
est-il que, dans la séance de la Convention
nationale du 7 ventôse an II (25 février 1794),
le représentant du peuple Granet dénonça le
général La Poype et son chef d'artillerie Bo-
naparte, comme ayant voulu faire rétablir les
bastilles que le tyran (Louis XVI) avait fait
élever autrefois autour de Marseille , et de-
manda qu'ils fussent cités l'un et l'autre à la
barre de la Convention. La Poype dut rece-
voir à Marseille, vers le 6 mars, le décret qui
le mandait à Paris. Il partit immédiatement,
et, dans la séance du 15 mars, Barrère lut des
lettres écrites par le représentant Maignet,
démentant le fait imputé à La Poype, et l'at-
tribuant uniquement au général d'artillerie
Bonaparte. La Poype, justifié, fut admis aux
honneurs de la séance. Mais Bonaparte n'y
parut point, parce que, lorsque le décret qui
l'y appelait en même temps que La Poype
parvint à Marseille, il était déjà parti de cette
ville avec Junot pour visiter les côtes' de la
Méditerranée, puis se rendre à Nice, où il
avait à exercer les fonctions de commandant en
chef de l'artillerie de l'armée d'Italie. Il était
donc à Nice, où s'étaient rendus de leur côté
les représentants du peuple Ricord et Robes-
pierre jeune, délégués de la Convention à
l'armée d'Italie. Ricord avait emmené avec
lui sa femme, et Robespierre jeune sa sœur
Charlotte Robespierre, amie de M
Bie
Ri-
cord. Or M'ie Robespierre conçut, à première
vue, pour le jeune protégé de son frère une
estime qui avait fait sur son cœur de jeune
fille et de républicaine une telle impression,
qu'elle aimait encore à en parler le 1
e r
août
1S34, quand elle mourut dans la petite cham-
bre qu'elle occupait avec Mlle Mathon, à
Paris, rue Fontaine-Saint-Marcel.
Ce fut à Nice que Bonaparte apprit la dé-
nonciation de Maignet et la comparution du
général La Poype à la barre de la Conven-
tion. Mais il était à l'armée d'Italie, où sa pré-
sence fut jugée nécessaire, et il employa l'as-
sistance des représentants qui l'avaient vu à
l'œuvre à Toulon, et qui, mieux placés pour
juger de l'affaire, pouvaient la présenter sous
son vrai jour au comité de Salut public. Le
Comité en jugea comme eux et révoqua l'or-
dre de comparution à la barre de l'Assemblée.
Ce résultat, où il y allait de la liberté et de la
vie du futur empereur, fut dû surtout à Joseph
Robespierre, qui, au siège de Toulon, avait
conçu la plus haute estime pour le caractère
et les talents de Bonaparte.
Bien que les Austro-Sardes fussent en ce
moment en force dans les Alpes-Maritimes,
les hostilités n'avaient - pas été reprises, et
l'armée languissait au quartier général de
Nice, où l'on attribuait son inaction au géné-
ral en chef Dumerbion, vieux, impotent, gout-
teux, morose, rempli d'un zèle inutile, et
dont le cœur valait mieux que le bras. En ar-
rivant à Nice, Bonaparte, qui voyait d'un re-
gard le défaut de l'armure, s'affligea de
cet état de choses, et, du 27 mars au 2 avril
1794, c'est-à-dire en six jours, il se mit au
courant de la situation. Il en conféra sérieu-
sement avec les représentants Ricord et Ro-
bespierre jeune. Il reconnut d'abord toute la
force des positions de l'ennemi et le vice du
système d'attaque; et il eut le bonheur,
non-seulement d'en concevoir, mais d'en faire
adopter un meilleur, grâce au concours des
représentants et à la franche loyauté du géné-
ral en chef. Ses démonstrations portaient la
conviction dans tous les esprits droits ; à
cette époque d'abnégation patriotique^ tous
les cœurs Wttaient à l'unisson quand il s'agis-
sait du salut de la France. Il proposa de tour-
ner la gauche de l'armée austro-sarde, pour
rendre l'armée française maîtresse de la
chaîne supérieure des Alpes, sans l'engager
dans des entreprises trop difficiles. Ce plan de-
vait avoir pour résultat de placer la défensive
dans sa position naturelle, c'est-à-dire sur
la crête des Alpes; de porter la droite de
l'armée dans un pays où les montagnes étaient
beaucoup moins élevées; de couvrir une por-
tion de la rivière de Gênes et de rétablir les
communications entre cette ville, l'armée d'I-
talie et Marseille. Tout ce plan reposait sur
ce principe de la guerre de montagnes : for-
cer l'ennemi à sortir de ses positions sous
peine d'être tourné. 11 fut adopté le 2 avril
1794, dans un conseil de guerre composé des
représentants Ricord et Robespierre jeune,
du général en chef Dumerbion et des généraux
Masséna, Vial, Rusca et Bonaparte.
Le même jour, 13 germinal an II (2 avril
1794), Bonaparte écrivit de Nice au chef de
"brigade Manceaux, directeur du parc d'artil-
lerie à Port-la-Montagne (Toulon), le billet
suivant :
« Nous avons un besoin urgent de cartou-
» ches, envoie-nous-en un million, à Nice, sans
u délai. Nous entrons demain en campagne
» avec 30,000 hommes ; juge des cartouches
» que l'on consumera. »
| Il y a consumera ; mais, ma foi, quand on
est si français de style, de cœur et de génie,
on peut bien se permettre un léger, divorce
avec madame la syntaxe, d'autant plus qu'il
est des cas où les lexicographes ne s'entendent
pas encore sur l'emploi de consumer et de
consommer.
Le mouvement fut retardé de deux jours;
mais on sait que, quand Napoléon paraissait
reculer, c'était pour mieux sauter.
Nous avons plusieurs fois nommé Robes-
pierre jeune; cest que, comme on l'a vu et
comme on le verra plus clairement encore, il
fut pour beaucoup dans les heureux commen-
cements de Bonaparte. Cette liaison, cette
amitié réciproque va nous faire quitter pour
un instant le fil de notre narration.
M. Fossé-Darcosse, ancien conseiller à la
cour des comptes, mort à Versailles, grand
amateur d'autographes, et qui en avait réuni
une très-riche collection, aimait à raconter
que la première pièce dont l'intérêt lui avait
révélé l'attrait et l'importance de ce genre de
documents historiques, était une lettre de Ro-
bespierre jeune à son frère, datée de Nice, le
16 germinal an II (5 avril 1794), et où se
trouve cette apostille : « J'ajoute aux patriotes
que je t'ai déjà nommés le citoyen Buonaparte,
général, chef de l'artillerie, D'UN MÉRITE TRANS-
CENDANT. Ce dentier est Corse; il m'offre
la garantie d'un homme de cette nation qui
a résisté aux caresses de Paoli et dont les pro-
priétés ont été ravagées par ce traître. » Ce
post-scriptum prouve que le jeune Bonaparte
avait eu avec Robespierre jeune de longs et
intimes entretiens, où il aimait à parler de ses
souvenirs de jeunesse.
Joseph Robespierre écrivait cela à vingt-
huit ans, au début de la campagne d'Italie ; et ce
jugement si clairvoyant, porté par un homme
si jeune sur un officier plus jeune encore, qui
n'avait pu jusque-là se signaler que par ses
services au siège de Toulon, avait naturelle-
ment de quoi frapper un esprit attentif, cu-
rieux de rapprochements et de singularités his-
toriques. Aussi est-ce cette lettre qui a fait de
M. Fossé-Darcosse un amateur passionné
d'autographes, et qui a été l'origine de la re-
marquable collection dans laquelle il nous a
été donné de consulter des pièces importantes
qui figureront ici même. Cette lettre fut son
chemin de Damas et sa langue de feu. Ce
noble goût des autographes avait rectifié en
lui bien des opinions, bien des préjuges sur
les hommes et les choses de la Révolution.
Notre reconnaissance devait ce souvenir et
ces deux alinéas à l'excellent conseiller, au
risque de nous écarter un peu du cadre qui
nous est tracé. Une des qualités saillantes
. de notre héros est la reconnaissance, et l'on
i sait ayee quelle facilité un auteur s'assimile,
j d'une manière presque inconsciente, le sujet
i qu'il traite. Ainsi nous voilà confondu avec ce
morceau d'argile grossière de l'apologue orien-
tal, qu'un sage avait ramassé dans son bain :
« D'où te vient cet arôme inusité ? — J'ai sé-
j o u r n é quelque temps au milieu d'un bou-
» quet de roses. •
Ce fut, on peut le dire, au sortir de ce conseil
de guerre du 13 germinal an II, où Bonaparte
fit adopter le plan de campagne qu'il y proposa,
que Robespierre jeune, qui avait connu et vu
à l'œuvre son nouvel ami au siège de Toulon,
qui avait signé le 20 décembre 1793 sa nomi-
nation au grade de général de brigade d'ar-
tillerie, ce fut à cette occasion qu'il écrivit à
son frère la lettre dont nous avons recueilli
le passage si remarquable qui vient d'être
cité, lettre bien propre à faire tomber l'im-
bécile dénonciation de Maignet, lettre inconnue
à tous les historiens de Napoléon, et à M. de
Coston lui-même, le mieux informe de tous sur
les premières années de sa vie. M. de Coston,
en effet, n'a connu et ne cite de Robespierre
jeune qu'une lettre, bien curieuse aussi, écrite
durant sa mission près de l'armée d'Italie,
mais où Bonaparte n'est pas nommé; elle se
rattache cependant à ce début delà campagne
d'Italie dont nous parlions tout à l'heure, et
fait le plus grand honneur aux sentiments
honnêtes et au pur patriotisme du jeune délé-
gué de la Convention. M. de Coston la cite
avec les remarquables rapports au comité de
Salut public, qui, bien que signés par ses col-
lègues, sont évidemment rédigés par lui. Voici
cette lettre de Joseph à Maxhniliea Robes-
pierre. Ces documents parlent haut, et sont
d'eux-mêmes, sans avoir besoin de commen-
taires, la réfutation de bien des calomnies et
des contes ridicules; on y voit clairement ce
que pouvaient et ce que sentaient ces hommes
que la réaction thermidorienne s'est attachée
à noircir pour les besoins de sa cause, et dont
le procès, selon l'expression de Cambacérès,
a été jugé, mais non plaidé. Cette lettre, qui
est écrite du théâtre même de la guerre, anti-
cipe un peu sur les événements, mais nous y
reviendrons,
« Ormea, le 29 germinal an II de la République.
» Plus nous avançons en pays ennemi, plus
nous sommes convaincus qù un des grands
moyens de contre-révolution employés par
ces hommes perfides, dont plusieurs sont
tombés sous le glaive de la loi, était les ou-
trages et les violences faits au culte.
» Partout nous avons été précédés de la ter-
reur : les émigrés avaient persuadé que nous
égorgions, violions et mangions les enfants,
.que nous détruisions la religion.
» Cette dernière calomnie produisait les plus
tristes effets. Une population de 40,000 âmes
de la vallée d'Oneille avait pris la fuite. On
n'y rencontrait ni femmes, ni enfants, ni
vieillards. Une si énorme émigration nous
aurait opposé de grands obstacles, si nous
n'étions parvenus à la dissoudre par l'accueil
fait aux misérables habitants des campagnes,
en proie à la plus affreuse ignorance.
» Les défenseurs de la patrie se sont par-
faitement conduits : ils n'ont touché à au-
cune image dans un pays où la superstition
en a couvert toutes les murailles. »
Les événements auxquels cette lettre se
rapporte avaient eu lieu en onze jours, du 6 au
18 avril 1794. Dans ce court intervalle, l'armée
républicaine avait marché de succès en succès,
au pas de course.
Le 6 avril, une division de 14,000 hommes,
commandée par le général Masséna, partie de
Nice la veille au matin, passe la Roya, s'em-
pare du château de Vintimille, marche sur le
mont Tanardo et y prend position. Le même
jour, une brigade, sous les ordres du général
Bizannet, passe la Taggia, s'établit au Monte-
Grande, et s'empare du camp de Fougasse.
Le 8 avril, le général Bonaparte, à la tètè
de trois brigades d'infanterie, culbute au delà
de Menton une division autrichienne, et s'em-
pare du port d'Oneille, où les Anglais s'étaient
établis. Le 10 avril, combat de Ponte-di-Nave,
où fut battu le reste d'une division autri-
chienne.
Le 17 avril au matin, l'armée entra à Ormea,
ville approvisionnée de toutes sortes de muni-
tions et défendue par une garnison de 400 hom-
mes, qui capitula. C'est de laque, le lendemain,
29 germinal (18 avril), Robespierre jeune
adressa à son frère la seconde lettre qu'on a
vue plus haut. Ce même jour 18 avril, l'armée
républicaine, poursuivant le cours de ses suc-
cès, occupa Garessio et Loano. Le 24, Masséna
emporta les hauteurs de Muriato, qu'occu-
paient les Autrichiens.
On manquait cependant de bouches à feu,
et le général Bonaparte avait été envoyé à
Nice pour y activer le service de l'artillerie.
Il adressa de là, le 25 avril, une lettre de ser-
vice au capitaine Perrier, à Marseille, et, le
même jour, une autre lettre au directeur d'ar-
tillerie, à Port-la-Montagne, pour presser
l'envoi des objets nécessaires à 1 armée. Tout
allait bien d'ailleurs, et une lettre écrite de
Saorgio le 10 floréal an II (29 avril 1794),
par les représentants du peuple Ricord et
Robespierre jeune, l'annonçait à la Conven-
tion nationale. Telle était toutefois l'urgence
des besoins de l'armée, en fait d'artillerie,
que Bonaparte ne cessait d'écrire de Nice
lettres sur lettres à ses subordonnés dans son
arme. Le 2 mai 1794, il adressait le billet sui-
vant à Manceaux, directeur du parc de
Toulon :
Le général commandant l'artillerie,
au citoyen Manceaux.
Nice, le 13 floréal an II.
o Tu feras partir pour Nice dix pièces de 4
» avec leurs caissons. BUONAPARTE. »
Son activité s'étendait à tout. Il écrivait, ïo
19 floréal an II (8 mai 1794), au citoyen Char-
tron, adjudant-major d'artillerie :
a Dès le moment que la carte sera faite, tu
» te rendras au golfe Juan; tu en lèveras le
» plan ; tu marqueras la position des batteries
» existantes et de celles que j'ai ordonnées;
» tu auras soin de spécifier le mouillage.
» BUONAPARTK. »
Il remplissait avec zèle en ceci les fonctions
dont il avait été chargé pour l'armement des
côtes de la Méditerranée.
Le vieux Dumerbion avait retrouvé, malgré
sa goutte, toute l'ardeur de sa jeunesse au
contact de celle de Bonaparte ; il était venu
lui-même à Nice pour diriger une expédition
vers le nord des Alpes; et il put, le 11 mai,
annoncer à la Convention l'occupation du Coi
de Tende par l'armée sous ses ordres.
Par l'exécution du plan de campagne de Bo-
naparte, adopté au conseil de guerre du 2 avril
1794, l'armée d'Italie était ainsi maltresse,
un mois après, de toute la chaîne supérieure
des Alpes maritimes, et communiquait avec
le poste d'Argentière, dépendant de la droite
de l'armée des Alpes, dont le quartier général
était à Grenoble. 4,000 prisonniers, 70 pièces
de canon, deux places fortes, Oneille etSaor-
gio, enfin l'occupation de la chaîne des Alpes
jusqu'aux Apennins, tels furent les résultats
inespérés de cette belle opération ; et c'était à
Bonaparte que le général en chef Dumerbion,
homme loyal autant que brave, se plaisait à
en faire honneur. Il disait aux représentants
du peuple à l'armée d'Italie : C'est au talent
du général Bonaparte que Je dois tes savantes
combinaisons qui ont assuré notre victoire.
Tout allait vite en ce temps, tout était ex-
traordinaire. L'officier général qui avait mon-
tré ce talent, trouvé ces savantes combinaisons
dont la victoire avait été le résultat, et qui re-
cevait ce bel éloge de la bouche de son vieux
général en chef, était un jeune homme qui
avait encore deux mois à courir avant d'at-
teindre sa vingt-quatrième année.
Ces résultats obtenus, les anciens comtés de
Nice, Monaco. Menton et Roquebrune, affran-
chis de l'étreinte de l'ennemi, et les frontières
de la République française portées jusqu'à
celles de la Ligurie, Bonaparte se livra tout
entier à -la mission dont il avait été chargé
par le comité de Salut public, et sembla ne
plus s'occuper que de plans topographiques e t
de mesures d'administration- Avec son fidèlo
Junot et son jeune frère Louis, il parcourt en
peu de jours les côtes voisines, ayant l'œil sur
tout, pour tout mettre sur un bon pied contre
l'ennemi. La guerre maritime le préoccupe
autant que l'autre, car l'une et l'autre doivent
concourir à la défense du pays. Il envoie au
comité de Salut public un travail dans lequel il
indique les neuf bons mouillages où les flottes
de la République peuvent abriter des vaisseaux
de haut oord, entre le golfe duLionet celui de
Gênes :
1° Le port du Rhône, qu'il qualifie de chan-
tier-construction de la Méditerranée, tandis
qu'il appelle Toulon et la Spezzia ports d'ar-
mement ;
20 L'Estisset, au fond delà baie de Marseille,
3« Port-la-Montagne, à la fois mouillage et
port d'armement;
40 L'île de Portecros, l'une des Iles d'Hyères ;
50 Fréjus;
60 Le golfe Juan;
70 Villefranche, à l'est de Nice, au delà do
Montalban ;
80 Gênes;
90 La Spezzia.
Il s'adjoint, pour ces sortes de travaux, les
hommes les plus instruits, entre autres un ca-
pitaine d'artillerie, le citoyen Chantron, savant
mathématicien et bon dessinateur, qu'il avait
connu à Marseille, et qu'il avait fait appeler
auprès de lui et élever au grade d'adjudant-
major par Robespierre jeune. Par un ordre
daté de Nice le 10 prairial an II (29 mai 1794),
il avait chargé ce savant de lever divers
plans jugés par lui utiles, et, pour cet objet, il
lui avait envoyé le libellé suivant :
ARMÉE D'ITALIE.
Liberté. Egalité. Fraternité.
Le général commandant l'artillerie de l'armée
d'Italie, au quartier général de
Nice, 10 prairial an II de la République.
« Il est ordonné au citoyen Chantron, adju-
» dant-major d'artillerie, de se rendre à Ormea.
» Il dessinera les vues des monts Orio, co!
» de l'Arma, col Capriola, qui ont été enlevés
B à l'ennemi.
» Il visitera nos postes les plus avancés du
» côté de Carnin, de la Certosa et les hauteurs
» de Morta, qui ont été enlevés à l'ennemi le
» S floréal-, il fera après cela deux cartes :
» 10 Une des hauteurs qui joignent les hau-
» teurs de Ponte-di-Nave à Carnin, à Certosa,
» à la hauteur de la Morta;
» 20 L'autre, qui joigne les hauteurs dePorite-
» di-Nave avec le col Ardente-Pezzo,Tanaro
» et la hauteur de la Briga.
| « Il prendra des renseignements à Oneille
932 BONÀ
BONA
BONA
BONA
» sur les besoins de la place et la situation de
» l'artillerie ; il verra le pont de pierre, celui
» d'Ormea.
» Il visitera les vestiges du château d'Or-
» mea; il verra l'artillerie placée dans les
» postes avancés du côté de la Briga, de Carnin.
» Il partira demain il prairial, et sera de
• retour, au plus tard, le 4 messidor.
D BUONAPARTE. »
Il mène de front avec le travail topogra-
pliique les affaires de l'artillerie. D'Antibes, le
27 mai
-
, il adresse une lettre de service au ca-
pitaine Perrier, à Marseille; de la même ville
d'Antibes, le 6 juin, une nouvelle lettre au
même capitaine Perrier, toujours pour affaire
de l'arme. Le 10 juin, il écrit au citoyen Man-
ccaux, directeur du parc d'artillerie à Toulon :
« Tu feras conduire deux pièces de 24 en
» fer, sur porte~corps, à la batterie Saint-
« Agout, près la ville de Fréjus, à droite du
» golfe. » BUONAPARTE. »
Il ne cesse d'écrire de Nice à Antibes, avec
une incomparable activité, à tous ceux qui re-
lèvent de son commandement, jusqu'au 25 mes-
sidor an II (13 juillet), qu'il fut appelé, par un
ordre du représentant du peuple Ricord, à une
mission plus politique que militaire et topo-
graphique. Il était chargé de se rendre à
Gênes, avec des instructions secrètes, pour y
prendre toutes les informations en vue d'une
grande guerre en Italie, qu'on ne pouvait en-
treprendre sans s'être assuré des dispositions
du gouvernement génois. 11 paraît certain que
les représentants en mission près l'armée
d'Italie, convaincus qu'il faut souvent attaquer
pour se défendre, avaient résolu d'assurer les
possessions de la République de ce côté par une
expédition victorieuse, et, par là, de rejeter
les Autrichiens hors de l'Italie et de contraindre
le roi de Sardaigne à la paix ou à la fuite.
Cette pensée si juste, c'était Bonaparte qui
l'avait suggérée aux représentants dans ses
conversations antérieures; mais, pour l'exé-
cution de ce plan, il fallait s'assurer un allié
en Italie, et c était la République de Gènes qui
paraissait naturellement pouvoir être cet allié.
Il était donc nécessaire de s'instruire de ses
dispositions et d'examiner les choses de près.
Nul ne paraissait plus propre à cette mission
que le jeune général Bonaparte, qui, au talent
et aux connaissances militaires dont il avait
déjà donné tant de preuves, joignait un in-
stinct et des vues politiques dont la justesse et
la portée avaient frappe Robespierre jeune et
Kicord. La mission du général Bonaparte à
Gènes avait pour but, bien qu'il n'en fût rien
dit dans ses instructions officielles, d'engager
le gouvernement génois à se lier avec nous,
et de recueillir des renseignements utiles de
toutes sortes, au cas où la Convention se déter-
minerait à permettre une descente en Italie.
La mission de Bonaparte à Gênes était, du
reste, parfaitement définie par la lettre de
créance que le représentant Ricord, en l'ab-
sence de son collègue Robespierre, en mission
à Paris, lui avait expédiée de Loano le
13 juillet, et par les instructions secrètes qui
l'accompagnaient. Comme cette mission joue
un rôle important dans la vie de notre héros,
nous allons mettre ici sous les yeux du lecteur
le texte même des pièces. La lettre ou l'ordre
do Ricord était ainsi conçu :
« Le général Bonaparte se rendra à Gênes
pour, conjointement avec le chargé d'affaires
de la République française, conférer avec le
gouvernement de Gênes sur des objets portés
dans ses instructions;
•> Le chargé d'affaires de la République fran-
çaise le reconnaîtra et le fera reconnaître par
le gouvernement de Gênes.
» Loano, le 25 messidor an II de la Répu-
» blique. » Signé : RICORD. »
A cet ordre étaient jointes les instructions
suivantes :
INSTRUCTIONS SECRÈTES.
« Le général Bonaparte se rendra à Gênes.
» 1° Il verra la forteresse de Savone et les
pays circonvoisins.
* 2° Il verra la forteresse de Gênes et les
pays voisins, afin d'avoir des renseignements
sur les pays qu'il importe de connaître au
commencement d'une guerre dont il n'est pas
possible de prévoir les effets.
» 30 II prendra sur l'artillerie et les autres
objets militaires tous les renseignements pos-
sibles.
n 40 II pourvoira à la rentrée à Nice de qua-
tre milliers de poudre qui avaient été ache-
tés pour Bastia, et qui ont été payés.
» 5° Il verra à approfondir, autant qu'il sera
possible, la conduite civique et politique du
ministre de la République française, Tilly ,
et de ses autres agents, sur le compte des-
quels il nous vient différentes plaintes.
» 6° Il fera toutes les démarches et recueil-
lera tous les faits qui peuvent déceler l'in-
tention du gouvernement génois relativement
h la coalition.
» Fait et arrêté à Loano, lo 25 messidor
an II de la République.
» Signé : RICORD. »
Robespierre jeune, nous l'avons dit, était
parti pour Paris depuis plusieurs jours, au
moment où Ricord signait à Loano cet ordre
et ces instructions ; mais le voyage du géné-
ral Bonaparte à Gênes avait été ordonné par
Ricord conformément à ce qui avait été con-
v.ïim entre celui-ci et son collègue absent.
Bonaparte ne mit que quelques jours à rem-
plir sa mission à Gênes, et il en revenait pour
rentrer à Nice le 9 thermidor an II, le jour
même où s'accomplissait à Paris la chute de
Robespierre ; or, cet événement ne devait à
aucun titre lui rester indifférent, car la hache
thermidorienne qui avait frappé les deux Ro-
bespierre et qui lui avait enlevé un ami vérita-
ble, allait être un moment suspendue sur sa
propre tête. Des hommes qui avaient été ter-
roristes l'accusaient de terrorisme.
Bonaparte était-il réellement terroriste ?
Non, dans le sens vulgaire qu'on attache à ce
mot; mais il avait compris, comme tant d'au-
tres grands esprits de cette grande époque,
qu'il faut appliquer aux vieilles sociétés le sys-
tème au moyen duquel on rajeunit, on vivifie
les terres usées, c'est-à-dire y apporter de la
terre neuve ou remuer l'ancienne à de grandes
profondeurs ; il avait compris qu'une révolu-
tion ne s'opère pas sans troubles et même sans
violences: que, de ces troubles et de ces violen-
ces, il ne faut pas trop s'effrayer, et qu'une vie
nouvelle ne peut être que la conséquence d'une
sorte de métempsycose. 11 avait compris le
mythe antique : pour redevenir jeune, beau,
vigoureux, le vieil Eson avaitdû être préalable-
ment coupé en morceaux et plongé dans une
chaudière bouillante ; 93 n'était, à ses yeux
comme aux nôtres, que la crise suprême d'une
grande démolition. Xoute la théorie des révo-
lutions est dans ces deux mots : démolition et
reconstruction. Pour reconstruire, il faut tout
d'abord démolir. Certes, elle n'était pas belle
cette place où s'élève aujourd'hui le Louvre,
ce chef-d'œuvre unique de sculpture et d'ar-
chitecture ; il y a quelques années à peine
gisaient là des masures informes et innomées,
un je ne sais quoi qui n'avait de nom dans au-
cune langue. Le marteau retentit dans ces
ruines, et bientôt l'œil attristé n'eut plus à
contempler que des décombres et des gravois,
restes hideux des vieilles maisons jetées à bas
par le pic des démolisseurs. On ne passait que
péniblement et avec tristesse à travers les
, pierres, les poutres, les débris amoncelés, et
les esprits étroits devaient appeler vandales
les courageux pionniers de ces futurs embel-
lissements. Aujourd'hui, la plus magnifique har-
monie règne au milieu de ce chaos, et le Lou-
vre de Paris est devenu le monument le plus
beau et le plus grandiose du monde entier. Il
en est ainsi dans l'ordre social. Seulement,
personne ne voulant s'y laisser exproprier de
ses privilèges pour cause d'utilité publique,
l'expropriation s'y fait de vive force, quand
elle est devenue nécessaire. La mauvaise vo-
lonté des privilégiés à céder aux exigences
du temps et de la raison est la seule cause de
ces crises suprêmes, appelées révolutions, et
des emportements populaires qui les accom-
pagnent. C'est la foi : dura lex, sed lex. Le
nom de Robespierre, le nom du plus grand dé-
molisseur qu'offre l'histoire, n effrayait pas
plus Bonaparte qu'il ne nous effraye aujour-
d'hui, nous, fils des destructeurs d'une monar-
chie de quatorze siècles. Or, on a vu qu'il
s'était lié étroitement avec le frère de Maxi-
milien, qui, dans Toulon fumant, avait le
premier récompensé ses services en le nom-
mant général de brigade d'artillerie; la r e -
connaissance, ce lev*ain généreux qui ne
vieillit jamais dans le cœur des Napoléons,
l'attachait déjà à ce nom. Il s'était plus étroi-
tement lié encore avec Robespierre jeune à
Nice, e t , dans cette rapide campagne des
Alpes-Maritimes, qui avait reculé les fron-
tières de la République, une grande intimité
s'était établie entre eux ; ils s étaient fait des •
confidences; et, peut-être au delà du point
immédiatement praticable dont nous venons
de parler, avaient-ils eu le projet d'une expé-
dition sur un plan vaste en Italie, laquelle, en
couvrant de gloire la Montagne à l'extérieur,
lui aurait permis d'asseoir à l'intérieur la Ré-
publique sur des bases constitutionnelles qui
ne donneraient point prise contre elle aux
royalistes déguisés, ainsi qu'on le vit plus tard.
Bonaparte, comme tout l'indique, aurait-il
donc conçu dès lors le plan de cette grande
campagne d'Italie qui devait porter si haut
la gloire des armes françaises, et qui, exé-
cutée dès cette époque avec le concours
de la Montagne, eût empêché la partie cor-
rompue de l'assemblée de triompher et de
jeter la France dans la voie contre-révolu-
tionnaire qu'elle suivit sous le Directoire?
Ce n'est ni le moment ni le lieu de répon-
dre à ce point d'interrogation; mais la ques-
tion nous semble valoir la peine d'être posée,
et, sans avoir la prétention de la résoudre,
voici, du moins, ce que nous pouvons dire.
Les actes du gouvernement de la Conven-
tion, inspirés jusque-là par Robespierre l'aîné,
n'avaient point trouvé un désapprobateur en
Bonaparte, et son affection pour Robespierre
jeune était connue de tout le monde. Le con-
ventionnel en mission avait une confiance telle
en la capacité de ce jeune général, qu'il avait
conçu l'idée d'en faire un appui direct pour le
parti de son frère. M. de Coston, qui a étudié
ta vie de notre héros avec la conscience et la
passion qu'apporte un paléographe à déchif-
frer un vieux parchemin, M. de Coston n'hé-
site pas à dire que, vers la fin de juin 1794,
Robespierre jeune, sur le point de partir pour
Paris, où l'attendait l'échafaud, sollicita, au
nom de son frère, le jeune général à venir
J
trendre la place d'Henriot, commandant de
a force armée dans la capitale. A cette occa-
sion, il raconte même une scène qui est à
peine croyable, et que nous allons rapporter
.avec toute la réserve qu'impose l'hypothèse
d'une détermination qui, si elle eût passé dans
le domaine des faits, aurait changé la face de
l'histoire.
Peu de jours après son entretien avec Ro-
bespierre jeune, Bonaparte, qui désirait de-
puis quelque temps rapprocher sa famille de
lui, l'attira au château Salle, à un quart de
lieue d'Antibes. Joseph s'y rendit de Saint-
Maximin, qu'il habitait; quand ils se trouvè-
rent tous réunis, Bonaparte, qui paraissait
plus préoccupé que de coutume, s'adressant
tout à coup à Joseph et à Lucien, leur annonça
qu'il ne tenait qu'a lui de partir dès le lende-
main pour Pans, en position de les y établir
avantageusement. «On m'offre, continua-t-il,
» la place d'Henriot. Je dois donner ma réponse
» ce soir. Eh bien! qu'en dites-vous?» Ses frè-
res hésitèrent un moment; sur quoi Bonaparte
reprit : « Ehl eh I cela vaut bien la peine d'y
» penser. Il ne s'agirait pas de faire l'enthou-
i' siaste; il n'est pas si facile de sauver sa tête
» à Paris qu'à Saint-Maximin.» Il soulignait ce
dernier mot en regardant fixement Joseph,
qui jouissait à Saint-Maximin de la réputation
d'enthousiaste, a Robespierre jeune est hon-
» nête, mais son frère ne badine pas » Puis,
après une pause pendant laquelle le mot am-
bitieux de César : le second à Rome, lui r e -
vint sans doute à la mémoire, il reprit brus-
quement : • Moi servir, moi soutenir cet
» homme! non, jamais. Je sais combien je lui
» serais utile en remplaçant son imbécile com-
» mandant de Paris, mais c'est ce que je ne
» veux pas être il n'est pas temps aujour-
» d'hui; il n'y a de place honorable pour moi
n qu'à l'armée Prenez patience; je com-
» manderai à Paris plus tard. »
Il y a de tout dans ce discours prononcé d'une
voix vibrante et saccadée : un peu du jacobin,
beaucoup du républicain; mais, par-dessus
tout, du futur empereur et du maître absolu.
Nous ne donnons pas cet épisode comme au-
thentique. Bonaparte estimait beaucoup Ro-
bespierre jeune, et il le lui aurait prouvé plus
tard, si la hache révolutionnaire lui en avait
laissé le temps ; mais, comme il voyait juste,
Robespierre l'aîné ne pouvait pas être son
homme : son idéal était tout personnel. Tou-
tefois, il ne pensait pas que Maximilien fût
ce monstre sans idées, sans portée politique,
dont nos grand'mères ont fait une légende à
la façon de celle de Barbe-Bleue.
En parlant du séjour qu'elle fit à Nice, où
elle avait accompagné son frère, MUo Char-
lotte Robespierre, dans les Mémoires qu'on
lui attribue et qui ont été en effet écrits sous
sa dictée par M. de Laponneraye, rappelle les
relations que son frère et elle eurent à Nice
avec le jeune général, et elle parle des senti-
ments qui alors l'animaient. 0 Pendant son se-
cond séjour à l'armée d'Italie, mon frère,
dit-elle, eut l'occasion de se lier assez étroite-
ment avec Bonaparte. Durant sa première
mission, il avait fait, ainsi que moi, sa con-
naissance, mais il ne l'avait pas cultivée aussi
particulièrement que dans la seconde. Bona-
parte avait une très-haute estime pour mes deux
frères, et surtout pour l'aîné; il admirait ses
talents, son énergie, la pureté de son patrio-
tisme et de ses intentions; je dirai même qu'il
était républicain montagnard, du moins il m'a
fait cet effet par la manière dont il envisa-
geait les choses à l'époque où je me trouvais à
Nice. Dans la suite, ses victoires lui tournè-
rent la tête et le firent aspirer à dominer ses
concitoyens j mais lorsqu'il n'était que géné-
ral d'artillerie à l'armée d'Italie, il était par-
tisan d'une liberté large et d'une véritable
égalité. »
Ceci est de l'histoire, et toutes les fantas-
magories de la calomnie ne prévaudront pas
contre elle. Tels étaient, en effet, les opinions
et les sentiments du jeune Bonaparte à cette
époque,qu'au lendemain même de la catastro-
phe thermidorienne, le jeune général se vit
impliqué et fut l'objet de poursuites. On cher-
chait à l'englober parmi les adhérents du sys-
tème politique de la Montagne vaincue, et,
comme on l'a dit justement, la hache réac-
tionnaire fut un moment suspendue sur sa
tête. ^ .
Il était revenu à Nice de sa mission à Gênes
dès le 9 thermidor (27 juillet 1794) au soir. On
n'y savait rien encore des événements dont
Paris avait été le théâtre, ni de l'exécution
des deux Robespierre et de leurs amis; et
Bonaparte avait repris son service actif de
chef de l'artillerie de l'armée d'Italie. Le 4 août
( 17 thermidor). il était au camp de Sieg, à peu
de distance de Nice, ne s'occupant, avec son
ardeur ordinaire, que de la poursuite des opé-
rations militaires et ne se doutant encore de
rien. De là, il adressait le billet suivant au
citoyen Berthier, alors chef de brigade d'ar-
tillerie à pied :
» Je donne l'ordre à Songis qu'il fasse passer
» deux pièces de 24 à Fréjus. Tu voudras bien
» y faire un tour pour t'assurer si la batterie
f est en état, et pour déterminer l'emploi que
» l'on doit faire des pièces de 8.
» BUONAPARTE.»
Ce n'est que le 5 août qu'on apprit à Nice
les événements de Paris. Dans le premier
mouvement de stupeur que cette nouvelle y
causa, Bonaparte, qui avait reconnu à Gênes
le patriotisme du ministre de la République
française, et s'était, dans sa mission rapide,
spontanément lié avec lui, lui écrivit le lende-
main la lettre suivante :
• Nice, 13 thermidor an 11 (6 août 1704).
» Tu auras appris la conspiration et la mort
• de Robespierre, Couthon, Saint-Just, etc. Il
» avait pour lui les jacobins, la municipalité
n de Paris, ï'état-major de la garde nationale ;
« mais, après un moment de vacillation, le
0 peuple s est rallié à la Convention.
» Barrère, Carnot, Prieur, Billaud-Va-
» rennes, etc. , sont toujours au comité de
» Salut public; cela n'apporte aucun changje-
» nient aux affaires. Ricord, après avoir été
» chargé par le comité de Salut public de la
« notification de la conspiration, a été rappelé
» dans le sein de la Convention; Salicetti est
» dans ce moment-ci représentant à l'armée
n d'Italie. Nos opérations maritimes seront, je
» crois, un peu contrariées, peut-être même
» absolument changées.
» L'artillerie était en avant, et le tyran sarde
» allait recevoir un grand coup ; mais j ' e s -
» père que cela ne sera que retardé. J'ai été
» un peu affecté de la catastrophe de Robes-
« pierre le jeune, que j'aimais et que je croyais
•> pur; mais, fût-il mon frère, je l'eusse moi-
» même poignardé s'il avait aspiré à la ty-
» rannie. •
On voit par cette lettre que la conspiration
des thermidoriens contre Robespierre était pré-
sentée aux armées comme la conspiration de
Robespierre. Eh bien, la veille même (18 ther-
midor), lorsque Bonaparte écrivait cette let-
tre à Tilly, les trois représentants près l'ar-
mée des Alpes et d'Italie, Salicetti, Albitte et
La Porte, avaient écrit de Barcelonnctte une
lettre au comité de Salut public, pleine d'as-
sertions venimeuses contre Robespierre jeune,
Ricord et lui, Bonaparte, lettre dans laquelle ils
annonçaient au Comité, entre autres choses,
Q
u'ils venaient d'ordonner l'arrestation à Nice
e ce dernier. Ce leur avait semblé sans
doute une bonne occasion de faire du zèle et
de montrer par jà qu'ils n'étaient pas du parti
vaincu. Ils,avaient cru Bonaparte plus réelle-
ment compromis qu'il ne l'était, à cause de In
liaison intime et des bons rapports qu'il avait
constamment entretenus avec Rooespierre
jeune. Ils espéraient que, dans ses papiers,
dont ils avaient ordonné la saisie, on trouve-
rait matière à quelque grave sujet d'accusa-
sation contre lui. Dans les lettres au comité
de Salut public, ils lui imputaient surtout à
crime son voyage à Gênes, ignorant qu'il l'a-
vait fait en vertu d'une commission régulière
et même impérative d'un délégué de la Con-
vention, ayant droit et pouvoir de la donner.
Cette lettre de Barcelonnette au comité de
Salut public, long échafaudage de mensonges
etd'assertions lancés à tout hasard contre Ri-
cord autant que contre Bonaparte, et évidem-
ment écrite par Salicetti, quoique signée de
ses deux collègues, porte, cela est triste à
dire, le caractère de la plus basse envie, et
l'on sent en la lisant qu'elle est l'œuvre mal-
heureuse et honteuse de ce même Salicetti
qui, depuis, dut venir à résipiscence devant
la vérité, et qui en fut pour ses frais de dé-
nonciation. La lettre finissait par ces mots :
0 Vous voudrez bien, chers collègues, adresser
tous les ordres que vous aurez a nous donner
à Nice, où Salicetti et Albitte se rendent à
l'instant, tandis que La Porte reste à l'armée
des Alpes pour correspondre et suivre les
opérations convenues. Signé : ALBITTE, SALI-
CETTI, LA PORTE. »
L'ordre d'arrestation du général Bonaparte
portait :
• Le 19 thermidor an II de la République fran-
çaise une et indivisible et démocratique.
• De Barcelonnette.
» Les représentants du peuple près l'armée
des Alpes et d'Italie,
» Considérant que le général Buonaparte,
commandant en chef ^.'artillerie de l'armée
d'Italie, a totalement perdu leur confiance, par
la conduite la plus suspecte et surtout par le
voyage qu'il a dernièrement fait à Gênes ;
» Arrêtent ce qui suit :
» Le général de brigade Buonaparte, com-
mandant en chef l'artillerie de l'armée d'Ita-
lie, est provisoirement suspendu de ses fonc-
tions. Il sera, par les soins et sous la respon-
sabilité du général en chef de ladite armée,
mis en état d'arrestation et traduit au comité
de Salut public à Paris sous bonne et sûre
escorte. Les scellés seront apposés sur tous
ses papiers et effets, dont sera fait inventaire
par des commissaires qui seront nommés sur
les lieux par les représentants du peuple Sali-
cetti et Albitte, et tous ceux desdits papiers
qui seront trouvés suspects seront envoyés au
comité de Salut public.
1 Signé; ALBITTE, SALICETTI, LA PORTE. »
A quelques jours de là, ils écrivaient :
• A notre armée de Barcelonnette.
* Nous avons mis le général Buonaparte en
état d'arrestation; on examine ses papiers.
Son successeur (c était le général de origade
d'artillerie Dujard, un de ses bons camarades)
reçoit de lui les renseignements nécessaires
pour la direction de l'artillerie, tant de siège
que de campagne, qui se trouve préparée.
» Nous aurons soin de vous rendre compte
sous peu du parti que nous aurons cru devoir
prendre à son égard. »
Ils sentaient déjà que les éléments d'une
accusation sérieuse allaient leur manquer, et
ils se préparaient pour la retraite.
Ce fut l'ordonnateur Denniée qui fut chargé
BONA
BONA BONA , BONA 933
par Salïcetti et Albitte d'examiner les papiers
saisis, et il le fit avec une bonne grâce et une
loyauté dont Napoléon a.toujours conservé
la, plus vive reconnaissance.
Bonaparte, dans les premiers moments de
sa détention, fut mis au secret.au fort Carré
d'Antibes ^ mais le secret fut levé peu après
son emprisonnement, et Junot, son aide de
camp, ayant été admis à le voir, il lui dicta,
pour les représentants qui l'avaient fait arrê-
ter, une lettre dans laquelle il rappelle d'abord
ses services et ses titres à la confiance des
républicains, et où il procède presque d'un
bout à l'autre par interrogations et par apo-
strophes. Il y dit :
• Vous m'avez suspendu de mes fonctions,
» arrêté et déclaré suspect.
» Me voilà flétri sans, avoir été jugé, ou bien
« jugé sans avoir été entendu.
» Dans un état révolutionnaire, il y a deux
» classes : les suspects et les patriotes.
» Lorsque les premiers sont accusés, ils sont
» traités, par forme de sûreté, de mesures gé-
» nérales.
• L'oppression de la seconde classe est
» l'ébranlement de la liberté publique ; le ma-
» gistrat ne peut condamner qu'après les plus
» mûres informations, et que par une succes-
« sion de faits.
» Déclarer un patriote suspect, c'est an j u -
» gement qui lui arrache ce qu'il a de plus
« précieux : la confiance et l'estime.
» Dans quelle classe veut-on me placer?
» Depuis l'origine de la Révolution, n'ai-je
« pas toujours été attaché aux principes?
» Ne m'a-t-on pas toujours vu dans la lutte,
» soit comme citoyen contre les ennemis inté-
» rieurs, soit comme militaire contre les étran-
» gers ?
» J'ai sacrifié le séjour de mon département ;
«jai abandonné mes biens; j'ai tout perdu
» pour la République.
» Depuis, j'ai servi sous Toulon avec quel-
» que distinction, et j'ai mérité à l'armée d'Ita-
» lie une part des lauriers qu'elle a acquis à
» la prise de Saorgio, d'Oneille et de Tanaro.
» A la découverte de la conspiration de Ro-
< bespierre, ma conduite est celle d'un homme
• accoutumé à ne voir que les principes.
» On ne peut donc me contester le titre de
» patriote.
• Pourquoi donc me déclare-t-on suspect
-sans m entendre? m'arrête-t-on huit jours
» après que l'on avait la nouvelle de la mort
» du tyran ?
» On me déclare suspect, et Ton met les
• scellés sur mes papiers.
» On devait faire l'inverse : mettre les
» scellés sur mes papiers, m'entendre, me de-
» mander des éclaircissements et ensuite me
» déclarer suspect, s'il y avait lieu.
» On veut que j'aille à Paris avec un arrêté
» qui me déclare suspect; on-doit supposer
» que les représentants ne l'ont fait qu'en con-
• séquence d'une information, et l'on ne me
« j ugera qu'avec l'intérêt que mérite un homme
» de cette classe.
» Innocent, patriote, calomnié, quelles que
» soient les mesures que prenne le Comité, je
» ne pourrai me plaindre de lui.
« Si trois hommes déclaraient que j'ai com-
» mis un délit, je ne pourrais pas me plaindre
» du jury qui me condamnerait.
» Sahcetti, tu me connais. As-tu rien vu,
• dans ma conduite de cinq ans, qui soit sus-
» pect à la Révolution?
» Albitte, tu ne me connais point; on n'a pu te
» prouver aucun fait; tu ne m'as pas entendu ;
« LU connais cependant avec quelle adresse
• quelquefois la calomnie siffle. (Il ne parle
« pas ici de La Porte, le moins influent des
trois).
» Dois-je donc être confondu avec les enne-
» mis de la patrie, et des patriotes doivent-
» ils inconsidérément perdre un général qui
» n'a point été inutile à la République? Des
» représentants doivent-ils mettre le gouver-
• nement dans la nécessité d'être injuste et
» impolitique?
» Entendez-moi, détruisez l'oppression qui
» m'environne et restituez-moi l'estime des pa-
» triotes.
» Une heure après, si les méchants veulent
» ma vie, je l'estime si peu, je l'ai si souvent
« méprisée! Oui, la seule idée qu'elle peut être
» encore utile à la patrie m'en fait soutenir
» le fardeau avec courage. »
Tout cela était écrasant; on ne trouva rien
de compromettant dans ses papiers, et les
commissaires eux-mêmes, il faut bien le dire,
furent les premiers à regretter leur précipi-
tation : dans une lettre du 20 août, adressée
au comité de Salut public, ils avouèrent fran-
chement qu'on avait toutes les raisons de
maintenir le général Bonaparte dans son grade
et son commandement.
Voici l'ordre d'élargissement que le géné-
ral en chef Dumerbion mit un grand empres-
sement et un grand plaisir à signifier au jeuue
prisonnier :
« Après avoir scrupuleusement examiné les
papiers du citoyen Buonaparte, suspendu pro-
visoirement des fonctions de général d'artil-
lerie de l'armée d'Italie, et mis en état d'ar-
restation après le supplice du conspirateur
Robespierre, par forme de sûreté générale;
n Après avoir pris connaissance des ordres
à lui donnés, le 25 messidor, par le représen-
tant du peuple Ricord pour se rendre à Gênes»
où il devait remplir une mission spéciale pré-
cisée par l'arrêté dudit jour, et reçu de lui un
rapport par écrit du résultat de sa mission;
après avoir pris les renseignements les plus
exacts sur la conduite antérieure duditgénéral
et cherché la vérité dans plusieurs interro-
gatoires qui lui ont été faits par eux-mêmes,
n'ayant rien trouvé de positif qui pût justifier
les soupçons qu'ils avaient pu concevoir de sa
conduite et de ses dispositions;
r> Prenant-en outre en considération l'utilité
dont peuvent être à la République les con-
naissances militaires ou locales dudit Buona-
parte, et voulant recevoir de lui tous les ren-
seignements qu'il peut donner sur la situation
antérieure de l'armée et ses dispositions ulté-
rieures ;
» Arrêtent que le citoyen Buonaparte sera
mis provisoirement en liberté pour rester au
quartier général, et qu'il sera nécessairement
rendu compte au comité de Salut public de
l'opinion que l'examen le plus approfondi a
donnée aux représentants du peuple de la
conduite dudit Buonaparte, pour, après la r é -
ponse du comité de Salut public, être statué
définitivement.
» Signé : ALBITTE, SALÏCETTI.
» Collationné conforme à l'original,
» Signé : CAVENEZ.
» Certifié conforme. Le général en chef de
l'armée d'Italie,
» Signé : DUMERBION. »
Dans leur lettre du 7 fructidor an II (24 août
1794) au comité de Salut public, les mêmes re-
présentants disaient :
t Chers collègues,
» Par le courrier que nous avons envoyé
de Barcelonnette, conjointement avec notre
collègue La Porte, et par lequel nous vous
instruisons de nos mesures concertées, et des
soupçons graves que nous avions sur Ricord
et Buonaparte, général d'artillerie, nous vous
annoncions que l'un et l'autre vous seraient
envoyés; vous avez rappelé le premier; le
second, comme nous vous l'avons déjà mandé,
a été mis par nous en état d'arrestation. Par
l'examen de ses papiers, et tous les rensei-
gnements que nous avons pris, nous avons
reconnu que rien de positif ne pouvait faire
durer sa détention plus longtemps.
» Surtout quand nous avons trouvé l'arrêté
de Ricord, dont nous vous envoyons copie,
par lequel ce représentant envoyait à Gènes
le général Buonaparte, et que nous avons été
convaincus de l'utilité dont peuvent être les
talents de ce militaire, qui, nous ne pouvons le
nier, devient très-nécessaire dans une armée
dont il a, mieux que personne, la connaissance,
et où les hommes de ce genre sont extrêmement
difficiles à trouver ;
» En conséquence, nous l'avons remis en
liberté, sans cependant l'avoir réintégré, pour
tirer de lui tous les renseignements dont nous
avons besoin, et nous prouver, par son dé-
vouement à la chose publique et l'usage de
ses connaissances, qu il peut reconquérir la
confiance et rentrer dans un emploi qu'au
demeurant, il est très-capable de remplir avec
succès, et où les circonstances et la position
critique où se trouve l'armée d'Italie pour-
raient nous obliger de le remettre provisoire-
ment, en attendant les ordres que vous pour-
rez donner à cet égard.
» Salut et fraternité,
» Signé : SALÏCETTI, ALBITTE. »
On ne pouvait justifier en termes plus expli-
cites et plus honorables que ne le faisaient là
Salicetti et Albitte la conduite du jeune gé-
néral ; et l'on sent, au ton d'estime et de con-
sidération avec lequel ils parlent de lui, qu'ils
ne lui garderont pas longtemps rigueur, et que
les circonstances ne vont pas tarder à les obli-
ger à le faire rentrer plus que provisoirement
dans cet emploi qu'ils lui avaient ôté, et, qu'au
demeurant, il est très-capable de remplir avec
succès. C'était dire en propres termes, malgré
les circonlocutions : le général Bonaparte est
à lui seul l'âme de toute l'armée, et nous
sommes perdus si nous le perdons.
Le comité de Salut public, qui, lui, n'avait
autorisé aucune mesure contre Bonaparte,
et qui n'avait désapprouvé ni approuvé celles
que les représentants avaient cru devoir
prendre, les laissa faire, et nous voyons, peu
après sa sortie de prison, Bonaparte agir
comme auparavant en qualité de commandant
en chef de l'artillerie. Il n'eut, du reste, qu'à
se louer, en cette crise, de ses camarades.
Tous lui témoignèrent la plus grande bien-
veillance, à commencer par le général en
chef Dumerbion. Pendant sa captivité au fort
Carré d'Antibes, son ancien camarade, le gé-
néral Dujard, qui avait été mis à sa place par
les représentants, ne prit aucune disposition,
et lui rendit, avec le plus honorable empres-
sement, l'emploi qu'il n'avait occupé un mo-
ment que par devoir.
Aussi voyons-nous, dès le commencement
du mois de septembre 1794, Bonaparte rentré
pleinement dans ses anciennes attributions,
et nous le verrons exerçant ses fonctions de
général pendant la campagne suivante.
La position de l'armée d'Italie était devenue
en effet critique après le 9 thermidor, comme
l'avaient mandé Salicetti et Albitte au comité
de Salut public. Une sorte de torpeur s'était
emparée d'elle. L'armée piémontaise avait re-
I pris courage ; elle se renforçait tous les jours
! par l'arrivée de nouveaux bataillons autri-
I chiens.
Les deux armées françaises qui investis-
i saient le Piémont étaient dans un état dé-
plorable. La première, l'armée des Alpes,
campée par détachements sur les crêtes de la
chaîne supérieure, et formant une ligne de 240
kilom. de développement, du mont Blanc aux
sources du Tanaro, périssait de misère et de
maladie. « Les communications étaient difti-
j ciles, ditun historien militaire, les vivres rares
et fort coûteux, les chevaux exténués. L'air
vif, les eaux crues de ces régions élevées oc-
. casionnaient dans les hôpitaux une mortalité
qui, tous les trois mois, aurait pu suffire à la
consommation d'une grande bataille. Cette
défensive était plus onéreuse pour les finan-
ces et plus désastreuse pour les hommes
qu'une campagne offensive, a
La seconde armée, commandée en chef par
Dumerbion, décrivait un immense demi-cercle
depuis le mont "Viso jusqu'au-dessus d'Al-
bengo, et ne souffrait pas moins par les mêmes
causes. Les divers corps ainsi campés sur ces
sommités, séparés par des vallées souvent
profondes, ne pouvaient se secourir en cas
d'attaque. On les croyait perdus, et l'ennemi
. chantait déjà victoire : le 9 thermidor avait
ranimé toutes ses espérances. Les armées aus-
tro-sarde et anglaise combinées, dont la
jonction devait se faire dans les plaines mé-
ridionales du Piémont, et qui avaient pour al-
liées la faim, la misère et les maladies de nos
soldats, comptaient nous attaquer sur plu-
sieurs points à la fois, et, par l'envahissement
de la France, prêter main-forte aux contre-ré-
volutionnaires, qui se remuaient partout en
faveur du prétendant. Mais on calculait sans
le génie de la République, et, il faut bien le
dire, celui de Bonaparte.
Le comité de Salut public désirait qu'on
prît l'offensive. Mais il fallait consulter ses
forces, ne point attaquer si l'on n'était point
en mesure de vaincre; et la victoire devenait
difficile dans la situation où se trouvaient nos
troupes. Agir de concert avec l'armée des
Alpes eût seulement permis à l'armée d'Italie
d'espérer la victoire; il fallait s'entendre avec
elle : Dumerbion chargea Bonaparte de ce
soin. Celui-ci eut à ce sujet, avec les officiers
de cette armée, des conférences à Colmars,
près de Digne; mais on ne tomba pas d'ac-
cord, parce que, pour marcher ensemble uti-
lement, il eût fallu que les deux armées fus-
sent placées sous le commandement d'un seul
général en chef, et que cela dépendait du co-
mité de Salut public. Un péril était cependant
à conjurer.
Le 12 septembre, on avait appris qu'une
division autrichienne, sous les ordres du g é -
néral Wallis, s'était rassemblée sur les bords
de la Bormida et avait porté ses magasins à
«Dego. Une division anglaise devait débarquer
à Vado, et les deux armées combinées occu-
er Savone et forcer la république de Gênes
se déclarer contre la France. Il était de la
plus haute importance d'empêcher que les
forces anglaises, réunies aux forces austro-
sardes, n'obtinssent contre nous le concours de
la république de Gênes. Ce fut Bonaparte qui
appela l'attention du général Dumerbion sur
ce péril, et qui l'engagea à entreprendre,
malgré tout, une campagne pour le conjurer.
Il en était arrivé à ce point de considération,
que le vieux général, qui pourtant ne man-
quait ni de bravoure ni d'initiative, lui répon-
dit : « Mon enfant, présente-moi un plan de
campagne, tel que tu sais les faire, et je l'exé-
cuterai de mon mieux. » On n'a jamais vu, on
ne verra jamais un pareil exemple de la supé-
riorité du génie.
Il s'agissait surtout d'empêcher la jonction
des armées ennemies, de les rompre et de
leur imposer par quelque coup hardi. Le 19
septembre, Dumerbion, a la tête de 18,000 hom-
mes et avec 20 pièces de montagne, se mit en
mouvement, accompagné de son général d'ar-
tillerie. Ce mouvement, est-il besoin de le
dire, était le premier du plan de Bonaparte ;
il consistait • à s'emparer des positions de
Saint-Jacques, de Montenotte et Vado, et à
appuyer ainsi la droite de l'armée aux portes
de Gènes. L'exécution répondit à l'excellence
du plan.
Une première division autrichienne, sous les
ordres du général Colloredo, occupait Carcare
et une partie de la vallée de la Bormida ; le gé-
néral Mercy-Argenteau, avec une forte di-
vision autrichienne, était à Mondovi ; une troi-
sième division autrichienne, sous les ordres
du général "Wallis, était placée en réserve
vers Dego et devait appuyer les deux pre-
mières.
Dumerbion fit mine d'attaquer la division
Argenteau pour agir plus fortement sur celle
de Colloredo vers les sources de la Bormida.
L'armée française était ainsi disposée :
1° A droite, le général Masséna, de Loano
à Bardinello;
20 Au centre, le général Macquart. tenant
Limone et Tende ;
3° A gauche, les généraux Sérurier et Gar-
nier, s'étendant jusqu'au col de Fenestrelle.
« La troisième sans-culottide(l9 septembre),
dit le rapport du général en chef au comité de
Salut public, lu à la Convention et inséré au
Moniteur du 4 octobre 1794, le poste de
Saint-Jacques, situé sur la partie do l'Apen-
nin qui sépare les forteresses de Savone «si
de Finale des vallées de la Bormida occupées
par l'ennemi, et fortifié par un double retran-
chement, a été enlevé à la baïonnette avec
une telle bravoure, que la terreur nous a pré-
cédés dans les postes de Bormida, Mallere,
Pallere et Altare.
» Le 4 (quatrième jour complémentaire ou
quatrième sans-culottide, comme on disait
alors, de l'an II, 20 septembre 1794), une de
nos colonnes, dérobant sa marche à l'ennemi,
arriva très-précipitamment au château de
Cossaria, força ce poste redoutable, et l'armée
autrichienne allait être coupée et renfermée
dans les gorges de la Bormida, lorsqu'une
fuite précipitée est devenue son unique salut. »
Le général rend compte ensuite de l'affaire
de la Roquette de Cairo.
« La cinquième sans-culottide (21 septem-
bre), les républicains poursuivirent leur mar-
che et rencontrèrent l'ennemi à la Roquette
de.Cairo; la cavalerie et l'artillerie ennemies
y avaient des positions avantageuses, et l'in-
fanterie y était protégée par des hauteurs
d'un difficile accès. Il ne restait qu'une heure
et demie de jour; une attaque aussi prompte
• que bien combinée les a culbutées sur tous les
points. »
Dans cette journée du 21 septembre, les gé-
néraux Bonaparte • et Masséna dirigeaient,
sous le général Dumerbion, les soldats de la
République.
Le lendemain 22 septembre, au moment où
l'on se disposait à livrer un nouveau combat à
l'ennemi en arrière de Dego, où il avait été
rejeté, on apprit sa fuite à plus de 20 kilom.
de cette ville, pour se porter sur Alexandrie et
rejoindre sa réserve. Le général Wallis, har-
celé le même jour par le général Cervoni,
qui commandait notre avant-garde, prit posi-
tion à Acqui, où le général en chet Dumer-
bion ne jugea pas à propos de le suivre, pour
ne pas attirer sur lui toutes les forces sardes
et autrichiennes ; il se contenta de cette r e -
connaissance, se replia par Montenotte sur
Savone, et, conservant un poste dans cette
vallée, il prit position sur les hauteurs de
Vado, qu'il fit lier aux hauteurs du Tanaro
par de forts ouvrages et par des postes de
communication.
C'est à cela qu'avaient servi les cartes et
les plans que, dans sa prévoyance, le général
Bonaparte avait ordonné au citoyen Chan-
tron de lever, par l'ordre que nous avons cité
plus haut (29 mai).
Le général Dumerbion disait encore vers
la lin de son rapport daté de Cairo le 2 ven-
démiaire an III (23 septembre 1794) :
« L'affaire de Cairo a coûté à la République
uatre-vingts de nos frères d'armes et autant
e blessés. La perte de l'ennemi est de plus
de mille hommes, tant tués que blessés et pri-
sonniers, et il nous a laissé dans ses magasins
de quoi nourrir l'armée pendant un mois. »
Puis ces mots :
• C'est ainsi, citoyens représentants, que
l'armée d'Italie a célébré la cinquième sans-
culottide et le 1er vendémiaire de l'an III de
la République française 1
» Vive la République I DUMERBION. »
Les représentants du peuple près l'armée
d'Italie disaient aussi dans leur lettre a leurs
collègues du comité de Salut public, en leur
rendant compte des mêmes faits :
«La cinquième sans-culottide a été célébrée
par une portion de l'armée d'Italie d'une ma-
nière digne de la République et de la Conven-
tion nationale, n
Cette victoire, en effet, éloignait les Autri-
chiens de la m e r , empêchait le débarque-
ment des troupes anglaises, qui cherchaient
à se joindre à leurs alliés, et permettait ainsi
le rétablissement des relations commerciales
entre Gênes et Marseille. Les batteries que
l'on construisit sur toute la côte, sous la'di-
rection du général Bonaparte, protégèrent le
cabotage et interceptèrent, comme nous ve-
nons de le dire, tout rapport entre les Autri-
chiens et les Anglais. L'armée française, maî-
tresse de toute la rivière du Ponant jusqu'à
Savone, maintenait dans sa neutralité vacil-
lante la république de Gênes, dont les chefs
aristocratiques étaient assez mal disposés pour
les Français ; elle donnait, par le prestige
même de son voisinage, une plus grande in-
fluence au parti déjà très-nombreux des amis
de la République française. C'était beaucoup
dans l'état des choses; et un conseil de guerre,
malgré l'avis de Bonaparte, qui voulait qu'on
profitât de l'entrain des troupes pour enlever
le camp retranché de Civa, et qu on se préci-
pitât à l'improviste sur le Piémont, par la gau- .
che, en appelant à soi l'armée des Alpes, jugea
prudent de s'arrêter aux avantages obtenus,
jusqu'à nouvel ordre. Le combat de Cairo fut
ainsi, dans cette campagne, la dernière opé-
ration de l'armée d'Italie; et si l'on n'exécuta
pas le plan d'invasion du Piémont proposé car
Bonaparte, la République n'en eut pas moins
à se féliciter des avantages de toutes sortes
que le succès de nos armes nous assura dans
cette partie de l'Italie,
i Déjà le jeune officier rêvait la conquête de
l'antique Péninsule.
Plus tard, quand le géant sera arrivé au faite
de la gloire et de la puissance, et qu'aucun
horizon, si vaste qu'il soit, ne sera plus capable
de caresser son regard, il se plaira à repor-
ter ses souvenirs sur ce temps-là, et à dire
que c'est un matin, au soleil levant, du haut
934 BONA
du Col de Tende qu'il jeta pour la première
fois un œil avide sur ces belles plaines de
l'Italie, dont la conquête était dès lors l'objet
de ses méditations.
Alors Bonaparte était rentré pleinement en
grâce auprès de Salicetti et d'Albitte, qui
étaient toujours représentants près de l'armée
d'Italie, et qui s'efforçaient, par des marques
non équivoques de déférence, de lui faire
oublier les défiances qu'ils avaient conçues
contre lui.
Deux nouveaux représentants, Ritter et
Turreau, leur avaient été adjoints par le co-
mité de Salut public. Ils avaient assisté à cette
dernière campagne, et l'un d'eux, si l'on en
juge par les égards qu'il lui témoigna dès son
arrivée, avait dû recevoir en faveur de Bo-
naparte des instructions secrètes de quel-
ques membres du comité de Salut public,
sinon du Comité tout entier. C'était Turreau
(Louis Turreau de Linières, né à Orbec, alors
âgé de trente-quatre ans). Selon l'usage des
conventionnels mariés qui étaient envoyés en
mission près des armées, Turreau était accom-
pagné de sa femme. Mme Turreau, jeune et
très-jolie personne, fort instruite et fort ai-
mable, partageait et parfois dirigeait la mis-
sion de son mari. Elle était fille d'un chirur-
gien de Versailles, et avait reçu une éduca-
tion soignée. Turreau et surtout Mme Turreau
se prirent tout de suite d'une véritable admira-
tion pour Bonaparte, et n'en firent point mys-
tère. Ils ne juraient que par lui, et ils le trai-
taient avec la plus grande faveur. Bonaparte
se montra très-sensible à ces marques d'estime
et d'amitié, et il en était heureux à d'antres
égards. Il commençait à se plaire dans la so-
ciété des femmes, et M
m e
Turreau avait fait
sur lui une vive impression, dont il n'était pas
dans ses principes d'abuser le moins du monde.
' Toutefois, il se montra plus galant auprès d'elle
qu'il ne l'avaitété auprès de la belle M»™ Ri-
cord et de M
l l c
Charlotte Robespierre, dont la
figure ouverte, quoique sévère, et les traits ré-
guliers et fins lui avaient plu beaucoup aussi.
Il ne dédaignait pas d'ailleurs de faire sa cour
sans bassesse aux représentants du peuple en
mission et aux personnes de leur famille ,
quand il sentait quelque sympathie pour eux.
Peut-être aussi y avait-il là un motif intéressé,
mais après tout naturel et légitime : « C'était
» un avantage immense de leur plaire, a-t-il
» dit lui-même; car, en ce temps de l'absence
» des lois, un représentant du peuple était une
» véritable puissance. » Malgré tout cela, cette
sorle de raison d'Etat paraît avoir été étran-
gère à sa galanterie près de M"
ie
Turreau. 11
était tout simplement heureux et fier de lui
plaire, parce qu'elle était belle, spirituelle et
aimable. Ce sentiment de vanité juvénile qu'il
éprouvait lui fit même faire une sottise qu'il
se reprocha amèrement et dignement plus
tard. Racontons cette circonstance. Nous
avons dit que M
m e
Turreau suivait son mari
partout dans sa mission. Un jour Bonaparte,
qui s'était rendu en compagnie des représen-
tants Ritter et Turreau, pour faire une recon-
naissance, dans les environs du Col de Tende,
donnait le bras à M
m e
Turreau et se prome-
nait avec elle au milieu des positions de
l'armée; tout a coup il eut l'idée de la faire
assister au spectacle d'une petite guerre. On
sait que, dans cette tête, l'exécution suivait de
près la conception. 11 ordonna sur-le-champ
une attaque d avant-poste à la baïonnette. Les
Français furent vainqueurs, mais cette escar-
mouche n'était pas absolument nécessaire en
ce moment, et elle pouvait même avoir des
conséquences fâcheuses. Plus tard, Napoléon
s'est reproché cet acte, qu'il a qualifié lui-
même d'abus d'autorité.
Quant à nous, ces petites faiblesses ne nous
déplaisent pas ; cela accidente le tableau,
qui deviendrait d'une monotonie fatigante si la
pâte de la palette n'était pétrie que de génie ;
un "petit grain de faiblesse humaine réjouit
l'œil et rapproche un peu les distances.. . Hèlas!
attendons quinze ans, et malheureusement ce
souhait de quelques taches dans le soleil ne
sera plus à former.
Bientôt le représentant Turreau et sa femme
quittèrent l'armée d'Italie; Bonaparte s'en
éloigna également, et l'on se perdit de vue.
Toutefois, il revit un jour M°>e Turreau, la
belle représentante de Nice, d'ancienne et
douce connaissance ; mais elle était bien chan-
gée, à peine reconnaissable. La fortune des
deux amoureux avait suivi une marche in-
verse. Bonaparte était devenu empereur des
Français, et M
m c
Turreau, dont le mari était
mort en 1799, était tombée dans la plus pro-
fonde misère. Le malheur l'avait vieillie avant
l'âge. Elle vivait tristement à Versailles, des
secours de quelques parents qui n'étaient rien
moins que riches. Elle se sentait malheureuse
de leur être à charge. On l'engageait sans
cesse à s'adresser à cet ancien ami, mainte-
nant couronné, qui pouvait la tirer si aisément
de sa triste situation, et elle l'avait fait, et c'é-
tait là un de ses plus grands chagrins. Elle
avait en effet écrit directement à Berthier, qui
était aussi de Versailles, et, de plus, son ami
d'enfance, le priant de lui faire avoir une au-
dience de l'Empereur ; mais sa lettre était res-
tée sans réponse. Une fois même, elle s'était
décidée à écrire directement à Napoléon, à qui
la missive n'était point parvenue. Mais si le
grand maître des cérémonies manquait de mé-
moire, Napoléon en avait pour deux. M
m e
Tur-
reau ne comprenait rien à ce silence, bien que
ses malheurs et la perte do sabeautè lui eussent
appris à quoi tient le cœur des hommes. Elle
' BONA
ne pouvait croire à tant de dédain et à tant
d'oubli de la part d'un homme qui lui avait
paru si bon et si généreux lorsqu'elle l'avait
connu à Nice, et qui même, pour tout dire, lui
avait semblé un peu amoureux d'elle, quelque
respectueux qu'eût été cet amour. Elle ne se
trompait pas ; Napoléon ne l'avait point oubliée,
mais la demande de M
m(i
Turreau avait paru
' à Berthier devoir être importune à l'empe-
reur, et il ne lui en uvait point fait part. Ce
fut Napoléon qui, ) •• ;néme, un jour de chasse
à Versailles, se soiwmt d'elle. Il savait qu'elle
était née dans cette ville; elle lui avait sou-
vent parlé, à Nice, des premières scènes de
la Révolution dont elle avait été témoin, lors-
qu'elle était toute jeune fille. Son souvenir lui
revint vivement à l'esprit, et les plaisirs de la
chasse ne furent plus pour lui qu'un accessoire.
Il la nomma tout haut avec intérêt, parut dé-
sirer la voir, et demanda à Berthier, qui l'ac-
compagnait, s'il savait ce qu'elle était deve-
nue. Berthier, jusque-là si indifférent, s'em-
pressa de s'inclmer sous le désir du maître, et
Mme Turreau fut-appelée. L'empereur lui fit
le plus gracieux accueil, et, comprenant à son
costume plus que modeste et à la tristesse do
: son visage la fâcheuse position où elle était
tombée, il lui dit entre autres choses:-" Mais
comment ne vous ôtes-vous pas servie de nos
connaissances communes de l'armée d'Italie
pour arriver jusqu'à moi? » Et, en disant ces
paroles, il lançait un regard à Berthier. « Hé-
las! sire, répondit M'»« Turreau, nous ne
nous sommes plus connus dès qu'ils ont été
grands et que je suis devenue malheureuse. »
Elle comprit alors que Berthier avait négligé
de parler d'elle à l'Empereur; mais cette
femme délicate n'ajouta rien de plus. Comme
on le voit, le jeune Bonaparte avait su bien
placer ses affections. M">« Turreau n'eut qu'à
se féliciter de cet entretien, qu'elle ne devait
guère qu'à un heureux hasard. Le lendemain,
1 empereur ordonna à Berthier de lui faire
compter 100,000 fr. sur sa cassette. « Je ne
» veux pas, lui avait-il dit en donnant cet ordre,
* que mes plus anciens amis soient malheureux
» sous mon règne. » Le prince de Wagram,
dont le cœur ne sut jamais être à la hauteur
de sa fortune, comprit-il? cela est probable;
car Napoléon savait accentuer ses mots. Il
eut toujours pour son ancien camarade de
l'armée d'Italie la plus vive affection, affec-
tion que n'affaiblirent même pas les hon-
teuses défections de celui-ci. « Pour toute
«vengeance, disait-il en 1815,, je voudrais
» contempler un instant cet imbécile de Ber-
» thier dans son costume de capitaine des
» gardes de S. M. Louis XVIII. » Le mot souli-
gné, appliqué à un prince, est sanglant, mais
il était mérité.
« Pour toute vengeance... » Napoléon est
tout entier dans ces trois mots; il ne savait
lias haïr ceux qui avaient été jadis ses amis;
et, dans les circonstances où il avait le plus à
se plaindre de leur ingratitude du même de
leurs trahisons, les bons rapports qu'avait eus
avec eux le général Bonaparte revenaient
immédiatement à la mémoire du maître irrité.
On a vu ce qu'en trois jours, du 19 au 22 sep-
tembre, avait accompli la bravoure française.
Après cette campagne si courte, terminée
par l'heureux combat de Cairo, l'armée se
tint sur la défensive, et Bonaparte ne prit
plus, comme commandant en chef de 1 ar-
tillerie , que des mesures d'ordre pour le
maintien des positions acquises et l'armement
des côtes de la Méditerranée. Il s'acquitta
de tous ces devoirs avec une activité et un
zèle extraordinaires, dont témoignent les or-
dres et les nombreuses lettres de service qu'il
adressa, du mois d'octobre 1794 au mois de
mai 1795, aux officiers qui relevaient de lui.
Toute cette activité était dépensée en vue
d'un grand objet qu'il se proposait, quand
tout à coup l'entrée au comité de Salut public
d'un ennemi de la Révolution vint l'arrêter
douloureusement dans sa carrière.
Nous abordons ici une des phases les plus
importantes de la vie de Bonaparte; c'est la
triste histoire de ses démêlés avec ce fa-
meux Aubry, fameux seulement par son in-
justice calculée et obstinée, qui faillit briser
pour toujours cette fortune destinée à un si
grand éclat. Cette histoire, très-curieuse à
plus d'un titre, ne nous semble avoir été ap-
profondie etéclairciepar aucun historien, sans
en excepter M. de Coston, qui n'en dit que ce
que cent autres en avaient dit avant lui. Tous,
en effet, parlent de la malveillance d'Aubry
pour Bonaparte, sans s'inquiéter des causes.
Nous avons été assez heureux pour les dé-
couvrir, à force de les rechercher; et nous
allons les exposer avec détail, car rien ne
paraît plus singulier, quand on n'en a pas
pénétré le secret, que ce changement subit
qui s'opéra au sein du comité de Salut public
à l'égard de l'armée, et dans la direction de
la guerre, pendant les quatre mois moins deux
jours qu'Aubry en fut chargé. 11 y a là un
mystère qui n a pas assez préoccupé les his-
toriens de la Révolution. La trahison était
entrée au comité avec cet Aubry, et nous le
prouverons. Pour cela, il nous faut recourir
aux conjectures, aux hypothèses, aux induc-
tions ; on sait que c'est armé de ce flambeau,
ou, si l'on veut, de cette lanterne sourde, qu'il
est souvent nécessaire de se diriger dans les
broussailles et les sentiers rocailleux qui cou-
vrent encore certains parages inexplorés du
domaine de l'histoire. C'était la méthode de
Condillac ; ce sera aussi la nôtre.
Commençons tout d'abord par rappeler un
BONA
point que nous avons suffisamment établi et
qui n'est plus douteux aujourd'hui qu'aux
yeux de ceux qui ont intérêt à le nier : Bona-
parte était sincèrement républicain ; non pas
rénublicain par calcul, mais républicain par
'•'mviction. L'enfant rêveur de la grotte de
Milleli était républicain, l'écolier de Brienne
était républicain, le convive de Beaucaire était
républicain, le lieutenant de Carteaux et de
Dumerbion, l'ami de Robespierre jeune était
républicain. Le coup de tonnerre du H juillet
avait retenti jusque dans les profondeurs do
son âme ; les grands actes de la Convention
parlaient fortement au cœur du Corse et de
i'ami de Paoli. En ce temps-là, la Révolution
comptait des ennemis jusque dans les corps
chargés de la défendre : car on sait qu'à tou-
tes les époques de bouleversements sociaux,
il se trouve des hypocrites qui s'attellent au
char du progrès avec l'espoir de l'enrayer.
Aubry était un de ces hommes ; et tout ce
ûjui lui semblait de nature à pousser à la roue
aevait lui porter ombrage. Mais avant d'en-
tamer ce chapitre, il convient de dire quel-
ques mots du court intervalle qui sépara la
mise à la réforme du général Bonaparte, évé-
nement qui a si fort marqué au début de sa
vie. du moment où nous l'avons laissé après
la vive campagne de trois jours qui se ter-
mina par le combat de Gwiro.
Nous avons dit qu'après la cessation des
hostilités, il s'était voué tout entier aux af-
faires de son arme et aux soins de l'autre objet
dont il n'avait pas cessé d'être chargé : la
défense du littoral, des golfes et des stations
maritimes de cette longue étendue de côtes
ui va de l'embouchure du Rhône-à la rivière
e Gênes, et dont nous possédions une partie.
Il s'y voua en homme qui a le sentiment que
les choses n'en resteront pas là; qu'après un
moment d'arrêt, il faudra poursuivre l'œuvre
commencée, et, pour cela, se trouver armé sur
toute la ligne pour la défense, afin de pouvoir
agir plus librement et plus fortement dans
l'attaque.
Quelques-uns de ces ordres méritent d'être
rapportés. Le 18 vendémiaire an lll (9 oc-
tobre 1791), il écrivait au citoyen Manceaux,
si souvent cité plus haut :
« Le général d'artillerie de l'armée d'Italie an
citoyen Manceaux, directeur d'artillerie d
Port-la-Montagne :
» Nous venons d'occuper le fort de Vado,
n près de Savone, qui maîtrise la rade de
o Vado; nous sommes obligés d'y placer huit
» pièces de 36. Je te prie d'en faire la demande
n a la marine. Si elle n'a" pas d'affûts, envoic-
» moi toujours les pièces et 400 boulets de 3C
n J'en attends 6,000 au premier jour.
» BUONAPARTE. »
Pendant les trois derniers mois de cette
année 1794, il écrit de Nice lettres sur lettres
au même Manceaux à Toulon, au capitaine
Perrier à Marseille, à d'autres officiers, et
donne même des ordres en sa qualité de gé-
néral de brigade d'artillerie.
Le 4 janvier 1795, il se rend à Toulon pour
y surveiller les détails d'une expédition ma-
ritime qu'on méditait. Le 7 du même mois, il
était à Marseille, et les pouvoirs que lui avaient
conférés les délégués de la Convention étaient
bien grands, puisque nous le voyons écrire de
Marseille, sous cette date du 7 janvier 1793
(18 nivôse an III), ce qui suit :
o Le général commandant l'artillerie de l'ar-
mée au citoyen Maiiccaux, chef de bri-
gade, etc.
» J'ai donné ordre à une compagnie de gre-
» nadiers de Paris, qui est arrivée à Avignon,
» de se rendre à Toulon, où elle prendra tes
n ordres; j'ai ordonné à Faisand de te fairo
» passer sur-le-champ les cinq milliers de
» poudre qui te reviennent, n
Le 22 mars, il était de nouveau à Toulon, où
il donnait l'ordre suivant au citoyen Manceaux :
• 2 germinal an III.
» Il y a, dans la demi-lune de la porte d'ï-
B talie, des écouvillons et des lanternes sur
n les affûts. Je te prie de donner des ordres
» pour qu'on les retire ; tu sens l'inutilité de
» tenir le rempart de Toulon et les forts en-
» vironnants armés.
» BUONAPARTE. »
Le même jour, il écrivait au même :
o Je donne ordre que l'on te remette dix mil-
n liers de poudre, de celle destinée à l'expôdi-
» tion. »
Dans nos collèges, on a toujours admiré
l'activité et la facilité de César dictant à ses
secrétaires quatre lettres sur des sujets diffé-
rents. Cette admiration devait singulièrement
donner à rire à l'officier Bonaparte : son génie
n'eût demandé que dix légions et beaucoup
moins de dix ans pour ne faire qu'une bouchée
de la Gaule.
Cet acte fut le dernier qu'il exerça comme
général commandant l'artillerie de l'armée
d'Italie. Le 1 " floréal an III (20 avril 1795),
en vertu d'un congé que lui avait envoyé de
Marseille le représentant du peuple Beffroi, il
quitta Toulon, en compagnie de l'inséparable
Junot, revit un moment sa famille à Marseille,
et, le 22 avril, en partit avec ses aides de camp,
Junot et Louis Bonaparte. Il voulait profiter
de l'inaction obligée de l'armée d'Italie pour
venir à Paris conférer avec les membres du
comité de Salut public de la grande expédition
en Italie, dont il avait l'âme remplie. 11 igno-
rait les changements survenus dans le comité,
BONA
où il comptait surtout trouver encore Carnol
pour comprendre et y appuyer son projet; il
n'y trouva qu'Aubry et sa mise en non-activité.
Le 15 germinal an 111(4 avril 1795), Aubry,
ancien et médiocre officier d'artillerie, sorti
, de l'armée en 1790, député du Gard à la Con-
vention nationale
?
l'un des signataires de la
protestation du G juin 1793 contre les 31 qui
furent mis en état de détention et réintégrés
au sein de la Convention le 8 décembre 1794,
Aubry, disons-nous, avait remplacé Carnot
dans la direction des opérations militaires;
l'un de ses premier? actes dans ces fonctions,
I qui correspondaient à celles d'un véritable mi-
nistre de la guerre, fut la mise à la réformo
du général Bonaparte etdeMasséna, en même
temps que d'un grand nombre d'autres offi-
ciers des armées de la République, connus p;ir
leur civisme et leur bravoure. Mais cet acte
avait exigé quelque travail, et l'arrêté officiel
n'avait pu être signifié du jour au lendemain.
Il avait fallu à Aubry le temps de se recon-
naître. On ne commet pas de pareilles ônor-
mités, même avec l'audace d'un conspirateur,
sans y réfléchir quelque peu.
Nous avons prononcé le mot énormité; en
effet, le travail d'Aubry, qui éliminait le gé-
néral Bonaparte de l'artillerie, y introduisait
Aubry lui-même, et à quel titre? comme gé-
néral de division d'artillerie, inspecteur géné-
ral de cette arme, chargé de la deuxième
tournée, comprenant les départements de la
Seine-Inférieure, de l'Eure, du Calvados et
de la Manche; lui, Aubry, simple capitaine de
cette arme, dont il avait cessé de faire partie
depuis 17901 c'est cet homme qui se taisait
tout d'un coup, et de son chef, général de divi-
sion et inspecteur général d'artillerie. Comme
on le voit, le mot énormité n'a rien d'excessif,
appliqué à une pareille mesure.
Bonaparte, ignorant l'acte inouï qui le con-
damnait à l'inaction, au moment où il sentait
bouillonner le génie militaire qu'il portait en lui,
mit quelques jours à se rendre à Paris. Che-
min faisant, il revit Valence; il passa trois
jours, du 29 avril au 2 mai, dans cette chèro
garnison où il s'était fait des amis qu'il n'avait
pas oubliés et qui ne l'avaient pas oublié non
plus. Il vit Mlle Bou; mais, pour la première
fois, il ne logea pas chez elle; il avait promis
à Sucy, qui, depuis, fut commissaire ordon-
nateur en chef à l'armée d'Italie, de descen-
dre chez lui lorsqu'il passerait de nouveau à
Valence, et il reçut l'hospitalité chez M"»c do
Sucy, mère de son ami. Il y visita la famillo
Aurel fils, dont il avait fréquenté si assidû-
ment le cabinet littéraire. Il en partit le 2 mai
1795, et arriva quelques jours après à Paris,
où il devait éprouver, pendant près de quatre
mois, les déboires les plus inattendus.
Il logea, suivant les uns, rue des Fossés-
Montmartre (aujourd'hui rue d'Aboukir) ; sui-
vant d'autres, rue du Mail, près de la place
des Victoires. Dès qu'il eut appris sa destitu-
tion et sans perdre de temps, il se mit à la
recherche de ses amis, et de tous ceux qui
pouvaient le servir dans les réclamations
qu'il avait à présenter au citoyen Aubry.
Aubry ne consentit à le recevoir qu'une seule
fois, et, l'arrêtant court dans ses questions, il
lui reprocha d'être trop jeune pour comman-
der en chef l'artillerie d'une armée, a On
vieillit vite sur le champ de bataille, et j'en
arrive, » répondit Bonaparte. Cette réponse
déplut extrêmement à Aubry, qui, n'ayant
appartenu à l'armée qu'en temps de paix ,
n avait entendu le canon qu'au polygone : à
partir de ce jour, il devint invisible pour le
solliciteur. On eut beau même s'entremettre ;
Aubry fut sourd à la voix de ses propres
amis, et entre autres de son collègue Marnoz,
que Bonaparte avait connu à Valence. Mar-
boz fit en sa faveur les plus actives démar-
ches; tout fut inutile.-Il y avait plus que do
l'amour-propre blessé dans cette conduite
d'Aubry, il y avait, comme nous l'avons déjà
fait pressentir plus haut... mais on le verra
dans la suite de ce récit.
On D'à pas dit, mais cela est certain pour
nous, que ce terrible jeune homme avait
conçu, dès la première campagne dans les
Alpes maritimes, un plan d'invasion en Ita-
lie
;
plan grandiose et identique, au fond, à celui
gui fut exécuté plus tard ; que, dans sa liaison
intime avec Robespierre jeune, il lui en avait
fait confidence à Nice, et l'avait gagné à ce
grand projet; qu'enfin, dans les papiers saisis
chez Robespierre l'aîné après le 9 thermidor,
on avait trouvé des traces de ce projet, qui
devait porter si haut la gloire de la Républi-
que française. Si ces traces ne paraissent
point dans le fameux rapport de Courtois, où
celui-ci eut grand soin de ne mettre quo
ce qui pouvait tourner contre Robespierre,
c'est que d'abord cette grande idée d'une ex-
pédition en Italie était une trop belle conspi-
ration en faveur de la République française
pour qu'on pût la lui imputer à crime. Quo
Bonaparte en eût écrit à Maximilien Robes-
pierre lui-même, avec des marques chaleu-
reuses de dévouement à ses principes et à son
caractère, compris autrement sans doute que
l'histoire banale ne les présente, cela ne fait pas
doute pour nous. Ces principes, assurément,
n'étaient pas ceux des poules mouillées de la
Convention ou du petit nombre de traîtres
qui espéraient tirer de leur participation au
9 thermidor un compromis qui ferait leurs
affaires; et si Courtois, dans le fameux rap-
port qu'il présenta à la Convention nationale
dans les séances du 5 janvier 1795 et jours
BONA
BONA BONA
BONA 935
suivants, ne fit aucune mention de tout cela,
c'est que Courtois, pour bien des raisons,
avait cru devoir supprimer les lettres de Bo-
naparte aux deux frères Robespierre. Aubry
était trop du parti ultrathermidorien pour ne
pas connaître ces lettres et la valeur du gé-
néral qui devait son avancement rapide au
plus jeune des deux frères; et il avait com-
pris combien le général d'artillerie pourrait
être dangereux à ses projets contre-révo-
, lutionnaires. De là la réforme sournoise du
général Bonaparte par Aubry, dès que ce-
lui-ci fut maître du portefeuille de la guerre,
et, pour couvrir ses refus de revenir sur ses
actes, son mot savamment calculé au bon
Marboz intercédant pour Bonaparte : avance-
ment prématuré, ambition sans frein; et ses
insultants refus de recevoir r'iez lui le géné-
ral réformé, malgré les recommandations de
son collègue Marboz.
Marboz, en effet, qui n'est mort que sous
l'Empire, conseiller de préfecture, ettjue Bo-
naparte, comme nous 1 avons déjà dit, avait
beaucoup connu à Valence, au café Bou, au
cabinet littéraire de M. Aurel et à la Société
des amis de la Constitution, a souvent raconté
qu'il fit en ce temps auprès d'Aubry, avec le-
quel il était très-lié et dont il avait partagé la
captivité après le 31 mai, les plus grands ef-
forts pour vaincre l'obstination avec laquelle
il refusait de rendre justice au général. 11 se
rappelait très-bien que, frappé et touché des
justes griefs du général Bonaparte, il lui avait
proposé de le conduire chez son collègue et
ami Aubry, logé rue Saint-Florentin ; qu arrivé
avec son protégé dans l'antichambre du mem-
bre du comité de Salut public, dont dépen-
daient les militaires, il ne put pénétrer que
seul dans l'appartement de celui-ci, qui fut
inexorable, et qui accompagna le refus qu'il
lui fît constamment de replacer Bonaparte, de.
ces* paroles \ avancement prématuré-, ambition
sans frein.
Les démarches que firent dans le même
temps auprès d'Aubry, en faveur de Bona-
parte, divers personnages influents, tels que
Fréron, Barras, La Réveillère-Lepeaux, à
qui le jeune général avait été présenté par
Volney, restèrent également sans être t.
Toute cette aifaire du mauvais vouloir
d'Aubry à l'égard de Bonaparte a été, ce
nous semble, jusqu'ici très-peu approfondie
et très-vaguement exposée; les motifs parti-
culiers et généraux en ont échappé aux histo-
riens ou n'ont pas été présentés de manière
à y porter un jour suffisant, même par ceux
qui ont écrit avec le plus de détails, comme
M. de Coston, par exemple, sur ces premières
années de la vie de Bonaparte.
Les motifs nous en paraissent avoir été per-
sonnels et politiques. Cet Aubry, qu'on ne
mentionne presque jamais, à l'occasion de ces
f.iits, que comme une sorte de ministre de la
guerre incapable, un examen attentif de ses
actes prouve que c'était dès lors un contre-
révolutionnaire conspirateur, et que c'est
surtout parce que le mérite si précoce de
Bonaparte lui paraissait devoir être des plus
utiles à la République, qu'il tenait à l'éloi-
gner de l'armée.
Puisque voilà notre héros mis en disponibi-
lité, grâce aux intrigues de maître Aubry,
saisissons cette courte accalmie pour nous
faire son ombre et le suivre dans sa vie pri-
vée. Le jeune Bonaparte prenait patience en
enrageant — on sait que c était dans son tem-
pérament de feu. — Toutefois il se résigna
. pour un instant à être philosophe, et à cher-
cher des distractions pour dissiper un peu la
mélancolie où l'avaient jeté les mépris calcu-
lés d'Aubry. Ainsi, il dînait quelquefois chez
Bourrienne, et, le soir, il accompagnait
Mme Bourrienne.au spectacle, surtout aux con-
certs alors célèbres du chanteur Garât; mais
son théâtre de prédilection était les Français,
où il allait surtout quand on jouait des pièces
de Corneille ou de Molière.
M. de Coston nous donne de curieux détails
sur sa manière de vivre pendant cette sorte
d'intérim de sa gloire. Tl mangeait fréquem-
ment au Palais-Royal chez les Frères-Pro-
vençaux, dont le restaurant n'était pas alors
ce qu'il est devenu depuis. C'est là qu'il con-
nut Talma, qui y dînait quelquefois; il y vit
aussi l'orientaliste Langlès, attaché à la bi-
bliothèque nationale , où Bonaparte allait
passer presque tous les jours quelques heures.
11 prenait quelquefois ses repas avec d'au-
tres officiers. Triste, rêveur, méditatif, il était
remarqué par son laconisme ; il payait à part
son écot, et avait pour habitude de plier, dans
la carte à payer, le montant de sa dépense,
en ayant soin de mettre à part le peu de mon-
naie qu'il destinait au garçon. Il portait cela
lui-même au comptoir et le remettait au maî-
tre sans jamais dire une seule parole. Le plus
souvent, il se retirait seul, et toujours avant
ses commensaux. Jamais le prix de son dîner
n'a dépassé 3 fr. Aussi, ajoute M. de Coston
t
à qui nous empruntons ces détails, quand le
restaurateur apprit, peu de temps après, que
le général en chef de l'armée d'Italie avait
souvent mangé chez lui, et qu'on lui désigna
Bonaparte, il ne pouvait revenir de son éton-
nement, et il disait ingénument que, parmi les
nombreux officiers qui mangeaient chez lui, il
n'aurait jamais cru que ce fût précisément celui
qui ne parlait jamais et qui dépensait si peu
qui pût devenir en si peu de temps un grand
général.
On a vu que c'est dans l'établissement des
Frères-Provençaux que Bonaparte avait connu
Talma, et formé avec lui cette liaison dont on
a tant parlé, en y ajoutant des détails roma-
nesques. La vérité est que Talma lui avait
d'abord plu beaucoup par ses manières ou-
vertes et sa conversation, et qu'il oubliait
dans son entretien le chagrin que sa situation
lui causait. Ce chagrin était profond et se pei-
gnait malgré lui sur son visage, même en
public. Des personnes dignes de foi, qui
l'ont connu dans cette période, et quelques
hommes de notre génération qui ont pu en en-
tendre parler, assurent qu'il en avait quelque-
fois les yeux pleins de larmes. Une lettre
dont nous avons tenu un fac-similé, écrite à
son frère Joseph à Marseille, le 6 messidor
an III {24 juin 1795), prouve que des larmes
coulaient quelquefois de ses yeux malgré lui
quand il était seul; car on y remarque, en
plus d'un endroit, la trace de celles qu'il n'a
pu contenir et qu'il a laissé tomber sur le pa-
pier en écrivant. M
ine
d'Abrantès nous ap-
prend que, dans ces jours d'inactivité insup-
portables aux natures ardentes, si difficiles à
distraire, foyers que la flamme a quittés et
qui se dévorent sous la cendre, Bonaparte,
avec son cher Junot, qui, par son écriture li-
sible, lui avait rendu de très-importants ser-
vices, se livrait à de longues promenades, aux-
quelles prenait rarement part Louis Bona-
parte, d'une nature plus lente et un peu
paresseuse.
Le Jardin des plantes avait alors ui\grand
attrait pour le général en disponibilité; il li-
sait beaucoup le matin, et l'histoire naturelle
de Bulfon l'avait charmé. Le Bourguignon
Junot, bon garçon, nature franche, facile à
entraîner, et très-fidèle ami, était attaché
à Bonaparte comme la vigne à l'ormeau. Ils
étaient inséparables, surtout dans ces jours de
détresse et d'attente.
Junot avait alors le cœur plein d'un amour
dont il s'était déjà ouvert à son général et
ami. Dans le séjour qu'il avait fait à Mar-
seille près de la famille Bonaparte, il n'avait
pu voir la jeune Paulette sans concevoir pour
elle une passion qu'il aurait voulu en vain dis-
simuler; il en était devenu amoureux fou. Son
âme toute jeune, toute brûlante, était pleine
de cet amour. L'honneur lui ordonnait de par-
ler, puisque sa raison n'avait pu l'empêcher de
, devenir amoureux. Il avait, en quittant Mar-
seille, avoué sa passion à Bonaparte, sans
se douter que le général avait pénétré son
secret, et Junot voulait se marier avec Pau-
line. Le général n'avait ni accueilli ni rejeté
sa demande ; il lui avait dit qu'on penserait à
cela, qu'il ne s'agissait maintenant que d'aller
à Paris, mais que, d'ailleurs, il le verrait avec
plaisir devenir son beau-frère le jour où Junot
pourrait offrir à sa sœur un établissement, non
pas riche, disait Bonaparte, mais suffisant
pour ne pas avoir la douleur de mettre au
monde des enfants qui fussent malheureux.
Ce jour pouvait venir, et le général consolait
ainsi son fidèle écuyer, comme eût dit un ba-
ron du moyen âge.
Dans une de ces promenades au Jardin des
plantes, le cœur plus ému qu'à l'ordinaire,
plein d'espérance, Junot, entraîné, enhardi
par l'abandon familier et charmant avec lequel
Bonaparte, un instant distrait de ses peines,
lui avait parlé de la nature et aussi de l'espoir
que, malgré ce misérable Aubry, qui arrêtait sa
fortune, il saurait se faire une place dans le
monde, et, partant, la faire partager h Ju-
not, t'aide de camp laissa déborder son cœur ;
il lui parla de Pauline et renouvela sa de-
mande, plus pressant qu'il ne l'avait été jus-
que-là, car il avait à annoncer quelque chose
de bon, et qui lui permettait d'espérer son
consentement. La veille, en effet, il avait
reçu de Dijon une lettre de son père, qu'il
s'était empressé de montrer à Bonaparte.
M. Junot disait à son fils, qui, en vue de son
mariage, lui avait demandé ce qu'il pouvait
faire pour lui, qu'à la vérité il n avait rien à
lui donner pour le moment, mais que sa part
serait un jour de 20,000 fr. Junot était heu-
reux et fier comme si les 20,000 fr. eussent
été déjà dans sa poche.
«Je serai donc riche, disait Junot à Bona-
parte, puisque, outre mon état,j'ai 1,200 livres
de rente. Mon général, je vous en conjure,
écrivez à la citoyenne Bonaparte, et dites-lui
que vous avez vu la lettre de mon père. Vou-
lez-vous qu'il lui en écrive une autre à Mar-
seille? — Il faut réfléchir à cela, » avait ré-
pondu Bonaparte.
En sortant du Jardin des plantes, le géné-
ral et son aide de camp avaient passé l'eau
dans un batelet, à la place même où un jour
le futur empereur devait faire construire le
pont d'Austerîitz; et, à travers les rues, ils
avaient gagné le boulevard. Arrivés vis-à-vis
des Bains chinois, ils se promenaient dans la
contre-allée. En remontant et en descendant
cette partie du boulevard, Junot le pressa de
nouveau d'écrire à la citoyenne Bonaparte.
Bonaparte écoutait son ami d'un air distrait, car
déjà ce n'était plus le même homme qu'au Jar-
din des plantes. Il avait l'air plus préoccupé,
plus pensif. Il semblaitqu'en rentrantdans tout
\ ce bruit de la vie, dans ce tumulte de la société,
il en eût de nouveau respiré les effluves am-
bitieuses. Cependant son ton était toujours af-
fectueux; il donnait des avis. « Je ne puis
» écrire a ma mère pour lui faire cette de-
» mande
;
disait-il à Junot; car enfin, tu auras
» 1,200 livres de rente, c'est bien ; mais tu ne
> les as pas. Ton père se porte parbleu bien,
» heureusement, et il te les fera attendre long-
o temps. Enfin tu n'as rien, si ce n'est ton
» grade de lieutenant. Quant à Paulette, elle
» n'en a même pas autant; ainsi donc, résu-
i> mons : tu n'as rien,elle n a rien, total : rien.
o Vous ne pouvez donc pas vous marier à pré-
o sent; attendez, nous aurons peut-être de
» meilleurs jours, mon ami... Oui, nous en au-
» rons, quand je devrais aller les chercher
» dans une autre partie du monde. »
Mme la duchesse d'Abrantès assure avoir
reproduit cette conversation en entier, mot
pour mot, d'après son mari, qui avait gardé,
dit-elle, le souvenir de tout, même de la par-
tie du boulevard sur laquelle il était avec le
général Bonaparte lorsque celui-ci lui dit ces
paroles, si remarquables à propos de richesses,
quand on sonse à celles qu'il put donner lui-
même plus tard à son aide de camp, qui,
du reste, comme on le sait, n'épousa pas sa
sœur.
Tels étaient son genre de vie et sa tristesse
pendant ces quelques mois qu'il passa à Pa-
ris, dévoré d'une ardeur dont il ne savait que
faire, ne sollicitant plus Aubry, mais récrimi-
nant partout contre lui ; tel était l'emploi de
son temps, lorsqu'un incident heureux vint en
quelque sorte le rendre à la vie.
Dans la séance du i l thermido'r an III
(29 juillet 1795) une pétition avait appelé l'at-
tention sur les actes d'Aubry. Nous dirons
tout à l'heure comment le Moniteur du 4 août
raconte cet heureux incident.
Mais avant d'en venir à cet événement ca-
pital, et pendant que notre héros est encore
en disponibilité, rappelons un épisode qui a
signalé ces quatre mois. On se rappelle l'excès
de zèle de Salicetti, qui avait failli couper
court à la carrière de Bonaparte lorsque ce-
lui-ci était commandant de l'artillerie à l'ar-
mée d'Italie; mais le 9 thermidor bouleversa
toutes les situations et fit de Salicetti un
proscrit. Celui-ci avait trouvé un asile chez
Mme Permon, mère de la future duchesse
d'Abrantès, et à laquelle il avait rendu de si-
gnalés services pendant la Terreur. Or, le
27 mai 1795, le général Bonaparte dînait chez
M
m e
Permon, sa compatriote. A la fin du re-
pas, il lui dit d'une voix altérée : a Salicetti m'a
o fait bien du mal..., il a failli briser mon ave-
u nir à mon matin; il a desséché mes idées de
» gloire à leur tige. Je le répète, il m'a fait
» bien du mal... cependant je ne lui en sou-
u haite pas. » M. Permon fils voulut excuser
Salicetti. «Tais-toi, Permon, dit Bonaparte,
u tais-toi ; cet homme a été mon mauvais gé-
n nie. Dumerbion m'aimait, il m'aurait em-
» ployé activement. Ce rapport fait à mon
» retour de Gènes, et que la méchanceté a
» envenimé pour en faire un motif d'accusa-
D tion!... Non, je puis bien pardonner; mais
» oublier, c'est autre chose. D'ailleurs, je le
o répète, je ne lui veux pas de mal. »
La conversation en resta là. Vingt jours
après, M
m e
Permon partit en poste de Paris,
emmenant Salicetti déguisé en domestique.
Au premier relai, à trois lieues de la capitale,
Mme Permon reçut du postillon qui venait do
la conduire la lettre suivante, que Bonaparte
avait dictée pour elle à Junot :
«Je n'ai jamais voulu être pris pour dupe;
n je le serais à vos yeux si je ne vous disais
» que je sais, depuis plus de vingt jours, que
» Salicetti est caché chez vous. Rappelez-
» vous mes paroles, madame Permon, le jour
n même du 1
e r
prairial, j'en avais presque la
» certitude morale. Maintenant je le sais posi-
» tivement. Salicetti, tu le vois, j'aurais pu te
» rendre le mal que tu m'as fait, et, en agis-
n sant ainsi, je me serais vengé; tandis que,
u toi, tu m'as fait du mal sans que je t'eusse
» offensé. Quel est le plus beau rôle en ce
» moment, du mien ou du tien ? Oui, j'ai pu
» me venger, et je ne l'ai pas fait. Peut-être
» diras-tu que ta bienfaitrice te sert de sauve-
» garde. Il est vrai que cette considération
» est puissante; mais seul, désarmé et pro-
» scrit, ta tête eût été sacrée pour moi. Va,
» cherche en paix un asile où tu puisses re-
« venir à de meilleurs sentiments pour ta pa-
ît trie. Ma bouche sera fermée sur ton nom et
» ne s'ouvrira jamais. Repens-toi, et surtout
n apprécie mes motifs. Je* 1« mérite, car ils
» sont nobles et généreux.
« Madame Permon, mes vœux vous suivent,
o ainsi que votre enfant. Vous êtes deux êtres
» faibles, sans nulle défense. Que ia Provi-
» dence et les prières d'un ami soient avec
» vous. Soyez surtout prudente, et ne vous
» arrêtez jamais dans les grandes villes.
B Adieu ; recevez mes amitiés, B
Ainsi, comme on le voit, les sentiments gé-
néreux l'emportaient chez le jeune Bonaparte
sur ces ardeurs de vengeance si implacables
dans le cœur d'un Corse.
Revenons maintenant à la pétition que nous
avons mentionnée avant cette petite digres-
sion :
« Le général Argouf, blessé devant Mayence,
à l'affaire du 11 prairial, se plaint de ce que,
jeune encore, on lui veut donner sa retraite,
au lieu de l'envoyer combattre les Autrichiens.
Il demande à la Convention à être rétabli dans
son grade.
« LEGENDRB. Ce général est-venu chez moi,
où il a été envoyé par des militaires de l'ar-
mée. Je l'ai mené au comité de Salut public,
à Aubry. Apparemment que le Comité n'a pas
fait droit à sa demande. Cependant, qui mé-
rite mieux d'obtenir des grades dans nos ar-
mées que ceux qui ont ^concouru a leurs
victoires? Les blessures que ce brave a re-
çues, et dont on voit encore les marques
sur son visage, prouvent son courage, car on
n'en reçoit pas de pareilles quand on tourne
le dos. Je demande que la Convention renvoie
sa pétition au comité de Salut public pour y
faire droit.
B CAVAIGNAC. J'étais à l'armée quand ce gé-
néral a reçu cette honorable blessure. Je l'ai
toujours vu dans toutes les occasions, à la
tête des colonnes, fondre le premier sur les
cohortes de nos ennemis; il a toujours été
dans les meilleurs principes, et son républica-
nisme est aussi reconnu que son courage.
C'est à tort que le comité de Salut public veut
lui donner sa retraite, puisque ce brave mili-
taire se sent assez rétabli pour retourner à
son poste combattre de nouveau nos enne-
mis, et qu'il redemande son grade. J'appuie
le renvoi de sa pétition au comité de Salut
public.
» UN REPRÉSENTANT. Cet officier ne se
trouve pas seul dans le même cas. Le Comité
a réformé plusieurs généraux qui ont rendu à
la République des services signalés, et il a
mis sur sa liste nouvelle des hommes contre
lesquels il existe de nombreux soupçons. »
{Le traître Aubry nous paraît bien malade,
et, ma foi, nous ne nous sentons pas le courage
de le plaindre. Il est vraiment fâcheux que Bo-
naparte n'ait pas assisté à cette séance; il en
serait sorti pénétré de respect pour la majesté
d'une représentation vraiment nationale. En
effet, l'injustice, la faveur ne sauraient prendre
racine dans ces sols généreux. Nous voudrions
voir ce compte rendu, avec la juste destitution
qui en fut la suite, inscrit en lettres d'or sur^
les murs de tous les palais législatifs du
monde. Ces exécutions sont excellemment du
domaine de la démocratie ;
Ce qui prouve qu'ajuste cause,
On la dit bonne à quelque chose.)
Dans la séance du 14 thermidor an III
(1er août 1795), une sérieuse discussion eut
lieu, qui enleva la direction de l'armée à
l'incapable et hypocrite Aubry. Dès la séance
du 13, un incident avait soulevé la question.
Doulcet de Pontécoulant, au nom du comité de
Salut public dont il était membre, venait de
parler des triomphes de l'année des Pyrénées
et de lire un rapport de son général en chef
Moncey, daté du quartier général de Bilbao,
5 thermidor, lorsque ledit Aubry prit la parole
pour essayer de se justifier des accusations
dont il avait été l'objet dans la séance du i l ,
à la suite de la pétition présentée à la barre
de la Convention par le brave général Argouf.
Un membre, entre autres, l'avait formellement
accusé d'avoir, non réorganisé, mais désorga-
nisé l'armée, qu'il avait remplie d'aristocrates
et d'ex-nobles, mis à la place des officiers qui
avaient fait la guerre de la liberté, et dont il
avait destitué ou mis en non-activité un
grand.nombre comme terroristes. Parmi ceux
ci se trouvait précisément, comme on l'a vu,
notre général Bonaparte. La Convention dé-
libérait en ce moment sur la constitution de
l'an III, et il n'était sorte de moyens que les
contre-révolutionnaires de l'assemblée et les
royalistes du dehors n'employassent pour
l'empêcher d'aboutir dans son travail. Dans
les sections de Paris, on conspirait ouverte-
ment contre cette infâme constitution, et Au-
bry, qui favorisait en secret les sectionnaires,
avait fait tous ses efforts pour tenir les
militaires éloignés de la capitale. Dans la
séance du 13, il balbutia de misérables excu-
ses ; mais ses intrigues et ses injustices cal-
culées ne trompaient plus personne; et, le
lendemain H thermidor ( 1
e r
août), il sor-
tait du Comité. Il avait rempli ces fonctions
importantes, où Carnot s'était acquis le titre
glorieux à'organisateur de la victoire, du
4 avril au 31 juillet 1795, un-peu moins do
quatre mois.
Aubry justifia plus tard, par ses actes ulté-
rieurs, les soupçons qu'avaient manifestés sur
lui, à la Convention, Legendre et Cavaignac.
Etant parvenu à se faire élire membre du
conseil des Cinq-Cents, institué en vertu do
la constitution de l'an III, il conspira d'abord
sourdement avec le parti clichien contre lo
Directoire, ouvertement enfin avec ceux des
membres des conseils que le Directoire dut
frapper au 18 fructidor, et ce fut certaine-
ment un des fructidorisës les plus dignes de
l'être. Il mourut obscurément, les uns disent
en 1799, aux Etats-Unis, les autres disent
en 1802, en Angleterre. Napoléon ne lui a
jamais pardonné, mais il le méprisait encore
plus qu il ne le haïssait.
Doulcet de Pontécoulant, qui succéda à
Aubry dans ses fonctions, le 2 août 1795, était
un tout autre homme : intelligent, spirituel,
ouvert, ayant loyalement embrassé les prin-
cipes de la Révolution, il réparade son mieux
le mal qu'Aubry avait fait sciemment à l'armée
républicaine dans l'intérêt d'une contre-révo-
lution. Sans doute il serait difficile de détermi-
ner historiquement, c'est-à-dire d'une manière
absolue, ces velléités de contre-révolution,
bien que, de divers indices on puisse inférer
qu'une partie des hommes dont le 18 fructidor
délivra le gouvernement de la République
avaient fait un pacte avec le parti royaliste,
pour le rétablissement de la royauté dans la
personne de Monsieur. Ce parti, peu scrupu-
leux sur les moyens de réussir, avait admis
dans son sein jusqu'à des hommes qui avaient
voté la mort de Louis XVI, à la seule condition
936 BONA
BONA
BONA BONA
qu'ils conspirassent avec eux contre le Direc-
toire, et qu'Us travaillassent au rétablisse-
ment du futur Louis XVIII sur le trône de
France. Mais, quels que fussent les plans de la
contre-révolution, si bien secondés par Aubry,
ils furent déjoués à temps, et le 13 vendémiaire
sauva la Convention en lui permettant d'ache-
ver son œuvre, et d'instituer sur les bases de
la constitution de l'an III le gouvernement
régulier de la France.
Peu après avoir remplacé Aubry au comité
de Salut public, Doulcet de Pontécoulant com-
mença l'œuvre de réparation. Il appartenait
au petit parti de ces nobles que les préjugés
de leur naissance n'avaient pas complètement
aveuglés sur la grandeur des principes pro-
clamés parla Révolution, et qui à leurs pro-
pres intérêts préféraient le triomphe d'idées
grandes et généreuses. Représentant du peu-
ple, malgré la divergence de ses opinions
avec le parti qui, dans les premiers moments,
Crut nécessaire de gouverner par la force, le
loyal Pontécoulant, frappé du véritable génie
militaire qui se révélait dans le mémoire de
Bonaparte qu'il trouva dans le portefeuille de
la guerre, et qu'Aubry avait étouffé, Doulcet,
disons-nous, proposa, dans l'armée de l'Ouest,
une brigade d'infanterie au général Bona-
{
>arte, qui la refusa, dit-on, surtout à cause de
a nature de cette guerre.
A ce propos, il est à remarquer qu'un des plus
grands bonheurs de cet homme extraordinaire,
dont la carrière militaire s'est pour ainsi dire
frayée à travers nos guerres civiles, a été de
ne jamais avoir l'occasion de tirer l'épée con-
tre ses concitoyens. Lors des répressions pour
lesquelles il s est trouvé plusieurs fois appelé
dans le midi et dans l'est ne la France, il arri-
vaittoujours au moment où l'effervescence des
esprits était apaisée. Oui vraiment, cet homme
avait son étoile. Une campagne dans la Ven-
dée en révolte ne pouvait donc convenir à sa
nature; quant à la célèbre mitraillade de
Saint-Roch, l'assimilation est impossible : là,
c'étaient des malheureux égarés; ici, des en-
nemis implacables de la Révolution en travail.
L'offre si prompte de Pontécoulant et le
refus non moins prompt de Bonaparte résul-
tent d'une lettre que celui-ci adressage Paris,
le 30 thermidor an lit (17 août 1795), à son
ami Sucy, commissaire ordonnateur de l'armée
d'Italie, alors à Nice, lettre dans laquelle on
remarque le passage suivant :
« J'ai été porté pour servir a l'armée de la
a Vendée comme général de la ligne : jen'ac-
» cepte pas; beaucoup de militaires dirigeront
» mieux que moi une brigade, et peu ont coin-
» mandé avec plus de succès l'artillerie. Je
o me .jette en arrière, satisfait de ce que l'in-
» justice que l'on fait âmes services est assez
• sentie par ceux qui savent les apprécier. »
Ensuite, il félicite Sucy de la place qu'il vient
d'obtenir, et qu'il appelle avec raison une place
délicate ; puis il termine sa lettre comme
suit :
« Rien de nouveau ici ; l'espérance seule
« n'est pas encore perdue pour l'homme de
» bien : c'est te dire l'état très-maladif de cet
» empire.
» Sois de constante gaieté, et jamais de dé-
• couragement ; si l'on trouve des hommes
• méchants et ingrats, souviens - toi de la
• grande, quoique bouffonne maxime de Sca-
» pin : Sachons-leur gré de tous les crimes que
• l'on ne commet pas.
» Signé: B. P. »
L'adresse porte :
« Au citoyen Sucy, commissaire ordonna-
» teur, à Nice, arméo dTtalie. »
Le timbre de la poste de Paris est marqué
par un P., et le cachet est en cire rouge, ayant
pour empreinte les lettres B. Ï
J
. entrelacées.
Il s'agit ici de stratégie littéraire et non de
stratégie militaire : nous sommes sur notre
terrain. Le Grand Dictionnaire va donc en-
dosser la robe du pédagogue et se coiffer du
bonnet carré, pour donner une petite leçon à
"celui qui a passé une partie de sa vie à en
donner de grandes à plus d'une tête couronnée.
La citation de « la grande, quoique bouffumie
maxime de Scapin » n'est pas très-exacte, et
Bonaparte a confondu Scapin avec Figaro, qui
dit en effet quelque chose d'approchant dans la
seconde scène du Barbier de Séville : c Je me
a crus trop heureux d'en être oublié, persuadé
• qu'un grand nous fait assez de bien quand
• il ne nous fait pas de mal. • Scapin dit bien
(acte II, scène vm) : « Pour peu qu'un père de
» famille ait été absent de chez lui, il doit pro-
• mener son esprit sur tous les fâcheux acci-
» dents que son retour peut rencontrer : se
» figurer sa maison brûlée, son argent dérobé,
> sa femme morte, son fils estropié, sa tille
• subornée; et ce qu'il trouve qui ne lui est
» point arrivé, l'imputer à bonne fortune. Pour
• moi, j'ai pratiqué toujours cette leçon dans
« ma petite philosophie; et je ne suis jamais
» revenu au logis que je ne me sois tenu prêt
» à la colère de mes maîtres, aux réprimandes,
• aux injures, aux coups de pied au cul, aux
• bastonnades, aux étrivières; et ce qui a
» manqué à m arriver, j'en ai rendu grâces à
• mon bon destin. • Mais ni Scapin ni Figaro
n'ont formulé au théâtre la maxime dont Bo-
naparte recommande à Sucy de se souvenir,
et il y a loin de ce qu'ils disent à ce gré qu'il
faut savoir aux hommes de tous tes crimes que
l'on ne commet pas. On conçoit aisément
qu'avec sa vive imagination il ait fait cette
confusion et grossi les choses de la sorte;
, nous ne lui en faisons pas un crime ; mais il
nous a paru bon, en passant, de relever cette
très-innocente erreur littéraire, à propos de
cette lettre, importante pour nous, en ce qu'elle
contredit les faussetés débitées par Bourrienne
dans ses Mémoires sur ce moment critique de
la vie de Bonaparte, et qu'il est inutile de ré-
futer autrement ici.
Comme on le voit par cette lettre, Bona-
parte n'était qu'à demi content; mais il se
jetait en arrière, satisfait au moins de la
marque d'estime qu'on venait de lui donner,
et son refus ne fut point pris en mauvaise
part. Doulcet et ses collègues du comité de
Salut public avaient à cœur de réparer le mal
que lui avait fait Aubry, et ils en cherchèrent
tout d'abord les moyens. Les cadres étaient
pleins, et l'on ne pouvait procéder à l'aventure
a des éliminations ; mais Doulcet trouva bientôt
pour le général, en attendant mieux, une occu-
pation digne de lui.
Alarmé des mauvaises nouvelles qui, chaque
jour, arrivaient de l'armée d'Italie, et ayant
connaissance du mémoire que Bonaparte,
après l'affaire de Cairo, avait envoyé au co-
mité, il convoqua les divers représentants
qui avaient été délégués à Nice. Tous lui dé-
signèrent Bonaparte comme l'homme qui con-
naissait le mieux les positions de cette armée,
et le plus capable d'indiquer le parti à prendre.
Sur leur avis, qui était aussi celui de Doulcet,
et qu'il n'avait demandé que pour ne pas
imiter Aubry, qui ne consultait personne, Bo-
naparte fut requis de se rendre au comité.
Il y eut d'abord plusieurs conférences avec
Sieyès, Letourneur, Jean Debry et Doulcet,
qu'il étonna, comme toujours, par la précision
de ses aperçus; et, au commencement de
septembre, Doulcet l'attacha au comité topo-
graphique, où se décidaient les plans de cam-
pagne et les mouvements des armées.
C'est dans ces fonctions que Bonaparte, au
nom du comité de Salut public, rédigea suc-
cessivement pour les généraux Kellermann et
Schérer
?
qui ne les comprirent pas, des projets
et des instructions qu'un an après l'auteur
devait être appelé à réaliser lui-même, et avec
le plus grand éclat, dans la haute Italie.
Ce plan se trouve développé dans une série
de pièces conservées aux archives militaires
de la Franco; elles sont écrites entièrement
de la belle main de Junot, corrigées de la
f
rifl'e de Bonaparte. Ces pièces, au nombre
e six, sont renfermées dans une chemise sous
le titre général : Instructions et projets pour
l'armée d'Italie. En voici quelques fragments.
La première est intitulée : Mémoire militaire
sur l'armée d'Italie. Sa longueur ne saurait
nous empêcher de la donner en entier, car ce
n'est pas l'œuvre seulement d'un militaire qui
sait tracer habilement un plan de campagne,
c'est l'œuvre aussi d'un profond politique. On
y remarque surtout que Bonaparte préconise
le principe, trop négligé de nos jours, que la
guerre doit nourrir la guerre. 11 ne faut pas
oublier la date de ce Mémoire, qui a dû être
écrit en août 1795.
a L'armée des Alpes et d'Italie occupe la
» crête supérieure des Alpes et quelques posi-
» tions de l'Apennin. Elle couvrait (naguère,
n quand il était àl'arméed'Italie, après l'affaire
B de Cairo) le département du Mont-Blanc, le
» comté de Nice, Oneille, Loano, Vado. Par le
• moyen des batteries de côtes que l'on avait
» établies dans ces divers postes, le cabotage
» entre Marseille, Nice et Gènes, s'opérait à la
» vue de l'escadre anglaise, sans qu'ello pût
» s'y opposer.
» L'ennemi s'est emparé de Vado. L'escadre
» anglaise mouille dans cette superbe rade. Les
• Austro-Sardes ont armé un grand nombre de
» corsaires. Toute communication avec Gênes
• se trouve interceptée.
» Le commerce, qui renaissait à Marseille,
» est suspendu. L armée d'Italie, notre flotte,
» l'arsenal de Toulon, la ville de Marseille ne
» peuvent plus tirer leurs subsistances que de
» l'intérieur de la France.
» Cependant, l'armée ennemie étant considé-
• rablement augmentée, nous sommes obligés
» de lui opposer des forces égales. Nous allons
• donc avoir une armée nombreuse dans la
• partie de la France la moins abondante en
» blé, et qui, dans les meilleures années, en
» récolte a peine pour trois mois.
» Il est donc indispensable, pour rétablir le
• cabotage et assurer les subsistances du Midi,
» de Toulon et de l'armée, de reprendre la po-
» sition de Vado. Puisque la possession des
» mers est momentanément asservie, il appar-
» tient à nos armées de terre de suppléer à
» l'insuffisance de notre marine.
• Depuis le Saint-Bernard à Vado, les Alpes,
» que notre armée occupe, forment une circon-
» férence de 95 lieues. On ne pourrait donc
• faire circuler nos troupes de la gauche à la
• droite en moins de deux ou trois décades.
• tandis que l'ennemi tient le diamètre, et qu'il
• communique en trois ou quatre jours. Cette
• seule circonstance topographique rend toute
» défense désavantageuse, plus meurtrière
• pour notre armée, plus destructive pour nos
• charrois et plus onéreuse au trésor public
» que la campagne la plus active.
» Si la paix avec les cercles de l'Empire se
» conclut, l'empereur n'aura plus que le Bris-
• gaw et ses Etats d'Italie à gauche'; il est à
• croire que l'Italie sera le théâtre des événe-
• ments les plus importants. Nous éprouverions
• alors tous les inconvénients de notre position.
» Nous devons donc, même sous le point de vue
» de la conservation de Vado, porter ailleurs
» le théâtre de la guerre.
» Dans la position de l'Europe, le roi de Sar-
« daigne doit désirer la paix. Il faut, par des
» opérations offensives :
» îo Porter la guerre dans ses Etats, lui faire
» entrevoir la possibilité d'inquiéter même sa
» capitale, et le décider promptement à la paix.
» 2° Obliger les Autrichiens à quitter une
» partie des positions où ils maîtrisent le roi de
» Sardaigne, et se mettre dans une position où
» l'on puisse protéger le Piémont et entre-
» prendre des opérations ultérieures.
• On obtiendra ce double avantage en s'em-
n parant de la forteresse de Ceva, en y ras-
» semblant la plus grande partie de l'armée à
» mesure que les neiges obstrueront les cols
o des Alpes, en mettant à. contribution toutes
» les petites villes voisines, et en menaçant
» de là Turin et la Lombardie.
B Par les attaques que les Autrichiens ont
« entreprises sur la droite de l'année, il ne
« nous reste aucun doute que leur intention ne
» soit de porter le théâtre de la guerre sur la
» rivière de Gênes, et de menacer le dépar-
» teinent des Alpes-Maritimes de ce côté-là;
» nous serions alors obligés de maintenir une
» armée nombreuse en campagne, c'est-à-dire
» à force de numéraire; ce qui la rendrait ex-
» trêmement onéreuse à nos finances. Nous
« devins, au contraire, dans la direction de
* nos armées, être conduits par le principe que
i> la guerre doit nourrir la guerre.
B II est donc indispensable de reprendre
o promptement Vado, de changer le théâtre de
» la guerre, de pénétrer en Piémont, de pro-
» fiter du reste de la belle saison pour s'y
» procurer un point d'appui où l'on puisse réu-
B nir nos armées, menacer de partager le Pié-
« mont et, dès lors, décider promptement le roi
» de Sardaigne à la paix, en lui offrant les con-
« ditions pour la conclure.
B Les Alpes, depuis le mont Saint-Bernard,
» le mont Cenis, le mont Viso, vont toujours
« en s'abaissantjusqu'à Ponte-Divano, ensorte
« que le Col de Tende est le plus facile et le
» moins élevé.
» L'Apennin, qui commence à Ponte-Divano,
B et qui est moins élevé, s'abaisse plus sensi-
B blement vers Vado, Altare, Carcare, et
» par delà, pour s'élever, de sorte que plus on
a s'enfonce dans l'Italie, plus on gagne les
» hauteurs.
» Les vallées des Alpes sont toutes dans le
» sens de la frontière, de sorte qu'on ne peut
« pénétrer en Piémont qu'en s'élevant consi-
" dérablement. L'Apennin a ses vallées plus
» régulièrement placées, de sorte qu'on les
B passe sans être obligé de s'élever, et en sui-
B vant les ouvertures qui s'y rencontrent.
» Dans la saison actuelle, il serait imprudent
B d'essayer d'entreprendre rien de considéra-
B ble par les Alpes ; mais on a tout le temps de
B pénétrer par l'Apennin, c'est-à-dire par la
B droite de l'armée d'Italie.
» De Vado à Ceva, première place frontière
• de Sardaigne sur le Tanaro, il y a 8 lieues,
B sans jamais s'élever de plus de 2 à 300 toises
> au-dessus du niveau de la mer. Ce ne sont
» donc pas proprement des montagnes, mais
B des monticules couverts de terre végétale,
B d'arbres fruitiers et de vignes. Les neiges
« n'y encombrent jamais les passages; les hau-
B teurs en sont couvertes pendant l'hiver ; mais
B sans qu'il y en ait même une grande quantité.
* Dès le moment que les renforts de l'armée
» des Pyrénées seront arrivés, il sera facile de
» reprendre les opérations do Saint-Bernard
B et de San-Giovante.
» Dès le moment que l'on se sera emparé de
a Vado, les Autrichiens se porteront de pré-
a férence sur les points qui défendent la Loin-
« hardie. Les Piémontais défendront l'issue du
» Piémont.
a On détaillera, dans les instructions qui se-
a ront données, les moyens d'accélérer cette
a séparation.
B Pendant le siège de Ceva, les Piémontais
B pourraient prendre des positions très-rap-
a prochées de celles des Autrichiens, pour, de
B concert, inquiéter les mouvements du siège.
B Pour les en éloigner, l'armée des Alpes se
a réunira dans la vallée de la Sture, à la gau-
« che de l'armée d'Italie, et investira Démont,
» en s'emparant de la hauteur de la Valoria.
» On fera toutes ces démonstrations, qui pour-
a ront persuader à l'ennemi que l'on veut vé-
» ritablement faire le siège de Démont; par
a ce moyen, il sera obligé de prendre des
» positions intermédiaires, afin de surveiller
a également les deux sièges.
a L'opération sur Démont est préférable à
a toute autre, parce que.c'est celle où nous
a pourrons réunir le plus de troupes, puisque
a toute la gauche de Vannée d'Italie s y trou-
- vera naturellement employée; elle inquié-
a tera d'ailleurs davantage l'ennemi, parce
a que le succès se lie à celui de Ceva et se-
a rait d'autant plus funeste au Piémont.
a Nos armées, en Italie, ont toutes péri par
» les maladies pestilentielles produites par la
a canicule ; le vrai moment d'y faire la guerre
a et de porter de grands coups, une fois in-
a troduits dans la plaine, c'est d'agir depuis le
B mois de février jusqu'en juillet. Si alors le
B roi de Sardaigne n'a pas conclu la paix, nous
a pourrons continuer nos succès en Piémont
» et assiéger Turin.
i » Si, comme il est probable, la paix est faite,
* nous pourrons, avant qu'elle soit publiée
| B d'intelligence avec le Piémont, de Ceva nous
; B assurer d'Alexandrie, et marcher en Lom-
» hardie conquérir les indemnités que nousdon-
; B nerions au roi de Sardaigne pour Nice et la
» Savoie.
B Le théâtre de la guerre serait alors dans
» un pays abondant, semé de grandes villes,
B offrant partout de grandes ressources pour
B nos charrois, pour remonter notre cavalerie'
B et habiller nos troupes.
» Si la campagne de février est heureuse,
• nous nous trouverons, aux premiers jours
» du printemps, maîtres de Mantoue, prêts à
B nous emparer des gorges de Trente et à
B porter la guerre, de concert avec l'armée
» qui aurait passé le Rhin, dans le Brisgaw,
a jusque dans le cœur des Etats héréditaires
a de la maison d'Autriche.
B La nature a borné la France aux Alpes,
a mais elle a aussi borné l'Empire au Tyrol.
B Pour remplir le but que nous venons de
« parcourir dans ce mémoire, nous proposons
a au comité :
a io De ne point trop activer la paix avec
» les cercles d'Allemagne, et de ne la con-
B dure que lorsque l'armée d'Italie sera consi-
B dérablement renforcée ;
a 20 De faire tenir garnison à Toulon par
B les troupes embarquées sur l'escadre, etres-
B tituer à l'armée une partie de la garnison
B de cette place, qui sera remplacée lorsque
B la paix avec l'Espagne sera ratifiée;
» 30 De faire passer de suite 15,000 hom-
B mes des Pyrénées à l'armée d'Italie;
B 4» D'en faire passer 15,000 autres au mo-
B ment de la ratification de la paix avec
» l'Espagne;
B 5° De faire passer 1,500 ou 2,000 hommes
» des armées d Allemagne à l'armée d'Italie
a au moment de la paix avec les cercles ;
« 60 Do prendre l'arrêté suivant :
» Le comité de Salut public arrête :
» îo L'armée d'Italie attaquera les ennemis,
» s'emparera de Vado, y rétablira la défense
» de la rade, investira Ceva, fera le siège de
» la forteresse et s'en emparera;
B 20 Dès l'instant que les Autrichiens seront
B éloignés, on obligera le commandant du fort
B à recevoir deux bataillons et deux compa-
B gnies d'artillerie pour garnison, en forme
B d'auxiliaires ;
B 30 La droite de l'armée des Alpes se réu-
» nira avec la gauche de l'armée d'Italie dans
B la vallée de la Sture, investira Démont en
a s'emparant de la hauteur de la Valoria;
B 40 Le commandant d'armes du port de
B Toulon enverra à Antibes quatre tartanes
» armées et quatre chaloupes canonnières ou
B felouques, à la disposition du général coin-
B mandant en chef l'artillerie de l'armée d'Ita-
a lie, pour servir à l'escorte des convois
B d'artillerie ;
a 5° Il sera embarqué 36 bouches à feu de
» siège, avec un approvisionnement pour siège,
» sur des bateaux à rames qui seront débar-
» oués à Vado pour le siège de la forteresse
B de Ceva;
B 6° L'on réunira le plus près possible du
» camp de Tournus 40 bouches à feu de siège
B pour le siège de Démont;
B 70 La neuvième commission fera passer
a 400 milliers de poudre à Avignon, où ils
« seront aux ordres du général d'artillerie de
t
B l'armée d'Italie, et 200 milliers à Grenoble ; '
B elle prendra ses mesures pour qu'ils y soient
» rendus avant la fin du mois ;
a 8° L'agence des subsistances militaires se
a procurera à Gènes, où elle les laissera en do-
B pôt, des blés pour nourrir 60,000 hommes
B pendant trois mois;
B 90 La neuvième commission fera passer
a à l'armée d'Italie tout ce qui est nécessaire
» pour compléter l'équipage de pont demandé
» au commencement de la campagne par le
a général d'artillerie ;
» 10° La commission des transports militaî-
B res fera remplacer à l'armée d'Italie les
a 1,500 mulets qui en ont été tirés pour servir
a au transport des subsistances à Paris, a
Nous n'avons pas hésité à insérer en entier co
long mémoire,oula précision et la clarté se joi-
gnent à une profonueur de vues vraiment ex-
traordinaire. Ce n'est là qu'un simple projet,
et cependant on croirait qu'il s'agit d'une
campagne glorieusement exécutée. Nous no
croyons pas que l'histoire offre un second
exemple d'une pareille netteté de vues et
d'une intelligence si complète delà situation.
Quand il recopiait tout cela de sa magnifique
écriture, le brave Junot, assurément, devait
prendre son général pour un Dieu.
A ce mémoire, Bonaparte joignit cinq au-
tres pièces rédigées par lui et qui furent en
partie textuellement adoptées par le comité
de Salut public : 10 une instruction militaire
pour le général en chef de l'armée des Alpes
et d'Italie ; 2° une instruction pour les repré-
sentants du peuple près • l'armée d'Italie ;
30 une lettre du comité de Salut public au
général en chef de l'armée d'Italie; 40 un
arrêté du comité de Salut public ; 5° enfin j un
autre arrêté du même Comité relatif au mémo
objet.
Tels furent les travaux de Bonaparte dès
son entrée au bureau topographique.
Pendant te temps qu'il occupait ce poste, qui
BONA- BONA
BONA
BONA 937
ressemblait a une division de la section de la
guerre, et qu'il y travaillait continuellement
avec son zèle accoutumé, la Porte s'occupait
d'un armement contre la Russie ; elle demanda
a la République quelques officiers d'artillerie
français, et Bonaparte pensa sérieusement à
tourner de ce côté son génie. L'Orient lui
souriait; il lui semblait qu'il v avait là un
vaste champ ouvert à son activité. Il eut à
ce sujet plusieurs conférences avec Reinhard,
archiviste des relations extérieures auprès du
comité de Salut public, pour avoir communi-
cation des papiers relatifs à la Turquie. Il ré-
digea une note par laquelle il s'offrait d'aller
en Turquie, et divers projets d'arrêtés relatifs
à cette mission, qui fut réalisée l'année sui-
vante d'après son plan, mais par un autre que
lui. Ces projets, écrits, comme les précédents,
de la main de Junot, portaient en divers en-
droits des corrections de celle de Bonaparte ;
il avait écrit en entier, ou, pour mieux dire,
griffonné, le brouillon de la note.
L'expédition originale, signée de lui, remise
au comité de Salut public, était ainsi conçue :
NOTE DU GÉNÉRAL BUONAPARTB.
13 fructidor an III (30 août 1795).
« Dans un temps où l'impératrice de Russie
» a resserré les liens qui 1 unissent à l'Autri-
» che, il est de l'intérêt de la France de faire
» tout ce qui dépend d'elle pour rendre plus
• redoutables les moyens militaires de la Tur-
• quie. Cette puissance a des milices nom-
» breuses et braves, mais ignorantes sur les
» principes de l'art de la guerre.
» La formation et le service de l'artillerie,
» qui influe si puissamment dans notre tacti-
» que moderne sur le gain des batailles, et
» presque exclusivement sur la défense des
» places fortes, est encore dans son enfance
» en Turquie.
» La Porte, qui l'a senti, a plusieurs fois de-
» mandé des officiers d'artillerie et du génie ;
» nous y en avons effectivement quelques-uns
» dans ce moment, mais ils ne sont ni assez
» nombreux ni assez instruits pour produire
o un résultat de quelque conséquence.
• Le général Buonaparte, qui a acquis quel-
« que réputation en commandant l'artillerie de
» nos armées en différentes circonstances, et
» spécialement au siège de Toulon, s'offre
» pour passer en Turquie avec une mission
» du gouvernement. Il mènera avec lui six ou
» sept officiers, dont chacun aura une connais-
» sance particulière des sciences relatives à
» l'art de la guerre.
» S'il peut, dans cette nouvelle carrière,
» rendre les armées turques plus redoutables
» et perfectionner la défense des places fortes
» de cet empire, il croira avoir rendu un ser-
» vice signalé à la patrie, et avoir, à son re-
«• tour, bien mérité d'elle!
» BUONAPARTE.»
Voici les pièces relatives a, ce projet :
« Le gouvernement de la République fran-
çaise, voulant donner au Grand Seigneur,
son fidèle allié, une preuve de l'amitié qu'elle
lui porte et de l'intérêt qu'elle prend à la pro-
spérité de ses armes, a délibéré, sur la de-
mande qu'il a faite, pour qu'il soit envoyé en
Turquie des officiers d'artillerie français.
» Considérant que le général Buonaparte,
commandant en chef l'artillerie de l'armée
d'Italie, a des connaissances profondes sur
l'art de la guerre et spécialement sur la par-
tie de l'artillerie, dont il a donné des preuves
en dirigeant le siège de Toulon et nos succès
en Italie, et mettant sur une défense respec-
table les côtes de la Méditerranée (comme
on le voit, il n'avait garde d'oublier ses ser-
vices et il avait raison) ;
• Arrête :
» Le général Buonaparte se rendra à Con-
stantinople avec ses deux aides de camp, capi-
taines, pour y prendre du service dans l'armée
du Grand Seigneur et contribuer, de ses ta-
lents et de .ses connaissances acquises, à la
restauration île l'artillerie de ce puissant em-
pire, et exécuter ce qui lui sera ordonné par
les ministres de la Porte ; il servira dans son
grade et sera traité par le Grand Seigneur
comme les généraux de ses armées.
» Il sera accompagné, pour l'aider dans sa
mission, par les citoyens Eudoche Junot et
Henri Léorat, en qualité d'aides de camp, ca-
pitaines; Songis et Rolland (Rolland de Vil-
larceaux, ancien camarade de Napoléon au
régiment de La Fère, qui, plus tard, fut son
aide de camp à l'armée de l'intérieur, et de-
vint préfet sous l'empire), comme chefs de
bataillon; Marmont {depuis duc de Raguse) et
Aguettant comme capitaines d'artillerie, Bluit
de Villeneuve, capitaine du génie; Bourgeois
et La Chasse, lieutenants d'artillerie de pre-
mière classe ; Moisonet et Scheined, sergents-
majors d'artillerie. «
Bonaparte, qui voulait être en règle, selon
un usage qui paraît lui avoir été habituel,
avait pris le soin de rédiger tous les arrêtés
nécessaires pour l'exécution définitive de son
projet; plusieurs sont de simple formalité;
n'importe, il veut être en règle sur tout, et il
rédige jusqu'à un arrêté de passe-port. .
Les projets suivants ont plus d'importance.
« Le gouvernement, etc.,
» Arrête :
• La commission des relations extérieures
fera remettre au général Buonaparte, pour
six mois d'appointements en argent, tant pour
lni que pour deux aides de camp, capitaines,
deux chefs de bataillon d'artillerie, quatre ca-
pitaines d'artillerie de première classe, deux
lieutenants d'artillerie, pour leur servir de
frais de route au voyage* qu'ils doivent faire,
conformément à l'arrêté du comité de Salut
public de ce jour.
» Arrête :
» Que la neuvième commission fera faire
une caisse de différents instruments de ma-
thématiques et de dessin, dont la note lui sera
remise par le général Buonaparte. Cette caisse
sera remise à la disposition de la commission
des affaires extérieures, qui la fera passer &
Constantinople, a Vadresse du général Buona-
parte.
» Arrête Ï
» Que la commission d'instruction publique
fera faire une caisse de livres relatifs à l'ar-
tillerie et à l'art de la guerre, dont la note lui
sera remise par le général Buonaparte ; la-
dite caisse sera envoyée à la commission des
relations extérieures, qui la fera passer à l'a-
dresse dudit général, a Constantinople. »
En marge de la note où Bonaparte adres-
sait au comité de Salut public la demande de
cette mission militaire à Constantinople, on lit,
sous la date du 27 fructidor an III (13 septem-
bre 1795) :
« Le général de brigade Buonaparte a servi
avec distinction à l'amée d'Italie, où il com-
mandait l'artillerie.
» Mis en réquisition par le comité de Salut
public, il a travaillé avec zèle et exactitude
dans la division de la section chargée des
plans de campagne et de la surveillance des
opérations des armées , et je déclare avec
plaisir que je dois à ses conseils la plus grande
partie des mesures utiles que j'ai proposées
au comité pour l'armée des Alpes et d'Italie.
Je le recommande à nos collègues comme un
citoyen qui peut être utilement employé pour
la République, soit dans l'artillerie, soit dans
toute autre arme, soit même dans la partie
des relations extérieures.
• DOULCKT. »
Doulcet se taisait, comme on voit, sur la de-
mande qui faisait l'objet de la note; et, à la
suite de ce qu'on vient de lire, on trouve, de
la main d'un autre représentant du peuple,
sous la même date du 27 fructidor an [II,
cette seconde apostille :
« En adhérant aux sentiments qu'exprime
mon collègue Doulcet sur le général Buona-
parte, que j'ai vu et entendu, je crois q,ue, par
les motifs mêmes qui fondent son opinion et
la mienne, le comité de Salut public doit se
refuser à éloigner, dans ce moment surtout,
de la République un officier aussi distingué.
Mon avis est qu'en l'avançant dans son arme,
le comité commence par récompenser ses ser-
vices, sauf ensuite, après en avoir conféré
avec lui, à délibérer sur sa proposition, s'il y
persiste.
» Jean DEBRY, rapporteur. »
Plusieurs historiens ont présenté ce projet
d'expatriation de la part de Bonaparte comme
une sorte de coup de tête assez semblable à
celui qui avait poussé Cromwell à passer en
Amérique. Quelques-uns ajoutent même que
ceux qui favorisaient cette entreprise avaient
pour but de l'éloigner et de le faire ainsi sor-
tir du service de la République. Tout cela nous
Earaît beaucoup trop profond, disons mieux,
eaucoup trop problématique pour qu'on
puisse y ajouter foi. Rien jusqu'ici, dans la vie
du jeune général, n'avait pu le faire considé-
rer comme un ennemi de la République, et
rien encore ne pouvait faire pressentir le coup
d'Etat du 18 brumaire; lui-même ne pouvait
éprouver que de très-vagues pressentiments
de sa grandeur future, et la bohémienne égyp-
tienne ne lui avait pas encore dit, en étudiant
les lignes de sa main : • Macbeth, tu seras
roi. » Tout ce qu'on peut affirmer, c'est que
quelque chose de mystérieux et d'indéfinissa-
ble l'entraînait vers l'Orient, et l'on sait que,
sur la terre des Pharaons, ces aspirations ne
l'avaient pas encore abandonné. Les pièces
officielles que nous venons de citer démon-
trent que Bonaparte espérait passer en Tur-
quie avec l'autorisation du gouvernement et
pour servir encore, la France d'une manière
indirecte.
Les apostilles citées plus haut prouvent
3
ue les représentants patriotes voulaient évi-
emrnent trouver pour le jeune général une
position qui lui convînt, et ne pas le laisser
porter à l'étranger une capacité qu'ils pres-
sentaient qu'on aurait prochainement l'occa-
sion d'employer plus directement au service
de la France.
Les choses en étaient là de la mission de
Bonaparte à Constantinople, quand un grand
événement vint changer le cours de sa fortune
et décider de sa destinée.
La Convention nationale, qui, depuis sa réu-
nion (22 septembre 1792), avait gouverné la
France dans les circonstances les plus diffi-
ciles et les plus critiques avec une indomptable
énergie, et maintenu toujours haut et ferme
le drapeau de la République, venait d'ache-
ver son œuvre et de décréter la constitution
de l'an III, qui confiait le pouvoir exécutif à
un directoire composé de cinq membres, et
l'élaboration,des lois à deux conseils, le con-
seil des Cinq-Cents et le conseil des Anciens.
Cette constitution venait d'être soumise à
l'acceptation du peuple réuni en assemblées
primaires, et le 2 vendémiaire an IV (S3 sep-
tembre 1795), après le recensement général
des votes, on avait proclamé dans Paris l'ac-
ceptation de la constitution et des lois addi-
tionnelles par la majorité des assemblées pri-
maires de la République.
Cependant le parti royaliste, qui voyait le
régime républicain s'affirmer de plus en plus,
s'agitait dans Paris; il s'était fortifié des mé-
contents de toutes les couleurs. On déclamait
surtout dans les sections contre celle des lois
additionnelles qui, pour rendre plus facile le
passage du gouvernement conventionnel au
gouvernement constitutionnel de la Républi-
que, établissait que les deux tiers de la légis-
lature nouvelle seraient composés des mem-
bres sortants de la Convention, et que les
assemblées électorales des'départements n'au-
raient en conséquence a nommer, pour la pre-
mière fois, qu'un tiers seulement de la nou-
velle législature. Des orateurs forcenés ,
cachant leurs projets sous un masque répu-
blicain, s'animaient à la lutte. La garde na-
tionale était en partie acquise à ce plan, que
la presse royaliste soutenait de ses violences
accoutumées : il s'agissait en réalité d'atta-
quer la Convention et de la dissoudre avant
qu'elle eût achevé d'établir un gouvernement
républicain régulier.
Dans ces sections brillait alors un homme
qui, après le 9 thermidor, s'était empressé de
publier un journal intitulé le Républicain
français^ titre à l'abri duquel, comme il s'en
est vanté depuis, il travaillait à la ruine de la
République ; nous voulons parler de M. Ch.
Lacretelle. • Ce titre nous déplaisait un peu,
disait-il plus tard avec une franchise presque
cynique ; mais, depuis le 10 août, il ne pa-
raiss.aitdejournaux qu'avec cet indispensable
passe-port. » Jouer carrément sa tête, a l'exem-
ple de Camille Desmoulins, ou même comme
les rédacteurs des Actes des Apôtres, allons'
donc! C'est bon pour les hommes honnêtes
qui ont la niaiserie de croire que leurs opi-
nions doivent refléter la couleur du drapeau
qu'ils arborent. Les royalistes d'alors étaient
beaucoup plus habiles: ilsminaienten eajohmt.
Aussi toutes leurs espérances s'étaient-elles
réveillées, et ils mettaient tout en œuvre
pour discréditer le gouvernement. Un de leurs
grands moyens contre-révolutionnaires était
à ce moment de présenter comme un acte
d'égoïsme, comme un acte d'usurpation la loi
organique des deux tiers. Les fondateurs de
la République qui ne voulaient pas abandonner
celle-ci aux mains des royalistes étaient honnis,
et, comme on se croyaitmaltre du mouvement
contre-révolutionnaire, on était devenu inso-
lent. Les royalistes relevaient partout la tète.
Ah 1 nous avons le droit de pétition, se disaient-
ils, usons-en, abusons-en contre cette loi qui
nous gêne ; que nous importe qu'elle ait reçu
la sanction régulière de la majorité du peuple
français ?
L'instigateur, le promoteur ardent de ce
dernier moyen de frapper l'esprit public,
M. Charles Lacretelle, fut chargé de présenter
une de ces pétitions à la barre de la Conven-
tion, comme c'était l'usage alors; ce n'était
pas une pétition, mais une sorte d'injonction
impérieuse.une audacieuse menace. Une insur-
rection armée des sections de Paris, où les roya-
listes avaient pris le dessus par leurs sourdes
et habiles menées, se cachait au fond de ces
incroyables paroles, qu'une assemblée souve-
raine ne pouvait, ne devait pas souffrir; la
Convention n'avait plus qu'à pourvoir à sa
défense. Il fallait d'abord dissoudre les sections
rebelles à une loi organique, qui avait reçu la
sanction du peuple tout entier.
Le 2 vendémiaire (24 septembre), les sec-
tions, menées , surmenées par des orateurs
véhéments entre lesquels se faisaient surtout
remarquer, par la violence de leur langage,
Charles Lacretelle et La Harpe, nommèrent
des députés pour former une assemblée cen-
trale de résistance aux décrets, et cela au
mépris de l'acceptation de la constitution et
des lois organiques par les assemblées pri-
maires; cette assemblée se réunit a l'Odéon.
La Convention, menacée, rendit, le 3 vendé-
miaire (25 septembre), un décret portant que
les citoyens de Paris étaient garants envers la
nation de l'inviolabilité de la représentation
nationale, et ordonnant que, en cas d'attentat
sur elle, le nouveau Corps législatif et le Di-
rectoir exécutif se réuniraient à Châlons-sur-
Marne.où ils rappelleraient pour leur défense
et leur sauve-garde les années de la Répu-
blique, décret .inséré au Moniteur du 7 vendé-
miaire an IV (29 septembre 1795). En même
temps, la Convention déclara illégale et in-
constitutionnelle l'assemblée de l'Odéon, et
ordonna à son comité de sûreté, générale de
la dissoudre par la force. Le 10 vendémiaire,
la force armée se porta à l'Odéon et exécuta
cet ordre; il ne lui fut opposé aucune résis-
tance; mais la réaction, qui avait préparé de
longue main une insurrection, ne se tint pas
pour battue. L'ordre qui avait fait fermer
l'Odéon devint le sujet des discours indignés
de MM. La Harpe et Lacretelle, surtout dans
la section Lepelïetier, qui tenait ses séances
au couvent des Filles-Saint-Thomas, qu'elle
avait transformé en une sorte de forteresse.
Dans la séance du 2 vendémiaire, Daunou
lut un rapport sur l'état des choses, et signala
l'attitude insurrectionnelle des sections en gé-
néral ; il terminait ainsi : « Représentants du
peuple, cette République, que les factieux me-
nacent dans son uerceau, votre premier devoir
est de la défendre. Tous ses ennemis se liguent
contre elle; appelez à son secours tous ses
amis. Le génie des dissensions civiles essaye
de verser au milieu du peuple tous ses poi-
sons... Représentants, ils se rassemblent, les
ennemis de la liberté; assemblons le bataillon
sacré. Les royalistes aiguisent leurs poignards ;
que les républicains préparent leurs boucliers.
Laissons aux malveillants l'affreuse initiative
de la guerre civile; mais s'ils osent ce qu'on
dît qu'ils méditent: si, continuant de résister
à vos lois, ils ont l'audace d'appuyer de leurs
armes des rassemblements séditieux, eh bien,
donnez le signal de la résistance à la rébellion 1
Qu'alors les sections fidèles viennent se ranger
autour de vous; que, du sein même des sec-
tions révoltées, la foule des bons citoyens ac-
coure. Patriotes de 17S9, hommes du M juillet,
vainqueurs du 10 août, victimes du 31 mai,
libérateurs du 9 thermidor, venez, placez-vous
dans les rangs des vainqueurs de Fleurus, de
ces soldats de la patrie, qui n'inspirent d'a-
larmes qu'aux soldats de l'Autriche et de
l'Angleterre; républicains innombrables, ve-
nez tous ; formez la légion toujours invincible;
et puisque les amis des rois l'exigent, donnez-
leur encore le spectacle d'un triomphe. »
C'est à la suite de ce chaleureux discours
que la Convention prit les mesures vigoureuses
qui seules pouvaient assurer son salut.
La section Lepelïetier, dont le chef-lieu,
comme nous venons de le dire, était au cou-
vent des Filles-Saint-Thomas, et où Ijacretelle
et La Harpe continuaient à pérorer contre
la Convention, était la plus animée, et appe-
lait les citoyens aux armes. Un décret de la
Convention ordonna que le lieu de ses séances
fût fermé, l'assemblée dissoute et la section
désarmée.
Le 12 vendémiaire (4 octobre), vers les huit
heures du soir, le général Menou, comman-
dant en chef l'armée de l'intérieur, accom-
pagné des représentants du peuple Delmas,
La Porte, Letourneur de la Manche, et de la
17Û division militaire, se rendit avec un corps
nombreux de troupes, composé d'infanterie, de
cavalerie et d'artillerie, au lieu des séances de
la section Lepelïetier pour y faire exécuter le
décret de la Convention. Celte petite armée
était entassée dans la rue Vivienne, à l'extré-
mité de laquelle se trouvait le couvent des
Filles-Saint-Thomas, sur remplacement même
où s'élève aujourd'hui la Bourse. Les sectîon-
naires occupaient les fenêtres des maisons de
cette rue. Plusieurs de leurs bataillons se for-
mèrent dans la cour du couvent, et la force
militaire que commandait le général Menou se
trouva compromise. Le comité de la section
s'était déclaré représentant du peuple souve-,
rain dans l'exercice de ses fonctions ; il refusa
d'obéir aux ordres de la Convention, et, après
une heure d'inutiles pourparlers, le général
Menou et les commissaires de la Convention
se retirèrent par une espèce de capitulation
sans avoir désarmé ni dissous ce rassemble-
ment, que la faiblesse de Menou enhardit. De-
meurée en quelque sorte victorieuse, la section
se constitua en permanence, envoya des dé-
putés aux autres sections qu'elle savait dis-
posées à la résistance, établit un comité
insurrectionnel, et arrêta, dans la nuit du 12 au
13 vendémiaire, l'organisation d'un mouve-
ment qui, dans ses prévisions, allait devenir
fatal à la Convention, car c'était là son but
principal.
Le général Bonaparte, encore employé au
comité topographique, était, ce soir-là, au
théâtre Feydeau avec un de ses amis, M. Ozun,
patriote, qui fut depuis élu membre du conseil
des Cinq-Cents, et nommé préfet de l'Ain sous
le Consulat. Au premier bruit qui se répandit
dans la salle d'une lutte engagée entre les
troupes de la Convention et les sectionnaires,
il sortit du théâtre avec son ami, et fut témoin
du singulier traité verbal que le général Menou
venait de conclure avec un certain Charles
Delalot, stipulant au nom des rebelles. Il se
dirigea en toute hâte vers la Convention, par
pure curiosité, pour juger de l'effet que produi-
rait sur elle la nouvelle de cet armistice ridi-
cule. Il la trouva en permanence, agitée, dé-
libérant en tumulte, mais énergique et fière. Il
sentit que c'était encore la représentation d'un
grand peuple. Diverses mesures furent pro-
posées, mais on alla au plus pressé, et on or-
donna l'arrestation et la mise en jugement du
général Menou. Bonaparte était loin de se
douter que ce serait lui qui le remplacerait le
lendemain, et assurerait le triomphe de la
grande Assemblée nationale.
Dans une crise aussi violente, les comités
de Salut public et de sûreté générale voulurent
concentrer davantage le pouvoir exécutif, et
ils le déléguèrent à une commission de cinq
membres, composée de Barras, Colombel,
Daunou, Letourneur et Merlin de Douai. Toute
la nuit, l'Assemblée resta en permanence, et,
le 13 vendémiaire, date à jamais mémorable,
à quatre heures et demie du matin, sur la pro-
position de Merlin de Douai, l'Assemblée dé-
féra au général de brigade Barras, représentant
du peuple et membre de la commission execu-
tive des Cinq, les fonctions de commandant
en chef de la force armée de Paris et de l'in-
térieur. Barras accepta; Delmas. La Porte et
Goupilleau de Fontenay lui furent adjoints.
(Voir le Moniteur du 15 vendémiaire an IV,
•7 octobre 1795; suite de la séance de nuit du
-12 au 13.)
A peine nommé, Barras comprit l'immense
responsabilité qui pesait sur lui ; de son énergie
n.
118
938 BONA
allaient dépendre le salut de la Convention et
le sort du gouvernement régulier de la Répu-
blique, qu'elle avait le devoir d'établir. Quoi
qu'on puisse penser de Barras, ce n'était ni un
royaliste ni un traître. Il sentait tout l'em-
barras de la situation, et se montrait inquiet.
Carnot, qu'il consulta, lui dit : « Je te con-
seille de t adjoindre un bon général qui agira
pendant que tu donneras des ordres. — Le-
quel ? — Il y en a trente là. — Nommes-en un.
— Brune, Verdier, Bonaparte. — Ah ! celui-ci,
je le connais, il a pris Toulon. — Qui sait, ré-
pliqua Carnot, s'il n'est pas destiné à prendre
le couvent des Filles-Saint-Thomas? »
La gaieté de Carnot devint communicative.
Barras s'engoue tout à coup du général Bona-
parte, et, sur cette indication vague, il l'envoie
chercher.
Bonaparte était resté toute la nuit au bu-
reau topographique du comité de Salut public,
auquel il était attaché. On n'eut pas de peine
à le trouver. Arrivé dans la salle de la com-
mission executive. Barras le prend par le bras,
l'attire vers un coin de la salle et lui demande
s'il veut accepter le commandement en second
sous lui. Bonaparte, confondu de la proposi-
tion, parait hésitant; il demande à tenir con-
seil avec lui-même. Barras lui donne trois
minutes. Bonaparte, debout et immobile, à
deux pas de Barras, pèse à la hâte les chances
de succès et de malheur; sa fihre révolution-
naire s'émeut; U voit la République sacrifiée
si les sections l'emportent, tous les fruits de
la Révolution perdus, le triomphe des étran-
gers, l'abaissement humiliant de la patrie; il
n'hésite plus. Il revient vivement à Barras,
et lui dit avec sa résolution accoutumée :
« Soit, j'accepte ; mais je vous préviens que
» si je tire l'épée, elle ne rentrera dans le
"fourreau que quand l'ordre sera rétabli,
» coûte que coûte. — C'est ainsi que je l'en-
» tends moi-même, lui dit Barras; c'est donc
» chose décidée.»
Il était cinq heures et demie du matin.
« Oui, reprit Bonaparte, ne perdons pas de
» temps; les minutes en ce moment sont des
» heures. L'activité seule peut nous rendre
» l'influence morale qu'un premier échec nous
» a fait perdre. »
Barras, dès que Bonaparte lui eut parlé
ainsi, poussa un long soupir d'allégement, et,
sous prétexte qu'il avait en lui une confiance
absolue, il se hâta de se mettre à l'écart en
l'investissant des pouvoirs les plus illimités,
et lui dit : « Maintenant vous voilà au fait au-
tant que moi, et la bride sur le cou; chargez-
vous de la partie militaire, je prends l'action
civile sur mon compte; mais, parbleul ne
vous avisez pas de recourir à moi, j'aurai
assez d'affaires de mon côté. »
Il présenta alors à la commission des Cinq
un jeune homme à la figure pâle et maigre, à
l'attitude modeste, presque embarrassée, mais
à l'œil étincelant d'expression, d'audace, d'in-
telligence et de génie, et qui devait s'appeler
un jour l'empereur Napoléon.
Le premier soin du jeune général fut d'aller
voir Menou, qui, arrêté, n'avait pas été encore
transféré à la prison militaire, et qui était re-
tenu dans une des salles du comité de Salut
public. En l'abordant, Bonaparte lui dit: «C'est
moi, général ; c'est Bonaparte qui vient causer
avec vous. Nous nous connaissons peu, cepen-
dant assez pour savoir réciproquement qui
nous sommes. » Le général Menou lui demanda
s'il était aussi prisonnier. « Quant à moi, ajouta-
t-il sans attendre la réponse, je suis un nou-
vel exemple de la justice des républiques;
je suis puni pour n'avoir pas voulu verser le
sang de mes concitoyens. »
Bonaparte lui répondit froidement, mais
sans sécheresse : « Vous avez eu tort, gé-
• néral, et grand tort dans cette circonstance ;
» ù y a des moments où il y a plus que de la
• faiblesse à ne pas frapper; les ménage-
» ments ne valent plus rien là où la révolte
» contre la loi est flagrante. »
Le général Menou, piqué de cette admoni-
tion et plus frappé de la différence de l'âge
que de l'espèce d'identité qu'il y avait entre
lui et Bonaparte, lui répondit assez brusque-
ment: «Je ne veux pas recommencer San terre
ou Henriot. Au reste, général, que le tribunal
qui doit méjuger et me condamner soit prêt,
me voilà à vos ordres, vous pouvez me con-
duire, a
L'esprit droit, ami de l'ordre, du général
Bonaparte se révèle ici tout entier, et ses sen-
timents sont d'autant moins suspects que
l'obéissance ne se pratiquait pas encore à son
profit. Républicain encore sincère, il avait
raison d'être sans ménagements pour ces re-
belles qui, obéissant à d'aveugles passions, à
des intérêts qui n'étaient pas même les leurs,
ne représentaient en définitive que la nuance
des émigrés, haletants d'impatience, de colère
et de haine aux portes de la France, et n'at-
tendait que l'occasion d'y rentrer pour y
exercer d'implacables vengeances. Cependant,
blessé d'avoir été pris pour ce qu'il n'était
f
as, il désabusa bien vite Menou, lui expliqua
objet de sa visite, et en obtint des renseigne-
ments qui faisaient honneur à la franchise du
pauvre Menou, mais dont l'insuffisance révé-
lait aussi la profonde incapacité.
Bonaparte, investi nominalement du com-
mandement en second, mais en fait du com-
mandement en chef, avec carte blanche, de
l'armée de Paris, prit, le 13 vendémiaire, à
six heures du matin, ses dispositions d'atta-
BONA
que contre les sectionnaires. Il appela à le
seconder les meilleurs officiers généraux de
la République alors à Paris, Verdier, Mont-
choisy, Brune, Berruyer, "Vachot, Duvigîer,
et jusqu'à son ancien général en chef Car-
teaux, qui jouissait d'une certaine popularité
dans la démocratie parisienne, et qui tous,
sous ses ordres, firent leur devoir.
Ses dispositions militaires furent savam-
ment combinées pour le succès de la journée,
et il n'oublia rien de ce qui pouvait l'assurer.
Donnant déjà un exemple de cette prévoyance
qui n'a jamais eu d'égale, U faisait distribuer
huit cents fusils aux membres de la Conven-
tion, dont il comptait faire un corps de ré-
serve, et il établit une ambulance sous les
galeries du palais, du côté du jardin.
L'artillerie de position était au camp des
Sablons. Il n'y avait aux Feuillants que quel-
ques pièces de 4, sans canonniers. Les maga-
sins de vivres étaient disséminés dans Pa-
ris. La section du Théâtre-Français, dirigée
par des royalistes, qui depuis s'en sont fait
honneur tout haut, avait des avant-postesjus-
qu'au Pont-Neuf, qu'elle avait barricadé.
Cependant il arrivait de tous côtés des rap-
ports faisant connaître que les sections se réu-
nissaient en armes et formaient leurs colon-
nes; le général Bonaparte disposa des troupes
pour défendre la Convention, et distribua au-
tour d'elle les moyens de défense. Il plaça des
canons aux Feuillants pour battre la rue
Saint-Honoré; il mit des pièces de 8 à tous
les débouchés, et, en cas de malheur, il plaça
des pièces de réserve pour exécuter un feu
de flanc sur la colonne qui aurait forcé un pas-
sage ; il laissa dans le Carrousel trois obusiers
pour foudroyer les maisons dont les rebelles
s'étaient emparés et d'où l'on tirait sur la
Convention.
Le signal de l'attaque partit de la rive
droite ; il était près de cinq neures. Le géné-
ral Danican, qui commandait les sections du
côté de la rue Saint-Honoré, envoya un par-
lementaire rue du Dauphin, où se tenaient Bo-
naparte et son état-major, avec ordre de dé- ;
clarer une dernière fois à la Convention les
volontés des sectionnaires. Bonaparte fit
conduire le parlementaire à la Convention, i
et, comme le temps se passait, Danican crut }
que son parlementaire avait été retenu ; il
ordonna alors la première décharge. C'est ce
qu'attendait Bonaparte pour agir, car il ne
voulait pas qu'il fût dit que le premier coup
de fusil avait été tiré par ceux qui défendaient
l'ordre et la liberté. L'engagement le plus
meurtrier eut lieu h Saint-Roch ; les section-
naires y perdirent environ cent hommes, qui
tombèrent sous la mitraille dont les cribla Bo-
naparte. Le reste s'enfuit alors en désordre.
Quant à la colonn» de la rive gauche, qui
s'avançait pour déboucher sur le quai Vol-
taire, prise de front et de flanc par les batte-
ries qu'avait établies Bonaparte, elle fut écra-
sée en un instant. Pendant deux heures encore
le général de la Convention fit tirer le canon
du côté du Pont-Neuf, mais à poudre seule-
ment et pour effrayer les sections, qui ne son-
geaient plus à la résistance. Sa rapidité d'ac-
tion et son énergie venaient de sauver cette
constitution, qu'il devait renverser lui-même
trois années plus tard.
a Parmi les morts, dit !• premier rapport
de Bonaparte, on reconnut partout des émi-
grés, des propriétaires et des nobles; parmi
ceux qui furent faits prisonniers, on trouva
que la plupart étaient des chouans de Char-
rette. »
La Convention, dans la plénitude de son
triomphe, tint une séance en quelque sorte
solennelle, comme pour célébrer sa victoire,
le 18 vendémiaire an IV (io octobre 1795).
« N'oubliez pas, dit à la tribune le repré-
sentant Frèron, n'oubliez pas que le généra!
d'artillerie Buonaparte, nommé dans la nuit
du'12 vendémiaire (4 octobre), pour rempla-
cer Menou, et qui n'a eu que la matinée
du 13 pour faire les dispositions savantes
dont vous avez vu les heureux effets, avait
été retiré de son arme pour le faire entrer
dans l'infanterie.
» Fondateurs de la République, tarderez-
vous plus longtemps à réparer les torts qu'en
votre nom on fait essuyer à un grand nombre
de ses défenseurs? •
Dans cette même séance du 18 vendémiaire
an IV, Barras, prenant la parole, dit :
« J'appellerai l'attention de la Convention
nationale sur le général Buona-Parte (son
nom est ainsi orthographié dans le Moniteur
et dans YAlmanach national). C'est à lui, c'est
à ses dispositions savantes et promptes qu'on
doit la défense de cette enceinte, autour de
laquelle il avait distribué des postes avec
beaucoup d'habileté.
» Je demande que la Convention confirme
la nomination de Buona-Parte à la place de
général en second de l'armée de l'intérieur. »
Cette proposition fut immédiatement décré-
tée sans discussion et comme acclamée.
Les suites du 13 vendémaire, du reste, n'eu-
rent rien de terrible. Il n'y avait eu qu'en-
viron deux cents tués ou blessés du côté des
sectionnaires, mais il n'y en avait eu guère
moins du côté des troupes conventionnelles.
C'est rue Saint-Honoré, aux portes de Saint-
Roch, qu'on recueillit la plupart des uns et des
autres après la canonnade et la vive fusillade
ordonnées par Bonaparte, qui rompit par là
toute résistance, abrégea la lutte, et en rendit
BONA
les conséquences moins désastreuses. Pendant
que les sectionnaires canonnés s'enfuyaient de
toutes parts, les blessés qu'ils avaient laissés,
surtout sur les marches de Saint-Roch et dans
les rues adjacentes, étaient apportés dans la
salle des séances de la Convention et dans
les pièces contigues, où ils étaient pansés par
des femmes, au milieu des fusils, des giber-
nes et des cartouches que le général Bona-
parte y avait fait apporter ; car il avait résolu
de vaincre à tout prix, même s'il avait d'abord
subi un échec. Après la victoirej bien qu'on
eût institué des commissions militaires pour
juger ceux qui avaient pris part à la révolte,
on alla jusqu'à faciliter l'évasion des person-
nages les plus compromis; ils furent seule-
ment poursuivis par contumace ; et, ainsi que
le dit, dans son Histoire du xvuie siècle, Ch.
Lacretelle, un des plus fougueux parmi ceux
qui avaient espéré faire triompher en ce jour
la cause de la royauté : n Au bout de vingt
jours, plusieurs hommes d'un nom célèbre, et
qui venaient d'être condamnés à mort, ren-
trèrent dans Paris et s'y montrèrent ouverte-
ment ; » à plus forte raison épargna-t-on ceux
qui, comme le général Menou, n avaient favo-
risé la révolte des sections que par faiblesse
ou incapacité.
Celui-ci, mis en jugement le 30 vendémiaire
(22 octobre), fut acquitté le il brumaire
(2 novembre) par le conseil de guerre, que
présidait le général Loyson, sur les démarches
déjà influentes du général Bonaparte, lequel
disait hautement que si le général Menou
méritait la mort pour avoir parlementé avec
la section Lepelletier, les représentants qui
l'accompagnaient la méritaient aussi. Les
autres furent définitivement couverts, quel-
ques mois après, par une amnistie générale,
amnistie que sollicita Daunou au conseil des
Cinq-Cents.
Les historiens de la Révolution n'ont pas
assez insisté sur la conspiration royaliste dé-
jouée par le 13 vendémiaire, conspiration qui
comptait des agents au sein de la Convention
même. De ce nombre étaient certainement
Rovère, Saladin, Aubry. Les deux premiers,
traîtres avérés, compromis par une corres-
pondance lue à la Convention par Louvet,
furentarrêtés. Aubry fut oublié. Aleur grande
satisfaction, une disette qui survint dans l'in-
tervalle où le général Bonaparte commanda
en second l'armée de l'intérieur (du 5 au 26
octobre 1795), vînt mettre-le comble à leurs
espérances, en paraissant devoir servir les
arrière-pensées qu'ils nourrissaient encore.
Des attroupements populaires, comme il ar-
rive naturellement quand le pain manque,
avaient Heu à la porte des boulangers. La
contre-révolution tirait parti de tout contre
les conventionnels ; ils étaient cause de la
disette; c'était l'armée, c'étaient les gouver-
nants qui absorbaient tout. Un jour où les
boulangers avaient manqué de farine pour une
fabrication suffisante de pain, un attroupe-
ment considérable se porta au-devant du gé-
néral Bonaparte, qui passait par hasard avec
une partie de son état-major. Des hommes,
des femmes surtout, criant à tue-tête, l'en-
tourèrent, demandant du pain à grands cris.
Les femmes se faisaient remarquer par leur
exaspération. Le rassemblement ne tarda pas
à devenir menaçant. On ne pouvait user du
sabre contre ce genre d'adversaires ; heureu-
sement, un incident, ou plutôt un mot de
Bonaparte le tira d'affaire, lui et son état-
major. Une femme, monstrueusement grosso
et grasse, vociférait avec violence, criant plus
haut que les autres, gesticulant comme une
énergumene. Elle apostropha directement
le groupe d'officiers qui accompagnait Bo-
naparte. « Tout ce tas û'ëpauletiers, disait-
elle, se moque indéfiniment de nous; pourvu
qu'ils mangent et qu'ils s'engraissent bien, il
leur est fort égal que le pauvre peuple meure
de fainî. » Sur quoi Bonaparte l'interpellant :
« La bonne, regardez-moi bien, lui dit-il; le-
quel est le plus gras de nous deux? » On sait
a quel point le général était maigre alors;
lui-même disait plus tard : « Je ressemblais
à un véritable parchemin. » Ce mot égaya la
foule, et l'attroupement se dispersa sur-le-
champ : on avait ri, on était désarmé.
Un fait plus important dans la vie de Bo-
naparte devait marquer les premiers jours de
son commandement en second de l'année dé
l'intérieur. C'est dans cefinîervalle si court
(21 jours) que le jeune général eut occasion de
connaître une femme qui a eu une grande in-
fluence sur la destinée de cet homme extra-
ordinaire, M
m e
veuve de Beauharnais. Voici
comment il la connut :
On venait d'exécuter le désarmement géné-
ral des sections. Les perquisitions avaient été
opérées avec tant de rigueur dans les maisons
qu'aucune arme n'y était restée. Un matin on
introduisit chez le général Bonaparte un en-
fant de quinze uns, quiyenait réclamer l'épée
de son père, général de la République, mort
sur l'échafaud le 23 juillet 1794. Cet enfant
était Eugène de Beauharnais. Sa naïveté
pieuse, son enthousiasme, sa simplicité, tou-
chèrent le général; il fit rechercher et lui
rendit l'arme de son père. A cette vue, l'en-
fant se mit à pleurer. Bonaparte lui parla avec
douceur, et le fils pieux s'en retourna pénétré
de la bienveillance qu'on lui avait témoignée;
si bien que M
m
<* veuve de Beauharnais se crut
obligée de venir le lendemain lui faire une
visite de remercîment.
Bonaparte fut frappé de la distinction, de
BONA
l'élégance des manières de la mère de cet en-
fant, qu'il avait, vu la veille pleurant. Elle
avait,à cequetous ceuxqui l'ontconnue s'ac-
cordent à dire, une physionomie expressive,
attrayante, pleine de douceur, et qui était son
principal charme. Toujours est-il qu'elle fit
une grande impression sur le jeune général,
et que cette impression ne resta pas sans
conséquences.
Nous allons donner ici le portrait de cette
femme, dont le nom est resté si profondément
gravé dans la mémoire du peuple. Elle était
d'une figure angélique, pleine de bonté ;
d'une taille moyenne, mais modelée avec
une rare perfection, elle montrait dans tous
ses mouvements une souplesse, une légèreté
incroyables; sa démarche respirait la ma-
jesté; sa physionomie était expressive, sa
douceur charmante. Les yeux, bleu foncé, à
demi fermés par de longues paupières légè-
rement arquées, entourés .des plus beaux cils
du monde, reflétaient son âme tout entière.
Quoique son aspect fût imposant, il semblait
que la sévérité lui fût impossible. Elle avait
des cheveux longs, blonds, soyeux, le teint
châtain clair, la peau éblouissante de finesse
et de fraîcheur, un son de voix si ravissant
qu'on éprouvait du plaisir à l'entendre ; quand
on l'écoutait et qu'on la voyait parler, il fal-
lait faire un effort pour cesser de la regarder.
D'une beauté peut-être moins achevée que
Mines Tallien et Récainier, ses amies, elle of-
frait dans tout l'ensemble plus de charme et
plus de séduction.
Le lendemain, Bonaparte se présenta à son
tour chez M'"c de Beauharnais. Une heure
après, il ne voyait qu'elle, il l'aimait avec cette
ardeur qu'il mettait à tout. Il passa, dès ce
moment, toutes ses soirées chez elle, quand
elle recevait a Paris, ou à Chailiot, chez le gé-
néral Barras, qui, comme on l'a dit, « faisant
en grand seigneur les honneurs de la Répu-
blique, » recevait la plus brillante compagnie
de tout Paris.
La figure expressive, et qu'on n'oubliait
plus quand on l'avait vue une seule fois, du
jeune et frêle général Bonaparte
?
ce je ne sais
quoi de grave, de grand et d'imposant qui
était le caractère particulier de sa physiono-
mie d'alors, tout cela frappa, disons le mot.
bouleversa Joséphine. Elle ne put dissimuler
l'impression que cet homme singulier, comme
elle l'appelle elle-même dans une très-intéres-
sante lettre qu'on lira tout à l'heure, avait
faite sur elle. Elle en eut le cœur troublé. La
bienveillance avec laquelle il avait accueilli
le jeune Eugène, la vivacité de sa conversa-
tion, la forme même de ce visage républicain,
ferme, sévère, simple et noble tout ensemble;
d'une beauté si particulière qu'aucun artiste
n'eût su le modeler sur l'antique mieux que ne
Tavait fait la nature ; le feu, l'esprit qu'il ap;
portait dans la conversation, tout cela occupait
M'°« de Beauharnais, la remplissait d'une
admiration et d'un sentiment vague et mal
défini qu'elle n'eût jamais nommé d'elle-même
de son vrai nom, si Bonaparte ne l'y eût
aidée et en quelque sorte entraînée. C'était
bien certainement de l'amour, mais un amour
peureux, timide, craintif. M
m e
de Beauhar-
nais se dissimulait ou voulait étouffer ce sen-
timent; elle se trouvait trop peu jeune pour
ce jeune homme. Mais ce jeune homme l'avait
trop frappée pour qu'elle pût l'oublier. Dès
le premier jour où elle l'eut vu, elle en parla
avec une telle chaleur, une si grande vivacité
d'expressions, que le trouble de cœur que Bo-
naparte avait produit en elle se montra dans
ses discours; il ne put échapper aux veux
clairvoyants de M">« Tallien, qui l'en plaisan-
tait gaiement; l'idée d'un mariage vint d'elle-
même : on en parla d'abord de part et d'autre
en se jouant; puis l'idée mûrit et se réalisa.
Barras n'avait pas été des derniers à lire
dans les yeux de son protégé le secret de cet.
amour; mais après que Bonaparte lui-même,
3
ui d'abord l'avait tenu sévèrement renfermé
ans son cœur, l'en eut laissé échapper. L'i-
dée de ce mariage ne paraît avoir pris de la
consistance que dans les derniers mois de
1795, lorsque déjà Barras songeait à faire don-
ner à. Bonaparte le commandement en chef de
l'armée d'Italie , comme nous le verrons tout
à l'heure. Mais laissons les faits se produire
dans leur ordre naturel.
Bonaparte, commandant en second l'armée
de l'intérieur, avait son quartier général rue
Ncuve-des-Capucines, dans l'hôtel, aujour-
d'hui démoli, où l'on a établi'depuis lis Ar-
chives des affaires étrangères. C'est là qu'af-
fluèrent ses anciens amis, et qu'il recevait ses
connaissances, mais le matin seulement. Déjà
il avait une sorte de cour. Le reste du jour
était consacré à expédier les affaires et à
pourvoir avec vigilance à la sûreté de Paris,
qu'il parcourait souvent avec son état-major;
car tout n'était pas fait : les factions s'agi-
taient encore, et les ennemis de la République
espéraient vaguement que le passage du gou-
vernement dictatorial et révolutionnaire de la
Convention au gouvernement constitutionnel
de la République ne s'opérerait pas tranquil-
lement.
Bonaparte, dans ces moments difficiles,
s'acquitta de ses devoirs avec zèle, et quand,
le 4 brumaire an IV (26 octobre 1795), Barras,
qui aspirait à être nommé l'un des cinq mem-
bres du Directoire exécutif, eut donné à plu-
sieurs reprises sa démission de commandant
en chef de l'armée de l'intérieur, que la Con-
vention nationale n'accepta qu'avec peine, h
BONA BONA
BONA
ËONA 930
raison des services qu'il avait rendus, un ar-
rêté du comité de Salut public, daté du même
jour, nomma le citoyen Bonaparte aux fonc-
tions de général en chef de l'armée de l'inté-
rieur, en remplacement du citoyen Barras,
dont la démission était enfin acceptée.
La correspondance de ces premiers jours
a un caractère remarquable. Les billets que
s'écrivirent en ce temps le général et Mme de
Beauharnais ne portent malheureusement ni
date de mois ni date d'année, et il faut un
certain effort d'induction pour leur en assigner
une approximative. Nous ne parlons que du
mois et du jour; car il n'y a nul doute sur
l'année : ils sont tous de la fin de 1795. Il avait
été évidemment question entre M
m
e de Beau-
harnais et Barras d'un grand poste pour le gé-
néral Bonaparte, plus spécialement du com-
mandement en chef de 1 armée d'Italie, où le
Directoire avait l'intention de frapper un
grand coup contre l'Autriche.
Ce ne peut donc être qu'au mois de décem-
bre 1795 ou au mois de janvier 1796 que José-
phine adressa à Bonaparte le billet suivant,
daté probablement du 6 brumaire an IV :
« Vous" ne venez plus voir une amie qui
vous aime; vous l'avez tout a fait délaissée;
vous avez bien tort, car elle vous est tendre-
ment attachée.
n Venez , demain septidi, déjeuner avec
moi ; j'ai besoin de vouy voir et de causer
avec vous sur vos intérêts.
» Bonsoir, mon ami, je vous embrasse.
» V
p
- BEAUHARNAIS. »
En acceptant son invitation, Bonaparte lui
envoya, le soir même, le billet suivant :
« Je ne conçois pas ce qui a pu donner lieu
• à votre lettre. Je vous prie de me faire le
o plaisir de croire que personne ne désire au-
n tant votre amitié que moi et n'est plus prêt
» que moi à faire quelque chose qui puisse le
» prouver. Si mes occupations me l'avaient
• permis, je serais venu moi-même porter
• ma lettre.
• BUONAPARTE. »
Ce billet, griffonné comme à l'ordinaire par
Bonaparte, portait pour date 28 , vendredi.
Dans sa précipitation, il l'avait daté en vieux
style, et non 28 vendent , c'est-à-dire ven-
démiaire , comme on serait porté d'abord à
lire, mais 28 vendre... Or le 28 octobre 1795,
o,ui était un vendredi, correspond précisément
à « ce 6 brumaire » que nous avons assigné
pour date au billet de Mme ye Beauharnais.
Cependant, le Directoire n'était pas encore
nommé, et la Convention procéda au choix des
cinq citoyens pris dans son sein qui devaient
le composer.
Ces cinq hommes étaient assurément de sin-
cères républicains ; mais Bonaparte et les têtes
politiques du temps n'augurèrent pas favora-
blement du personnel du Directoire. La Ré-
veillère était un honnête homme, mais il avait
f
»eu de portée dans les idées. Barras, malgré
es services réels qu'il avait rendus constam-
ment à la cause républicaine, avait les mœurs
d'un grand seigneur de l'ancien régime; Rew-
bel et Letourneur n'avaient montré à la Con-
vention qu'un zèle peu éclairé. Carnot seul
avait déployé une grande capacité dans les
affaires de la guerre et'dans l'organisation des
quatorze années de la République aux épo-
ques les plus difficiles; il avait été, comme
on l'a dit, Vorganisateur de la victoire ; savant
de premier ordre, citoyen intègre, il était in-
vesti de la confiance générale à cause de sa
probité et de ses mœurs austères; mais ce
n'était point une tête politique. Bonaparte ne
fut pas le seul à craindre que le pouvoir qui
leur était confié ne manquât entre leurs mains
de l'homogénéité de vues et de l'ascendant
moral nécessaires en présence des factions
mal éteintes et de l'esprit de sourde contre-
révolution soigneusement entretenu par les
royalistes du dedans et du dehors ; mais c'était,
après tout, un pouvoir de la part duquel la
République n'avait pas à craindre de trahison.
Aussi Bonaparte résolut-il de le servir de
toutes ses facultés.
Barras, son ami politique, son protecteur,
pour appeler franchement les choses par leur
nom, était donc membre du Directoire, et Bo-
naparte commandant en chef de l'armée de
l'intérieur.
Toujours préoccupé de l'Italie, il en parlait
sans cesse; là se déployait pour lui le champ
de bataille où la République française devait se
faire reconnaître du monde, et frapper son
premier ennemi l'Autriche. Le 29 nivôse an IV
(19 janvier 1796), U rédigea et signa un projet
d'attaque comme il savait les faire, intitulé :
.Note sur l'armée d'Italie. C'était le troisième
travail consacré par lui à cette Italie, vers
laquelle tendaient toutes ses aspirations, qu'il
avait pour ainsi dire toujours en tête.
Il adressa ce projet au général Aubert du
Bayet, qui avait été nommé ministre de la
guerre le 5 novembre 1795, et qui en garda le
portefeuille jusqu'au moment où il passa à
l'ambassade de Constantinople, à laquelle il fut
envoyé en vue, précisément^ d'après les plans
de Bonaparte, de favoriser ainsi indirectement
la campagne d'Italie alors décidée. C'était
un homme d'esprit et un loyal officier, qui ap-
précia ce projet et le recommanda au Direc-
toire. Aussi le lui rappela-t-il avec orgueil
dans une lettre de Constantinople, du 14 ther-
midor an V ( l " août 1797) : «Il doit sans doute
m'être permis de me glorifier de vos exploits,
d'abord comme citoyen français, ensuite
comme ministre qui sut vous apprécier, long-
temps avant votre gloire, auprès du Direc-
toire exécutif, u On sait que le général Aubert
du Bayet trouva, comme on l'avait prévu, le
Grand Seigneur très-sympathique à la France
et très-hostile au cabinet de Vienne. Dans l'au-
dience qu'il en obtint, et où il lui présenta une
compagnie d'artillerie, alors dénommée vo-
lante, le général Aubert du Bayet lui ayant
notifié l'avènement du Directoire exécutif :
« Au moins celui-là n'épousera pas une archi-
duchesse d'Autriche, » s'écria spirituellement
le sultan Sélim III, qui avait attribué tous les
désastres de Louis XVI à son mariage avec
Marie-Antoinette.
C'est le 23 février 1796 (4 ventôse an IV),
que le général Bonaparte, commandant en
chef de l'armée de l'intérieur, fut nommé au
commandement en chef de l'armée d'Italie en
remplacement du général Scbérer.
Cette nomination était certainement due, en
grande partie du moins, à Barras. Elle entrait
dans ses plans politiques, et aussi dans ses
plans particuliers , disons-le sans commen-
taire. Il considérait Bonaparte comme sa créa-
ture depuis le 13 vendémiaire; il avait reconnu
sa grande capacité militaire, et il avait con-
fiance dans le succès des entreprises du jeune
général. Il comptait se faire un glorieux ap-
pui de ses victoires futures pour sa propre
gloire, ou au moins pour le maintien de son
crédit dans la République. En ce sens, on peut
dire que Bonaparte fut son œuvre. Mais tout
concourait à lui rendre cette œuvre facile, et,
par-dessus tout, le mérite transcendant de
l'homme qu'il protégeait. On peut faire hon-
neur à Barras cependant d'avoir su deviner,
par ce qu'il avait fait, ce qu'il pourrait faire,
et dans le jeune officier général du 13 vendé-
miaire le général en chef de l'armée d'Italie.
Toutefois, il n'était pas le seul qui eût démêlé
en Bonaparte un homme extraordinaire et le
futur conquérant de l'Italie : Carnot avait été
E
our quelque chose dans sa nomination. Quand
Î Directoire délibéra pour trouver un suc-
cesseur à Schérer, qui avait laissé languir
l'armée d'Italie dans les Alpes, plusieurs gé-
néraux furent proposés : Bonaparte, Berna-
dotte et Championnet furent seuls mis en ba-
lance. Barras, Carnot et La Réveillère se
prononcèrent sur-le-champ pour Bonaparte;
Letourneur, qui penchait pour Bernadotte, et
Rewbell pour Championnet, ne soutinrent leur
candidat que faiblement, et se joignirent à
leurs collègues après une courte discussion.
Ce ne fut même point Barras qui, le pre-
mier, proposa Bonaparte pour ce commande-
ment si important, bien qu'il désirât vivement
l'en voir investir; ce fut Carnot. Barras n'i-
gnorait pas l'estime de celui-ci pour les rares
qualités militaires de Bonaparte; il lui laissa le
soin de les faire valoir. Lorsque le 18 fructi-
dor eut englobé injustement Carnot parmi.les
victimes innocentes de cette journée, d'ailleurs
nécessaire au salut de la République, Carnot,
attribuant sa disgrâce imméritée a la rivalité
de Barras, déclara nettement dans sa réponse
au rapportde Bailleul, qui l'incriminait, la part
qu'il avait prise à la nomination de Bona-
parte. « Il n'est point vrai, dit-il dans cet
écrit, que ce soit Barras qui ait proposé Bona-
parte pour le commandement de l'armée d'Ita-
lie; c'est moi-même. Mais sur cela on a laissé
filer le temps pour savoir comment il réussi-
rait; et ce n'est que parmi ses intimes que
Barras se vanta d avoir été l'auteur de sa pro-
position au Directoire. Si Bonaparte eût échoué,
c'est moi qui étais le coupable:j'avais proposé
un jeune homme sans expérience, un intri-
gant; j'avais évidemment trahi la patrie; les
autres ne se mêlant point de la guerre, c'était
sur moi que devait tomber toute la responsa-
bilité. Bonaparte est triomphant : alors c'est
Barras qui l'a fait nommer, c'est à lui qu'on en
a l'obligation ; il est son protecteur, son dé-
fenseur contre mes attaques ; moi, je suis ja-
loux de Bonaparte; je le traverse dans tous
ses desseins, je le persécute, je le dénigre, je
lui refuse tout secours, je veux évidemment
le perdre. Telles sont les ordures dont on rem-
plit dans le temps les journaux vendus à Bar-
ras. »
Voilà, certes, de curieuses révélations, et
elles expliquent cette sorte de respectueuse
estime que Napoléon professa toujours pour
Carnot, en dépit de l'antipathie que lui inspi-
rait d'ailleurs la sévérité de ses principes, à
lui, dont le républicanisme avait fait si com-
plètement naufrage dans la tempête du 18 bru-
maire.
C'est ainsi que Napoléon, qui regrettait
qu'une si haute individualité échappât à son
action, lui disait un jour : « Monsieur Carnot,
tout ce que vous voudrez, quand vous vou-
drez et comme vous voudrez. » L'honnête et
inflexible républicain s'était retiré sous
t
sa
tente, et il y resta pendant toute l'épopée im-
périale. Mais l'admiration, on peut dire l'affec-
tion qu'il avait conçue pour le héros de ven-
démiaire, était encore si vivace en 1814, à
l'heure des revers, qu'il n'hésita pas à offrir au
vaincu de l'Europe coalisée son bras sexagé-
naire.
Sorti du Directoire par une crise, dans la-
quelle il eut Barras pour adversaire, Carnot
met dans ses récriminations contre Barras
beaucoup d'amertume ; mais là n'est pas pour
nous l'intérêt du. passage que nous venons
de rapporter; il réside en ceci que Carnot
fut pour beaucoup dans cette nomination,
dont résulta la rapide et magnifique campagne
d'Italie, et c'est, comme on le voit par le pas-
sage que nous venons de citer, un honneur
dont lui-même, à juste titre, ne voulait pas
qu'on le dépouillât.
La nomination de Bonaparte à ce comman-
dement est du 4 ventôse an IV (23 février
1796); mais, avant qu'elle fût annoncée offi-
ciellement, le général, amoureux de José-
phine, avait demandé sa main et l'accablait
des plus vives instances pour qu'elle ne s'ar-
rêtât à aucune des considérations qui parais-
saient la faire hésiter. Quant à lui, il ne faisait
aucun mystère ni de sa passion ni de son dé-
sir de se marier avec Mme veuve Beauhar-
nais; il en parlait fréquemment à Barras. Un
jour que celui-ci tenait entre ses mains le pro-
jet de campagne intitulé : Note sur l'armée
d'Italie, le directeur dit au général : "Voilà le
présage de nombreuses victoires et d'une
belle conquête. — Pour moi, répondit Bo-
naparte, il ne m'en faut qu'une : celle du cœur
de la citoyenne Beauharnais. — Vous l'avez
faite, général, je le sais,» reprit Barras. Dès ce
moment, il fut plus question que jamais du
mariage de Bonaparte avec Joséphine, et de
traduire en un acte officiel ce qui jusque-là
n'avait été que dans les.vœux de l'un et de
l'autre.
On a de ce temps une longue et singulière
lettre de Joséphine, sans date, mais proba-
blement de janvier 1796, adressée à une de
ses amies, dont on ignore le nom, parce
que cette lettre, ayant évidemment été en-
voyée à la destinataire sous enveloppe, celle-
ci s'est perdue. L'autographe seul a échappé;
en voici la copie textuelle. Cette lettre accuse
bien des faiblesses et des incertitudes de cœur et
d'esprit dans cette douce et excellente femme,
qui devait devenir impératrice des Français.
L'accent en est triste et touchant, et l'on y
sent, au fond, je ne sais quoi de, doulou-
reux : Sunt lacrymœ rerum. La préoccupa-
tion de l'âge semble surtout la tenir en sus-
pens :
« On veut que je me remarie, ma chère
• amie. Tous mes amis me le conseillent, ma
n tante me l'ordonne presque, et mes enfants
» m'en prient. Pourquoi n'êtes-vous pas là
» pour me donner vos avis dans cette impor-
n tante circonstance, pour me persuader que
» je ne puis refuser cette union, qui doit faire
» cesser la gêne de ma position actuelle?
» Votre amitié, dont j'ai déjà eu tant à me
» louer, vous rendrait clairvoyante pour mes
» intérêts, et je me déciderais sans balancer
» dès que vous auriez parlé.
» Vous avez vu chez moi le général Buona-
» parte. Eh bien, c'est lui qui veut servir de
» père aux orphelins d'Alexandre de Beau-
D harnais, d'époux à sa veuve!
» L'aimez-vous? allez-vous me demander.'
« — Mais... non. — Vous avez donc pour lui
» de l'éloignement? — Non ; mais je me trouve
» dans un état de tiédeur qui me déplaît, et
» que les dévots trouvent plus fâcheux que
» tout en fait de religion. L amour étant une
» espèce de culte, il faudrait aussi, avec lui,
» se trouver toute différente de ce que je suis ;
• et voilà pourquoi je voudrais vos conseils,
» qui fixeraient les irrésolutions de mon ca-
» ractère faible. Prendre un parti a toujours
» paru fatigant à ma créole nonchalance, qui
» trouve infiniment plus commode de suivre
• la volonté des autres.
» J'admire le courage du général, l'étendue
» de ses connaissances en toutes choses, dont
» il parle également bien, la vivacité de son
» esprit, qui lui fait comprendre^ la pensée des
» autres presque avant qu'elle ait été expri-
» mée; mais je suis enrayée, je l'avoue,
» de 1 empire qu'il semble vouloir exercer
» sur tout ce qui l'entoure. Son regard scruta-
it teur a quelque chose de singulier qui ne
» s'explique pas, mais qui impose même a
» nos directeurs : jugez s il doit intimider une
» femme! Enfin, ce qui devrait me plaire, la
» force d'une passion dont il parle avec une
» énergie qui ne me permet pas de douter de
» sa sincérité, est précisément ce qui arrête le
» consentement que je suis souvent prête à
» donner.
» Ayant passé la première jeunesse, puis-je
» espérer de conserver longtemps cette ten-
» dresse violente, qui, chez le général, res-
» semble à un accès de délire? Si, lorsque
» nous serons unis, il cessait de m'aimer, ne
n me reprochera-t-il pas ce qu'il aura fait
B pour moi? ne regrettera-t-il pas un mariage
B plus brillant qu'il aurait pu contracter? Que
» rèpondrai-je alors? que terai-je? je pleure-
» rai. — La belle ressource! vous écriez-
B vous. — Mon Dieu, je sais que cela ne sert
» à rien ; mais, dans tous les temps, c'est la
» seule ressource que j'aie trouvée lorsque
» l'on blessait mon pauvre cœur, si aisé à frois-
» ser. Ecrivez-moi promptement, et ne crai-
» gnez pas de me gronder si vous trouvez que
» j'aie tort. Vous savez que, venant de vous,
B tout est bien reçu.
B Barras assure que, si j'épouse le général,
• il lui fera obtenir le commandement en chef
» de Varmée d'Italie. Hier Buonaparte, en me
B parlant de cette faveur qui fait déjà mur-
» murer ses frères d'armes, quoiqu'elle ne soit
D pas encore accordée: Croient-ils, me disait-
» il, que j'aie besoin de protection pour parve-
B nir? Ils seront tous trop heureux, un jour,
v que je veuille bien leur accorder la mienne.
» Mon épée est à mon côté, et, avec elle, j'irai
B loin.
» Que dites-vous de cette certitude de réus-
; » sir? N'est-elle pas une preuve d'une con-
] D fiance provenant d'un amour-propre excessif?
» Un général de brigade protéger les chefs du
» gouvernement ! Je ne sais, mais quelquefois
» cette assurance ridicule me gagne au point
a de me faire croire possible tout ce que
D cet homme singulier me mettrait dans la
D tête de-faire; et, avec son imagination, qui
» peut calculer ce qu'il entreprendrait?
} » Nous vous regrettons tous ici, et nous no
I » nous consolons de votre absence prolongée
» qu'en parlant de vous à tout instant, et en
\ » cherchant à vous suivre pas à pas dans le
» beau pays que vous parcourez. Si j'étais
» sûre de vous trouver en Italie, je me marie-
» rais demain, à condition de suivre le général ;
! » mais nous nous croiserions peut-être en
« route. Aussi je trouve plus prudent d'atten-
u dre votre réponse avant de me déterminer.
» Hâtez-la, et votre retour encore davan-
B tage.
» Madame Tallien me charge de vous dire
D qu'elle vous aime tendrement. Elle est tou-
D jours belle et bonne, n'employant son im-
» mense crédit qu'à obtenir des grâces pour
» les malheureux qui s'adressent à elle, et
» ajoutant à ce qu'elle accorde un air de sa-
it tisfaction qui lui donne l'air d'être l'obligée.
B Son amitié pour moi est ingénieuse et ten-
! » dre ; je vous assure que celle que j'éprouve
» pour elle ressemble à ce que j'ai pour
o vous : c'est vous donner l'idée de l'affection
B que je lui porte.
B Hortense devient de plus en plus aimable;
» sa charmante taille se développe, et, si je
» voulais, j'aurais une belle occasion de faire
» de fâcheuses réflexions sur ce maudit temps
, » qui n'embellit les uns qu'aux dépens des
I B autres I Heureusement, j'ai bien autre chose
: » en tête vraiment, et je glisse sur les idées
o noires pour ne m'occuper que d'un avenir
» qui promet d'être heureux, puisque nous
» serons bientôt réunies pour ne plus nous
» quitter. Sans ce mariage qui me tracasse,
B je serais fort gaie, en dépit de tout; mais
» tant qu'il sera a faire, je me tourmenterai.
» Je me suis fait l'habitude de souffrir, et si
» j'étais destinée à de nouveaux chagrins, je
B crois que je les supporterais, pourvu que
• mes enfants, ma tante et vous me restas-
» siez.
B Nous sommes convenues de supprimer les
» fins de lettres : adieu donc, mon amie. »
Ce n'est pas souvent que l'histoire est assez
heureuse pour mettre la main sur des pièces
aussi curieuses, aussi intéressantes ; cette
lettre nous fait prendre Bonaparte sur le vif,
et aucun historien n'a jamais exprimé d'une
façon plus saisissante et plus originale l'in-
fluence que cet homme extraordinaire exer-
çait sur tous ceux qui vivaient autour de liùU
sur ses supérieurs comme sur ses égaux ev
ses inférieurs. Pauvre femme, qui trouvait
ridicule l'ambition qu'il manifestait, de vouloir
f
irotéger ses camarades; si elle avait pu sou-
ever un simple coin du voile qui recouvrait
l'avenir, si elle avait pressenti ce que le génie
et la fortune réservaient au petit général
Bonaparte 1...
M"ie de Beauharnais, à la veille de devenu?
M
ni
c Bonaparte, était, on en conviendra, dans
une bien singulière et bien fâcheuse situation
d'esprit... Que d'hésitation! que de considéra-
tions de toute nature! Le mariage cepen-
dant ne tarda pas à être tout a fait arrêté, et,
avant le 23 février 1796, jour de la nomina-
tion du général au commandement en chef de
l'armée d'Italie, les publications légales en
furent faites à la mairie du II
e
arrondisse-
ment de Paris. En effet, nous voyons dans
l'acte de mariage, du 9 mars, que Bonaparte
n'est qualifié que de général en chef de l'ar-
mée de l'intérieur, parce qu'il ne pouvait
prendre que le titre qu'il avait au moment où
devaient commencer les publications légales
pour rendre possible l'acte de mariage du
0 mars. C'est un document curieux, que nous
avons voulu lire de nos propres yeux et col-
lationner de notre propre main.
Extrait du registre des actes de mariage de
ventôse an IV, II
e
arrondissement.
• Du 19 ventôse an IV de la République.
• (Mercredi, 9 mars 1796.)
» Acte de mariage de Napolione Buonaparte,
. général en chef de l'armée de l'intérieur, âge
de vingt-huit ans, né à Ajaccio, département
de la Cor;se, domicilié à Paris, rue d'Antin,
n° (le numéro est en blanc), nls de Charles
Buonaparte, rentier, et de Laetitia Ramolino,
,, • Et de Marie-Joséphine-Rose de Tascher,
âgée de vingt-huit ans, née à l'île Martinique,
dans les îles du Vent, domiciliée à Paris, rue
Chantereine, n»> (le chiffre est en blanc), fille de
Joseph-Gaspard de Tascher, capitaine de dra-
gons, et de Rose-Claire Des Vergers Desanois,
son épouse.
BMOÎ,
BMOÎ, Charles-François Leclerq, officier
public de l'état civil du deuxième arrondisse-
ment du canton de Paris, après avoir fait lec-
ture en présence des parties et témoins -* 1° de
l'acte de naissance de Napolione Buonaparte,
qui constate qu'il est né le cinq février mil
sept cent soixante-huit du légitime mariage
de Charles Buonaparte et de Lsetitia Ramolino ;
2« l'acte de naissance de Marie-Joséphine-
Rose De Tascher, qui constate qu'elle est née
le vingt-trois juin mil sept cent soixante-sept
du légitime mariage de Joseph Gaspard de
Tascher et de Rose-Claire Des Vergers Desa-
940 BONA
BONA
BOlNA BONA
nois ; vu l'extrait de décès d'Alexandre-
François-Marie Beauharnais, qui constate
qu'il est décédé le cinq thermidor an deux,
marié à Marie-Joséphine-Rose de Tascher ; vu
l'extrait des publications dudit mariage (Ju-
ment affiché le temps prescrit parla loi, sans
opposition; et après aussi que Napulione Buo-
naparte et Marie-Joséphine-Rose de Tascher
ont eu déclaré à haute voix se prendre mu-
tuellement pour époux, j'ai prononcé à haute
voix que Napolione Buonaparte et Marie-Jo-
séphine-Rose de Tascher sont unis en mariage.
Et ce en présence des témoins majeurs ci-
après nommés; savoir: Paul Barras, membre
du Directoire exécutif, domicilié au palais du
Luxembourg; Jean Lemarois, aide de camp
capitaine, domicilié rue des Capucines; Jean
Lambert Tallien, membre du Corps législa-
tif, domicilié à Chaillot; Etienne-Jacques-
Jérôme Calmelet, homme de loi, domicilié
rue de la place "Vendôme, 207; qui tous ont
signé avec les parties et moi après lecture
faite.
» Signé au registre: Napolione BUONA-
PARTE; M. J. II. TASCHER; Paul
BARRAS; TALLIEN J J. LEMAROIS le
j e u n e ; E. CALMELET, et LECLERQ,
maire. •
On remarque dans cet acte plus d'une irré-
gularité. On y dit le marié âgé de vingt-
huit ans et né le 5 février 17G8. Or Bona-
parte était né réellement le 15 août 1769. Son
extrait de baptême, la note du chevalier du
Keralio, délivrée en 1783 à Brienne,et son
bulletin de sortie de ce collège en 1784, en
font foi Je la manière lu plus authentique.
Comment expliquer cette première anomalie?
par une seconde fausse énonciation, comme
on va le voir. Bonaparte, sans doute pour
faire sa cour à Joséphine, en d'autres termes,
pour rapprocher son âge de celui de sa future,
ui voulait le dissimuler à tout prix, au risque
e rendre son mariage nul. dut gagner lu
maire Leclercq pour se vieillir d'un an, car
il ne pouvait guère le tromper, et l'un et
l'autre eurent la. galanterie, lun de produire
et l'autre d'accepter, malgré la différence des
prénoms, l'acte de naissance de Giuseppc
Buonaparte, né effectivement le 5 février 17G8,
au lieu de celui de Napolione Buonaparte, né
le 15 août 17G9.
Le motif de la seconde anomalie, qui,
comme nous l'avons dit, explique la première,
c'est l'invincible répugnance de Joséphine à
avouer son âge véritable, cause, pour elle,
d'un chagrin secret et profond qui ne la quitta
jamais, même dans sa plus haute fortune.
M"»c do Beauharnais s'y donne donc, comme
son futur, l'âge de vingt-huit ans, et, comme
elle était née le 23 juin 17C3, le complaisant
officier de l'état civil eut encore la galanterie
de prendre pour un 7 le 3, probablement mal
fait, de 17G3, ce qui, d'un coup, était cinq ans
à l'âge de M'»
1
' de Beauharnais, qui se sen-
tait cruellement mortifiée d'avoir trente-trois
ans au lieu de vingt-huit, malgré l'amour pas-,
sionné dont elle était l'objet. Bonaparte, à"
qui elle avait tout avoué, et à qui elle avait,
quanti il la pressait d'accepter sa main, loya-
lement opposé ces terribles six ans qu'elle
avait de plus que lui, et qui lui semblaient
un insurmontable obstacle à leur mariage,
ne fut donc pas trompé par elle; mais, trop
complaisamment peut-être, il la satisfit sur
ce point en se prêtant à la' supercherie
qui égalait a peu près leur âge afin d arranger
les choses au mieux pour l'amour-propre de
la femme q^u'il aimait. Napoléon disait à ce
sujet à Sainte-Hélène: • La pauvre José-
phine s'exposait pourtant par là à de grands
inconvénients : ce pouvait être réellement un
cas de nullité de mariage. « Et, en effet, tout
avait été arrangé un peu à la diable, et, à ce
qu'il semble, exprès, par l'officier de l'état
civil, qui eut la complaisance de relater les
diverses dispositions au mieux pour l'amour-
propre de Mme Bonaparte dans cet acte de
mariage^ où il louvoya de manière à ne pas
donner a Joséphine la qualité de veuve de
Beauharnais.
Quoi qu'il en soit, cette allusion du prison-
nier de Sainte-Hélène à la possibilité d'un
divorce légal nous a fait sourire, comme si la
volonté du maître avait eu besoin de s'appuyer
sur une raison légale, comme s'il était d'obli-
gation pour le loup de consulter son avocat
Bertrand afin de savoir s'il a ou non le droit
de croquer l'agneau.
II n'y eut pas de mariage religieux. Cette
cérémonie n eut lieu que plus tard, et trois
jours seulement avant le sacre, sur la demande
formelle du pape, à minuit, dans la chapelle
des Tuileries, en présence d'un très-petit
nombre de témoins, parmi lesquels figuraient
le prince Eugène et le général Duroc, grand
maréchal du palais.
On remarque dans cet acte une autre irré-
gularité, l'absence de la forme française du
prénom de l'époux, cette forme qui devait re-
tentir si glorieusement dans toute la suite des
siècles. Une particularité remarquable, c'est
que Bonaparte n'a jamais joint son prénom
à la signature de son nom patronymique, jus-
qu'à ce que ce nom fût devenu celui d une dy-
nastie impériale. Dans l'acte civil en question,
où il était nécessaire qu'un prénom accompa-
gnât le nom de l'époux, ce prénom figure, tant
en tête de l'acte que dans le seing requis de
la fin, sous la forme qu'on a vue plus haut,
Napolione.
JJans un acte postérieur de Jeux ans, aute
qui se trouve aux archives de l'enregistrement
de Paris (vol. XXXIII, fol. 50, cases 5 et 6),
et qui constate l'acquisition, au retour de la
campagne d'Italie, de la maison de la rue
Chantereine, qu'habitait Joséphine avec sa
tante Fanny de Beauharnais, lors du mariage,
le prénom du général est encore plus mal or-
thographié; on le voit figurer sous cette forme
étrange : Napoline.
Quoique nous anticipions ici sur le cours
des événements, il nous semble qu'il sera cu-
rieux de donner, à cette place, t'extrait sui-
vant, copié mot à mot, de cet acte important :
« Du 2 germinal an.VI (31 mars 1798), en-
registré, vente par Louise-Julie Carreau,
femme séparée de François-Joseph Talma,
demeurant, savoir : ledit Talma, rue de la
Loi ; et elle, rue de Matignon, n<> 2 ;
• A 'Napoline Buonaparte, président de la
légation française au congrès de Rastadt, de-
meurant rue de la Victoire, no 6;
• D'une maison, susdite rue de la Victoire,
ci-devant Chantereine, même numéro, ap-
partenant à ladite citoyenne Talma comme
l'ayant acquise par contrat devant Rouen, no-
taire, le 6 décembre 1781, moyennant cin-
quante-deux mille quatre cents francs.
» Passé devant Raguideau, notaire à Paris,
le 6 germinal an VI. Reçu deux mille quatre-
vingt-seize francs. .' 2,096 fr. »
Ainsi, ce grand nom de Napoléon, qui était
pour ainsi dire bégayé SOUJ la forme de Na-
polione, en mars 1796, dans l'acte de mariage
de Bonaparte, s'éloigne plus encore du nom
originaire italien dans l'acte de vente ci-
dessus (mars 1798), sous la forme de Na-
poline.
Nous ignorons vraiment si le lecteur nous
saura gré d'insister sur ces particularités,
en apparence insignifiantes, des origines na-
poléoniennes; si cette hypothèse est vraie,
nous avouons ingénument que nous ne par-
tageons pas cette manière de voir : rien ne
doit paraître indifférent dans la vie des grands
hommes.
Revenons au point où nous en étions ; aussi
bien, le nom du notaire Raguideau nous y ra-
mène naturellement.
Le mariage du général Bonaparte avec la
citoyenne Beauharnais était devenu, au com-
mencement du mois de mars 1796, en quelque
sorte urgent. Trois ou quatre jours avant
l'acte civil, îe général avait écrit à sa future
la brûlante lettre qui suit :
« Je me réveille plein de toi. Ton portrait
» et l'enivrante soirée d'hier n'ont point laissé
* de repos à mes sens. Douce et incomparable
» Joséphine, quel effet bizarre faites-vous sur
» mon cœur 1 Vous fâchez-vous ; vous vois-je
«triste, êtes-vous inquiète;... mon âme est
» brisée de douleur et il n'est çoint de repos
» pour votre ami... Mais en est-il donc davan-
» tange pour moi, lorsque, vous livrant au
» sentiment profond qui me maîtrise, je puise
» sur vos lèvres, sur votre cœur, une flamme
» qui me brûle? Ah! c'est cette nuit que je me
» suis bien aperçu que votre portrait n'est pas
» vous. Tu pars à midi, je te verrai dans trois
» heures. En attendant, mio dolce amor, reçois
» un millier de baisers, mais ne m'en donne
• pas, car ils brûlent mon sang.
n Signé : »
Le mariage était en ce moment, on le voit
par cette lettre, plus qu'arrêté. Les deux fu-
turs l'avaient annoncé à tout le monde, et le
général Bonaparte conduisait assez souvent
a pied sa li:ineée par la ville, soit en visite
chez leurs amis communs, soit même chez les
marchands pour diverses emplettes jugées
nécessaires par la future épouse. On raconte
que, presque à la veille de la cérémonie,
M
m
e de Beauharnais pria le général de la
conduire chez le citoyen Raguideau, vieux
notaire demeurant rue Honoré, près de la
place Vendôme, que la belle veuve honorait
de toute sa confiance, et consultait, dit-on,
non-seulement sur ses affaires d'intérêt, mais
encore sur ses affaires de cœur. Elle voulait,
sans doute, par déférence, annoncer en parti-
culier son mariage au vieux Raguideau, plu-
tôtquede leconsulter. Arrivée chez le notaire,
à la porte de l'étude où travaillaient les clercs,
elle se détacha du bras de Bonaparte, qu'elle
pria de l'attendre là, et entra dans le cabinet
où se tenait seul le notaire, laissant par mé-
garde la porte entre-bâillée, si bien que le gé-
néral, placé près de cette porte, entendit et
retint presque mot pour mot toute la conver-
sation suivante :
• Monsieur Raguideau
?
dit M
ine
de Beau-
harnais, je viens vous faire part de mon pro-
chain mariage.
— Vous, madame 1 et avec qui?
— J'épouse dans quelques jours le général
Buonaparte.
— Comment 1 veuve d'un militaire, vous al-
lez en épouser un autre? Le général Buona-
f
tarte, dites-vous? Ah ! oui, je me le rappelle,
e commandant de l'armée de l'intérieur, l'ex-
chef de bataillon qui donna à Toulon une le-
çon d'artillerie au général Carteaux.
— Lui-même, monsieur Raguideau.
— Mais c'est un homme sans fortune, ma-
dame. Et votre mariage est irrévocablement
arrêté ?
— Sans doute, monsieur.
— Tant pis pour vous, madame.
— Pourquoi donc, s'il vous plaît, monsieur
Raguideau?
— Pourquoi? parce que mieux vaut rester
veuve que d'épouser un petit général sans
avenir et sans nom. Votre Buonaparte sera-
t-il jamais un Moreau ou un Pichegru? Sera-
t-il jamais l'égal de nos grands généraux de
la République? J'ai le droit d'en douter... Du
reste, croyez-moi, madame, la carrière des
armes ne vaut rien maintenant, et je préfé-
rerais, moi, à tous les grades militaires pos-
sibles, une place de fournisseur à l'armée.
— Chacun son goût, monsieur, répondit sè-
chement M
in
e de Beauharnais., blessée sans
doute de l'irrévérence avec laquelle le notaire
avait parlé de l'homme qu'elle aimait ; cha-
cun son goût. Vous voyez, vous, dans le ma-
riage, une affaire d'argent...
-r- Et vous, madame, dit en l'interrompant
l'obstiné Raguideau, vous y voyez une affaire
de cœur et d'inclination, voilà ce que vous
voulez dire, n'est-ce pas? Eh bien! vous avez
tort. Les épaulettes d'or du général Buona-
parte vous ont trop éblouie, songez-y bien, et
n'allez pas vous préparer un repentir inévi-
table en épousant, je le répète, un homme
sans fortune, un homme qui n'a que la cape
et l'épëe. »
Napoléon (car il ne se plut à raconter cela
que quand il fut Napoléon et pour le con-
traste) au moment où les mots de cape et d'e-
pee frappèrent son oreille, se leva vivement,
bouillonnant d'impatience et de colère; ses
yeux étincelaient. Il fit un pas vers la porte,
mais la crainte du ridicule le retint, et il se
rassit sur sa chaise, un peu honteux de ce
mouvement irréfléchi. En ce moment M
in
f de
Beauharnais sortit, d'un air boudeur, du ca-
binet du notaire, qui l'accompagna jusqu'à la
porte de l'étude, assez embarrassé à la vue
du général, qu'il salua, pensant bien que c'é-
tait là le futur mari dont il venait d'être ques-
tion, et Bonaparte, donnant le, bras à José-
phine, pour la reconduire chez elle, ne r é -
pondit a Raguideau que par un froid salut.
Pendant le trajet, le général garda le silence
sur ce qu'il venait d entendre, e t , jusqu'au
jour du sacre, ni Raguideau ni M™e Bona-
parte ne se doutèrent que leur conversation
avait eu pour auditeur celui-là même qui en
était l'objet, tant, malgré sa fougue, il savait
se contenir. Raguideau, après tout, était un
homme sûr en affaires, et, chose singulière, ni
le général, ni le consul, ni l'empereur n'eurent
jamais d'autre notaire; nous pouvons même
ajouter que plus tard l'empereur, nous ne
nous rappelons pas en quelle circonstance,
ayant occasion de parler de cette petite mésa-
venture, n'hésita pas à reconnaître que le no-
taire, dans cette conjoncture, s'était conduit
en honnête homme et en homme de bon con-
seil. C'était là le sentiment de l'empereur;
mais l'amoureux vexé voulut tirer une petite
vengeance de cette conversation où il avait
été si fort maltraité par Raguideau, et quand,
après les campagnes d'Italie et les victoires
d Egypte, Bonaparte de consul fut devenu
empereur, il lui parut que le jour môme de
- son couronnement serait le plus propre à la
vengeance qu'il méditait. 11 aimait assez à faire
de ces sortes d'espiègleries impériales. Ce
jour-là donc, il envoya chercher le notaire
Raguideau, devenu très-respectueux pour le
petit général, dont il faisait si peu de cas
quand il n'avait que la cape et l'épëe, mainte-
nant qu'il portait le sceptre et la couronne.
Raguideau, surpris, se perdit en conjectures
sur cette brusque convocation, dont il était
loin de deviner ie motif, car il était trop sensé
pour croire que le nouvel empereur voulût lui
faire dresser un acte notarié de son couron-
nement. Il s'empressa néanmoins de se ren-
dre aux Tuileries, aux ordres du maître.
Arrivé la, le chambellan de service lui fit tra-
verser les vastes pièces du palais toutes res-
plendissantes de dorures et toutes pleines de
maréchaux, de ministres et de grands officiers
de l'empire, et l'introduisit dans la salle où
Napoléon l'attendait en causant avec José-
phine.
• Ah! c'est vous, Raguideau, lui dit l'em-
n pereur en souriant ; j e suis bien aise de
» vous voir. »
Et, sans autre préambule :
« Vous rappelez-vous le jour où j'accompa-
» gnai chez vous, en 1"9G, M'»« de Beauhar-
» nais, aujourd'hui impératrice des Français?
» Et il appuya sur ces derniers mots. Vous
n rappetez-vous l'éloge que vous fîtes de la
» carrière militaire et le panéjgyrique person-
n nel dont je fus moi-même 1 objet? Eh bien,
» qu'en dites-vous, Raguideau? avez-vous été
» bon prophète? Vous annonciez que je n'au-
» rais jamais que la cape et l'épée.»
Et, en prononçant ces deux mots, qu'il ac-
centuait d'une manière singulière, il montrait
du doigt le manteau impérial semé d'abeilles
d'or et le sceptre de Charlemagne, tout prêts
pour la cérémonie, et il ajoutait :
«Vous aviez raison, monsieur Raguideau ;
» voici la cape et voilà Yépée. Comme vous le
» voyez, monsieur Raguideau, j'ai marché, ce-
» pendant... Je ne vous parle pas de ma for-
» tune... Après huit ans de mariage, j'apporte
» une couronne en dot à ma femme... »
Et en disant ces mots, il pressait la main
de Joséphine, muette d'étonnement à cette
scène inattendue. Stupéfait de cette apostro-
phe, Raguideau, de son côté, balbutia quel-
ques paroles sans suite :
• Sire... j e ne pouvais... Quoil Sire... vous
» avez... entendu!...
• —Tout, Raguideau, et je vous dois une pu-
« nition sévère trop longtemps différée; car,
« enfin, si ma bonne Joséphine eût suivi vos
« conseils, ilsluieussentcouté, à elle,un trône,
» et à moi la meilleure des femmes. Vous êtes
» bien coupable, Raguideau! >•
j A ces mots de coupable et de punition, Ra-
I yuideau, déconcerté, commença réellement à
concevoir quelques craintes, et il ne savait
où Napoléon voulait en venir, quand celui-ci,
» près s'être un moment amusé de son embar-
ras et de son trouble, mêlé d'une vague ter-
reur, lui dit avec bouté :
« Allons, rassurez-vous, Raguideau, ma pu-
» nition sera paternelle. Je vous condamne à
» aller aujourd'hui à Notre-Dame assister à
» la cérémonie de mon couronnement... Et que
ii je vous y voie, entendez-vous, monsieur?
» Trouvez-vous dans l'église, sur le passage
» de mon cortège. »
Le prophète-Raguideau, comme Napoléon
! aimait à appeler son notaire, n'eut garde
j de désobéir, et l'empereur se donna le malin
plaisir de le voir dans la foule h Notre-Dame.
A la vue de cette pompe en l'honneur du petit
général qu'il avait vu huit ans auparavant
dans son étude, accompagnant comme un sim-
ple mortel la citoyenne Beauharnais, devenue
par-luiimpératrice des Français, le pauvre Ra-
guideau n'en pouvait croire ses yeux. En quit-
tant la métropole, Napoléon aperçut Ragui-
deau dans la foule et lui sourit avec bonté. Le
pauvre tabellion lui fit une salutation si pro-
fonde, qu'on eût dit que son front allait tou-
I uher la terre.
Le grand empereur se plaisait à ces pe-
1
tites malices, comme aussi à tirer quelque-
fois les oreilles à ses grands officiers, et même
à certains de ses maréchaux.
Mais nous
v
oilà encore une fois bien loin
du général en chef de l'armée d'Italie, tant il
est difficile de séparer Napoléon de Bona-
parte, ces deux hommes cependant si diffé-
rents.
Toutefois, avant de le voir s'élever à cette
haute fortune par ses victoires, il nous faut
le reprendre où nous l'avons laissé, ex-
commandant en chef de l'année de l'intérieur,
nommé, par arrêté du Directoire exécutif en
date du 4 ventôse an IV (23 février 179G), gé-
. néral en chef de l'armée d'Italie. On a vu
que, quoique investi de ce grade à cette date,
il ne prit, dans son acte de mariage du 9 mars
• 1796, que le titre de commandant en chef de
l'armée de l'intérieur; peut-être voulait-on ca-
. cher sa nomination jusqu'à son départ de
1
Paris.
| Quoi qu'il en soit, ce départ était arrêté
avant le 9 mars 1796. En sortant de la muni-
cipalité, le général alla, habiter la maison
qu'occupait Joséphine rue Chantereine; mais
i les quartiers de sa lune de miel ne durèrent
]• que quarante-huit heures; les circonstances
. politiques commandaient impérieusement son
| départ, et les deux jours de douceurs conju-
I gales furent presque entièrement absorbés
' par les devoirs de chef d'armée. Il passa la
i plus grande partie de son temps à mettre en
I règle ses affaires, à visiter les archives de la
' guerre pour y prendre tous les documents
dont il avait besoin, et ne resta au nid de
la rue Chantereine que le temps strictement
[ nécessaire pour prouver à sa palombe que
I son veuvage avait cessé; encore, aussitôt
j rentré, se mettait-il à travailler sur les meil-
; leures cartes des Alpes et du prochain théâtre
où il devait porter la guerre, a dresser les ca-
dres de son armée, à étudier les positions et
les forces de l'ennemi, à méditer et à préparer
son plan de campagne. " Joséphine, dit un
historien, venait 1 interrompre; il lui donnait
un baiser et la renvoyait. Revenait-elle à la
charge, il redoublait la dose en murmurant
un peu. Enfin, se fâchant tout à fait, il pre-
nait le parti de se barricader, et quand elle
se plaignait : « Patience, ma bonne amie, lui
» disait-il, nous aurons le temps de faire l'a-
« mour après la victoire. »
Ces deux jours durent être pour lui deux
jours d'une extraordinaire activité et d'une
fiévreuse agitation de cœur et d'esprit. Il ai-
mait sa femme et la gloire, mais si l'une était
sa compagne depuis deux jours, l'autre était
sa maîtresse depuis dix a n s , une maltresse
absolue, à laquelle il fallait obéir.
Le 11 mars 1796, il partit donc en poste de
Paris, avec son aide de camp Junot et l'ordon-
nateur en chef Chauvet, pour Nice, quartier
général de l'armée d'Italie. Il passa par Troyes,
Châtillon-sur-Seine, e t , le troisième jour
(U mars), il écrivait à Joséphine, dont son
âme était pleine, cette lettre passionnée, datée
du relais de Chanceaux :
« Je t'ai écrit de Châtillon et je t'ai envoyé
• ma procuration pour que tu touches diffê-
» rentes sommes qui me reviennent...
» Chaque instant m'éloigne de toi, adorable
» amie, et à chaque instant j e trouve moins
» de force pour supporter dêtre éloigné de
B toi. Tu es l'objet perpétuel de ma pensée;
» mon imagination s épuise à chercher ce que
» tu fais. Si je te vois triste, mon cœur se dé-
» chire et ma douleur s'accroît; si tu es gaie,
» folâtre avec tes amis, je te reproche d'avoir
n bientôt oublié la douloureuse séparation de
» trois jours ; tu es alors légère, et dès lors
» tu n'es affectée par aucun sentiment pro-
» fond. Comme tu vois, je ne suis pas facile à
» contenter; mais, ma bonne amie, c'est bien
• autre chose si je crains que ta santé soit al-
BONA
BONA
BONA BONA 941
» térée ou que tu aies des raisons d'être cha-
» jmne, que je ne puis deviner; alors, je re-
t> miette la vitesse avec laquelle on m'éloigne
» de mon cœur. Je sens vraiment que ta bonté
» naturelle n'existe plus pour moi, et que ce
• n'est que tout assuré qu'il ne t'arrive rien
• de fâcheux que je puis être content. Si l'on
» me fait la question si j'ai bien dormi, je sens
• qu'avant de,répondre j'aurais besoin de re-
» cevoir un courrier qui m'assurât que tu as
«bien reposé. Les maladies, la fureur des
» hommes ne m'affectent que par l'idée qu'ils
» peuvent te frapper, ma bonne amie. Que
• mon génie, qui m'a toujours garanti au mi-
» lieu des plus grands dangers, t'environne,
» te couvre, et je me livre découvert. Ah! ne
• sois pas gaie, mais un peu mélancolique, et
» surtout que ton âme soit exempte de cha-
» grin, comme ton corps de maladie : tu sais
• ce que dit là-dessus notre bon Ossian.
» Ecris-moi, ma tendre amie, et bien lon-
» guement, et reçois les mille et un baisers de
9 l'amour le plus tendre et le plus vrai. »
On voit comme tous les sentiments tou-
chaient aux extrêmes chez cet homme singu-
lier : son amour était aussi fougueux que son
génie militaire.
En partant pour cette immortelle campagne
d'Italie, il emportait avec lui 48,000 fr. en or,
et 100,000 fr. en traites, qui furent en partie
protestées. C'est avec ce faible véhicule, qui
mît pourtant le Trésor à sec, que le général
en chef de cette armée, manquant de tout de-
puis longtemps, sut la conduire au pas de
charge dans les plaines fertiles de l'Italie.
L'armée, stationnaire dans les Alpes-Mari-
times et dans la partie de la rivière de Gènes
que nous occupions était ainsi distribuée
vers le 10 mars (4 ventôse an IV) :
Avant-garde., commandée par le général
divisionnaire Masséna, ayant sous ses ordres
les généraux La Harpe et Meynier; les adju-
dants de brigade Pijon, Saint-Hilaire, Cer-
voni, Ménard, Dammartin et Joubert: les
adjudants généraux Dalons, Chabran, Giaco-
moni, Boyer, Monnier et Lorcet. Les géné-
raux La Harpe et Meynier commandaient la
première et la deuxième division de cette
avant-garde à Savone et au bourg de Finale.
Corps de bataille : première division com-
mandée par le général divisionnaire Auge-
reau, ayant sous ses ordres les généraux de
brigade Banel, Victor et Rusca; les adjudants
Vardier et Quesnin, au quartier général de
Nice.
Deuxième division, commandée par le gé-
néral divisionnaire Sérurier, ayant sous ses
ordres les généraux de brigade Pelletier, La
Salcette, Fiorella et Bizannet; les adjudants
généraux Couthaud et Vinose, à Ormea.
Troisième division, commandée par le, gé-
néral divisionnaire Macquart, ayant sous ses
ordres le général de brigade Dallemagne,
l'adjudant général Escale et le chef de bri-
gade Nicolas.
Quatrième division, commandée par le gé-
néral divisionnaire Garnier, ayant sous ses
ordres les généraux de brigade Verne, Char-
ton, Davin et Servier ; 1 adjudant général
Rambaud.
Le total effectif de toutes ces divisions,
avant-garde et corps de bataille, était de
43,443 nommes.
C'est avec 48,000 fr. en or et 43,443 hommes,
h peu près autant de francs que d'hommes, que
le général en chef Bonaparte allait conquérir
l'Italie, la ravir à l'aigle à deux têtes, à 1 aigle
autrichienne,
Aquila grifagna
Che per piû divorar due becchi porta,
suivant l'expression du poëte Alamanni.
C'est le général en chef Bonaparte qui, de
son souffle, va ranimer cette armée, languis-
sante malgré son courage et ses vertus répu-
blicaines; c'est lui qui va imprimer à tous ces
corps la vie et le mouvement, et qui, en quel-
ques jours, à travers les champs glorieux de
Montenotté, de Millesimo et de Mondovi, et
l'héroïque passage du pont de Lodi, les por-
tera de Nice à Milan (15 mai). _
Ainsi, un mois et demi avait suffi à ce jeune
général de vingt-six ans et neuf mois pour
culbuter le vieux Beaulieu, l'un des généraux
les plus aguerris de l'Autriche. Les ennemis
nous appelaient par dérision les héros en gue-
nilles, et ils avaient doublement raison : nous
étions l'un et l'autre. Et la preuve, c'est que
nous entrions à Milan le 15 IP"* Compilants,
mais très-positivement en^l^nilles. Il n'y a
rien d'exagéré dans ce qu'a dit de ces héroïques
soldats notre grand chansonnier national :
Pieds nus, sans pain, sourds aux lâches alarmes,
Tous à.la gloire allaient du marne pas.
Un témoin oculaire, car il était dans un rang
obscur de l'expédition, commis aux vivres,
Henri Beyle (Stendhal),dans son beau roman
de la Chartreuse de Parme, décrit ainsi notre
entrée dans la vieille capitale de la Lombardie,
depuis trop longtemps autrichienne :
• Le 15 mai 1796, le général Bonaparte fit
son entrée à Milan à la tête de cette jeune
armée qui venait de passer le pont de Lodi,
et d'apprendre au monde qu'après tant de
siècles César et Alexandre avaient un suc-
cesseur.
» Les miracles de hardiesse et de génie
dont l'Italie fut témoin en quelques mois ré-
veillèrent un peuple endormi; huit jours en-
core avant l'arrivée des Français, les Milanais
ne voyaient en eux qu'un ramassis de brigands,
habitués à fuir toujours devant les troupes de
Sa Majesté Impériale et Royale : c'était du
moins ce que leur répétait trois fois la semaine
un petit journal grand comme la main, im-
primé sur du papier sale. *
Mais le jeune général victorieux ne s'arrêta
pas là ; ce n'est pas là, en effet, qu'il voulait si-
gner la paix avec cette Autriche, éternel en-
nemi du développement de la liberté et de la
civilisation européenne. Poussant sa vaillante
armée en avant, il battait encore les meilleurs
généraux de l'Autriche, Wurmser à Casti-
glione (août) et à Bassano (septembre), Al-
vinzi à Arcole (15-18 novembre), et à Rivoli
(14 janvier 1797); il conquérait l'Istrie, la Car-
niole et la Carinthie (30 mars), il renversait
la vieille et aristocratique république de Ve-
nise. Marchant droit sur Vienne, il ne s'arrê-
tait à Léoben (18 avril) que pour signer les
bases du traité de paix de Cumpo-Formio (17
octobre), constatant la supériorité de la France
sur ses ennemis; et il fondait en Italie deux
républiques provisoires (la Cisalpine et la
Transpadanej.
Ah ! cette campagne d'Italie est vraiment
merveilleuse, sans comparaison possible avec
les plus belles que présentent les annales mi-
litaires chez tous les peuples, et la première
que devront lire et méditer les Alexandres et
les Césars futurs, si, pour le malheur des na-
tions, l'avenir tient encore en réserve dans
son sein le germe de quelque illustre conqué-
rant. Tout s'y accomplit de point en point
comme le jeune héros l'avait prévu, ou, pour
dire plus justement, comme il l'avait calculé.
C'est une campagne que l'on pourrait appeler
mathématique, quelles que soient la nouveauté
et l'étrangeté de cette expression. Aujour-
d'hui, quand il s'agit de construire un de ces
ponts en fer comme ceux qui traversent nos
neuves, le mécanicien ne se livre à aucun
travail et à aucune étude sur le terrain.
Retiré au fond de son atelier, il trace ses
plans, prend ses mesures, fait fabriquer, et,
quand tout est prêt : tympans, barres, mon-
tants, traverses, armatures, crampons, bou-
lons, clavettes, broches, viroles, etc., il ne
reste plus qu'une opération toute mécanique,
toute machinale de montage; chaque partie
vient prendre la place qui lui a été assignée;
tout cela se monte et se démonte comme les
fractions d'un squelette auquel ne manque
aucune des innombrables articulations. C'était
la méthode inventée par Bonaparte. • Mêlas
» est là; je l'attirerai ici, et je le battrai là.»
Et la victoire arrivait, se déduisait mathéma-
tiquement comme l'inconnue d'une équation
algébrique. Et, ce qu'il y a de plus merveil-
leux encore, c'est que l'homme, c'est que l'ar-
tiste n'est nullement absorbé par le conqué-
rant. En effet, voici l'homme sous une nouvelle
face, et c'est avec une intention marquée que
nous soulignons ce mot ; car nous le prenons
dans toute la plénitude de son acception, dans
l'acception que lui donnera plus tard Napo-
léon lui-même quand il dira au génie olympien
de l'Allemagne : • Monsieur Gœthe, vous êtes
un homme. »
Nous avons vu le guerrier, voyons l'artiste.
Le conquérant avait sans cesse les yeux tour-
nés vers Paris : c'était l'Athènes de ce nou-
vel Alexandre ; mais si le général regardait
les Tuileries, l'artiste regardait le Louvre.
Voici un état ofrîciel des objets de science et
d'art enlevés par ses ordres pour être trans-
portés à Paris :
A MILAN. — Bibliothèque Ambrosienne.
Le carton de l'école d'Athènes, par Ra-
phaël.
Un tableau de Luisini, représentant une
Vierge.
« Idem, de Rubens, une Vierge et des fleurs.
Idem, du Giorgion, représentant un -con-
cert.
Idem, de Lucas d'Olande, représentant une
Vierge.
Idem, une tête de femme, de Léonard de
Vinci.
Un soldat et un vieillard, du Calabrese.
Un vase étrusque , représentant diverses
figures avec ornements.
Un manuscrit sur papyrus d'Egypte, ayant
environ onze cents ans, sur les Antiquités de
Josèphe, par Ruffin.
Un Virgile manuscrit, ayant appartenu à
Pétrarque, avec des notes de sa main.
Un manuscrit très-curieux sur l'histoire des
papes.
Un tableau peint par le Titien, représen-
tant un Couronnement d'épines.
Idem, un Saint Paul, de Gondenzo F"errari.
Alla Vittoria. — Un tableau de Salvator
Rosa, représentant une Assomption.
A l'Académie de Parme. — La Vierge de
saint Jérôme, par le Corrége.
Un tableau de Schidone.
Une Adoration, par Majolla.
Aux Capucins.— Un chien, du Guerchin.
Une Vierge et plusieurs saints, par Ann.
C arrache.
Saint-Paul. — Jésus-Christ, Saint Paul,
Sainte Catherine, par Raphaël.
La Stenata. — Le Mariage de la Vierge, par
Procaccini.
San-Gio. — Une Descente de croix, par le
Corrége.
Capucins. — Un Guerchin, représentant la
Vierge et saint François.
Saint-Sépulcre. — La Madonna délia Sco-
delia, du Corrége.
Saint- Fioch. — Un tableau de l'Espagnolet,
représentant divers saints.
Idem, de Paul Véronèse, représentant saint
Roch. -
San-Quintino. — Un tableau de Fraimmgo,
représentant un baptême.
Une Assomption, par l'Espagnolet.
, Un tableau de Lanfranc, Saint Benoit.
Saint-André. — Un tableau de l'Espagnolet.
Saint-Michel. — Un tableau d'un élève du
Corrége, représentant une Vierge.
Saint-Paul. — Une Vierge d'Augustin Car-
rache.
Au Dôme de Plaisance. — Deux tableaux de
Louis Carrache.
Une note, datée de Paris, dit : « Les ta-
bleaux venant d'Italie sont arrivés à. Paris
sur six chariots, sans avoir éprouvé d'acci-
dent. Ils n'ont été pris ni par les barbets ni
brisés sur les rochers des Alpes. » Le Direc-
toire en fit la distribution au Jardin des plan-
tes, à l'Ecole polytechnique, à l'Institut et à
la Bibliothèque nationale.
Dans le lot de l'Institut, il y avait les douze
manuscrits de Léonard de Vinci sur les scien-
ces.
Dans le lot de la Bibliothèque, îè Virgile
manuscrit ayant appartenu à Pétrarque, avec
des notes de la main de l'illustre poëte sur
Virgile; le manuscrit de Galilée sur les forti-
fications; le carton des ouvrages de Léonard [
de Vinci.
Le 7 floréal, l'armée d'Italie étant à Che-
rasco, et, après la prise fameuse de Tortone,
Bonaparte avait mandé au Directoire : « Il me
» serait utile d'avoir trois ou quatre artistes
» connus pour recueillir les monuments des
» beaux-arts. »
Au commencement de prairial, comme il
venait de conquérir Milan et qu'il rêvait de
rétablir le Capitole, il signait avec le duc de
Modène un armistice où se lit cet article :
« Le duc de Modène sera tenu de livrer vingt
» tableaux à prendre dans sa galerie ou dans
» ses Etats, au choix des citoyens qui seront
« commis à cet effet. »
Le 15 prairial, on le retrouve à Vérone,
.d'où il écrit cette lettre aux Directeurs : » J'ar-
» rive dans cette ville, citoyens Directeurs,
» pour en partir demain matin; elle est très-
» grande et très-belle... Je n'ai pas caché aux
• habitants que si le prétendu roi de Fiance
» n'eût évacué leur ville avant mon passage
» du Pô, j'aurais mis le feu à une ville assez
» audacieuse pour se croire la capitale de
• l'empire français... Je viens de voir i'am-
» phithéâtre ; ce reste du peuple romain est
» digne de lui. Je n'ai pu m'empècher de me
• trouver humilié de la mesquinerie de notre
» Champ-de-Mars : ici, cent mille spectateurs
» sont assis, et entendraient facilement l'ora-
» teur qui leur parlerait. »
En -messidor, il est à Bologne. « Les vingt
» tableaux que doit nous fournir Parme, écnt-
» il au Directoire, sont partis ; le célèbre ta-
« bleau de Saint Jérôme est tellement estimé
» dans ce pays qu'on offrait un million pour
» le racheter. »
Le Directoire a envoyé les artistes et les
savants demandés, et le jeune conquérant
écrit au Directoire : « Le citoyen Barthélémy
» s'occupe, dans ce moment-ci, à choisir les
» tableaux de Bologne. Il compte en prendre
» une cinquantaine, parmi lesquels se trouve
» la Sainte Cécile, qu'on dit être le chef-
» d'œuvre de Michel-Ange.
» Monge, Berthollet'et Thouin sont à Pavie,
» où ils s'occupent à enrichir notre Jardin des
» plantes et notre cabinet d'histoire naturelle.
» J'imagine *qu'ils n'oublieront pas une collcc-
» tion complète de serpents qui m'a paru bien
» mériter la peine de taire le voyage. »
Enfin il écrivit de Milan cette superbe épî-
tre à l'astronome Oriani :
« Les sciences qui honorent l'esprit humain,
D les arts qui embellissent la vie et transmet-
• tent les grandes actions à la postérité, doi-
D vent être spécialement honorés dans les
o gouvernements libres. Tous les hommes de
D génie, tous ceux qui ont obtenu un rang
n distingué dans la république des lettres, quel
» que soit le pays qui les ait vus naître, sont
» Français. Les savants, à Milan, n'y jouis-
• saient pas de la considération qu'ils devaient
B avoir. J'invite les savants à se réunir et à
» me proposer leurs vues sur les moyens qu'il
• y aurait à prendre, ou les besoins qu'ils au-
o raient pour donner aux sciences, et aux
» beaux-arts une nouvelle vie et une nouvelle
» existence. Tous ceux qui voudront aller en
» France y seront accueillis avec distinction.
» Le peuple français ajoute plus de prix à
» l'acquisition d'un savant mathématicien, d'un
P peintre de réputation, d'un homme distingué,
» que de la ville la plus riche et la plus abon-
» dante. »
Ainsi cet homme singulier voulait avoir
pour lui les artistes en même temps que les-
victoires, et Raphaël, Léonard de Vinci, Cor-
rége et Michel-Ange étaient placés sur le
même rang que Montenotté, Millesimo, Arcole
et Castiglione.
Il n'entre pas dans notre plan de raconter
cette campagne d'Italie, glorieuse entre toutes, |
qui vient d'amener cette digression ; ce sujet
appartient à l'histoire des grandes guerres
de la République, et, dans les colonnes de
ce dictionnaire, les noms d'Arcole, de Rivoli
et de Castiglione brilleront de tout leur éclat.
Notre plan n'est, dans cette partie de l'his-
toire du grand capitaine, du premier génie
militaire des siècles passés, de ce siècle, et
peut-être aussi des siècles futurs, que d'expo-
ser ce qui sert à le caractériser comme citoyen
et soldat d'un grand peuple jusqu'au 18 bru-
maire ;
Quand, simple citoyen, soldat d'un peuple libre,
Aux bords de l'Eridan, de l'Adîge et du Tibre,
Foudroyant tour à tour quelque tyran pervers,
Des nations*n pleurs sa main brisait les fers;
Ou quand son noble exil aux sables de Syrie,
Des palmes du Liban couronnait sa patrie...
Marie-Joseph CHÉNIER.
Il nous suffira de dire que toute la suite de
l'histoire ne nous offre aucun homme qui, à
vingt-sept ans et venu d'où nous l'avons vu
partir, ait atteint à cet âge un aussi haut de-
gré de gloire, et fait sentir la foudroyante ac-
tivité qu'il déploya dans cette campagne, où
il se montra surtout républicain.
Il était sincère alors, il croyait la Républi-
que immortelle dans ces premiers jours d'en-
thousiasme et de gloire. Il disait fièrement et
officiellement à ceux qui parlaient de recon-
naître la République française : • La Répu-
» blique française est comme le soleil : aveugle
» qui ne la voit pas! » .Les mêmes sentiments
l'animaient aussi en particulier. A Milan, en
mai 1796, il disait à un de ses amis : « La Ré-
» publique, c'est la flèche d'Evandre qui ne
» retombe pas, et se change en étoile brillante. »
Illusion sublime des premiers jours ! moment
unique où la République était comparée par
Bonaparte à la flèche d'EvandreI le besoin
seul de refouler le- royalisme vous a éteints
dans son cœur, nobles' sentiments qui pro-
mettiez de donner à la France un Washington
au lieu d'un César I
En effet, quand il vit, moins de deux ans après,
la contre-révolution prendre des ailes à l'in-
térieur, il sentit qu'on ne l'abattrait point en
se bornant à n'user envers elle que desarme*.-
constitutionnelles, des armes de ta liberté. Au
dehors, l'histoire nous montre le Directoire sui-
vant la grande politique de-la Convention,
portant la liberté aux vaincus, et entreprenant
d'affranchir l'Europe du pouvoir absolu et de
la féodalité, justement persuadé que la France
ne pouvait être une république heureuse et
paisible qu'entourée de républiques heureuses
et paisibles. Cependant, à l'intérieur, le dés-
ordre, entretenu par les royalistes au nom
de la liberté, entravait la marche du gouver-
nement et empêchait la France d'être aussi
heureuse qu'elle était glorieuse et puissante.
Les républicains auteurs de la Constitution
de l'an ltl, craignant les abus du pouvoir exé-
cutif, l'avaient restreint avec une méfiance
excessive. Il était faible, pauvre, dépouillé de
tout appareil d'ostentation, au lieu d'étaler
cette magnificence royale que les Français
ont la bonhomie d'admirer, tout en la payant;
il vivait de rien et gouvernait avec peu de
chose. Quelques légers impôts subvenaient
aux frais de nombreuses armées. Les étran-
gers et les royalistes dépensaient en France
plus d'argent pour corrompre et diviser, que
le pouvoir n'en avait à sa disposition pour le
maintien de l'ordre de choses établi. La liberté
de la presse était plus entière qu'elle no l'a
jamais été. Le3 pouvoirs étaient publique-
ment insultés ; les lois républicaines qu'on
parvenait à faire voter naissaient flétries
d'avance par les royalistes et les journaux ;
les feuilles appartenant aux partis extrêmes
déclamaient à leur aise contre le Directoire ;
le blâme et le ridicule étaient déversés à.
pleines mains sur ses actes et sur ses mem-
bres. En France, on aiine le pouvoir qui
éblouit et dont l'allure est altière ; on trouvait
la République trop bourgeoise. Le parti roya-
liste, parfaitement organisé par les nombreux
agents des Bourbons, conspirait à Clichy, et
cherchait un Monk parmi nos généraux ; les
chouans infestaient les grandes routes; de
leur côté, les anarchistes faisaient au camp de
Grenelle une tentative babouviste contre le
Directoire. Comment résister à ces conspira-;
liions sans des mesures violentes? Le renou-
vellement amena dans les conseils une majo-
rité de royalistes se disant constitutionnels ou
purs, qui cacha peu son intention de renverser
le Directoire. Deux des directeurs eux-mê-
mes paraissaient disposés à ne pas retenir le
pouvoir, et Carnot, malheureusement, était
de ceux qui croyaient devoir abandonner la
partie. Les trois autres avaient à choisir, ou
de violer la constitution pour la sauver, ou
de la laisser tomber. Ils prirent le premier
parti. Soutenus par l'armée d'Augereau et
par celle de Hocne, ils firent occuper mili-
tairement le Corps législatif: cinquante et un
représentants, les deux directeurs et plu-
sieurs journalistes furent condamnés à la dé-
portation. C'est ce que, dans l'histoire, on a
appelé le 18 fructidor. Si cette mesure avait
besoin d'une justification, le nom de Hoche,
le nom le plus pur de notre grande Révolution,
la fournirait à lui seul.
v
Ce n'est pas ici le lieu de juger cet épisode
de notre histoire révolutionnaire; il est fa-
cile , quand on n'examine pas les choses de
près, de n'avoir que du blâme pour ces sortes
de coups d'Etat; nous croyons seulement que
942
BONA
celui-ci ne fut pas sans influence sur Bona-
parte.
L'ambition que lui avaient fait concevoir les
grands succès de cette miraculeuse campagne
d'Italie perçait dès lors aux yeux des clair-
voyants, et n'échappa point à ceux qui, par
instinct ou par expérience, se connaissaient
en hommes. De ce nombre était l'ordonnateur
on chef de l'armée d'Italie, Sucy (Simon-An-
toine-François de Sucy de Clisson, né à Va-
lence en 1764), que Bonaparte avait connu
en 1788. Plus âgé de cinq ans que Bonaparte,
homme aimable et instruit, M. de Sucy, qui
s'était lié dès ce temps avec le jeune Corse,
l'avait présenté à M. de Josselin, lieutenant-
colonel du régiment d'infanterie d'Artois, le-
quel avait épousé à Valence M'
l e
de Tar-
divon. Lors du premier séjour 4e Bona-
parte dans cette ville, Sucy lui avait fait
souvent les honneurs de la maison de son
beau-frère, l'abbé de Saint-Ruf, qui était
Tardivon et frère de M
m e
de Josselin, et lui
avait prêté plusieurs fois des livres. .Pressé
par M. de Josselin, alors retiré à Valence, de
lui.dire son opinion sur le général Bonaparte,
mais surtout sur l'homme, après cette éton-
nante campagne d'Italie qui t'avait révélé au
monde avec tant d'éclat, Sucy écrivait à M. de
Josselin, sous la date du 17 thermidor an V
(4 août 1797), une lettre présentement pos-
sédée par les petits-Aïs de celui à qui elle
-était adressée, et dont voici un très-remar-
quable fragment; on y sent combien Sucy
avait pénétré l'homme dans le jeune et bril-
lant général :
« Mon respectable mentor et ami,
» Ce ne peut être le lieu de traiter le cha-
pitre de l'homme; d'ailleurs, il faudrait beau-
coup trop de détails. Je pourrais avoir une
opinion sur lui; peut-être détruirait-elle une
partie de celle que vous avez conçue. Au reste,
nous tomberons d'accord si vous ne l'envi-
sagez tjue comme ayant faitde grandes choses.
Je puis raéme ajouter que je ne lui connais
pas de point d arrêt autre que le trône ou
l'échafand. D'après cela, vous ne devez pas
le considérer comme au bout de sa carrière... »
On peut dire que cette prédiction devait
se réaliser au delà de sa forme alternative,
puisque celui qui en était l'objet est arrivé
successivement aux deux termes de l'hypo-
thèse : le couronnement et le martyre...
Et cela était écrit en pleine République, et
du plus grand général de la République. C'é-
tait, on en conviendra, voir les choses de loin.
Avant de passer à la campagne d'Egypte,
que, du reste, pour être fidèle à notre plan,
nous ne raconterons pas dans ses détails, disons
que c'est en Italie même que Bonaparte en
conçut et eu proposa le projet au ministre des
relations extérieures du Directoire, Charles
Delacroix (père de notre grand peintre).
Il est très-curieux de le voir préoccupé d'un
projet de conquête de Malte et de l'Egypte
dès le mois de septembre 1797. Les pièces
officielles sont à cet égard très-explicites.
Ainsi nous le voyons écrire de Passeriano,
25 fructidor an V (13 septembre 1797), une
lettre très-politique, portant en tête : Le gé-
néral Buonaparte au ministre des relations
extérieures, où on lit ce qui suit :
«... Pourquoi ne nous emparerions-nous pas
» de l'Ile de Malte? L'amiral Brueys pourrait
• très-bien mouiller là et s'en emparer;
» 400 chevaliers et au plus un régiment de
» 500 hommes sont la seule garde qu'ait la
• ville de La Valette. Les habitants, qui mon-
» tent à plus de 100,000, sont très-portés pour
• nous et fort dégoûtés de leurs chevaliers,
•» qui ne peuvent plus vivre et meurent de
» faim; je leur ai tait exprès confisquer tous
» leurs biens en Italie. Avec l'île de Saint-
» Pierre que nous a cédée le roi de Sardaigne,
» Malte et Corfou, nous serions maîtres de la
• Méditerranée.
» S'il arrivait qu'à notre paix avec l'Angle-
» terre nous fussions obligés de rendre le cap
» de Bonne-Espérance, il faudrait alors nous
s emparer de iEgypte. Ce pays n'a jamais ap-
D tiîirtemi à une nation européenne, les Vêni-
» tiens seuls y ont eu une prépondérance
» précaire. On pourrait partir d'ici avec
1 25,000" hommes, escortés par huit ou dix
» bâtiments de ligne ou frégates vénitiennes,
» et s'en emparer.^
» L'Egypte n'appartient pas au Grand SeU
» gneur.
» Je désirerais, citoyen ministre, que vous
» prissiez à Paris quelques renseignements et
0 me fissiez connaître quelle réaction aurait
0 sur la Porte notre expédition d'Egypte.
» Avec des armées comme les nôtres, pour
0 qui toutes les religions sont égales, maho-
» métane, cophte, arabe, etc., tout cela nous
" est indifférent : nous respecterons les unes
» comme les autre;-*.
» BCONÀPÀRTE. »
On voit là le politique autant que le guerrier,
l'homme de cabinet autant que l'homme d'ac-
tion.
Il faut bien remarquer la date de cette
lettre de Bonaparte (13 septembre 1797). Ainsi,
c'est en Italie que, de lui-même et spontané-
ment, il avait conçu l'idée d'une expédition en
Egypte. Il en avait pesé dans son esprit les
avantages pour la France, et il les faisait
toucher du doigt à un ministre des relations
extérieures, d ailleurs très-capable de les
BONA
comprendre et de les apprécier. Déjà pour-
tant Charles Delacroix avait songé à Malte,
non pas précisément pour s'en emparer, mais
pour y établir une influence plus favorable
a la République française, celle de l'Es-
pagne , avec laquelle nous étions alors en
paix. Il n'avait pas cependant de ces concep-
tions hardies, qui n'appartiennent qu'au génie,
et il avait besoin qu on lui suggérât ce qu'il
avait à faire.
Charles-Maurice Talleyrand avait succédé
à Charles Delacroix au ministère des relations
extérieures, et on a de ce ministre, aux archives
des affaires étrangères, la réponse suivante à
la lettre de Bonaparte, réponse qui montre
bien que l'expédition d'Egypte fut moins im-
provisée qu'on a bien voulu le dire :
• Paris, le 2 vendémiaire an VI
<23 septembre 1797).
» Le ministre des relations extérieures au
général en chef Buonaparte.
» Le Directoire approuve vos idées sur Malte.
Depuis que cet ordre s'est donné un grand-
maître autrichien, M. de Hompesch, le Direc-
toire s'est confirmé dans le soupçon, déjà
fondé sur d'autres renseignements, que l'Au-
triche visait à s'emparer de cette Ile ; elle
cherche à se faire puissance maritime dans la
Méditerranée. C'est pour cela qu'elle a demandé
de préférence, dans le traité de Léoben, la
partie de l'Italie qui avoisine la mer; qu'elle
s'est hâtée de s'emparer de la Dalmatie;
qu'elle a trahi son avidité en prenant Raguse,
dont il n'avait pas été parlé ; outre cela, comme
elle dispose du gouvernement napolitain,
Malte aurait pour elle un double avantage et
servirait à attirer à elle toutes les productions
de la Sicile. Ce n'est pas seulement dans des
vues de commerce qu elle a voulu émigrer du
centre de l'Italie vers les côtes de cette
presqu'île, mais encore dans des vues de con-
quêtes, plus éloignées à la vérité; elle se
ménage les moyens d'attaquer par terre les
f
rovinces turques, auxquelles elle confine par
Albanie et la Bosnie, tandis que, de concert
avec la Russie, elle aurait pris ces mêmes
provinces par le revers en entrant dans l'Ar-
chipel aveq une flotte russe. Il est de notre
intérêt de prévenir tout accroissement mari-
time de l'Autriche, .et le Directoire désire que
vous preniez les mesures nécessaires pour
empêcher que Malte ne tombe entre ses mains.
» Quant à l'Egypte, vos idées à cet égard
sont grandes, et l'utilité doit en être sentie. Je
vous écrirai sur ce sujet ait large. Aujourd'hui,.
je me borne àA*ous dire que si l'on en faisait
la conquête, ce devrait être pour déjouer les
intrigues russes et anglaises qui se renouvellent
si souvent dans ce malheureux pays. Un si
grand service rendu aux Turcs les engagerait
aisément à nous y laisser toute la prépondé-
rance et les avantages commerciaux dont
nous avons besoin. L'Egypte, comme colonie,
remplacerait bientôt les produits des Antilles,
et, comme chemin, nous donnerait le commerce
de l'Inde; car tout, en matière de commerce,
réside dans le temps, et le temps nous donne-
rait cinq voyages contre trois par la route or-
dinaire, n
» Ch.-M. TALLEYRAND. »
Certes, c'est là une belle lettre, pleine de
vues profondes, et qui dut plaire au grand
esprit à qui elle était adressée, et l'on peut
dire que, dès lors, l'expédition d'Egypte fut
arrêtée en principe.
Nous passons à une espèce de brouillerie
qui survint sur ces entrefaites entre le Direc-
toire et le général en chef de l'armée d'Italie.
Pour se défendre, le Directoire avait été
obligé de frapper ses ennemis du grand coup
qui a nom dans l'histoire 18 FRUCTIDOR. Bo-
naparte et l'armée d'Italie avaient applaudi au
18 fructidor par de chaleureuses adresses au
Directoire. Néanmoins, la paix étant faite avec
l'Autriche, le vainqueur voulait rentrer à Pa-
ris, sans doute pour préparer la grande expé-
dition en Orient qu'il avait en tête* quand 1 in-
cartade d'un jeune officier arrivé de Paris lui
causa un mécontentement si grand, réel ou
feint, qu'il crut devoir demander sa démission
à Paris. Certes, les lettres qu'il écrivit à .cette
occasion ne manquent pas d'intérêt; mais on
y voit une insistance qui semble plus d'un
ambitieux que d'un homme vraiment décou-
ragé. « Ma santé est entièrement délabrée,
D dit-il dans une de ses lettres du i«r octobre
» 1797, et la santé est indispensable et ne peut
» être suppléée par rien à la guerre. Le gou-
» vernement aura sans doute, en conséquence
» de la demande que je lui ai faite il y a huit
» jours, nommé une commission de publicistes
» pour organiser l'Italie libre.
» De nouveaux plénipotentiaires pour conti-
n u e r les négociations ou les renouer, si la
» guerre avait lieu au moment où les événe-
» ments seraient les plus propices.
» Enfin, un général qui ait sa confiance pour
» commander l'armée, car j e ne connais per-
» sonne qui puisse me remplacer dans l'ensem-
» ble de ces trois missions, toutes trois égale-
« ment intéressantes, etc. »
Il finissait sa lettre par ces mots : « Je ne
» puis monter à cheval, j'ai besoin de deux
» ans de repos. »
De quoi donc avait-il à se plaindre au
moment où l'on venait d'approuver ses idées
sur l'Egypte? Le 18 fructidor avait reçu son
approbation et celle de son armée d'Italie. II
traitait de la paix avec l'Autriche, et il avait
commencé les négociations qui devaient aboutir
BONA
au traité de Campo-Formio. Pourquoi ce mé-
contentement? Peut-être en découvrira-t-on
la cause dans la lettre suivante, adressée di-
rectement, dès le 25 septembre, de Passeriano,
au Directoire exécutif ;
• Passeriano, le 4 vendémiaire an VI.
» Un officier est arrivé avant-hier de Paris
» à l'armée d'Italie ; il a répandu dans l'armée
» qu'il partit de Paris le 25, qu'on y était in-
» quiet de la manière dont j'aurais pris les
n événements du 18; il était porteur d'une
» espèce de circulaire du général Augereau
» à tous les généraux de division de l'armée.
» Il avait une lettre du ministre de la guerre
» à l'ordonnateur en chef, qui l'autorisait a
» prendre tout l'argent dont il aurait besoin
» pour sa route; vous en trouverez la copie
» ci-jointe. Il est constant, d'après tous ces
» faits, que le gouvernement en agit envers
1 moi à peu près comme envers Pichegru
» après vendémiaire.
» Je vous prie, citoyens directeurs, de me
» remplacer et de m'accorder ma démission.
» Aucune puissance sur la terre ne sera ca- '
» pable de me faire continuer de servir après
o cette marque horrible de l'ingratitude du
» gouvernement, à laquelle j'étais bien loin de
» m'attendre.
» Ma santé, considérablement affectée, de-
n mande impérieusement du repos et de la
D tranquillité.
» La situation de mon âme a aussi besoin de
n se retremper dans la masse des citoyens.
» Depuis trop longtemps un grand pouvoir est
» confié dans me3 mains. Je m'en suis servi
» dans toutes les circonstances pour le bien de
u la patrie : tant pis pour ceux qui ne croient
» point à la vertu et pourraient avoir suspecté
u ta mienne. Ma récompense est dans ma
» conscience et dans l'opinion de la postérité.
» Je puis, aujourd'hui que la patrie est tran-
» quille et a l'abri des dangers qui l'ont me-
» nacée, quitter sans inconvénient le poste où
» je suis placé.
n Croyez que, s'il y avait un moment de
» péril, je serais au premier rang pour défendre
» la liberté et la constitution de l'an III.
» BUONAPARTE. »
A la réception de cette lettre, le Directoire
s'assembla sans perdre une minute, pour dé-
libérer sur la demande qui en était l'objet, et
c'est La Réveillère-Lepaux qui fut chargé de
répondre au nom du Directoire exécutif. Cette
réponse, datée du 12 vendémiaire an VI (3 oc-
tobre 1797), très-belle et très-peu connue, fait
autant d'honneur à celui qui l'a écrite qu'à
celui à qui elle était adressée. C'est une des
pièces les plus précieuses et les plus honora-
bles de nos archives révolutionnaires; on y
sent à chaque ligne le souffle républicain ;
c'est le langage dû patriotisme s'adressant à
une jeune ambition qui se révèle déjà dans
des plaintes qu'il est impossible de croire sin-
cères :
« Paris, 12 vendémiaire an VI (3 octobre 1797).
0 Au général Buonaparte,
» Votre lettre du 4 de ce mois, citoyen gé-
néral, étonne et afflige le Directoire exécutif,
qui se rassemble extraordinairement pour vous
répondre à l'instant même de l'arrivée de
votre courrier.
» Comment est-il possible que vous ayez
accusé d'ingratitude et d'injustice envers vous
le gouvernement, qui n'a cessé de vous mar-
quer la plus entière comme la plus juste con-
fiance ?
» Vous devez être désabusé dès à présent
sur les ombrages qui ont occasionné votre
lettre, car depuis qu'elle est écrite vous avez
dû entendre le citoyen Bottot. Vous aurez
reçu différentes dépêches, tant du ministre
des relations extérieures que du Directoire
exécutif, et principalement celle du 8 de ce
mois, dans laquelle le gouvernement vous met
dans'la confidence de sa pensée et vous asso-
cie en quelque sorte à ses délibérations. Vous
aurez vu même le général Bernadotte, qui
vous aura transmis ce dont les membres du
Directoire l'ont expressément chargé pour
vous. Voilà des faits, citoyen général. Le Di-
rectoire exécutif a lieu de croire que vous au-
rez apprécié, d'après eux, les procédés du
gouvernement à votre é^ard avant que votre
courrier ne puisse vous être renvoyé.
D Quant aux motifs des inquiétudes que
vous avez conçues, les propos d'un jeune
homme, propos que peut-être on lui a prêtés,
pouvaient-ils l'emporter à vos yeux sur les
communications constantes et directes du gou-
vernement?
n Quant à la lettre du général Augereau,
comme des représentants royalistes avaient
écrit dans leur sens à des généraux de l'ar-
mée d'Italie, et que cela était connu à Paris,
ce général-a cru apparemment devoir y op-
poser le contre-poison. Cela ne pouvait être
susceptible d'aucune interprétation contre
vous.
» La lettre mystérieuse du ministre de la
guerre ne demandait sans doute que des fonds
pour des frais de route. Cette demande d'ar-
gent paraît mal conçue ; mais, quelle qu'en
soit la mauvaise rédaction, ces traits ne pou-
vaient vous atteindre, et vous n'avez jamais
dû en conclure que le' gouvernement vous
traitât comme Pichegru. Il est vraiment in-
concevable que vous tassiez au gouvernement
et à vous-même l'injure de ce parallèle.
» Citoyen général, craignez que les conspi-
BONA
rateurs royalistes, au moment où peut-être
ils empoisonnaient Hoche, n'aient essayé do
jeter dans votre âme des dégoûts et des dé-
fiances capables de priver votre patrie des
efforts de votre génie.
» Jamais elle n'en eut tant besoin.
» Vous parlez de repos, de santé, de démis-
sion?
» Le repos de la République vous défend
de penser au vôtre.
» Si la France n'est pas triomphante, si elle
est réduite à faire une paix honteuse, si le
fruit de vos victoires est perdu, alors, citoyen
général, nous ne serons pas seulement mala-
des, nous serons morts.
n Non, le Directoire exécutif ne reçoit pas
votre démission.
» Non, vous n'avez pas besoin avec lui de
vous réfugier dans votre conscience et de re-
courir au témoignage tardif de la postérité.
» Le Directoire exécutif croit à la vertu du
général Buonaparte, il s'y confie.
» Il vous l'a prouvé le 13 vendémiaire, et co
n'était pas la première fois.
» Au surplus, vous dites que, s'il y a du péril,
vous serez au premier rang pour défendre la
liberté et la Constitution : Te Directoire exé-
cutif vous somme de tenir votre parole. Il
vous dénonce le péril que courent encore la
liberté et la Constitution, si de misérables et
de petites intrigues empêchent la République
de s'élever à ses destinées, s'il faut renoncer
aux résultats de la conquête de l'Italie, si la
grande nation est obligée de rétrograder.
Concevez donc la véritable idée de l'énergie
et du courage unanime que le 18 fructidor a
donnés aux deux pouvoirs suprêmes de la
France.
» Au 18 fructidor, la France a repris sa
place dans l'Europe ; elle a besoin de vous
pour l'y maintenir.
i » S'il pouvait vous rester du doute Mais
I non, citoyen général, vous ne devez plus en
avoir au moment où cette dépêche pourra
vous parvenir, et désormais vous compterez
sur le Directoire exécutif comme il compte
sur vous.
» LA RÉVEILLÈRE-LEPAUX. »
Cette lettre, et, à ce qu'on assure, une autre
de Talleyrand, qui l'avait deviné, dissipèrent
comme instantanément sa mauvaise humeur
etlui rendirent la santé. Il ne parut à personne
qu'il eût été malade, et il ne l'avait été, en
effet, que de mécontentement, que d'une
fièvre d'ambition rentrée. Il fit en mémo
temps sa paix avec le Directoire et avec
l'Autriche, et l'on voit ce « malade" qui avait
écrit quelques jours auparavant : * Je ne
suis plus en état de commander, D agir comme
auparavant. Ses relations avec le Directoire
devinrent même plus intimes. II ne négligea
pas non plus le ministre des relations exté-
rieures, auquel il mandait de Passeriano, le
27 vendémiaire an VI (18 octobre 1797) : «Le
B général Buonaparte prévient le ministre des
B relations extérieures que la paix avec l'em-
B pereur a été signée la veille après minuit. »
De son côté, le Directoire, entrant de plus
en plus dans ses vues, lui mande, par 1 or-
gane de son président La Réveillère, en date
du 30 vendémiaire (21 octobre) :
« Quanta l'île de Malte, vous avez déjà
reçu les ordres de prendre toutes tes me-
sures que vous croiriez nécessaires pour
qu'elle n'appartînt à qui que ce fût qu'a la
France. Vous avez dit au citoyen Bottot que
cotte possession était à vendre. Le Direc-
toire exécutif attache irh véritable prix à sou
acquisition et vous recommande de ne pas
la laisser échapper.
» Le président du Directoire exécutif,
» LA RÉVEILLÈRE-LEPAUX. »
De Milan, 22 brumaire an VI (12 novembre
1797), Bonaparte mande au Directoire, sur
cet article :
0 J'ai envoyé à Malte le citoyen Pous-
» sielgue sous prétexte d'inspecter toutes les
D échelles du Levant, mais, a la vérité, pour
« mettre la dernière main au projet que nous
» avons sur cette île.
» Le général en chef,
B BUONAPARTE. »
Le 17 novembre 1797, enfin, tant le gouver-
nement comprenait les brillants services du
général, même hors des champs de bataille, il
reçut à Milan la dépêche du Directoire qui le
nommait l'un des plénipotentiaires, ou, plus
exactement, président de la légation française
au congrès de Rastadt : plus de traces de mau-
vaise santé. Bonaparte partit incontinent de
Milan pour Rastadt, coucha le même jour à
Turin chez le ministre de France, Ginguené,
traversa la Suisse par Genève, Lausanne,
Fribourg, Avanches, Berne et Bâle, et arriva
à Rastadt le 27 novembre.
Le .Ifoniteur du 6 décembre 1797 rapporte
que, dans ce voyage, la voiture s'étant Drisée
près d'Avanches, Bonaparte eut la curiosité
de visiter l'ossuaire de Morat, qui n'est qu'à
deux lieues de cette ville. Un officier suisse,
qui avait servi en France, offrit au général de
raccompagner, et, touten lui donnant plusieurs
détails militaires sur la bataille de Morat, lui
montra par quel chemin les Suisses, descendus
des montagnes voisines le 23 juin 1476, avaient,
à la faveur d'un bois, tourné l'armée bourgui-
gnonne commandée par son duc Charles le
Téméraire, l'avaient mise en déroute et lui
BONA
avaient tué 18,000 hommes, dont les ossements
avaient été érigés par les Suisses en trophée
pyramidal dans la chapelle de Morat. «Quelle
était la force de l'armée des Bourguignons?
demanda Bonaparte. — 60,000 hommes à peu
près, répondit l'officier. — 60,000 hommes!
s'écria le général; ils auraient dû couvrir ces
montagnes... Aujourd'hui, un général français
ne ferait pas cette faute. — C'est possible,
général, répondit galamment l'officier suisse,
mais alors les Bourguignons n'étaient pas
Français. »
Les Bourguignons ne sauraient souscrire à
cette distinction et accepter cet arrêt. On sait
que ce sont les ancêtres des Bourguignons qui
suivirent Brennus à Rome, et que l'armée de
Sambre-et-Meuse était en grande partie com-
posée de conscrits bourguignons, il s'en est
peu fallu que ce qui s'appelle aujourd'hui la
France ne s'appelât la Bourgogne. Il est bon
que les Francs, partis en même temps que les
Bourguignons des bords du lac Flévo, ne
l'oublient pas. Le lecteur voudra bien par-
donner cette boutade à... un Bourguignon.
Telle était en Suisse l'admiration de toutes
les classes pour le vainqueur de l'Italie, que
Bonaparte, arrivant de nuit à Berne, fut reçu
au milieu d'une double file d'équipages bril-
lamment éclairés, et aux cris de : Vive Bona-
parte! Vive le pacificateur! A Soloure, le
capitaine d'artillerie Zeltner fit tirer le canon
en son honneur, malgré la défense qu'il en
avait reçue de son gouvernement. Tout cela
était extraordinaire, mais on sait que pour
cet homme singulier rien ne devait se passer
dans l'ordre commun et vulgaire des choses.
Arrivé à Rastadt le 27 novembre, et à peine
v était-il installé, qu'il recevait du Directoire
l'ordre de se rendre à Paris; il y descendait
le 5 décembre, à cinq heures du soir, dans la
maison de la rue Ghantereine, qu'habitait sa
femme, et qu'il devait acheter quelques mois
après de M'»« Talma. Le Moniteur s'empressa
d annoncer son arrivée, et le Directoire lui fit
une sorte de réception triomphale, bientôt
suivie de fêtes brillantes, que lui donnèrent
individuellement les directeurs, les membres
des conseils et les ministres. On ne voit pas
sans plaisir dans le Moniteur du 9 décembre
que le Directoire, dès le 8, demanda la mise
en liberté du capitaine suisse Zeltner, empri-
sonné par ordre, de son gouvernement pour
avoir rendu les honneurs militaires au général
Bonaparte lors de son passage à Soleure. Le
Directoire, en paix avec toutes les grandes
puissances, à l'exception de l'Angleterre,
avait, le jour même de la signature du traité
de Campo-Formio, annoncé la formation d'une
armée dite d'Angleterre, et en avait destiné
le commandement en chef au général Bona-
parte. Il s'agissait d'organiser l'armée d'An-
yleterre, et c'est dans ce but que le vainqueur
de l'Italie était appelé à Paris.
Il paraît que le Directoire nourrissait en ce
moment le projet très-sérieux d'une descente
en Angleterre.
B
On avait fait tant de grandes
et merveilleuses choses dans ces derniers
temps, que personne ne s'effrayait des diffi-
cultés de l'entreprise. On s'était accoutumé à
tout attendre du vainqueur de l'Italie, à tout
"> croire possible de sa part. Bonaparte se fai-
sait une haute idée du patriotisme anglais : il
avait calculé les diverses chances favorables
ou contraires d'un débarquement sur les côtes
d'Angleterre et d'une marche sur Londres, et,
après tout, il croyait qu'on pouvait sans im-
prudence tenter de ce côté la fortune des
armes; mais il avait un autre dessein en tête :
ce n'est pas chez elle qu'il voulait frapper
l'Angleterre, c'était ailleurs; c'était dans la
Méditerranée; c'était en lui enlevant ses sta-
tions, ses points de repère maritimes, qu'il
voulait l'affaiblir et la contraindre a la paix.
Et, à propos de ce projet : frapper l'Angle-
terre chez elle, sans traverser le détroit, il
nous souvient d'un mot qui vaut la peine d'ê-
tre cité : Un paysan bourguignon, ayant lu
dans les journaux de l'époque que Bonaparte
avait l'intention d'atteindre l'Angleterre en
passant par l'Egypte, s'était imaginé que le
héros de la campagne d'Italie, d'une force co-
lossale en géographie, avait découvert que la
Grande-Bretagne n'était pas une île, et qu'en
passant par la terre des Pharaons, on arri-
vait à un isthme inconnu qui conduisait tout
droit à la Tour de Londres. Cette hérésie géo-
graphique était très-répandue au fond de nos
provinces en 1812, lors de la guerre de Rus-
sie, où les feuilles publiques répétaient chaque
jour que la guerre faite à l'empereur Alexan-
dre était surtout dirigée contre l'Angleterre.
Plusieurs des clauses du traité de Campo-
Formio avaient été conçues en prévision d'une
expédition en Egypte. C'est ainsi que, dans
le partage des Etats vénitiens, Bonaparte
avait eu soin de conserver à la République
française les îles de la Grèce, Corfou et tout ce
que Venise avait possédé dans la mer d'Ionie, et
nous avons vu que, depuis plusieurs mois, alors
qu'il était en Italie, il avait jeté un regard de
convoitise sur Malte et sur l'Egypte. Cette idée
de conquérir l'Egypte, de former là un établis-
sement français qui nous donnât la clef du
commerce de l'Inde en nous assurant celui
du Levant, dont nous serions en quelque sorte
les maîtres à l'exclusion de l'Angleterre, avait
envahi son imagination, et, dès qu'une fois
une passion de ce genre était entrée dans son
esprit, il était tout à elle. Toutefois, il ne
parla de ses idées qu'aux membres du Direc-
toire exécutif; il en conféra surtout avec le
ministre des relations extérieures, Talley-
BOX A
rand, très-capable d'apprécier ses plans; et,
avec cette ardeur qu'il apportait a tout, ne,
rêvant que l'Egypte, il se mit à l'étudier en
i quelque sorte en tous sens.
j . L'année 1798 venait de s'ouvrir; son titre
' militaire en ce moment était celui de général
\ eh chef de l'année d'Angleterre. Ne sachant
encore s'il devrait réellement agir en cette
qualité pour remplir un des devoirs de sa nou-
velle charge, il parcourut les côtes de l'Océan
depuis \P. Havre jusqu'en Hollande; mais il
les parcourut l'esprit préoccupé de l'Orient;
sa voiture était remplie de livres de voyages
et de mémoires sur l'Egypte. Son imagination
errait au delà de la Méditerranée, sur la terre
des Pharaons; c'est par là qu'il voulait tou-
cher l'Angleterre.
Ah! Jacques Bonhomme; ah! mon ami,
dans cette circonstance tu as été sur le point
de voir enfin satisfaire tes aspirations quatre
fois séculaires, et d'assister à la vengeance
que l'on te doit du martyre de ta fille Jeanne,
cette glorieuse personnification du paysan
français, dans le cœur de laquelle se concen-
trait toute l'indignation nationale ; de ce Spar-
tacus lorrain qui répondait comme le «jeune
soldat» des Paroles d'un croyant aux femmes
' qui s'apitoyaient sur sa blessure :" Ce n'est pas
' au sang qui coule par cette plaie, c'est de la
gloire (réponse historique). Mais, encore une
fois, tu as été déçu. Continue donc d'espérer,
Jacques Bonhomme... et que cet espoir ne
tombe pas en quenouille, comme celui de
la « belle Philis. »
Ce projet grandiose et singulier tout en-
semble le possédait tout entier. Mais que l'en-
treprise contre l'Angleterre dût ou non avoir
lieu, et il était disposé à tout faire pour qu'elle
demeurât en ce moment inexécutée, il était
bien aise qu'on le crût voué à ce dessein avec
sa résolution ordinaire. Cela servait à donner
le change au gouvernement anglais, à masquer
les préparatifs et tout ce qu'il fallait d'éléments
combinés pour l'entreprise. De retour à Paris,
il plaida la cause de ce projet, qu'il promit de
rendre glorieux pour la France ; mais le gé-
néral de l'armée d'Angleterre eut beaucoup à
faire-pour que ce titre fût changé en celui de"
général de l'armée d'Orient. M. de Talleyrand
et Volney aidant, l'expédition fut décidée, et
l'on ne travailla plus qu'à en presser les pré-
paratifs non pas en secret, mais toujours,
comme s'ils n'avaient lieu que pour la des-
cente qu'on avait annoncé devoir faire direc-
tement sur les côtes d'Angleterre. Celle-ci
servait de prétexte aux préparatifs de l'autre
et en masquait l'objet.
On a très-injustement accusé le Directoire
" d'avoir voulu se débarrasser de Bonaparte en
l'envoyant en Egypte; le Directoire était, au
contraire, opposé à ce projet; il en craignait
les conséquences; il en voyait clairement le
but ; mais l'éloignement d'une partie de l'ar-
mée et de son meilleur général ne lui parais-
sait pas d'une excellente politique dans l'état
où était l'Europe. La Réveillère-Lepaux était
un des plus obstinés à le combattre ; il disait
qu'on allait exposer 30 ou 40,000 des meilleurs
soldats de la France, les commettre au hasard
d'une bataille navale, se priver du meilleur
général, de celui que l'Autriche redoutait le
plus, dans un moment où le continent n'était
rien moins que pacifié, et où la création des
républiques nouvelles avait excité de violents
ressentiments; que, de plus, on allait peut-
être exciter la Porte à prendre les armes en
envahissant une de ses provinces. Toutes ces
prévisions étaient assez naturelles, et plusieurs
ont été depuis justifiées par l'événement;
mais Bonaparte avait réponse à tout. Selon
lui, rien n'était plus facile que d'échapper aux
Anglais, en les laissant dans l'ignorance du
projet, ce qu'on avait heureusement fait jus-
que-là, et en précipitant l'exécution. Ce n'était
pas 30 ou 40,000 hommes de moins qui affaibli-
raient la France, à qui il resterait 3 ou 400,000
soldats sous les armes. Il serait d'ailleurs très-
peu de temps absent. Selon lui encore, la Porte
ne verrait pas de mauvais œil qu'on arrachât
l'Egypte aux mameluks, qui la gouvernaient en
' maîtres, et où ses ordres n'étaient plus obéis.
Elle verrait avec plaisir, au contraire, la puni-
tion par la France de ces rebelles usurpateurs
de l'Egypte ; on s'entendrait facilement avec
elleàcet égard. Quantau continent, U n'oserait
bouger. Aucune objection ne l'arrêtait. Avec
son éloquence passionnée, et, disons-le, sa
science, quoique récemment acquise, il les
levait toutes, les emportait, pour ainsi dire, à
la pointe de sa parole ailée et acérée, avec
une vivacité irrésistible. Son style était clair
et poli comme l'épée. Il faisait le plus bril-
lant tableau dès résultats glorieux de l'expé-
dition, de l'effet d'étonnement et d'admiration '
qu'elle produirait en Europe. En passant, il
enlèverait Malte aux chevaliers, et il en assu-
rerait la possession à la France. Tout serait
gloire et profit pour la République. Ses argu-
ments semblaient irrésistibles. Les discussions
au Directoire étaient très-vives entre le fou-
gueux général et les sages Directeurs, oui,
d'ailleurs, il faut bien le dire, ne se trompaient
pas de tout point ; lui n'obéissait qu'à son ima-
gination, qui ne le trompait pas non plus de
tout point. Une fois, dans une de ces discus-
sions, Bonaparte, emporté par un de ces mou-
vements d'impatience déjà presque impériale,
prononça le mot de démission. Il avait déjà
eu cet art ou ce tort, comme nous l'avons vu,
de parler de démission avant le traité de
Campo-Forraio. «Je suis loin de vouloir qu'on
vous la donne, s'écria La Réveillère avec
BONA
fermeté; mais, si vous l'offrez, je suis d'avis
qu'on l'accepte cette fois. » Bonaparte se le
tint pour dit et ne parla plus de démission.
Cette scène a été souvent mal racontée. On a
tour à tour attribué faussement ce mot à Rew-
bell et à Barras, et dans une tout autre occa-
sion; il est maintenant acquis à l'histoire que
c'est à propos de l'expédition d'Egypte et avec
La Réveillère que la scène a eu lieu.
.L'expédition, malgré tout, fut décidée, et
aucune trace de rancune ne subsista de la
scène en question entre le général et le Direc-
teur patriote. La Réveillère se rendit aux rai-
sons de Bonaparte, à la séduction de sa pa-
role ; il ne vit plus, comme les autres, que la
grandeur de l'entreprise, les avantages com-
merciaux qu'on en pourrait tirer, l'effet poli-
tique do cette nouvelle gloire inattendue de
la République; car, comme les autres aussi,
il avait foi dans le génie de Bonaparte, et l'on
ne songea dès lors qu'aux préparatifs de l'ex-
pédition.
Son plan une fois accepté, Bonaparte, avec
l'extraordinaire activité qu'il apportait à l'exé-
cution de tous ses projets, se mit à l'œuvre
et disposa toutes choses. Il fallait cacher le
butd^ l'armement maritime, qui ne pouvait se
faire e.n secret à Toulon; mais, quel qu'en fût
le retev tissement en Europe, le prétexte en
était tou; trouvé. Bonaparte ne parlait que de
l'Angleteire. N'était-il pas le général do l'ar-
mée dAngleterre? C'était contre l'Angleterre
qu'on arm ùt à Toulon; c'était l'Angleterre
seule qu'o:i avait en vue. Néanmoins, il y
avait à cela, un danger; c'était de trop appe-
ler l'attention de l'Angleterre sur la Méditer-
ranée. Nelson fut chargé de surveiller ces
parages, nais Bonaparte comptait sur sa for-
tune; il échapperait à la flotte anglaise, il
saurait tromper sa vigilance et débarquerait
triomphalement en Egypte.
Tout fut prêt pour l'embarquement au mois
de floréal an VI. Le général, ostensiblement
de l'armée d'Angleterre, mais qui l'était en
secret et en réalité de l'armée d'Orient, arriva
à Toulon le so floréal de cette année (9 mai
1793). Les troupes rassemblées d'après ses
ordres, et les généraux qui les commandaient,
avaient été choisis par lui; c'étaient ses an-
ciens soldats et compagnons de l'armée d'Ita-
lie, un peu las de la guerre, mais tous ayant
confiance, et une confiance absolue dans leur
général, qui les avait toujours conduits à la
victoire. Sa présence anima toute cette armée,
prête à s'embarquer et à courir vers une des-
tination inconnue, de cet enthousiasme qu'elle
éprouvait toujours à sa vue. Il fallait conti-
nuer à donner le change à l'opinion et cepen-
dant ne point trop mentir : il harangua l'armée
sur-le-champ avec son adresse ordinaire. On
sait à quel point il excellait en ces sortes d'al-
locutions militaires. Voici sa proclamation ;
« Soldats I
» Vous êtes une des ailes de l'armée d'An-
» gleterre. Vous avez fait la guerre de mon-
» tagnes, de plaines, de sièges; il nous reste
» à faire la guerre maritime.
» Les légions romaines, que vous avez quel-
» quefois imitées, mais pas encore égalées,
a combattaient Carthage tour à tour sur cette
» mer et aux plaines de Zama. La victoire ne
» les abandonna jamais, parce que constam-
» ment elles furent braves, patientes à sup-
» porter la fatigue, disciplinées et unies entre
» elles.
» Soldats, l'Europe a les yeux sur nous I
» Vous avez de grandes destinées à remplir,
a des batailles à livrer, des dangers, des fati-
» gués à vaincre ; vous ferez plus que vous
a n'avez fait pour la prospérité de la patrie,
» le bonheur des hommes, et votre propre
• gloire.
» Soldats, matelots, fantassins, canonniers,
a cavaliers, soyez unis ; souvenez-vous que
» le jour d'une bataille vous avez besoin les
» uns des autres.
» Soldats, matelots, vous avez été jusqu'ici
» négligés; aujourd'hui la plus grande sollici-
• tude de la République est pour vous : vous
a serez dignes de l'armée dont vous faites
» partie.
» Le génie de la liberté qui a rendu, dès sa
» naissance, la République l'arbitre de l'Eu-
u rope, veut qu'elle le soit des mers et des
a nations les plus lointaines, a
Tout était admirablement calculé dans cette
proclamation, qui est un chef-d'œuvre, pour
tout faire pressentir sans divulguer le secret
auquel tenait le succès d'une grande entre-
prise à la fois militaire et politique.
On mit à la voile-le 30 floréal (19 mai) au
bruit du canon, aux acclamations de toute
l'armée ; l'escadre de l'amiral Brueys se compo- '
sait de treize vaisseaux de ligne, dont un de
cent vingt canons; c'était le vaisseau l'Orient,
3
ui portait Bonaparte. L'amiral et les savants
ont il avait eu soin de se faire accompagner
étaient embarqués avec lui sur ce vaisseau,
et l'on vogua dans la direction ordonnée, en-
core mystérieuse pour presque tout le monde,
mais que l'on ne tarda pas à connaître.
Nous ne raconterons pas ici le menu de
cette campagne d'Egypte, où nos armes, avec
des vicissitudes diverses, furent victorieuses
comme partout. Elle fera l'objet d'un article
spécial du Grand factionnaire au mot EGYPTE.
Nous ne voulons ici l'envisager que dans
ses rapports généraux avec le caractère et
la fortune de Bonaparte, dans la période de
sa vie où il ne fut que général de la Repu-
BONA 9 13
blique française. Nous nous bornerons donc
à dire que, débarqué à Alexandrie, le 13 mes-
sidor (1er juillet), il conquit en quelques jours
l'Egypte, passa en Syrie, pour y combattre
les troupes de la Porte qui, suivant les justes
appréciations de La Réveillère, nous avait dé-
claré la guerre, et qu'après être demeuré rem-
pli plus d'une année de ces diverses occupa-
tions, il résolut tout à coup de revenir en France
sur les informations qu'il en reçut, et s'embar-
qua sur le Muiron, le 5 fructidor an VII (22 août
1799), échappa à la flotte anglaise, et arriva à
Paris, le 24 vendémiaire (16 octobre). Les par-
ticularités de sa vie, on a pu en juger, sont
surtout ce qui nous a préoccupé dans cet article,
où nous nous sommes principalement efforcé de
rectifier certaines erreurs trop généralement
admises par les historiens de Napoléon. C'est
ainsi qu'on a dit qu'il avait déserté l'Egypte.
Rien de plus faux, comme le prouve la pièct
suivante, qu'on peut à juste titre considérer
comme son rappel d'Egypte par le Directoire
même, pièce très-importante, et qui semble
avoir été inconnue à la plupart des histo-
riens :
• Paris, le 7 prairial an VII (26 mai 1799).
a Au général Buonaparte, commandant
en chef l'armée d'Orient.
a Les efforts extraordinaires, citoyen gé-
néral, que l'Autriche et la Russie viennent de
déployer, la tournure sérieuse et presque
alarmante que la guerre a prise, exigent que la
République concentre ses forces. Le Direc-
toire vient en conséquence d'ordonner à l'a-
miral Bruix d'employer tous les moyens en
son pouvoir pour se rendre maître de la Mé-
diterranée et pour se porter en Egypte, à
l'effet d'en ramener l'armée que vous com-
mandez. Il est chargé de se concerter avec
vous sur les moyens à prendre pour l'embar-
. quement et le transport. Vous jugerez, ci-
toyen général, si vous pouvez avec sécurité
laisser en Egypte une partie de vos forces,
et le Directoire vous autorise à eu confier le
commandement à qui vous jugerez conve-
nable.
a Le Directoire vous verrait avec plaisir à
la tête des armées républicaines que vous
avez jusqu'à- présent si glorieusement com-
mandées.
» TREILHARD, LA RÉVEILLÈRE-LEPAUX,
BARRAS, U
Nous voilà presque arrivés au 18 brumaire,
et le général républicain Bonaparte, celui qui
fait 1 objet de cette biographie, touche à sa
dernière heure. Nous ne consignerons plus
ici que quelques particularités du voyage "de
Bonaparte depuis son débarquement à Fré-
jus, le 17 vendémiaire an VIII (9 octobre 1799)
jusau'à son arrivée à Paris, le 24 du même
mois (16 octobre). Il passa à Valence, dans
l'après-midi du 20 vendémiaire (12 octobre),
et y reçut, dans sa voiture, la visite de plu-
sieurs personnes qu'il avait connues lors-
qu'il y était en garnison avec le grade de-
lieutenant d'artillerie. Son ancienne hôtesse,
M'ic Bou, alors très-âgée, voulut le voir;
M. Bérenger, de la Drôme, qui a été depuis
membre de la Cour de cassation et de la
Chambre des députés, se souvenait de cette
entrevue. M
l l e
Bou, s'appuyant sur l'épaule
de M. Bérenger, s'élança frémissante sur le
marche-pied de la voiture et toucha en pleu-
rant la main du général Bonaparte, qu'elle ne
devait plus revoir. Bonaparte l'embrassa sur
l'une et l'autre joue. La brave fille, émue
au delà de toute expression, aurait pu en-
tonner le cantique du saint vieillard des
Ecritures. L'ancien officier d'artillerie, pro-
fondément remué par ce souvenir de sa jeu-
nesse, poursuivit sa route vers Paris. C'était,
dans la vieille Mlle Bou, les derniers adieux
qu'il faisait à son meilleur passé au moment
où l'ambition et la fortune allaient s'emparer
de lui tout entier, l'élever au Consulat, puis
à l'Empire, et le précipiter, jeune encore, du
haut de sa gloire sur le rocher de Sainte-Hé-
lène, sur ce Calvaire, pour achever par un
dernier mot la figure, que nous n'avons fait
qu'ébaucher plus haut.
Ici nous entrons dans une nouvelle phase,
et Bonaparte est bien près d'avoir fini son
rôle. C'eût été trop beau : il fallait — c'est
une des lois de l'harmonie — que quelques
ombres vinssent se mêler au tableau. Toute-
fois soyons prudent, et que ces ombres ne
semblent pas trop heurtées dans la partie du
cadre qui nous reste encore à remplir; car,
on le sait, le Grand Dictionnaire compte Jac-
ques Bonhomme au nombre de ses collabora-
teurs; et, en fait d'opinion politique, Jacques
est rond et cassant comme une pomme. Il dit :
« C'est mon opinion, a et si on lui répond que
la raison pense autrement que lui, il réplique
carrément : • Tant pis pour elle. » Or Jac-
ques Bonhomme, on le sait aussi, connaît
très-peu Bonaparte, et s'inquiète encore moins
de savoir s'il était ou non républicain. Napo-
léon! voilà son homme, son héros, son idole.
Presque tous les peuples ont eu de ces engoue-
ments qui touchent à la superstition. Il y a en-
core aujourd'hui des Portugais qui croient
difficilement à la mort du roi Sébastien, et
qui n'éprouveraient qu'une médiocre surprise
s'ils le voyaient revenir de son expédition
d'Afrique ; toute l'Allemagne a cru longtemps
que Barberousse sortirait un jour de la ca-
verne où le prince des enchanteurs le tient
endormi, la tête posée sur une table de mar-
bre noir. Au moyen âge, les Bouguignons
croyaient fermement au retour prochain de
944 BONA
BONA
BONA
BONA
Charles le Téméraire, et Michelot rapporte
que, cinquante ans après la bataille de Nancy,
un paysan dijonnais vendait une vache le
double de son prix, payable le jour où le
grand duc Charles ferait son apparition. Le
même espoir vit, la même petite bougie brûle
encore dans le cœur de Jacques bonhomme,
et le nom de Bonaparte n'a rien à voir dans
cette adoration. C'est à Napoléon seul que
.Jacques donne le petit chapeau, la redingote
grise et cette lunette qui faisait toujours voir
les objets juste à l'endroit où ils étaient, et à
travers laquelle resplendissait invariablement
le mot victoire. Ainsi, dans les idées de Jac-
ques Bonhomme, Bonaparte est tout nu plus
à Napoléon comme un de ces parents éloignés
dont on n'hérite que sous bénéfice d'inventaire.
Ce culte est de sa nature asssurément respec-
table, et nous en donnerons la raison histori-
que à la dernière page de cet article.
A son retour d'Egypte, Bonaparte avait été
reçu avec un enthousiasme presque univer-
sel. Quoique la fortune de la République eût
été relevée p a r l a succession de victoires qui
se terminent à la bataille de Zurich, et par
les brillants succès de Brune en Hollande,
l'impression des revers précédents n'était pas
effacée, et le jeune général fut accueilli comme
si la France eût été sur le bord de l'abîme et
que lui seul pût la sauver. D'autres réputa-
tions militaires pouvaient balancer la sienne;
mais l'opinion publique a ses favoris, comme
les rois. La campagne d'Italie avait couronné
le nom de Bonaparte d'une auréole impérissa-
ble; l'aventureuse expédition d'Egypte, sur
le résultat de laquelle on pouvait encore con-
server quelques illusions, venait d'ajouter à
cette gloire le prestige du gigantesque et de
l'inconnu.
Dans l'état de déconsidération relative où
étaient tombés le Directoire et tous les pou-
voirs publics, l'établissement d'un régime
militaire semblait d'ailleurs une nécessité de
situation, une conséquence presque inévitable
de l'état de guerre prolongé, aussi bien que
le terme définitif d'une longue réaction. Le
f
ieuple, fatigué de suivre la République dans
es fluctuations de sa décadence, s'était dés-
intéressé des affaires publiques, livrées de-
puis plusieurs années aux intrigants et aux
médiocrités. Les cœurs magnanimes, les
f
rands acteurs de la Révolution avaient été
évorés p;ir les événements ; en dehors d'un
petit groupe d'hommes austères, sans grande
autorité, il ne restait guère que des ambitieux
sans scrupule et les réputations militaires.
C'était ici qu'allait le flot. La foule cherchait
un homme : merveilleuse disposition pour ac-
cepter un maître.
Bonaparte arrivait avec l'idée bien arrêtée
de s'emparer du pouvoir : l'enthousiasme dont
il était l'objet lui frayait la voie; en outre, un
parti l'attendait, et même l'avait appelé.
Les Sieyès, les Talleyrand, les Rœderer,
les Cambacérès, les Regnault de Saint-Jean-
-d'Angely, etc., avaient dès longtemps formé
une conspiration pour détruire la constitution
de l'an III, et faire faire à la République une
nouvelle évolution vers la monarchie. Dans
une autobiographie de Talleyrand (inédite, et
qui fait partie du cabinet de M. Feuillet de
Conehes), nous trouvons à ce sujet quelques
révélations curieuses. Ce parti, sentant la né-
cessité de s'appuyer sur un chef militaire, qui
ralliât l'armée, avait d'abord songé à Moreau,
qui ne montra qu'incertitudes; puisa Joubert,
qui, peu après, fut tué à la bataille de Novi ;
enfin à Bonaparte. Mais laissons parler ici le
document en question.
• C'est par des maisons de commerce que
M. de Talleyrand fit parvenir les premières
dépêches qui informaient le général de la si-
tuation où se trouvait la France et de la gloire
qui lui était réservée d'v porter remède; mais,
comme on n'était pas sur qu'il eût reçu ces let-
tres, et que les désordres de l'intérieur et les
désastres de l'armée d'Italie ne laissaient plus
aucune espérance de salut, un bâtiment neutre
fut frété pour lui porter, avec le plan d'exé-
cution qui avait été arrêté , l'invitation de
presser son arrivée et de ramener les princi-
paux officiers de son armée. Ce bâtiment par-
tit à l'insu du Directoire, aborda en Egypte
le 10 août, et Bonaparte était en France avant
que le gouvernement eût même soupçonné
son départ. •
Arrivé à Paris le 24 vendémiaire (16 oc-
tobre), H se rendit deux heures plus tard chez
le président du Directoire, Gohier, honnête
homme facile à tromper. » Président, lui dit-il
(pour expliquer son retour sans autorisation),
les nouvelles qui nous sont parvenues en
Egypte étaient tellement alarmantes que je
n'ai pas balancé à quitter mon armée pour
venir partager vos périls. — Ils étaient grands,
général, répondit Gohier, mais nous en som-
mes glorieusement sortis. Vous artivez à pro-
pos pour célébrer avec nous les triomphes de
vos compagnons d'armes. •
Reçu le lendemain en audience solennelle
par le Directoire, Bonaparte renouvela ses
protestations, et il ajouta, en mettant la main
sur la garde de son épée, « qu'il ne la tirerait
jamais que pour la défense de la République
et de son gouvernement. • (Mémoires de Go-
hier).
Ce retour inattendu n'était point sans faire
naître des sentiments de défiance et d'inquié-
tude chez beaucoup d'hommes appartenant
au gouvernement et a l'opinion républicaine.
Mais, loin de partager ces craintes, la masse
du public, à Paris, s'associait à l'élan de
la France presque entière. On se tromperait
d'ailleurs étrangement si l'on s'imaginait qu'en
offrant pour ainsi dire la dictature à Bona-
parte, le pays cédait à un entraînement mo-
narchique; c'était là, sans doute, l'arrière-
pensée d'un petit nombre; mais la plupart ne
songeaient qu'à l'atfermissement de la Répu-
blique sous une administration vigilante et
ferme. L'armée avait une grande popularité
révolutionnaire et patriotique ; on la regar-
dait comme le plus ferme rempart contre le
retour de l'ancien régime, et les lettrés seuls
pensaient alors à César. Les partis même, plus
clairvoyants d'ordinaire que les foules, espé-
raient trouver en Bonaparte l'homme qui leur
manquait. Mais-lui, qui voulait se servir de
tous les partis, non les servir, gardait une ré-
serve étudiée, recherchait, accueillait tout le
monde, et ne se livrait à personne. Habile
à caresser la démocratie, au moment où il se
préparait à l'absorber dans sa dictature, il af-
fectait des allures modestes, une vie retirée,
se dérobait aux regards et aux applaudisse-
ments du public, n'assistait aux spectacles
que dans une loge grillée, et portait le plus
habituellement le simple habit de membre de
l'Institut, comme pour rendre hommagj à la
prééminence de l'ordre civil et démener ainsi
les projets qu'on lui prêtait.
Malgré cette simplicité toute d'a'iparat, il
avait déjà une véritable cour, et son petit
hôtel de la rue de la Victoire était encombré
de visiteurs. On y voyait un flot d'hommes
qui avaient serpenté à travers tou 3 les évé-
nements, serviteurs de tous les suco :s, n'ayant
d'autre préoccupation que leur pi opre for-
tune, et qui, naturellement, étaieni venus se
ranger autour de l'homme à qui l'avenir sem-
blait appartenir.' Ce groupe était dirigé par
Talleyrand, impudent Mascarillo caché dans
la peau d'un homme d'Etat, et qui parvint à
résumer en lui la corruption de tous les ré-
gimes. On y remarquait aussi Regnault de
Saint-Jean-d'Angely, Rœderer, Real, hom-
mes d'esprit sans convictions, depuis long-
temps avides d'échanger l'humble écharpe de
la démocratie contre les livrées et les brode-
ries d'un gouvernement régulier; Cambacé-
rès, qui avait ce faible des légistes pour la toute-
puissance; Cabanis, Volney, qui devaient se
repentir un jour d'une coopération dont ils ne
prévoyaient pas les suites; Arnault, le potite
tragique, qui déjà faisait en quelque sorte
partie de la domesticité du « général ; * l'ami-
ral Bruix, ex-ministre de la marine, esprit dé-
lié, qui était avec Talleyrand un des conseil-
lers de Bonaparte; les Directeurs Gohier,
Roger-Ducos et Moulins, le premier abusé, le
second complice, le dernier incapable et borné;
des familiers de Barras, des amis de Sieyès;
enfin un certain nombre de républicains sin-
cères, qui venaient là en observateurs inquiets
ou soupçonneux. Les chefs militaires, qui,
dans cet état de guerre continuel, tendaient
visiblement à se constituer en une nouvelle
aristocratie, formaient tout naturellement cor-
tège au plus éminent d'entre eux, à celui qui
semblait destiné à leur assurer la suprématie.
Cependant trois généraux illustres, Jourdan,
Bernadotteet Augereau, conservaient une atti-
tude presque hostile et rassuraient ainsi le parti
républicain, qui les comptait parmi ses chefs
les plus capables et les plus influents, car les
militaires avaient partout pris le devant de la
scène : c'était là, pour employer une expres-
sion dont on a un peu abusé, un des signes
du temps.
Moreau aurait été pour Bonaparte un re-
doutable compétiteur, s'il eût eu une am-
bition plus active et moins d'incertitude dans
le caractère. Ces deux grands capitaines ne
s'étaient jamais vus. Ils se rencontrèrent pour
la première fois chez le président du Direc-
toire. Bonaparte alla au-devant de celui que
l'opinion publique lui avait un instant donné
"comme rival, et le séduisit tout d'abord a force
de caresses et de déférence. Quelques jours
après, il alla le visiter, lui fit présent d'un
sabre magnifique rapporté d'Orient, et finit par
le gagner tout à fait et l'entraîner à sa suite.
Mais une chose caractéristique, c'est que Mo-
reau, tout en promettant son concours à Bo-
naparte, refusa d'écouter l'exposition de ses
plans. .
Ainsi le nouveau César voyait se grouper
autour de lui tous les éléments dont il pouvait
avoir besoin pour l'exécution de ses projets,
et il n'avait plus dès lors qu'à se préparer à
agir. Mais avant de s'engager dans la tenta-
tive hasardeuse d'une attaque de vive force
contre les institutions publiques, il essaya de
s'introduire dans le gouvernement par les
voies légales. Il eut un moment l'idée de rem-
placer dans le Directoire Sieyès, pour lequel
ii nourrissait une aversion prononcée, que ce-
lui-ci lui rendait bien, car il avait, comme lui,
l'ambition de jouer le premier rôle dans la
République. Il s'ouvrit nettement à Gohier et à
Moulins : Sieyès eût été renversé par une iu-
trigue quelconque, et le général nommé à sa
place. Mais comme il n'avait pas les quarante
ans requis par la Constitution, il neput, mal-
ré ses insistances, obtenir l'adhésion des
eux Directeurs auxquels il avait fait sa con-
fidence significative.
Il a plus tard affirmé, et des historiens com-
plaisants ont affirmé après lui, qu'il avait re-
poussé les avances de tous les partis ; mais
c'est là de l'histoire officielle. Une entreprise
comme la sienne ne pouvait réussir avec un
désintéressement à la Cincinnatus.car les par-
tis formaient encore des masses compactes et
étaient maîtres de positions importantes.
- C'est ainsi qu'après sa tentative avortée
pour préparer son élection au Directoire, il
s'adressa aux groupes qui représentaient la
tradition jacobine; mais ce fut en vain que
son frère Joseph essaya d'entraîner un de
leurs chefs, Bernadotte, qui cependant était
son beau-frère et son ami.
Bonaparte essaya encore d'autres combi-
naisons, par exemple une tentative de rap-
prochement avec Barras; mais partout il se
heurtait à des méliances bien naturelles ou à
dos ambitions aussi exclusives, quoique moins
justifiées, que la sienne. Enfin, après divers
tâtonnements, il se décida à une démarche
décisive : l'alliance avec Sieyès, membre du
Directoire depuis quelques mois. De ce côté,
il trouvait des avantages que son esprit pra-
tique devait apprécier, et, entre autres, une
conspiration organisée, montée de longue
date et disposant d'un personnel nombreux
et de moyens d'action importants. Sieyès,
avec son orgueil intraitable, sa réputation
monstrueusement surfaite, son ambition cu-
pide, aspirait à la première place, et il était,
bien inoins que sa propre faction, disposé à
une telle alliance, d'autant plus que, quel-
ques jours avant de rechercher son concours,
Bonaparte l'avait mortellement blessé par
un accueil méprisant. Des amis communs,
Talleyrand, Rœderer, Cabanis, Joseph Bona-
parte, à force d'insistances, finirent par le
décider à un rapprochement. Tout en cédant,
il avait d'ailleurs un pressentiment très-net
qu'au lendemain du succès il serait annulé
par Bonaparte, réduit à une véritable sujé-
tion ; mais, dans le réseau d'intrigues bysan-
tines dont la République était enveloppée, il
devenait urgent d'agir rapidement, si 1 on ne
voulait être prévenu.
C'est ce que comprenait bien le général, qui
poussait ses préparatifs avec une grande ac-
tivité. Désormais assuré du concours de deux
Directeurs, Sieyès et Roger-Ducos, il avait
pied au centre du gouvernement. Barras, usé,
méprisé comme chef des pourris, avait cessé
-d'être redoutable; Gohier et Moulins, les seuls
membres du Directoire qui fussent attachés
sincèrement à la constitution, étaient aveuglés
par la confiance.
Le ministre Fouché, avec son flair subtil
d'homme de police, avait tout deviné dès la
première heure ; mais il se gardait bien de
traverser une entreprise qui paraissait appelée
à un infaillible succès, et il accablait le géné-
ral de protestations de dévouement, se ré-
servant, sans aucun doute, de le trahir si la
fortune l'abandonnait.
Lemercier, président du conseildes Anciens,
et qui était dans la confidence, manœuvrait
habilement pour entraîner la majorité de ce
corps. Aux Cinq-Cents, on avait quelques in-
telligences par Lucien, qui présidait cette
assemblée; mais il était facile de prévoir que
c'était de là que viendrait l'opposition.
Les bases d'opération arrêtées, on distribua
les rôles. Rœderer fut chargé de .travailler
l'opinion par de petits écrits ; Regnault de
rédiger les proclamations, avec l'aide d'Ar-
nault, qui composa même une chanson pour
agiter le peuple des rues. «Une chanson pour
un dénoûment de tragédie! avait-il dit, c'est
trop piquant pour que j'y manque. » D'un au-
tre cote, les généraux qui étaient du complot
avaient la mission de rallier homme par
homme tous les officiers présents à Paris.
Murât, Lannes, Marmont, Macdonald, etc.
travaillaient en ce sens. Real, qui était com-
missaire du Directoire près l'administration
centrale de Paris, devait entraîner ou domi-
ner les municipalités de la capitale. On ajoute
aussi que Bonaparte avait obtenu des four-
nisseurs (qui étaient l'aristocratie financière
du temps) une somme de deux millions pour
faire face aux dépenses courantes du complot.
Tant de démarches, de conciliabules et de
négociations n'avaient pas été sans éveiller
l'attention; aussi tout Paris était-il dans l'at-
tente de grands événements. Mais, comme il
arrive souvent- en de semblables circon-
stances, les plus intéressés ne voyaient et
n'entendaient rien. Gohier et Moulins étaient
dans la plus complète sécurité, d'autant plus
que le ministre de la police affectait une incré-
dulité railleuse et ne faisait que rire de la
prétendue conspiration. De son côté, Bona-
parte ne négligeait rien pour endormir les
deux seuls Directeurs qui pussent devenir un
embarras pour lui. Il accablait Gohier de ca-
resses, lui faisait écrire par Joséphine les plus
aimables billets, et s'invitait, de lui-même,
amicalement à dîner chez lui. Il s'y était en-
• gagé ainsi pour le jour même où devait être
frappé le grand coup. (Mémoires de Gohier.)
Il faut convenir que l'honnête président du
Directoire joua dans toute cette affaire exac-
tement le rôle de ces Gérontes de comédie qui
sont bernés par tous les personnages de la
pièce. Le 15 brumaire,il présidait imperturba-
blement un banquet donné au général par le
conseil des Anciens dans l'ex-église Saint-
Sulpice (alors temple de la Victoire). Lui seul
était calme et rayonnant. Tous les convives,
sous l'empire des plus graves préoccupations,
étaient silencieux et embarrassés. Cet étrange
repas réunissait à la même table un certain
nombre des vainqueurs et des vaincus du
lendemain.
L'e*éoution, plusieurs fois remise, avait été
enfin fixée au 16. Le soir du banquet, Arnault,
envoyé par les principaux acteurs, se présenta
chez Bonaparte pour convenir des den.iors
arrangements. « La chose est remise au 18, lui
dit tranquillement le général. — Au 18! y
songez-vous? l'affaire est éventée. Ne voyez-
vous pas que tout le monde en parle? — Tout
le monde en parle et personne ny croit. D'ail-
leurs, il y a nécessité. Ces imbéciles du conseil
des Anciens n'ont-ils pas des scrupules! ils
m'ont demandé vingt-quatre heures pour faire
leurs réflexions. » ( Arnault, Souvenirs d'un
sexagénaire.)
C'est ainsi que Bonaparte parlait familière-
ment de ses auxiliaires et des « conservateurs
de la Constitution. » La restauration de l'auto-
rité commençait. Dans quelques jours, d'ail-
leurs, ces imbéciles qui avaient encore quel-
ques scrupules seront à plat ventre devant le
maître nouveau, qui, pendant quinze ans,
pourra les mener si bas dans la servitude,
que lui-môme en éprouvera la nausée du dé-
goût.
Après de nouvelles conférences avec Sieyès
et les chefs du parti, la date du 18 avait été,
en effet, définitivement arrêtée. Le plan de
la conjuration était tel à peu près qu'il s'exé-
cuta : suspension du Corps législatit ; suppres-
sion du Directoire et nomination de trois con-
suls investis de la dictature pour réorganiser
la République, et doter la France d'une nou-
velle constitution. Cette constitution, bâclée
par Sieyès, était le moindre des soucis de
Bonaparte, qui savait bien qu'après la victoire
il serait le seul pouvoir actif et la seule loi
vivante. 11 n'était que trop évident, en effet,
que, dans l'état des choses, le gouvernement
de la France allait devenir une seigneurie à
la manière des républiques italiennes du
moyen âge.
Comme dans toutes les hautes comédies d'u-
surpation dont l'histoire nous offre le tableau,
il s agissait toujours, dans ces projets d'en-
vahissement de la puissance publique, de sau-
ver la patrie. C'était par dévouement patrio-
tique que les conjurés allaient se précipiter
dans le gouffre au pouvoir absolu. On sait
quels Curtius c'étaient que les Talleyrand, les
Sie3'ès et les_ politiques de leur école, et com-
bien la grandeur du pays et le bonheur pu-
blic tenaient de place dans leurs préoccupa-
tions E
Un article de la Constitution de Tan III in-
vestissait le conseil des Anciens du droit de
décréter, en cas de péril public, la translation
du Corps législatif hors Paris. Cet article, né
des vieilles rancunes girondines contre la ca-
pitale, allait servir de pivota la conspiration.
Il fut convenu que Sieyès, qui disposait de la
majorité des Anciens, ferait présenter un dé-
cret de translation des conseils à Saint-Cloud,
sous le prétexte d'un complot jacobin sur le
point d'éclater. A cette mesure, on en ferait
ajouter une autre que la Constitution n'autori-
sait pas, la nomination de Bonaparte au com-
mandement des troupes de la division de Pa-
ris, de la garde nationale et de la garde du
Corps législatif. Une fois les conseils réunis à
Saint-Cloud, isolés et privés de tout moyen
d'action, Sieyès et Roger-Ducos devaient en-
voyer leur démission de Directeurs; on espé-
rait arracher celle de Barras et des deux »
autres ; et, dans tous les cas, le gouvernement
se trouvant désorganisé, on comptait imposer
aux conseils la nomination du consulat tel
qu'il avait été projeté.
Une chose curieuse, c'est que les proclama-
tions, par suite du retard de l'exécution,
étaient prêtes plusieurs jours à l'avance. Re-
gnault et Arnault avaient confié ce travail à
un imprimeur de la rue Christine, nommé De-
monville. Le soir du 15, sachant déjà que l'af-
faire était remise, ils étaient allés tranquil-
lement signer le bon à tirer, et ils laissèrent
entre les mains du prote ces pièces accusa-
trices, dont la découverte pouvait tout faire
échouer. Ils étaient niaisement convaincus
que cet homme n'y comprendrait rien (un ty-
pographe! ) On conviendra qu'en une circon-
stance aussi grave, une telle conduite touchait
à l'ineptie. Ce prote obscur et discret, qui eut,
pendant toute une nuit, entre ses mains la
destinée de la France et celle de Napoléon,
se nommait Bouzu.
Dans la nuit du 17 au 18, les décrets furent
préparés sous la direction de Cornet, mem-
bre du conseil des Anciens, et, vers 6 heures
du matin, les lettres de convocation expédiées
par des sous-officiers. On convoqua les An-
ciens pour 7 heures, et les Cinq-Cents pour
il heures, en ayant soin d'oublier les mem-
bres dont on redoutait l'hostilité. De son côté,
Bonaparte,agissanteomme s'il eûtétédéjà re-
vêtu du commandement, avait donné rendez-
vous chez lui, pour 6 heures du matin, à tous
les généraux et officiers sur lesquels il comp-
tait. Le plus piquant, c'est que Lefebvre,
qui commandait la division de Paris, avait
été également appelé. Il était tout dévoué
au Directoire; mais Bonaparte l'enleva d'un
mot : «Vous, l'un des soutiens de la Répu-
blique, la luisserez-vous périr entre les mains
des avocats? Tenez, voilà mon sabre des Py-
ramides, je vous le donne... » Le brave Alsa-
cien s'écria, tout attendri : • Eh bien I j e -
tons les avocats à la rivière ! « Sous le nom
à'avocats, c'était en réalité toute la France
civile qu'on entendait écarter, pour inaugurer
le règne d'une classe, celle des militaires.
Comme on le voit, dans la bouche de Bona-
parte, te mot avocat avait fait fortune. On
sait que cet homme extraordinaire excellai
4
ÉONA
BONA BONA BONA 945
dans l'emploi de ces dénominations à l'em-
porte-pièce, a C'est un idéologue
y
» dira-t-il
plus tard de quelque penseur que la fumée de
la gloire n'aura point enivré, et voilà un
homme voué au ridicule. Il savait excellem-
ment que c'est avec des mots que l'on conduit
les hommes, et il usait de cette arme puis-
sante qu'il trouvait toujours a point dans son
arsenal.
Cependant les Anciens accourent aux Tui-
leries; la séance s'ouvre : Cornet, personnage
un peu grotesque, mais fort zélé, s'empare de
la tribune et déclame à froid contre les jaco-
bins, dans un langage et avec des figures qui
eussent été du plus haut cqmique en toute
autre circonstance. Suivant lui, un affreux
complot est sur le point d'éclater; les poi-
gnards sont levés, et la représentation natio-
nale est perdue si le décret de translation
n'est pas prononcé : « La République, ajoute-
t-il, aura cessé d'exister et son squelette sera
entre les mains de vautours qui s en dispute-
ront les membres décharnés. » (Moniteur.)
Après avoir débité cette pièce d'éloquence, il
cède la place à Régnier, qui présente les dé-
crets tout rédigés. La majorité était assurée
à l'avance, et, grâce à la manière savante
dont les convocations avaient été faites, toutes
les mesures furent votées presque sans dé-
bat. Bonaparte, suivi d'un brillant cortège
de généraux.et d'officiers, vint au sein du con-
seil prêter le serment prescrit : • Représen-
» tants, dit-il, la République périssait, votre
» décret vient de la sauver... » Toutefois il
évita adroitement de jurer la constitution.
Garât voulut en faire l'observation, mais le
président lui refusa la parole, sous le prétexte
que le décret de translation étant prononcé, il
ne pouvait plus y avoir de discussion qu'à
Saint-Cloud.
Cette réponse fut également faite par le
président Lucien aux membres des Cinq-Cents,
qui se réunirent à il heures sous l'empire
d'une vive émotion. Au nom de la constitu-
tion, qu'on se préparait à détruire, on ferma
la bouche aux représentants, et tout débat
dut être ajourné au lendemain.
Paris était comme en état de siège; les
troupes prenaient position de tous les côtés,
suivant les ordres donnés avant même que
les décrets fussent rendus. Lannes gardait les
Tuileries, Marmont l'Ecole militaire, Murât
fut envoyé à Saint-Cloud , Macdonald à Ver-
sailles, et Moreau accepta le poste peu hono-
rable de geôlier du Directoire, qu'il investit,
au Luxembourg, sous le prétexte de pourvoir
à sa sûreté, et dont il intercepta absolument
toute communication avec le dehors.
Pendant que ces événements décisifs s'ac-
complissaient, l'un des principaux Directeurs,
Barras , prenait tranquillement un bain.
Gohier et Moulins, qui commençaient à ou-
vrir les yeux, accoururent auprès de lui; il
leur promit de les rejoindre dans la salle des
séances du Directoire; mais peu de minutes
après, il cédait misérablement aux obsessions
de Talleyrand et de Bruix, et signait sa démis-
sion, qui avait été rédigée à l'avance par Rœ-
derer. Presque aussitôt il partit pour sa terre
de Grosbois, escorté par un détachement de
'iragons. Le Directoire était dissous de fait :
Gohier et Moulins, restés seuls, ne pouvaient
même plus légalement délibérer. Ils s'honorè-
rent, du moins, par la fermeté de leur altitude :
ni les caresses ni les menaces ne purent leur
arracher leur démission. Ils restèrent consi-
gnés au Luxembourg, sous la garde de Mo-
reau, brisés, vaincus, joués par les grands
politiques, mais inébranlables dans leur honnê-
teté républicaine.
Bonaparte, après avoir passé une revue ra-
pide des troupes, qui l'avaient acclamé, était
remonté aux Tuileries, dans la salle ou sié-
geait la commission des inspecteurs, déléga-
tion permanente du pouvoir législatif, qui était
entièrement gagnée, [1 dictait des ordres,
agissait en maître, prenait toutes ses disposi-
tions. Le succès de sa tentative paraissant
assuré, le nombre de ses adhérents grossis-
sait de minute en minute. Kouehé, toujours
dévoué pour les plus forts, commençait à faire
du zèle. Il avait bruyamment fait fermer les
barrières et empêché le départ des courriers,
vieille pratique révolutionnaire, que d'ailleurs
Bonaparte jugea inutile. En outre, il suspen-
dit les douze municipalités de Paris, dont on
craignait l'esprit républicain et qui pouvaient
en eifet servir de centres aux patriotes de
différentes sections. Enfin il avait couvert les
murs de Paris de proclamations, où il recom-
mandait aux citoyens l'ordre et la tranquillité
en assurant qu'on travaillait, dans le moment
même, à sauver- la République, h la préserver
des complots de ses ennemis.
Ces mesures ne pouvaient qu'affermir l'au-
torité de Bonaparte, qui paraissait assez gé-
néralement reconnue, bien que le décret qui
l'en avait investi fût inconstitutionnel, car le
conseil des Anciens n'avait pas le droit de
nommer un chef de la force armée. Lui-même,
avec son étonnante infatuation césarienne,
parlait déjà et agissait en roi du moyen âge.
Un peu avant la démission de Barras, le
secrétaire de celui-ci, Bottot, était venu à la
commission des inspecteurs pour observer ce
qui se passait. Bonaparte, l'apercevant dans la
salle, saisit l'occasion pour déclamer une ti-
rade d'apparat, certainement préméditée et
destinée au Directoire. Voici cette sortie cé-
lèbre où le Moi impérial s'étale déjà avec si
peu de gêne :
(i.
• Qu'avez-vous fait de cette France que
» j'avais laissée si brillante? j'avais laissé la
» paix, j'ai retrouvé la guerre ;/«uais laissé des
» victoires, j'ai retrouvé des revers ; j'avais
• laissé les millions de l'Italie, j'ai retrouvé
» des lois spoliatrices et la misère !... Un tel
» état de choses ne peut durer ; avant trois
» ans il nous mènerait au despotisme.*
Tout le monde connaît la paraphrase élo-
quente — mais où il y a encore plus de pas-
sion que d'éloquence— que Chateaubriand fit
de cette célèbre apostrophe dans son pam-
phlet politique De Buonaparte et des Èour-
bons.
On reste confondu en présence de cet or-
gueil olympien. Ne dirait-on point que les
grandeurs de la République sont exclusive-
ment son ouvrage, que personne avant lui,
que personne avec lui n'y a contribué ? Certes,
il avait joué un rôle militaire brillant; mais
Hoche, mais Moreaû, mais Bernadotte, mais
Jourdan, mais Kellermann, mais cent autres
capitaines illustres qui ont sauvé la patrie et
soutenu la grande lutte contre les rois, de quel
droit leur gloire est-elle ainsi confisquée ? et
le comité de Salut public, et la Convention,
et tous les grands citoyens de l'époque héroï-
que, quelle part leur laisse-1-on ? En 1815,
quand le sang de plusieurs milliers d'hommes
aura été versé, que restera-t-il de cette
France que la Convention avait laissée si
puissante et si forte? Lui-même n'avait-il eu
aucune part»dans les fautes qu'il reprochait
au Directoire? et n'était-ce point lui, notam-
ment, qui avait pris l'initiative de la création
de ces républiques éphémères, première cause
de nos revers ? Qui donc aussi avait déterminé
l'éloignement de la plus belle de nos armées
pour cette folle et aventureuse expédition
d'Egypte, qui coûta si cher à la France et qui
fut son œuvre personnelle? Mais les récrimi-
nations eussent été trop faciles. On pouvait
ajouter encore qu'au moment même où il par-
lait, la République, après un'moment de dé-
faillance, était de nouveau partout victorieuse,
et sans qu'il y fût pour rien.
Quoi qu'il en soit, le pauvre Bottot était
stupéfait de recevoir à bout portant ces phra-
ses théâtrales qui n'avaient pas été arrondies
pour un aussi mince personnage, et qu'on se
nâta d'expédier à tous les journaux.
La journée du 18 brumaire se termina sans
que la conspiration eût rencontré une opposi-
tion sérieuse. Les patriotes s'agitèrent bien, il
est vrai, dans quelques conciliabules, mais
sans parvenir à organiser un centre de résis-
tance efficace. Décimés, écrasés tant de fois,
et récemment encore par Sieyès, les républi-
cains n'étaient plus, d ailleurs, en état de lut-
ter contre le parti militaire. En outre, le peu-
* pie paraissait convaincu que la dictature de
Bonaparte serait un événement heureux pour
la République.
Le lendemain 19, Saint-Cloud était encom-
bré de troupes. Rien n'était prêt pour l'in-
stallation du Corps législatif; il en résulta des
retards qui faillirent compromettre la conju-
ration. Les députés se promenaient par grou-
pes dans le parc, et s entretenaient avec la
plus vive animation. Les Cinq-Cents repro-
chaient aux Anciens de livrer la République
à une dictature militaire, et ils parvinrent à
en ébranler quelques-uns. Les conspirateurs
n'étaient pas sans appréhension : Sieyès et
d'autres personnages avaient des voitures qui
les attendaient à la grille, en prévision d'un
échec.
Enfin les conseils entrèrent en séance vers
deux heures. Les Anciens siégeaient dans une
des salles du palais, les Cinq-Cents dans
l'Orangerie; Bonaparte, avec le monde d'of-
ficiers qui l'accompagnaient, occupait un des
appartements. 11 attendait, non sans trouble
intérieur, les délibérations qui devaient mettre
la République à ses pieds. Dans la nuit, des
Anciens qui hésitaient encore à violer la loi
lui avaient offert une place dans le Directoire
renouvelé; les Cinq-Cents eussent adhéré à
cette combinaison; une dispense d'âge eût été
accordée: niais il refusa avec opiniâtreté. Ce
qu'il voulait, c'était l'omnipotence avec une
constitution faite par lui et pour lui; il n'ac-
ceptait pas d'autre rôle que celui de sauveur.
On sait ce que cela signifie.
Aux Cinq-Cents, un des affidés, Gandin,
ouvrit la séance par le bavardage habituel
sur le prétendu danger de la République; il
félicita les Anciens sur la mesure de la trans-
lation, et finit par proposer la nomination
d'une commission pour préparer des mesures
de salut public. On espérait ainsi abréger les
discussions. De plus, on avait tout naturelle-
ment un rapport tout préparé, dans le sens de*
la conjuration, avec proposition du consulat,
ajournement du Corps législatif, etc. Mais à
peine Gaudin a-t-il hni de parler qu'une tem-
pête éclate dans l'assemblée, à bon droit dé-
riante et irritée, et qui se lève en masse aux
cris de : • A bas la dictature 1 vive la consti-
tution! — La constitution ou la mort! s'écrie
Delbrel... Les baïonnettes ne nous effrayent
point, nous sommes libres icil o Après une
longue agitation, Grandmatson propose de
prêter individuellement le serment a la con-
stitution. L'appel nominal commence, et Lu-
cien Bonaparte lui-même, qui présidait, est
contraint de venir prononcer son serment à
la tribune.
L'immense majorité des Cinq-Cents était
sincèrement et énergiquement dévouée à la
République, et peut-être l'eùt-elle sauvée si
elle eût agi avec promptitude et décision.
Elle avait sous la main Jourdan, Bernadotte,
Augereau et d'autres patriotes influents qui
n'attendaient qu'un signal et qu'un décret;
mais les longueurs de l'appel nominal tirent
perdre un temps précieux. Cette foi naïve dans
la sainteté de la parole humaine et dans la
puissance de la loi était encore une tradition
de la grande époque révolutionnaire ; mais elle
était tout à fait hors de saison dans les temps
nouveaux, où le culte dé la force pure, la toi
punique et le parjure officiel commençaient à
passer dans les mœurs publiques.
Quoi qu'il en soit, les meneurs du complot
furent un instant déconcertés. Les Anciens
étaient ébranlés, et beaucoup ne paraissaient
pas éloignés de faire volte-face. Les membres
qui, la veille, n'avaient pas été convoqués,
demandaient hautement des explications sur
les prétendus dangers qui avaient motivé le
décret de translation. Le fameux complot j a -
cobin avait si peu de réalité que ceux qui en
avaient affirmé l'existence demeuraient hon-
teusement confondus et bouche close quand
on les sommait d'articuler des faits. La situa-
tion devenait très-grave. Bonaparte était ému,
inquiet et irrité. Lui qui, depuis la veille, s'ac-
coutumait à dire à tout propos : « Je veux... •
il s'étonnait, comme d'une désobéissance, des
obstacles qu'il rencontrait. Après une confé-
rence rapide avec Sieyès, il résolut de brus-
quer les choses et de se présenter devant les
conseils a la tète dé son état-major.' Ici il
rentrait dans son vrai rôle. Il fit mettre un
régiment en bataille dans la cour, annonça à
ses officiers qu'il allait en finir, et, suivi de
son état-major, alla se présenter à la barre
des Anciens. Une fois en présence de l'assem-
blée, dans cette enceinte où, malgré l'anar-
chie du moment, rayonnaient encore le pres-
tige de la représentation nationale et la ma-
jesté des lois, il fut visiblement intimidé, et
son émotion se trahit par l'incohérence de son
discours (que le Moniteur a eu soin de rema-
nier et d'arranger).
Après avoir assuré que la République était
n sur un volcan, » il passa brusquement aux
calomnies dont on l'abreuvait. On parlait d'un
nouveau César, d'un nouveau Cromwell, on
osait lui attribuer le projet d'établir un gou-
vernement militaire ; mais s'il avait ambitionné
un tel rôle, il lui eût été facile de le prendre
au retour d'Italie; il n'en a pas voulu alors,
il ne le veut pas plus aujourd'hui. Puis, re-
prenant le thème des dangers de la patrie,
il annonça la prise de plusieurs places par les
chouans, et adjura le** représentants de sau-
ver la liberté et l'égalité. Linglet lui dit :
« Et la Constitution? »
Un instant déconcerté, il réplique avec ai-
greur en découvrant ses vrais sentiments :
«La Constitution! vous n'en avez plus!
» vous l'avez violée au 18 fructidor, vous l'a-
» vez violée au 22 floréal, vous l'avez violée au
» 30 prairial. »
Et il concluait à la nécessité d'un nouveau
pacte et de nouvelles garanties —c'est-à-dire
a la concentration du pouvoir entre ses mains.
On lui demande de s'expliquer sur les dan-
gers qu'il signalait. Visiblement embarrassé,
il se répandit en accusations vagues contre
les factions, mais sans préciser un seul fait,
recommença à se plaindre de l'insuffisance de
la Constitution pour sauver la patrie, attaqua
le conseil des Cinq-Cents avec violence, et
termina par ces menaces peu déguisées :
« Si quelque orateur, payé par l'étranger,
» parlait de me mettre hors la loi, qu'il prenne
» garde de porter cet arrêt contre lui-même!...
» J'en appellerais à vous, mes braves compa-
» gnons d'armes, à vous, grenadiers dont j ' a -
» perçois les bonnets, à vous, braves soldats
» dont j'aperçois les baïonnettes! Souvenez-
» vous que je marche accompagné du Dieu
D de la fortune et du Dieu de la guerre l »
Ce langage emphatique et presque inconve-
nant dans une pareille enceinte, produisit une
fâcheuse impression. La majorité de l'assem-
blée était disposée à accorder au général ce
pouvoir qu'il recherchait si avidement; mais
elle'eût désiré qu'on lui fournît au moins un
prétexte pour créer une dictature, qu'on lui
donnât quelques motifs spécieux propres à
faire illusion. Elle ne prit aucune détermina-
tion et attendit, circonstance qui annonce au
moins de l'indécision.
En quittant la barre des Anciens, Bona-
parte s'était rendu aux Cinq-Cents. Dans cette
assemblée, la discussion, après la prestation
du serment, avait été reprise avec animation
sur la question du prétendu grand complot
qui avait servi de prétexte à la translation des
conseils à Saint-Cloud. On décréta l'envoi
d'un message aux Anciens, pour leur deman-
der les motifs de cette convocation extraordi-
naire , qui semblait annoncer un grand pé-
ril public. Tout à coup, au milieu des délibé-
rations/laporte s'ouvre, etBonaparte,entouré
de grenadiers, paraît sur le seuil. A la vue
des armes, les représentants bondissent, l'in-
dignation soulève l'assemblée entière; de
toutes parts éclatent les" cris : • QuoJl des
sabres icil à bas le dictateur 1 à bas le tyran 1
hors la loi ! vive la Constitution ! vive la Ré-
publique! — Que faites-vous, téméraire?
s'écrie Bigonnet, vous violez le sanctuaire
des lois! » Et Destrem : « Est-ce donc pour
cela que tu as vaincu? » Et d'autres encore :
« Tous tes lauriers sont flétris ! Ta gloire s'est
changée en infamie ! u
Pâle et violemment agité, Bonaparte s'ef-
force cependant de gagner la barre, placée au
milieu de la salle; mais les députés l'entou-
rent en lui reprochant sa trahison ; quelques-
uns même le saisissent au collet en lui ordon-
nant de sortir. C'est alors que ses grenadiers,
restés sur le seuil, s'élancent et remportent à
demi évanoui. .
La tempête continue-dans l'assemblée, et
les motions se multiplient au milieu d'une agi-
tation inexprimable. On propose tour à tour
de mettre les troupes en réquisition, sous le
commandement de Bernadotte, de se décla*
rer en permanence, de se rendre sur-le-champ
à Paris, Lucien manœuvre habilement pour
gagner du temps; il essaye de défendre son
frère, de rappeler ses services; il supplie, il
lutte, mais en vain : sa voix est couverte par
le formidable hors la loi/ qui avait perdu Ro-
bespierre lui-même. Prononcé contre Bona-
parte, il pouvait faire hésiter les troupes,
parmi lesquelles se trouvait la garde même
du corps législatif. Lucien était dans une si-
tuation vraiment tragique : sommé de mettre
aux voix la mise hors la loi de son propre
frère, il déploya dans sa résistance autant de
courage que d'habileté, et finit par déposerses
insignes de président pour descendre à la
barre. Le terrible cri retentissait au dehors.
Bonaparte envoie un groupe de grenadiers
pour dégager son frère, qui monte aussitôt à
.cheval dans la cour et devient à ce moment
le maître du mouvement et le sauveur de la
conspiration. Connu des soldats comme pré-
sident de l'Assemblée, il couvrit le coup d'Etat
d'un semblant de légalité. Il harangue les
troupes, ltiur représente le conseil des Cinq-
Cents comme opprimé par des « représentants
à stylet, par des brigands soldés par l'Angle-
terre, par une minorité d'assassins. • En con-
séquence, il requiert la force publique pour
délivrer l'assemblée.
L'instant était décisif et il n'y avait pas une
minute à perdre. L'ordre est donné de dis-
soudre l'assemblée par la force ; Murât et
Leclerc entraînent les soldats; les protesta-
tions des représentants sont étouffées par le
roulement des tambours; un cri suprême de
• Vive la République! » retentit, appel déses-
péré de la liberté mourante ; quelques instants
après, la violence était consommée, la salle
n était plus occupée que par des grenadiers.
Quatre années auparavant, au milieu des
vagues de l'Océan, le même cri d'agonie avait
retenti, dans une circonstance, nous ne pou-
vons pas dire plus solennelle, mais plus ter-
rible encore. Plutôt que de se rendre aux
Anglais, les héroïques marins du Vengeur
s'abîmaient dans les flots aux cris sublimes
de : Vive la. liberté! Vive la France! Vive la
République!
C'étaient deux naufrages ; mais combien
l'un avait été plus glorieux que l'autre ! Nous
ne voulons pas suspecter le républicanisme de
l'honorable Assemblée ;ce seraitune injustice;
mais le pouls de la nation tout entière s'était
ralenti, les artères battaient moins vivement.
Ce n'était plus l'époque des grands mouve-
ments, des sublimes colèrea, des terribles exé-
cutions. L'éloquence, ce levier d'Archimède
auquel rien ne résiste, faisait défaut. Il aurait
fallu là une de ces paroles de feu qui électri-
sent même les esprits timides, un de ces gestes
qui excitent ou calment à leur gré les orages.
0 Danton ! ô géant de la Révolution, tu man-
quais au milieu de ce Cap des Tempêtes 1
On a dit que les représentants s'étaient pré-
. cipités par les fenêtres, comme affolés par la
terreur; il fallait bien rendre les vaincus ri-
dicules après les avoir outragea! Mais, outre
que les documents officiels ne font pas men-
tion de ce triste épisode, il résulte de l'ensem-
ble de témoignages sérieux que les grenadiers
(qui étaient de la garde du Corps législatif)
s avancèrent avec lenteur, sans se livrer à
aucune violence, et même avec un certain
respect. Ces soldats de la République, malgré
leur engouement pour Bonaparte, ne s'étaient
pas instantanément transformés en prétoriens.
Ce fut pas à pas, et pour ainsi dire homme à
homme, que les députés furent refoulés, pous-
sés hors de l'Orangerie par la porte et par les
couloirs. 'Les vainqueurs se sont calomniés
eux-mêmes, quand ils ont imaginé cette cir-
constance.
On a dit aussi, on a répété que des poi-
gnards avaient été levés sur Bonaparte dans
la salle de l'Orangerie, et c'est au moyen de
cette fable que Lucien excita l'indignation
des soldats. Bonaparte lui-même, dans sa pro-
clamation du 20 brumaire, où il racontait a sa
manière les événements, assure que vingt as-
sassins se précipitèrent sur lui en cherchant sa
poitrine. Mais il est certain que c'est là un
fantôme de l'émotion ou une erreur officielle.
Si vingt assassins s'étaient précipités sur lui,
qui donc à ce moment les eût empêchés de
frapper?... Rien n'eût été plus facile dans une
semblable mêlée. Ce qu'il y a de sûr, c'est que
le procès-verbal de cette séance, rédigé par
les vainqueurs, ne dit pas un mot de cette ten-
tative d assassinat. Il n'en est pas question
davantage dans le compte rendu très-circon-
stancié du Moniteur du 80 brumaire. On ne le
mentionna en quelque sorte qu'en post-scrip-
tum. Ce ne fut que le lendemain qu'on ima-
gina de raconter que le grenadier Thomas
Thomé avait eu la manche de son habit dé-
chirée par un coup de poignard destiné au gé-
néral, et le Moniteur du 23 rapportait que
Thomé avait déjeuné avec Bonaparte, et que
119
946 BON A
la citoyenne Bonaparte avait embrassé le
brave grenadier et lui avait mis au doigt un
diamant de la valeur de 2,000 écus.
Ce qu'il y a de remarquable, c'est que, même
parmi ceux des adhérents du coup d'Etat qui
ont admis le fait comme vrai, pas un seul^ ne
dit l'avoir vu de ses yeux. D un autre côté,
tous les autres témoins oculaires ou historiens
du temps, depuis le sénateur Thibaudeau
jusqu'à Dupont (de l'Eure), l'ont nié énergi-
quement. « Je n'ai point vu de poignards levés
sur lui, » dit le prince Eugène lui-même dans
ses Mémoires. Lombard (de Langres), témoin
oculaire et qui a publié une notice sur le
18 brumaire, discute cette question dans ses
Mémoires, et affirme que ce fut là#une fable
imaginée pour appeler l'intérêt sur Bonaparte
et rendre les vaincus odieux. Enfin il ajoute :
« Dans cette bagarre, un poignard a-t-il été
dirigé contre lui? Cela est possible; mais je
dis non, et je dis non parce que mes veux ne
l'ont pas quitté ; parce qu'après cette journée,
ayant demandé, non à ses ennemis, mais à
plusieurs députés des Cinq-Cents qui étaient
entièrement de son bord, s'il était vrai qu'on
eût tenté de le frapper, tous m'ont répondu
qu'il n'en était rien. » Lombard produit en
outre le témoignage conforme de M. Sibuel,
son collègue à la cour de cassation, également
témoin oculaire.
On avait accusé de ce coup de pqignard
légendaire le député Arena, mais il ne-
s'est jamais trouvé un témoin pour affirmer
cette accusation, et il paraît qu'Arena se
trouvait précisément, au moment de cette
scène, a une extrémité opposée de la salle.
Le député Savary, dans la brochure Mon
examen de conscience sur le 18 brumaire, a
prouvé que le grenadier Thomé n'avait point
été frappé par un coup de poignard, mais qu'il
avait eu simplement sa manche déchirée par
un clou ou une ferrure en passant près d'une
porte. Quoi qu'il en soit, 1 heureux grenadier
se laissa donner un brevet d'officier et une
pension de 600 fr. Cette pension ayant été
supprimée par la Restauration, il réclama par
une pétition adressée à la Chambre en 1818.
Dupont (de l'Eure) fit passer à l'ordre du jour,
en affirmant, lui, témoin de la journée de
Saint-Cloudj que le coup de poignard était une
pure invention. L'éternel grenadier ne se tint
pas pour battu, et plaida, dans une lettre
adressée aux journaux, la réalité de ce bien-
heureux coup de stylet dont il avait si long-
temps vécu, et que sans doute il avait fini
par prendre lui-même au sérieux. Cette lettre
existe encore dans une collection d'autogra-
phes, et elle est signée Pomiès; ainsi le nom
réel de ce célèbre personnage serait Thomas
Pomiès,
Ou Pomiès Thomas; car il n'importe guère
Que Thomas soit devant ou Thomas soit derrière.
On trouvera encore la réfutation de la pré-
tendue tentative d'assassinat de Saint-Cioud
dans une curieuse brochure émanée probable-
ment des papiers de Rcederer, et qui parut sous
ce titre ; La petite maison de la rue Chante-
reine (Paulin, 1840),
Cependant, après l'évacution de la salle de
VOrangerie, plusieurs députés des Cinq-Cents
coururent aux Anciens dénoncer l'outrage fait
à la représentation nationale. L'impression fut
extrêmement pénible; les Anciens se mon-
trèrent affligés d'un pareil attentat; mais Lu-
cien accourut a leur barre, leur expliqua que
tout s'était fait dans l'intérêt de la République,
et n'eut pas trop de peine à obtenir leur con-
cours pour réorganiser le gouvernement.
Le soir, à neuf heures, à force de courir de
tous les côtés, on parvint à réunir une tren-
taine de membres des Cinq-Cents (c'est le
chiffre indiqué par Cornet lui-même, un des
coopérateurs du coup d'Etat) ; on les constitua
en assemblée, on les déclara et ils se décla-
rèrent eux-mêmes la partie saine, la majorité
du conseil, tandis que les quatre cent soixante-
dix autres membres n'étaient que la minorité,
les factieux. Ce conciliabule décréta que Bo-
naparte et ses lieutenants avaient bien mérité
de la patrie. Puis Boulay (de la Meurthe) vint
présenter tous les projets concertés : l'insti-
tution d'un consulat provisoire composé • de
Bonaparte, Sieyès et Roger-Ducos; l'ajourne-
ment du Corps législatif au 1
e r
ventôse sui-
vant, la nomination de deux commissions lé-
gislatives chargées d'aider les consuls dans
leur travail de réorganisation ; enfin l'exclusion
de cinquante-sept représentants, mesure à
laquelle une liste de proscription vint peu de
jours après donner son complément. Les con-
suls et les commissions étaient en outre chargés
de rédiger une constitution nouvelle. (V. CON-
STITUTION DE L'AN VIII.)
A une heure du matin, tout était voté, sans
vaines discussions. Les décrets sont aussitôt
ortés aux Anciens, qui se hâtent de les rati-
er. Bonaparte et les deux autres consuls
viennent prêter serment a la légalité, k la
liberté, au système représentatif; et enfin Lu-
cien, avec un étonnant sang-froid, prend ja
parole pour féciliter cette Assemblée nationale
de son oeuvre nocturne :
« Représentants du peuple, la liberté fran-
çaise est née dans le .Teu de paume de Ver-
sailles. Depuis 'l'immortelle scène du Jeu de
paume, elle s'est traînée jusqu'à vous, en proie
tour à tour à l'inconséquence, a la faiblesse,
aux maladies convulsives de l'enfance. Elle
vient aujourd'hui de prendre la robe virile!
A peine venez-vous de l'asseoir sur la con-
fiance et l'amour des Français, et déjà le sou-
BOKA
rire de la paix et de l'abondance brille sur ses
lèvres ! Représentants du peuple, entendez le
cri sublime de la postérité : a Si la liberté
naquit dans le Jeu de paume de Versailles,
elle fut consolidée dans l'Orangerie de Saint-
Ctoud! »
L'histoire, croyons-nous, ne présente pas un
second exemple d'une mystification de cette
force. Les trente et les Anciens avalèrent en
silence la harangue de l'ex-président et s'éva-
nouirent ensuite dans les ombres de la nuit.
On les retrouvera dans la domesticité consu-
laire et impériale, parmi ces générations de
dignitaires vraiment inamovibles qui sontrestés
pendant un demi-siècle debout sur les ruines
de tous les gouvernements qu'ils avaient ex-
ploités et trahis, plus impassibles que l'homme
d'Horace, éternels, inévitables, indestruc-
tibles, et faisant en quelque sorte partie du
mobilier de tous les pouvoirs.
Les trois consuls allèrent s'installer au
Luxembourg. Il n'y avait aucune distinction
légale entre les nouveaux dictateurs, et les
actes du consulat provisoire ne font même pas
mention d'un président; mais, dès lu première
séance, Roger-Ducos, entraîné par le senti-
ment du moment, dit h Bonaparte : « Prenez
le fauteuil et délibérons. »
Il est probable qu'il l'eût pris sans invitation.
Une période nouvelle s'ouvrait. La France
avait un maître.
Voila une page à travers laquelle passe le
souffle républicain, et Brutus lui-même en
serait content. Donnons donc pour un mo-
ment la parole à Jacques Bonhomme, car la
• question menace de s'embrouiller; les mêmes
•figures reviennent sur la scène et pourtant
le spectateur a bien de la peine à les recon-
naître. Nous voilà a mille lieues du Souper de
Beaucaire. Il est donc temps que Jacques
prenne à son tour la parole, et comme nous
naviguons a pleines voiles dans l'obscur,
Jacques Bonhomme, qui est* Normand aussi,
et qui, endette qualité, sait que le meilleur
moyen de gagner une mauvaise cause, con-
siste à l'embrouiller le plus possible, c'est en
Angleterre, c'est chez son ennemie, chez la
perfide Albion qu'il va chercher un avocat.
Sans doute, en voyant le héros s'élever du
rang de général au rang de chef d'Etat, les
âmes républicaines ont dû souffrir ; elles en
souffrent encore, quand elles n'écoutent que
leurs généreux sentiments; mais, en y réflé-
chissant, en constatant l'état des esprits et la
force qu avaient reprise par toutes sortes de
moyens, plus condamnables les uns que les
autres, les contre - révolutionnaires de tout
bord, royalistes et autres, on sent qu'il eût été
difficile, sinon impossible, de sauver la Répu-
blique par les moyens ordinaires. Il nous
semble, après tout, a considérer les choses de
haut et selon la philosophie de l'histoire, quo
c'est un grand préjugé déihocratique de con-
sidérer d'une manière absolue — nous pourrions
même dire brutale — sans aucune restriction, le
grand dictateur de la Révolution française
comme l'ennemi de cette révolution. Le co-
lonel Napier, dans l'introduction a son beau
livre sur la guerre do la Péninsule (Zfistory of
peninsular war, from 1807 to 18U), publié a
Londres pendant que la Restauration, c'est-à-
dire la contre-révolution, triomphait de ce
côté-ci du détroit, a dit de ce rôle, à notre
avis, ce qu'il en faut dire : « Les hostilités de
» l'aristocratie européenne firent prendre une
» direction toute militaire à l'enthousiasme de
» la France républicaine, et entraînèrent cette
n puissante nation dans une politique qui, quel-
» que outrageante qu'elle ait pu paraître, était
» réellement imposée par la nécessité. Jus-
» qu'au traité de Tilsitt, la France ne fit qu'une
» guerre essentiellement défensive ; car la san-
>» giante lutte qui ravagea le continent pen-
» dant tant d'années n'avait pas pour objet la
» prééminence entre des puissances ambi-
» tieuses. Ce n'était pas une dispute pour un
» agrandissement de territoire ou pour l'élé-
» vation politique d'une nation, mais bien un
D combat à mort qui devait décider lequel des
» deux partis, l'aristocratie ou la démocratie,
» dominerait l'autre, et si l'égalité ou le privi-
» lége serait dorénavant le principe fonda-
» mental des gouvernements européens.
» La Révolution française avait acquis une
» existence prématurée avant l'époque natu-
« relie do sa naissance. » (On comprend que le
Grand Dictionnaire ne saurait partager cette
opinion du savant historien. Le fruit était
mûr, archimûr : le despotisme et l'arbitraire
avaient oomblé la mesure, et quand sonna le
glas suprême de 89, le vieux monde n'était
plus qu'un cadavre rongé de vers qui récla-
mait depuis longtemps les "honneurs de la
sépulture), o Le pouvoir du principe aristo-
» cratique était trop vigoureux et trop ideh-
n tifié encore avec celui du principe mo-
» narchique pour qu'un vertueux effort démo-
» cratique put lui résister avec succès. Bien
» moins encore pouvait-il être renversé par
» une démocratie qui, dans ses excès, se plon-
u geait dans un sang innocent, menaçant de
n destruction les institutions politiques etreli-
» gieuses, ouvrage de plusieurs siècles, dont
» quelques parties, il est vrai, avaient vieilli,
» mais dont la vétusté se laissait à peine aper-
» cevoir. Les premiers événements militaires
» de la Révolution, les troubles, les insurrec-
• tîons de Toulon et de Lyon, la guerre civile
EONA
B de la Vendée, la faible quoique heureuse ré-
» sistanceopposée àl'invasion duduede Bruns-
» wick, les fréquents et violents changements
» de dominateurs dont personne no regrettait
» la chute , sont autant de preuves que la
o Révolution française, intrinsèquement trop
» faible pour repousser cette force physique et
• morale qui pesait fortement sur elle, avan-
» çait précipitamment vers sa ruine, lorsque
» l'étonnant génie de Bonaparte, déjouant tout
» calcul humain, l'éleva et la fixa par la vic-
» toire, seule capable de soutenir cette œuvre
» incohérente.
» Sachant bien toutefois que la cause qu'il
D soutenait n'était pas suffisamment en har-
» monie avec les sentiments du siècle, Napo-
» léon eut pour premier besoin de désarmer,
» ou du moins de neutraliser l'inimitié monar-
» chique et sacerdotale, en rétablissant le culte
» religieux, et en devenant lui-même un mo-
» narque. Une fois souverain, la fermeté de son
» caractère, le but qu'il se proposait d'attein-
» dre, ses talents, la nature critique des temps,
n le rendirent inévitablement despote; toute-
» fois, tandis qu'il sacrifiait la liberté polîtî-
» que, qui, pour la plus forte masse de l'es-
» pèce humaine, n'a jamais été rien de plus
» qu'un son flatteur, il mit le plus grand soin
» a rétablir l'égalité politique, bien réel et qui
n produit une satisfaction croissante au fur et
» a mesure qu'il descend dans toutes les classes
» de la société ; mais cette égalité politique,
» principe vital de son gouvernement, secret
» de sa popularité, le rendit le monarque du
B peuple, et non pas le souverain de l'aristo-
B cratie. C'est pourquoi Pitt l'appelait l'enfant
» et le champion de la démocratie : vérité
* aussi évidente que si l'on disait de Pitt et de
« ses successeurs qu'ils furent les enfants et
B les champions de l'aristocratie. C'est pour-
B quoi aussi, conformément à cette opinion, les
» classes privilégiées de l'Europe firent re-
« tomber sur Napoléon la haine implacable et
B toute naturelle qu'elles avaient pour la Ré-
» volution française, lorsqu'elles virent que les
« innovations avaient trouvé en lui un protec-
B teur; que lui seul avait donné la préémi-
» nence a un système si odieux pour elles, et
» qu'il était réellement ce que lui-même disait
» être : « la Révolution organisée, n
On le sent, on le voit par ces lignes : l'his-
torien anglais n'était pas seulement un écri-
vain militaire, c'était un politique. 11 a indi-
qué, dans ce remarquable passage, la vraie
cause de la guerre européenne qu'eut à sou-
tenir, dès ses débuts et dans ses diverses
phases jusqu'à la chute de son représentant
couronné, la Révolution française, cette révo-
lution qui avait remué le sol à de si grandes
profondeurs, ébranlé tous les vieux trônes,
effrayé l'aristocratie européenne et soulevé
ses colères. Le parti qui se trouvait au pou-
voir en Angleterre quand elle éclata, avait
engagé, tout d'abord aussi, la nation britan-
nique dans la voie où la portaient et ses ten-
dances et ses frayeurs, et il y entraîna avec
lui, bon gré mal gré, la nation tout entière.
Voilà le fait constaté par le colonel Napier.
C'est donc parce que l'Angleterre s'était
rangée de ce mauvais côté, du côté de l'aristo-
cratie européenne, contre le courant du siècle,
que Napoléon l'a combattue. Napoléon avait
senti cependant, dès 1800, tout ce que l'al-
liance anglo-française pouvait avoir de fécond
pour le monde. A peine nommé premier con-
sul, Bonaparte avait écrit au roi d'Angleterre
la lettre suivante :
. Paris, îî nivôse an VITI (20 décembre 1709).
B Appelé, Sire, par le vceu de la nation fran-
B çaise à occuper la première magistrature de
B la République, je crois convenable, en en-
» trant en charge, d'en faire directement part
» à Votre Majesté.
» La guerre qui, depuis huit ans, ravage les
B quatre parties du monde, doit-elle être éter-
» nelle? N'est-il donc aucun moyen de s'en-
B tendre?
» Comment les deux nations les plus éclai-
» rées de l'Europe, puissantes et fortes plus
B que ne l'exigent leur sûreté et leur indêpcn-
» dance, peuvent-elles sacrifier à des idées de
n vaine grandeur le bien du commerce , la
B prospérité intérieure, le bonheur des fa-
B milles? Comment ne sentent-elles pas que la
» paix est le premier des besoins, comme la
» première des gloires?
B Ces sentiments ne peuvent pas être étran-
» gersaucceur de Votre Majesté, qui gouverne
» une nation libre, et dans le seul but de la
B rendre heureuse.
B Votre Majesté ne verra, dans cette ou-
B verture, que mon désir sincère de contri-
u buer efficacement, pour la seconde fois, à la
B pacification générale, par une démarche
» prompte, toute de confiance, et dégagée
» de ces formes qui, nécessaires peut-être
» pour déguiser la dépendance des Etats fai-
B blés, ne décèlent, dans les Etats forts, que
» le désir mutuel de se tromper.
» La France, l'Angleterre, par l'abus de
» leurs forces, peuvent longtemps encore ,
» pour le malheur des peuples, en retarder
» l'apaisement; mais, j'ose le dire, le sort de
» toutes les nations civilisées est attaché à la
B fin d'une guerre qui embrase le monde en-
B tier.
B BONAPARTE,
• Premier consul de la République française. •
Le premier consul avait donc spontané-
ment et loyalement recherché dès lors la paix,
BONA
et mieux que la paix, l'alliance avec l'Angle-
terre, alliance dont il sentait les heureux
avantages pour le monde. Malheureusement,
un concours de causes qui tenaient à l'état
des esprits à cette époque et aux engagements
contre -révolutionnaires du cabinet britan-
nique empêchèrent cette paix et cette al-
liance. Le roi, ses ministres, une partie de la
nation elle-même, par on ne sait quel esprit
de rivalité mal entendue, voyaient avec peine
les Français remettre les rênes de leur gou-
vernement aux mains habiles et glorieuses du
grand général que jusque-là la victoire avait
suivi sur tant de champs de bataille, et qui
avait conçu et exécuté contre eux l'expédition
d'Egypte. On le haïssait et on le calomniait
avec acharnement dans les feuilles anglaises.
Ce sont là des faits historiques. Depuis, la
lumière s"est faite sur les causes qui ont
amené ces événements, et l'Angleterre elle-
même s'est empressée de le
r
reconnaître par
l'organe d'un de ses meilleurs officiers.
La Révolution, qui avait enfanté Bona-
parte, vivait en Napoléon malgré tout : il en
était le représentant couronné, et on le sen-
tait, on ne s'y trompait pas en Europe. Tandis
que l'aristocratie se courbait devant lui, il
était, dans l'éblouissante sphère où l'avait
orté la fortune, l'objet de son implacable
aine, et elle travailla en secret à le perdre dès
que les événements lui en eurent lait conce-
voir l'espérance. Le peuple l'aimait, quoique,
par les splendeurs royales dont il avait cru de-
voir s'entourer pour marcher l'égal des rois,
il choquât ses instincts naturels d'égalité; le
peuple l'aimait, parce qu'il sentait toujours
que l'élu de la grande nation, le glorieux
général de la République, était et restait mal-
gré tout l'enfant de la Révolution, dont il
représentait les principes immortels et les
généreuses aspirations.
Ici, bien entendu, nous parlons du système,
de l'ensemble des principes, et non des moyens
propres à les faire triompher. Ces principes
sont immuables, mais les moyens varient
suivant les époques et les circonstances. Ceux
que, au sortir de la tourmente révolutionnaire
et au milieu des guerres incessantes et géné-
rales, Napoléon dut employer pour amener
au port le vaisseau de l'Etat ne seraient
certainement plus aujourd'hui ceux que lui-
même choisirait dans nos temps plus cal-
mes et après la marche des idées que soixante
années de progrès ont fait entrer dans toutes
les intelligences.
Dans la destinée des peuples, pour que ces
grands changements s'effectuent, deux condi-
tions sont nécessaires : une immense désorga-
nisation d'un côté ; de l'autre, un immense
génie au service d'une immense ambition.
C'est en raison de cette loi quo, chez nous
comme à Rome, l'Empire devait fatalement
succéder à la République. Peut-être encore
cette nécessité était-elle chez nous plus dans
l'ordre des choses, car là-bas Brutus et Caton
restaient debout, tandis qu'ici, sans manquer
au respect que nous devons h la mémoire des
Carnot et d'un petit nombre d'autres, on peut
dire, que Saturne avait dévoré ses enfants :
Robespierre, Danton, Saint-Just, Marat lui-
même, n'étaient plus. La conséquence à tirer
de tout ceci, c'est qu'en dernière analyse les
peuples n'ont jamais que les gouvernements
qu'ils méritent. Si l'un des deux éléments dont
nous avons supposé le concours fait défaut,
la. démocratie, n a rien à redouter. C'est ce qui
se produisit en Grèce avec Périclès, en
Amérique avec Washington; dans l'un comme
dans l'autre monde, les deux conditions fai-
saient défaut : Athènes était plus légère que
corrompue, et la jeune Amérique était non
moins vierge que ses forêts. Quant à Périclès
et à Washington, un sentiment plus noble
que l'ambition remplissait leur grande âme.
Ici se termine notre tâche; passons le dé
aux littérateurs purs et aux artistes ; car dra-
mes, vaudevilles, tableaux, statues, on a tout
tenté sur la grande figure de Bonaparte.
Quand nous en serons à NAPOLÉON, nous re-
prendrons la plume avec le même courage ;
seulement comme d'ici là -il aura passé do
l'eau sous le pont d'Austerlitz, notre barbe
sera sans doute moins noire et nos cheveux
plus rares.
B o u n p n r l u à l'école do B r i c m i e , COUlédie-
vaudeville en 3 actes, de MM. Gabriel, de
Villeneuve et Michel Masson, représentée à
Paris, sur le théâtre des Nouveautés, en 1830.
Sous ce titre, c'est moins le compte rendu
d'une pièce que nous voulons faire qu'uuo
époque que nous voulons rappeler. Après
juillet, le bonapartisme dramatique fut à
l'ordre du jour. La figure de Napoléon, poéti-
sée par tant de publications et de chants con-
sacrés à la louange du héros beaucoup plus
qu'à son histoire, effaçait tous les types guer-
riers du temps passé, toutes les fictions ro-
manesques. « Elle offrait, dit Théodore Mu-
ret, une exploitation sur laquelle les théâtres
s'étaient précipités avec une émulation inouïe
dans les annales de la scène, B Toute la gêné
ration qui atteignait l'âge mûr avait connu
l'empereur; toute la jeunesse avait été nour-
rie de ces récits légendaires où les splendeurs
seules apparaissaient, en sorte que le nom
magique de NAPOLÉON, rayonnant sur l'af-
fiche, était comme un irrésistible talisman. Le
Cirque, dès le 31 août, exploitant tout ensem-
ble le champ de la Révolution et celui des
souvenirs guerriers, donna du même coup la
BONA
BONA
BONA BONA 947
Prise de la Bastille, « gloire populaire, » et le
Passage du mont Saint-Bernard, « gloire mi-
litaire. » Dans le Passage du mont Saint-Ber-
nard, le premier consul n'apparaissait qu'au
dénoûment. Son intervention se bornait à une
scène de pantomime. Pour le rôle de Bona-
parte, on était allé chercher un acteur nommé
Chevalier, qui, une vingtaine- d'années aupa-
ravant, sous le règne même de Napoléon,
avait déjà, par une apparition muette du
même personnage, aux Jeux gymniques (salle
de la Porte-Saint-Martin), t'ait courir tout
Paris. Une avalanche de pièces napoléonien-
nes succéda au Passage du mont Saint-Ber-
nard. Chaque théâtre voulut avoir son Bona-
parte; Bonaparte était partout, et l'on pou-
vait se demander qui régnait, Bonaparte ou
Louis-Philippe.
Encor Napoléon, encor sa grande image !
Ah ! que le rude et dur guerrier
Nous a coûté de sang, et de pleurs et d'outrage,
Pour quelques rameaux de laurier !
Xa Gaîté joua un Napoléon en paradis qui
fit surtout merveille... au paradis; à cette
apothéose succéda la Malmaison et Sainte-
Hélène, de Victor Ducange, Pixérécourt
et Sauvage. L'Opéra - Comique joua José-
phine ou le Betour de Wagram; la Porte-
Saint-Martin. Schœnbrunn et Sainte-Hélène.
Le Cirque, qui n'avait fait que peloter en at-
tendant partie, étala sous ce titre splendide :
l'Empereur, toute une suite de tableaux qui
prenait Napoléon sous le Directoire, le con-
duisait en Egypte à la journée de Pyramides ;
au Théâtre des Arts, le soir de la machine
infernale; à Notre-Dame, pour le sacre; à
Madrid, en 1808; à Compiègne, pour le di-
vorce; à Moscou, à la Berésina, puis à Mont-
inirail, puis à Fontainebleau, pour la scène
des adieux ; puis à bord du Northumberland,
puis à Longwood. Enfin le convoi funèbre et
l'apothéose couronnaient cette longue épo-
pée, dont le style n'était pas très-homérique;
mais les trois auteurs, le Poitevin Saint-Alme,
Ferdinand Laloue et Adolphe Franconi, sous
le nom collectif de M. Prosper, ne visaient
pas à ce mérite-là. Le dialogue, on le pense
bien, ne servait que d'encadrement et d'ac-
cessoire à la fusillade, aux costumes, à la re-
production animée des lithographies populai-
res. Dans toutes ces pièces, il est entendu que
nos amis les ennemis, Autrichiens, Russes,
Prussiens recevaient maints et mains horions
par l'entremise de figurants gagnés à prix
d'or et qui consentaient à étouffer pour quel-
ques soirs tout amour-propre national; mais
un personnage dont personne ne voulait se
charger, c'était celui d'Hudson-Lowe, sur le-
quel pleuvaient les malédictions, les impréca-
tions et... les trognons de pomme. Deux ac-
teurs se firent une réputation dans le rôle de
Napoléon, Gobert à la Porte-Saint-Martin,
Edmond au Cirque. Le Cirque continua indéfi-
niment l'épopée napoléonienne dans l'Homme
du siècle, la République, l'Empire et les Cent-
Jours, etc., pendant que l'Ambigu, les Varié-
tés, le Vaudeville, l'Odéon, le Gymnase et
jusqu'à Bobino et le théâtre Comte exhibaient
l'historique physionomie. Il y avait un certain
nombre de gestes et de poses, les mains der-
rière le dos, l'exercice de la lorgnette, celui
de la prise de tabac, etc., qui, avec la redin-
gote grise et le petit chapeau, étaient censés
reproduire un Napoléon d'une ressemblance
frappante.
La vogue des drames impérialistes n'em-
pêcha pas la plaisanterie d'exercer ses droits
a leurs dépens. Aux Variétés, dans une revue
de l'année, tous les Napoléons arrivaient sur
la scène, marchant à la file, en bon ordre, au
pas militaire, et ayant en tête le petit Napo-
léon de M. Comte, ils se rangeaient en ligne;
ils exécutaient au commandement tous les
gestes et mouvements consacrés; ils pronon-
çaient tous à la fois les mêmes mots histori-
ques : Sotdats,jesuis content de vous... Soldats,
du haut des Pyramides, etc. Du reste, l'exploi-
tation de la redingote grise ne tarda pas à pa-
raître monotone et fatigante, et quelques gens
d'esprit introduisirent leurs réserves à ces
louanges éternelles entonnées en prose absurde
ou en vers ridicules. Dans cette pièce du Vau-
deville, par exemple, un personnage à qui l'on
vient dire que Napoléon est plus grand dans
l'histoire que sur les théâtres, répond : « Il le
serait encore plus s'il avait toujours été de nos
amis, i) Or ce personnage s'appelle la Liberté
politique. Précédemment, le Vaudeville avait
donné Bonaparte, lieutenant d'artillerie, de
MM. Duvert et Saintine. Citons encore parmi
les pièces qui mirent en scène le « soldat heu-
reux » : Napoléon à Berlin, de MM. Dumer-
san et Dupin, aux Variétés, et un drame re-
tardataire de M. Alexandre Dumas, joué le
10 janvier 1831, à l'Odéon, Napoléon ou Trente
ans de l'histoire de France, sans compter le
Fils de l'homme, pièce signée du pseudonyme
de Paul de Lussan, qui cachait Eugène Sue
etDeforges. Mlle Déjazet représentait le triste
adolescent tout habillé de noir qui s'appelait
le duc de Reichstadt, et continuait, dans le
Fils de l'homme, la mascarade androgyne -t
napoléonienne commencée dans la pièce dont
nous avons inscrit le titre au début de cet ar-
ticle, Bonaparte à Brienne. '
Bonaparte à Brienne est une bluette que les
auteurs se sont efforcés en vain d'allonger de
leur mieux pour lui donner les proportions
d'une pièce véritable. Le jeune Corse taci-
turne, aux traits sévères, au front déjà sé-
rieux et pensif, traduit par le nez fripon et la
joyeuseté de M'iè Déjazet, voilà une anoma-
lie bien prononcée. « Dans l'abusqu'elle a fait
des rôles masculins, ou plutôt des rôles qui
ne sont ni hommes ni femmes, et pour les-
3
uels elle a eu grand tort de dédaigner ceux
e son sexe, écrit Théodore Buret, la_ piquante
actrice ne pouvait en choisir un où elle fût
plus loin de la réalité. Bonaparte représenté
par Mlle Déjazet! le rapprochement se passe
de commentaire. » La pièce n'en eut pas
moins beaucoup de succès, et le Napoléon in-
vraisemblable des Nouveautés fit diversion à
ceux des autres spectacles. Une vingtaine
d'années plus tard, la Gaîté tenta une nou-
velle reprise de Bonaparte à Brienne; le ta-
lent toujours jeune de l'actrice qui avait créé
le rôle pouvait seul motiver une résurrection
dont le public fit fort peu de cas (29 août
1855). Aujourd'hui, il n y a que le Cirque qui
ose encore de loin en loin allumer ses feux de
Bengale en l'honneur du grand homme.
Buonaparte et de» Bourbons ( D E ) , Célèbre
(ou plutôt fameux, car Voltaire est célèbre,
et Cartouche est fameux), célèbre pamphlet
politique, écrit par Chateaubriand en 1814. En
1803, Chateaubriand écrit au premier Consul
Que la Providence l'a « marqué de loin pour
1 accomplissement de ses desseins prodigieux, »
que les peuples le regardent, et que trente mil-
lions de chrétiens prient pour lui au pied des
autels. L'année suivante, l'exécution du duc
d'Enghien lui arrache sa démission des fonc-
tions de secrétaire d'ambassade à Rome. En
1312, il est un moment exilera Dieppe, puis il
revient vivre aux environs de Paris, dans une
attitude de sourde opposition, et n'attendant
que l'occasion de la vengeance. En mars 1814,
au moment même où les étrangers coalisés
entrent dans Paris, il lance sa première bro-
chure politique, De Buonaparte et des Bour-
bons, pamphlet virulent, empreint de haine,
où l'auteur cherche à faire oublier l'excès de
sa première adulation par la violence de ses
diatribes. De l'aveu de Louis XVIII, cet opus-
cule valut une armée à la cause de la Restau-
ration. Les allusions contre l'empereur et
contre l'Empire qui fourmillaient dans les
Martyrs n'étaient qu'une amorce aux accusa-
tions véhémentes de la brochure qui nous
occupe. Quelques citations, choisies sans es-
prit de parti, feront mieux connaître que tout
ce que nous pourrions dire ce document resté
fameux. Le début, au point de vue purement
littéraire, en est remarquable; jamais on n'a
fait parler aux passions politiques une langue
plus superbe; jamais on n'est parti de si haut,
armé de toutes les pompes du style, pour se
traîner si bas dans l'injure et le mépris :
a Non, je ne croirai jamais que j'écris sur le
tombeau de la France ; je ne puis me persua-
der qu'après le jour de la vengeance nous ne
touchions pas au jour de la miséricorde. L'an-
tique patrimoine des rois très-chrétiens ne
peut être divisé : il ne périra point, ce royaume
que Rome expirante enfanta au milieu de ses
ruines, comme un dernier essai de sa gran-
deur. Ce ne sont point les hommes seuls qui
ont conduit les événements dont nous sommes
les témoins; la main de la Providence est vi-
sible dans tout ceci : Dieu lui-même marche à .
découvert à la tête des armées, et s'assied au
conseil des rois. Comment, sans l'intervention
divine, expliquer et l'élévation prodigieuse et
la chute plus prodigieuse encore de celui qui,
naguère, foulait le monde à ses pieds? Il n'y
a pas quinze mois qu'il était à Moscou, et les
Russes sont à Paris ; tout tremblait sous ses
lois, depuis les colonnes d'Hercule jusqu'au
Caucase ; et il est fugitif, errant, sans asile ;
sa puissance s'est débandée comme le flux de
la mer, et s'est retirée comme le reflux.
» Comment expliquer les fautes de cet in-
sensé? Nous ne parlons pas encore de ses
crimes. »
Déclamation et mauvaise foi apparaissent
dès les premières pages. Une excursion à tra-
vers la Révolution amène l'auteur à tracer ces
lignes inqualifiables : « Il eût été naturel de
rappeler nos princes légitimes; mais nous
crûmes nos fautes trop grandes pour être par-
données. Nous ne songeâmes pas que le cœur
d'un fils de saint Louis est un trésor inépuisa-
ble de miséricorde, u
En vérité!... Sa Majesté Louis XVIII dai-
gnait pardonner... Partis des hauteurs de la
comédie, nous tombons dans la farce. Mais
racontons, ne discutons pas : Chateaubriand
ajoute d'un air parfaitement convaincu : a On
désespéra de trouver parmi les Français un
front qui osât porter la couronne de Louis XVI.
Un étranger se présente : il fut choisi. » Après
avoir rappelé la triste fin du duc d'Enghien,
l'auteur s'écrie : o L'étranger, qui n'était pas
encore roi, voulut avoir le corps sanglant d'un
Français pour marchepied du trône de France. »
Et plus loin : « Chaque nation a ses vices...
Le meurtre du duc d'Enghien, la torture et
l'assassinat Je Pir-hegru, la guerre d'Espagne
et-la captivité du pape, décèlent dans Buona-
parte une nature étrangère à la France...
Buonaparte profita de l'épouvante que l'assas-
sinat de Vincennes jeta parmi nous pour fran-
chir le dernier pas et s'asseoir sur le trône.
Alors commencèrent les grandes saturnales
de la royauté : les crimes, l'oppression, l'es-
clavage marchèrent d'un pas égal avec la
folio. Toute liberté expire, tout sentiment ho-
norable, toute pensée généreuse, deviennent
des conspirations contre l'Etat... »
Vadministration de Buonaparte est exami-
née ; on raconte les dangers qu'elle a fait
courir à la propriété; puis, à propos des me-
sures rigoureuses prises contre la liberté de
la presse et la liberté individuelle, Chateau-
briand s'écrie :
n Tibère ne s'est jamais joué à ce point de
l'espèce humaine.
• Enfin la conscription faisait comme le cou-
ronnement de ses œuvres de despotisme... On
en était venu à ce point de mépris pour la vie
des hommes et pour la France, d'appeler les
conscrits la matière première et la chair à
canon. On agitait quelquefois cette grande'
question parmi les pourvoyeurs : savoir com-
bien de temps durait un conscrit... Buonaparte
disait lui-même : J'ai cent mille hommes de
revenu. Il a fait périr, dans les onze années de
son règne, plus de cinq millions de Français. »
Après l'administration intérieure, nous arri-
vons à la politique, que a Buonaparte définissait
ainsi : La politique, c'est jouer aux hommes. «
Un examen des guerres et des fautes de l'en-
nemi qu'il poursuit conduit l'écrivain à cette
conclusion : « Absurde en administration, cri-
minel en politique, qu'avait-il donc pour sé-
duire les Français, cet étranger? Sa gloire
militaire? Eh bienl il en est dépouillé. »
Descendant aux.détails, Chateaubriand re-
f
troche vertement à Napoléon sa dureté envers
es blessés sur le champ de bataille, son indif-
férence pour les mères, les épouses en larmes.
Il va même jusqu'à lui refuser les dons de
l'intelligence :
n Buonaparte s'est montré trop médiocre
dans l'infortune pour croire que sa prospérité
fut l'ouvrage de son génie; il n'est que le fils
de notre puissance, et nous l'avons cru le fils
de ses œuvres... Buonaparte est un faux
grand homme : la magnanimité qui faisait les
héros et les véritables rois lui manque. »
Se retournant vers le vaincu, qu'il soufflette
insolemment de sa grande éloquence acadé-
mique, il le toise, et pour dernière injure lui dit :
« Aujourd'hui, homme de malheur, nous te
prendrons par tes discours, et nous t'interro-
gerons par tes paroles. Dis, qu'as-tu fait de
cette France si brillante? où sont nos trésors,
les millions de l'Italie, de l'Europe entière?...
Tu voulais la république, et tu nous as apporté
l'esclavage... Nous ne voulons plus adorer
Moloch ; tu ne dévoreras plus nos enfants :
nous ne voulons plus de ta conscription, de
ta police, de ta censure, de tes fusillades noc-
turnes, de ta tyrannie. Ce n'est pas seulement
nous, c'est le genre humain qui t'accuse au
nom de la religion, de la morale et de la
liberté... Nous te chassons comme tu as chassé
le Directoire... »
Quittant Buonaparte, l'auteur, dans la se-
conde partie de son pamphlet, intitulé : Des
Bourbons, trace le portrait de Louis XVIII, et
essaye de prouver « que, si le rétablissement
de la maison de Bourbon est nécessaire à la
France, il ne l'est pas inoins à l'Europe en-
tière. » La troisième partie :. Des alliés, est
employée à soutenir cette thèse; elle se ter-
mine par ces lignes, qui sont la morale ou la
moralité de l'ouvrage tout'entier : « Faisons
donc entendre de toutes parts le cri qui peut
nous sauver, le cri que nos pères faisaient
retentir dans le malheur comme dans la vic-
toire, et qui sera pour nous le signal de la
paix et du bonheur : Vive le roi! n
Tel est ce factum, dont l'influence sur les
esprits fut immense. On l'a toujours jugé sé-
vèrement. La colère, la haine, le dédain, qui
font sortir l'auteur des bornes de la critique
pour le précipiter dans les bas-fonds de l'in-
vective et de la violence, ne lui font pas pour-
tant oublier un seul instant que la syntaxe a
ses lois. Le grand artiste en bien-dire coule
en bronze ses dards empoisonnés. On dirait
qu'il façonne à dessein l'instrument de sa pas-
sion, afin que le Temps ne le puisse détruire
et que la marque qu'il veut imprimer au front
du colosse tombé ait l'éternelle durée des
chefs-d'œuvre. Le pamphlet de Chateau-
briand restera donc, comme un modèle du
genre, si jamais, en littérature, le fond peut
être sauvé par une forme d'une emphatique
éloquence. Quatorze ans plus tard, quand
l'auteur prit la plume pour écrire une préface
à ses Mélanges politiques, il s'exprima d'assez
étrange façon sur le compte de ce Buonaparte
qui, la guerre une fois terminée, restait comme
une gêne et comme un reproche dans son ar-
senal littéraire. C'était en 1828, il est vrai:
ses éloquentes déclamations ne l'ont pas em-
pêché de tomber inopinément du pouvoir le
6 juin 1824; aussi, il a ouvert contre le gou-
vernement même des Bourbons une guerre où
il oublie tellement ses devoirs d'ancien minis-
tre et.sa dignité personnelle, que les journaux
royalistes lui ferment la bouche par un vi-
goureux rappel à l'ordre et à la pudeur. De-
puis lors, il s'est fait libéral, en attendant qu'il
passe républicain, et le besoin d'applaudisse-
ments et l'amour de la popularité 1 ont porté
à flatter toutes les oppositions. Or un homme
qui, tour à tour, adopte et combat toutes les
causes, tous les partis; un homme qui n'obéit
jamais, dans ses diverses et brusques trans-
formations, qu'aux inspirations de son orgueil,
de son ambition, de sa rancune et de sa haine ;
cet homme, lorsqu'il sent la plume brûlante
dont il s'est servi jadis embarrasser sa marche,
la pèse dans sa main de styliste habile et fait
le mea culpa suivant :
« Buonaparte est jugé avec rigueur dans
cet opuscule approprié aux besoins de l'épo-
que. A cette époque de trouble et de passion.
les paroles ne pouvaient" être rigoureusement
pesées; il s'agissait moins d'écrire que d'agir;
c'était une bataille qu'il fallait gagner ou
perdre dans l'opinion; et, perdue, elle disper-
sait pour toujours les débris du trône légitime.
La France ne savait que penser; l'Europe,
stupéfaite de sa victoire, hésitait : Buonaparte
était à Fontainebleau, tout-puissant encore, et
environné de 40,000 vétérans; les négocia-
tions avec lui n'étaient pas rompues : le mo-
ment était décisif; force était donc de s'occu-
per seulement de l'homme à craindre, sans
rechercher ce qu'il avait d'éminent; l'admi-
ration mise imprudemment dans la balance
l'aurait fait pencher du côté de l'oppresseur
de nos libertés. La patrie était écrasée sous
le despotisme, et livrée par l'ambition de ce
despotisme à l'invasion de l'étranger, etc. »
O tristesse^ et comme on son^e involon-
tairement, en lisant ces lignes rectificatives, à
cette parole de Lamartine, qui, voyant Cha-
teaubriand à la messe, s'écriait : o Figure de
faux grand homme, un côté qui grimace. »
Pourtant ce n'était pas tout encore, et qua-
torze années ont fait ce beau miracle que
Buonaparte a cessé d'être un monstre aux
yeux du royaliste revenu des grandeurs de la
royauté légitime; s'il n'était pas mort et s'il
revenait, nous verrions peut-être, spectacle
vraiment touchant, a Tibère » et son féroce
accusateur d'autrefois se donner la main et
pactiser ensemble; vous en doutez? Laissez
parler Chateaubriand: o Cessant lui-même
d'avoir un intérêt à garder contre moi sa co-
lère, Buonaparte m'avait aussi pardonné et
rendu quelque justice. » Et le vaniteux écri-
vain, après cette allusion à un passage des
Mémoires pour servir à l'histoire de France
sous Napoléon, par M. de Montholon, ajoute:
« Pourquoi ne conviendrais-je pas que ce ju-
gement (quelques mots échappés à Napoléon)
chatouille démon cœur V orgueilleuse faiblesse?
Bien des petits hommes, a qui j'ai rendu de
f
rands services, ne m'ont pas jugé si favora-
lement que le géant dont j'avais osé détester
le crime (assassinat du duc d'Enghien) et
attaquer la puissance. »
Triste spectacle que celui que nous offre
l'auteur de Buonaparte, si fier de deux ou trois
paroles tombées des lèvres du « despote » à la
face duquel il a craché, à quatorze ans de là,
ses épithètes les plus sanglantes! et combien
il nous paraît petit désormais, ce terrible croisé
de 1814, ce fougueux pamphlétaire, enchanté
— et le criant bien haut — de ce que Buona-
parte, cet « insensé, » chargé de « fautes » et
de « crimes, » cet «• étranger, » cet a assassin, n
ce o Tibère » absurde en administration, « cri-
minel en politique, » ce a faux grand homme, »
- l'ait favorisé d'un souvenir était daigné ouvrir
la bouche à son sujet !
Le pamphlet de Chateaubriand a été jugé
sévèrement par tout le monde. Voici, a ce
propos, l'opinion de notre historien national,
de M. Thiers, dans le dix-septième volume de
l'Histoire du Consulat ei de l'Evipire ; « En
apprenant l'abdication pure ot simple de Na-
poléon, c'est-à-dire remise faite par lui-même
de. sa terrible épée, les royali^tea n'avaient
plus gardé de mesure dans l'explosion, de
leurs sentiments... Jamais on n'a surpassé,
dans aucun temps, dans aucun pays, l'explo-
sion de colère qui signala la déchéance con-
statée de Napoléon... On u'avait pas plus
maudit Néron dans l'antiquité, Robespierre
dans les temps modernes. On ne le désignait
plus que par le titre de YOgre de Corse. On le
représentait comme un monstre, occupé à
dévorer des générations entières pour assou-
vir une- rage de guerre insensée. Un écrit,
secrètement préparé par M. de Chateaubriand
dans les dernières heures de l'Empire, mais
publié seulement à l'abri des baïonnettes étran-
gères, était l'expression exacte de ce débor-
dement de haines sans pareilles. Dans un style
où il semblait que la passion eût surexcité le
mauvais goût trop fréquent de l'écrivain,
M. de Chateaubriand attribuait à Napoléon
tous les vices, toutes les bassesses, tous les
crimes. Cet écrit était lu avec une avidité in-
croyable à Paris, et de Paris il passait dans
les provinces... Le meurtre du duc d'Enghien,
sur lequel ou s'était tu si longtemps, le per-
fide rendez-vous de Bayonne, où avaient suc-
combé les princes espagnols, étaient le sujet
des récits les plus noirs, comme si, à la vérité
déjà si grave on avait eu besoin d'ajouter la
calomnie. Le retour d'Egypte, le retour de
Russie, étaient qualifiés de lâches abandons
de l'armée française compromise. Napoléon,
disait-on, n'avait pas fait une seule campagne
qui fût véritablement belle. Il n'avait eu, dans
sa longue carrière, que quelques événements
heureux, obtenus à coups d'hommes. L'art
militaire, corrompu en ses mains, était devenu
une vraie boucherie... L'immortelle campagne
de 1814 n'était qu'une suite d'extravagances
inspirées par le désespoir... Le monstre avait
voulu détruire Paris, comme un corsaire qui
fait sauter sou vaisseau, avec cette différence
qu'il n'était pas sur le vaisseau. Du reste,
ajoutait-on, il n'était -pas Français, et on de-
vait s'en féliciter pour l'honneur de la France.
Il avait changé son nom de Buonaparte, il en
avait fait Bonaparte, et c'était Buonaparte
qu'il le fallait appeler. Le nom de Napoléon
même ne lui était pas dû. Napoléon était un
saint imaginaire; c'est Nicolas qu'il fallait
joindre à son nom de famille... Naturellement,
si Napoléon était un monstre auquel il fallait
arracher la France, les Bourbons étaient des
princes accomplis auxquels il fallait la rendre
948 BONA
BONA BONA
BONA
le plus tôt possible, comme un bien légitime
qui leur appartenait... Louis XVI avait laissé
un frère, Louis - Stanislas -Xavier, destiné
aujourd'hui à lui succéder sous le nom de
Louis XVIIIj lequel était un savant, un lettré
et un sage; il avait laissé un autre frère, le
comte d'Artois, modèle de bonté et de grâce
françaises ; enfin, deux neveux. le duc d'Angou-
lème, le duc de Berry, types de l'antique hon-
neur chevaleresque. Sous ces princes, doux,
justes, ayant conservé les vertus qu'une af-
freuse révolution avait presque emportées de
la terre, la France, aimée, estimée de l'Eu-
rope, trouverait le repos et le laisserait au
monde. •
Buonaparte et de Washington (PARALLÈLE
D E ) , par Chateaubriand. Page 22 de son
Voyage en Amérique, Chateaubriand ajoute
quelques traits, restés célèbres, à son por-
trait de celui qu'il appelle « l'usurpateur du
trône de saint Louis et des droits de la nation. »
Moins dur envers la mémoire de Napoléon, il
a cru, ditril dans sa préface des Mélanges
politiques, pouvoir parler désormais, puisque
1814 est déjà loin, « d'un sceptre perdu, d'une
épée brisée, en historien consciencieux, en
citoyen qui voit l'indépendance de son pays
assurée. La liberté, ajoute-t-il, m'a permis
d'admirer la gloire: assise désormais sur un
tombeau solitaire, cette gloire ne se lèvera
Ï
ioint pour enchaîner ma patrie.* Nous sommes
oin, on le voit, du factum dont l'analyse pré-
cède. Le^ parallèle de Buonaparte et de Wash-
ington occupe quelques nages vraiment remar-
quables, et notre article serait incomplet si
nous ne le rappelions pas ici, au moins pour
mémoire. En 1828, Chateaubriand disait, à
propos de son pamphlet de 1814 et du parallèle
inséré dans le Voyage en Amérique :» En 1814,
j'ai peint Buonaparte et les Bourbons; en 1827,
j'ai tracé le parallèle de Washington et de Buo-
naparte; mes deux plâtres de Napoléon se res-
semblent; mais l'un a été moulé sur la vie,
l'autre modelé sur la mort, et la mort est plus
vraie que la vie. » Et plus loin il dit encore :
• Quoi qu'il en soit, en rapprochant l'écrit de
Buonaparte et des Bourbons du parallèle de
Buonaparte et de Washington et de quelques
pages de ma Polémique (art. du 17 novembre
1818, — 5 juillet 1824 inclusivement), on saura
à peu près tout ce qu'il y a à dire en bien ou
en mal de celui que les peuples appelèrent un
fléau .-les fléaux de Dieu conservent quelque
chose de l'éternité et de la grandeur de ce
courroux divin dont ils émanent. Ossa arida...
dabo vobis spiritum, et vixeris. (Ezéchiel.) •
Bonaparte, OU les P r e m i è r e s page» d u n e
grande histoire, pièce militaire en cinq actes
et vingt et un tableaux, de MM. Fabrice La-
brousse et A.-T. Albert, représentée sur le
Théâtre-National (Cirque), le 2 février 1850.
Les drames du Cirque-Olympique, les vers et
les chansons du parti libéral sous la Restau-
ration . n'ont pas peu contribué à répandre
parmi le peuple des villes et des campagnes
cette opinion encore discutée, mais à laquelle
le Grand Dictionnaire n'est pas éloigné de se
rendre, que le convive du Souper, de Beau-
caire et même le César du 18 brumaire fut, en
notre France prompte à s'enflammer pour les
choses guerrières, le représentant de la liberté,
le continuateur de la Révolution. Le mimo-
drame dont nous allons nous occuper se gar-
derait bien de risquer la plus légère critique
touchant cette opinion. Au contraire, il crie
vive la République à plein gosier et assai-
sonne des plus superbes maximes sa prose sau-
renue, sans oublier les immortels principes
e 89. Sa logique n'est pas irréprochable;
mais le public est loin d'être difficile au bou-
levard au Temple, et pourvu que lauriers et
guerriers, France et vaillance, gloire et vic-
toire enrichissent le couplet de facture, le succès
(une rime à français), le succès est emporté
d'assaut. Un académicien dirait sans doute
que les discours et proclamations placés dans
la bouche de César pèchent parfois par la
forme ; mais le spectateur en trouve les termes
suffisamment ronflants, et tout le monde est
satisfait. Puisqu'il en est ainsi, silence dans les
rangs, et emboîtons le pas sur les Premières
pages d'une grande histoire, qu'il ne faut pas
déchirer même pour faire des cartouches. Dieu
sait pourtant combien on en brûle dans cette ta-
pageuse épopée, qui a, comme ses pareilles,
pour principal interprète la poudre. — L'action
s'ouvre au bruit du canon de vendémiaire;
des marches de Saint-Roch, elle nous con-
duira tout à l'heure, pour peu que nous nous
y prêtions, au sommet des pyramides... ces
pyramides fameuses du haut desquelles qua-
rante siècles, ou, suivant le Tintamarre,
quatre milans nous contemplent. L'émeute -
apaisée. Bonaparte ordonne que les sections
soient désarmées. Parmi les armes enlevées
aux sections, se trouve l'épée du général
Beauharnais, et le petit Beauharnais vient
•demander au triomphateur l'épée de son père.
Le tableau qui suit nous convie aux noces
de Bonaparte et de Joséphine. (Ici rien du no-
taire, du prophète Raguioeau, que, sans doute,
M. Labrousse avait le malheur de ne pas con-
naître.) Après cette scène un peu bourgeoise,
qil*- le mariage de l'empereur aux autels de
Noire-Daine [Vra plus tard oublier, le specta-
teur assiste au départ de l'armée d'Italie, et
déjà sou oreille croit entendre les hennisse-
ments de la victoire. Nous voici donc à
Arcole... ; puis, quand on s'est bien battu, que
les belles tilles des pays conquis ont bien
dansé avec les conquérants, qu elles leur ont
donné leurs plus doux sourires et versé leurs
meilleurs vins; que les bataillons ont bien
défilé, que les escadrons ont piaffé, que les
canons ont grondé, que les tambours ont usé
leur peau d'âne et que les trompettes ont
sonné quatorze batailles et soixante-dix com-
bats, Bonaparte revient à Paris, où les ova-
tions de toute sorte l'attendent. La toile
baisse au seuil du Consulat, et fait sagement.
Le dernier tableau représente les fêtes du
Luxembourg, et nous montre le jeune général
t
rentrant dans la capitale, précédé par le bruit
* de ses conquêtes. Comment va-t-iî porter sa
gloire? Songe-t-il déjà au trône que la popu-
larité de son nom lui permettra de saisir?
Question que ne se faisaient point assurément
les spectateurs du Cirque-Olympique de fé-
vrier 1850, lesquels applaudissaient à cette
époque dans Bonaparte le capitaine de la
République. Chaque soir, le rideau parfumé
de poudre tombait aux cris mille fois répétés
de « vive la République! » Alors on avait en-
core cette permission... de dix heures.
Bonaparte (PORTRAITS ET REPRÉSENTATIONS
DIVERSES DE). Bonaparte,le héros des armées
républicaines, le vainqueur de Rivoli, d'Ar-
cole et des Pyramides, a eu ses peintres et
ses sculpteurs, de par la royauté du génie, qui
vaut certes bien la royauté du sang. Les plus
grands artistes, David, Gros, Gérard, Greuze
Isabey, C. Vernet, briguèrent l'honneur de
transmettre à la postérité les traits du jeune
général. Nous décrivons ci-après les œuvres
que nous ont laissées ces maîtres, et, comme
pour la biographie, nous renvoyons au mot
NAPOLÉON la description des tableaux et des
statues consacrés à l'empereur.
Nous nous étonnons que la jeunesse de
Bonaparte n'ait point encore inspiré quelque
œuvre d'art remarquable. Le Grand Diction-
naire, qui a été frappé de ce qu'il y a eu d'ex-
traordinaire , nous allions dire de fatidique,
dans l'enfance du futur grand homme, a voulu
illustrer sa biographie d'une gravure repré-
sentant le jeune Corse méditant dans la Grotte
de Milleli. Il a pensé aussi qu'on verrait avec
intérêt une composition retraçant ce Souper
de Beaucaire
;
où Bonaparte, simple officier
d'artillerie, ht l'apologie du gouvernement
républicain. Un concours a été ouvert entré
les artistes, et un prix de 500 francs a été
promis pour chacun des deux meilleurs des-
sins sur les sujets dont il s'agit. Les lauréats
ont été : M. Jules Laurens, bien connu par
des vues d'Orient peintes avec une grande
vérité, et par d'excellentes lithographies, et
M. Lecomte-Dunouy, jeune artiste de beau-
coup d'avenir, dont on a remarqué, au Salon
de 1866, une Invocation à Neptune.
Il y a quelques années, M. Louis Rochet a
été chargé de faire une statue représentant Bo-
naparte, écolier à Brienne (1784); il s'est in-
vSpiré pour cet ouvrage de ces mots du Mémo-
rial de Sainte-Hélène ; « Pour ma pensée j
Brienne est ma patrie; c'est là que j'ai ressenti
les premières impressions de l'homme. » Le
modèle en plâtre de cette statue a paru au
Salon de 1853; le marbre, destiné à la ville de
Brienne-Napoléon, a figuré à l'Exposition
universelle de 1855. Une reproduction en
bronze et argent a été exposée en 1859, et a
été placée depuis au musée des Souverains, au
Louvre.— Parmi les tableaux du musée de
Versailles qui sont relatifs aux premières ac-
tions d'éclat de Bonaparte, nous citerons :
Bonaparte, lieutenant-colonel au l e bataillon
de la Corse (1792), par Philippoteaux ; Bona-
parte recevant à M illesimo les drapeaux pris
sur l'ennemi (5 avril 1796), tableau de Roehn,
gravé par Delannoy ; Bonaparte à Arcole
(v. ci-après); Bonaparte à la bataille de Bi-
voli ( H janvier 1797), par Carie Vernet
(v. RIVOLI) ; Bonaparte faisant son entrée à
Alexandrie (3 juillet 1798), par Colson; Bo-
naparte donnant un sabre au chef militaire
d'Alexandrie (juillet 1798), par Mulard- Bo-
naparte à la bataille des Pyramides (21 juillet
1798), par Gros (v. PYRAMIDES): Bonaparte
faisant grâce aux révoltés du Caire (v. ci-
après) ; Bonaparte visitant les fontaines de
Moïse (28 décembre 1798), tableau de Berthé-
lemy gravé par Saint-Evre; Bonaparte visi-
tant les pestiférés de Jaffa (12 mars 1799), par
Gros (v. PESTIFÉRÉS) ; Bonaparte au conseil
des Cinq-Cents, le 18 brumaire (v. ci-après), etc.
Ces divers tableaux, à l'exception des Pesti-
férés de Jaffa, ornent les gaLeries historiques .
de Versailles.
La riche collection de portraits gravés et
lithographies que possède le cabinet des es-
tampes
;
àla Bibliothèque impériale, ne compte
pas inoins de sept à nuit volumes énormes,
composés de pièces relatives au grand homme.
On pourrait écrire une bien piquante histoire
de Bonaparte, à l'aide de ces seuls documents,
contemporains pour la plupart des faits qu'ils
rappellent et exécutés par conséquent dans
toute la fièvre d'enthousiasme produite par
les succès militaires et politiques du hé-
ros. Sauf quelques morceaux plus ou moins
remarquables sous le rapport de l'art, les
pièces dont nous parlons rentrent dans 1 ima-
gerie populaire; elles n'en sont que plus in-
téressantes, car elles reflètent'fidèlement,
naïvement, l'admiration publique pour le
vainqueur d'Aréole, et il en est plusieurs où
la timidité du burin est suffisamment rache-
tée par l'audace toute martiale des légendes.
Nous nous bornerons à signaler ici celles des
estampes dont la description pourra servir à
compléter l'iconographie de Bonaparte; on
trouvera à la lettre N l'indication des pièces
qui sont relatives à Napoléon empereur.
Comme nous l'avons dit déjà, la jeunesse
de Bonaparte a inspiré fort peu d artistes;
sauf quelques lithographies de Charlet et de
Rafiét, auxquelles nous consacrons plus loin
un article' spécial, nous ne voyons absolu-
ment à citer dans le recueil de l'a Bibliothè-
que impériale qu'une vignette anonyme, dé-
tachée sans doute de quelque biographie pour
laquelle elle aura été gravée, et représentant
Bonaparte âgé de sept à huit ans, costumé
en baby de cour, debout dans l'allée d'un beau
jardin et récitant une leçon à sa mère, qui est-
assise à droite et qui tient un livre. Personne
ne voudra reconnaître là le petit. Corse, bruni
par le soleil et quelque peu ébouriffé, qui ai-
mait à escalader les rochers et à aller méditer
dans la grotte de Milleli. L'un des plus pré-
cieux portraits que nous ayons de Bonaparte
est celui qu'un de ses camarades a fait en
1785. Ce portrait, qui a été donné au musée
des Souverains par M. Prosper de Baudi-
court, est exécuté aux deux crayons sur pa-
pier bleu : Bonaparte, en buste, de profil,
regarde vers la droite ; ses traits sont accen-
tués et expriment à la fois la bienveillance
et l'énergie. Au bas de ce dessin, on lit : Al
mio caro amico Buonaparte. — Pontormini
del 1785, Turoni. Il est assez singulier que ce
portrait, dont nous ne voulons pas,d'ailleurs,
contester l'authenticité, soit presque l'exacte
reproduction d'un dessin fait d'après nature,
à Milan, en 1796, et gravé presque simulta-
nément, à Paris ^ a r Canu , a Neuchâtel par
A.-L. Girardet, à Augsbourg par G.-F. Rie-
del. A dire vrai, le beau profil de Bonaparte
s'est quelque peu affadi sous le burin des trois
artistes que nous venons de citer; il reparaît
avec toute son énergie dans une gravure
exécutée à Milan même, en 1796, parAgnelli:
ici la tête de Bonaparte est tournée vers la
gauche; les cheveuxeouvrentpresque entière-
ment le front et tombent sur le cou ; le visage
amaigri a une expression méditative et un
peu hautaine qu'on ne saurait oublier. Au bas
de l'estampe se lisent ces vers qu'Horace
adresse à Asinius Pollion {Odes, liv. II, ode 1",
v. 15) :
Cui laurus œternos honores
Italico peperit trhtmpho.
dans lesquels on a substitué Italico à Dalma-
tico, et qui, ainsi modifiés, conviennent si
bien au vainqueur de Lodi. Cette inscription
se retrouve sur une eau-forte exécutée à Ge-
nève par Jaquet, en 1797, et qui diffère peu de
la gravure précitée d'A.-L. Girardet; seule-
ment, au-dessous du médaillon du général Buo-
naparte, Jaquet a placé lavued'unebataiile.Un
autre profil, dessiné à Milan, d'après nature,
par G. Alessi,aétégravé parJ.-J.-F.Tassaert,
citoyen français ; le nom de Buonaparte est écrit
sur l'estampe, avec cette courte, mais élo-
quente notice : « Ajaccio le vit naître; l'uni-
vers est rempli de sa gloire. • Un portrait d'une
belle exécution, mais où il est assez difficile de
retrouver la physionomie de Bonaparte, est ce-
lui qui a été peint à Vérone par F. Cossia, en
1797, et gravé la même année, à Londres, par
Schiavonetti : le général, vu à mi-corps, la tète
de trois quarts, découverte, et légèrement
penchée en avant, a un costume moitié civil,
moitié militaire, un habit ouvert sur la poi-
trine, un jabot, une cravate noire, des épau-
lettes. Landseer a publié à Londres, en 1798,
une nouvelle gravure de ce portrait, avec des
accessoires et des attributs assez singuliers,
d'après W.-M. Craig : la figure de Bonaparte
est dessinée dans un médaillon hexagone, de-
vant lequel est posé un hibou, oiseau de la sa-
gesse, et au-dessus duquel plane un aigle te-
nant dans ses serres la foudre, dont les éclats
vont frapper, la tiare pontificale et les clefs
de saint Pierre, placées à gauche sur un ro-
cher; dans le fond, derrière des pics sourcil-
leux, se lève le soleil qui bientôt va remplir le
monde de sa lumière. J.-T. Rusca n'a pas
plus réussi que Cossia a saisir la physionomie
de Bonaparte ; il a peint une figure aimable,
distinguée, aristocratique, comme on peut le
voir par la grande gravure en manière noire
exécutée d'après lui, à Amsterdam, par Ilud-
ges, en 1797.
De tous les artistes italiens qui ont eu l'hon-
neur de peindre le général en chef de l'armée
républicaine, Appiani est celui dont les por-
traits, généralement ressemblants, mais peu
expressifs, ont été le plus fréquemment re-
produits par la gravure. Un de ces portraits
représente Bonaparte à cheval, coiffé d'un
chapeau à panache, tenant un sabre de la main
droite et galopant a travers un site sauvage,
au fond auquel s'élèvent d'énormes rochers.
Ce portrait de Bonaparte « partant en guerre »
qui avait été peint pour Visconti, ambassadeur
de la République cisalpine à Paris, a été
gravé par Tassaert, en l'an VI ( 1798) et par
R. Pollard, en 1799. Un autre portrait en
buste, par Appiani, a été reproduit par divers
artistes, notamment par Alix, qui en a publié
une gravure coloriée. Aucun des ouvrages
que nous avons cités jusqu'ici ne saurait être
comparé à l'admirable portrait que Gros a
fait de Bonaparte à Arcole, en 1797. Ce chef-
d'œuvre, auquel nous consacrons un article
spécial, a été gravé par Longhi, à Milan, en
1797, et par Clar, en 1800; il a été reproduit
plus ou moins librement par M. Neidl, à
Vienne, en 1798, par Maunn (lithographie);
par Belliard (lithographie); par Delpech (li-
thographie); par Giroux (lithographie}, etc.
Le superbe portrait, gravé par Fiesinger,
d'après le miniaturiste Jean Guérîn, et déposé
à la Bibliothèque nationale* l'an VII (1799) de
la République française, se rapproche beau-
coup, par l'expressioD du visage et l'attitude
du corps, de l'œuvre de Gros : Buonaparte, en
buste et de trois quarts, tourné vers la droite
a le visage amaigri, les pommettes saillantes,
le nez long et légèrement busqué au milieu,
le regard impérieux, la chevelure plate, cou-
vrant une partie du front et tombant sur le
cou. Ce portrait, le plus beau que nous con-
naissions après celui de Gros, a été gravé,
dès l'an VI, par Elisabeth G. Herhan, mais
dans des proportions plus petites que celles'
de l'estampe de Fiesinger; il a été reproduit
aussi par Couché.
Le profil dessiné à Milan et gravé par Canu,
la ligure peinte par Gros et celle que Fiesin-
ger nous o donnée, d'après. J. Guérin, nous
font connaître le vrai Bonaparte, l'homme de
vendémiaire, le brillant héros de la première
campagne d'Italie. Nous ne le retrouvons ni
dans le portrait à mi-corps , poétisé, idéalisé,
qu'Engelmann a lithographie d'après une
étude peinte par David et achetée par le duc
de Bassano à la vente Denon; ni dans le por-
trait en pied, aristocratique et emphatique,
gravé par Alix, d'après un dessin de Frago-
nard fils ; ni dans le buste, distingué et tout à
fait aimable, gravé en 1798 par Momal, d'a-
près le sculpteur L. Corbet; ni, enfin, dans les
portraits gravés par Coqueret, d'après Hilaire
Ledru ; par Rhuotte, d'après Desrais ; par
Schweyer, à Munich (1797); par Chapman
(1797); par Fietta, à Munich encore; par
Klauber, à Augsbourg ; par Mackenzie, à
Londres; par C. Josi ; par Bonneville ; par
Breitenstem, d'après Boissot, etc. A ces divers
portraits de Buonaparte (c'est le nom qu'ils
portent presque tous), nous préférons de beau-
coup la naîve image imprimée à Nantes, par
Baras, rue du Moulin, n° 3, avec des Cou-
plets sur les victoires au général. Au milieu de
la feuille se dresse un géant, un ogre, une
sorte de Croquemitaine, un descendant des
quatre frères Aymon : grande taille, 'grand
sabre, grandes bottes, grand chapeau , grand
panache; voilà bien celui que 1 imagination
populaire devait entrevoir franchissant les
Alpes d'un seul bond et exterminant à lui seul
des armées entières. Près du colosse se tien-
nent, véritables Lilliputiens, des officiers, des
généraux ; dans le fond, un petit génie s'en-
vole, les mains levées vers le ciel, tout saisi
d'admiration san-s doute. Les -couplets valent
la gravure: ils en ont la rudesse, la bonhomie*,
la orânerié triviale. Il y en a deux séries;
nous détachons de la première les deux cou-
plets suivants :
Général, c'est un peu trop
Grossir Ion histoire.
Et tu vas, au grand f-
r
alop.
Bien vile a la gloire.
Nous allons nous enrouer
En chantant pour te louer :
J'aime la victoire, jnoi,
J'aime la victoire! (bis.)
Il est des infortunés
Que ton bonheur ronge :
A chaque succès leur nez
D'un bon pied s'allonge.
Ah ! juge de sa longueur.
Tandis que l'on chante en choeur :
J'aime la victoire, moi.
J'aime la victoire, (bis.)
Les autres couplets sont sur l'air : Adieu donc
f
)Our jamais; il en est un qui traduit, dans un
angage très-énergique, sinon très-poétique,
l'admiration excitée par les victoires du géné-
ral :
Six armées de renom
A grands coups de canon
Ont été dispersées,
Terrassées, renversées,
Par nos guerriers français
Qui les cernaient de près.
Bonaparte, en avant,
Criait à chaque instant :
Allons, mes compagnons,
Serrons-leur les talons'
En ce temps-là, la poésie n'était pas bril-
lante en France ; les soucis causés par Mars
ne laissaient guère le temps d'adorer les Mu-
ses. Les patriotes ne se taisaient même pas
faute d'estropier leur langue maternelle, mais
ils rachetaient leurs erreurs de syntaxe et
leur orthographe fantaisiste par de beaux élans
d'enthousiasme et de dévouement. C'est ainsi
que le poète qui a été chargé d'écrire les cou-
plets pour un portrait équestre de Buonaparte,
gravé par Bonvalet, a trouvé de véritables
accents du coeur pour louer le héros. Voici un
de ces couplets, dont nous respectons l'ortho-
graphe et la versification :
Buonaparte, reçois nos vœux,
Notre amitié et notre homage;
Nos cceurB te réserve des nœuds
Qui se transmettrons d'Age en âge.
Repose toi sur tes lauriers
Dans les bras d'une épouse chérie.
Nous bénirons les oliviers
Pour lesquels tu risquât ta vie. (bis.)
Cela se chantait sur l'air :Ah! rendez grâce à
la nature. Le portrait gravé par Bonvalet
n'est pas absolument mauvais, mais il est bien
inférieur à un autre petit portrait équestre du
même temps gravé par Darcis, d'après Carie
Vernet.
Nous ne nous sommes occupé jusqu'ici que
des estampes qui sont relatives au général
BONA
en chef de la première expédition en Italie,
et qui, presque toutes, portent le nom de Bo-
naparte orthographié à l'italienne. Les grands
tableaux de Gros, de Guérin, de David, etc.,
inspirés par la campagne d'Egypte et de Sy-
rie (1798-1799) et par la deuxième expédi-
tion en Italie (1800) ont été fréquemment et
diversement reproduits par la gravure et
la lithographie. Indépendamment de ces re-
productions et des compositions de Raffet sur
le même sujet qui sont décrites plus loin, nous
pouvons citer : le Portrait en pied du géné-
ral Bonaparte, debout au premier plan d'un
paysage au fond duquel s'élèvent des pyra-
mides, composition de J. Boilly,gravée par A.
Boillyj un autre Portrait en pied avec fond
d'architecture égyptienne, lithographie par
Villain, d'après Dulong; Bonaparte, général
de l'armée d'Egypte, monté sur un droma-
daire, lithographie en couleur, publiée par
Gihaut frères; Bonaparte en Syrie (1799), li-
thographie de Lemercier, d'après Trolli ; Bo-
naparte et Berthier à la bataille de Marengo,
méchante gravure de grandes dimensions,
exécutée par A. Cardon, d'après une peinture
de J. Boze; Bonaparte à Marengo apprenant
la mort de Desaix, gravé par F.-A. David,
d'après Monnet (1804); un portrait avec une
vue de la bataille de Marengo, composition
de P. Bouillon, gravée par Audouin (1802) ;
un autre portrait, entouré d'attributs guerriers
et de petits cadres de batailles, gravé par
Châtaignier, etc.
Les pièces consacrées à Bonaparte premier
consul sont extrêmement nombreuses. Une
gravure en manière noire, exécutée par W.
Dickinson, d'après un tableau original de Gros
donné à Cambacérès par Bonaparte, repré-
sente ce dernier debout, vêtu du costume
consulaire, la tête nue, le doigt posé sur des
papiers déployés, où se lisent les noms de ses
victoires et des traités qu'il a conclus. Cette
estampe est remarquable, mais elle ne vaut
pas une autre gravure en manière noire,
exécutée par Leney d'après Isabey, et qui
nous montre Bonaparte à la Malmaison :
l'homme de vendémiaire a disparu; au cos-
tume, à l'attitude, à la rondeur du visage,
nous reconnaissons Napoléon. 11 existe plu-
sieurs gravures de ce beau portrait, une entre
autres exécutée par l'Anglais Robinson, dans
des dimensions-moindres que celles de l'es-
tampe de Leney. Le type napoléonien se re-
trouve aussi dans un portrait du premier
consul, peint p&i Gérard en 1803, et gravé en
1855 par M. Ch. Bazin. Ce type s'accuse da-
vantage encore dans un portrait dessiné et
gravé par Jéhotte, au-dessus d'une vue du
Faubourg à"Amercœur , visité et relevé par le
premier consul, à la suite d'un incendie. En
revanche, la figure maigre, énergique et sou-
cieuse de Bonaparte se montre de nouveau
dans deux bustes, l'un de profil, l'autre de
face, peints par l'Anglais Northcote et gra-
vés en manière noire par W. Reynolds, en
1800. Parmi les autres portraits gravés ou
lithographies du premier consul, nous nous
bornerons à citer ceux d'Auguste Desnoyers,
d'après Rob. Lefèvre; de Couché et de Jou-
bert, d'après Isabey; de Turner, d'après T.
Phillips et d'après Masquerier; de Coquei-et,
d'après Devouge et d'après Frugonavd tils ;
de J.-B. Bourgois, d'Amiens, d'après une mé-
daille de Henri Auguste; de Moreau, d'après
David ; de Cazenave, d'après Le Barbier
1 aîné ; de Rinaldi, d'après Lambert; de Mas-
sard, d'après Joseph Point;"de C, Mulier d'a-
près Chrétien (Weimar, 1801); de Gentot, d'a-
près Mellini; de Charon, d'après Poisson; de
Bonneville, d'après Koffmann; de Mercoli,
d'après Bâcler d'Albe ; de Levachez, Salan-
ches, Saw, Plumet, Vérité, Massard tils, etc.
Les portraits que le Milanais Appiani a faits
du premier consul ont été souvent gravés,
notamment par Compagm, Alix Bartôiozzi,
Moret,etc. A. Legrand et l'Anglais Smith ont
reproduit un tableau du même artiste repré-
sentant Bonaparte debout, la tête nue, la main
droite appuyée sur son sabre, parlant à un
génie (celui de l'Histoire) qui écrit ses hauts
faits sur un Bouclier suspendu à un palmier.
Parmi les compositions allégoriques dont
Bonaparte est le héros, une des plus ingé-
nieuses est celle que d'honnêtes industriels du
Dauphiné ont eu l'idée de faire exécuter en
vignette pour décorer un de leurs produits :
Y h au de la paix de Cl. Brun et compagnie ^dis
tillateurs et chimistes à Saint-Marcelhn (Isère),
Un génie, debout sur la gauche et tenant a la
main une torche renversée, s'apprête à couron-
ner le portrait de Bonaparte; un autre génie,
assis à droite, tenant un caducée et une poignée
d'épis, et ayant devant lui une corne d'abon-
t
dance, regarde le premier consul, lui sourit'
et semble le remercier d'avoir donné la paix
au monde. Cette jolie composition a été très-
finement gravée par L.-L. Choffard, en 1801,
quelques mois après la conclusion du traité
de paix entre la France et l'Autriche. Cette
paix, tant désirée et qui devait, hélas I durer
si peu, fut accueillie par des démonstrations
de joie extraordinaire. Les poètes et les ar-
tistes la célébrèrent à l'envi. Massard fils
grava, d'après Point, la Renommée annonçant
le retour au Héros dont la Victoire ramène la
Paix. Une allégorie plus compliquée, gravée
et publiée chez Depeuille, représente Te mé-
daillon de Bonaparte soutenu par deux gé-
nies, au-dessous d'une esquisse de la bataille
de Marengo dominée elle-même par une py-
ramide sur laquelle est inscrite la date de la
conclusion de la paix. Une autre composition,
BONA
dessinée et gravée par J.-B. Louvion
;
nous
offre l'apothéose du vainqueur; a droite, le
portrait de Bonaparte, entouré d'attributs di-
vers et soutenu par une Victoire; à gauche,
au premier plan, l'Histoire assise et écrivant
sur des tablettes les hauts faits du premier
consul; dans le fond, le temple de l'Immorta-
lité, où de petits génies viennent déposer un
héros. Nous retrouvons »la même emphase
classique dans une gravure, exécutée par
Dorgez, d'après Lemonnier, sous ce titre : la
Paix fait dételer les chevaux de Mars du char
de la Victoire et conduit Bonaparte à l'im-
mortalité. Les flatteurs n'avaient pas attendu
la bataille de Marengo pour décerner au
grand homme les honneurs de l'apothéose;
une Allégorie relative à Bonaparte, général
en chef des armées françaises, gravée par
V.-M. Picot et dédiée au Directoire, repré-
sente deux petits génies emportant au ciel le
médaillon du vainqueur de Rivoli, qu'une Re-
nommée montre à l'Envie qui se tord sur la
terre dans les convulsions d'une rage impuis-
sante, tandis que le Temps, déconcerté, s'en-
fuit à tire-d'aile, sa faux à la main. L'amour
de la paix, si fortement enraciné qu'il fût,
faisait place à l'ardeur patriotique et aux sen-
timents belliqueux, dès qu'il s'agissait de dé-
fendre le drapeau de la France. Le projet de
descente en Angleterre fut accueilli par d'u-
nanimes hourras. Une médaille gravée par
Berthet nous montre Bonaparte prêtant ser-
inent d'abaisser l'orgueil britannique; sur
cette médaille sont écrits les vers suivants :
Je jure sur ce fer de venger la patrie
Et du perfide Anglais punir la perfidie.
Les poètes du consulat, comme un peu plus
tard ceux de l'empire, n'oubliaient jamais que
gloire rimait avec victoire. Une estampe, gra-
vée par Le Roy fils, d'après un dessin de Vi-
'guier, représente Bonaparte debout près d'un
canon et tenant à la main un papier sur lequel
on lit : Plan de descente en Angleterre; une
Renommée plane au-dessus du premier consul
Au bas de cette estampe on lit :
Poursuis, jeune héros, l'ange de la victoire
T'ouvre encore aujourd'hui les sentiers de la gloire.
Pour compléter cet article déjà bien long,
nous mentionnerons :une gravure de Mlle Dien
représentant les portraits réunis de Bonaparte
et de Joséphine; Buonaparte, le Cid, Annibal
et Alexandre, les quatre plus célèbres capi-
taines, associés dans une composition gravée
par Berthet; Bonaparte et Turenne, pièce exé-
cutée à l'occasion de la translation des cendres
de Turenne au temple de Mars; un portrait
équestre de Bonaparte, au-dessus duquel plane
un génie tenant une palme et une couronne,
gravé par Simon, d après Carie Vernet; le
même sujet, traité à l'eau-forte d'une façon très-
originale , par Copia ; Bonaparte, premier
consul, remettant l'épée dans le fourreau, com-
position des plus burlesques, dessinée et gravée
par Châtaignier, etc. Citons encore des fan-
taisies calligraphiques, gravées d'après les
sieurs Bernard, Jarrin,Gandu, professeurs de
belle écriture, et, pour bien finir, le chef-
d'œuvre grotesque composé et gravé par le
sieur Deschamps : le profil de Bonaparte, sa
bouche, ses yeux, sa chevelure, sont tracés
au moyen de lettres qui forment des mots, et
ces mots constituent la litanie des vertus du
premier consul : le mot bon, par exemple, rem-
place la narine; courageux est écrit sur le
menton... Autour du portrait se déroule une
ligne capricieuse qui dit : « Grands dieux,
bénissez les jours du premier consul, sauveur
et pacificateur de la République française une,
indivisible et impérissable ! »
B o n a p a r t e à. 6 r i e u n e , lithographies de
Charlet. Dans les deux compositions que le
célèbre artiste a faites sur le même sujet, le
jeune Napoléon porte l'uniforme de l'école :
tricorne galonné , habit à parements, culotte
noire, cheveux bouclés et la queue. II est en
faction, mais il s'occupe beaucoup plus de
stratégie que de faire sentinelle. Bans l'une
des lithographies, il dessine sur une muraille
des plans de fortifications avec la pointe de
sa baïonnette ; l'autre planche nous le fait voir
méditant devant le plan qu'il a tracé.
B o n a p a r t e a u x T u i l e r i e » , le 10 août 1792;
lithographie de Charlet. Le jeune officier
d'artillerie, adossé à un piédestal, la main
droite posée sur le dossier d'une chaise, con-
temple avec tristesse la foule des émeutiers
qui s'agite dans le jardin et court au massacre
des suisses. Cette composition, comme les
deux précéden'tes, est traitée d'une façon très-
spirituelle, large et fine à la fois.
B o n a p a r t e à Arcole (15 n o v e m b r e 1796),
tableau de Gros, gravé par Longhi (1798).
Gros, jeune et n'ayant encore aucune réputa-
tion, avait, été recommandé à Joséphine et
présenté par elle à Bonaparte, qui venait
d'établir son quartier général à Milan, après
la victoire d'Arcole. L'artiste exprima le désir
de faire le portrait du héros- Bonaparte y con-
sentit ; mais son humeur bouillante s'accom-
modait mal du repos auquel le condamnait la
nécessité de poser. Dans une lettre datée
du 16 frimaire an V (1797), et qui nous a été
conservée, Gros écrivait à sa mère : « Je viens
de commencer le portrait du général ; mais
l'on ne peut même donner le nom de séance
au peu de temps qu'il me donne. Je ne puis
avoir le temps de choisir mes couleurs; il faut
que je me résigne à ne prendre que le carac-
tère de sa physionomie, et, après cela, à v
BONA
donner la tournure du portrait. Mais on me
fait avoir du courage, étant déjà satisfait du
petit peu qu'il y a sur la toile. Je suis bien
inquiet de voir fa tête à peu près faite. • Deux
semaines après, Gros avait terminé ce por-
trait si connu, qui représente Bonaparte s'élan-
çant sur le pont d'Arcole, son sabre dégainé
dans la main droite, un drapeau dans la gau-
che. Le jeune héros, vu jusqu'aux genoux, a
des gantelets de peau et porte l'habit de gé-
néral en chef, serré à la taille par une écharpe.
L'œil brillant, la tête nue et la chevelure lé-
gèrement soulevée par le vent, il se retourne
a demi, comme pour regarder les troupes qui
le suivent et pour aiguillonner leur ardeur.
Sa physionomie, ordinairement si calme et si
pensive, paraît illuminée par l'exaltation guer-
rière. Quelle énergie expressive n'avait-elle
pas, cette figure imberbe, maigre et basanée
du Corse à cheveux plats/ Et comme elle nous .
semble plus belle, plus poétique, que le visage
de l'empereur Napoléon dans la plénitude de
ses contours ! — Bonaparte fut si satisfait de
l'œuvre de Gros, qu'il.consacra 250 louis à la
faire graver par le Milanais Longhi, et qu'il fit
présent de la planche au peintre. Nous igno-
rons où se trouve le portrait original reproduit
par la gravure ; un amateur de Paris, M. Hau-
guet, en possède une fort belle esquisse, qui
a figuré à l'Exposition rétrospective, au palais
de l'Industrie, en 1866. M. Delestre, qui'a con-
sacré a. Gros, son maître, un volume très-
intéressant, auquel nous empruntons quel-
ques-uns des détails précédents, a en sa
possession un précieux profil de Bonaparte,
fait à la plume et d'après nature. L'exactitude
et la naïveté de la ressemblance donnent une
grande valeur à ce dessin. On y retrouve
l'œil vif et scrutateur du modèle lançant un
long regard. Les lèvres serrées témoignent
une résolution inébranlable. Le nez est fin
dans sa forme aquiline. Le menton fortement
prononcé montre une ténacité peu commune.
Le front est beau par son extension; il est
couvert en partie par des masses de cheveux
ramassés en avant et séparés de ceux de la
moitié postérieure par une ligne courbe, allant
, de l'une à l'autre oreille. Un ruban étroit
réunit en queue le prolongement des mèches
descendant de l'occiput jusque sur les épaules.
On lit tout l'homme et le héros dans ces sim-
ples contours, au bas desquels Gros a écrit au
crayon : Bonaparte en Italie.
Bonaparte à Arcole a encore été représenté
dans une belle aquarelle de Bagetti, qui est au
musée de Versailles, et qui a été gravée par
Portier et Lepic. La même collection possède
les deux tableaux suivants : Bonaparte^ géné-
ral en chef de l'armée d'Italie, par Rouillard ;
le même sujet, par Amédée Faure, d'après
Gros. Dans cette dernière composition, Bona-
arte est à cheval et accompagné d'un aide
e camp; dans le fond a lieu une bataille,
B o n a p a r t e faisant g r â c e a u x r é v o l t é * d u
Caire (octobre 1798), tableau de Pierre Gué-
rin; musée de Versailles. La scène se passe
sur la place d'El-Békir. Debout à gauche, sous
un arbre au feuillage touffu, et ayant derrière
lui son état-major, Bonaparte regarde avec
bienveillance les révoltés groupés sur la
droite du tableau,dans des poses suppliantes.
« Un interprète, coiffé d'une sorte de bonnet
arménien et revêtu d'une longue robe, se tient
près du général en chef, le dos tourné au
spectateur, et transmet aux habitants du
Caire les paroles de pardon du vainqueur.
Des soldats délient les captifs, qui témoignent
leur reconnaissance par leurs gestes. Au pre-
mier plan, un vieillard, à la physionomie
quelque peu rébarbative , drapé dans des
haillons pittoresques et accroupi sur le sol,
soutient sur sa poitrine un jeune homme,
sans doute son fils, qui semble défaillir et sur
le point d'expirer. A gauche, parmi les per-
sonnages de la suite de Bonaparte, on dis-
tingue, tout à fait en avant, Murât, en uni-
forme de hussard, appuyé sur un canon, et,
dans le fond, Denon, membre de l'Institut
d'Egypte. Cette composition, l'une des plus
importantes qu'ait exécutées Pierre Guérin, a
été gravée par Blanchard dans les Galeries
historiques de Gavard.
B o n a p a r t e s a conseil d e * Cinq-Cent*, le
18 brumaire, tableau de François Bouchot;
musée de Versailles. Bonaparte, debout, la
tête découverte, le bras droit ramené sur la
poitrine, occupe le centre de la composition.
Deux grenadiers le suivent et écartent les
membres du conseil qui l'entourent et le me-
nacent. Trois de ces derniers, placés à gau-
che et vus de profil, l'interpellent énergique-
ment; la noblesse de leur physionomie con-
traste avec la violence de leurs gestes; l'un
d'eux lève la main et semble sommer le géné-
ral de quitter la salle des séances. D'autres
membres des Cinq-Cents, vêtus de grands
manteaux rouges, viennent de droite et se di-
rigent vers Bonaparte, en tournant le dos au
spectateur. Dans l'ombre, à droite, du haut de
l'estrade où se trouve le fauteuil de la prési-
. dence, Lucien paraît adresser des ordres aux
renadiers ; plusieurs membres du conseil
entourent. Dans le fond, des soldats armés,
de fusils dispersent l'assemblée. Cette com-
position, qu'on désigne souvent sous ce titre :
le Dix-huit brumaire, a été exposée pour la
première fois au Salon de 1840, où elle a ob-
tenu un grand succès de curiosité. Moins heu-
reuse toutefois que la belle page historique,
les Funérailles de Marceau, qui avait fonde
la réputation de Bouchot,elle souleva d'assez
BONA 949
vives critiques. Voici en quels termes elle fut
appréciée dans le compte rendu du Salon pu-
blié par le Moniteur : « M. Bouchot n'a con-
sulté qu'avec défiance les relations officielles
de ce drame politique. On cherche en vain
dans son tableau le poignard qu'un républi-
cain farouche avait dirigé, dit-on, contre la
poitrine du héros ; et par conséquent le beau
dévouement du grenadier Thomé, qui passait
pour avoir reçu le coup destiné à son maître,
a été volontairement supprimé. Plusieurs his-
toriens traitent d'imaginaire cet épisode de la
séance; d'autres le regardent comme certain,
parce qu'ils en ont lu le récit, le lendemain
même de l'événement, dans le Journal de
Payais, M. Bouchot a fait comme le sage, il
s'est abstenu. Cette circonspection a un côté
louable; il ne faut pas tromper la postérité.
Cependant, avec un peu inoins de réserve,
M. Bouchot aurait pu ajouter au fait princi-
pal un grand intérêt dramatique... Dans l'état
de rigoureuse unité où il s'est renfermé avec
tant de scrupule, sa composition me paraît
exiguë. Les discours se traduisent sur la toile
beaucoup moins bien que les actions. Je vois
là des hommes en colère qui ont l'air de parler
tous à la fois; mais je ne comprends rien ni à
ce qu'ils disent ni à ce qu'on leur répond, et
cela, parce qu'aucune particularité significa-
tive ne me met sur la voie, parce que le mo-
ment n'est pas bien marqué. J'ignore si Bo-
naparte entre dans la salle ou s'il en est re-
tiré par ses grenadiers. J'observe, en outre,
que le peintre a répandu sur la face de son
néros une pâleur extrême. Ceci est, dit-on,
historique et je n'en suis pas plus étonné que
de la suppression des poignards. Mais la pâ-
leur du visage ne saurait en exclure le mo-
delé; elle ne saurait non plus éteindre l'ex-
pression des yeux (des yeux de Bonaparte
surtout, dont le regard avait tant de puis-
sance!) Or cette tête gypseuse manque de
relief et de caractère, et c'est seulement au
geste de l'homme que je reconnais son indi-.
gnation. Enfin je cherche de l'œil Lucien Bo-
naparte, qui doit occuper le fauteuil de la pré-
sidence, et c'est à peine si \e puis le décou-
vrir'dans un coin obscur ou l'artiste, je no
sais pourquoi,semble avoir voulu le cacher. Il
est pourtant reconnu qu'au 18 brumaire, le
frère de Bonaparte joua un rôle de la plus
haute importance, et qu'il déploya même une
fermeté dont peu d'autres, à sa place, eussent
été capables. Il résulte de ces diverses remar-
ques que, sous le rapport de la composition,
le tableau de M. Bouchot ne me satisfait
Q
u'imparfaitement; mais je dois dire aussi que
ans plusieurs parties l'on y reconnaît l'em-
preinte d'un talent extrêmement distingué. Il
y a sur le premier plan, sous une grande lu-
mière, deux représentants dont les figures
paraissent vivantes et qui sont peintes avec
autant de vigueur que d éclat... » Tout en cri-
tiquant certains détails de la composition,
M. Théophile Gautier a fait ressortir, dans la
Presse, les difficultés nombreuses que le sujet
présentait à l'artiste : « L'action de l'homme
de brumaire, comme les poètes l'ont appelé
depuis, n'était pas facile à caractériser. Bo-
naparte hésita pour la première fois de sa
vie; ce cœur de bronze, inflexible comme la
fatalité et prêt a tout comme le hasard,
éprouva, un moment d'incertitude... Le Bona-
parte de M. Bouchot, copié sur les miniatures
et les portraits du temps, ressemble peu au
type épique et déjà divinisé du Napoléon em-
pereur et" César romain; il a le teint fauve
comme un *revers de botte (ceci a été écrit
' dans le beau temps des audaces romantiques),
injecté de toute la bile d'un rêve non réalisé;
l'œil inquiet, fiévreux, cherchant à plonger
dans les ténèbres de l'avenir son regard d'un
bleu clair; la bouche longue, plate et compri-
mant sous son pli mince un monde de résolu-
tions inouïes et mystérieuses ; il porte encore
les oreilles de chien et les revers d'habit à la
Robespierre. Cette physionomie de l'empe-
reur n est pas, à beaucoup près, aussi popu-
laire que le petit chapeau et la redingote grise,
immortalisés par les chansons de Béranger et
les croquis de Charlet, et peut-être M. Bou-
chot, en voulant donner de la fidélité et de
l'intimité à son masque, s'est un peu trop
éloigné de la ressemblance traditionnelle. Les
membres du conseil des Cinq-Cents avaient
un costume troubadour et danseur de corde,
beaucoup plus propre à revêtir'des chiens
instruits et des singes à talent que de graves
législateurs chargés du sort d'une grande na-
tion, et ce n'était pas assurément une tâche ai-
sée que de reproduire ces accoutrements gro-
tesques sur une toile sérieuse, où la dignité
historique doit être conservée. M. Bouchot
s'en est tiré avec assez de bonheur. Seule-
ment les manteaux dont il a affublé les per-
sonnages du groupe de droite sont d'un rouge
transparent et laqueux, qui semble plutôt pris
dans une confiserie que sur une palette. On
dirait d'immenses tartines de gelée de gro-
seille. * L'éclat de ce rouge malencontreux
a déjà été bien amorti par la patine du temps,
et nous devons reconnaître qu'à côté de quel-
ques imperfections, le tableau de Bouchot
offre des beautés d'un ordre supérieur, des
expressions énergiques, des attitudes vraies,
du mouvement et du désordre sans confusion,
un dessin toujours savant et distingué. Il a
été gravé par Frilley, dans les Galènes histo-
riques publiées par Gavard.
Bonaparte, premier consul (PORTRAIT Dâj,
par Greu^e ; musée de Versailles.- Debout, la.
950 BONA
BONA
BONA
BONA
main appuyée sur une table couverte d'un
tapis et chargée de papiers, le premier con-
sul, vêtu d'un habit de velours rouge, se dé-
tache sur un fond d'appartement orné de co-
lonnes etd'une statue. Une charmante esquisse
de ce portrait a figuré à la vente de la collec-
tion du marquis de Valori Rustichelli, au
mois d'avril 1866.
Bonaparte gravînsant le mont Saint-Ber-
nard, célèbre tableau de David j musée de
Versailles. Le premier consul, en costume de
général, aie haut du corps enveloppé d'un lourd
manteau, dont un pan flotte au gré du vent, et
la tête coiffée d'un chapeau galonné d'or; il
maintient de la main gauche son cheval qui se
cabre, et montre, de la main droite, le som-
met de la montagne. Il tourne son visage vers
le spectateur, tandis que le cheval est vu tout
entier de profil. Les noms suivants sont gravés
sur lo roc, au premier plan : BONAPARTE, AN-
NIIUL, KAROLUS MAGNUS IMP. (Charlemagne,
empereur). On aperçoit, au troisième plan, les
troupes qui défilent dans un sentier escarpé.
Ce n'est pas là, à proprement parler, une
composition historique, les fonds étant com-
plètement sacrifiés à la figure de Bonaparte,
et ne servant qu'à la faire valoir; c'est un
portrait équestre, d'une tournure fière, har-
die, et d'une exécution très-savante. Le vain-
queur de Marengo nous apparaît bien dans
cet ouvrage, tel qu'il avait voulu être repré-
senté, calme sur un cheval fougueux. Ce fut
peu de temps après son retour d'Italie qu'il
exprima le désir d'avoir son portrait peint
par David. L'artiste attendait depuis long-
temps l'occasion de s'occuper de ce tra-
vail. « II accepta avec empressement, nous
dit M. Delécluze (Louis David, son école et son
temps), et pria le premier consul de lui indi-
quer le jour où il viendrait poser. — Poser!
dit Bonaparte; à quoi bon? Croyez-vous que
les grands hommes de l'antiquité dont nous
avons les images aient posé? — Mais je vous
peins pour votre siècle, pour des hommes qui
vous ont vu, qui vous connaissent; ils vou-
dront vous trouver ressemblant. — Ressem-
blant! ce n'est pas l'exactitude des traits, un
petit pois sur le nez, qui font la ressemblance.
C'est le caractère de la physionomie qu'.il faut
peindre. — L'un n'empêche pas l'autre. —
Certainement, Alexandre n'a jamais posé de-
vant Apelles. Personne ne s'informe si les
portraits des grands hommes sont ressem-
blants. Il suffit que leur génie y vive.— Vous
m'apprenez l'art de peindre, dit David après
cette observation. — Vous plaisantez; com-
ment? — Oui, je n'ai pas encore envisagé la
peinture sous ce rapport. Vous avez raison,
citoyen premier consul ; eh bien ! vous ne
poserez pas. Laissez-moi faire; je vous pein-
drai sans cela. » M. Delécluze ajoute que
David se borna à faire des visites journalières
à Bonaparte, à l'heure du déjeuner, et que
l'on eut soin, d'ailleurs, de mettre à sa dispo-
sition toutes les pièces de l'habillement que le
général portait à. Marengo. Il est juste de
dire aussi que ce n'était pas la premère fois
que David avait à peindre Bonaparte. M. De-
lécluze nous apprend lui-même que l'occasion
lui en avait déjà été donnée, après la première
expédition d'Italie. Le jeune général se rendit
dans l'atelier du peintre, consentit à poser
pendant trois heures environ, temps plus que
suffisant pour mettre à bout la patience d un
homme qui ne sut jamais prendre de loisir.
« David eut sans doute un pressentiment de
ce qui devait lui arriver un jour, dit M. De-
lécluze, car il mit en œuvre tout ce qu'il avait
d'habileté pratique, et acheva, dans cette
séance, l'ébauche de la tête... L'ensemble du
personnage n'a jamais été que dessiné au
crayon blanc. L'intention du peintre était de
représenter le général tenant le traité de
Campo-Formio, et, à quelque distance de lui,
son cheval et les personnes de sa suite. Da-
vid n'a jamais touché depuis à cette tête
ébauchée, fort ressemblante, admirablement
peinte et pleine de vie. Elle appartient à M. le
duc de Bassano, qui l'a achetée à la vente
f
iosthume des œuvres de David, et qui l'a fait
ithographier. » Le portrait équestre fut ex-
posé au Salon de 1800. David en fit faire sous
ses yeux plusieurs copies, et en retoucha
même quelques-unes avec grand soin. C'est
une de ses productions auxquelles il attachait
la plus grande importance : elle a été gravée
au burin par Prévost, dans les Galeries histo-
riques de Versailles, et sur bois, par A. Gus-
man, dans l'Histoire des peintres de toutes les
écoles. V. ci-dessus Portraits de BONAPARTE.
Bonaparte franchissant l e s Alpes, tableau
de Paul Delaroche. — Personnages de gran-
deur naturelle. L'artiste s'est conformé au
récit de M. Thiers : « Le premier consul gra-
vit le Saint-Bernard, monté sur un mulet, re-
vêtu de cette enveloppe grise qu'il a toujours
portée, conduit par un guide du pays, mon-
trant dans les passages difficiles la distrac-
tion d'un esprit occupé ailleurs... » Le mulet
qui porte le futur César et sa fortune vient de
gauche à droite par un sentier abrupt. Le
• guide, coiffé d'un bonnet que recouvre un cha-
peau de feutre, appuie la main droite sur le
cou de l'animal, et tient de la main gauche un
long bâton, avec lequel il sonde le terrain ta-
pissé par la neige. Bonaparte, une main ca-
chée sous son habit, l'autre découverte et
posée devant lui, regarde de face; sa physio-
nomie énergique reflète les préoccupations
qui agitent son esprit. Il porte le chapeau ga-
lonné de général, et a une ample redingote
grise par-dessus son habit. A sa suite vient
un officier monté sur un cheval qu'un guide
mène par la bride ; mais ce groupe et un au-
tre cavalier qu'on entrevoit vaguement sont
complètement sacrifiés à la grande figure qui
occupe le devant du tableau. Le paysage est
des plus médiocres, et la mise en scène n'est
pas irréprochable ; mais le type de Bonaparte
a quelque chose d'héroïque et de saisissant.
« Ce général du mont Saint-Bernard, maigre,
brûlé par la fièvre de l'ambition et de la
guerre, a dit M. de Pesquidoux, prête h l'illu-
sion et enlève l'imagination mille fois plus
que ce personnage gros, bouffi et songeur,
qui tend à devenir le type classique du héros.
Napoléon conserva plus longtemps qu'on ne
croit cette apparence ferme et preste, cet ex-
térieur méridional, alerte et nerveux, et sur-
tout cette tète fine, creusée, si saisissante par
son expression d'énergie fiévreuse et conte-
nue. » D'après une notice publiée par M. Louis
Ulbach dans la Bévue de Paris, Delaroche
peignit deux fois la même composition : la
première fois en 1848, la seconde en 1851. Le
tableau de 1848 fut acquis par lord Onslow ;
celui de 1851 passa aussi en Angleterre, d'où
il fut envoyé par son propriétaire, M. John
Waylor, de Leighton, à l'exposition posthume
des œuvres de Delaroche au palais des Beaux-
Arts, en 1857. M. Alphonse François a fait,
d'après ce tableau, une belle gravure qui a
figuré aux Salons de 1853 et 1855. La tête*de
Bonaparte a été lithographies par M. Emile
Las s aile.
Bonaparte franchissant les Alpes, tableau
de François Bouchot. Cette composition, qui
a figuré, après la mort de l'auteur, au Salon
de 1842, serait intitulée plus justement : Bo-
naparte, parvenu au sommet des Alpes, montre
à son armée les plaines de l'Italie. La pénible
ascension est, en effet, terminée : le merveil-
leux panorama des riches campagnes ita-
liennes s'offre tout à coup aux regards char-
més des soldats; la beauté de ce spectacle,
et plus encore l'espoir d'entrer bientôt en vain-
queurs dans cette terre promise, réjouissent
tous les cœurs et font oublier les fatigues, les
dangers de la route. Bouchot a bien rendu
l'enthousiasme qui dut s'emparer de ces héros,
mal nourris et plus mal vêtus, que l'amour de
la patrie et le prestige d'un jeune guerrier
allaient entraîner à la conquête du monde.
Debout sur un rocher recouvert de neige, au
centre de la composition, Bonaparte appuie
la main gauche sur la poignée de son sabre et
étend la droite vers les plaines italiennes.
Derrière lui sont les généraux et les officiers
de son état-major. Les soldats, groupés sur
les premiers plans, témoignent par. leurs ges-
tes et leurs attitudes la plus vive allégresse ;
les uns agitent leurs chapeaux et leurs fusils;
les autres se penchent au bord des rochers ou
grimpent aux arbres pour mieux voir..Celui-ci
élève dans ses bras un de ses camarades, ma-
lade sans doute ou trop fatigué pour fendre la
foule des curieux. Celui-là, épmsé et presque
mourant, soulève sa tête pour regarder ce pa-
radis italien dans lequel il ne lui sera peut-
être pas donné d'entrer. Près de lui se tient
un moine du mont Saint-Bernard, suivi de
l'un de ces admirables chiens, célèbres par
leur dévouement aux voyageurs. Dans le
fond, d'autres soldats sont arrêtés sur l'un des
plateaux de la montagne. Le ciel, couvert de
nuages à droite, au-dessus des glaciers, s'é-
claircit et s'illumine du côté gauche pour
éclairer l'Italie. La composition que nous ve-
nons de décrire est distribuée avecbeaucoup
d'habileté, et, bien qu'on puisse lui reprocher
un aspect un peu théâtral, elle impressionne
assez vivement. Elle offre, dans les groupes
du premier plan, plusieurs figures très-sa-
vamment et très-vigoureusement dessinées. Il
existe deux gravures de ce tableau, l'une par
Sixdeniers, 1 autre par M. Manigaud.
Bonaparte (HISTOIRE DE) , série de vingt-
cinq planches lithographiées par Raffet. Cette
série est désignée ordinairement sous le titre
d'Histoire de Napoléon; mais celui que nous
lui donnons est beaucoup plus exact, puis-
qu'elle prend Bonaparte à sa naissance même
et le conduit jusqu'au 18 brumaire, qui forme
le sujet de la vingt-quatrième planche ; la
dernière composition seule retrace un fait de
l'histoire impériale, Napoléon visitant le champ
de bataille d'Eylau. RafFet n'avait que vingt-
deux ans (1826) et travaillait encore sous les
yeux de Charlet, son maître et son ami, lors-
qu'il commença l'exécution de ces vingt-cinq
lithographies qui, à défaut d'un mérite artis-
tique bien élevé, ont du moins celui d'avoir
été publiées en pleine Restauration
y
à une
époque où il était de mode de dénigrer les il-
lustrations militaires de la France. A l'exemple
de Charlet, d'Horace Vernet, de Bellangé
et de quelques autres encore, Raffet ne crai-
gnit pas ôyévoquer les glorieux souvenirs de
la République et de l'Empire. Son Histoire de
Bonaparte fut bien accueillie par le public et
commença sa réputation. Voici la description
sommaire des planches dont cette Histoire se
compose : lo Naissance de Bonaparte. L'en-
fant est étendu sur un tapis représentant
quelque antique victoire ; au deuxième plan,
Laetitia, assise sur un canapé, est entourée de
ses femmes. — 2» Prédilection de la famille
Bonaparte. Charles Bonaparte et sa femme
sont assis à droite. L'archidiacre Lucien, de-
bout à gauche, tient la main de son neveu
Joseph, et, montrant du geste lejeune Napo-
léon, semble désigner en lui le futur chef de
la famille. Celui-ci a déjà le type, l'attitude et
jusqu'au costume traditionnel : il est debout,
la main droite passée dans l'ouverture de son
habit, la gauche tenant le petit chapeau, —
30 Bonaparte au collège de Brienne. Sous les
yeux des révérends pères, placés à gauche
sur une terrasse, les élèves ae l'école se bat-
tent à coups de boules de neige ; au milieu
d'eux, Bonaparte étend la main vers une re-
doute élevée au fond de la cour à droite, et
donne des ordres pour l'assaut déjà vivement
engagé. — 40 Bonaparte faisant ses premières
armes en Sardaigne. Il est debout sur la plage,
le sabre à la main, le visage tourné vers l'en-
nemi que l'on aperçoit à droite; il est entouré
de ses grenadiers, dont l'un, agenouillé de-
vant lui, enveloppe la blessure qu'il a reçue
à la cuisse ; au premier plan, un soldat et un
matelot transportent un officier blessé dans
une barque amarrée au rivage. — 5° Arrivée
de la famille Bonaparte en France. Bonaparte
et sa famille proscrite, entassés dans une
chaloupe conduite par huit rameurs, arrivent
en vue du port de Marseille. — 6° Siège de
Toulon. Debout sur le terre-plein d'une batte-
rie et montrant une pièce de canon, Bonaparte
explique aux généraux qui l'entourent ses
plans pour réduire la ville. — 7° Bonaparte à
Toulon. Suivi de ses grenadiers, il pénètre
dans une batterie, saisit un général anglais et
le menace de son épée. — 8° Bonaparte ren-
dant au jeune Beauharnais l'épée de son
père. Boiisparte est debout près d'une table
et entouré de plusieurs généraux. L'enfant
embrasse l'épée paternelle. — 9° Bonaparte
arrive à l'armée d'Italie. Il est à pied, ac-
compagné de son état-major, au milieu des
montagnes. Il parle aux soldats et leur montre
la route qui doit les conduire «dans les plus
fertiles plaines du monde. » Les soldats accla-
ment leur général en chef. — 10° Même sujet.
Pièce supprimée dans la suite par Raffet. —
11° Bonaparte à Dego. Il est à cheval, suivi
d'une escorte de hussards, et s'approche d'un
général blessé qui, assis h droite et soutenu
par deux soldats, lève son chapeau. Ce géné-
ral, dit M. Giacomelli dans son excellent ca-
talogue de l'œuvre de Raffet, est sans doute
Clausse, qui, mortellement blessé, fit appeler
Bonaparte et lui demanda d'une voix éteinte :
a Dego est-il repris?r-La redoute est à nous,
dit Bonaparte. — Dans ce cas, s'écria le blessé
d'une voix héroïque : Vive la République!
je meurs .content! » — 120 Bonaparte à Lodi.
Il est à cheval et donne des ordres à un offi-
cier à pied qui l'écoute en soulevant son cha-
peau. A gauche, un artilleur pointe une pièce
de canon. Dans le fond, à travers la fumée,
on aperçoit le pont de Lodi chargé de com-
battants. — 13° Révolte de Pavie. Bonaparte
entre dans la ville suivi de son état-major. A
gauche, des femmes, des moines, des péni-
tents, ayant un curé a leur tête, sont groupés
dans des attitudes suppliantes.. Le général
leur fait de la main un signe de pardon. Cette
composition est bien supérieure aux précé-
dentes. — 140 Entrée à Milan. Bonaparte,
accompagné de quelques généraux, précédé
et suivi de ses grenadiers, arrive devant un
arc de triomphe. La foule, groupée sur son
passage, montre plus de défiance que d'admi-
ration. — 150 Passage du pont d'Arcole. Un
drapeau dans la main gauche, un sabre dans
la droite, Bonaparte s'élance sur le pont, déjà
jonché de cadavres. — 16° Marche dans le'
désert. Le général en chef s'est approché d'un
soldat épuisé de lassitude ; il prend une de ses
mains et ordonne aux nègres qui le soutien-
nent de le placer sur son propre cheval, qu'un
jeune Africain tient par la bride. — 17° Ba-
taille des Pyramides. Bonaparte, à cheval, se
retourne vers les généraux et les soldats qui
le suivent et leur montre, dans le lointain, les
pyramides près desquelles les mameluks sont
campés.—18° Entrée au Caire. Monté sur un
cheval gris pommelé, qu'un nègre entière-
ment nu conduit par la bride, Bonaparte pé-
nètre dans la ville, suivi et précédé de ses
cavaliers. Des musulmans impassibles regar-
dent passer le sultan des Français. — 19
u
Bo-
naparte fait grâce aux révoltés du Caire. C'est
avec quelques variantes la composition de
Guérin. — 200 Reddition de Jaffa. Quatre ou
cinq musulmans, humblement prosternés, dé-
posent leurs armes aux pieds du général assis
sur l'affût d'un canon. — 21° Bonaparte visi-
tant les pestiférés de Jaffa. Ici encore Raffet
s'est inspiré d'une œuvre célèbre ; mais il ne
l'a pas reproduite servilement. Bonaparte,
arrêté devant un groupe de pestiférés, touche
la poitrine d'un de ces malheureux, assis sur
le hord de son lit et à demi enveloppé dans
une couverture. — 22° Bataille du Mont-
Thabor. Bonaparte traverse au gjalop le champ
de bataille. Un nè^re qui le voit venir arme
son fusil et s'apprête à faire feu ; mais un ar-
tilleur a aperçu son mouvement et va l'ar-
rêter d'un coup de sabre. — 23° Bataille
d'Aboukir. Monté sur un cheval noir riche-
ment harnaché à l'orientale, Bonaparte s'a-
dresse à un général qui montre, dans le fond,
la déroute des Turcs. — 24° Le Dix-huit bru-
maire. Bonaparte est debout au centre de la
composition, la tête nue, les cheveux en dé-
sordre, la main gauche fermée, la droite
tendue en avant; il s'adresse à deux membres
du conseil des Cinq-Cents, revêtus du grand
manteau officiel et qui s'approchent de lui. Un
grenadier qui le suit écarte Arena qui lève un
poignard pour frapper le premier Consul. A
droite, la tribune du président; au fond, les
soldats faisant évacuer la salle. — 25° Bona-
parte visitant le champ de bataille. Imitation
libre du tableau de Gros.
- Raffet a publié, en 1835, une autre litho-
graphie représentant Bonaparte en Egypte,
assis sur un dromadaire et couvert d'un bur-
nous. MM. Aies et Pollet ont gravé, d'après
un de ses dessins, Bonaparte en Italie, en
1797.
BONAPABTE
BONAPABTE (Lucien), prince de Canino,
frère puîné de Napoléon lei^ né à Ajaccio le
21 mars 1775. C est sans contredit, après
l'empereur, le membre le plus distingué de
cette illustre famille, et c'est peut-être cette
supériorité qui lui valut le rôle subalterne
qu il joua pendant toute l'épopée napoléo-
nienne, alors que tous ses autres frères por-
taient des couronnes. Après être resté deux
ans comme boursier au collège d'Autun, il
entra à l'école de Brienne, puis termina ses
études au collège d'Aix. Il habitait avec son
oncle, l'abbé Fesch, lorsque la Révolution
éclata, et il devint l'un des plus chaleureux
partisans des idées nouvelles, pour lesquelles
son enthousiasme se déclara bientôt publi-
quement. Paoli, de retour en Corse, avait été
nommé président de la Société populaire d'A-
jaccio; après avoir entendu Lucien discourir
sur la préférence que les peuples doivent don-
ner au gouvernement républicain, il l'em-
brassa avec effusion, le surnomma le petit
Tacite, son petit philosophe, et l'emmena à
Bostino. Néanmoins, lorsqu'il rompit avec la
France, il imposa à la famille Bonaparte l'al-
ternative de le soutenir ou d'être traitée en
ennemie. Le parti démocratique venait de dé-
cider l'envoi d'une commission pour implorer
du secours à Paris. Lucien se fait nommer
chef de cette députation, et, quelques heures
après son entretien avec Paoli, s'embarque
pour Marseille. Dans cette ville, enivré d'abord
d'un succès oratoire éclatant, il fut si doulou-
reusement impressionné au spectacle des ex-
cès qui étaient, hélas! la conséquence fatale
du drame révolutionnaire qui sejouait alors à
Paris, qu'il abandonna ses collègues et sol-
licita un emploi. Nommé garde-magasin dos
vivres à Saint-Maximin, il s'y créa bientôt
une influence sérieuse, dont il usa au profit
de la modération, et n'hésita pas à résister
par la force à un délégué de Barras qui ve-
nait mettre en vigueur à Saint-Maximin le
système de la terreur. Toutefois, disons que
la chute de Robespierre ayant été suivie dans
la Midi d'une réaction qui menaçait d'être
sanglante, Lucien la combattit de toute son
énergie, et certes, pour le courage civil, c'é-
tait peut-être, l'homme supérieur de la fa-
mille, comme l'atteste le 18 brumaire. En
1795, il épousa une jeune fille sans fortune,
Mlle Christine Boyer, et fut nommé inspec-
teur dans l'administration militaire à Saint-
Chamans, près de Cette. Bientôt il devint
suspect, et un mandat d'arrêt le jeta dans les
prisons d'Aix. Délivré par son frère, Lucien
était résolu de dire un éternel adieu à la poli-
tique, lorsque le parti modéré triompha par
la proclamation de la constitution de l'an III.
Nommé successivement commissaire des guer-
res aux armées d'Allemagne, de Belgique, de
Hollande et du Nord, il s'y occupa oruyam-
ment de politique et se lia par conformité d'opi-
nions avec les généraux Eblé et Tilly. Chargé,
en 1796, des instructions de son frère, il re-
tourna en Corse, où il apprit les victoires
d'Italie et le coup d'Etat du 18 fructidor, au-
quel il applaudit. La campagne d'Egypte ve-
nait d'être décidée ; Lucien refusa. d'accom-
pagner son frère, pour entrer au Conseil des
Cinq-Cents, dont il fut élu membre parle dé-
partement de Liamone, bien qu'il' n'eût pas
atteint l'âge réglementaire et que la députa-
tion fût au complet. En face de cette mani-
festation populaire et séduit par la gloire de
son frère, le Conseil ne s'opposa pas à son
admission doublement illégale.
Partisan déclaré de toutes les idées géné-
reuses , il soutint la liberté de conscience, se
constitua l'avocat des veuves et des enfants
des défenseurs de la patrie, et combattit vi-
goureusement le rétablissement de l'impôt sur
le sel et les dilapidations scandaleuses de ceux
qui maniaient les fonds destinés au service
des armées j se séparant en même temps du
Directoire, il blâma l'envahissement du Pié-
mont, la prise de Mulhouse et de Genève, et
la pression exercée sur Rome républicanisée
et enlevée au pape en représailles du meurtre
du général Duphot, soutenant que ces mesures
étaient une impolitique violation du traité do
Campo-Formio. Il défendit la constitution im-
posée à l'Italie par son frère et se rallia ou-
-vertement à l'opposition constitutionnelle.
Placé entre le besoin de soutenir un pouvoir
que menaçait une coalition étrangère, et sa
répugnance à lui concéder des droits dange-
reux pour la liberté, il s'éleva de nouveau,
malgré les avances du Directoire, contre l'im-
pôt sur le sel, que son éloquence contribua
a faire repousser. Le 18 juin 1799, le Con-
seil des Cinq-Cents, électnsé par ses paroles ,
enleva au Directoire son pouvoir discré-
tionnaire sur la presse, renouvela les mem-
bres du gouvernement , et nomma , pour
rechercher les mesures nécessitées par les
circonstances, une commission dont Lucien fit
partie. Tout en s'élevant' contre la politique
du Directoire, Lucien proposa d'urgence la
création dq deux nouvelles armées contre les
ennemis de l'extérieur et de l'intérieur. Cette
motion fut repoussée, et le désastre de Novi
vint encore accroître l'impopularité des di-
BONA BONA BONA
BONA 9ol
recteurs. Cependant Lucien crut encore de-
voir les soutenir au moins par ses paroles et
ar ses actes publics ; mais, en même temps,
e concert avec son frère Joseph, il faisait
parvenir à Napoléon l'ordre de revenir au plus
tôt. Salué avec enthousiasme par la France,
fatiguée de luttes stériles, le jeune général
prépara immédiatement le coup d'Etat du
18 brumaire, puissamment secondé par Lucien,
qui fut le trait d'union entre lui et Sieyès. Le
moment venu, le Conseil des Cinq-Cents, dont
Lucien avait été nommé président, devient le
théâtre d'une vive agitation, au milieu de la-
quelle il renouvelle, k la tête de son bureau,
le serment à la constitution. Tout semblait
erdu, lorsque Bonaparte se vit admis aux
onneurs de la séance par les Anciens ; mais
il n'en devait pas être ainsi dans la salle des
Cinq-Cents : il y fut accueilli par de telles
menaces, que ses grenadiers furent obligés
de l'enlever pour l'arracher au péril. L'orage
se tourne alors contre Lucien, qu'on veut for-
cer de proclamer la mise hors la loi de son
frère. « Misérables 1 s'écrie-t-il, vous voulez
que je mette hors la loi mon propre frère ! » et
il se dirige vers la barre pour y prendre la
défense du général, lorsqu'il est entraîné, lui
aussi, par des grenadiers envoyés par Bona-
parte. Alors il monte k cheval, parcourt le
front des. troupes leur déclare que le Conseil
des Cinq-Cents est dissous, que des assassins
ont envahi la salle des séances, et il somme
l'armée de marcher pour délivrer la représen-
tation nationale, jurant que lui et son frère
seront toujours les défenseurs de la liberté.
A la voix de Lucien, les soldats envahissent
le sanctuaire des lois, et la révolution est
consommée. C'est à la fermeté et surtout à la
décision de Lucien, qui montra une énergie
supérieure k celle de Napoléon, que cet atten-
tat contre la représentation nationale dut sa
réussite. Il reçut en récompense le ministère
de l'intérieur, qu.'il préféra au tribunat, et où
il se signala par l'établissement de la centra-
lisation administrative et par une protection
éclairée accordée aux arts, aux sciences et
aux lettres. Mais son goût pour les plaisirs et
son esprit d'indépendance indisposèrent bien-
tôt contre lui le premier consul, qui lui retira
le ministère et déguisa cette disgrâce en le
chargeant d'une ambassade en Espagne. Par
le traité d'alliance du 21 mars 1801, Lucien
détacha la monarchie espagnole de la poli-
tique anglaise, et fit accélérer les préparatifs
de l'envahissement du Portugal. Bien que ce
traité fût avantageux pour la France, Napo-
léon, qui voyait toujours plus loin que ceux
qui agissaient en son nom, blâma énergique-
ment son frère, qui, selon lui, avait compro-
mis des négociations entamées à Londres.
Blessé de ces reproches auxquels il ne s'at-
tendait pas, Lucien envoya sa démission k
Paris ; mais le premier consul refusa de l'ac-
cepter, et il autorisa même son frère à signer
le traité de Badajoz. De retour en France vers
1802, et appelé au Tribunat, Lucien fut chargé
de deux missions délicates : faire approuver
le concordat et l'institution de la Légion
d'honneur, qui n'étaient nullement en har-
monie avec les principes républicains. Il s'en
acquitta habilement. Choisi pour représentant
du Tribunat dans le grand conseil de la Légion
d'honneur, Lucien, sénateur de droit, reçut,
avec la sénatorerie de Trêves, la terre de Sop-
pelsdorff, et fut admis en même temps à l'In-
stitut dans la section de langue et littérature
françaises, titre auquel il tenait beaucoup.
Enfin tout annonçait une réconciliation du-
rable entre lui et son frère, lorsque, en avril
1802, il se maria avec Alexandrme de Bles-
champ, épouse divorcée d'un agent de change
nommé Jouberthon, l'une des plus charmantes
femmes de l'époque. Le premier consul s'étant
vivement emporté k la nouvelle de ce ma-
riage, Lucien préféra quitter la France plutôt
que de laisser porter atteinte à sa dignité et
k son indépendance. Réfugié à Rome, il se
consola dans le commerce des lettres d'une
rupture avec un frère qui, quelques mois plus
tard, distribuait des couronnes comme des ho-
chets. Napoléon, dans le cœur duquel les af-
fections de famille étaient toujours vivaces,
se rappelant les services que Lucien lui avait
rendus au 18 brumaire, et comptant sur ceux
qu'il pouvait attendre encore de sa haute in-
telligence, lui fit faire plusieurs fois des ou-
vertures magnifiques, à condition qu'il se sé-
Ïtarerait de sa femme. En compensation, il
ui offrait un trône, le mariage de sa fille aînée
avec le prince des Asturies, et pour sa femme
qu'il répudierait un duché en Italie. Fasciné par
cette éblouissante perspective , Lucien aurait
peut-être cédé ; mais quand il eut acquis la con-
viction que, sur le trône de Florence, il ne serait
qu'un préfet de son frère, il refusa, et se re-
tira dans un domaine près de Viterbe, que le
f>ape érigea en principauté de Canino. II vou-
ut même passer aux Etats-Unis, mais il fut
pris le 1er août 1810 par un croiseur anglais,
conduit provisoirement k Malte et de 1k en
Angleterre, puis confiné k Ludlow, pays de
Galles. Il acquit alors le domaine de Thorn-
grove, kcinq lieues de Londres, et y séjourna
jusqu'aux traités de 1814, qui lui permirent
de retourner k Rome, où il dédia au pape son
Î
ioëme de Chartemagne oui' Eglise sauvée. Après
a prise de Paris, consulté par Louis XVIII, il
lui répondit : n Point de système mixte : effa-
cer jusqu'k la dernière trace de la Révolution
et réorganiser la monarchie de Louis XV, ou
arborer le drapeau tricolore et épouser la Ré-
volution... » Lorsque l'empereur fut relégué
à l'île d'Elbe, Lucien, qui avait refusé d'ê-
tre le courtisan de la prospérité, devint ce-
lui du malheur. Il offrit k son frère de se con-
sacrer au service de sa personne , et lui
adressa une lettre par laquelle il lui déclarait
qu'il était aussi dévoué k son infortune qu'il
avait été ennemi de son despotisme. Lors des
Cent-Jours il accourut à ses côtés, obtint l'éva-
cuation des Etats du pape, envahis par Murât,
fixa sa résidence au Palais-Royal, et accom-
pagna Napoléon k la cérémonie du champ de
mai, avec le titre et le rang de prince français.
Membre de la chambre des pairs, il fit partie de
la commission de gouvernement que l'empereur
institua au moment de se rendre k l'armée.
Après le désastre de Waterloo, Lucien, homme
de décision, conseillait k l'empereur la disso-
lution de la chambre, et, ne pouvant le décider
k cette mesure de rigueur, alla plaider sa
cause devant les représentants et les empêcha
de réclamer l'abdication de l'empereur. Néan-
moins, ne se faisant pas d'illusion sur l'hosti-
lité des chambres, il révéla à son frère la
situation, qui ne lui laissait d'option qu'entre
une dissolution immédiate de la chambre, ou
l'abdication en faveur de son fils. Ses conseils
ne furent pas suivis; il ne quitta la France
qu'avec Napoléon, et, arrêté en route, ne dut
sa liberté, au bout de trois mois de détention,
qu'aux instances du pape, auprès duquel il se
fixa. L'empereur n'ayant pas voulu accepter
le sacrifice qu'il lui offrit par deux fois de par-
tager sa captivité, Lucien ne s'occupa plus que
de littérature dans sa villa Russinella, aux
environs de Frascati. C'est à sa campagne que
le surprit la révolution de 1830, qui lui fit con-
cevoir un moment l'espoir de rentrer en
France. Le 29 juin 1840, Lucien Bonaparte
mourut, k Viterbe, d'un cancer k l'estomac,
n'ayant eu le temps que de publier le premier
volume de ses Mémoires.
Lucien Bonaparte est demeuré célèbre sur-
tout par cette indépendance de caractère qui
lui fit sacrifier les liens du sang et les intérêts
de sa fortune à sa dignité et k ses devoirs. 11
avait quelques tendances républicaines, mais
on ne doit pas en exagérer la portée, et il faut
reconnaître qu'il ne s'en souvenait et qu'il ne les
invoquait guère que dans les moments où il se
sentait personnellement atteint par les volon-
tés supérieures de son frère. C'était d'ailleurs
un homme d'un caractère noble et d'un esprit
distingué. On sait qu'il abandonna son traite-
ment d'académicien k Béranger, qui l'en re-
mercia dans la préface de son recueil de chan-
sons publié en 1833.
Lucien avait épousé, en 1794, Christine-
Eléonore Boyer, morte le 14 mai 1800, dont il
eut deux filles : 1° Charlotte, née le 13 mai
1796 k Saint-Maximin, mariée k Rome, le 27
décembre 1815, au prince Mario Gabrielli,
dont elle eut un fils et trois filles, et qu'elle
perdit le 18 septembre 1841; 2° Christine.
Egypta, née k Paris le 19 octobre 1798, mariée
en 1818 au comte suédois Arved Posse, et
en 1824 k lord Dudley-Coutls, morte k Rome
le 19 mai 1847. Son fils, lord Dudley, sert dans
l'armée anglaise.
En 1802, Lucien se remaria, comme nous
l'avons dit, avec Marie-Alexandrine-Char-
lotte-Louise-Laurence de Bleschamp, née k
Calais en 1778, morte k Smîgaglia le 12 juillet
1855. De ce mariage naquirent,Charles-Lu-
cien-Jules-Laurent, né à Paris le 24 mai 1803,
décédé le 29 juillet 1857;—Lœtitia, née à
Milan le îcr décembre 1804, mariée à Thomas
Wyse, membre catholique du parlement d'An-
gleterre,ministre plénipotentiaire de la Grande-
Bretagne k Athènes, où il est mort le 15 avril
18G2. Sa tille Marie, née le 7 juillet 1833,
épousa en premières noces M. de Solms, et,
le 5 février 1863, M. Urbano Rattazzi, ancien
ministre du roi d Italie Victor-Emmanuel. Une
de ses sœurs s'est mariée en 1862 au général
hongrois Tùrr, le fidèle compagnon de Gari-
baldi;— Paul, né en 1808 et mort en Grèce
au mois de décembre 1826;— Jeanne, née k
Rome en 1806, — épouse du marquis Hono-
rati, morte en 1828; — Louis-Lucien, né le
4 janvier 1813 k Thorngrove; — Pierre-Na-
poléon, né k Rome le 12 septembre 1815; —
Antoine, né à Frascati le 31 octobre IS16 ; —
Marie, née le 12 octobre 1818, mariée au comte
Vincenzo Valentini, député k la Constituante
romaine, ministre des finances en 1849, mort
en 185S ; —Constance, née k Bologne le 30
janvier 1823, aujourd'hui religieuse à Rome au
couvent du Sacré-Cœur.
Lucien Bonaparte a laissé plusieurs ouvra-
ges : la Tribu indienne ou Edouard et Stel-
lina, roman (1799); Ckarlemagne ou l'Eglise
sauvée, poëme épique en 24 chants (1814);
Ode contre les détracteurs d'Homère (1815);
la Cyrnëide ou la Corse sauvée, poëme épique
en 12 chants; Aux citoyens français membres
des collèges électoraux (1834) ; la Vérité sur
les Cent-Jours, suivie de documents histori-
ques sur 1815; Mémoires sur les vases étrus-
ques (1836). Un premier volume de Mémoires
parut en 1836; sa veuve publia le second vo-
lume sous ce titre : le Dix-huit brumaire. Quoi-
que ces écrits n'aient pas obtenu un brillant
succès, ils révèlent une vive imagination, du
goût, de la littérature et de la philosophie.
BONAPARTE
BONAPARTE (Louis), troisième frère de
Napoléon, né k Ajaccio le 4 septembre 177S.
Après avoir suivi k Marseille sa famille expul-
sée par Paoli, il fut envoyé k l'école de Châlons
pour y subir l'examen nécessaire pour entrer
dans l'artillerie. Sur la fausse nouvelle du li-
cenciement de cette école, il retourna près do
sa mère; mais son frère, qui venait d'être
nommé général, l'attacha k sa personne avec
le grade de sous-lieutenant, et lui fit faire ses
premières armes k la prise d'Oneille et au
combatde Cairo. Placé comme lieutenant dans
une compagnie de canonniers volontaires, il
fut détaché k l'école de Châlons, et presque
aussitôt rappelé par son frère, qui l'emmena
en Italie. Lk, il se distingua au passage du
Pô et au pont d'Arcole. Ce fut lui qui porta la
nouvelle de la paix de Campo-Formio k Pa-
ris, d'où, afin de l'arracher à une passion nais-
sante pour la fille d'un émigré, Napoléon
l'emmena en Egypte. Renvoyé en France
pour demander des renforts, il n'avait encore
rien pu obtenir, lorsque son frère débarqua à
Fréjus. L'ayant secondé au 18 brumaire, il
reçût les épaulettes de colonel ; toutefois, il se
rendit en Prusse, afin de ne pas être contraint
k épouser Hortense de Beauhamais. Une se-
conde fois il évita cette union en partant
pour l'expédition de Portugal; mais, cédant
enfin aux sollicitations de Mme Bonaparte, il
se maria le 4 janvier 1802, malgré lui, pour
obtenir la tranquillité. Parvenu, en 1804, au
grade de général de division, nommé con-
seiller d'Etat k la section de législation, il ie-
' çutj après l'établissement de l'empire, le titre
de prince et celui de connétable, enterré dans
un oubli de deux siècles; puis remplaça Murât
dans le commandement de la garnison de Pa-
ris, k la condition de ne s'occuper que des
affaires militaires. Son activité k organiser
une armée destinée à protéger le nord de la
France lui valut de l'empereur des témoi-
gnages publics de satisfaction. Une autre dis-
tinction onéreuse l'attendait : il fut placé,
malgré lui, par son frère, sur le trône de Hol-
lande le 5 juin 1806. Aimé du peuple, quoique
au début il eût trop favorisé les Français, il
s'attacha aux Hollandais et manda k l'empe-
reur qu'il abdiquerait si la France ne rendait
k la Hollande ce qu'elle lui devait, si on lais-
sait k sa charge l'entretien des troupes fran-
çaises, et si on ne lui permettait pas de dimi-
nuer les armements. Napoléon céda, et Louis,
faisant habilement revenir sa flottille de Bou-
logne
;
prit ses précautions pour se suffire à
lui-même au besoin. A la tête d'un corps de
15,000 hommes, il marcha contre les Prus-
siens et leur prit Munster, Osnabruck et Pa-
derborn, bloqua les places fortes de Hameln
et de Nieubourg, et occupa Rinteln. Blessé
d'un ordre de 1 empereur, qui lui enjoignait
de s'emparer du Hanovre, il refusa d'obéir et
rentra a La Haye. Le décret du 21 novem-
bre 1806 relatif au blocus des îles Britanniques
étant un arrêt de ruine pour ses sujets, il
l'éluda d'abord, puis ferma ses ports k tous les
vaisseaux sans exception. Louis se consacra
alors au bonheur de ses peuples ; il fit rédiger
un code civil et criminel, régularisa les con-
tributions que les exigences de la France
l'avaient obligé d'établir, le cadastre, les
finances, créa une direction des beaux-arts et
un institut des sciences et des arts, et ouvrit
une. grande exposition des produits de l'indus-
trie nationale. Il créa en même temps l'ordre
de l'Union et du Mérite. Accablé de la perte
de son fils aîné Louis, enlevé par le croup, il
"alla passer deux mois dans les Pyrénées,
puis, après être resté quelque temps kUtrecht,
il choisit en 1808 pour capitale de la Hollande
la ville d'Amsterdam.
Pendant ce temps, les relations entre lea
deux frères s'aigrirent par suite des exigences
de l'empereur, qui ne ménageait pas l'amour-
propre de Louis, et le forçait même k rappor-
ter ses lois. Néanmoins Louis, dont le fils
Napoléon-Louis venait d'être investi du titre
de grand-duc de Clèves et de Berg, k la pre-
mière nouvelle du débarquement des Anglais
dans l'île de Valcheren, marcha contre eux
afin de protéger Anvers, lorsque Bernadotte
arriva pour lui ravir le commandement. Com-
prenant que Napoléon avait l'intention d'en-
vahir la Hollande, Louis ne se rendit qu'avec
peine au congrès des rois alliés formé par
l'empereur en décembre 1809. Ayant soutenu
avec force les intérêts de son pays contre son
frère, qui ne prenait plus la peine de dissi-
muler ses projets, il se vit l'objet d'une sur-
veillance active. L'empereur, apprenant qu'en
dépit de sa police Louis avait réussi k faire
passer en Hollande l'ordre de défendre les
lignes à l'aide de la marine et des inondations,
entra en fureur et lui donna le choix entre dé-
commander les travaux ou renoncer au trône.
Louis céda, espérant s'échapper nuitamment;
mais il était gardé k vue par la gendarmerie.
Après quatre mois de luttes, il tut obligé de
signer un traité qui lui interdisait tout com-
merce avec l'Angleterre, lui imposait des
troupes et des douanes françaises pour veiller
k l'exécution de ce traité, et lui arrachait la
cession, en faveur de l'empereur, du Brabant
hollandais, de la Zélande, y compris l'île de
Schourren, et de plusieurs autres lieux im-
portants. Alors seulement il put retourner
dans ses Etats.
Une querelle futile entre un bourgeois d'Am-
sterdam et le cocher de l'ambassadeur français
servit de prétexte k une si violente missive de
l'empereur que Louis, voyant ses ministres re-
culer devant le projet d'inonder la capitale plu-
tôt que de se rendre, abdiqua le 1er juillet 1810
en faveur de son fils, sous la régence de sa
mère, assistée d'un conseil de régence. L'armée
française entra le 4 k Amsterdam, mais Louis
s'était déjà réfugié en Bohême, aux bains de
Tœplitz, sous le titre de comte de Saint-Leu,
qu'il conserva depuis. A la nouvelle de la réu-
nion de la Hollande k l'Empire français, Louis
protesta entre les mains des empereurs d'Au-
triche et de Russie, puis il partit pour Grœtz,
d'où il offrit ses services k l'empereur lors du
désastre de Russie. Espérant recouvrer son
trône, il essaya d'intéresser l'Autriche en sa
faveur, et passa en Suisse pour mieux suivre
les événements. Après la bataille de Leipzig,
au lieu d'écouter Murât, qui lui conseillait de
solliciter l'appui des alliés, il réclama son
trône k Napoléon par une lettre, qui ne le
précédait que de quelques heures. Il fut averti
en route que l'empereur refusait de.le rece-
voir, et il trouva sa réponse en Suisse. A au-
cun prix Napoléon ne consentait k sa restau-
ration; il lui permettait de l'essayer par les
armes. Se retournant alors du côté de ses an-
ciens sujets, il apprit qu'ils traitaient avec la
maison d'Orange, sans avoir même prononcé
son nom.
Retiré k Soleure, d'où il dut sortir en dé-
cembre 1813, il se rendit k Paris, où il eut
deux entrevues très-froides avec l'empereur:
Ce dernier ne suivit pas ses conseils réitérés
de faire la paix, et fut obligé d'abdiquer.
Louis accompagna Marie-Louise k Blois. et
952 BONA
BONA
BONA
BONA
se retira à Lausanne. Apprenant alors que
Lotus XVUI avait érigé en duché la terre de
Saint-Leu, et que le traité de Fontainebleau
arantissait a la famille impériale une rente
e 2,500,000 fr., il fit insérer une protestation
dans le journal d'Aarau, et se rendit à Rome.
Là il força juridiquement sa femme à lui re-
mettre son fils aîné, et se sépara d'elle. Bien
qu'il eût résisté à toutes les instances de rap-
prochement pendant les Cent-Jours, il fut,
comme les autres membres de sa famille,
frappé par la loi d'exil du 12 janvier 1816. Il
se retira à Florence avec l'autorisation du
grand-duc de Toscane. En 1830, il se rencon-
tra à Bolsena avec sa femme, qui s'inquiétait,
comme lui, de l'avenir de leurs enfants. La
mort de son second lils, en 1831, ébranla pro-
fondément sa santé, à laquelle la captivité de
son fils à Ham, après les affaires de Stras-
bourg et de Boulogne, porta ie dernier coup.
Il écrivit alors aux différents ministres de
Louis-Philippe pour obtenir l'autorisation
d'embrasser son fus; mais le prince captif re-
fusa les garanties que l'on exigeait de lui.
Après l'évasion de Ham, Louis partit pour
Livourne, n'ayant pas perdu tout espoir; mais
le ministère anglais refusa un passe-port à
celui qui est aujourd'hui Napoléon III, et
priva ainsi le roi Louis de la dernière joie
qu'il se promettait. Ce fut le coup de grâce ;
Louis n y survécut pas. Frappé d'une attaque
d'apoplexie le 24 juillet 1846 , il s'éteignit
doucement le lendemain, loin de sa patrie et
de sa famille. L'année suivante son corps fut
transporté à Saint-Leu.
Il avait eu de son mariage avec Hortense
de Beauharnais trois fils : Napoléon-Charles,
né à Paris le 10 octobre 1802, mort à La Haye
le 5 mai 1806; Napoléon-Louis, né à Paris le
il octobre 1804, mort à Forli le 17 mars 1831 ;
Charles-Louis-Napoléon, l'empereur actuel
des Français.
Philosophe, méprisant le faste, ami des
lettres, ne désirant qu'une vie tranquille,
Louis Bonaparte, porté .au trône malgré lui,
n'eut qu'une ambition, celle de régner dans le
calme, en faisant le bonheur de ses sujets.
Les circonstances ne permirent pas la réali-
sation de ces projets bienveillants pour la
Hollande, et il fut aussi malheureux roi que
malheureux époux. Le plus beau titre de
gloire de Louis aux yeux de l'histoire, c'est
de n'avoir pas hésité à lutter contre la volonté
de^ son frère, une fois qu'il fut monté sur lé
trône. Devenu Hollandais de cœur, il maintint
les droits de ses sujets et, par' dévouement
pour leurs intérêts, perdit l'affection presque
paternelle que l'empereur lui avait toujours
témoignée. Napoléon se souvenait de lui avoir
donné des leçons ; il le regardait comme l'en-
fant de ses oeuvres, et il ne put le voir sans
une vive irritation résister à sa volonté puis-
sante, devant laquelle se courbaient les plus
puissants monarques. Louis, certain de mar-
cher dans la voie de l'équité, refusa de suivre
la route que l'empereur voulait lui tracer, et,
regardant la Hollande comme un dépôt que la
Providence lui avait confié par l'intermédiaire
de son frère, désira rendre ce dépôt non-
seulement intact, mais encore amélioré. C'é-
tait la politique d'un homme de cœur ; mais
c'était moins du cœur qu'une obéissance
passive que Napoléon exigeait de ses frères.
Néanmoins, dans son testament, l'empereur,
entraîné par son ancienne sympathie, fit pas-
ser les enfants de Louis avant ceux de Lucien
et de Joseph dans l'ordre de sa succession.
Le roi Louis a laissé quelques ouvrages :
Marie ou les Peines de l'amour (1808), pein-
ture exacte des mœurs hollandaises; des Odes
en 1813; un MêmcÀrc sur la versification, dans
lequel il propose la substitution des vers rhy th-
miques aux vers rimes. Il ajoutait, comme
essai: Rut h et Noe'mi, opéra; Lucrèce, tragé-
die, et l'Avare, de Molière, mis en vers; His-
toire du parlement anglais depuis son origine
jusqu'à l'an VII, avec des notes par Napoléon
(1820) ; Documents historiques et réflexions sur
le gouvernement de la Hollande (1820), livre
que Napoléon 1°'', dans son testament, a ap-
pelé • un libelle plein d'assertions fausses et
de pièces falsifiées»; Réponse à Walter Scott
sur son histoire de Napoléon (1828) ; Nouveau
recueil de poésies (1828); Observations sur
l'histoire de Napoléon de M. de Norvins (1834).
B o n a p a r t e (PORTRAITS DK LOUIS). G é r a r d a
exécuté un portrait du roi de Hollande, en
180G; Cartellier a fait un buste de ce prince,
eu 1800, et une statue qui le représente en
costume de connétable et qui a été exposée
en 1810. Ces trois ouvrages ornent les gale-
ries historiques de Versailles.
BONAPARTE
BONAPARTE (Marie-Pauline), seconde sœur
de Napoléon l e , née h Ajaccio le 20 septem-
bre 1780, suivit en 1793 sa famille à Marseille,
où le conventionnel Fréron demanda sa main,
qui lui fut refusée. Le général Duphot, assas-
siné à Rome dans une émeute, le 29 décembre
1797, ainsi que Junot, qui en était passionné-
ment épris, ne furent pas plus heureux. Elle
aimait le général Leclerc, qu'elle épousa à
Milan en 1801; mais leur bonheur fut de courte
durée. Le général, après avoir soumis le Por-
tugal, fut chargé parle premier consul, l'an-
née même de son mariage, de- faire rentrer
sous la domination française l'Ile de Saint-
Domingue, où il fut envoyé avec le titre de
capitaine général. Pauline, à peine relevée de
couches, s'embarqua à Brest avec son enfant
et son mari, au mois de décembre. L'expédi-
tion avait été menée à bonne fin; la conquête
était presque achevée, lorsque les noirs, aux-
quels s'adjoignit un terrible auxiliaire,la fièvre
jaune, se révoltèrent. Le général voulut faire
embarquer sa femme et son fils, mais elle
adressa cette noble réponse aux dames de la
ville qui la pressaient de partir : n Vous pou-
vez pleurer, vous ; vous n'êtes pas, comme
moi, sœur de Bonaparte. Je ne m'embarque-
rai qu'avec mon_ mari ou je mourrai. » On
voulait la sauverde force, lorsqu'un aide de
camp arriva annonçant la compression de la
révolte : « Je savais bien, dit-elle sans s'émou-
voir, que je ne m'embarquerais pas; retour-
nons a la résidence. » Mais le vainqueur, at-
teint de la fièvre jaune, dut partir pour 111e de
la Tortue, où il expira, le 2 novembre 1802,
entre les bras de sa femme, qui ramena en
France sa dépouille mortelle. Leur fils mou-
rut deux ans après.
Le 28 août 1803, Napoléon maria sa sœur
avec le prince Camille Borghèse, le chef
d'une des plus illustres familles de Rome,
mais d'une déplorable faiblesse de caractère.
Cédant à des insinuations malveillantes, il ne
tarda pas à se séparer de sa femme, et se re-
tira à Florence jusqu'en juillet 1807, époque
où Napoléon, après la paix de Tilsitt, l'établit
à Turin avec le titre de gouverneur général
des départements français au delà des Alpes.
Nommée duchesse de Guastalla, Pauline,
abandonnée de son mari, habita tantôt la'
France, tantôt l'Italie, dans un magnifique
château à Neuilly, ou à la fameuse villa Bor-
ghèse, dont son époux lui avait laissé lajouis-
sance. En 1810, la princesse Pauline, ayant
manqué publiquement à l'impératrice Marie-
Louise à Bruxelles, fut éloignée de la cour
par son frère, encore plus affligé qu'irrité.
L'abdication de Napoléon, en 1814, fit partir
la princesse de Nice pour Rome, et de là pour
l'île d'Elbe, où, avec M'»c Laetitia, elle adou-
cit par sa présence les douleurs de l'exil de
son frère. C'est à ses instances que Murât dut
son pardon, et le prince Lucien sa réconcilia-
tion avec l'empereur déchu. Pendant les
Cent-Jours, la princesse Pauline séjourna à
Naples, puis à Rome, d'où elle envoya tous
ses bijoux à l'empereur, dont les finances
étaient épuisées. Ils furent trouvés à "Water-
loo dans une des voitures de Napoléon; les
alliés s'en emparèrent, et on ignore qui, parmi
eux, se les est appropriés.
Malgré les bontés du pape, reconnaissant .
des soins que la princesse avait eus pour lui
lors de sa captivité en France, elle se disposait
à rejoindre sa famille à Paris, lorsque Napo-
léon, vaincu, fut relégué'sur le rocher de
Saint-Hélène. Elle tomba dans une maladie
de langueur, qu'activa encore la nouvelle de
la mort de Napoléon, que les puissances coa-
lisées n'avaient pas voulu l'autoriser h. aller
soutenir de son amitié dans son triste exil. Le
9 juin 1825 elle expira à Florence entre les
bras de son mari, avec lequel elle s'était ré-
conciliée depuis sa maladie. Sa dépouille mor-
telle fut inhumée à Rome en l'église Sainte-
Marie-Majeure, dans la chapelle de la famille
Borghèse. Le prince acquitta généreusement
tous les legs qu'elle avait faits à son lit de
mort, sans réfléchir à l'insuffisance de sa for-
tune. Elle ne lui laissait point d'enfants.
La princesse Pauline se faisait remarquer
par une inépuisable bienfaisance. Une partie
de sa fortune passa entre les mains des mal-
heureux ou fut employée à l'établissement de
maisons de charité pour l'éducation des or-
phelins. Elle était passionnée pour les arts et
les lettres, aimait le luxe et les plaisirs, et sa
prodigalité avait tellement épuisé ses res-
sources que, après la chute de l'Empire, sans
la bienfaisance de son mari, dont elle s'était
rapprochée, elle aurait risqué de justifier les
prédictions de sa mère en mourant à l'hôpital.
Sa statue a été sculptée par le célèbre Ca-
nova. Ce chef-d'œuvre est aujourd'hui la pro-
priété de la reine d'Angleterre. Lord Gadwor
en possède une copie sous la forme d'une
nymphe couchée sur une peau de lion, exé-
cutée par Canova lui-même. V. l'art, suivant.
Bonaparte Boi-ghèso (statue en marbre de la
princesse PAULINE), un des chefs-d'œuvre de
Canova; villa Borghèse, à Rome. La belle Pau-
line Bonaparte, princesse Borghèse, sœur de
Napoléon Icr^ est représentée sous l'image de
Vénus Victorieuse, tenant à la main la pomme
d'or, prix de sa victoire. Elle est étendue sur
un lit, la tête relevée. Le bras droit, dont le
coude s'appuie sur deux coussins superposés,
vient rejoindre le derrière de la tète par l'ex-
trémité des doigts. La coiffure, retenue par un
ruban, tient le milieu entre celle des Vénus
antiques et celle des dames françaises de
l'époque. Une légère draperie couvre la par-
tie inférieure du corps, moins une des jambes,
et fait valoir adroitement, par le contraste, la
beauté du nu dans la partie supérieure. Le
torse, délicatement modelé, a une flexibilité
de forme et de contours des plus séduisantes.
a Ce qu'on doit admirer dans cette statue, a
dit M. Quatremère de Quincy, c'est le succès
avec lequel Canova sut, grâce aussi à son
modèle, produire la fidélité de la ressem-
blance, e'xigée par la nature du portrait dans
la tête, et l'idéal dans le développement des
formes du corps ; le tout dans un tel accord
que, ce qu'il y a de vérité positive et de vé-
rité imaginative, loin de se combattre, se
prête un mutuel agrément. » Cette gracieuse
statue, exposée pendant un .certain temps au
palais Borghèse, obtint un véritable triomphe
et attira un concours considérable d'amateurs,
tant de Rome que de l'étranger. Le jour ne .
suffisant pas à leur admiration, ils obtinrent
de pouvoir la considérer la nuit, à la lumière
des flambeaux, qui, comme l'on sait, accuse
et fait découvrir les plus légères nuances du
travail, et en accuse aussi les moindres négli-
gences. On fut enfin obligé d'établir' une en-
ceinte, au moyen d'une barrière, pour protéger
la belle Vénus contre la foule qui ne cessait
de se presser à l'entour.
BONAPARTE
BONAPARTE (Caroline-Marie-Annonciade),
troisième sœur de Napoléon, née à Ajaccio le
25 mars 1782, avait a peine onze ans, lors-
qu'elle quitta la Corse pour venir habiter
Marseille. Elle y resta jusqu'en 1796, époque
à laquelle M'
Q
e Lsetitia vint se fixer à Paris.
Napoléon, qui l'aimait tendrement, lui fit
épouser l'un de ses plus braves lieutenants,
Joachim Murât, le 20 janvier de l'année 1800.
Successivement grande-duchesse de Berg et
de Clèves et placée sur le trône de Naples le
15 juillet 1808, Caroline se montra digne de sa
haute position par son intelligence, ses talents,
le tact fin qu elle montra dans les affaires.
Radieuse de grâce et de beauté, douée d'un
esprit cultivé, elle exerça un grand ascen-
dant sur son époux , suppléa aux qualités
qui manquaient à ce vaillant soldat pour l'exer-
cice de la souveraineté, et tint elle-même, en
qualité de régente, les rênes de l'Etat avec
une remarquable habileté. Son avènement au
trône fut signalé par des actes de justice et
d'humanité. Elle fit rappeler les exilés et ren-
dre la liberté aux condamnés politiques. Pre-
nant une part très-active au gouvernement du
royaume, pendant un règne de sept années
seulement, elle réalisa à Naples d immenses
progrès, fonda des établissements utiles qui
subsistent encore, protégea les sciences, les
lettres et les arts, appela à la direction des
alfaires des hommes éminents, et veilla avec
sollicitude à l'extension de l'instruction popu-
laire. Douée d'une grande fermeté d'âme et
de caractère, on la vit, après le combat naval
de Milucola, pour ranimer ses sujets, se pro-
mener impassible sur le quai de la Chiaja au
milieu d'une pluie de boulets anglais. Chargée
en 1810 par son frère d'organiser la maison de
Marie-Louise, Caroline se rendit au-devant
d'elle à Braunaw, mais ne tarda pas à s'alié-
ner ses bonnes grâces par ses prétentions or-
fueilleuses. Elle regarda comme un outrage
'avoir été obligée de porter le manteau de
l'impératrice aux cérémonies du mariage, et
retourna à Naples mal disposée contre la cour
de Paris. Aussi, en 1813, lorsque la fortune
commença à se lasser de favoriser Napoléon,
caressa-t-elle l'ambition de Murât, qui rêvait
la couronne des rois lombards et la souverai-
neté de la péninsule italique, et ne s'opposa-
t-elle point aux traités des 6 et 11 janvier 1814,
conclus avec l'Autriche et l'Angleterre, traités
qui jetaientson mari dans les rangs ennemis de
la France et de son bienfaiteur. Cette ingrati-
tude révolta d'autant plus l'opinion publique que
Caroline abandonnait son frère, elle qui n'avait
eu qu'à se louer de lui, et cela au moment des
revers, lorsque les membres de sa famille qui
avaient eu le plus à se plaindre de son despo-
tisme se rapprochaient de lui spontanément»
Aussi Madame mère irritée ne voulait plus la
voir et l'écrasa de ces énergiques et généreu-
ses paroles : « Vous avez trahi votre bienfai-
teur, votre frère; il aurait fallu que votre
mari passât sur votre cadavre avant d'arriver
à une félonie pareille. » Joseph Bonaparte
prétendit même que, chargée.par le général
Miollis d'une somme considérable pour l'em-
pereur captif à l'île d'Elbe, elle négligea de
la lui faire passer.
La défection de l'ancien volontaire de 1792
ne sauva pas son trône. Murât parut néan-
moins revenir à de plus nobles sentiments; en
1815, il voulut seconder le retour de l'empe-
reur, mais il fut battu et forcé de se réfugier
en France. L'énergie de Caroline ne l'aban-
donna pas dans les péripéties de cette cata-
strophe. Victime de la trahison à son tour, me-
nacée par les lazzaroni, dont elle essayait de
réprimer les violences, et par les partisans de
Ferdinand IV, elle stipula, avant de partir,
avec le commodore Campbell, chef de la flotte
anglaise, la conservation des propriétés de ses
anciens sujets, et ne s'occupa de ses intérêts
personnels qu'après avoir obtenu des garan-
ties pour les intérêts du pays. Elle s'embarqua
sur le Tremendous, vaisseau anglais, qui sa-
lua de vingt et un coups de canon le retour
de Ferdinand. Au mépris de la capitulation,
elle fut dépouillée de ses propriétés et emme-
née prisonnière à Trieste avec ses quatre en-
fants, qu'elle avait été chercher à Gaete. On
lui permit de se fixer au château de Haim-
bourg, près de Vienne, où elle apprit par un
journal la fin tragique de son malheureux
époux, fusillé au château de Pizzo. Elle ob-
tint plus tard l'autorisation d'habiter près de
sa sœur Elisa, à Trieste, avec le titre de com-
tesse de Lipona, anagramme de Napoli, nom
italien de Naples. Là elle éleva ses enfants
avec peine, n'ayant plus aucune fortune, et
épousa secrètement le général Macdonald, an-
cien ministre de son mari. En 1830, Madame
mère étant tombée malade à Rome, la prin-
cesse Caroline alla la soigner, puis retourna
à Trieste. Après la révolution de Juillet, ses
deux fils, Achille et Lucien, se réfugièrent
aux Etats-Unis, où ils embrassèrent la pro-
fession d'avocat, et elle revint en Italie, au-
près de ses deux filles, la marquise de Pepoli
• et la comtesse de Rosponi. Caroline fit un
voyage à Paris pour réclamer une indemnité
au sujet de VElysèe-Bourhon et du château
de Neuilly, dont Murât avait été dépossédé
E
ar l'empereur sans compensation. Les cham-
res lui votèrent, le 2 juin 1838, une pension
viagère de cent mille francs, dont elle ne jouit
pas longtemps, car, à son retour de Paris,
elle mourut à Florence d'un cancer à l'esto-
mac, le 18 mai 1839, entre les bras de la com-
tesse de Rosponi et de Jérôme Bonaparte.
Née avec une tête forte, un esprit souple et
délié, de la grâce, de l'amabilité, séduisante
au delà de toute expression, il ne lui manquait
que de savoir cacher son amour pour la do-
mination. « C'était, dit M. de Talleyrand, la
tête de Cromwell sur le corps d une jolie
femme. »
La princesse Caroline avait eu de son ma-
riage avec Murât quatre enfants : 1° Napo-
léon-Achille-Charles-Louis Murât; 2° Lœtitia-
Josèphe,née le 25 avril 1802, mariée au mar-
3
uis de Pepoli à Bologne ; 3° Lucien-Charles-
oseph-François-Napoléon Murât; 4° Louise-
Julie-Caroline, née le 22 mars 1805, mariée au
comte de Rosponi, à Ravenne.
BONAPARTE
BONAPARTE (Jérôme), le plus jeune des
frères de Napoléon 1er, né à Ajaccio le 15 no-
vembre 1784, était âgé de huit ans,, lorsque
sa famille se réfugia en France pour échap-
per à la proscription dont Paoli frappait tous
tes notables habitants de la Corse qui s'étaient
prononcés contre le parti anglais. Il venait à
peine d'achever ses études au collège de
Juilly, lorsque, après le 18 brumaire,Napoléon
le fit entrer comme simple soldat dans les
chasseurs à cheval de la garde consulaire. A
la suite d'une campagne à l'Ile d'Elbe, qui
plus tard devait servir de prison à son illus-
tre frère, il fut nommé, le 29 novembre 1800,
aspirant de seconde classe à bord du vaisseau
{'Indivisible, sur lequel il prit part à la cap-
ture du Swiftsure dans la Méditerranée. Le
5 février 1802, il assista à la prise de Port-
au-Prince en qualité d'aspirant de première
classe. Nommé un mois après enseigne de
vaisseau, il fut chargé, d'une mission auprès
du premier consul par Villaret-Joyeuse, et ne
rejoignit la flotte qu'à l'automne de 1802. Com-
mandant alors le brick 1 Epervier avec le
grade de lieutenant de vaisseau, Jérôme,
après avoir relevé les atterrissements de
Sainte-Lucie, la Guadeloupe, la Martin.que
et la Dominique, conformément aux instruc-
tions de son frère, voyant que le chemin di-
rect vers la France lui était fermé par les
croisières anglaises, tenta le retour par les
Etats-Unis, et réussit à aborder le 20 août à
Norfolk, l'un des ports de la Virginie. Il visita
Washington et Boston, où il recueillit de nom-
breux témoignages de sympathie, et fut reçu
par le président des Etats-Unis, Jetferson.
C'est alors qu'une vive passion lui fit braver
tous les obstacles pour épouser miss Elisa Pa-
terson, fille d'un riche négociant de Balti-
more ; le mariage eut lieu le 24 décembre 1803,
et Bonaparte résida aux Etats-Unis jusqu'en
1805. Napoléon refusa de reconnaître ce ma-
riage, accompli malgré les réclamations de
M. Pichon, consul de France; Madame mère
protesta à son tour par acte notarié, et un dé-
cret impérial du 2 mars 1805 interdit à tous
les officiers de l'état civil de recevoir sur
leurs registres la transcription de l'acte de
célébration de ce mariage contracté par un
mineur en pays étranger, sans le consente-
ment des parents et sans publication dans le
lieu du domicile de l'époux. Un nouveau dé-
cret du 21 du même mois déclara cette union
nulle et les enfants qui en sortiraient illégi-
times. Aussi lorsque, après la mort du prince
Jérôme en 1861, Jérôme Bonaparte, issu de
son mariage avec Mlle Paterson, réclama sa
légitimation et une partie de la succession pa-
ternelle, fut-il débouté de sa demande par le
conseil de famille impérial, le tribunal de pre-
mière instance de la Seine et la Cour impé-
riale de Paris, qui maintinrent la nullité du
inariagp. Elle fut confirmée par une sentence
de l'officialitô métropolitaine de P a r i s , le
G octobre 1806. Le 8 avril 1805, entrait en
rade à Lisbonne le navire qui ramenait en
France les deux époux. Jérôme se dirigea vers
Turin, et de là sur Alexandrie, où le 0 mai il
eut une entrevue avec son frère, qui le courba
sous sa puissante volonté. Pendant ce temps,
MUe Paterson, amenée a Amsterdam, et se
voyant interdire la permission de débarquer,
se décidait à gagner l'Angleterre, où elle ac-
coucha un mois après d'un fils inscrit sous le
nom de Jérôme Bonaparte. Après son dé| art,
l'empereur ne garda pas rancune à son frère,
et, le 18 mai 1805, quoique simple lieutenant
de vaisseau, Jérôme, reçut le commandement
d'une escadre composée de la Pomone, des
bricks le Cyclope et Y Endymion, et de deux
frégates de quarante-quatre canons, Y (Ironie
et l'Incorruptible. Après avoir croisé- quel-
ques jours devant Gênes, Jérôme, par sa fer-
meté et ses menaces, força le dey d'Alger à
rendre à la liberté plus de deux cents prison-
niers français et génois, qu'il ramena à Gênes
en passant habilement au milieu des croisières
anglaises. I.a récompense de cet exploit fut le
grade de capitaine de vaisseau et le comman-
dement en second de huit vaisseaux de ligne
sous les ordres de l'amiral "Willaumez, chargé
de ravitailler nos ports des Antilles. Si l'élé-
vation de sa position paraissait en désaccord
avec sa jeunesse, du moins Jérôme justifia-t-il
ce que son avancement présentait d'irrégu-
lier. Il se montra toujours plutôt au-dessus
BONA BONA BONA BONA 953
qu'au niveau de sa fortune. L'escadre de l'a-
miral Willaumez fut dispersée par une tem-
pête horrible et son commandant en chef
chercha un refuge dans les ports des Etats-
Unis. Seul, Jérôme, avec le Vétéran, tint la
mer et se vengea de ne pouvoir rallier l'esca-
dre en s'emparant d'un immense convoi de
navires marchands anglais,après avoir,aune
faible distance d'une escadre anglaise, coulé
deux frégates qui servaient d'escorte à ce
convoi et pris à son bord leur équipage. Sur
les côtes de Bretagne, Jérôme se vit barrer la
route par une croisière anglaise, dont il es-
suya le feu, et a travers laquelle il réussit
à passer, au milieu des récifs, pour entrer
dans le petit port de Concarneau, où aucun
gros vaisseau n'avait encore osé s'engager.
De là le jeune vainqueur partit immédiatement
pour la capitale, ou l'empereur l'accueillit k
bras ouverts et le nomma contre-amiral par
décret du 9 novembre 1806, puis le fit passer
dans l'armée de terre avec le grade de géné-
ral de brigade. Jérôme avait alors vingt-deux
ansl Un sénatus-consulte le déclara le même
mois prince français et l'appela éventuelle-
ment a la succession au trône. Le soir même,
il partait pour prendre le commandement d'un
corps de 15,000 Bavarois et de 8,000 Wur-
tembergeois. L'empereur, sur ses prières réi-
térées, lui donna l'ordre de rejoindre avec sa
cavalerie légère le quartier général, où il ar-
riva au moment où Napoléon venait de gagner
la bataille d'iéna. Le 5 novembre, il concentra
les trois divisions allemandes en un corps dis-
tinct appelé l'armée des alliés et fixa son quar-
tier général k Crossen,d'où il devait marcher
sur la Silésie, tandis que l'empereur s'avance-
rait en Pologne contre les Russes. Le 1
e r
dé-
cembre, il fit capituler, après vingt jours de
siège, la ville de Gross-Glogau, où 3,500 hom-
mes, 200 bouches k feu et des magasins rem-
plis d'armes, de munitions et de vivres tom-
bèrent en son pouvoir. Breslau se rendit un
mois après, le 5 janvier 1807, le jour même
où l'empereur décidait que les troupes de Ba-«
vière et de Wurtemberg formeraient le neu-
vième corps de la grande armée. Schweidnitz
ouvrit ses portes le 7 février ; Neiss capitula
le 31 maij Glatz, après un combat meurtrier
. livré le 26 juin, où le vainqueur s'empara d'un
parc de 700 pièces d'artillerie. La Silésie était
conquise en même temps que la bataille de
Friedland mettait fin à la guerre entre la
France et la Prusse. Jérôme, promu au grade
de généra! de division, le 14 mars 1807, reçut une
couronne en récompense de ses services. Par
le traité de Tilsitt, en date du 7 juillet 1806,
il fut proclamé souverain de Westphalie,
royaume formé de l'électorat de Hèsse-Cas-
sel, le duché de Brunswick, une partie du
Hanovre, les principautés d'Halberstadt, Mag-
debourg et Verden, Paderborn , Minden et
Osnabruck, cédés à la France par le roi de
Prusse. Le roi Frédéric de Wurtemberg, guidé
par l'intérêt, avait sollicité l'union du noilveau
roi avec sa fille Catherine, née le 21 février
1783. Jérôme épousa le 22 août 1807, a Paris,
la princesse de Wurtemberg, qui, pendant six
n nnées, charma la cour de Cassel par son ama-
bilité, ses qualités solides et son dévouement
à son mari. Le roi de Westphalie se consacra
au bonheur de ses peuples, appela à la direc-
tion des affaires des hommes éminents par le
caractère et le talent, rétablit l'université de
Halle supprimée dans la dernière campagne,
divisa son royaume en huit départements, fit
disparaître les derniers vestiges de la féoda-
lité, émancipa les juifs, adopta le Code Napo-
léon, établit la liberté des cultes et la con-
scription, régularisa la magistrature, favorisa
l'instruction publique , introduisit dans son
royaume les premiers éléments du gouverne-
ment représentatif en confiant aux états de
Westphalie le soin de discuter les lois élabo-
rées par le conseil d'Etat ; en un mot, modela
son gouvernement sur le système impérial.
• Malgré toutes ces améliorations, lors de la
guerre contre l'Autriche en 1809, Jérôme eut
à réprimer une insurrection partielle, qu'il
apaisa surtout par la dodeeur, puis il se diri-
gea contre la Saxe k la tête de 20,000 hommes
et entra k Dresde le l«-*r juillet. Le 25 décem-
bre de la même année, il institua l'ordre de
la couronne de Westphalie, qu'il gratifia plus
tard des biens confisqués aux chevaliers de
Malte. Chargé par Napoléon du "commande-
ment de l'aile droite de l'armée qui allait
franchir le Niémen, forte de 90,000 hommes,
Jérôme passa le fleuve à Grodno le 30 juin,
pour empêcher la jonction du prince de Bagra-
tion, commandant la gauche des Russes, avec
le centre des erînemis, et l'écraser de concert
avec le prince de Schwartzenberg à la tête de
25,000 Autrichiens. Les lenteurs de ce dernier
empêchèrent la réussite de ce plan, et Bagra-
tioh put nouer des communications-avec la
ligne principale des opérations. L'empereur,
sans chercher d'où venait la faute, enleva à
son frère son commandement pour le confier
au prince d'Eckmuhlj-et Jérôme, froissé, ren-
tra immédiatement dans ses Etats. Néan-
moins, k la nouvelle du désastre de -Moscou",
il n'hésita pas k mçttre de nouvelles troupes
à la disposition de son frère en répondant à la
coalition, qui lui proposait d'abandonner l'em-
pereur pour conserver ses Etats : « Prince
français, mes premiers devoirs sont pour la
France, et, roi par ses victoires, je ne sau-
rais l'être après ses désastres. Lorsque le
tronc est à bas, il faut que les branches meu-
rent... • Sur cette belle parole, il quitta ses
Etats le 26 octobre 1813 et repassa le Rhin,
mais ne prit point part à la campagne de
France et k la capitulation de Pans. Après
l'abdication de Napoléon, il voyagea en Suisse,
puis se rendit k Trieste, où il apprit le retour
de l'île d'Elbe. S'échapper sur une frégate
napolitaine et réjoindre l'empereur fut un
projet aussitôt exécuté que conçu, et, après-
avoir assisté k l'assemblée du champ de mai
comme membre de la Chambre des pairs, il
partit le 5 juin se mettre k la tête d'une divi-
sion d'infanterie dans le deuxième corps. Ce
fut lui qui ouvrit la campagne de 1815 en re-
foulant les Prussiens sur Marchienne, qu'il
enleva k la .baïonnette, et en s'emparant de
Charleroi, dont il passa le pont au pas de_
charge, sous une pluie de mitraille, comme
avait fait son frère k Arcole. Le lendemain,
16 juin, il n'abandonna pas le champ de ba-
taille du moulin des Quatre-Bras, malgré une
blessure k l'aine. Deux jours après, à Water-
loo, il forma l'extrémité de la gauche de la
première ligne de l'armée et engagea l'action
contre la droite des Anglais. Le soir, il rejoi-
gnit l'empereur, qui cherchait la mort au mi-
lieu de la vieille garde, et lui dit : « C'est ici
que doit périr tout ce qui porte le nom de Na-
poléon. — Mon frère, répondit l'empereur, je
vous ai connu trop tard. » C'est k lui qu'en
f
artant Napoléon confia le commandement de
armée, dont il ne remit qu'à Laon, au maré-
chal Soult les débris, qu'il était parvenu k
rassembler : 25,000 hommes d'infanterie,
6,000 hommes de cavalerie et 2 batteries. Il se
rendit ensuite à Paris, où le roi de Wurtem-
berg, son beau-père, lui proposa par lettre
une retraite honorable dans ses Etats. Con-
fiant en sa parole, Jérôme, victime de la plus
insigne déloyauté , fut arrêté à la frontière ,
menacé d'être séparé de sa femme et de son
enfant et livré k la Prusse, k moins de s'en-
gager par écrit k ne pas dépasser, ni lui ni
les gens de sa maison, certaines limites qu'on
lui assignait dans le Wurtemberg, et k aban-
donner la gestion de ses biens. Après avoir
signé, pour ainsi dire de force, il se rendit k
Goppingen, où, en le réunissant k sa femme,
on lui annonça qu'il était prisonnier. Il' ne put
même obtenir d'envoyer M. Abbatucci récla-
mer k un banquier de Pari3 1,200,000 francs,
que ce mandataire infidèle refusa de restituer
sous prétexte que les réclamations d'un pri-
sonnier n'avaient pas de valeur, mettant
ainsi sa mauvaise foi sous le couvert de la loi.
De Goppingen, Jérôme et sa femme furent
transférés au château d'Ellwangen, d'où ils
demandèrent et obtinrent l'autorisation de sor-
tir du Wurtemberg. Il reçut k Augsbourg des
lettres patentes, datées de juillet 1810, par
lesquelles son beau-père le créait de son chef
prince de Montfort, lettres qu'il renvoya au
prince royal son beau-frère avec une pro-
testation éloquente. La nouvelle de la mort
de son beau-père lui parvint au château
de Haimbourg, près de Vienne, où habitait
la reine Caroline, sa sœur; le roi de Wur-
temberg ne laissait k sa fille que 150,000 fr.
. de la dot de la mère k répéter. Jérôme, ap-
pelé à Trieste par une maladie de son fils, en
octobre 1819, épuisa ses dernières ressources
et ne se releva un peu qu'en novembre 1820,
lorsqu'il obtint du tribunal de la Seine un ju-
gement contre le banquier auquel U avait
confié 1,200,000 fr. Il put, en 1823, se fixer k
Rome, qu'il ne quitta qu'en 1831, pour s'éta-
blir k Florence, puis k Lausanne, où il eut la
douleur de perdre sa femme, la princesse Ca-
therine, emportée par une. hydropisie de poi-
trine, cette épouse dévouée, qui par sa fidé-
lité aux malheurs de son époux a, disait
Napoléon ier
}
inscrit de ses propres mains
son nom dans l'histoire.
Jérôme, k la suite de conventions avec le
roi Louis-Philippe pour être réintégré dans
ses droits de citoyen français, fut autorisé en
1847 k habiter provisoirement Paris avec son
second fils. La révolution de 1848 mit fin à
l'exil de la famille Bonaparte. Rentré alors
dans ses droits de Français et d'officier géné-
ral en activité, i\ fut le 23 décembre 1848
nommé gouverneur des Invalides et maréchal
de France le 1er janvier 1850. Le 28 janvier
1852, il fut choisi pour présider le Sénat, et
prononça le 4 novembre un discours très-re-
marquable en ouvrant la délibération sur (le
message relatif au rétablissement de l'empire.
Réintégré quelques jours après dans ses droits
de prince français, il résigna ses fonctions et
fut déclaré, ainsi que son fils Napoléon, apte
à succéder k l'empereur, pourvu d'une maison
militaire, d'une liste civile, doté des résiden-
ces de Meudon et du Palais-Royal, et appelé
plusieurs fois à présider le conseil des minis-
tres en l'absence de. l'empereur Napoléon III.
Attaqué une première fois, le 13 décembre .
1859, d'une inflammation pulmonaire, il fut at-
teint plus sérieusement en 1860 et succomba
le 24 juin en son château de Villegenis. Ses
funérailles eurent lieu le 3 juillet, et il fut
inhumé dans l'église des Invalides, où M. Cœur,
évêque de Troie, prononça son oraison fu-
nèbre.
L'histoire impartiale ne saurait guère adres-
ser qu'un reproche au prince Jérôme : c'est un
peu de légèreté et beaucoup de prodigalité,
ce qui souvent lui attira des remontrances de
l'empereur, qui l'accusait de compromettre la
dignité royale. C'est le seul des frères de Na-
poléon qui n'eut jamais, excepté dans sa jeu-
nesse au sujet de son mariage, aucune diffi-
culté avec lui, lui resta toujours fidèle et se
sacrifia sans attendre qu'il le lui eût ordonné.
Doué d'une bravoure qu'il poussait jusqu'à la
témérité, il soutint dignement le nom de Bo-
naparte. •
Jérôme eut de son mariage avec miss Eli-
sabeth Paterson un fils, Jérôme Bonaparte,
né le 7 juillet 1805, k Camberwell, comté de
Surrey, qui épousa le 9 mai 1829 miss Suzanne
Gay avec laquelle il résida k Baltimore. De
son union avec la princesse Catheriire de
Wurtemberg sont issus : Jérôme-Napoléon-
Charles, prince de Montfort, né le 24 août 1814,
1
colonel du huitième de ligne dans le Wur-
" temberg, qui donna sa démission en 1840 et
, mourut k Florence le 12 mai 1847 ; la princesse
, Mathilde-Lœtitia-Wilhelmine, née k Trieste le
i 27 mai 1820, mariée le l " novembre 1840 au
!
comte russe Anatole Demtnoff, d'avec leque»
: elle est séparée de corps et de biens depuis
] 1845; Napoléon-Joseph-Charles-Paul, né k
I Trieste le 9 septembre 1822, qui a épousé le
j 30 janvier 1859 la princesse Marie-Clotilde,
fille du roi d'Italie Victor-Emimmuel, dans !a
chapelle du palais royal à Turin. Deux enfants
sont issus de cette union.
B o n a p a r t e (PORTRAITS DE JÉRÔME). Gros a
fait plusieurs portraits du- roi de Westphalie :
l'un des plus remarquables est le portrait
équestre qui a été exposé au Salon de 1808 et
qui figure aujourd'hui au musée de Versailles.
Le roi de Westphalie est monté sur un cheval
dont les deux pieds de derrière touchent seuls
le terrain, que la queue balaye ; il est en grand
costume de prince français : manteau de satin
blanc brodé d'or, toque de velours noir, k
plumes blanches, collerette k tuyaux empesés,
habit chamarré de dorures, pantalon collant
et bottines éperonnées. Les insignes et les
cordons des décorations françaises brillent sur
la poitrine du prince; la main droite tient les
rênes ; la gauche se pose sur le pommeau de
l'épée. L'attitude du royal cavalier est pleine
de noblesse, de grâce et d'élégance. Cette
figure équestre se détache sur un fond d'une
grande simplicité : un terrain que la végéta-
tion verdit en plusieurs endroits, une pièce
d'eau qui reflète, près de l'horizon, un ciel
grisâtre; puis, sur la droite et dans le loin-
tain, un fort tirant des salves d'artillerie. «Ce
portrait, dit M. Delestre, est inoins chaleureu-
sement peint que les œuvres de Gros de la
même époque. L'aspect a du mouvement et
de l'animation; mais il était difficile de tirer
un bon parti de ces ajustements alourdis et
roidis par les oripeaux dont ils sont couverts.
Gros a tourné la difficulté en déguisant l'ari-
' dite du costume sous une exécution soignée.
Le cheval est bien dessiné ; ses membres se
déploient avec souplesse et vigueur.» Gros a
fait aussi un portrait en pied de Jérôme Bona-
parte. Dans ce portrait, le prince a un cos-
tume de satin blanc, un manteau court jeté
sur l'épaule gauche, et une toque de velours
noir que rehausse un brillant et qu'entourent
des ornements d'or simulant une couronne; il
est debout, tenant de la main droite un sceptre
et s'appuyant sur une table recouverte d'un
tnpis de velours rouge frangé d'or et décoré
de l'écusson westphalien. Sur la table sont
deux in-folios portant pour inscription : l'un,
Westphalie; 1 autre , Code Napoléon. Une
tenture verte, parsemée d'abeilles, est au
fond ; le tapis de pied est de la même couleur :
leurs tons vigoureux ajoutent au relief des
étoffes de soie et donnent de l'éclat au visage,
seule partie des chairs k découvert. La tête
est ressemblante ; les détails et surtout les dé-
corations sont touchés avec une grande faci-
lité. « Mais c'est là, a dit avec raison M. De-
lestre, une toile d'apparat, dans laquelle Gros
était trop restreint; il fallait reproduire méti-
culeusement une coupe d'ajustements mes-
quins, tout en cherchant le faste. • Ce portrait
faisait partie des tableaux laissés par Gros et
vendus après sa mort, en 1835 ; il ne fut payé
que 700 fr.
Deux autres portraits de Jérôme Bonaparte,
peints, l'un par Gérard, en 1811, l'autre par
F. Kînson, se voient au musée de Versailles,
qui possède aussi un buste en marbre de ce
prince, par Bartolini. Nous citerons, enfin,
une statue du roi de Westphalie, exécutée par
Bosio et exposée au Salon de 1810.
B o n a p a r t e (PORTRAITS DE LA REINE CATHE-
RINE DE W U R T E M B E R G , FEMME DE J É R Ô M E ) .
Gros a fait un portrait en pied de cette prin-
cesse, destiné à servir de pendant k celui du roi
Jérôme, et qui lui est bien supérieur sous le
double rapport de la composition et du dessin
des nus. La fille du roi de Wurtemberg,
femme blonde, fraîche et d'une forte com-
plexion, est debout près d'une table suppor-
tant un coussin de velours rouge, sur lequel
est posée une couronne semblable k celle qui
se trouve dans le portrait de Jérôme ; elle est
vêtue d'une robe a queue d'un beau velours
nacarat semé d'abeilles d'or et doublé de satin
et d'hermine, avec sous-jupe brodée de fils
d'or, et corsage élevé se terminant, selon la
mode du temps, immédiatement au-dessous de
la gorge. Deux bouffants de satin, relevés
d'or, couvrent le haut d'un bras ferme, po-
telé , d'un dessin pur et coulant et d'un mo-
delé extrêmement habile. La reine est coiffée
d'un diadème de pierreries étincelantes, sur
lequel se jouent de légères boucles de che-
veux : elle a- des boucles d'oreilles de dia-
mants, des bracelets et un collier de perles.
Derrière elle est un trône, et une tenture verte
relevée laisse voir un perron bordé d'une ba-
lustrade et donnant sur un parc. «Cette dis-
position architecturale, dit M. Delestre,donne
une grande profondeur k la toile, où l'air cir-
cule et dégrade habilement les plans divers.
La tête de la princesse est peinte avec sim-
plicité -j des ombres, transparentes et cepen-
dant vigoureuses, la modèlent en lumière sur
un fond obscur et vaporeux. Le bras et la
main gauches sont, sans contredit, les parties
les mieux traitées... Gros a tiré tout le parti
possible d'une mode outrageant la structure
humaine en déterminant la taille au-dessus
de la place assignée par le rétrécissement du
tronc vers le haut des hanches. Néanmoins
on est frappé de la noblesse du maintien et de
l'art avec lequel le.peintre a déguisé les im-
perfections de son modèle. » Gros a fait en-
core de la femme de Jérôme Bonaparte un
grand portrait équestre, qui est un de ses ou-
vrages les plus importants. La reine, montée
sur un cheval fougueux et tenant k la main
une cravache, a une longue robe d'amazone
serrée k la taille par une ceinture et fermée
par des brandebourgs ; les manches, bouf-
fantes sur l'épaule, sont collées sur le bras et
se terminent par une fourrure. Une toque,
ornée d'une aigrette, accompagne le visage
et la chevelure, et complète le costume d'ama-
zone. Le fond du tableau représente le palais
de Cassel entouré de jardins. Les tons gris
'sont un peu trop prodigués dans cette compo-
sition, mais on y reconnaît partout la science
et l'habileté du maître.
Une statue de la même princesse, exécutée
par Bosio, a figuré au Salon de 1810.
BONAPARTE
BONAPARTE ( Charles-Lucien-Jules-Lau-
rent) , fils aîné de Lucien, né k Paris le
24 mai 1803. Par suite de la rupture de son
père avec l'empereiH- Napoléon, il fut élevé
en Italie, où il prit le goût des sciences natu-
relles. Le 29 juin 1822, il épousa k Bruxelles
sa cousine Zénaïde, fille du roi Joseph, lequel
vivait, sous le nom de comte de Survilliers, k
Philadelphie, où il alla le rejoindre. Se livrant
exclusiveinentksa passion pour l'ornithologie,
il fit connaître un grand nombre d'oiseaux du
nouveau monde, qui avaient échappé au natu-
raliste Wilson, k l'ouvrage duquel il ajouta
un supplément. Ce fut ce livre qui donna k
Audubon l'idée de son travail sur les oiseaux
d'Amérique. En 1828, Charles Quitta la Pen-
sylvanie, pour se fixer en Italie auprès de
son "père, le prince de Canino. L'Académie
d'Upsal le nomma membre honoraire k la suite
de la publication d'un ouvrage magnifique,
YIconografia délia fauna italien. Il se rendit
en 1835 k Paris sans l'autorisation du gouver-
nement de Louis-Philippe; il ne fut cependant
pas inquiété, car on savait que le but de son
voyage était tout scientifique. Le 29 juin 1840,
devenu par la mort de son père prince de Ca-
nino et de Musi^nano, il accepta le grade de
colonel, que lui proposait la république de
Saint-Mann. Membre de l'Académie des scien-
ces de Berlin, il fut nommé, le 18 mara 1844,
membre correspondant de l'Institut de France.
Le prince Charles, président des congrès
scientifiques de Turin, de Milan, de Lucques
de Pise, de Padoue, de Naples, de Florence,
dans lesquels il avait lu d'intéressants travaux
d'histoire naturelle, ne s'était jusque-là occupé
que de sciences ; mais, en 1847, au congrès de
Venise, il se mêla de politique et reçut du
gouvernement autrichien l'ordre de quitter la
ville. II retourna plus tard k Rome, après
avoir visité Londres et Copenhague, et se dé-
clara contre le pape, lorsque, par une évolu-
tion inattendue, celui-ci s opposa aux progrès
de la liberté. Nommé membre de la junte su-
prême et provisoire établie après la retraite
du pape a Gaëte, il proposa d'élire une ré-
gence temporaire, en place de la commission
qu'on voulait charger de prendre, avec le mi-
nistère, les mesures nécessaires au- salut de
l'Etat. Viterbe l'envoya, en 1849, k l'Assemblée
nationale, où il fut nommé membre de la corn-,
mission chargée de rédiger un projet de loi
sur la responsabilité des ministres et du pou-
voir exécutif, et de présenter le projet de loi
organique de la république romaine. M. Cursi
ayant voulu faire reconnaître la dette publi-
que comme nationale et inviolable, le prince
Charles fut seul k s'opposer à cette mesure.
Élu vice-président de l'Assemblée consti- '
tuante, il dirigea les délibérations avec habi-
leté et signa, le 23 mars, lorsque le* canon
tonnait, la proclamation qui appelait le peuple
aux armes. A la nouvelle que les Français
occupaient les Etats de l'Eglise après être
débarqués k Civita-Vecchia, il recommanda
de préparer la défense, mais de ne pas atta-
quer les Français, puisque les deux peuples
pouvaient encore se resserrer par des liens
de fraternité. Il ne quitta Civita-Vecchia
qu'après l'occupation de Rome par les trou-
pes françaises. Il faisait route vers Paris;
mais, k son passage k Orléans, comme il
n'avait pas tenu compte de l'interdiction du
territoire français prononcée contre lui par son
cousin Louis-Napoléon, président de la Répu-
blique, il fut arrêté, escorté jusqu'au Havre
et embarqué pour l'Angleterre. Avant obtenu
l'année suivante de çésider k Paris sans con-
dition , il s'y consacra exclusivement à ses
travaux scientifiques. Voici ses principaux
ouvrages : American ornithology, or Bistory
ofthe birdsofthe United-States(Philadelphie,
1825 k 1833), faisant suite à l'ouvrage de
Wilson, publié en 1808; Ornithology of the
North America (New-York, 1826) ; Observa-
tions on the nomenclature of some species, rec- "
tification de la nomenclature de "Wilson, qui
_ne comptait que 270 espèces d'oiseaux, dont
"neuf aquatiques, et que le prince Charles a éle-
120
954
BONA
véeà370,dont 151 fréquentent tes eaux; Spec-
chio comparativo délie ornitologie 4i Roma e
di\ Fïladelfia (Pise, 1827); Sulïa seconda edi-
etone del regno animale del barone Cuvier
ossey'vazioni, avec quatre monographies en
appendice (Bologne, 1830); Saggio di una
distribuzione metodica degli animait verte-
brali (Rome, 1832); Iconografia délia fauna
italica (Rome, de 1832 à 1841), le plus impor-
tant des ouvrages du prince, traitant des
mammifères, des oiseaux, des reptiles, des
amphibies .et des poissons; Chetoniorum ta-
t
bula anahjtiea (Rame, 1836); Catalogo meto-*
dico degli iteeelli europei (Bologne, 1842);
Geographical and comparative listofthe birds
of Éuropaand North America (Londres, 1838);
Catalogo metodico dei pesci europei (Naples,
1845); Selachorum tabula analytica (Neuf-
châtel, 1838) ; Catalogo metodico dei mammi-
feni europei (Milan, 1845); Conspeclus syste-
matis ornithologiœ (Amsterdam, 1849); Revue
critique de l'ornithologie européenne deM. De-
?
land (Bruxelles, 18501; Monographie des
oxiens ( Leyde , 1850 ) , en collaboration
avec Hermann Schlegel ; Conspectus generum
avium (Leyde, 1850); Conspectus systematis
mastozoologiœ (Leyde, 1850); Notices orni-
thologiques sur les collections rapportées en"
1853 par M. A. Delattre, et cl as s ih cation pa-
rallélique des passereaux chanteurs (Paris,
1854); Conspectus systematis erpetologiœ et
amphibiologiœ ; Conspectus systematis ichthyo~
logiœ (Leyde, 1850); Tableau des oiseaux de
proie (Paris, 1854); Conspectus volucrum zygo-
dactytorum; Conspectus volucrum anisodacty-
lorum (Paris, 1854); Tableau des oiseaux-
mouches; Tableau des perroquets (Paris, 1854) ;
Genus novum phalendinarum (Londres, 1854) ;
Coup d'œil sur l'ordre des pigeons (Paris, 1855) ;
Ornithologie fossile, servant d'introduction au
tableau comparatif des ineptes et des autru-
ches (Paris, 1856); Mélanges ornithologiques
(Paris, 1856)j Excursions dans les divers
musées d'histoire naturelle d'Allemagne, de
Hollande et de Belgique (Paris, 1856); Cata-
logue des oiseaux aEurope (Paris, 1856) ; Mo-
nographie des héliornitides (Paris, 1856); Ico-
nographie des pigeons; Iconographie des
oerroquets, en collaboration avec M. de
Pouancé (Paris, 1857-1859).
On doit encore au prince Charles un grand
nombre de mémoires sur l'histoire naturelle,
publiés dans divers recueils scientifiques.
11 a eu de son mariage avec sa cousine
Zénaïde quatre fils et huit filles : 1° Joseph-
Lucien-Charles-Napoléon, né à Philadelphie
le 13 février 1824, jouissant depuis 1856 du
titre d'altesse, en sa qualité de membre de la
famille civile de l'empereur; 2° Lucien-Louis-
Joseph-Napoléon, né à Rome le 15 décembre
1828, prêtre et camérier secret du pape Pie IX;
30 J ulie-Charlotte-Zénaïde - Paulme-Lœtitia-
Désirée-Bartholomée, née à Rome le 6 juin
1830, mariée au marquis de Boccagiovine,
Alexandre del Gallo; 4<> Chfcrlotte-Honorine-
Joséphine, née à Rome lé 4 mars 1832, mariée
le 4 octobre 1848, à Pierre, comte Primoli;
5° Marie-Désirée- Eugénie -Joséphine - Philo-
mène, née à Rome le 18 mars 1835, mariée le
2 mars 1851, à Paul, comte de Campello;
6° Auguste-Amélie-Maximilienne-Jacqueline,
née à Rome le 9 novembre 1836, mariée le
2 février 1856 à son cousin, le prince Placide
Gabrielli; 7° Napoléon-Grégoire-Jacques-
Philippe, né à Rome le 5 février 1839, qui a
épousé, le 26 novembre 1859, Marie-Christine
Ruspoli. Colonel d'état-major de la garde
nationale parisienne, il a depuis 18G1 rang à
la cour et le titre d'altesse, sous le nom de
Napoléon-Charles Bonaparte ; 8° Bathilde-
Aloïse-Léonie, née à Rome le 26 novembre
1840, mariée le 14 octobre 1856, à Louis, comte
de Cambacérès, député au Corps législatif,
morte à Paris le 8 juin 1861.
Les quatre autres enfants sont morts en
bas âge.
Comme naturaliste, le prince Charles oc-
cupe une place distinguée parmi les savants;
dans la courte carrière qu'il a fournie comme
homme politique, il a prouvé que les gens de
- cabinet savaient dans l'occasion se transfor-
mer en hommes d'action.
BONAPARTE
BONAPARTE (Marie-Anne-Elisa), sœur de
Napoléon I
e r
, naquit k Ajaccio le 3 janvier
1777. Son père, dans un voyage qu'il fit la
même année comme député de la noblesse
corse k la cour, obtint pour elle une bourse k
la maison royale de Saint-Cyr, qu'elle ne
quitta qu'après l'achèvement de son éducation
pour retourner en Corse, k l'âge de quinze ans.
Lorsque son pays natal fut tombé au pouvoir
des Anglais, elle l'abandonna avec le reste de
sa famille, et alla se fixer à Marseille. Elle y
fit la connaissance d'un compatriote dénué de
toute fortune, mais de famille noble, le capi-
taine d'infanterie Félix Bacciochi, avec lequel
elle se maria le 5 mai 1797. Napoléon, qui se
vengeait sur les Vénitiens de leur conduite
équivoque après le traité "de Leoben, n'apprit
ce mariage qu'après sa conclusion : moins
puissant k cette époque qu'en 1805, lorsqu'il
fit annuler celui de Jérôme avec M»le Pater-
son , il laissa seulement deviner son mécon-
tentement. L'année suivante, M
m
e Bacciochi
vint k Paris, et se déclara la protectrice des
lettres et des arts, qu'elle aimait avec passion.
Son salon devint un terrain neutre où les hom-
mes marquants de tous les partis se donnaient
rendez-vous : Chateaubriand et Lemercier s'y
rencontraient avec Legouvé, La Harpe, Bout-
fiers et Fontanes. Lorsque, en 1805, Napoléon
fit sa distribution de couronnes dans sa fa-
mille, il érigea en principauté, pour sa sœur
Elisa, Lucques et Piombino. La nouvelle prin-
cesse se montra digne sœur de Napoléon, et
déploya des talents et une dignité en rapport
avec sa haute position. Bacciochi, couronné
en même temps qu'elle, régna, mais ne gou-
verna pas. Eclipsé par l'esprit supérieur de sa
femme, il eut le bon esprit de lui laisser la
direction des affaires, et ne fut pour ainsi dire
que le premier de ses sujets. Elisa. se sentant
k la hauteur de sa tâche , gouverna par elle-
même , présida le conseil de ses ministres,
simplifiant les rouages administratifs avec un
tact, une fermeté et un esprit d'organisation
rares, même chez un homme. Elle porta sur-
tout son attention sur la réparation des routes,
les travaux d'utilité publique et l'établisse-
ment de nouvelles fortifications. L'empereur,
en récompense du talent dont elle avait fait
preuve, lui conféra, le 5 mars 1809, le titre de
grande-duchesse de Toscane, avec le gouver-
nement général de cette province. Son mérite
sembla grandir avec son pouvoir, et elle con-
tinua de marcher hardiment dans la voie du
progrès. La princesse Elisa, tout en protégeant
les arts et les lettres, imprima une nouvelle
impulsion k l'agriculture en lui accordant ha-
bilement des primes, développa l'instruction
populaire et fit construire des établissements
utiles. Un des plus grands services qu'elle
.rendit à la Toscane fut de la purger des ban-
des de brigands qui infestaient les routes.'
Aussi le surnom de Sémiramis de Lucques, qui
lui fut donné par les adulateurs de l'empire,
ne parut-il pas une épigramme. Ses connais-
sances politiques, administratives et militaires
lui avaient assuré un certain crédit auprès de
l'empereur, qui se montrait flatté de trouver
dans une femme de sa famille un caractère
assez énergique pour s'identifier pleinement
avec sa politique ambitieuse. Quant k son
mari, excellent homme d'ailleurs, ce n'était
guère que son aide de camp, même quand
elle passait les troupes en revue.
Lorsque, en 1814, l'empereur fut accablé sous
les coups de l'Europe coalisée contre nous, la
princesse' Elisa se retira k Bologne, d'où elle
partit en 1815 pour se rendre k Trieste, puis
près de sa sœur Caroline, la veuve de Murât,
au château de Haimbourg. Elle quitta ce châ-
teau pour celui de Brunn, et enfin résida près
de Trieste, au château de Santo-Andrea, où
elle mourut k quarante-trois ans d'une fièvre
nerveuse, sous le nom de comtesse de Cam-
pignano, le 7 août 1820.
M
m e
Bacciochi laissa deux enfants: îoChar-
les-Jérôme, né le 3 juillet 1810, mort k Rome,
d'une chute de cheval, k l'âgje de vingt ans;
2o Napoleone-Elisa, née le 3 juin 1806, mariée
au comte Camerata. L'empereur Napoléon III
lui a donné rang k la cour avec les titres de
princesse et d'altesse. Elle partage le goût de
sa mère pour l'agriculture, k laquelle, dans
un magnifique château qu'elle possède en Bre-
tagne, elle se plaît k consacrer ses loisirs.
BONAPARTE
BONAPARTE (Jeanne), deuxième fille du
second mariage de Lucien Bonaparte avec
Marié*-Alexandrine-Charlotte-Louise-Laurence
de Bleschamp, née le 22 juillet 1807, à Rome,
où résidait son père, qui avait rompu toute
relation avec Napoléon l e . Elevée par Lu-
cien, elle partagea son goût pour les lettres
et cultiva même la poésie. En 1827, elle
épousa le marquis Honorati, qui n'eut pas le
bonheur de la conserver longtemps^ car elle
mourut l'année suivante à l'âge de vingt-deux
ans. C'était une princesse bonne, douce, aima-
ble et surtout charitable. Lorsqu elle eut rendu
le dernier soupir à Jesi, près d'Ancône, sa mère
réunit ses productions poétiques et les publia,
sous ce singulier titre : Ispirazioni a'affeto
de una giovane musa. Ce recueil se distingue
par la fraîcheur du style et des images. Il est
peu connu en France.
BONAPARTE
BONAPARTE (Lœtitia), née à Milan le
1
e r
décembre 1804, du second mariage de
Lucien Bonaparte avec Marie-Alexandrine-
Charlotte-Louise-Laurence de Bleschamp,
femme divorcée de l'agent de change Jou-
berthon. Elle suivit à Pesaro et à Rome son
{
1ère, qui se consolait dans le commerce des
ettres et l'éducation de ses enfants, de sa
rupture avec Napoléon 1 " . Elle l'accompagna
encore dans sa principauté de Canino et à sa
villa Russinella, où elle demeura avec lui
jusqu'à l'époque de son mariage. Avant les
Cent-Jours, Lucien, qui s'était rapproché de
son frère malheureux, lui avait envoyé sa fille .
pour le servir à l'île d'Elbe, avec la princesse
Pauline Borghèse. Il accorda sa main à Tho-
mas Wyse, membre du parlement d'Irlande;
mais cette union ne fut pas heureuse, car les
deux époux ne tardèrent pas à se séparer.
Thomas Wyse, nommé ministre plénipoten-
tiaire de la Grande-Bretagne en Grèce', mourut
à Athènes le 15 avril 1862. De cotte union est
issue une fille, Marie, qui manifeste de gran-
des prétentions à la réputation littéraire, et
qui jouirait à ce titre d'une certaine célébrité
si 1 intention pouvait être prise pour le fait.
Veuve de M. de Solms, elle a épousé en se-
condes noces, le 5 février 1863, à Turin,
M.Urbano Rattazzi, ancien ministre de Victor-
BONA
Emmanuel, roi d'Italie. On a d'elle quelques
ouvrages, qui affectent le ton du pamphlet
politique ; malheureusement, cette louable am-
bition n'est justifiée ni par les idées ni par le
style.
BONAPARTE
BONAPARTE (Paul-Marie), deuxième fils
du second mariage de Lucien Bonaparte-avec
Marie - Alexandrine - Charlotte - Louise-Lau-
rence de Bleschamp^ naquit à Rome en 1808.
Ses goûts l'entraînaient vers la carrière mi-
litaire, et il cherchait de tous côtés à quelle
noble cause il pourrait offrir son épée, lorsque
éclata la guerre de l'indépendance hellénique.
Suivant l'exemple de lord Byron après Mis-
solonghi, il résolut d'aller combattre les Turcs.
Embarqué â Ancône, et parvenu sur le théâtre
de la guerre, il fut reçu Mmme un fils par
l'un des commandants des forces navales de
la Grèce, lord Cochrane, qui avait beaucoup
connu son père pendant la captivité de ce-
lui-ci en Angleterre. Grâceà cette protection,
il fut nommé commandant en second de la
frégate Hellade. Le jeune prince se montra
digne d'une telle faveur, et se distingua par
son intrépidité dans plusieurs rencontres. Au
mois de décembre de l'année 1826, Paul-Marie,
qui, tantôt sur mer tantôt sur terre, combattait
avec une audace voisine de la témérité, se
trouvait dans le golfe de NaupUe, lorsque
Y Hellade fut attaquée par les Turcs. Après
avoir donné quelques ordres, il se rendit a sa
cabine pour saisir ses pistolets. Dans la pré-
cipitation qu'il mit à regagner le théâtre
du combat, un de ses pistolets partit, et le
jeune héros tomba frappé d'une balle, qui
lui traversa la poitrine. Son courage et son
affabilité lui avaient gagné tous les cœurs,
et sa mort fut regardée comme une calamité
publique par les Grecs qui, encore aujour-
d'hui , citent avec honneur son nom parmi
ceux de leurs libérateurs. Son corps, con-
servé dans un tonneau de rhum, fut trans-
porté dans l'île de Spetzia, puis plus tard
inhumé à Navarin.
BONAPARTE
BONAPARTE (Louis-Lucien), second fils
de Lucien, né le 4 janvier 1813, dans le comté
de Worcester, à Thorngrove, pendant la cap-
tivité de son père, vécut longtemps tranquille
aux Etats-Unis, n'ayant d'autre occupation
que ses études sur les langues et la chimie, et
la publication d'ouvrages scientifiques. Lors-
que la révolution de 1848 fit rapporter le décret'
a'exil contre la famille Bonaparte, la Corse le
choisit pour son représentant à l'Assemblée
constituante, qui annula son élection le 9 jan-
vier 1849. L union électorale l'ayant patronné
quelques mois plus tard, il fut élu député de
la Seine à l'Assemblée législative, où il siégea
au côté droit jusqu'en 1851. Il adopta alors la
politique de l'Elysée, dont il se montra l'un
des plus zélés partisans. Après le coup d'Etat
du 2 décembre, il fut nommé sénateur et reçut
les titres de prince et d'altesse royale, ayant
rang à la cour. La vie du prince Louis-Lucien
s'écoule dans le calme et la culture des lettres
et des sciences, qui causent moins de désillu-
sions que la politique. Docteur de l'université
d'Oxford, membre honoraire de l'Académie des
sciences de Saint-Pétersbourg, il a fait partie
des jurys de l'Exposition de Paris en 1849, et
, de celle de Londres en 1851. Récompensé de
l'activité qu'il déploya dans cette mission ho-
norifique par la croix de la Légion d'honneur,
le 10 décembre 1849, il a été fait grand-offi-
cier le 13 janvier 1860.
Des travaux de linguistique très-sérieux
ont signalé le prince Louis-Lucien à l'atten-
tion du monde savant; ses principaux ou-
vrages sont : Spécimen lextci comparativi
omnium linguarum europœarum ( Florence,
1847)- Parabola de seminatore ex Evangelio
Matthcei in LXXH europœos linguas ac dia-
lectos versa et romanis characteribus expressa
(Londres, 1857); Prodromus Evangelii Mat-
thœi octupli, seu Oratio dominica hispanice,
gallice et. omnibus Vasconiœ linguœ dialectis
reddita (Londres, 1857); Dialogues basques,
guipuzcoans, biscaïens, labourdins, souletins,
accompagnés de deux traductions espagnole
et française (Londres, 1857); Celtic Herapla,
being the song of Salomon in ail the living,
dialects of the Gaêland Cambrian languages
(Londres, 1858); Canticum canticorum Salo-
monis tribus Vasconiœ linguœ dialectis in
Hispania vigentibus versum, en collaboration
avec J.-A. de Uriarte (Londres, 1858); Can-
ticum trium puerorum in xi Vasconiœ linguœ
dialectos versum (Londres, 1858); la Sainte
Bible traduite pour la première fois en langue
basque du Labourd (Londres, 1859); Il Van-
gelo di san Matteo volgarizatto in dialetto
genovese (Londres, 1860); Langue basque et
BONA
langues finnoises (Londres, 1862); Deuxième
catalogue des ouvrages destinés à faciliter
l'étude comparative des langues européennes et
édités par le prince Louis-Lucien Bonaparte
(Londres, 1862).
Comme on a pu en juger par cette^numé-
ration, les travaux de linguistique du prince
sont considérables ; en les examinant et en se
rappelant ceux de son frère aîné, le prince
Charles-Lucien, on remarquera que tous deux
ont vaillamment soutenu la réputation litté-
raire de leur père et de leurs ancêtres, car
déjà au xvnie siècle un écrivain d'Italie s'ex-
primait en ces termes : « Dans cette famille, il
y a toujours eu quelqu'un d'illustre en l'art
d'écrire. »
BONAPARTEBONAPARTE (Antoine), quatrième fils de
Lucien, né à Frascati le 31 octobre 1816. Après
avoir terminé ses études en Italie, il partit en
1832 pour les Etats-Unis. Il allait rejoindre
son oncle Joseph, qui habitait, sous le nom
de comte de Survilliers, sa propriété de Poînt-
Breeze, dans l'Etat de New-Jersey. Lorsqu'il
arriva, son oncle venait de quitter les Etats-
Unis pour aller se fixer en Angleterre. Le
jeune prince se rembarqua alors et revint au-
près de son père dans les Etats de l'Eglise, qu'il
fut obligé de quitter à la suite de démêlés avec
la force armée du saint-père. La révolution
de 1848 lui rouvrit les portes de Rome; mais,
loin de seconder les Italiens dans la conquête
de leur indépendance à l'exemple de son frère
Charles-Lucien, il ne prit aucune part au mou-
vement populaire, pour lequel il ne déguisa
pas sa répulsion. Il s'attacha dans le commen-
cement a la fortune de son cousin Louis-Na-
poléon, dont il vint servir la cause à Paris. Le
3 septembre 1849, M. Robert, député de l'Yonne,
étant mort,-Antoine se mit sur les rangs pour
le remplacer, et fut nommé membre de 1 As-
semblée législative. Pas plus à Paris qu'à
Rome, il ne se montra partisan des idées do la
Révolution ; il s'allia, au contraire, avec les
anciens partis monarchiques. Néanmoins, après
le coup d'Etat du 2 décembre, Antoine Bona-
parte ne sollicita aucune distinction de la part
de son cousin; Use tinta l'écart; aussi n'a-t-il
pas été compris dans le nombre des membres
de la famille civile ayant rang à la cour.
BONAPARTE
BONAPARTE (Pierre-Napoléon), troisième
fils de Lucien, né à Rome le 12 septembre 1815.
Il s'enthousiasma dès ses premières années
pour l'indépendance, et, lorsque les Roma-
gnols s'insurgèrent, contre le pape, on fut
obligé d'arrêter de force ce volontaire de
quinze ans, qui s'était échappé du château
paternel pour rejoindre les patriotes. Quelques
mois après, s'étant embarqué à Livourne dans
l'intention, de se rendre à New-York, il se lia
avec l'émule dû fameux Bolivar, Santander,
qu'il suivit en Colombie, et dont il reçut comme
récompense le grade de chef d escadron.
S'étant séparé de lui, il retourna en Italie, où
son humeur inquiète inspira des craintes au
gouvernement, qui, le soupçonnant d'orga-
niser dans les Maremmes des bandes de par-
tisans, lui fixa, pour sortir des Etats romains,
un délai de quinze jours. Avant que ce délai
fût expiré, il se vit un matin cerné sur la
E
lace de Canino par une escouade de viugt-
uit sbires. Sans s'inquiéter du nombre et
n'ayant pour arme qu'un couteau de chasse,
Pierre Bonaparte tua le chef de l'embuscade et
blessadeux de ses hommes ; mais, frappé d'une
balle et d'un coup de baïonnette, obligé de se
rend re, il fut conduit au château Saint-Ange, où
il subit une assez longue captivité. A sa sortie
de prison, il gagna l'Angleterre et de là l'île
de Corf-ou. Attaqué lors d'un voyage en Al-
banie par quatre Palikares, il s'en débarrassa
après en avoir couché deux sur la poussière
et blessé un troisième. Quelques jours après,
il reçut ei bien les complices de ses victi-
mes, qui cherchaient à les venger, qu'ils
renoncèrent à l'inquiéter. Le gouvernement
anglais, craignant d'être accusé de complicité
dans ce guet-apens, lui conseilla de quitter
l'île." Le prince,-dédaignant le danger, y sé-
journa encore pendant deux mois. Il résida
quelque temps à Malte; offrit, en 1838, de
servir dans 1 armée française, proposition qui
ne fut pas acceptée; sollicita vainement une
position digne de son nom et de sa naissance
dans l'armée égyptienne de Méhémet-Ali, et,
désespéré de son oisiveté forcée, s'ennuya
f
iendant dix ans au milieu des brouillards de
a Tamise, à Londres, jusqu'au moment où la
France lui ouvrit ses portes à la révolution
de 1848. Dès la première-nouvelle de l'expul-
sion des d'Orléans, il s'embarqua, et, le 27 fé-
vrier, il arrivait à Paris. Le gouvernement lui
confia le grade de chef de bataillon dans la
légion étrangère. Lors des élections de la Con-
stituante, la Corse le choisit pour son repré-
sentant; nommé membre du comité de la
guerre, il vota constamment avec l'extrême
gauche. Néanmoins, il ne cessa de soutenir
son cousin Louis-Napoléon, après l'élection
duquel il ne se sépara pas de la Montagne.
Le 10 août 1849, un représentant du peuple,
M. Gastïer, ayant paru approuver un article
dirigé contre le président de la République,
Pierre Bonaparte s'abandonna à un mouve-
ment de vivacité d'autant plus regrettable
que celui qui en était l'objet était un vieil-
lard de soixante ans. Il fut, pour ce fait, con-
damné , sur la réquisition du procureur gé-
néral Baroche, à 200 fr. d'amende et aux
dépens. Pierre Bonaparte fut un des oppo-
sants à la proposition Râteau et à l'expédition
de Rome, et ne se sépara des républicains que
sur les votes relatifs au président. Réélu à
l'Assemblée législative par l'Ardèche et la
Corse, il opta pour ce dernier pays et conti-
nua à se montrer partisan des principes de
1789. Il partit pour l'Algérie au mois de
mars 1849, après avoir demandé à permuter
avec un chef de bataillon de l'armée française ;
eomme la permission se faisait attendre, il
revint en France avant l'assaut de Zaatcha,
et le général d'Hautpoul, ministre de la guerre,
le destitua pour avoir quitté son poste en pré-
sence de l'ennemi. L Assemblée législative
approuva cette mesure, qui amena un duel
entre le prince et un journaliste, réaction-
_ naire.
Le coup d'Etat du 2 décembre était trop en
opposition avec les idées de Pierre Bonaparte
pour qu'il continuât à s'occuper de politique.
Rentré dans la vie privée, e.t en dépit de ses
tendances libérales, il reçut, le 25 novembre
1852, les titres de prince et d'altesse, ayant
rang à la cour, mais ne faisant pas partie de
la famille impériale.
Le prince Pierre Bonaparte estdoué, comme
on a pu le voir, d'un courage à toute épreuve ;
il est fâcheux seulement qu'il s'abandonne
avec trop de facilité aux emportements de sa
nature vive et énergique. Sans doute, quand
on porte le nom de Bonaparte, il est bon de
prouver qu'on ne descend pas en droite ligne
de la souche Prudhomme ; mais si noblesse
oblige, cette solidarité elle-même a des li-
mites.
BONA
BONAPARTE
BONAPARTE (Alexandrine-Marie), troisième
fille issue du second mariage de Lucien Bo-
naparte avec Marie-Alexandrine-Charlotte-
Louise-Laurence de Bleschamp, née à Rome
le 12 octobre 1818. Elevée par son père, elle
partagea ses idées d'indépendance et accorda
sa main à un patriote italien
;
M. Yincenzo
Valentini. Lorsque éclata la révolution con-
tre l'autorité papale, M. Valentini fut nommé
député à la Constituante romaine, e t , au
mois de mai 1849, il fut appelé au ministère
des finances, qu'il fit tous ses efforts pour
réorganiser. Alexandrine-Marie eut la dou-
leur de perdre son mari en juillet 1858; de-
puis, elle a vécu dans la retraite.
BONAPARTE
BONAPARTE (Constance), quatrième fille .
issue du second mariage de Lucien Bonaparte
avec Marie - Alexandrine - Charlotte - Louise-
Laurence de Bleschamp, née à Bologne le
30 janvier 1823. Douée d'un esprit réfléchi,
elle fut tellement frappée, dès son enfance,
des vicissitudes de sa famille, qu'elle forma
dès lors la résolution de chercher le calme
et la puix sous la protection de la religion :
elle a pris le voile au couvent du Sacré-Cœur,
à Rome, où elle vit dans l'obscurité et la dé-
votion. '
BONAPARTE
BONAPARTE (Napoléon-Charles), fils aîné
de Louis, roi de Hollande, et o'Eugénie-Hor-
tense de Beauharnais, né à Paris le 10 oc-
tobre 1802, mort à La Haye le 5 mai 1807. En
qualité de fils aîné, Napoléon-Charles, héritier
présomptif du trône de Hollande, devait plus
tard être adopté par Napoléon U
r
, et, si le
croup ne l'eût pas enlevé, peut-être serait-il
aujourd'hui assis sur le trône de France.
BONAPARTE
BONAPARTE (Napoléon-Louis), second fils
de Louis, roi de Hollande, et d'Hortense de
Beauharnais, né à Paris le 11 novembre 1804,
fut le premier des Bonaparte inscrit sur les
registres de l'Etat comme prince français.
Napoléon I « et Madame mère le tinrent sur les
fonts baptismaux, et ce fut le pape Pie VII qui
le baptisa. Trois ans après sa naissance, la
mort prématurée de son • frère Napoléon-
Charles fit de lui l'héritier du trône de Hol-
lande, et, en 1S09, Napoléon 1er l
e
créa grand-
duc de Berg et de Clèves. Le 1er juillet 1810,
après l'abdication de son père, le jeune Na-
poléon-Louis fut reconnu comme roi par les
Hollandais sous la régence de sa mère, Hor-
tense de Beauharnais; mais l'empereur en- '
voya son aide de camp, le général Lauris-
ton, pour le chercher et le ramener à Saint-
Cloud. Le jeune prince resta jusqu'en 1815 en
France, élevé par sa mère et l'abbé Bertrand,
son précepteur. Son père fut obliçé de s'a-
dresser aux. tribunaux pour l'avoir auprès
de lui, et sa mère ne le rendit que forcée par
un arrêt de la cour de la É5eine en date du
7 mars 1815. L'ex-roi de Hollande l'emmena
àKome où il partagea bientôt les idées de ré-
volte de l'Italie contre la domination autri-
chienne. Aussi son père fut-il obligé de le
conduire à Florence pour le mettre à l'abri
des soupçons du pouvoir lors de la révolution
de Naples. Napoléon-Louis épousa, en 1827
|
sa cousine Charlotte, la seconde fille du roi
Joseph, née à Paris le 31 octobre 1802 et
morte sans enfants, à Sarzane, le 2 mars 1839.
A partir de ce moment, il abandonna la poli-
tique pour ne plus s'occuper que de mécani-
que, et il eut la gloire de doter l'industrie de
quelques inventions utiles, dont il se plaisait
à faire lui-même l'application dans une pape-
terie qu'il avait étamîe à Seze-Vezza. Déià,
en 1828, il avait publié sur la direction des
ballons un livre qui fit avancer de quelques
pas la science aérostatique. Ce prince, dont
les sentiments étaient libéraux, et que sa
mère n'avait réussi à détourner d'aller pren-
dre part aux événements de Grèce qu'en
lui faisant comprendre que son nom serait plus
nuisible à l'indépendance hellénique que son
bras ne lui serait utile, fut sollicité, en 1830,
par quelques amis de Paris, de venir aider a
faire reconnaître les droits de son cousin Na-
BONA BONA BONA 955
BONA
oléon II et appuyer ses prétentions au trône
e France. • Le peuple est seul maître, ré-
pondit-il; or il a reconnu un nouveau souve-
rain. Irais-je porter la guerre civile dans ma
patrie, lorsque je voudrais la servir au prix
de tout mon sang? » Ces sentiments étaient
d'autant plus louables qu'une tentative-pou-
vait avoir quelque chance de succès sous un
gouvernement qui n'était pas issu du suf-
frage populaire, au moment de la mise en ac-
cusation du ministère. La Corse lui adressa
aussi des propositions .avantageuses, qu'il
repoussa également, et là J aussi peut-être
le moment était propice. Pie VII venait de
mourir, et l'Italie espérait secouer le joug
de la papauté.. La Romagne, Plaisance et Mo-
dène s'étaient soulevées, et la révolte gagnait
chaque jour du terrain. Napoléon-Louis quitta
alors son père et sa femme pour aller, de con-
cert avec son frère Charles-Louis, organiser
la défense de Foligno. Bien secondés , ils
étaient sur le point d'occuper Civita-Castel-
lana, lorsque leur mère leur fit abandonner
cette entreprise en disant que leur nom ser-
virait de prétexte au gouvernement français
pour refuser son appui. Les deux frères ga-
gnèrent Bologne, et, lorsque l'Autriche pé-
nétra dans les Etats de 1 Eglise, ils se re-
tirèrent a* Forli. A peine arrivé dans cette
ville, le prince fut attaqué de la rougeole.
Il succomba le 17 mars 1831, quelques heu-
res avant l'arrivée de sa mère/qui accourait
près de son lit de douleur. Il mourut sans
enfants. Sa veuve lui survécut pendant huit
ans.
Le prince Napoléon-Louis était philoso-
phe par caractère. Doué d'un grand et gé-
néreux courage, il était toujours prêt à mar-
cher à la défense des opprimés. Passionné
pour l'indépendance , et, par suite des évé-
nements politiques, ne pouvant en jouir comme
il l'eût désiré, il se consolait dans le com-
merce des sciences et des lettres. On lui doit
la traduction française de la Vie dAgricola,
de Tacite, publiée à Avignon en 1828 ; celle
de Y Histoire du sac de Rome en 1527, ra-
conté en italien par un de ses ancêtres sup-
posés, Jacopo Buonaparte (Florence, 1829), et,
enfin, une bonne Histoire de Florence, impri-
mée a Paris en 1833.
BONAPARTE
BONAPARTE ( Charles - Louis - Napoléon ),
troisième fils de Louis, roi de Hollande, et
d'Hortense de Beauharnais, né à Paris, àû
château des Tuileries, le 20 avril 1808. Après
la révolution de 1848, il fut successivement
élu représentant du peuple et président de la
République; il a été proclamé empereur le
ie
r
décembre 1852 au palais de Saint-Cloud.
Il a épousé, le 29 janvier 1853, Eugénie-Marie
de Guzman, comtesse deTéba, née le 5 mai 1826,
qui, le 16 mars 1856, a donné le jour à un fils.
Le prince impérial a reçu les noms de Na-
poléon-Eugène-Louis-Jean-Joseph. V. NAPO-
LÉON III.
BONAPARTE
BONAPARTE ( Mathilde - Lsetitia - Wilhel -
mine), connue sous le nom de Princesse Ma-
ihiide, fille de Jérôme Bonaparte et de la
f
irincesse Catherine de Wurtemberg, est née
e 27 mai 1820 à Trieste, où son père avait été
appelé par une maladie cruelle de son fils aîné,
le prince de Montfort. Trois ans après, elle
fut emmenée à Rome et mise entre les mains
d'une gouvernante, la baronne de Reding, sous
la surveillance de sa tante, la femme de Jo-
seph Bonaparte, comtesse de Survilliers. Lors-
que ses parents se fixèrent à Florence en
1831, elle les accompagna et demeura avec
eux jusqu'à la mort de sa mère en 1835. A
cette époque, elle se rendit à la cour de Wur-
temberg, où elle fut présentée sous le nom de
comtesse de Montfort. En 1839, la princesse
rejoignit sa famille à Florence, où elle s'aban-
donna à son goût pour la peinture, tandis que
se préparait son union avec son cousin ger-
main Louis-Napoléon. La tentative avortée
de Boulogne rompit ce projet par suite de
l'emprisonnement du prince au fort de Ham.
Le comte russe Anatole Demidoif ayant alors
demandé la main de la princesse Mathilde,
elle lui fut accordée, et, après le mariage,
célébré le l " novembre 1840, il emmena sa
jeune femme dans son pays. L'empereur Ni-
colas accueillit avec une bienveillance mar-
quée la nouvelle comtesse, qui se trouvait être
fille de sa cousine germaine. Il força même le
comte Demidoff à servir à la princesse Ma-
thilde une pension de 200,000 fr., lorsque les
deux époux se séparèrent de corps et de biens
en 1845. La guerre de Crimée mit seule fin au
commerce épistolaire entretenu entre la prin-
cesse et le czar, qui, dans une dernière lettre,
lui assura que les événements politiques ne
modifieraient en rien, ses sentiments affec-
tueux.
La princesse Mathilde, qui, depuis son ma-
riage, avait un pied-à-terre à Paris, s'y fixa
définitivement lorsqu'elle fut redevenue libre,
et s'y créa une petite cour d'artistes et de lit-
térateurs. Louis-Napoléon, nommé président
de la République le 10 décembre 1848, char-
gea, jusqu'à son mariage, sa cousine de faire
les honneurs du palais de la présidence. De-
puis le rétablissement de l'Empire, la prin-
cesse Mathilde passe l'hiver à Paris, la belle
saison près du lac d'Enghien, à Saînt-Gratien,
et la hn de l'automne sur les bords du lac
Majeur, en Italie. Elle s'occupe sérieusement
de peinture et de sculpture, et n'a pasdédai- -
gné de prendre part aux diverses expositions
qui ont eu Heu depuis quelques années. Elle
s'y est fait remarquer par des aquarelles de
. grande dimension, traitées avec une franchise
et une largeur rares, et pouvant lutter~a.vec
la peinture à l'huile pour la chaleur du tdn et
la fermeté du modelé. Parmi les ouvrages
qu'elle a exposés, nous citerons : deux char-
mants portraits de femmes, et une copie d'a-
près Rembrandt, en 1859 ; une Fellah, le
Portrait du baron de Vicq, d'après Rubens,
et un Portrait d'infant, d'après Murillo, en
1861; le Portrait du duc de Lesdiguière,
d'après Rigaud, et une Etude, d'après nature,
qui ont valu à la princesse une mention hono-
rable, en 1863 ; une Tête d'Orientale et le Por-
trait de Jï/
n,
e Lenoir, d'après Chardin, -en
1864; une*Intriyue à Venise, d'après M. Van-
nutelli, et une Tête de jeune fille, en 1865;
une Juive d'Alger, figure mélancolique, d'un
caractère charmant, et le Profil perdu d'une
délicieuse tête blonde en 1866. Douée d'une in-
telligence vive et positive, la princesse Ma-
thilde se distingue par beaucoup de bon sens ;
quant à son caractère, il se ressent un peu de
ses coûts d'artiste : il est prompt et passionné,
et, si la princesse ne connaît pas la rancune,
elle n'est pas toujours exempte de vivacité. On
lui doit un établissement pour, les jeunes filles
incurables, qui porte son nom, et un tombeau
de Catinat élevé dans l'église du village de
Saint-Gratien, L'empereur Napoléon III et sa
cousine ont toujours conservé l'un pour l'autre
un tendre attachement et un dévouement
inaltérable.
BONAPARTE
BONAPARTE ( Napoléon - Joseph - Charles-
P a u l ) , généralement connu-sous le nom de
Prince Napoléon, né à Trieste le 9 septembre
1822
?
second fils de Jérôme, ex-roi de West-
phalie, et de la princesse Catherine de Wur-
temberg. De tous les membres de la famille
Bonaparte, c'est celui .qui, par le galbe de la
figure et la forte accentuation des traits,
comme aussi par la fougue du tempérament,
rappelle le plus le glorieux fondateur de la
dynastie : «Vraie médaille napoléonienne trem-
f
iée dans de la graisse allemande, » disait de
ni familièrement un grand poète qui lui por-
" tait beaucoup d'intérêt, Béranger.
Jusqu'ici, la vie de ce personnage peut se
• diviser en trois périodes : sa première jeu-
nesse, écoulée loin des affaires publiques, dans
l'étude et les voyages ; son passage dans les
Assemblées républicaines de 1848 et 1849, et
son rôle politique depuis l'établissement de
l'Empire. Cette dernière phase est la seule où
il nous offre une physionomie nettement ca-
ractérisée.
Le jeune rejeton d'une race proscrite fut
d'abord élevé à Rome. La ville qui avait été le
grand lieu d'asile au moyen âge, la ville sainte,
offrait alors un refuge aux débris de la famille
impériale, poursuivie depuis 1815 par la réac-
tion de l'Europe absolutiste. Mais, en 1831, par
suite de l'insurrection des Rnmagnes, àlaquelle
avaient pris part deux des membres de la fa-
mille Bonaparte, le roi Jérôme dut quitter le
territoirepontifical-et se retireràFlorence. De
là, il mit son fils en pension à Genève, afin qu'il
y fût élevé selon la méthode française et dans
des principes libéraux. C'était en 1835. Le
jeune écolier passa ensuite deux ans à Are-
nenberg, chez sa tante la reine Hortense, où
il reçut les leçons de son cousin Louis, actuel-
lement empereur des Français, plus âgé que
lui de quatorze ans. Là, entre l'élève et le
professeur bienveillant, naquit cette affection
qui depuis, malgré quelques nuages passagers,
ne s'est jamais démentie. Dans cette même an-
née 1835, le prince Napoléon perdit sa mère,
cette vertueuse et courageuse Catherine, à
qui l'empereur Napoléon avait rendu un hom-
mage public en disant «que, par son dévoue-
ment, elle s'était de sa propre main inscrite
dans l'histoire.
L'adolescent touchait à sa quinzième année
lorsqu'il fut admis par son oncle maternel, le
roi de Wurtemberg, à l'école militaire de Lud-
•wisbourg, où il resta quatre ans. Ici se ter-
mine pour lui la période des études purement
scolaires, et commence celle des études plus
fortes et plus fructueuses auxquelles donnent
lieu les voyages et l'observation. A dater, de
1840, il se mit à parcourir les diverses capi-
tales de l'Europe, où, à la faveur d'un grand
nom etd'une parenté nombreuse et de premier
ordre, il reçut partout un bon accueil. Mais en
raison du bannissement qui pesait sur sa famille,
et peut-être.aussi à cause de quelques tenta-
tives avortées auxquelles il n'avait pourtant
pris aucune part, il ne fut admis à visiter la
France qu'en 1845. Encore n'y résida-t-il que
quatre mois. On prétend que le gouvernement
d'alors . prit ombrage des allures indépen-
dantes du jeune prince, de son esprit critique,
qui gardait trop peu de mesure, et surtout de
ses accointances secrètes avec le parti démo-
cratique. Il dut reprendre le chemin de l'exil
et poursuivit par le monde ses pérégrinations
instructives. De cette espèce de vie nomade,
comme aussi de son ardent désir de tout voir,
de tout pénétrer et de tout connaître, est sans
doute né chez lui ce goût passionné des voya-
ges, qui ne l'a jamais abandonné.
Cependant, en 1847, le roi Jérôme présenta
aux Chambres une.pétition pour être réinté-
gré, avec son fils, dans ses droits de citoyen
français. La-Chambre des pairs rejeta sa de-
mande; mais le roi Louis-Philippe (nous nous
plaisons à rendre cet hommage à sa mémoire)
prit sur lui de fermer les yeux sur leur séjour
en France. Les deux princes résidaient donc
à Paris lors des événements de 1848. Qu'ils
aient pressenti tout d'abord les hautes desti-
nées préparées à leur famille par la révolu-
tion de Février, il est permis d'en douter;
mais, ce qui est certain, c'est que le prince
Napoléon saisit habilement les chances de
bonne fortune que lui offrait la déchéance dé-
finitive des derniers Bourbons. Dès le 24 fé-
vrier, il se présenta à l'Hôtel de ville, où il
ne fut pas reçu. Le 26, il adressa aux mem-
bres du gouvernement provisoire cette lettre
significative, que l'histoire a enregistrée : « Au
» moment de la victoire du peuple, je me
» suis rendu à l'Hôtel de ville. Le devoir de
» tout bon citoyen est de se réunir" autour du *
» gouvernement provisoire de la République. »
Rapprochée, disons mieux, combinée avec
celle' qu'écrivait le même jour son cousin
Louis, jusqu'alors prétendant malheureux au
trône de France, cette lettre contenait un en-
seignement des plus clairs. Il fallait tout le
tumulte de ces temps troublés, pour ne pas
soupçonner les espérances illimitées qui se
voilaient à peine sous le langage modeste de
ces manifestations.
Bien qu'aucun décret régulier n'eût encore
mis à néant la loi de bannissement qui les
avait privés de leurs droits civils et politiques,
les Bonaparte se présentèrent hardiment et
en masse aux élections de l'Assemblée con-
stituante. Plus populaires dans l'île de Corse,
berceau de leur famille, que partout ailleurs,
ils y établirent leur quartier général. Le
prince Napoléon y fut élu à l'unanimité des
suffrages. Du 4 mai 1848 date sa carrière po-
litique, à peine interrompue par un retour à
la vie privée en 1852, et poursuivie depuis sur
une scène plus élevée, ou ses qualités comme
ses défauts éclatent en pleine lumière. Ceci
n'étant ni un éloge ni une satire, nous nous
en tiendrons aux faits, qui, du reste, suffiront
à nous éclairer sur le caractère d'un homme
encore aujourd'hui si étrangement et si diver-
sement appi'écié par tous les partis.
Le'prince Napoléon prit place, à l'Assem-
blée constituante, dans les rangs de cette
nuance nombreuse et indécise qui s'intitulait
la République modérée, mais où se cachaient
déjà des tendances royalistes de diverses na-
tures, qui n'attendaient pour se révéler qu'une
occasion favorable. Etait-il sincèrement atta-
ché à la forme républicaine? Rien à cet égard
n'autorise à suspecter sa bonne foi. Mais d'ès
le début, les prétentions de son cousin et l'in-
éluctable solidarité qui unissait tous les mem-
bres de la famille lui créaient un rôle difficile;
car chacun de ses votes ou de ses actes de-
vait prêter à la malignité des interprétations.
Ainsi il vota pour l'impôt proportionnel con-
tre l'impôt progressif, pour les deux Cham-
bres contre une assemolée unique, pour le
principe de la présidence contre le principe
d'une assemblée souveraine, etc. Mais dans
toutes les mesures purement économiques, la
démocratie retrouve en lui un champion con-
vaincu et passionné. Il appuie la réforme pos-
tale, la réduction de l'impôt du sel et les sub-
ventions aux associations ouvrières. Par un
sentiment des convenances qu'il n'a pas tou-
jours eu au même degré, il- se refusa, lui,
ancien banni, à bannir une famille déchue, et
vota contre la loi du 26 mai, qui exilait les
princes d'Orléans. Ajoutons enfin qu'il s'op-
posa énergiquement a la déportation en masse
des insurgés de Juin. Du reste, sa vie entière
en fait foi, qu'il s'agisse de Français, de Po-
lonais ou d'Italiens, la générosité de sa nature
l'a toujours entraîné du côté des proscrits.
Le 13 mai 1849, le département de la Sarthe
envoya le prince Napoléon à l'Assemblée lé-
gislative. D'une année à l'autre, la situation
avait singulièrement changé. Les républicains
n'étaient plus qu'en minorité dans la seconde
Assemblée de la République. La majorité se
composait d'une coalition où s'étaient groupés
pêle-mêle les drapeaux de tous les partis
monarchiques, chacun de ces partis marchant
distinctement à son but, à l'ombre d'une
entente précaire et mensongère, qui se tradui-
sait par une réaction violente contre les prin-
cipes solennellement proclamés par l'Assem-
blée précédente. Les vœux du prince étaient
d'un côté, les intérêts de sa famille, bien ou
mal compris, se trouvaient de l'autre. Pour se
soustraire aux embarras d'une situation que
chaque jour rendait pour lui de plus en plus
délicate, il accepta l'ambassade de Madrid;
mais, des rives du Mançanarès, sa pensée se
reportait constamment aux bords de la Seine,
et le prince démocrate ne voyait qu'avec dé-
pit le gouvernement de la République glisser
sur la pente de la contre-révolution. Aussi ne
fit-il que poser le pied en Espagne. Ce qui
contribua le plus à y abréger son séjour, ce
fut la fameuse loi d'enseignement, dite loi
Falloux, qui tendait à replonger la France dans
les ténèbres du moyen âge. Ilquittasubitement
Madrid et reparut tout à coup au sein de la
Chambre étonnée; mais, cette fois, pour des-
siner clairement son attitude, il s'installa car-
rément au beau milieu de l'extrême gauche,
qui seule alors, à part quelques rares excep-
tions, représentait ses idées et ses sentiments.
Là, plus qu'aucun, autre, il se vit le point de
mire de ses auxiliaires de la veille, devenus
ses implacables adversaires. Ils l'appelèrent le
Prince de la Montagne, qualification qu'il ne
répudia point.- Dès le 2 octobre 1849, pour
marquer sa rupture, il demanda le rappel des
déportés de Juin, et sa motion souleva d.es
orages. L'année suivante, dans une occasion
plus grave, puisque le principe même des
institutions républicaines se trouvait en ques-
tion, un mot malheureux de M. Thiers le pré-
cipita de nouveau dans l'arène. Il s'agissait
d'exclure du droit de suffrage, par un indigne
subterfuge, la moitié des Français, et, pour
motiver cette injustice, M. Thiers s'était avisé
de flétrir les exclus du nom de vile multitude.
A ce mot, avec toute l'impétuosité de son ca-
ractère et l'ardeur du sang qui coule dans ses
veines, le prince s'élança à la tribune comme
à l'assaut; et il n'y eut peut-être jamais de
spectacle plus étrange que celui des classes
inférieures défendues contre un enfant du
peuple,d'origine assez obscure, par un prince
qui, après tout, pouvait se dire d'assez Donne
maison. A travers des tonnerres d'impré-
cations , que dominait sa voix stridente, le
prince rappela que cette vile multitude avait
prodigué son sang pour la liberté d'abo/d,
pour la gloire ensuite, et que, même après
Waterloo, frémissante d'indignation à l'aspect
des défaillances de l'époque, elle eût encore
sauvé la France des hontes de la seconde in-
vasion si les chefs de la bourgeoisie le lui
eussent permis. Cette violente apostrophe du
prince lui valut, de la part de nos aristocrates,
de glorieuses injures. Jusqu'alors il n'avait
peut-être eu que des adversaires : à dater de
ce jour, il eut des ennemis acharnés. Il les a
encore.
Après le coup d'Etat du 2 décembre 1851,
qu'if n'avait ni conseillé ni prévu, le prince
Napoléon se tint à l'écart jusqu'au rétablis-
sement de l'Empire, où il reçut le rang de prince
français de la famille impériale, et la charge
de sénateur. A ce double titre, il n'a cessé de
prendre aux affaires publiques une part active,
dans la mesure que permettait un régime où
. il n'y a de champ vraiment libre que pour une
seule volonté.
Lorsque la guerre d'Orientdevint imminente,
le prince Napoléon, qui avait été nommé gé-
néral de division, demanda un emploi dans
l'armée expéditionnaire. « En temps de guerre,
dit-il, la place d'un Bonaparte est au feu de-
vant l'ennemi.» L'empereur lui confia le com-
mandement de la 3e division. Les autres étaient
commandées parles généraux Canrobert, Bos-
quet et Forey. Le prince partit des premiers
avec sa division ; il couvrit Constantinople,
que menaçait la gauche de l'armée russe;
puis il vint rejoindre le gros de l'armée an-
glo-française concentrée sur le bas Danube.
Il assista au conseil de guerre tenu à Varna,
où fut résolue, contre son avis, l'expédition
de Crimée. Dans cette importante délibéra-
tion se révéla le premier germe d'une dissen-
sion, dont nous sommes obligé de dire quel-
ques mots; car elle explique ce qui, par la
suite, a pu paraître obscur ou inconsidéré
dans la conduite d'un prince et d'un général
français. Selon lui, il fallait faire à la Russie
une guerre révolutionnaire, et tendre la main
à la Pologne à travers les provinces danu-
biennes et la Bessarabie : on le voit, sur les
champs de bataille comme à la tribune, c'est
toujours une pensée révolutionnaire qui l'a-
nime. L'avis contraire, venu de plus haut et
jsans réplique, prévalut dans le conseil, et
l'invasion de la Crimée, qui souriait davan-
tage aux Anglais, parce qu ils y entrevoyaient
avant tout la destruction de Sébastppol et de
la marine russe, devint le seul objectif d'une
guerre qui aurait pu donner de plus heureux
résultats. Le prince se rangea à cet avis;
mais de cette divergence de vues résultèrent
des froissements qui ne furent pas sans in-
fluence sur ses déterminations ultérieures.
Il fit avec sa division l'expédition de la Do-
brutscha, où sévissait le choléra, tomba ma-
lade et dut se retirer à Constantinople pour
y rétablir sa sauté; mais il se hâta de re-
joindre, quoique souffrant encore, sa division
débarquée en Crimée, et il en reprit le com-
mandement. A la bataille de l'Aima (20 sep-
tembre 1854), il formait le centre de la ligne
française, et il mérita d'être cité à l'ordre du
jour pour sa belle conduite. Six semaines
après, sa division se distingua encore à la
bataille d'Iukermann; mais la maladie-du
prince s'aggravait. L'empereur le rappela en
France, et il y revint la veille même du jour
où, de son côté, le duc de Cambridge retour-
nait en Angleterre.
Le repos ne convenait pas à l'un des es-
prits les plus actifs de notre temps. A peine
rentré en France, le général dépouilla son
uniforme et présida la commission de l'Expo-
sition universelle de 1855 ; et ce ne fut certes
pas pour lui une sinécure honorifique. Les pro-
diges de travail qu'il accomplit dans un espace
de temps restreint, pour s'élever à la hau-
teur de l'industrie dans toutes ses branches,
étonnèrent les savants et les industriels de
profession. Il apporta là, comme partout, sa
fougue et sa rare pénétration. Son rapport
(1857, 1 vol. in-4°) est une véritable encyclo-
pédie des arts et métiers.
956 BONA
Mais les expositions universelles ne se suc-
cèdent pas d'une année à l'autre, et, pour des
motifs aont nous n'avons pas le secret, peut-
être à cause de certaine brochure publiée à
Bruxelles, qui révélait les mystères du con-
seil de guerre de Varna, la porte des affaires
publiques restait fermée aux brillantes capa-
cités ae l'ancien Prince de la Montagne^ qui
ne savait pas dissimuler ses tendances r é -
volutionnaires. La passion des voyages fut
pour lui une heureuse diversion. Le 15 juin
1856, il s'embarqua sur la corvette la Jîeine-
Hortense, accompagné d'un groupe choisi
.d'ingénieurs et de naturalistes, et visita les
côtes de l'Ecosse, de l'Islande et du Groenland,
d'où il rapporta une collection scientifique
des plus curieuses. A son retour, le prince
Napoléon fut reçu membre libre de l'Académie
des Beaux-Arts.
Jusqu'alors général, artiste et savant, il se
révèle, en 1857
?
comme diplomate, et il ar-
range , à la satisfaction des deux partis, un
démêlé survenu entre la Suisse et la Prusse,
au sujet de la principauté de Neuchâtel, à
laquelle renonça cette dernière puissance.
L'année suivante (24 juin 1858), l'empereur
lui confia le ministère de l'Algérie et qes co-
lonies, que le prince administra jusqu'en mars
1859. Les limites que s'est tracées le Grand
Dictionnaire ne nous permettent pas d'énumé-
rer toutes les mesures utiles dont il prit l'ini-
tiative dans son court passage aux affaires.
Nous ne pouvons que consigner ici les longs
et profonds regrets que sa retraite prématurée
laissa surtout dans la population civile de la
première de nos colonies.
Le 30 janvier 1859, le prince Napoléon
épousa Marie-Clotilde de Savoie, fille de Vic-
tor-Emmanuel, roi de Sardaigne et futur roi
d'Italie. Cette union était le gage d'une alliance
entre les deux nations sœurs, qui allaient mê-
ler leur sang pour la gloire de l'une et la dé-
livrance de l'autre. La guerre éclata. On
connaît la campagne d'Italie. Détaché en Tos-
cane, à la tête du 5e corps d'armée, le prince
Napoléon ne fut pas assez heureux pour pren-
dre part aux travaux actifs de la campagne.
Bien qu'ayant traversé, à marches forcées, la
chaîne des Apennins, il ne put arriver sur le
théâtre de la lutte qu'à la veille de la paix.
C'est lui qui fut chargé, après l'entrevue de
Villafranca, de traiter à Vérone des prélimi-
naires de paix.
Jusqu'à cette époque, le prince Napoléon
n'avait guère paru au sénat et n'y avait jamais
pris la parole. Depuis lors, il n y a prononcé
que quatre discours. Lord Bvron n en avait pro-
noncé que deux à la chambre des lords, et ils
suffirent à sa gloire comme orateur. De même
que les accents indignés du grand poète an-
glais avaient troublé le sommeil des tombeaux
Je Westminster, la parole du prince orateur
émut les échos de la vieille nécropole du Luxem-
bourg. L'effet en fut immense. Dédaigneux des
formes convenues, ennemi des phrases* vides
et sonores, le prince frappe à coups redoublés,
comme un marteau sur une enclume. Son élo-
quence est abrupte, prime-sautière, un peu em-
portée et horsde mesure, comme toute passion
forte et vraie. Deux de ces discours traitent de
la question romaine, un autre de la Pologne.
Mais ce ne sont pas des harangues, ce sont des
charges de cavalerie qui vont droit à leur but
d'abolition du pouvoir temporel de la papauté
et la résurrection de la nationalité polonaise.
L'orateur se sentait dans le vrai, et il y était,
lorsque, répondant à un marquis vendéen de-
venu sénateur de l'Empire, il rapportait qu'à
son retour de l'île d'Eloe, 1 empereur avait été
accueilli sur son passage par les cris : A bas
les émigrés! à bas les traîtres! Sur quoi
explosion d'anathèmes dans le palais du
Luxembourg. (On avait entendu : A bas les
prêtres!) L'orateur s'explique, mais l'émotion
ne se calme pas. On" dirait une tempête océa-
nique sur le lac d'Enghien. C'est que, là, le
prince Napoléon retrouvait en face de lui les
hommes dupasse, ses éternels adversaires,
qu'il avait déjà combattus à l'Assemblée légis-
lative, et avec lesquels il ne se réconciliera
jamais.
L'empereur lui a
;
dit-on, fait compliment
de son discours : féheitation très-gratuite as-
surément, car son ancien élève ne lui avait
pas prodigué les flatteries. Qu'on en juge par
cette profession de foi très-courte, mais sans
ambages ni ambiguïtés :
« L'empire doit être, à l'intérieur, l'ordre
sans doute, sans lequel il n'y a rien de pos-
sible, mais aussi des libertés sages et sérieuses,
et, parmi ces libertés, la liberté de la presse,
une des plus utiles dans un Etat libre, l'in-
struction populaire répandue sans limites, sans
congrégations religieuses, la destruction des
entraves administratives et du bigotisme du
BONA
moyen âge, qu'on voudrait nous imposer.» i
C'est avec cette netteté d'expression, due à
la lucidité de la pensée, que s'est exprimé en
toute occasion l'homme dont nous retraçons
brièvement l'histoire. Quand on l'a suivi pas
à pas dans sa vie politique, on ne conçoit point
que le moindre doute puisse s'élever sur la
sincérité de son langage, non plus que sur la
fermeté de ses convictions.
Dans l'intervalle des sessions du sénat, le
prince reprit ses voyages. Accompagné de sa
jeune épouse, àqui il semble avoir communiqué
ses propres goûts, il a visité successivement
l'Algérie, le Maroc, l'Espagne, le Portugaises
Açores, l'Amérique, puis 1 Egypte, la Syrie, le
Liban, Damas, Balbeck, etc. Son excursion aux
Etats-Unis a mis en jeu l'imagination des pu-
blicistes, qui lui prêtèrent une mission politi-
que. C'était au plus fort de la lutte entre le
Nord et le Sud. L'illustre voyageur fut reçu
avec distinction, à Washington, par le prési-
dent Lincoln, et, au sein des camps, par le
fénéral Mac-Clellan. Tl reçut le même accueil
u général sudiste Beauregard. Il visita, étu-
dia, observa. Simple touriste, il lui était in-
terdit par les convenances de former ouverte-
ment des vœux pour le succès de l'une des
deux causes ; mais chacun sait avec quelle li-
berté d'esprit, comme aussi avec quelle jus-
tesse de coup d'œil il prédit, à son retour, en
y applaudissant à l'avance, le triomphe du bon
droit et l'abolition de l'esclavage aux Etats-
Unis.
Tel est l'homme. Quoique prince, il semble
avoir pris pour devise la maxime si connue
de Térence:
Homo $um
t
et nihil humani a me alienum puto-
En effet, politique, arts, sciences ou indus-
trie, jamais question intéressant l'avenir de
l'humanité ne le trouva froid ou indifférent.
Au commencement de l'année 1864 , la Com- :
pagnie de l'Isthme de Suez éprouvait des em-
barras, suscités en secret par la jalousie'de
. l'Angleterre. Entre la Compagnie et le pacha
d'Egypte, il s'était élevé un- grave dissen-
timent, qui mettait en question l'entreprise
même, et compromettait par contre-coup les
intérêts des actionnaires, français pour la
plupart. Le 11 février 1864, à un banquet
donné en son honneur, le prince Napoléon im-
provisa un long discours qui fut couvert de
frénétiques applaudissements. Ce discours
est le chef-d œuvre de la discussion fami-
lière, mise au service de la plus haute raison.
Et, qu'on le remarque bien, même dans ses
épigrammes contre l'Angleterre, il trouve le
moyen d'émettre un vœu pour la liberté, tant
il en garde le culte dans son cœur. « Que vou-
lez-vous? dit-il. il y a un mirage qui me plaît
beaucoup de l'autre côté du canal, c'est le mi-
rage de la liberté, que j'aime tant et qui m'at-
tire I.... »
L'année suivante (et c'est par ce dernier
événement que nous terminons cette notice),
une occasion solennelle s'offrit au prince
Napoléon d'exposer plus explicitement, à ses
risques et périls, ses pensées politiques, et les
conséquences graves qui devaient en résulter
pour lui ne rehaussent que davantage son
caractère. On inaugurait, à Ajaccio, un mo-
nument élevé à la gloire de Napoléon 1er
e
t
de ses frères. En l'absence de l'empereur, qui
parcourait alors l'Algérie, le prince, lais-
sant pour un instant les fonctions de membre
du conseil privé, se rendit à la cérémonie d'A-
jarcio, et la, en face d'une foule immense, ou
plutôt en face de toute l'Europe, il prononça
un discours qui devint un événement. Nous
aurions bien quelques réserves à faire sur l'é-
loge exagéré de l'ancien empire et sur les
vues libérales que le neveu prête trop faci-
lement et après coup, sur la foi de quelques
paroles, à son glorieux oncle. Puis,'ao principe
des nationalités qui devenait peu à peu le
dogme de l'Europe moderne, on pourrait assi-
ner un autre promoteur que ce conquérant, !
ont l'empire s'étendait des bords du Tibre aux
bouches de l'Elbe , et qui taillait à coups de
sabre, dans la carte de l'Europe, des duchés
et des royaumes, sans trop de souci des affi
nités de race, de langage
?
'de mœurs
f
de
traditions, de religion et d'intérêts; mais ce
serait matière à polémique, et nous préfé-
rons signaler, dans le discours d'Ajaccio, les
passages qui constituent le programme poli-
tique, clair, net et complet de l'orateur. Du
reste, à l'article BONAPARTE , nous avons
exprimé clairement et sans ambages notre
opinion sur le glorieux général de la Répu-
blique, et il en sera de même au grand nom
de NAPOLÉON.
Voici ce que disait le prince :
« Je crois à la nécessité de supprimer le pou-
voir temporel des papes; ,
BONA
i J'aime la liberté sous toutes ses formes,
mais la liberté de tous;
> La vraie liberté, c'est le suffrage univer-
sel loyalement appliqué, la liberté complète
de la presse sous le droit commun, et ie droit
de réunion.
• Un peuple libre doit se composer d'indivi-
dualités indépendantes, avec leur entier dé-
veloppement, et non de grains de sable qui ne
sont agrégés que par le ciment de l'admini-
stration, etc., etc., etc, »
Ce discours valut à l'orateur une lettre sé-
vère derl'empereur, à laquelle il répondit en se
retirant du conseil privé et en abandonnant la
présidence de l'exposition universelle de 1867.
Le prince Napoléon est aujourd'hui sans
autres fonctions que celles de sénateur.
l\ y a en lui, nous l'avons dit, outre les
traits, quelque chose du génie pénétrant et du
tempérament impétueux ae Napoléon I«
r
, puis
ce dédain des petits honneurs et des petites
choses, qui le pousse, comme Byron, auquel
nous l'avons déjà comparé, à chercher par
le monde, sur toutes les routes, le grand et
le beau qu'on y rencontre trop rarement. Mais
nous devons nous abstenir d'un plus ample
jugement sur une vie et sur une destinée dont
l'avenir garde le secret.
De son mariage, le prince a trois enfants :
deux fils, nés le 18 juillet 1862 et le 16 juillet
1864, et une fille, le 20 décembre 1866.
Un point encore très-controversé chez nous,
c'est le jugement à porter sur les capacités
politiques du prince Napoléon : comme per-
sonne, jusqu'ici, n'a encore inventé de ther-
momètre pour ce cas particulier, et que l'é-
chelle métrique est la propriété exclusive du
ont Royal, les uns disent que les eaux sont
autes, et c'est la majorité... En France, nous
nous complaisons dans ces sortes de juge-
ments. Charles-Quint n'est plus; Philippe II
règne; que faut-il penser de don Juan? Mais
comme le don Juan en question n'a pas encore
eu l'occasion de se signaler à Lépante, on se
tient dans les conjectures. Pourtant notre
prince a prouvé maintes fois qu'il n'y a point
chez lui un sang dégénéré, et que César
n'amène pas nécessairement à l'esprit Lari-
don. Dans plusieurs circonstances se sont ré-
vélées certaines allures qui ont fixé bien des
esprits vacillants. U y a même parfois une ron-
deur, une vivacité, qui n'étonnent nullement
ceux qui savent qu'un foyer doit lancer des
étincelles. Un jour quelqu'un inondait le grand
Condé de flatteries hyperboliques et le compa-
raît à un dieu. — « Parbleu, oui, répondit
le vainqueur de Rocroy, allez ie demander à
mon valet de chambre. » Dans le cas dont s'a-
git, nous avons mieux qu'un valetde chambre ;
nous avons un secrétaire, un écrivain distin-
gué , un démocrate qui a fait ses preuves, et
M. Hubaine, dont l'esprit n'est nullement
porté vers un enthousiasme irréfléchi, aconçu,
nous a-t-on assuré, la plus haute idée du
prince qui lui a fait l'honneur de l'associer à
ses travaux.
B o n a p a r t e (PORTRAIT DU PRINCE NAPOLÉON),
par H. Flandrin; Salon de 1861. Le prince,
vu jusqu'à mi-jambe, presque de face, est as-
sis dans un fauteuil de velours grenat, la main
gauche k demi repliée et posée sur son genou,
la droite appuyée sur le bras du siège. Il a
une redingote bleu foncé et un pantalon gris.
Nulle pompe, nul apparat; aucun accessoire
qui indique la haute situation du modèle. Ce
portrait, fort ressemblant, mais qui, sous le
rapport de l'exécution, n'est assurément pas
un des meilleurs que Flandrin nous ait lais-
sés, a obtenu un grand succès de curiosité au
Salon de îsdl, et a été très-diversement ap-
précié par la critique. M. de Calonne s'est
montré des plus sévères dans son jugement :
« La tête manque d'ampleur, a-t-il dit, le modelé
est insuffisant, défectueux. Pour un dessinateur
aussi savant et aussi scrupuleux que M. Flan-
drin, il y a des lacunes qui seraient impar-
donnables , si l'on pouvait regarder la tête
comme finie. L'habit seul estfini. Probablement
le modèle n'a pas donné au peintre tout le temps
nécessaire pour tirer de lui cette empreinte
définitive et durable que viendra interroger
la postérité ! « M. Bûrger reconnaît que « la
tête manque de vie et de couleur, mais que
cependant^ sur ce masque terne et immobile,
M. Flandrin a su graver fermement quelques
traits caractéristiques, surtout !a ligne mince
et irrégulière qui accuse la bouche. » Il ajoute :
« Comme souvenir du temps, sinon comme pein-
ture, cette image sera bien intéressante a re-
trouver plus tard. • Ecoutons maintenant
M. Paul de Saint-Victor : « Le portrait du
prince Napoléon est d'une beauté historique.
On ne saurait mettre plus de style dans la
vie, plus do signification dans la ressem-
BONA
blance... La tête a la gravité calme d'un
buste romain. Que de vie sous le repos de ces
traits d'un dessin si solide qu'ils semblent
sculptés 1 Les yeux regardent avec une fixité
pénétrante ; la réflexion comprime les lèvres
fermement arquées. Ce relief si puissant est
obtenu sans effort; les plans se lient et se ca-
dencent par des passages d'une finesse ex-
quise. M. Flandrin, comme Léonard, sait en-
velopper son modelé du plus beau fini. La
tête domine dans ce grand portrait; elle ab-
sorbe et elle retient l'attention. On ne remar-
que, qu'après l'avoir longtemps admirée, l'am-
pleur du corps que l'habit accuse comme
ferait la draperie, son assiette tranquille, son
abandon naturel. Il n'est pas jusqu'au fauteuil
qui ne soit une merveille d'imitation énergi-
3
ue et sobre. C'est ainsi que les accessoires
oivent figurer dans les portraits de haut
style, peints de souvenir plutôt que d'après
la réalité. » Nous voilà bien loin du modelé
insuffisant, du masque terne et immobile, dont
MM. de Calonne et- Burger nous ont parlé,
et pourtant l'appréciation louangeuse de M. de
Saint-Victor a encore été dépassée par le ly-
risme de M. About. L'article du spirituel au-
teur de la Question romaine a peut-être fait
plus de bruit que l'œuvre même de Flandrin ;
car, à côté du jugement porté sur le tableau,
on y trouve un portrait politique excessive-
ment osé du prince Napoléon. Nous n'hésitons
pas à reproduire cet article, qui est certaine-
ment une des pièces les plus curieuses à
joindre à l'histoire du prince, a La foule a
rendu prompte justice au portrait du prince
Napoléon... Dès l'ouverture du Salon, elle
s'entassait autour du chef-d'œuvre, comme
la limaille de fer autour d'un aimant. C'est
que les grandes qualités de M. Flandrin, un
peu discrètes et voilées dans la plupart de
ses ouvrages, ont pris une vigueur et un éclat
singuliers au contact de ce modèle... Non
que M. Flandrin ait emprunté pour un jour
la palette de Rubens ou de Delacroix; non
qu'il ait oublié de répandre çà et là quelque»
légères pincées 'de cendre; mais parce que
la splendeur d'une grande chose aveugle la
critique elle-même sur les manques et les im-
perfections du détail... Le spectateur entraîné
par l'admiration franchit les défauts sans les
voir, comme un soldat courant à la victoire
enjambe les fossés qui coupent la route... Ce
portrait n'est pas seulement un beau dessin,
c'est une grande œuvre, l'étude d'un esprit
supérieur, le fruit d'une haute intelligence.
Si tous les documents de l'histoire contempo-
raine venaient à périr, la postérité retrouve-
rait dans ce cadre le prince Napoléon tout
entier. Le voilà bien, ce César déclassé, que
la nature a jeté dans le moule des empereurs
romains, et que la fortune a condamné jusqu'à
ce jour à se croiser les bras sur les marches
d'un trône : fier du nom qu'il porte et des ta-
lents qu'il a révélés, mais atteint au fond du
cœur d'une blessure visible, et révolté noble-
ment contre une fatalité qui, sans doute, ne
pèsera pas toujours sur lui; aristocrate par
l'éducation, démocrate par instinct, fils légi-
time et non bâtard de la Révolution fran-
çaise ; né pour l'action, condamné à l'agitation
sans but et au mouvement stérile ; affamé de
gloire, dédaigneux de la popularité vulgaire,
sans souci du qu'en dira-t-on, trop haut de
cœur pour faire sa cour au peuple ou h l'a
bourgeoisie, suivant la vieille tradition du Pa-
lais-Royal. C'est bien lui qui sollicitait l'hon-
neur de conduire les colonnes d'assaut au siège
de Sébastopol, et qui .est revenu à Paris en
haussant les épaules, parce que les lenteurs
d'un siège lui paraissaient stupides. C'est lui
qui, par curiosité, par désœuvrement, pour
éteindre les ardeurs d'une âme active, est allé
se promener, les mains dans les poches, au
milieu des banquises du pôle Nord, où sir
John Franklin avait perdu la vie. C'est lui qui
a pris d'un bras vigoureux le gouvernement
de l'Algérie... et qui l'a rejeté, parce que ses
mouvements n'étaient pas tout à fait libres.
C'est lui qui, hier encore, au Sénat, s'est placé
d'un seul bond au rang de nos orateurs les
plus illustres, écrasant la papauté comme un
lion du Sahel écrase d'un coup de griffe une
victime tremblante, puis tournant les talons
et revenant à sa villa de la rue Montaigne, où
l'on respire la fraîcheur la plus exquise de
l'élégante antiquité. Si M. Flandrin a laissé
dans l'ombre un côté de cette noble et singu-
lière figure, c'est le côté artistique, délicat,
florentin par où le prince se rapproche des
Médicis. On pouvait, si je ne me trompe, indi-
quer par quelque trait les grâces de cet es-
prit puissant, délicat et mobile, qui étonne,
attire, inquiète, séduit sans chercher à sé-
duire, et enchaîne les dévouements autour de
lui, sans rien faire pour les retenir. » Comme
on voit, le panégyrique est complet.
F A M I L L E B O N A P A R T E
LuciEr* B O N A P A R T E , n é e n 1715, m o r t en
1791, a r c h i d i a c r e , g r a n d - o n c l e de N A P O -
LÉON I
e r
.
C H A R L E S - M A R I E BONAPARTE , p è r e de
N A P O L É O N 1er,
n
é a Ajaccio e n 1744,
m o r t à Montpellier e n 1785, é p o u s a e n 1767
De ce mariage :
MARIE-LAETITIA RAMOL1NO , n é e k Ajaccio
le 24 a o û t Î750, morte à R o m e en 1836,
J O S E P H F E S C H , né en 1763, m o r t en 1839, a r -
c h e v ê q u e de L v o n en 1802, c a r d i n a l e n L803,
f r è r e u t é r i n de M a d a m e M è r e , oncle de
N A P O L É O N 1er.
îo J O S E P H , n é à C o r t e ,
le 7 j a n v i e r 1768. m o r t a
F l o r e n c e le 28 juillet 1844 ;
roi de N a p l e s en 1806, roi
d ' E s p a g n e en 1808; s e r e t i r a
a u x E t a t s - U n i s a p r è s W a -
t e r l o o e t y v é c u t sous le nom
d e comte de Suruiltiers ; il
a v a i t épousé e n 1794 M A R I E -
J O L I E C L A R Y , m o r t e e n 1845.
De ce mariage :
l« ZÉNAÏDE - C H A R L O T T E ,
née à P a r i s en 1 8 0 1 ,
m o r t e à R o m e e n 1854 ;
m a r i é e e n 1832 à son
cousin C H A R I . E S B O N A -
P A R T E , prince de Canino.
î ° C H A R L O T T E , n é e à P a r i s
en 1802, m o r t e k S a r z a n e '
en 1839,; m a r i é e à N A P O -
L É O N - L O U I S en 1831.
20 NAPOLEON i c r , né à A j a c -
cio le 15 a o û t 1769, p r e m i e r
consul e n 1799, e m p e r e u r e n
1804, m o r t a S a i n t e - H é l è n e
le 5 mai 1821; é p o u s a : 1° M a -
r i e - J o s é p h i n e - R o s e T u s c h e r
de L a P a g e r i e , n é e à la Marti-
nique en 1763, m o r t e à la Mal-
maison en 1814; 2° M a r i e -
L o u i s e , a r c h i d u c h e s s e d'Au-
t r i c h e , n é e e n 1791, m o r t e à
P a r m e en 1847.
De ce dernier mariage :
F R A N Ç O I S - C H A R L E S - J O S E P H
(NAPOLÉON 11), roi d e
R o m e , puis d u c de R e i c h -
s t a d t , n é à P a r i s le
20 m a r s 1 8 1 1 , m o r t a
S c h œ n b r u n n le 22 j u i l l e t
1832.
FAMILLE DE BEAU HARNAIS :
î o E U G È N E , n é à P a r i s en 1781,
d u c d e L e u c h t e n b e r g , prince
d ' E i c h s t a d t , vice-roi d Italie,
fils adoptif de NAPOLÉON 1er ;
h é r i t i e r présomptif de la
c o u r o n n e d ' I t a l i e , m o r t à
Munich en 1824 ; m a r i é e n
1806 à la p r i n c e s s e A u g u s t a -
Amélie, tille d u roi de B a -
v i è r e .
De ce mariage :
l o M A X I M I L I E N - J O S E P H ,
d u c de L e u c h t e n b e r g ,
m a r i é en 1839 à u n e fille
du c z a r Nicolas ;
2o J O S É P H I N E , m a r i é e en
1823 à OSCAR B E R N A -
DOTTE , d e p u i s roi de
S u è d e sous le n o m de
C H A R L E S X I V ou C H A R -
L E S - J E A N ;
• 30 E U G É N I E - H O R T E N S E ,
mariée e n 1826 au prince
F r é d é r i c d ' H o h e n z o l -
l e r n - H e c h i n g e n ;
4° A M É L I E - A U G U S T A , m a -
r i é e en 1829àdon P e d r o ,
e m p e r e u r d u Brésil ;
50 A U G U S T E - C H A R L E S , m a -
t
r i é e n 1835 à d o n a M a r i a ,
' r e i n e d e P o r t u g a l , e t
m o r t la m ê m e a n n é e ;
60 T H É O D E L I N E - L O U I S E ,
m a r i é e e n 1841 à Guil-
l a u m e , c o m t e de "Wur-
t e m b e r g .
10 E U G É N I E - H O R T E N S E , n é e à
P a r i s en 1 7 8 3 , m a r i é e en
1802 à L o u i s B O N A P A R T E , roi
de H o l l a n d e , belle-fille dô
N A P O L É O N l e ' e t m è r e de
N A P O L É O N I I I , m o r t e à A r e -
n e n b e r g en 1837.
to L U C I E N , né a Ajaccio en
1775, prince de C a n i n o , m o r t
à Viterbe e n 1840 ; é p o u s a en
1794 : 10 C H R I S T I N E - E L É O -
NORE B O Y K R , m o r t e en 1800 ;
20 en 1802, M A R I E - A L E X A N -
D R I N E - C H A R L O T T E - L O U I S E D E
B L E S C H A M P , n é e en 1 7 7 8 ,
' m o r t e à Sinigaglia en 1855.
Du premier mariage :
10 C H A R L O T T E , n é e e n 1796
a Saint-Maximin, m a r i é e
à R o m e , en 1815, au
p r i n c e Mario Gabrielli;
2° C H R I S T I N E - E G Y P T A , n é e
à P a r i s e n 1798, m o r t e à
R o m e en 1847, m a r i é e
en I818au Suédois Arved
P o s s e , e t en 1824 à lord
Dudley-Coutls.^
Du second mariage :
1° C H A R L E S - L U C I E N - J U L E S -
L A U R E N T , n é à P a r i s en
1803, prince de C a n i n o ,
m a r i é a Z É N A Ï D E - C H A R -
L O T T E , m o r t e n 1857;
2° LAETITIA, n é e à Milan
en 1804 , mariée à T h o .
W y s e . S a fille M A R I E ,
née en 1833, é p o u s a :
1" M. de S o l m s , e t , 2" en
1863,M.UrbanoRattazzi.
Une de s e s s œ u r s s'est
m a r i é e , en 1862, a u g é -
n é r a l h o n g r o i s T i i r r ;
30 P A U L , né en 1808 e t m o r t
en G r è c e en 1826;
40 J E A N N E , n é e à R o m e en
1806, morte en 1828;
5° L O U I S - L U C I E N , n é e n
1813 à T h o r n g r o v e ;
60 P I E R R E - N A P O L É O N , n é •
k R o m e en 1815;
70 A N T O I N E , n é à F r a s c a t i
en 1816;
80 M A R I E , née en 1818,
mariée a u comte V i n -
cenzo Valentini ;
90 CONSTANCE, n é e e n 1823,
aujourd'hui religieuse à
R o m e .
De Charles-Lucien, prince de Canino
et de
Zénaïde-Charlotte, sont nés :
1° JOSEPH-LUCIEN-CHARLES-NA-
POLÉON, né en 182; ;
2° LUCIEN-Louis-JOSEPH- NAPO-
LÉON, né en 1838, prêtre et ca-
mérier du pape Pie IX.
3° JULIE - CHARLOTTE - ZÉNAÏDE-
PAUL1NE - LAETITIA - DÉSIRÉE-
BONAPARTEBONAPARTE (Jérôme-Napoléon), fils aîné
de Jérôme Bonaparte et de la princesse C'a*-
therine de Wurtemberg, né le 24 août 1814.
Après avoir suivi son père dans l'exil à Gop-
pingen, au château d'Elhvangen, à Haimbourg,
a Trieste, à Rome, à Florence et à Lausanne,
il entra dans l'armée de son oncle, le roi de
Wurtemberg, et obtint le brevet de colonel
du 8
e
régiment de ligne. Il remplit.les devoirs
de son grade jusqu'en 1840, où sa santé l'obli-
gea de donner sa démission. Il vécut alors
tranquillement dans la retraite auprès de son
père, qu'il avait été retrouver à Florence.
C'est là qu'il mourut le.12 mai 1847. Il portait
le titre de prince de Montfort, que le roi de
Wurtemberg avait conféré à son père en 1816.
BARTHOLOMÉE
BARTHOLOMÉE , née à Rome en
1830, mariée au marquis de
Boccagiovine, Alex, del Gallon
4° CHARLOTTE - HONORINE - J O S É -
PHINE, née en 1832, mariée en
1848 au comte Primoli;
5° MARIE - DÉSIRÉE - EUQÉNIE-JO-
SÉPHINE-PHILOMÈNE , née à
Rome en 1833, mariée en 1851 ;
6° AUOUSTE - AMÉLIE - MAXIMI -
LIENNE-J ACQUELINE, née à Rome
en 1836, mariée en 18S6 a son
cousin le prince Plac. Gabrielli;
,7ONAPOLÉON-GRÉOOIRE-JACQUF:S-
PHILIPPE, né en 1839, marié en
1859 a Marie-Christine Ruspol i ;
a depuis 1861 le titre d'altesse,
sous le nom de Napoléon'Char-
les Bonaparte.
8° BATHILDE-ALOISE-LÉONIB , née
à Rome en 1840, mariée en
1836 au comte de Cambactfres,
40 M A R I E - A N N E - E L I S A , n é e
à Ajaccio le 3 j a n v i e r 1777,
m o r t e à. T r i e s t e le 7 a o û t
1820 ; m a r i é e en 1797 a Félix
B a c c i o c h i , plus t a r d prince
de L u c q u e s et de Piombino.
De ce mariage :
10 C H A R L E S - J É R Ô M E B A C -
CIOCHI , né e n 1810, m o r t
a R o m e en 1830.
20 N A P O L E O N E - E L I S A , née
en 1806, m a r i é e a u comte
C a m e r a t a ; a r a n g à la
cour a v e c i e s titres de
princesse e t d ' a l t e s s e .
50 L O U I S , n é à Ajaccio le
4 s e p t e m b r e 1778, m o r t à
L i v o u r n e l e 24 juillet 1846,
roi de Hollande en 1806, a b -
diqua en 1810, prit le titre de
comte de Saint-Xeu; m a r i é
le 4 j a n v i e r 1802 a E n g é n i e -
H o r t e n s e de B e a u h a r n a i s ,
fille de J o s é p h i n e .
De ce mariage :
10 N A P O L É O N - C H A R L E S , né
à P a r i s e n 1802, héritier
présomptif du t r ô n e de
Hollande , m o r t à L a
H a y e e n 1807 ;
2° C H A R L E S - N A P O L É O N -
L o u i s , n é à P a r i s e n
1804, g r a n d - d u c de B e r g
e t de Clèves , marié a
s a c o u s i n e C H A R L O T T E ,
fille de J o s e p h , m o r t a
Forli s a n s p o s t é r i t é , en
1831;
90 C H A R L E S - L o u i s - N A P O -
LÉON, n é à P a r i s le 20
a v r i l 1808 j p r é s i d e n t d e
l a République le 10 d é -
c e m b r e 1848, e m p e r e u r
des F r a n ç a i s le 2 d é -
c e m b r e 1852, sous te n o m
de NAPOLÉON I I I ; a
épousé le 29 j a n v i e r 1853
E U G É N I E - M A R I E D I Î . G U Z -
MAN, comtesse de T é b a ,
n é e le 5 mai 1826.
Le ce mariage :
NAPOLÉON-EUOÈNE-LOUia-
JEAN-JOSBPH , né le 16
mars 1856, prince impé-
rial, héritier présomptif
du trône de France.
30 M A R I E - P A U L I N E , n é e à
Ajaccio le 20 s e p t e m b r e 1780,
d u c h e s s e de G u a s t a l l a , m o r t e
a F l o r e n c e , s a n s laisser d'en-
fants, le 9 j u i n 1825 ; m a r i é e :
1° en 1801, a u g é n é r a l L e -
clerc , 20 l e 28 a o û t 1803 a u
prince Camille B o r g h è s e .
70 C A R O L I N E - M A R I E - A N -
N O N C I A D E , n é e ' à Ajaccio
le 25 m a r s 1782, m o r t e à
F l o r e n c e le 18 m a i 1839 ;
grande-duches'se d e B e r g e t
de C l è v e s , reine de N a p l e s
en 1808; prit plus t a r d le t i -
t r e de c o m t e s s e de Lipona,
a n a g r a m m e d e Napoli ( N a -
p l e s ) ; m a r i é e à JOACHIM
M U R Â T le 20 j a n v i e r 1800.
De ce mariage :
10 N A P O L É O N - A C H I L L E -
C H A R L E S - L O U I S - M U R A T ,
n é le 21 j a n v i e r 1801,
m o r t le 15 a v r i l 1847;
8° L ^ E T I T I A - J O S È P H E , n é e
le 25 a v r i l 1802, m a r i é e
a u m a r q u i s d e P e p o l i a
Bologne ; ,
3 ° L I Î C I E N - C H A R L E S - J O S E P H
F R A N Ç O I S - N A P O L É O N M U -
RATJ n é l e 16 mai 1803,
m a r i é e n 1827 à miss
F r a s e r :
~i
De ce mariage :
1° CAROLINE, née en 1830,
mariée en 1856 au baron
de Chassiron;
2° JOSEPII-JOACHIM-NAPO-
LÉON, né en 1831 ;
3* ACHILLE, né en 1835;
4° ANNA, née en 1838;
5° Louis-NAPOLÉON, né
en 1852.
4° LOUISE-JTJLIE-CAROLINE,
n é e le 22 m a r s 1805 ,
m a r i é e a u comte d e R o s -
poni, à R a v e n n e .
jo J E R O M E , n é à Ajaccio l e
15 n o v e m b r e 1784, m o r t a u
c h â t e a u de Villegenis,(Seine-
e t - O i s e ) , le 24 juin 1860;
roi de W e s t p h a l i e du l^r dé-
c e m b r e 1807 a u 26 octobre
1813 , p r i n c e de Montfort
a p r è s 1814; g o u v e r n e u r d e s
Invalides en 1848 et m a r é -
c h a l d e F r a n c e en 1850;
m a r i é : 10 le 24 d é c e m b r e
1803, à miss E l i s a P a t e r s o n
de B a l t i m o r e ( E t a t s - U n i s ) ,
ce m a r i a g e fut cassé ; 2° le
22 a o û t 1807, à l a princesse
C a t h e r i n e de W u r t e m b e r g .
Du premier mariage :
J É R Ô M E B O N A P A R T E , n é l e
7 j u i l l e t 1805, k C a m b e r -
w e l l , comté de S u r r e y
( A n g l e t e r r e ) , qui é p o u s a
l e 9 m a i 1829 miss S u -
z a n n e G a y .
Du second mariage :
1° J É R Ô M E - N A P O L É O N -
C H A R L E S , p r i n c e de
Montfortj n é à T r i e s t e
le 24 août 1814, m o r t à
F l o r e n c e le 12 mai 1847 ;
2° M A T H I L D E - L A E T I T I A -
W I L H E L M I N B , n é e à
T r i e s t e le 27 mai 1820;
m a r i é e l e 1er n o v e m b r e
1840 a u c o m t e r u s s e
v Anatole Demidoff, prince
d e S a n Donato, d o n t elle
e s t s é p a r é e d e c o r p s e t
d e biens depuis 1845;
3° N A P O L É O N - J O S E P H -
C H A R L E S - P A U L , n é .à
T r i e s t e le 9 s e p t e m b r e
1822, qui a épousé le
30 j a n v i e r 1859 l a p r i n
r
c e s s e Marie - Clotude ,
fille du roi V i c t o r - E m m a -
n u e l ; aujourd'hui connu
sous le nom de Prince
Napoléon.
Du mariage du prince Napoléon
et de
la princesse Clotildé :
1<> NAPOLÉON-VICTOR-JÉ-
RÔME-FRÉDÉRIC, né a
Paris le 18 juillet 18n2;
2° NAPOLÉON - LOUIS-JO-
SEPH-JÉRÔME, né à Pa-
ris le 16 juillet 1864.
8° MARIB-LJBTITIA-EUQÉ -
NIE • CATHERINE • ADÉ •
LAlDB, née le 20 décem
bre 1866.
958
BONA
BONAPARTISMEBONAPARTISME s. m. (bo-na-par-ti-sme
— du nom de Napoléon Bonaparte, empereur
des Français). Polit. Système, idée politique
de Napoléon Bonaparte et de ses partisans :
Centralisation et omnipotence du pouvoir ; pas
plus de liberté qu'on n'en peut concilier avec
ce principe; voilà le fond du BONAPARTISME.
Il Attachement au gouvernement impérial
, fondé par Napoléon et à sa dynastie : Le pro-
cureur impérial seul fut destitué, soupçonné
qu'il était de tiédeur en BONAPARTISME. (Alex.
Dum.) Il y avait comme un bruit qui courait,
que ce malheureux était dans son temps un
officier de marine détenu pour BONAPARTISME.
(Alex. Dum.) Ses opinions avaient une teinte
de patriotisme et de BONAPARTISME. (Balz.)
B O N A P A R T I S T E adj. (bo-na-par-ti-ste '—
du nom de Napoléon Bonaparte, empereur
des Français). Polit. Qui est partisan des
Bonapartes, de leur dynastie ou de leur sys-
tème ; qui a rapport au parti politique de
cette famille : Elle a des opinions, elle est
BONAPARTÉEBONAPARTÉE s. f. (bo-na-par-té — du nom
de Bonaparte). Bot. Genre de plantes, de la
famille des broméliacées, comprenant un petit
nombre d'espèces, qui croissent dans l'Amé-
rique tropicale, il On a donné aussi ce nom à
un genre de la famille des amaryllidées, créé
aux dépens du genre agave, et réuni aujour-
d'hui de nouveau à ce dernier. H On dit aussi
BONAPARTIB.
Bonapertiana, titre donné à un recueil
A'an.i, traits, calembours, attribués à Bona-
E
arte , ou qui se rapportent à. sa personne,
'histoire a ses petits côtés, qui ne sont ni
les moins instructifs ni les moins intéressants.
Sans doute, cette partie anecdotique ne nous
donnera pas le secret des grandes révolutions
des empires, mais elle nous fera entrer plus inti-
mement dans le caractère d'un homme célèbre,
qu'un trait, une saillie éclaireront d'un jour
nouveau et inattendu! Derrière le héros, il y
a l'homme ;' derrière la statue de bronze, la
nature de chair et d'os, et c'est là ce que nous
aimons aconnaître, ce que nous demandons aux
indiscrétions de l'histoire. Si les Mémoires, les
Souvenirs et autres livres du même genre ob-
tiennent tant de faveur auprès du public, c'est
qu'ils lui montrent l'homme privé, bien plus
que le guerrier ou le législateur.
Les anecdotes n'ont pas manqué sur Napo-
léon et sa cour; chez lui, ce qu on remarque,
ce ne sont pas, à proprement dire, de ces re-
parties fines, ingénieuses, qui forment le ba-
gage ordinaire de certains écrivains ; car on a
dit très-justement de lui qu'il avait autant
d'esprit que Voltaire, mais qu'il dépensait au-
trement cette menue monnaie. Ce sont des
réponses brèves, mais profondes ; des traits à
l'emporte-pièce, qui entraient d'autant plus
profondément dans la plaie qu'ils tombaient de
plus haut. L'homme s y retrouve tout entier,
profond et impérieux, même lorsqu'il plai-
sante. *
*
Bonaparte disait d'Augereau : • C'est un
brave très-propre à décider une action ; mais
sa grosse franchise ine déplaît; nous ne nous
entendons que sur un champ de bataille. »
Bonaparte disait d'abord aux généraux qui
l'accompagnaient : « Vous avez bien com-
battu 1 « Plus tard, il se*modifia ainsi: « Nous
avons bien combattu I » 11 finit par cette for-
mule : « Convenez que j'ai gagné là une belle
bataille. •
» »
Un officier prussien disant devant Bona-
parte que ses compatriotes ne se battaient que
pour la gloire, tandis que les Français se bat-
taient pour de l'argent : <• Vous avez bien rai-
son,- répondit le futur empereur, chacun se
bat pour acquérir ce qui lui manque. •
On parlait de Turenne devant Bonaparte,
alors âgé de quatorze ans, et l'on faisait l'é-
loge de ce capitaine. Une dame se mit à
dire : a Oui, c'était un grand homme, mais je
l'aimerais mieux s'il n'eut point brûlé le Pa-
latinat? « — « Qu'importe? reprit vivement le
jeune Bonaparte, si cet incendie était néces-
saire à l'exécution de ses plans. •
Un chambellan, qui avait oublié l'heure du
lever de l'empereur, lui dit : • Pardon 1 sire,
'e n'ai pu arriver à temps, étant tombé au mi-
ieu d'un embarras de rois. • Cette flatterie
valait mieux que toute excuse.
il
Un jour Napoléon, jouant au vingt-etrun,
avait devant lui une grande quantité d'or.
• N'est-ce pas, dit-il à Rapp, que les Alle-
mands aiment bien ces petits napoléons? —
Oui, sire, bien plus que le grand, répliqua
le spirituel aide.de camp. »
Un général étant.venu se plaindre à Napo-
léon que sa femme le trompait avec le roi de
Naples, celui-ci lui répondit : • Hél mon cher,
je n'aurais pas le temps de m'occuper des af-
faires de l'Europe si je me chargeais de venger
tous les cocus de ma cour. »
Napoléon disait un jour de M- B***, plat
courtisan qui se courbait jusqu'à terre : « Je ne
sais comment cela se fait, ce M. B*** est un
géant; il a six pieds, je n'en ai que cinq, et
cependant, toutes les fois qu'il me parle, je
suis obligé de me baisser pour l'entendre. •
*
Caroline, grande-duchesse de Berg, se plai-
gnait un jour à l'empereur de Ce qu il n'avait
pas encore songé à lui donner une couronne :
« Vos plaintes m'étonnent, lui répondit celui-ci :
on dirait vraiment, à vous entendre, que je
vous ai privée de la succession de votre père. •
Quand M. Séguier, nommé premier prési-
dent de la cour d'appel, fut présenté à l'empe-
reur; celui-ci ne put s'empêcher de lui dire :
« Monsieur Séguier, vous êtes bien jeune! —
Sire, répliqua le spirituel magistrat, j'ai l'âge
qu'avait Votre Majesté quand elle gagna la
bataille de Marengo. »
Napoléon, avec ses manières brusques, n'of-
frait pas toujours le.modèle de la galanterie
BONA
française. Un jour, il s'approche d'une dame
de l'impératrice, et lui dit à brûle-poprpoint :
« Eh bien! madame, aimez-vous toujours les
hommes? — Oui, sire, répondit celle-ci, quand
ils sont polis. »
» •
Napoléon vint un jour à la maison de Saint-
Denis; les élèves étaient si contentes de le
voir, qu'elles l'entouraient et se livraient
à la joie la plus bruyante. La surintendante
voulut leur imposer silence : • Laissez, lais-
sez ! dit l'empereur, cela fait du mal à la tête,
mais du bien au cœur. • - «
Un des courtisans de l'empereur vantait un
jour devant lui la beauté d'une femme de la
cour: a Elle est incomparable, disait-il; ce
sont des yeux enchanteurs, une bouche de
rose, des bras d'albâtre, une taille de reine...
— Ajoutez donc aussi un* pied de roi, » re-
prit Napoléon, qui cachait une vérité dure sous
un jeu de mots.
» •
„ Napoléon disait un jour à M. de Talleyrand :
à On assure, monsieur, que vous êtes fort
riche. — Oui, sire. — Comment avez-vous donc
fait? vous étiez loin de l'être sous la Répu-
blique. — Il est vrai, sire ; mais j'ai acheté le
17 brumaire tous les fonds publics que j'ai
trouvés sur la place, et je les ai revendus le
surlendemain. » Il était difficile d'être plus
spirituellement flatteur.
On connaît les malencontreux exploits du
général Sébastiaui en Espagne, lequel s'ex-
cusait toujours sur ce quil avait été surpris
par les ennemis. Un jour que Napoléon rece-
vait une dépêche où la même excuse était for-
. mulée pour la vingtième fois, il se tourna vers
son état-major en disant : « Ma foi 1 messieurs,
Sébastiani me fait marcher de surprise en
surprise. »
* »
Napoléon décora un jour Crescentini le cas-
trat, chanteur d'un rare mérite; beaucoup de
bruit se fit autour de cette décoration, qui n'é-
tait pourtant pas celle de la Légion d'honneur,
mais seulement celle de la.Couronne de fer.
A ce propos, M
m e
Granini dit : a Je pense que
Napoléon a bien'fait de lui donner cet ordre,
et il le mérite, ne fût-ce qu'à cause de ses
blessures. » Quand on rapporta ce mot à l'em-
pereur, il en rit beaucoup.
Après avoir vu jouer la tragédie à'Aga-
memnon, Napoléon dit à Lemercier : « Votre
pièce ne vaut rien : de quel droit ce Strophus
tait-il des remontrances à Clytemnestre? ce
n'est qu'un valet. — Non, sire, répondit Le-
mercier, ce n'est point un valet, c'est un roi
détrôné, ami d'Agamenmon. — Vous ne con-
naissez donc guère les cours, reprit Napoléon ; •
à la cour, le monarque seul est quelque chose,
les autres ne sont que des valets. »
» »
Napoléon, qui avait pour la musique un goût
assez prononcé, ne pouvait souffrir Grétry, et
lui dont la mémoire était si sûre, qui n'a-
vait jamais oublié un seul nom, faisait tou-
jours semblant de ne pas se rappeler celui de
l'auteur de Richard Cœur de Lion. Un jour
que Grétry était venu aux Tuileries avec une
députation de l'Institut, l'empereur, s'approcha
de lui, et lui demanda, pour la vingtième fois
peut-être, comment il s'appelait. « Toujours
Grétry, » sire, répondit le musicien.
Méhul, qui connaissait le faible de l'empe-
reur pour la musique italienne, voulut lui jouer
un tour de sa façon ; il se fit faire un libretto
assez absurde pour avoir une apparence ita-
lienne; et en composa aussitôt la musique. Le
soir de la première représentation de Ylrato,
que tout le monde croyait venu d'Italie, l'em-
pereur fut transporté d'enthousiasme. Quand
il entendit nommer les auteurs, il ne laissa
pas d'être un peu surpris; mais il s'en tira
avec esprit : se tournant vers Méhul, il lui
dit : « Attrapez-moi toujours ainsi. »
On sait que Napoléon n'était pas tendre pour
les fournisseurs, et qu'il épluchait sévèrement
leurs mémoires. Un jour qu'il jetait les yeux
sur le compte de l'un d'eux, nommé Voilant,
il relève brusquement la tête, regarde fixe-
ment le fournisseur et lui dit : « Voilà un sin-
tulier nom, monsieur, pour un fournisseur.—
ire, répondit celui-ci, je prendrai la liberté
de faire remarquer o,ue mon nom s'écrit avec
' deuxZ. — Ehl monsieur, repartit finement et
en souriant l'empereur, avec deux ailes, on
n'en vole que mieux. »
On recommandait à Napoléon un général qui
avait fait beaucoup de campagnes, et devait
par cela même avoir acquis les talents néces-
saires pour commander. • Ces talents-là ne
s'acquièrent point, répondit l'empereur; ils
naissent avec Vhomine. Consultez le maréchal
de Saxe, il vous dira qu'un âne, eût-il fait vingt
campagnes sous César, ne serait qu'un âne à
la vingt-et-unième. » Napoléon se rapprochait,
sans s'en douter, des Persans, qui ont un pro-
verbe à peu près semblable : « Si Vâne dû Christ
allait à La Mecque, disent-ils, il en reviendrait
âne. »
Napoléon avait dîné chez un de ses ma-
BONA •
réchaux, en compagnon d'armes plutôt qu'en
souverain. Après le repas, on apporta une
table de jeu, et les cartes circulèrent jusque
vers minuit. L'empereur se leva alors et s a-
vança pour prendre son chapeau, qui avait été
suspendu à une patère assez élevée. Comme
la petite taille de Napoléon l'empêchait d'y
atteindre, un officier d état-major, nomme su- ;
perbe de cinq pieds huit pouces, s'empressa I
d'accourir en disant : « Pardon, sire, je suis j
plus grand que Votre Majesté... • L'empereur
se retourna vivement, et, le regardant avec
un sourire et un œil brillant de malice : « Vous
voulez dire plus long, monsieur. »
Si l'on consulte le Moniteur, après le dé-
part de l'Ile d'Elbe, on y trouvera graduée la
marche de Napoléon vers Paris, avec les-modi-
fications que son approche produisait dans les
opinions du journal : • L'anthropophage est
sorti de son repaire... L'ogre de Corse vient de
débarquer au golfe Juan... Le tigre est arrivé
à Gap... Le monstre a couché à Grenoble... Le
tyran a traversé Lyon... L'usurpateur a été
vu à soixante lieues de la capitale... Bonaparte
s'avance à grands pas, mais il n'entrera ja-
mais à Paris... Napoléon sera demain sous
nos remparts... L'Empereur est arrivé à Fon-
tainebleau... Sa Majesté impériale a fait son
entrée hier au château des Tuileries, au mi-
lieu de ses fidèles sujets. »
C'est YExegimonumentum du journalisme ; il
aurait dû ne rien faire depuis, car il ne fera
jamais rien de mieux.
En 1810, Napoléon et Marie-Louise visitaient
IÊS villes du Nord peu de temps après leur
mariage. Ils arrivèrent dans une petite ville de
Hollande, dont le bourgmestre, qui se piquait
d'être un disciple d'Apollon, avait fait inscrire
ce distique sur un arc de triomphe : '
Il n'a pas fait une sottise
En épousant Marie-Louise.
Pour récompenser dignement cette inspira-
tion poétique, l'empereur lui dit, en lui remet-
tant une tabatière enrichie de diamants :
Quand vous y prendrez une prise,
Rappelez-vous Marie-Louise.
BONAPARTISTES,BONAPARTISTES, sire. (Alex. Dum.) Der-
nièrement, on a eu avis que des réunions BONA-
PARTISTES avaient lieu rue Saint -Jacques.
(Alex. Dum.) Il parait qu'on vient de décou-
vrir U7i petit complot BONAPARTISTE. (Alex.
Dum.) Une des particularités du caractère
BONAPARTISTE;BONAPARTISTE; elle m'a fort amusé quand elle
m'a dit cela. (Fr. Soulié.) Les montagnards
sont
BONAPARTISTE,BONAPARTISTE, en 1830, n'existait guère.
(Peyrat.)
— Substantiv. Partisan de Bonaparte, de
sa dynastie ou de ses idées : Les adversaires
de tout principe constitutionnel se sentent bien
plus d'analogie avec les BONAPARTISTES qu'a-
vec les amis de ta liberté. (M"" do Staël.)
Dites-lui de ne pas intriguer avec les BONA-
PARTISTES, comme il fait pour cette salle de
spectacle. (Balz.)
BONAPARTISTE,BONAPARTISTE, c'est la foi dans la puissance
du sabre, la certitude de la prééminence
du militaire sur le civil. (Balz.) Le parti
BONAR,
BONAR, bourg d'Espagne, province et à
33 kilom. N.-E. de Léon, sur la rive gauche
de la Porma ; 2,175 hab. Fabrication et com-
merce de draps, toiles, quincaillerie et chaus-
sures.
BONARDBONARD s. m. (bo-nar). Techn. Ouverture
des arches dans les verreries.
BONARD
BONARD (Louis-Adolphe), marin français,
né à Cherbourg en 1805. En sortant de l'Ecole
polytechnique, il entra dans la marine, passa
en qualité d'aspirant sur le brick le Silène,
?
[ui échoua en 1830 sur la côte d'Algérie, et fut
ait prisonnier avec une partie de l'équipage
commandé par le lieutenant Bruat. Délivré à
la suite de la prise d'Alger, après avoir souf-
fert de cruels tourments, il fut nommé ensei-
gne de vaisseau, puis successivement lieute-
nant de vaisseau (1835), capitaine de corvette
(1842) et capitaine de vaisseau (1847). Com-
mandant de la station navale de l'Océanie de
1849 à 1852, il fut chargé, de 1853 à 1855, du
gouvernement de la Guyane, où il fonda des
établissements de terre ferme, et revint en
Franceavecle grade de contre-amiral(l855).
Après avoir rempli pendant deux ans les
fonctions de major général à Brest, il reçut,
en 1858, le cnimmmdement des (livrions na-
BONA
vales des côtes occidentales de l'Amérique et
de l'Océanie, et, en 1861, le commandement
en chef des forces françaises en Cochin-
chine.
Arrivé à son poste au mois de novembre,
au moment où la France était en guerre avec
ce pays, il entra en campagne le 5 décembre,
attaqua l'ennemi avec la plus grande vigueur,
prit Go-Cong, battit l'année annamite du nord,
s'empara de Bien-Hoa, ville importante dont
il détruisit la citadelle, remporta une nouvelle
victoire à Long-Cap (19 janvier 1862), soumit
trois jours après Phuc-Thuan, puis, se re-
tournant vers l'armée annamite du sud avec
un petit corps de troupes d'une bravoure à
toute épreuve, il la mit en fuite et termina
cette courte et brillante campagne en s'em-
parant, le 22 mars 1862, de la citadelle de
Vinh-Long, dont la possession rendait la
France complètement maîtresse de la pro-
vince de Bien-Hoa. M. Bonard donna alors
tous ses soins à l'organisation de, la conquête.
Il fonda un journal annamite pour éclairer
les populations, organisa une compagnie co-
chinchinoîse, remit l'administration du pays à
des fonctionnaires qu'il choisit parmi les in-
digènes les plus influents, fit tracer des routes,
curer les canaux, etc., et reçut de l'empereur
Tu-Duc des propositions de paix, qui amené- i
rent le traité de Saïgon (5 juin). En récom-
pense de ses services, M. Bonard fut nommé,
le 25 du même mois, vice-amiral. Devenu gou-
verneur de la colonie française, il prit posses-
sion des îles de Poulo-Condor, où l'on peut
créer un excellent port de ravitaillement, puis
il eut à. lutter contre une insurrection, qui
éclata dans la basse Cochinchine en janvier
18G3. Grâce aux mesures promptes et éner-
giques que prit M. Bonard, en moins d'un
mois, l'insurrection était vaincue et la Co-
chinchine pacifiée. Bientôt après, il revint en
France, rapportant la ratification du, traité
de Saïgon, avec une lettre en vers de Tu-
Duc à Napoléon III. Depuis son retour,
M. Bonard a été appelé à la préfecture mari-
time de Rochefort (1863) et nommé membre
du conseil de l'amirauté.
c
BONARDOBONARDO (Jean-Marie), polygraphe ita-
lien, né à Fratta au xvie siècle. Il a publié de
nombreux ouvrages, notamment : Madrigali
(1563); la Richezze dell'agricoltura (1584);
Délia miseria e eccellenza délia vita^ umana
(1586); la Miniera del mondo (1586).
BONARELLI
BONARELLI DELIA ROVERE (Guildu-
baldo), poëte et littérateur italien, né à Ur-
bin en 1563, mort en 1608. Doué d'une vive
et précoce intelligence, il passa à douze ans
une thèse de philosophie à Ferrare, fut en-
voyé en France pour y terminer ses études,
et fit preuve d'un tel savoir que le collège de
Sorbonne lui offrit, à dix-neuf ans, d'occuper
une ckaire de philosophie. Bonarelli refusa et
revint en Italie. Le duc de Ferrare, Alphonse
d'Esté, se l'attacha et l'employa dans diverses
affaires "politiques de la plus haute impor-
tance, dont il s'acquitta avec une rare habi-
leté. Ce prince étant mort, Bonarelli fut ap-
pelé par le duc de Modène, qui lui donna di-
vers postes diplomatiques, et notamment l'en-
voya en ambassade près de Henri IV. Il passa
les dernières années de sa vie dans la culture
des lettres, fut un des fondateurs de l'Acadé-
mie dei Intrepidi à Ferrare, devint major-
dome du cardinal d'Esté, et mourut à Fana
en se rendant à Rome. Bonarelli doit sa répu-
tation littéraire à un drame pastoral : Filh di
Sciro (Philis de Sciros, Ferrare, 1607, in-4
succès non moins grand sur le théâtre de
San Lorenzo. Cette pastorale a été placée
f
)resque sur la même ligne que YAminta et
e Pastor fido. Elle a eu plusieurs éditions, et
a été souvent traduite en français : par Si-
mon Ducros (1630, en vers) : par Pichon, de
Dijon (1631); par Dubois de Saint-Gelais
(1707, 2 vol.), etc. Comme toutes les composi-
tions de ce genre, la Filli di Sciro nous
transporte dans un monde de convention, au
milieu d'aventures extraordinaires. On y cher-
cherait vainement delà vérité dans les carac-
tères, de la vraisemblance et du naturel dans
les incidents ; mais on y trouve de l'esprit, de
la délicatesse, des peintures gracieuses. Mal-
gré son succès, la pièce de Bonarelli donna
lieu, dès le début, à des critiques fort vives;
elles avaient surtout pour objet le caractère
de Celia, qui, amoureuse de deux bergers en
même temps, et ne sachant à qui donner la
préférence, veut se tuer de désespoir. Pour
défendre cette invention, Bonarelli composa
des discours qu'il prononça à l'Académie dei
Intrepidi, et qui furent publiés sous le titre
de Discorsi in defensa del doppio amor délia
sua Celia (Ancône, 1612). C'est sur une don-
née à peu près identique que M"»e Emile de
Girardin a fait rouler tout l'intérêt de son ro-
man intitulé : Marguerite ou les Deux amours.
BONARELLIBONARELLI DE1.LA ROVERE (Prosper),
poète et littérateur italien, frère du précé-
dent, né en 1588, mort à Ancône en 1659.
Il fut employé par plusieurs princes, et s'at-
tacha surtout au grand-duc de Toscane, qui
le nomma gentilhomme de sa chawbre. Mem-
bre de l'Académie des Intrepidi ; il fonda à
Ancône celle des Caliginosi (1624), dont il
devint le président perpétuel. Il composa pour
le théâtre un assez grand nombre d'œuvres :
les tragédies : il Solimano (Venise, 1619), e t »
Medoro incoronato (Rome, 1645); trois comé-
dies en prose : gli Abbagli felici; i Fuggitivx
amanti et lo Spedale (Macerata, 1646); des
BONA
Melodrammi da rappresentarsi in musica ou "
drames en musique (Ancône, 1647, in-4°) ; une j
pastorale tragi-comique intitulée : Imeneo (Bo- j
logne, 1641), etc. Enfin on a de lui: Délia [
fortuna d'Érosmando e Floridalba, istoria
(1642), etc. — Son fils, Pierre BONARELLI
DELLA ROVERE, s'adonna comme lui à la
poésie dramatique, et accompagna en France,
en 1640, le légat Mazarini. On a de lui un
recueil de pièces de théâtre, sous le titre
de : Poésie dramatiche (Rome, 1655). Il a
publie aussi Poésie liriche (Ancône, 1655),
et Discorsi academici (Rome, 1658).
BONAROTE
BONAROTE s. f. (bo-na-ro-te). Bot. Syn.
d e P^EDEROlB.
BONARTBONART ou BONNART (Jean), chirurgien
français, mort en 1638. Il fut prévôt de l'ancien
collège de chirurgie de Paris, et publia, entre
autres ouvrages : la Semaine de médicaments
observés des chefs-d'œuvre des maitres barbiers
de Paris (Paris, 1629, in-8°), livre dans lequel
il donne une idée des connaissances exigées
pour la maîtrise, dans l'ancienne communauté
de Samt-Côme.
BONASE
BONASE s. m. (bo-na-ze — du gr. bonasos,
bœuf sauvage). Mamm. Nom donné par les
anciens à un taureau sauvage que Buffon
croit être le bison, il Aujourd'hui, section du
genre bœuf, qui comprend le bison et l'au-
rochs : Le groupe des BONASES est caractérisé
surtout par la présence de plus de treize pai-
res de cotes. (A. Geoffr.-St-Hil.)
— Encycl. Longtemps on a confondu ou
réuni l'aurochs et le bison, qui composent le
groupe zoologique des bonases. L'aurochs est
le seul qui se voie encore à l'état sauvage, en
Europe; on ne le trouve plus que dans les fo-
rêts de la Moldavie, dans'celles de Grodno et
dans quelques autres parties de l'empire russe.
Le bison se rencontre dans certaines contrées
de l'Amérique du Nord; il est originaire des
plaines du Missouri. L'aurochs a quatorze
?
aires de côtes, et le bison en a quinze. Dans
un et l'autre, la partie antérieure du corps
est tellement grossie par les apophyses épi-
neuses et les muscles qui les* recouvrent, que
la partie postérieure semble grêle. Dans ces-
bonases, les orbites sont très-saillantes, et le
front, fuyantsur les côtés, légèrement bombé.
La moitié antérieure du corps est couverte
d'une épaisse fourrure de poils grossiers, qui
forment d'énormes crinières chez les vieux
mâles, et leur donnent un aspect redoutable.
Cette fourrure est composée en dessus de
longs poils roides, très-rudes, et par-dessous
d'une laine fine et douce. Ils portent aussi
sous leur menton une touffe de poils qui rap-
pelle ce qu'on voit dans le genre des chèvres.
La queue du bison est courte et garnie infé-
rieurement d'un bouquet de poils assez allon-
gés. Les cornes des mâles sont très-fortes,
mais courtes; leur forme peut être comparée"
à celle d'un croissant. Chez les femelles, lés
cornes sont plus légères, la bosse du dos est
moins sensible, la crinière rudimentaire, et la
barbe du menton moins longue. La couleur
des bisons est d'un brun noirâtre. Le naturel
de ces animaux.est farouche; les mâles sont
très-dangereux quand ils sont attaqués. Pour
combattre, les mâles se rangent en cercle et
présentent leurs cornes aux agresseurs, tan-
dis que les femelles et les veaux sont réunis
au centre. Ces animaux, répandus jadis dans
presque toutes les parties des Etats-Unis, ne se
montrent plus que sur un petit nombre de
points. A mesure que l'homme avance dans les
terres, les troupeaux de bisons se retirent. On
en voit encore de nombreux qui émigrent, sui-
vant les saisons, pour trouver leur nourriture,
dans les territoires du Missouri et de VArkan-
sas, que les Indiens habitent presque seuls.
Pendant la saison chaude, les bisons vivent
dans les savanes ; l'hiver, ils se retirent dans
les forêts. On dit oue ces animaux, dont la
force est considérable, ont été employés aux
travaux agricoles ; mais pour cela, il faut s'em-
parer des bisons jeunes, qui, quoique farou-
ches, s'assouplissent aux exigences du travail.
Les taureaux d'Europe ne saillissent pasfaci-
lementlesbisonnes ; mais les bisons n hésitent
pas a couvrir les vaches, et produisent des
animaux qui, tenant des deux espèces, se re-
produisent entre eux et avec les deux espè-
ces qui leur ont donné naissance. Ce croise-
ment est dangereux, car la parturition des
vaches saillies par un taureau oison est très-
pénible, et cause souvent la mort de la mère.
A l'industrie le bison fournirait de la laine
fine qu'il porte sous son poil ; à l'alimentation,
sa viande, qui est de bonne qualité. Les bisons
peuvent acquérir un poids dé 800 à 1,000 kil.
et donnent près de 75 kilogr. de suif. La
hanche et l'épaule paraissent être les meil-
leurs morceaux, quoique certains voyageurs
regardent la bosse comme la partie la plus
délicate.
BONASIOBONASIO ou BONASIA (Bartolommeo ) ,
sculpteur et peintre italien, né à Modène,
mort vers 1527. Il était très-habile à travailler
le bois et excellait particulièrement dans les
ouvrages de marqueterie. Roland de Virloys,
dans son Dictionnaire d'architecture, cite
comme un chef-d'œuvre les stalles du chœur
de l'église des Augustinsde Modène, dans les-
ouelles B.onasio a introduit des arabesques,
des animaux et d'autres figures d'un style
• BONA
très-original. Lanzi parle aussi avec éloges
d'un tableau exécuté par cet artiste pour le
couvent de Saint-Vincent,'dans sa ville na-
tale.
BONASONE
BONASONE (Giulio), peintre et graveur ita-
lien, né à Bologne vers 1510, mort à Rome
après 1572. Il fut élève, pour la peinture, de
Lorenzo Sabbattini, mais il eut peu de mérite
en ce genre, et n'exécuta d'ailleurs qu'un pe-
tit nombre de tableaux. Il s'adonna principa-
lement a la gravure, dont il apprit les prin-
cipes sous la direction du célèbre Marc-Antoine
Raimondi. Il se montra habile dans le dessin
des figures^ mais il traita avec négligence les
autres parties de ses compositions, particu-
lièrement le feuille des arbres. Il-dut avoir,
d'ailleurs, un faire très-expéditif, car on lui
attribue plus de 350 estampes. Dans ce nom-
bre, on distingue : la Création d'Eve Judith,
Jéfus expirant, une Pietà, une Sainte Fa-
mille, un Prophète et une sibylle ; le Jugement
universel, d'après Michel-Ange; la Bataille
de Constantin contre Maxence, la Sortie de
l'arche, la Coupe trouvée dans le sac de Ben-
jamin , la Sainte Famille au palmier, la
Sainte Famille aux ruines., Sainte Cécile et
quatre autres saints, l'Apparition du Christ à
saint Pierre, la Toilette de Vénus ,^Vénus et
Cupidon; l'Enlèvement d'Europe, d'après Ra-
phaël; la Manne-dans le désert, la Sainte
Famille, le Mariage de sainte Catherine, la
Vierge, saint Bernardin et saint Jérôme;
Circé, d'après le Parmesan; Saint Georges
combattant le dragon, Y Education de Jupiter,
Neptune et ta nymphe ; Flore, le Temps,
d'après Jules Romain ; Jésus au Jardin des
Oliviers, la Mise en croix, la. Mise au tom-
beau, le Repos de la sainte Famille, d'a-
près le Titien; Saint Marc, Saint Paul prê-
chant, Saint Paul chassant le démon; Saint
Pierre et saint Paul guérissant un boiteux,
d'après Pierino del Vaga ; la Naissance de
saint Jean-Baptiste, d'après Giacomo Floren-
tine -, le Cheval de Troie, d'après le Prima-
tice ; Clélie traversant le Tibre, Scipion
blessé en combattant Annibal, d'après Poli-
dore Caldara. Bonasone a gravé beaucoup
d'autres sujets de sa composition ou d'après
des auteurs inconnus, notamment : les Mys-
tères de la vie et de la passion de Jésus-Christ
(suite de 28 pièces) ; les Amours des Dieux
(20 pièces) ; l'Histoire de Junon (22 pièces) ;
le Triomphe de l'Amour; Mercure et les filles
d'Aglaure ; Hercule emmenant les troupeaux
de Géryon; Silène sur un âne; Jason et Médée;
des Satyres et des nymphes se baignant; les
portraits de Raphaël, de Michel-Ange, du car-
dinal Bembo, du pape Marcel II, de Phi-
lippe II, roi d'Espagne ; 150 pièces historiques
ou allégoriques (quelques-unes d'après Ra-
phaël, Michel-Ange, le Parmesan et Pro-
spero Fontana), pour le livre d'Achille Boc-
chius, intitulé : Symbolicaritm quœstionum...
libri quingue (1555).
BONASIE
BONASIE s. f: (bo-na-zî — du gr. bonasos,
taureau sauvage). Ornith. Genre d'oiseaux
gallinacés, qui comprend la gelinotte.
— Bot. Syn. D'AGRIPAUME.
BONASSE
BONASSE adj. (bo-na-se — péjoratif do
bon). Qui est d'une bonté, d'une bonhomie,
d'une simplicité excessive : Un homme BO-
NASSE. Il lui faut des gens BONASSES. J'en au-
rais assez au bout de huit jours, de ces BO-
NASSES de paysans. (E. Sue.) Il parait que
monsieur a entortillé madame ; elle est si BO-
NASSE, cette petite femme-là/ (T. Barrière.)
Il Qui appartient aux personnes de ce ca-
ractère : un air BONASSE. Je l'aurais déjà
poussé si je lui avais trouvé quelque disposi-
tion, mais il a l'esprit si BONASSE, cela ne vaut
rien pour les affaires. (Le Sage.) La figure
bourgeoisement BONASSE de Popinot avait ac-
quis à leurs yeux sa physionomie véritable.
(Balz.) Enfin, ta figure cruellement BONASSE
au bourreau dominait ce groupe. (Balz.)
— Homonyme. Bonace.
— Antonymes. Astucieux, fin, finasseur,
finaud, finoi, malin, matois, raffiné, retors,
• rusé, sournois, trigaud.
B O N A S S E M E N T adv. (bo-na-se-man — rad.
bonasse). Néol. D'une façon, avec un air bo-
nasse : En vous voyant ruisselant de pluie,
elle vous dit BONASSEMENT : Est-ce qu'il pleut ?
(J. Rouss.) n Tout bêtement, tout simple-
ment : / / dit la lune BONASSEMENT, au lieu de
l'astre des nuits. (Balz.)
BONASSERIE
BONASSERIE s. f. (bo-na-se-ri — rad. bo-
nasse). Néol. Caractère bonasse, bonhomie
excessive, grande simplicité : Sa BONASSERIE-
l'expose à tomber dans tous les pièges. Sale,
déguenillé, sot et lourd, bafoué par ses cama-
rades, il traîna sa paresse et sa BONASSERIE
sur les bancs de toutes les ctasses jusqu
!
à l'âge
de dix-huit ans. (E. Sue.)
BONASSIEUX
BONASSIEUX (Jean-Marie), sculpteur fran-
çais contemporain. V. BONNASSIEUX.
..BONATE s. f. (bo-na-te). Bot. Genre de
plantes, de la famille des orchidées, compre-
nant une dizaine d'espèces, qui croissent dans
l'Inde- et dans l'Afrique australe, u On dit
aUSSi BONATÉE.
BONATI,BONATI, bourg du royaume d'Italie, dans
la principauté Citérieure, district et à 35 kil.
S. de Sala, près du golfe de Policastro;
3,300 hab.
BONATI,
BONATI, BONATO ou BONATTI (Gui), as-
trologue italien, né à Florence, mort en 159G,
Il s'acquit une assez grande célébrité par ses
prétendues prédictions et par sa façon de vi-
vre en dehors des habitudes générales, afin
de frapper davantage l'imagination populaire.
On raconte qu'au siège de Forli par Martin IV,
BONA
U annonça au comte de Montferrat, par qui
la ville était défendue, qu'il repousserait l'en-
nemi dans une sortie, mais qu'il serait blessé.
L'événement justifia la prédiction de Bonati,
qui acquit la faveur du duc et vit encore
s'accroître sa réputation. Quelques années
avant sa mort, il entra dans l'ordre des fran-
ciscains. Ses écrits sur l'astrologie ont été
publiés sous le titre de Liber astronomicus
(Augsbourg, 1491,in-4o).
BONATI
BONATI (Giovanni), peintre italien, né à
Ferrare en 1636, mort à Rome en 1681. Il sut
gagner la faveur de Pie, cardinal-évêque de
Ferrare, à tel point qu'il fut surnommé Gio-
vannino del Pio. D'une santé débile, il mourut
jeune encore, après avoir passé les dernières
années de sa vie sans pouvoir se livrer au
travail. Ce peintre, fort estimé dans son
•temps, a laissé, entre autres tableaux, un
Saint Charles secourant les pestiférés, qui se
trouve au musée de Florence.
BONATI
BONATI (Théodore-Maxime), célèbre in-
génieur et médecin italien, né près de Fer-
rare en 1724, mort dans cette ville en 1820,
étudia d'abord la médecine et se fit recevoir
docteur, mais cultiva spécialement les mathé-
matiques sous la direction de Battaglia. En
1759, il se rendit à Rome pour traiter de la
réunion du torrent du Reno au fleuve du Pô,
et surtout du dessèchement des marais Pon-
tins, qui fut commencé d'après ses plans;
œuvre immense qui suffirait pour immortali-
ser le pontificat de Pie VI. Nommé professeur-
de mécanique et d'hydraulique à 1 université
de Ferrare, il se vit entouré de la confiance
de tous les petits souverains de l'Italie, et
exécuta • avec succès toutes les opérations
dont ils le chargèrent. Napoléon le consulta
quelquefois, l'appela à un congrès convoqué
a Modène, et lm conféra l'ordre de la Cou-
ronne de fer. Membre de l'Académie de Lon-
dres et de plusieurs sociétés savantes, Bonati
était de plus correspondant de la* première
classe de l'Institut de France. U n a publié
que des opuscules et des mémoires.
BONAVENTURA
BONAVENTURA (Frédéric), savant italien,
né à Ancône en 1555, mort en 1602. Le duc
d'Urbin, François-Marie, fut son protecteur
et lui confia diverses missions diplomatiques.
On lui doit : De natura partus octomestris,
adversus vulgatam opinionem (Urbin, 1600,
in-fol.); Anemologia, sive de causis et signis
pluoiarum, ventorum, serenitatis et tempesta-
tum (1594, in-4<>) ; De hippocratica anni par-
titione ; De monstris; De œsiu maris, etc. Ces
derniers opuscules ont été publiés.à. Urbin
(1627, in-40).
BONAVENTUBE
BONAVENTUBE (saint), un des grands théo-
logiens du moyen âge, né en 1221 à Bagnara^
en Toscane, mort à Lyon en 1274. Son vrai
nom était Jean FIDENZA. Pendant une maladie
qu'il eut dans son enfance, sa mère le recom-
manda aux prières de saint François d'As-
sise, et, ravie d'une guérison inespérée, elle
s'écria en italien : O buona ventura! (heureux
événement!), d'où le nom de Bonaventure
resta à l'enfant. Plus tard, ses panégyristes
ont souvent trouvé dans ce nom matière à des
jeux de mots, tels que celui-ci, par lequel un
d'eux commence emphatiquement son éloge :
a BONA quo? in illo fuerunt, vel nunquam ante
fuerunt in alio, nec nunquam alias VENTURA
sunt. » En 1243, Bonaventure, âgé de vingt-
deux ans, entra dans l'ordre des frères mi-
neurs, suivant le vœu de sa mère. On l'envoya
étudier à l'Université de Paris, où il eut pour
maître le célèbre Alexandre de Haies. On dit
que celui-ci; touché de la candeur et de l'in-
nocence du jeune franciscain, disait : * Il
semble qu'Adam n'ait point péché en lui. » Il
professa successivement la philosophie et la
théologie, et fut reçu docteur en 1255. L'année
suivante, il fut élu général de son ordre dans
un chapitre qui se tint à Rome. Ceux qui ont
écrit les annales des frères mineurs louent beau-
coup le zèle qu'il mit à resserrer les liens de
la discipline dans cet ordre, où le relâchement
commençait à s'introduire. Dans une lettre
circulaire écrite en 1257 à tous les provin-
ciaux et custodes, il se plaint de l'oisiveté qui
règne dans les couvents, du goût des religieux
pour une vie errante et vagabonde, de leur
avidité pour les testaments. En même temps
qu'il s'efforçait de ramener la régularité dans
son ordre, il le défendait vigoureusement
contre les attaques des docteurs de l'Univer-
sité de Paris, et écrivait dans ce but son
Apologie des frères mineurs {Apologia mino-
rum). En 1265, le pape Clément IV lui proposa
l'archevêché d'York, qu'il refusa. Il fut
nommé évêque d'Albano, et cardinal en 1273,
par Grégoire X, qui lui devait en partie son
élévation à la papauté. Appelé en 1274, par
le pontife, au concile que ce dernier avait
convoqué à Lyon pour la réunion de l'Eglise
grecque, il y prononça le discours d'ouver-
ture et y mourut peu de temps après, pen-
dant la tenue du concile.
Saint Bonaventure contribua beaucoup à
répandre le culte de la Vierge. Dans un ena-
pitre général de son ordre, assemblé à Pise,
il ordonna que tous les frères mineurs exhor-
teraient partout le peuple à prier la Vierge
au signal de la cloche du soir. L'Eglise r o -
maine trouva en lui un apologiste ardent de
ses doctrines et de ses usages. Sixte IV, qui
avait été franciscain, prononça en 1482 sa
canonisation. Cent ans après, un autre fran-
ciscain, le célèbre Sixte-Quint lui rendit de
nouveaux honneurs. Pie V, dominicain, avait
BONA
959
exalté saint Thomas et ordonné que Von cé-
lébrât sa fête par "un double office, à l'instar
de celle des quatre grands docteurs de l'Eglise.
Sixte-Quint, émule en tout de Pie V, voulut
que le saint de son ordre fût mis au même
rang que celui des dominicains. Dans une
bulle écrite en 1587, il étend à saint Bonaven- ,
.ture le décret rendu par Pie V en faveur de
saint Thomas, et ordonne que saint Bonaven-
ture soit désormais considéré etvénéré comme
un des maîtres de la théologie.
Saint Bonaventure fut surnommé par son
siècle Doctor scraphicus. Ce surnom semble
marquer sa place parmi les théologiens mys-
tiques ; c'est, en effet, le mysticisme qui do-
mine dans ses travaux philosophiques et théo-
logiques. L'union à Dieu, voilà pour saint
Bgnaventure le principe et la condition de la
connaissance du vrai en toute chose. Cette
union est un retour. L'homme avait été créé
pour contempler la vérité directement, sans
trouble et sans travail ; mais le péché d'Adam
a rendu impossible cette contemplation immé-
diate. L'ignorance actuelle de 1 homme n'est
donc pas le résultat de sa nature véritable,
mais celui d'une révolution qui s'est accom-
plie dans son être; elle n'est pas la condition
nécessaire de l'état de ses facultés intellec-
tuelles, telles que Dieu les lui a données, mais
l'état actuel de ses facultés est l'effet du péché
originel. Ce n'est donc pas à une culture intel-
lectuelle, toujours laborieuse et incomplète,
qu'il faut demander la possession de la vérité,
mais au rétablissement de la pureté la plus par-
faite dans le cœur, au retour de l'homme aux
véritables conditions qui l'unissaient à Dieu,
dont il est maintenant séparé : opération toute
pratique etquine peut s'accomplir que par une
vie pure, par la prière, par l'ardeur soutenue
de l'amour et par de saints désirs. Les phases
successives de ce retour de l'âme à Dieu sont
présentées par saint Bonaventure comme les
trois degrés d'une échelle. Dans notre condition
actuelle, d i t - i l , l'ensemble des choses est
l'échelle par laquelle nous nous élevons à
Dieu. Parmi ces choses, il y en a qui sont les
vestiges de Dieu : ce sont les corps, les objets
matériels; d'autres qui en sont les images : ce
sont les esprits, les âmes. Nous commençons
par saisir les vestiges de Dieu qui sont hors
de nous; cet acte s appelle être introduit dans
la vote de Dieu. Il faut ensuite que nous en-
trions dans notre âme pour y trouver l'image
de Dieu: c'est là entrer dans la vérité de
Dieu. Il faut enfin que nous nous élevions au-
dessus de nous-mêmes pour atteindre Dieu, le
firincipe premier, le spirituel suprême : c'est
à se réiouir dans la connaissance de Dieu.
Ainsi l'observation extérieure, .est le premier
degré de l'échelle, l'observation intérieure le
second, la contemplation divine le troisième.
A ces trois degrés répondent dans notre na-
ture trois facultés : la. sensibilité, l'intelli-
gence et la raison. Tel est le résumé de la
doctrine contenue dans un des principaux ou-
vrages de saint Bonaventure, l'Itinerarium
mentis in Deum. Nous y noterons, sous la
forme que le dogme chrétien imposait néces-
sairement à sa pensée, le rôle important, et se-
lon nous incontestable, que saint Bonaventure
fait Jouer a Y état du cœur, c'est-à-dire à la
passion et à la volonté dans la recherche du
vrai et dans le résultat de cette recherche.
On doit y remarquer aussi la distinction de
l'intelligence et de la raison, qui se retrouve
en plus d'un système philosophique moderne.
Dans un autre ouvrage de saint Bonaven-
ture (Commentaires sur le livre des Sentences
de Pierre Lombard), nous trouvons, en faveur
de l'immortalité de l'âme, des arguments qui
méritent d'être cités : « Toute âme raisonnable
est destinée au bonheur suprême; personne
n'en doute, tout le monde 1 éprouve. Il suit
donc que l'âme est immortelle; car elle ne
goûterait pas le bonheur suprême, si elle pou-
vait craindre de le perdre. Aucune bonne ac-
tion ne demeure sans récompense, aucune mau-
vaise sans punition. Les choses, il est vrai, ne
se passent pas ainsi dans cette vie; la con-
naissance que nous avons de la justice de
Dieu nous conduit donc nécessairement à
admettre une autre vie. Lorsqu'un homme,
meurt, comme il le doit, plutôt que de com-
mettre une mauvaise action, si Fâme n'était-
point immortelle, que deviendrait la justice
de Dieu? puisque, dans cette circonstance, une
action irréprochable produirait le malheur do
celui qui l'aurait accomplie, n II est clair qu'il
eût fallu d'abord mettre à l'abri de toute ob-
jection sérieuse ces deux prémisses : Toute
âme raisonnable est destinée au bonheur su-
prême ; A ucune bonne action ne demeure sans
récompense, aucune mauvaise sans punition.
Ailleurs, saint Bonaventure établit qu'à la
connaissance de toute vérité se mêle implici-
tement l'idée du parfait, de l'infini, du néces-
saire, c'est-à-dire de l'essence divine ; en d'au-
tres termes, que la raison, faculté de s'éle-
ver aux idées nécessaires et immuables, de
contempler Dieu, participe toujours en une
certaine mesure aux opérations, de l'intelli-
gence. « La connaissance de l'imparfait, du
négatif, dit-il, sans l'intuition du parfait, du
positif, n'est pas possible. L'intelligence con-
tient ainsi l'idée de l'essence divine ; elle ne
peut être fermement convaincue d'une vérité,
si elle n'est éclairée par une lumière immua-
ble, n'étant pas immuable elle-même. Celui qui
juge juge nécessairement en vertu d'une rè-
gle qu'il regarde comme véritable ; mais il
ne peut être convaincu de la vérité de cette
règle que parce qu'il reconnaît qu'elle est
960
BONA
conforme à une autre règle qui existe dans
l'infini. •
Disciple de saint François d'Assise, saint
Bonaventure, dans quelques-uns de ses écrits,
notamment dans celui qui a pour titre De pau-
pertate Christi, n'établit pas une ligne de dé-
marcation nette entre ce qu'on a appelé lie
domaine de la perfection chrétienne et le do-
maine de l'obligation stricte. Systématisant
la pauvreté évangélique et l'érigeant en prin-
cipe, il fait de la propriété une critique où
l'on trouve le germe de tout ce qui a été
avancé de plus hardi, dans ces derniers
temps, sur le droit de tous à toute chose. Du
reste, ce socialisme évangélique n'est pas par-
ticulier à saint Bonaventure; il caractérise
l'ordre des franciscains, il forme sa tradition
et lui donne une physionomie curieuse au rgi-
lieu de la société du xm« siècle. On sait que
cet ordre fut un moment le centre d'un vaste
mouvement de rénovation religieuse et sociale,
qu'étouffèrent les forces conservatrices de
1 époque. (V. EVANGILE ÉTERNEL.)
Saint Bonaventure a écrit un grand nombre
d'ouvrages de piété. Quelques-uns portent des
titres poétiques « qui montrent, dit M. Pierre
Leroux, combien il était porté atout se repré-
senter par l'imagination et la peinture. » Voici
d'abord Y Arbre de vie (Lignum vitœ) ; cet ar-
bre, c'est la croix de Jésus, qu'on voit repré-
sentée en téta du livre, toute couverte de
feuillage; dans ce feuillage, chaque rameau
est marqué d'une des perfections du Sauveur;
on dirait un arbre encyclopédique. Un autre
de ces opuscules est intitulé Pharelra (le
Carquois); c'est un recueil de passages des
Pères propres a être décochés, comme autant
de flèches, contre notre ennemi Satan; telum
imbelle sine 1£tu, dit en souriant le Satan de
la raison moderne. Un troisième s'appelle le
Miroir de la sainte Vierge (Spéculum Mariœ
Virginis) ; dans le préambule, l'auteur com-
pare son livre à un miroir qui réfléchit tous
les attraits et-tous les charmes de la beauté ;
le culte de Vénus est éternel ; ne faut-il pas
qu'il se retrouve épuré dans le christianisme?
Entre les livres de piété de saint Bonaven-
ture, les Méditations sur la vie de Jésus-Christ
méritent d'être mentionnées d'une manière
spéciale. Elles sont adressées aune religieuse
du second ordre de Saint-François, c est-à-
dire des filles de Sainte-Claire. « Afin que les
actions de notre Sauveur Jésus, dit l'auteur,
fassent plus d'impression sur vous, je les ra-
conterai comme si elles s'étaient passées de la
manière qu'on le peut représenter par l'imagi-
nation ; car nous pouvons ainsi méditer l'Ecri-
ture même, pourvu que nous n'y ajoutions
rien de contraire à la vérité, à la foi et aux
bonnes œuvres. * Voici maintenant un exem-
ple de cette manière d'appliquer son imagina-
tion à la méditation de 1 Ecriture. Il s'agit de
la naissance de Jésus, p L'heure étant venue,
savoir le dimanche, à minuit, la Vierge se
leva, et s'appuya contre une colonne qui était
là ; mais saint Joseph était assis, affligé peut-
être de ce qu'il ne pouvait préparer ce qui
était convenable. Il se leva, prenant du foin
dans la crèche ; il le jeta aux pieds de Notre
Dame, et se tourna d'un autre côté. Alors le
Fils de Dieu sortant du sein de sa mère, sans
lui causer aucune douleur, se trouva sur le
foin qu'elle avait à ses pieds. Elle se baissa,
le prit, l'embrassa tendrement, le mit sur ses
f
enoux, le lava de son lait, qui coula en abon-
ance, puis l'enveloppa du voile de sajtête,
et le mit dans la crèche. Le bœuf et l'âne se
mirent à genoux, posant leurs museaux sur la
crèche et soufflant pour échauffer l'enfant,
comme s'ils l'eussent connu. La mère à genoux
l'adora, rendant grâces à Dieu; et Joseph
l'adora de même. » L'abbé Fleury fait obser-
ver judicieusement que cette singulière mé-
thode de méditations a bien pu « autoriser les
faiseurs de légendes à inventer plus hardi-
ment des faits, ou du moins des circonstances
qu'ils ont jugées propres à nourrir la piété. •
Nous ferons une autre réflexion : c'est que
saint Bonaventure, en introduisant dans les
méditations pieuses et les exercices spirituels
cette direction méthodique de l'imagination, a
ouvert la voie à saint Ignace de Loyola.
Le génie de saint Bonaventure ottre un con-
traste marqué avec celui de saint Thomas.
Sans doute, il est de son temps; il n'a pas
étudié impunément sous la direction d'Alexan-
dre de Haies ; il est familier avec la dialecti-
que et toute la culture philosophique du moyen
âge. Mais il est facile de voir que, par le mys-
ticisme, il échappe à la domination du moins
mystique des philosophes, d'Aristote ; il ne se
perd pas dans les mille subtilités où l'Ecole
mettait sa gloire; ce n'est pas un génie ency-
clopédique et impersonnel, concentrant et ré-
fléchissant les lumières combinées de la science
profane et de la science sacrée; c'est un génie
individuel, et, si l'on peut ainsi dire, subjectif,
qui n'est pas tourné vers le dehors
;
qui écoute
la révélation intérieure, et qui puise l'idée en
son propre fonds, à la source de sa vie intime
et spirituelle. Citons en terminant le jugement
remarquable de Gerson sur saint Bonaven-
ture : « Si l'on me demande quel est, •entre
les docteurs, celui (les écrits duquel on peut
retirer le plus grand profit, je réponds que
c'est saint Bonaventure, solide, sur, pieux,
juste, plein d'une dévotion sincère dans tout
ce qu'il a écrit. Exempt d'une curiosité in-
quiète, ne mêlant point à la religion des em-
prunts étrangers, ne se livrant pas sans ré-
serve a la dialectique du siècle, comme le
font beaucoup d'autres, et ne couvrant pas
BONA
les principes physiques de termes de théolo-
gie, il ne cherche jamais à éclairer l'esprit,
sans rapporter ses efforts à la piété, à la reli-
gion du cœur. C'est pour cela qu'un trop
grand nombre de scolastiques, ennemis de la
véritable piété, ont négligé ses écrits, quoique
aucune doctrine ne soit pour les théologiens
plus sublime, plus divine, plus salutaire, plus
douce que la sienne. »
Les œuvres de saint Bonaventure ont été
recueillies et imprimées pour la première fois
à Rome (1588-1596), par l'ordre de Sixte-
Quint, et par les soins du p . Buonafoco Far-
nera, franciscain.
Bonaventure r e s s u s c i t a » ! a n enfant (saint),
tableau de Francesco Gessi, élève du Guide,
pinacothèque de Bologne. Les annales des
cordeliers rapportent qu'une femme de Lyon
étant accouchée d'un enfant mort, saint Bona-
venture fut appelé près d'elle. Touché du dés-
espoir de cette pauvre mère, il leva les yeux
au ciel, pria avec ardeur et fit un signe de
croix sur l'enfant, qui revint aussitôt à la vie.
L'artiste a traité ce sujet avec talent. Le
saint est debout, à droite, la tête nue, les
yeux abaissés vers l'enfant étendu à terre; il
fait au-dessus de lui le signe de croix qui va
le rendre à ses parents. Ceux-ci sont groupés
sur la gauche, les uns debout, les autres à
genoux. On aperçoit, dans le fond, d'autres
personnages près du lit de l'accoHchée. Ce ta-
bleau provientdu monastère de Saint-Etienne.
Il se recommande par la fraîcheur du coloris
et la belle distribution de la lumière et des
ombres. Il a été gravé par G. Tomba.
Bonaventure montrant un crucifix miracu-
leux (saint), tableau de Zurbaran, apparte-
nant à un cabinet particulier. Ce tableau re-
présente le saint tirant le rideau de sa cellule,
et montrant à saint-Pierre de Nolasque et à
ses compagnons le crucifix miraculeux, dont
les douces paroles frappent ses oreilles quand
il écrit. La cellule est de la plus grande sim-
plicité : une table chargée de livres, un fau-
teuil, une petite étagère garnie de volumes,
une tête de mort sur l'étagère, et c'est tout.
Le geste avec lequel il soulève la draperie qui
cachait le crucifix est plein de noblesse et de
grâce; l'étonnement mêlé de componction des
moines est soigneusement rendu; les têtes
sont admirables, l'expression sublime. Le
peintre a compris mieux qu'aucun autre la
vie ascétique, et personne n'a mieux rendu,
sous la ceinture de corde et le capuchon de
bure, les corps amaigris et les ligures pâlies
des pieux cénobites voués aux macérations et
à la prière, qui, selon la belle expression de
Buffon, quand vient leur dernière heure :
« ne finissent pas de vivre, mais achèvent de
mourir. » Il y a aussi, dans ce tableau, une ad-
mirable entente du clair-obscur, et quand on
le regarde longtemps, il semble qu'on le voit à
travers un verre légèrement teinté en bleu.
L'effet est assez bizarre, mais il se répète à la
vue des autres œuvres de Zurbaran, qui fut,
peut-être à cause de cela, surnommé le Cara-
vage espagnol, car cette teinte bleuâtre est la
seule chose qui leur soit commune. Ce beau
tableau de saint Bonaventure a été fait pour
le couvent de Notre-Dame de la Merci, à Sé-
ville ; c'est là que le maréchal Soult, duc de
Dalmatie, le trouva et s'en empara, usant du
droit de conquête. Il a dû être vendu lors de
la vente des tableaux qui formaient la collée*
tion du maréchal. Dans le bas de la toile, à
gauche, on lit : F° Zurbaran fec. 1629. La
largeur est de 7 pieds 10 pouces; la hauteur,
de 7 pieds 3 pouces.
BONAVENTURE
BONAVENTURE (Nicolas DE), architecte, né
à Paris dans le xive siècle, fut appelé en
1388 à Milan, pour contribuer à l'érection de
la cathédrale, et donna notamment les dessins
de la grande fenêtre de l'abside.
BONAVENTURE
BONAVENTURE (le Père), linguiste fran-
çais. V. GlRAUDEAU.
BONAVENTURE
BONAVENTURE DESPERRIERS,littérateur
français. V. DESPERRIERS.
BONAVENTUREBONAVENTURE DE SA1NT-AMABLE, histo-
rien ecclésiastique de la fin du xvite siècle. Il
appartenait à l ordre des carmes déchaussés,
et il a publié trois volumes in-folio sur l'his-
toire ecclésiastique et civile du Limousin,
sous le titre de : Vie de saint Martial ou Dé-
fense de l'apostolat de saint Martial et autres,
contre les critiques de ce temps (1676-1685,
3 vol. in-folio).
B O N A V É R I E s. f. (bo-na-yé-rî — de Bona-
ueri, auteur italien)*; Bot. Genre de plantes,
de la famille des légumineuses, tribu des hé-
dysarées, établi aux dépens du genre coro-
nille, et comprenant une seule espèce, qui
croît dans le midi de l'Europe et en Asie
Mineure.
BONAVISTA,
BONAVISTA, promontoire de l'Amérique du
Nord, sur la cote N.-E. de l'Ile de Terre-
Neuve, découvert en 1497 par les naviga-
teurs Jean et Sébastien Cabot; pa^ 48° lat.
N. et 550 10' long. O.
BONAVISTA,
BONAVISTA, petite baie de l'Amérique du
Nord, sur la cote orientale de l'île de Terre-
Neuve, entre les caps Bonavista et Freel.
L'ouverture de la baie de Bonavista est de
52 kilom.
BONAVOGUE
BONAVOGUE s. f. (bo-na-vo-11'- H mil.).
Mar. Syn. de DONNE-VOGUE.
BONAWASI,BONAWASI, ville de l'Indoustan anglais,
province de Kanara, à 75 kilom. de Bednore.
Cetff* ville très-ancienne était, selon Ptolé-
BONC "
mée, (gouvernée par des rois indigènes, dès
l'an 1*50 avant l'ère chrétienne.
BONBANC
BONBANC s. m. (bon-ban — de bon et
banc). Constr. Sorte de pierre tendre que
l'on tire des environs de Paris.
BON-BASIN
BON-BASIN s. m. (bon-ba-zain — du lat.
bombacinus, de coton). Ancien nomdubasin :'
Elle était vêtue d'une casaque de BON-BASIN. il
On disait aussi BON-BACIN : De BON-BACIN était
son haut-de-chausse.
— Encycl. L'étoffe en fil de coton que nous
appelons basin était fort employée autrefois
pour l'habillement des femmes de la bour-
geoisie. Dans les anciens manuscrits français,
le mot basin ou bacin ne se rencontre jamais
seul; on l'y trouve toujours sous cette forme,
en deux mots : bon basin et bon bacin. Cette
orthographe n'était que la corruption de bom~
bacin, en un seul mot, du grec bombakinos^e
coton, formé de bombax, coton, d'où les Latins
ont pris bombax, dans le même sens. Il ne
faut pas confondre ce dernier mot avec bom-
bux, ver à soie, et, par extension, soie, éga-
lement adopté par les Latins, cette fois sous
sa forme pure, bombyx. Le mot bon, que l'on
croyait un qualificatif de basin, étant tombé,
il ne resta plus que ce qu'on tenait seul pour
le substantif, à savoir basin.
BON-BECBON-BEC s. f. (bon-bèk — de bon et bec).
Mot populaire par lequel on désigne quel-
quefois une femme babillarde : C'est une BON-
BEC. V. BEC.
BON-BLANCBON-BLANC s. m. Hort. Variété de raisin.
BONBON
BONBON s. m. (bon-bon — rad. bon, répété
à la manière des petits enfants, dont pres-
que tous les mots sont formés de cette façon :
Papa, dodo, toutou, bébé, fanfan, etc.). Dra-
gée ou sucrerie quelconque : Acheter, man-
ger des BONBONS. Une boite de BONBONS. Un
cornet de BONBONS. VOUS êtes ta providence
des dames, toujours aux petits soins pour
elles, toujours des bouquets, des BONBONS, des
loges d'opéra. (Scribe.) Avez-vous peur que les
BONBONSBONBONS ne vous fassent tomber les dents.
(Th. Gaut.)
Mais dans les fers, loin d'un libre destin,
Tous les bonbons ne sont que chicotin.
GREBSET.
Avec les charmes de l'amour.
Vous avez eu, jusqu'à ce jour,
Plus de bonbons que de louanges.
SAINT-LAMBERT.
Mille bonbons, mille exquises douceurs.
Chargeaient toujours les poches de nos sœurs.
GRESSET.
— Collect. Du bonbon, Des bonbons, des
sucreries : Ma petite, ne pleurez pas, soyez
sage, et vous aurez nu BONBON. (Acad.) L'é*
vêque, qui était successeur et neoeu de M. de
Chartres, en était cependant encore à recevoir
DU BONBON de M^e de Maintenon. (St-Sim.)
BONBON
BONBON (François), cordonnier, qui joua
un rôle très-bruyant pendant la Révolution.
Il était né à Orléans, mais il vint à Paris à
l'époque où des orateurs de toutes les classes
pouvaient se faire entendre dans les clubs,
et il devint président du comité révolution-
[ naire de la Butte-des-Moulins. Après le 9 ther-
midor, il fut arrêté; toutefois il recouvra sa
I liberté à la suite du 13 vendémiaire, et recom-
| mença à travailler (le son état de cordonnier.
i Peu de temps après, il se mit à la tête des
j hommes qui, sans armes, tentèrent de s'em-
I parer du camp de Grenelle. Détenu dans la
! prison du Temple, et condamné à mort par une
commission militaire, il se précipita du haut
d'une tour et se tua.
BONBONNE
BONBONNE s. f. (bon-bo-ne). Sorte de
dame-jeanne ou de grande bouteille ronde
en verre ou en grès, dans laquelle on met
divers liquides du commerce, et particuliè-
rement dos acides : Une BONBONNE de vitriol.
B Vase en fer-blanc, dont on se sert dans le
Midi pour mettre de l'huile.
BONBONNERIE
BONBONNERIE s. f. (bon-bo-ne-rî — rad.
bonbon). Fabrication, commercode bonbons:
Il a fait sa fortune dans la BONBONNERIE.
BONBONNIÈRE
BONBONNIÈRE s. f. ( bon-bo-niè-re —
rad. bonbon). Petite boîte à mettre les bon-
bons : Une belle BONBONNIÈRE. Une jolie pe-
tite BONBONNIÈRE. Là-dessus, il s'arrêta pour
prendre des pastilles dans une BONBONNIÈRE.
(Scribe.)
. — Par anal. Maison ou construction pe-
tite, mais élégante et distribuée avec goût :
Cette chapelle est une BONBONNIÈRE. VOUS ha-
bitez probablement quelque mystérieuse BON-
BONNIÈRE
BONNIÈRE cachée sous des guirlandes de roses
et des touffes de chèvrefeuille. (C. Monselet.)
— Sorte de voiture de forme arrondie.
BONCENNE
BONCENNE (Pierre),jurisconsulte français,
né à Poitiers en 1775, mort en 1840. Il suivit
d'abord la carrière des armes et devint aide
de camp du général Descloseaux. Appelé plu-
sieurs fois à défendre les accusés devant les
conseils de guerre et les commissions mili-
taires, il fut nommé professeur suppléant à la
faculté de droit de Poitiers, et, en 1832, après
un brillant concours, professeur de procédure
civile à la même faculté. Son principal ou-
vrage est : Théorie de la procédais civile
(1828*1829,'-» vol. in-80).
BONCERF
BONCERF (Pierre-François) , publiciste
français, né à Chasaulx (Franche-Comté) vers
J745, mort en 1794. Il fut officier municipal de
Paris en 1789; mais il est surtout connu par
de nombreux ouvrages sur l'agronomie, l'éco-
nomie politique, etc. Le principal est intitulé :
BONC
Inconvénients des droits féodaux, écrit publié
en 1776 sous le nom de Franc-alleu, traduit
dans toutes les langues de l'Europe, et qui
servit de, base aux décrets du 4 août 17S9.
La meilleure édition est celle de 1791. Outre
cet écrit, nous citerons : Mémoire sur cette
question .- Quelles sont les causes les plus ordi-
naires de l'émigration des gens de la campagne
vers (es grandes villes (17S4, in-4«) ; Mémoire
sur les moyens de mettre en culture les terres
incultes et stériles de la campagne (1784, in-8°);
De la nécessité d'occuper avantageusement tous
les ouvriers (1789); Moyens pour éteindre, et
méthode pour liquider les droits féodaux
(1790) ; etc. — Son frère, Claude-Joseph BON-
CERF, archidiacre du diocèse de Narbonne, n
publié : le Citoyen zélé ou \a Solution du pro-
blème sur la multiplicité des académies (1757,
in-8°), et le Vrai philosophe oui'Usage de la
philosophie relativement à la société civile, à
la vérité et à ta vertu, avec l'histoire, l'expo-
sition exacte et la réfutation du pyrrhonisme
ancien et moderne (1762, in-12).
BONCHAMP,
BONCHAMP, bourg de France (Mayenne),
arrond. et a 5 kilom. de Laval, cant. d'Ar-
f
entré; 1,262 hab. Carrières et exploitation
e beaux marbres gris.
BONCHAMP
BONCHAMP (Charles-Melchior-Artus DE),
général vendéen, né en 1759 a Jouverdeil
(Anjou). Il fit ses premières armes dans la
guerre de l'indépendance américaine, et il était
capitaine au régiment d'Aquitaine à l'époque
de la Révolution. Sincèrement attaché à la
monarchie, il donna sa démission en 1791 et
se retira au château de la Baronnière, dans
le département de Maine-et-Loire. Arraché en
quelque sorte de sa retraite pour être mis h
la tête des insurgés yendéens avec d'Elbée et
Cathelinean, il se jeta dans la guerre civile
sans illusion, et même avec une sorte de tris-
tesse intérieure. Brave, habile et prudent, il
fut souvent accusé d'indécision par ses collè-
gues. Peut-être , malgré ses opinions bien
connues, désapprouvait-il intérieurement cette
guerre sacrilège. Il remporta quelques avan-
tages sur les républicains, mais fut blessé h
mort au combat de Cholet (1793). Il apprend
daris les souffrances de l'agonie que les Ven-
déens veulent exterminer 5,000 prisonniers
républicains enfermés dans l'abbaye de Saint-
Florent; il se ranime un moment, et s'écrie
d'une voix mourante : « Grâce aux prison-
niers , Bonchamp l'ordonne ! » Ce vœu sa-
cré fut exaucé. On a contesté, et les écrivains
royalistes eux-mêmes, l'exactitude de cette
tradition. M. de Barante rapporte (Biog. Mi-
chaud, article Bonchamp) que Bonchamp de-
meura complètement évanoui pendant vingt-
quatre heures avant d'expirer, au moment du
passage de la Loire, et qu'il n'eût pu donner
un pareil ordre, bien conforme d'ailleurs à la
générosité de son caractère. Ce trait lui au-
rait été attribué par les autres chefs royalis-
tes, pour sauver M
m c
de Bonchamp, alors
prisonnière à Nantes. Néanmoins, le statuaire
républicain David d'Angers, acceptant la tra-
dition populaire, a sculpté, en 1825, un sar-
cophage a Bonchamp dans l'église de Saint-
Florent, où étaient enfermés les prisonniers
républicains. Quant à nous, c'est de grand
cœur que nous acceptons cette légende histo-
rique, si légende il y a; nous aimons à enre-
gistrer les actes de générosité et de grandeur
d'âme, même chez nos adversaires politiques.
Bonchamp (MONUMENT DE), chef-d'œuvre
de David (d'Angers), commandé par les Ven-
déens et placé dans l'église de Saint-Flo-
rent. Ce monument, en marbre blanc, se
compose d'une statue colossale (2 m.) de
Bonchamp, d'un piédestal orné de deux ligu-
res en relief, dont l'une représente la Iteligion
tenant une croix, et l'autre la France tenant
un lis. Des inscriptions en lettres d'or rappel-
lent brièvement le nom, l'âge du héros
(trente-trois ans), les lieux où il a combattu et
la circonstance qui a inspiré le monument.
Les Vendéens avaient entassé près de cinq
mille prisonniers dans l'église de Saint-Flo-
rent; ne pouvant les emmener dans leur r e -
traite précipitée après la bataille de Cholet,
ils se disposaient à les mitrailler lorsque Bon-
champ, mortellement blessé, fut prévenu de
ce qui allait se passer. * Que faire des pri-
sonniers, lui demanda un de ses aides de camp ?
les bleus détruisent tout. — Grâce ! grâce ! je
le veux, dit-il en se soulevant à demi. »
L'aide de camp transmit aux Vendéens l'ordre
de leur général mourant, et aussitôt les pri-
sonniers furent rendus à la liberté. David a
représenté Bonchamp à moitié étendu, dans
une position qui rappelle celle du Gladiateur
mourant. Le héros vendéen a fait un suprême
effort pour se soulever ; sa blessure est béante ;
son sang coule; il s'appuie péniblement sur
son bras gauche; sa main droite est levée
et fait un geste plein d'autorité ; son visage,
contracté par la souffrance, s'éclaire d'une
dernière lueur d'énergie ; ses lèvres entr'ou-
vertes laissent échapper ces mots qui font le
plus grand honneur à l'homme et au soldat :
a Grâce, grâce aux prisonniers I • Tout cela a
été rendu par- le statuaire avec une grande
vigueur et, en même temps, avec beaucoup
de simplicité et de naturel. Jamais David n'a
mis plus d'expression sur un visage, plus de
vérité et de poésie dans une attitude. A l'é-
poque où cette statue fut exposée à Paris
(1824),^il y avait une certaine hardiesse &
traiter un sujet aussi moderne et oui semblait
prêter si peu au développement des qualités
académiques alors en honneur. Davîd sur-
BONC
monta la difficulté a v e c u n e habileté consom-
' mée ; il s u t ê t r e à la fois c o r r e c t e t p a s s i o n n é ,
classique e t réaliste. U n critique a n o n y m e du
Salon (1825, in-8°, x x n - 3 9 2 ) le loua principa-
lement pour avoir su t r o u v e r une situation fa-
v o r a b l e qui lui p e r m î t « d e n o u s m o n t r e r le
nu de la poitrine, sans lequel il n ' y a point
de s c u l p t u r e , » e t ce critique puriste ajoutait :
, « L e j e t de l a figure e s t g r a n d , plein de feu, e t
l'expression "énergique. L a draperie est l a r g e
et bien développée. » S u i v a n t M. L é o n c e d e
Pesquidoux, « la s t a t u e de B o n c h a m p m a r q u e ,
dans le t a l e n t de D a v i d , un j u s t e milieu e n t r e
les s o u v e n i r s de l'école, les traditions de l'an-
tiquité et c e s aspirations v e r s la réalité m o -
d e r n e , qui ont s o u v e n t fourvoyé le s t a t u a i r e
a n g e v i n . Il e s t v r a i q u e le sujet, t e l qu'il a
été conçu e t e x é c u t é p a r le m a î t r e , s e p r é t a i t
merveilleusement à c e t t e fusion, qui doit ê t r e
le b u t de la s t a t u a i r e à n o t r e époque. B o n -
c h a m p est à moitié nu ; son t o r s e e s t e n t i è r e -
ment dépouillé : brûlé p a r l a fièvre e t a t t e n -
d a n t la mort, il était à peine r e c o u v e r t p a r
son m a n t e a u militaire lorsqu'on vint l'avertir.
D a n s Ja c h a l e u r de son impression, dans la
spontanéité de son m o u v e m e n t , il a rejeté
loin de lui c e v ê t e m e n t qui l e g ê n a i t ; le m a n -
t e a u r e t o m b e s u r son flanc, tandis q u e le b r a s
droit, n ' a y a n t pu e n t i è r e m e n t se d é g a g e r d e s
plis de l'étoffe, é l è v e a v e c lui la p a r t i e s u p é -
r i e u r e du v ê t e m e n t . T o u t e s c e s c i r c o n s t a n c e s
sont t r è s - v r a i s e m b l a b l e s , e t l'artiste e n a su
t i r e r u n effet plein d e g r â c e e t d e b e a u t é ,
tout en i m p r i m a n t à l'ensemble un c a r a c t è r e
d r a m a t i q u e e t saisissant. Voilà le comble de
l'art. Cette œ u v r e e s t antique et moderne à la
fois. C'est la correction e t l'harmonie a n t i q u e s ,
pliées a u x e x i g e n c e s m o d e r n e s e t unies à
l'expression e t au m o u v e m e n t . «'Le Monument
de Bonchamp a été lithographie, dans l ' œ u v r e
de David ( d ' A n g e r s ) , p a r M. E . M a r c .
B O N - C H R É T I E N s. m . ( b o n - k r é - t i a i n —
S u r n o m de s a i n t F r a n ç o i s d e P a u l e , q u i i n -
t r o d u i s i t en F r a n c e la c u l t u r e d e ce fruit).
H o r t i c . V a r i é t é d e poire fort e s t i m é e : B O N -
CHRÉTIEN d'été. BON-CHRÉTIEN d'hiver. Manger
des BONS-CHRÉTIENS. M On d i t aussi poire de
bon-chrétien : La figue banane offre une saveur
mélangée de celles de la P O I R E D E B O N - C H R É -
TIEN et de la pomme de reinette. (B. d e S t - P . )
H Ces poires s'appellent aussi poires d'angoisse
e t de Saint-Martin.
— Rem. Quelques a u t e u r s n'emploient c e
mot q u e comme c o m p l é m e n t du mot poire;
quelques a u t r e s é c r i v e n t a u pluriel : des bon-
chrétien, en s o u s - e n t e n d a n t les mots poires
de. Nous n ' a i m o n s p a s cette ellipse de t r a n s -
a c t i o n ; si l'on se refuse à a c c e p t e r le m o t
bon-chrétien c o m m e un substantif d é s i g n a n t
u n e variété de poire', rien n ' e m p ê c h e q u e l'on
se s e r v e d e la locution pleine poires de boii-
chrétien, rien ne nécessite u n e ellipse qui
donne lieu à cette forme b a r b a r e d'un article
s ' a c c o r d a n t a v e c u n nom s o u s - e n t e n d u , e t
qui pis e s t , en désaccord a u moins a p p a r e n t
a v e c le.nom auquel il se r a p p o r t e .
BONCIAKIO
BONCIAKIO ( M a r c - A n t o i n e ) , l i t t é r a t e u r ita-
lien, né à Antria, p r è s d e P é r o u s e , e n 1555,
m o r t en 1616. Fils d'un p a u v r e c o r d o n n i e r , il
fut r e n c o n t r é t o u t enfant p a r l'évêque de P é -
r o u s e , qui, frappé de s a v i v e intelligence, le
plaça dans u n e institution r e l i g i e u s e , l'em-
m e n a en 1573 à R o m e , e t lui fit suivre les le-
çons du s a v a n t Marc-Antoine M u r e t . De r e -
t o u r a P é r o u s e e n 1577, Bonciario fut d'abord
placé à la tête du séminaire où il a v a i t fait
ses premières études, puis il fut n o m m é p r o -
fesseur de belles-lettres. Infirme d e s pieds e t
des mains depuis l'âge de q u a t o r z e a n s , il d e -
vint c o m p l è t e m e n t a v e u g l e en 1590, mais n ' e n
continua p a s moins son cours a v e c le plus
g r a n d s u c c è s . S a réputation était telle, q u e les
u n i v e r s i t é s de Bologne et de Pise v o u l u r e n t
se l ' a t t a c h e r , e t q u e B o r r o m é e , a r c h e v ê q u e
de Milan, lui p r o p o s a la g a r d e de la ^biblio-
t h è q u e A m b r o s i e n n e . Malgré ses infirmités,
Bonciario a composé de n o m b r e u x o u v r a g e s ,
dont les principaux sont : Grammatica ( P é -
r o u s e , 1593); Èpistolœ ( P é r o u s e , 1603); Idyl-
lia et selectarum epistolarum centuria nova
( P é r o u s e , 1607); Opuscula decem varii argu-
menti ( P é r o u s e , 1607); Extaticus, sive de lu-
dicra poesi dialogus ( P é r o u s e , 1607).
BONCOMPAGM
BONCOMPAGM (Charles), h o m m e d ' E t a t e t
littérateur italien, est n é à T u r i n en 1804,
d'une famille illustre d a n s l a m a g i s t r a t u r e e t
dans la politique. Il p e r d i t de bonne h e u r e son
p è r e , m a g i s t r a t d i s t i n g u é , m o r t p r o c u r e u r g é -
nérai en 1815; fit son c o u r s de droit à l'uni-
versité de Turin e t fut reçu a v o c a t en 1824.
BONC
Deux a n s plus t a r d , il e n t r a dans la c a r r i è r e
I de la m a g i s t r a t u r e , qu'il p a r c o u r u t r a p i d e m e n t
I tout e n s'occupant a v e c sollicitude de la q u e s -
i tion de l'éducation d e s classes p a u v r e s , et
I s p é c i a l e m e n t des salles d'asile, qu'il contribua
b e a u c o u p a introduire e t à perfectionner en
P i é m o n t . Il a écrit un livre intitulé : Des écoles
enfantines, e t il a m ê m e publié d e s Leçons
pour l'enfance. Il s ' a d o n n a , à cette é p o q u e , à
de n o m b r e u x t r a v a u x littéraires qui lui v a l u -
r e n t d'être n o m m é , e n 1841, m e m b r e de l'Aca-
démie d e s sciences de T u r i n . Devenu en 1845
conseiller d'appel à la cour de T u r i n , M. Bon-
eompagni devint, quelque t e m p s a p r è s , s e c r é -
t a i r e g é n é r a l d e l'instruction p u b l i q u e , et
lorsque, en 1848, Charles Albert o c t r o y a le
s t a t u t constitutionnel, il fut appelé à occuper
le ministère du m ê m e d é p a r t e m e n t . M. B o n -
e o m p a g n i r é o r g a n i s a e n t i è r e m e n t son a d m i -
nistration, où tout était à faire. Il prit u n e p a r t
considérable à la loi organique s u r l'instruc-
tion (4 octobre 1848), et le s y s t è m e d'organi-
sation qu'il a d o p t a pour les trois d e g r é s d'en-
s e i g n e m e n t s u b s i s t a , p r e s q u e sans modification
a u c u n e , j u s q u ' e n 1S59. Ministre d e s t r a v a u x
publics dans le cabinet Alfieri,M.Boneompagni
r e p r i t u n e seconde fois le portefeuille de l'in-
struction publique, et, en 1849, a p r è s le d é -
s a s t r e de N o v a r e , il fut c h a r g é , a v e c le g é n é -
ral Dabormida, d e l'ardue e t pénible mission
de conclure la paix a v e c l'Autriche v i c t o -
rieuse , a p r è s quoi il r e v i n t siéger à la
c h a m b r e c o m m e d é p u t é , e t y fut u n des m e m -
b r e s les plus influents du centre droit (libéraux
modérés). Il e n t r a , en 1852, dans le ministère
d'Azeglio comme c a r d e d e s s c e a u x e t p r é -
s e n t a , en cette qualité, le projet d e loi s û r le
m a r i a g e civil, adopté p a r la c h a m b r e d e s dé-
p u t é s , rejeté p a r le s é n a t , e t qui souleva à un
si h a u t point les colères de R o m e . A p r è s la
r e t r a i t e de M. d'Azeglio e t l ' a r r i v é e de M. de
C a v o u r à la présideuce du conseil (novembre
1852), Boneompagni continua à faire p a r t i e
du ministère ; mais il se r e t i r a l ' a n n é e s u i -
v a n t e , laissant la place à M. R a t t a z z i .
Depuis cette époque j u s q u ' e n 1857, il fut
président de l a c h a m b r e d e s d é p u t é s , e t , à
cette d e r n i è r e d a t e , il fut e n v o y é comme m i -
n i s t r e plénipotentiaire s a r d e e n T o s c a n e . S e s
opinions constitutionnelles bien c o n n u e s , la
modération e t la s a g e s s e de son c a r a c t è r e , lui
a t t i r è r e n t l'estime e t la considération dû p a r t i
libéral toscan, e n m ê m e t e m p s q u e les défian-
ces de la cour de F l o r e n c e , qui r e s t a sourde à
tous ses conseils j u s q u ' a u moment où la r é v o -
lution du 27 a v r i l 1859 vint c o n d a m n e r cette
c o u r à un exil p e r p é t u e l . L e g o u v e r n e m e n t
provisoire toscan offrit i m m é d i a t e m e n t la dic-
t a t u r e militaire a u roi de S a r d a i g n e . M . de
C a v o u r a c c e p t a pour le roi l e c o m m a n d e m e n t
de l ' a r m é e , le p r o t e c t o r a t de la T o s c a n e , e t
délégua ces pouvoirs a Boneompagni, a v e c le
titre de commissaire e x t r a o r d i n a i r e du roi
pour la g u e r r e de l'indépendance. E n r é a l i t é ,
B o n e o m p a g n i administra e t r é f o r m a p r e s q u e
toutes les b r a n c h e s de l'administration, a v e c
le concours d'hommes éminents dont il a v a i t
su s'entourer. R a p p e l é à Turin a p r è s l a p a i x
de Villafranca, il r e v i n t bientôt à F l o r e n c e ,
c o m m e g o u v e r n e u r g é n é r a l de l'Italie c e n -
t r a l e , e t alla ensuite a Bologne a v e c la m ê m e
qualité j u s q u ' à c e q u e le plébiscite e û t résolu
la question de l'Italie c e n t r a l e .
R e n t r é dans l a vie p r i v é e , Boneompagni fut
élu député a u premier p a r l e m e n t italien, dans
le sein duquel il n ' a cessé d ' e x e r c e r u n e
g r a n d e influence sur la droite. Toujours assidu
et laborieux dans ces fonctions toutes g r a t u i -
tes, il s'est fait r e m a r q u e r en d é c e m b r e 18GI
p a r un éloquent discours s u r l a question r o -
m a i n e , a a m e n é p a r s e s i n t e r p e l l a t i o n s , en
n o v e m b r e 1862, l a chute du ministre R a t t a z z i ,
et s'est p r o n o n c é , en 1865, c o n t r e l'abolition de
la peine de m o r t votée p a r la majorité de la
c h a m b r e des d é p u t é s . Les p r i n c i p a u x o u v r a g e s
qu'on doit à M. Boneompagni sont : Histoire
de la littérature chrétienne pendant les onze
premiers siècles (1843), e t u n e Introduction à
la science du droit (1848), o u v r a g e dans lequel
l'auteur a développé les principes.de la philo-
sophie "du droit selon l a doctrine de R o t n a -
g n e s i , e t établi^ à la base de t o u t système j u -
ridique, la théorie de l a m o n a r c h i e r e p r é s e n -
t a t i v e . On lui dpit plusieurs b r o c h u r e s et
é c r i t s politiques, n o t a m m e n t : l a Question de
l'Italie centrale (1859); Naples et le royaume
italien (1860) ; l'Unité de l Italie et les élec-
tions (Turin,-1861); le Ministère Rattazzi et le
parlement (18G2); la Retraite du ministère
Rattazzi et le parlement (1862), et enfin s a
b r o c h u r e c o n t r e le Pouvoir temporel du pope,
qui a été d ' a u t a n t plus r e m a r q u é e que l e s c o n -
victions religieuses d e l'auteur sont bien con-
n u e s .
BONCOMPAGM
BONCOMPAGM ou BUONCOMPAGNI ( B a l -
t h a s a r ) , s a v a n t italien, n é à R o m e en 1821,
a p p a r t i e n t à la famille des princes .de Piom-
bino, qui a d o n n é le p a p e G r é g o i r e X I I I à
l'Eglise. F o r m é a u x études s a v a n t e s p a r son
p r é c e p t e u r , l'abbé Dominique Santucci, il m e n a
de front les é t u d e s littéraires e t scientifiques,
pour lesquelles il a d é p e n s é u n e notable p a r -
tie de s a fortune. M. B o n e o m p a g n i , a publié
plusieurs écrits : Biographies de Yabbé Joseph
Calandrelli et de l'abbé Andréa Conli (1840);
Notes pour la traduction des ëpigrammes
grecques de l'abbé Dominique Santucci (1841);
Maddelena Boneompagni, princesse de Piom-
bino (1846); la Vie et les œuvres de Guido
Bonatti, astrologue et astronome du x m e siècle,
la Vie et les œuvres de Gérard de Crémone^
BOND
traducteur du xir» siècle et de Ghérard de
Sabbionetta, astronome du xnic siècle; la Vie
et les œuvres de Léonard Pisaiio ; Sur les Tra-
ductions faites par Platon de Tibur, traduc-
teur du x n c siècle.
BONCOMPAGM
BONCOMPAGM ( I g n a c e ) , cardinal italien,
n é en 1743, mort à Lucques e n 1790, était fils d e
P i o m b i n o , lequel descendait d'un fils n a t u r e l
du p a p e Grégoire X1IL II e n t r a dans les o r -
d r e s , fut s u c c e s s i v e m e n t v i c e - l é g a t e t l é g a t
à Bologne, se signala p a r son esprit r é f o r m a -
teur e t e n n e m i d e s p r i v i l è g e s , e t fut n o m m é
s e c r é t a i r e d ' E t a t p a r P i e V I , a la r e c o m m a n -
dation de l'empereur J o s e p h IL II jouit d'abord
d'une g r a n d e f a v e u r a u p r è s de c e pontife ;
mais, a y a n t voulu p o u r s u i v r e à R o m e son s y s -
t è m e de réformes a d m i n i s t r a t i v e s , il se v i t
en b u t t e a u x a t t a q u e s des j é s u i t e s , d e s p a r t i -
s a n s intéressés d e l ' i m m o b i l i t é , e t finit p a r
d o n n e r s a démission de s e c r é t a i r e d ' E t a t . Il
m o u r u t a u x bains de L u c q u e s , à l'âge de qua-
r a n t e - s e p t a n s . On a r e p r o c h é a u cardinal
B o n e o m p a g n i u n goût trop vif pour l e s plai-
sirs , e t , a u dire de s e s a d v e r s a i r e s , il s e r a i t
m o r t des suites de s e s e x c è s .
BONCONBONCON s. m . ( b o n - k o n ) . A r t m i l i t . a n c .
Espèce d e flèche q u i p o r t a i t u n e t ê t e a r r o n -
die a u lieu d e p o i n t e .
BONCON1CA, ville de l a Gaule; dans l a G e r -
manie I
r e
, s u r la rive g a u c h e du Rhin, chez
les C a r a c a t e s . L ' e m p l a c e m e n t de Bonconica
est aujourd'hui occupé p a r l a ville d'Oppen-
heim, dans le P a l a t i n a t , p r è s de M a y e n c e .
BONCOREBONCORE s. m . (bon-ko-re — i l a l boncore,
narcisse). H o r t i c . V a r i é t é de n a r c i s s e .
BONDBOND s. m . (bon — de bondi?). S a u t , m o u -
v e m e n t q u i se m a n i f e s t e a p r è s un choc d a n s
un corps é l a s t i q u e ou q u i a h e u r t é u n corps
é l a s t i q u e : La balle n'a point fait de BOND. La
balle a fait deux BONDS. Le boulet a fait plu-
sieurs BONDS.
Le bloc pesant roule, tombe par bonds.
Menace au loin les tranquilles vallons.
PARKT.
— S a u t , élan q u e p r e n d u n e p e r s o n n e ou
u n a n i m a l p o u r s'élever b r u s q u e m e n t de
t e r r e : Son cheval aoait fait un BOND. Les chè-
vres et tes agneaux font souvent des BONDS'.
Les daims, les cheoreuils vont par sauts et par
BONDS. Les enfants courent dans ta prairie en
fui saut des sauts, et des BONDS. (Acad.) Il ne
faut à l'once que cinq ou six BONDS pour s'as-
surer de sa proie. (Ardant.) Satan part; du
premier
BOND,BOND, il touche à la ceinture étoilée.
( C h a t e a u b r . )
Je ne fais pas un bond sans qu'on pousse des cris.
C. DEL AVION E.
— F i g . P a s s a g e s u b i t e t s a n s t r a n s i t i o n :
Arriver d'un BOND à une haute position. Ce
qui se jouait et se peignait dans, son esprit ne
faisait qu'un BOND sur le papier. (Ste-Beuve.)
/ / était arrivé d'un BOND aux fonctions élevées
de la magistrature. («I. S a n d e a u . )
Tout tend à rejeter le tissu qui le gêne,
A déchirer son Jange, à secouer sa chaîne,
Pour atteindre d'un bond l'air de la liberté.
A. BARBIER.
— Du prerrder bond, T o u l d'abord, i m m é -
d i a t e m e n t , sans t r a n s i t i o n : J'ai trouvé un
M. de Verdun, qui m'a dit n u P R E M I E R BOND :
J'ai reçu une lettre de madame d'Argental. •
(Volt.) li Par sauts et par bonds, Avec u n e v i -
v a c i t é d é r é g l é e , q u i n ' e s t p a s s o u t e n u e ; p a r
saillies, p a r b o u t a d e s : Agir P A R SAUTS E T
PAR BONDS. Ne parler, n'écrire que P A R SAUTS
ET PAR BONDS. Son Style VO PAR SAUTS ET PAR
BONDS. (Volt.)
Sa muse déréglée, en ses vers vagabonds,
Ne s'élève jamais que par sauts et par bonds.
BOILEAU.
— J e u x . L e m o t bond e n t r e dans p l u s i e u r s
l o c u t i o n s p r o p r e s a u j e u de p a u m e : Faux
bond, M o u v e m e n t d ' u n e b a l l e q u i d é v i e , e n
b o n d i s s a n t , d u plan d a n s l e q u e l elle a v a i t é t é
lancée : La balle a fait FAUX BOND, H Attendre
la balle au bond, S ' a p p r ê t e r à la r e l a n c e r
q u a n d elle a r e b o n d i , il Prendre la balle au bond,
entre bond et votée, entre coup et volée, L a
r e l e v e r q u a n d elle b o n d i t p o u r l a p r e m i è r e
fois.
— Ces différents s e n s , e m p r u n t é s a u j e u
d e p a u m e , o n t passé d a n s le l a n g a g e figuré :
Faire faux bond, M a n q u e r à u n e n g a g e m e n t
>ju'on a v a i t p r i s : Nos commensaux nous ONT
FAIT FAUX BOND. (M»
i e
d e S é v . ) Un beau jour,
le peuple de Neuchâtel A FAIT FAUX BOND à
son roi, et les Suisses ont applaudi. ( P r o u d h . )
Quelques acteurs nous font faux bond en ce moment.
— Oui-da, je les remplace, et je m'offre à tout taire.
PIRON.
il Signifie aussi E t r e i n f i d è l e , m a n q u e r :
F A I R E FAUX BOND à ses promesses. Il s'en
trouve souvent gui mourraient plutôt que de
FAIRE un FAUX BOND à leur conscience, gui ce-
pendant ne sont pas utiles au public. (Card. d e
Richelieu.)
Mais s'il faut qu'à l'honneur elle fasse un faux bond.
MOLIÈRE.
il Signifie encore N e p a s r é u s s i r , n e p a s r é a -
liser l ' a t t e n t e d e q u e l q u ' u n : Tout nous A FAIT
FAUX BOND. Rien ne lut A FAIT FAUX BOND jus-
qu'ici. || Attendre la balle au bond, S ' a p p r ê t e r
à saisir l e s t e m e n t l'occasion : J'ai manquéeette
affaire une première fois, mais J'ATTENDS LA
BALLE
BALLE AU BOND pour recommencer. Il Prendre
la balle au bond, Saisir p r e s t e m e n t l'occa-
sion : Il vous offre de l'argent, il n'en aura
peut-être plus demain, PRENEZ LA BALLE AU
BOND. Quelquefois, d a n s c e t t e locution, on
r e m p l a c e le m o t balle, q u i y est p r i s au fi-
g u r e , p a r l e m o t p r o p r e q u i e x p r i m e d i r e c -
t e m e n t l'idée qu'on v e u t t r a d u i r e : / / est au
guet pour P R E N D R E AU BOND L'OCCASION.
(Mme d e Sév.) Si nous manquons de PRENDRE
LA PAIX AU BOND, elle tombera comme les au-
tres. (De R e t z . ) il Prendre la balle du second
bond, N e p a s a g i r e n t e m p s u t i l e , la b a l l e , a u
j e u de p a u m e , d e v a n t t o u j o u r s ê t r e p r i s e d e
volée ou d u p r e m i e r b o n d . Il Faire une chose
du second bond, L a faire d e m a u v a i s e g r â c e .
Il Entre bond et volée, D a n s u n t e m p s t r è s -
c o u r t e t qu'il s'agit d e saisir avec précision :
La chose presse : la marquise est une de ces
femmes qu'il fautjprendre ENTRE BOND E T VO-
L É E .
Tout consiste à le prendre entre bond et volée.
J.-B. ROUSSEAU.
n De bond ou de volée, D ' u n e m a n i è r e ou d o
l ' a u t r e , c o m m e on p e u t : Soit DE BOND, soit
BOND
961
DE voi-ÈE, que nous en chaut-il, pourvu que
nous prenions la ville de gloire? ( P a s c a l . ) V .
VOLÉE.
— M a n é g . S a u t q u e le c h e v a l e x é c u t e s u -
b i t e m e n t , e t a p r è s l e q u e l il r e t o m b e à p e u
p r è s à l a m ê m e place.
— H o m o n y m e . Bon.
— E p i t h é t e s . L é g e r , r a p i d e , i m p é t u e u x ,
é n o r m e , i m m e n s e , effrayant, effroyable, g i -
g a n t e s q u e , lourd, impuissant. — D e s bonds
r e d o u b l é s , r é p é t é s , fréquents, multipliés, s a c -
c a d é s , convulsifs.
BOND
BOND ( J e a n ) , médecin e t philologue a n *
glais, né en 1550, dans le comté de S o m e r -
s e t , m o r t en 1G12. 11 se c o n s a c r a p e n d a n t ^ i n e
v i n g t a i n e d'années à l'enseignement, fut r e c -
teur de l'école de T a u n t o n , puis s e livra à la
p r a t i q u e de l a médecine* On a d e lui : Com-
mentarii in Persium ( L o n d r e s , 1614), e t Com-
mentarii in Horatium ( L o n d r e s , 1606). C e s
c o m m e n t a i r e s d'Horace ont eu plus de cin-
q u a n t e réimpressions.
.
BONDBOND (Olivier), conspirateur irlandais, n é
à Dublin v e r s 1720. Il fut un d e s chefs de l a
société des Irlandais unis, et s a maison devint
le lieu où s e r é u n i r e n t les conjurés qui v o u -
laient soustraire l'Irlande au j o u g de l'Angle-
t e r r e ; mais ils furent d é n o n c é s p a r T h o m a s
R e y n o l d s , l'un d'eux, e t Bond fut a r r ê t é a v e c
ses complices le 12 m a r s 1798. Ils furent bien-
tôt condamnés à. m o r t ; toutefois le duc d e C l a r e
promit qu'ils a u r a i e n t l a v i e s a u v e si q u e l -
ques-uns d e s conjurés p a r v e n a i e n t à c a l m e r
la sédition, comme ils en a v a i e n t pris l ' e n g a -
g e m e n t . Cette p r o m e s s e fut i n d i g n e m e n t v i o -
lée, c a r Byrne e t Maccan furent p e n d u s , e t
Bond fut t r o u v é mort dans la prison d e N e w -
g a t e , où il é t a i t d é t e n u .
BOND
BOND ( W i U i a m - C r a n c h ) , astronome a m é -
ricain, né en 1789, à P o r t l a n d , E t a t du Maine.
Il était h o r l o g e r l o r s q u ' u n e é c l i p s e , q u i e u t
lieu en 1806, 1 a m e n a a s'occuper d'études a s -
tronomiques. Il fut l'un d e s p r e m i e r s observa-
t e u r s américains q u i s i g n a l è r e n t l a c o m è t e de
1811. E n 1838, le d é p a r t e m e n t de l a m a r i n e
fédérale le c h a r g e a d ' e n t r e p r e n d r e u n e série
d ' o b s e r v a t i o n s d a n s le v o y a g e d'exploration
dirigé p a r le capitaine W i l k e s . Depuis 1840,
il e s t d i r e c t e u r de l'observatoire astronomique
du collège H a r v a r d , dont il a publié les An-
nales pour l a période 1855-1856. L e p r e m i e r ,
il a appliqué l a p h o t o g r a p h i e à l a constatation
des p h é n o m è n e s c é l e s t e s .
BONDABONDA s. m . ( b o n - d a — d u congo bonda,
c o n q u é r a n t ) . L i n g u i s t . L a n g u e p a r l é e g é n é -
r a l e m e n t a u Congo, d a n s l'Angola e t l e B e n -
g u e l a : Le BONDA est la langue dont la con-
naissance est indispensable à ceux qui vou-
draient tenter de traverser l'Afrique australe
d'une côte à l'autre. ( F . Hoefer.)
— A d j . : Le dialecte BONDA. L'idiome BONDA.
La langue BONDA est bien plus répandue dans
l'intérieur du pays que sur la côte. ( F . Hoefer.)
BON
BON DAM ( P i e r r e ) , philologue e t j u r i s c o n -
sulte hollandais, n é en 1727 à C a m p e n , m o r t
en 1800. Il professa tour à tour à Campen e t
d a n s les universités de H a r d e r w i c k e t d ' U -
t r e c h t . S e s principaux o u v r a g e s sont : Spéci-
men animadversionis criticœ ad loca quœdam
juris civilis depravala ( F r a n c f o r t , 1746); De
linguœ grœcœ cognitione juri&consulto neces-
saria (1755, in-4°); Pro Grœcis juris interpre-
tibus (17G3); Recueil des Chartres des ducs de
Gueldre, en hollandais (1783, in-fol.).
B O N D E s. f. ( b o n - d e — h a u t aïïera.spunt,
m ê m e s e n s ) . L a r g e o u v e r t u r e p r a t i q u é e a u
fond d'un é t a n g , e t p a r l a q u e l l e l'eau s'écoule
q u a n d on r e t i r e l e t a m p o n q u i la b o u c h e o r -
d i n a i r e m e n t : Lâcher, ouvrir la BONDE. Fer-
mer 'la
BONDE,BONDE, il Pièce de bois q u i s e r t à b o u -
cher è e t t e o u v e r t u r e , e t q u i , b a i s s é e ou
h a u s s é e , s e r t à r e t e n i r ou à l â c h e r l'eau d e
l ' é t a n g : Hausser la BONDE. C'était toujours
quelque site charmant, une flaque d'eau en-
tourée de joncs sur laquelle se penchait un
saule écimé, une BONDE d'étang, une route cô-
toyée d'un fossé où courait un ruisseau. ( T h .
G a u t . )
— P a r a n a l . T r o u rond fait à u n t o n n e a u
e t p a r lequel on l e r e m p l i t d e l i q u i d e : La
BONDEBONDE d'un tonneau. Fermer la BONDE. Il P i è c e
d e bois q u i s e r t à o b t u r e r l a m ê m e o u v e r -
t u r e : La fermentation a fait sauter la BONDE.
Il On d i t aussi BONDON d a n s ce d e r n i e r s e n s .
— Bonde hydraulique, Bonde c o n s t r u i t e d e
m a n i è r e à laisser p a s s e r l'acide c a r b o n i q u e ,
p e n d a n t la f e r m e n t a t i o n du m o û t , t o u t e n
e m p ê c h a n t le l i b r e accès d e l'air : La BONDE
HYDRAULIQUE la plus simple que l'on puisse
employer est une ronde ordinaire percée d'un
trou ; sur ce trou, on pose une petite sphère,
qui est soulevée par l'acide carbonique qui
se dégage. (Malaguti.) H Bonde mécanique,
A u t r e bonde d a n s laquelle on o b t i e n t le m ê m e
r é s u l t a t p a r l e m o y e n d ' u n e s o u p a p e q u e sou-
l è v e l'acide c a r b o n i q u e a c c u m u l é . O n a q u e l -
quefois e m p l o y é d a n s c e b u t u n e s o u p a p e
f e r m é e p a r u n r e s s o r t .
— Loc. fac. Lâcher, ouvrir la bonde, D o n -
n e r u n l i b r e c o u r s : L Â C H E R LA BONDE à ses
larmes, à ses plaintes, à sa colère. Je LÂCHE
LA BONDE à mes larmes. ( J . - J . Rouss.)
A son cours violent je veux ouvrir la bonde.
TRISTAN.
• . Notre amante
Lâche la bonde aux pleurs cette fois-la.
LA FONTAINE.
— T e c h n . P i è c e d e c u i v r e soudée s u r la
faïence d ' u n e c u v e t t e d e gïM-de-robe.
121
962 • BOND
BOND -
EOND
BOND
BONDE,BONDE, g r a n d e famille de S u è d e , dont l ' o -
• rigino r e m o n t e a u xie s i è c l e , e t q u i c o m p t e
p a r m i s e s a ï e u x plusieurs r o i s , n o t a m m e n t
E r i k le Saint ( 1 1 5 2 - 1 1 6 0 ) e t Charles VIII
K n u t s s o n (1438-1470). L e s m e m b r e s les plus
illustres de cette famille sont : — G u s t a v e
BONDE,
BONDE, né e n 1620, mort e n 1667, oui fut con-
seiller du r o y a u m e , p r é s i d e n t de la chambre des
finances, g r a n d t r é s o r i e r et l'un des m e m b r e s
du conseil de r é g e n c e p e n d a n t l a minorité de
C h a r l e s X I , e t qui s'est signalé p a r s a h a u t e
c a p a c i t é a d m i n i s t r a t i v e , son économie des d e -
n i e r s de l ' E t a t et s o n désintéressement. —
Charles B O N D E , né en 1648, m o r t en 1699, qui fut
ministre de S u é d e p r è s la cour de F r a n c e , puis
g o u v e r n e u r de T a v a s t e h u s e t N y l a n d , en F i n -
l a n d e , e t enfin c h a r g é d e n é g o c i e r e t d e signer
un t r a i t é d'alliance offensive e t défensive e n -
t r e la Suède e t l ' A n g l e t e r r e . C h a r l e s Bonde
e s t l'auteur d e l a b r a n c h e actuellement v i -
v a n t e de Trolle-Bonde, qui possède le fidéi-
commis le plus considérable d u r o y a u m e . —
G u s t a v e BONDE, né en 1682,mort en I764,quifut
conseiller du r o y a u m e , s é n a t e u r et chancelier
d e l'université d ' U p s a l . V e r s é dans les l a n -
g u e s , l'histoire e t l e s sciences n a t u r e l l e s , il
e s t a u t e u r des Remarques historiques, de l ' e s -
sai comparatif entre l'histoire du monde et
l'histoire biblique, d e s Anecdotes de l'histoire
de Suède depuis Erik IV jusqu'à 1075, e t c .
— G u s t a v e T R O L L E - B O N D E , né en 1773, m o r t
en 1855, qui d e v i n t m a r é c h a l de la cour, g r a n d
c h a m b e l l a n , pair du r o y a u m e , e t fut un p r o -
t e c t e u r g é n é r e u x d e s s a v a n t s , des l i t t é r a t e u r s
e t d e s a r t i s t e s .
BONDÉ,
BONDÉ, É E (bon-dé) p a r t . p a s s . d u v . Bon-
d e r . C h a r g é c o m p l è t e m e n t : Navire BONDÉ.
— P a r a n a l . B o u r r é , c o m p l è t e m e n t p l e i n :
Les chasseurs reviennent avec des carniers BON-
DÉS comme des outres, BONDÉS, dis-je, de bé-
casses, de lièvres, etc. ( D ' H o u d e t o t . ) / / fit
conduire le vaillant cheval dans une écurie
BONDÉEBONDÉE de foin et de fraîche litière. (A. G a n -
don.)
BONDEL
BONDEL s. m . ( b o n - d è l ) . M é t r o t . P o i d s
p o u r l'or e t l ' a r g e n t , e m p l o y é d a n s l ' I n d e , e t
v a l a n t 12 c e n t i g r .
BONDELIERE
BONDELIERE s. f. (bon-de-liè-re). I c h t h y o l .
N o m v u l g a i r e d ' u n poisson d u g e n r e c y p r i n .
BONDENO,
BONDENO, ville d u r o y . d'Italie, délégation
et à 13 kilom. N . - O . de F e r r a r e , à l'entrée
d'un défilé q u i t r a v e r s e l ' A p e n n i n , p r è s d e
la jonction du P a n a r o e t du P ô d ' A r g e n t o ;
3,300 h a b .
BONDER
BONDER v . a. ou t r . (bon-dé — r a d . bonde).
M a r . C h a r g e r , e n p a r l a n t d ' u n b â t i m e n t , le
r e m p l i r d ' a u t a n t d e choses q u ' i l e n p e u t con-
t e n i r : BONDER un bateau.
— P a r a n a l . B o u r r e r , e m p l i r a u t a n t q u e
possible : BONDER une valise, un havre-sac.
— v . n . ou i n t r . A b o n d e r , il V i e u x m o t .
BONDI
BONDI (Clément), poète italien, n é e n 1742,
à Mizzano, d a n s l e d u c h é de P a r m e , m o r t à
Vienne e n 1821. Il e n t r a d a n s l a compagnie de
J é s u s p e u de t e m p s a v a n t s a dissolution, e t
fut ensuite bibliothécaire de l'archiduc F e r d i -
n a n d a Brunn (1797), e t professeur d'histoire
et de l i t t é r a t u r e de l'impératrice a Vienne
(1815). On l'a s u r n o m m é le Delille de l'Italie.
Comme le poëte français, il a e n effet donné
des traductions e n v e r s de Virgile, un poème
d e l a Conversation (1783), e t c h a n t é les plai-
sirs de la vie c h a m p ê t r e . Il e s t é l é g a n t e t pur ;
m a i s l a force e t l'inspiration lui m a n q u e n t . On
a de lui un g r a n d n o m b r e de poésies l y r i q u e s ,
didactiques, élégiaques, e t c . : Poemetti e va-
rie rime (1785, in-8
1
»); Poésie (1793,2 vol. in-12);
l a Giornata villereccia (1773); Cantates (1794);
la Félicita (1797, in-4<>); Sentences, proverbes,
épigrammes et apologues (1814). Ses œ u v r e s
complètes o n t é t é publiées à V i e n n e (1808,
3 vol. in-4°).
BON
BON DIEU s. m . ( b o n - d i e u — d e bon e t
Dieu). Nom q u e Ton d o n n e s o u v e n t à Dieu,
c o m m e é t a n t le p r i n c i p e d e t o u t e b o n t é : Le
BONBON D I E U aime tes enfants obéissants. Il faut
souvent prier le BON DIEU.
Dansez, dansez sous le vieux chêne.
Et le bon Dieu vous bénira.
I E x t r ê m e - o n c t i o n , v i a t i q u e :
Un janséniste à l'agonie
Désirait être administré.
Or il advint que son curé,
Par raison ou par fantaisie,
Lui refusa, de son plein gré.
Le passe-port de l'autre vie.
Mais le mourant lui signifie.
Demande en forme, exploit timbré :
• Au défaut de quoi la présente
Audit moribond tiendra lieu,
Disait l'huissier dans sa patente
Et servira dudit bon dieu. »
GUYÉTAND*
BONDIEUBONDIEU s. m . ( b o n - d i e u ) . T e c h n . Gros
coin a v e c l e q u e l l e s s c i e u r s d e l o n g é l è v e n t
les pièces de bois qu'ils s c i e n t .
BONDIOLI
BONDIOLI ( P i e r r e - A n t o i n e ) , médecin e t
physicien italien, n é à Corfou e n 1765, m o r t
a Bologne e n 1808. A v a n t d'avoir a c h e v é s e s
é t u d e s a l'université de P a d o u e , il a v a i t déjà
p r é s e n t é h l'Académie plusieurs m é m o i r e s ,
dont d e u x s u r la question d e s a u r o r e s b o -
r é a l e s , qui lui m é r i t è r e n t les éloges d e Toaldo
e t de Volta. Il pratiqua l a médecine a v e c de
brillants succès à V e n i s e e t à Constantinoplc,
où il suivit l e baile de V e n i s e . E n s u i t e il vint
en F r a n c e , fut a t t a c h é à l'armée d'Italie a p r è s
la bataille de M a r e n g o , fut nommé professeur
de m a t i è r e médicale à B o l o g n e , e t p r o f e s -
s e u r de clinique a P a d o u e . On a de lui, outre
les m é m o i r e s déjà cités : Sulle vaginali del
testicolo (1799, in-80), des r e c h e r c h e s Sopra le
forme particolari délie malattie universali, et
Memoria dell' azione irritative.
BONDIRBONDIR v . n . ou i n t r , (bon-dir — l a t . bom-
bitare, faire d u b r u i t , sens q u ' a e u d ' a b o r d
le m o t français bondir). S a u t e r a p r è s u n choc,
en v e r t u de s a p r o p r e élasticité ou de celle
du corps q u e l'on a h e u r t é : La balle A. BONDI
deux fois. Les boulets tirés à fleur d'eau rico-
chent et BONDISSENT sur la surface de la mer.
Mille limpides ruisseaux BONDISSENT de cas-
cade en cascade. ( M a l t e - B r u n ) . Des cascades
descendaient de tous côtés, BONDISSAIENT sur
des lits de pierres, comme les gaves des Pyré-
nées. ( C h a t e a u b r . )
. . . Par l'ouragan les neiges flagellées
Bondissent en sifflant des glaciers aux vallées.
A. DE MUSSET.
Il S a u t e r , s ' é l e v e r , s ' é l a n c e r , soit p a r s o n
p r o p r e effort ou p a r u n e i m p u l s i o n q u e l'on
a reçue : Les agneaux BONDISSENT dans tes
prés. La mer BONDISSAIT avec fureur. Le chien
BONDITBONDIT de joie à l'aspect de son maître. La ba-
leine BONDIT au sein des mers. (Buff.) Le che-
vreuil BONDIT sans efforts, avec autant de force
que de légèreté. (Buff.) Les troupeaux BONDIS-
SMKNT sur les collines. ( P . - L . C o u r . ) Nous
volons sur la trace de la frégate, dans les flo-
cons d'écume que sa quille fait BONDIR en
fuyant. ( L a m a r t . )
Il marche : pr*s de lui le peuple entier des mers
Bondit et fait au loin jaillir les flots amers.
DELILLE.
Un troupeau de brebis à la blanche toison
Bondit sur la colline et tond le vert gazon.
CASTEL.
Pourquoi bondissez-vous sur la plaine écumante,
Vagues dont aucun vent n'a creusé les sillons?
LAMARTINE.
La mer nous offre aussi de bien tristes spectacles.
Quand viendront les autans, les vents fougueux du
On la verra bondir de son centre à son bord, [nord,
M
1 1
» DE POLIGNY.
Nous faisons cas d'un cheval vigoureux,
Qui, déployant quatre jarrets nerveux.
Frappe la terre et bondit sous son maître.
Comme un jeune cabri l'on vous vit en cadence
Au bal bondir légèrement.
Il vous sied encor mieux de marcher posément
Sous le poids d'un enfant de France.
(A Marie-Antoinette, qui ne. dansait plus
depuis qu'elle était enceinte).
— P a r e x t . C o u r i r p r é c i p i t a m m e n t , s'élan-
cer v i v e m e n t : Le guerrier BONDIT de joie à
cette parole; il s'élance du sommet de la colline
et allonge ses pas dans la plaine. ( C h a t e a u b r . )
A ces mots, Caroline BONDIT comme une lionne
piquée par un taon. (Balz.) En disant ces
mots, elle BONDIT plutôt qu'elle ne courut vers
l'escalier. ( L a m a r t . )
— P a r a n a l . J a i l l i r , se p r o d u i r e t o u t à
coup : Elle écoutait l'aboiement sonore de ces
grands chiens de race primitive qui font BON-
DIR les échos sur le flanc des ravins. (G. S a n d . )
Comment n'avez-vous pas aperçu l'antinomie
gui
BONDISSAITBONDISSAIT sous votre plume? ( P r o u d h . )
— Se s o u l e v e r p a r u n m o u v e m e n t b r u s q u e ,
t r e s s a i l l i r : Un mélange d°. consternation et
d'ivresse, de terreur et de joie enthousiaste fai-
sait BONDIR sa poitrine. (G. S a n d . ) Andréa
sentit son cœur BONDIR de joie. (Alex. D u m . )
— F i g . T é m o i g n e r q u e l q u e s e n t i m e n t b r u s -
que, vif, e m p o r t é : Cette pensée me fait BON- .
DIR. Je BONDISSAIS de colère et d'impatience. '
J'aime mieux plier sous la main de Dieu que
BONDIRBONDIR SOUS celle d'un homme. (G. S a n d . )
— F i g . Faire bondir le cœur, S o u l e v e r l'es-
t o m a c , c a u s e r du d é g o û t : La veuve Gisèle
était toute courbée, toussant et crachant toute
. la journée avec une saleté qui FAISAIT BONDIR
L E CŒUR. (Fén.) C'était un dégoût qui FAISAIT
BONDIRBONDIR L E C Œ U R . (Mme d e S é v . )
— V é n e r . Faire bondir, S e d i t d u cerf, d u
d a i m , d u c h e v r e u i l , q u i , p o u r s u i v i , fait p a r -
t i r u n e a u t r e b ê t e de la reposée : F A I R E BON-
DIR la biche. F A I R E BONDIR le change.
BONDISSANTBONDISSANT (bon-di-san) p a r t . p r é s , d u
v . B o n d i r : C'est là qu'on voit errer les trou-
peaux qui mugissent, les brebis qui bêlent,
avec leurs tendres agneaux BONDISSANT sur
l'herbe. ( F é n . ) La belette ne marche jamais
d'un pas égal; elle ne va qu'en BONDISSANT,
par petits sauts inégaux et précipités. (Buff.)
Le Français est comme le chien, léchant son
maître qui le frappe, se laissant mettre à la
chaîne, puis BONDISSANT de joie quand on le
délie pour aller à la chasse. (Chamfort.) Avec
quel horrible sang-froid tu parles de ces cho- "
ses-là! s'écria-t-elle en BONDISSANT sur sa
chaise. (G. S a n d . ) Florentin, ici! s'écria-t-il
en
BONDISSANTBONDISSANT sur son fauteuil. (Alex. D u m . )
BONDISSANT,
BONDISSANT, A N T E a d j . fbon-di-san —
r a d . bondir). Q u i b o n d i t , s ' é l a n c e , s'élève
p a r b o n d s : Un agneau BONDISSANT. Des chè-
vres BONDISSANTES. Des troupeaux d'animaux
BONDISSEMENTBONDISSEMENT s. m . ( b o n - d i - s e - m a n —
r a d . bondir). Action d e bondir, de faire d e s
b o n d s : Les BONDISSEMENTS d'un poulain, d'un
chevreau. Les BONDISSEMENTS des eaux d'une
cascade. Les secousses des montagnes et des •
collines ébranlées par un violent tremblement
de terre sont fidèlement représentées par les
BONDISSANTSBONDISSANTS fouleront cette terre jadis impra-
ticable. (Buff.) Elle se laissa tomber sur la
mousse, au bord de l'eau BONDISSANTE. (G. S a n d . )
Les torrents bondissants précipitent leurs ondes.
DELILLE.
Oh! que n'ai-je entendu ces bondissantes eaux!
A. CHÉNIER.
. . . . . Le monstre bondissant
Vient aux pieds des chevaux tomber en mugissant.
RACINE.
Dans des jardins de myrtes en berceaux,
Je vois jaillir les bondissantes eaux.
VOLTAIRE.
— P a r e x t . H a l e t a n t , é m u , a g i t e : Il rete-
nait dans sa poitrine BONDISSANTE tout souffle
qui eût pu le trahir. (Alex. D u m . ) Ma mère
me pressait contre sa poitrine BONDISSANTE.
(Alex. D u m . ) n S a i s i , t r a n s p o r t é :
Les femmes, les enfants sont 6ondtssan(s de joie.
BRIZEUX. '
BONDISSEMENTSBONDISSEMENTS d'un troupeau. ( L a H a r p e . )
— F i g . E m o t i o n v i v e e t s o u d a i n e , t r a n s -
p o r t : Ces lettres, je les lui voyais lire et relire
vingt fois par jour, avec des BONDISSEMENTS de
joie et d'espérance. ( L a m a r t . )
— Bondissement de cœur, S o u l è v e m e n t d'es-
t o m a c , n a u s é e s , d é g o û t : La vue d'une méde--
cine lui cause des BONDISSEMENTS de cœur.
• (Acad.)
BONDON
BONDON s. m . (bon-don — r a d . bonde).
Morceau d e bois c y l i n d r i q u e avec lequel on
bouche la b o n d e d ' u n t o n n e a u : BONDON trop
gros, trop petit. Mettre le BONDON. Oter le
BONDON. H y avait là une immense pièce de
cidre, sous le BONDON de laquelle M^u de Ver-
neuil remarqua une boue jaunâtre. (Balz.)
— A b u s i v . B o n d e , o u v e r t u r e q u i reçoit le
b o n d o n .
— C o m m . F r o m a g e affiné q u i s e fabrique
d a n s la p e t i t e ville de N e u f c h â t e l - e n - B r a y ,
p r è s de R o u e n , e t qui a la forme d'un b o n d o n
d e t o n n e a u : BONDON frais. 11 Adjectiv. Les
fromages
BONDONSBONDONS ont acquis depuis plusieurs
années une popularité presque égale à celle du
fromage de Brie. (Ar. Mangin.)
— E n c y c l . On désigne c o m m u n é m e n t sous
le nom de bondons les t r o m a g e s d e N e u f c h à t e l ,
qui se f a b r i q u e n t e n N o r m a n d i e , d a n s le p a y s
de B r a y . L e s bondons figurent à j u s t e titre
p a r m i les meilleurs fromages français ; m a l -
h e u r e u s e m e n t , ils sont l'objet de contrefaçons
qui c o m p r o m e t t e n t leur r e n o m m é e . L a p l u p a r t
des bondons frais, bleus ou affinés, q u e T o n
consomme à P a r i s , n e v i e n n e n t p a s de N o r -
m a n d i e . Voici, d'après M. Desjobert, quels
sont les p r o c é d é s employés pour l a fabrication
des fromages de N e u f c h à t e l . L a laiterie est
o r d i n a i r e m e n t divisée e n deux p i è c e s ; dans
l ' u n e , c o n s t a m m e n t m a i n t e n u e à l a t e m p é r a t u r e
de 150, on opère l a coagulation d u lait ; l'autre
pièce, qui porte le n o m d'apprêt, doit ê t r e
fraîche e t c o n v e n a b l e m e n t a é r é e ; elle e s t
composée de deux p a r t i e s a y a n t c h a c u n e u n e
destination spéciale. Dans la p r e m i è r e s o n t
les é v i e r s , l e s claies, p o u r recevoir les f r o -
m a g e s ; d a n s la seconde, on p l a c e seulement
des claies p o u r l'affinage. D è s q u e la t r a i t e
e s t e x é c u t é e , on filtre le lait, e t on le m e t dans
des v a s e s e n bois, ou mieux dans d e s pots de
Çrès é l e v é s , renflés v e r s leur milieu, et assez
étroits à leur orifice. L a coagulation doit s ' o -
p é r e r l e n t e m e n t ; si elle était rapide, comme
pour les fromages de Hollande e t de G r u y è r e ,
la p â t e serait t r o p c a s s a n t e . On n e m e t donc
qu u n e petite quantité de p r é s u r e , c'est-à-dire
de 30 à 60 g r a m m e s p a r 100 litres de lait,
s u i v a n t la t e m p é r a t u r e . L e s pots, de la c o n -
t e n a n c e de 20 litres c h a c u n , sont disposés d a n s
u n e caisse q u e l'on r e c o u v r e d'une c o u v e r t u r e
de laine. Dès q u e la coagulation e s t complète,
on place s u r d e s é v i e r s ou s u r d e s tables l é -
g è r e m e n t inclinées d e s p a n i e r s à j o u r , f a b r i -
qués a v e c d e s v e r g e s de b o i s , e t g a r n i s
i n t é r i e u r e m e n t de linges clairs e t p r o p r e s a t -
t a c h é s a u x paniers p a r les coins. L e coagulum
e s t v e r s é d a n s c e s p a n i e r s , où il s'égoutte
p e n d a n t douze h e u r e s environ. On e n l è v e e n -
suite le caillé a v e c le linge qui le contient, e t
on le soumet à la p r e s s e , a u moyen d'une
caisse p e r c é e de t r o u s , dans laquelle e n t r e
u n e p l a n c h e q u e l'on c h a r g e de potds. L e l e n -
demain, on c h a n g e le linge e t on pétrit le caillé
j u s q u ' à c e qu'il forme u n e pâte h o m o g è n e ,
très-onctueuse. Dès lors, il n e reste plus q u ' à
mouler. Cette dernière opération s'exécute en
introduisant la pâte d a n s d e s formes cylin-
driques e n f e r - b l a n c , l o n g u e s de 0 m . 07,
l a r g e s de 0 m . 05, e t o u v e r t e s p a r les deux
b o u t s . On l e s b o u r r e de f r o m a g e , de m a n i è r e
à n e laisser a u c u n v i d e , puis on fait sortir l a
pâte e n f r a p p a n t l é g è r e m e n t s u r les parois
du moule, e t en a i d a n t l'expulsion a v e c le
pouce. Il faut 500 g r a m m e s de sel fin e t t r è s -
sec pour 100 fromages. On c o m m e n c e p a r sau-
p o u d r e r de sel les d e u x b o u t s , et 1 on sale
ensuite les contours e n les r o u l a n t dan3 les
mains.
Quand les fromages ont été salés, on les r a n g e
sur u n e table u n p e u inclinée, où on les laisse
é g o u t t e r p e n d a n t un j o u r ou d e u x . Au b o u t de
ce t e m p s , on les étend en t r a v e r s sur des claies
garnies de paille fraîche, de m a n i è r e à laisser
e n t r e e u x u n petit espace vide. O n les laisse
ainsi p e n d a n t quarante-huit h e u r e s , a p r è s quoi
on leur fait faire un t o u r a v e c la m a i n . L e s
bondons r e s t e n t trois j o u r s dans cette position,
f
mis on les met debout, en a y a n t soin de ne les
aisser que cinq à six j o u r s s u r l'une de leurs
e x t r é m i t é s . Quinze j o u r s ou trois semaines plus
t a r d , u n e p e a u bleuâtre e t v e l o u t é e commence
à p a r a î t r e ; c'est le moment d e les t r a n s p o r t e r
dans la deuxième p a r t i e de l'apprêt, plus
fraîche et mieux a é r é e que la p r e m i è r e . L à , on
les place debout s u r d e s claies g a r n i e s de
paille, et l'on a soin qu'ils n e soient p a s en
contact. On les r e t o u r n e de temps e n t e m p s ,
afin de r e n d r e la fermentation u n i t o r m e ; a p r è s
un mois, l'affinage e s t complet. L a peau bleue
e s t alors p a r s e m é e d e l a r g e s t a c h e s r o u g e s .
Ainsi p r é p a r é s , les fromages de Neufchàtel
p e u v e n t se c o n s e r v e r p e n d a n t deux mois. L e u r
pâte e s t fine, b e u r r é e e t s a n s g r u m e a u x . On
les divise en trois c a t é g o r i e s : 1° le fromage
à la crème, qui se fait a v e c du lait auquel on
ajoute, en c r è m e fraîche, à p e u p r è s l a moitié
de c e qu'il p e u t en c o n t e n i r ; 2° l e fromage à
tout bien, qui se p r é p a r e a v e c du lait non
é c r é m é ; et 3° le fromage maigre, pour lequel
on n'emploie q u e du lait é c r é m é . Ce dernier
se c o n s e r v e m a l .
BONDONNEAU,BONDONNEAU, village de F r a n c e (Drome)
a r r o n d . e t à 3 k i l o m . ' d e M o n t é l i m a r ; 40 h a b
E a u x minérales, froides, sulfureuses, ferrugi-
n e u s e s , bromo-iodurées e t g a z e u s e s , c o n n u e s
dès l'époque r o m a i n e , puis d i s p a r u e s e t re-
t r o u v é e s e n 1854. Elles é m e r g e n t du t e r r a i n
tertiaire e t sous un banc do m a r n e , p a r u n e
source unique. Débit en v i n g t - q u a t r e h e u r e s ,
320 hectolitres. Des fouilles récentes ont mis b
j o u r des restes de piscines construites en c i -
m e n t romain, d e s débris de poteries et de
briques r o m a i n e s , des v e s t i g e s de mosaïque.
BONDONNER
BONDONNER v . a. ou t r . (bon-do-né — r a d .
bondon). Boucher a v e c u n b o n d o n , e n p a r l a n t
d'un t o n n e a u ou du l i q u i d e qu'il c o n t i e n t :
B O N D O N N E R un tonneau. BONDONNER du vin. On
ne
BONDONNÉBONDONNÉ le vin nouveau que lorsqu'il a
cessé de fermenter. (Acad.)
BONDONNET
BONDONNET ( J e a n ) , littérateur français,
n é a u Mans en 1592, m o r t en' 16G4. Il s e fit
bénédictin en 1C12, devipt prieur de S a r c é
d a n s le Maine, e t publia l^s Vies des évëques
du Mans, etc. ( P a r i s , 1651, in-4o). H a c o m -
plété c e t o u v r a g e par une Réfutation des trois
dissertations d e M. J e a n de L a u n o y ( P a r i s ,
1653, in-4o). — Son n e v e u , F r a n ç o i s BONDON-
N E T , m o r t en 1693, d e v i n t curé de Moulins
p r è s d'Alençon, e t , comme le p r é c é d e n t , se
m o n t r a t r è s - a t t a c h é à tout c e qui r e p o s e s u r
l a tradition. 11 a laissé quelques é c r i t s , e n t r e
a u t r e s : Lettre du solitaire Phïlalèthe à un de
ses amis, touchant le livre de l'invasion de la
ville du Mans (1667, in-40); le Triomphe de
sainte Scholastique sur les religionnaires de la
ville du Mans (1694, in-8°).
BONDONNIÈRE
BONDONNIÈRE s. f. ( b o n - d o - n i ô - r e —
r a d . bondon). T e c h n . S o r t e do t a r i è r e d o n t le
t o n n e l i e r s e s e r t p o u r p e r c e r l e s b o n d e s d e s
t o n n e a u x .
BONDONE,
BONDONE, peintre italien. V . G I O T T O .
B O N D O N N É , É E ( b o n - d ô - n é ) p a r t , p a s s
du v . B o n d o n n e r . Bouché a v e c u n b o n d o n
Tonneau BONDONNÉ. Vin BONDONNÉ.
BONDOU,
BONDOU, r o y a u m e de l'Afrique, d a n s la
S é n é g a m b i e o r i e n t a l e , s u r la r i v e g a u c h e du
h a u t S é n é g a l , p a r 14Q 30' e t 15<> 30' lat. N . ;
13° e t 14« 10' long. O. Superficie é v a l u é e à
12,000 kilom. c. ; 200,000 h a b . m u s u l m a n s , de
la famille d e s F o u l a h s . Capitale Boulibané.
P a y s m o n t a g n e u x , p e u c u l t i v é , mais t r è s -
pittoresque. L e F a l é m é et le Mermeriko a r -
r o s e n t s e s principales v a l l é e s plantées de
t a m a r i n i e r s , de baobabs et d'une g r a n d e v a -
riété d ' a r b r e s à fruits. L e s productions du
Bondou consistent e n riz, m a ï s , coton, indigo,
fruits e t r é s i n e . L e s h a b i t a n t s , - d e m œ u r s
t r è s - d o u c e s , é l è v e n t un petit nombre de c h e -
v a u x , quelques v a c h e s et des c h è v r e s . C o m -
m e r c e de t r a n s i t considérable, en e s c l a v e s , sel,
fer, b e u r r e v é g é t a l e t p o u d r e d ' o r .
BONDRÉ
BONDRÉ a d j . ( b o n - d r é ) . A g r i c . C a r i é , e n
p a r l a n t d u f r o m e n t : Froment BONDRÉ.
BONDRÉE
BONDRÉE s. f. ( b o n - d r é ) . O r n i t h . G e n r e
d'oiseaux de p r o i e d i u r n e s , é t a b l i a u x d é p e n s
des b u s e s , e t c o m p r e n a n t d e u x espèces, d o n t
l'une v i t e n E u r o p e , e t l ' a u t r e à J a v a : On a
trouvé dans l'estomac des BONDRÉKS,'71/i est
fort large, des grenouilles et des lézards en-
tiers. (Buff.) Il n'y a petit berger, dans la Li-
magne d'Auvergne, qui ne sache connaître la
BONDRÉE,BONDRÉE, et la prendre par engin avec des gre-
nouilles. (Belon.) La BONDRÉE commune a un
plumage très-variable. (Lafresnaye.)
— E n c y c l . L a bondrée est un oiseau de proie
d i u r n e , de l a famille d e s falconidés, q u i r e s -
semble b e a u c o u p à la b u s e . T r è s - c o m m u n e
autrefois en F r a n c e , c o m m e d a n s le reste de
l'Europe, elle y est d e v e n u e r a r e . L a femelle
est plus grosse q u e le mâle. Elle bâtit son nid
a v e c des b û c h e t t e s , le tapisse de laine à l'in-
térieur, e t y dépose ordinairement trois œufs
d'un g r i s c e n d r e , m a r q u e t é de petites t a c h e s
b r u n e s . Quelquefois aussi la bondrée s ' e m p a r e
de nids faits e t a b a n d o n n é s p a r d'autres o i -
s e a u x ; on e n a t r o u v é d a n s d e s nids d e m i -
l a n . Elle n o u r r i t ses petits d ' i n s e c t e s , e t p a r -
ticulièrement de l a r v e s de g u ê p e s ; de la lo
nom de falco apivorus, q u e lui o n t donné les
zoologistes. Toutefois la bondrée m a n g e aussi
des lézards, d e s grenouilles e t m ê m e d e s m u -
lots. Elle s e tient o r d i n a i r e m e n t sur les nvbre3
de la plaine pour g u e t t e r s a p r o i e ; elle voie
d ' a r b r e en a r b r e et de buisson e n b u i s s o n ,
toujours b a s , et n e s'élève p a s comme le m i -
lan. S o u v e n t m ê m e elle c o u r t à t e r r e , sans
s'aider de ses ailes, aussi vite q u e nos coqs de
b a s s e - c o u r , et c o m m e c e t oiseau est g r a s en
h i v e r , et s a chair bonne à m a n g e r , on tâche
alors d e le p r e n d r e au piège. C'est en volant,
c o m m e nous l'avons dit, d'arbre en a r b r e , q u e
les bondrées effectuent u n e g r a n d e partie d e
leurs v o y a g e s . Au p r i n t e m p s , on les voit a r -
r i v e r dans le m i d i , v e n a n t du sud-ouest e t s&
d i r i g e a n t v e r s le n o r d - e s t : elles v o n t p a r pe-
tites t r o u p e s , en s u i v a n t la môme direction
BOND
BONE
BONE
BONP 963
eue celles qui sont passées les premières.
Elles reparaissent de nouveau à 1 automne ;
maïs elles ne s'arrêtent jamais longtemps dans
le pays. On assure qu'elles nichent quelque-
fois en France. La faiblesse et le peu déten-
due du vol de la bondrée fait qu'elle n'a pas
été utilisée dans la fauconnerie.
BONDT
BONDT (Nicolas), littérateur et philologue
hollandais, né à Voorbourg en 1732, mort eu
1792. 11 ne s'occupa de littérature que dans la
première partie de sa vie, et, quoiqu'il s'y fût
acquis une certaine célébrité, il quitta cette
currière pour se jeter dans les affaires. On a
de lui : une Thèse sur l'épitre apocryphe de
Jérémie ; une édition soignée des Lectiones va-
rice de Vincent Contarini (1754) ; une Histoire
de la confédération des Provinces-Unies (1750);
une dissertation De polygamia (1756), etc.
BONDUC,
BONDUC, s. m.(bon-duk). Bot. Arbre de la
famille des légumineuses, tribu des cêsalpi-
niées, qur fait partie du genre gymnoclade
ou guilandine, et croît dans l'Amérique bo-
réale. On le cultive dans nos jardins, où on
le connaît mieux sous le nom de chicot. Son
bois, dur et rosé, est employé en ébéniste-
rie : On cultive le BONDUC surtout à cause de
son fruit, gui fournit une huile inodore, inalté-
rable, et que l'on met à profit pour conserver
l'arôme des parfums. (Bouiliet.) Il On l'appelle
aussi CUIQUIER.
— Encycl. Le bonduc est un arbre qui ap-
partient au genre gymnocladus, de la famille
des légumineuses et de la tribu des césalpi-
niées. C'est le gymnocladus canadensis de La-
mark (guilandina dioîca de Linné). Sa tige
?
haute de 20 m. dans son pays natal, mais qui
dans nos cultures ne dépasse guère 10 m., se
divise en rameaux portant des feuilles al-
ternes, grandes, deux fois ailées, à folioles
•ovales, d'un vert glauque; les fleurs, en grap-
pes dressées, ont peu d'éclat. Les fruits qui
leur succèdent sont des gousses longues d'en-
viron 12 centim. et larges de 2. Cet arbre perd
ses feuilles de très-boniie heure, et alors ses
rameaux, peu nombreux et nus, donnent à
l'arbre l'aspect du bois mort ; de là le nom vul-
gaire de chicot et le.nom scientifique gymno~
cladus (rameau nu).
Le bonduc est originaire du Canada et des
Etats-Unis j il peut croître en plein air dans
nos climats, et on le cultive dans nos jardins
paysagers, où il produit un assez bel effet par
son feuillage; mais il y fleurit rarement. Toutes
les expositions et toutes les terres lui sont
bonnes; il préfère toutefois les sols frais et
meubles. On peut le propager de graines, mais
il faut les faire venir d'Amérique ; aussi le plus
souvent le multiplie-t-on,dans les pépinières,
de boutures et de marcottes, ou bien encore
de tronçons de racines. Les jeunes sujets doi-
vent rester trois ou quatre ans en pépinière,
avant d'être plantés à demeure. Le bois du
bonduc est dur et a une belle teinte rosée; au
Canada, on l'emploie dans l'ébénisterie ; mais
en Europe, il acquiert rarement une dimen-
sion qui permette de l'utiliser.
Bonduca, tragédie anglaise de Beaumontet
Fletcher. Cette tragédie est peut-être celle
qui donne l'idée la plus exacte du génie de ces
deux auteurs. Les situations sont au moins au
niveau des caractères, et les caractères por-
tent l'empreinte de cette grandeur mystérieuse
qu'inspirent les sujets antiques. L action se
passe dans la„Gran de-Bretagne ; c'est, comme
dans le Cymbeline de Shakspeare, un épisode
de la lutte héroïque qu'ont soutenue les an-
ciens Bretons contre les armes romaines, sou-
venir national qui excitait, même après des
siècles, l'enthousiasme d'un peuple très-atta-
ché à ses traditions de gloire. La matière com-
portait des situations fortes, un style énergi-
que, des pensées mâles et de grands caractères.
Tout, en effet, les événements, le langage,
respire l'héroïsme dans Bonduca; Romains et
Bretons rivalisent de sentiments nobles, dont
l'adversité et le danger relèvent encore l'ex-
pression.
Contre l'usage de cette époque, l'action
marche rapidement, sans être surchargée d'i-
nutiles péripéties. On voit arriver sur la scène
les Bretons victorieux , conduits par la reine
Bonduca, et par leur plus illustre général, Ca-
ratach. Les Romains fuient. A la vue de ce
succès, Bonduca se laisse aller à un mouve-
ment d'orgueil et de joie insultante, qui trahit
la faiblesse naturelle à son sexe ; elle accable
les vaincus d'outrages et les poursuit de ses
cris de triomphe. Caratach arrive à temps pour
la faire rentrer en elle-même j il lui rappelle
éloquemment les titres de gloire de Rome ; il
demande si une seule victoire doit être célé-
brée avec tant d'emphase, et si le vainqueur
ajoute à sa renommée en outrageant ses enne-
mis vaincus. Après que les Bretons ont chanté
leur victoire, paraissent à leur tour les Ro-
mains, que leurs officiers encouragent et pré-
parent a une nouvelle rencontre. Nous ne
parlons que pour mémoire des bouffonneries
de quelques soldats, qui se plaignent d'en être
réduits à une ration insuffisante de haricots ;
de l'amour ridicule d'un officier pour une des
filles de la reine, et delà trahison de celle-ci,
qui lui assigne un rendez-vous pour le faire
prisonnier.
Après ce premier échec des Romains, la
lutte recommence avec ardeur. D'un côté le
patriotisme, de l'autre l'orgueil militaire et la
honte de la défaite, enflamment les combat-
tants. Enfin le courage indiscipliné est vaincu
par la tactique savante des légions. Les Bre-
I tons enfoncés en sont réduits à se disperser
dans leurs forêts. Alors se déploie la fermeté
I des vaincus. La reine Bonduca se réfugie,
avec ses deux filles et quelques serviteurs
fidèles, dans une forteresse. Les Romains l'as-
siègent et la supplient de se rendre ; mais elle
refuse en reine. Après ce refus, il ne reste
plus qu'à mourir. Bonduca engage ses deux
filles à s'empoisonner avec elle. Chez l'une
d'elles la chair faiblit; mais l'autre ranime les
forces défaillantes de sa sœur, l'exhorte à dire
adieu à la vie , et jusqu'au dernier soupir in-
sulte les vainqueurs. « Le caractère le plus
complet peut-être, le plus naturel, le mieux
soutenu et le plus beau', dit M. A. Mézières,
est celui de Caratach, chef des Bretons. Avec
! beaucoup d'héroïsme, l'auteur lui attribue du
bon sens, de la raison et de la mesure, qua-
lités rares chez les héros du vieux théâtre an-
glais. »
BONDUES
BONDUES , bourg et commune de -France
(Nord), canton sud de Tourcoing, arrond. et
j à 7 kilom. N.-E. de Lille. Pop. aggl. 615 hab.;
;
pop. tôt. 3,375 hab. Fabrique de sucre, bras-
serie , distillerie. Récolte et commerce de
graines oléagineuses, avoine et lin.
BONDUS
BONDUS s. m. (bon-duss). Bot. Syn. de
BONDUC.
BONDUCELLE
BONDUCELLE s.'f. (bon-du-sè-le — dimin.-
de bonduc). Bot. Arbre de l'Inde, voisin du
bonduc.
BONDYBONDY s. m. (bondi). Hortic. Variété de
pomme.
BONDY,
BONDY, bourg de France (Seine), arrond.
de Saint-Denis, à 10 kilom. N.-E. de Paris,
sur le canal dé l'Ourcq; 1,450 hab. Ce village
n'est intéressant que par sa forêt, d'une con-
tenance de 2,108 hectares, qui fut, dit-on, le
théâtre de l'assassinat de Childéric II, roi
i'Austrasie, par Bodillon, en 673, et du meur-
tre d'Aubry de Montdidier. Ces deux crimes
et plusieurs autres avaient donné à la forêt de
Bondy une triste célébrité, qu'elle a heureuse-
ment perdue de nos jours. Elle est pour.les
Parisiens un but de charmantes promenades.
Quoi qu'il en soit, l'expression forêt de
Bondy est restée dans notre langue pour si-
gnifier un coupe-gorge, un lieu dangereux, et
surtout ces entreprises véreuses d'où les ac-
tionnaires ne se retirent que dépouillés et
ruinés.
BONDY
BONDY (P ierre-Marie, comte TÀILLEPIED
DE), administrateur et homme politique, né à
Paris en 1766, mort en 1847. Directeur de la
fabrication des assignats, il donna sa démis-
sion après le 10 août 1792 , reparut sur la
scène politique en 1805, et devint successive-
ment chambellan de l'empereur, maître des
requêtes, comte, préfet de Lyon (l8io), préfet
de la Seine (1815), conseiller d'Etat, député de
l'Indre pendant la Restauration, de nouveau
préfet de la Seine après 1830, et enfin pair de
France en 1832. C'est lui qui fit dessécher les
marais de Perrache à Lyon, et qui commença
le beau quartier qui les a remplacés.
BÔNE,
BÔNE, l'ancienne Hippone ou Hippo-Regius
des Latins, \&Beled-el-Anab ou Ville des dattes
des Arabes, ville forte de l'Algérie, chef-lieu
de la division administrative de son nom, prov.
et à 155 kilom. N.-E. de Constantine, à 400 kil.
E. d'Alger, port sur la côte ouest du golfe de
même nom, près de l'embouchure de Ta Sey-
bouse ; 7,950 nab. Siège d'une sous-préfecture,
d'un tribunal de l
r
e instance, et d'une justice
de paix. Fabrique d'étoffes de laine, tapis,
selles ; commerce de blé, corail, grains, laines,
peaux et cire.
Bône, centre de la pêche du corail sur la
côte d'Algérie, fut fondée au vn
e
siècle sur les
ruines d'Hippone, dont saint Augustin fut révo-
que. Sous Louis XIV, la compagnie fran-
çaise d'Afrique y établit un comptoir qui fonc-
tionna jusqu en 1789. Les Français occupèrent
cette ville en 1832. Depuis lors, les environs ,
qui sont d'une remarquable fertilité, ont été
assainis par la canalisation des eaux stagnantes
de la Seybouse et de deux autres rivières
moins importantes ; aussi la colonisation agri-
cole y a-t-elle pris une très-grande impor-
tance.
BÔNE
BÔNE (golfe de) , baie de la Méditerranée,
sur la côte d'Algérie, province de Constan-
tine, formée parle cap de Garde à l'ouest, et
le cap Rosa à l'est. Une distance de 60 kilom.
sépare ces deux caps. C'est dans ce golfe que
se trouvait, un peu au S. de Bône, YAphrodi-
sium des anciens, port qui dépendait d'Hip-
pone.
BONE
BONE (Henri), peintre émailleur anglais, né
en 1755, mort en 1834. Il travailla d'abord dans
des fabriques de porcelaine. En 1780, il pré-
senta à l'Académie royale le portrait en émail
de sa femme, et ce portrait commença sa ré-
putation. En 1800, le prince de Galles le
nomma son peintre en émail. Ses principales
productions sont : l'Amour et la Muse, la Mort
de Bidon, Bacchus et.Ariane, d'après le Titien;
Bethsabée, d'après Poussin; la Viej'ge, d'a-
1
près Raphaël; {'Assomption, d'après Murillo.
BONECHI
BONECHI (Matteo), peintre italien, né à
Florence, travaillait dans la première moitié
du xvme siècle. Il eut pour maître Sagvestani,
qu'il aida dans ses nombreux travaux et sous
la direction duquel il acquit une grande habi-
leté pratique. Il suppléa, dit Lanzi, à son peu
de connaissance du dessin par l'imagination
et par la couleur. Il réussit principalement
dans la peinture à fresque, et décora, à l'aide
de ce procédé, les coupoles et les chapelles de
plusieurs églises de Florence, notamment de
San-Frediano-in-Cestello, des Saints-Apôtres,
de Tous-les-Saints , de Saint-Jacques sur
l'Arno, de Santa-Maria-Nuova, etc. Il peignit
aussi la voûte de l'escalier et les plafonds de
diverses salles du palais Capponi. Ses tableaux
sont assez rares. L'un des meilleurs est un
Christ en croix, dans l'église de San-Firenze.
•— Giovanni BONECHI, probablement frère du
précédent et élève comme lui de Sagrestani,
a peint avec ce dernier des tableaux qui figu-
rent dans la chapelle du Saint-Sacrement à
Santa-Maria-Novella.
BONE
BONE D E U S loc. interj. (bo-né-dé-uss —
mots lat. signif. bon Dieul) Exclamation fami-
lière qui exprime un étonnement douloureux :
BONEBONE DEUS 1 que me dites-vous là ?
BONEFONSBONEFONS (Jean). V. BONNEFONS.
BONEFRO,
BONEFRO, bourg du royaume d'Italie, prov.
de Molise, district et à 10 kilom. S.-E. de La-
rino, ch.-l. de canton, sur le penchant d'une
colline ; 3,500 hab.
BONELLI
BONELLI (George), médecin et botaniste
italien du xvme siècle. Il fut professeur de
médecine à Rome, et cultiva particulièrement
la botanique. Il est connu surtout comme prin-
cipal auteur du Hortus romanus
f
juxta sys-
tema Tournefortiarium paulo strictius distri-
buas (Rome, 1772-1784 , 8 vol. in-fol., avec
800 planches coloriées). Ce grand ouvrage,
terminé en 1784, a été continué et modifié par
Nicolas Martelli, Liberato et Constantin Sab-
bati.
BONELLI
BONELLI (Benoît), théologien italien, né à
Cavalese, près de Trente, en 1709, mort vers
la fin du siècle dernier. Il entra dans l'ordre
des franciscains, se livra à la prédication et
publia de nombreux ouvrages, dont les princi-
paux sont : Epitome, qua theoria praxisque
exhibetur saniorum morum doctrinœ ( 1737 ,
in-8°); Vindiciœ Romani martyrologii (Vé-
rone, 1751, in-40); Animadversioni criticheso-
pra il notturno congresso delle_ lammie (in-4°),
et un ouvrage dans lequel on trouve des re-
cherches pleines d'intérêt pour l'histoire du
pays de Trente, sous le titre de Dissertazione
intorno alla santità e martiriodel B. A. Bal-
preto (1755, in-4o).
BONELLI
BONELLI (François-André), naturaliste ita-
lien, né à Cuneo (Piémont), en 1784, mort à
Turin en 1830. Dès sa jeunesse, il manifesta un
goût décidé pour l'histoire naturelle. On ra-
conte qu'un jour, ayant vu dans la campagne
un papillon d'une espèce rare, il le poursuivit
l'espace de huit lieues et parvint enfin à l'at-
teindre. En 1809, il remplaça le professeur
Giorna à l'Académie des sciences de Turin, et
fut nommé professeur d'histoire naturelle à
l'université de cette ville. Il voyagea ensuite
en France, se mit en rapport avec les savants
de ce pays, et à son retour fut choisi pour di-
riger le musée d'histoire naturelle. On a de lui
le Spécimen faunœ subalpinœ (1807), conte-
nant la description d'un très-grand nombre
d'insectes, et divers mémoires insérés dans le
recueil de l'Académie des sciences de Turin.
BONELLI
BONELLI (Louis), philosophe italien, ne à
Rome en 1797, mort en 1840, a publié entre
autres ouvrages : Examen historique des prin-
cipaux systèmes de philosophie (Rome, 1829) ;
Examen du déisme (1830) ; Institutions de lo-
gique et de métaphysique (1833); Histoire de
la philosophie allemande depuis Leibnitz jus-
qu
f
à Hegel (1837).
BONELLIE
BONELLIE s. f. (bo-nèl-lî — du nom de
Bonelli, savant italien). Entom. Genre d'in-
sectes diptères, comprenant trois espèces,
dont deux vivent aux environs de P a n s .
— Eçhin. Genre d'échinodermes, à corçs
très-mou, comprenant deux espèces, qui vi-
vent dans la vase, sur les côtes de la Médi-
terranée.
BONER
BONER (Ulrich), dominicain et fabuliste
allemand du xive siècle, vivait à Berne. On
ne sait rien de sa vie. Il reste de lui un recueil
de fables intitulé Der Edelstein, et la Pierre
précieuse, dont la première édition parut à
Bamberg en 1461, in-fol. C'est, dit-on, le plus
rare des incunables, et l'on n'en connaît qu'un
exemplaire, qui se trouve à la bibliothèque
de Wolfenbûttel. On en a publié une bonne
édition à Berlin en 1816, avec un glossaire.
BONER
BONER (Jérôme), littérateur allemand, qui
florissait à Colmar au xvic siècle. Il a traduit
- en allemand un grand nombre d'ouvrages
grecs et latins : les Chroniques de Paul Orose
(1529); les Métamorphoses d'Ovide (1530); les
Histoires de Justin (1531) ; la Guerre du Pélo-
ponèse de Thucydide (1532); les Vies de Plu-
tarque (1534); les Philippiques de Démos-
thène (1543), etc.
BONERBA
BONERBA (Raphaël),-théologien italien, né
à San-Filippo d Argivo (Sicile), vers 1600,
mort en 1681. Il fit partie de l'ordre des au-
gustins, et publia; Totius philosophiœ natu-
ralis disputationes (Palerme, 1671, in-4°);.
Viridafium in plures partes condivisum (1671,
in-4o); Sacri problemi sopra gli Evangeli
(1661-1G67).
BONESET
BONESET s. m. (bo-ne-zè). Bot. Plante
c
de
la famille des composées.
BONESI
BONESI (Giovanni-Girolamo), peintre ita-
lien, né à Bologne en 1653, mort en 1725. Il
fut élève de Giov. Viani, mais il renonça bien-
tôt a la manière de ce maître «pour suivre
celle de Carlo Cignanî. Il fut nommé membre
de l'Académie Clémentine. On voit de ses ta-
bleaux à Bologne; au dire de Lanzi, ils joi-
gnent à un certain degré de beauté une dé-
licatesse et une grâce qui les distinguent de
tous les autres.
BONET
BONET (Nicolas), théologien de l'ordre des
franciscains, et surnommé le Docteur profi-
table. Il fut légat du pape Benoît XII en Tar-
tarie, et devint évêque de Malte en 1342. Son
nom fut un instant célèbre à cause du bruit
ue fit une des opinions singulières soutenues
ans ses ouvrages : il prétendait que, lorsque
Jésus-Christ prononça ces paroles : « Femme,
voilà votre fils , » il s'opéra une véritable
transsubstantiation, et saint Jean devint réel-
lement le fils de Marie.
BONET
BONET (Jean-Paul), auteur espagnol qui pu-
blia, sur l'art de faire parler les muets, un ou-
vrage intitulé : Reduccionde las letras y artes
para ensenar a hablar a los mudos (Madrid,
1620, in-4*o). Bonet attribue la première in-
vention de cet art à Pierre Ponce, mais il est
permis de croire qu'il le perfectionna lui-
même, et il a au moins le mérite d'en avoir
rendu publics les principes. Cet ouvrage fut
imprimé à Madrid en 1620.
BONET
BONET ou BONT (saint), en latin Bonus ou
Bonitu», né en 624, mort à Lyon en 710. Il
fut référendaire ou chancelier de saint Sige-
bert III, roi d'Austrasie. Plus tard, Thierry III
le nomma gouverneur de la province de Mar-
seille. Il devint ensuite évêque de Clermont,
après la mort de saint Avit, son frère; mais,
après dix ans d'épiscopat, ayant conçu quel-
ques doutes sur la canonicité de son élection,
il donna sa démission. Il fit ensuite un pèleri-
nage à Rome, et mourut à son retour.
BONET
BONET (Théophile), médecin genevois. V.
BONNET. '
BONET
BONET (Jean-Pierre-François, comte), gé-
néral français, né à Alençon en 1768, mort
dans la même ville en 1857, était fils d'un
boulanger. Il fit les campagnes de la Ré-
volution, devint général de brigade en 1794,
et général de division en 1803. Ami de Mo-
reau, il resta quelques années en disgrâce,
servit en Espagne en 1808, eut part aux suc-
cès de Lutzen et de Bautzen ( 1813), fit la
campagne de'1814, et fut mis en disponibilité
en 1825 pour ses opinions bonapartistes. Ap-
pelé à faire partie de la Chambre des pairs en
1831, il fut nommé sénateur en 1852.
BONETTI
BONETTI (Pierre-Paul), jurisconsulte ita-
lien, né à Crémone, mort en 1691. Il a publié,
entre autres ouvrages, deux recueils intitulés :
Antigua ducum Mediolanensium décréta (Mi-
lan, 1654, in-fol.), et Armamentarium, sive
Edicta de armis, édita a Mediolani gubernan-
tibus (1688, in-fol.).
BONETBONET DE LATES, médecin et astrologue
provençal, florissait au xvie siècle. Il appar-
tenait à la religion juive, et se fixa à Rome. Il
jouit d'une certaine réputation comme mathé-
maticien et comme astronome. Bonet est l'in-
venteur d'un anneau astronomique servant à
mesurer la hauteur du soleil et des étoiles, et
à trouver l'heure la nuit comme le jour. Il a
écrit sur ce sujet, et dédié au pape Alexan-
dre V I , un traité intitulé : Be annuli astrono-
mici utilitate (Paris, 1506).
BONFA
BONFA (Jean), astronome français, né à
Nîmes en 1638, mort en 1724, fut professeur
de mathématiques à Avignon et à Marseille.
Outre des Observations astronomiques, fort
estimées de son temps, il a publié une Carte
géographique du Comtat Venaissin (1699); une
Nouvelle manière de marquer dans les quarts
de cercle et dans les demi-cercles (1686).
BONFADIO
BONFADIO (Jacques), littérateur italien, né
à Gazano, diocèse de Brescia, au commence-
ment du xvic siècle, mort en 1559, occupait
une chaire de philosophie à Gênes, lorsqu'il
fut condamné a mort pour un crime sur la
nature duquel les biographes ne s'expliquent
pas. Il commença l'histoire de cette républi-
?
ue sous le titre de : Annualium genuensium...
ïbri quinque (Pavie. 1586, in-4o)
;
ouvrage que
la mort l'empêcha d achever. On lui doit aussi
des Lettres familières (Brescia., 1746).
BONFANTE
BONFANTE (Ange-Mathieu), poëte et natu-
raliste italien, né à Palerme, mort en 1676.
Outre un assez grand nombre d'ouvrages ma-
nuscrits sur divers sujets, Bonfante a laissé :
un poëme héroïque, la Fortuna di Cleopatra
da Bassano (1653); des Lettere sulla botanica
(1673), un recueil de Vers, etc.
BON-FIEUX
BON-FIEUX s. m. pi. (bon-n-eu — de bon et
fieux, forme picarde de fils). Hist. relig. Nom
des membres d'une congrégation du tiers
ordre dé Saint-François, qui s'appliquait
spécialement au soin des malades et à l'en-,
seignement primaire, il On dit aussi BON-FILS.
BONFINI-(Antoine), historien, né à Ascoli,
dans la Marche d'Ancône, en 1427, mort en
1502. Il professa les humanités a Recanati, et
fut appelé à la cour de Hongrie par le roi
Mathias Corvin. Il écrivit en latin, d'après les
ordres de ce prince, une Histoire de Hongrie
(jusqu'en 1495), dont la meilleure édition est
celle de Leipzig (1771). Cette histoire est es-
timée, tant pour l'exactitude des faits que
pour l'élégance du style. On doit en outre à
Bonfini une Relation de la prise de Belgrade
par Mahomet II en 1456, publiée dans le Syn-
dromus rerum Turcico-Pannonicarum (Franc-
fort, 1527,in-4°); Symposion Bcatricis, sive
dialogi très de pudicitia conjugali et virgini-
964 BONG
BONH
BONTI
BONH
tate (Bàle, 1572, i n - 8 ° ) ; des Commentaires sur
Horace, e t c .
BONFOS
BONFOS ( M a n a h e m ) , l e x i c o g r a p h e f r a n -
ç a i s , qui a p p a r t e n a i t à la religion j u i v e et v i -
v a i t à. P e r p i g n a n . On ignore la date de s a
n a i s s a n c e e t celle de s a m o r t . Il est connu p a r
un o u v r a g e h é b r e u intitulé : Michal-Jofl ou
Perfection de beauté (Salonique, 1567, in-4°). .
C'est u n e sorte de lexique
?
désigné parfois
sous le n o m de Liber definitionum, dans lequel
Bonfos a expliqué e t défini les t e r m e s des
sciences c o n n u e s à l'époque où il vivait.
BONFRHRE
BONFRHRE ( J a c q u e s ) , théologien e t s a v a n t
j é s u i t e , n é à. Dinand-sur-Meuse en 1573, m o r t !
à T o u r n a y en 1643. Il professa l o n g t e m p s à !
Douai la philosophie, l a théologie e t l'hébreu.
On a de lui : Pentateuchus Mosis commenta-
rio illustratus, Proloquia in totam scriptu-
ram sacram (1625, in-fol.), e t d'autres c o m -
m e n t a i r e s s u r les livres de Josué, des Juges,
d e Ituth, des Pois, d e s Paralipomènes, e t s u r
YOnomasticon ou Description des lieux et des
villes de l'Ecriture sainte (1631, in-fol.).
BONGARDIE
BONGARDIE s. f. ( b o n - g a r - d î — du n o m
d e Bongard, b o t a n . allem!). B o t . G e n r e de
p l a n t e s , de la famille d e s b e r b é r i d é e s , créé
a u x d é p e n s d e s l é o n t i c e s , e t c o m p r e n a n t *
d e u x espèces, q u i c r o i s s e n t en O r i e n t .
BONGARE
BONGARE s. m . ( b o n - g a - r e — n o m j b e n -
gali). E r p é t . G e n r e d e s e r p e n t s v e n i m e u x ,
(onfondu d ' a b o r d a v e c l e s ooas, e t c o m p r e -
n a n t t r o i s espèces, q u i v i v e n t a u B e n g a l e e t
d a n s l'île d e J a v a : Tous les BONGARES sont
venimeux, et l'on dit même que leur venin est
fort actif. (C. d ' O r b i g n y . )
— E n c y c l . L e s bongares sont d e s reptiles
v e n i m e u x , et p o u r t a n t ils o n t d e s dents fixes
c o m m e ceux qui ne sont p a s v e n i m e u x , e t
n'ont point de c r o c h e t s mobiles; mais la p r e -
mière dent, plus g r a n d e que les a u t r e s , est
p e r c é e e t laisse p a s s e r le venin s é c r é t é p a r
u n e g l a n d e . Ils o n t des plaques sous le v e n t r e
e t sous la q u e u e , comme les boas, e t on les
a a p p e l é s pseudo-boas. L e u r dos e s t caréné,
et g a r n i d'une r a n g é e d'écaillés. D a n s l'Inde,
qu'ils habitent, on l e s n o m m e serpents de ro-
che. On en distingue trois espèces : le bongare
à a n n e a u x , dont la longueur atteint 2 m. 50 ;
le bongare b l e u , b e a u c o u p plus petit, et le
bongare à d e m i - b a n d e s qui se t r o u v e dans l'Ile
d e J a v a .
EONGARS ( J a c q u e s ) , s a v a n t critique e t h i s -
torien calviniste, né à Orléans e n 1546, mort à
P a r i s en 1612. H e n r i IV, soit comme roi de
N a v a r r e , soit c o m m e roi de F r a n c e , l'employa
p e n d a n t p r è s de t r e n t e a n s comme négociateur,
p r i n c i p a l e m e n t a u p r è s des c o u r s d'Allemagne.
Ses p r i n c i p a u x o u v r a g e s sont : u n e histoire
des croisades : G esta Dei per Francos ( H a n a u ,
1G16, in-fol.),recueil i n t é r e s s a n t , s o u v e n t e î t é ;
u n e Collection des historiens hongrois (1600,
in-fol.); u n e édition de Justin, a v e c de s a -
v a n t e s n o t e s ; d e s Lettres pleines d'intérêt,
utiles pour l'histoire du t e m p s , e t qui o n t é t é
t r a d u i t e s e n français p a r les écrivains d e P o r t -
R o y a l , sous le nom d e Brianville ( P a r i s , 1668,
2 vol. in-12).
BONGARS
BONGARS ( J e a n - F r a n ç o i s - M a r i e , b a r o n DE),
g é n é r a l p e n d a n t les g u e r r e s de la Révolution
e t de l ' E m p i r e , n é à Rieux (Seine-Inférieure)
en 1758, mort v e r s 1820. E n t r é dans les pages
du roi en 1770, il é t a i t chef d'escadron en
1788. Trois a n s a p r è s , il é m i g r a , s e r v i t dans
l ' a r m é e de C o n d é , puis il p a s s a a u service du
p r i n c e de Hohenzollern-Hecliingen (1803),
qui le fit é c u y e r e t le n o m m a colonel en 1806.
E n 1808, il fut a t t a c h é a u roi de W e s t p h a l i e ,
J é r ô m e B o n a p a r t e , fut n o m m é g é n é r a l de
b r i g a d e e n 1809, g é n é r a l de division e n 1812,
et prit du s e r v i c e en F r a n c e , a v e c le g r a d e
de g é n é r a l de b r i g a d e , en 1813. II fut m i s à l a
r e t r a i t e p a r les Bourbons a p r è s les C e n t -
J o u r s . On a d e lui quelques é c r i t s , e n t r e a u -
t r e s u n e traduction estimable d e s Institutes
militaires d e V é g c c e ( P a r i s , 1772).
BONGARTEN
BONGARTEN (Anichius), capitaine allemand
qui c o m m a n d a u n e d e ces bandes c o n n u e s , a u
x i ve siècle, sous le nom de grandes compagnies.
En 1358, il e n t r a a u s e r v i c e des Siennois, qui
faisaient alors la g u e r r e a u x P é r o u s i n s ; puis
il les quitta, e t , s
;
é t a n t j o i n t a u comte L a n d o , il
se mit à piller les c a m p a g n e s et à lever d'énor-
mes contributions s u r les villes d'Italie. P l u s
t a r d , on le vit à la solde de d i v e r s princes ; m a i s ,
quelle q u e fût son habileté pour la g u e r r e , il
les s e r v i t assez m a l , et ne r e c u l a j a m a i s d e v a n t
l a trahison q u a n d il y t r o u v a i t son i n t é r ê t .
BON'GEAU. V . B O N J E A U .
RONGES ( P i e r r e ) . V . BONGO.
BONGIOVANNI
BONGIOVANNI (Antoine), e n latin B o n j o -
b a n n e s , érudit e t l i t t é r a t e u r italien, n é en
1712 à P e r r a r o l o , m o r t v e r s 1760. Il p a s s a s a
v i e dans d e s t r a v a u x .d'érudition e t , s'étant j
r e n d u a, Venise, il s e m i t h faire le catalogue .
d e la bibliothèque de S a i n t - M a r e , conjointe- !
m e n t a v e c Zanetti. P a r m i s e s o u v r a g e s , nous '
c i t e r o n s : Grœca scholia scriptoris anonymi in
Jlomeri Iliada (1740); Grœca, latina et italien
D. Marci bibliotheca (1740-1741); Leontii mo- >
nachi Hierosol. quœdam ad historiam eccle-
siasticam spectantia e grœco versa (1752), e t c .
BONGO
BONGO ou BONGES ( P i e r r e ) , s a v a n t italien,
n é à B e r g a m e , mort en 1601. Il acquit les
c o n n a i s s a n c e s les plus v^riées.et les plus é t e n -
d u e s , e t s'occupa d'une iaçon particulière de
s c i e n c e s o c c u l t e s . i l était chanoine de la c a -
t h é d r a l e de B e r g a m e e t jouissait d'une g r a n d e
réputation. Il a laissé un o u v r a g e intitulé :
De mystica numerorum sigmficatione ( B e r -
g a m e , 1583, in-8°).
BONGUYOD
BONGUYOD (Marc-François), c o n v e n t i o n -
nel, n é à Moirans ( J u r a ) en 1751, m o r t en
1805. A p r è s s'être fait recevoir a v o c a t a u par-
l e m e n t de B e s a n ç o n , il remplit a v e c intégrité
diverses c h a r g e s municipales. Elu député à la
Convention, il s i é g e a dans la P l a i n e e t se
m o n t r a partisan zélé de toutes les réformes,
mais ennemi d e s e x c è s . A p r è s la session, ii
se r e t i r a d a n s son d é p a r t e m e n t e t reprit s a
profession d'avocat. Quand Napoléon fut p r o -
clamé e m p e r e u r , Bonguyod v i t a v e c douleur
la c h u t e de la R é p u b l i q u e e t d o n n a de t e m p s
en temps d e s m a r q u e s d'aliénation m e n t a l e .
On ne sait si s a m o r t fut volontaire ou acci-
dentelle ; mais on le t r o u v a n o y é d a n s u n e
m a r e p r è s de Moirans.
BON-HENRI
BON-HENRI s. m . ( b o - n a n - r i ) . B o t . N o m
v u l g a i r e d'une p l a n t e de l a famille d e s a t r i -
plicées e t du g e n r e b l e t t e , qu'on appelle aussi
e p i n a r d s a u v a g e : On mange les jeunes pousses
du
BONHAM
BONHAM (sir S a m u e l - G e o r g e ) , fonction-
n a i r e a n g l a i s , n é en 1803 à \ V a r l e y (comté
d^Essex), fut n o m m é , e n 1833, g o u v e r n e u r de
l'île du P r i n c e - d e - G a l l e s , de M a l a c c a e t Sin-
g a p o r e , fonctions qu'il résigna e n 1842. De
1847 h 1853, il a occupé le double poste de
s u r i n t e n d a n t supérieur du c o m m e r c e anglais
en C h i n e , e t de g o u v e r n e u r c o m m a n d a n t en
chef de H o n g - K o n g e t d é p e n d a n c e s . L e s s e r -
vices qu'il rendit à s e s nationaux le firent
n o m m e r p a r la r e i n e c h e v a l i e r - c o m m a n d e u r
d e l'ordre du Bain en 1850, et b a r o n n e t en
1853. Il e u t pour successeur, à H o n g - K o n g ,
sir J o h n B o w r i n g .
BON-HENRIBON-HENRI comme les asperges, et ses feuil-
les comme tes êpinards. (Gouas.)
BONHEUR
BONHEUR s. m . (bo-neur—de bon et heur).
E l a t d e b i e n - è t r e e t de satisfaction i n t é r i e u r e :
Le
BONHEURBONHEUR n'est pas de te monde. Imaginer un
BONHEUR,BONHEUR, pur, c'est vouloir un ciel sans nuages.
( M a x i m e chinoise.) Le BONHEUR ne consiste
pas à acquérir et à jouir, mais à ne pas désirer,
car il consiste à être libre. ( E p i c t è t e . ) C'est
jouir du BONHEUR que de voir sans envie le
BONHEURBONHEUR des autres , et avec satisfaction le
BONHEURBONHEUR commun. (Boss.) Un grand obstacle
au
BONHEUR,BONHEUR, c'est de s'attendre à un trop grand
BONHEUR. ( F o n t e n . ) / / n'y a de BONHEUR par-
fait qu'avec un mauvais cœur et un bon esto-
mac. ( F o n t e n . ) En fait de BONHEUR, c'est sou-
vent l'exception qui flatte. ( F o n t e n . ) La fin
principale et la pjgmière loi d'un gouverne-
ment est le BONHEUR des peuples. (Fléeh.) Le
BONHEURBONHEUR ressemble à Vile d'Ithaque, qui fuyait
toujours devant Ulysse. (Volt.) Nous cher-
chons tous le BONHEUR, mais sans savoir où,
comme des ivrognes qui cherchent leur maison,
sachant confusément qu'ils en ont une. (Volt.)
La philosophie promet le BONHEUR, mais les
sens le donnent. (Volt.) Le plaisir n'est qu'une
situation, le BONHEUR est un état. (Duclos.)
Notre BONHEUR n'est qu'un malheur plus ou
moins consolé. (Ducis.) C'est en vain qu'on
cherche au loin son BONHEUR, quand on né-
glige de le cultiver en soi-même; car il a beau,
venir du dehors, il ne peut se rendre sensible
gu'autant qu'il trouve au dedans une âme propre
à le goûter. ( J . - J . Rouss.) Il n'est point de
.route plus sûre pour aller au BONHEUR que
celle de la vertu. ( J . - J . Rouss.) On ne fait son
BONHEURBONHEUR qu'en s'occupant de celui des autres.
(B. de S t - P . ) Le BONHEUR dépend uniquement
de l'heureux accord de notre caractère avec
l'état et les circonstances dans lesquelles la
fortune nous place. (Helvét.) Le BONHEUR
n'est qu'un sentiment du bien. (Volney.) Le
BONHEURBONHEUR n'est souvent que du bon sens. (Mme d e
L e s t a n g . ) Le BONHEUR n'est que ta santé de
l'âme. (Barthél.) Le BoxiiEUR est en général le
résultat des commodités. (Raynal.) Le BON-
HEUR tient plus aux affections qu'aux événe-
ments. (Mmu Roland.) Le BONHEUR est l'état
résultant de sensations agréables. ( S é n a n -
c o u r t . ) Le BONHEUR de l'homme est dans l'at-
trait de ce qu'il attend. (Alibert.) Ah! soignez
bien cette plante rare qu'on nomme le BON-
H E U R ! C'est si difficile à acquérir, et presque
impossible à retrouver. (B. Const.) Dés qu'on
aura bien conçu que tous doivent être appelés à
s'occuper du BONHEUR de tous, le plus difficile
sera fait. (Joseph B o n a p a r t e . ) La découverte
d'un mets fait plus pour le BONHEUR du genre
humain que la découverte d'une étoile. (Brill.-
S a v . ) Le BONHEUR dure, le plaisir recommence.
(Mme de L o s t a n g e . ) De cruelles déceptions
attendent la femme qui a placé tout son BON-
HEUR dans l'amour. (M™e R o m i e u . ) Le BON-
HEUR consiste à avoir beaucoup de passions, et
beaucoup de moyens de les satisfaire. ( F o u r i e r . )
Le véritable BONHEUR est nécessairement le
partage exclusif de la véritable vertu. ( C a b a -
nis.) Il est plus sûr d'attendre le BONHEUR
chez soi que de courir après lui. (V. C h e r b u -
liez.) Religion à part, le BONHEUR est de s'i-
gnorer et d'arriver à la mort sans avoir senti
la vie. ( C h a t e a u b r . ) ZCBONHEUR a deux lois :
beaucoup et pas longtemps.. (Ch. N o d . ) Il y
'aurait de quoi faire bien des heureux avec le
BONHEURBONHEUR qui se perd dans le monde. (De L é -
vis.) Tout BONHEUR est fait de courage et de
travail. (Bal2L) Le BONHEUR ne se mesure pas
aux âmes des hommes, comme la pâture aux
animaux. ( L a m a r t . ) Le BONHEUR n'est pas de
posséder beaucoup, mais d'espérer et d'aimer
beaucoup. ( L a m e n n . ) Se rendre digne du BON-
HEUR, c'est prendre la seule voie qui puisse
nous conduire au BONHEUR. (A. M a r t i n . ) Le
BONHEURBONHEUR est la fable de tout le monde, et n'est
l'histoire de personne. (Noël.) Le BONHEUR est
une des fins de l'homme; seulement il n'est ni
sa fin unique ni sa fin principale. (V. Cousin.)
Le
BONHEURBONHEUR est fait de modération. (V. Hugo.)
Le grand secret du BONHEUR est d'être bien
avec soi-même. ( J . J a n i n . ) Le BONHEUR est de
sentir son âme bonne. (J. J o u b e r t . ) Le BONHEUR
est la vocation de l'homme. (Lacordaire.) Le
BONHEURBONHEUR est moins dépendant des circonstances
que du caractère. ( E . de Gîr.) Projets de BON-
H E U R ! vous êtes peut-être le seul BONHEUR vé-
ritable ièi-bas! (A. de Musset.) On ne saurait
jamais faire son BONHEUR trop petit. ( S t a h l . )
Le
BONHEURBONHEUR n'existe que par l'impression qu'il
produit, ( [ t é m u s a t . ) L'homme ne connaît le
BONHEURBONHEUR que par l'espérance ou le souvenir.
( L a t é n a . ) Le BONHEUR, c'est,pour chaque être,
l'essor intégral et continu de toutes ses attrac-
tions naturelles. ( T o u s s c n e l . ) £ e BONHEUR est le
plaisir en gros, le plaisir est le BONHEUR eu dé-
tail. (A. d'Houdetot.) Quand on a pu saisir le
BONHEURBONHEUR comme l'abeille fait son miel. ( D e s -
chanel.) Le BONHEUR consiste dans le libre
exercice des facultés, dans te sentiment de la
force et de l'aisance avec lesquelles on les met
en action. ( S t e - B e u v e . ) Lamoraleest lascience
du BONHEUR. ( G i r a u d . ) Le BONHEUR absolu est
la jouissance de tous les biens particuliers
auxquels notre nature peut atteindre; le mal-
heur en est la privation. (Azaïs.) Il y a un
instinct dans le cœur de l'homme, qui le fait
s'effrayer d'imBONHEURsans nuages. ( A . K a r r . )
Pour conserver son BONHEUR, il faut être heu-
reux tout bas. (A. K a r r . ) Les BONHEURS dura-
bles sont ceux entre lesquels et nous il y a beau-
coup de chemin à faire, ceux qui reculent à
mesure que nous avançons. (A. K a r r . ) Tout
BONHEURBONHEUR et qu'on l'a laissé s'échapper, tout est
morne et désenchanté, car il est de ces voya-
geurs qu'on ne rencontre pas deux fois dans
son chemin. ( J . S a n d e a u . ) L'homme fait son
BONHEURBONHEUR se compose de deux sentiments tristes :
le souvenir de sa privation dans le passé, et la
crainte de le perdre dans l'avenir. (A. K a r r . )
L'espérance et le souvenir tiennent plus de
pince dans la vie que le BONHEUR lui-même.
( E d . A b o u t . ) Le BONHEUR est une poésie. (H.
Taine.) L'homme est fait pour le BONHEUR
comme pour le bien. ( J . Simon.)
Dans le bonheur d'autrui je cherche mon bonheur.
CORNEILLE.
Mériter du bonheur, c'est plus que d'en avoir,
P. RAPIN.
Le bonheur des méchants comme un torrent s'écoule.
RACINE.
Je faisais le bonheur d'un héros tel que vous.
RACINE.
L'amitié dans nos cœurs verse un bonheur paisible.
DEMOUSTIER.
Qu'importe du bonheur la source fausse ou vraie ?
PIRON.
Le bonheur est le portoù tendent les humains.
VOLTAIRE.
Le bonheur appartient à qui fait des heureux.
DELILLE.
Le bonheur naît souvent du sein du malheur même.
M.-J. CIIÉNIER.
Le bonheur est aux lieux où Ton est adoré. __
DELÀ VILLE.
Demande a la vertu le secret du bonheur.
V. Huoo.
Le plaisir fait croire au bonheur.
BLRANGER.
Il faut voir Je bonheur de loin, comme les cieux.
CH. REYNAUD.
Un bonheur trop constant devient insupportable.
Du HOUSSAÏE.
Le bonheur a cela, de la mer et du flux,
Qu'il doit diminuer sitôt qu'il ne croit plus.
MAIRET.
Que le bonheur arrive lentement !
Que le bonheur s'éloigne avec vitesse !
» PARNT.
La voix accoutumée est douce h noire oreille,
Chaque jour s'embellît du bonheur .de la veille.
A. GUIRAUD.
Dans la vie humaine,
Le bonheur, tôt ou tard, fait oublier la peine. *
C. D'HARLEVILLE.
Le bonheur est le but où tout mortel aspire,
Et le chemin des mœurs peut seul nous y conduire.
Ducis.
Quiconque a sur le crime affermi sa grandeur
Doit-tenir pour suspect l'excès de son bonheur.
ilONTFLBUJiY.
Chacun a son bonheur; on doit s'en contenter :
On le perd quelquefois quand on veut l'augmenter.
POPE et FONTANES.
Il n'est rien qui corrompe autant que le bonheur,
Et la meilleure école est celle du malheur.
FRÉ VILLE.
On rit, on souffre, on meurt, au Pérou comme ici ;
Le malheur est partout, et le bonheur aussi.
FRÉVILLE.
Volonté de se vaincre, esprit juste et bon cœur,
Voilà les qualités qui donnent le bonheur.
MOREL-VINDÉ.
Qu'il est grand, le bonheur qui suit un grand danger !
Comme le cœur bat bien ! que le pied est léger !
BRIZEUX.
Ce monde, ce théâtre et d'orgueil et d'erreur,
Est plein d'infortunés qui parlent de bonheur.
Tout se plaint, tout gémit en cherchant le bien-être.
VOLTAIRE.
. . . Dieu mit-ees degrés .aux fortunes humaines :
Les unsvouttout courbés sous le fardeau des peines;
Au banquet du bonlieur bien peu sont conviés.
V. Huoo.
On passe par différents goûts
En passant par différents âges :
Plaisir est le bonheur des fous,
Bonheur est le plaisir des sages.
ROUFFLERS.
D'un vol épouvanté, dans le sombre avenir
Mon âme avec effroi se plonge,
Et je me dis : ce n'est qu'un songe
Que le bonheur qui doit finir.
LAMARTINE.
Le vois-tu bien, là-bas, là-bas.
Là-bas, là-bas? dit l'Espérance;
Bourgeois, manants, rois et prélats
Lui font de loin la révérence;
C'est le bonheur, dit l'Espérance.
BÉRANOER.
— E v é n e m e n t h e u r e u x ; b o n n e chance, cir-
c o n s t a n c e favorable : Ce qui vous arrive ml
un vrai BONHEUR. C'est un BONHEUR inouï. Quel
BONHEURBONHEUR pour vous.' Le plus grand des BON-
HEURS est de s'entendre accuser et de savoir
qu'on a fait le bien. ( M a r c - A u r è l c . ) Il n'y a
pas de succès si bien mérité, où il n'entre en-
core du BONHEUR. ( F o n t e n . ) On peut avoir un
BONHEURBONHEUR sans être heureux. (Volt.) Que se-
rait-ce donc que la vie si, nous privant chaque
jour de quelqu'un de nos BONHEURS passés, aile
ne tenait aucune des promesses qu'elle nous fait
pour l'avenir? (îMirab.) Au fond de tous tes
BONHEURSBONHEURS humains, il y a toujours quelque
chose qui fait tache. (A. K a r r . ) Les BONHEURS
sont comme le gibier : quand on les vise de trop
loin, on les manque. (A. K a r r . ) Le BONHEUR,
ce n'est le plus souvent que le bon sens hardi et
adroit. ( S t e - B e u v e . ) Le BONHEUR le plus ar-
demment désiré, quand il est obtenu, nous
effraye par son insuffisance. ( P . L e r o u x . ) Le
retour mélancolique de l'homme sur lui-même
nait plus ordinairement de l'expérience des
BONHEURSBONHEURS de ta vie que de celle de ses misères.
(Jouffroy.) Les hommes se réjouissent phts d'un
petit
BONHEURBONHEUR qui est nouveau que d'un grand
qui est ancien. ( H . T a i n e . ) Les talents comme
les
BONHEURSBONHEURS sexcluent. ( I I . T a i n e . ) Je suis
contente de l'arrangement de ma vie; tant de
BONHEURSBONHEURS m'environnent, qu'il m'est impossible
de souhaiter quelque chose de mieux ordonné.
(G. S a n d . ) Les BONHEURS sont les incidents, tes
occurrences heureuses. ( S e n a n c o u r t . ) Savoir
aimer Dieu par-dessus toutes choses est le plus
grand de'tous nos BONHEURS. ( J . Sini.)
Le plus grand des bonheurs est encor dans l'amour.
V. HUGO.
L e bonheur peut conduire à la grandeur suprême.
. CORNEILLE.
J'ai craint mon ennemi, mon bonheur me le livre.
CORNEILLE.
... Même au delà des bonheurs qu'on envie,
Il reste à désirer dans la plus belle vie.
SAINTE-BEUVE.
— Succès, r é u s s i t e : Le BONHEUR de nos
armes, il S e d i t p a r t i c u l i è r e m e n t d ' u n s u c c è s
o b t e n u c a r l e t a l e n t ou l ' h a b i l e t é , m a i s q u e
l'on a t t r i b u e a u h a s a r d p a r u n e s o r t e d e feinte
o r a t o i r e : Cette scène a été comprise et rendue
avec un véritable BONHEUR. C'est un descriptif
que M. Janin, qui vaut surtout par le KQN-
KEXjnet par les surprises de détait, (Ste-Bouvc.)
Il possède un pinceau aventureux, qui distribue
avec un rare BONHEUR les jeux de l'ombre et
de la lumière. (Th. Gaut.)
—' J o i e , satisfaction, a v a n t a g e , a g r é m e n t :
Le
BONHEURBONHEUR de vous plaire. Ceux qui ont le
BONHEURBONHEUR de l'approcher. Elles étaient toutes
deux d'une si heureuse constitution, qu'elles
semblaient nous promettre le BONHEUR de les
conserver un siècle entier. (Boss.) Il a eu ce
BONHEURBONHEUR qui surpasse toutes tes promesses
de l'espérance. (M. do F l a h a u t . ) Le BONHEUR
de donner et de recevoir est le secret et la vie
du monde moral. (De Gérando.) Franklin eut
h
BONHEUR,BONHEUR, que l'âge ne l'a point miné lentement
et ne lui a point fait une longue et languissante
vieillesse. ( F o n t e n . ) L'amour maternel est le
seul
BONHEURBONHEUR d'avoir desparejits sains, laborieux,
raisonnables, vertueux. (Mignet.) Les femmes
prennent le plaisir de plaire pour le BONHEUR
d'aimer. ( S t e - B e u v e . )
Le bonheur de lui plaire est le seul où j'aspire.
RACINE.
— Bonheur éternel. F é l i c i t é s a n s fin r é s e r -
v é e d a n s le ciel a u x é l u s
-
: Elle est allée jouir
du
BONHEURBONHEUR É T E R N E L .
— Avoir du bonheur, E t r e favorisé p a r le
h a s a r d , p a r les c i r c o n s t a n c e s ; ê t r e secondé
p a r la f o r t u n e : A V O I R P L U S D E BONHEUR que
de prudence. Il A bien n u BONHEUR. Il Avoir un
bonheur insolent. S e d i t d'une p e r s o n n e à q u i
t o u t r é u s s i t , m a l g r é ce q u i s e m b l e r a i t s'op-
poser, à son succès : Secrétaire intime! à son
âge ! Il y a des gens qui ONT UN BONHEUR I N S O -
LENT. (Scribe.) \\ A voir le bonheur de, S ' e m -
ploie c o m m e formule de civilité : Il y a long-
temps que je n'Ai EU L E BONHEUR DE VOUS voir,
de vous rencontrer, il Jouer avec bonheur, être en
bonheur, Avoir d e la chance a u j e u , g a g n e r
c o n s t a m m e n t , il Jouer de bonheur, Avoir u n
succès i n e s p é r é , r é u s s i r d a n s u n e affaire où
l'on d e v a i t n a t u r e l l e m e n t c r a i n d r e d'échouer :
C'est J O U E R DE BONHEUR que de ne pas se faire
un ennemi de celui qu'on oblige. ( P e t i t - S e n n . )
Il Mettre son bonheur à..., T r o u v e r , p r e n d r e
b e a u c o u p do p l a i s i r à : II MET tout SON BON-
HEUR À lire, k voyager, k obliger ses amis. Il
Tenir à bonheur, R e g a r d e r c o m m e u n é v é n e -
m e n t , u n h a s a r d h e u r e u x : Je devais TENIR A
BONHEUR
BONHEUR d'avoir foulé le sol de France le jour
de ma fête. ( C h a t e a u b r . ) Il Se donner du bon-
heur. P r e n d r e du plaisir, s ' a m u s e r , se d i v e r -
t i r : 77 S E DONNAIT DU BONHEUR par-dessus la
tête. ( C h a t e a u b r . ) Il Porter bonheur, Influer
s u r le b o n h e u r d e q u e l q u ' u n , lui p r o c u r e r
b o n n e chance : J'avais fait venir M. Bailli
pour me P O R T E R BONHEUR. ( M '
n e
de S é v . ) Nous
venons de faire une bonne action, et cela doit
nous PORTER BONHEUR. (Scribe.) Ne craignez
rien, mon cousin, vous serez riche; cet or vous
PORTERA BONHEUR, et un jour vous me le ren-
drez. (Balz.) Le mépris qu'ont pour la liberté
individuelle tous les gouvernements qui se suer
cèdent en France II'A PORTÉ BONHEUR « aucun.
(E. de Gir.) il Petit bonheur, A g r é m e n t , acci-
BONH
dent heureux : De combien de PETITS BONHEURS
l'homme du monde n'est-il pas entouré, et qu'il
Ye sent pas parce qu'il est né pour eux !(Mariv.)
fl Aupetit bonheur! Arrive que pourra \ A lions,
AU PETIT BONHEUR, je me risque. (Scribe.)
— Par bonheur, loc. adv. Heureusement,
par un heureux effet du hasard : PAR BONHEUR
pour lui jeme trouvai là. (Acad.) II De bonheur,
S'est d u dans le même sens : D E BONHEUR
pour elle, ces gens partirent presque aussitôt.
(La Font.)
De bonheur, pour ce loup qui ne pouvait crier,
Près de là. passe une cigogne.
I-.A FONTAINE.
— O bonheur/ loc. interj. Oh! que je suis
ncureux ! quelle bonne chance!
O bonheur! la voilà qui parait à propos.
MOLIÈRE.
— Syn. B o n h e u r , c h a n c e . Bonheur se .prend
toujours en bonne part; on peut avoir une
mauvaise chance. D'un autre côté, bonheur se
dit de tous les événements heureux, même de
ceux que l'homme se prépare à lui-même ou
du moins auxquels il contribue un peu par son
habileté, par ses efforts ; chance ne se dit pro-
prement que des événements amenés par le
hasard seul.
' — Bonheur, b é a t i t u d e , b i e n - ê t r e , félicité,
piitiHir, prospérité. Bonheur est le terme gé-
néral qui marque un état de satisfaction inté-
rieure ou ce qui en est la cause. La béatitude
est proprement le bonheur que Dieu donne
aux élus dans le ciel; c'est un bonheur com-
plet, intime et exempt de toute crainte pour
l'avenir. Le bien-être est un bonheur tout ma-
tériel, qui a sa cause dans la satisfaction de
tous les besoins du corps ; il peut être le partage
des animaux comme celui de l'homme. Le plai-
sir est essentiellement passager ; il est quelque-
fois plus vif que le bonheur, mais il estsouvent
suivi de lassitude, de dégoût et quelquefois
de remords ; quand il est modéré et qu'il dure,
il finit par se-confondre avec le bonheur. La
félicité est le contentement de l'âme, le bon-
heur senti; on peut appliquer ce mot aux élus,
à peu près dans le même sens que béatitude,
mais alors on y ajoute souvent quelque épi-
thète, comme félicité complète, suprême. Enfin,
la prospérité consiste dans l'état florissant des
affaires, dans la constance avec laquelle la
fortune semble favoriser toutes les entreprises.
— Antonymes. Adversité, calamité, contre-
temps, désastre, guignon, infortune, malheur,
revers.
— Epithètes. Imprévu, soudain, inattendu,
inopiné, fragile, inquiet, inquiétant, frêle,
éphémère, passager, court, inconstant, fan-
tastique, idéal, faux, mensonger, perfide,
trompeur, chimérique, pur, calme, tranquille,
paisible, constant, solide, inaltérable, achevé,
accompli, parfait, serein, ineffable, céleste,
divin, éternel, suprême, précieux, inénarrable,
insaisissable, interrompu, goûté, senti, révol-
tant.
— Encycl. Qu'est-ce que le bonheur? Quels
sont les moyens peur y parvenir? De tout
temps, les hommes S3 sont posé ces questions ;
de tout temps, ils en ont demandé la solution
aux religions et aux philosophies. Et voilà
qu'après des milliers d années, l'homme n'est
pas plus avancé qu'au premier jour ; ii" aspire
toujours vers cet état qui est la fin de son
être, mais dont personne encore n'a pu lui
dire la vraie nature, ni lui enseigner le che-
min. Avant de chercher quel est le caractère
essentiel du bonheur, nous allons esquisser
son histoire, et passer en revue l'opinion des
différents siècles sur une question si impor-
tante.
La philosophie grecque avait sur le bonheur
des idées très-nobles, très-élevées ;"les réponses
des oracles, les paroles des sages, le pla-
1
çaient dans !a vertu, dans la modération des
désirs et dans l'amour de la patrie. Anaxago-
ras répondait à ceux qui lui demandaient
quel était l'homme heureux : « Ce n'est aucun
de ceux que vous jugez dignes de ce rfom,
mais vous le trouverez parmi ceux qui vous
semblent dans la misère. » A son tour, l'oracle
de Delphes déclarait le plus heureux des
hommes Phédius, qui venait de mourir pour
sa patrie. Consulté une autre fois par Gygès,
alors le plus grand roi du monde, il répondit
qu'Aglaùs 'de Psophis était plus heureux que
lui. C'était un vieillard, qui cultivait, dans
un coin de l'Arcadie, un héritage peu étendu,
mais suffisant néanmoins pour fournir abon-
damment à tous les besoins de l'année; il n'en
était jamais sorti, et, comme son genre de vie
le fait concevoir, ayant eu moins de désirs, il
avait eu moins de maux. La conversation de
Solon avec Crésus, dans l'historien Hérodote,
a trop de rapport avec le sujet qui nous oc-
cupe, pour que nous ne la mentionnions pas ici.
« Solon, étant sorti d'Athènes pour s'instruire
des coutumes des peuples étrangers, alla d'a-
bord en Egypte, à la cour d'Amasis, et de là
à Sardes, près de Crésus, qui le reçut avec
distinction, et le logea dans son palais. Trois
ou quatre jours après son arrivée, il fut con-
duit, par ordre du prince, dans le lieu où l'on
gardait ses trésors, dont on lui montra toutes
les richesses. Quand Solon les eut vus et
suffisamment considérés, le roi lui parla en>
ces termes : « Le bruit de vôtre sagesse et de
vos voyages est venu jusqu'à nous, et je n'i-
gnore point qu'en parcourant tant de pays
vous n'avez eu d'autre but que de vous in-
struire de leurs usages et de leurs lois, et de
perfectionner vos connaissances. Je désire
BONH
savoir quel est l'homme le plus heureux que
vous ayez vu. » Il lui faisait cette question
parce qu'il se croyait lui-même le plus heu-
reux des hommes. «C'est Tellus d Athènes,
lui dit Solon, sans le.flatter et sans déguiser
la vérité, B Crésus, étonné de cette réponse :
u Sur quoi donc, lui demanda-t-il avec viva-
cité, estimez-vous Tellus si heureux?"— Parce
qu'il a vécu dans une ville florissante, reprit
Solon, qu'il a eu des enfants beaux et ver-
tueux, que chacun d'eux lui a donné des pe-
tits-fils qui tous lui ont survécu, et qu'enfin,
après avoir joui d'une fortune considérable
relativement à celles de notre pays, il a ter-
miné ses jours d'une manière éclatante : car,
dans un combat des Athéniens contre leurs
voisins, à Eleusis, il combattit pour les pre-
miers, et mourut glorieusement en mettant
en fuite les ennemis. Les Athéniens lui érigè-
rent un monument aux frais du public, dans
l'endroit même où il était tombé mort, et lui
rendirent de grands honneurs. » Tout ce que
Solon venait de dire sur la félicité de Tellus
excita Crésus à lui demander quel était celui
qu'il estimait, après cet Athénien, le plus heu-
reux des hommes, ne doutant pas que la se-
conde place ne lui appartînt. « Cléobis et Bi-
ton, reprit Solon : ils étaient Argiens et jouis-
saient d'un bien honnête; ils étaient, outre
cela, si forts, qu'ils avaient tous les deux, rem-
porté des prix aux jeux publics. On raconte
d'eux aussi le trait suivant: Les Argiens cé-
lébraient une fête en l'honneur de Junon. Il
fallait absolument que leur mère se rendît au
temple sur un char traîné par une couple de
boeufs. Comme le temps de la cérémonie pres-
sait, et qu'il ne permettait pas à ces jeunes gens
d'aller chercher leurs bœufs, qui n'étaient point
encore revenus des champs, ils se mirent eux-
mêmes sous le joug; et, tirant le char sur le-
quel leur mère était montée, ils le conduisirent
ainsi à la distance de quarante-cinq stades, jus-
qu'au temple de la déesse. Après cette action,
dont toute l'assemblée fut témoin, ils termi-
nèrent leurs jours de la façon la plus heu-
reuse, et la divinité fit voir par cet événement
qu'il est plus avantageux à L'homme de mou-
rir que de vivre. Les Argiens assemblés au-
tour de ces deuxjeunes gens louaient leur
bon naturel, et les Argiennes félicitaient la
prêtresse d'avoir de tels enfants. Celle-ci,
. comblée de joie des louanges qu'on donnait k
. ses fils, debout au pied de la statue, pria la
déesse d'accorder à ses deux fils, Cléobis et
Biton, le plus grand bonheur dont pût jouir un
mortel. Cette prière finie, après le sacrifice
et le festin ordinaire dans ces sortes de fêtes,
les deux jeunes gens, s'étant endormis dans le
temple même, ne se réveillèrent plus et termi-
-Hèrent ainsi leur vie. Les Argiens, les regardant
comme des personnages favorisés des dieux,
firent faire leurs statues, et les envoyèrent au
temple de Delphes. — Athénien, répliqua Cré-
sus en colère, faites-vous donc si peu de cas
de ma félicité, que vous me jugiez indigne
d'être comparé avec des hommes privés? —
Seigneur, reprit Solon, vous me demandez ce
que je pense de la vie humaine : ai-je donc pu
vous répondre autrement, moi qui sais que la
divinité est jalouse du bonheur des humains,
et qu'elle se plaît à le troubler, car dans une
longue carrière on voit et on souffre bien des
maux? Je donne à un homme soixante-dix
ans pour le plus long terme de la vie. Ces
soixante-dix ans font vingt-cinq mille deux
cents jours, en omettant les mois intercalaires ;
mais si chaque sixième année on ajoute un
mois, afin que les saisons se retrouvent pré-
cisément au temps où elles doivent arriver,
dans les soixante-dix ans vous aurez douze
mois intercalaires, moins la troisième partie
d'un mois, qui feront trois cent cinquante
jours, lesquels ajoutés à vingt-cinq mille deux
cents donneront vingt-cinq mille cinq cent cin-
quante jours. Or, de ces vmgt-cinq mille cinq
cent cinquante jours, vous n'en trouverez pas
deux qui amènent un événement absolument
semblable. Il faut donc en convenir, seigneur,
l'homme n'est que vicissitude. Vous avez cer-
tainement des richesses considérables, et vous
régnez sur un peuple nombreux; mais je ne
puis répondre à votre question que je ne sa-
che si vous finirez vos jours dans la prospé-
rité; car l'homme comblé de richesses n'est
pas plus heureux que celui qui n'a que le
simple nécessaire, à moins que la fortune ne
le favorise jusqu'à la fin, et que, jouissant de
toute sorte de biens, il ne termine heureu-
sement sa carrière. Rien de plus commun que
le malheur dans l'opulence et le bonheur dans
la médiocrité. Un homme puissamment riche,
mais malheureux, n'a que deux avantages sur
celui qui a du bonheur; mais celui-ci en a
un grand nombre sur le riche malheureux.
L'homme riche est plus en état de contenter
ses désirs et de soutenir de grandes pertes;
mais, si l'autre ne peut soutenir de grandes
pertes, ni satisfaire ses désirs, son bonheur le
met à couvert des uns et des autres,'et en
cela il l'emporte sur le riche. D'ailleurs, il a
l'usage de tous ses membres, il jouit d'une
bonne santé, il n'éprouve aucun malheur, il
est beau, etheureux en enfants. Si à tous ces
avantages vous .joignez celui d'une belle
mort, c'est cet homme-là que vous cherchez,
c'est lui qui mérite d'être appelé heureux.
Mais avant s'a mort" suspendez votre juge-
ment,- ne lui donnez point ce nom. Il est im-
possible qu'un homme réunisse tous les avan-
tages, de même qu'il n'y a point de pays qui
se suffise, et qui renferme tous les biens : car
si un pays en a quelques-uns, il est privé de
BONH
quelques autres; le meilleur est celui qui en
a le plus. Il en est ainsi de l'homme, il n'y en
a pas un qui se suffise à lui-même : s'il pos-
sède quelques avantages, d'autres lui man-
quent. Celui qui en réunit un plus grand nom-
bre, qui les conserve j u s q u à l a fin de ses
jours, et sort ensuite tranquillement de cette
vie; celui-là, seigneur, à mon avis, mérite
d'être appelé heureux, » Ainsi parla Solon, et
comme il n'avait rien dit d'agréable à Crésus,
ce prince le renvoya sans lui faire de pré-
sent. On.sait que plus tard Crésus, condamné
à mort par Cyrus, son vainqueur, se souvint
des paroles du sage, et qu'en montant sur le
bûcher, il s'écria trois-fois : « O Solon ! D Cy-
rus s'étant fait expliquer la signification de
ces paroles et réfléchissant à son tour sur
l'inconstance de la fortune, pardonna à Cré-
sus et en fit son ami. La philosophie antique,
si calomniée, si injustement dédaignée et pour-
tant si rudement mise à contribution par le
christianisme, pouvait se tromper sur la na-
ture et la déhmtion du bonheur; mais elle en
avait du moins une idfe noble et claire, puis-
que.pour elle la vertu était le meilleur moyen
d'y arriver.
Dans l'antiquité, comme de nos jours, la re-
cherche du bonheur était l'unique et le princi-
pal souci de la vie; aux religions, aux philo-
sophies, on demandait le moyen d'y arriver;
et pourtant, ces mêmes hommes qui mettaient
tant d'acharnement à le poursuivre, ne
croyaient pas qu'il fût donné a personne de le
posséder complètement. Chez les écrivains,
chez les portes, comme chez les historiens,
on trouve cette idée que les dieux sont jaloux
des hommes heureux, et qu'ils s'en vengent
en lés accablant de maux. • A quoi s'occupe
J upiter dans le ciel ? * demandait-on à un philo-
sophe, a A abaisser ce qui est élevé, à élever
ce qui est abaissé, » répondit-il. Et cette opi-
nion n'était pas seulement celle des philoso-
phes, mais aussi celle de tous les autres hom-
mes. Hérodote raconte que le roi d'Egypte
Amasis, instruit de la grande prospérité de
Polycrate, tyran de Samos, avec qui il avait
fait alliance, lui écrivit la lettre suivante : « il
m'est bien doux d'apprendre le succès d'un
ami et d'un allié; mais, comme je connais la
jalousie des dieux, ce grand bonheur me fait
peur. J'aimerais mieux, pour moi et pour ceux
a qui je m'intéresse, tantôt des avantages et
tantôt des revers, et que la vie fût alternati-
vement partagée entre l'une et l'autre for-
tune, qu'un bonheur toujours constant et sans
vicissitude; car je n'ai jamais ouï parler d'au-
cun, homme qui, ayant été heureux en toutes
choses, n'ait péri misérablement. Ainsi donc,
si vous voulez m'en croire, vous ferez contre
votre bonne fortune ce que je vais vous con-
seiller. Examinez quelle est la chose dont
vous faites le plus de cas, et dont la perte
vous serait le plus sensible. Lorsque vous
l'aurez trouvée, jetez-la loin de vous, et de
manière que vous ne puissiez plus la revoir. Que
si, après cela, la fortune continue à vous favo-
riser en tout, sans mêler quelque disgrâce à
ses faveurs, ne manquez pas d'y apporter le
remède que je vous propose. » Polycrate, re-
connaissant la justesse de ces conseils, jeta
dans la mer une émeraude montée en or, ad-
mirablement gravée, et à laquelle il tenait
beaucoup, espérant par là apaiser le cour-
roux des dieux ; mais ceux-ci refusèrent même
ce sacrifice. Dès le lendemain, un pêcheur
apporta au prince un poisson magnifique, dans
le ventre duquel on trouva son anneau. Poly-
crate, émerveillé de cette aventure, écrivit
aussitôt à Amasis pour l'en avertir. Ce prince,
dit Hérodote, reconnut qu'il était impossible
d'arracher un homme au sort qui le menaçait,
et que Polycrate ne pourrait finir ses jours
heureusement, puisque la fortune lui était si
favorable en tout, et qu'elle lui faisait retrou-
ver, même ce qu'il avait jeté loin de lui. Aussi
il lui envoya un héraut à Samos pour renoncer
à son alliance. L'événement, comme on sait,
justifia les prévisions du roi d'Egypte : peu
après, Polycrate, dont le bonheur avait été
jusque-là si constant, tomba entre les mains
du gouverneur de Sardes, qui le fit mettre en
croix.
Les anciens, qui avaient élevé un temple à
la Fortune, avaient également personnifié lo
bonheur; ils l'avaient réduit en théorie et
avaient noté avec soin toutes les conditions
nécessaires pour l'atteindre. Voici ce que dit
Pline, dans un chapitre intitulé : Des dix con-
ditions du bonheur, o Quintus Métellus, dans
l'oraison funèbre qu'il prononça en-l'honneur
de son père, L. Métellus, a écrit que celui-ci
avait réuni complètement en lui les dix prin-
cipaux avantages-qui soient l'objet des vœux
et des efforts des hommes sages ; qu'il avait
voulu être le premier guerrier de son temps,
le meilleur orateur, le plus brave général,
chargé de la oonduite des affaires les plus im-
portantes, élevé à la plus haute dignité, dis-
tingué par une sagesse supérieure, reconnu
comme un sénateur accompli, possesseur
d'une grande fortune honorablement acquise,
chef d une famille nombreuse et le citoyen
le plus illustre de la république; que tous ses
vceux avaient été comblés, bonheur qui n'était
arrivé qu'à lui depuis la fondation de Rome, »
Ainsi, a l'époque de Pline, il fallait réunir
dix conditions différentes pour avoir le droit
de s'appeler heureux. La l'echerehe et la dé-
termination de ces conditions était le princi-
pal objet des leçons des philosophes. Varron
prétend que, de la question du bonheur, naqui-
rent en Grèce deux cent quatre-vingts sectes ;
BONH 96^
mais toutes ces sectes peuvent se ramener à
trois principales, qui les contiennent et les r é -
sument toutes : l'épicurisme, le stoïcisme et le
platonisme. L'épicurisme est le système le plus
simple; il se présente immédiatement à l'idée
de l'homme qui réfléchit ; aussi fut-il le pre-
mier à naître dans les écoles philosophiques,
o Vous cherchez le bonheur, dit Epicure à ses
disciples, la nature Tamis auprès de'vous : vous
n'avez qu'à obéir à ses lois pour le trouver.
Affranchissez-vous des troubles de l'âme et
des maux du corps; cherchez cet état déli-
cieux où l'homme, exempt de peine par la sa-
tisfaction réglée des besoins, des appétits et
des désirs que la nature nous a donnés, jouit
librement de lui-même, de l'usage et du déve-
loppement de toutes ses facultés : c'est là
le plaisir, c'est là le bonheur. Peu vous im-
porte de savoir ce qui était avant vous, ce
qui sera après vous; c'est une vaine curiosité
qui .tourmente l'esprit inutilement; si vous
voulez vous rendre compte de la genèse de
l'humanité, vous pouvez vous en tenir au
système des atomes; mais, encore une fois, le
mieux est de ne pas s'en' inquiéter. » Tel
était le système d'Epicure, qui se forma le
plus vite, qui dura le plus longtemps et compta
les disciples les plus nombreux et les plus
illustres, tels qu'Horace et Lucrèce. Plus
tard, l'épicurisme-fut discrédité ; on essaya
de le travestir, de dire qu'Epicure mettait le
bonheur suprême dans une honteuse et ma-
térielle voiupté
;
tandis qu'il n'avait entendu
parler que du plaisir que donne la modé-
ration des désirs et l'heureux équilibre de
toutes les facultés. De tout temps, fa doctrine
d'Epicure a trouvé de sincères admirateurs.
Voltaire fait remarquer que la doctrine d'E-
picure, c'est-à-dire le matérialisme, n'a j a -
mais amené une seule persécution ; il dit plus,
même un soufflet, tandis que Je spiritualisme
pur, la doctrine de Platon, dont au moyen âge
et même de nos jours, le catholicisme est
l'expression, a produit toutes les guerres re-
ligieuses et toutes les querelles que l'on con-
naît. Le. côté faible de l'épicurisme était de
ne pouvoir convenir à tous. Comment l'esclave
ou le pauvre pouvaient-ils pratiquer les'pré-
ceptes d'Epicure, et se mettre à l'abri des tour-
ments de.l'àme et des maux corporels, infirmités
auxquelles l'homme riche lui-même ne peut
souvent pas échapper? U fallait trouver le bon-
heur, non en suivant la nature, mais pour ainsi
dire malgré elle, en ne tenant compte ni des
faveurs ni des rigueurs de la fortune, mais en
restant toujours libre et maître de soi; et ce
principe est celui du stoïcisme. Ce qui carac-
térise le stoïcien, c'est son indépendance à
l'égard de la fortune et du destin : il vit, mais
• sans s'intéresser à la vie, et rien au monde
n'est capable d'ébranler sa suprême indiffé-
rence. C'est le sage d'Horace :
Impavidum fcrient ruinœ.
« Souviens-toi, disait Epictète, au'il faut que
tu te gouvernes partout comme dans un ban-
quet. Si les plats viennent à toi, étends la main
et prends modestement. Si celui qui porte le
plat passe, ne l'arrête pas. S'il n'est pas en-
core arrivé à toi, ne t'avance pas pour y
atteindre, mais attends qu'il arrive à toi.
C'est ainsi que tu dois faire pour les en-
fants, pour une femme, pour une magistra-
ture, pour les richesses, et tu seras digne
d'un banquet céleste. Mais si tu ne prends pas
les choses qui te seraient présentées, et si tu
les méprises, tu ne seras pas seulement digne
d'un banquet céleste, tu monteras encore un
degré plus haut; car quand Heraclite, Dio-
gène et autres ont fait ainsi, ils ont été à bon
droit appelés divins, et ils l'étaient en effet. »
Tel était le système des stoïciens, qui avaient
un tel dédain pour la vie qu'ils enseignaient
que l'âme était périssable, et que le sage avait
le droit de s'ôter la vie, comme preuve de sa
liberté et comme récompense de sa vertu.
Mais cette manière d'être heureux n'était pas
à la portée de tous. A tous n'était pas donné
ce courage qu'ils appelaient vertu, et qui les
rendait insensibles à la bonne comme à la
mauvaise fortune. Combien peu étaient ca- .
pables de s'écrier, au milieu des plus vives
souffrances : o O douleur! jamais tu ne me
feras avouer que tù es un mal. »
A l'épicurien et au stoïcien il rnanquait
quelque chose pour satisfaire complètement
les besoins de la nature humaine. L'âme ,
force active par elle-même, mais déchue
et unie à la matière, vit dans une sorte
d'exil. Sans cesse elle tend à retourner vers
Dieu par l'amour, et voici de quelle manière:
L'hoinme aime tout ce qui est beau, parce que
son âme descend de la source même de la
beauté, et tout ce qui ressemblera cette beauté •
primitive, dont il a gardé le souvenir, l'attire
invinciblement. Ainsi, il n'aime pas les objets
pour eux-mêmes, mais parce qu'ils le rap-
prochent de Dieu, qui est la suprême beauté
et le véritable bien. La seule route que nous
puissions suivre pour arriver au bonheur est
celle-ci : nous rapprocher de Dieu par l'amour,
et nous rendre semblables à lui le plus pos-
sible.
Appelez l'amour la grâce, et vous aurez le
christianisme, dérivé comme le platonisme de
la philosophie orientale; et Platon, disant que
le bonheur consiste à nous rendre semblables
à Dieu, n'est-ce pas le Christ, disant à ses
disciples : « Soyez parfaits comme votre Père
céleste? » En effet, le christianisme, qui suc-
céda à ces trois sectes philosophiques, fit un
mélange du platonisme et du stoïcisme. A l'un
966
BONH
il prit ses aspirations vers Dieu, qu'il changea
en un anéantissement complet de la nature
humaine en présence de la majesté divine; à
Vautre il emprunta son mépris pour la dou-
leur, son dédain pour le corps, dédain qu'il
exagéra, puisqu'il se précipita vers les jeûnes,
les macérations, dans lesquels il trouva un
sauvage plaisir. Alors, comme il arrive tou-
jours , les conséquences furent poussées à
l'extrême. Le premier philosophe qui avait
enseigné en Grèce l'immortalité de l'àme
avait vu ses .disciples se donner la mort, pour
jouir plus tôt du bonheur qu'on leur promettait
dans une vie future. De même, les premiers
chrétiens, sous l'influence de l'idée que cette vie
n'est qu'un exil, le corps qu'une prison odieuse,
se précipitèrent dans les cloîtres, peuplèrent
les solitudes, se livrèrent à l'ascétisme, non
moins ardents à rechercher les souffrances que
le monde romain l'avait été à rechercher les
orgies et les voluptés. Ce nouvel état de l'hu-
manité eut une influence salutaire sur la so-
ciété; il apparut comme une protestation
contre les mœurs sauvages qu'apportaient les
barbares; il releva par l'idéal cette société où
ne régnait que la violence, qui rapproche
l'homme de la brute. Mais comme cet état
était extrême, il ne pouvait durer longtemps,
car il était contraire à la nature humaine, à
la société même, dont il arrêtait le dévelop-
pement; le eénobitisme, le célibat, étant admis
comme type de perfection suprême, la société
va s'éteignant peu h peu. L'épicurisme, c'est-
à-dire le système qui tient compte de la nature
corporelle de l'homme, reprit bientôt ses droits ;
cet élan qui avait soutenu tant de générations,
qui leur avait fait accomplir des choses si mer-
veilleuses, ayant disparu, l'humanité se trouva
sans guide et sans boussole. Dans ces couvents,
où ne régnait plus la ferveur et qui n'avaient
plus leur raison d'être, vint s'asseoir la dé-
bauche et l'oisiveté, et le naturalisme le plus
grossier succéda a l'idéalisme le plus religieux.
Le retour de l'épicurisme fut donc une réaction
contre ce long mépris de la nature humaine,
jusqu'au jour où notre siècle analytique et
douteur s'est mis lui-même à chercher une
nouvelle voie, sans se trouver beaucoup plus
avancé après une expérience de plusieurs
milliers d'années, mais dont il a profité de plus
d'une manière.
o Faut-il, remarque M. Pierre Leroux, dire
comme Voltaire, que philosophes ou chrétiens,
disciples d'Epicure ou de Zenon, de Platon
ou de saint Paul, tous ceux qui ont cherché
le souverain bien ont perdu leur temps comme
les alchimistes quand ils cherchaient la pierre
philosophale? Mais en cherchant la pierre pbi-
losophale on a découvert la chimie; en cher-
chant le souverain bien, l'humanité s'est per-
fectionnée. Tout homme qui a cherché le
souverain bien, soit avec Platon, soit avec
Epicure (j'entends le véritable Epicure), soit
avec Zenon, soit avec le christianisme, a mar-
ché plus ou moins loin dans la voie du perfec-
tionnement de la nature humaine. Tout homme
qui n'a pas cherché le souverain bien dans
1 une ou l'autre de ces conditions est resté
dans la voie qui conduit à la dégradation de
la nature humaine. Le platonisme a été le
plus grand mobile du perfectionnement moral
de l'homme, et l'instrument le plus actif de la
sociabilité. Le stoïcisme a surtout été le res-
sort intérieur et énergique des révolutions du
monde. L'épicurisme a présidé surtout au per-
fectionnement industriel de l'humanité. Le
premier a considéré nos rapports avec nos
semblables et avec Dieu; le second a voulu
nous perfectionner nous-mêmes; le troisième
s'est plus directement occupé de la nature
extérieure. Le perfectionnement réel et gé-
néral n'a eu lieu par aucun de ces systèmes
exclusivement, mais par tous. Le résultat gé-
néral a été le perfectionnement de nous-mêmes,
par la conception d'un bonheur idéal et pur, et
par la puissance acquise sur la nature exté-
rieure, ce qui comprend les formules incom-
plètes de ces.trois systèmes. Il a fallu l'alliance
du stoïcisme et du platonisme dans le chris-
tianisme, c'est-à-dire un suprême mépris de là
terre, uni à la charité, pour émanciper les
femmes et les esclaves, et pour civiliser les
Barbares. C'est en s'élevant vers la chasteté
absolue, la pureté absolue, l'indépendance
absolue,- l'isolement absolu de l'humanité;
c'est par la renonciation au monde, le célibat
et les couvents, que le type humain s'est
d'abord perfectionné. Mais que cette considé-
ration ne nous fasse pas oublier que l'épicu-
risme a servi de contre-poids à l'excès du
stoïcisme platonicien. C'est lui quj a dit à
l'orgueilleux idéalisme, qui menaçait de dé-
truire la base terrestre de notre existence :
«Tu n'iras pas plus loin. • C'est lui qui a sanc-
tifié cette espèce de dévotion aux lois natu-
relles, source intarissable de tant de décou-
vertes, et d'où est résultée la puissance
industrielle, laquelle doit un jour servir en
esclave soumis 1 idée platonicienne. Déjà c'est
l'alliance de cette puissance sur la nature,
avec les sentiments de sociabilité issus du pla-
tonisme, qui fait qu'aujourd'hui nous voyons
des nations de trente millions d'hommes vi-
vant dans une certaine égalité, tandis que les
nations antiques ne connurent jamais que le
régime des castes. Inclinons-nous donc devant
la philosophie, car nous avons tout reçu d'elle. »
S'il nous était permis de prendre la parole
après tant de grands penseurs, tant d'illustres
philosophes, pour essayer à notre tour une
définition du bonheur, cet état après lequel
l'humanité aspire depuis son premier jour,
BONH
nous dirions que ce désir incessant qui la
pousse vers un bien dont elle .n'a jamais
obtenu la pleine et complète possession n'est
autre chose que le moteur ae la vie, le feu
sacré déposé en nous par l'auteur de notre
être. L'homme est essentiellement fait pour
la société, et le progrès est la première con-
dition, la loi vitale de l'ordre social. L'animal
a son instinct, il n'a qu'à lui obéir, et le vœu
de la nature est rempli. Pour l'homme, il n'en
est pas ainsi : qu'un jour son cœur cesse de
battre, qu'un nouveau désir ne le pousse pas
en avant, qu'il s'arrête assouvi et satisfait,
loin de marcher vers ce perfectionnement, qui
est le but de son être, l'égoïsme le ramènera
à la solitude, lui fera fuir cette société pour
laquelle il est fait, le ravalera au-dessous de
la bête dans sa solitaire jouissance des appé-
tits satisfaits. Dès lors, l'œuvre de la nature
est manquée, ce perfectionnement vers lequel
l'homme doit tendre sans cesse n'existe plus,
et, loin d'occuper le sommet de l'échelle des
êtres, il descend au niveau des plus insigni-
fiants et des plus inutiles. C'est pour cela qu'il
faut qu'un désir toujours renaissant active et
précipite sans cesse sa marche ; c'est pour cela
qu'on a de tout temps estimé les plus heureux
ceux qui ont pu goûter à tous les plaisirs, s'a-
breuver à toutes les coupes, ceux en un mot qui
avaient le plus de désirs et qui trouvaient le plus
de facilité pour les satisfaire. Si L'indolent et
fainéant Louis XIII s'ennuie, il n'en est pas de
même de Richelieu, qui éprouve "toutes les pei-
nes, mais aussi toutes les jouissances de l'ambi-
tion satisfaite. Aussi, àce mot de Luther, se pro-
menant dans le cimetière de "Worms ; Invideo
quia guiescunt. « Je les envie, parce qu'ils repo-
sent, » nous préférons cette inscription qui se
lit sur une tombe romaine. : Lugete, quiescit*
« Pleurez, il se repose ! » C'est pour cela, quoi
qu'en dise Epictète, que le désir et le bonheur
sont une seule et même chose, pourvu qu'au
désir se joigne l'espérance d'une satisfaction
prochaine; c'est pour cela qu'au fond de toute
jouissance, l'homme ne trouve que vide et
amertume, et qu'il n'est pas plus tôt maître de
l'objet de ses désirs qu'il le rejette pour en
chercher un autre. C'est cette loi de la vie qui
pousse l'enfance vers la jeunesse, la jeunesse
vers l'âge mûr, l'âge mur vers la vieillesse,
et celle-ci vers la mort, quand le scepticisme
n'a pas éteint la lueur d une suprême espé-
rance. C'est ce néant, cette vanité des choses
humaines, que les poètes de tous les temps ont
exprimée, ignorant le mal dont ils souffraient,
mais trouvant des paroles de feu pour le
peindre. Depuis Job, depuis Salomon, tous n'ont
trouvé que vanité dans les prétendus biens de
la vie, quoiqu'ils les eussent vivement désirés
quand ils ne les possédaient pas encore; et,
après plusieurs milliers d'années, cette plainte
n est ni moins douloureuse ni moins éloquente :
Si mon cœur, fatigué du rêve qui l'obsède,
A la réalité revient pour s'assouvir,
Au fond des vains plaisirs que j'appelle û mon aide,
Je trouve un tel dégoût que je me sens mourir.
Aux jours même où parfois la pensée est impie,
Où l'on voudrait nier pour cesser de douter,
Quand je posséderais tout ce qu'en cette vie.
Dans ses vastes désirs, l'homme peut convoiter;
Donnez-moi le pouvoir, la santé, la richesse,
L'amour même; l'amour, le seul bien d'ici-bas!
Que la blonde Astarté, qu'idolâtrait la Grèce,
De ses îles d'azur sorte en m'ouvrant les bras;
Quand je pourrais saisir dans le sein de la terre
Les secrets éléments de sa fécondité,
Transformer îi mon gré la'vivace matière
13t créer pour moi seul une unique beauté;
Quand Horace, Lucrèce et le vieil Epicure,
Assis à mes côtés, m'appelleraient heureux,
Et quand ces grands amants de l'antique nature
Me chanteraient la joie et le mépris des dieux;
Je leur dirais à tous : Quoi que nous puissions faire,
Je souffre, il est trop tard ; le monde s'est fait vieux ;
Une immense espérance a traversé la terre.
Malgré nous vers le ciel il faut lever les yeux.
C'est ce cri de désespoir et de regret que
depuis les premiers jours de l'humanité ont
poussé tous ceux à qui il a été donné de sa-
tisfaire toutes leurs passions, de contenter
tous leurs désirs; aveugles, qui ne s'aperce-
vaient pas que ces passions étaient la brise
favorable qui les conduisait au port. L'amour
est venu échouer devant la possession et le
mariage, mais il a créé la famille et assuré
Ja perpétuité de l'espèce. L'ambition n'a pas
trouvé plus de réalité dans l'objet de ses désirs,
et de tous ceux qui ont atteint la gloire, la
fortune, la puissance, le poète a pu dire:
Et monté sur le faîte, il aspire à descendre.
Mais ils ont t r o u v é u n e r é c o m p e n s e bien meil-
l e u r e que ne peut l'être une j o u i s s a n c e égoïste
et solitaire ; ils ont fait l'humanité g r a n d e ,
forte et industrieuse. Ceux même gui, dédai-
g n a n t les biens de la t e r r e dont ils a v a i e n t
connu le n é a n t , ont r e g a r d é plus h a u t , ceux-là
ont créé et perfectionné un t y p e idéal, qui a
fait a v a n c e r l'humanité dans la voie du p e r -
fectionnement moral et intellectuel. L e ciel
qu'ils ont p e u p l é a v e c t a n t de profusion s e -
r a i t - i l d é s e r t , qu'ils ne sauraient avoir aucun
r e g r e t , et c'est dans ce sens que Voltaire a
dit, a p r è s Cieéron : « Si Dieu n'existait p a s , il
faudrait l'inventer. » T o u t e s ces p a s s i o n s ,
quelles qu'elles soient, ont concouru au perfec-
t i o n n e m e n t de l'ordre s o c i a l , et le àon/iaur
pour l'individu comme pour la société n'est
a u t r e que le libre d é v e l o p p e m e n t de toutes ses
f a c u l t é s , la libre expansion de tous ses désirs,
l a conscience de pouvoir satisfaire les besoins
du corps aussi bien q u e c e u x d e l ' â m e .
BONH
a Ainsi, conclut un des plus grands philoso-
phes de notre époque, en considérant que
notre être est une force qui sans cesse aspire,
et que cette aspiration accompagne la sensa-
tion et lui survit, nous échappons fondamen-
talement à la doctrine de la sensation. En con-
sidérant l'unité de notre être, qui est âme et
corps à la fois, nous échappons fondamenta-
lement à l'ascétisme chrétien. Enfin, en com-
prenant que la vie de l'homme est unie à l'hu-
manité , nous découvrons la route où nous
devons marcher
}
la route où les deux ten-
dances qui ont divisé la philosophie, viennent
se rejoindre ; car, par l'humanité nous pouvons
satisfaire notre soif spirituelle de bonté et de
beauté, sans sortir de la nature et de la vie.
Nous voilà hors des deux écueils, hors du
matérialisme, hors du spiritualisme mal en-
tendu. Oui, Platon dit vrai, nous gravitons
vers Dieu, attirés à lui, qui est la souveraine
beauté, par l'instinct de notre nature aimante
et raisonnable. Mais, de même que les corps
placés à la surface de la terre ne gravitent
vers le soleil que tous ensemble, et que l'at-
traction de la terre n'est pour ainsi dire que
le centre de leur mutuelle attraction, de même
nous gravitons spirituellement vers Dieu par
l'intermédiaire de l'humanité. »
Si l'Orient n'a pas des philosophes aussi
profonds que ceux de l'Occident, s'il n'a guère
cherché à donner une définition savante du
bonheur, il a, en revanche, des poètes ingé-
nieux, qui savent cacher de graves enseigne-
ments sous une forme légère et amusante. Le
conte suivant sur le bonheur arrive, par un
chemin plus court, à la même conclusion que
nos longues dissertations, philosophiques. Mal-
f
jré les grandes provinces qui lui obéissaient,
es nombreuses richesses accumulées dans ses
coffres, les belles esclaves assemblées dans
son harem, un puissant souverain de l'Asie
s'ennuyait comme le dernier de ses sujets,
ou plutôt s'ennuyait royalement. Il fit venir
tous les devins, tous les mages, tous les astro-
logues "répandus sur la surface de ses Etats,
et les interrogea sur la manière dont il fallait
s'y prendre pour être heureux. Les uns pres-
crivirent une chose, les autres une autre;
mais aucun de ces moyens ne réussit, et le
roi fit mettre à mort ces conseillers malha-
biles. Un mage, plus courageux ou plus fin
que les autres, se présenta un jour devant le
monarque : « Seigneur, lui dit-il, le seul moyen
de trouver le bonheur, c'est de porter la che-
mise d'un homme heureux. » Des envoyés par-
tirent aussitôt dans toutes les directions, cher-
chant ce talisman qui devait rendre le repos
à leur puissant souverain. Mais ils eurent
beau parcourir toutes les provinces, descendre
tous les degrés de l'échelle sociale, frapper à"
toutes les portes, nulle part ne se trouva cet
hpmme heureux, objet de leurs recherches.
Ils s'en revenaient découragés, songeant au
triste sort qui les attendait, quand, au détour
d'un bois, ils aperçurent .un charbonnier qui
s'en allait chantant gaiement. «Pourquoi chan-
tes-tu donc ainsi, lui demandent-ils, offusqués
de cette joie qui faisait contraste avec leur
accablement. — Je chante, parce que je suis
content et heureux, répond le charbonnier.
— Comment! tu es complètement heureux?
— Sans doute. — Jamais tu n'as maudit ton
sort? — Jamais. • Les envoyés du roi se pré-
cipitèrent aussitôt sur le charbonnier et s'ap-
prêtaient à lui enlever l'objet qu'ils recher-
chaient depuis si longtemps. Mais, hélas ! amère
dérision du sorti le seul homme heureux qui
existât dans de si vastes Etats, celui qui devait
rendre un si grand service à son souverain...
cet homme ne portait pas de chemise!
Ce charmant apologue, qui vise à prouver
que le bonheur ne saurait appartenir aux puis-
sants, à ceux qui disposent des faveurs de la
fortune, et que c'est au contraire à l'autre
extrémité de l'échelle sociale qu'il se trouve,
va être le fil de transition sur lequel nous
allons essayer de nous tenir en équilibre pour
arriver, de notre côté, à une solution un tant
soit peu éclectique du problème. Qui est ca-
pable de jouir de la plus grande somme de
bonheur, de l'ange ou de l'huître? Et, que les
méchants esprits ne s'y méprennent pas : ici
le mot ange est pour nous le synonyme du
plus parfait des êtres, et l'autre celui du plus
rudimentaire.
Moins un être est organisé, disent les uns,
moins il a de besoins, plus il a de bonheur.
Besoin est équivalent de passion, et passion
est de la même famille que souffrance; on ne
saurait pâtir de la privation d'une chose dont
on ignore jusqu'à 1 existence. Un aveugle-né
auquel on n'aurait jamais parlé de lumière
serait de la plus complète indifférence sur son
infirmité; et cela s'étend au sourd, à l'impo-
tent, etc. Où le sentiment de la privation
éprouvée n'existe pas, le regret de cette pri-
vation ne saurait exister. Donc l'être qui est
le plus disgracié sous le rapport des sens,
l'huître par exemple, est l'être vivant le plus
heureux de la création.
Plus un être est organisé, disent les autres,
plus il a de besoins, plus il doit éprouver de
bonheur. Le nombre et le degré de perfection
de nos sens est le tarif de la somme de bien-
être que nous éprouvons; et l'homme le plus
richement organisé sous ce rapport est le plus
heureux de tous. Quand on veut rendre une
maison agréable à celui qui l'occupe, on y
pratique des fenêtres qui mettent le posses-
seur en communication avec les objets exté-
rieurs. Les sens sont les petites fenêtres du
corps par lesquelles l'être humain qui l'habite
BONH
jouit physiquement et moralement de tout co
qui existe en dehors de lui. Comparons le sens
de la vue chez le chien, l'un des animaux les
mieux doués, avec le même sens chez l'homme.
Le chien voit avec ses yeux, mais c'est tout;
il n'y a là qu'une jouissance presque méca-
nique. Voyez au contraire, chez l'homme,
combien de sentiments délicats et multipliés
sont mis en jeu par la vue 1 L'admiration d'une
belle nature, d'un beau ciel, d'un bel objet; le
bonheur de voir près de. soi une personne
chérie, etc. Et l'ouïe, et l'odorat, et le goût, et
le toucher, surtout le toucher, qui joue un si
grand rôle dans le plus vif de tous les plai-
sirs. On le comprend, les sens matériels, chez
J'homme, éveillent une foule d'autres sens qui
ont un siège plus noble, qu'on pourrait appeler
les sens de l'aine, et il est aisé de reconnaître
que l'être le plus délicat, celui dont les sens
sont nombreux et exercés, en un mot l'être le
mieux organisé, est celui qui peut approcher
le plus près du bonheur; car l'être le plus pas-
sionné, étant celui qui a, le plus de sens, qui
s'assimile le plus et qui reflète le mieux tout
ce qui vit en lui et en dehors de lui, doit être
le plus heureux. Donc l'homme-ange est ap-
F
elé à une plus grande somme de bonheur que
homme-huître. Et maintenant,
Lecteur, après avoir écouté ces deux gloses,
Devine si tu peux, et choisis si tu l'oses.
B o n h e u r d e s i n d i v i d u s el den nation» (IN-
FLUENCE D E S PASSIONS S U R u s ) , o u v r a g e do
Mme de S t a ë l , publié à L a u s a n n e en 179C. a Ce
livre, dit Vinet, qui porte pour épigraphe ce
vers de Virgile :
Quœsivît cailo lucem ingamuitque reporta
• Il chercha dans le ciel la lumière et gémit de l'avoir
trouvée, •
ce livre est une plainte douloureuse, ou du
moins la plainte y est l'accent de toutes les
paroles de l'auteur, et même des paroles de
consolation... Aux bornes d'une jeunesse que
Mme de Staël avait peut-être laissé dévorer
par des sentiments trop impétueux, et à l'is-
sue d'une révolution où elle avait vu toutes
les passions se déchaîner contre le bonheur
des particuliers et de la nation, elle sentit
pour l'individu le besoin de maîtriser les pas-
sions, et pour le gouvernement le devoir de
les diriger. C'est tout le plan de son livre,
dont elle n'a écrit que la première partie.»
Au nom du bonheur, M"» de Staël fait le pro-
cès à tout ce qu'on appelle communément
passion; elle n'en excepte aucune; elle frappe
à coups redoublés sur celles dont l'attrait est
le plus touchant. Toutes les passions en-
semble, « cette force impulsive, dit-elle, qui
entraîne l'homme indépendamment de sa vo-
lonté, voilà le véritable obstacle au bonheur
individuel et politique. » Les passions sont
notre unique mal, notre seul danger. On les
a crues nécessaires au mouvement de la vie :
erreur! tout ce qu'il faut de mouvement à la
vie sociale, tout 1 élan nécessaire à la vertu
existerait sans ce mobile funeste. On prétend
qu'il s'agit de diriger nos passions, non de
les vaincre. Allons doncl Est-ce qu'on di-
rige ce qui n'existe qu'à la condition de do-
miner ? « Il n'y a que deux états pour l'homme ;
ou il est certain d'être le maître au dedans
de lui, et alors il n'a point de passions; ou
il sent qu'il règne en lui-même une puissance
plus forte que lui, et alors il dépend entiè-
rement d'elle. Tous ces traités avec la passion
sont pureme.nt imaginaires ; elle est, comme
les vrais tyrans, sur le trône ou dans les fers, n
Ce queM
m
c de Staël appelle passion, il faut
le remarquer, ce qu'elle condamne absolu-
ment sous ce nom, ce sont les sentiments qui,
éteignant la lumière de la raison et de la con-
science, ou ne la laissant briller , pour ainsi
dire, que par éclairs, enlèvent l'homme à lui-
même, à ce que Jouffroy a appelé le pouvoir
personnel, et sacrifient tout impitoyablement à
la fin égoïste qu'elles poursuivent. Elle accuse
ces forces anarchiques et destructives d'op-
E
rimer, d'étouffer en nous, pour notre mal-
eur, tous les autres éléments d'action, tous
les sentiments qui sont des principes d'ordre,
de paix, d^harmonie. Elle établit ainsi une op-
position entre les affections et les passions;
quand les passions envahissent le cœur, elles
détrônent les affections et ne laissent que bien
peu de place à la bonté... n Toutes les passions,
certainement, dit-elle, n'éloignent pas de la
bonté; il en est une surtout qui dispose le
cœur à la pitié pour l'infortune: mais ce n'est
pas au milieu des orages qu'elle excite que
l'âme peut développer et sentir l'influence- des
vertus bienfaisantes. Le bonheur qui naît des
passions est une distraction trop forte, le mal-
heur qu'elles produisent cause un désespoir
trop sombre, pour qu'il reste à l'homme qu'el-
les agitent aucune faculté libre; les peines
des autres peuvent aisément émouvoir un
cœur déjà ébranlé par sa situation person-
nelle, mais la passion n'a de suite que dans
son idée; les jouissances que quelques actes
de bienfaisance pourraient procurer sont à
peine senties par le cœur passionné qui les
accomplit. »
L'auteur prend à partie chaque passion ;
l'amour de la gloire, 1 ambition, la vanité, l'a-
mour, lo jeu, 1 avarice, l'envie, la vengeance,
l'esprit de parti: et sur chacun de ces sujets,
répand en abondance les observations justes,
les pensées vives. On peut citer le tableau do
l'influence de la vanité dans tes événements
de la Révolution française, le chapitre sur l'es-
prit de parti, celui qui nous montre le crime.
BONH
enfant de la passion, devenu lui-même une
Ï
iassion effroyable. Le bonheur n'est pas dans
es passions; mais où donc est-il? Nulle part,
selon M
m e
de Staël; les alchimistes seuls,
s'ils s'occupaient de la morale, pourraient en
conserver l'espoir. » Ailleurs, eue appelle la
science du bonheur • la science d'un malheur
moindre. » Où donc irons-nous chercher des
. palliatifs contre notre incurable infortune?
Dans l'amitié, dans les affections de famille? Il
y a là, sans doute, des éléments de bonheur,
mais à cette condition que d'avance on renon-
cera à toute espèce de réciprocité. « Conten-
tez-vous d'aimer ; c'est là l'espoir qui ne
trompe jamais. » Dans la religion positive ou
dévotion? Avec son formalisme rigide, qui ré-
duit tout en devoirs nettement circonscrits,
avec ses règles fixes sur tous les objets, la
dévotion tue la spontanéité, tarit la source des
affections généreuses. Dans la religion natu-
relle? La religion naturelle n'a pas Tes défauts
de la religion positive, mais son Dieu est trop
loin du cœur pour le consoler. Notre seule
ressource pour porter avec résignation le
deuil du bonheur est dans la philosophie. « 11
faut se placer au-dessus de soi pour se domi-
ner, au-dessus des autres pour n'en rien at-^
tendre. Il faut que, lassé de vains efforts pour
obtenir le bonheur, on se résolve à l'abandon
de cette dernière illusion, qui, en s'évanouis^
sant, entraîne toutes les autres après elle. Le
philosophe, par un grand acte de courage,
avant délivré ses pensées du joug de la pas-
sion, ne les dirige pas toutes vers un objet
unique, et jouit des douces impressions que
chacune de ses idées peut lui valoir tour à
tour et séparément. » Renoncer stoïquement
au bonheur, qu'il est vain de poursuivre, voilà,
pour Mme de Staël, le moyen d'être moins
malheureux ; il y en a un autre, c'est de com-
patir au malheur, qui est l'universelle et iné-
vitable condition. L'ouvrage qui nie le bon-
heur devait nécessairement conclure à la pitié.
• Cette invocation à la pitié, dit Vinet, est
touchante ; elle dut l'être surtout alors ; elle
répondait au secret besoin des cœurs, fati-
gués de haïr. Elle était la seule conciliation
possible entre les opinions encore intraitables,
entre les partis encore armés jusqu'aux dents,
entre des adversaires presque également cou-
pables, presque également malheureux, qui
tous avaient quelque chose à pardonner. »
L'Influence des passions sur le honheur est
le produit d'une réaction naturelle contre
l'ardent essor que les passions avaient pris
pendant la Révolution française. Ce grand
mouvement avait allumé, déchaîné, tout ce
qui, dans les époques régulières, se cache au
tond du cœur humain. A ce déploiement tu-
multueux et sans frein des énergies passion-
nelles devait nécessairement succéder un sen-
timent général de lassitude, de tristesse et de
mélancolie. Le livre de Mme de Staël fut l'é-
cho de ce sentiment, l'expression du besoin
de calme après un violent orage, du besoin de
pitié après des luttes cruelles.
Bonheur (PHILOSOPHIE D U ) , ouvrage de
M. Paul Janet, publié en 18G3. Dans un cha-
pitre préliminaire intitulé : Qu'est-ce que le
honheur? l'auteur s'efforce de déterminer les
conditions dont se compose l'idée du bonheur.
D'abord, s'il est vrai qu'il n'y a pas de bon-
heur sans plaisir, il ne l'est pas moins que le
plaisir ne saurait se confondre avec le bon-
heur. Le plaisir n'est que la fleur du bonheur,
il n'en est pas la tige et la racine. Quelle est
cette tige, cette racine? C'est, répond M. Ja-
net, l'exercice de nos facultés et le déploie-
ment des forces de notre être. Ainsi, activité
intérieure, développement de notre être à tous
ses degrés, voilà la première condition du
bonheur. Il ne suffit pas que l'homme déploie
ses facultés pour être heureux, il faut qu'il
les déploie librement et sans obstacle, ou tout
au moins qu'il ne sente d'obstacle que juste
ce qu'il en faut pour avoir le sentiment vif de
son activité : de là une seconde condition du
bonheur, qui est l'absence de douleur, la sa-
tisfaction paisible et Tiarmonieuse de nos fa-
cultés. Il y en a une troisième qu'il ne faut pas
négliger, c'est la durée. Un bonheur qui ne
dure pas n'est que le rêve du bonheur. D'a-
E
rès cette analyse, M. Janet propose du bon-
eur la définition suivante : o Le bonheur est
le déploiement harmonieux et durable de tou-
tes nos facultés dans leur ordre d'excellence. »
Ainsi défini, le bonheur humain se compose
d'une échelle graduée de bonheurs : bonheur
des sens, bonheur de l'imagination, bonheur
de la passion, bonheur des affections, bon-
heur de la pensée, bonheur de l'activité, bon-
heur de la vertu. Tous ces bonheurs sont su-
bordonnés les uns aux autres d'après l'ordre
de perfection des facultés dont ils dérivent.
M. Janet les passe successivement en revue,
depuis le plus humble jusqu'au plus noble et
au plus parfait.
Voici d'abord le bonheur qui résulte de l'é-
?
[uilibre et de la vigueur du corps, de la satis-
action des besoins physiques, des plaisirs liés
à cette satisfaction. C'est là un bonheur qui,
quoi qu'en disent le mysticisme et le stoïcisme,
n'est nullement à mépriser. M. Janet professe
que les plaisirs des sens doivent être comptés
au nombre des biens permis et désirables; il
ne fait qu'une restriction, c'est que tout plai-
sir des sens qui fait perdre à l'homme sa
dignité, en lui faisant perdre la raison et la
possession de soi-même, est honteux, et indi-
gne de lui, et doit être exclu de l'idée de bon-
heur. Si le corps et les sens, contenus dans
BONH.
une juste obéissance, ne méritent pas le mé-
pris, on ne méprisera pas davantage la pos-
session des choses extérieures, indispensables
à la conservation et à l'agrément de la vie. Si
c'est un malheur d'être privé des choses né-
cessaires, c'est évidemment un bonheur de les
Fosséder; la richesse est donc un bien, et
homme a le droit de la considérer comme
une partie de son bonheur.
Des sens nous passons à l'imagination. L'i-
magination est la force motrice de la vie, le
principe déterminant de toutes les actions hu-
maines. « En effet, les hommes en général
n'agissent que pour un certain but que l'ima-
gination leur présente, et qu'elle pare de tou-
tes les couleurs. Le but est pour les uns la
richesse, pour les autres le pouvoir, pour
d'autres la gloire, pour d'autres enfin les dé-
lices de la vertu ou les promesses de la vie
future; mais, quel que soit l'idéal que chacun
se propose, tous ont le leur, et là est le prin-
cipe de leur activité. » A l'imagination se
rapportent deux principes d'action qui sont
en même temps deux éléments de bonheur :
le goût de la nouveauté et l'habitude. Le
charme de la nouveauté est plus exquis et
plus aimable ; le charme de l'habitude est plus
durable et plus profond. Un juste mélange de
l'esprit de nouveauté et de l'esprit d'habitude,
voilà la condition la plus favorable au bon-
heur. Grâce à l'un,la vie a de la constance et
de la suite; grâce à l'autre, du mouvement et
de la variété. Par sa puissance créatrice, par
la poésie et les beaux-arts qu'elle enfante ,
l'imagination ajoute une nature fictive à la
nature réelle, multiplie le nombre des objets
aimables, augmente et nos plaisirs et les puis-
sances de notre âme, fait paraître à chacun
de nous, dans les bornes étroites où nous som-
mes resserrés, toutes les forces et tous les
aspects de la vie. « Il semble, dit M. Janet,
que la Providence bienfaisante ait voulu pla- .
cer en nous, à côté du nécessaire et de l'obli-
gatoire, entre le besoin et le devoir, et comme
pour nous reposer et nous 'délasser, le goût et
l'amour de l'inutile. C'est par là que le beau
nous plaît tant, quoi qu'en disent les partisans
de l'utilité. Le beso«a est servile, c'est une
gêne et une chaîne; le goût du beau est pur,
libre, désintéressé. Quant au devoir, supé-
rieur à la fois et au besoin et à l'amour du
beau, il est tellement élevé qu'il nous inspire
autant de crainte que de respect. »
Au delà de l'imagination, nous rencontrons
une faculté nouvelle, liée d'une manière plus
étroite à notre bonheur, le cœur, source com-
mune des passions et des affections. M. Janet
met en parallèle ces deux nouveaux éléments
de bonheur. Les passions sont plus tumul-
tueuses et plus déréglées; les affections plus
paisibles ; les passions sont plus égoïstes, les af-
fections plus désintéressées; les passions re-
cherchent leur propre plaisir ; les affections,
le bonheur de leur objet; les passions ont des
mouvements brusques, des saccades, des in-
termittences ; les affections sont continues et
toujours les mêmes ; les passions sont capa-
bles de s'exalter jusqu'à la folie, et de retom-
ber jusqu'à la plus morne indifférence; les
affections s'exaltent peu, mais çlles ne s'af-
faissent pas facilement ; les passions s'affai-
blissent par la jouissance, il leur faut sans
cesse de nouveaux objets ; les affections s'en-
racinent et s'approfondissent par l'habitude;
nous n'avons guère en général d'affection que
pour les personnes; si quelquefois nous ai-
mons les choses, c'est comme souvenir des
personnes ; au contraire, nous pouvons avoir
des passions pour les personnes et pour les
choses; on peut dire même que les personnes
ne sont guère que des choses pour les pas-
sions dont elles sont l'objet; enfin, le bonheur
que procurent les passions est violent, agité ;
il ne laisse pas à l'homme la possession de
lui-même et lui fait trouver un étrange plai-
sir dans la douleur même; le bonheur qui
naît des affections est doux et éj>al ; il occupe
notre cœur sans l'asservir, et stimule nos fa-
cultés sans les égarer.
Après le bonheur du cœur vient le bonheur
de l'esprit, le bonheur de la pensée. M. Ja-
net distingue avec raison le bonheur qui ré-
sulte de la recherche de la vérité, et celui
qu'on éprouve à la posséder. Le premier, qui
comprend le plaisir de la méditation , celui de
l'investigation et celui de la découverte, est
de beaucoup le plus vif, parce que l'âme se
plaît surtout dans le mouvement et dans l'ac-
tion, et qu'une possession immobile n'a rien
qui excite la passion, la curiosité, l'imagina-
tion. Le bonheur de la vérité possédée est,
toutefois, très-réel, bien que moins apparent
et moins sensible que celui de la recherche.
* Il suffit, pour en goûter la jouissance, de
penser qu'on en soit tout à fait privé. Suppo-
sons un instant que nous ne possédons aucune
vérité : la tristesse de cet état nous fait sentir
le bonheur qui se lie à la possession d'une vé-
rité certaine, comme la maladie nous fait con-
naître le plaisir de la santé, et la nuit le plai-
sir de la lumière. » Ici se présente la question
intéressante des rapports de la foi passive et
de la libre pensée avec le bonheur de l'esprit.
M. Janet ne voit qu'un faux bonheur dans
celui de la foi passive... Si le vrai bonheur
humain, dit-il, est le déploiement et non l'é-
touffement de nos facultés ; si l'homme, créa-
ture raisonnable, est fait pour user de la rai-
son, et si la raison qui n'est pas libre n'est
pas la raison, il faut convenir qu'on ne jouit
qu'imparfaitement du bonheur de l'esprit, ou
plutôt qu'on l'ignore entièrement quand on se
BONH
résigne à penser par habitude, par con-
trainte ou par complaisance, au Heu d'ap-
pliquer énergiquement et librement les forces
de son esprit. »
Ni la passion, ni même la pensée, ne consti-
tuent le but de la vie humaine : ce but, c'est
l'action ; de là le bonheur qui naît de l'effort,
de la lutte, de la responsabilité accrue, de la
liberté défendue contre la tyrannie des choses
ou des hommes, de l'autorité exercée, soit par
la persuasion, soit par le commandement. Ici
éclate la différence qui existe entre le plaisir
et le bonheur. Il ne suffit pas de ne pas souf-
frir, il ne suffit même pas de jouir pour être
heureux. Celui qui s'abandonne au plaisir, qui
y consume sa force et ses facultés, ou qui s'y
endort, qui enfin est l'esclave de ses impres-
sions, de ses sensations, de tout ce qui le cha-
touille, le caresse et l'engourdit, renonce au
bonheur en même temps "qu'à la dignité de la
vie active.
Nous arrivons au bonheur de la vertu. Ce
honheur est accompagné de la plus grande de
nos joies et du plus solide de nos plaisirs, de
la paix de la conscience, de la satisfaction in-
térieure. Ce bonheur de raison, de conscience
est-il k lui seul tout le bonheur? Se suffit-il à
lui-même, au point de rendre tous les autres
inutiles ? « Non, répond M. Janet ; la vertu exige
trop souvent le sacrifice des autres bonheurs
pour que celui qu'elle nous donne nous satis-
fasse pleinement.» Au reste, ajoute-t-il, il
est heureux qu'elle ne soit pas toujours suivie
du bonheur, car elle ne serait bientôt plus que
l'art de se procurer du bonheur. Les hommes
ne s'en feraient qu'un moyen, tandis qu'elle
est en elle-même un bien excellent. La vertu
n'est pas l'art de nous rendre heureux, mais
l'art de nous rendre dignes du bonheur. »
L'ouvrage de M. Janet se termine par l'exa-
. men de cette importante question : En quoi
l'état social influe-t-il sur le bonheur ou le
malheur de l'individu? Le stoïcisme soutenait
que le bonheur de l'homme ne dépend abso-
lument que de lui-même. Le véritable esclave,
disait-il, ce n'est pas Epictète, c'est son maî-
tre; le sage, fût-il chargé de fers", est libre ;
fût-il mourant de faim, est riche ; fût-il le der-
nier des hommes, est roi. Il y a ceci de vrai
dans ces paradoxes, que le principe du bon-
heur est dans l'âme ; que l'homme ne peut
être heureux s'il n'est sage, même dans la
société la mieux ordonnée, et qu'il peut encore
être heureux, même dans la-société la plus
imparfaite, pourvu o,u'il soit sage. C'est une
grave erreur de croire que les arrangements
sociaux, les lois, peuvent tout pour le bon-
heur humain. Il faut ajouter, cependant,
qu'une organisation sociale peut apporter de
sérieux obstacles au bonheur des individus.
La société moderne, issue de la Révolution
française, est, malgré ses imperfections, plus
favorable au bonheur que l'ancienne société,
parce que la tyrannie d'une hiérarchie immo-
bile a cessé de peser sur le développement de
l'activité humaine. Cette société qui, depuis si
peu de temps, a remplacé la société féodale,
doit-elle faire place à son tour, comme l'ont
rêvé de célèbres utopistes, à une société nou- j
velle basée, non plus sur la liberté et la res-
ponsabilité de l'individu, mais sur l'omnipo-
tence et l'omniresponsabilité de l'Etat, et qui
serait une grande entreprise de bonheur pu-
blic? M. Janet s'élève contre ce rêve, qui
vient d'une fausse notion du bonheur. • Le
bonheur, dit-il, ne consiste pas dans la jouis-
sance et la tranquillité, mais dans l'activité
et l'énergie personnelles. Promettre aux hom-
mes le paradis sur la terre, c'est leur mentir,
c'est "se tromper soi-même, c'est ignorer les
conditions de leur destinée et de leur nature.
L'âge d'or n'est pas plus dans l'avenir qu'il
n'est dans le passé : il n'est nulle part ici-
bas, il ne sera jamais, u
Bonheur d'être riche (r.s), roman de Henri
Conscience. Une famille de ramoneurs d'An-
vers devient subitement riche. M. Suret et sa
digne épouse perdent la tête comme de véri-
tables parvenus. Ils veulent imposer un ma-
riage d'argent à leur fils, qui, plus sage
qu'eux, reste fidèle à son inclination pour,
une pauvre ouvrière. Mais bientôt leurs extra-
vagances amènent la perte de cette fortune,
et c'est le jeune homme qui ranime le courage
de ses parents, trop heureux cette fois de
consentir à son union avec Katje, et, grâce
à lui, de faire leur paix avec d'anciens amis
et voisins qu'ils s'étaient aliénés par leur or-
gueil. Ce petit roman, traduit en Angleterre
et en France, a les qualités et les défauts des
Scènes de la vie flamande, dont le succès a
été quelque peu exagéré par le zèle des tra-
ducteurs et par l'engouement pastoral qui
s'empare des civilisations raffinées. C'est un
tableau des incidents de la vie journalière,
des mœurs naïves de l'échoppe et de la petite
classe bourgeoise, décalquées avec l'observa-
tion et la minutie vulgaire de Téniers ; mais
le talent du romancier, ou plutôt son tempé-
rament, est vif, honnête et sympathique.
Bonheurs (LES PETITS), par Jules Janin.
Dans les Fourberies de Scapin, Scapin dit à
Argante : a Que, pour peu qu'un père de fa-
mille ait été absent de chez lui, il doit pro-
mener son esprit sur tous les fâcheux acci-
dents que son retour peut rencontrer : se
figurer sa maison brûlée, son argent dérobé,
su femme morte, son fils estropié, sa fille su-
bornée; et ce qu'il trouve qui ne lui est pas
arrivé, l'imputer à bonne fortune. Pour moi,
j'ai pratiqué toujours cette leçon dans ma pe-
BONH
967
tite philosophie; et je ne suis jamais revenu
au logis, que je ne me sois tenu prêt à la colère
de mes maîtres, aux réprimandes, aux injures,
aux coups de pied au cul, aux bastonnades,
aux étrivières; et ce qui .a manqué de m'arri-
ver, j'en ai rendu grâce à mon destin, u Cette
phrase pourrait servir d'épigraphe à ce livre,
rempli de charmants et spirituels paradoxes.
Jules Janin est un optimiste de l'école de ce
sage qui disait que, pour se trouver heureux,
il faut regarder au-dessous de soi et non au-
dessus. Pour lui, tout ce qui arrive est bien,
quand on songe qu'il eût pu advenir pire en-
core. Les maladies elles-mêmes sont heureu-
ses, et il fait l'éloge de la goutte, comme Ci-
(
oéron avait fait celui de Ta vieillesse. « La '
goutte est mon bon génie, elle est mon bon
ange. O mal agréable, ô peine charmante, ô
souffrance utile, ingénieuse, accidentée, ho-
norable, pleine d'esprit, de patience et de bons
conseils ! Elle est semblable à cette mère ha-
bile et sage qui prend soudain son visage mé-
content, parce qu'elle ne veut pas que ses en-
fants abusent de sa bonté. Quelle plus sage,
plus active et plus éloquente conseillère I A
peine elle a vu que tantôt vous alliez vous
abandonner à vos penchants mauvais, à peine
elle a compris que le vin et l'amour, féconds
en brillantes insomnies, le jeu qui tue, le tra-
vail sans repos, allaient s'emparer de votre
corps épuisé, aussitôt la goutte arrive et nous
ramène au devoir. Les hommes les plus su-
perbes de l'univers, à savoir : Périclès, Au-
guste, Horace et M. Guilbert de Pixérécourt,
étaient goutteux. Jules César, tant débattu
de nos jours par les plus célèbres commenta-
teurs, Jules César était goutteux; Louis XIV,
un goutteux; le maréchal de Saxe, un gout-
teux ; il a vécu de la goutte, il en est mort. II
a gagné la bataille de Fontenoy un jour qu'il
avait la goutte aux deux pieds, aux deux
mains. Même il allait si bien, le lendemain de
la bataille, que M. le duc de Richelieu, en le
présentant au roi : « Sire, dit-il, voilà le pre-
mier homme que la gloire ait désenflé. —
Bon ! reprit le roi, voilà un goutteux des deux
mains qui, certainement, n'est pas manchot. »
C'est ainsi que l'auteur procède, toujours lé-
ger et spirituel, trouvant dans chaque circon-
stance de la vie une place pour le bonheur,
cette plante délicate et qui veut, être entourée
des soins les plus tendres. Chaque âge, chaque
condition en possède ; le tout, c'est de le trou-
ver : l'enfant a son premier jouet; le collé-
gien , son premier roman ; la jeune fille, sa
première robe de bal; il n'est point de déshé-
rités; les sots et les dévotes ont même leur
part dans cette distribution générale du bon-
heur. Les anecdotes, les noms historiques, les
souvenirs intimes se pressent sous la plume
de l'auteur. Mais bornons-nous à ce que nous
venons de dire ; car ce serait déflorer ce spi-
rituel ouvrage que de l'analyser jusqu'au der-
nier feuillet.
B o n h e u r (RÊVE DE), tableau de Papety. V.
RÊVE.
- B o n h e u r d e «c r e v o i r 1 paroles de U . G u t -
tinger, musique d'A. de Beauplan. Nous ne
pouvons assigner une date précise à cette
œuvre, que chantait, avec une prédilection mar-
quée, M
m e
Malibran. Cette charmante tyro-
lienne, que les vieux amateurs fredonnent en-
core avec attendrissement, au souvenir de la
grande artiste pour laquelle l'auteur l'avait
écrite, parut, suivant toutes probabilités, en
1830; car Marie Malibran l'intercala dans la
leçon de chant du Barbier, pour les débuts, à
Paris, de Lablache, dans le rôle de Figaro,
en octobre 1830. L'avenir a justifié la faveur
accordée par l'inimitable cantatrice à cette
production légère, qui semble éclose d'hier,
tant elle a conservé sa fraîcheur et son par-
fum intime.
JL
La la la la la la
^mimm^m
la la la lu.
1er COUPLET.
Bon - heur de se re - voir,
Qui de tant de plai - sir ré - a •
. i
i
dolce
- li - ses l'es - poir, I-'Ius je souffris, et
lion - heur de se re • voir, bon -
968
BONH
PPr- —
qu'il est doux de se re - vo.ri La la la.
DEUXIÈME COUPLET.
Le voilà, c'est bien lui! La voilà, c'est bien elle!
Quels accents, quels regards, quel magique pouvoir!
Tu rends l'amour plus tendre et l'amante plus belle,
Bonheur de se revoir ! (bis.)
Ah! ah!
TROISIÈME COUPLET.
On se redit les mots qui charmèrent l'absence;
Sur les mômes gazons on vient encor s'asseoir.
Tu rends la paix à l'âme, au cœur sa confiance,
Bonheur de se revoir! (bis.)
Ah ! ah !
B o n h e u r ! uiol ilovcnir eu femme I jfir de
Faust, paroles françaises de X . . . , musique d e
S p o h r . J u s q u ' à ce j o u r , trois compositeurs
o n t osé s ' a t t a q u e r a u m a r b r e fantastique
taillé p a r Goethe dans son d r a m e cosmique :
G o u n o d , Spohr e t S c h u m a n n . L e Faust de
Gounod é t a n t classé p a r m i les œ u v r e s les plus
é c l a t a n t e s d e l a musique française, il n o u s a
paru j u s t e e t i n t é r e s s a n t de t r a n s c r i r e q u e l -
ques p a g e s d e s d e u x a u t r e s a r t i s t e s .
Bonheur! moi, de - ve - nir sa
s t E
-^mm^
fem • me! Me - 1er mon âme à son
mon im-mensc a - mour, Le dévoue-
- ment et la Ilam - me! Oh! quand vien-
- d r a - t - i l , ce beau jour? Aux pieds du
saint au • tel Nous pros-ter - ncr.
D'un li - en ô - ter - nel Nous enchal-
(
Un poco riten.
S^p.
- ner, nous en chal-ner, Nous a - do-
• rer sous l'œil de Dieu!....Ce n'est qu'un
,çres^-—- k
rô » • ve... Es - poir, a - dieu!
Bon • heur, a
BOM1EUK ( R o s a ) , femme a r t i s t e , qui tient
un r a n g distingué parmi les p e i n t r e s c o n t e m -
porains, n é e k B o r d e a u x le 16 m a r s 1822. On
peut dire de Mlle B o n h e u r qu'elle était artiste en
v e n a n t a u m o n d e : s o n hochet fut un pinceau,
et c e pinceau d e v i n t u n e couronne. V i v e , e n -
jouée , t o u t e pétillante de p h y s i o n o m i e , elle
aimait le bruit e t le m o u v e m e n t comme on
l'aime h. c e t â g e . Maïs ce qu'elle préférait aux
jeux d e s e s j e u n e s c o m p a g n e s , c'était de se
blottir d a n s u n coin pour dessiner d e s a n i -
m a u x e t de petits b o n s h o m m e s , qu'elle décou-
pait ensuite fort habilement. C e s é b a u c h e s
n'étaient pas sans e x p r e s s i o n , e t son p è r e lui-
m ê m e les a v a i t r e m a r q u é e s .
E n 1829, elle é t a i t k P a r i s a v e c toute s a fa-
m i l l e ; mais la m o r t lui r a v i t s a m è r e a p r è s
3 u a t r e a n n é e s de séjour. Ce fut s a première
ouleur. Des r e v e r s de fortune vinrent encore
a s s o m b r i r c e deuil immense. Seul, d é s o r m a i s ,
a v e c q u a t r e e n f a n t s , et s a n s a u t r e fortune q u e
son p i n c e a u , M. R a y m o n d B o n h e u r d u t se l i -
v r e r e n t i è r e m e n t à son a r t , e t , p a r conséquent,
confier à d ' a u t r e s le soin de ses e n f a n t s , se s é -
p a r e r de ces c h e r s petits ê t r e s , dont la p r é s e n c e
Fait t o u t oublier e t aide à souffrir. C o u r b a n t
la tête d e v a n t c e t t e nécessité cruelle, M. Bon-
h e u r l e s m i t e n pension. C'est là q u e la j e u n e
Rosa m o n t r a plus v i v e m e n t encore son g o û t
pour le dessin-, e t c e g o û t , d'une précocité e x -
t r a o r d i n a i r e , r e s s e m b l a i t déjà, t a n t il était v i -
BONH
v a c e , a u n e véritable passion. L e p è r e e n fut
tellement f r a p p é , qu'il Vappela p r è s d e lui. Elle
v e n a i t d e faire s a p r e m i è r e c o m m u n i o n ; mais
à cet â g e , où l'enfant ordinaire sait à peine lire,
la j e u n e fille montrait déjà, a u x esprits clair-
v o y a n t s la m e s u r e de c e qu'elle serait un j o u r .
Son p è r e d e v i n a donc son talent : il se fit son
m a î t r e , e t l'on comprend si les leçons d u r e n t
ê t r e excellentes. A la douce c h a l e u r d e c e t
amour p a t e r n e l , l'artiste intelligente s e d é v e -
loppait dans la j e u n e tille aimante e t d é v o u é e .
P a r t a g e a n t a v e c joie les r u d e s t r a v a u x de
c e t t e v i e laborieuse, elle c h a s s a i t \ a t r i s t e s s e
des j o u r s difficiles à force de j e u n e s s e e t de
g a i e t é : c'était le soleil de l a maison, c e r a y o n
d'espoir qui illumine l'âme du n a u f r a g é q u a n d
il aperçoit u n e voile à l'horizon. L ' a r d e u r de
la noble enfant était infatigable ; rien n e
coûtait à s a n a t u r e c o u r a g e u s e , e t c'est a u x
abattoirs qu'elle s'en allait v a i l l a m m e n t faire
la p l u p a r t de s e s é t u d e s . F o r c é e de se réfu-
gier dans quelque coin fétide, elle y passait de
longues j o u r n é e s d'été, y r e v e n a n t toujours,
j u s q u ' à l a fin de son t r a v a i l . N ' é t a i t - c e pas u n
singulier et t o u c h a n t c o n t r a s t e que la p r é s e n c e
de c e t t e frêle j e u n e fille a u milieu d'hommes
g r o s s i e r s et d'animaux pour lesquels s'aigui-
sait déjà le fatal c o u t e a u ?
Mais c e n'était p a s en vain qu'elle dépen-
sait t o u t e cette é n e r g i e . Elle c o m m e n ç a à e n
recueillir les fruits en 1840, à s a première e x -
position. E l l e a v a i t d i x - h u i t a n s ; elle v e n a i t
de faire un t a b l e a u , e t ce t a b l e a u était reçu. L e
catalogue officiel disait : Deux lapins.. Quelle
joie l e t c o m m e son c œ u r d u t b a t t r e !
Dans cette composition, deux lapins, en ef-
fet, g r a n d s comme n a t u r e , g r i g n o t e n t g r a v e -
m e n t des carottes et d e s n a v e t s . Ce n ' e s t p a s
uu c h e f - d ' œ u v r e , é v i d e m m e n t ; mais il y a
quelque chose là : de la n a ï v e t é , de la c a n -
deur, d e s intentions e x c e l l e n t e s . Cette toile,
que les a m a t e u r s se d i s p u t e r a i e n t a u j o u r d ' h u i ,
c'est la s œ u r de Mlle R u s a B o n h e u r , M »
i e
P e y -
rol, femme de c œ u r a u t a n t que peintre distin-
gué, qui l a Karde p r é c i e u s e m e n t comme un
doux souvenir a p p a r t e n a n t à toute s a famille,
comme on recueille, comme on g a r d e en s a
mémoire c e s mots papa et maman, p r e m i e r s
b é g a y e m e n t s , c h è r e s appellations de l'enfant,
qui passe tout à coup de la v i e physique à l a
vie intellectuelle.
. Des œ u v r e s plus i m p o r t a n t e s suivirent ce
premier essai, et c h a c u n e d'elles signala d e s
p r o g r è s rapides. P l u s i e u r s récompenses v i n -
r e n t bientôt les affirmer : e n 1845, la médaille
de 3e c l a s s e ; celle de 1™ classe en 1848.
T o u t e s les j o u i s s a n c e s se p a y e n t , dit-on,
s u r t o u t celles de la r e n o m m é e , et quelquefois
il faut les e x p i e r comme des c r i m e s . Mlle Rosa
Bonheur n ' a p a s é c h a p p é à cette loi fatale.
Au milieu de s e s s u c c è s d'artiste, un affreux
m a l h e u r vint la frapper d a n s son c œ u r de fille
a i m a n t e , de fille t a n t aimée : elle perdit son
p è r e , son m a î t r e , son a m i , e n m a r s 1849. Déjà
le p a u v r e malade sentait la vie s ' é t e i n d r e ,
q u a n d il d e m a n d a qu'on a p p o r t â t d e v a n t lui,
comme u n e pieuse r e l i q u e , le dernier t a b l e a u
de s a fille, de son élève chérie. E n r e v o y a n t
cette belle p a g e , lé Labourage nivernais, il
eut comme un éclair de v i e ; e t , s e r r a n t les
mains d e son e n f a n t , qui sanglotait à son c h e -
v e t , il e s s a y a d e s o u r i r e ; m a i s s e s y e u x s e
voilèrent et il se prit à p l e u r e r .
Ce fut u n coup terrible p o u r Mlle R o s a
B o n h e u r ; elle le sentit dans son c œ u r retentir
bien l o n g t e m p s . P e u à p e u , c e p e n d a n t , la
douleur fut v a i n c u e à force d ' é n e r g i e . Elle
put enfin r e p r e n d r e s e s p i n c e a u x . C'est alors
qu'elle produisit toutes c e s belles composi-
tions qui m i r e n t le comble à s a r é p u t a t i o n . E n
voici la date e t les noms ;
D e 1841 à 1851 : Chèvres et moutons —
Animaux dans un pâturage — le Cheual à
vendre — Chevaux sortant de l'abreuvoir —
Chevaux dans une prairie — Vaches au pâtu-
rage — la liencontre — Un Ane — les Trois
Mousquetaires, le Labourage, Un Troupeau
cheminant, le Jiepos dans la prairie — htude
d'étalons — Nature morte — Etude de chiens
courants — le Meunier cheminant — le Labou-
rage nivernais (Musée du L u x e m b o u r g ) .
1853 : le Marché aux chevaux,
1855 : la Fenaison en Auvergne (Musée du
L u x e m b o u r g ) .
U n e vie si v a i l l a n t e , u n si beau t a l e n t m é -
ritaient u n e distinction tout e x c e p t i o n n e l l e ;
elle n ' a p a s m a n q u é à M*
l c
R o s a B o n h e u r :
S. M. l'impératrice E u g é n i e a voulu qu'elle
e û t l a croix' d e l a Légion d ' h o n n e u r ; elle a
fait mieux e n c o r e , en a l l a n t l'attacher elle-
m ê m e s u r cette noble poitrine
}
s u r la poitrine
de cette vaillante e n t r e les vaillants.
L ' a u t e u r du Marché aux chevaux, habite
m a i n t e n a n t en pleine n a t u r e , p r è s de F o n t a i -
nebleau. Elle travaillé toujours; mais les A n -
glais, enthousiastes de s a p e i n t u r e , e n l è v e n t
tous s e s t a b l e a u x . L a F r a n c e en e s t t o t a l e -
m e n t p r i v é e , c a r , depuis 1855, on ne l e s voit
plus a u Salon. Ce parti pris e s t r e g r e t t a b l e ; '
les d é b u t a n t s y p e r d e n t des conseils, d e s l e -
çons, de bons e n s e i g n e m e n t s ; le public y perd
de très-vives j o u i s s a n c e s . Si les artistes a r r i -
vés à la célébrité e t à l a fortune s'abste-
n a i e n t tous a i n s i , l e s expositions n ' a u r a i e n t
plus d'intérêt. E t puis, n'y a-t-il p a s comme
u n e n u a n c e d'ingratitude, tout a u moins d'ou-
blieuse indifférence, à s*élùigner ainsi de la
l u t t e , p a r c e qu'elle n ' a plus à offrir l'attrait
du premier t r i o m p h e ? E t p a r c e qu'on a reçu
BONH
toutes les couronnes p o s s i b l e s , e s t - c e donc
u n e raison pour ne p a s m o n t r e r qu'on les m é -
rite t o u j o u r s ?
M. F r a n ç o i s - A u g u s t e B o n h e u r , frère de
Mlle R o s a B o n h e u r , e t Mme P e y r o l , s a s œ u r ,
sont plus fidèles a u S a l o n , qui leur a valu d e s
succès m é r i t é s , e t ils o n t raison : on n'est j a -
mais trop fort pour exposer, quand on n ' a p a s
l'âge d e M. I n g r e s .
L a critique s'est complue à r e p r o c h e r à
Mlle R o s a B o n h e u r , peintre d ' a n i m a u x , u n e
c e r t a i n e affectation de virilité; c'est là u n e
accusation d o n t nous ne saurions nous faire
l'écho. M'ie R o s a B o n h e u r peint d ' a p r è s n a -
t u r e ; son pinceau a d e s n u a n c e s de sen-
timent qu'il n e faut d e m a n d e r qu'au c œ u r
d'une f e m m e , e t c e s n u a n c e s , c'est a v e c son
c œ u r q u e l'artiste les a n a ï v e m e n t indiquées.
Cet é l é m e n t , qui prend s a source d a n s la sym-
p a t h i e , Géricault lui-même n e l'eût p e u t - ê t r e
pas t r o u v é .
A u s s i , t r o p bien douée pour n ' t t r e pas femme
j u s q u ' e n s e s moindres productions, Mlle Rosa
B o n h e u r a-t-elle laissé p a r t o u t l'empreinte de
ses instincts délicats et c h a r m a n t s . S o n é d u -
cation, s a v i e , d'ailleurs, a u milieu des s i e n s ,
qu'elle aime, dont elle e s t chérie e t qu'elle n ' a
j a m a i s quittés, l'a s a u v é e de la vie d'artiste.
Elle a pu se p r é s e r v e r ainsi d e s e n t r a î n e -
m e n t s , des e r r e u r s , des illusions de ce milieu
bizarre où u n e femme peut r e s t e r honnête
h o m m e , mais p a s toujours femme h o n n ê t e . L a
femme a beau ê t r e g r a n d écrivain, g r a n d r o -
m a n c i e r ou grand artiste, il lui faut, sous peine
de déchoir, r e s t e r femme, e t Corinne nous
semble plus g r a n d e , plus belle, à L e u c a d e
qu'au sommet du Capitole.
BONHEUR
BONHEUR (Isidore), sculpteur français con-
temporain, frère des p r é c é d e n t s , né à B o r d e a u x
en 1827, se forma sous la direction de son père
et de s a s œ u r . Il a e x p o s é , pour son début,
au Salon de 1848, un Cavalier africain atta-
qué par une lionne. Un Combat de taureaux,
qui figura a u Salon de 1850, attira s u r lui l'at-
t e n t i o n ; ce g r o u p e dénotait u n e r e c h e r c h e pa-
t i e n t e de l a v é r i t é , e t s e r e c o m m a n d a i t p a r
l ' e n t e n t e de la composition, l'énergie des mou-
v e m e n t s , la l a r g e u r de l'exécution. C e s q u a -
lités, qui, à dire v r a i , n'étaient encore qu'en
g e r m e dans c e t o u v r a g e du j e u n e artiste, se
sont a c c e n t u é e s depuis dans la p l u p a r t d e s e s
productions. A la différence de son frère A u -
g u s t e , dont il n ' a s a n s d o u t e p a s l a c o r r e c -
tion, M. Isidore B o n h e u r a h o r r e u r du joli;-il
fuit la banalité bourgeoise e t attaque h a r d i -
m e n t les sujets qui v e u l e n t du style, de la
g r a n d e u r , de la force, comme il Va fait v o i r
dans deux de s e s principaux g r o u p e s : Her-
cule et les chevaux ae Diomède (Salon d e 1855);
Ulysse reconnu par son chien (Salon de 1859).
Ses a u t r e s o u v r a g e s les plus r e m a r q u a b l e s
sont : un Zèbre attaqué par une panthère
(commande du ministère d ' E t a t , 1853), a u -
jourd'hui dans les j a r d i n s du c h â t e a u de F o n -
t a i n e b l e a u ; un Taureau et un ours, u n e Vache
défendant son veau contre un loup (1857); u n e
Jument anglaise montée par un jockey (1863) ;
deux superbes Taureaux, commandés p a r l e
sultan et qui ont obtenu u n e médaille au Salon
de 1865. — P a r m i les m e m b r e s de la famille
B o n h e u r qui cultivent les a r t s a v e c s u c c è s ,
nous devons citer encore : Mlle Juliette B O N -
HEUR, n é e à P a r i s en 1830, élève d e son père
R a y m o n d et de MUe Rosa, s a s œ u r aînée. Elle
a débuté au Salon de 1852, par u n e n a t u r e
m o r t e . Mariée à M . P e y r o l e n 1853, elle a
exposé depuis, sous le nom do M
m e
P E Y R O L -
BONHEUR
BONHEUR (Auguste), peintre français con-
t e m p o r a i n , né ii Bordeaux en 1824, e u t pour
m a î t r e Raymond Bonheur, son p è r e , et se per-
fectionna sous la direction do son illustre s œ u r ,
MU'
1
Rosa Bonheur. Il t:ommença par peindre
des sujets de g e n r e : l e s Enfants aux champs
(Salon de 1845); le Bain e t \*Heureuse mère
(Salon de 184G), et d e s portraits (celui de s a
s œ u r , en 1848, e t celui de son père en 1849).
Il e x p o s a , a u Salon de 1852, deux Vues du
Cantal et un Intérieur 0e forêt, qui lui valu-
r e n t u n e médaille d e 3e classe. A p a r t i r d e
c e t t e é p o q u e , il s'est adonné spécialement à
la p e i n t u r e de p a y s a g e et d'animaux, d a n s
laquelle il a réussi a suivre s a s œ u r , mais d'un
peu loin, non passibus œquis. Il tient d'elle, e n
effet, l'habileté de la b r o s s e , la limpidité de
la couleur, la fermeté du dessin, mais il n ' a
p a s s a simplicité r o b u s t e , son s e n t i m e n t e x -
quis de la n a t u r e ; il a adopté u n e m a n i è r e
p r o p r e t t e , m i n u t i e u s e , pleine de coquetterie
et d e gentillesse, qui ferait croire qu'il met des
m a n c h e t t e s p o u r p e i n d r e les bêtes de la c r é a -
tion, c o m m e faisait M. de Buffon pour les d é -
c r i r e . Nous devons ajouter, pour ê t r e j u s t e ,
que son faire a acquis plus de l a r g e u r e t de
force depuis quelques a n n é e s . Ses meilleurs
o u v r a g e s sont : les Gorges de la Jordanne et,,
du Puy-Griou (commande du ministère d ' E t a t , '
1853); le Col de Cabre (Salon de 1855); u n
Souvenir de Bretagne (1857); un Troupeau de
vaches dans les Pyrénées, le Passage du gué
et l'Abreuvoir y qui o n t obtenu u n e médaille
de 2e classe en 1859; VArrivée à la foire, la
liencontre de deux troupeaux e t la Sortie du
pâturage, qui ont m é r i t é u n e médaille de
l
r t !
classe en 1861; le Combat, la Mer e t le
Ruisseau, a u x q u e l s on a encore donné u n e
médaille de ire classe en 1863; le lietour de
la foire (1864); e t enfin le Dormoir, v a s t e toile
qui a e u u n s u c c è s t r è s - g r a n d e t bien m é r i t é
au Salon de 1866.
BONHEUR,
BONHEUR, un Troupeau d'oies qui a mérité
une mention à l'exposition u n i v e r s e l l e , e t d e s
BONH
t a b l e a u x d'animaux d'une exécution un peu
faible, mais d'un sentiment bien naïf.
BONHEUR-DU-JOURBONHEUR-DU-JOUR s. m . (ainsi a p p e l é
à cause de la g r a n d e v o g u e q u e ce m e u b l e a
e u e autrefois). S o r t e d e p e t i t m e u b l e à t i r o i r ,
d a n s l e q u e l on s e r r e d e s p a p i e r s e t a u t r e s
m e n u s objets a u x q u e l s on a t t a c h e du prix :
Le commissaire de police frappa deux petits
coups à la porte; son secrétaire entra, s'assit
devant le petit BONHEUR-DU-JOUR et se mit à
écrire sous sa dictée. (Balz.) Mon brocanteur
a trouvé cet éventail dans un B O N H E U R - U O -
JOUR en marqueterie, que j'aurais acheté si
je faisais collection de ces œuvres-là. (Balz.)
BONHM.L, b o u r g d ' E c o s s e , comté e t à
8 kilom. N . de Duinbarton, s u r le L e v e n , qui
sort du l a c Lomond e t se j e t t e d a n s la baie
de C l y d e ; 4,000 h a b . Impression s u r étoffes,
blanchisseries. P a t r i e de l'historien Smollett..
BONHOMIEBONHOMIE s . f. ( b û - n o - m î — r a d . bon-
homme). C a r a c t è r e de b o n h o m m e , b o n t é du
c œ u r unie à la s i m p l i c i t é des m a n i è r e s : Etre
d'une gronde BONHOMIE, d'une aimable B O N -
HOMIE. C'est un homme plein de BONHOMIE.
BONHOMIE
BONHOMIE vaut mieux que raillerie. (Volt.)
Un homme sans élévation ne saurait avoir de
la bonté ; il ne peut avoir que de la BONHOMIE.
(Chamfort.) Les affaires ont une sorte de dif-
formité que la BONHOMIE adoucit. Elle va jus-
qu'à leur prêter de l'attrait. ( J o u b e r t . ) La
BONHOMIEBONHOMIE et la bonté ne sont guère refusées à
Louis XII. (Ste-Beuve.) La BONHOMIE, c'est
la finesse de l'homme de bien- (Raspail.) Il
faut toute la patiente BONHOMIE d'un public
allemand pour écouter le mot à mot d'un drame
indou (Th. Gaut.)
On peut &c faire aimer dans tous les rangs;
Mais avec ses égaux, et le peuple et les grands,
Il faut beaucoup de bonhomie.
Du TRBMRLAT. .
- ^ S i m p l i c i t é excessive, c r é d u l i t é : Je n'au-
rai pas la BONHOMIE de me fier à sa parole. Il
a ta
BONHOMIEBONHOMIE ; il était sûr de sa femme. (Balz.)
BONHOMIEBONHOMIE de croira tout ce qu'on lui dit.
(Acad.) 77 e.î( d'une BONHOMIE qui fait pitié.
(Acad.) La BONHOMIE milanaise est célèbre au-
tant que l'avarice génoise. ( H . Beyle.) Le
vieillard rentra dans le salon avec une sublime
BONHOMMEBONHOMME s. m . ( b o - n o - m e — d e bon
et homme). H o m m e s i m p l e , d o u x , facile, s a n s
malice, s a n s a r r i è r e - p e n s é e : Je ne suis point
un philosophe, comme vous m'appelez, mais
un
BONHOMMEBONHOMME qui tâche de ae faire de mal à
personne. ( J . - J . ï t o u s s . ) Mais vous n'avez vu
que l'écorce en moi , messieurs!... Sous le
BONHOMME,BONHOMME, il y a de l'homme, entendez-vous?
(A. F r é m y . )
II se grime en bonhomme et ment a sa figure.
BARTHÉLÉMY.
Il H o m m e c r é d u l e , facile à a b u s e r : C'est un
BONHOMMEBONHOMME qui avalerait des couleuvres. Soyez
un homme bon, et non pas un BONHOMME. (Boi-
t a r d . ) Il P l u r . des BONSHOMMES ; mais d a n s les
d e u x sens p r é c é d e n t s , ce pluriel e s t peu u s i i é .
— N o m q u e l'on d o n n e f a m i l i è r e m e n t a u x
vieillards e t a u x e n f a n t s ; q u a n d il s'applique
a u x e n f a n t s , on le fait t o u j o u r s précéder de
Vadj.petit : Le BONHOMME se porte encore très-
bien. Nous fûmes accostés par deux BONSHOM-
MES. Le petit BONHOMME eut peur et courut se
cacher, Comminges, lieutenant des gardes de la
reine, enleva, dans un carrosse fermé le BON-
HOMME Broussel, conseiller de la grand'cham-
bre. (De R e t z . ) O» ne manqua pas de faire
beaucoup babiller le petit BONHOMME. ( J . - J .
Rouss.) Le BONHOMME prit son bâton et sor-
tit, au grand étonnement des assistants, qui le
crurent tombé en enfance. (Balz.) Un vieux
BONHOMMEBONHOMME I>E NÉGOCIANT marseillais comprit
au bistre de mon teint que je" venais de plus
loin que de Toulon ou d Aix. ( F . Soulié.)
Les comtes font traîner eu bonhomme en prison.
CORNEILLE.
il S e d i t aussi à u n j e u n e h o m m e q u e l'on
v e u t , p a r m é p r i s , t r a i t e r c o m m e un enfant :
Mon petit BONHOMME, qu'est-ce qui vous prend
donc? (Balz.) n Se dit é g a l e m e n t d'un h o m m e
d e la c a m p a g n e , d ' u n nomme- d u p e u p l e ou
de quelqu un q u e l'on croit pouvoir t r a i t e r
a v e c un t o n de p r o t e c t i o n familière : Tenez,
BONHOMME,BONHOMME, voilà pour vous. BONHOMME, lui
dis-je sans hauteur comme sans familiarité, le
chemin de Kœkelberg, s'il vous plait? — B O N -
HOMME vous-même, me répond-il avec humeur :
je ne suis fias plus BONHOMME qu'un autre, et
il continue sa route. (Arnault.) C e t t e d é n o m i -
n a t i o n , d o n t l e t o n e s t un peu a r i s t o c r a t i q u e
pour n o t r e é p o q u o , c o m m e n c e à s o r t i r do n o s
moeurs.
— F i g u r e dessinée g r o s s i è r e m e n t ^ c o m m e
celles q u e les e n f a n t s a i m e n t à griffonner :
Dessiner des BONSHOMMES. Couvrir de B O N S -
HOMMES ses livres, ses cahiers, les murs de la
maison. Ils illustrent les murs et les devan-
tures de boutiques de navires, de BONSHOMMES,
de bouteilles, etc., croqués à la craie. ( J . C a ù -
vain.) il P e t i t e s t a t u e t t e faite p o u r a m u s e r
des e n f a n t s : Jouer avec des BONSHOMMES,
— Faux bonhomme, H o m m e q u i , p a r fînesso
e t p a r calcul, s i m u l e u n e s i m p l i c i t é , une dou-
c e u r , u n e b o n h o m i e qu'il n a p a s ; Ne vous
fiez pas à lui, c'est un faux BONHOMME. Le
EAUX BONHOMME calcule tout, ricane de tout,
tire toujours à temps son épingle du jeu. ( S t e -
Beuve.) Parmi les nombreuses variétés de 'Tar-
tufe, l'espèce la plus dangereuse est celle de
ces EAUX BONSHOMMES dont Ménage est le mo-
dèle le plus achevé. (De J o u y . )
— Loc. fam. Aller son petit bonhomme de
BONH
chemin, V a q u e r t r a n q u i l l e m e n t à ses affaires,
p o u r s u i v r e s e s e n t r e p r i s e s s a n s b r u i t , sans-
e c l a t e t s a n s h â t e , avec u n succès n o n p a s
r a p i d e , m a i s c o n t i n u : Il VA tout doucement
SON PETIT BONHOMME DE CHEMIN. Il Nom d'un
petit bonhomme ! S o r t e d ' e x c l a m a t i o n t e n a n t
lieu de j u r o n chez c e r t a i n e s g e n s d u p e u p l e :
Oui, NOM D'UN P E T I T BONHOMME, il fait solide-
ment froid, tout de même. (Balz.) Nous avons à
parler d'affaires et nous en parlerons, le verre
à ta main, NOM D'UN P E T I T B O N H O M M E ! Voilà
la vraie manière-, (Balz.) N O M D'UN P.ETIT BON-
H O M M E ! cet animal-là me coupe la retraite.
(Varin.)
— P r o v . Bonhomme, garde ta vache, S e d i t
p o u r a v e r t i r q u e l q u ' u n d e p r e n d r e c a r d e
q u ' o n n e le t r o m p e , c o m m e o n a v e r t i r a i t u n
b e r g e r d e p r e n d r e g a r d e a u l o u p .
— T e c h n . Outil d u v i t r i e r . Il O u t i l du v e r -
r i e r .
— H i s t . H t t é r . Le Bonhomme, S u r n o m d o n n é
à L a F o n t a i n e , à cause d e s a n a ï v e t é , d e la
s i m p l i c i t é d e s o n c a r a c t è r e ; b o n h o m i e , c e -
p e n d a n t , q u i n e m a n q u a i t p o i n t de malice :
Ne nous moquons pas tant du BONHOMME, il
livra peut-être plus longtemps que nous. (Mol.)
Les beaux'esprits ont beau se trémousser ; au-
cun d'eux n'égalera jamais le BONHOMME.
(Mol.)
— H i s t . r e l i g . N o m d o n n é à d e s r e l i g i e u x
é t a b l i s e n A n g l e t e r r e e n 1259. il N o m d o n n é
a u x r e l i g i e u x d e l'ordre de G r a n d m o n t , a u x
m i n i m e s q u i l e u r s u c c é d è r e n t à V i n c e n n e s e t
a u x m i n i m e s de Chaillot. Il Nom q u e se d o n -
n a i e n t , a u x n e siècle, c e r t a i n s h é r é t i q u e s du
L a n g u e d o c . H Bonhomme de Caria, N o m d e s
r e l i g i e u x du t i e r s o r d r e de S a i n t - F r a n ç o i s
é t a b l i s à C a r i a e n P o r t u g a l , e n 1443. Il Bon-
homme de Saint-Martin, N o m d o n n é à d e s
r e l i g i e u x du t i e r s o r d r e d e S a i n t - F r a n ç o i s
é t a b l i s à F l o r e n c e . Il Bonhomme de Villar de
Fradez, N o m d o n n é à d e s c h a n o i n e s s é c u -
liers, é t a b l i s e n 1425 d a n s le m o n a s t è r e de
S a i n t - S a u v e u r de Villar d e F r a d e z , e n P o r -
t u g a l .
— Ane. j u r i s p r . Bonshommes, J u g e s q u i ,
au c o m m e n c e m e n t de la t r o i s i è m e r a c e , d e -
v a i e n t a c c o m p a g n e r l'officier c h a r g é du m i -
n i s t è r e p u b l i c , e t a v a i e n t à peu p r è s l ' a u t o -
r i t é d e s é c h e v i n s .
— B o t . Nom v u l g a i r e du b o u i l l o n - b l a n c , il
Nom_ v u l g a i r e d ' u n n a r c i s s e .
— O r n i t h . Bonhomme misère, N o m v u l g a i r e
du r o u g e - g o r g e , parce qu'il n e se m o n t r e
q u ' e n h i v e r d a n s n o s c l i m a t s . Ce m o t s ' e m -
ploie o r d i n a i r e m e n t p o u r d é s i g n e r l'espèce :
Le
BONHOMME,BONHOMME, pour le coup. (Bussy-Rab.)
Soyez
BONHOMMEBONHOMME misère se prend très-bien à la
glu, r a r e m e n t il d é s i g n e u n seul i n d i v i d u ,
on n e dit g u è r e : Un bonhomme misère, e t il n e
s'emploie j a m a i s a u p l u r i e l .
— J e u x . Petit bonhomme vit encore, P e t i t
j e u g u i se j o u e do la m a n i è r e s u i v a n t e : L a
société s ' é t a n t assise e n cercle, u n des j o u e u r s
a l l u m e u n p e t i t m o r c e a u de p a p i e r e t l e
passe à son voisin d e d r o i t e , e n d i s a n t : Petit
bonhomme vit encore; le voisin le passe à s o n
t o u r à son voisin d e d r o i t e , e t ce d e r n i e r a u
s u i v a n t , e n r é p é t a n t t o u j o u r s la m ê m e for-
m u l e . Celui e n t r e les m a i n s d e q u i le p a p i e r
s ' é t e i n t a v a n t q u ' i l a i t p u a c h e v e r la p h r a s e
s a c r a m e n t e l l e e s t t e n u d e d o n n e r u n g a g e .
Il e s t p r o b a b l e q u e c e t t e e x p r e s s i o n m é t a -
p h o r i q u e d é r i v e de l ' a n t i q u e u s a g e o b s e r v é à
la fête d e s l a m p a d ô d r o m i e s p a r les j e u n e s
A t h é n i e n s , qui c o u r a i e n t d a n s la lice en se p a s -
s a n t de m a i n en m a i n u n flambeau, e m b l è m e
d e la t r a n s m i s s i o n d e la v i e . V . E T QUASI
CURSOKES VITAI I.AMPADA TRADUNT.
— T h é â t r . Tenir son bonhomme, Avoïr b i e n
s e n t i e t r e n d r e avec b o n h e u r le c a r a c t è r e d u
rôle d o n t on e s t c h a r g é , il Bien habiller son
bonhomme, P r e n d r e le c o s t u m e e x a c t q u i con-
v i e n t à un p e r s o n n a g e .
— Adjectiv. Qui a de la b o n h o m i e ; q u i
m o n t r e d e la b o n h o m i e : Un vieillard BON-
HOMME. Un air doux et BONHOMME. Le hasard
a été
BONHOMME,BONHOMME, sans hauteur, ni décision,
ni critique, ni dédain, ni délicatesse, ni tour
de passe-passe d'amour-propre. (Fôn.) Plus il
est
BONHOMME,BONHOMME, plus je le plains d'avoir a/faire
aux libraires, qui ne sont point du tout bonnes
gens. (Volt.) Sous l'air simple et BONHOMME,
l'auteur se moque fort spirituellement de toutes
les opinio/is. (Scribe.) n D o u x , s i m p l e e t a i -
m a b l e , e n p a r l a n t d e s choses : Son esprit est
nomme ces bons petits paysages de 1818, que
les amateurs d'aujourd'hui relèguent au gre-
nier, parce qu'ils sont exécutés dans le style
BONHOMME, mais où les curieux s'amusent un
bon quart d'heure, parce que l'artiste y a
fourré quelque part mille petits détails qu'on
retrouve avec intérêt. ( E d m . A b o u t . )
B o n h o m m e Richard,(LA SCIENCE DU), titre
d'un o u v r a g e de F r a n k l i n . Y . SCIENCE.
B o n h o m m e ' J o b ( L E ) , comédie-vaudeville
en trois a c t e s , en prose, p a r Emile S o u v e s t r e ,
r e p r é s e n t é e s u r le t h é â t r e du V a u d e v i l l e , l e
15 n o v e m b r e 1846. M
l I e
Honorine de Sannois,
j e u n e orpheline intéressante e t r i c h e , e s t s u r
le point de se voir forcée d'épouser un certain
M. d e L u x e u i l , espèce de lion r u i n é , dont la
m è r e possède u n e l e t t r e p r o u v a n t q u e l a
jeune p e r s o n n e n ' e s t p a s la hlle de M. de S a n -
nois, mais d'un a m a n t r e s t é inconnu. Ce m a -
riage ne se fait p a s , g r â c e a u b o n h o m m e J o b ,
qui, avec son air de n a ï v e t é sournoise, e n sait
plus long qu'on n e croit, e t tient d a n s s e s
mains calleuses t o u s les fils d'une i n t r i g u e .
BONH
J o b est le p è r e d'Honorine. P e n d a n t les
g u e r r e s d u B o c a g e , il a m o n t r é t a n t de d é -
v o u e m e n t à M°»e de Sannois, la femme de
son chef, d o n t la m o r t fut c a c h é e longtemps
pour ne p a s d é c o u r a g e r le parti, q u e celle-ci
n ' a pas d é d a i g n é d'épouser s e c r è t e m e n t l'hon-
nête e t c o u r a g e u x g a r d e - c h a s s e , c a r telle
était la p r e m i è r e condition de J o b . Honorine
n ' e s t donc p a s u n e b â t a r d e , comme le prétend
la m é c h a n t e Mme de Luxeuil, mais la fille l é -
gitime d'un b r a v e h o m m e . J o b , a r m é de c e
s e c r e t , m e n a c e M ^ e de L u x e u i l , r e v ê c h e
c r é a t u r e , e n t i c h é e d e s a noblesse, de r é v é l e r
cette mésalliance si elle p e r s i s t e dans s o n
projet, e t c o m m e , a p r è s t o u t , M. A r t h u r de
L u x e u i l n'en v e u t q u ' à la fortune de Mlle do
S a n n o i s , tout s ' a r r a n g e . L e s dettes seront
p a y é e s , e t Honorine p o u r r a é p o u s e r M. de
R a s t o u l , u n j e u n e seigneur qui l'aime v é r i t a -
b l e m e n t . Q u a n t à J o b , il ne connaîtra j a m a i s
c e t t e douceur d e pouvoir e m b r a s s e r s a fille,
c a r il a j u r é d e g a r d e r le silence. P o u r ,
unique f a v e u r , il r é c l a m e une place a u p r è s
d'elle, n'importe laquelle, p o u r v u qu'il puisse
l'apercevoir quelquefois e t lui sourire de loin.
Cette d o n n é e fort simple est d é v e l o p p é e a v e c
b e a u c o u p de gaieté, de finesse e t d'esprit, e t
le Bonhomme Job p e u t ê t r e considéré c o m m e
u n e d e s meilleures productions t h é â t r a l e s
d'Emile S o u v e s t r e .
B o n h o m m e J a d i s ( L E ) , comédie en u n a c t e
et en p r o s e , d'Henri M ù r g e r , r e p r é s e n t é e à l a
C o m é d i e - F r a n ç a i s e le 21 a v r i l 1852. • Dans
u n e gaie m a n s a r d e , claire e t p r o p r e t t e , dit
M. Théophile Gautier, v i t un'vieillard c o n n u
sous le sobriquet de Bonhomme Jadis, e n com-
p a g n i e d'un p o r t r a i t de femme e t de g r a c i e u x
s o u v e n i r s . Il n ' a ni chien, ni c h a t , ni g o u v e r -
n a n t e , e t fait l u i - m ê m e son petit m é n a g e . S a
tète est b l a n c h e , mais c o m m e les amandiers
sont b l a n c s a u mois de m a i , de fleurs-et n o n
p a s de n e i g e , e t u n p r i n t e m p s é t e r n e l s ' é p a -
nouit dans son c œ u r . Il aime tout c e qui e s t
j e u n e , frais, c a n d i d e , non à la façon de c e s
v i e u x immondes qui t r a î n e n t leur b a v e d'ar-
g e n t s u r toutes les r o s e s , mais d'une â m e
h o n n ê t e e t b i e n v e i l l a n t e , h e u r e u s e de la
b e a u t é e t du b o n h e u r d ' a u t r u i . l i v a célé-
b r e r la fête d'une femme u n i q u e m e n t a i m é e ,
dont il n e lui r e s t e plus qu'un fragile p a s t e l .
Il v a donc c é l é b r e r la fête de s a chère d é -
funte ; mais c'est bien triste de m a n g e r seul
le petit dîner fin qu'on s'est p r o p o s é , de
boire à u n e mémoire a i m é e sans avoir un
v e r r e contre lequel c h o q u e r le sfen. L e b o n -
h o m m e invite donc M . O c t a v e , un j e u n e
vieillard du v o i s i n a g e , é t u d i a n t e n droit, t r è s -
r ê v e u r e t t r è s - p e u guilleret, incapable d é d i r e
u n e g a l a n t e r i e à u n e femme, e t Mlle J a c q u e -
line, s a j e u n e voisine, qui d'abord craignait le
t ê t e - à - t é t e a v e c un vieux g a r ç o n , p e u t - ê t r e
libertin. « N o u s s e r o n s trois, dit le vieillard,
» pour la r a s s u r e r . ».I1 sait q u ' O c t a v e e t J a c -
queline s'aiment e t n ' o s e n t s e le dire, r e t e n u s
p a r les a d o r a b l e s timidités de l a j e u n e s s e e t
*ae l'amour v r a i . Il s e r v i r a d'intermédiaire k
c e t t e h o n n ê t e passion, qu'il a d é c o u v e r t e e n
r a m a s s a n t un brouillon de déclaration, n o n
e n v o y é e , tombée de l a p o c h e d'Octave. On
se m e t à t a b l e , J a c q u e l i n e e s t pimpante e t
O c t a v e t r o u v e u n p e u bien é t r a n g e d e voir la
j e u n e fille à côté du b o n h o m m e J a d i s , v ê t u ,
pour la c i r c o n s t a n c e , de son plus bel habit.
L e s d e u x a m o u r e u x v o u d r a i e n t bien se p a r l e r ,
mais n ' o s e n t p a s . L e s v o y a n t e m p ê t r é s d e l a
s o r t e , le b o n h o m m e feint de faire la cour pour
son compte à J a c q u e l i n e e t lui j e t t e u n e d é -
claration qui n ' e s t a u t r e q u e l a l e t t r e p e r d u e
p a r O c t a v e . L e j e u n e h o m m e r e c o n n a î t son
style e t s ' e x c l a m e . T o u t s'explique, e t l e bon-
h o m m e J a d i s unit c e s timides a m o u r e u x . » Il
est presque superflu de dire le succès q u ' o b -
tint c e t t e c h a r m a n t e comédie. On sait de r e s t e
la n a ï v e t é d'impressions e t le c h a r m e qui dis-
t i n g u e n t toutes l e s compositions d'Henri Mùr-
g e r , c e t a u t e u r parisien p a r excellence, dont
la r é p u t a t i o n allait g r a n d i s s a n t c h a q u e j o u r ,
lorsque la m o r t e s t v e n u e l'enlever a u plus
beau m o m e n t de s a j e u n e s s e e t de son t a l e n t .
Il a v a i t pris le sujet de s o n Bonhomme Jadis
dans u n e nouvelle qui porte le m ê m e titre e t
qu'on lira, a p r è s a v o i r v u l a pièce, a v e c un
plaisir comparable seulement a u désir q u e l a
l e c t u r e de l a nouvelle d o n n e r a de la voir mise
en action a u t h é â t r e . C e r t a i n s critiques, n e
f
iouvant a t t a q u e r le m é r i t e de la pièce, se voi-
èrent la face e t c r i è r e n t à l'immoralité. G r a n d e
i m m o r a l i t é , en effet! q u e celle de ce .vieillard
qui force d e u x a m o u r e u x h t r o u v e r l'amour
dans le m a r i a g e . L e s sots propos d e c e s m e s -
s i e u r s o n t p a s s é , et l e Bonhomme Jadis e s t
r e s t é u n d e s plus délicats p a s t e l s de l a comé-
die française.
B o n s h o m m e s (LES FAUX) , titre d'une comé-
die e n q u a t r e a c t e s , de MM. T h é o d . B a r r i è r e
e t E r n e s t C a p e n d u . V . F A U X BONSHOMMES (les).
BONHOMME
BONHOMME ( J a c q u e s ) , sobriquet de m é p r i s
q u e l a noblesse donnait j a d i s , en F r a n c e , a u
peuple e t s u r t o u t a u x p a y s a n s . V . JACQUES.
BONHOMME
BONHOMME (col d u ) , g o r g e d e s A l p e s ,
e n t r e les d é p a r t e m e n t s de l a Savoie e t de la
H a u t e - S a v o i e , à 18 kilom. S.-O. du m o n t
B l a n c ; elle s é p a r e l e s Alpes Grées d e s Alpes
P e n n i n e s , e t p r é s e n t e u n p a s s a d e difficile
e n t r e les v a l l é e s d e l'Arve e t de 1 I s è r e ; alti-
t u d e , 2,447 m.
Ce qui a fait d o n n e r c e nom à cette g o r g e ,
c'est u n é n o r m e massif de r o c h e r s , qui a la
forme d'une t o u r c a r r é e e t q u e les habitants
de c e s m o n t a g n e s o n t appelé le Bonhomme;
BONH
a u p r è s de lui s'élève u n e t o u r s e m b l a b l e , mais
de moindre dimension, et qu'on appelle l a
Femme du Bonhomme ; enfin, t o u t p r è s de c e s
époux est un troisième r o c h e r qu'on appelle le
Petit Jean. L e s h a b i t a n t s d e c e s solitudes
glacées aiment à les p e u p l e r d'êtres imagi-
n a i r e s . Les Grecs a v a i e n t fait de m ê m e , e t s u r
les côtes de l'Asie Mineure est u n e roche élevée
où leur imagination a v a i t voulu reconnaître
Niobé. S u r ces s o m m e t s â p r e s e t d é s e r t s , tout
a un n o m ; ainsi on a r r i v e au plateau des
Valets, puis a u plan des Lames, signalé p a r
u n monceau d e pierres, où chaque v o y a g e u r ,
j e t t e l a sienne en p a s s a n t , L a tradition v e u t
q u e deux g r a n d e s d a m e s , s u r p r i s e s p a r la tem-
pête, aient péri dans c e t aifreux d é s e r t : l e u r s
v a l e t s s'étaient a r r ê t é s a u plateau qui p o r t e
leur nom. Quelques s a v a n t s o n t p r é t e n d u q u e
le col du Bonhomme était le p a s s a g e p a r lequel
Annibal était descendu en Italie.
B o n h o m m e ( L E ) , paroles et musique de G.
N a d a u d . C'est de cette c h a n s o n , u n e perle de
bonhomie, d e s e n t i m e n t , de saine philosophie,
de foi éclairée, d o n t l'auteur mériterait d'être
appelé un H o r a c e c h r é t i e n , q u e date la p o p u -
larité du chansonnier, popularité q u ' a c c r u r e n t
plus tard le Mendiant e t le Voyage aérien.
Vous ne sa - vez pas mon
à • ce. J'ai bien - tôt quatre vingts ans* Après
un si long voy - a. - ge On a connu bien des
SONI
969
gens! Maisje suis bon cama - r a - d e , Ettou-
I * - jours jeune d'humeur ; Je ne suis jamais ma
-la-de,J'ai bonne jambe et bon cœur.C'estBon
nom-me. Qu'on me nom - me ; Ma
- c o r l Et Bon - homme vit en - c o r !
DEUXIÈME COUPLET.
11 pleut, j'ai mon parapluie;
Il fait froid, j'ai mon manteau ;
Si par hasard je m'ennuie,.
Je m'en vais voir couler l'eau.
La nature tutélaire
Veille sur les passereaux ;
Je laisse tourner la terre,
Je ne lis pas les journaux.
C'est Bonhomme
Qu'on me nomme;
Ma gaieté, c'est mon trésor,
Et Bonhomme vit encor ! (bis.)
TROISIÈME COUPLET.
J'avais assez de richesse,
Mais je suis fort obligeant,
Ce qui fait qu'en ma vieillesse
Je n'ai pas beaucoup d'argent.
A quoi pourrais-je prétendre?
Les petits vivent de peu;
J'ai du vin et du pain tendre.
Et le soleil du bon Dieu.
C'est Bonhomme
Qu'on me nomme,
Ma santé, c'est mon trésor,
Et Bonhomme vit encor! (bis.)
QUATRIÈME COUPLET.
De tous côtés, j'entends dire :
• Que ces jeunes gens sont fous! •
Je ne fus meilleur ni pire
Que la plupart d'entre vous.
Eh quoi! pour des peccadilles
Gronder ces pauvres amours!
Les femmes sont si gentilles!...
Et l'on n'aime pas toujours.
C'est Bonhomme
Qu'on me nomme;
Ma gaieté, c'est mon trésor.
Et Bonhomme vit encor! (bis.)
CINQUIÈME COUPLET.
Rien ne peut plus me surprendre.
Lit-bas j'irai sans regret ;
Et quand il faudra m'y rendre,
J'aurai mon paquet tout prêt.
J'ai fait quelque bien sur terre ;
Bientôt, je n'en ferai plus;
Quand je serai sous la pierre,
Je veux qu'on grave dessus :
-C'est Bonhomme
» Qu'on me nomme ;
• Ma gaîeté'fut mon trésor,»
Mais Bonhomme vit encor! (bis.)
BONHOMME
BONHOMME ( J . - F r . - H o n o r é ) , l i t t é r a t e u r
e t a u t e u r d r a m a t i q u e , n é en 1811 à la T r e m -
blade ( C h a r e n t e - I n f é r i e u r e ) . C'est a u x l e t t r e s
a u t o g r a p h e s , a u x p a r c h e m i n s p o u d r e u x , a u x
v i e u x papiers de famille q u e c e laborieux
et spirituel érudit v a d e m a n d a n t l a v é r i t é
vraie, q u e l'histoire ne dit p a s toujours. « Il
a p p a r t i e n t , a dit le b a r o n E r n o u f {Bévue con-
temporaine), à cette tribu d'ingénieux- e t p a -
tients i n v e s t i g a t e u r s , tribu qui a eu pour
p a t r i a r c h e s dans notre siècle les Nodier, les
B r u n e t , les P e i g n o t , les L e b e r . » Voilà p o u r
l'érudit. De son côté, M. Cuvillier-Fleury a
écrit dans les Débats : • M. Honoré B o n h o m m e
s a i t e n c h â s s e r ses joyaux d'érudition e n a r t i s t e
habile, ingénieux et consciencieux, • Voilà pour
l'écrivain.
M. Bonhomme a e u l ' h e u r e u s e e t r a r e f o r -
t u n e de m e t t r e en lumière e t de publier s u c c e s -
s i v e m e n t des correspondances inédites de p e r -
s o n n a g e s c é l è b r e s du xviie e t d u x v m e siècle.
C'est ainsi qu'on lui doit : les Œuvres inédites
dePiron (prose e t v e r s , 1859, in-8°) ; Madame
de Maintenon et sa famille (1863, i n - 1 8 ) , c'est
un recueil de l e t t r e s inédites e t d e m a t é r i a u x
fort c u r i e u x ; Voyages de Piron à Beaune
(1863, i n - 3 2 ) . seule relation e x a c t e d e la f a -
m e u s e querelle du poëte a v e c les Beaunois,
c'est un livre fort p i q u a n t ; Correspondance
inédite de Collé (1864, in-8°) ; Complément des
œuvres inédites de Piron (prose e t v e r s , 1865,
in-18) ; enfin u n e nouvelle édition du Journal
de Collé (1866), publié a v e c l'autorisation d u
ministre de la maison d e l ' E m p e r e u r , d ' a p r è s
le manuscrit original déposé à la bibliothèque
du L o u v r e . T o u t e s ces publications s o n t a c -
c o m p a g n é e s de notices, d e c o m m e n t a i r e s e t
d'études, é c r i t s a v e c un g r a n d c h a r m e d e
style, a v e c a u t a n t d'esprit q u e d'ingénieuse
érudition. C'est ainsi q u e l ' a u t e u r s'est a t t a c h é
à m e t t r e en lumière la v r a i e physionomie do
P i r o n , qui n'était p a s , n o u s dit-il, aussi noir
q u e la réputation qu'on lui a infligée.
M. Bonhomme a fait r e p r é s e n t e r à l'Odéon,
le 5 s e p t e m b r e 1863, u n e comédie e n un a c t e e t
en v e r s , la Fille de Dancourt, qui e u t un franc
et légitime succès.
L a Petite Revue du 26 août I8Ô5 c o n t i e n t
; s u r c e t écrivain u n article spirituel e t piquant,
auqitel nous a v o n s e m p r u n t e quelques détails,
' e t où nous lisons q u e M. H o n o r é B o n h o m m e
occupe u n emploi s u p é r i e u r d a n s u n de n o s
m i n i s t è r e s .
|
BONHOMMEBONHOMME ( I g n a c e - F r a n ç o i s ), p e i n t r e
j français c o n t e m p o r a i n , n é à P a r i s en 1809,
élève de L e t h i è r e , P a u l D e l a r o c h e e t H . V e r -
n e t , s'est créé u n e spécialité sans p r é c é d e n t s
c h e z n o u s , mais n o n p a s e n A n g l e t e r r e , celle
de p e i n t r e d e s t r a v a u x industriels. L e p r e -
mier o u v r a g e qu'il a i t e x é c u t é en ce g e n r e
e s t la Vue des laminoirs à tôle et des fours à
réchauffer des forges d'Abbainvilie ( M e u s e ) ,
qui a figuré a u Salon de 1838. Il a e x p o s é d e -
puis : la Vue d'une grande forge à l'anglaise
e t celle d e s Laminoirs à rails et fers mar-
chands d'Abbainvilie (1840); le Puddlage e t l e
Cinglage dans une usine à fer (1846); le La-
minage des rails (1848); la Coulée de grandes
pièces d'industrie dans une fonderie du Berry
(1853). Q u e l q u e s - u n s d e ces t a b l e a u x r e p a -
r u r e n t à l'exposition universelle d e 1855 e t
v a l u r e n t à l ' a u t e u r u n e médaille d e 3
e
c l a s s e .
; L e ministère d ' E t a t e u t alors l ' h e u r e u s e idée
(
d e c h a r g e r M. Bonhomme de peindre, p o u r
, l e s salles d'études de l'Ecole d e s m i n e s , u n e
série de t a b l e a u x r e p r é s e n t a n t l e s v u e s d e s
g r a n d e s houillères d e S a ô n e - e t - L o i r e , e t s o u s
le titre à'Histoire de la métallurgie, les d i -
v e r s t r a v a u x de l'extraction de l a houille, d e
l a fabrication de la fonte et du f e r , de la con-
struction d e s m a c h i n e s , de l ' e x t r a c t i o n , d u
l a v a g e , de l a calcination e t d e la réduction
de la calamine e t du zinc, etc. Des r e p r o d u c -
tions à l'aquarelle de c e s p e i n t u r e s o n t figuré
a u x Salons de 1857, 1859 e t 1861, e t o n t é t é
r e m a r q u é e s non-seulement pour l ' e x a c t i t u d e
des détails, mais e n c o r e pour leur m é r i t e a r -
tistique. M. Bonhomme s'est m o n t r é en effet
lumiériste vigoureux, à la m a n i è r e de R e m -
b r a n d t , dans s e s intérieurs de f o r g e s , e t bon
p a y s a g i s t e dans s e s v u e s e x t é r i e u r e s d e s
g r a n d s établissements industriels du Creuzot,
d'Abbainvilie, e t c . Il dessine aussi a v e c t a l e n t
les a n i m a u x e t les figures. L e premier t a b l e a u
qu'il a e x p o s é , e n 1833, r e p r é s e n t a i t un Chien
de Terre-Neuve. Deux a n s a p r è s , il a e n v o y é
a u Salon d e s p o r t r a i t s k l'aquarelle e t a u
c r a y o n e x é c u t é s p o u r Alexandre D u m a s , e t il
a é t é c h a r g é , en 1841, de peindre le p o r t r a i t
du cardinal de Richelieu pour l a salle d e s
s é a n c e s du conseil d ' E t a t . Enfin, le c a t a l o g u e
du Salon d e 1849 m e n t i o n n e l ' o u v r a g e s u i -
v a n t : l'Envahissement de l'Assemblée natio~
nale, peint d'après n a t u r e e t lithographie p a r
B o n h o m m e , dit le Forgeron.
BONHOMME,BONHOMME, théologien français du x v m e
siècle. D o c t e u r en S o r b o n n e , il devint biblio-
t h é c a i r e d e s cordeliers à P a r i s . P a r m i les o u -
v r a g e s qu'il a écrits, nous citerons : Consulta^
tion sur la sodiété des francs-maçons ( P a r i s ,
1748) ; Réflexions d'un franciscain contre l'En-
cyclopédîe (édition d e 1754); VAnti-Uranie
ou le Déisme comparé au christianisme (1763).
BONHOMOBONHOMO ( J e a n - F r a n ç o i s ) , p r é l a t italien,
h é à Verceil, m o r t e n 1587. A m i d e saint
C h a r l e s B o r r o m é e , il fut c h a r g é p a r lui de se
r e n d r e h R o m e e n 1569, pour y obtenir l a
confirmation du concile d e Milan. Devenu
é v ê q u e en 1522, il fut s u c c e s s i v e m e n t nonce
du p a p e Grégoire I I I e n S u i s s e - e t à Cologne,
et publia un o u v r a g e p a r t i c u l i è r e m e n t estimé
d e B e n o î t X I V , sous le titre de : Reformations
ecclesiasticœ décréta generalia (1585, in-8°).
BONI
BONI s. m . (bo-ni — génitif du l a t . bonum,
forme c^ui a son é q u i v a l e n t e d a n s lo français
bien p r é c é d é de de : Avoir DU BIEN, N'avoir
122
970 BONI BONI BONI BONI
pas DIS BIEN, Avoir quelque chose I>E BIEN,
N'avoir rien DE BIEN, etc.). Fin. Paropposition
à déficit, Quantité dont la dépense prévue ou
les fonds alloués excèdent les sommes réelle-
ment dépensées : Le budget a eu trente mil-
lions de BONI. C'est généralement par l'impor-
tance du BONI qu'on apprécie la bonne admi-
nistration des comptables. (Bouillet.) li Somme
qui revient au propriétaire d'un gaçe que
l'administration du mont-de-piété afaitven-
dre, faute d'acquittement des droits dans le
délai voulu : Payer les BONIS. Il vous revient
cinquante francs de BONI. .
— Par ext. Se dit, dans le langage vul-
gaire, d'un bénéfice quelconque : J'ai eu trente
francs de BONI dans cette affaire.
BONI,BONI, Etat indigène de l'Océanie, dans l'île
Célèbes,sur la côte orientale. Capitale Bayoa.
Les Hollandais exercent une suzeraineté pu-
rement nominale sur cet Etat, dont la super-
ficie est évaluée à 9,600 kilom. car. et la po-
pulation à 200,000 hab. il Ce petit Etat renferme
une ville de même nom située sur la côte de
l'île, dans la baie de Boni, petit golfe formé
par l'océan sur la côte méridionale de Célèbes.
. BONI (Pierre-Antoine), médecin italien, né
à Ferrare au xve siècle. Il a publié sur l'al-
chimie les deux ouvrages suivants : liationes
pro alchimia et contra (Venise, 1*46) ; Mar-
guerita prèziosa, etc. (Bâle, 1572).
BONI
BONI (Giacomo-Antonio), peintre italien, né
à Bologne en 1688, mort à Gênes en 1766.
Elève de Carlo Cignani et de M.-A. Frances-
chini, il prit longtemps part aux travaux de
ce dernier à Gênes et a Rome; puis, après
avoir exécuté des tableaux dans plusieurs
villes de l'Italie, il revint en 1726 à Gênes, où
il se fixa. Cette ville possède un grand nombre
d'œuvres de Boni, parmi lesquelles on cite
surtout : Jupiter enfant tétant la chèvre Amal'
thêe, au palais Pallavicinij Vulcain remettant
à Thétis les armes d'Achille et la Naissance
de Bacchus, plafonds à la -fresque du palais
Durazzo. Ses peintures à l'oratoire de Santa-
Maria délia Costa, près de San-Remo, sont
surtout renommées. Faible coloriste, Boni était
bon dessinateur et savait donner à. ses com-
positions beaucoup de grâce et de charme.
BONl(Onjifre),architecte italien,né en 1743,
mort en 1818. Il obtint en Toscane lasurinten-
dance des travaux publics, et fut l'intime ami
du savant Lanzi, en l'honneur duquel il éleva,
presque entièrement à ses frais, un tombeau
dans l'église Sainte-Croix. On a de lui : Elogio
di Lanzi, tratto dalle sue opère (Pise, 1810),
et plusieurs dissertations, aussi savantes que
bien écrites, intitulées : Sopra le antichità di
Cianutti (1810).
BONI
BONI (le Père MAURO), archéologue et bi-
bliographe italien, de la Société de Jésus, né
à Gènes en 1746, mort en 1817. Après avoir,
dans un âge très-peu avancé, professé la rhé-
torique dans un collège d'Allemagne, il fut
chargé de classer le musée du comte Durazzo,
à Raguse. Devenu plus tard vice-recteur du
collège de Bergame, il entretint une corres-
pondance suivie avec les savants les plus
illustres. Ensuite il alla faire l'éducation des
enfants du prince Giustiniani à Venise, et eut
ainsi l'occasion de recueillir de précieux mo-
numents relatifs à l'histoire de cette ville.
Enfin, il remplit, au collège de Reggio, la
double fonction de bibliothécaire et de maître
des novices. Il fut l'un des principaux coopé-
rateurs de l'édition italienne du Dictionnaire
des hommes illustres de D. Chaudon. Il a laissé,
en outre, plusieurs ouvrages sur la science
bibliographique, sur des peintures antiques
découvertes à Venise, etc. Les principaux
sont : Degli autori classici sacri, profani, greci
e latini (Venise, 1793, 2 vol.); Lcttere su %
primi libri a stampa di alcune città e terre
delV Ilalia superiore (Venise, 1794) ; Séries mo-
netœ romanœ universœ (Venise, 1801, in-S°), etc.
BONICA,
BONICA, île imaginaire de l'Amérique, dans
laquelle le médecin spagirique Deodatus place
une fontaine, véritable fontaine de Jouvence,
dont les eaux, plus suaves que le meilleur
vin, ont la vertu de rajeunir quiconque en boit. *
BONICIII
BONICIII (Bindo), poète italien,né à Sienne,
mort en 1337, contemporain de Pétrarque. Il
s'adonna à la poésie et remplit dans sa ville
natale plusieurs fonctions importantes. On
possède de Bonichi des pièces de vers, qui ont
toutes pour objet la peinture de son amour,
ses joies et ses douleurs. On trouve encore de
lui : Canzoni IV, publiés dans les Mime di
Petrarca (Rome, 1642), et des Rime qu'Alla-
tius a insérées dans Raccolta de'poeti antichi.
BONICHONBONICHON s. m. (bo-ni-chon). Techn. Trou
du four d'un verrier.
BONICHON
BONICHON (François), écrivain ecclésias-
tique français, mort en 1662. Il fit partie de la
congrégation de l'Oratoire, fut longtemps pro-
fesseur de littérature, et devint curé à Angers.
On a de lui : Pompa episcopalis (Angers, 1650,
in-fol.), ouvrage curieux et recherché: Auto-
rité épiscopale défendue contre les nouvelles
entreprises de quelques réguliers mendiants
(Angers, 1658, in-4°).
BONICOU
BONICOU s. m. (bo-ni-kou). Poisson de la
famille des scombéro'ides.
BONIER
BONIER s. m. (bo-nié). Métrol. Mesure
agraire usitée en Belgique et dans la Flandre
française, et dont la valeur varie, suivant les
localités, de 54 à 137 ares.
BONIFACE
BONIFACE s. m. (bo-ni-fa-se— nom propre
pris ici comme nom commun, non point par
allusion à quelque personnage historique,
mais à cause de la forme du mot, qui implique
une idée de bonté, étant dérivée du lat. bo-
vum, bien; facio, jèfais, ou bona faciès,bonne
face). Homme d'un caractère bénin, doux,
simple, crédule presque jusqu'à la niaiserie :
C'est un BONIFACE. Écoute-moi, grand BONI-
FACE.
— Adjectiv. Est-il BONIFACE/ C'est être par
trop BONIFACE.
BONIFACE
BONIFACE 1er (saint), pape de 41'4 à 422,
était né à Rome. Il succéda à Zosime sur le
siège pontifical: mais, presque en même temps
?
;ue lui, l'archidiacre Eulalius fut élu par une
action rivale. Honorius, empereur d'Occident,
appela à Ravenne, où il habitait, Boniface et
Eulalius, leur ordonna de s'abstenir de leurs
fonctions pontificales et convoqua un concile
d'évêques, chargé d'examiner les droits res-
pectifs des deux compétiteurs. Boniface obéit.
Eulalius, augurant mal pour ses intérêts de
la future décision du concile, retourna à Rome
et y excita une sédition. Honorius le fit chas-
ser de la ville, et l'assemblée de Ravenne le
condamna. Boniface revint prendre possession
du saint-siége. Pendant quatre ans neuf mois
il gouverna l'Eglise avec sagesse et modération.
C'est à ce pontife que saint Augustin adressa
ses quatre livres contre les Pélasgiens.
BONIFACEBONIFACE II, pape de 530 à 532,était Romain
de naissance. Il succéda à Félix IV, et fut élu
en même temps que Dioscore, qui mourut peu
de mois après. Ce pape eut la prétention de
se choisir un successeur. Dans ce but, il réu-
nit les évoques et les prêtres de la métropole
et les força à prêter le serment qu'ils éliraient
après lui le diacre Virgile, son favori. Cet
acte, qui violait la liberté des élections, excita
les plus vives protestations, et Boniface se vit
contraint de déclarer nulle la décision qu'il
avait imposée.
BONIFACE
BONIFACE 111, pape de 607 à 608. En qualité
de nonce de Grégoire le Grand , il avait
précédemment obtenu de l'empereur Phocas
que les patriarches de Constantinople ne por-
teraient plus le titre d'évêques universels, ré-
servé dès lors à l'évêque de Rome. Ce pontife,
Romain de naissance, succéda à Sabinien et fit
décider, dans un concile réuni à Rome, que
celui qui réunirait la majorité des suffrages du
peuple et du clergé serait reconnu comme
souverain pontife, dans le cas où l'empereur
confirmerait l'élection. D'une conduite très-
peu exemplaire, si l'on en croit Cédrénus,
Boniface n'occupa que pendant dix mois le
siège pontifical.
BONIFACE
BONIFACE V, pape de 617 à 625, était né à
Naples. Il a laissé une grande renommée de
ferveur religieuse et de charité. Il maintint le
droit d'asile et interdit au clergé toute voie de
fait contre ceux qui se réfugieraient dans les
églises. On a de ce pontife trois lettres impri- '
mées dans le recueil de D. Constant.
BONIFACE
BONIFACE IV, pape de 608 à 615, était fils
d'un médecin et né à Valeria dans les Abruz-
zes. 11 succéda au précédent, après une vacance
de neuf mois. L'empereur Phocas lui permit
de transformer le Panthéon en une église con-
sacrée à la Vierge et à tous les saints ; c'est
aujourd'hui Sainte-Marie de la Rotonde.
BONIFACE
BONIFACE VI, élu pape à la mort de For-
mose, en 896, par une faction ; il mourut quinze
jours après. Il avait été précédemment déposé
de la prêtrise, et quelques écrivains ecclésias-
tiques le regardent comme un antipape.
BONIFACE
BONIFACE VII, surnommé F rançon, élu
Î
jape en 974, du vivant même de Benoît VI, à
a mort duquel il fut soupçonné d'avoir con-
tribué. Chassé de Rome, il revint après la
mort de Benoît VII, et fit mourir en orison
Jean XIV, qu'une autre faction lui avait op-
posé. En 985, il fut renversé lui-même et tué
a coups de lance. Son cadavre, laissé sur la
place publique devant la statue de Constan-
tin, fut recueilli par quelques prêtres, qui l'en-
terrèrent dans un lieu retiré. Ce pontife est
regardé comme antipape par quelques écri-
vains ecclésiastiques.
.
BONIFACEBONIFACE VIII (Benoît GAETANI), l'un des
papes les plus fameux du moyen âge, né à
Anagni (Etats de l'Eglise), vers 1228. Dans sa
jeunesse, il s'était appliqué à l'étude du droit
civil et du droit canonique, et était devenu un
des plus savants jurisconsultes de son temps.
Il fut chanoine de Paris et de Lyon ; puis avo-
cat consistorial, protonotaire apostolique, enfin
cardinal-légat. Les papes Nicolas III, Mar-
tin IV et NicolasIV l'employèrent dans les plus
importantes négociations. C'est ainsi que, vers
1255, il accompagna dans sa légation d'An-
gleterre le cardinal Ottoboni (depuis pape sous
le nom d'Adrien V), qu'il se rendit en Alle-
magne en 1280 comme secrétaire du cardinal-
légat ; et enfin qu'il remplit lui-même ces im-
portantes fonctions en France, en Sicile, en
Portugal, en Allemagne et même en Syrie. Il
acquit ainsi une connaissance approfondie des
affaires de l'Europe. Il fut élu à Naples le
24 décembre 1294, et fit à-Rome une entrée so-
lennelle qui ressemblait aux triomphes anti-
ques. Il avait alors environ-soixante-six ans.
L'abdication de son prédécesseur, Célestîn V,
était le premier fait de ce genre que présentât
l'histoire de l'Eglise. Boniface, craignant les
troubles que pouvait susciter un retour de l'ex-
pape sur son abdication, lui fit subir une
détention rigoureuse qui abrége.a, dit-on, ses
jours ; il prépara ensuite sa canonisation. • C'est
ainsi, disent les bénédictins, auteurs de Y Art
de vérifier les dates, que, dans le paganisme,
des tyrans ont mis quelquefois au rang
des dieux leurs maîtres, qu'ils avaient fait
mourir après les avoir détrônés. » Boniface
tourna ensuite toutes ses forces contre les Gi-
belins et persécuta surtout la puissante fa-
mille des Colonne, rasant ses maisons et ses
châteaux et bannissant ses membres, dont les
principaux avaient cependant contribué à son
élection. Mais c'est surtout dans ses rapports
avec les puissances temporelles qu'il montra
une énergie opiniâtre, qui ne s'appuyait pas
toujours sur la raison, mais qui faisait revivre
les traditions oubliées de Grégoire VII, et qui
fit de son pontificat un des épisodes les plus
saillants de la lutte constante de la royauté et
de la papauté. Proclamant, avec une hauteur
'dont V arrogance est un sujet d'étormement, les
doctrines de l'Eglise sur la suprématie, il pré-
tendit traiter les rois comme ses vassaux et
les nations comme des dépendances du saint-
siége. Lors de son installation, les rois de
Hongrie et de Sicile durent tenir les brides de
sa haquenée et le servir à table. Bientôt il
excommunia les Siciliens, qui refusaient de
lui rendre hommage et qui couronnèrent Fré-
déric refusa de reconnaître Albert comme
roi de Germanie, voulut imposer sa médiation
dans les démêlés de la France et de l'Angle-
terre ; puis dans la guerre de cette dernière
puissance contre l'Ecosse, lança des bulles
contre les rois de Hongrie et de Bohême, etc.,
professant constamment la doctrine que le
pape peut librement disposer des trônes et des
nations. Sa querelle avec la France est sur-
tout célèbre. En luttant contre de telles pré-
tentions, Philippe le Bel devint véritablement
le champion des rois, et jusqu'à un certain
point des peuples; et la lutte de ces deux
puissances s'éleva à de telles proportions,
qu'elle domine le siècle entier. Le roi défen-
dait évidemment une cause juste, qui intéres-
sait l'indépendance du pays ; il eut seulement
le tort de la défendre avec les formes et la
violence de son siècle.
En 1296, Boniface, en vue de fortifier par-
tout l'armée du saint-siége, le clergé, dont les
légions formaient au sein des nations de véri-
tables colonies romaines, avait fulminé sa fa-
meuse bulle Clericis laïcos, qui interdisait aux
ecclésiastiques de contribuer aux charges pu-
bliques, même par un simple don volontaire;
il frappait en même temps d'excommunication
toute autorité temporelle, rois , empereurs,
princes, etc., qui ordonnerait ou percevrait un
impôt ou subside quelconque sur les proprié-
tés ecclésiastiques , qui formaient déjà la par-
tie la plus considérable du revenu public. Phi-
lippe le Bel répondit en arrêtant aux frontières
les décimes que le pape faisait lever en France.
Boniface parut alors vouloir se rapprocher du
roi en publiant,' l'année suivante, la bulle de ca-
nonisation en faveur de saint Louis, et en re-
connaissant la légitimité des dons gratuits oc-
troyés au roi par le clergé. Mais il recommença
bientôt la guerre à propos des immunités et
de la juridiction de 1 Eglise, et, dans sa bulle
Ausculta, fili, somma le roi de se soumettre et
se prétendit lui-même maître et juge des rois.
Philippe en appela à la nation constituée en
états généraux (1302). La noblesse, le tiers
état, le clergé même, repoussèrent les préten-
tions du saint-siége ; la bulle fut brûlée publi-
quement, et il fut convenu qu'un concile gé-
néral serait convoqué à Lyonpour juger et
déposer Boniface, qui de son côté opposa pro-
cédure à procédure, excommunia le roi, lui
suscita de tous côtés des ennemis, et offrit la
couronne de France à Albert d'Autriche. Enfin
Philippe envoya en Italie un de ses légistes,
Nogaret, pour citer le pape au concile de
Lyon. Cette mission n'était pas sans danger.
Nogaret partit seul, s'adjoignit Siarra Co-
lonna et quelques centaines de proscrits gibe-
lins, surprit le pape dans Anagni, où il s'était
•réfugié, et le fit prisonnier. Il paraît établi que
Colonne, exaspéré de la proscription de toute
sa famille et des persécutions qu'il avait lui-
même subies, accabla le pontife d'outrages;
on a même prétendu qu'il se serait oublié jus-
?
u'à frapper ce vieillard de son gantelet de
èr. Mais cet incident fameux est générale-
ment regardé aujourd'hui comme faux. (V.Le
Clerc, Bulletin des comités historiques, 1851).
Nogaret, d'ailleurs, malgré les insultes que lui
prodiguait le pontife, s'opposa à ce qu'il lui fût
fait aucune violence personnelle. Délivré au
bout de trois jours par son neveu et ses par-
tisans, pendant que ses ennemis étaient obli-
gés de se retirer, Boniface put regagner Rome;
mais l'émotion avait été trop forte, et l'iras-
cible vieillard mourut trente-cinq jours après
(il octobre 1303), en proie, dit-on, à toutes les
frénésies de la colère. On a même prétendu
qu'il avait repoussé les secours de la religion ;
mais Muratori oppose à cette assertion Te té-
moignage du cardinal de Saint-Georges, té-
moin oculaire , et qui atteste que Boniface
prononça la formule catholique.
Dante a placé ce pontife dans son Enfer,
comme simoniaque, et la plupart des écrivains
ecclésiastiques du temps l'ont sévèrement jugé.
Il est certain qu'outre son orgueil, on pourrait
reprendre en lui une avarice sordide, une
cruauté impitoyable envers ses ennemis, et des
mœurs indignes du caractère dont il était re-
vêtu. Il était fort instruit, surtout dans les ma-
tières de droit; ce fut lui qui fit publier le
Sexte, continuation des Décrétâtes de Gré-
goire IX.
Philippe le Bel, sous le pontificat de Clé-
ment v, poursuivit la mémoire de Boniface,
et demanda que ses ossements fussent brûlés.
Clément traîna la procédure en longueur, et
le roi finit par se désister de ses poursuites.
Ce fut Boniface VIII oui institua, en 1300,
le jubilé centenaire, qui depuis fut fixé à cin-
quante ans, et enfin à vingt-cinq ans (sous
Paul II).
Boniface VIII (HISTOIRE'DE), par M. Dru-
mann (Kœnigsberg, 1852). Déjà connu par un
livre estimé sur l'histoire romaine, l'auteur
s'est proposé de peindre une époque dont la
connaissance importe beaucoup a la cause de
la civilisation moderne. Dans leurs ouvrages
sur Grégoire VII et Innocent III, Voigt et
Iiurter avaient montré la grandeur et la puis-
sance du siège de Rome ; M. Drumann a voulu,
lui, retracer la décadence et l'abaissement de
ce pouvoir hybride. La manière de l'historien
allemand rappelle souvent celle de ses de-
vanciers ; mais il en diffère par le point de
vue. Il estime qu'il est dangereux « que des
écrivains protestants fassent les doux yeux à
la papauté. » Cet aveu préalable annonce
donc un jugement défavorable. Or cette sen-
tence est la même qui fut portée contre l'évê-
que de Rome par tous les contemporains, sans
distinction de parti. Dante, le gibelin'; le domi-
nicain Ptoléméede Lucques ; Bernard Guido,
autre moine du même ordre; Jean Villani, le .
guelfe de Florence; Dino Compagni, écrivain
démérite» mais faible politique, l'accusent et
le condamnent tour à tour, lui reprochant son
orgueil, son avarice et son népotisme. Il faut
avouer cependant que les fautes de Boni-
face VIII étaient le résultat presque inévitable
de sa position. La papauté avait perdu son pres-
tige : tout le monde protestait contre les princi-
pes suivis parGrégoireVIIet par Innocent III.
Devait-il agir en pape pusillanime ou lâchement
mercenaire, ainsi que le fit Clément V ?
M. Drumann a confondu trop souvent le
pape avec l'homme. Il voit l'ambition person-
nelle de Benoît Gaetani dans tous les actes do
Boniface VIII. Sa sévérité repose sur des
considérants plus logiques, quand elle s'adresse
à Philippe le Bel. Les pages qu'il a réservées à
ce prince sont les mieux écrites de son travail.
Pour un ouvrage allemand, ce livre trompe
l'attente du lecteur; ainsi M. Drumann, con-
trairement à l'habitude des écrivains de son
pays, n'a pas tiré son récit des documents
inédits ; il ne s'est pas enquis non plus des tra-
vaux récents qui se rapportaient a son sujet,
en première ligne la Guerre des Vêpres sici~
Hennés de M. Amari. D'autre part, après avoir
rapporté l'opinion des différents historiens, il
hésite à tirer une conclusion. Toutefois on
"reconnaît qu'il a consulté avec beaucoup de
soin les livres imprimés, et ses recherches
l'ont mis sur la vole de quelques résultats nou-
veaux; mais son œuvre manque de propor-
tion, et l'ensemble ne forme pas un tout har-
monieux. Loin de classer, d'échelonner, de
grouper suivant leur analogie ou leur impor-
m
tance les faits transmis par les chroniqueurs,
il se borne à les reproduire d'après leur ordre
chronologique ; il se livre à des digressions
sans lien avec son sujet; il traduit souvent in
.extenso des bulles, des brefs, des formules,
dont il eût suffi de donner la substance.
BONIFACE
BONIFACE IX (Pierre TOMACELLI), Napoli-
tain, élu pape à Rome après la mort d Ur-
bain IV, en 1389, par quatorze cardinaux,
pendant le schisme d'Occident. Il eut pour
compétiteurs à Avignon Clément VII et Be-
noît XIII. On le regarde comme l'instituteur
des annates, bien qu'elles existassent en An-
gleterre dès 1263- Le plus grand nombre des
historiens l'ont accusé de simonie et de cupi-
dité. Il célébra le jubilé de 1400, fut le pre-
mier qui porta la tiare à trois couronnes, ven-
dit les indulgences, enrichit sa famille, qui
était dans la plus grande pauvreté, et feignit
de vouloir mettre fin au schisme, tout en
n'ayant nul désir de descendre de son siège.
Il mourut à Rome en 1404. On lui attribue
des Epitres et des Constitutions.
BONIFACEBONIFACE (le comte), général romain du
Bas-Empire, né en Thrace, mort en 432. Il dé-
fendit en 413 Marseille contre le roi goth
Ataulf, et fut nommé par Honorius gouver-
neur d'Afrique avec le titre de comte. Long-
temps il servit l'empire avec fidélité, et pré-
serva sa province des incursions des Barbares.
Desservi auprès de l'impératrice Placidie par
Aétius, et victime d'urte intrigue de cour, il
se vengea en appelant les Vandales et en
leur livrant l'Afrique, malgré les exhortations
de saint Augustin, dont il était l'ami. Mieux
éclairée, Placidie lui rendit sa faveur. Boni-
face s'efforça de réparer la faute qu'il avait
commise, en chassant d'Afrique Genséric et
ses Vandales, qui venaient de ravager Hip-
pone, Çarthage, etc.j mais Genséric le força
a se réfugier dans Hippone (430), et, pendant
une année, l'assiégea dans cette ville. Boni-
face parvint toutefois à regagner l'Italie.
L'impératrice Placidie l'opposa alors à l'ambi-
tieux Aétius, qu'il combattit près de Ravenne,
et dont il écrasa l'armée ; mais, blessé mor-
tellement lui-même dans l'action et de la
main de son rival, il mourut peu" de temps
après (432).
BONIFACE
BONIFACE (saint), l'Apôtre de l'An
le plus grand missionnaire de l'Eglise au
VIII« siècle, né dans le Devonshire vers 680,
mort en 755. Son véritable nom était WINFRJD.
Ordonné prêtre à trente ans, il résolut de se
consacrer à l'apostolat et de convertir au
christianisme toutes les parties de la Germa-
BONI
BONI
BONI BONI 971
nie qui étaient encore idolâtres. Ce fut en
716 qu'il commença ses prédications dans la
Frise, puis successivement en Saxe, dans la
Thuringe,la Hesse, la Bavière, etc., érigeant
des églises, des monastères (notamment la
célèbre abbaye de Fulde), sortes de colonies
religieuses au milieu de contrées barbares, et
tondant successivement les divers évêchés
entre lesquels l'Allemagne fut divisée. Gré-
goire III le nomma archevêque, primat de
Germanie et légat du saint-siége. Ce fut lui
qui sacra Pépin le Bref, au nom du pane Za-
charie. Dans un nouveau voyage qu!il fit en
Frise, il fut massacré par les barbares avec
cinquante-trois de ses compagnons. Il reste
de cet intrépide missionnaire des Lettres et
des Sermons, publiés parSerrarius en 1605.
BONI
BONI FACE, nom commun à trois ducs de
Toscane. Le premier était Bavarois d'origine,
et mourut vers 823. — Le second, fils du pré-
cédent, défendit la Corse attaquée par les
Sarrasins, d'après l'ordre qu'il en avait reçu
de Louis le Débonnaire. En 834, il concourut
à la délivrance de l'impératrice Judith, que
l'empereur Lothaire retenait prisonnière à
Tortone ; mais ce monarque, pour s'en venger,
le chassa de la Toscane. — Le troisième était,
en 1004, marquis de Mantoue, et possédait en
outre Reggio, Canosse et Ferrare ; ce ne fut
qu'en 1027 qu'il réunit la Toscane à ses autres
États. Il mourut en 1052, des suites d'une
blessure que des assassins restés inconnus lui
firent avec des flèches empoisonnées.
BONIFACE
BONIFACE (Alexandre), grammairien et
écrivain pédagogique, né à Paris en 1785, mort
en 1841. Après avoir étudié la méthode de
Pestalozzi dans son institut d'Yverdon, il
fonda lui-même a Paris une maison d'éduca-
tion, qu'il dirigea avec beaucoup de zèle. Il
est connu par la publication d'un grand nom-
bre d'ouvrages, parmi lesquels nous citerons :
Bonaparte prédit par les prophètes, etc. (1814,
in-12) ; Manuel des amateurs de la langue fran-
çaise (1813-1814); Exercices orthographiques
(1816); Ephémérides classiques (1S25,in-12);
par divers traités de grammaire, d'orthogra-
phe, de lexicographie, et par des ouvrages
servant,a l'étude de la langue anglaise. Il se
faisait honneur d'avoir été l'élève d'Urbain
Domergue.
BONIFACE
BONIFACE (Louis), journaliste, né à Cam-
brai en 1796. C est un des doyens de la presse
parisienne. Il débuta en 1819 au Journal du
a Commerce, dont il rédigea pendant vingt-cinq
ans la partie économique, en même temps
qu'il était chargé de l'ensemble du journal.
Depuis 1844, il occupe un emploi analogue au
Constitutionnel. — Son frère, M. BONIFACE-DE-
MARET, né en 1805, a également travaillé à
ces deux journaux.
BON
BON IFACE, marquis de Montferrat.V. MONT-
FER RAT.
BONIFACE-CALVO,BONIFACE-CALVO, troubadour, né àGênes,
mort vers l'an 1285. Chassé de sa patrie, il
maudit dans ses vers les dissensions qui la
déchiraient. « On ne saurait y trouver, disait-
il en parlant de Gênes, un seul homme qui
se plaise à pratiquer la magnanimité des
preux. » Boniface-Calvo se réfugia à la cour
d'Alphonse X, roi de Castille, où il vécut
presque constamment. Vers la fin de sa vie,
il composa un sirvente à l'occasion de la
guerre qui éclata entre le roi d'Aragon, le roi
de Castille et Philippe le Hardi, dans lequel
il reproche à Alphonse X de ne pas pour-
suivre les hostilités avec assez de vigueur.
L'œuvre de Calvo se compose de dix-sept
pièces, dont M. Raynouard a publié quel-
ques-unes dans son ouvrage intitulé ' Choix
des poésies des troubadours.
B O N I F A G E M E N T adv. (bo-ni-fa-se-man
— rad. honiface). Néol. Bonassement, avec
une bonté et une simplicité niaise: Oh! at-
tendez! il y aura du tirage! moi, je suis un
bon vivant, un bon enfant, sans préjugés, et je
vais vous dire tout BONIFACKMENT les choses.
{Balz.) Vous venez me conter tout BONIFACE-
- MENT que vous allez partir pour Paris. (Mon-
tépin.)
BONIFACIO,
BONIFACIO, ville de France (Corse), ch.-l.
de canton, arrond. et à 40 kilom. S.-E. de
Sartène, sur le détroit de son nom, en face
de la Sardaigne; pop. aggl. 3,148 hab.; —
pop. tôt. 3,769 hab. Place forte et port de
mer, arsenal, tribunal de commerce; pêche
du corail, du thon et des huîtres; commerce
actif en grains et huile d'olive. Bonifacio,
suivant quelques auteurs la Pallœ Civitas
de Ptolémée, située sur un rocher calcaire,
occupe l'extrémité d'une presqu'île, sur la-
quelle Boniface, seigneur pisan, comte de
Corse, fit construire au nom de Charlemagne,
en 830 une forteresse -à laquelle il donna son
nom, et qui fut modifiée et agrandie plus tard
avec les progrès de l'art militaire. Elle était
destinée à protéger la côte méridionale contre
les incursions des Sarrasins. Cédée par les
papes aux Pisans avec la domination de l'île
11091), prise sur ces derniers par les Génois
(U95), qui, pour se l'attacher, ta comblèrent
de privilèges, Bonifacio resta toujours la fidèle
alliée de ses nouveaux maîtres. Elle soutint
vaillamment deux sièges mémorables : le pre-
mier en 1420 contre l'armée corso-espagnole
sous les ordres de Vincentello d'Istria et du
roi Alphonse d'Aragon, qui ne purent s'en em-
parer, et le second, plus long et plus terrible,
contre les forces réunies des Corso-Français
commandés par le maréchal de Thermes et
Sampiero, et des Turcs, sous les ordres de
Dragut. Les femmes elles-mêmes combatti-
1
rent sur les murailles ; la ville se rendit à des
conditions honorables; mais les Turcs en
massacrèrent la garnison (1554). Revenue aux
Génois par le traité de Cateau-Cambrésis
(i56l), elle fut cédée à la France par le traité
de Versailles (1768). Charles-Quint y débar-
â
ua le 3 octobre 1541, lorsqu'il allait avec sa
otte d'Italie en Afrique. Bonifacio est la
première place forte de la Corse. Bâtie, comme
nous l'avons dit, sur un rocher calcaire a
couches horizontales, elle présente, du côté
de la mer, une haute falaise concave que
couvre le port, et, vers la terre, de hautes
murailles flanquées de bastions et pourvues
d'artillerie. Deiix autres plateaux, à peu près
de même hauteur et de même surface, l'un et
l'autre isolés par des ravins d'une grande
profondeur séparés de la ville, à l'E., par la
rampe, à. l'O., par le port, épaulent cette place
importante. Le port est profond et sûr ; c'est
un long canal d'un kilomètre et demi, mais si
étroit qu'on le prendrait pour une rivière dé-
bouchant'entre deux masses de rochers. Les
Aragonais le fermèrent complètement en
tendant une chaîne d'une extrémité h l'autre
de la passe. La ville est renfermée dans la
même enceinte que le château; elle a l'élé-
gance d'une ville municipale choyée par la
métropole, et ses principaux édifices attestent
sa richesse, son importance et son antique
civilisation. Bonifacio est la seule ville de
Corse qui possède des églises gothiques, et
encore est-ce de ce gothique bâtard qui
s'introduisit avec peine et tardivement dans
le midi de l'Europe ; telles sont Sainte-Marie-
Majeure et Saint-Dominique ; car, bien que ces
édifices aient conservé beaucoup de souve-"
nirs romans, ils ne remontent pas au delà du
xive siècle. Sainte-Marie resplendit de mar-
bres et de porphyres, et son large porche ser-
vait autrefois de salle de conseil ; mais elle a
perdu le haut clocher quadrangulaire que
Margolaccio citait comme une merveille. On
y voit un tombeau de marbre blanc orné de
sculptures modernes ; il ressemble aux sarco-i
phages du Bas-Empire du m
e
ou du ive siècle.'
C'est le seul monument de ce genre en Corse,
peut-être y a-t-il été apporté. Saint-Domini-
que est un peu plus récente et moins riche ;
ce qu'il en reste conserve une apparence mo-
resque, qui s'explique par le voisinage de la
Sardaigne, alors espagnole : on sait combien
le'gothique espagnol a emprunté à l'ornemen-
tation arabe. Cette église possède un fort beau
jubé plaqué de marbre et d'albâtre. C'est à
tort que la plupart des auteurs qui ont écrit
sur Bonifacio font de cet édifice une ancienne
église des Templiers. La tour élevée par le
marquis Bonifacio existe encore; c'est le Tor-
rione, qui sert aujourd'hui de poudrière. Le
palais des gouverneurs est un édifice élégant
des premiers temps de l'occupation génoise ;
il a été transformé en hôtel de ville. Les ca-
sernes, commencées par les Génois, ont été
terminées par les Français. On ne boit guère
à Bonifacio que de l'eau de pluie ; aussi a-t-on
élevé une église au-dessus de l'unique source
d'eau vive qui se trouve dans la ville. Pour
les besoins de la population, les Pisans firent
construire une immense citerne, au fond de
laquelle on peut descendre par un large esca-
lier de pierre ; on leur doit aussi la magnifique
| rampe qui fait communiquer la ville avec son
faubourg, qui est le centre industriel, et au-
3
uel un long aqueduc apporte l'eau en abon-
ance. La mer ronge tous les jours la base
du rocher sur lequel est assise Bonifacio ; cha-
que jour, le flot arrache quelques débris des
étais de la cité. 11 y a creusé de merveilleuses
grottes : l'entrée en est presque cachée sous
une végétation luxuriante ; à l'intérieur, des
stalactites servent d'asile à toute une popula-
tion d'oiseaux de nuit, tandis que les stalag-
mites ont découpé le sol en lacs et en rigoles
que remplissent les vagues ou les infiltrations.
Les plus curieuses de ces grottes sont celles
de Sdragonato, San-Bartolomeo et Monte-
pertusato. Cette dernière est un couloir qui
traverse de part en part la montagne de ce
nom. Ces riantes cavernes, dans lesquelles
on peut aller en bateau quand le vent le per-
met, sont habitées par une quantité prodi-
gieuse de colombes, tapissées de fleurs et de
verdure, et ornées de stalactites aux formes
les plus variées ; elles renferment plusieurs
sources d'eau douce, et deviennent pendant
la belle saison un rendez-vous de plaisir pour
les habitants de Bonifacio. Le territoire de
Bonifacio produit beaucoup de céréales et de
vins rouges ; l'olivier y atteint des proportions
énormes, et donne une huile excellente; mais
le commerce le plus important de cette in-
dustrieuse population est celui des bestiaux,
dont elle fournit le nord de la Sardaigne et
l'intérieur de la Corse, et la pêcherie des co-
raux. Le canton de Bonifacio ne forme qu'une
commune du même nom; sa superficie est de
13,874 hectares.
BONIFACIO
BONIFACIO (SAN-), ville du royaume d'Ita-
lie, dans la Vénétie, gouvernement de Ve-
nise, ch.-l. de district, province et à 20 kilom.
E. de Vérone, à 4 kilom. du célèbre village
d'Arcole, sur l'Alpone; 3,725 habitants. Pen-
dant le moyen âge, cette ville a joué un rôle
important dans les guerres que firent ses
comtes aux Eccelin et aux Délia Scala.
BONIFACIO
BONIFACIO (BOUCHES DE), détroit de la Mé-
diterranée, qui sépare la Corse de la Sardai-
gne, et dont la largeur, au point le plus res-
serré, est de 11 kilom. Ce passage, réputé
très-dangerèux par les vents d'ouest, a été,
dans ces dernières années, le théâtre d'un bien
douloureux événement. Pendant la guerre de
Crimée, le 15 février 1855, la Sémillante, fré-
gate de 60 canons, capitaine de Jugan, montée
1
par 350 hommes d'éguipage, et ayant à son
bord 450 soldats d'intantene, poussée par un
violent vent d'ouest, est allée toucher sur la
pointe S.-O. d'un brisant appelé Savezzi, s'est
ouverte et, en quelques instants, a été com-
plètement engloutie. Pas un homme n'a été
' sauvé.
BONIFACIO
BONIFACIO (Balthasar), neveu du précé-
dent,né en l586,morten 1659.11 fit ses études
à Padoue, et fut reçu docteur en droit à l'âge
de dix-huit ans. Il professa le droit a Rovigo
. d'abord, et plus tard à Venise. Cependant il
avait reçu les ordres, et, après avoir été ar-
chiprêtre à Rovigo, il devint archidiacre de
Trévise. Il fonda aussi deux académies : une
. à Venise, pour la noblesse, et celle des Solli-
citi à Trévise. Enfin il fut nommé évêque de
Capo-d'Istria. Parmi ses nombreux ouvrages,
nous citerons son Discorso dell' immortalità
dell' anima (Venise, 1621),qu'il adressa à une
jeune juîve à qui il supposait des opinions
contraires à l'immortalité de l'âme; celle-ci
répondit par un manifeste piquant, auquel
Bonifacio crut devoir faire une réplique. Il a
composé aussi des tragédies, des lettres-poé-
tiques, des panégyriques. Citons, parmi ses
ouvrages les plus connus : Stichidicon (Ve-
• nise, 1619), recueil de toutes ses poésies la-
tines; Prœlectiones et civilium institutionum
epitome (Venise, 1632); Historia ludicra (Ve-
nise, 1652); Panegyrici sacri (1657), etc.
— Son frère, Gaspard BONIFACIO, né a Ro-
vigo, se livra à la poésie et publia, outre des
poésies insérées dans divers recueils, un
poëme comique : Rosajo fiorito a' meriti di
vido Morosini (Venise. 1630) ; un opéra : Il
Vaticinio délie Muse (Venise, 1631), et une
pastorale : Amor venate (Venise, 1616, in-12).
BONIFATI,
BONIFATI, bourg du royaume d'Italie, dans
la Calabre citérieure , district de Paola ;
2,670 hab. Récolte de soie.
BONIFACIO
BONIFACIO (Jean), littérateur et juriscon-
sulte italien, né à Rovigo en 1547, mort en
1635. Il suivit d'abord avec succès la carrière
du barreau, et devint assesseur des tribunaux
dans plusieurs villes de l'Etat de Venise. Ses
principaux ouvrages sont :. une Histoire de
Trévise (1591); un Traité sur l'art de parler
par signes (1616) ; diverses poésies, des traités
de droit, des discours académiques, etc.
BONIFAZIO,
BONIFAZIO, peintre de l'école vénitienne,
né à Vérone vers 1491, mort en 1553. Ses ta-
bleaux les plus remarquables sont : la Résur-
rection de Lazare (au Louvre), et les Mar-
chands chassés du temple (à Venise).
BONIFAZIO
BONIFAZIO (Natali), graveur dalmate, né
en 1550, mort vers 1620. Ses œuvres, exécu-
tées d'une pointe fine, mais sèche, ont été
confondues quelquefois avec celles de Nie.
Beatrizet. Les plus remarquables sont : Y Ado-
ration des bergers, d'après Zuccaro ; Jésus en
prière sur le mont des Oliviers , et Saint
Jérôme (1571), d'après le Titien; une suite
d'Animaux, datée de 1594; 19 planches pour
l'ouvrage de Dom. Fontana intitulé : Délia
transportazione dell' obelisco (Rome, 1590);
des cartes géographiques de la basse Italie,
d'après Prospero Parisi.
B O N I F I C A T I O N s. f. {bo-ni-fi-ka-si-on —
rad. bonifier). Amélioration: La BONIFICATION
de la terre par la culture.
— Comm. Rabais, remise sur le prix con-
venu : C'est d'après ce calcul que • toutes les
nations se sont fait des tarifs de BONIFICATIONS,
hors desquels elles ne doivent, ne peuvent con-
sentir à l'échange. (Proudhon.) Je m'adresse
à vous pour cette acquisition, désirant obtenir
les
BONIFICATIONSBONIFICATIONS que vous accordez aux per-
sonnes peu aisées. (Alex. Dumas.) il Bonifica-
tion de tare, Avantage qui résulte cour l'ache-
teur d'une tare supposée, supérieure à la
tare réelle.
B O N I F I É , ÉE (bo-ni-fi-é) part. pass. du
v. Bonifier : Terrain BONIFIE.
B O N I F I E R v. a. ou tr. (bo-ni-fi-é — du
lat. bonus, boni, bon : facere, faire — Prend
deux i de suite aux deux prem. pers. pi. de
l'imp. de l'ind. et du présent du subj.: Nous
bonifiions, que vous bonifiiez). Améliorer,
mettre en meilleur état : La terre et le tra-
vail sont ta source de tout, et il n'y a pas de
pays qu'on ne puisse BONIFIER. (Volt. ) Moi, je
travaille la terre que monpère a BONIFIÉE (J.-
J. Rouss.) Tout engrais proportionné à la na-
ture du sol sert à BONIFIER un champ, une vi-
gne, un pré. (L'abbé Rozier.) M^e Cibot ai-
mait mille fois mieux être appréciée à sa va-
leur que payée; sentiment qui, bien connu, BO-
NIFIE toujours les gages. (Balz.)
— Par ext. Suppléer, compléter : BONIFIER
un déficit de poids, de plein, d'avarie. (Acad.)
Si cette place ne vous vaut pas mille francs,
je vous
BONIMENT
BONIMENT s. m. (bo-ni-man — rad. bon).,
Annonce pompeuse que font les charlatans,
les saltimbanques ou oanquistes, pour enga-
ger le public a acheter leur spécifique ou à
entrer dans leur théâtre ou baraque : Le BO-
NIMENT est la conclusion obligée de la parade.
Le magicien, coiffé d'un bonnet pointu, et re-
vélu de la robe constellée, attendait le moment
de commencer son BONIMENT. (Journ.) Le BO-
NIMENT a été un art complet; il a eu sa poé-
tique, ses règles, son répertoire, ses rengaines
et ses audaces. (Th. de Banv.)
— Par anal. Annonce longue et pompeuse :
Tel journaliste, réduit au rôle de paillasse, ne
produit guère que des BONIMENTS écrits.
BONINBONIN (Edouard DE), général prussien, né
en 1793 à Stolpe (Poméranie), mort en 1865.
Il n'avait que treize ans lorsqu'il fit la cam-
pagne de Saxe (1806), sous les ordres de son
père, lieutenant général. Blessé et fait pri-
sonnier a la bataille de Lùbeck, il reprit ses
études et les quitta trois ans après pour le
service militaire. Use battit à Lutzen et fit la
campagne de France. En 1848, il obtint le
grade de général. C'est à partir de cette épo-
que que M. de Bonin a joué un rôle important
en Prusse. Mis à la tête d'un corps de troupes
chargé de couvrir les duchés contre les Danois,
il fut nommé major général et soutint une sé-
rie d'engagements acharnés, qui prirent fin
par l'armistice deMalmoB. Devenu, sous l'au-
torité, du pouvoir central allemand, général en
chef des troupes de l'Empire dans le Sleswig-
Holstein, il organisa dans les duchés une ar-
mée nationale. L'année suivante, opérant
sous les ordres du général Prittwitz, ilobtint
un avantage sur les Danois à Kolding, mais
éprouva un revers à. Fredericia. Après la
paix, il rentra au service prussien. En octo-
bre 1850, il reçut le commandement du corps
d'armée concentré sur les frontières de Hesse,
et, sur la fin de l'année suivante, celui des
contingents fédéraux rassemblés près de
Francfort. Appelé à remplacer le général
Stockhausen au ministère de la guerre (jan-
vier 1852), il sortit du gouvernement deux
ans après, reprit son portefeuille en novem-
bre 1858, et mit à profit la guerre d'Italie,
qui occupait une grande partie de l'armée
française, pour faire une démonstration mili-
taire en faveur de l'Autriche, en mobilisant
rapidement l'armée prussienne. Bien qu'il eût
donné sa démission en 1859, il fut cependant
m i s à l a t ê t e du 8
e
corps d'armée, et reçut,
en 1861, une double mission en Angleterre et
en Italie, au sujet de l'avènement du roi
"Guillaume I
e r
. Cette même année, il fut gra-
tifié de la propriété nominale du 13
e
régiment
de Westphalie, une des plus hautes distinctions
honorifiques qui soient accordées à des per-
sonnes n'appartenant pas aux familles prin-
cières.
BONIN
BONIN (Frédéric-Charles DE), administra-
teur allemand, frère du précédent, né en 1798.
Président de la province de Saxe en 1845, il de-
vint, en 1848, un des membres du parti consti-
tutionnel, se montra l'adversaire du parti ré-
trograde aussi bien que du parti révolution-
naire, et fut appelé au ministère des finances
au mois-de septembre de la même année. Son
administration obtint l'approbation de l'as-
semblée nationale de Prusse ; mais elle dura
peu, et il ne tarda pas à reprendre l'admini-
stration de la province de Saxe. Membre de la
première chambre, il appuya la politique libé-
rale des esprits modérés. Appelé à la prési-
dence de la province de Posen, il voulut
maintenir et sauvegarder les dernières préro-
f
atives de la nationalité polonaise; il refusa
e tenir la main à l'application des mesures
ministérielles du 18 et du 27 mai 1851, et fut
mis en disponibilité. Toutefois, en 1860, il fut
appelé de nouveau à ce poste, mais il fut en-
core une fois révoqué (1862) et remplacé par
M. Horn.
BON1NGTON (Richard PARKES), célèbre
peintre anglais, naquit dans le petit village
d'Arnold, près de Nottingham, en 1801, mort
en 1828. Il apprit de très-bonne heure à dessi-
ner sous la direction de son père, qui faisait
de la peinture de paysage et. des portraits.
En 1816, il vint avec sa famille se fixer à
Paris; trois ans plus tard, il entra dans l'ate-
lier de Gros. Ce maître célèbre lui fit faire
quelques études académiques ; mais le jeune
artiste avahVpeu de goût pour les Grecs et
les Romains : le plus souvent, il en revenait
à ses sujets familiers, le paysage et la ma-
rine, qu'il traitait à l'aquarelle; il avait dans
ce genre, qui, dans ce temps, était une nou-
veauté, une habileté surprenante, et déjà fort
goûtée par un groupe d'artistes et d'amateurs.
Quelques biographes ont prétendu que Gros
expulsa Bonington de son école; la vérité est
qu il estimait beaucoup lui-même les fines
aquarelles de son élève, et qu'il lui conseilla
de s'abandonner tout à fait à son talent. Le
jeune Anglais, à qui il était arrivé bien des
fois de quitter l'atelier pour aller étudier au
Louvre les grands paysagistes flamands, com-
prit par l'exemple dé ces derniers que le
meilleur maître ne vaut pas la nature. Il
partit pour la Normandie et en rapporta bien-
tôt de ravissantes aquarelles, dont deux figurè-
rent au Salon de 1822 : une Vue de Lilleoonne
(Seine-Inférieure) et une Vue prise du Havre.
Au Salon de 1824, il exposa une aquarelle,
Vue d'Abbeville, et quatre tableaux à l'huile :
Vue prise en Flandre, une Plage sablonneuse
et deux marines ; ces ouvrages lui valurent
une médaille d'or. À la suite de cette exposi-
972 BONI
BONI
BONJ
BONJ
tion, il fit un voyage en Angleterre. Vers la
fin de 1825 ou le commencement de 1826, il prit
In. route de Venise. C'est là, dit M. Bùrger,
qu'il a peint ses chefs-d'œuvre. La Vue du
palais ducal et la Vue du Grand-Canal, expo-
sées au Salon de 1827, passent pour ses pein-
tures les plus accomplies en ce genre. Outre
Venise, Bonington visita plusieurs autres
grandes villes d Italie : Vérone, Bologne, Mi-
lan, etc. De retour a. Paris en \827, il prit un
atelier dans la rue Saint-Lazare, et, dans
cette même année, il alla passer quelque temps
à Londres. Mme Vorster, la femme 'du gra-
veur de ce nom, lui avait donné une lettre de"
recommandation pour sir Thomas Laurence.
Bonington revint sans avoir vu l'illustre pein-
tre. Comme M"°e Forster lui demandait pour-
quoi il ne s'était pas servi de la lettre : a Je
ne me crois pas encore digne d'être présenté
h sir Thomas, répondit-il; mais quand j'aurai
travaillé sérieusement une année de plus ,
peut-être mériterai-je mieux cet honneur. »
l i s e rendit, en effet, au commencement de
l'année suivante, chez Lawrence, qui l'ac-
cueillit comme un ami. A cette époque, Bo-
nington était tourmenté du désir de s essayer
dans la grande peinture^ il travaillait avec
une ardeur extraordinaire, il étudiait sans
cesse, il produisait surabondamment. Cette
surexcitation détermina une fièvre cérébrale,
f
mis une phthisie. Il était rentré dans son ate-
ier de Paris, et malgré les progrès de la ma-
ladie, il travaillait toujours : un grand et su-
perbe dessin des Quais de Paris date de ce
temps-là. Les médecins s'étant déclarés im-
puissants à le sauver, son père, de désespoir,
eut l'idée d'aller consulter une célèbre som-
nambule de Londres. A peine arrivé, Richard
Bonington s'éteignit, le 23 septembre 1828 :
il n'avait pas accompli sa'vingt-septième an-
née. Il fut enterré dans l'église Saint-James
(Pentonville), Après avoir assisté à ses funé-
railles, Lawrence écrivit à M M Povster :
• Vos tristes prévisions se sont trop fatale-
ment confirmées. Nous venons de rendre les
derniers devoirs au regrettable M. Bonington.
Excepté M. Harlow (mort à trente-deux ans),
îe ne sache pas qu'à notre époque la mort
précoce ait enlevé un artiste dont le talent
promît davantage, après un développement si •
remarquable et si rapide. Si j'en peux juger
d'après la direction récente de ses études et par
Je souvenir d'une de ses conversations, son
intelligence semblait s'épanouir en tous sens
et arriver à la pleine maturité du goût, avec
cette généreuse ambition qui pousse vers les
régions supérieures de l'art... » Malgré ces
éloges, on sent que Lawrence regardait seu-
lement Bonington comme un jeune homme
« qui promet. " Telle était alors l'opinion de
tous les Anglais, et aujourd'hui encore, de
l'autre côté du détroit, on ne rend pas tou-
jours complète justice à Bonington. Il semble
qu'on ne lui pardonne pas de s'être fixé en
France et d'y avoir-fondé sa réputation. Un
maître qui l'a connu intimement, q^ui a tra-
vaillé avec lui, et qui était certes bien capa-
ble de l'apprécier, Eugène Delacroix, a porté
sur lui le jugement suivant, dans une lettre
adressée à M. W. Biirger et reproduite par ce
dernier dans sa belle étude sur Bonington
(Histoire des peintres de toutes les écoles) :
« A mon avis, on peut trouver dans d'autres
artistes modernes des qualités de force ou
d'exactitude dans le rendu, supérieures à
celles des tableaux de Bonington-, mais per-
sonne dans cette école moderne, et peut-être
avant lui, n'a possédé cette légèreté dans
l'exécution, qui, particulièrement dans l'aqua- "
relie, fait de ses ouvrages des espèces de dia-
mants dont l'œil est flatté et ravi, indépen-
damment de tout sujet et de toute imitation...
Je ne pouvais me lasser d'admirer sa mer-
veilleuse entente de l'effet et la facilité de
l'exécution ; non qu'il se contentât prompte-
m e n e a u contraire, il refaisait fréquemment
des morceaux entièrement achevés et qui
nous paraissaient merveilleux; mais son ha-
bileté était telle qu'il retrouvait a l'instant
sous sa brosse de nouveaux effets aussi char-
mants que les premiers. » Suivant M. Biirger,
Bonington n'est point inférieur comme paysa-
giste à Gainsbbrough, quoiqu'il ait moins de
grandeur magistrale, ni a Constable, quoi-
qu'il ait moins de solidité et de grandeur; ni
à Turner, quoiqu'il ait moins de poésie et
d'audace; mais nul de ces vaillants maîtres
n'est plus fin que Bonington, plus délicat de
touche, plus harmonieux et plus distingué de
couleur. Dans ses petites compositions à figu-
res, comme le François I^
r
, Charles-Quint et
la Duchesse d'Etampes du musée du Louvre,
les tournures des personnages sont délicieuses,
les costumes brillants, mais les corps man-
quent de solidité. Bonington, dont le talent
avait plus de souplesse que de science appro-
fondie, s'abusait sans doute sur sa vocation
lorsqu il se croj'ait appelé à faire de la grande
peinture. Tel qu'il est, il peut être classé
parmi les artistes les plus brillants de l'école
- moderne. II a fait partie de la pléiade qui,
sous la Restauration,
v
a renouvelé l'art en
France; il a été l'ami, le condisciple et même
l'inspirateur de plusieurs de uos maîtres les
plus illustres; è. ces divers titres, l'école fran-
çaise peut le revendiquer comme un des
siens; mai3 il faut bien reconnaître aussi qu'il
est resté Anglais de talent et surtout de ca-
ractère. Ses aquarelles et ses tableaux à
l'huile atteignent dans les ventes publiques
des prix énormes. Le Louvre ne possède que
le petit tableau que nous avons ciiè. Boning-
ton a laissé plusieurs lithographies, traitées
avec infiniment d'esprit, et représentant pour
la plupart des vues de Paris et de diverses
villes de province. On a aussi de lui une eau-
forte devenue très-rare : elle représente une
Vue de Bologne.
BONINl (Jérôme), peintre italien, né à An-
cône, d'où son surnom de l'Anconituno, mort
vers 1680. 11 fut l'élève et l'imitateur de l'Ai- '
banc. Le musée du Louvre possède de lui le
Christ adoré par les anges, par saint Sébastien
et saint Bonauenture. Ou voit également quel-
ques-unes de ses meilleures productions à
l'hôtel de ville de Bologne et dans la salle
Farnèse, à Rome.
BONINSEGNA
BONINSEGNA (Duccio DI). V. Duccio.
BO-NIN-S1MA, groupe d'îles situées non
loin du Japon, et sur lesquelles Abel de Ré-
musat et Klaproth ont donné des renseigne-
ments puisés principalement à des sources
chinoises et japonaises. Ce dernier savant i
écrit le nom Mou-nin-sima et le traduit par \
les îles sans homtnes. Leur véritable nom est I
Okassa-wara-sima, car celui qui les a décou-
vertes s'appelait O-kassa-wara. Les Iles qui
composent ce groupe sont au nombre de qua-
tre-vingt-neuf; les plus considérables sont,
deux grandes, quatre de moyenne grandeur
et quatre plus petites. Le climat y est chaud;
les légumes, les grains de toutes espèces, les
cannes à sucre y viennent en abondance. Il y
existe des mines de métaux et de pierres pré-
cieuses. Les différentes espèces d'arbres s'y
rencontrent en profusion. Le gibier et le pois-
son y pullulent. On a envoyé dans ces îles „
une colonie de voleurs condamnés aux tra-
vaux forcés; ils y cultivent la terre et font
des plantations. Ainsi l'on voit qu'il faut ran-
ger la déportation elle-même, telle qu'elle est
pratiquée par l'Angleterre et la France,
f
arini les inventions et les systèmes dont
extrême Orient nous offre le type primitif.
Les déportés se sont réunis en villages et en-
tretiennent avec des caboteurs japonais des
relations commerciales assez importantes.
BON1SOLI ou BON1ZOM (Agostino), pein-
tre italien, né à Crémone en 1633, mort en
1700. Elève d'artistes médiocres, il chercha
a se perfectionner en étudiant les chefs-d'œu-
vre des grands maîtres, surtout ceux de Vé-
ronèse. Le prince de Bozzolo^ François de
Gonzague, frappé des qualités de Bonizoli
comme dessinateur et comme coloriste, se
l'attacha, et pendant près de trente ans le
chargea de composer des tableaux qu'il en-
voyait en présent à des princes étrangers.
L'église des Conventuels, a Crémone, possède
de cet artiste l'Entrevue de saint Antoine et
du tyran Ezzelino.
BONISSIERBONISSIER s. m. (bo-ni-sié). Echanson,
bouteiller. p Vieux mot.
BONITE
BONITE s. f. (bo-ni-te — bas lat. boniton,
même sens). Ichthyol. Nom donné à plusieurs
poissons du genre scombre, mais qui s'appli-
que plus communément à une espèce de thon.
— Bonite rayée,Un des noms populaires de
la pôlarnide.
— Encycl. La bonite est un poisson qui
abonde dans la Méditerranée et dans quel-
ques parties de l'océan Atlantique. Extrême-
ment friande de sardines et de poissons volants,
elle mord très-bien aux hameçons amorcés
de la chair de ces animaux ou de celle du
congre et de l'anguille. Comme elle est
très-vorace, on la prend aussi avec un leurre
de plomb figurant un poisson auquel on atta-
che deux plumes pour simuler grossièrement
des nageoires. La nourriture ordinaire des
bonites se compose de poisson, de petites sei-
ches, de coquillages, de crustacés et, dit-on,
de quelques végétaux marins, probablement
de ceux qui sont remarquables par leur con-
sistance gélatineuse..
BONITERAS
BONITERAS s. f. ( bo-ni-té-ràss — rad.
bonite). Pêch. Pêche à la bonite, que les Es-
pagnols pratiquent avec des tramails.
BON1TO, ville de la province de Fernam-
bouc, créée municipalité par la loi du 5 mai
1840. Elle est éloignée de 150 kilom. S.-O. de
Récife, et forme une division judiciaire.
BONITON
BONITON s. m. (bo-ni-ton — dim. de bo-
nite). Ichthy. Poisson du genre des scombres.
BON1TZ (Hermann), helléniste allemand,
né en 1814 à Longensalza (Thuringe). Elève
de Hermann, de Lachmann et de Bœckh, il
enseigna successivement la littérature grec-
que à Dresde, à Berlin, à Stcttin et àVienne,
où il fut appelé à occuper une chaire en 1849.
Nommé, quelques années après, membre de '
l'Académie des sciences de cette ville, et de-
puis 1850 directeur du Journal des gymnases
autrichiens, dans lequel il a publié des articles
fort remarqués, M. Bonitz a fait paraître une
excellente édition de la Métaphysique d'Aris-
tote (Rome, 1848-1849, 2 vol.) ; des études sur
les Catégories d'Aristote (l850) ; sur Thucydide
f1854) ; sur Sophocle (1855) ; sur Platon
(1855), etc., et il a pris un rang distingué
parmi les hellénistes" allemands.
BOMVARD
BOMVARD ou BONNIVARD (François DK),
historien de Genève, dont Byron a rhanté les
malheurs dans le Prisonnier de Chillon, né
en Bourgogne vers 1494, mort en 1571. Il
étiùt prieur de Saint-Victor, aux portes de
Genève, et fut un des principaux acteurs du
drame héroïque qui, avant la réformation, pré-
para l'établissement de la liberté dans cette
ville. Son dévouement à sa patrie adoptive le
porta à embrasser età servir fidèlement le parti
des bourgeois qui résistaient au despotisme et à
l'ambition du duc de Savoie, Charles III. Fait
prisonnier par un lieutenant de ce prince, en
1530, il fut enfermé au château de Chillon
et fut traité assez convenablement pendant
deux années; mais au bout de ce temps, le
duc de Savoie donna l'ordre de le jeter dans
les cachots souterrains, dont le fond était plus
bas que les eaux du lae Léman. 11 demeura
quatre ans encore dans cet horrible séjour,
où sa monotone et éternelle promenade a
. creusé dans le rocher une empreinte pro-
fonde. « J'avois, dit-il, si bon loisir de me
fiourmener, que je empreignis un chemin en
a roche qui étoit le pavement de léans,
comme si on l'eût fait avec un martel. » Dé-
livré par le triomphe de la réforme à Genève,
et avec l'aide des Bernois, il ne recouvra
point son prieuré ; mais la nouvelle républi-
que lui fit une pension modeste et le traita
toujours avec de grands égards. Il embrassa
la réforme et se maria successivement quatre
fois. Quoique attaché sincèrement au protes-
tantisme, \1 paraît avoir eu quelque peine à
se conformer h l'austérité des mœurs nou-
velles, car il fut souvent appelé devant le
consistoire pour y subir de sévères remon-
trances sur ses légèretés de conduite.
Bonivard a écrit les Chroniques de Genève,
depuis les Romains jusqu'en 1530, ouvrage
important qui a é t ô publié à Genève en 1831,
d'après les manuscrits conservés à la biblio-
thèque et aux archives de la ville. Ses récits
sont d'un tour vif et dramatique, surtout dans
la partie où il raconte les événements dont il
a été témoin. Voici comment M. Henri Bor-
dier apprécie les mérites et les défauts de Bo-
nivard dans la Bibliothèque de l'Ecole des
chartes, recueil où, pour la première fois en
France, le chroniqueur genevois a été sérieu-
sement étudié :
« Ce n'est point par l'exacte véracité qu'il
brille davantage, mais par la passion et les
couleurs du style. Tous ses écrits sont em-
preints d'un cachet original qui eût fait en-
i France, depuis longtemps, la fortune de leur
auteur... Avec des chroniques semblables aux
siennes, d'autres littérateurs de son temps se
sont fait une renommée qu'on respecte en-
core, sans avoir réuni au même degré l'es-
prit, la vivacité, le bon sens et la bouffonne
expression qui sont naturels à Bonivard, et
l'ont fait appeler quelquefois le Montaigne ou le
Rabelais de Genève. Le plus grave reproche
qu'on puisse lui faire, c'est d'avoir trop sou-
vent l'allure d'un joyeux conteur... •
La légèreté est en effet le plus grave de ses
défauts; mais son jugement est plus grave
que son humeur, et ses réflexions, d'une tou-
che narquoise et pittoresque, sont souvent
d'un moraliste et cFun philosophe.
On a encore de Bonivard : Traité de l'an-
cienne et nouvelle police de Genève, document
d'un grand intérêt pour l'histoire de l'établis-
sement du calvinisme; Traité de la noblesse;
Adv'is et devis des langues; quelques pam-
phlets antipapistes, etc.
BON1ZON, prélat italien, mort en 1089. 11
fut d'abord évêque de Sutri; mais ayant
voulu défendre l'autorité du saint-siége con-
tre celle de l'empereur Henri IV, celui-ci
l'expulsa de son siège, et il erra quelque
temps, en butte à toute sorte de persécu-
tions. Il devînt ensuite évêque de Plaisance,
mais il occupa ce nouveau siège quelques mois
seulement, et, étant tombé entre les mains
des Gibelins, il subit une mort cruelle : on lui
arracha les yeux et on lui coupa tous les
membres. On a de lui quelques ouvrages ma-
nuscrits : un Abrégé des œuvres de saint Au-
gustin , et une Chronique des pontifes ro-
mains.
BONIFIERAIBONIFIERAI ce qui s'en manquera. (Acad.)
Il Se dit surtout dans le commerce.
Se bonifier v. pr. S'améliorer: En bou-
teille, le vin SE BONIFIE. (Littré.) Nos écorces
étant excellentes, nos cuirs SE BONIFIENT.
(Balz.)
— Fig. Acquérir de la bonté, de la vertu,
améliorer son âme : S E BONIFIER par un acte
quelconque, c'est passer à un degré plus élevé
d'action vitale. (Azaïs.)
BONJEANBONJEAN (Louis-Bernard), magistrat et
jurisconsulte français, sénateur, né à Valence
(Drôme), le 4 décembre 1804. Les commence-
ments furent difficiles pour M. Bonjean. Issu
d'une famille de Savoie, ancienne et honora-
ble, mais ruinée, il dut, jeune encore, lutter
contre les difficultés matérielles de la vie. A
vingt ans, il donnait à Paris des répétitions de
droit, et ne voyait guère l'avenir s'écïaircir
pour lui, quand la révolution de 1830 éclata.
Il y prit une part active et énergique. Signalé
comme un des plus courageux combattants,
il reçut la croix de Juillet. 11 venait de se
faire inscrire au tableau des avocats, et il avait
obtenu le grade de docteur. Il pouvait dès lors
se présenter comme candidat au professorat.
Après avoir échoué dans plusieurs concours,
il acheta (1838) une charge d'avocat a. la
Cour de cassation et aux Conseils du roi. La
révolution de 1848 le surprit occupé de tra-
vaux juridiques, dont elle le détourna pour
le pousser vers la politique. M. Bonjean se
présenta aux suffrages de ses compatriotes,
qui l'envoyèrent à la Constituante. Quoiqu'il
dût son élection au titre de candidat républi-
cain, sous lequel il s'était présenté, il vota
constamment avec la droite, et devint un des
membres du célèbre comité de la rue de Poi-
tiers. Le 16 mai, il attaquait et dénonçait b.
l'Assemblée le préfet de police Caussidière,
et, quelques jours après, appelait les sévéri-
tés de ses collègues sur l'administration et la
circulaire de M. Carnot, alors ministre de
l'instruction publique. Cette façon d'interpré-
ter le mandat que lui avaient confié les répu-
blicains de la Drôme n'était pas faite pour lui
conserver leurs suffrages. Aussi, aux nouvelles
élections, fut-il repoussé à une majorité con-
sidérable. U en fut de même aux élections
partielles
-
qui eurent lieu en mars 1850, à
Paris. Mais, pendant la session de la Consti-
tuante, M. Bonjean s'était rapproché de l'E-
lysée. C'est là qu'il devait trouver une com-
pensation à ce double échec, un baume pour
ses blessures. En effet, en 1850, il quitta la
charge d'avocat à la Cour de cassation pour
celle d'avocat général à la même Cour. Au
commencement de l'année suivante, un rema-
niement ministériel donna à M. Bonjean le
portefeuille de l'agriculture et du commerce,
qu'il ne garda que quinze jours (9-24 janvier
1851) et qui lui donna sans doute l'occasion
de fredonner in petto ce refrain si connu :
Mes amours ont duré toute une semaine.
Mais la réorganisation du conseil d'Etat,
en 1852, lui réservait une position plus as-
surée. D'abord conseiller d'Etat, il devint
président de la section de l'intérieur, en rem-
placement de M. Delungle, nommé procu-
reur général à la Cour de cassation. Mem-
bre, à plusieurs reprises, du conseil impé-
rial de l'instruction publique, M. Bonjean
fut élevé à la dignité de sénateur en 1855.
Nommé premier président de la Cour impé-
riale de Riom en 1863, et enfin président de
la chambre des requêtes à la Cour de cassa-
tion, en remplacement de M. Nicias Gaillard
en 1865, il est grand officier de la Légion
d'honneur depuis le 14 août 1862.
M. Bonjean possède, à un degré éminent,
une qualité à laquelle il doit en partie sa
haute position : c'est un grand amour du tra- .
vail et un dévouement entier à ses fonctions,
quelles qu'elles soient. A peine installé à la
Cour de cassation, il constata qu'un grand
nombre d'affaires ne pouvaient être jugées
f
tendant l'année : il étudia dès lorS avec soin
es causes de cet état de choses et chercha
les moyens d'y remédier. A la suite d'un exa-
men consciencieux, il rédigea un mémoire où,
après avoir indiqué le mal, il proposait le re-
mède. Ce travail, dû à son initiative person-
nelle, lui fait le plus grand honneur. Comme
sénateur, M. Bonjean a fréquemment pris
part aux discussions qui ont eu lieu au palais
du Luxembourg. Sur la question romaine ou
sur des questions analogues, il s'est toujours
prononcé pour des solutions conformes aux
vœux de 1 opinion publique et de l'esprit gé-
néral du siècle, sans céder aux tendances du
parti clérical. Ajoutons, toutefois, que le pou-
voir y trouvait toujours son compte.
Les publications de M. Bonjean sont assez
nombreuses ; elles consistent pour la plupart
en mémoires, monographies, plaidoyers, bro-
chures sur des questions de droit, de finan-
ces, d'administration, de politique, etc. Nous
pouvons citer cependant : lnstitutes de Justi-
nien, traduites en français, avec texte en re-
gard (Paris, 1839, 2 vol. in-8«), ouvrage ré-
digé avec la collaboration de M. Blondeau;
Traité des actions (2 vol. in-8°, l
r i :
édition
1841, 2e édition 1845); le Corps diploma-
tique , publication dont quelques livraisons
seulement parurent en 1845; une Encyclopé-
die des lois, que les fonctions publiques suc-
cessivement remplies par l'auteur interrom-
pirent à plusieurs reprises, et qui ne fut jamais
achevée; enfin, une brochure qui fit un cer-
tain bruit : Socialisme et sens commun (1849,
in-18). N'est-on pas en droit de regretter que
M. Bonjean, travailleur infatigable et juris-
consulte éminent, ait abandonné le drapeau
sous les plis duquel il s'était abrité pour entrer
dans la vie publique, et auquel il doit, en dé-
finitive, ses premiers succès, qui furent un
acheminement vers la haute position qu'il a
conquise ? Mais la déesse Ambition réclame
des sacrifices toujours pénibles, alors même
qu'ils ne vont pas jusqu'à amoindrir la dignité
du caractère : tel père qui fait élever ses fils
S
ar les jésuites, tonne contre les tendances
es cléricaux ultramontains et se* montre à
petit bruit zélé gallican :
Il est avec le ciel des accommodements.
BONJEANIE
BONJEANIE s. f. (bon-ja-nî — de Bonjean,
n. pr.). Bot. Genre do plantes de la famille
des légumineuses, tribu des lotées, établi
aux dépens des lotiers, et comprenant trois
espèces, qui croissent dans l'Europe centrale.
BONJEAU
BONJEAU ou" BONGEAU S. m. (bon-jo).
Econ. rur. Couple de bottes de lin, liées en-
semble et mises à rouir.
BONJOUR
BONJOUR s. m. (bon-jour — de bon et
jour). Journée heureuse; termo de salutation
usité surtout avant lo soir, moment où on
le remplace par bonsoir : Je vous souhaite, je
vous donne le BONJOUR. Donner est un mot pour
lequel il a tant d'aversion, qu'il ne dit jamais
je vous donne, mais je vous prête le BONJOUR.
(Mol.) Il disait le BONJOUR à l'oreille, parlait
entr.e ses doigts et montait cent escaliers par
jour. (St-Sim.) Guillaume îi'adressa plus à
Jeanne qu'un BONJOUR ou un bonsoir amical,
en passant, sa?is même la regarder. (G. Sand.)
Et je vais lui donner le bonjour seulement.
MOLIÈRE.
Une œillade a propos, un bonjour, un baiser.
Sont des traits bien puissants à qui sait en user.
CUEVILLARD.
— Dire bonjour, Saluer : Je te DIS BONJOUR.
J'ai connu un homme gui savait tout, excepté
une chose, DIRE BONJOUR et saluer ; il a vécu
pauvre et méprisé. (Dider.) Es-tu donc si pressé
que tu n'aiespas le temps de DIRE BONJOUR aux
amis? (Alex. Dum.)
BONJ
Je te dis bonjour. — Oui, pour l'enfuir de ces lieux,
Tous tes bonjours sont des adieux.
IMBERT.
Moi, je dis au soleil, du cœur et de la bouche,
Bonjour quand il se lève, adieu quand il se couche.
AHCELOT.
— E l U p t i q . Bonjour, J e v o u s s o u h a i t e l e
b o n j o u r : B O N J O U R , monsieur. B O N J O U R , ma-
dame.
E h ! bonjour., monsieur du corbeau;
Que vous êtes joli! que vous me semblez beau!
LA FONTAINE.
I) Bien le bonjour, J e v o u s s o u h a i t e affec-
t u e u s e m e n t , s i n c è r e m e n t le b o n j o u r : B I E N L E
BONJOUR,BONJOUR, madame.
Il Bonjour à, ou Le bonjour à , D i t e s , b o n j o u r
de m a p a r t à : BONJOUR k monsieur votre père.
Le
BONJOURBONJOUR k mademoiselle votre fille, s'il
vous plait.
— I r o n i q . Bonjour! M a n i è r e d e d é c l a r e r à
u n e p e r s o n n e qu'on n e fera p a s ce qu'elle
v e u t , q u e ses désirs ou s e s p r é t e n t i o n s n ' a u -
r o n t pas leur a c c o m p l i s s e m e n t : Vous désires
épouser ma fille, vous voudriez acheter mes
tableaux, mais BONJOUR.
— F a m . C'est simple comme bonjour, Se d i t
d'une chose très-facile à c o m p r e n d r e ou à
faire, q u i n e p r é s e n t e a u c u n e difficulté : Sci
fille me plait, je ne lui déplais pas ; nous nous
marions... C ' E S T S I M P L E COMME BONJOUR, et je
n'y mets point de mystère. ( J . S a n d e a u . )
— P r o v . Le bonjour vient du dehors, C e
s o n t les a r r i v a n t s q u i d o i v e n t s a l u e r les p r e -
m i e r s .
— A r g o t . Vol au bonjour, M a n i è r e de v o l e r
qui consiste à s ' i n t r o d u i r e d a n s les l o g e -
m e n t s , a p r è s a v o i r frappé p l u s i e u r s fois à la
p o r t e , p o u r s ' a s s u r e r do l'absence d e s loca-
t a i r e s ou s e r e t i r e r , e n s ' e x c u s a n t , si q u e l -
q u ' u n se p r é s e n t e .
— A n e c d o t e s . Des écoliers r e n c o n t r e n t u n e
bonne femme q u i conduisait des â n e s ; ils lui
crient : Bonjour la m è r e a u x â n e s . — B o n -
jour, mes e n f a n t s , bonjour.
Casimir Bonjour, qui faisait s e s visites de
candidat académicien, a r r i v e un j o u r à la porte
de M. V i e n n e t . Il sonne et, e n t r e . L e d o m e s -
tique lui demande qui il doit a n n o n c e r : • Bon-
j o u r . — Bonjour, monsieur, répond le domes-
tique, qui n'était p a s a c c o u t u m é a t a n t de
politesse; mais qui a u r a i - j e l'honneur d ' a n -
n o n c e r ? — Bonjour. — E h bien, bonjour,
j ' e n t e n d s b i e n ; mais quel e s t votre n o m ? —
Bonjour. » P o u r le coup, le domestique épou-
v a n t é c r u t qu'il a v a i t affaire à u n fou, e t il se
h â t a d e f e r m e r la p o r t e .
Je vous donne avec grand plaisir
De trois présents un à choisir ;
La belle, c'est à vous de prendre
Celui des trois qui plus vous duit;
Les voici, sans vous faire attendre :
Bonjour, bonsoir et bonne nuit.
(Vers adressés par le poète
Sarrasin à. sa maîtresse.)
B o n j o u r , mon a m i V i n c e n t . C e t t e Chanson,
qui, de temps immémorial, défraye les p a r a d e s
de nos paillasses de foire, offrait dans p l u -
sieurs couplets d e s grivoiseries q u i nous o n t
fait r e c u l e r ; aussi a u texte original a v o n s -
nous préféré les couplets s u r lesquels le chan-
sonnier J u l e s Choux a r a m e n é d'une main
pudique l a gaze q u e r é c l a m e d e n o s j o u r s l a
p r u d e r i e quintessenciée du public. On t r o u v e
c e s paroles d a n s l e s Chansons de nos pères,
recueillies e t a r r a n g é e s p a r Victor Robillard.
On sait que D é s a u g i e r s s'est inspiré d e s sou-
venirs de Y ami Vincent dans son Dîner de
Madelon.
me fai-re présent D'un cœur tendre et point vo
DEUXIEME COUPLET.
Hé quoi! mon ami Vincent,
Toi que je croyais bon drille,
Tu fais près d' moi l'innocent.
Me trouv's-tu vilaine fille?
BONJ
— Oh mamzeir, mamzell' que me dit's-vous là?
Mais mon tendre cœur le voulis garda!
Je perdrais r seul bien que j ' t i e n s de famille
Si la codaqui mi faisot manqua!
Si la codaqui, si la codaqua,
Si la codaqui mi faisot manqua.
TROISIÈME COUPLET.
J' voudrais, mon ami Vincent,
Avec quelque différence,
Ce soir, en nous embrassant
. Revoir nos amours d'enfance.
— De c' temps-là, mamzell'je m'souv'nons, oui-da!
Mais j ' n'avions point cor d'honneur à garda...
Et sus V point de r perdV j'en frémis d'avance.
Si la codaqui voulot mi manqua!
Si la codaqui, si la codaqua,
Si la codaqui voulot mi manqua.
QUATRIÈME COUPLET.
J' saurai, mon ami Vincent,
Te montrer, entr' autres choses,
L'assemblage séduisant
De mille attraits blancs et roses.
— Oh nenni, mamzell', nenni, nenni-da!
Mon honneur toujours le voulis garda;
J'n'avons qu'fair'cheux vous de cueillir des roses,
Et la codaqui mi ponrrot manqua!
Et la codaqui et la codaqua,
Et la codaqui mi pourrot manqua.
CINQUIÈME COUPLET.
Malgré lui, l'ami Vincent
Suivit la charmante Lise
Jusqu'à sa chambre, et voyant
Le lit fait, la table mise,
Il prit son parii, galment s'attabla.
Tant but, tant mangea, que lorsqu'on V coucha,
Il disait, allant d' surprise en surprise
Si la codaqui pouvot mi manqua,
Si la codaqui, si la codaqua,
Si la' codaqui pouvot mi manqua.
SIXIÈME COUPLET.
Bonjour, mon ami Vincent,
La santé, comment va-t-elleî
— Bien, dit-il, en embrassant
Son amante heureuse et belle.
Chaque soir, ici, j ' veux r'venir, oui-da;
Car mon doux bonheur le voulis garda;
Devant tant d'attraits ma pein' s'rait cruelle,
Si la codaqui veniot mi manqua...
Si la codaqui, si la codaqua,
Si la codaqui veniot mi manqua.
BONJOUR
BONJOUR (les frères), h é r é s i a r q u e s , chefs
d'une s e c t e ridicule qui n e l e u r s u r v é c u t
point, v i v a i e n t dans l a seconde moitié d u
x v i u e siècle. C e s d e u x f r è r e s , originaires du
Pont-d'Ain, en Bresse, a y a n t été n o m m é s , l'un
c u r é , l'autre vicaire à F a r e i n s , y p r ê c h è r e n t
u n e doctrine h é t é r o d o x e à peu p r è s semblable
à celle d e s p a u v r e s de L y o n , mise e n h o n n e u r
s u r l a fin d u x n e siècle p a r P i e r r e d e Valdo.
Ils professaient l a c o m m u n a u t é des biens, e t
réunissaient la . n u i t dans u n e g r a n g e leurs
prosélytes, qui se composaient en g r a n d e partie
de femmes e t de filles, et leur administraient l a
discipline, c e q u i fit donner a. ces p é n i t e n t s l e
nom d e flagellants Fareinistes. L ' a u t o r i t é ,
dont l'attention a v a i t été éveillée p a r les p è r e s
de famille, ne t a r d a p a s à m e t t r e o r d r e à ce
d é v e r g o n d a g e r e l i g i e u x , e t les frères Bonjour
d u r e n t quitter leur c u r e . A l'époque du c o n -
s u l a t , ils furent exilés à L a u s a n n e , où ils m o u -
r u r e n t d a n s un é t a t voisin de l'indigence.
BONJOUR
BONJOUR (Guillaume), s a v a n t religieux a u -
g u s t i n , né à Toulouse e n 1670, m o r t en Chine
en 1714. Il fut a p p e l é à R o m e p a r le cardinal
de N o r i s ; le p a p e Clément X I lui confia d e s
fonctions i m p o r t a n t e s , e t la réforme du calen-
d r i e r g r é g o r i e n fut facilitée p a r de s a v a n t s
m é m o i r e s écrits p a r l e P . B o n j o u r . i l était v e r -
sé d a n s l a c o n n a i s s a n c e des l a n g u e s orientales
et s u r t o u t d e l a langue c o p h t e . On a de lui ;
Dissertatio de nomine patriarche Josephi a
Pharaone imposito (1696); Exercitatio in mo-
numenta Coptica seu JEgyptiaca bibliothecœ
Vaticanœ (1699) ; CalendaHum romanum chro-
nologorum causa constructum (1701, i n - f o l . ) ;
De computo ecclesiasUco, apud Montem Fa-
liscum (1702), e t c .
BONJOUR
BONJOUR ( F r a n ç o i s - J o s e p h ) , chimiste fran-
çais, n é k L a G r a n g e de Combes en 1754, m o r t
à Dieuze en 1811. A p r è s avoir étudié et p r a -
tiqué la m é d e c i n e , il voulut s'occuper spécia-
l e m e n t d e chimie, e t il d e v i n t le p r é p a r a t e u r
de Berthollet. Celui-ci l ' e n v o y a à Valenciennes
pour y m e t t r e en p r a t i q u e l e procédé qu'il
a v a i t d é c o u v e r t pour le b l a n c h i m e n t des toiles ;
c'est alors q u e Bonjour e u t l'occasion de s e r v i r
c o m m e canonnier, dans les c o m b a t s livrés
aux Autrichiens qui a s s i é g e a i e n t la ville, puis
comme p h a r m a c i e n d e s h ô p i t a u x . De r e -
tour à P a r i s , il fut adjoint a u professeur de
chimie d e l'Ecole c e n t r a l e des t r a v a u x publics.
E n 1797, le g o u v e r n e m e n t le n o m m a commis-
saire p r è s des salines de la M e u r t h e . On lui
doit u n e traduction d u Traité des affinités chi-
miques ou attractions électives de B e r g m a n n
(1788, in-8°).
BONJOUR
BONJOUR (Casimir), a u t e u r d r a m a t i q u e , n é
à C l e r m o n t - e n - A r g o n n e (Meuse) en 1795, m o r t
à P a r i s e n 1856. Fils d'un sous-officier d e g e n -
d a r m e r i e r é s i d a n t à R e i m s , Casimir Bonjour
fit, a u collège de c e t t e ville, de très-bonnes
é t u d e s . A la fin de son a n n é e de rhétorique,
ses s u c c è s lui v a l u r e n t , à la distribution d e s
prix e t s u i v a n t u n u s a g e c o n s a c r é , l a dignité
d'Apollon. L e dieu, d'un j o u r , r e v ê t u d u c o s -
t u m e m y t h o l o g i q u e , distribua les c o u r o n n e s
u n i v e r s i t a i r e s , e t , pour clore l a solennité, il
a d r e s s a à ses disciples, les j e u n e s l a u r é a t s , u n
discours t r è s - r e m a r q u a b l e , dit-on. Casimir
BONJ
Bonjour é t a i t m a î t r e d'études a u lycée d e
B r u g e s d è s l'âge d e seize a n s . A dix-huit, il
. e n t r a à l'Ecole n o r m a l e , o ù il s e fit p a r t i c u -
l i è r e m e n t r e m a r q u e r comme helléniste. A p r è s
avoir e n s e i g n é quelques mois e n p r o v i n c e , il
r e v i n t à P a r i s e t fut a t t a c h é à l'institution
Muiron, où il dirigea spécialement les études
du j e u n e d e M o r n y . Casimir Bonjour fut
n o m m é plus tard professeur s u p p l é a n t de rhé-
torique a u lycée Louis-le-Grand. Il a b a n d o n n a
en 1815 le professorat pour la c a r r i è r e a d m i -
n i s t r a t i v e . P l a c é p a r M. d'Argout dans les bu-
r e a u x du ministère d e s finances, il se m i t à
cultiver l e t h é â t r e . T r o i s succès a l a C o m é -
d i e - F r a n ç a i s e m a r q u è r e n t son d é b u t d a n s la
c a r r i è r e d r a m a t i q u e : la Mère rivale (1821);
l'Education ou les Deux Cousi?ies (1823), e t le
Mari à bonnes fortunes (1824); maïs c e s s u c -
c è s firent p e r d r e a u p o ë t e s o n emploi. M. de
Villèle t r o u v a « qu'il a v a i t trop d'esprit pour
t r a v a i l l e r d a n s l e s b u r e a u x . » L a Biographie
Didot dit q u e « la d i s g r â c e de Casimir B o n -
j o u r fut i n t e r p r é t é e comme l a punition de
deux v e r s d'un de s e s o u v r a g e s , où l'on af-
fecta d e voir u n e allusion b l e s s a n t e p o u r u n e
fortune financière de l ' é p o q u e , dont l'ori-
gine était e n v e l o p p é e d u n e obscurité f â -
c h e u s e . » Voici ces v e r s :
Il économisa-cent mille francs de rente
Sur ses appointements, qui n'étaient que de trente.
Casimir Bonjour a c c e p t a dans l a suite u n e
m o d e s t e pension s u r l a liste civile de C h a r -
les X . L e p o ë t e , qui était un libéral sincère,
m o n t r a alors u n e faiblesse qui n e s'explique
pas. S ' é t â n t éloigné p r e s q u e e n t i è r e m e n t du
t h é â t r e , Casimir Bonjour devint le c o l l a b o r a -
teur d
:
É t i e n n e , de J a y , de Tissot, d ' E v a r i s t e
Dumoulin, d e ' C a u c h o i s - L e m a i r e , a u Constitu-
tionnel. E n 1830, il a v a i t préféré k u n e s o u s -
p r é f e c t u r e qui lui fut offerte la place d'in-
s p e c t e u r d e s é t u d e s à l'école militaire de L a
F l è c h e . Quelque t e m p s a p r è s , il d e v e n a i t l'un
des c o n s e r v a t e u r s de la bibliothèque S a i n t e -
G e n e v i è v e ; mais son ambition é t a i t d ' a r r i v e r
à l ' A c a d é m i e ; u n e fois, il n e lui m a n q u a
q u ' u n e seule voix pour ê t r e é l u . Depuis, s e s
c h a n c e s d i m i n u è r e n t de plus e n plus, si bien
qu'il lui fallut r e n o n c e r à l'espoir d'atteindre
j a m a i s a u fauteuil. Dans le même t e m p s , le
comité de l a Comédie-Française refusa le Ba*
chelier de- Ségovie, s a d e r n i è r e p i è c e , qu'il
a v a i t mis dix a n s à composer. L e s qualités de
Casimir Bonjour é t a i e n t l a v é r i t é d a n s les c a -
r a c t è r e s , la facilité é l é g a n t e de la versifica-
tion, e t s u r t o u t l'intention m o r a l e , h a b i l e m e n t
déguisée sous l ' a g r é m e n t de la forme. Casimir
Bonjour composait à son h e u r e , mûrissait son
idée e t la r e t o u c h a i t sans cesse. Il songeait
plus, e n un mot, k s a r é p u t a t i o n littéraire q u ' à
s a fortune. Aussi ne surprit-il j a m a i s l a f a -
v e u r du public ; mais il l a méritait souvent, c e
qui v a u t mieux. Voici la liste de s e s œ u v r e s :
le Malheur du riche et le bonheur du pauvre,
r o m a n d e m œ u r s (1836, i n - 8 ° ) ; Coup d'ceil
sur le théâtre, m o r c e a u lu à l a s é a n c e d'ou-
v e r t u r e de l'Athénée r o y a l (1838, i n - 8 ° ) ; l a
Mère rivale, comédie e n trois a c t e s e t e n
v e r s ( C o m é d i e - F r a n ç a i s e , 4 juillet 1821), où
l'on t r o u v e un c a r a c t è r e bien t r a c é , q u i a n -
nonçait u n e profonde connaissance du c œ u r
h u m a i n -, l a pièce e u t u n s u c c è s complet ;
Y Education ou les Deux Cousines, Comédie e n
cinq actes e t e n v e r s (Comédie - F r a n ç a i s e ,
10 mai 1823), comédie de m œ u r s , h a b i l e m e n t
intriguée e t t r è s - p u r e m e n t écrite, qui m e t t a i t
a u x prises les ridicules d e l'aristocratie e t
c e u x d e l a bourgeoisie. On a r e t e n u c e v e r s ,
d e v e n u p r o v e r b e :
L'homme fait son état, la femme le reçoit.
L e rôle d e L a u r e fut u n e d e s plus brillantes
créations de Mlle M a n t e . L e Mari à bonnes
fortunes, comédie e n cinq a c t e s e t en v e r s
( C o m é d i e - F r a n ç a i s e , 30 s e p t e m b r e 1824), o u -
v r a g e qui donnait, s o u s u n e forme comique
et légère à la fois, u n e excellente leçon a u x
maris d o n J u a n . Il r e s t a t r è s - l o n g t e m p s a u
r é p e r t o i r e . L'Argent ou les Mœurs du siècle,
comédie e n cinq a c t e s e t e n v e r s (Comédie-
F r a n ç a i s e , 12 octobre 1826), m ê m e sujet q u e
Y Agiotage, comédie e n prose de P i c a r d . C a -
simir Bonjour a r r i v a i t le second, e t le succès
de son œ u v r e en souffrit. Cela é t a i t d ' a u t a n t
plus fâcheux q u e s a p i è c e , composée bien
a v a n t celle de P i c a r d e t lue d a n s d i v e r s e s s o -
ciétés, offrait de réelles b e a u t é s , n U n des p e r -
s o n n a g e s , u n e d a m e d e c h a r i t é du g r a n d
m o n d e , explique fort bien, dit Manot de M a i -
z i è r e s , comment, a p r è s avoir quêté seule et
en robe du m a t i n , elle a dû remplir s a mission
ensuite a v e c plus d'éclat. Voici, dit-elle, m a
raison :
A pied, j'avais cent sols; j'ai vingt francs en voiture.
L e Protecteur et le mari, comédie e n cinq
a c t e s e t e n v e r s (Comédie-Française, 5 s e p -
t e m b r e 1829), e u t u n s u c c è s c o n t e s t é l e p r e -
mier s o i r , e n raison de quelques l o n g u e u r s .
L ' a u t e u r réduisit s a comédie en trois a c t e s , e t
elle obtint alors l'assentiment g é n é r a l . Nais-
sance, fortune et mérite ou YEpreuve électo-
rale, comédie en trois a c t e s e t en prose (Co-
m é d i e - F r a n ç a i s e , 13 mai 1831), pièce politique,
froide et s a n s intérêt, mais é l é g a m m e n t é c r i t e .
L e Presbytère, comédie e n cinq a c t e s e t en
v e r s ( C o m é d i e - F r a n ç a i s e , 21 février 1833),
c'était le sujet de Rabelais ou l e Curé de Meu-
don, vaudeville du P a l a i s - R o y a l , pris au s é -
rieux ; c h u t e m o t i v é e p a r u n style n é g l i g é e t
u n e intrigue pâle e t s a n s p o r t é e . L e Bachelier
de Ségovie ou les Hautes études, comédie en
cinq a c t e s e t en v e r s (Odéon, 15 octobre 1844),
pièce r e m a r q u a b l e a u double point de v u e du
BONN
073
sujet e t d e s c a r a c t è r e s . E l l e fut r e p r i s e à la
C o m é d i e - F r a n ç a i s e le 31 j u i l l e t 1848, p o u r la
r e n t r é e de Bouchet. E n g é n é r a l , les n o m -
b r e u s e s productions de Casimir Bonjour se
distinguent moins p a r le m o u v e m e n t d r a m a -
tique et la force comique, vis comîca, q u e p a r
l'esprit, l a finesse e t la ^ r à c e . IL n ' e s t p a s
inutile d'ajouter q u e s e s pièces s o n t toujours
h o n n ê t e s , et q u e
La mère, sans danger, y conduira sa fille.
BONJOUR-COMMANDEUR
BONJOUR-COMMANDEUR S. m . O r n i t h .
E s p è c e de b r u a n t d e C a y e n n e : Les BONJOUR-
COMMANDEUR ont te cri aigu des moineaux de
France. (Buff.)
BONKOSE
BONKOSE s. m . (bon-ko-ze). I c h t h y o l . P o i s -
son do l a m e r R o u g e , a p p a r t e n a n t a u g e n r e
s i r è n e .
BONMÀHON
BONMÀHON o u B C Î S M À H O N , b o u r g d ' I r -
l a n d e , comté e t à 23 kilom. S.-O. de W a t e r -
ford, à 177 kilom. de Dublin; 2,371 h a b . Mines
de c u i v r e et de plomb d a n s les e n v i r o n s .
BONJOURIER
BONJOURIER s. m . ( b o n - j o u - r i é — r a d .
bonjour). A r g o t . V o l e u r q u i p r a t i q u e le vol
a u b o n j o u r : Le BONJOURIER est mis presque
avec élégance, et doit avoir des manières. [) O n
d i t aUSSl BONJOURIËN, CHEVALIER GRIMPANT.
BONN,
BONN, ville d e P r u s s e , dans la p r o v . du
R h i n , ch.-l. du cercle de son nom, r é g e n c e e t
h 26 kilom. S.-E. de Cologne, s u r l a rive g a u -
che du R h i n ; 20,000 h a b . E v ê c h é catholique,
u n i v e r s i t é , a c a d é m i e de n a t u r a l i s t e s , observa-
toire, j a r d i n botanique, collections scientifi-
q u e s , musée d'antiquités, bibliothèque, g y m -
n a s e . F a b r i q u e s d e c o t o n s , s o i e r i e s , t a b a c s ,
s a v o n s , vitriol ; c o m m e r c e de céréales, graines
oléagineuses, v i n s , minerai de plomb.
Bonn, l a Bonna des R o m a i n s , citée p a r T a •
cite, é t a i t l'un d e s p r e m i e r s c h â t e a u x forts
que Drusus a v a i t construits s u r le R h i n . L ' a n
70 d e l'ère c h r é t i e n n e , Claudius Civilis, g é n é -
ral d e s B a t a v e s , y défit les R o m a i n s . Au mi-
lieu du ive s i è c l e , . l e s Alemani détruisirent
cette ville, mais J u l i e n la r e b â t i t en partie.
Elle e u t b e a u c o u p h, souffrir p e n d a n t les inva-
sions d e s H u n s , d e s S a x o n s e t des N o r m a n d s .
Au x m e siècle, c'était u n e ville i m p o r t a n t e ,
faisant p a r t i e de la ligue h a n s é a t i q u e . L ' a r -
c h e v ê q u e de Cologne, chassé de s a ville é p i -
scopale p a r les bourgeois, v i n t se réfugier à
Bonn et en fit le siège de son g o u v e r n e m e n t
t e m p o r e l . Au x v e siècle c o m m e n c e u n e série
de sièges m a l h e u r e u x , qui e m p ê c h è r e n t c e t t e
ville de d é v e l o p p e r s e s é l é m e n t s de p r o s p é -
rité. P r i s e d'abord p a r Charles le T é m é r a i r e ,
puis en 1584 p a r F e r d i n a n d le B a v a r o i s , elle
t o m b a , e n 1673, e n t r e les mains d e s A u t r i -
chiens, q u e c o m m a n d a i t Montecuculli ; e n 1689,
F r é d é r i c lïl d e B r a n d e b o u r g s ' e m p a r a de
B o n n , où les Hollandais e n t r è r e n t en 1703,
D é m a n t e l é e e n 1717, e n vertu d ' u n article de
la paix de B a d e , elle s'agrandit e t s'embellit
sous les princes électeurs du x v m e siècle. L e s
g u e r r e s d e l a Révolution française a r r ê t è r e n t
s a m a r c h e p r o g r e s s i v e ; p e n d a n t l'occupation
française, de 1795 à 1 8 H , le n o m b r e d e s e s
h a b i t a n t s diminua de plus d e 2,000; m a i s , d e -
puis 1814, elle voit toujours croître s a p r o -
spérité, qu'elle doit s u r t o u t à son h e u r e u s e si-
tuation e t h, s a s a v a n t e u n i v e r s i t é .
P a r m i les édifices publics d e B o n n , nous
citerons celui de ï'UNivERsiTÉ,qui n ' e s t a u t r e
que l'ancien palais d e s é l e c t e u r s de Cologne.
Cet édifice, bâti de 1723 à 1761, n ' a pas moins de
4 26 m. de long. L a g r a n d e salle (aida), affectée
a u x séances a c a d é m i q u e s , a é t é d é c o r é e , p a r
'Cornélius e t p a r ses é l è v e s , H e r m a n n , F ô r s t e r
e t G ô t z e n b e r g e r , de fresques r e m a r q u a b l e s r e -
p r é s e n t a n t les q u a t r e facultés : l a Philoso-
p h i e , la J u r i s p r u d e n c e , la Médecine e t la
Théologie. L e s collections de l'université s o n t
t r è s - r i c h e s ; les principales sont : la bibliothè-
que, composée d'environ 200,000 volumes e t
ornée d'un g r a n d n o m b r e d e b u s t e s ; le cabi-
net de physique ; le m u s é e des a r t s , qui c o m p t e
p r è s de cinq cents reproductions d e s t a t u e s e n
p l â t r e j l e cabinet d e s m é d a i l l e s ; l e m u s é e d e s
antiquités r h é n a n e s e t w e s t p h a l i e n n e s , où l'on
r e m a r q u e , e n t r e a u t r e s curiosités, u n a u t e l
romain dédié à la Victoire, q u e quelques a u -
t e u r s croient ê t r e l'Ara Ubiorum d o n t parle
T a c i t e (Annales, I, 39 et 57).
L a CATHÉDRALE (Munster) e s t u n , b e a u mo-
n u m e n t du style g o t h i q u e , construit p e n d a n t
la seconde moitié du x i u
e
siècle e t r e s t a u r é
e n 1845. L a c r y p t e e t les cloîtres sont d'une
époque plus a n c i e n n e . L'intérieur d e l'édifice
est d'une g r a n d e simplicité; on y voit plu-
sieurs mausolées c u r i e u x e t u n e s t a t u e en
b r o n z e , assez médiocre, de l'impératrice H é -
l è n e , qui passe pour avoir fondé cette église.
S u r la place d e la c a t h é d r a l e s'élève u n e s t a -
tue de B e e t h o v e n , qui e s t n é à Bonn en 1770 :
elle a é t é modelée p a r E . - J . H a e h n e l , de
D r e s d e , et coulée e n oronze p a r B u r s c h m i e t ,
de N u r e m b e r g . L e c é l è b r e compositeur e s t
r e p r é s e n t é debout, d a n s l'attitude de l a m é -
ditation. Q u a t r e bas-reliefs a l l é g o r i q u e s , figu-
r a n t la Musique religieuse, l a Musique d r a m a -
tique, l a F a n t a i s i e e t l a S y m p h o n i e , d é c o r e n t
le piédestal. On a é r i g é r é c e m m e n t , s u r u n e
a u t r e place de B o n n , la s t a t u e de l'antiquaire
W i n e k e l m a n n . L a place du M a r c h é est ornée
d'un obélisque f o n t a i n e , é l e v é en 1777 en
l'honneur d e l'électeur M a x i m i l i e n - F r é d é r i c .
P a r m i t e s a u t r e s "édifices de Bonn, on r e -
m a r q u e : l'église de S a i n t - R e m y , qui possède
un bel o r g u e e t un t a b l e a u de Spilberg, r e -
p r é s e n t a n t le Baptême de Ctovis; l'église d e
S a i n t - P i e r r e , de construction moderr.n ; le
974 BONN
BONN BONN
BONN
temple protestant, en style gothique; l'hôtel
de ville, etc.
A 1 kilom. de Bonn se trouve le petit vil-
lage de Poppelsdorf, auquel conduit une belle
allée de châtaigniers. A l'extrémité de cette
allée s'élève l'ancienne résidence électorale
nommée Clemensruhe, que Frédéric - Guil -
laume III a donnée à. l'université; elle con-
tient actuellement un musée d'histoire natu-
relle et çst entourée d'un beau jardin bota-
nique. Le village de Poppelsdorf est dominé
par la colline de Kreuzberg (montagne de la
Croix), sur laquelle l'électeur Ferdinand a
fait construire, en 1627, une église qui attire
de nombreux pèlerins : l'électeur Clément-
Auguste y a fait bâtir, en 1725, un escalier
de inarbre sur le modèle de la fameuse Scala
santa de Rome, dont il n'est permis de gravir
les degrés qu'à genoux. On trouve en Suisse,
dans le canton et à 7 kilom. N. de Fribourg,
un village de même nom, qui possède des
eaux sulfureuses.
BONNAIRE
BONNAIRE (Jean-Gérard), général français,
né à Propet (Aisne) en 1771, mort en 1816,
commandait la place de Condé en 1815.
Après la bataille de Waterloo, le colonel Gor-
don étant entré dans la ville, en qualité de
parlementaire, avec des proclamations si-
gnées par Bourmont et Clouet, fut fusillé
d'après les excitations du lieutenant Miéton,
aide de camp du général. Bonnaire et son
aide de camp ayant été ensuite traduits de-
vant un conseil de guerre, Miéton fut con-
damné à mort, et le général à la déportation
et à la dégradation préalable sur la place Ven-
dôme. Il ne put survivre a cette humiliation
infligée en face de la colonne qui rappelait
quelques-uns de ses glorieux faits d'armes,
et mourut peu de temps après.
BONN
BONN (André), chirurgien hollandais, né
a. Amsterdam en 1738, mort en 1819. Il étudia
la médecine à Leyde et s'y fit recevoir doc-
teur à, vingt-cinq ans, après avoir soutenu
une thèse fort remarquable : De continuatio-
nibus membranarum (1763), où l'on dit que le
célèbre Bichat a puisé quelques-unes de ses
idées. Après un séjour de quelques années à
Paris, Bonn fut nommé professeur d'anato-
mie et de chirurgie à Amsterdam- Ses prin-
cipaux ouvrages, outre la thèse dont nous
avons parlé, sont : Commentatio de humero
luxato (1782); Tabulœ anatomico-chirurgicœ
doctrinam hemiarum illustrantes, editœ a
G. Sandifort, etc. (1828, in-fol.).
IÏONNA, nom latin de Bonn, ville de l'an-
. cienne Gaule, sur le Rhin, qui fut pendant long-
temps le quartier de la première légion ro-
maine.
lïONNAFONT (Jean-Pierre), chirurgien fran-
çais, né' en 1805 à Plaisance (Gers). Il entra
dans l'armée en qualité d'aide chirurgien mi-
litaire, prit part en 1830 à l'expédition d'Al-
ger, se fit recevoir docteur en médecine à
Montpellier en 1834, et, après avoir passé de
longues années en Afrique, il fut nommé mé-
decin principal de l'Ecole d'état-major. On a
de lui : Réflexions sur l'Algérie (1846, in-8°) ;
De la surdi-mutité (1853, in-8°); Traité théo-
rique et pratique des maladies de l'oreille
(1S60, in-S°), ainsi que plusieurs mémoires pu-
bliés dans les Bulletins de l'Académie de mé-
decine^ notamment : Sur le choléra d'Alger
(1835); Sur l'influence du climat d'Afrique suv
la phthisie pulmonaire (1836); Sur le degré de
salubrité du climat d'Alger et son influence sur
la phthisie pulmonaire (1837), etc.
BONNA1UE (Louis DE), théologien français
et prêtre de l'Oratoire, né à Ramerupt-sur-
Aube vers 1680, mort à Paris en 1752. Ses
principaux ouvrages sont : Parallèle de la
morale des jésuites et de celle des païens (172G),
dont l'imprimeur fut mis à la Bastille;XEs-
prit des lois quintessencié (1751, 2 vol. in-12);
la Religion chrétienne méditée dans le véri-
table esprit de ses maximes (1745, 6 vol. in-12);
Leçons de la sagesse sur les défauts des hommes
(1737-1744, 3 vol. in-12); Remarques sur les
principales erreurs d'un livre intitulé : /'An-
cienne nouveauté de l'Ecriture sainte, par
A. Arnauld (1735). On lui attribue aussi, mais
en collaboration avec Boidot, le livre intitulé :
Traités historiques et polémiques de la fin du
monde, de la venue d'Elie et du retour des
juifs; mais Barbier prétend que l'auteur vé-
ritable de cet ouvrage plein d'érudition est
l'abbé Et. Mignot.
BONNA1RE (Félix), homme politique et ad-
ministrateur français, né en 1766. Il était ad-
ministrateur du département du Cher, lors-
qu'en 1798 il fut élu. membre du conseil des
• Cinq-Cents. Après la journée du 18 brumaire,
il remplit les fonctions de préfet dans les dé-
partements des Basses-Alpes, de la Charente,
d'Ille-et-Vilaine. Pendant les Cent-Jours, il
alla administrer le département de la Loire-
Inférieure, et" sous la Restauration Fouché lui
donna la préfecture de la Vienne, qu'il perdit
lorsque ce ministre fut disgracié.
BONNAIRE
BONNAIRE (A.), grammairien français. Il
a publié, dans la première moitié de ce siècle,
un assez grand nombre d'ouvrages, parmi
lesquels nous citerons : Nouveau vocabulaire
de la langue française (1829); Grammaire
française des commettants (1829); &ows de
thèmes (1830); Manuel des synonymes de la
langue française (1834); Petit traité de l'or-
thographe usuelle (1835); Maître Pierre ou le
Savant de village (1839).
BONNAIRETÉ
BONNAIRETÉ s. f. (bo-nè-re-té). Bonté, n
Vieux mot.
BONNAL
BONNAL (François DE), prélat français. V.
BONAL.
BONNARDBONNARD s. m. (bo-nar). Techn. Petite
ouverture par laquelle on fait du feu dans
les fours appelés arches, il On écrit aussi BO-
NARD.
BONNARDBONNARD (le chevalier Bernard DE), poëte
français, né à Semur-en-Auxois en 1744, mort
dans la même ville en 1784. D'abord avocat,
il servit ensuite dans l'artillerie, puis devint,
en 1770, sous-gouverneur des fils du duc d'Or-
léans, à. la recommandation de Maillebois et
de Buffon. Quelques désagréments l'obligè-
rent de quitter cette place, qui fut donnée en
1782 à Mme de Genlis, déjà gouvernante des
filles du duc. Bonnard reprit alors du service
et s'occupa de l'éducation de ses enfants.
Ayant fait inoculer son fils en 1784, il fut at-
taqué de la petite vérole et en mourut. Le
chevalier de Bonnard cultivait la poésie avec
succès. Ses vers sont aisés, naturels, délicats,
et son style ne manque ni de pureté ni d'élé-
gance. On a de lui : Poésies diverses (Paris,
1791, in-8°), précédées d'une notice de Sau-
tereau de Marsy. Parmi les pièces de Bon-
nard, l'un des pourvoyeurs de VAlmanack des
Muses, on cite surtout YEpitre à M. de Bouf-
' fiers et YEpitre à un ami revenant de l'armée.
Ce poète est fort estimable et trop peu ap-
précié ; rien dans ses vers ne sent le travail
et l'affectation. La muse et les douces affec-
tions de famille l'absorbaient tout entier.
Voici un spécimen de sa manière :
N'en déplaise au Gentil Bernard,
Aimer ne fut jamais un a r t j
Mais pour qui porte une âme tendre
E t voit vos dangereux appas,
Le grand art qu'il faudrait apprendre
Serait celui de n'aimer pas.
(A une. jolie femme, en lui envoyant
l'Art d'aimer.)
t Comme poëte, a dit La Harpe, il était de la
bonne école et du petit nombre de ceux qui
ont su faire de bons vers. » Comme homme,
de Bonnard était doux, aimable sans préten-
tions, et il jouissait d'une considération uni-
verselle. Garât publia en 1785 un Précis his-
torique sur sa vie. Il en existe une contrefa-
çon, publiée en 1797, dans laquelle on trouve
des pièces ajoutées, dit Péignot, et contenant
des traits satiriques contre M
m e
de Genlis.
BONNARD
BONNARD (Ennemond), général français,
né à Saint-Symphorien-d'Ozon (Dauphiné),
en 1756, mort en 1819. D'abord simple soldat
dans le régiment d'artillerie d'Auxonne, il alla
en Amérique sous Rochambeau. A son retour
en France, il monta rapidement au grade de
général de brigade. Il assista aux batailles de
Fleurus et de Duren, concourut à la prise de
Maëstricht et fut nommé général de division.
La Restauration le mit à, la retraite ,et il alla
résider à Tours, où il mourut. — Un autre
BONNARD
BONNARD était aide de camp du général Car-
teaux en 1793, et devint aussi général de di-
vision.
BONNARD
BONNARD (Jacques-Charles), architecte,
né à Paris en 1765, mort en 1818. Elève de
Renard, grand prix de Rome, il acheva ses
études en Italie, découvrit six aqueducs anti-
ques dans la ville éternelle, devint architecte
du ministère des affaires étrangères sous l'em-
pire, et commença le palais du quai d'Orsay,
qui ne fut achevé qu'en 1838, par M. Lacor-
née, et qui est aujourd'hui occupé par le Con-
seil d'Etat.
BONNARD
BONNARD (Charles - Louis), ingénieur et
philosophe français, né à Arnay-le-Duc, en
1769, mort en 1828. Nommé sous-ingénieur
constructeur au port de Toulon, il tomba griè-
vement malade, et ses infirmités le condam-
nèrent à vivre dans la retraite. Ce fut alors
qu'il consacra tous ses soins à composer un
grand ouvrage philosophique, dont la première
partie fut seule publiée sous le titre de : Mé-
taphysique nouvelle ou Essai sur le système
moral et intellectuel de l'homme (1826, 3 vol.
in-8°).
BONNARD
BONNARD (Auguste-Henri DE) . géologue,
fils du chevalier de Bonnard, né a Paris en
1781, mort en 1857. Elève de l'Ecole polytech-
nique, puis de l'Ecole des mines, il devint in-
génieur en chef en 1810 et inspecteur divi-
sionnaire en 1824. M. de Bonnard était, en
outre, membre du conseil général des mines, .
président de la Société géologique, membre
libre de l'Académie des sciences, etc. Il a
publié un grand nombre de mémoires dans les
recueils scientifiques : l'Exploitation de l'étain
en Cornouailles (1804); Aperçu des terrains
houillers du nord de la France (1810) ; Essai
geognostique sur l'Erzgebirge (1816): Notice
géognostique sur quelques parties de la Bour-
gogne (1825) ; Considérations sur la classifica-
tion des roches (1832), etc.
BONNARD
BONNARD (Jean-Louis), missionnaire fran-
çais, né à Saint-Christophe en Jarret en 1824,
mort en Chine en 1852. Poussé par une foi ar-
dente} il entra dans les ordres et il partit
presque aussitôt pour la Chine afin de se con-
sacrer à l'œuvre des missions. Arrivé en 1850
dans le Ton-King occidental, il apprit la
langue annamite, fut bientôt en état d'ensei-
gner l'Evangile a Ké-Bang et à Ké-Tring.
En 1852, il fut arrêté par ordre d'un mandarin,
interrogé et condamné à être jeté à la mer.
BONNART
BONNART (Jean-Baptiste), graveur et édi-
teur d'estampes, travaillait à Paris au milieu
du xvne siècle. On a de lui : Jésus au jardin
des Oliviers, d'après Ant. Coypel; quelques
portraits des membres de la famille royale de
France ; et des scènes de mœurs dont plusieurs
sont de véritables gravelures : le Crieur de
Cerises, la Crieuse de châtaignes, la Crieuse
de petits fromages, le Fendeur de bois, le Mar-
chand d'allumettes, la Vendeuse de mottes, etc.
— Jean-Baptiste-Henri BONNART, probable-
ment parent du précédent, vivait à Paris à la
même époque et a édité, entres autres estam-
pes : la Folie des hommes ou le Monde à re-
bours, et Tableau de l'industrie ou le Moyen
d'avoir de l'argent sans rien faire.
BONNARTBONNART (Robert-François), peintre et
graveur français, fils ou neveu de J.-B. Bon-
nart, né vers 1640, travaillait à Paris dans
la seconde moitié du xvne siècle. Il eut pour
maître Van der Meulen, d'après lequel il a
gravé : l'Entrée de la reine à Arras (1667);
l'Arrivée du roi au camp devant Maëstricht ;
la/Vise deValenciennes (1677) ; la Vue ducamp
royal devant Douai (1685). Il fut nommé pro-
fesseur h l'Académie de Saint-Luc, à Rome.
BONNART
BONNART (Nicolas), dessinateur et graveur
français, frère du précédent, né à Paris vers
' 1646. M. Le Blanc a catalogué, sous son nom,
trois cent soixante-dix-neuf estampes, parmi
lesquelles on remarque : les Sept miséricordes
(7 pièces) ; les Huit béatitudes (8 pièces);
Apollon et les Muses (10 pièces); les Trois
Grâces, les Parques, les Éléments, les Sai-
sons, les Mois, les Cinq sens, les Sept arts li-
béraux, les Quatre parties du monde, les
Quatre âges, les Empereurs et les Impératrices
de Borne (24 pièces) ; une trentaine de por-
traits
?
entre autres ceux de Louis XIV, de
Monsieur, frère du roi, du duc de Bourgogne
et de divers autres membres de la famille
royale, de Claude Le Pelletier; plus de deux
cents pièces, dans le goût de Jean-Baptiste
Bonnart, reproduisant des types, des costu-
mes, des sujets de genre, tels que le Berger
et la Bergère de Gonesse, Arlequin, Pantalon,
Crispin, Polichinelle, un Abbé en soutane, une
Dame à sa toilette, une Fille de qualité en ha-
bit de chasse, la Casaque d'hiver à la Brande-
bourg, la Courtisane vénitienne masquée, le
Crieur de Melons, une Femme d'Alger en dés-
habillé, une Dame en falbala à la promenade,
la Quêteuse, la Sage-femme, le Maître d'ar-
mes, le Janissaire, la Chanoinesse de Mons, la
Bonne femme de Meudon, etc.
BONNART
BONNART (Henri), graveur et éditeur d'es-
tampes, probablement de la famille des-précé-
dents, travaillait a Paris vers la fin du
xvne siècle et au commencement du xvme. I]
a publié un très-grand nombre de pièces :
les Vertus théologales, les Péchés capitaux;
les portraits de plusieurs princes, princesses,
• et grands-seigneurs de la cour de France, et
une nombreuse série de sujets de mœurs,
dans le goût de Jean-Baptiste et de Nicolas
Bonnart. M. Charles Le Blanc a donné, dans
son Manuel de l'amateur d'estampes, un cata-
logue assez complet de l'œuvre des Bonnart.
.BONNASSIEUX (Jean-Marie), sculpteur
français contemporain, né à Panissières
(Loire), vers 1810, se forma sous la direction
de M. Dumont, exposa au Salon de 1834 le
modèle en plâtre d'un Hyacinthe blessé, et
remporta, en 1836, le premier grand prix de
Rome. De cette dernière ville, il envoya au
Salon de 1842 un mélancolique et naïf petit
Amour se coupant les ailes, œuvre charmante
qui figure aujourd'hui au musée du Luxem-
bourg. De retour en France, "M. Bonnassieux
exposa, en 1844, deux jolis bustes bien étu-
diés et une statue en marbre de David berger,
qui lui valut une médaille de l
r e
classe et qui
fut achetée par l'Etat. Aux expositions sui-
vantes (1845, 1846 et 1847), il n'envoya que
des bustes ; mais on admira beaucoup leur
simplicité distinguée, leur modelé ferme et
précis. Le buste de M. Terme, maire et dé-
puté de Lyon, exposé en 1846, fut particuliè-
rement remarqué ; celui de Lacordaire, qui pa- ,
rut au Salon suivant, n'eut pas autant de.
succès : le sévère Gustave Planche prétend '
même que ce buste était un ouvrage médiocre
et plein de prétention, d'une sécheresse d'exé-
cution difficile à comprendre. M. Bonnassieux
exécuta ensuite la statue de Jeanne Hachette,
pour le Jardin du Luxembourg, et celle de la
Vierge Mère, pour l'église de Feurs (Loire).
Ces deux ouvrages parurent au Salon de 1848
et obtinrent une médaille de 2c classe. M. Bon-
nassieux exécuta, l'année suivante, les bustes
d'Ampère et de Ballanche, qui lui avaient été
commandés pour le musée de Lyon. Il fut dé-
coré et remporta une médaille de l
r
e classe
à la suite de l'Exposition universelle de 1855,
où figurèrent l'Amour se coupant les ailes, du
Luxembourg; une Tête d'étude, déjà exposée
en 1844, et une statue de la Méditation, figure
élégamment drapée et d'une grande dignité
de pose, dont 1 empereur voulut avoir une
copie. Après avoir exécuté pour le nouveau
Louvre une statue de la Prière, il reçut du
ministère d'Etat la commande d'une statue de
Voltaire pour la décoration du même édifice.
Catholique convaincu, il refusa énergiquement
de reproduire les traits de l'auteur du Diction-
naire philosophique ; le ministère ne lui garda
pas rancune de ce refus et le chargea d'exé-
cuter une statue de Fénelon. L'affaire eut
d'ailleurs un certain retentissement et valut à
M. Bonnassieux l'admiration et les sympathies
de tous ceux qui haïssaient cet infâme Vol-
taire. Un certain abbé D*** écrivait dans un
journal de Paris : «A la place de M. Bonnas-
sieux, il me semble que j'aurais accepté; jemo
serais vengé de Satan (Voltaire) en le pei -
gnant de la tête aux pieds. Mais ce n'était
point à M. Bonnassieux à traduire Satan au
pilori de l'horreur publique. » Quelle aménité
de langage! quelle charité évangéliquel
M. Bonnassieux gagna h. son antivoltairia-
nisme de devenir le sculpteur officiel du clergé
de France. Sa Vierge de Feurs avait, d'ail-
leurs, été justement remarquée. Il fut chargé
en 1857, d exécuter, pour la vallée du Puy, la
statue colossale (id m.) de Notre-Dame de
France, qui a été coulée avec le. bronze des
canons pris a. Sébastopol. Il fit ensuite la
Vierge de Boulogne-sur-Mer ; celle de Notre-
Dame de Grâces, pour le couronnement de
la façade de l'église Saint-Nizier, à Lyon;
celle de Saint-André de Tarare, etc. En 1864,
il a exposé la statue en bronze de Las-Cases,
exécutée pour la ville de Lavaur : les deux
bas- reliefs du .piédestal représentent Napo-
léon dictant ses campagnes au comte de Las-
Cases et le Comte de Las- Cases enlevé de Long-
wood par sir Hudson-Lowe.
BONNAT,BONNAT, bourg de France (Creuse), ch.-l.
de canton, arrond. et à 22 kilom. N. de Gué-
ret; pop. aggl. 395 hab. — pop. tôt. 2,712 h.
Tuileries, moulins à huile. En démolissant une
ancienne église de ce village, on a trouvé
dans les décombres plusieurs inscriptions ro-
maines, qui ont été déposées au musée de •
Guéret.
BONNAT
BONNAT (Léon-Joseph-Florentin), peintre
français contemporain, né à Bayonne en
1834, commença à étudier en Espagne sous la
direction de M. Frédéric de Madrazo. H entra
ensuite dans l'atelier de M. Cogniet, a Paris,
et exposa, pour son début, trois portraits au
Salon de 1857. Après cette exposition, il partit
pour l'Italie, où il se livra avec ardeur a l'é-
tude des chefs-d'œuvre des anciens maîtres.
Une peinture religieuse, le Bon samaritain,
qu'il envoya de Rome au Salon de 1859, an-
nonçait déjk de notables progrès. Au Salon
suivant (1861), il exposa une scène biblique,
bien composée et vigoureusement peinte,
Adam et Eve trouvant Abel mort, une char-
mante figure de fillette italienne, Mariuccia,
et un portrait ; ces ouvrages, où la manière
des maîtres espagnols était pastichée avec
bonheur, valurent à l'artiste une médaille de
2e classe. Un rappel de la mêuie récompense
lui fut décerné au Salon de 1803, où il avait
exposé une jeune Italienne, Maria, un portrait
et une grande toile religieuse, peinte dans le
style de Ribera, le Martyre de Saint-André.
Jusque-là, M. Bonnat avait fait preuve d'un
talent de praticien formé à bonne école, et
d'une véritable habileté à pasticher certains
maîtres ; mais il n'avait point encore réussi à
dégager sa personnalité. Il y parvint dans un
petit tableau exposé en 1864, et représentant
des Pèlerins au pied de la statue de saint
Pierre, à Borne. M. Th. Gautier n'hésita pas
à proclamer ce tableau une œuvre de premier
ordre : a Tout s'y trouve, dit-il, dessin, cou-
leur, profond sentiment des types, accord des
personnages et de l'architecture, accent per-
sonnel, originalité dans un sujet rebattu, tou-
che "grasse et large. » En même temps que
cette toile, M. Bonnat exposa une jolie figure
déjeune garçon italien demandant l'aumône
(Mezzo bajoco, Excellenza)., Il fut bien moins
heureux dans une Antigone conduisant son
père aveugle^ composition sans caractère et
d'une exécution lourde, qui a figuré au Salon
de 1865. Averti par cet insuccès, il a eu le bon
esprit de quitter les sentiers battus et rebat-
tus de la mythologie, pour revenir à ses pe-
tites scènes italiennes. On a beaucoup remar-
qué, au Salon de 1866', la toile séduisante,
d'une couleur chaude et profonde, d'un dessin
élégant et châtié, représentant des Paysans
napolitains devant le palais Farnèse. Ce ta-
bleau, digne pendant des Pèlerins, nous a
paru bien préférable au Saint Vincent de Paul
prenant la place d'un galérien, grand tableau
d'une coloration savante, mais d'une ordon-
nance peu agréable et d'un style pesant, et
malgré cela, une des meilleures peintures re-
ligieuses du Salon. M. Bonnat a obtenu pour
ces deux ouvrages une médaille de ire classe.
BONNATERRE
BONNATERRE (l'abbé), naturaliste fran-
çais, né vers 1752, mort à Saint-Geniez en
1804. Il composa, pour l'Encyclopédie métho-
dique, le Tableau encyclopédique et méthodi-
que des trais règnes de la nature. On lui doit
encore un Recueil de médecine vétérinaire
(1805), et une Notice sur le sauvage de l'Avey-
ron (an IX, in-18).
BONNAUD
BONNAUD (Jean-Baptiste),prêtre etthéolo-
gien français, né en Amérique en 1740, mort
en 1792. M. de Marbeuf, dont il gagna la pro-
tection par la publication d'un Discours sur le
projet à'accorder l'état civil aux protestants,
(1787), le nomma grand vicaire de Lyon et
lui confia quelque temps l'administration de
son diocèse. L'abbé Bonnaud publia, en outre,
plusieurs ouvrages où il attaquait avec éner-
gie les principes révolutionnaires. Cependant
1 archevêque, qui résidait toujours à Paris, y
avait appelé son grand vicaire, qui fut arrêté
après le 10 août 1792. On le renferma au cou-
vent des Carmes, rue de Vaugirard, et il y
périt dans les massacres du 2 septembre.
Parmi les écrits de l'abbé Bonnaud, nous ci-
terons : Tartufe épistolaire démasqué (Liège,
1777); Hérodote^ historien du peuple hébreu
BONN BONN
BONN
BONN 975
êans le,savoir (1786) ; Découverte importante
sur le vrai système de la constitution du clergé
„(l~91); etc.
BONNAY
BONNAY (François, marquis DE), homme
. politique et diplomate français, né en 1750,
mort en 1825. Il était lieutenant des gardes
du corps lorsqu'il fut nommé député suppléant
aux états généraux par la noblesse du Ni-
vernais. H fut appelé trois fois aux fonctions
de président de l'Assemblée nationale, et il
montra beaucoup de dignité dans cette posi-
tion difficile. Lors de l'arrestation du à roi Va-
rennes, le marquis de Bonnay fut accusé
d'avoir eu connaissance du projet de fuite,
mais il parvint à se justifier. A quelque temps
de là, il crut devoir émigrer, et lorsque, à
la mort du fils de Louis XVI, Louis XVIU
prit le titre de roi, ce prince l'attacha à son
service et lui confia diverses missions. Après
la seconde Restauration de 1815, il fut nommé
pair de France, lieutenant général, membre
du conseil privé et gouverneur de Fontaine-
bleau. Le marquis de Bonnay était intimement
lié avec le prince de Li^ne, qui disait un jour
. en parlant de lui : « Croie désormais qui vou-
dra aux apparences ! Regardez M. de Bonnay,
il est dévot, il est
1
marié, et cependant il a
l'air, la taille, les dehors d'un incrédule et
d'un célibataire. » Le marquis avait un esprit
léger et d'une vivacité charmante. Un jour,
se trouvant dans un salon, où, par manière
de passe-temps, on jouait aux épitaphes, il
composa sur son ami la suivante :
Ici gît le prince de Ligne,
Il est tout de son long couché.
Jadis il a beaucoup péché,
Mais ce n'était pas à la ligne.
De Bonnay publia, eD 1789, un petit poème
très-spirituel et très-ingénieux, sous ce titre :
la Prise des Annonciades.
BONNAUD
BONNAUD (Jacques-Philippe), général de
la République, né en 1757, à Bras-de-Sfttnt-
Maximin, mort à Bonn en 1797. Général à
l'armée du Nord (1792), il remporta de bril-
lants avantages sur le duc d'York, seconda
Pichegru dans la conquête de la Hollande,
passa à l'armée de Sambre-et-Meuse et se
distingua dans plusieurs affaires, notamment à
Castel, où il couvrit la retraite de l'armée, et
à Giessen, où il fut blessé mortellement. Son
nom est inscrit sur les tables de bronze de
Versailles.
BONNAYEBONNAYE s. f. (bo-na-ie). Bot. Genre de
scrofulariées à fleurs blanches ou rouges,
dont plusieurs espèces sont cultivées dans
nos jardins.
BONNEBONNE s. f. (bo-ne — fém. de bon). Ser-
vante, domestique femme : Prendre vne
30NNB. Renvoyer sa BONNE. OÙ est la BONNE ?
Appelez, sonnes la BONNE. C'est par écono-
mie que je me suis retiré à Passy, dans une
mansarde, sans BONNE, et vivant à peu de frais.
{Béranger.J il Se dit particulièrement d'une
fille chargée de soigner un enfant et de le
- promener : Une BONNE d'enfant. Une petite
BONNE. Allez, petit, rejoindre votre BONNE.
Les soldats passent pour de grands suborneurs
de
BONNESBONNES d'enfants. Si, enfants, nos BONNES
nous ont menés chez Séraphin, ne faut-il pas,
à nous vieillards, les tableaux de l'avenir?
(Balz.)
Notre jeune marquis, que la bonne a nourri,
Est un grand garnement, et j'en suis bien marri.
VOLTAIRE.
—Bonne à tout-faire ou pour tout faire,Ser-
vante seule chargée de tout le soin d'un mé-
nage, et, par conséquent, appelée à des fonc-
tions de plusieurs genres. Cette expression
est souvent employée dans un sens malicieux
et (jui fait allusion à des fonctions inavouées :
J'ai une manie, moi ; je vais prendre une BONNE
À TOUT FAIRE. (Alex. Dum.) Cette chanson ne
laisse rien à apprendre sur les façons en pra-
tique dans les cabarets; sur les habitudes dis-
solues des chambrières, BONNES A TOUT FAIRE,
comme dans nos modernes hôtelleries. ( Fran-
cisq. Michel.) On trouve facilement, au prix de
deux cent cinquante francs par an, des BONNES
POUR TOUT FAIRE, et qui, par conséquent, font
aussi les somnambules. (L. Huart.) il On a dit
plaisamment bonne à laisser tout faire, soit
pour accuser les servantes de paresse, soit
pour exprimer leur penchant a ne rien refu-
ser.
• — Contes de bonnes, Récits dont les bonnes
amusent les enfants; et, par anal., Récits
puérils et sans vraisemblance.
* BONNE, héroïne italienne, née d'une fa-
mille de paysans dans la Valteline, morte en
Morée l'an 1466. Elle fut d'abord la maîtresse
du capitaine parmesan Pierre Brunoro. Re-
vêtue d'un costume d'amazone, elle suivit le
capitaine sur divers champs de bataille, et,
dans la guerre des Vénitiens contre François
Sforza, duc de Milan, elle se signala par des
traits de courage extraordinaires. Brunoro
avait fini par en faire sa femme légitime, et,
lorsqu'il mourut, Bonne ne lui survécut pas
longtemps.
BONNE,
BONNE, reine do Pologne, morte en 1557.
Elle était fille du duc de Milan, Jean Galéas
Sforce. En 1518, elle épousa Sigis'mond Ier,
roi de Pologne. Après la mort de ce prince,
elle voulut se mêler du gouvernement, et
causa d'assez graves embarras à son fils
Sigismond-Auçuste. Enfin elle quitta la Po-
logne et se retira dans le royaume de Naples,
où elle possédait le duché de Bari.
BONNEBONNE (Rigobert), ingénieur et géographe
français, né à Raucourt (Ardennes) en 1727,
mort eh 1794. II assista, comme ingénieur, au
siège de Berg-op-Zoom, en 1747. On lui doit:
Petit atlas maritime des côtes de la France
(Paris, 1762); Tableau de la France, en 27
cartes (1764); Atlas pour l'Histoire philoso-
phique de Raynal; Atlas encyclopédique, pour
('Encyclopédie méthodique, en collaboration
avec Desmarets; Neptuneamérico-septentrio-
nal (18 cartes in-fol.).
BONNE
BONNE (François-Julien DE), magistrat
"belge, d'origine française, né à Bruxelles, en
1789. Nommé substitut en 1822 et juge en
1826, il se prononça, avec son collègue Herry,
en faveur de MM. de Potter, Tielemant
et _ autres inculpés dans un procès politi-
que- Démissionnaire après la révolution de
J830, il représenta la ville de Bruxelles à la
Chambre, de 1845 à 1848, et vota avec l'op-
position libérale. Depuis, il a décliné toute
candidature législative. Il est resté membre
du conseil provincial. Collaborateur des Ar-
chives de droit et dé législation, on lui doit
une brochure ou mémoire en faveur du petit
clergé : De l'inamovibilité des curés succursa-
listes (1846).
BONNEAUBONNEAU s. m. (bo-no— de bonne et eau).
Entremetteur de commerces illicites entre
personnes de sexe différent. C'est le nom
d'un personnage créé par Voltaire, et qu'il
définit ainsi :
Pour colorer comme on put cette affaire,
Le roi fit choix du conseiller Bonneau,
Confident sûr et très-bon Tourangeau:
Il eut remploi, qui certes n'est pas mince,
Et qu'à la cour, où tout se peint "en beau,
Nous appelons être l'ami du prince;
Mais qu'a la ville, et surtout en province.
Des gens grossiers ont nommé maquereau.
Il Vil complaisant : BONNEAU politique, il se
chargeait de toutes les missions.
— Pop. Niais, imbécile, nigaud : C'est un
BONNEAU.
— Morceau de bois ou de liège qui flotte
pour indiquer l'endroit où une ancre est
mouillée.
BONNEAU
BONNEAU (Jean-Yves-Alexandre), diplo-
mate français, né à Montpellier en 1739, mort
en 1805. Il était consul général de France en
Pologne lors du démembrement de ce pays,
et il s'est rendu célèbre par sa vive opposition
à cet acte odieux. Profondément irritée con-
tre lui, Catherine II le fit arrêter en 1794,
lorsque Souwarow rentra à Varsovie. Après
une captivité qui dura jusqu'à l'avénementde
Paul I
e r
, Bonneau put revenir en France;
mais sa femme et sa fille étaient mortes du
chagrin causé par la nouvelle de son arresta-
tion et du sort qui l'attendait. Accablé par ce
nouveau malheur, Bonneau succomba peu de
temps après son retour.
BONNEAU
BONNEAU (Alexandre) Journaliste français,
né le 26 avril 1820, à Exoudun (Deux-Sè-
vres). Son père, issu d'une famille dont plu-
sieurs membres payèrent de leur vie leur foi
au grand principe de la liberté de conscience,
était protestant; sa mère était catholique.
Il termina à Toulouse des études qu'il avait
brillamment ébauchées à-Niort, et put se per-
fectionner à Strasbourg dans l'étude de la
philosophie et des langues mortes. En 1842,
nous le retrouvons à l'Ecole de droit à Paris,
auditeur assidu de MM. Michelet et Quinet,
et cherchant à marcher sur les traces de Vic-
tor Hugo. Cité avantageusement dans le rap-
port sur le concours des jeux _floraux, bien
qu'il eût froissé plus d'une susceptibilité clas-
sique, il fit paraître un volume intitulé : Odes
- et poèmes. Malgré les encouragements de la
critique, M. Bonneau, plus sévère qu'elle, re-
tira 1 édition de ce livre. Deux strophes d'une
pièce intitulée Découragement feront com-
prendre la manière de l'auteur et ses sen-
timents à l'époque où il va se trouver aux
prises avec les difficultés de la vie :
Mais qu'ai-je dit? Allons, ô cœur pusillanime!
Souffre sans murmurer, que la vertu t'anime!
O mon cœur, sois comme un rocher!
Ne crains pas le courroux de la vague qui gronde;
Dans la fange d'en bas vois s'agiter le monde,
Et défends-lui de t'approcher !
• Fais le bien pour le bien ! méprise la fortune !
Elle est comme un ormeau transplanté sur la dune
Où mugit le flot indompté ;
Rien n'y fait refluer la vigueur et la sève,
Et l'arbre donne à peine à la stérile grève
Un peu d'ombrage dans l'été.
En 1845, M. Bonneau entra dans l'admini-
stration coloniale en Algérie ; mais le climat,
contraire à sa santé, l'obligea à revenir en
France, où il s'occupa de travaux très-sé-
rieux. Il étudia l'histoire progressive de l'hu-
manité au point de vue de la fusion des races
et du développement des idées à travers les
systèmes philosophiques et religieux. Telle
fut la base des connaissances qui ont alimenté
ses travaux de polémique et d'érudition. Il
fournissait de nombreux articles à l'Encyclo-
pédie du xrxe siècle et préparait une Histoire
des colonies primitives en Europe, dans la-
quelle il essaye d'asseoir sur une base nou-
velle l'histoire des civilisations occidentales,
et Y Histoire des Juifs, au point de vue ethno-
graphique, religieux et philosophique. La lie-
vue orientale a publié des extraits de cet ou-
vrage.
En 1854, sans abandonner l'antiquité,
M. Alexandre Bonneau se lança dans 1 étude
des questions modernes et fit ses premières
armes à la Presse, en donnant une série d'ar-
ticles sur les intérêts politiques et commer-
ciaux dans la mer Noire et dans l'Asie cen- t
traie. Il s'y occupa principalement des ques-
tions orientales, qui lui étaient familières. De ]
tous les journalistes, c'est celui qui suivit
le plus exactement cette fameuse campagne
de l'Inde, qui préoccupa l'Europe de 1857 à
1858.
Une de ses idées favorites, c'est d'opposer
une digue à l'ambition de la Russie et de r é -
gler pacifiquement la question d'Orient. Le
moyen, d'après lui, c'est de refouler les Turcs
en Asie, de métamorphoser Constantinople en
une ville neutre européenne, et de laisser les
nations slaves, roumaines et hellènes, se re-
constituer sur les ruines de l'empire ottoman.
La Presse lui doit encore des considérations
sur l'éducation physique, qu'il déplore devoir
si négligée en France; sur la constitution de
l'Algérie; sur la poésie, qu'il accuse d'être la.
source des superstitions. Une idée qui lui ap-
partint en propre, qui eut un retentissement
considérable et qui obtint en France l'hon-
neur d'une discussion à la Chambre des dé-
putés, c'est le projet de substituer à l'inhuma-
tion, qu'il qualifie de barbare, la crémation,
ou habitude de brûler les morts, usage r e -
nouvelé des temps antiques. Cette idée fit fu-
reur en Angleterre, où .se forma une société
de crémation ; en France, elle rencontra peu
de partisans; nul n'est prophète en son pays. •
M. Guéroult, alors rédacteur principal de la
Presse, confia en 1858 le bulletin politique
à M. Bonneau, qui se chargea d'y prophétiser
la guerre d'Italie. L'année suivante, en fon-
dant l'Opinion nationale, il le chargea des
mêmes fonctions, et depuis cette époque, nous
assistons tous les jours, dans'le bulletin poli-
tique de l'Opinion, à ses escarmouches en fa-
veur des nationalités. Depuis 1863, il partage
cette besogne avec M. Jules Labbé. C'est un
terrible adversaire pour la cour de Rome et la
Turquie, qu'il a attaquée dans deux brochures
intitulées : les Turcs et la civilisation, les
Turcs et les nationalités. «Le pouvoir tempo-
rel du pape est, d'après lui, une plaie sai-
gnante aux flancs de l'Eglise catholique,
qu'elle avilit à la face du monde. » Cette
phrase, considérée comme un outrage à un
gouvernement étranger, valut un avertisse-
ment à l'Opinion nationale.
M. Bonneau collabore en même temps à la
Hevue contemporaine et dirige la rédaction
d'une grande publication, l'Annuaire encyclo-
pédique, vaste recueil qui rend compte cha-
que année du mouvement universel de l'acti-
vité humaine dans toutes les branches des
lettres, des sciences, des arts, de la politi-
que, de l'industrie et du commerce.
.M. Bonneau, dans la polémique, se distin-
gue par l'énergie et la' précision de la pensée
et par une âpreté de style qui lui est propre,
et qui rappelle certains tours de phrase de
Saint-Simon. C'est une des plus vaillantes
plumes de l'Opinion nationale et de la presse
parisienne.
BONNECHOSE
BONNECHOSE (François-Paul-Emile Bois-
NORMAND DE), littérateur français, frère du
précédent, né à Leyerdorp (Hollande) en
1801- Il servit sous la Restauration, mais
donna sa démission d'officier d'état-major en
1830, et s'occupa dès lors exclusivement de '
littérature. Louis-Philippe le nomma biblio-
thécaire du palais de Saint-Cloud, place qu'O
conserva pendant toute la durée du règne. De
1850 à 1853, il a été également conservateur
de diverses bibliothèques de la liste civile. On
a de M. de Bonnechose une tragédie de Rose-
monde (1826), qui eut quelque succès; un
poème, la Mort de Bailly, couronné par l'A-
cadémie en 1833 ; une Histoire de France
(1834, 2 vol. in-12)", adoptée dans l'enseigne-
ment et qui eut dix éditions ; les Réformateurs
avant la Réforme (1844, 2 vol. in-4°), étude
très'-remarquable ; Chances de salut et condi-
tions d'existence de la société actuelle (1850) ;
Histoire d'Angleterre (1858-1859,4 vol. in-8<>),
couronnée par l'Académie française ; Géogra-
phie^ physique, historique et politique de la
France (1863, in-8°). On lui doit également
des biographies du Chevalier Bacon, de Tho-
mas Becket, des brochures politiques, etc.
BONNE-CARRERE
BONNE-CARRERE (Guillaume DE), homme
politique, né à Muret (Languedoc) en 1754,
mort eh 1825. Il fut chargé d une mission aux
Indes (1783-1786), se lia avec Mirabeau, Du-
mouriez et les jacobins, au commencement
de la Révolution, fut nommé en 1792 directeur
du département politique, emprisonné pen-
dant la Terreur pour des intrigues contre-ré-
volutionnaires, et chargé sous le Directoire
de différentes missions secrètes à l'étranger.
Il remplit encore sous l'Empire la place de di-
recteur de la police en Catalogne, et s'oc-
cupa ensuite d'entreprises industrielles.
BONNEC1IOSE (Henri-Marie-Gaston BOIS-
NORMAND DE), cardinal et sénateur, né à Pa-
ris en 1800. Il était avocat général à la cour
royale de Besançon lorsque, en 1830, sous l'in-
spiration de l'abbé Bautain, dont il devint un
des disciples intimes, il entra dans les ordres,
professa l'éloquence sacrée à Besançon, s'a-
donna avec succès à la prédication, et devint,
en 1843, supérieur de la communauté de
Saint-Louis, a Rome. Nommé évêque de Car-
cassonneen 1847, transféré au siège d'Kvreux
en 1854, il fut appelé en 1858 à occuper le
siège archiépiscopal de Rouen, et reçut le
chapeau de cardinal en 1863. Devenu séna-
teur par le fait même de sa promotion au car-
dinalat, M. de Bonnechose s'est montré,
comme tous ses collègues, le chaud partisan
du maintien de la souveraineté temporelle du
pape. Il a vivement protesté contre la poli-
tique qui a amené la convention du 15 sep-
tembre 1864, relativement à l'évacuation de
Rome. Il a également pris la parole pour se
plaindre de ce que le livre de M. Renan sur
la Vie de Jésus, et le roman du Maudit n'eus-
sent pas été l'objet de poursuites judiciaires.
Dans le cours de ces discussions, le cardinal,
ayant à parler de l'attitude que les prélats at-
tendent du. clergé inférieur, prononça un mot
qui fit sensation et qui est resté dans toutes
les mémoires : « Le clergé, dit-il, est un régi-
ment; il faut qu'il marche, n —M. de Bonne-
chose a écrit l'introduction d'un recueil de
lettres de l'abbé Bautain, publié sous le titre
de Philosophie du christianisme (1835, 2 vol.
in-8°).
BONNECORSE
BONNECORSE (Balthazar DE), poète, né à
Marseille, mort en 1706. Il fut consul de
France au Caire et en Phénicie, et composa,
outre diverses poésies assez fades, la Montre
d'amour (1666), suite de madrigaux sur l'em-
ploi amoureux des heures, et que l'auteur du
Lutrin fait figurer parmi les projectiles que
les chanoines se jettent à la tête. Bonnecorse
voulut lutter contre le terrible satirique ; il
répondit par une misérable parodie, le Lutri-
got, poème héroï-comique ; mais il ne mit pas
les railleurs de son côté. Boileau ensevelit son
médiocre adversaire sous le ridicule. Tout le
monde connaît l'épigramme :
Venez, Pradon et Bonnecorse,
Grands écrivains de même force, etc.
Les œuvres complètes de Bonnecorse ont
été publiées sous le titre de Poésies (Leyde,
1720).
BONNECHOSE
BONNECHOSE (Louis-Charles BOISNOR-
MAND DE), frère des précédents, né à Nimè-
gue en 1812, mort à Bourbon-Vendée en 1832.
Charles X l'admit au nombre de ses pages en
1828 ; deux ans après, le page suivit ce prince
dans l'exil, mais revint bientôt en France
pour apporter des instructions secrètes aux
royalistes des départements de l'Ouest. Il as-
sista au désastre de la Pénissière, y montra
beaucoup de courage et fut ensuite griève-
ment blessé dans une ferme, où il s'était re-
tiré pour y passer la nuit. On le transporta
dans une charrette à Bourbon-Vendée, où il
mourut dans la journée.
BONNECROY
BONNECROY (Jean-Baptiste), dessinateur
et graveur français, travaillait au milieu du
xvne siècle, dans le goût de Lucas van Uden
et de Louis de'Vadder. On ne connaît de lui
que huit estampes qui sont très-rares : Y En-
fant prodigue, le Troupeau près du hameau
(marqué / . B. F. Bonnecroy F.), le Berger
assis gardant son troupeau, le Bouvier et sa
famille, la Pièce d'eau au bord du chemin, la
Colline circulaire, le Berger au bord du bois,
le Cheval effrayé.
B O N N E - D A M E s. f. (bo-ne-da-me). Bot.
Plante potagère,-qui est une espèce d'arro-
che, et que 1 on nomme aussi BELLE-DAME.
BONNE
BONNE DÉESSE, divinité latine dont le
nom n'était connu que des femmes. Les uns
l'ont prise pour Cybèle, Fauna, d'autres pour
Ops ou Vesta, ou la Terre, etc. On la repré-
sente généralement comme intimement liée au
dieu Faunus, dont on la fait fréquemment la
sœur, la femme ou la fille, sous les différents
noms de Fauna, Fatua ou Orna. On la re-
trouve, de toute antiquité, honorée à Rome
comme jouissant du don de prophétie et pré-
sidant à la chasteté. La bonne déesse était une
divinité essentiellement féminine, dont le culte,
réservé aux femmes, était rigoureusement in-
terdit aux personnes de l'autre sexe. Faunus
lui-même n'avait pu vaincre, raconte la tra-
dition, l'aversion de la bonne déesse contre les
hommes, qu'en prenant la forme d'un serpent
(Cic, De Harusp. resp. 17; Varr. ap. Lac-
tant., i, 22). Elle ne rendait d'oracles qu'aux
femmes, de même que Faunus n'en rendait
qu'aux hommes. Cette sévère distinction éta-
blie entre le sexe permettrait de supposer à
ce double culte une origine orientale, hypo-
thèse qui du reste est conlirmée'par sa haute
antiquité. Son sanctuaire était une grotte si-
tuée sur l'Aventin et consacrée par une jeune
vierge, Claudia (Ovide, Fastes,v. 148 et suiv.) ;
cependant, à l'époque de Cicéron, elle avait
un autre sanctuaire entre Aricia et Bovillœ
(Cic, Pro Milone, 3l). Chaque année, depuis
Numa, au 1
e r
du mois de mai, il y avait en
son honneur une grande cérémonie religieuse,
qui s'accomplissait dans la maison du consul
et du préteur, et à l'occasion de laquelle on
faisait des sacrifices pour le salut et la pro-
spérité du peuple romain tout entier. La fête
était dirigée par les vestales, et naturelle-
ment les femmes seules étaient admises à y
prendre part (Cicéron, ad Att., i, 13; Dion
Cassius, XXXVIII, 45). Tout ce qui rappelait
l'idée du sexe masculin en était si soigneuse-
ment écarté, que le grand prêtre lui-même
n'y assistait pas, et qu'on voilait les repré-
sentations dTiommes et d'animaux mâles.
Longtemps ces mystères eurent un caractère
solennel et religieux; Cicéron les appelait les
mystères des Romains par excellence, et lors-
que Clodius les viola en s'y introduisant sous
un déguisement féminin, pour séduire la
femme de César, le scandale fut si grand, que
le sénat ordonna d'en informer.
Les femmes qui prenaient part au cuTte
mystérieux de la- bonne déesse devaient se
976 . BONN
BONN BONN
BONN
préparer à la cérémonie par diverses prati-
ques, en s'abstenant, par exemple, de toute
relation avec un homme. La maison du con-
sul ou du préteur, choisie pour la cérémonie,
était richement décorée par les vestales, en
manière de temple, avec des fleurs et des
feuillages de toute espèce d'arbres, excepté
de myrte, circonstance qui caractérise une
protestation contre les attributs et le culte ero-
tique de Vénus. La tête de la statue repré-
sentant la bonne déesse était ornée d'une cou-
ronne de pampres ; les femmes se paraient de
même. Il était défendu d'apporter du vin- le
vin nécessaire pour les libations, et qui se
trouvait dans un vase placé au milieu de la
chambre, portait par euphémisme le nom de
lait; le vase lui-même était appelé mella-
rium. La cérémonie commençait par un sa-
crifice nommé damium, d où le titre de celle
qui l'accomplissait : Damiatrix, celle qui fait
3e damium, et le surnom même de la déesse,
Damia. Festus donne de ces mots une éty-
mologie inacceptable. Quelques-uns pensent
que cette partie de la cérémonie consis-
tait dans le sacrifice d'un chamois, dama,
ou plutôt un daim. Mais Pline, dans son L/is-
toirc naturelle, dit formellement que ce sa-
crifice se composait de poules de toutes
couleurs, excepté la couleur noire. Cette
première cérémonie accomplie, les femmes
commençaient une danse bachique, et se met-
taient à faire des libations avec le vin du met-
lurinm dont nous avons parlé (Ju.vénal, vi,
304). Cela se faisait, paraît-il, en commémo-
ration de l'enivrement accidentel de la bonne
déesse, enivrement pendant lequel, surprise
par Faunus, elle avait été tuée avec un bâton
de myrte (Varr. ap. Lactant.; Aniob., adv.
gcnt., v. 18; Plutarque, Quœst. romanœ, 20).
Comme cette cérémonie avait lieu pendant la
nuit, elle était désignée sous le nom caracté-
ristique de sacrum opertum, ou de sacra oper-
tanca (Ciceron, De leg., n, 9; ad Att., i, 13).
Ces mystères, dont les dames romaines gar-
daient si bien le secret, passaient chez les
hommes pour fort licencieux. Ju vénal en a
tracé un tableau horrible, peut-être entaché
d'exagération': « On sait a présent, dit le
poêle satirique, ce qui se passe aux mystères
de la bonne déesse; quand la trompette agite
ces autres ménades, et que, la musique et le
vin excitant leurs transports, elles font voler
en tourbillons leur3 cheveux épars, et invo-
quent- Priape a grands cris. Quelle ardeur I
quels éclairs I quels torrents de vin ruissellent
sur leurs jambes! Lanfella, pour obtenir la
couronne offerte à la lubricité, provoque de
viles courtisanes, et remporte le prix. A son
tour, elle rend hommage aux fureurs de Mé-
dulline. Celle qui triomphe dans ce conflit est
regardée comme la plus noble. Là rien n'est
feint: les attitudes y sont d'une telle vérité,
qu'elles enflammeraient le vieux Priam et
1 infirme Nestor. Déjà les désirs exaltés veu-
lent être assouvis ; déjà chaque femme re-
connaît qu'elle ne tient dans ses bras qu'une
femme impuissante, et l'antre retentit de ces
cris unanimes : « Introduisez les hommes; la
déesse le permetI Mon amant dormirait-il?
qu'on l'éveille. Point d'amant? je me livre
aux esclaves. Point d'esclaves?
manquent, l'approche d'un âne ne l'effrayerait
pas. »
La bonne déesse était aussi considérée
comme une divinité douée du pouvoir de gué-
rir les maladies, comme on peut l'inférer du
symbole du serpent qui lui entourait le pied.
Nous savons ensuite, par Macrobe et Plutar-
que, qu'on vendait toute espèce de simples
et d'herbes médicinales dans son temple. C'est
même probablement à cette circonstance que
cette divinité doit son surnom de bona dea.
Les écrivains grecs identifiaient la bonne
déesse avec plusieurs de leurs divinités, en-
tre autres : Sémélé, Médée, Hécate et Per-
séphone. VAngitia des Marses semble avoir
joué chez ce peuple italique le même rôle
que la bonne déesse chez les Romains. Le
savant M. Léonhard Schmitz, auquel nous
empruntons la majeure partie de ces détails
intéressants, nous apprend que cette Angitia,
ou plutôt Anguitia, était adorée par les Mar-
ses, et en particulier par les habitants de
Morrubium. Sa principale fonction était de
f
>réserver de la morsure des serpents, et on
ui prêtait le pouvoir de tuer ces dangereux
reptiles par ses incantations, d'où son nom
an g ère ou anguis. Suivant Servius, le culte
d'Angitia était d'origine grecque; elle ne se-
rait autre d'après lui que Médée, qui, après
avoir quitté Colchis, serait venue en Italie
avec Jason, et aurait enseigné aux peuples
de ces contrées les remèdes qui lui ont fait
donner le surnom d'Angitia. Silius Italicus
(vin, 498) l'identifie complètement a Médée.
Son nom se rencontre dans différentes inscrip-
tions, et il avait été donné à une forêt située
entre Albe et le lac Fuccin.
Le célèbre archéologue allemand Gerhard
a publié, dans les Abhandenngen der konigl,
Atcademie der "Wissenschafften de Berlin, en
1847, une dissertation très-intéressante et fort
savante, sur Agatkodaimôn, le bon g-énie et
la divinité nommée bona dea. Il identifie cette
dernière avec Y Agathe tuahê, la Bonne For-
tune des Grecs. II traite la question au point
de vue archéologique et artistique, et donne, à
la fin de sa dissertation.de nombreuses plan-
ches destinées à en confirmer certains points.
Les lecteurs peuvent y recourir pour plus
amples renseignements.
BONNE-DE-SOULERS
BONNE-DE-SOULERS s. f. Hortic. Variété
de poire.
BONNE-ENCONTRE
BONNE-ENCONTRE s. f. Bonne fortune,
bonheur, par opposition à malencontre : De
BONNE-ENCONTBK. Par BONNE-ENCONTRE. H CO
mot a vieilli.
BONNE-ENTE
BONNE-ENTE s. f. Hortic. Variété de poire,
que l'on appelle aussi DOYENNÉ, i) PI. BONNKS-
KNTES.
BONNÉERBONNÉER v. a. ou tr. (bo-né-é). Borner.
Il Vieux mot.
BONNE-ESPÉRANCE
BONNE-ESPÉRANCE (cap de). V. CAP
BONNE
BONNE FOI s. f. Sincérité, franchise in-
tentions droites : Une fois que l'on arompu la
barrière de l'honneur et de la BONNE FOI, cette
perte est irréparable. (Fén.) La BONNE FOI est
une fidélité sans défiance et sans artifice,
(Vauven.) La BONNE FOI empêche qu'on ne
trompe les autres. (Dider.) Quand la BONNE
FOI règne, la parole suffit; quand elle n'a pas
lieu, le serment est inutile. (Raynal.)
— Jurispr. Croyance où Ton est que l'acte
ou le titre en vertu duquel on jouit de cer-
tains avantages légaux est valable, régu-
lier et exempt de tout vice, ou que la personne
avec laquelle on a contracté avait capacité
pour contracter elle-même, ou que les droits
corporels ou incorporels que l'on cède à un
tiers sont tels qu'on les a énoncés dans l'acte
de cession, ou que l'on est réellement tenu de
l'obligation qu'on acquitte : Etre de BONNE
FOI. Contracter de BONNE FOI. On n'est de
BONNEBONNE FOI aux yeux de la loi (en matière do
mariage) qu'autant qu'on a fait publiquement
ce qu'elle prescrit pour faire un acte légitime
(en matière de mariage). (Toullier.)
— Encycl. Jurispr. La justice et l'équité
devant être la base des relations légales entre
les hommes, le législateur a attaché une faveur
f
iarticulière aux actes accomplis de bonne foi;
orsqu'elle ne les ratifie p a s , malgré leurs
vices, elle leur fait produire certains effets
qu'elle refuse aux actes accomplis de mau-
vaise foi. Ainsi le mariage déclaré nul a tous
(
les effets civils d'un mariage régulier, tant à
l'égard des époux ou de l'un d'eux que pour
les enfants, s'il a été contracté de bonne foi,
au moins par l'un des conjoints (art. 201-202,
C. Nap.). Le possesseur d'une chose dont il se
croit légitime propriétaire n'est pas tenu de
restituer avec la chose, s'il en est évincé, les
fruits qu'elle a produits (art. 549 et 550,
I C. Nap.j. Le payement fait de bonne foi au
possesseur d'une créance est valable, bien
que ce possesseur en soit plus tard évincé
(art. 1240, C. Nap.). En matière de prescrip-
tion, la bonne foi produit des effets remar-
quables; elle permet, avec la condition d'un
juste titre d'acquisition, de prescrire la pro-
priété d'un immeuble par dix ou vingt ans; il
suffit qu'elle ait existé au moment de l'acqui-
sition (art. 2265 et 2269, C. Nap.). Le principe
fondamental est que la bonne foi se présume
toujours; c'est à celui qui allègue le dol, la
fraude et la mauvaise foi, de les prouver
(art. 1116 et 2266, C. Nap.). V. ces mots.
-i- Toutes actions sont de bonne foi. Cette
règle de l'ancien droit français (Loysel, ïnsti-
tutes Coutum., n° 690) veut dire que le de-
mandeur n'est point obligé de désigner ou de
nommer l'action qu'il veut intenter, comme
dans le droit romain; il suffit de déduire le
fait dans l'exploit. Dans le droit actuel, cette
règle a sa pleine et entière application.
— AU US. hiSt. Si la bonne fol était bannie
fin reste de la terre, e l l e devrait s e retrouver
dans le cœur d e s roi», Allusion à Un mot du
roi Jean.
Jean I I , dit le Bon, succéda à son père,
Philippe de Valois, en 1350 ; il trouva la France
• affaiblie par la guerre désastreuse qui avait
amené la déroute de Crécy. La trêve conclue
avec les Anglais après cette journée funeste
étant expirée, les deux nations rivales se ren-
contrèrent de nouveau dans les champs de
Poitiers, et là, comme à-Crécy, l'ardeur désor-
donnée des chevaliers français causa la perte
de la bataille. Le roi Jean fit personnellement
des prodiges de valeur, mais il ne put par-
venir à rallier son armée, et, emporté par son
courage au milieu des Anglais victorieux, il
se vit obligé de se rendre. Emmené d'abord à
Bordeaux, puis à Londres, il fut traité avec
les égards dus à son rang, sans qu'on négli-
geât toutefois les précautions nécessaires pour
s'assurer de sa personne. La captivité du roi
se prolongea plus de trois ans, pendant les-
quels la France eut à souffrir tous les maux
de l'anarchie et de la misère publique. Le
traité de Brétigny rendit la liberté à Jean le
Bon, mais il dut s'engager à payer une rançon
de trois millions d'écus d'or et à livrer des
otages, parmi lesquels on comptait deux de ses
fils. Quelque temps après, un de ceux-ci
s'étant échappé des mains des Anglais, Jean,
loin d'approuver ce manque de loi, se crut
obligé par l'honneur à se rendre de nouveau
prisonnier entre les mains de ses ennemis. Ses
conseillers voulaient le détourner de ce des-
sein; ce fut alors qu'il prononça ces belles
paroles, si souvent citées depuis : « Si la bonne
foi était bannie du reste de la terre, elle devrait
se retrouver dans le cœur et dans la bouche
des rois. »
Quelques historiens assurent que le roi Jean
retourna en Angleterre, non par mie raison
d'honneur, mais parce qu'il voulait revoir la
comtesse de Salisbury, dont il était éperdu-
) ment amoureux ; et comme, cette version une
fois admise, la belle parole du roi devient sans
objet, ils la nient. Nous n'avons rien trouvé
dans l'histore qui vienne à l'appui de cette
opinion. Le roi Jean avait alors près de
soixante ans, âge auquel un roi se détermine
plutôt par loyauté que par amour; et si nous
en voulions un autre témoignage, nous le trou-
verions dans ce vif désir de Jean le Bon, qui,
dit un chroniqueur, a ne désiroit autre chose
fors sa délivrance, à quelque meschief eue
ce fust. »
• Mon cher garçon, disait Fougas à Léon,
je t'ai étudié, je te connais, je t'aime bien; tu
mérites d'être heureux ; tu le seras. Tu verras
bientôt qu'en me rendant à la vie tu n'as pas
fait une mauvaise affaire. Si la reconnaissance
était bannie de l'univers, elle trouverait,un
dernier refuge dans le cœur de Fougas. J>
EDMOND ABOUT.
« Nos compatriotes de la Charente, à vrai
dire, ne sont pas tendres tous les jours envers
ceux de leurs concitoyens dont la profession
consiste à noircir du papier blanc. Notez que
la fabrication du papier étant une des sources
principales de la richesse de notre départe-
ment, on devrait y tenir dans une estime par-
ticulière ceux qui poussent à la consommation
de l'article. O logique! si tu es jamais exilée
de la terre, ce n'est point dans le chef-lieu de
la Charente que tu trouveras un doux refuge! o
ALBÉRIC SECOND.
« C'est pour réparer ce tort involontaire,
fait par vous deux à ma pauvre enfant, que
tu me demandes sa main pour ton fils; c'est
bien, c'est très-bien!... Je n'en avais pas
besoin pour savoir que, si la loyauté et la dé-
licatesse étaient exilées de la terre, on les re-
trouverait dans le cœur d'un d'Auberive. »
ARMAND DE PONTMARTIN.
• Si l'apologue, qui fait parler les bêtes, est
le plus riche répertoire de raison et de sagesse
que possède le monde, c'est la réaction de
notre loyauté native qui en est cause. Voyant
que la vérité était bannie du langage des
hommes, nous- l'avons forcée à chercher un
asile dans celui des oiseaux. »
TOUSSENEI..
BONNEFOIBONNEFOI (Ennemond), jurisconsulte fran-
çais, né à Chabeuil en 1536, mort à Genève
en 1574. Il professa le droit à l'université de
Valence, et Cujas, son collègue, a fait son
éloge. Il était protestant, et, après avoir
échappé, non sans peine, au massacre de la
Saint-Barthélémy, il se retira à Genève, où il
occupa une chaire de droit. On lui doit : Juris
orientalis libri tres^mperatoriœconsiitutiones,
sanctiones pontificiœ, etc. (Paris, 1573, in-8°).
BONNEFOI
BONNEFOI (Jean - Baptiste ) , chirurgien
français, né en 1756, mort en 1790. Il exerça
son art à Lyon, et s'est fait connaître par deux
mémoires couronnés par l'Académie de chi-
rurgie : Sur l'influence des passions de l'âme
dans les maladies chirurgicales (Lyon, 1783,
in-8°) ; Sur l'application de'l'électricité à l'art
de guérir (Lyon, 1783), et par une Analyse
raisonnes du rapport des commissaires sur le
magnétisme animal (Lyon, 1784, in-8°).
BONNEFOND
BONNEFOND (Jean-Claude), peintre fran-
çais contemporain, né à Lyon en 1796, fit ses
études sous la direction de Revoil, et rem-
porta, en 1813, le premier prix de peinture à
l'Ecole des beaux-arts de sa ville natale. Il
vint ensuite à Paris et exposa, en 1817, deux
tableaux de genre, la Chambre à coucher et
les Petits Savoyards, qui lui valurent une
médaille de 2e classe; en 1819, le Marchand
de volailles bressan et Y Aveugle; en 1822, le
Maréchal ferrand (appartenant à M. B. De-
lessert) ; en 182.4, le Itetour des petits Sa-
voyards, une Scène de la campagne d'Espagne
et la Chambre à louer. Ce dernier tableau fut
acquis par la ville de Lyon et prit place au
musée. Malgré les succès que lui avaient valus
ses premiers ouvrages, Bonnefond comprit
qu'il lui restait encore beaucoup à faire pour
s'affranchir de la manière minutieuse et sèche
qui caractérisait alors l'école lyonnaise. Con-
seillé par Guérin, il eut le courage d'aller se
frayer en Italie une voie nouvelle, et de r e -
commencer en quelque sorte son éducation
artistique. Il se forma un style plus large,
plus vigoureux, plus expressif, par l'étude des
chefs-d œuvre entassés dans les églises et dans
les galeries de Rome, de Naples, de Florence.
Il gagna beaucoup aussi à se fier, en Italie,
avec deux de ses compatriotes, Orsel et Vi-
bert, tous deux doués d'un talent supérieur, le
premier comme peintre, le second comme gra-
veur. Les tableaux suivants, qu'il envoya au
Salon de Paris de 1827, lui valurent une mé-
daille de l
r c
classe : Pèlerine fatiguée, secourue
par des moines; Bergères et bergers de la cam-
pagne de Home. En 1831, il exposa la Céré-
monie de l'eau sainte dans une église grecque,
un de ses meilleurs ouvrages (auj. au musée
de Lyon). Après avoir fait l'éloge de ce ta-
bleau , Gustave Planche s'exprimait ainsi :
« Que M. Bonnefond persévère avec sécurité,
et il obtiendra certainement un succès écla-
tant et durable. Que si, contre notre attente,
il s'arrêtait en chemin, si sa peinture de cette
année était son dernier mot, alors il faudrait
déclarer non avenues les espérances les plus
légitimes, les plus justes prétentions. » Bonne-
fond s'arrêta en chemin, mais ce fut volon-
tairement; appelé à remplacer Révoil comme
directeur de l'Ecole des oeaux-arts de Lyon,
il n'hésita pas à renoncer à sa carrière d'ar-
tiste, pour se consacrer tout entier à l'ensei-
fnement ; il introduisit d'importantes réformes
ans l'école lyonnaise, et lui donna cette sage
organisation qui lui a valu de si brillants
' succès. Il obtint tout d'abord de la ville do
Lyon la création d'un cours de gravure, dont
iTfit confier la direction à son ami Vibert; il
établit en outre un cours d'anatomie appliquée
aux arts, un cours d'ornement appliqué à
l'industrie, une classe de composition d'his-
toire pour préparer les élèves aux concours
des prix de Rome. Bonnefond reçut la croix
de la Légion d'honneur en 1834, et fut nommé
correspondant de l'Institut en 1854. Il mourut
à Lyon le 27 juin 1860, peu de temps après
Vibert, dont la perte avait été pour lui un coup
des plus cruels. Il fut lui-même vivement
regretté à Lyon, où il jouissait de.la plus
grande considération. Le inusée de cette ville
a de lui, outre les ouvrages que nous avons
cités : la Pèlerine blessée. ; un Officier grec
blessé sous les ruines de Missolongni ; le por-
trait de Jacquard (exposé à Paris en 1834).
Mentionnons encore : un Christ en croix (au
palais de justice de Lyon); une Glaneuse ro-
maine (appartenant h la Société des amis dos
arts) ; le Vœu à la Madone, œuvre capitale de
l'artiste, exposée après sa mort au Salon do
1861. Bonnefond peignit aussi un grand nom-
bre de-portraits.
BONNEFOI
BONNEFOI (Benoît), historien français, né
en Auvergne au xviie siècle. Ses principaux
ouvrages sont : Historia ortœ et oppugnatœ
kœresis in Gallia, de 1534 a 1664 (Toulouse,
1664, 2 vol.) j Séries seu Historia episcoporum
Megalonensium (Toulouse, 1652, in-fol.).
BONNEFOY
BONNEFOY ( François-Lambert DE), théo-
logien et historien français, né en 1749 près
de Vaison,mort en 1830. Il étaitgraud vicaire
à Angoulême, lorsque, par suite de refus de
serment, il se vit contraint à quitter la France
(1792). De retour dans sa patrie, après avoir
passé plusieurs années en Allemagne, il vécut
chez la princesse de Talmont, et s'occupa de
composer une histoire de la Révolution fran-
çaise qui n'a point été publiée. On a de lui,
entre autres écrits : De l'état religieux, son
esprit, son établissement et ses progrès, etc.
(Paris, 1784), en collaboration avec Bernard
de Besançon.
BONNEGARDE
BONNEGARDE (l'abbé), compilateur fran-
çais, qui florissait dans la seconde moitié du
xvme siècle. On a de lui : Dictionnaire histo-
rique et critique ou Recherches sur la vie, le
caractère, les mœurs et les opinions de plusieurs
hommes célèbres, tirées des dictionnaires de
MM. Bayte et Chauffepié, etc. (Lyon, 1771,
4 vol. in-8°). Cette compilation se compose
d'environ 600 articles remplis d'anecdotes,
mais très-incomplets, surtout au point de vue
bibliographique.
BONNEGRÂCE
BONNEGRÂCE (Charles-Adolphe), peintre
français contemporain, né à Toulon (Var)
vers 1810, eut pour maître le baron Gros, et
débuta par un portrait d'homme, au Salon
de 1834. Il a pris part à toutes les expositions
qui ont eu lieu à Paris depuis cette époque
jusqu'en 1866, excepté à celles de 1837, 1838,
1848, 1849, 1851 et 1852. Il a exécuté plu-
sieurs grandes compositions religieuses, entre
autres : Saint Pierre en prison (Salon de 1839),
tableau qui lui a valu une médaille de 3« classe ;
le Christ au tombeau (1840); la Vision de saint
Jean (1844); le Baptême de Jésus et Saint
Louis de-Gonzague en extase (1846) ; Saint Lau-
rent martyr, commande du ministère d'Etat
(1853) ; Jésus enfant parmi les docteurs (appar-
tenant à la ville de Toulon), l'une des œuvres
les plus importantes de l'artiste (Salon de 1855);
Saint François de Paule (1859); la Manne
dans le désert, tableau destiné à l'église Saint-
Louis-en-1'Ile
7
etc. M. Bonnegrâce a traité
aussidiverssujets mythologiques, notamment:
la Nuit chassée par l'Aurore (1841); Antiope
endormie; Daphnis et Chloé (1857); l'Amour
et Psyché (1859);' la Pudeur vaincue par
l'Amour, commande de l'empereur (1861). La
plupart de ces ouvrages se recommandent par
' fa sage ordonnance de la composition, l'habile
distribution de la lumière, la correction du
i dessin et la vérité des expressions; mais ils
j pèchent sous le rapport du style, qui n'est ni
assez élevé dans les sujets religieux, ni assez
élégant dans les scènes mythologiques. C'est
1
surtout comme portraitiste que M. Bonnegrâce
a droit h nos éloges. Il saisit à merveille la
ressemblance extérieure de ses modèles, et le
plus souvent aussi un reflet de leur physio-
nomie morale, et il apporte dans l'exécution
BONN
b e a u c o u p de f e r m e t é e t de c h a l e u r . Parfois
seulement, il n e s e défend p a s assez de c e t t e
g r a v i t é solennelle <)ui e s t de convention dans
les p o r t r a i t s d ' a p p a r a t d e s s o u v e r a i n s , mais
qui n e s a u r a i t ê t r e de mise dans c e u x d e s .
simples m o r t e l s . P a r m i les n o m b r e u x person-
n a g e s dont il a fixé les traits s u r la toile, nous
c i t e r o n s : MM. H a v i n , Louis J o u r d a n , Anatole
de Laforge, Michel, T e r r é , Léonce de Pesqui-
d o u x , Tehoumahoff, le comte de K l a h à u t ,
M'"c E r n e s t a G r i s i , e t c . M. B o n n e g r â c e a
obtenu u n e médaille de 2
e
classe, c o m m e por-
t r a i t i s t e , en 1842.
BONNEL
BONNEL ( C h a r l e s ) , j u r i s c o n s u l t e français,
n é à L a n g r e s , m o r t v e r s le milieu du x v m e siè-
cle. Il s'occupa b e a u c o u p de droit canon, e t
composa s u r c e sujet u n o u v r a g e publié a p r è s
sa mort, e t qui e u t beaucoup de s u c c è s . L a
seconde édition, r e v u e p a r M. de M a s s a c , a
p a r u sous ce titre : Institution au droit ecclé-
siastique de France ( P a r i s , 1678, in-12).
BONNEFONS
BONNEFONS ou BOXEFONS (Jean), polite
latin moderne, né à Clermont en 1554, mort à
Bar-sur-Seine en 1614. Il étudia le droit sous
Cujas et se lia étroitement avec son fils, qui
avait comme lui du goût pour les vers latins.
Plus tard, par la protection d'Achille de Har-
lay, il obtint la charge de lieutenant général
du bailliage de Bar-sur-Seiue. Ses poésies
furent publiées sous le titre de Pancharis
(Paris, 1587, in-8°) ; elles sont une imitation
de celles de Catulle, à qui Ménage l'a comparé.
— Son fils, Jean BONNEFONS, lui succéda dans
sa charge et composa aussi quelques pièces
de vers latins; entre autres, Mercurius (1G14,
in-8°), poème en l'honneur du maréchal d'An-
cre, et, trois ans plus tard, une satire contre
le même personnage.
BONNELLIE
BONNELLIE S. f. V . BONELLIE.
BONPÎEMAIN
BONPÎEMAIN ( A n t o i n e - J e a n - T h o m a s ) , con-
v e n t i o n n e l , né en 1757. 11 e x e r ç a i t la p r o f e s -
sion d ' a v o c a t à Arcis-sur-Aube lorsqu'il fut
n o m m é député à l a Convention , où il v o t a
pour la réclusion de Louis X V I , le b a n n i s s e -
m e n t à la paix e t le sursis. Il e n t r a ensuite
au conseil d e s C i n q - C e n t s , puis, sous le g o u -
v e r n e m e n t c o n s u l a i r e , il fut n o m m é p r é s i -
dent du tribunal de l
r e
instance d ' A r c i s - s u r -
Aube. On a de lui : les Chemises rouges, ou
Mémoires pour servir à l'histoire du règne
des anarchistes (1799, 2 v o l . in-8°) ; Instituts
républicains, ou Développement analytique des
facultés naturelles, civiles et politiques de
l'homme (1792); et lié génération des colonies
(1792).
B O N N E M A I S O N N I E s. f. ( ( b o - n e - m è - z o - n î
— do Bonnemaison, n . p r . ) . B o t . G e n r e d ' a l -
g u e s , de la famille d e s floridées, r e m a r q u a -
bles p a r l e u r belle c o u l e u r rose ou p o u r p r é e ,
et s u r t o u t p a r l ' é l é g a n t e d é c o u p u r e de l e u r
fronde. Il c o m p r e n d t r o i s espèces, d o n t d e u x
h a b i t e n t les côtes de l'océan A t l a n t i q u e e t
de la Méditerninnée.
BONN'EHÉE
BONN'EHÉE ( M a r c ) , c h a n t e u r f r a n ç a i s , né
à Moumours (Basses-Pyrénées) l e 2 a v r i l 1828,
fit s e s preinier.es é t u d e s musicales à l'école
succursale de Toulouse, e t fut admis comme
élève pensionnaire au C o n s e r v a t o i r e de P a r i s
le 25 n o v e m b r e 1850. Il obtint un p r e m i e r prix
de g r a n d o p é r a en 1852, un p r e m i e r prix de
c h a n t e t un d e u x i è m e prix a opéra-comique
l ' a n n é e s u i v a n t e . L e 16 d é c e m b r e 1853, il d é -
b u t a s u r le t h é â t r e de l'Opéra p a r le rôle d'Al-
p h o n s e , de l a Favorite. Baryton bien sonnant,
c h a n t e u r a g r é a b l e , il fut appelé à recueillir
l'héritage de Baroilhet. L a r e p r i s e de la Ves-
tale, en 1854, commença s a réputation, et les
h o n n e u r s de la r e p r é s e n t a t i o n lui r e v i n r e n t en
g r a n d e p a r t i e . S a voix mélodieuse le s e r v i t ad-
m i r a b l e m e n t dans s a création d e s Vêpres sici-
liennes (juin 1855). Applaudi e t r a p p e l é p a r la
salle e n t i è r e , on r a c o n t e qu'un t é n o r bien
connu, son c a m a r a d e à l'Académie de musique,
s'écria, a v e c un dépit .qui c a r a c t é r i s e assez
bien l'outrecuidante vanité de la p l u p a r t d e s
c h a n t e u r s : « Mon Dieu 1 où allonu-nous ? Si on
se m e t a faire d e s ovations a u x b a r y t o n s . . .
q u ' i n v e n t e r a - t - o n pour les ténors 1 » Outre l e s
Vêpres siciliennes, M. Bonnehée a créé e t r e -
p r i s a v e c succès un assez g r a n d n o m b r e de
r ô l e s .
BONNE-MAMAN
BONNE-MAMAN s. f. E x p r e s s i o n familière
et, affectueuse q u e les e n f a n t s s u r t o u t s u b s t i -
t u e n t -à celle de g r a n d ' m è r e : Souhaiter la
fête à sa BONNE-MAMAN, à BONNE-MAMAN. Votre
BONNE-MAMAN vient d'arriver. Valentine, dit
M. de Villefort. (Alex. D u m . )
BONNEMENT
BONNEMENT a d v . (bo-ne-man — r a d . bon).
De b o n n e foi, n a ï v e m e n t , s i m p l e m e n t , s a n s
d é t o u r . Avouez BONNEMENT. Faites tout BON-
N E M E N T ce que je vous ai dit. Il dit B O N N E -
MENT ce qu'il sentait dans le moment. (Boss.)
On se pardonne BONNEMENT tous ses défauts
de société. (Fléch.) Un honnête homme vous
dit une chose BONNEMENT et comme elle est.
(M"
1
"-' de Sév.) Le roi Louis XIV s'appropriait
tout avec une facilité et une complaisance ad-
mirables; il se croyait BONNEMENT tel que ses
flatteurs le dépeignaient. (St-Sim.) Je n'aipas
été circonspect, je me suis laissé aller tout
BONNEMENT. (Dider.) Je vais mon petit chemin
tout
BONNEMENT,BONNEMENT, faisant le plus de bien et le
moins de mal que je peux. (M
m ( i
d ' E p i n a y . )
Homère parle tout BONNEMENT, parce qu'il a
quelque .chose à dire. ( P o n s a r d . )
Je viens tout bonnement pour louer une loge.
C. DELAVIONE.
Ah! tu crois bonnement les contes qu'on te fait!
ALEX. DUMAS.
Pour moi, j'aime les gens dont l'àme peut se lire,
Qui disent bonnement oui pour oui, non pour non.
GRESSET.
— V r a i m e n t , p r é c i s é m e n t , a u j u s t e ; d a n s
ce s e n s , qui a vieilli, il n e s ' e m p l o y a i t q u ' a v e c
la n é g a t i o n : Je ne sais pas BONNEMENT com-
bien il y a d'ici là. (Acad.)
Lorsque je compare
Les plaisirs de ce singe à ceux de cet avare,
Je ne sais bonnement auquel donner le prix.
LA FONTAINE.
BONNEMERBONNEMER ( F r a n ç o i s ) , p e i n t r e e t g r a v e u r
irançais, né à F a l a i s e e n 1637, m o r t e n 1689.
H e u t pour m a î t r e C h . L e B r u n , d'après l e -
quel il a g r a v é à l'eau-forte le Buisson ardent.
Kn 1675 , il devint m e m b r e de l'Académie de
peinture.
ÏL,
BONN
BONNEMÈREBONNEMÈRE ( J o s e p h - E u g è n e ) , littérateur
français, n é à S a u m u r e n 1813. Il d é b u t a dans
la c a r r i è r e littéraire p a r quelques pièces de
t h é â t r e : les Premiers fiacres, vaudeville e n
d e u x actes ; Micromëgas, féerie en cinq a c t e s ,
et fut ensuite a t t a c h é à la rédaction du Pré-
curseur de l'Ouest, j o u r n a l d'Angers. P u i s il
v i n t à P a r i s , où il collabora à la" Démocratie
pacifique, la Libre Recherche, la Revue de Pa-
ris, e t c . Plusieurs de ses mémoires furent cou-
r o n n é s p a r diverses Académies : les Paysans
au xixe.sièc/e (1847) ; Histoire de l'association
agricole et solutions p7'atiques (1849); le Mor-
cellement agricole et l'association. On lui doit
en outre u n e Histoire des paysans (1857, 2 vol.
i n - 8 ° ) . Depuis 1858, M. B o n n e m è r e a fourni
au Messager russe u n e série de Lettres à la
Russie sur la situation actuelle des paysans et
de l'agriculture en France.
B O N N E - N U X T s . m.-(bo-ne-nui). B o t . N o m
v u l g a i r e d ' u n e espèce d i p o m é e ou liseron,
BONNER
BONNER (EdmondJ, théologien a n g l a i s , n é
a H a n l e y , mort e n 1569. Il était, selon les u n s ,
fils d'un scieur de b o i s ; selon d ' a u t r e s , fils n a -
turel d'un p r ê t r e ; ce qu'il y a de c e r t a i n , c'est
que s a n a i s s a n c e fut o b s c u r e . A y a n t obtenu la
protection du cardinal W o l s e y , qui lui confia
des négociations i m p o r t a n t e s ; il d e v i n t s u c -
c e s s i v e m e n t chapelain de Henri VIII e t é v é q u e
de L o n d r e s ; mais a y a n t voulu p a r la suite
a p p o r t e r quelques restrictions a - l'autorité
r o y a l e d a n s les affaires ecclésiastiques, il fut
déposé e t r e n f e r m é dans u n e prison. Q u a t r e
a n s a p r è s , la r e i n e Marie l'en fit sortir, mais
il y fi."jt enfermé de n o u v e a u p a r l'ordre d'Eli-
s a b e t h . Il a laissé, e n t r e a u t r e s o u v r a g e s :
Lettres à lord CromweU, l'Exposition du sym-
bole et des sept sacrements (1554, in-4°), e t c .
BONNE
BONNE SAVARDIN, officier s a r d e . V . S A -
VARDIN.
B O N N E S Œ U R - B O U R G I N I È R E S ( S i m é o n -
J a c q u e s - H e n r i ) , conventionnel, n é à Coutan-
ces, m o r t v e r s 1830. Il était a v o c a t dans s a
ville n a t a l e , lorsqu'il fut élu d é p u t é à la Con-
vention, où il siégea parmi les m o n t a g n a r d s .
Il e n t r a ensuite a u Conseil d e s a n c i e n s . A p r è s
le 18 b r u m a i r e , il d e v i n t président du tribunal
d e Mortain. Banni en 1816, il s'embarqua p o u r
l ' A n g l e t e r r e , - fut détenu quelque temps à
P o r t s m o u t h , puis e n v o y é e n s u r v e i l l a n c e à
A n v e r s . Il obtint, d e u x a n s a p r è s , l a p e r m i s -
sion de r e n t r e r en F r a n c e .
BONNET
BONNET s. m . ( b o - n è — b a s l a t . loneta,
s o r t e d'étoffe a u j o u r d ' h u i i n c o n n u e ) . Coiffure
d ' h o m m e , sans r e b o r d s : Un BONNET de laine,
de soie, de velours. Un BONNET de martre. Un
BONNETBONNET de papier, de carton. Un BONNET haut
et pointu. Amurat adopta pour coiffure le
BONNETBONNET d'or à la place du BONNET de lame
entouré d'une corde de mousseline. (V. Hugo.)
Quand je me suis marié, dit l'imprimeur, j'a-
vais, sur la tête un BONNET de papier pour
toute fortune, et mes deux bras. {Balz.) Les
peuples de l'Orient portent presque tous le
BONNETBONNET pointu. (Bachelet.)
Règne auguste de la perruque,
Le bourgeois qui te méconnaît
Mérite sur sa plate nuque
D'avoir un éternel bonnet.
A. DE MUSSET.
— Coiffure d e c e r t a i n s d i g n i t a i r e s , c o m m e
d o c t e u r s , a v o c a t s , j u g e s , p r o f e s s e u r s , ecclé-
s i a s t i q u e s : Un BONNET de docteur. ' Antigone
disputait le BONNET de grand prêtre et même
le vain titre de roi des Juifs. (Volt.)
Quitte là le bonnet, la Sorbonne et les bancs.
BOII-EAU.
Je"vois un courtisan sous ce docte bonnet.
C. DELAVIONE.
— Coiffure d e femme e n d e n t e l l e ou e n l i n -
g e r i e , m a i s a m p l e , p l u s l é g è r e e t p l u s s o u -
ple q u e le c h a p e a u : BONNET de gaze, de tulle,
de blonde, de valenciennes. Garniture de B O N -
NET. Monter un BONNET. Un simple BONNET de
percale, sans autre ornement qu'une ruche de
même étoffe, enveloppait sa chevelure. (Balz.)
Elle avait un BONNET de velours brun qui res-
semblait beaucoup àun béguin d'enfant. (Balz.)
Il P a r e x t . F e m m e coiffée d ' u n b o n n e t : L'é-
vêque se trouvait heureux d'avoir, dans une
pareille ville, un homme qui faisait accepter la
religion, qui savait remplir son église et y prê-
cher devant des BONNETS endormis. (Balz.)
— Bonnet de coton, B o n n e t de t r i c o t , le -
p l u s s o u v e n t d o u b l e , u n e m o i t i é é t a n t r e n -
t r é e d a n s l ' a u t r e , s o u v e n t t e r m i n é e n p o i n t e
et p o r t a n t u n e h o u p p e de fils de coton : Les
paysannes normandes ont unarand amour pour
le
BONNETBONNET D E COTON. (A. JaT.) En Angleterre,
on a coutume de mettre un BONNET D E COTON
sur les yeux du patient dont on va serrer le
cou. ( L . Gozlan.) A l'extérieur, ce digne et
grave marchand de BONNETS D E COTON parais-
sait >
plus aujourd'hui qu'un BONNET DE COTON sor-
dide. (M""-- E . de G i r a r . ) il F a m . U n h o m m e
d'un e s p r i t b o u r g e o i s , é t r o i t , b o r n é : C'est un
BONNETBONNET D E COTON. Dire que des BONNETS D E
COTON sont devenus pairs de France!
— Bonnet de nuit, Coiffure d ' h o m m e p o u r
la n u i t , d ' u n e forme t o u t à fait s e m b l a b l e à
celle de l a p r é c é d e n t e : Mettre, quitter son
BONNETBONNET DE NUIT, c'est de la prose? (Mol.) Tous
les valets, tous les voisins étaient en BONNETS
DE N U I T . ( M
i n
e d e S é v . )
Sitôt qu'il fait un peu de bruit,
Je lui mets son bonnet de nuit.
BÊRANGEtt.
BONN
Allons, Babet, un peu de complaisance;
Mon lait de poule et mon bonnet de nuit.
BÉRANGER.
— Bonnet d'âne, Coiffure d e p a p i e r , m u n i e
d e d e u x oreilles i m i t a n t celles d'un â n e d o n t
on coiffe u n e n f a n t à l'école p o u r le p u n i r e n
lui faisant h o n t e :
Mon crâne ossianique, aux lauriers destiné,
Du bonnet d'âne alors fut parfois couronné.
A. DE MUSSET.
— Bonnet de police, S o r t e de b o n n e t de
d r a p q u e p o r t e n t l e s m i l i t a i r e s en p e t i t e t e -
n u e : Le
BONNETBONNET DE NUIT. Quoi f quand je dis : Nicole,
apportez-moi mes pantoufles et me donnez mon
BONNETBONNET D E POUCE, à peu près aban-
donné, a reparu depuis quelque temps dans
l'armée française, il Bonnet à'poil, Coiffure
t r è s - é l e v é e , a r r o n d i e , c o u v e r t e d e longs poils
n o i r s , q u e p o r t e n t q u e l q u e s t r o u p e s d'élite,
d a n s l'infanterie e t d a n s la c a v a l e r i e : Les .
BONNETSBONNETS A P O I L des chasseurs, des grenadiers
de la garde, des sapeurs, des tambours-ma-
jors.
— Bonnet phrygien., Coiffure de laine, h a u t e ,
r e t o m b a n t o r d i n a i r e m e n t s u r le côté d e la
t ê t e , c o m m e celle q u e p o r t a i e n t les anciens
P h r y g i e n s , e t q u i fut p l u s t a r d a d o p t é e p o u r
les esclaves affranchis :'Un grand nombre de
pêcheurs câtiers sont coiffés de BONNETS P H R Y -
GIENS. Il S e d i t p a r t i c u l i è r e m e n t d ' u n b o n n e t
s e m b l a b l e à c e t t e coiffure a n t i q u e , q u i e s t
d e v e n u l ' e m b l è m e de la L i b e r t é e t de la R é -
p u b l i q u e personnifiées :
A son front virginal ma main n'a pas ôté
Le bonnet phrygien, qu'il n'a jamais porté.
C. DELAVIONE.
— Bonnet rouge, B o n n e t de d r a p r o u g e ,
a d o p t é p e n d a n t la R é v o l u t i o n p a r les r é v o l u -
t i o n n a i r e s les p l u s e x a l t é s , e t q u i d e v i n t à
c e t t e é p o q u e u n s i g n e d e p a t r i o t i s m e , n P a r
e x t . R é v o l u t i o n n a i r e , r é p u b l i c a i n a r d e n t :
C'est un
BONNETBONNET ROUGE. Le parti des BONNETS
R O U G E S .
— Bonnet vert, Coiffure q u ' é t a i t autrefois
obligé d e p o r t e r celui q u i faisait cession d e
b i e n s , p o u r é v i t e r d ' ê t r e p o u r s u i v i c o m m e
b a n q u e r o u t i e r : Prendre le BONNET V E R T .
Porter le
BONNETBONNET V E R T .
Les voilà sans crédit, sans argent, sans ressource.
Prêts a porter le bonnet vert.
LA FONTAINE.
Il Coiffure q u i d i s t i n g u e a u j o u r d ' h u i les for-
ç a t s c o n d a m n é s à p e r p é t u i t é de ceux qui n e
le sont qu'à t e m p s .
— Bonnet carré, Coiffure d e forme q u a d r a n -
g u l a i r e , q u e p o r t a i e n t autrefois les d o c t e u r s ,
les p r o f e s s e u r s , les j u g e s e t c e r t a i n s d i g n i -
t a i r e s , q u i l'ont g é n é r a l e m e n t r e m p l a c é p a r
la t o q u e : Jadis on n'instruisait les petits en-
fants qu'en BONNET CARRÉ et les verges à la
main. ( R i g a u l t . ) il Prendre le bonnet de doc-
teur , le bonnet doctoral, ou s i m p l e m e n t ,
Prendre le bonnet, Se faire r e c e v o i r d o c t e u r
d a n s u n e f a c u l t é : Il VIENT D E P R E N D R E L E
BONNET.
Faut-il avoir reçu te bonnet doctoral ?
BOILEAU.
Il Donner le bonnet à quelqu'un, L u i conférer
le d o c t o r a t .
— Bonnet pyramidal, B o n n e t de forme c o -
n i q u e p o r t é a u c h œ u r p a r l e c l e r g é , e t a u -
q u e l , d a n s p l u s i e u r s diocèses, on a s u b s t i t u é
le b o n n e t c a r r é .
— Gros bonnet, P e r s o n n a g e d ' i m p o r t a n c e :
Un GROS BONNET de son corps, de sa compa-
gnie. C'est un des GROS BONNETS du quartier.
J'ai fait déguster ce café par les plus GROS
BONNETS. (Brill.-Sav.) S'il ne se rencontre pas
dans le pays de fortune assez considérable pour
tenir maison ouverte, les GROS BONNETS choi-
sissent pour Heu de réunion la maison d'une
personne inoffensive. (Balz.) Il Coup de bonnet,
S a l u t a t i o n faite e n ô t a n t s o n b o n n e t , e n se
d é c o u v r a n t l a t ê t e .
— Loc. p r o v . Opiner du bonnet. O t e r s o n
b o n n e t p o u r m a r q u e r q u ' o n a d h è r e à l'avis
des a u t r e s : On alla aux voix sans quitter la
salle. Les juges O P I N È R E N T DU B O N N E T ; ils
étaient pressés. (V. H u g o . ) Il sera dispensé
de parler et peut OPINER DU BONNET. ( P . - L .
C o u r i e r . ) il Un échevin, qui avait été longtemps
bonnetier, et qui faisait partie de l'assemblée
des notables, se plaignait à un ami de l'em-
barras où il allait se trouver pour remplir di-
gnement son râle. « Ce que je vous conseille,
lui répliqua celui-ci, c'est de parler bas et
CTOPINER DU BONNET, J» il A voir la tête près du
bonnet., E t r e vif, e m p o r t é ; p r o m p t à p r e n d r e
feu : C'était un digne gentilhomme venu de
Picardie, et qui AVAIT, comme nous disons ici,
LA T È T E P R È S DU BONNET. (Balz.) Il Benserade
était un jour en discussion avec un ecclésias-
tique des plus distingués. Au plus fort de la
dispute, l'ecclésiastique reçut la nouvelle que le
saint-père venait de l'honorer du bonnet de
cardinal. « Parhleu! dit Benserade, j'étais
bien fou de m'attaquera un homme qui AVAIT LA
T Ê T E SI P R È S DU BONNET. » Il Jeter son bonnet,
A v o u e r q u ' o n e s t d a n s l'impossibilité d e r é -
s o u d r e u n e difficulté, r e n o n c e r à u n e e n t r e -
p r i s e qu'on n e c r o i t p a s p o u v o i r m e n e r à
b o n n e fin :
L'affaire est consultée, et tous les avocats,
Après avoir tourné le cas
En cent et cent mille manières,
Y jettent leur bonnet, se confessant vaincus.
• LA FONTAINE.
Il Jeter son bonnet par-dessus les moulins, D é -
c l a r e r q u ' o n a fini de p a r l e r ou q u e l'on n e .
s a i t c o m m e n t finir : Voilà ce que Moreuil m'a
dit, espérant que je vous le manderais : je J E T T B
BONN 977.
MON BONNET PAR-DESSUS LES MOULINS,.et jf
ne sais rien du reste. (Mme d e S é v . ) A s i -
gnifié d e p u i s P r e n d r e r é s o l u m e n t son p a r t i :
J'ai pris mon parti sur tout, et je J E T T E MON
BONNETBONNET PAR-DESSUS L E S MOULINS, pour n'avoir
plus la tête si près du bonnet. (Volt.) Signifie
s u r t o u t a u j o u r d ' h u i , B r a v e r le q u ' e n d i r a -
t-on, se m e t t r e an-dessus de l'opinion p u b l i q u e
e t m ê m e d e s b i e n s é a n c e s : Cette fille, après
avoir longtemps caché son inconduite, a fini
par J E T E R SON BONNET P A R - D E S S U S L E S M O U -
L I N S .
Mieux vaut avoir jeté, sans crier davantage.
Sa guimpe et son bonnet par-dessus les moulins.
A. BARTHET.
Il Prendre quelque chose sous son bonnet.
A v a n c e r s a n s p r e u v e u n e chose d é n u é e d e •
f o n d e m e n t , e t m ê m e d e v r a i s e m b l a n c e . Où
donc As-tu P R I S cela, ma belle? s o u s MON BON-
N E T ? (Balz.) Signifie ussi P r e n d r e s u r soi
t o u t e la r e s p o n s a b i l i t é d ' u n e chose : Non,
non, qu'il s'en tire; je ne PRENDRAI pas cela
s o u s MON BONNET, il Trouver une chose sous
son bonnet, la tirer de son bonnet, L a t i r e r d e
son c e r v e a u , l ' i m a g i n e r : TROUVEZ donc s o u s
VOTRE BONNET quelque façon de nous donner la
paix. (Volt.) |] Etre triste comme un bonnet de
nuit, E t r e c h a g r i n , soucieux, m é l a n c o l i q u e , il
Je m'en moque comme un âne d'un coup de bon-
net. Cela m e s t p a r f a i t e m e n t é g a l , indifférent.
Il C'est bonnet blanc et blanc bonnet, Ce s o n t
d e u x choses a b s o l u m e n t s e m b l a b l e s , l ' u n e
é q u i v a u t à l ' a u t r e . Il Ce sont deux, trois têtes
dans un bonnet, Ce s o n t d e u x , t r o i s p e r s o n n e s
t e l l e m e n t d'accord, qu'elles n ' e n font p o u r
ainsi d i r e q u ' u n e : Durant la vie du cardinal
de Richelieu, Senecterre, Chavigny et M. Ma-
zarin, C'ÉTAIENT T R O I S T È T E S DANS L E MÊME
BONNET. ( T a l l . d e s R é a u x . ) Voilà T R O I S B E L L E S
ET
BONNESBONNES T Ê T E S DANS UN BONNET ; la vàtre
7
celle de l'empereur des Romains et celle du roi
de Prusse. (Volt.) H Mettre la main au bonnet,
S a l u e r , il Avoir toujours la main au bonnet,
S a l u e r à t o r t e t à t r a v e r s , ê t r e d'une p o l i -
t e s s e o b s é q u i e u s e . Il C'est un homme dont il ne
faut parler que le bonnet à la main, C'est u n
n o m m e q u i m é r i t e d e s é g a r d s , un h o m m e
r e s p e c t a b l e . S e d i t s o u v e n t i r o n i q u e m e n t
d ' u n e p e r s o n n e q u i a de g r a n d e s p r é t e n t i o n s
à se faire r e s p e c t e r , il Parler à son bonnet, S e
p a r l e r à s o i - m ê m e , p a r l e r s a n s s'adresser à
p e r s o n n e . Se d i t s u r t o u t , à l ' e x e m p l e d u
m a î t r e J a c q u e s de Molière, l o r s q u e , p r e s s é
de d i r e à q u i l'on p a r l e , on n e v e n t p a s r é -
p o n d r e à la q u e s t i o n : Je P A R L E . . . j e P A R L E À.
MON BONNET. (Mol.) il Mettre son bonnet de
travers, E t r e de m a u v a i s e h u m e u r , c o m m e n -
cer à s e fâcher. Il Cette affaire du bonnet a
passé au bonnet, Elle a passé t o u t d ' u n e v o i x ,
s a n s d o n n e r lieu à a u c u n e discussion, il Per-
dre son bonnet, F a i r e de g r a n d e s p e r t e s : "
Notre poème n'avance guère, il faut s'en pren-
dre un peu au biribi, où je P E R D S MON BONNET.
(Volt.) il Janvier a trois bonnets, Dans le mois
d e j a n v i e r , il faut se bien c o u v r i r la t ê t e .
— B o t . Bonnet carré, F u s a i n , il Bonnet de
. crapaud, Bonnet de fou, Bonnet de matelot,
Bonnet romain, Bonnet de vache, N o m s v u l -
g a i r e s de p l u s i e u r s a g a r i c s . II Petit bonnet
d'argent, Espèce d ' a g a r i c q u i pousse p a r touf-
fes a u pied des a r b r e s .
— H o r t i c . Bonnet d'électeur
;
Bonnet de Turc,
Bonnet de prêtre, N o m d o n n e à q u e l q u e s v a -
r i é t é s de c o u r g e .
— C h i m . Bonnet d'Hippocrate ou à deux-
globes, S o r t e d e b a n d a g e p o u r la t ê t e , d o n t on
a t t r i b u a i t l ' i n v e n t i o n à H i p p o c r a t e . Il On d i t
a u s s i CAPELINE.
— A n a t . N o m v u l g a i r e d u second e s t o m a c
des a n i m a u x r u m i n a n t s .
— M a m m . Bonnet chinois, S i n g e d ' A m é r i -
q u e , du g e n r e m a c a q u e : Le BONNET CHINOIS
,a le poil du sommet de la tête disposé en forme
de calotte ou de bonnet plat. (Buff.)
— O r n i t h . P a r t i e s u p é r i e u r e d e l a t ê t e d'un
oiseau.
— Conchyl. Bonnet chinois, Bonnet de fou,
Bonnet de Neptune, Bonnet de Pologne, N o m
m a r c h a n d de p l u s i e u r s coquilles.
— Zooph. Bonnet de Neptune, E s p è c e d e
fongie.
— A r t culin. Bonnet de Turquie, P â t i s s e r i e
e n forme d e t u r b a n .
— V é n e r . Bonnet carré, T ê t e du cerf, q u a n d
il a du refait aussi h a u t q u e l e s oreilles.
— Min. Bonnet carré, T r é p a n de s o n d e t e r -
m i n é p a r u n e p y r a m i d e q u a d r a n g u l a i r e , d o n t
la d i a g o n a l e e s t égale a u d i a m è t r e d u t r o u .
Il Bonnet d'évêque, A u t r e t r é p a n de sonde
d o n t l ' e x t r é m i t é acérée e s t p y r a m i d a l e .
— Fortif. Bonnet à prêtre ou de prêtre,
P i è c e d é t a c h é e d o n t la t ê t e forme t r o i s a n -
g l e s r e n t r a n t s e t trois a n g l e s s a i l l a n t s , n On
l ' a p p e l l e a u s s i QUEUE D'ARONDE.
— J e u x . S o m m e d ' a r g e n t filoutée a u j e u .
H V i e u x m o t .
— M u s . Bonnet chinois, I n s t r u m e n t d e m u -
s i q u e m i l i t a i r e , faisant p a r t i e de la b a t t e r i e .
H O n l'appelle p l u s s o u v e n t CHAPEAU C H I -
NOIS.
— T e c h n . P a r t i e s u p é r i e u r e d'un couvercle
d'encensoir, il S o r t e d'écrou q u i n ' e s t p a s
E
ercé d ' o u t r e e n o u t r e : il Genouillère d e s
o t t e s d e s c o u r r i e r s , il Bonnet carré, E s p è c e
d e foret à q u a t r e ailes.
— T y p o g r . D a n s le l a n g a g e d e s t y p o g r a -
p h e s , on appello bonnet u n n o y a u d e c o m p o -
s i t e u r s d e p u i s l o n g t e m p s d a n s l a m a i s o n , qu>
se s o u t i e n n e n t m u t u e l l e m e n t , se p a r t a g e n l
123
978 BONN
BONN
BONN BONN
les meilleurs travaux; et, loin de pratiquer
les principes de fraternité, font aux nouveaux
venus une opposition sourde et presque ir-
résistible : H n'est pas possible de gagner sa
vie daris cette maison; le BONNHT est tout-puis-
sant. Prends garde, si lu contraries le BONNET,
tu seras débauché.
— Encycl. Bonnet de coton. Le bonnet de
coton est un frappant exemple de l'instabilité
des choses humaines et du pouvoir despotique
et aveugle de la mode. Il était difficile de
trouver un couvre-chef plus souple, plus com-
mode que ce tissu qui protégeait les jeunes
tètes aussi bien que les vieilles. Malgré cela,
l'heure de sa décadence a sonné ; il a fait
place à l'élégant, mais incommode foulard, et,
pour s'en servir aujourd'hui, il faut s'en cacher
comme d'un crime, mieux, comme d'une infir-
mité ridicule. Le bonnet de coton est par ex-
cellence l'attribut de la classe bourgeoise ;
tous les bourgeois célèbres : M. Denis, M. Jo-
seph Prudhomme, professeur de calligraphie,
élève de Brard et Saint-Omer,et aussi le spi-
rituel docteur Véron, sont souvent représentés
avec l'inévitable casque-à-mèche, qui com-
plète le caractère de leur physionomie. Le
règne de Louis-Philippe, qui fut le règne de
la bourgeoisie, fut par excellence celui des
bonnets de coton; l'on se souvient de Jérôme
Paturot plaidant devant les membres de l'en-
quête la cause du bonnet de coton national.
Quelques malins satiriques voulurent même
donner pour armes à la dynastie de Juillet un
bonnet de colon et un parapluie, et personne
n'a oublié la poire fantastique coiffée d'un
phénoménal bonnet de coton. La révolution de
1848 lui a porté un coup fatal, dont il ne se
relèvera peut-être jamais. Quel que soit ie
sort qu! l'attend, le bonnet de coton n'a pas à
se plaindre, il peut mourir sans honte : notre
jioëte populaire l'a illustré; dans sa chanson
du Roi d Yuetot, Béranger couronne de cette
placide coitfure son prince débonnaire :
Il était un roi d'Yvetot,
Peu connu dans l'histoire,
Se levant tard, se couchant tôt.
Dormant fort bien sans gloire;
Et couronné par Jeanneton
D'un simple bonnet de coton,
Dit-on.
Oh! oh! oh! oh!
A h ! a h ! a h ! a h !
Quel bon petit roi c'était là!
Là! l à !
Mais ce n'est pas tout : le bonnet de coton,
qui s'en douterait? a dans ses annales une page
héroïque; comme la robe, il a pu s'écrier :
Cédant arma togœ. Il a fait ce qui a été re-
fusé à bien des rois, il a résisté victorieuse-
ment à Napoléon, qui était alors au faîte de la
gloire et' de la puissance. Voici à quelle occa-
sion : le poète Lemercier, esprit original et
aventureux, avait voulu briser le moule uni-
forme dans lequel se coulaient toutes les tra-
gédies; aussi dans sa pièce de Christophe Co-
lomb, jouée à l'Odéon, les deux premiers actes
se passaient en France et les trois derniers
en Amérique. La jeunesse des écoles, encore
fortement attachée aux traditions classiques,
quantum mutata! vit avec horreur une pareille
audace, cria au scandale, et siffla à outrance
f
iour soutenir la cause des trois unités. Napo-
éon, qui voulait être seul juge du mérite des
ouvrages d'esprit, vit avec déplaisir cette dés-
approbation exprimée si bruyamment; il or-
donna de rejouer la pièce le lendemain, et il
est inutile de dire ou elle fut accueillie par la
même tempête de sifflets. Cette fois, l'empereur
se fâcha bel et bien ; il ordonna une troisième
représentation, où il voulut assister lui-même,
et il y vint accompagné de deux régiments, ar-
gument toujours irrésistible. La salle était
pleine, et la venue de l'empereur avait aug-
menté le nombre des spectateurs, loin de l e
diminuer. Les deux premiers actes marchèrent
sans encombre; quand on arriva au troisième,
qui était ordinairement accueilli par des bor-
dées de sifflets, l'empereur regarda la salle
pour voir si on oserait le braver en face; mais
un spectacle nouveau et singulier frappa sou-
dain sa vue : depuis le haut du théâtre jusqu'en
bas les spectateurs avaient tiré de leur poche
un immense bonnet de coton; ils l'avaient posé
sur leur tête, qu'ils tenaient penchée dans
l'attitude d'un homme qui dort. A cette vue,
Napoléon ne put tenir son sérieux, il trouva
la protestation ingénieuse : il avait ri, il était
désarmé, la cause du poète fut perdue, et la
protestation au bonnet de coton triompha. Mal-
gré tout, cette coiffure tant bafouée est encore
employée non-seulement la nuit par la plus
laide.moitié du genre humain, mais par le beau
sexe même dans certains cantons de la Nor-
mandie. En terminant, n'oublions pas de dire
que : Marchand de BONNETS DE COTON est une
locution dédaigneuse, par laquelle celui qui
s'en sert veut désigner un homme ignorant,
aux idées étroites et vulgaires, incapable de
comprendre les questions élevées d'art ou de
littérature et uniquement préoccupé du petit
g
ain que peut lui rapporter le commerce auquel
se livre.
— Bonnet vert. Le bonnet vert des banque-
routiers est une invention de l'ancienne Rome.
Cette coiffure y était imposée à tout débiteur
admis à la cession de ses biens, pour empê-
cher, par la crainte du déshonneur et du ridi-
cule, de recourir trop fréquemment à ce fa-
cile moyen d'acquitter ses dettes. C'est de
cette peine, importée d'Italie en France, que
(tarie Boileau dans sa première satire, lors-
qu'il décrit les déconvenues d'un poète aux
abois qui s'exile de Paris, cette ville ingrate,
afin d'éviter qu'on l'y emprisonne,
Ou que d'un bonnet vert le Balutaire affront
Flétrisse les lauriers qui lui couvrent le front.
-Ce bonnet vert fut importé en France dès le
xvie siècle. Un arrêt réglementaire du parle-
• ment de Paris de l'année 1582 exigeait que le
bonnet vert fût fourni par le créancier lui-
même; mais, une fois fourni, le débiteur était
tenu de le porter continuellement, et s'il était
trouvé sans ledit bonnet, ses créanciers avaient
le droit de le faire remettre es prisons.
Le banqueroutier devait aller recevoir le
bonnet vert des mains du bourreau, au pied
même du pilori des Halles. Voici comment
Sauvai, dans ses Antiquités de Paris, parle de
cette coutume, au chapitre PILORI : « La croix
dressée près de là, à la façon des autres
gibets, subsiste encore aujourd'hui. A ses pieds
les eessionnaires devaient venir déclarer qu'ils
faisaient cession et recevoir le bonnet vert des
mains du bourreau ; sans cela les cessions
n'avaient point lieu, il y a quelques années. Les
lois avaient attaché cette ignominie à la qua-
lité de cessîonnaire,- afin d'obliger chacun à
prendre garde de près à ses affaires, et ne pas
s'engager si librement; ce qui a quelque rap-
port avec la coutume des anciens Romains, qui
ne souffraient point de femmes publiques qu a-
près en avoir fait la déclaration aux magis-
trats. Depuis peu, on n'use plus de cette ri-
gueur, et il n'y a que les misérables à qui on
tasse cet affront, et encore n'est-ce plus
l'exécuteur qui fait les cris ordinaires, mais
quelque crocheteur ou autre, à qui il donne
cette commission. Le tout commence pourtant
si bien à s'abolir que la plupart se contentent
d'envoyer quérir un acte de ce nouveau com-
mis, les autres n'y songent seulement pas. Et
de vrai, tant de monde fait cession, que si
tous les cessionnaires étaient obligés à prendre
de tels actes, cette ferme vaudrait plus au
bourreau que son métier. » Que dirait donc
aujourd'hui cet honnête Sauvai? — C'est sans
doute en souvenir de la législation sur les ces-
sionnaires que le bonnet vert a été adopté dans
les bagnes, comme signe distinctif du galérien
condamné à perpétuité.
— Hist. Bonnet rouge. Le bonnet rouge a
été la coiffure nationale et populaire, insigne
du civisme et emblème de la liberté non-
seulement pendant la Terreur, comme on l'a
répété, mais dans tout le cours de la Révolu-
tion. On a prétendu que les révolutionnaires
l'avaient emprunté aux galériens, dont c'était
la coiffure, en l'honneur des Suisses du régi-
ment de Châteauvieux condamnés aux galères
pour l'insurrection de Nancy, graciés par l'As-
semblée législative,-dont le voyage de Brest
à Paris ne fut qu'un long triomphe, et
publique pleine d'éclat et de solennité, le
15 avril 1792.
Cette origine assignée au bonnet rouge est
une de ces mille erreurs dont se compose
l'histoire légendaire de la Révolution, et l'in-
tention malveillante n'en saurait échapper.
Ceux qui l'ont imaginée ont trouvé piquant,
sans doute, de coiffer la Liberté du bonnet des
forçats. Mais cette tradition est entièrement
fausse. Dès 1789, "on voit figurer le bonnet de
la Liberté parmi les symboles révolutionnaires.
En août de cette année, un artiste du nom de
La Neufville présenta à La Fayette un projet
d'enseigne pour les drapeaux, représentant, au
milieu de divers emblèmes et inscriptions, un
coq, symbole de la France, surmonté d'un
bonnet, emblème de la liberté. (V. les Révolu-
tions de Paris, no VI, 16-22 août 1789.) Le
marquis de Villette écrit, dans la Chronique de
Paris, le 25 janvier 1790, après un long pas-
sage où il raille spirituellement l'étiquette mi-
nutieuse et ridicule de la cour : « Nous avons
pris le bonnet de la Liberté sans tant de céré-
monie. » Après le décret du 19 juin de la même
année, qui abolissait la noblesse et les armoi-
ries, quelques patriotes riches firent peindre
sur les panneaux de leur voiture le bonnet
de la Liberté. (V. CAMILLE DBSMOULINS.) Le
M juillet suivant, jour de la grande fédéra-
tion, on avait planté un bois artificiel sur les
ruines de la Bastille. « Au milieu de cet antre
du despotisme, on avait aussi planté une
pique, surmontée d'un bonnet de la Liberté. »
(Camille Desmoulins, Révolutions de France et
de Brabant, n° 35.) A la même époque, la mu-
nicipalité parisienne avait déjà placé cet em-
blème au-dessus de son nouvel écusson, comme
on peut le voir dans les vignettes imprimées
de ses pièces officielles. Nous pourrions mul-
tiplier ces exemples; mais ceux-ci suffisent,
puisqu'ils prouvent sans répliqua que long-
temps avant 1792, et dès le début de la Révo-
lution, le bonnet symbolique était adopté et
consacré.
C'était d'ailleurs un emblème traditionnel
et véritablement classique, dont l'origine se
perd dans les lointains brumeux de l'histoire.
Nous le trouvons chez les Grecs et chez les
•Romains. Dans toute l'antiquité, en effet,
l'esclave affranchi était coiffé du chapeau en
même temps qu'il recevait la liberté. Géné-
ralement, l'esclave allait tête nue, sauf à
Sparte, où l'ilote était coiffé d'un bonnet de
peau de chien, réputé ignominieux. Mais dans
cet Etat même, quand on affranchissait un
esclave, on le coiftait d'une sorte de chapeau
orné de fleurs. Ce don d'une coiffure, à des
êtres qui en étaient presque partout légale-
ment privés dans la servitude, était le symbole
expressif de l'acte qui les tirait d'une condi-
tion en quelque sorte animale, pour les rappro-
cher de celle de l'homme et du citoyen.
On connaît cet épisode de l'histoire de la
Rome primitive (l'an 460 avant l'ère chré-
tienne) : un chef sabin, du nom d'Herdonius,
s'empara une nuit du Capitule à la tête d'une
poignée d'aventuriers. Le jour venu, il tenta
de rassembler des forces en appelant les es-
claves à la liberté par le signe compris de
tous, c'est-à-dire en arborant un pileum ou
bonnet au bout d'un javelot. Voilà la pique et
le bonnet rouge! Et ceci n'est pas une de ces
analogies forcées dont s'amuse parfois l'éru-
dition; les exemples de cette nature abondent
dans l'histoire de l'antiquité. Appien raconte
qu'après le meurtre de César, les tyrannicides
parcoururent la ville en promenant par les
rues un bonnet au bout d'une pique, pour ap-
peler le peuple à la liberté. Des médailles
même furent frappées avec l'image d'un bon-
net entre deux poignards. A la mort de Néron,
l'insigne traditionnel reparut et figura de nou-
veau sur les médailles. Le souvenir de cet
antique symbole ne se perdit jamais. Alciat en
cite de nombreux exemples, et il rapporte que
les Grecs de son temps, réfugiés en Italie pour
se soustraire au despotisme des Turcs, avaient
conservé l'usage d'un bonnet comme emblème
de leur liberté. Froissart nous apprend aussi
que le fils du grand Artevelde, devenu rewaert
ou régent de Flandre, avait pris pour armes
trois chapeaux d'argent sur un champ noir,
• pour ce que le chapeau estoit anciennement
le symbole de la liberté. »
Bien avant la Révolution française, les
Pays-Bas, puis les Etats-Unis, avaient adopté
le bonnet de la Liberté, qui figure encore au-
jourd'hui, placé au bout d'une pique, sur les
billets d'un grand nombre des banques de ce
dernier pays.
Chez nous, le bonnet de la Liberté fut adopté
comme emblème, comme nous l'avons dit, dès
le début de la Révolution; mais il demeura
quelque temps à l'état de signe de ralliement
et de figure oratoire avant de devenir une
coiffure portée par tous. Sa grande vogue
commence en 1791, et fut avivée encore par
Brissot, dans le Patriote français. Au moment
où se fondait l'égalité dans les lois, on vou-
lut qu'elle apparut visible aux yeux de tous
dans un signe commun, et l'on adopta d'en-
thousiasme le bonnet rouge, porté alors dans
plusieurs de nos provinces (il l'est encore en
diverses contrées, dans l'Ardèche, dans le
Midi, etc.). Le classique bonnet de la Liberté
trouva définitivement sa forme et sa couleur
dans le bonnet du pauvre, qui devint le sym-
bole d'une révolution faite pour élever les
humbles-et abaisser les dominateurs. En ren-
dant compte de la pompe de Voltaire, le mar-
quis de Villette écrit, en juillet 1791 : «... Les
clubs, les sociétés fraternelles, les braves des
faubourgs armés de piques, appelés nou-
vellement Bonnets de laine... Depuis* que la
France a recouvré sa souveraineté, cette
coiffure est la couronne civique de l'homme
libre et du Français régénéré. »
Jusque-là, nous ne voyons rien qui justifie
la répulsion dont l'emblème révolutionnaire a
été 1 objet pendant plus d'un demi-siècle de
réaction. Si des violences ont été commises
dans ces temps orageux, cela tint aux circon-
stances politiques, et nullement aux symboles.
Que la Révolution ait pris la coiffure du pay-
san, de l'ancien serf, pour en faire \Q bonnet
de la Liberté, qu'elle en ait fait le sceau de
l'Etat, l'enseigne des armées, le nouveau la-
barum ; elle demeurait fidèle à son principe, et
cela même est un témoignage de ses senti-
ments populaires et de la haute originalité de
ses inspirations. Quant à la couleur rouge, on
la choisit non-seulement comme plus éclatante,
comme la couleur de la flamme et de la vie, mais
simplement aussi parce qu'elle était la couleur
même de la coiffure populaire qu'on prenait
pour emblème. Personne alors n'avait l'idée
que ce rouge fût celui du sang. Les grandes
luttes n'étaient point entamées encore, et bien
qu'il fût facile de les prévoir, on ne pouvait
penser qu'elles seraient aussi implacables et
aussi cruelles. Ceux qui, depuis, ont fait tant
de déclamations sur le hideux bonnet rouge
ont oublié qu'un grand nombre d'hommes dont
les opinions étaient fort modérées n'ont point
dédaigné de s'en parer, et que même il a
coiffé des fronts qui plus tard ont porté des
couronnes. Il suffira de citer ici Bernadotte.
Comme nous l'avons dit, la grande vogue
du bonnet rouge commença vers l'automne de
1791, en même temps que l'armement universel
des citoyens non actifs, en même temps que
les piques, au moment où les puissances s'ar-
maient, et où la garde constitutionnelle de
Louis XVI se recrutait de tout ce que Paris
et les provinces contenaient de ferrailleurs
éprouvés, de bretteurs, d'hommes prêts à
toutes les violences. Répétons-le de nouveau,
la pique et le bonnet étaient connus bien avant
cette époque, mais c'est à ce moment que
l'usage en devint général : la Révolution ré-
pondait à l'armement de tous les tyrans en
s'appuyant sur les masses populaires, en ar-
mant le peuple et en prenant pour blason et
pour enseigne la souquenille du pauvre, la
carmagnole et le bonnet de laine.
Chose singulière, ce furent les girondins
qui se montrèrent d'abord les plus ardents
pour ces deux choses, si éminemment révolu-
tionnaires, l'égalité dans l'armement, l'égalité
dans le costume, que Robespierre et les jaco-
bins goûtèrent peu, mais qui leur furent im-
posées par l'unanimité du peuple. L'engoue-
ment fut tel que, peu de mois après, Du-
mouriez, nommé ministre, accourut aux j a -
cobins coiffé du bonnet rouge, comme pour
faire consacrer sa nomination.
Lors de la fête en l'honneur des Suisses de
Châteauvieux, tout Paris était coiffé du bon
net, et c'est sans doute ce qui a fait dater de
cette époque l'avènement de la fameuse coif-
fure.
Au 20 juin, lorsque le peuple de Paris ren-
dit visite au roi pour lui demander la sanction
des décrets et le rappel des ministres patrio-
tes, il se passa une scène bien connue. Tout
en éludant avec une duplicité habile les de-
mandes impératives de la foule, Louis XVI
s'attachait a la gagner par des démonstrations
qui manquent rarement leur effet. Il buvait à
la nation, il criait Vive le peuple 1 enfin il sai-
sissait le bonnet de l'égalité que lui tendait un
patriote, et il en coiffait sa tête royale. Le
peuple, berné par cette mascarade, fut si
«charmé, qu'il emporta le bonnet qu'avait porté
son gros Louis, le coupa en deux, en promena
F
rocessionnellement une moitié et déposa
autre comme une relique au club électoral
de l'Evêché. A l'Assemblée, des députés de la
droite clamèrent avec une feinte indigna-
tion que le roi avait été avili par l'insigne
d'une faction. C'était la France entière que
ces malheureux appelaient une faction. Avili !
s'écrièrent les députés patriotes ; le bonnet de
la Liberté n'est pas avilissant! Et Condorcet
le philosophe, qu'on n'accusera point de ter-
rorisme, écrit dans la Chronique de Paris :
« Cette couronne en vaut bien uno autre, et
Marc-Aurèle ne l'eût pas dédaignée. »
La nation le pensait ainsi, et des millions
d'hommes se coiffèrent du bonnet de laine. Les
volontaires en couvraient leur tête pour mar-
cher à l'ennemi. On le-vit figurer partout,
comme le cimier du blason révolutionnaire,
sur les têtes de lettres des administrations pu-
bliques, des sociétés populaires, des géné-
raux, sur les timbres, les cachets, les mon-
naies; au sommet des maisons et des arbres
de liberté, avec les flammes tricolores, au
grand mât des navires, dans les théâtres,
dans les bals publics, etc. Au fameux bal de
l'Ile-d'Amour, la grande tonnelle demeura
surmontée du bonnet rouge jusqu'en 1800. A
la fin du Directoire, il y avait encorq à Paris
des maisons auxquelles il servait d'enseigne.
On en portait le simulacre, en petit, a la
boutonnière, en guise de décoration, et même
au chapeau. Sous Bouchotte, le ministère de
la guerre était surnommé le ministère aux
six cents bonnets rouges, parce qu'il était
peuplé de sans-culottes. Les hommes le por-
taient en boutons de chemise, les femmes
en pendants d'oreilles. On le retrouve jusque
dans les jouets d'enfants. Et même on mar-
quait les chevaux et les bœufs du bonnet de
la Liberté, et cela jusqu'à l'époque du Consu-
lat. Une section de Paris (la Croix-Rouge)
prit le nom de section du Bonnet-Bouge.
Des journaux, des sociétés populaires prirent
également ce titre. Un conventionnel, Armon-
ville, fut surnommé Bonnet Rouge, parce qu'il
portait constamment cette coiffure. Le 18 sep-
tembre 1793, la Convention décréta que les
galériens ne seraient plus coiffés du bonnet
rouge, consacré comme l'insigne du civisme
et de la liberté. Au commencement de l'an II,
la commune de Paris adopta le bonnet comme
coiffure officielle de tous ses membres. En
outre, dans son arrêté pour l'égalité des sé-
pultures, elle décida quelles morts seraient
conduits à leur dernier asile précédés d'un
commissaire civil décoré du bonnet ronge et
de la cocarde. Notre commissaire des morts
a encore gardé de ce temps la cocarde trico-
lore, qui luit à son chapeau de deuil. L'enthou-
siasme du bonnet fut porté jusqu'au fana-
tisme, il faut bien en convenir; et nous, qui
jugeons les choses de sang-froid, nous ne
pouvons guère nous empêcher de trouver ri-
dicules quelques-unes des manifestations de
cet enthousiasme. Ainsi, dans ces jours de
fièvre patriotique, on vit des prêtres consti-
tutionnels dire la messe en bonnet rouge,
comme Torné, ancien aumônier du roi de
Pologne, ancien député à la Législative,
et alors évêque constitutionnel de Bourges.
Les enfants de chœur avaient la pique en
main en guise de cierge, et la cocarde sur la
poitrine. Quand l'éveque de Paris Gobel se
présenta à la Convention pour déposer sa
croix, son anneau, ses lettres de prêtrise,
pour abjurer l'idée catholique et confesser la
philosophie, il était, ainsi que ses vicaires et
tout son clergé, coiffé du bonnet rouge. Dans
les grandes fêtes de la Raison, la jeune fille
ou la femme qui symbolisaitla Liberté portait
également la coiffure nationale, qui, avec le
manteau bleu et la robe blanche, représen-
tait le drapeau de la patrie. Tous ces sym-
boles, les Français d'aujourd'hui l'ont trop
oublié, étaient vénérés alors comme au moyen
âge l'avait été la bannière de la paroisse.
L idée qu'ils représentaient était vivante et
comprise de tous. Quand le sens en fut perdu,
ils ne parurent plus qu'une vaine décoration
théâtrale ; mais c'est le sort ordinaire de tous
les symboles depuis l'origine des sociétés.
Chose étrange, nous comprenons cependant,
nous interprétons, nous expliquons savam-
ment les emblèmes religieux ou nationaux
des vieilles sociétés, des civilisations primiti-
ves, qui ne représentaient guère que la servi-
tude et la barbarie, et nous ne réservons nos
dédains que pour reux que nos pères avaient
BONN
BONN
BONN
BONN 97?
ch »isis pour symboliser l'affranchissement
universel et l'égalité.
En l'an II, disons-nous, le bonnet rouge de-
vint la coiffure universellement portée, et les
Bulletins de la Convention sont remplis de
déclarations d'administrations départementa-
les, de tribunaux, etc., pour en annoncer l'a-
doption par leurs membres. En général, quand
on voit le monde officiel se prononcer ainsi
avec unanimité dans un sens ou dans un au-
tre, on peut être assuré que le mouvement
est universel dans la nation; car l'initiative et
l'audace d'innovation ne sont pas communé-
ment, même en temps de révolution, les dé-
fauts des corps constitués.
Bon nombre de royalistes échappèrent alors
aux soupçons en se parant de la coiffure po-
pulaire. On préserva aussi de la même ma-
nière certaines statues de saints d'une des-
truction possible ; et l'on sait qu'alors les
saints n'étaient pas beaucoup plus à l'ordre
du jour que les royalistes. C'est ainsi qu'à
Chartres un patriote ami des arts sauva très-
probablement la belle Vierge de la cathé-
drale, œuvre de Bridan,en la coiffant du bon-
net rouge. Ainsi métamorphosée en déesse de
la Liberté, la Vierge ne parut plus suspecte et
traversa sans être inquiétée les jours les plus
orageux de la Terreur.
D'ailleurs, cette coiffure n'était nullement
obligatoire, comme sel'imaginent encore beau-
coup de gens. Des révolutionnaires très-ac-
centués ne la portèrent jamais, notamment
Robespierre, Saint-Just et tant d'autres. La
Convention rendit même un décret pour con-
sacrer la liberté du vêtement (18 brumaire
an II), sur la plainte de citoyennes que la So-
ciété des femmes révolutionnaires voulait
forcer à porter le bonnet rouge. Elle ordonna,
en outre, la fermeture des-clubs de femmes.
Le 27 du même mois, une troupe de femmes
coiffées du bonnet rouge se présenta à la barre
du conseil général de la commune. Quelle que
fût l'ardeur de ce temps, les tribunes publiques
accueillirent cette députation par des murmu-
res, et le procureur Chaumette adressa à ces
femmes une allocution fort sensée. Il les rap-
pela aux convenances de leur sexe et leur fit
comprendre Qu'elles pouvaient être de bonnes
patriotes et de sincères républicaines sans se
transformer en viragos. Sa harangue se ter-
mina ainsi : « Femmes imprudentes, n'êtes-
vous pas assez bien partagées ? Vous dominez
sur tous nos sens; votre despotisme est le
seul que nos forces ne puissent abattre, parce
qu'il est celui de l'amour et par conséquent
celui de la nature. Au nom de cette même na-
ture, restez ce que vous êtes. » •
v
Les femmes acceptèrent sans murmurer
cette mercuriale du bon sens, et remirent le
bonnet rouge dans leur poche.
Ainsi le bonnet était regardé comme un em-
blème exclusivement viril, un insigne de
guerre, représentant la lutte de la liberté po-
pulaire contrele despotisme de l'aristocratie
et des rois. On sait qu'au contraire, dès 1789,
les femmes portèrent la cocarde, et que cette
coutume devint si universelle qu'il eût été
choquant de ne point s'y conformer. En toutes
choses, c'est l'usage qui détermine impérieu-
sement ce qui est convenable et ce qui ne
l'est point. Une femme sans cocarde, de 1790
à 1794, eût été, non-seulement suspecte de
sentiments antipatriotiques, mais encore ridi-
cule; tandis qu'une femme en bonnet rouge
scandalisait les sans-culottes les plus exaltés.'
Après le 9 thermidor, il y eut une forte
réaction contre le bonnet rouge, qu'on affec-
tait de regarder comme un symbole exclusi-
vement jacobin. La jeunesse dorée le tit enle-
ver des théâtres et autres lieux publics, mais
ne parvint pas à le faire disparaître, non-seu-
lement comme emblème officiel, mais même
comme coiffure, car bon nombre de citoyens
s'en coiffaient encore sous le Directoire. Le
bonnet des patriotes élégants était alors bleu,
avec une large bande rouge. Ajoutons que
nous n'avons jamais trouvé dans les docu-
ments du temps l'appellation de bonnet phry-
gien, donnée plus tard au bonnet de la Liberté,
sans doute par analogie avec la coiffure aca-
démique du berger Paris. Quant à la forme,
elle est, il est vrai, à peu près la même; mais
il ne faudrait pas prendre pour type unique
les modèles élégamment classiques de la nu-
mismatique et de la statuaire. Nous avons vu
un grand nombre de gravures et de vignettes
où le bonnet, par la manière dont il est porté
ou figuré, ressemble au bonnet des pêcheurs
du Midi, fort souvent même, nous osons à
eine le dire, au vulgaire bonnet de coton des
ourgeois, et même, proh pudor ! même avec
la mèche 1 Qui s'imaginerait aujourd'hui que
le fameux casque à mèche de M. Prudhomme
ût rappeler la silhouette effrayante d'un em-
lème dont une tradition erronée, mais sans
doute indestructible, a fait le symbole du ter-
rorisme et de l'anarchie ?
Les petites républiques que la France avait
formées en Italie, en Suisse, etc., prirent éga-
lement le bonnet pour emblème. Chose étrange,
et qui peint bien l'étonnante puissance de
prosélytisme de la grande République, à cette
époque même où ses énergies étaient épui-
sées, un commissaire du Directoire envoyé
dans l'Inde pour préparer la réalisation d'un
projet grandiose contre la puissance anglaise,
sans autres ressources que sa commission et
le talisman de sa ceinture tricolore, s'aboucha
avec Tippo-Saëb, qui luttait contre les An-
glais, fonda un club à Seringapatam, créa un
journal qui avait une colonne en langue fran-
çaise, prêcha les droits de l'homme, avec le
même sang-froid que s'il eût été dans une sec-
tion de Paris, et coiffa du bonnet rouge Tippo-
Saëb, qui peut-être fut le dernier du siècle à
le porter. (V. Mîchaud, Histoire du royaume
de Mysore.) Les Anglais ont retrouvé là-bas
et déposé dans leur musée britannique quel-
- ques numéros du fameux journal. Tippo-Sa&b
y est tout uniquement désigné sous le titre de
citoyen sultan. Au frontispice rayonne, au-
dessus du niveau, le bonnet de la Liberté.
Nous retrouvons encore le bonnet rouge
comme emblème officiel jusqu'en l'an VIII.
Berthier, en Italie, avait adopté, en tête de
ses lettres, une grande vignette où les symbo-
les adulateurs se mêlaient aux emblèmes ré-
publicains : une renommée couronnant Bona-
parte, et une Minerve tenant la pique sur-
' montée du bonnet rouge.
On rapporte que, lorsque Bonaparte se vit
le maître aux Tuileries, dans ce palais encore
plein des souvenirs de la Convention et des
grands comités, il jeta un jour un œil de co-
lère sur les signes républicains qui ornaient
encore les murs : les piques, le bonnet rouge,
la Table des droits, et qu'il s'écria avec une
crudité toute militaire: « Qu'on m'enlève toutes
ces cochonneries-là! »
En effet, le bonnet de la Liberté n'était plus
à sa place en cette maison ; mais l'heureux
soldat eût pu le congédier avec un peu moins
de rudesse, et se souvenir que ces cochonne-
ries-là, devant lesquelles il s'était longtemps
incliné, avaient été les insignes de la patrie,
les instruments de sa propre fortune, et peut-
être (qui sait?) les objets de son culte à lui-
même, pendant une heure d'enthousiasme et
de jeunesse, alors que les fumées de l'ambi-
tion n'étaient pas encore montées jusqu'au
cerveau du futur empereur, par exemple, le
jour où il sablait à Beaucaire le vin de Cham-
pagne payé par le négociant marseillais.
— Bonnet à poil. Il faut sans doute remon-
ter jusqu'aux temps antéhistoriques, si l'on veut
. avoir l'origine des premiers bonnets à poil;
mais nous ne devons pas nous arrêter à cette
façon primitive de se couvrir la tête, et notre
tâche se borne à parler du bonnet à poil devenu
une coiffure régulière. Nous lisons dans Plu-
tarque que les Cimbres et les Teutons ai-
maient à se parer de bonnets faits de peaux
d'ours, et Végèce ditque, pour se donner un as-
pect plus terrible, les porte-enseignes avaient
un casque couvert d'une peau garnie de son
poil ; le même auteur appelle piieus pannoni-
cus un bonnet de peau qu'on donna pendant
longtemps à tous les soldats en temps de
paix ; on les faisait exprès volumineux et pe-
sants, pour que le casque repris en temps de
guerre leur parût plus léger, a Les Francs, dit
à son tour le général Bardin, dont le sang
s'est mêlé à celui de nos ancêtres, s'encapu-
chonnaient de la tête de l'animal dont la peau
formait leur sayon, à peu près comme on nous
représente Hercule. La mode des bonnets à
poil, que le harnois de fer avait fait oublier,
reparut en Prusse il y a un siècle. Le père de
Frédéric II coiffa de peaux d'ours ses géants,
afin de les grandir encore. De 1730 à 1740, les
grenadiers des gardes françaises et suisses et
les grenadiers à cheval s'affublèrent de ce
j bonnet. Dans la guerre de 175G, la troupe de
ligne prit généralement le goût des bonnets à
poil, rapporte le Dictionnaire de l'armée ' en
cela, nous copiâmes nos alliés les Autrichiens,
qui déjà les avaient adoptés. Quelques jeunes'
colonels, qui étaient de grands seigneurs et de
petits esprits, introduisirent les bonnets à poil
dans les compagnies de grenadiers de leurs
corps, et les commis d e l à guerre ratifièrent
complaisamment cette fantaisie. Une ordon-
nance de 1763 donna le bonnet à poil aux gre-
nadiers des légions de Louis XV, malgré les
protestations de Maizeroy, antagoniste des
bonnets, qui appelle cette nouveauté un usage
de barbares, un vain épouvantail, une inven-
tion qui ne remplit aucune des conditions re-
cherchées des Grecs et des Romains dans le
choix de leur coiffure militaire. Le règlement
de 17G7 fut le premier qui légalisa le port du
bonnet à poil; mais le 31 mai 1776, on le sup-
prima. En 1782, les comités du ministère delà
guerre proposèrent de rétablir l'usage de ce bon-
net, ce qui eut lieu en 1788, malgré l'Encyclo-
pédie qui tonnait contre le fameux bonnet :
« Est-il croyable, s'écrie-t-elle, que l'époque
où l'on ne peut trouver d'assez petits chapeaux
soit celle où l'on ne peut trouver d assez
grands bonnets? faut-il donc réduire nos gre-
nadiers à faire un apprentissage et une appli-
cation continuelle de toutes les finesses de
l'équilibre? Malheur surtout aux ivrognes et
aux soldats qui sont courts et ronds 1 » Jus-
qu'aux guerres révolutionnaires, les bonnets à
poil ne portèrent pas de cocarde. La garde
impériale commença à adopter les énormes
bonnets qui se développaient en forme de
montgolfières, à la manière égyptienne. Un
décret de 1812 retira le bonnet à poil aux gre-
nadiers de la ligne et aux sapeurs; mais, en
1815, ils le reprirent. La garde royale avait
imaginé de petits çaniers sans fond qui te-
naient le bonnet en iorme lorsqu'il n'était pas ;
sur la tête de l'homme. On apportait ces pa- i
niers au corps de garde en même temps que '
la soupe, et on les remportait à la caserne
après la garde. « L'histoire du bonnet à poil,
dit le général Bardin, déjà cité, est mémora- i
ble en ce que l'usage s'en est conservé en dé-
pit de tous les règlements, sauf un seul, et en .
dépit de presque tous nos ministres ; ils étaient
unanimes dans le texte de leurs considérants ;
ils proscrivaient cet effet de coiffure comme
ridicule, incommode, sans solidité, point d é '
fensif, se refusant à l'emballage, hideux en sa
vétusté, redoutant les rameaux d'un taillis et
le feu d'un bivouac, et s'alourdissant excessi-
vement quand la neige s'y attache ou quand
il se hérisse de glaçons. «
Tous les écrivains militaires qui ont eu à
traiter la question des bonnets à poil se sont
élevés contre son usage. Ceux qui l'ont porté
à la guerre savent quelle peine a le soldat
pour le tenir en équilibre sur sa tête, et le
lieutenant général baron Fririon écrivait, en
1825 : « Dans les forêts, le bonnet à poil de-
vient un obstacle tel, qu'on a vu des grena-
diers le porter sous le bras et y substituer
leur bonnet de police; dans les bivouacs, lors-
que les soldats se groupent auteur des feux,
la flamme, portée de tous côtés par les vents,
brûle bientôt les poils de ces bonnets qui, dé-
pouillés alors de ce qui paraissait en faire
l'ornement, ne sont plus que des espèces de
tuyaux de poêle gênants et ridicules; et il
concluait, après avoir énuméré les divers in-
convénients de cette singulière coiffure, qui
incommode celui qui la porte ainsi que ses
voisins, et qu'il qualifiait d embarrassante, dis-
pendieuse et désagréable à l'œil, à ce qu'elle
fût réformée pour toujours.
A toutes ces raisons, on peut encore en
ajouter une autre, qui n'est pas la moins
grave : c'est que le bonnet à poil est la plus
coûteuse des coiffures militaires. En 1812,
lorsqu'un décret retira le bonnet à poil aux
grenadiers de la ligne et aux sapeurs, le minis-
tre de Feltre fit connaître qu'il fallait annuel-
lement, pour l'entretien de l'armée , 60,000
bonnets à poil, dont la durée moyenne était de
quatre ans, et que cette consommation néces-
sitait une dépense de 4 millions par an, ex-
portés à l'étranger sans nulle compensation.
Cependant l'usage du bonnet à poil n'a jamais
été complètement abandonné. Sous la Res-
tauration, la garde royale portait le bonnet à
poil; après la révolution de 1830, la garde
nationale s'en empara pour ses grenadiers.
Aujourd'hui, le bonnet à poil a cessé d'orner
le chef des soldats citoyens, à l'exception des
sapeurs, qui partagent ce privilège avec les
grenadiers de la garde et les gendarmes dé-
partementaux.
On a donné le nom de manifestation des bon-
nets à poil à la démarche ridicule que firent en
corps, auprès du gouvernement provisoire
(16 mars 1848), les grenadiers de l'ancienne
garde nationale pour protester contre la sup-
pression des compagnies de ce nom, et consé-
quemment de l'imposant bonnet à poil .qui leur
servait de coiffure. Cette farce collective
cachait une pensée de réaction contre cer-
tains membres du gouvernement provisoire,
et elle faillit tourner au sérieux. Rencontrant
au coin de la place de l'Hôtel-de-Ville Arago
et Ledru-Rollin, les gardes nationaux couvri-
rent ce dernier d'insultes. Le grand astronome
leur rappela à propos le souvenir de Foulon,
en s'étonnant que ceux qui étaient chargés du
maintien de l'ordre parussent vouloir le trou-
bler. Le lendemain, une contre-manifesta-
tion populaire de 200,000 hommes étouffa de
son poids formidable les dernières plaintes
des bonnets à poil, qui devinrent la proie des
caricaturistes et des petits journaux.
— Bonnets et des chapeaux (factions des).
Deux factions, celles des bonnets et des cha-
peaux, se disputèrent le pouvoir en Suède et
causèrent des discordes civiles, au commence-
ment du xvme siècle. Elles prirent naissance
sous le règned'Ulrique-Eléonore,quiavaitas-
socié au gouvernement Frédéric de Hesse-
Cassel, son époux. Les bonnets étaient parti-
sans de l'alliance russe, et, pour conserver la
paix, ils voulaient qu'on renonçât au projet de
reconquérir les provinces qui avaient été cédées
à la Russie par le traité de Nystadt, en 1721.
Les chapeaux, au contraire, voulaient qu'on
engageât la lutte. Ceux-ci, étant devenus les
plus forts, poussèrent le gouvernement à en-
treprendre une guerre qui ne fit qu'attirer de
nouveaux malheurs sur la Suède. Après la
mort de Frédéric, Adolphe, son successeur, fit
la paix avec les Russes, et le parti des bonnets
eut alors le dessus ; mais celui des chapeaux
continua encore longtemps à fomenter de
nouveaux troubles.
BONNET
BONNET (SAINT-), bourgde France (Hautes-
Alpes), ch.-l. de cant., arrond. et à 16 kilom.
N. deGap, sur le Drac; pop. aggl-, 1,180 hab.
— pop. tôt. 1,745 hab. Eaux sulfureuses,
brasseries, scieries hydrauliques. Patrie de
Lesdiguières, dont on voit encore la maison.
BONNET-DE-JOUX
BONNET-DE-JOUX (SAINT-) , bourg de
France ( S a ô n e - e t - L o i r e ) , ch.-l. de cant.,
arrond. et à 14 kilom. N.-E. de Charolles ;
pop. aggl. 674 hab. — pot. tôt.-1,632 hab. Ex-
loitation de pierres de taille; commerce de
étail. Tout près de Saint-Bonnet on voit : la
montagne de Joux, qui était, dit-on
?
consa-
crée à Jupiter et que couronnait jadis un
château fort; une autre montagne, appelée
encore mont de Mars; au hameau de Chau-
mont, le vaste et somptueux château de la
Guiche, construit au xvie siècle, et dont la
grosse tour, les écuries et la statue équestre
de Philibert de la Guiche sont les parties les
plus .remarquables.
BONNET-LE-CIIATEAU
BONNET-LE-CIIATEAU (SAINT-), ville de
France (Loire), ch.-l. de cant., arrond. et à
26 kil. S. de Montbrison ; pop. aggl. 1,827 hab.
— pop. tôt. 2,230 hab. Fabriques de serrure-
rie, de dentelles-communes, scieries; débris
d'anciennes fortifications; belle église du style
ogival, très-vaste et surmontée de deux clo-
chers élevés.
BONNET-LË-DÉSERT
BONNET-LË-DÉSERT (SAINT-), bourg de
France (Allier), arrond. et à 45 kilom. N. do
Montluçon, cant. de Cérilly; 1,448 hab. Bois
de la forêt de Tronçais ; minerai de fer, forges
très-importantes, fondées en 1780 par Ram-
bourg; feux d'affineries, fours-à réverbères.
Les produits des usines de Saint-Bonnet, fa-
briqués exclusivement au charbon de bois,
sont très-estimés et employés surtout dans '
la serrurerie, la carrosserie et les manufactu-
res d'armes.
BONNET-LA-RIVIËRE
BONNET-LA-RIVIËRE (SAINT-), bourg de
France (Haute-Vienne),arrond. et à 26 kilom.
S.-E. de Limoges, cant. de Pierrebuffière;
1,398 hab. Importantes mines de fer et forges.
BONNET
BONNET ou BONET (Théophile), médecin
suisse, né à Genève en 1620, mort en 1689,
est regardé comme le créateur de l'anato-
mie pathologique, science dans laquelle il
prépara la voie où s'illustra depuis Morgagni.
Ses principaux ouvrages sont : Pharos medi-
corum, id est cautelœ, animadversiones et ob~
servationes practicœ (Genève, 1668, 2 vol.);
Sepulchretum, seu Anatomia pactica (Genève,
1679, in-fbl.); Afercurius compilatitius, seu In-
dex medico-practicus (Genève, 1682, in-fol.);
Polianthes, sive thésaurus medico-practicus
(1690, 3 vol. in-fol.). — Son frère, Jean BON-
NET, né à Genève en 1615, mort en 1688, fut
aussi un médecin distingué, et on lui doit un
•Traité de la circulation des esprits animaux
(1682).
BONNET
BONNET (Charles), philosophe et natura-
liste célèbre, né à Genève en 1720, mort en
1793. Né d'une famille riche et 'destiné à la
jurisprudence, il reçut l'éducation convenable
pour s'y préparer. Un hasard tourna son es-
prit du côté de l'histoire naturelle. Il lut un
jour, dans le Spectacle de la nature de Pluche,
l'histoire de l'industrie singulière de l'espèce
d'insecte appelé formica-leo. Vivement frappé
de faits aussi curieux que nouveaux pour lui,
il ne repose plus qu'il n'ait trouvé un formica-
leo : en le cherchant, il trouve bien d'autres
insectes qui ne l'attachent pas moins. Il parle
à tout le monde du nouvel univers qui se dé-
voile à lui. On lui apprend l'existence de l'ou-
vrage de Réaumur : il l'obtient à force d'im-
portuner le bibliothécaire public, qui ne voulait
pas d'abord le confier à un si jeune homme ; il
le dévore en quelques jours, il court partout
pour chercher les êtres dont Réaumur lui en-
seignait l'histoire. Il en découvre encore une
foule dont Réaumur n'avait point parlé ; et le
voilà à seize ans devenu naturaliste. Bonnet
entra à pas de g'éant dans la carrière de l'ob-
servation : à dix-huit ans, il communiquait
déjà à Réaumur plusieurs faits intéressants;
à vingt ans, il lui révéla sa belle découverte
de la fécondité des pucerons sans accouple-
ment préalable. « Neuf générations de vierge
en vierge, dit Cuvier, étaient alors une mer-
veille inouïe; mais l'admirable patience qu'un
si jeune homme avait mise à la constater,
toutes les précautions, toute la sagacité qu'il
lui avait fallu n'étaient guère moins merveil-
leuses ; elles annonçaient un esprit dont on
pouvait tout attendre, et l'Académie des scien-
ces ne crut trop pouvoir se hâter d'inscrire ce
jeune observateur parmi ses correspondants. »
Les expériences de Trembley sur les po-
lypes venaient de révéler dans les animaux
une force de reproduction que l'on avait re-
gardée comme réservée aux plantes. Trembley
avait montré que, si l'on coupe un polype par
morceaux, chaque morceau reproduit un po-
lype. Bonnet répéta et confirma ces expé-
riences, en (es étendant à des animaux de struc-
ture plus compliquée. « Bonnet, dit M. Flou-
rens, est allé jusqu'à couper une naïde (ver à
sang rouge) en viugt-six morceaux, et il s'est
reproduit vingt-six naïdes. Il a coupé la tête
à la même naïde jusqu'à douze fois, et cette
naïde a reproduit douze fois sa tête. » Cette
force de reproduction mise en jeu dans les vers
présenta à Bonnet plusieurs phénomènes de-
détail faits pour étonner. L'extrémité anté-
rieure fendue donnait deux têtes qui, à
F eine formées, devenaient ennemies l'une de
autre. Lorsque l'on faisait trois tronçons, ce-
lui du milieu reproduisait ordinairement une
tête en avant et une queue en arrière ; mais il
y avait aussi quelquefois une sorte d'erreur
de la nature : le tronçon du milieu produisait
deux queues, et, ne pouvant se nourrir, était
condamné à une prompte destruction. Bonnet
consigna ces diverses observations dans son
Traité d'Insectologie (1745).
Un autre ouvrage de Bonnet, De l'Usage des
feuilles (1754), contient ses recherches en bo-
tanique. Il fit remarquer cette action mutuelle
du végétai et des éléments environnants, si bien
i calculée par la nature que, dans une multitude
980 BONN BONN BONN
BONN
de circonstances, il semble que la plante agisse
pour sa conservation avec sensibilité et dis-
cernement. Ainsi, il vit la racine se détour-
ner, se prolonger pour chercher la meilleure
nourriture : les feuilles se tordre quand on leur
présentait l'humidité dans un sens différent du
sens ordinaire; les branches se redresser ou
se fléchir de diverses façons pour trouver l'air
plus abondant et plus pur ; toutes les parties
de la plante se porter vers la lumière, quelque
étroites que fussent les ouvertures par où elle
pénétrait. Il montra en outre qu'il n'y a point
dans les plantes de circulation proprement
dite; que l'eau pure et l'air atmosphérique
suffisent pour nourrir les plantes; que , plon-
f
^ées dans l'eau, les feuilles dégagent, au so-
eil, une grande quantité d'air. Bonnet, d'ail-
leurs, ne sut pas que cet air était de l'oxygène,
et il ne pouvait le savoir, puisqu'à cette épo-
ue les premières notions de la chimie mo-
erne étaient ignorées de tous.
« Que de secrets, dit Cuvier, aurait pu ré-
véler encore, après un tel début, un esprit de
cette trempe, si la nature lui eût laissé les
forces physiques nécessaires pour l'observa-
tion I Mais ses yeux affaiblis par l'usage du
microscope lui refusaient leur secours, et son
esprit, trop actif pour supporter un repos ab-
solu, se jeta dans lé champ de la philosophie
spéculative. Dès lors ses ouvrages prirent un
autre caractère, et il n'y traita plus que ces
uestions générales, agitées par les hommes
epuis qu'ils ont le loisir de se livrer à la mé-
ditation et qui les occuperont probablement en-
core aussi longtemps que le monde subsis-
tera. • Faut-il considérer ce changement de
direction comme une chose regrettable? Non,
dit Jean Reynaud. « S'il y avait là plus de
chances d'erreur que dans la route de l'obser-
vation et de l'expérience, il y avait aussi plus
de grandeur; ces questions générales valaient
bien les questions d'anatomie et de physiolo-
gie dont Bonnet s'était antérieurement oc-
cupé. » Quoi qu'il en soit, les spéculations
philosophiques de Bonnet nous ont valu quatre
ouvrages remarquables : l'Essai analytique
sur les facultés de l'âme (1760); les Considé-
rations sur tes corps organisés (1762); la Con-
templation de la nature (1764) ; la Palingéné-
sie philosophique (1770).
L'Essai analytique des facultés de l'âme con-
tient la psychologie de Bonnet. L'auteur se
rencontre avec Condillac dans l'idée de dé-
terminer par le raisonnement
statue que l'on animerait par degrés, pourrait
recevoir une à une toutes les sensations dans
l'ordre où l'on voudrait les lui donner. L'homme,
selon Bonnet, est un être mixte ; il est un com-
osé de deux substances : l'une immatérielle,
autre .corporelle. L'homme n'est pas une cer-
taine âme, il n'est pas non plus un certain
corps; mais il est le résultat de l'union d'une
certaine âme à un certain corps. Pour con-
naître l'homme, il faut donc l'étudier dans son
âme et dans son corps. Mais comment peut-
on l'étudier dans son âme? On ne peut étudier
Vaine en elle-même, parce que l'âme nous
échappe complètement. Nous ne pouvons rien
savoir de ce qui se passe dans lame que par
l'étude du jeu et du mouvement des organes.
« J'ai mis clans mon livre, dit Bonnet, beau-
coup de physique, et assez peu de métaphy-
sique; mais, en vérité, que pourrais-je dire de
l'âme considérée en elle-même? Nous la con-
naissons si peul L'homme est un être mixte ;
il n'a des idées que par l'intervention des sens,
et ses notions les plus abstraites dérivent en-
core des sens. C'est sur son corps et par son
corps que l'âme agît. 11 faut donc toujours en
revenir au physique, comme à la première
origine de tout ce que l'âme éprouve ; nous ne
savons pas plus ce que c'est qu'une idée dans
l'âme, que nous ne savons ce qu'est l'âme
elle-même : mais nous savons que nos idées
sont attachées à certaines fibres; nous pou-
vons donc raisonner sur ces fibres, parce que
nous les voyons ; nous pouvons étudier un peu
leurs mouvements, les résultats de leurs mou-
vements et les liaisons qu'elles ont entre
elles. »
Toutes les idées viennent des sens; les
idées ne peinent être étudiées que dans les
fibres qui en sont les organes : tels sont les
deux grands principes de la psychologie de
Bonnet. Pour voir que toutes les idées vien-
nent des sens, et qu'il est désormais inutile
de réfuter la théorie des idées innées, il suffit
d'observer que la privation d'un sens entraîne
ta privation de toutes les idées attachées à ce
sens, qu'en fermant successivement, par
hypothèse, les divers sens, on réduit succes-
sivement le nombre des idées, de telle sorte
que la privation de tous les sens entraîne la
•privation absolue d'idées. L'âme est sans doute
ono puissance intelligente; il ne faut pas ce-
pendant la définir une substance qui pense,
mais une substance qui a la capacité de penser ;
elle n'agit que par l'intervention du corps,
puisque nous n'avons d'idées que par les sens ;
nous n'avons aucune connaissance des opéra-
tions que pourrait accomplir l'âme séparée du
corps, puisque toutes celles que nous connais-
sons s'exécutent par l'intermédiaire de celui-ci.
L'anatomie nous désigne le système nerveux,
at le cerveau particulièrement, qui en est le
jénire et le principe, comme l'organe qui unit
le corps à 1 âme; mais le cerveau tout entier
ne saurait être encore le siège de l'âme ; quel
que soit ce siège, la glande pinéale, le corps
calleux ou tout autre, il doit être restreint
dans une région très-étroite de cet organe, et
l'âme n'y est pas présente par une extension
de sa substance, mais seulement par sa puis-
sance. L'idée dérive de la sensation, c'est une
sensation transformée; mais comment la sen-
sation naît-elle? La sensation, répond Bonnet,
est liée à l'ébranlement, au mouvement de la
fibre nerveuse, mais elle ne dérive pas par voie
de transformation de cet ébranlement, de ce
mouvement. L'idée est une sensation trans-
formée, mais la sensation n'est pas un mou-
vement transformé. L'action de la fibre est
la condition indispensable de la sensation, mais
elle ne se confond pas avec la sensation. Pour
Bonnet, comme pour Condillac , la sensafion
et le mouvement sont deux phénomènes es-
sentiellement irréductibles. Aussi maintient-il,
comme Condillac, le dualisme âme et corps;
ilestsensualiste, il n'est pas matérialiste. Com-
ment le mouvement de la fibre nerveuse agit-
il sur l'âme, et y produit-il la sensation ? Bonnet
ne prétend pas résoudre cette question ; l'u-
nion et l'action réciproque des deux substan-
ces sont, à ses yeux, un mystère impénétrable.
« Les différentes tentatives que les plus pro-
fonds philosophes ont faites en divers temps
pour tâcher de l'expliquer sont autant de
monuments élevés à la force et à la faiblesse
de l'esprit humain. '•
La sensation, et par suite la pensée, étant
liée au mouvement de la fibre nerveuse, la
diversité et les rapports des sensations et des
idées s'expliquent par la diversité et les rap-
f
iorts des fibres et de leurs mouvements. Se-
on Bonnet, il y a dans, le cerveau et dans les
sens autant de fibres différentes qu'il peut
naître dans l'âme de sensations différentes :
ainsi ce n'est pas la même fibre qui est con-
ductrice de l'odeur de rose et de l'odeur d'œil-
let. Voici maintenant comment se produisent
la mémoire et l'associ.ation des sensations et
des idées. Puisque la production des sensa-
tions et des idées dans l'âme dépend de la
production de certains mouvements dans les
fibres, la conservation et le rappel de ces
mêmes sensations et idées dépendront, et de
la conservation des mêmes mouvements dans
les fibres ou de la disposition à les répéter, et
de leur reproduction. Les maladies qui n'affec-
tent que le corps et qui détruisent cependant
le souvenir prouvent que la mémoire est cor-
porelle. Avant l'action des objets extérieurs,
les fibres des sens sont dans un état que l'on
peut appeler primitif ; si, toujours roides et im-
muables, ces fibres n'éprouvaient aucun chan-
gement de l'action des objets, il n'y aurait
point de sensations dans l'âme; si elles ne re-
cevaient que des impressions passagères, il
n'y aurait point de souvenir. Mais parce que
les fibres sont mues par les objets extérieurs,
parce qu'elles conservent les modifications'
qu'elles reçoivent d'un premier mouvement,
ou acquièrent une disposition à le répéter, les
sensations naissent une première fois dans
l'âme, et se représentent à elle comme des
souvenirs. Lorsque le même objet, la même
couleur, la même odeur, etc., viendra une se-
conde fois agir sur la même fibre, il ne la trou-
vera pas dans le même état, e t , en consé-
quence , cette seconde impression aura un
caractère qui la distinguera de la première.
Une fibre qui est ébranlée pour la première
fois offre une certaine roideur, une certaine
résistance qui est l'indice auquel l'âme recon-
naît qu'elle éprouve cette sensation pour la
première fois; mais lorsque le même objet
vient une seconde fois agir sur la même fibre,
il la retrouve plus mobile, plus flexible, et
c'est cette augmentation de souplesse , de
flexibilité de la fibre ébranlée pour la seconde
fois qui est la condition de la réminiscence,
qui permet à l'âme de distinguer une sensa-
tion reproduite d'une sensation nouvelle. Pour
expliquer l'association des sensations et des
idées , le rappel des idées l'une par l'autre,
Bonnet suppose que les fibres ont des rapports
entre elles, comme les idées qu'elles fontnaî-
tres ; que celles qui produisent en l'âme des
idées semblables sont réunies comme en un
même faisceau au siège de l'âme. Comment le
mouvement d'une fibre se communique-t-il à
une autre ? Nous ne le savons pas ; mais puis-
que nous ne nous rappelons jamais que les
sensations que nous avons éprouvées déjà une
fois au moins, nous pouvons dire qu'une fibre
ne peut mouvoir une autre fibre du môme
faisceau qu'à la condition que celle-ci ait déjà
été excitée auparavant par un objet extérieur.
On conçoit en effet qu'une fibre « vierge, » qui
n'a pas encore été assouplie et domptée parla
force supérieure d'un objet étranger, résiste
en vertu de son immobilité primitive et de son
inertie à l'effort trop faible d'une fibre voi-
sine, tandis qu'une autre fibre, dans laquelle
un premier mouvement a produit une disposi-
tion à se mouvoir encore de la même manière,
cède facilement au même effort.
Après avoir considéré l'âme comme pas-
sive et modifiée par l'action des objets exté-
rieurs, Bonnet la considère comme active. Il
distingue deux choses dans une sensation :
l'une, par laquelle l'objet annonce seulement
sa présence ; Vautre, par laquelle il détermine
l'âme à la joie ou à la souffrance, selon que le
mouvement des fibres est lent ou accéléré,
faible ou violent. C'est cette seconde chose,
c'est-à-dire le plaisir et la douleur, qui met en
jeu l'activité de l'âme. Dieu a subordonné
l'activité de l'âme au sentiment du plaisir ou
de la douleur, le sentiment du plaisir ou de la
douleur à la sensation , la sensation au mou-
vement des fibres, le mouvement des fibres à
l'action impulsive des objets. Un être sentant
ne peut être indifférent au plaisir et à la dou-
leur; il préfère nécessairement l'un à l'autre ;
l'effet immédiat de cette préférence est l'at-
tention par laquelle l'âme se donnfe tout en-
tière à la sensation agréable. Par l'attention,
l'âme exerce sa force motrice sur les fibres de
son cerveau; l'effet en est d'augmenter l'in-
tensité du mouvement imprimé a la fibre par
l'objet, et de rendre ainsi la sensation plus
vive. A mesure que l'attention augmente l'in-
tensité du mouvement d'une fibre, elle diminue
nécessairement celui des autres, en appelant
vers celle-là tout le fluide nerveux ; c'est pour
cela que l'attention donnée à une idée fait dis-
paraître toutes les autres de notre esprit. De
la pluralité des sensations, et de leur diffé-
rence sous le rapport du plaisir qu'elles font
éprouver, naissent la volonté et la liberté,
vouloir n'est autre chose que préférer, entre
plusieurs manières d'être, la plus agréable;
être libre n'est autre chose qu'exécuter sa
volonté. L'huître a une liberté aussi réelle que
la nôtre, puisqu'elle fait ce qu'elle veut en
ouvrant ou fermant sa coquille. Seulement la
liberté'de l'huître est moins étendue que celle
de l'homme, parce que sa volonté est plus res-
treinte ; sa volonté est plus restreinte, parce
que sa sensibilité est plus bornée; sa sensibi-
lité enfin est plus- bornée, parce que .ses or-
ganes sont moins nombreux et moins parfaits.
La liberté peut être contrainte, la volonté ne
le peut pas. Il n'y a pas de liberté d'indiffé-
rence, parce la liberté est dépendante de la
volonté; il n'y a pas de volonté d'indifférence,
parce que la volonté dépend d'un motif dé-
terminant, de la prépondérance d'une sensa-
tion sur les autres. Nulle différence entre le
désir et la volonté. Quand l'activité du désir
devient extrême, il prend le nom de passion j
aussi une passion n'est-elle qu'une volonté qui
s'applique fortement à son objet.
L activité de l'âme produit îes idées abstrai-
tes et les idées réfléchies. Lorsque des fibres
différentes sont ébranlées à la fois, elles don-
nent naissance à une impression composée de
plusieurs sensations particulières ; il en résulte
une idée concrète qu'elle peut décomposer par
l'attention; elle forme ainsi des idées abs-
traites. Il y a deux espèces d'idées abstraites :
des abstractions sensibles et des abstractions
intellectuelles. Celles-ci dérivent de la r é -
flexion, c'est-à-dire de l'attention que l'esprit
donne aux idées sensibles qu'il compare et
qu'il revêt de signes arbitraires. Sans l'emploi
des signes artificiels, ii n'y a pas d'abstrac-
tions intellectuelles, d'idées réfléchies. Si les
animaux ne peuvent faire que des abstractions
sensibles, c'est que, manquant de réflexion,
ils manquent de signes, et s'ils manquent de
réflexion , c'est que Dieu a voulu que leur
sensibilité fût seulement relative à la conser-
vation de leur être, et que leur • attentioité »
ne rencontrât pour mobile que des sensations
relatives à leurs besoins. Du reste, la réflexion
n'ajoute rien en réalité à la sensation; elle ne
fait que pousser plus loin, qu'élever en quel-
que sorte d'un degré la transformation de la
sensation. La sensation reste la source unique
des idées même les plus abstraites, les plus
spiritualisées. Bonnet en donne pour exemple
l'idée de Dieu, qui est, dit-il, la.plus spiritua-
lisée de toutes nos idées. C'est de la contem-
plation des faits
;
de la succession des êtres
que l'esprit déduit la nécessité de cette pre-
mière cause qu'il nomme Dieu. Il déduit les
attributs de cette cause des traits de puis-
sance, de bonté, de sagesse qui sont répandus
dans le monde, et qui sont transmis à l'âme
par les sens. Ainsi Bonnet ne s'aperçoit pas
de ce que Hume a si bien démontré, c'est-à-
dire de l'impossibilité de faire dériver des
sens et de l'observation du monde extérieur
l'idée de cause.
La réflexion et les notions générales qu'elle
produit font de l'être sensible un être moral.
L'homme n'est pas un être moral parce cju'il
E
ossède la volonté et qu'il est libre, ce qui ne
i distinguerait pas de l'animal; mais parce
qu'il peut choisir parmi des notions réfléchies
le mobile de ses actions. La volonté de l'homme
n'est d'ailleurs pas moins déterminée que celle
de l'animal ; celle-ci dépend de la sensibilité,
celle-là de l'entendement, qui n'est qu'une
sensibilité plus relevée. Si la sensation la plus
agréable détermine le choix de l'animal, la
vue du meilleur réel ou apparent détermine le
choix de l'homme ; si l'animal est un auto-
mate sentant, « l'homme est un automate mo-
ral. » S'il est dans la nature d'un être sentant
de vouloir le plaisir, il est dans la nature d'un
être intelligent de vouloir le bonheur; l'amour-
propre, ou l'amour de soi, est le mobile unique
de toutes nos actions. La vertu n'est qu'une
modification de l'amour-propre; si je suis dans
l'obligation de me bien conduire à l'égard de
mes semblables et de les aimer, c'est pour
qu'ils se conduisent de même envers moi. et
qu'ils m'aiment à leur tour. On voit que cnez
Bonnet, comme chez les philosophes de la
même école, le sensualisme aboutit au déter-
minisme et à la morale utilitaire.
Les Considérations sur les corps organisés
sont consacrées à la défense du système dé la
préexistence et de l'évolution des germes sou-
tenu par Malebranche et Leibnitz. • Dans la jeu-
nesse de Bonnet, dit Cuvier, on écrivait beau-
coup sur la génération, et cette question dut
l'occuper une des premières : il était impos-
sible que l'homme qui avait vu neuf généra-
tions de pucerons se succéder sans mâles ne
fût pas, comme Malebranche, partisan de la
préexistence des germes, et qu'il ne les plaçât
I pas dans les femelles. » Bonnet s'efforce d'ex-
j pliquer par des hypothèses partielles les phé-
i nomènes qui semblaient pouvoir être opposés
à ce système, notamment ceux des mulets,
de3 monstres, et les faits de reproductions or-
, ganiques. Il admet que le développement des
i germes n'est pas uniforme, et qu'une infinité
de causes peuvent le faire varier. On conçoit,
dit-il, que l'enfant, dont le germe est fourni
par la mère, puisse ressembler aussi à son
père, quand on sait quelle influence la nourri-
ture première peut exercer sur le germe j
quand on voit, par exemple, les abeilles, qui
ont perdu leur reine, faire éclore une reine
nouvelle d'un œuf de neutre en le logeant dans
une cellule royale et lui procurant une nour-
riture plus abondante et plus choisie. On com-
prend de même comment un mulet peut naître,
qui tienne à la fois de son père et de sa mère ;
comment les monstres peuvent résulter de
germes modifiés par l'action de causes exté-
rieures, sans qu'il soit nécessaire de recourir
à des germes originairement monstrueux.
Quant aux reproductions organiques , elles
s'expliquent par des germes réparateurs ré-
pandus dans tout le corps des animaux où ces
reproductions ont été observées, germes d'or-
ganes prêts à se développer quand Je besoin
s'er fait sentir, et ne contenant précisément
que ce qu'il s'agit de remplacer.
La Contemplation de la nature et la Palin-
génésie philosophique contiennent la métaphy-
sique de Bonnet. Nous n'analyserons pas ici
ces deux ouvrages, auxquels le Grand Diction-
naire réserve des articles spéciaux (V. CON-
TEMPLATION DE LA NATURE, pALINGÉNKSIE PHI-
LOSOPHIQUE) ; nous nous bornerons à dire que
dans l'un et l'autre Bonnet proclame, applique
et développe cette grande loi de la continuité
posée par Leibnitz : la nature ne va point par
sauts. La Contemplation de la nature nous
montre tous les êtres naturels formant une
seule chaîne, dans laquelle les différentes
classes, comme autant d anneaux, tiennent si
étroitement les unes aux autres qu'il est im-
possible de fixer précisément le point où cha-
,. cune commence ou finit. «Entre le degré le
plus bas et le degré le plus élevé de la perfec-
tion corporelle et spirituelle, dit Bonnet, il est
un nombre presque infini de degrés intermé-
diaires. La suite de ces degrés compose la
chaîne universelle. Elle unit tous les êtres,
lie tous les mondes, embrasse toutes les
sphères. Un seul être est hors de cette chaîne,
et c'est celui qui l'a faite. » Dans la Palingé-
nésie, Bonnet déduit de la loi de continuité la
renaissance, la résurrection de tous les êtres
animés, la perfectibilité universelle. Il accorde
à l'animal une âme comme à l'homme j cette
âme est immortelle comme l'âme humaine, et
comme elle, appelée à s'élever, dans une vie
future, à un état plus parfait. Il n'hésite pas
à écrire : « L'homme, transporté dans un autre
séjour plus assorti h léminence de ses facultés,
laissera au singe et à l'éléphant cette première
place qu'il occupait parmi les animaux de
notre planète. Dans cette renaissance univer-
selle, il pourra se trouver chez les singes et
les éléphants des Newton et des Leibnitz. »
L'imagination de l'auteur, en même temps
qu'elle voit la brute monter au rangde l'homme,
voit la plante passer de la vie végétale à la
vie animale : c est l'échelle des êtres en mou-
vement. « Dans ce rêve d'une âme bienveil-
lante , dit spirituellement M. Villemain, il y
aurait de l'avancement pour tout le monde ;
tout, dans la nature, monterait par degrés
vers la sensation, la vie active, l'intelligence,
enfin la béatitude. »
Outre les ouvrages dont nous avons parlé,
Bonnet a laissé : Essai de psychologie (1754);
Hecherches philosophiques sur les preuves du
christianisme (1779).Il est l'auteur de la lettre
envoyée en 1755 au Mercure de France, au su-
jet du Discours de Rousseau sur l'origine de
l'inégalité parmi les hommes. Dans cette lettre
signée Philopolis
y
Bonnet représente à Rous-
seau que la société résulte immédiatement des
facultés de l'homme; que, par conséquent, elle
est naturelle, et que désirer le retour de l'hu-
manité à l'état sauvage, c'est accuser la Pro-
vidence!,
BONNET
BONNET (Jacc-ues), né en 1644, mort en
1724. Il exerça les fonctions de payeur du
Parlement et il hérita des écrits que son frère
Pierre, né à Paris en 1638, mort en 1708, et
médecin de la duchesse de Bourgogne, avait
rédigés sur la musique et sur la danse. Il les
mit en ordre, et publia les ouvrages suivants :
Histoire de la musique et de ses effets, depuis
son origine jusqu'à présent (Paris, 1715, in-12);
Histoire générale de la danse sacrée et pro-
fane (Paris, 1723, in-12).
BONNET
BONNET (Antoine), jésuite et théologien
français, né à Limoges en 1734, mort à Lunel
en 1800. Il professa la rhétorique à Toulouse,
et fut chargé plus tard de la direction des no-
vices. Outre plusieurs publications en latin,
on lui doit: Du culte religieux que l'Eglise
catholique rend aux choses saintes (1688, in-8°);
et Vie du bienheureux François Régis (1692,
in-l 2).
BONNET
BONNET (Louis-Marin) , dessinateur et
graveur français, né à Paris en 1743, tra-
vailla à Paris et à Saint-Pétersbourg. Il in-
venta en 1769 un nouveau genre de gravure
en couleurs, qu'il nomma le pastel en gravure,
et pour lequel il obtint une pension du roi. Il
publia une notice sur cette invention et un
catalogue d'estampes exécutées à l'aide de
son procédé. On a de lui près de 600 pièces,
représentant des sujets religieux, mythologi-
ques, allégoriques, historiques, des portraits,
des vues de monuments et de villes, des types
de fantaisie et des sujets de genre.
BONNET
BONNET (Louis-Ferdinand), avocat, né à
Paris en 1760, niort en 1839. En 178S, il
triompha dans une cause fameuse, celle de
Hl"
1
*: Kornmann, où figuraient Bergasse et
Beaumarchais. En 1804, déjà célèbre dans le
barreau de Paris, il plaida la cause du géné-
' rai Moreau, fut désigné d'office pour défendre
BONN
BONN
BONN BONN 961
Louvel, entra peu après à la chambre des
députés, et devint conseiller à la Cour de cas-
sation. Il a publié ses Discours et plaidoyers
(1823).
BONNET
BONNET (Bernard - Auguste - Ferdinand),
médecin français, né à Miramont en 1791.
Après'avoir, sous l'Kmpire, fait partie de l'ar-
mée comme officier de santé, il fut reçu doc-
teurà la faculté de Paris en 1816, alla se fixer
à Bordeaux et devint professeur de pathologie
à l'école préparatoire de cette ville. Le docteur
Bonnet a publié un assez grand nombre d'ou-
vrages, parmi lesquels nous citerons : Traité
des maladies du foie (1828, in-8°) ; De la na-
ture et du siège du choléra-morbus (1832) ;
Traité des fièvres intermittentes (L835) ; Du
mode de propagation des maladies épidémi-
ques réputées contagieuses (1837); Du mode
de propagation de la suette (1842); Considéra-
tions sur les systèmes pénitentiaires (1844) ;
Considérations nouvelles sur l'emprisonnement
cellulaire (1844); Hygiène physique et morale
des prisons (1847); De la monomanie du meur-
tre (1852).
BONNET,
BONNET, agronome et médecin français,
né vers 1800 à Besançon. Reçu docteur en
médecine k la Faculté de Paris en 1826, il
s'est établi dans sa ville natale, où, tout en
pratiquant son art, il s'est occupé d'une façon
toute particulière des questions d'agronomie.
Ses principaux ouvrages sont : Notice sur la
culture des trèfles en Franche-Comté (Besançon,
1830) ; Traité des engrais liquides (Besançon,
1830); Manuel pratique et populaire d'agri-
culture (Besançon, 1837,4e édition); Leçons sur
la culture des racines fourragères (1842), etc.
BONNET
BONNET (Pierre), poète français, né au
commencement de ce siècle. Tout en exer-
çant la profession de tourneur et celle de ca-
fetier à Beaucaire, il s'est livré à, la poésie et
a publié diverses compositions, écrites dans le
patois de son pays. Nous citerons, entre au-
tres : Pichoton réunou deis sailouns bouquei-
renquou,po&me en quatre chants (Arles, 1839);
les Doux liivaous de la Tartugou, poëme
héroï-comique en quatre chants (Nîmes, 1841);
Trata historiquou doue roussignoou, etc., en
vers et en prose (Alais, 1844).
BONNET
BONNET (Jules), chirurgien français, né à
Ambérieux en 1809, mort en 1858. Il était chi-
rurgien en chef de l'hôtel-Dieu de Lyon, et
il a publié, entre autres ouvrages : Mé-
moire sur te traitement des pierres arrêtées
dans le canal de l'urètre à la suite de l'opéra-
tion de la lithotritie (Lyon, 1842); Traité des
actions tendineuses et musculaires dans le stra-
bisme, la myopie, la disposition à la fatigue
des yeux, le bégayement, les pieds-bots; etc.
(Lyon, 1842); Kyste abdominal, simulant une
grossesse extra-utérine (1844) ; Traité des ma-
ladies des articulations (1845, 2 vol. in-8°) ;
Des services rendus par la médecine aux sciences
naturelles (1848); De l'influence des lettres et
des sciences sur l'éducation (1855); Traité de
thérapeutique des maladies articulaires (1853);
Traité pratique de la cautérisation (1855,
in-8°), etc.
BONNET
BONNET ( Pierre-Ossian), mathématicien
français, né en 1819. Elève de l'Ecole poly-
technique, puis répétiteur de mathématiques
dans cet établissement, il eut l'honneur, en
1862, de remplacer le célèbre Biot à l'Acadé-
mie des sciences. On lui doit de nombreux et
excellents mémoires publiés dans le Journal de
l'Ecole polytechnique et dans le recueil de l'Aca-
démie des sciences, et relatifs à des questions
d'analyse, de mathématiques, de mécanique et
de géométrie. Nous nous bornerons à citer ses
notes Sur la convergence des séries (1843) ; Sur
les intégrales définies (1841) ;Sur les propriétés
de la temniscate et sur les ombilics des surfaces
(1845) ; des mémoires Sur ta théorie des corps
élastiques (1845); Sur les surfaces isothermes
et orthogonales (1845-1849); Sur quelques cas
particuliers de l'équilibre de température dans
les corps dont la conductibilité varie avec la
position et la direction (1848); Sur la théorie
générale des surfaces (1849); Sur la théorie
mathématique des cartes géographiques (1852);
Sur quelques propriétés des lignes géodésiques
(1855).
BONNET
BONNET (Guillaui . s , , sculpteur français
contemporain, né à Saint-Germain-Laval
(Loire). Use forma sous la direction de MM. Ra-
mey et Dumont, et exposa pour la première
fois au Salon de 1845. Il a exécuté depuis les
portraits de plusieurs célébrités, notamment
les médaillons de Royer-Collard et de Sal-
vandy, les statuettes de Lacordaire et de Cha-
teaubriand , le buste de Pie IX et celui du
Eeintre Orsel. Il a été nommé chevalier de la
légion d'honneur en 1860.
BONNET
BONNET (Honoré). V. BONNOR, au Suppl,'-
BONNETBONNET DE FRÉJUS (J.-H.), littérateur et
publiciste français, né dans la seconde moitié
du xvnie siècle. Il entra dans les ordres, et,
forcé de quitter la France pendant la Révo-
lution, il passa aux Etats-Unis, où il se fit
naturaliser. Après le coup d'Etat du 18 bru-
maire, Bonnet de Fréjus revint à Paris et
publia l'Art de rendre les révolutions utiles
(2 vol. in-8.
0
), ouvrage qui eut un grand suc-
cès parmi les partisans de la monarchie,
parce qu'il y laissait entrevoir que le premier
consul ferait remonter les Bourbons sur le
trône. Voyez-vous le lion rugissant au milieu
deSa forêt pour effrayer les cerfs et les daims.
et les obliger à se réfugier dans les lacs que
Sa Majesté l'âne a tendus 1 Lorsque Joseph
Bonaparte devint roi de Naples, Bonnet l'y
suivit avec le titre de secrétaire général du
ministère de l'intérieur, et s'occupa surtout
de recherches sur les anciens monuments
des Deux-Siciles. Outre l'ouvrage précité, on
a de lui : la Heligion romaine en France ( 1801 ) ;
7'ableau politique de la France régénérée
(1801, in-8o); Du jury en France (1802); Etats-
Unis de l'Amérique à la fin du xvine siècle
(2 vol. in-8°); Etat de l'Europe continentale
à l'égard de l'Angleterre après la bataille
d'Austerlitz (1806), etc.
BONNET
BONNET DE TREYCHES, député aux états
généraux, puis à la Convention, où il vota la
mort de Louis XVI avec sursis. Proscrit avec
les girondins, il se cacha dans les montagnes
du Jura, et put ensuite gagner la Suisse. En
1810, il fut nommé membre du Corps législa-
tif. En 1816, exilé d'abord, il obtint bientôt
son rappel.
BONNÉTABLE,
BONNÉTABLE, ville de France (Sarthe),
ch.-l. de canton, arrond. et a 23 kilom. S. de
Mamers; pop. aggl. 3,362 hab.; — pop. tôt.
4,956 hab. Fabriques d'étamines, siamoises,
calicots, mouchoirs, tanneries, poteries. Beau
château gothique bien conservé, flanqué de
six tours rondes à créneaux et àmâchieoulis,
construit en 1478 par Jean d'Harcoitrt. Il ren-
ferme une salle remarquable surtout par ses
boiseries sculptées et plusieurs portraits des
seigneurs de Bonnétable.
B O N N E T A D E s. f. (bo-ne-ta-de — rad.
bonnet). Coup de bonnet, salut : Quand il
sera en jalousie et en caprice, nos BONNETADES
le remettront-elles? (Montaigne.)
Jean est chiche de bonnetade.
Et n'ôte jamais son chapeau.
11 ne le fait point par bravade;
11 craint d'éventer son cerveau.
BONNETAGE
BONNETAGE s. m. (bo-ne-ta-je — rad.
bonnet). Techn. Papier que l'on colle sur
l'amorce d'une pièce d'artillerie.
BONNETÉ,
BONNETÉ, ÉE (bo-ne-té) part. pass. du
v. Bonneler : Amorce BONNETÉE.
-
BONNETERBONNETER v. n. ou intr. (bo-ne-té — rad.
bonnet. — Double le t devant une consonne
muette: Je bonnette, tu bonnettes. Quelques-
uns, contre la règle générale, et fondés sur
des exemples qu'il faut considérer comme
• des fautes, changent e du radical en è au lieu
de doubler le t : Je bonnète, tu bonnèteras.
M. Littré a préféré cette forme, mais sans
donner de raison de sa préférence ; peut-être
a-t-il été séduit par l'exemple de Saint-Si-
mon, autorité plus que médiocre en fait de
grammaire). Se-montrer empressé, obsé-
quieux, prévenant, surtout dans un but in-
téressé, n Vieux mot.
— Opiner du bonnet, n'avoir pas d'avis à
soi, être de l'avis des autres : Il fut répondu
qu'il s'était tenu un conseil de guerre à Mons-
en-Puelle pour discuter le pour et le contre de
l'attaque des ennemis; que d'O et Gamaches
BONNETÈRENT. (St-Simon.) Il Inusité.
BONNETER
BONNETER v. a. ou tr. (bo-ne-té — rad.
bonnet). Pyrotechn, Couvrir d'un bonnetage :
BONNETER des amorces.
BONNETERIES,BONNETERIES, f. (bo-ne-te-rî— rad. bon-
net). Fabrication ou commerce des articles
du bonnetier: S'enrichir dans la BONNETERIE.
Fonder une maison tfe BONNETERIE, il Marchan-
dise que vend le bonnetier: Presque toute la
BONNETERIE de France, commerce considérable,
se fabrique autour de Troyès. (Balz.) / / put
verser ses BONNETERIES dans Paris et en France,
avec des bénéfices, quand les plus heureux ven-
daient à prix coûtant. (Balz.)
— Par cxt. Corps des bonnetiers, compo-
sant autrefois la cinquième des six corpora-
tions de marchands de Paris.
EONNETEUR s. m. (bo-ne-teur— rad. bon-
neter). Celui qui prodigue les révérences et
les compliments, n Vieux mot. n Nom donné
autrefois à certains .filous qui cherchaient à
voler les gens tout en les accablant de civi-
lités et de compliments.
— Argot. Filou qui vole au jeu. Le gain
qu'il fait s'appelait autrefois bonnet, il Filou
qui joue aux cartes avec le public, dans les
foires, et gagne à peu près toutes les parties.
BONNÉTIE
BONNÉTIE s. f. (bo-né-tî — de Bonnet,
savant genevois). Bot. Genre de plantes, de
la famille des théacées, comprenant une di-
zaine d'espèces d'arbres ou d'arbrisseaux^
qui croissent au Brésil. Il On a donné aussi
ce nom à un autre genre de la même famille,
plus connu sous celui de mahurée.
— Entom. Genre d'insectes diptères, com-
prenant deux espèces, qui se trouvent en
Europe.
B O N N É T I É , ÉE adj. ( bo-né-tié — rad.
bonnétie). Bot. Qui ressemble à une bonné-
tié. il s. f. pi. Groupe de théacées ayant pour
type le genre bonnétie.
B O N N E T I E R , 1ÈRE s. (bo-ne-tié — rad.
bonnet). Celui, celle qui fait ou qui vend des
bonnets, des bas et autres vêtements de tri-
cot : Un BONNETIER bien assorti.
— adj. : Un marchand BONNETIER.
— Bot. Chardon bonnetier ou à foulon, Nom
vulgaire d'une cardère, dont la tête (capi-
tule), armée de longues pointes flexibles, est
employée au peignage des draps ' Le CHAR-
DON BONNETIER est cultivé en grand dans le
midi de ta France.
— Encycl. Aujourd'hui un bonnetier est ce-
lui qui vend ou fabrique les bonnets, les bas,
les tricots; jadis le sens du mot bonnetier
était plus étendu, et, dans les ordonnances des
métiers de Paris, dressées en 1390, on com-
prend sous ce titre les aumussiers, les mitai-
niers et les chapeliers. Les bonnetiers faisaient
partie des six corps des marchands de Paris,
qui jouèrent un si grand rôle dans l'ancienne
bourgeoisie. Le passage suivant de Sauvai
montrera de quelle importance le corps des
marchands jouissait encore à sun époque :
« Présentement, les six corps des marchands
de Paris ne sont autres que les drapiers, les
épiciers, les merciers, les pelletiers, les bon-
netiers et les orfèvres. Et ce sont eux seule-
ment qui, aux entrées tant des empereurs, des
rois et des reines que des légats, leur vont
rendre les devoirs avec le prévôt des mar-
chands, les échevins et le corps de ville, et
même leur portent le dais, les uns après les
autres, dans l'ordre que je les ai nommés, re-
vêtus chacun de robes et de toques de soie
de différentes couleurs. Tout le inonde, au
reste, ne les appelle point autrement que les
six corps, autant par abréviation que par ex<-
cellence. » Il n'était pas de peu d'importance
de faire partie du corps des marchands, puis-
que les marchands de vin plaidèrent long-
temps pour forcer les six corps privilégiés à
les admettre parmi eux. Il y avait d'abord le
plaisir de la vanité, plaisir goûté de tout
temps par les bourgeois, par les bourgeoises
surtout : figurer dans les entrées solennelles,
tenir le poêle au-dessus de la tête de la reine,
se montrer revêtu d'habits splendides aux
yeux de ses concitoyens, était, même au point
de vue du commerce, une t'éclame excellente.
Si un semblable honneur était quelquefois
coûteux, il avait aussi son bon côté, qui con-
sistait en privilèges, en exemptions, voire
même quelquefois en anoblissement attaché à
l'exercice de certaines charges. On comprend
l'empressement des artisans à faire partie de
ce corps privilégié, faveur qui ne leur arri-
vait qu'avec l'accroissement de leur fortune.
Les bonnetiers furent longtemps sans faire
partie des six corps de marchands, et la ma-
nière dont ils y entrèrent est trop instructive,
et donne trop bien l'idée de mœurs qui ne
sont plus les nôtres, pour que nous ne la rap-
portions pas ici. n A l'arrivée de Marie d'An-
gleterre, seconde femme de Louis XII, dit
Sauvai, les changeurs n'ayant pu s'y trouver,
ne se trouvèrent plus depuis à de semblables
cérémonies et cessèrent d'être du nombre des
six corps. Ce qui en fut cause, au reste, c'est
qu'alors, se trouvant réduits à cinq ou six
chefs de famille, et n'ayant pas moyen de
fournir aux frais nécessaires en pareille -fête,
à moins que de s'incommoder beaucoup, ils
furent contraints de s'en excuser à la vifle et
la prier de les en décharger. Les bonnetiers,
à oui on proposa de le faire, y consentirent
volontiers. Si bien qu'après les merciers, ils
portèrent le poêle sur la reine au lieu des
changeurs,avant les orfèvres. Parce moyen-
là, d'artisans qu'ils avaient toujours été, ils
devinrent marchands, l'un des membres et le
cinquième des six corps. Ainsi les changeurs,
riches anciennement et en grand nombre, de
plus célèbres par le Pont-au-Changé, affecté
autrefois à leur demeurej se virent déchus,
eux et leurs descendants, d'un honneur qu'ils
tenaient de leurs devanciers. »
Les bonnetiers avaient, comme tous les corps
de métiers de cette époque, un bureau, une
confrérie et des armoiries. Leur confrérie était
dans la chapelle de Saint-Fiacre, qu'ils avaient
pris pour leur patron. « De toutes les cha-
pelles, dit Sauvai, c'était la mieux placée :
sur la frise d'un lambris qui l'environne sont
taillés des bonnets de différentes manières.
Dans les vitres sont peints çà et là des char-
dons et des ciseaux ouverts, principalement
des ciseaux ouverts avec quatre chardons au-
dessus, qui sont leurs premières armes, et
qu'ils ont quittées en 1629 pour prendre celles
que le prévôt des marchands et échevins leur
donnèrent. Ce sont cinq nefs d'argent aux
bannières de France, une étoile d'or à cinq
pointes en chef. Lesdites armoiries en champ
de pourpre. » Depuis cette époque, les bonne-
tiers ont perdu leurs armoiries, comme les
cinq autres corps de marchands ; ce sont
d'honnêtes industriels qui exercent leur com-
merce librement comme tous les autres, ou
plutôt il n'y a plus guère de bonnetiers pro-
prement dits; ce sont les merciers qui ven-
dent les objets de bonneterie, avec beaucoup
d'autres objets, et les merciers eux-mêmes
tendent à. disparaître devant l'envahissement
des grandes maisons de nouveautés qui ven-
dent de tout, qui semblent vouloir aosorber
tout le commerce individuel dans le gouffre
du commerce par actions, c'est-à-dire confis-
quer l'indépendance du travailleur au profit
de la toute-puissance du capital.
Ceci, cher collaborateur, est très-bien dit ;
cependant le Grand Dictionnaire ne saurait y
souscrire que sous bénéfice d'inventaire, c'est-
à-dire avec une légère restriction. Lisez notre
article ASSOCIATION, et vous verrez que le
capital a du bon ; c'est avec lui seul que l'on
exécute les grandes choses. Seulement, comme
il réduit l'artisan au rôle de machine infime,
faisons en sorte que, dans ces grandes orga-
nisations industrielles, filles du capital, l'ou-
vrier, l'artisan, la machine soit proportion*
nullement intéressée aux bénéfices de l'en-
treprise.
BONNETTEBONNETTE s. f. (bo-nè-te—dim. de bonnet).
Petite coiffure d'enfant.
— Pop. Tête : Une tuile me tomba sur la
BONNETTE.
— Fortif. Ouvrage avancé, qui est au delà
du glacis ou de l'avant-fossé, en forme de
petit corps de garde, et dont les deux faces
forment un ançle saillant, il Exhaussement
du parapet fait a l'angle d'un ouvrage.
— Mar. Chacune des petites voiles que l'on
ajoute aux grandes, lorsque, dans un temps
calme, on veutdonner plus de toile au vent :
BONNETTES
BONNETTES basses. BONNETTES de hunier, de
perroquet. H essaya de faire mettre prompte-
ment toutes ses BONNETTES hautes et basses,
tribord et bâbord, pour présenter au vent l'en-
tière surface de toile qui garnissait ses ver-
gues. (Balz.) La grande voile, dans les bâti-
ments à trois mâts, ne grée pas de BONNETTES.
(Willaumez.) Il Bonnettes de bonnettes, Très-
E
etites voiles que l'on ajoute encore aux
onnettes. n Bonnettes maillées, Celles que
l'on fixe aux basses voiles à l'aide de mailles
ou œillets, u Bonnettes à étui ou coutelas ,
Celles qui s'attachent aux extrémités de la
grande vergue sur les bouts-dehors, n Bon-
nettes lardées, Toiles piquées et garnies d'é-
toupes, que l'on emploie pour boucher les
voies d'eau.
— Pêch. Bonnette de banc, Bande de toile
que les pêcheurs de morue tendent devant
eux pour se mettre à l'abri du vent.
BONNETTY
BONNETTY (Augustin), théologien et pu-
bliciste, né à Entrevaux (Basses-Alpes) en
1798. Il fonda en 1830 un recueil mensuel qui
paraît encore aujourd'hui, Annales de philo-
sophie chrétienne, dont le caractère spécial
est la démonstration de la véracité de la ge-
nèse mosaïque et de la révélation chrétienne
Far des arguments tirés de la géologie, de
ethnographie et d'autres sciences. Il dirige
également, depuis 1836, l'Université ca-
tholique , revue destinée à opposer aux
doctrines de l'université un enseignement
fondé d'une manière exclusive sur les dogmes
catholiques. M. Bounetty a publié : Beautés
de l'histoire de'l'Eglise (1841), et une l'abte
de toïis les auteurs édités par le cardinal Mai
(1850).
BONNEVAL
BONNEVAL (Claude-Alexandre, comte DE),
célèbre aventurier, que son impétuosité et
son inconstance naturelle jetèrent dans une
foule de situations les plus opposées, naquit
en 1675 d'une des premières familles du Li-
mousin, et mourut en 1747. Il quitta la ma-
rine à la suite d'un duel, entra dans les gar-
des françaises et acheta un régiment en 1701.
Il fit les guerres d'Italie sous Catinat, Ville-
roi, Vendôme, et y déploya la plus brillante
valeur. Une insulte à M">e de Maintenon et a
Chamillart le força k se réfugier en Autriche,
où il servit contre la France avec le grade
de général-major, sous les ordres du prince
Eugène, avec lequel il fit les campagnes de
1710, 1711 et.1712. Il revint néanmoins en
France, se maria, puis abandonna sa femme
pour retourner en Autriche. Il se signala à la
bataille de Peterwardein et à la prise de Te-
meswar (1716); mais ayant insulté le prince
Eugène, il fut privé de ses dignités et se ré-
fugia en Turquie, où il embrassa l'islamisme.
«82 BONN
BONN
BONN BONN
Il devint alors général de l'artillerie, pacha
sous le nom d'Acnmet, et tenta de vains efforts
pour introduire dans l'artillerie ottomane la
tactique et la discipline européennes. Il mou-
rut au moment ou il songeait à revenir en
France. Les Mémoires qu on a publiés sous
son nom sont apocryphes.
BONNEVAL,
BONNEVAL, ville de France (Eure-et-Loir),
ch.-l. de c a n t , arrond. et à 14 kilom. N.-E.
de Chàteaudun, au confluent du Loir et de
i'Ozanne; pop. aggl. 1,815 hab. — pop. tôt.
3,006 hab. Fabriques de flanelles, couvertures
de laine, calicots, toiles ; moulins à fuulon,
tanneries très-importantes; commerce de
grains, farines, lames et bestiaux. Colonie
agricole établie dans les anciens bâtiments
dune abbaye de bénédictins; débris des an-
ciennes fortifications ; monuments druidiques.
L'abbaye de Bonneval fut fondée, en 841,
par un seigneur de ce nom, sous le vocable
des saints martyrs Marcellin et Pierre. Les
rois de France, à commencer par Charles le
Chauve, lui accordèrent de nombreux privi-
lèges. Une charte du roi Jean, de mars 1354,
concéda aux religieux le droit d'avoir des
fourches patibulaires à trois piliers de bois
ou de pierre. L'abbaye de Bonneval eut beau-
coup k souffrir des ravages des Normands,
des guerres avec les Anglais et des troubles
des calvinistes. En 1645, elle fut unie à la
congrégation de Saint-Maur. Après que l'As-
semblée nationale eut décrété (1790) la sup-
pression des communautés religieuses, le cou-
vent de Bonneval fut vendu comme bien de
la nation, et devint successivement manufac-
ture, propriété du marquis d'Aligre, siège de
la colonie agricole pour les enfants trouvés
du département d'Eure-et-Loir. En 1855, les
religieux de l'ordre de Cîteaux songèrent à
l'acquérir pour y établir un collège. L'abbaye
présentait autrefois une surface de 25 hec-
tares fermée par de fortes murailles. L'église
était fort remarquable : un des premiers, soins
de l'acquéreur, en 1793, fut de la faire démo-
lir ainsi que la manse abbatiale. Les bâtiments
actuels n'ont plus rien d'in té ressaut, si l'on
excepte les restes de l'ancien cloître, l'entrée
de l'abbaye flanquée de deux tours dont l'ap-
pareil est mi-partie de briques et de pierres,
et la crypte de l'abbaye.
Bonneval était autrefois une importante
place forte que Louis le Gros fit démanteler
en 1153. Pendant le siège d'Orléans par les
Anglais, Henri V, roi d Angleterre, fit com-
plètement raser cette ville, qui fut rebâti©
bientôt après, mais resta ville ouverte.
BONNEVAL
BONNEVAL (René DE), littérateur français,
né au Mans, mort en 1760. Il eut plus de fé-
condité que de génie. Ses principales produc-
tions sont : Momus au cercle des dieux (1717) ;
Réflexions sur l'anonyme (Voltaire) et sur ses
conseils à M. Racine au sujet du poëme de la
Religion ; Critique des lettres philosophiques
de Voltaire (1734); Eléments de l'éducation
(1743); Lettre d'un ermite à J.-J. Rousseau
(1753); Dissertation entre le P. Ruffier et le
sieur de Bonneval, etc.
BONNEVAL
BONNEVAL (Michel DE), littérateur et cho-
régraphe français, né au Mans, mort en 1766.
Il était intendant des menus plaisirs du roi, et
il a composé un assez grand nombre de bal-
lets, l'opéra de Jupiter vainqueur des Titans
(1745), ainsi qu'une épître intitulée : le Lan-
gage de la nature (1760).
BONNEVAL
BONNEVAL (Jean-Jacques GIMAT DE), co-
médien français, né vers 1711, mort en 1783,
avait reçu une bonne éducation. Un singulier
don de la nature le décida à embrasser l'état
d'artiste dramatique. Il y a des défauts qui-
sont pour certains acteurs une mine califor-
nienne ; ils bégayent, ils nasillent, ils zézayent ;
gage certain de succès; tel acteur troquerait
son nez contre celui d'Antinous qu'il perdrait
horriblement au change. Ainsi le veut le pu-
blic, cet idiot qui a plus d'esprit que Vol-
taire. Bonneval n'avait rien à envier de ce
côté. « Il était face comiquement, • rapporte
un de ses contemporains ; or cette face comi-
que ne s'accordait guère avec la gravite des
professions libérales auxquelles Bonneval pou-
vait prétendre. Après avoir fait l'expérience
de ce défaut de nature et compris tout le parti
qu'il pouvait en tirer, il se livra à de sérieu-
ses études scéniques, fit divers essais qui
l'encouragèrent, et débuta à la Comédfe-
Française, dans l'emploi des financiers, le
9 juillet 1741, par le rôle d'Orgon. Sa verve
et son organe timbré à souhait pour le per-
sonnage qu'il représentait ne lui valurent,
à l'origine, qu'un accueil très-froid. Les ha-
bitués de la Comédie, possédés de la manie
des comparaisons, l'opposaient sans cesse à
La Thorillière, son chef d'emploi, et on de-
vine que, par routine et parti pris, l'avan-
tage ne restait pas au nouveau venu. La
bonne et joviale figure de Bonneval lui mé-
rita néanmoins le titre de sociétaire, le 8 jan-
vier 1742, pour tenir les rôles à manteau,
ceux de père, etc. Toutefois ce ne fut qu'en
1759 , époque de la retraite de La Thoril-
lière , que les plus sévères voulurent bien
rendre pleine justice à la rare intelligence de
Bonneval et à son jeu finement comique. Il
donna un soir une preuve frappante de sa
présence d'esprit : au troisième acte, scène
septième de 1 Avare, Cléante paraît mécon-
tent du choix qu'Harpagon a fait de sa Ma-
rianne ; Harpagon témoigne sa surprise du
compliment, et Marianne répond à son tour.
M'
l e
Doligny qui jouait ce rôle, manqua de
mémoire, et le souffleur, qui, sans doute en
ce moment, piquait un Laïus,
Car que faire en un trou
le souffleur la laissa dans l'embarras, ainsi
que Frosine qui pouvait l'aider. Bonneval
reprit sur-le-champ, au moment où les trois
acteurs semblaient stupéfaits : « Elle ne ré-
pond rien, que voulez-vous qu'elle réponde ?
elle a raison ; à sot compliment point de
réponse. » Le public applaudit vivement la
repartie de Bonneval. On voit que, sur Ja
scène comme dans le monde, on gagne à avoir
affaire à un homme d'esprit. «Bonneval, dit
un biographe, fut gravé dans le rôle du Ma-
lade imaginaire, qu'il jouait supérieurement. »
Il se retira, en 1773, avec deux pensions,
l'une de 1,500 livres, de la Comédie j l'autre de
500 livres, accordée par le roi Louis XV.
BONNEVAL
BONNEVAL (Sixte-Louis-Constant RUFFO
DE), prêtre et écrivain français, né à Aix en
1742, mort à Vienne (Isère) en 1820. Le clergé
de Paris le nomma député aux états généraux.
Il émigra en 1794, après avoir publié : Remon-
trance au roi par les bons Français (1791);
Doléances au roi (1792). Plus tard, il publia :
Avis aux puissances de l'Europe (ilQ8). Il passa
en Allemagne, puis en Italie, vint ensuite se
fixer à Vienne, et fut nommé chanoine. Outre
les écrits déjà cités, on lui doit : Réflexions
d'un ami des gouvernements et dé l'obéissance
(1793, in-S<>) ; le Cri de l'évidence et de la
douleur (1794, in-8°).
BONNEVAULT
BONNEVAULT (Pierre), sorcier poitevin du
XVI
e
siècle, qui fut arrêté parce qu il allait au
sabbat, et condamné à mort comme convaincu
d'avoir été en relations avec le diable. Dans
l'interrogatoire qu'on lui fit subir, il confessa
qu'il avait été mené au sabbat par ses parents ;
que là il s'était donné au diable, lui permet-
tant de prendre ses os après sa mort," mais
refusant de lui abandonner son âme. Il avoua
qu'il appelait le diable son maître ; qu'un jour,
se trouvant seul sur la route avec ses deux
iuments, chargées d'avoine, il entendit du
bruit derrière lui, et que, craignant d'être at-
taqué par des voleurs, il appela à son aide le
diable, qui vint aussitôt sous la forme d'un
violent tourbillon, et le transporta, ainsi que
ses deux juments, à son logis. Il avoua aussi
avoir fait mourir diverses personnes au moyen
de poudres enchantées. — Son frère, Jean
BONNEVAULT,
BONNEVAULT, fut accusé du même crime. Le
jour du procès, il invoqua le diable, qui l'en-
leva de terre à une hauteur d'environ quatre
ou cinq pieds, et le laissa retomber sur le
carreau sans aucun bruit, quoiqu'il eût aux
Ê
ieds des entraves et des chaînes de fer.
eux archers l'ayant relevé, on _lui trouva
toute la peau de couleur bleue tirant sur le
noir ; il écumait par la bouche et souffrait
dans tout son corps. Comme on lui demanda
la cause de cet accident, il répondit que c'était
le diable qui avait essayé de l'enlever, mais
qu'il n'avait pu y réussir, car tout lien était
rompu entre eux depuis qu'il avait prêté ser-
ment à la justice. Il avoua avoir mené au
sabbat un jeune homme qui avait promis au
diable un doigt de sa main après sa mort. Il
ajouta qu'il allait au sabbat transporté par
le vent ; que là il voyait le diable sous la
forme de chien, de chat ou d'homme noir;
qu'il l'adorait et lui baisait le derrière, tenant
une chandelle à la main; qu'enfin le diable
avait affaire charnellement avec les femmes
ui venaient au sabbat. Il s'accusa, en outre,
'avoir fait mourir différentes personnes par
sortilège, et fut brûlé. —Mathurin de BONNE-
VAULT, parent des deux précédents, et accusé
également de sorcellerie, répéta les mêmes
aveux. On lui trouva une petite rose dessinée
sur l'épaule droite; on y enfonça une longue
épingle, et, comme il ne ressentit aucune dou-
leur, on en conclut qu'il était sorcier. Il avoua
que sa femme avait l'habitude de faire sécher
au four des serpents et des crapauds pour des
maléfices; que c'était elle qui lavait mené au
sabbat, où il avait vu le diable avec des yeux
noirs, ardents comme des charbons. Il fut
condamné à être brûlé, et avoua qu'il avait,
au moyen de sortilèges, fait mourir nombre de
personnes.
La biographie de ces trois personnages
n'offre guère d'intérêt. Si nous l'avons donnée,
c'est pour rappeler, une fois de plus, à quel
degré d'abrutissement et de cruauté peuvent
amener l'ignorance et sa fille la superstition.
Voilà trois malheureux, trois insensés, sans
doute épileptiques, qui viennent confesser à
des juges leurs relations avec messire Diabo-
lusl Et ces juges, aussi ineptes que cruels,
livrent au bûcher cette famille de sorciers
— de fous — de malades que les soins de
nos modernes aliénistes eussent rendus à la
santé.
BONNEV1E (l'abbé DE), prédicateur fran-
çais, né vers 1764. Il fut nommé chanoine de
l'église métropolitaine de Lyon en 1802, et
suivit à Rome, en qualité de secrétaire, l'ar-
chevêque Fesch, oncle de Napoléon; mais
lorsque celui-ci eut obtenu le chapeau de car-
dinal, il revint à Lyon , où il se fit une cer-
taine réputation comme prédicateur. Sous la
Restauration, l'abbé de Bonnevie oublia vite
les témoignages de dévouement qu'il avait pro-
digués à la dynastie napoléonienne, et il mon-
tra les sentiments du plus ardent royalisme.
Il prononça, dans la cathédrale de Lyon, les
oraisons funèbres de Louis XVI, de Marie-
Antoinette, de M
ine
Elisabeth. Ces discours
furent imprimés, ainsi que d'autres, avec des
sermons, des panégyriques de saints, etc.
Ces écrits de 1 abbé de Bonnevie, fort loués
de son temps, sont pleins d'affectation, d'em-
phase, de jeux de mots, de longues énuméra-
tions, et ce qui, le plus souvent, y domine,
c'est le mauvais goût. Il suffira, pour donner
une idée de sa manière, des deux phrases sui-
vantes : a Imprimeurs de mauvais livres, bri-
sez vos planches et sauvez-vous sur la planche
du repentir. — La pénitence est un pont que
Dieu a jeté sur le fleuve de la vie pour nous
conduire à Yéternité, » et tutti quanti.
BONNE-VILAINEBONNE-VILAINE s. f. (bo-ne-vi-lè-ne).
Hortic. Variété de poire : Des BONNES-VI-
LAINES.
BONNEVILLE,BONNEVILLE, petite ville de France, capi-
tale du Faucigny (Haute-Savoie), située dans
Une jolie plaine au bord del'Arve, sur la route
de Genève à Sallenche. Elle n'a de remar-
quable que sa forme triangulaire et une co-
lonne de 22 m. de haut, élevée en l'honneur
du roi de Sàrdaigne Charles-Félix, qui en-
treprit d'importants travaux pour contenir
l'Arve dans son lit. Bonneville est très-pitto-
resquement assise entre le môle et le mont
Brizou, montagne taillée à pic, d'une hauteur^
de 1,879 m., et de laquelle on jouit d'un pano-"
rama magnifique sur les glaciers de la chaîne
du mont Blanc. La vallée qui conduit de Bon-
neville à Cluse, et qui porte aussi le nom de
Bonneville, est des plus pittoresques. A ses
deux extrémités, elle est resserrée entre les
montagnes comme entre deux forteresses inac-
cessibles, tandis qu'au milieu elle offre de verts
pâturages, ombragés de noyers séculaires, à
travers lesquels on aperçoit des cimes neigeu-
ses qui contrastent avec cette fraîche verdure.
BONNEVILLE,
BONNEVILLE, ingénieur et littérateur.fran-
çais, né à Lyon vers 1710, mort vers 1780. Il
a publié, entre autres ouvrages : Esprit"des
lois de tactique et des différentes institutions
militaires, etc. (La Haye, 1762, 2 vol. in-4<>) ;
De l'Amérique et des Américains ou Observa-
tion curieuses du philosophe la Douceur, etc.
(1771, in-8<>). Bonneville avait découvert un
engin de guerre d'une grande force destruc-
tive, auquel il donna le nom de Lyonnaise. Il
en a publié une description sous ce titre : les
Lyonnaises protectrices des Etats souverains
et conservatrices du genre humain, etc. (1771,
in-8°). C'est à Bonneville qu'on doit la pu-
blication des Rêveries du maréchal de Saxe
(La Haye, 1756, in-fo!.).
BONNEVILLE
BONNEVILLE DE MARSANGV (Arnould),
magistrat et criminaliste français, né à Mons
(Belgique) en 1802. Successivement substitut,
en 1823, puis procureur du roi àChâteauroux,
Saint-Amand, Nogent-le-Rotrou, Reims, Ver-
sailles, puis président du tribunal de ce der-
nier siège, il est, depuis 1854, conseiller à la
cour impériale de Paris, officier de la Légion
d'honneur. Esprit investigateur et fécond,
M. Bonneville a proposé et fait prévaloir plu-
sieurs innovations utiles, entre autres l'insti-
tution des Casiers judiciaires (v. ce mot) et le
système de libération préparatoire des con-
damnés amendés. M. Bonneville a publié : en
1841, un Traité de la récidive; en 1847, un
Traité des institutions complémentaires du ré-
gime pénitentiaire (l vol. in-8°); en 1855 et
1864, les deux premiers volumes (le 3
e
et der-
nier est sous presse) d'un important travail
sur l'Amélioration de la loi criminelle, en vue
d'une justice plus prompte, plus moralisante
et plus efficace, ouvrages, surtout le dernier,
3
ui ont placé leur auteur aux premiers rangs
e nos criminalistes modernes. Les nombreux
ordres étrangers dont M. le conseiller Bon-
neville est décoré témoignent que l'influence
réformatrice de ses écrits et de son ardente
initiative s'est étendue au delà de la France.
BONNEVILLE
BONNEVILLE (Nicolas OE) , littérateur et
publiciste,né à Evreux en 1760, mort en 1828.
Encouragé par d'Alembert, il se fit connaître
de bonne heure par des poésies et diverses
autres publications. Letourneur se l'adjoignit
pour sa traduction de Shakspeare. Electeur
et président d'un district de Paris dès le dé-
but de la Révolution, il eut le premier, dit-on,
l'idée de la formation de la garde nationale,
fonda avec Fauchet divers journaux, le Cer-
cle social, la Bouche de fer, la Chronique du
jour, etc.; subit pendant la Terreur une assez
longue détention pour cause de modérantisme,
et fut persécuté sous l'empire pour un motif
contraire. Ses opinions politiques étaient un
mélange d'idées révolutionnaires et mysti-
ques. Il était partisan de l'illuminisme de
Saint-Martin. Il mourut bouquiniste, rue des
Grès, à Paris. Il a donné beaucoup d'écrits
oubliés aujourd'hui, mais qui produisirent
alors une certaine sensation : le Nouveau
théâtre allemand (Paris, 1782, 12 vol. in-80) ;
Choix de petits romans imités de l'allemand
(1786) ; le Tribunal du peuple (1789) ; Histoire
de l'Europe moderne (17S9-1792, 3 vol. in-8û);
De l'esprit des religions (l79l,in-8°); le Vieux
tribun (1791, 2 vol.) ; le Nouveau code con-
jugal établi sur les bases de la constitution
(1792) ; Poésies (1793).
BONNE-VOGUE
BONNE-VOGUE s. f. (bo-ne-vo-lle ; Il mil.
— de bonne, et de l'ital. voglia, volonté). Ane.
mar. Homme qui se louait pour ramer sur
les galères de Malte : Les BONNES-VOGLIES
sont à la chaîne comme les forçats le sont en
France. (Lunier.) H En Provence, Mauvais
garnement, par allusion sans doute aux
mœurs suspectes de ces compagnons volon-
taires des galériens.
BONNEY
BONNEY (le rév. Henri KAYE), biographe
anglais, né en 1"80. Docteur en théologie de
l'université de Cambridge, archidiacre et
chanoine résidant de Lincoln, il est auteur de
la Vie de l'évêque Jéremy Taylor (1815), de
Notices historiques et de Mémoires sur Tho-
mas F. Middleton, premier évêque de Cal-
cutta.
BONNIER
BONNIER (Edouard-Louis-Joseph), juris-
consulte français, né à Lille le 27 septembre
1808. Les débuts de M. Bonnier firent présa-
ger de bonne heure la haute position qui devait
récompenser ses travaux. Après avoir fait de
fortes études au collège Rollin, où il fut le
condisciple et l'émule de M. de Montalembert,
il suivit les cours de droit de la faculté de
Paris. Licencié à vingt-deux ans (1830), il
passa avec un grand succès les examens de
doctorat en 1832 et résolut dès lors de se li-
vrer au professorat. En 1839, il obtenait, au
concours , une chaire de professeur sup-
pléant à la faculté de Paris. Cinq ans plus
tard, la chaire qui comprenait alors les cours
de législation pénale et de procédure civile et
criminelle devint vacante. C'est encore par
la voie du concours que M. Bonnier l'obtint.
Tandis que, grâce à sa haute science et à sa
profonde connaissance du droit, il devenait le
collègue de ses anciens maîtres (1844), il de-
vait à la dignité età l'affabilité de soncaractère
de devenir aussi leur ami. En 1844, il épousa
la fille de M. Ortolan, professeur de droit pé-
nal. Depuis cette époque, M. Bonnier n'a
cessé d'occuper sa chaire, attirant un grand
nombre d'élèves par la clarté de sa parole,
la netteté de sa doctrine, la haute morale et
la probité de ses principes. Ces qualités l'ont
fait désigner plusieurs - fois pour suppléer
M. Oudot dans son cours de philosophie du
code civil. M. Bonnier est chevalier de la
Légion d'honneur depuis le mois d'août 1858.
Ses publications, assez nombreuses, sont tou-
tes fort estimées. En dehors de nombreux ar-
ticles, insérés dans la Revue du droit français
et étranger, dans la Bévue de législation, et
d'une série publiée dans le Correspondant sur
les Rapports entre l'Eglise et l'Etat, M. Bon-
nier a donné : Traité théorique et pratique des
preuves en droit civil et en droit criminel
(1843, 2 vol. in-8°); Eléments d'organisation
judiciaire et de procédure civile (1847, 184S,
2 vol. in-8<>). Cet ouvrage a été réédité en 1853,
en deux parties distinctes: Eléments d'orga-
nisation judiciaire (1 vol. in-8°); Eléments de
procédure civile (1 vol. in-8°). En 1858, ces
Eléments ont été réunis aux Eléments de droit
pénal de M. Ortolan, avec lesquels ils forment
3 vol. in-S°. Commentaire théorique et pratique
du code civil, premier examen (1851, 2 vol.
in-8°). Cet ouvrage, publié en collaboration
avec MM. Ducaurroy et Roustain, doit avoir
six volumes; deux volumes sont consacrés à
chaque examen. Interrompue par la mort de
M. Roustain, cette publication sera achevée
par MM. Bonnier et Ducaurroy.
BONNIER
BONNIER DARCO (Ange-Elisabeth-Louis-
Antoine), conventionnel, né à Montpellier en
1750, mort en 1799. Il fut président de la cour
des aides, député à l'Assemblée législative,
puis à la Convention. Dans le procès de
Louis XVI, il vota pour la mort sans sursis.
Envoyé par le Directoire comme plénipoten-
tiaire aux conférences de Lille (1797), il fut
chargé de suivre les négociations au congrès
de Rastadt, et périt en quittant cette ville pour
revenir en France, assassiné par des hussards
autrichiens. Son collègue Roberjot périt éga-
lement dans ce guet-apens odieux. Le troi-
sième commissaire de la République, Jean
Debry, fut blessé et n'échappa que par mira-
cle (28 avril 1799). On a de Bonnier d Arco des
Recherches historiques et politiques sur Malte
(1798).
BONN1ÈRES, bourg de France (Seine-et-
Oise), ch.-l. de cant., arrond. et à 13 kilom.
N.-O. de Mantes, sur la rive gauche de la
Seine et le chemin de fer de Paris à Rouen;
pop. aggl. 654 hab. *— pop. tut. 809 hab. Aux
environs, ruines d'une tour du xvic siècle.
BONN1ÈRES (Alexandre-Jules-Benoît DE),
jurisconsulte français, né à Grancey (Berry)
en 1750, mort à Paris en 1801. Après avoir
étudié le droit sous le célèbre Pothier, il de-
vint avocat de la ville d'Orléans, puis avocat
consultant du comte d'Artois et intendant de
sa maison. Il faillit être victime des massacres
de septembre, et, en 1796, il fut élu membre
du conseil des Cinq-Cents. Après le 18 fructi-
dor, il fut mis au nombre des proscrits; mais
le gouvernement consulaire lui permit bientôt
de rentrer dans sa patrie.
|
BONNIEUX,BONNIEUX, bourg de France (Vaucluse),
1
ch.-l.. de cant., arrond. et à 12 kilom. S.-O.
d'Apt; pop. aggl. 1,037 h. — pop, tôt. 2,530 h.
Bonnieux possède une église digne d'attirer
l'attention : elle domine la ville; on y monte
par 81 marches d'un côté et 84 de l'autre. La
porte Sud est moderne ; la nef et la porte orien-
tale datent de l'époque romane; le reste est
(
du xve siècle. Elle renferme un beau tableau
; de Mignard, représentant saint François d'As-
sise, avec le Christ, la Vierge et des groupes
•; d'anges.
j BONNIGHE1M, ville du Wurtemberg, cer-
cle du Neeker, à 21 kilom. N.-O, de Ludwis-
; ' burg, au pied du Michelberg, près du Necker.
j 2,330 hab. Vieux château royal; récolte de
grains et de vins estimés.
BONNlN(François'-Urbain-Salliste), homme
politique français, né à Neuillet (Vienne), en
1795, mort en 18G2. Ilavaitété notaire àCivray,
lorsqu'il fut nommé, sous Louis-Philippe, mem-
bre de la Chambre des députés. Il y siégea
à l'extrême gauche, et, après la révolution
de 1848, il fut élu représentant du peuple
dans le départemeut de la Vienne. Bonnir,
vota avec les républicains modérés, combattit
la politique de l'Elysée et ne fut pas réélu à
la Législative. On a de lui : Emploi de l'ar-
mée aux travaux d'utilité publique et Extinc-
tion de la mendicité.
BONNIER
BONNIER s. m. (bo-nié — du wallon bone,
borne). Métrol. Mesure de superficie de l'an-
cienne Flandre française, variant, selon les
localités, de 54 à 137 ares.
BONNIVARDBONNIVARD ou BONIVARD (François DE),
chroniqueur et homme politique. V. BONIVARD.
BONN1VET (Guillaume GOUFKIER, seigneur
DE), amiral de France, né vers 1488, mort
en 1525. Il était fils de Guillaume Gouflier
de Boissy , sénéchal do Saintonge. Elevé
avec Fiunçois I«
r
, il gagna son affection par
son esprit et sa bravoure, fit avec lui ses
premières armes au siège de Gênes, sous
Louis XII (1507), et fut dans la suite chargé
d'importantes missions en Angleterre et au-
près des cours d'Allemagne. Après la bataille
de Marignan, où il avait encore combattu à
côté de François I " , celui-ci l'envoya d'a-
bord en Angleterre, avec mission de gagner
le cardinal Wolsey, ministre de Henri VIII,
et d'obtenir que la cour de Londres appuyât
les prétentions du roi de France à la cou-
ronne impériale, devenue vacante par la
mort de l'empereur Maximilien. Mais il n'ob-
tint que de vagues promesses, soit qu'il eût
manqué d'habileté dans ses manoeuvres, soit
Î
ue fa cour de Londres eût déjà résolu de
avoriser d'autres prétentions. L'année sui-
vante, Bonnivet fut chargé de parcourir tou-
tes les cours d'Allemagne; il vit l'un après
l'autre tous les princes qui étais ni appelés à
élire le nouvel empereur, tous ceux qui jouis-
saient de la faveur du prince dtins ces petites
cours où tout se fait par l'intrigue; il distrîb. a
! l'argent avec profusion et ne fut pas plus
1 heureux qu'il l'avait été en Angleterre. Dans
' les guerres contre Charles-Quint, il eut le
. commandement de l'année de Guyenne (1521),
BONO
BONO
BONP
ÈONS 983
obtint quelques a v a n t a g e s d a n s l e s P y r é n é e s
et enleva F o n t a r a b i e . Ligué à Louise d e S a -
voie c o n t r e le connétable d e Bourbon, il con-
tribua ainsi à s a défection, r e m p l a ç a L a u t r e c
en Italie ( 1 5 2 3 ) , fut p a r son incapacité la
c a u s e d e l ' é c h e c d e B a y a r d à R e b e c , p o u s s a
F r a n ç o i s U
r
à faire le siège d e P a v i e , e t se
fît t u e r s u r le c h a m p d e bataille a p r è s la d é -
r o u t e (1525), pour n e pas s u r v i v r e a u d é s a s t r e
dont il é t a i t le principal a u t e u r . On dit q u e le
c o n n é t a b l e tle Bourbon, en a p p r e n a n t que son
e n n e m i se t r o u v a i t p a r m i les m o r t s , s écria :
« A h l m a l h e u r e u x ! t u e s cause de la p e r t e
d e l a F r a n c e e t d e l a mienne. » « D e fort gen-
til et subtil esprit, t r è s - h a b i l e , fort bien disant,
fort beau e t a g r é a b l e , » selon l'expression de
B r a n t ô m e , B o n n i v e t , m a l g r é ses qualités bril-
l a n t e s , n e s u t ê t r e qu'un favori, qu'un courti-
san gâté p a r l a f a v e u r r o y a l e . S a n s élévation
de c a r a c t è r e comme sans v e r t u s , il sacrifia l a
F r a n c e à son i n t é r ê t e t à t o u t c e qu'il c r o y a i t
devoir ajouter quelque chose à s a gloire p e r -
sonnelle.
L ' a m i r a l Bonnivet é t a i t fort a d o n n é h la
g a l a n t e r i e ; il l u t plusieurs fois le rival d e
F r a n ç o i s I>r l u i - m ê m e , qui n e s'en offensait
pas. Il osa é l e v e r s e s p r é t e n t i o n s j u s q u e s u r
M a r g u e r i t e d e N a v a r r e , duchesse d'Alençon
et s œ u r du r o i , e t c o m m e c e t t e p r i n c e s s e n'a-
vait p a s voulu a g r é e r son a m o u r , il s'introdui-
sit d a n s s a c h a m b r e , l a nuit, p a r u n e t r a p p e ;
mais elle s u t défendre son h o n n e u r , e t B o n -
n i v e t se r e t i r a h o n t e u x , e m p o r t a n t s u r s a
figure les m a r q u e s d e s a défaite. On p e u t
l i r e , sous d e s noms s u p p o s é s , l e s détails d e
c e t t e a v e n t u r e d a n s l a IVe nouvelle d e ï'Hep-
tamèron, dont M a r g u e r i t e elle-même fut l ' a u -
t e u r .
BONNY,
BONNY, b o u r g d e F r a n c e (Loiret), a r r o n d .
et à 21 kilom. S . - E . d e Gien, cant. de B r i a r e ;
pop. a g g l . 1,758 h a b . — pop. tôt. 2,567 h a b .
Des restes d e bastions, d e s pans d e vieilles
murailles flanquées d e t o u r s a t t e s t e n t e n c o r e
l'importance p a s s é e d e c e t ancien v i l l a g e . Il
Ville d'Afrique, dans la Guinée septentrionale,
tributaire du r o y a u m e de Bénin, s u r la b r a n c h e
du K o u â r a (Niger) qui p o r t e l e même nom ;
20,000 h a b . C'était autrefois u n d e s g r a n d s
c e n t r e s d e la t r a i t e des noirs.
BONNY-CASTLE
BONNY-CASTLE ( J e a n ) , m a t h é m a t i c i e n a n -
glais, né à W h i t e c h u r c h , m o r t à Woolwich e n
1821, Il fut d'abord c h a r g é d e l'éducation d e s
fils du comte d e P o m f r e t à L o n d r e s j il fonda
ensuite u n e a c a d é m i e ou c o u r s libre à H a c k -
ney e t d e v i n t u n d e s principaux c o r r e s p o n -
d a n t s du London Magazine; il fut enfin n o m m é
professeur d e m a t h é m a t i q u e s à l'école milir
t a i r e d e W o o l w i c h , e t il publia s u r toutes l e s
parties d e s m a t h é m a t i q u e s é l é m e n t a i r e s d e s
o u v r a g e s qui e u r e n t b e a u c o u p d e succès e t
qui furent adoptés pour l ' e n s e i g n e m e n t d e
cette science dans les écoles. On lui doit é g a -
lement u n e traduction d e l'Histoire générale
des mathématiques de Bossut (1803, i n - 8 ° ) .
BONO,
BONO, ville d u r o y a u m e d'Italie, d a n s l'île
de S a r d a i g n e , p r o v . d e N u o r o , à 22 kilom.
S.-E. d'Ozieri; 2,275 h a b .
BONO
BONO (Jean-Baptiste-Augustin), professeur
de droit canon e t h o m m e politique, n é à V e r -
zuolo en 1738, m o r t en 1799. Ses p a r e n t s v o u -
laient lui faire étudier la m é d e c i n e , mais il p r é -
f é r a e n t r e r d a n s l'élat ecclésiastique. N o m m é
rofesseur d e droit canon à T u r i n , il publia
e s a v a n t s o u v r a g e s , d o n t l e s p r i n c i p a u x
sont : De potestate Ecclesiœ tum principis, seu
de jurisdictione ; De criminibus ecclesiasticis,
a v e c sept t h è s e s De usuris. L o r s q u e l'armée
française, en 1792, o c c u p a la Savoie e t l e
comté de N i c e , l'abbé Bono s e m o n t r a f a v o -
rable aux idées- révolutionnaires, e t , six a n s
a p r è s , le g é n é r a l J o u b e r t le n o m m a m e m b r e
du g o u v e r n e m e n t provisoire, dont il devint le
p r é s i d e n t ; mais la m o r t v i n t le s u r p r e n d r e
a v a n t qu'il e û t pu voir l'issue des é v é n e m e n t s
politiques a u x q u e l s il a v a i t pris u n e p a r t con-
sidérable.
BONOA,
BONOA, île d e l ' O c é a n i e , d a n s l'archipel d e s
Moluques, Malaisie, p a r 3° lat. N . e t 125° 45'
. long. E . Cette î l e , qui possède u n bon p o r t ,
est couverte d e c o c o t i e r s , d'ébéniers e t d e
rizières.
BONOMI
BONOMI ( J e a n - F r a n ç o i s ) , p r é l a t , diplomate
et poëte italien, n é à C r é m o n e en 1536, m o r t
à L i è g e en 1587. A p r è s avoir été c h a r g é d'af-
faires i m p o r t a n t e s p a r l e cardinal C h a r l e s
B o r r o m é e , il fut s a c r é é v ê q u e " d e V e r c e i l .
L e s papes G r é g o i r e X I I I e t Sixte V lui con-
fièrent plusieurs missions dans l e s c a n t o n s
suisses, où il c o u r u t d'assez g r a n d s d a n g e r s ,
mais où il p a r v i n t à établir u n e maison d e j é -
suites e t u n c o u v e n t de c a p u c i n s . On l ' e n v o y a
ensuite en A l l e m a g n e , où il contribua à faire
déposer l ' a r c h e v ê q u e é l e c t e u r d e Cologne.
Après s a mort, son corps fut r a p p o r t é à V e r -
ceil et inhumé dans s a c a t h é d r a l e . Il composa
en latin u n e Vie de Charles Borromée (1587);
un poëme e n q u a t r e livres s u r l e m ê m e sujet
(1589) e t d ' a u t r e s pièces d e v e r s qui n ' é t a i e n t
p a s s a n s m é r i t e .
BONOMI
BONOMI ( J e a n - F r a n ç o i s ) , poëte italien n é
à Bologne e n 1629, m o r t v e r s la fin du siècle.
P o u r se c o n f o t m e r a u désir d e s a famille, il
se lit r e c e v o i r d o c t e u r en droit, mais s'adonna
e n t i è r e m e n t à ses g o û t s pour la poésie, e t de-
vint m e m b r e d e plusieurs A c a d é m i e s , e n t r e
a u t r e s d e l a C r u s c a . Afin d e c o n s e r v e r son i n -
dépendance, il refusa d'aller h a b i t e r Vienne,
où on lui offrait le titre de poëte impérial
(poeta Cesareo). N o u s c i t e r o n s , p a r m i ses o u -
v r a g e s , écrits e n latin e t en italien : Poésie
.varie ( B o l o g n e , 1655, i n - 4 ° ) ; Variorum epi-
grammatum collectio ( B o l o g n e , 1662) ; Del
Parto delV orsa, etc. (1662).
BONOMI
BONOMI ( L u c i o ) , dessinateur e t g r a v e u r
i t a l i e n , t r a v a i l l a i t v e r s 1700. Il a g r a v é à
l'eau-forte : cinq sujets tirés d u N o u v e a u
T e s t a m e n t , d'après L a z z a r o Baldi ; deux déco-
r a t i o n s d e t h é â t r e , d ' a p r è s Girolamo F o n t a n a .
BONOMINI
BONOMINI ( P i e r r e ) , a c t e u r italien, n é à
R o m e e n 1819, e s t fils d'un a c t e u r distingué
de T u r i n . A p r è s avoir j o u é en Italie s u r d i -
v e r s t h é â t r e s , il fut e n g a g é p a r M
m e
A d é -
laïde Ristori, qui l ' a m e n a à P a r i s en 1855. Il
a depuis lors c o n s t a m m e n t j o u é a v e c elle. Ses
principales c r é a t i o n s s o n t celles d e Ciniro ,
d a n s Mirra ; U g o , d a n s Pia de' Tolomei;
M o r t i m e r , dans Maria Stuarda, e t O r f e o ,
d a n s Medea.
BONONCINIBONONCINI (Jean-Marie), compositeur e t
m u s i c o g r a p h e italien, n é à Modène e n 1640,
m o r t e n 1678. Il fut a t t a c h é comme musicien
a u s e r v i c e du duc d e Modène, e t devint m a î t r e
d e c h a p e l l e de l'église de S a i n t - J e a n in monte.
On a de lui, outre d e s c a n t a t e s , des s o n a t e s ,
des s y m p h o n i e s , e t c . , u n t r a i t é é l é m e n t a i r e
de composition intitulé : Il Musico prattico
(1673).
BONONCINI
BONONCINI ou BUONONCIM ( J e a n ) , com-
positeur italien, fils du p r é c é d e n t , n é à M o -
d è n e v e r s 1670, fit s e s études musicales à
l'école fondée à Bologne p a r J e a n - P a u l C o -
lonna, dont il devint u n d e s meilleurs élèves.
V e r s s a vingt-troisième a n n é e , il se rendit à
V i e n n e , où il fut admis comme violoncelliste
d a n s la musique de l'empereur Léopold. A
l'audition d e l'opéra d e S c a r l a t t i , Laodicea e
Bérénice, alors en v o g u e dans la capitale d e
l'Autriche, Bononcini sentit se r é v é l e r en lui
le g é n i e de l a composition, e t bientôt son o p é r a
de Camilla fut r e p r é s e n t é à Vienne a v e c u n
incomparable s u c c è s . C e t o u v r a g e , d o n n é
ensuite à. L o n d r e s , e u t u n e telle v o g u e q u e ,
p e n d a n t q u a t r e a n s , les d i r e c t e u r s des t h é â -
t r e s lyriques a n g l a i s furent obligés d ' i n t e r c a -
l e r des m o r c e a u x d e l a Camilla d a n s tous les
o p é r a s . A p r è s diverses excursions à R o m e ,
V i e n n e , Berlin, e t c . , villes dans lesquelles il
fit r e p r é s e n t e r plusieurs o u v r a g e s , Bononcini
fut appelé à L o n d r e s e n 1716 pour y diriger
le t h é â t r e du roi. Hœndel r é g n a i t alors s o u -
v e r a i n e m e n t en A n g l e t e r r e ; e t , à l'arrivée d e
Bononcini, il s'éleva e n t r e les d e u x m a î t r e s
u n e rivalité qui divisa e n deux c a m p s la n o -
blesse a n g l a i s e . L a q u e r e l l e , plus a c h a r n é e
q u e n e le fut plus t a r d celle d e s gluckistes e t
des piccinistes e n F r a n c e , d e v i n t si v i o l e n t e ,
q u e , p o u r la t e r m i n e r , il fut convenu q u e
Hsendel, Bononcini e t l'Ariosti, qui a v a i t aussi
ses p a r t i s a n s , c o m p o s e r a i e n t c h a c u n u n a c t e
de Muzio Scevola. L'Ariosti écrivit le premier
a c t e , Bononcini l e second, e t H œ n d e l le t r o i -
sième. L e t r i o m p h e d e Hosndel fut complet,
bien q u e Bononcini l'emportât s u r lui p a r le
g r a c i e u x d e ses m é l o d i e s ; mais Bononcini n'é-
tait q u e copiste d e la m a n i è r e d e S c a r l a t t i ,
tandis que Hœndel a v a i t imprimé à son œ u v r e
la m a r q u e du génie c r é a t e u r . Bononcini a v a i t
c e p e n d a n t c o n s e r v é t o u t e s a r é p u t a t i o n , e t le
n o m b r e d e ses p a r t i s a n s , à la t ê t e desquels
était le d u c d e Marlborough, n ' a v a i t n u l l e -
m e n t faibli, q u a n d le p l a g i a t effronté d ' u n
m a d r i g a l d'Antonio Lotti vint le c o u v r i r d e
h o n t e e t lui fit p e r d r e u n e g r a n d e partie d e
s a considération. Il quitta alors l'Angle-
t e r r e , t r a v e r s a P a r i s , se r e n d i t à V i e n n e , e t ,
d e là, vint se fixer à Venise, où il fut employé
comme compositeur d u t h é â t r e . A l'âge d e
q u a t r e - v i n g t s a n s , il t r a v a i l l a i t e n c o r e dans
c e t t e d e r n i è r e ville. On ignore l'époque e x a c t e
de s a mort. Bononcini a composé d i x - s e p t o p é -
ras, parmi lesquels, outre ceux dont nous a v o n s
déjà parlé, nous citerons : Tullo Ostilio (1694);
la Fede pubblica (1699); Polifemo (1703) ; En-,
dimione (1706); Mario fugilivo (1708); Abda-
lonimo (1709); Astarto (1720) ; Crispo (1722) ;
Griselda ( 1 7 2 2 ) ; Erminia ( 1 7 2 3 ) ; Astianax
(1727), e t c . On a encore de lui des symphonies,
des m e s s e s , d e s c a n t a t e s , u n e antienne pour
les funérailles du d u c de M a r l b o r o u g h , e t c .
BONONCINI
BONONCINI (Antoine), compositeur, frère
du p r é c é d e n t , n é à Modène v e r s 1675, m o r t
en 1726, fut m a î t r e d e chapelle à la cour d e
Modène. Il composa d e n o m b r e u x o p é r a s , qu'il
fit r e p r é s e n t e r s u r plusieurs t h é â t r e s d'Italie,
o Son style, d i t le P . Martini, e s t si é l e v é , si
distingué p a r l ' a r t e t l ' a g r é m e n t , qu'il s'est
placé a u - d e s s u s d e la p l u p a r t d e s c o m p o s i -
t e u r s du c o m m e n c e m e n t d e ce siècle. *> Nous
citerons parmi ses o p é r a s : la Begina creduta
re (1706), qui e u t u n t r è s - g r a n d s u c c è s ; YE-
teocleo ; il Turno Aricino ; il Cajo Gracco ; l'As-
tianatte, Griselda, e t c . Antoine Bononcini t r a -
. vailla à plusieurs des o p é r a s d e son f r è r e .
BONONE
BONONE ( C h a r l e s ) , peintre italien, n é à
F e r r a r e e n 1569, m o r t e n 1632. Il imita l e s
C a r r a c h e , e t quelquefois aussi le C o r r é g e e t
V é r o n è s e . Comme c e dernier artiste, il a peint
d e v a s t e s compositions a u x q u e l l e s l a m u l t i -
t u d e d e s p e r s o n n a g e s e t l e s riches p e r s p e c -
tives d e galeries e t d e palais donnent le plus
g r a n d c a r a c t è r e . S o n c h e f - d ' œ u v r e en c e
g e n r e e s t le Festin d'Assuérus (à R a v e n n e ) .
On cite encore d e lui les Noces de Cana, le
Couronnement de la Vierge e t l e Miracle de
l'hostie (à F e r r a r e ) .
BONON1A, nom latin d e Bologne, e n Italie,
et de Boulogne en F r a n c e .
BONOB.VA, b o u r g d u r o y . d'Italie, d a n s 111e
de S a r d a i g n e , p r o v . d ' A l g h e r o , à 25 kilom.
N . - E . d e B o s a ; 3,900 h a b .
BONOSE
BONOSE (saint), m a r t y r i s é à Antioche e n
362. Officier d a n s l e s a r m é e s r o m a i n e s , il
a v a i t g a r d é pour e n s e i g n e le l a b a r u m d e Con-
stantin a v e c l a croix e t l e m o n o g r a m m e d u
C h r i s t , refusant de faire r e p r e n d r e à s e s
t r o u p e s l e s a n c i e n n e s enseignes d u p a g a -
n i s m e . Il périt d a n s l e s supplices.
BONOSE,
BONOSE, h é r é s i a r q u e macédonien du ive siè-
cle. 11 était é v ê q u e d e S a r d i q u e , e t il e n s e i -
g n a i t q u e la m è r e d e J é s u s - C h r i s t n'était
p o i n t r e s t é e v i e r g e a p r è s l a n a i s s a n c e d u
S a u v e u r . S a doctrine fut c o n d a m n é e p a r l e s
é v ê q u e s d e Macédoine, e t Bonose fut interdit
de ses fonctions épiscopales e t e x c o m m u n i é . On
d o n n a le nom de bonosiens ou bonosiaques à c e u x
qui p a r t a g è r e n t les doctrines de c e t é v ê q u e .
BONOSIEN
BONOSIEN s. m . (bo-no-zi-ain — de Bonose,
n . p r . ) . H i s t . r e l i g . Disciple d e l ' h é r é s i a r q u e
Bonose, il On d i t aussi BONOSIAQUE.
BONOSUS
BONOSUS (Quintus), g é n é r a l r o m a i n , E s -
p a g n o l d e naissance e t Gaulois d'origine, com-
m a n d a i t les t r o u p e s qui g a r d a i e n t la frontière
de R h é t i e , lorsqu'il se r é v o l t a e t se fit p r o c l a -
m e r e m p e r e u r . P r o b u s l ' a y a n t v a i n c u d a n s
u n e bataille s a n g l a n t e e t décisive, Bonosus s e
pendit d e désespoir. Comme il était g r a n d bu-
v e u r , u n officier d e P r o b u s dit p l a i s a m m e n t
q u e c'était plutôt une a m p h o r e qu'un c a d a v r e
suspendu à l ' a r b r e .
BONOURS
BONOURS (Christophe DK), écrivain f r a n -
çais, n é à Vesoul v e r s 1590, e n t r a c o m m e c a -
pitaine a u s e r v i c e d e l ' E s p a g n e . I l a publié
deux o u v r a g e s : Eugéniarétilogie ou Discours
de la vraie noblesse (Liège, 1616, in-8°), e t le
Siège mémorable d'Ostende (Bruxelles, 1618,
in-4°). Ce dernier livre e s t estimé.
BON-OUVRIER
BON-OUVRIER s. m . (bo-nou-vri-é). C o m m .
E s p è c e d e fil q u i se fabrique à Lille : Du BON-
OUVRIER blanc.
BON-PAPABON-PAPA s. m . ( b o n - p a - p a ) . E x p r e s s i o n
familière e t affectueuse q u e les e n f a n t s , e t l e s
g r a n d e s p e r s o n n e s à leur i m i t a t i o n , s u b s t i -
t u e n t à celle d e g r a n d - p è r e : Embrasser son
B O N - P A P A . Donner le bras à son B O N - P A P A .
L'acrostiche se consacre ordinairement à la
louange d'un grand roi, d'un prince, d'un pro-
tecteur, d'un BON-PAPA, d'une maîtresse. ( D u -
p a t y . )
BONPLAND
BONPLAND ( A i m é ) , célèbre n a t u r a l i s t e
f r a n ç a i s , n é à L a Rochelle le 22 a o û t 1773,
m o r t dans s a résidence d e S a n - B o r j a , petite
ville d e la république d e l ' U r u g u a y , en 1858.
Il fut d'abord chirurgien d e m a r i n e ; puis,
a y a n t quitté le s e r v i c e , il se r e n d i t à P a r i s , où
il e n t r a en relations a v e c A l e x a n d r e de H u m -
boldt. Liés bientôt d'une étroite amitié. B o n -
pland e t d e Humbolàt r é s o l u r e n t d ' e n t r e p r e n -
d r e u n e excursion scientifique en E g y p t e e t
dans le nord d e l'Afrique; mais les c i r c o n -
s t a n c e s modifièrent l e u r projet e t les condui-
s i r e n t e n A m é r i q u e . On sait quels f u r e n t l e s
immenses résultats d e c e beau v o y a g e , qui
d u r a cinq a n s . Bonpland recueillit plus d e six
mille p l a n t e s , l a p l u p a r t inconnues, e t il e n
d é c o u v r i t l'organisation i n t é r i e u r e , les u s a g e s
d a n s l e s a r t s e t les propriétés médicales.
R e n t r é en F r a n c e , il fit h o m m a g e d e ses col-
lections a u Muséum d'histoire n a t u r e l l e , e t
fut n o m m é à l'intendance d e s c h â t e a u x d e l a
Malmaison e t de N a v a r r e . A p r è s la mort d e
l'impératrice J o s é p h i n e , s a bienfaitrice, e t l a
c h u t e définitive d e l ' E m p i r e , Bonpland voulut
revoir l'Amérique. Il s ' e m b a r q u a e n 1816 a u
H a v r e , pour B u e n o s - A y r e s , ou il se fixa d ' a -
bord p e n d a n t quelque t e m p s . Il s e proposait
de t r a v e r s e r l e s pampas, d e visiter l a p r o -
vince d e S a n t a - F é , le G r a n d - C h a c o e t la B o -
livie; mais u n e déplorable fatalité l ' a m e n a
s u r u n territoire contesté p a r le P a r a g u a y e t
la confédération A r g e n t i n e . L e d o c t e u r F r a n -
cia, d i c t a t e u r du P a r a g u a y , n e v o u l u t voir
dans le modeste s a v a n t qu'un espion ou qu'un
a v e n t u r i e r , qui c h e r c h a i t à lui r a v i r le mono-
pole d u maté ( t h é d u P a r a g u a y ) ; il le fit a r -
r ê t e r le 3 d é c e m b r e 1821 e t conduire p r è s d e
S a n t a - M a r i a , d a n s un pays à demi s a u v a g e ,
au milieu du territoire des anciennes missions.
M a l g r é l e s réclamations e t les instances d e
plusieurs s o u v e r a i n s e u r o p é e n s , Bonpland fut
ainsi s é q u e s t r é j u s q u ' a u mois d e février 1830,
é p o q u e a laquelle l e d i c t a t e u r l u i p e r m i t d e
r e p a s s e r le P a r a g u a y . Il se r e t i r a alors d a n s
la république d e l ' U r u g u a y , p r è s d e l a ville
d e San-Borja, e t c o n s a c r a t o u t e son existence
à l a science. Il y v i v a i t p r è s d e s a femme e t
de ses e n f a n t s , lorsque la m o r t vint le s u r -
p r e n d r e . Il é t a i t m e m b r e c o r r e s p o n d a n t d e
l'Institut e t du Muséum d'histoire n a t u r e l l e .
L e s collections qu'il a laissées s o n t i m m e n s e s
et sans d o u t e d'une g r a n d e v a l e u r . Il écrivait
à l'illustre A r a g o , e n 1849 : « M o n h e r b i e r ,
composé d e plus d e trois mille p l a n t e s et q u e
j e c o n s e r v e e n bon é t a t , ainsi que m e s m a n u -
scrits, ont fait envie à bien des p e r s o n n e s . Plu-
sieurs fois on m ' a proposé de l e s a c h e t e r , et
n a t u r e l l e m e n t j ' a i refusé t o u t e s l e s offres. Mes
t r a v a u x a p p a r t i e n n e n t à l a F r a n c e . » Bon-
pland a fait p a r a î t r e seul : les Plantes équi-
noxiales recueillies au Mexique, à Cuba, dans
les provinces de Caracas, de Cumana, aux
Andes de Quito, sur les bords de l'Orénoque et
des Amazones (1805, 2 vol. in-fol. a v e c 140 pi.);
la Monographie des mélastomëes (1806, 2 vol.
a v e c 120 pi.) ; Description des plantes rares
de Navarre et de la Malmaison (1812, in-fol.
a v e c 64 pi.) ; e t e n collaboration a v e c A . d e
H u m b o l d t : le Voyage aux régions équinoxiales
du nouveau continent (1815 e t s u i v . , 13 vol.) ;
les Vues des Cordillières et monuments des
peuples indigènes d'Amérique ( A t l a s pitto-
r e s q u e , 1816, 2 vol. e t 19 p i . ) ; Mimoses et au-
très plantes légumineuses au nouveau continent
(1819, in-fol. e t 60 pi.); Nova gênera et species
plantarum, etc. (1815, 7 v o l . in-fol. a v e c
700 pi.).
BONPLANDIE
BONPLANDIE s. f. (bon-plan-dî — d e Bon-
pland, n . p r . ) . B o t . G e n r e d ' a r b r e s , d e l a fa-
m i l l e d e s r u t a c é e s , r é u n i a u j o u r d ' h u i a u
f e n r e c u s p a r i e ou g a l i p é . V. ces m o t s , il S y n .
u g e n r e CALDASIE.
BON-PLEINBON-PLEIN s. m . ( b o n - p l a m ) . M a r . S e d i t
d ' u n e m a n i è r e d e p r é s e n t e r les voiles d u n a -
v i r e d i r e c t e m e n t a l'action d u v e n t : Porter
B O N - P L E I N . Gouverner B O N - P L E I N . H On é c r i t
aussi e n d e u x m o t s BON PLEIN.
BONPOUR
BONPOUR ou BENPOUR, ville du Belout-
c h i s t a n , ch.-l. d e la p r o v . d e K o h i s t a n , à l'o-
rient du g r a n d d é s e r t d e son nom e t à 400 ki-
lom. S.-E. d e Kerrnan. Située a u milieu d'un
t e r r i t o i r e aride e t e n t i è r e m e n t stérile, B o n -
p o u r e s t défendue p a r u n e forte citadelle, r é -
sidence d'un s e r d a r qui p e u t m e t t r e s u r pied
6,000 soldats.
BON-QUART
BON-QUART i n t e r j . ( b o n - k a r ) . M a r . Cri
d e s m a r i n s à c h a q u e d e m i - h e u r e d e l a n u i t .
I! On é c r i t aussi BON QUART.
BONS-CORPS
BONS-CORPS s. m . p i . H i s t . Milices c o m -
posées d ' h o m m e s d e choix, q u e forma F r a n -
çois II d u c d e B r e t a g n e , a u x v e siècle.
B O N S D O R F I T E s . f. ( b o n - s d o r - f i - t e — d e
Bonsdorf, n . p r . ) . M i n e r . M i n é r a l q u ' o n t r o u v e
en F i n l a n d e p r è s d'Abo, e t q u i c o n t i e n t d e
la silice, d e l ' a l u m i n e , a v e c u n e assez faible
p r o p o r t i o n d'eau, d e m a g n é s i e e t d ' o x y d u l e
d e fer.
BON
BON SENS s. m . R e c t i t u d e p r a t i q u e d u j u -
g e m e n t : Homme de BON S E N S . Avoir du BON
SENS. Faire preuve de BON SENS. Manquer de
BONBON S E N S . Le BON S E N S se forme d'un goût na-
turel pour la justesse et la médiocrité. (Vau-
ven.) Un peu de BON SENS fait évanouir beau-
coup d'esprit. (Vauven.) On lit avec plaisir un
livre où te BON SENS et la véritable politesse bril-
lent de toute part. (Delille.) L'audace détruit,
le génie élève, le BON SENS conserve et perfec-
tionne. (De F o n t a n e s . ) Etre honnête homme
est le premier et le plus indispensable carac-
tère du BON SENS. (Cabanis.) Il y a prodigieu-
sement d'esprit en France, mais on manque de
tête et de BON SENS. ( C h a t e a u b r . ) Pour at-
teindre au génie, il faut viser au BON SENS.
( B o u g e a r t . ) Pour parler, il ne faut qun de
l'imagination; pour comprendrai et agir, il faut
du
BONBON SENS est la moyenne rigoureuse de l'es-
prit humain dans tout l'univers et dans tous
les temps. ( L a m a r t . ) Le goût n'est pas une
doctrine, c'est le BON SENS dans le jugement
des livres et des écrivains. (Nisard.) Sa raison
est toujours celle d'un homme d'esprit, et son
esprit celui d'un homme de BON SENS. ( P e y r a t . )
C'est le BON SENS qui donne aux mots leur si-
gnification commune, et te BON SENS est le gé-
nie de l'humanité. (Guizot.) Le BON SENS est
au jugement ce que le naturel est au style.
(De G é r a n d o . ) Le BON SENS est l'esprit du
peuple. ( E . d e Gir.) Il n'y a rien qui ressemble
plus à l'intelligence de Dieu que le BON SENS
dans l'hommç. (Le P . Félix.) Le BON SENS est
de savoir ce quil faut faire; le bon esprit, de
savoir ce qu'il faut penser. ( J . J o u b e r t . ) San-
teuil, disputant trop fortement avec M. le
Prince sur quelques ouvrages d'esprit : a Sais-
tu bien, Santeuil, lui dit-il un peu en colère,
que je suis prince du sang? — Oui, monsei-
gneur, répondit le poëte, je le sais bien; mais
moi je suis prince du BON S E N S , ce qui est infi-
niment plus estimable. »
Aux dépens du bon sens gardez de plaisanter.
BOILEAU.
Souvent notre amour-propre éteint notre bon sens.
VOLTAIRE.
Le bon sens quelquefois peut tenir lieu d'esprit.
NAUDET.
C'est le bon sens, la raison qui fait tout,
Vertu, génie, esprit, talent et goût.
M.-J. CIIÉKIER.
— En dépit du bon sens, C o n t r e l e s r è g l e s
l e s p l u s é l é m e n t a i r e s d e l a r a i s o n o u d u
g o û t ' : Une affaire conduite EN DÉPIT DU BON
S E N S . Une maison bâtie E N D É P I T DU BON S E N S .
Tes écrits, il est vrai, sans art et languissants,
Semblent être formés en dépit du bon sens.
BOILEAU.
— Etre de bon sens, E t r e r a i s o n n a b l e , j u s t e ,
l o g i q u e , a p p r o u v é p a r l e b o n s e n s : Cette po-
litique n'EST pas DE BON SENS. TOUS les pro-
verbes SONT D E BON S E N S . ( B u s s . - R a b . ) Les
lois n'établissent jamais que ce qui E S T DE BON
SENS ; s'il n'existait pas, comment et pourquoi
ferait-on des lois? (Fiévée.)
Bon Sens OU Idée» naturelles o p p o s é e s
aux idée» s u r n a t u r e l l e s , p a r le baron d ' H o l -
bach. Londres (Amsterdam, Michel R e y , 1772,
in-12). R é i m p r i m é sous le nom de feu M . M e s -
lier, c u r é d ' E t r é p i g n y , Borne ( P a r i s , 1791, in-8);
nouvelle édition, suivie du Testament du curé
Meslier, ou plutôt de Y Extrait fait p a r Voltaire
de la p r e m i è r e partie de ce fameux T e s t a m e n t ,
P a r i s , Bouqueton, l'an I
er
de la R é p u b l i q u e
française ( l '
9 2
) > 2 v o l . petit in-12. R é i m p r i m é
E
lusieurs fois depuis cette é p o q u e , t a n t ô t s o u s
j titre d e Catéchisme du curé Meslier, t a n t ô t
sous celui de : le Bon sens du curé Meslier»
98-1 BONS
BONS
BONS
BONS
Ce fut doux ans après la publication de son
fameux Système de ta nature, qui parut sous le
pseudonyme de Mirabaud, secrétaire perpétuel
de l'Académie française, que le baron d'Holbach
mît uu jour le Bon Sens ou Idées naturelles op-
posées aux idées surnaturelles, ouvrage qui n'est
guère que la reproduction de celui que nous
venons de citer. Le lion sens, auquel est resté
attaché le nom de cet incrédule célèbre, Jean
Meslier, curé champenois qui, en mourant,
s'élevait contre les enseignements du christia-
nisme ; le Bon sens, qu'on a presque toujours
imprimé et présenté comme venant de ce per-
sonnage illustré par Voltaire, ce livre fit naî-
tre ces légions d'incrédules que M. Veuillot
foudroie de tous les traits de son éloquence,
ce livre enfin qui, répandu à des millions
d'exemplaires parmi les classes populaires,
y sema l'incrédulité, n'est autre chose que le
Système de la nature dépouillé de son appareil
abstrait et métaphysique. L'athéisme y pa'rle
un langage accessible aux esprits les moins
cultivés. Cette doctrine n'avait jamais eu à
son service un tel catéchisme; jamais on
n'avait enseigné sous une forme moins savante
et avec tant de succès l'incrédulité. Le Bon
sens a contribué plus que tous les ouvrages
philosophiques du xvmc siècle à vulgariser
cette pensée contenue dans deux vers fanieux :
Nos prêtres ne sont pas ce qu'un vain peuple pense;
Notre crédulité fait toute leur science.
• Cette science se nomme théologie, y est-il
dit, et cette théologie est une insulte au bon
sens. » Plus loin, l'auteur ajoute : « Les opinions
religieuses des hommes de tout pays sont des
monuments antiques et durables de 1 ignorance,
de la crédulité, des terreurs et de la férocité
:1e leurs ancêtres... Le dieu-pain n'est-il pas le
fétiche de plusieurs nations chrétiennes, aussi
f
)eu raisonnables en ce point que les nations
es plus sauvages?... Les nations modernes, à
l'instigation de leurs prêtres, ont peut-être
même renchéri sur la folie atroce des nations
les plus sauvages... Quand on voit des nations
policées et savantes, des Anglais, des Fran-
çais, des Allemands, etc., malgré toutes leurs
lumières, continuer à se mettre à genoux de-
vant le dieu barbare des Juifs, e t c . O hommes
vous n'êtes que des enfants dès qu'il s'agit de
religion... » D'Holbach, on le voit, n'y va pas
de main morte ; mais donnons encore quelques
citations, qui feront mieux connaître l'ouvrage
dont nous n'avons pas mission de discuter les
vues et les tendances, ce qui nous entraîne-
rait beaucoup trop loin ; bornons-nous à feuil-
leter en simple curieux ce livre dont Voltaire
a dit avec raison : « Il y a du bon sens dans
ce Bon sens: mais tout ne me paraît pas bon
sens. L'auteur abonde en son sens, et prend
quelquefois les cinq sens pour du bon sens :
mais en général son Bon sens a un grand sens,
et ce serait manquer de sens que de ne pas
tomber souvent dans son sens. » Voila ce que
dit Voltaire en tête de ses notes sur le Bon
sens, qui doivent être de juillet 1755. et dans
lesquelles il approuve l'auteur quand celui-ci
combat la superstition, et le discute quand il
attaque la croyance en Dieu. D'Holbach par-
lant de Dieu écrit ceci :
« Peut-on se dire sincèrement convaincu de
l'existence d'un être dont on ignore la nature?
• Tout ce qu'on a dit jusqu'ici est ou inin-
telligible, ou se trouve parfaitement contra-
dictoire, et, pur là même, doit paraître impos-
sible à tout le monde de bon sens.
« Les nations les plus civilisées et les pen-
seurs les plus profonds en sont là-dessus au
même point que les nations les plus sauvages
et les rustres les plus ignorants.
«Le théiste nous crie : «Gardez-vous d'a-
» dorer le dieu farouche et bizarre de la théo-
» logie. »
» Demandez à tout homme du peuple s'il
croit en Dieu. Il sera tout surpris que vous en
puissiez douter. Demandez-lui ensuite ce qu'il
entend par le mot Dieu, vous le jetterez dans
le plus grand embarras ; vous vous apercevrez
sur-le-champ qu'il est incapable d'attacher
aucune idée réelle à ce mot qu'il répète sans
cesse; il vous dira que Dieu est Dieu.
• Dieu a parlé diversement à chaque peuple
du globe que nous habitons. L'Indien ne croit
pas un mot de ce qu'il a dit au Chinois.
» Il faut à l'homme un Dieu qui s'irrite et
qui s'apaise.
» Mais qu'est-ce que Dieu?
(On assure aujourd'hui que, durant cette pé-
riode, les peuples les plus florissants n'ont pas
eu la moindre idée de la divinité, idée que l'on
dit pourtant si nécessaire à tous les hommes.)
• Fonder la morale sur un Dieu que chaque
homme se peint diversement..., c'est évidem-
ment fonder la morale sur le caprice et sur
l'imagination des hommes. »
D'Holbach touche ici à un point délicat,
qu'il développera bientôt dans son livre le
Système social ou les Principes naturels de la
morale et de la politique (1773)
?
livre qui aura
pour but, comme le titre l'indique, de poser
les principes et d'établir les règles d'une mo-
rale et d'une politique indépendantes de tout
système religieux. La morale indépendante, on
le voit, n'est donc pas chose aussi nouvelle
que paraissent le croire quelques-uns de nos
contemporains, pour lesquels cette idée sem-
ble une énormité enfantée par quelques cer-
veaux brûlés de notre temps, tandis qu'elle
est renouvelée ... de d'Holbach.
Après Dieu, le Bon sens s'attaque à la reli-
gion et à ses ministres.
• La religion du Christ suppose, soit des dé-
fauts dans la loi que Dieu lui-même avait
donnée par Moïse, soit de l'impuissance ou de
la malice dans ce Dieu.
» Comment croire que des missionnaires
protégés par un Dieu et revêtus de sa puis-
sance divine, jouissant du droit des miracles,
n'aient pu opérer le miracle si simple de se
soustraire à la cruauté de leurs persécuteurs?
« Un Dieu bon ne permettrait pas que des
hommes chargés d'annoncer s*es volontés fus-
sent maltraités.
» Un missionnaire veut tenter fortune...
tels sont les vrais motifs qui allument le zèle
et la charité de tant de prédicateurs.
n Le courage ^'un martyr enivré de l'idée
du paradis n a rien de plus surnaturel que le
courage d'un homme de guerre enivré de
l'idée de la gloire ou retenu par la crainte du
déshonneur.
» D'ailleurs, comme nous n'avons pour nous
conduire en cette vie que notre raison plus ou
moins exercée, que notre raison telle qu'elle
est, et nos sens tels qu'ils sont... nos docteurs
nous disent que nous devons sacrifier notre
raison à Dieu.
» Une ignorance profonde, une crédulité
sans bornes, une tête très-faible, une imagi-
nation emportée, voilà les matériaux avec
lesquels se font les dévots, les zélés, les fa-
natiques et les saints.
» Un plaisant a dit avec raison que la reli-
gion véritable n'est jamais que celle qui a pour
elle le prince et le bourreau.
» Tout souverain qui se fait le protecteur
d'une secte ou d'une faction religieuse se fait
communément le tyran des autres sectes; et
devient de lui-même le perturbateur le plus
cruel du repos de ses Etats.
» On y voit (chez les nations les plus sou-
mises à la religion) des tyrans orgueilleux,
des ministres oppresseurs, des courtisans
perfides, des concussionnaires sans nombre.
» Tel homme qui croit très-fermement que
Dieu voit tout, sait tout, est présent partout,
se permettra, quand il est seul, des actions
que jamais il ne ferait en la présence du der-
nier des mortels.
» On verra presque partout les hommes gou-
vernés par des tyrans qui ne se servent de la
religion que pour abrutir davantage les es-
claves qu ils accablent sous le poids de leurs
vices, ou qu'ils sacrifient sans pitié à leurs
fatales extravagances.
» Ce fut toujours aux dépens des nations
que la paix fut conclue entre les rois et les
prêtres ; mais ceux-ci conservèrent leurs pré-
tentions, nonobstant tous les traités.
» Le christianisme, rampant d'abord, ne
s'est insinué chez les nations sauvages et li-
bres de l'Europe qu'en faisant entrevoir à
leurs chefs que ses principes religieux favori-
saient le despotisme, et mettaient un pouvoir
absolu dans leurs mains.
» Si les ministres de l'Eglise ont souvent
permis aux peuples de se révolter pour la
cause du ciel, jamais ils ne leur permirent de
se révolter pour des maux très-réels ou des
violences connues.
» Le ciel n'est ni cruel ni favorable aux
vœux des peuples : ce sont leurs chefs or-
f
ueilleux qui ont presque toujours un cœur
'airain.
» Un dévot à la tête d'un empire est un des
plus grands fléaux que le ciel, dans sa fureur,
puisse donner à la terre.
» Le prêtre n'est l'ami du tyran que tant
qu'il trouve son compte à la tyrannie.
• Dites à ce prince qu'il ne doit compte de
ses actions qu'à Dieu seul, et bientôt il agira
comme s'il n'en devait compte à personne...
Il reconnaîtra que, pour régner avec gloire,
il faut faire de bonnes lois et montrer des
vertus, et non pas fonder sa puissance sur
des impostures et des chimères.
n Un Dieu qui aurait constamment les qua-
lités d'un honnête homme ou d'un souverain
débonnaire ne conviendrait nullement à ses
ministres.
a Nul homme n'est un héros pour son valet
de chambre. Il n'est pas surprenant qu'un
Dieu habillé par ses prêtres, de manière à
faire grande peur aux autres, leur en impose
rarement à eux-mêmes.
» Persécuteurs infâmes, et vous dévots an-
thropophages, ne sentirez-vous jamais la folie
et l'injustice de votre humeur intolérante.
» Ce Dieu même ne peut être pour nous un
modèle bien constant de bonté : s'il est l'au-
teur de tout, il est également l'auteur du bien
et du mal que nous voyons dans le monde.
» On voit dans toutes les parties de notre
f
lobe des pénitents, des solitaires, des fakirs,
es fanatiques, qui semblent avoir profondé-
ment étudié les moyens de se tourmenter en
l'honneur d'un être dont tous s'accordent à
célébrer la bonté.
» Une morale qui contredit la nature de
l'homme n'est point faite pour l'homme.
• La morale ne peut être fondée que sur
nos besoins mutuels.
» Soit qu'il existe un Dieu, soit qu'il n'en
existe point; soit que Dieu ait parlé, soit qu'il
n'ait point parlé, les devoirs moraux seront
toujours les mêmes, tant que les hommes au-
ront la nature qui leur est propre, c'est-à-dire
tant qu'ils seront des êtres sensibles.
• Ce sont les couleurs noires dont les prê-
tres se servent pour peindre la Divinité, qui
révoltent le cœur, forcent à la haïr et à la-
rejeter.
» Est-il donc bien vrai que la religion soit
un frein pour le peuple?
• Qu'est-ce que Dieu?... On n'en sait rien.
» Qu'est-ce que créer?... On n'en a nulle
idée.
• Qu'est-ce qui engagea cette femme (Eve)
à faire une telle sottise?... C'est le diable...
Mais qui a créé le diable?... C'est Dieu. Pour-
quoi Dieu a-t-il créé le diable, destiné à per-
vertir le genre humain? On n'en sait rien.
C'est un mystère caché dans le sein de la Di-
vinité.
• Disons, avec un célèbre moderne, que la
théologie est la boîte de Pandore; et s il est
impossible de la refermer, il est au moins
utile d'avertir que cette boîte fatale est ou-
verte. — « Tu nous êtes l'espérance qu'elle
» renfermait,» s'écrie Voltaire en rapportant
cette phrase, par laquelle nous terminerons
nos citations.
Le Bon sens, comme la plupart des ouvra-
f
es du baron d'Holbach, contient souvent des
éclamations, mais il voit juste parfois, et
exprime çàet là en termes heureux certaines
vérités. Nous sommes loin, assurément, de
l'approuver dans tout ce qu'il renferme, mais
il est telle page que tout nomme de sens, af-
franchi de la routine, approuvera s'il est de
bonne foi. Ce livre, comme tous ceux du
même auteur qui l'avaient précédé, comme
ceux qui le suivirent, le Système social et la
Morale universelle, fut condamné par le par-
lement à être brûlé par la main du bourreau.
Ces différents ouvrages, envoyés secrètement
par le baron d'Holbach en Hollande, furent
imprimés chez Michel Rey, à qui Naigeon les
faisait passer par une voie sûre, et parurent
successivement en France sans que ses amis
et ses nombreux convives se doutassent qu'il
en fût l'auteur. Les convives étaient pourtant
Helvétius , Diderot, d'Alembert, Raynal,
Grimm, Buffbn, Marmontel, Rousseau et cet
abbé Galiani qui, en faisant allusion à la
somptuosité de sa table, appelait d'Holbach
le premier maître d'hôtel de la philosophie.
L'auteur entendit plus d'une fois ces illustres
personnages critiquer ses œuvres assez vive-
ment en sa présence; • Grimm, principale-
ment, les jugeant avec sévérité, ajoutait qu'il
ne leur trouvait d'autre danger que l'ennui. »
Ce jugement a été reproduit avec une sorte
d'empressement par presque tous les critiques
et commentateurs de cet audacieux apôtre
de l'athéisme. Une vaste érudition dans les
sciences naturelles le servait dans ses travaux,
et si son style est trop souvent lourd, prolixe
et pédantesque, on ne peut nier qu'il n'y ait çà
et là dans ses livres de belles pages et de nobles
pensées. On s'empresse, il est vrai, d'ajouter
que le baron eut un auxiliaire précieux dans
Diderot, qui lui prêtait volontiers son imagi-
nation et jusqu'à sa plume. Enfin, après avoir
critiqué les écrits avec passion, il était aisé de
prévoir qu'on attaquerait avec fureur l'écri-
vain lui-même. L'homme qui établissait une
morale et une politique indépendantes de tout
système religieux, et qui fondait sur cette po-
litique le droit public des nations et la prospé-
rité des empires, apparut à beaucoup de per-
sonnes comme une sorte de monstre chargé
de tous les vices et capable de tous les crimes.
Il est pourtant bien prouvé, et les critiques
sérieux que n'égare point l'esprit d'intolérance
le reconnaissent franchement, il est prouvé
que le baron d'Holbach fut, ses opinions reli-
gieuses mises à part, un homme fort estimable.
On a vanté sa bienfaisance, et M
in
e Geoflfrin
disait de lui : n Je n'ai jamais vu d'homme
plus simplement simple, i- C'est son caractère,
paraît-il, que Jean-Jacques Rousseau, dans sa
Nouvelle Héloïse, a voulu représenter sous les
traits de Wolmar; c'est de lui que Julie écrit
à Saint-Preux : « Il fait le bien sans espoir de
récompense; il est plus vertueux, plus désin-
téressé que nous. »
Le plus cité des ouvrages du baron d'Hol-
bach est le Système de la nature; le plus ré-
pandu est le Bon sens, dont les éditions se
propagèrent autrefois à l'infini, et que l'on
imprime et distribue encore aujourd'hui, mais
sous le manteau, avec le nom du curé Meslier,
qui sert d'appât à la curiosité des apprentis
athées. Le Bon sens du curé Meslier, dont
beaucoup de gens s'entretiennent encore, mais
que peu de personnes ont tenu entre leurs
mains, se débite principalement à l'étranger,
et il est telle maison de librairie qui, de Paris,
en expédie chaque année un assez grand
nombre dans les deux mondes. L'Extrait des
sentiments de Jean Meslier, dû à Voltaire, en
forme le complément.
Cet ouvrage a été également attribué à Nai-
geon, au fameux Dulaurens, auteur du Com-
père Matthieu, à Boulanger et à Voltaire lui-
même. Le vulgaire, qui prend si facilement
les choses comme on les lui donne, est tombé
dans le piège qui lui était tendu. Pour la ma-
jorité des lecteurs, le Bon se)is ou Testament
du curé Meslier serait véritablement l'œuvre
d'un curé de village de la Champagne, qui, en
mourant, d mandé pardon à ses paroissiens
des impostures qu'il leur a enseignées et aux-
quelles il n'a pas eu le courage de renoncer
de son vivant. L'épigraphe de ce Testament
serait : Ouvrage qui prouve que quatre-vingt-
dix-neuf moutons et un Champenois ne font
pas cent bêtes. Quoi qu'il en soit de cette ex-
plication, nous renvoyons pour plus de détails,
dans ce dictionnaire au mot MESLIER (Jean).
Bon sens (LE), pamphlet par Thomas Paine.
Cet admirable pamphlet, à la rédaction duquel
on croit généralement que Franklin a parti-
cipé, fut publié au mois de février 1776. Les
Américains, dans un engagement à Bunker's-
Hill, venaient de vaincre une première fois
les Anglais; et cependant, ils hésitaient à se
séparer de la métropole, avec laquelle ils es-
péraient encore un accommodement. Ce fut
Thomas Paine qui, dans son fameux Bon sens,
donna une voix énergique aux sentiments
qui animaient tous les cœurs, et prononça le
premier les mots de séparation et d'indépen-
dance. Il fit comprendre, dans ces quelques
pages brûlantes de patriotisme, qu'une récon-
ciliation entre l'Angleterre et 1 Amérique était
désormais impossible, et qu'il fallait, ou se dé-
clarer nation indépendante, ou s'avouer re-
belles. L'effet de ce pamphlet fut prodigieux :
cent mille exemplaires furent vendus en quel-
ques jours, et ce fut l'étincelle qui alluma
1 incendie dans la colonie. « Je vous envoie
de New-York, écrivait John Adams à sa
femme, le 18 février 1776, un pamphlet inti-
tulé le Bon sens, et qui a été écrit pour com-
battre ces doctrines que nous regardons avec
raison comme celles de la tyrannie et d'une
injuste oppression. » L'édition originale du
Bon sens fut publiée à Philadelphie par Ro-
bert Bell, un ancien compagnon de Thomas
Paine, et malgré la vente extraordinaire ie
l'ouvrage, ce dernier se trouvait encore le
débiteur de son éditeur, au plus fort de son
succès, l'ouvrage s'étant vendu presque à
prix coûtant. Quoiqu'il en fût, le parti révolu-
tionnaire proclama que les doctrines politi-
ques de Paine étaient les seules bonnes, et,
le •(juillet 1776, le congrès leur donnait une
solennelle sanction par la déclaration d'indé-
pendance des Etats-Unis. L'auteur, naguère
obscur, devint tout d'un coup célèbre, et
comme son pamphlet avait été publié sous le
voile de l'anonyme, il ne signa plus ses ou-
vrages qu'en faisant suivre son nom de ces
mots : auteur du Bon sens.
Bon sens du peuple (LE). V. AVENIR NA-
TIONAL, par M. Paul Féval.
Bon Ben* (ART DU), en espagnol el Criterio,
ouvrage philosophique de Balmès, publié en
1845, traduit en français en 1850, sous le titre :
Art d'arriver au vrai. C'est un traité de lo-
gique à la portée des jeunes esprits, une phi-
losophie appropriée aux besoins des gens du
monde. Balmès y trace des règles pour di-
riger la conduite, les croyances, les jugements.
L ouvrage se divise en vingt-deux chapitres,
qui traitent successivement de l'attention, des
diverses espèces d'impossibilités, des connais-
sances acquises par le témoignage immédiat
des sens,-des connaissances acquises média-
tement au moyen des sens, de l'accord de
la logique avec la charité, de l'autorité hu-
maine, de la perception, du jugement, du rai-
sonnement, de l'enseignement, de l'invention,
de l'influence du cœur et de l'imagination sur
la raison, de la philosophie de l'histoire, de la
religion et de l'entendement pratique.
L'auteur commence par définir ['Art du bon
sens l'art de diriger son entendement par le
chemin qui mène à la vérité. La vérité est la
réalité des choses. Quelquefois la vérité ne
nous est qu'imparfaitement connue; la réalité
se présente alors, non telle qu'elle est, mais
incomplète, augmentée ou changée. L'entende-
ment qui possède une vérité tout entière est
comme ces miroirs dans lesquels les objets
i sont représentés tels qu'ils sont en eux-mêmes.
1
Pour bien penser, il faut d'abord savoir être
attentif. Un esprit inattentif se trouve, pour
ainsi parler, hors de chez lui ; il ne voit point
ce quon lui montre. L'attention multiplie les
forces de l'esprit d'une manière incroyable :
elle allonge les neures ; par l'attention, l'homme
augmente sans cesse son fonds d'idées; c'est
à 1 attention qu'il doit leur clarté, leur préci-
; sion ; il lui doit même les merveilles de la mé-
moire, car, en vertu de la permanence de
l'attention, les idées se classent d'elles-mêmes
dans le cerveau, avec ordre et méthode. L'at-
tention n'est point la fixité d'un esprit qui se
rive, pour ainsi dire, aux objets, mais une
j application calme et reposée qui permet que
| chaque chose ait son heure; elle nous laisse
i l'agilité nécessaire pour passer d'un travail à
un autre travail. On peut ranger parmi les
, hommes distraits, non-seulement les étourdis,
• mais encore les esprits absorbés en eux-mêmes.
Ceux-là se dissipent au dehors, ceux-ci se
| perdent au dedans d'eux-mêmes, dans les pro-
fondeurs ténébreuses de leurs rêveries. Notons
que l'homme attentif est celui qui a le plus
d'urbanité et de courtoisie. On blesse l'amour-
propre de ceux que l'on n'écoute point; aussi
donne-t-on le nom d'attention à un acte d'ur-
banité.
Sans l'attention, les actes de l'entendement
manquent de direction. Mais quels sont ces
' actes ? Ils peuvent se diviser en deux classes '
les actes spéculatifs et les actes pratique;.,
de là une division naturelle de l'Art du bon
sens en deux parties: la première consacrée
à l'entendement spéculatif, la seconde à l'en-
tendement pratique. La première question qui
se pose à l'entendement dans l'ordre spécu-
latii, c'est-à-dire dans l'ordre de la pure con-
naissance, est la question de possibilité et
' d'impossibilité. Balmès admet quatre sortes
; d'impossibilités; l'impossibilité métaphysique
ou absolue, l'impossibilité physique ou natu-
relle, l'impossibilité morale ou ordinaire, et
' l'impossibilité de sens commun. L'impossibilité
BONS
BONS
BONS BONS 985
métaphysique est celle qui tient à l'essence
même des choses ; en d'autres termes, un fait
est métaphysiquement impossible lorsque son
existence entraînerait cette absurdité : être et
ne pas être en même temps. Pour affirmer
qu'une chose est métaphysiquement, absolu-
ment impossible, il faut avoir une idée parfai-
tement claire des termes que nous jugeons
contradictoires. L'impossibilité physique ou
naturelle d'un fait consiste dans 1 opposition
de ce fait avec les lois de la nature. Il im-
' porte de ne proclamer cette impossibilité qu'a-
près mûr examen, la nature étant merveilleu-
sement puissante, et ses secrets nous étant
presque tous inconnus. Il n'y a point d'impos- •
sibilité physique pour Dieu ; l'omnipotence
divine n a d'autre limite que l'impossibilité
métaphysique. L'impossibilité morale ou ordi-
naire peut se définir ainsi : ce qui est en op-
position aveu le cours régulier des événements.
Cette impossibilité n'a aucun rapport avec les
deux impossibilités, absolue et naturelle; une
chose moralement impossible ne laisse pas
d'être possible absolument et naturellement.
Nous disons qu'un fait est moralement impos-
sible lorsque, dans le cours régulier des cho-
ses, ce fait ne se produit que très-rarement ou
ne se produit jamais. Il est des faits impos-
sibles.dont on ne peut affirmer l'impossibilité
absolue ou naturelle, et cependant nous sommes
tellement certains qu'ils sont irréalisables, que
l'impossibilité naturelle, l'impossibilité absolue
elle-même ne sauraient produire en nous une
certitude plus entière. Un homme a renfermé
dans une urne un grand nombre de caractères
d'imprimerie ; il les mêle, les agite plusieurs fois
sans ordre, et les laisse enfin tomber à terre.
Est-il possible que, dans leur chute, ces carac-
tères se trouvent disposés par hasard de ma-
nière à composer l'épisode de Didon. Non,
répond instantanément tout homme en son bon
sens. Voilà une impossibilité qui ne rentre,
suivant Balmès, dans aucune des trois espèces
dont nous venons de parler, et à laquelle il
donne le nom d'impossibilité de sens commun.
Des questions de possibilité, nous passons
aux questions d'existence. Nous pouvons, de
deux manières, acquérir la certitude de l'exis-
tence ou de la non-existence d'un être, par
nous-mêmes ou au moyen d'autrui. Nous ne
savons rien sans le secours des sens; l'homme
connaît ce qu'il sent ou au moyen de ce qu'il
sent. Cela est évident, quel que soit le système
que l'on adopte sur l'origine des idées; qu'on
les suppose innées ou acquises, qu'elles nous
viennent des sens ou qu'elles soient seulement
éveillées par les sens. La connaissance que
nous acquérons au moyen des sens est médiate
ou immédiate. Les sens présentent directe-
ment les objets à notre intelligence; ou bien,
des impressions que ces objets produisent,
l'intelligence infère l'existence d'un ordre de
phénomènes et de faits qui se dérobent aux
sens, et môme de faits placés au-dessus de
la sphère dès sens. Pour éviter les illusions
des sens, il faut savoir, par l'attention et la
comparaison, interpréter leurs témoignages.
Du reste, les sensations trompeuses sont une
source d'erreurs bien moins féconde que les
passions qui meuvent notre esprit, que les
idées dont nous sommes préoccupes. • Dominé
par son opinion favorite, tourmenté du désir
de trouver des preuves qui en établissent le
mérite, l'homme, dit Balmès, étudie les objets,
non pour apprendre, mais pour avoir raison.
Aussi il y découvre tout ce qu'il cherche. »
Les connaissances acquises immédiatement
f
iar les sens forment la base de la science, non
a science entière; sur cette base étroite"s'é-
lève un édifice si gigantesque, qu'à sa vue
l'esprit étonné hésite, pouvant à peine croire
à sa solidité. Là où les sens ne peuvent at-
teindre, l'entendement supplée à leur insuffi-
sance en passant du connu à l'inconnu, des
objets sensibles à ceux qui ne le sont pas.
Cette transition suppose entre les objets des
rapports de connexion et de dépendance ; toute
la difficulté est de saisir cette dépendance. On
est porté à l'inférer de la coexistence et de la
succession. De là de fréquentes erreurs, la
coexistence et la succession n'étant pas tou-
jours signes de dépendance. Balmès pose à ce
sujet les deux règles suivantes : 1° Lorsqu'une
expérience prolongée nous montre deux phé-
nomènes dont l'existence est simultanée, de
telle sorte que l'apparition ou l'absence de
l'un amène constamment l'apparition ou l'ab-
sence de l'autre; 2° Si deux phénomènes se
succèdent invariablement, de telle sorte que
le premier soit toujours suivi du second, que
l'existence de celui-ci ait toujours signalé la
préexistence de celui-là, concluons sans crainte
qu'ils sont liés entre eux par une certaine dé-
pendance.
Il ne nous est pas toujours possible de nous
assurer par nous-mêmes de l'existence des
choses, et partant nous sommes forcés d'avoir
recours au témoignage d'autrui. Pour valider
ce témoignage, deux conditions, dit Balmès,
sont nécessaires : 1° que le témoin n'ait pas
été trompé; 2° qu'il ne cherche pas à nous
tromper. L'absence de l'une de ces conditions
enlève au témoignage toute autorité. Exami-
nant, d'après ce critérium, la valeur des témoi-
gnages par lesquels on a coutume de chercher
k s'instruire des événements accomplis en des
temps et en des lieux éloignés, Balmès donne
les règles suivantes pour servir à l'étude
de l'histoire : 1° U faut tenir grand compte
des moyens dont l'écrivain disposait pour con-
naître la vérité, et des probabilités qui exis-
tent pour ou contre sa véracité. 20 Toutes cho-
ses égales, on devra préférer un témoin ocu-
laire, les récits successivement transmis étant
comme ces courants dont les eaux emportent
quelque chose du canal qu'elles parcourent.
3° Parmi les témoins oculaires, choisissez, si
d'ailleurs il y a égalité pour le reste, celui qui
n'a point eu de part à l'événement, qui n'y a
rien perdu. 40 Préférez un historien contem-
porain, mais contrôlez son témoignage par
celui d'un écrivain de la même époque, défen-
dant des opinions et des intérêts différents, et
ayez soin de séparer dans leurs écrits le fait
des causes qu'ils lui assignent, des résultats
qu'ils lui attribuent et des jugements qui leur
sont personnels. 5° Les écrits anonymes mé-
ritent peu de confiance; le public n'est pas
tenu de croire à la véracité d un écrivain qui,
pour dire la vérité, met un voile sur son vi-
sage. 60 Avant de lire une histoire, étudiez la
vie de l'historien. 7° Les couvres posthumes,
éditées par des inconnus ou ayant passé par
des mains peu sûres, deviennent apocryphes
et doivent êtres reçues avec défiance. 8° Les
histoires appuyées sur des mémoires inconnus
et des titres inédits, les manuscrits dans les-
uels l'éditeur affirme n'avoir fait que mettre
e l'ordre, corriger le style et éclaircir certains
passages, ne méritent d'autre confiance que
celle qu'inspire l'éditeur. 9° Les récits de né-
gociations secrètes, de secrets d'Etat, les
anecdotes piquantes sur la vie privée des
personnages célèbres, sur de ténébreuses in-
trigues et autres faits du même gence, ne doi-
vent être admis qu'après un examen sévère.
S'il nous est si difficile de découvrir la vérité
à la lumière du soleil, et pour ainsi dire à la
surface du sol, qu'espérer lorsqu'il faut la
chercher au milieu des ombres et dans les en-
trailles de la terre? 10° Ajoutons peu de foi à
ce qu'on nous raconte sur certains peuples
très-anciens, sur certains pays très-éloignés
de nous.
Après avoir exposé les. règles au moyen
desquelles on parvient à connaître l'existence
d'un objet, Balmès formule celles qui, suivant
lui, doivent nous guider dans nos recherches
sur la nature, les propriétés et les relations
des êtres. Il distingue quatre espèces de faits :
les faits naturels, c'est-à-dire les faits soumis
aux lois constantes et nécessaires de la créa-
tion ; les faits moraux, appartenant à l'ordre
moral ; les faits historiques ou sociaux, appar-
tenant à l'ordre social; les faits religieux, qui
relèvent d'une providence supérieure et ex-
traordinaire. De là quatre sciences fondamen-
tales, quatre branches de la philosophie : la
philosophie de la nature, la philosophie mo-
rale, la philosophie sociale ou philosophie de
l'histoire, et la philosophie religieuse. Dans
l'étude des sciences, il faut apporter un esprit
de prudence raisonnée, très-semblable à celle
qui doit présider à nos rapports avec les hom-
mes et les choses dans la conduite de la vie.
Trois observations peuvent nous aider à ac-
quérir cet esprit de prudence qui constitue le
véritable esprit philosophique : la première,
que la nature intime des choses nous est
presque toujours entièrement inconnue ; la
seconde, qu'il y a des problèmes insolubles, en
face desquels l'esprit humain n'a qu'une chose
à faire, constater son impuissance; la troi-
sième, qu'il ne faut pas appliquer à tous les
genres de connaissances Je même mode de
raisonnement, la même méthode.
Suivent des chapitres très-sensés sur la
perception, le jugement, le raisonnement. Per-
ception claire et vive, exacte et complète,
jugement droit, raisonnement rigoureux et
solide, voilà les qualités qui distinguent le
penseur. Les perceptions de notre esprit se-
ront vives et claires si, avec l'habitude d'être
attentifs, nous avons acquis assez de discer-
nement* pour déployer en chaque circonstance
les facultés adaptées à l'objet de notre étude,
et si nous savons ne déployer que ces facultés.
Les perceptions seront exactes et complètes si
nous savons embrasser d'un coup d'œil et les
parties constitutives d'un objet et les relations
de ces parties entre elles. Pour être droit, le
jugement doit se délier des propositions gé-
nérales érigées en axiomes, des définitions
inexactes mises en circulation comme monnaie
de bon aloi, des suppositions gratuites, des
préjugés. Le raisonnement, pour être rigou-
reux, n'a pas besoin de se préoccuper de la
forme syllogistique; on ne raisonne jamais,
dans la pratique, par syllogismes développés,
mais seulement par syllogismes tronqués, par
enthymèmes. Du reste, suivant Balmès, les
grandes pensées ne sont point filles du rai-
sonnement. Presque toutes les découvertes
heureuses, les plus sublimes comme les plus
précieuses conquêtes de l'esprit humain, sont
dues à cette lumière spontanée et mystérieuse
qu'on appelle l'inspiration. Le raisonnement
contrôle et conserve, il n'invente pas.
Nous passons sur quelques chapitres qui
nous paraissent les plus faibles du livre, et
nous arrivons à l'entendement pratique, c'est-
à-dire à la seconde partie de Y Art du bon sens.
Dans l'ordre pratique, deux questions se po-
sent à l'entendement : Quelle fin nous propo-
sons-nous dans l'action? Quel est le meilleur
moyen d'obtenir cette fin ? Balmès montre com-
ment les passions nous voilent la fin que nous
devons nous proposer et le moyen que nous
devons choisir pour l'atteindre; en un mot,
comment la logique pratique rentre dans la
morale. Il analyse avec finesse et pénétration
l'influence de 1 orgueil, de la vanité, de la pré-
somption, de la paresse sur les opérations de
l'entendement. Est-ce La Bruyère ou Balmès
qui a fait ce portrait de l'orgueilleux : « Voyez ! .
son regard impérieux exige le respect; ses
:
lèvres respirent le dédain ; sur toute sa phy-
sionomie déborde un contentement suprême,
une confiance intime, absolue en son propre
mérite ; ses gestes affectés, compassés révèlent
l'homme plein de lui-même, et qui porte avec
une vénération respectueuse et jalouse sa
propre supériorité. Il prend la parole : faites .
silence! Que si vous essayez de lui répondre,
il vous interrompt et poursuit... Il se tait enfin
de lassitude et d'épuisement ; vous voulez
saisir l'occasion longtemps attendue d'exposer
votre pensée; vains efforts! le demi-dieu ne
vous écoute pas ; il est distrait, il adresse la pa-
role à d'autres; à moins, toutefois, qu'absorbé
dans une méditation profipnde, les sourcils
froncés, les lèvres entr'ouvertes, l'oracle ne
se prépare à déployer de nouveau les solen-
nelles merveilles de son éloquence. » Et cet
autre du vaniteux : « A-t-il fait une bonne
action; par pitié, parlez! qu'il sache qu'elle
vous est connue, que vous l'admirez ; ne le
faites pas languir; ne voyez-vous point qu'il
brûle d'amener la conversation sur le sujet
aimé? Cruel! qui ne voulez pas comprendre
qu'il vous met sur la voie ; qui le forcez, avec
vos distractions, à devenir de plus en plus
explicite, à vous supplier enfin I Avez-vous
approuvé ce qu'il a fait, dit, écrit; quelle
joie! Mais, remarquez : il doit tout à l'inspira-
tion, à la fécondité de sa veine! Appréciez-
vous comme il convient ces traits heureux, ces
beautés exquises? De grâce, n'éloignez point
vos yeux de ces merveilles ; eardez-vous d'in-
troduire autre chose dans la conversation;
laissez-le jouir de son bonheur. Il n'est ni
hautain, ni dédaigneux, ni même exclusif. Que
d'autres soient loués, il ne s'en irrite point,
pourvu qu'on lui fasse sa part. »
Bon scna, Bonne foi, par Emile de Girardin
(1848; 24 février — 3 avril. Paris, Michel
Lévy frères, libraires-éditeurs de Jérôme Pa-
turot à la recherche de la meilleure des Répu-
bliques, 1848, in-18). Nous serions désolé,
même à propos du plus téméraire des journa-
listes, de porter un jugement téméraire ; mais
il nous semble que rappeler à la suite du nom
des éditeurs un ouvrage comme Jérôme Pa~
turot, qui est bien plus une critique qu'un ro-
man, cache une intention maligne. Si nous
nous trompons, hâtons-nous de dire que nous
avons pour excuse à notre jugement le dépit
visible qui, de page en page, s'empare de l'au-
teur à la vue de ses leçons mal écoutées, et
surtout cette épigraphe en manière de brevet,
placée au frontispice de son livre par le moins
modeste des gazetiers politiques : «Vous pos-
sédez à un degré supérieur la faculté es-
sentielle de l'homme d'Etat : le bon sens.»
P.-J. PROUDHON, 5 juin 1848. L'ouvrage, il
faut encore noter cela, est dédié à ses ennemis
par M. de Girardin. Disons-le tout de suite,
en relisant après dix-huit années écoulées ce
livre composé d'articles écrits au jour le jour,
sous la pression des événements et de ce ton
prophétique dont abuse trop souvent l'ancierf
rédacteur de la Presse, nous comprenons plus
que jamais cette épithète : les Importants, par
laquelle on peignait, au lendemain de février,
ceux qui, comme lui, prétendaient au monopole
exclusif d'enseigner la parole politique. M. de
Girardin est resté le grand lama des Impor-
tants ; les choses n'ont mal tourné en France
que parce qu'on ne tint pas compte de ses
prédictions. C'est du moins ce qui résulte de
la lecture de Bon sens, Bonne foi.
Raconter le livre n'est pas chose faisable ;
ce n'est même pas chose utile; car toute cette
encre qui, comme une lave, se répandait à
travers les esprits et mettait les tètes en feu,
s'est refroidie et figée; il en résulte quelque
chose de factice ; l'œil distrait n'a plus une
flamme pour cette passion morte, pour ce feu
éteint. Aux catacombes de l'histoire, se dit-on
malgré soi, tous ces mots qui n'ont plus de
sens, toutes ces colères qui détonnent au lieu
de tonner! ! ! Que nous veulent aujourd'hui ces
titres à effet, ces maximes hachées menu, ces
mots qui sont des phrases, ces phrases qui
sont des discours, ces discours qui sont des
proclamations? Quel était donc ce dictateur
de la plume qui avait nom Emile de Girar-
din, s'écrieront plus tard les archéologues
en quête de matériaux pour l'histoire, en es-,
suyant la poussière de ces tirades émoussées ?"
Ce qu'il était, bonnes gens? Un composé singu-
lier où bon sens et bonne foi entrent assuré-
ment, mais où resplendit avec une audace sans
pareille le moi médéen. Ce moi éclate sur un
air de bravoure à chaque page, à chaque ligne,
à chaque mot, dans Bon sens, Bonne foi, mo-
deste in-18 né pour sauver la République, qui,
l'ingrate, n'a pas voulu être sauvée. Dans ce
livre, que quelques dates préserveront d'un
complet oubli, l'auteur embouche superbe-
ment ce clairon des batailles, dont tout le
monde connaît les ritournelles et qui n'est
souvent qu'un mirliton, mirliton autour du-
quel s'enroulent des charades et des logogri-
phes politiques à la portée de toutes les intelli-
gences. La préface est datée de la Prison de
la Conciergerie, 3 juillet, et cette circonstance
ajoute encore à l'effet de cette dédicace laco-
nique : A mes ennemis! Quel homme que celui
qui, couché sur la paille humide des cachots^
dédia son œuvre à ses ennemis! Les ennemis
de M. de Girardin ont-ils senti le remords
envahir leur âme? Nul autre que Dieu seul
le saura jamais. Toutefois, on a quelque pe-
tite envie de sourire en songeant a ces incré-
dules terribles qui tenaient dans les fers un
homme dont les mains étaient pleines de bon
sens et de bonne foi : • On s est étonné de
la justesse de mes prévisions, s'écrie du fond
de son cachot M. de Girardin; en effet, elle
a dû, en plus d'une circonstance, paraître
étonnante à ceux qui n'observent les hom-
mes et les événements qu'avec des yeux
prévenus; si j'ai été clairvoyant, le mérite en
appartient tout entier à ces deux instruments
d'une précision rigoureuse': le Bon sens, la
Bonne foi, dont l'astronomie politique se sert
trop rarement. En m'exprimant ainsi, je ne me
vante pas; je vante seulement le Bon sens,
la Bonne foi. » Ainsi il est bien entendu que
l'auteur ne se vante pas, il ne se vante jamais,
et çjuand il assure que la justesse de ses pré-
visions a dû paraître étonnante, c'est sans va-
nité aucune. Dont acte.
« Bon sens, bonne foi, dit M. de Girardin
expliquant son titre : Ce sont les deux extré-
mités du fil qu'il faut s'appliquer à chercher
en toute question qu'on ne sait comment ré-
soudre, en toute complication d'où l'on ne sait
comment sortir.
» Ce que la bonne foi n'a pu dénouer, le bon
sens le démêlera.
» A l'union fraternelle du bon sens et de la
bonne foi, il est peu de difficultés qui résistent.
» La bonne foi fait la force, et le bon sens le
succès.
» Duplicité, génie ont été les deux coins de
toute grande politique dans le passé; bonne
foi, bon sens, seront les deux coins de toute
grande politique dans l'avenir.
» La politique tend à se simplifier. »
Toutes ces choses sont assurément pleines
de bon sens et pleines de bonne foi; mais il
nous semble que les oracles sibyllins ne de-
vaient pas affecter une forme plus solennelle
pour s'imposer à la crédulité de la Rome an-
tique. Ecoutez encore :
• Toute politique est simple lorsqu'elle est
droite. Plus elle est droite, plus elle sera
grande.
» Toute politique est simple lorsqu'on ne la
complique pas par des rouages inutiles, des
rivalités imaginaires, des défiances injustes,
des craintes exagérées.
» Toute politique est facile dès quelle est
simple. Il faut la rendre simple pour la rendre
facile.
» Le moyen de la rendre facile, c'est de la
réduire à ces termes : bon sens, bonne foi.
» Le bon sens en fera la solidité ;
» La bonne foi en fera la grandeur.
» Le moyen de la rendre simple, c'est de ne
jamais mettre en contact deux principes qui
s'excluent, etc. >
o Rien de plus radical et de plus conserva-
teur que le bon sens.
» Le bon sens est radical; car, ce qu'il veut,
c'est la conservation de tout ce qui concourt
essentiellement à la durée des sociétés, au
bien-être des peuples, au progrès de la civili-
sation. »
Il s'agit bien, ô médecin politique I de nous
inviter au bon sens ; montrez-nous plutôt
comment on l'acquiert et à quoi on le recon-
naît, ce bon sens. Prouver à un homme enrhumé
qu'il a un rhume et lui démontrer que, s'il
n'était pas enrhumé, sa santé serait parfaite,
cela est affaire aux La Palisse de la science.
Les vrais docteurs ne se bornent point à tâter
le pouls dés malades, ils les guérissent ou leur
enseignent à se guérir. Guérissez-nous, ensei-
gnez-nous à nous guérir; inutile de nous res-
sasser ce que nous ne savons que trop, sa-
voir : que nous sommes enrhumés. Cette théo-
rie, si c'en est une, n'est d'ailleurs ni plus
neuve ni plus féconde que celle qui consis-
terait à proclamer que pour voir il faut des
yeux. Le bon sens, c'est l'œil de l'âme ; mais
que de myopes, que de presbytes ! Vanter le
bon sens à celui qui n'a pas cet œil, c'est
vanter la lumière aux aveugles. Quittons donc
le domaine des abstractions, apprenons aux
aveugles d'esprit à distinguer ce qui est le
bon sens de ce qui ne l'est pas; construisons
des lunettes à l'usage de ceux qui ont la vue
faible. Sinon on nous dira toujours : • Où s'ar-
rece le bon sens, jusqu'où va la bonne foi? •
On nous dira : « Ce qui vous paraît être le
bon sens à vous, nous parait à nous l'erreur et
le paradoxe.» Que répondrons-nous à cela? Car
si la bonne foi se prouve au besoin, il n'en est
pas de même pour le bon sens, et la preuve,
c'est que la plupart des hommes illustres qui
ont possédé cette belle qualité ont été incom-
pris, bernés, martyrisés même. Donc, baser la
politique sur le bon sens et la bonne foi, c'est
a peu de chose près parler pour ne rien dire ;
la prétention de tout homme, du petit au grand,
du premier au dernier, étant justement de
posséder le vrai bon- sens et d'agir conformé-
ment à ce don aussi rare que précieux. Ainsi
la théorie, quant à l'application absolue, sonne
creux ; elle se résume en ces mots vides dont
chacun de nous se décore trop complaisam-
ment, en reprochant durement aux autres de
n'avoir ni bon sens ni bonne foi. Ah ! que nous
ferions plus sagement, au lieu de créer des
devises qui ne sont que des trompe-l'œil, de
trouver dès mots susceptibles de renfermer
des idées 1 Oui, faisons des mots qui contien-
nent des idées; on nous écoutera; puis en-
seignons l'application de ces idées qui, si elles
sont justes et fécondes feront dire que nous
avons ce que nous prétendons avoir : bon
124
986 BONS
BONS
BONS
BONS
sens et bonne foi. Nous ressemblons trop à
ce postillon qui se bornait à faire claquer son
fouet sans s inquiéter d'ébranler son attelage
et de conduire sa voiture à destination. Nous
avons un fouet! Cela ne suffit pas. Nous le
faisons claquer! Cela ne suffit pas encore. On
crie sur l'impériale, et les voyageurs de la ro-
tonde trouvent le temps long. Un bon coup
d'épaule à la roue du véhicule vaudrait mieux
que tous ces clic-clac, qui ne réussissent
qu'à agacer les oreilles et a chasser les petits
oiseaux. Mais hélas I nous ne savons que pas-
ser d'un siège à un autre et jamais descen-
dre sur la route. Aussi, que de sièges nous
avons montés déjà sans aboutir à autre chose
qu'à décrire des zigzags dans les airs et à sou-
lever des cris d'impatience autour de nous!
Mais que disons-nous? si M. de Girardin a
donné à son recueil d'articles, qu'il appelle His-
toire écrite au jour le jour, le titre de Bon sens,
Bonne foi, c'est qu'il se croit un autoinédon
doublé d'un homme d'Etat et d'un moraliste.
Il dit : • Bon sens et bonne foi, ces deux mots
résument tous les principes de Franklin, tous
les actes de la vie de Washington. Ils sont
toute ma science; c'est pourquoi j'ai naturel-
lement donné à ce recueil d'articles, histoire
écrite au jour le jour, le titre de BON SENS,
BONNE FOI. D Partant de là, l'auteur compose
ainsi qu'il suit la table des matières qu'il a trai-
tées : 24 février. Premier épisode d'une grande
histoire. — 25. Confiance! confiance/ — 26. Au
peuple. — 27. La République. — 28. Pas de ré-
gence.— 29. Le Commerce n'ira plus.— 1er mars.
Loi électorale provisoire, — 2. Hommage à la
mémoire d'Armand Carrel. — 3. La Liberté. —
4. La politique de l'avenir. — Projet de ma-
nifeste. — 5. Organisez, ne désorganisez pas.
— 6. Les impuissants. — 7. Les dangers de la
situation. — 8. Aux électeurs de la Creuse. —
9. Nécessité d'un congrès européen. — 10. Ce
gui presse. — i l . Désarmement. — Bons de
travail. — 12. Henri V. — 13. Aux ouvriers.
— 14. Les républicains du lendemain. — 15. La
guerre et la peur. — Notre idée fixe. — 16. Les
circulaires et les élections. — 17. Divises le
travail, centralisez le pouvoir. — 18. Patrio-
tisme,mais impuissance. — 19. M. de Girardin
est-il pour la régence? — 20. Les.élections. —
21. Les idées.— 22. La Bourse. — 23. L'amor-
tissement et l'emprunt. — Simples questions. —
24. Nécessité de l'économie. — L'hypothèque et
la propriété. — 25. La dictature : l'arbitraire.
— 26. La faiblesse du pouvoir. — Le papier
monnaie. — Une immense objection. — 27. L'op-
timisme et la misère. — 28. Question et réponse.
— Le National et la Presse. — 29. Paroles
d'un voyant. — 30. La Réforme et la Presse. —
31. Deuxième épisode d'une grande histoire.
Un mot d'explication : Le premier épisode de
la grande histoire, nous montre M. de Girardin
au 24 février, écrivant cinq cents bulletins
d'abdication : la République lui doit une fière
chandelle! Le deuxième épisode de la même
grande histoire nous montre M. de Girardin
assailli dans ses bureaux par une foule mena-
çante. Aux cris de : Mort à Girardin! il répond
par des discours et des poignées de main. Puis,
comme on l'accuse à'affaiblir le gouvernement
provisoire, il déclare qu il s'abstiendra jusqu'au
4 mai de tout avertissement et de tout blâme.
• On verra bien alors si c'était nous qui affai-
blissions le pouvoir! » s'écrie-t-il en signant
cette trêve qui nous ramène à dire que le di-
recteur de la Presse croit rédiger, non pas des
articles de journaux, mais des proclamations
au peuple.
Est-ce à dire qu'il n'y ait rien, absolument
rien à retenir de ces trois cents pages qui com-
posent Bon sens, Bonne foi? Evidemment, si
M. de Girardin aime la liberté, il la défend,
il est vrai, de façon à la faire craindre quel-
quefois, ou mal connaître, mais enfin il la dé-
fend, quand tant d'autres, qui avaient mission
de la défendre, la violent. On ne saurait trop
lui en savoir gré :
0 La République l dit-il, voici pourquoi nous
l'aimons : c'est qu'elle oblige la France à être
une grande nation, la nation qu'elle doit être;
c'est qu'elle oblige le peuple français à donner
la mesure de sa liberté par sa grandeur, de sa
force par sa générosité. Point de propagande
révolutionnaire, mais le plus ardent prosély-
tisme républicain. Nous n'avons qu'à le vou-
loir pour que l'ancien inonde soit tout entier
républicain, pour que l'ancienne société fasse
place à une société nouvelle fermement as-
sise. » Ainsi s'exprimait M. de Girardin, qui,
précédemment, avait déclaré franchement être
resté fidèle jusqu'au dernier jour au gouver-
nement qu'il s'était efforcé d'éclairer, mais
qu'il n'avait jamais eu la pensée de contribuer
à renverser. M. de Girardin avouait n'être
qu'un républicain du lendemain, mais un répu-
blicain sincère.
BONBON S E N S . ( C l . Tillier.) al y a différents
moyens de tuer le BON SENS ; le plus sûr est de
le noyer dans des flots de paroles. ( L a m e n n . )
Le
BONSHOMMES,
BONSHOMMES, religieux augus'tins que le
prince Edmond établit en Angleterre en 1250. Ils
étaient soumis à la règle de saint Augustin, et
leur costume était de couleur bleue. En France,
on désignait autrefois sous le même nom des
frères minimes, parce que Louis XI avait l'ha-
bitude d'appeler familièrement le bonhomme
Jeur fondateur, saint François de Paule. Six
iîe ces religieux, envoyés par ce dernier, vin-
rent à Paris, où ils furent reçus dans la mai-
son du grand pénitencier. En 1493, ils allèrent
habiter, près de Nigeon, une tour qui leur
avait été donnée par Jean Morhier. Anne de
ïfeaujeu leur fit présent d'un manoir qu'elle
possédait près de Chaillot et d'une propriété
cuûtigué, dans laquelle se trouvait une cha-
Ë
elle de Notre-Dame de toutes grâces (1496).
'epuis cette époque jusqu'à la Révolution, où
le couvent fut supprimé, ces religieux por-
tèrent le nom de Bonshommes ou de Minimes
de Chaillot.
BONS1 (Lelio), littérateur italien, né à Flo-
rence vers 1552. Dès l'âge de dix-sept ans, il
fut reçu membre de l'Académie florentine, et,
à dix-neuf ans, il en devint le provéditeur. Il
fut ensuite reçu docteur en droit civil et en
droit canon à Pise, et jouit d'une grande fa-
veur auprès des grands-ducs François et Fer-
dinand de Médieis. On a de lui cinq leçons sur
des sonnets de Pétrarque et sur les plus beaux
passages de Dante, des sonnets et un sermon
pour le vendredi saint.
lîONSI (Jean-Baptiste), prélat et négocia-
teur italien, né à Florence en 1554, mort à
Rome en 1621. Après avoir été chargé d'une
négociation importante entre Clément VIII et
le grand-duc François de Médieis, il reçut
pour récompense le titre de sénateur. Henri.IV
le nomma évêque de Béziers, et c'est par son
entremise que fut conclu le mariage de ce
.prince avec Marie de Médieis, ce qui lui valut
encore la charge de grand aumôoier
t
de France,
et plus tard le chapeau de cardinal sous le
pontificat de Paul V.
BONSI
BONSI (François, comte), hippiatre italien,
né à Rimini vers 1720. Il étudia d'abord la
médecine, et il s'adonna ensuite exclusivement
à l'art vétérinaire. Les Italiens le regardent
comme le fondateur de l'hippiatrique ; mais
cette opinion est mal fondée, puisque Bour-
gelat avait publié ses Eléments d'hippiatrique
avant que Bonsi eût fait paraître ses ouvrages,
dont les principaux sont : Begoleper conoscere
perfettamente te bellezze et i difetti de' cavalli
(Rimini, 1751) ; Dizionario ragionato di vete-
rinaria teorico-prattica (Venise, 1784) ; Insti-
tuzione di marecalcia, conducenti... ad eser~
citare con sodi fondamenti la medicina de' ca-
valli (Naples, 1780).
BONSOIR
BONSOIR s. m. (bon-soin—de bon et soir).
Salut, souhait que l'on adresse en se saluant
vers la fin du jour;'dans la soirée, en s'abor-
dant ou on se quittant : Souhaiter, donner le
BONSOIR. Guillaume n'adressa plus à Jeanne
qu'un bonjour ou uii BONSOIR amical, en pas-
sant sans même la regarder. (G. Sand.)
Mon vieil ami, quand pour nous le jour baisse,
Souhaitons-nous un gai bonsoir.
BÉRANGER.
Sain d'esprit et de jugement,
Et voisin de ma dermere heure,
Je donne à l'empereur par ce mien testament,
Le bonsoir avant que je meure.
CHARLES IV, duc de Lorraine.
Non, je ne comprends pas de plus charmant plaisir
Que de voir d'héritiers une troupe affligée,
Le maintien interdit, et la mine allongée,
Lire un long testament où, pâles, étonnés.
On leur laisse un bonsoir avec un pied de nez.
REONARD.
— Elliptiq. Bonsoir, Je vous souhaite le
bonsoir : BONSOIR, monsieur. BONSOIR, ma-
dame. BONSOIR, mon ami. BONSOIR et bonne
nuit. Sur ce, BONSOIR... moi, je sais bien gui
ne dormira pas. (Alex. Dum.) il Bonsoir à, Di-
tes, souhaitez le bonsoir de ma part à : BON-
SOIR À monsieur votre père, À madame votre
sœur. 11 Signifie aussi Je souhaite le bonsoir à:
BONSOIR,BONSOIR, le charme cesse. (A. de Muss.) Alors,
pauvre ami, BONSOIR à la dot. (Balz.) il Dire
bonsoir à la compagnie, Mourir.
— Antonyme. Bonjour.
Bonsoir, la compagnie, p a r o l e s d e l'abbé
Lattaignant. Cette chanson, la plus jolie qu'ait
composée l'auteur, et qui a peut-être contri-
bué le plus à faire vivre son nom, pétille d'es-
prit, d'épicurisme et de cette insouciante phi-
losophie si en faveur parmi le clergé mondain
du xvme siècle. Elle semble l'aïeule du Bon-
homme de Nadaud, pour le calme presque
moral qu'elle respire; mais il y manque cette
note du cœur qui fera vivre l'œuvre de notre
chansonnier contemporain. On n'avait que de
l'esprit avant 1789, et cela paraissait suffi-
sant; aujourd'hui, il faut avoir aimé et souf-
fert pour qu'une simple production poétique
ait chance de vie : le lecteur veut sentir les
frémissements du cœur de l'écrivain.
ans! Je crois qu'à cet âge il est
DEUXIÈME COUPLET.
Lorsque d'ici je sortirai,
Je ne sais pas trop où j'irai ;
Mais en Dieu je me fie;
Il ne peut me mener qu'à bien,
Ainsi je n'appréhende rien;
Bonsoir, la compagnie !
TROISIÈME COUPLET.
J'ai goûté de tous les plaisirs;
J'ai perdu jusques aux désirs,
A présent je m'ennuie.
Lorsque l'on n'est plus propre a rien,
On se retire et l'on fait bien ;
Bonsoir, la compagnie!
QUATRIÈME COUPLET.
Dieu nous fit sans nous consulter,
Rien ne saurait lui résister;
Ma carrière est remplie.
A force de devenir vieux,
Peut-on se vanter d'être mieux?
Bonsoir, la compagnie!
CINQUIÈME COUPLET.
Nul mortel n'est ressuscité
Pour nous dire la vérité
Des biens d'une autre vie.
Une profonde obscurité
Est le sort de l'humanité;
Bonsoir, la compagnie!
SIXIÈME COUPLET.
Rien ne périt entièrement,
Et la mort n'est qu'un changement,
Dit la philosophie.
Que ce système est consolant!
Je chante en adoptant ce plan :
Bonsoir, la compagnie!
SEPTIÈME COUPLET.
Lorsque l'on prétend tout savoir,
Depuis le matin jusqu'au soir,
On lit,on étudie;
On n'en devient pas plus savant;
On n'en meurt pas moins ignorant;
Bonsoir, la compagnie!
Bonsoir, m o u t i e n r P a n t a l o n , Opéra-COmi-
que en un acte, paroles de Lockroy et de
Morvan, musique d'Albert Grisar, repré-
senté à l'Opéra-Comique, le 19 février 1851.
L'action se passe à Venise, dans la maison du
docteur Tirtoffolo. Isabelle, sa nièce, doit
épouser le fils de M. Pantalon, Lélio, qu'elle
ne connaît pas encore. Il se fait introduire
dans un panier à l'adresse de Colombine, sui-
vante de M'fc Lucrèce, maîtresse du logis.
Par une suite de péripéties assez bouffonnes,
le panier vient à tomber dans le canal du
Rialto. En apprenant que ce panier renfer-
mait Un homme vivant, tout le monde est
dans la stupeur. Un peu plus tard, Lélio re-
parait, mais pour être presque empoisonné
par une drogue du docteur. Comment cacher
ce nouveau meurtre à M. Pantalon, qui arrive
pour célébrer l'hymen de son fils? Tout s'ex-
plique et finit bien, comme au théâtre de la
foire. Cette pièce est imitée des Rendez-vous
bourgeois, et ne laisse pas d'être fort amusante.
La musique de Grisar est parfaitement appro-
priée aux situations. Nous rappellerons la sé-
rénade chantée au lever du rideau, les cou-
plets de niezzo-soprano, l'air du ténor : J'aime,
j'aime, qui est fort comique, et le quatuor fi-
nal qui a donné le nom à la pièce dont il est
le morceau musical le plus intéressant. Pon-
chard fils a créé le rôle de Lélio ; Ricquier,
celui du docteur ; les autres ont été remplis
par M
ffiCS
Decroix, Lemercier et Révilly.
Bonsoir, voisin, opéra-comique en un acte,
paroles de Brunswick et Beauplan, musique
de Poise, représenté au Théâtre-Lyrique le
18 septembre 1853. Ce fut le début du jeune
compositeur, lauréat de l'Institut. On* y re-
marqua de la verve et de la facilité ; l'ouvrage
eut cent représentations. M. Poise à été l'é-
lève d'Adolphe Adam.
BONSTETTEN
BONSTETTEN (Charles-Victor DE), littéra-
teur et philosophe suisse, né à Berne en 1745,
d'une famille distinguée et très-ancienne, mort
à Paris en 1833. Il avait environ quinze ans
auand ses parents l'envoyèrent au collège
a'Yverdun, où il connut J.-J. Rousseau, dont
il lut les ouvrages avec l'enthousiasme d'une
jeune âme qui croit voir pour la première fois
les charmes de la vérité. Mais les études qu'il
fit alors furent très-incomplètes, et le plaisir
qu'il trouvait à méditer seul occupait trop
souvent les instants qu'il aurait dû consacrer
à acquérir des connaissances pratiques. De là
il se rendit à Genève. Cette ville était alors
un des foyers où les instincts philosophiques
du siècle se concentraient pour rayonner en-
suite en tous sens : Voltaire résidait aux en-
virons;les idées de Rousseau y fermentaient;
Charles Bonnet y exerçait une influence con-
sidérable. Bonstetten avait dix-huit ans et
une curiosité ardente. Il ne tarda point à se
créer des relations dans le monde, qu'il vou-
lait connaître. Il se lia avec Abauzit, Moulton
et d'autres. La bienveillance de Charles Bon-
net décida de son avenir; l'homme autant que
le philosophe exerça une influence décisive
sur 0 la destinée de sa vie intellectuelle. «Une
vive amitié s'établit entre eux; Bonstetten se
contenta quelque temps de la conversation de
son ami; il l'écoutait comme un oracle, et ne
lisait que les livres qu'il lui conseillait de lire.
Avec le goût de la métaphysique, Bonnet lui
inspirait l'habitude des bonnes méthodes ;
c'est ainsi, par exemple, que Bonstetten
adopta la règle de lire d'abord l'index des ou-
vrages qu'il se proposait d'étudier, et d'écrire
ensuite ce qu'il pensait de chaque question
indiquée dans le titre des chapitres, avant
d'en entreprendre la lecture. Voltaire opérait
sur lui d'une autre manière. Comme Bonstet-
ten était d'une bonne famille, le patriarche de
Fernev l'admettait volontiers a sa table. Or, à
la table de Voltaire, il était question de tout,
et particulièrement de philosophie et de reli-
gion. Les opinions de Voltaire étaient en op-
position avec les instincts de Bonstetten et la
générosité de son cœur; elles l'éclairaient
cependant et lui montraient les choses sous
des aspects qu'il n'avait pas encore entrevus.
Deux ans de séjour à Genève avaient suffi
pour lui montrer combien son éducation litté-
raire et intellectuelle était insuffisante; il alla
la perfectionner à l'université de Leyde, puis
il voyagea, vit le monde et ceux qui y jouaient
alors un rôle. Sa vocation philosophique fut
ajournée. Trente ans devaient s'écouler avant
qu'il revînt aux goûts de sa première jeunesse.
U écrivait plus tard : « J'ai fait voir comment
l'éducation que j ' a i reçue a concentré ma
pensée dans l'étude de moi-même; il en est
résulté que l'habitude de réfléchir me donna
une vie intérieure, que tout ce que j e vois
anime et embellit. Dans cette disposition de
l'âme, tout devient un objet de pensée. » Mais
avant de revenir aux méditations philosophi-
ques, il devait se livrer à toutes les distrac-
tions que la fréquentation de la société,
l'exercice des fonctions publiques et surtout
le spectacle des commotions de la fin du siè-
cle expliquent de reste. La nature, d'ailleurs,
ne lui avait pas donné seulement un amour
ardent de la vérité ; il en avait reçu en même
temps une imagination riante et expansive,
des dispositions pour les arts, et avec cela
une piété sincère et de tradition. La première
fois que, chez un athée genevois du temps
qui a laissé des Souvenirs, Bonstetten enten-
dit argumenter contre l'existence de Dieu, il
en éprouva une sorte d'effroi et se fit à lui-
même le serment de chercher des preuves so-
lides pour une croyance à laquelle il ne vou-
lait pas renoncer, et de rester toujours fidèle
à ses devoirs.
| Ce fut à cette époque qu'il entra en relations
avec Matthisson et avec Jean de Muller. Ce
dernier était jeune et ne connaissait pas sa
valeur; ce fut Bonstetten qui lui donna quel-
j que confiance en lui-même et qui fit éclore
: ses talents. Leur correspondance a été pu-
1 bliée à Tubingue, sous le titre de Lettres d'un
-, jeune savant à son ami. Peut-être l'Allemagne
1
doit-elle à .cette correspondance un de ses
; bons historiens. Par contre, Matthisson lui ap-
j prit à lui-même qu'il était un écrivain : « Sans
Matthisson, disait-il longtemps après, je n'au-
; rais jamais pensé à me faire auteur, et ma
• vie se serait malheureusement éteinte dans
Berne révolutionnée et pleine de haines et de
ténèbres. • Il a consacré un chapitre de ses
Souvenirs au récit de ses relations avec Mat-
thisson. Quoi qu'il dise à cet égard, il est pro-
bable qu'il doit à Mme de Staël et à Stapfer
autant qu'à Matthisson.
Sa naissance l'autorisait à entrer au grand
I conseil de Berne aussitôt que son âge Te lui
j permettrait. Ily entra en effet, etdevint immé-
diatement vice-bailli de Gessenay, vallée de
j l'Oberland suisse. Il n'osait accepter, dans la
j persuasion où il était que, pour exercer une
• fonction publique, il fallait une expérience
• qu'il n'avait pas. L'avoyer d'Erlach, étant venu
j lui faire une visite avant son départ pour Gos-
I senay, se chargea de le rassurer : n Vous
voilà donc bailli, lui dit-il. J e ne sais si vous
;
connaissez les usages du pays. On donne par
j an tant de fromages à tel conseiller, et, mon
cousin, retenez ceci, tant à l'avoyer; votre
prédécesseur était un sot ; il m'envoyait de
1 petits fromages, qui ne valent pas les grands.
Adieu, mon cher cousin, je vous souhaite un
bon voyage. » Là se bornait l'expérience né-
cessaire à son administration. Les institutions
bernoises étaient devenues insuffisantes. Mem-
bre du grand conseil et chargé, à ce titre, de
diriger le département de l'instruction publi-
que, Bonstetten voulait innover. Mais ses
plans de réformes ayant été mal accueillis, il
eut recours à la publicité pour les faire pré-
valoir. En 1786, il publia deux mémoires sur
l'éducation des familles patriciennes de Berne.
L'année suivante, il fut nommé au bailliage
de Nyon, et conserva cette fonction jusqu'en
1793; puis on l'envoya comme syndieateur
dans les bailliages italiens qui forment main-
1
tenaut le canton du Tessin, où il resta durant
; trois ans, c'est-à-dire jusqu'à l'invasion fran-
; çaise. « Au mois de mars 1798, écrit-il, tomba
! cette république de Berne, ma patrie, vieille de
; plus de six s.ècles, riche de vertus politiques
j et de prospérités Inutile à mon pays, en-
I glouti sous les flots révolutionnaires, assourdi
j par les sons discordants de mille intérêts
, blessés, entouré de haines et de murmures, je
1
quittai une contrée qui, ne vivant que de sou-
| venirs, était blessée à la fois dans sa gloire
i passée et dans ses intérêts présents et a ve-
: nir. u (Préface du livre intitulé : les Alpes et
I la Scandinavie.) Il courut se réfugier dans le
i Holstein. L'estime dont il fut l'objet en Alle-
magne et la sécurité de sa retraite le cal-
mèrent. Il alla bientôt s'établir pour trois ans
i à Copenhague, où U mit au jour un recueil de
ses opuscules, et entreprit d'étudier la civili-
sation Scandinave sous ses aspects les plus
variés. Un apaisement relatif s'était produit
• en Suisse; il y revint se fixer à Genève, en
[ 1802, et de là fit de fréquents voyages en
', France, en Italie et en Allemagne, occupé à
BONS
recueillir partout les éléments dont il se ser-
vit pour faire des publications ultérieures
très-importantes. A ses moments de repos, il
reprenait graduellement l'objet de ses pre-
miers travaux, la métaphysique et l'étude de
lui-même. Sa santé déclinait rapidement; il ne
pouvait plus continuer les investigations qu'au-
rait exigées la poursuite de ses travaux sur
la civilisation comparée du Nord et du Midi.
Il s'éteignit en 1833, âgé de plus de quatre-
vingt-six ans, et en pleine possession de ses
facultés.
On peut ranger sous trois chefs : littéra-
ture, politique, métaphysique, les œuvres sor-
ties de sa plume. Ses travaux littéraires sont :
1° Lettres sur une contrée pastorale de la
Suisse (Berne, 1782, l vol. in-8°). Elles avaient
paru anonymes en 1781, et le public les avait
attribuées à Jean de Muller. Bonstetten y dé-
crit les mœurs et les usages du canton de
Gessenay, dans un style charmant et persua-
sif qui n appartient qu'à lui. Il examine aussi
les produits de la contrée, ses arts, son in-
dustrie, son avenir. Le principal intérêt de
ces lettres consiste dans les détails géographi-
ques qui sont un curieux échantillon de ce
que le talent, joint au sentiment de la nature,
peut jeter d'agrément sur les matières les
plus stériles.
2« L'Ermite, histoire alpine, fragments d'un
voyage à Bâle et à Neucnâtel, .semés d'aper-
çus ingénieux et de remarques sur les condi-
tions morales et matérielles des pays dont il
est question. Bonstetten s'y livre à son goût
ordinaire pour la réflexion; la deuxième par-
tie du recueil contient des pensées sur la
mort et l'immortalité de l'âme; la troisième,
des essais poétiques sous forme d'idylles.
3° La Suisse améliorée, ou la Fête de la re-
connaissance (1802, in-8°). Un émigré suisse
(Bonstetten) rentre dans sa patrie après les
événements de 1798-1801, retrouve sa famille
et ses amis. Il "raconte ses infortunes, énu-
inère les bienfaits hospitaliers qu'il a reçus
dans une cour du Nord. Il en exprime sa gra-
titude. Çà et là, l'auteur émet son opinion sur
les choses du jour et sur les besoins moraux
de son pays.
40 Voyage sur la scène des six derniers li-
vres de l'Enéide, suivi de quelques observa-
tions sur le Latium moderne (Genève, 1804,
in-S»), la meilleure des productions littéraires
de Bonstetten et la plus connue. Il fait la
comparaison de l'état ancien des choses dans
la campagne romaine et de ce que le gouver-
nement papal y a substitué. Il indique les
causes de la dépopulation sans exemple des
fertiles contrées qui formaient jadis le Latium.
Il y a, dans les idées de Bonstetten, trop de
poésie, pas assez de profondeur, et un oubli'
complet de la méthode, ce qui est un de ses
défauts ordinaires. Il écrit au jour le jour, au
hasard de l'inspiration du moment, et il a en
général trop de respect pour ce qu'il a pensé
la veille ; les raisons les plus graves ne lui en
feraient pas rabattre un mot. On sent d'ail-
leurs à chaque pas l'esprit étroit du réformé,
qui ne trouve rien à son goût dans les insti-
tutions catholiques. Il est vrai qu'elles n'é-
taient pas en faveur à cette époque : on sor-
tait du xvme siècle et on en avait conservé
l'esprit exclusif et dénigrant.
50 Lettres à Jlfme Brun, née Munter (Franc-
fort-sur-le-Mein, 1829-1830, 3 vol. in-8°). C'é-
tait la sœur de l'évèque luthérien de Seeland.
Bonstetten l'avait connue lors de son émi-
gration en Danemark.
60 Souvenirs de Ch.-V. de Bonstetten, écrits
en 1831 et 1832 (in-12 de 124 p.). Ce sont des
notices sur les hommes les plus remarquables
que Bonstetten avait connus dans sa longue
carrière. Ces souvenirs contiennent, entre au-
tres renseignements, curieux à divers égards,
des anecdotes sur Haller, Ganganelli (Clé-
ment XIV), le cardinal de Bernis, le prince
Edouard, dernier rejeton de l'illustre maison
des Stuarts, la duchesse d'Albany, etc.
Chez Bonstetten, le littérateur ne venait
qu'au second rang, et ses écrits politiques ont
beaucoup plus de valeur que ses travaux d'i-
magination, qui ne sont que des fantaisies ou
des récits de voyages. Voici quels furent ses
écrits politiques : i« ses deux Mémoires sur
l'éducation des familles patriciennes de Berne,
dont il a été question plus haut,
20 L'Exposé des causes gui ont amené la ré-
volution de Suisse, discours prononcés àYver-
dun en 1795.
30 Le recueil intitulé : Nouveaux écrits de
Ch.-V. de Bonstetten (Copenhague, 1799-1800-
1801,4 vol. in-12). Le tome 1 " contient : De l'é-
ducation; Influence des lumières sur les mœurs
et sur la liberté; Y Amour inné de la liberté
tient au développement général du genre hu-
main; Qu'est-ce que la liberté? Le deuxième vo-
lume (1800) renferme : Traité de l'art des jar-
dins; Remarques sur la langue irlandaise;
Vues sur l'origine du langage, de la musique
et de la poésie ; Part qu'a prise la création des
langues sur la faculté de l'abstraction, Co?isi-
dérations sur les poètes Scandinaves et compa-
raison de ces poètes avec Homère et Ossian;
Traduction de la saga de Ragnar Lodbrok.
On trouve dans le troisième volume : Lettres à
Matthisson sur la révolution de Genève ; Voyage
en 1795 dans les bailliages italiens; onze Let-
tres à une amie, et détails constatant ses sou-
venirs pendant qu'il était syndicateur dans les
bailliages susdits. Il y a dans le quatrième vo-
lume : Voyages de 1776-1797; Besoins des pro-
vinces sujettes ; il entend parler des bailliages
BONS
précédents (on voit que-les quatre volumes
contiennent autant de littérature que de poli-
tique).
40 Développement national (Zurich, 1802,
2 vol. in-8°). La Suisse subissait le protecto-
rat du premier consul; Bonstetten essaye d'en
présager les résultats probables.
50 Pensées sur divers objets de bien public
(Genève, 1815). La liberté, suivantBonstetten,
n'est pas attachée à telle ou telle forme de
gouvernement. Elle est le fruit des mœurs.
6° La Scandinavie et les Alpes (Genève, 1826,
in-8°). Cet ouvrage fut composé pendant le
séjour de Bonstetten en Danemark. Il y com-
pare les Alpes suisses aux Alpes Scandinaves,
au point de vue de la population, de la pro-
spérité, des mœurs, des institutions, de la géo-
graphie et du climat. Il étudie également la
mythologie locale. Le livre contient comme
appendice des fragments sur l'Islande, dans
lesquels Bonstetten décrit la constitution, les
jeux publics et les traditions de la race islan-
daise. Il en fait connaître la poésie et l'histoire.
Il fut un des premiers à constater scien-
tifiquement de qvelle importance était l'his-
toire de la Scandinavie pour l'étude des mœurs
\ et des institutions du moyen âge. En effet, les
| races du Nord avaient envahi une partie de
l'Europe (les invasions normandes), et avaient
I introduit partout leurs coutumes. L'examen
comparé de ces coutumes ouvrait à la philo-
logie et à la philosophie de l'histoire des per-
spectives inattendues.
7° Lettres de Bonstetten à Matthisson (Zu-
rich, 1827, 1 vol. in-12), et à Afwe Brun. Elles
! comprennent une période qui s'étend de 1790
' à 1829, époque fertile en événements de tout
genre et que l'auteur voyait de haut. Il y ap-
précie les hommes et les choses du temps, en
observateur habile et quelquefois profond,
i Nous arrivons maintenant aux œuvres phi-
losophiques. Ce sont elles qui ont fait à Bon-
- stetten une renommée européenne; ellescom-
fi
prennent les ouvrages suivants : 1° l'Homme
du midi et l'homme du nord ou De l'influence
du climat (Genève, 1824, in-8°), ouvrage d'un
, genre nouveau, où il y a autant d'économie
I politique que de considérations morales sur la
! destinée humaine. Il était enfoui dans les pa-
piers de l'auteur, où il fut découvert par la
princesse Wilhelmine de "Wurtemberg, qui le
ïit pour ainsi dire publier de force. Bonstet-
ten y étudie les divers effets du climat sur le
moral de l'homme, au point de vue des cultes,
du gouvernement, de la législation, des insti-
. tutions politiques, puis des passions. On sent
; qu'il a Montesquieu derrière lui. Il n'attribue
; pas au climat autant d'influence que l'auteur
cie l'Esprit des lois, mais il lui accorde cepen- r*
dant une action. « Le climat, dit-il, n'est
qu'une des causes qui influent sur les hommes ; j
sa puissance, toujours en activité, ne se fait
[
sentir qu'à la longue par des résultats qui pa-
• raissent quelquefois lui être étrangers. » En
définitive, il estime que l'homme du nord est
supérieur à l'homme du midi par le tempé-
rament, le caractère et la vertu, sinon par les
arts et l'imagination. Il en énumère les cau-
ses : elles reviennent toutes à l'austérité du ciel
et des éléments. C'est un témoignage vivant
de la valeur qu'il est nécessaire d'accorder à
l'ascétisme pour l'amélioration morale et ma-
térielle du genre humain. Qu'est-ce, en effet,
que la rudesse du climat et des éléments, sinon :
un ascétisme imposé par la nature aux habi- 1
tants du nord ? j
2° Correspondance avec Zschokk, Prome- \
theus far licht und recht (Aarau, 1832, 2 vol. j
in-8°). Cette correspondance commence au \
8 mai 1831 et va jusqu'au 30 décembre 1832, !
c'est-à-dire qu'elle finit un mois avant la mort
de Bonstetten. Il y est question de tout, mais
particulièrement de métaphysique et de po-
litique.
3° Recherches sur la nature et les lois de
l'imagination (Genève, 1807, in-8°).
40 Etudes sur l'homme (Genève, 1821, 2 vol.
in-8°). Ces deux derniers ouvrages résument
à peu près toute ia valeur philosophique de
Bonstetten et lui ont acquis un rang distin-
f
ué dans l'école éclectique. Il faut s'enten-
re toutefois : « Une remarque nous a frappé,
dit M. Damiron, dans la lecture de ses ouvra-
f
es, c'est la position qu'il a su prendre entre
eux philosophies qui semblaient l'une ou
l'autre devoir le gagner ou le captiver. En
commerce avec toutes les deux, exposé à leurs
séductions, il a gardé sa liberté, et il est de-
meuré indépendant ; vivant au milieu de pen-
seurs et d'amis qui tenaient pour liant ou Con-
dil.lac, il n'a lui-même été ni kantiste ni con-
diUacien. Né en Suisse et dans le moment où
devait s'y faire sentir le système de philoso-
phie qui avait remué toute l'Allemagne, où la
France y devait porter, avec son goût et sa
littérature, ses opinions métaphysiques, placé
sur un lieu neutre où arrivaient toutes ces
idées, il ne s'est exclusivement livré ni à cel- •
les-ci ni à celles-là ; il a tout regardé, tout
jugé avec bienveillance et calme, et s'est en-
suite retiré, sans préjugé, dans sa conscience,
pour s'y former de son propre fonds une opi-
nion qui fût à lui. Il n'est comme aucun des
maîtres dont il reçut le,s leçons ; il n'est pas
même comme Bonnet, avec lequel il philoso-
pha dans des rapports si doux et qui excitè-
rent dans son âme tant d'admiration et tant
d'amour. S'il ressemble à quelqu'un, c'est plu-
tôt à un Ecossais, c'est a Stewart, dont il
rappelle assez la manière et l'esprit; mais
ce n'est pas comme disciple; c'est comme
BONT
homme du même cru et de la même nature phi-
losophique. » En effet, il ne ressemble à per-
sonne. Dans ses études sur l'homme, il n'a
pas de système, n'est d'aucune école, ne se
préoccupe d'aucun résultat à obtenir. Il expé-
rimente, s'étudie lui-même pour le plaisir de
voir. Il était né psychologue et spiritualiste,
c'est-à-dire ami des idées abstraites, et étran-
ger à une moitié des phénomènes de l'âme,
ceux qui sont le fruit du sentiment et de l'ima-
E
ination. Il admet l'imagination, si l'on veut,
.'homme, suivant lui, a deux facultés géné-
rales : l'intelligence et l'imagination; l'imagi-
nation mène au bien et au bonheur. Elle est
triple, elle comprend le sens de nos besoins,
le sens du beau et le sens moral ; le monde
intérieur, c'est-à-dire le monde des idées, en
dérive ; mais ce n'est qu'une vue théorique. Il
n'a pas creusé le sujet, et il se hâte d'en sor-
tir aussitôt qu'il y est entré, en faisant de la
morale l'harmonie du sens moral et de l'intel-
ligence. En dernière analyse, l'intelligence
est pour lui le tout de l'âme ; l'intelligence
opère de cinq manières : elle saisit les idées,
elle les coordonne, elle les distingue , elle les
compare, et énonce le résultat de la comparai-
son par un jugement ou proposition, qui se'
compose d'un sujet et d'un attribut. Quand
l'intelligence lui fait défaut, il invoque l'i-
magination. Leur action réunie permet à
l'homme de sortir de lui-même et d'arriver
jusqu'à Dieu, lien, appui et sanction de notre
savoir, complément nécessaire de nos concep-
tions. Les idées que nous avons de Dieu et de
l'univers, incomplètes dans cette v i e , en
supposent une autre où les mystères de
celle-ci nous apparaîtront dans tout leur jour.
Il déduit de là que l'âme est immortelle. C'est
une théorie comme une autre, et qui ne man-
3
ue pas de logique. Quant aux sens, ils sont
e deux sortes, extérieurs et intérieurs. Les
premiers nous mettent en relation avec la na-
ture; les seconds sont la source de nos idées,
nous donnent l'initiative et la personnalité. Il
les confond avec nos pouvoirs imaginaires;
en d'autres termes, il ne leur accorde pas de
réalité objective. Cette démonstration est le
fond du livre. Bonstetten y joint quatre appen-
dices (2« partie). Dans le premier, il cherche
à dégager le principe de la morale, le second
est un tableau psychologique des facultés;
dans le troisième, il expose sa méthode; lequa-
triéme est un essai sur la mémoire. Dans ses
recherches sur la nature et les lois de l'ima-
gination, il ne sort pas des lieux communs et
des théories reçues. En général, il manque de
précision et de clarté autant que de méthode.
Ce sont plutôt des aperçus ingénieux d'un
homme du monde épris de l'amour d'écrire en
un style élégant et fleuri, que des théories ri-
goureuses et conçues dans un esprit scienti-
fique. « Curieux et coureur, dit M. Damiron,
il aime mieux s'occuper de sujets neufs et
variés qu'insister jusqu'au bout sur ceux qu'il
connaît ; il jette ainsi plus d'esquisses, mais il
termine moins de tableaux; et souvent de ses
recherches, il ne demeure, au lieu de science,
qu'une trace un peu vague de la vérité dont
il traite Sur beaucoup de points, il a un
avis et un avis plein de sagesse ; sur pres-
que aucun il n'a de doctrine, point d'opinion
achevée et poussée jusqu'au dernier terme,
point de généralité en saillie, point de ces.
principes dominants qui saisissent les esprits
et les forcent à l'examen. »
BONSOIRBONSOIR k la compagnie.
— Fam. S'emploie pour exprimer qu'une
affaire est finie ou manquée, qu'il ne faut
plus y compter. Tout est dit, BONSOIR; n'en
parlons plus. (Acad.) Mais dès qu'elle se rend,
BONTAIN,
BONTAIN, ville de l'Océanie, sur la côte
méridionale de l'île Célèbes et au fond de la
baie du même nom, à 56 kilom. N.-E. de Ma-
cassar. Cette ville, qui fait partie des posses-
sions hollandaises, est défendue par un petit
fort; son territoire est fertile en riz et coton.
BONTANT
BONTANT s. m. (bon-tan). Comm. Pièce
d'étoffe de coton rayée de rouge, que l'on
tirait autrefois de la Sénégambie.
BONTCHOUK
BONTCHOUK s. m. (bont-chouk — mot
pol.). Hist. Lance ornée de queues de cheval,
qu'on portait devant les anciens rois de Po-
logne, quand ils commandaient leurs ar-
mées, et devant les quatre généraux polo-
nais et lithuaniens.
BONTÉ
BONTÉ s. f. (bon-té — du lat. bonitas, de
bonus, bon). Qualité de ce qui est bon en son
genre : La BONTÉ d'un terrain, d'un pays. La
BONTÉBONTÉ d'une étoffe. La BONTÉ d'un aliment. La
BONTÉBONTÉ d'un cheval. La BONTÉ d'un vin, d'un
fruit, d'une marchandise. La BONTÉ de l'air.
— Justice : La BONTÉ d'une cause. Il comp-
tait sur la
BONTÉBONTÉ de sa cause, il Force, exac-
titude, vérité : Je reconnais la BONTÉ de vos
raisons. •
— Douceur, bénignité, indulgence, huma-
nité, qualité morale qui porto à faire et à
croire le bien : La BONTÉ de Dieu. Montrer,
témoigner de la BONTÉ. Faire preuve de BONTÉ.
La sagesse est de jouir, la BONTÉ de faire
jouir. (Saadi.) Le propre de la BONTÉ est de
se faire aimer. (Acad.). Lorsque Dieu forma
le cœur, il y mit premièrement la BONTÉ.
(Boss.). La BONTÉ gagne les cœurs. (Mass.)
Celui-là est bon gui fait du bien aux autres :
s'il souffre pour le bien qu'il fait, il est très-
bon; s'il souffre de celui à qui il a fait ce bien,
il a une si grande BONTÉ qu'elle ne peut être
augmentée que dans le cas où ses souffrances
viendraient à croître; et, s'il en meurt, sa
vertu ne saurait aller plus loin : elle est hé-
roïque, elle est parfaite. (La Bruy.) Il y a des
méchants qui seraient moins dangereux s'ils
n'avaient aucune BONTÉ. (La Rochef.) Nous
sommes bons, on abuse de notre BONTÉ, mais
BONT 987
ne nous corrigeons pas. (Vol.) La BONTÉ de
l'homme est l'amour de ses semblables. (J.-J.
Rouss.) La BONTÉ de Dieu est l'amour de
l'ordre. (J.-J. Rouss.) De tous les caractères
de théâtre, il n'y en a peut-être pas de plus
difficile à traiter que la BONTÉ. (Grimm.) La
BONTÉBONTÉ est la première des vertus. (M
m
Nec-
ker.) Il n'y a qu'une vertu, c'est la BONTÉ.
(M"»c de Staël.) Ce qui nuit à l'idée qu'on se
fait de la BONTÉ , c'est qu'on la croit de la
faiblesse. (M
H|
e de Staël.) La vraie BONTÉ est
la grâce de la vertu. (De Ségur.) La beauté
plait, l'esprit amuse, la sensibilité passionne,
la
BONTÉBONTÉ seule attache. (La Rochef.-Doud.)
La
BONTÉBONTÉ nous est si chère et si nécessaire
qu'à défaut de sa réalité, nous voulons du moins
toutes ses apparences. (Vinet.) La BONTÉ a sa
beauté, qui orne jusqu'aux plus laids visages.
(Bongeard.) La nature de la BONTÉ est d'être
aussi universelle que constante. (De Gérando.)
La
BONTÉBONTÉ est un baume salutaire pour toutes les
peines de l'âme.ÇDe Gérando.) Nous 71'accordons
aux autres que juste autant de BONTÉ que nous en
possédons nous-mêmes. (M
me
de Blessington.)
La
BONTÉBONTÉ d'autrui me fait autant de plaisir
que la mienne. (Joubert.) Ce n'est ni le génie,
ni la gloire, ni l'amour, qui mesurent l'éléva-
tion de notre àme, c'est la BONTÉ. (Lacordaire.)
La qualité dont nous tirons le plus davantage
dans le monde, c'est la BONTÉ. (M
mc
de Bawr.)
C'est la BONTÉ qui donne à la physionomie
humaine son premier et invincible charme.
(Lacordaire.) La BONTÉ est le don gratuit de
soi-même. (Lacordaire.) La BONTÉ des femmes
est immense; d'où vient donc que la BONTÉ n'apas
de droit à l'action sociale en législation et en
politique? (G. Sand.) La BONTÉ est un pen-
chant naturel à prévenir ou à calmer les souf-
j frances. (Laténa.) La BONTÉ vient comme un
supplément aux plaisirs, quand ils nous man-
[ guent, et bientôt on la trouve meilleure que les
'. plaisirs. (Azaïs.) Une belle femme sans BONTÉ
| est une fleur sans parfum. (L.-J. Larcher.)
; Nous aimons ce gui est bon, parce que nous
j avons en nous une tendance innée vers la
BONTÉBONTÉ même. (J. Simon.) Il n'y a rien en nous
qui ne parle de la BONTÉ de Dieu. (J. Simon.)
1 Ne désespérez point de la bonté céleste.
Ducis.
La bonté dans les rois passe aprè3 la justice.
C. DELÀ VIGNE.
La bonté, c'est le fond des natures augustes.
V. HUGO.
La bonté sait si bien embellir une femme !
ANCELOT.
1 Je tiens qu'au plus haut rang un mortel est monté,
! Lorsqu'en lui la lumière est jointe k la bonté.
TALLEMANT DES RÉAUX.
Ami du bien, de l'ordre et de l'humanité,
Le véritable esprit marche avec la bonté.
GRBSSET.
La bonté d'un vieillard, c'est sa coquetterie,
t C'est le dernier rayon sur sa face flétrie.
E. AUGIER.
Dieu laissa-t-il jamais ses enfants au besoin?
, Aux petits des oiseaux il donne leur pâture,
j Et sa bonté s'étend sur toute la nature.
(
RACINE.
Il Faiblesse, excessive indulgence, facilité
trop grande à céder aux volontés des autres :
La
BONTÉBONTÉ du père a causé la perte du fils,
, (Acad.)
Et le trop de bonté jette une amorce au crime.
CORNEILLE.
Trop de bonté dans les parents
Cause la perte des enfanta.
PERRAULT.
— Acte ou témoignage de bienveillance,
de douceur : Vos BONTÉS me touchent. Parle-
rai-je des BONTÉS de la reine, tant de fois
éprouvées par ses domestiques? (Boss.) Je
; n'oublierai pas non plus les BONTÉS du roi, gui
j prévinrent les désirs du prince mourant. (Boss.)
I Je reçois avec beaucoup de reconnaissance les
BONTÉSBONTÉS que vous me témoignez. (Fén.) Les
BONTÉSBONTÉS de Votre Excellence me paraissent
excessives, et je ne m'y prête qu'en tremblant.
(Le Sage.) Il m'a servi chaudement, il avait
pour moi mille BONTÉS. (Scribe.)
Seigneur, tant de bontés ont lieu de me confondre.
RACINE.
Où sont, Dieu de Jacob, tes antiques bontés ?
RACINE.
Il S'emploie souvent comme terme de civi-
lité, de simple politesse : Ayez ta BONTÉ de
me répondre. Je vous dirai qu'elle a eu la
BONTÉBONTÉ de m'écrire. Je vous renvoie le Muséum
d'octobre, gue vous avez eu la BONTÉ de me
prêter. (J.-J. Rouss.) 11 En ce sens, on l'em-
ploie parfois ironiquement : Ayez la BONTÉ
de sortir de chez moi. Vous allez avoir la
BONTÉBONTÉ de me payer sur-le-champ.
— Sentiment, témoignage, gage de ten-
dresse qu'une femme donne ou permet : Elle
a quelque BONTÉ pour moi. (Mol.) La BONTÉ
est une vertu, mais ce n'est pas toujours par
vertu qu'une femme a des BONTÉS pour un
homme. (Jouy.)
— Fam. et par exclamation : Bonté de
Dieu! Bonté divine! Bonté du ciel! Expres-
sions qui marquent une extrême surprise :
BONTÉBONTÉ DE DIEU ! si vous saviez la vie qu'il a
faite dans son trou! {P. Féval.)
On dit chez bien des gens que vous me gouvernez.
— Qui, moi? bonté du ciel!
C. DELA VIGNE.
— Techn. Bonté intérieure, Quantité de
métal fin contenu dans un alliage d'or ou
d'argent. On dit plus communément le TTTRB
OU rALO!.
— S y n . Bonté, bénignité, b i e n f a i s a n c e ,
088
BONT
L'empereur Joseph I I , se promenant sur
3 bastions de Vienne, y vit une jeune tille
ui tirait à grande peine de l'eau d'un puits.
b i e n v e i l l a n c e , d é b o n n a i r e té , humanité» V .
BÉNIGNITÉ.
— Antonymes. Malice, malignité, méchan-
ceté, perversité.
— Anecdotes. Un des valets de chambre de
saint Louis laissa tomber une goutte de cire
enflammée sur une jambe où ce monarque
avait mal : • Vous devriez vous souvenir, lui
dit le roi, que mon grand-père vous donna
autrefois votre congé pour beaucoup moins. »
C'est tout ce que la douleur lui arracha.
Ou faisait au maréchal de Biron des repré-
sentations sur les dépenses considérables de
sa maison, et sur le grand nombre de ses do-
mestiques : • Vous pourriez économiser beau-
coup, lut disait-on, en renvoyant cette foule
de gens inutiles. — Je ne suis y&s riche pour
thésauriser, répondit-il ; et, si je puis me pas-
ser de mes gens, qui vous a dit qu'ils pour-
raient se passer de moi?»
• »
Un jour d'été, le maréchal de Turenne, en
petite veste blanche, était accoudé sur le
balcon d'une fenêtre. Un domestique, le pre-
nant pour le cuisinier, s'approche doucement,
et, d'une main qui n'était pas légère, lui ap-
plique un grand coup sur la fesse. L'homme
frappé se retourne a l'instant : en voyant le
visage de son maître, le domestique, confus, se
jette à ses pieds et lui demande pardon en di-
sant qu'il avait cru que c'était Georges. «Et
quand c'eût été Georges, répondit le maréchal
en se frottant la partie meurtrie, il ne fallait
pas frapper si fort. »
Un homme du peuple prit à tâche d'insulter
Périclês, le plus illustre et. le plus puissant
Athénien de son siècle. Tant qu il resta dans
la place publique, il ne cessa de l'outrager;
Périclês, sans faire attention k ce que cet
homme disait, expédia tranquillement ses af-
faires, et lorsqu'elles furent finies, et que le
jour commença à haisser, il prit le chemin de
sa maison. Notre homme ne lâcha point prise,
et accompagna Périclês en l'accablant d'in-
jures. Cet illustre citoyen, pour toute ven-
geance, étant arrivé chez lui, dit à l'un de
ses esclaves : « Prends un flambeau, et re-
conduis cet homme jusqu'à sa maison. »
Un propriétaire revenait d'un petit voyage,
et comme il allait rentrer chez lui, il aperçut :
un homme qui volait des châtaignes dans son
parc. Il revient sur ses pas, et tait un détour
d'une demi-lieue. A son arrivée, son domesti- ,
que lui demanda ia cause de son retard et .
d'une promenade si hors de propos, «C'est,
dit-il, que j'ai aperçu dans mon parc un '
homme sur un arbre, qui volait des châtai- '
gnes ; je suis retourné sur mes pas afin qu'il
ne me vît point; car s'il m'eût aperçu, la peur
aurait pu le faire tomber, et peut-être se se-
rait-il olessé mortellement. Ces châtaignes
valent-elles la mort d'un homme ? »
Un fils de madame Thibault, première
femme de chambre de Marie-Antoinette, s'é-
tant battu en duel dans le parc de Compiègne,
avait eu le malheur de tuer son adversaire.
La mère sollicita aussitôt les bontés de la
Dauphine en faveur de son fils, et, par cette
puissante intercession, parvint a !e soustraire
a la sévérité des lois. Une dame de la cour
ayant dit malicieusement à la princesse que
madame Thibault n'avait imploré sa protec-
tion qu'après avoir essuyé un refusde madame
du Barry, Marie-Antoinette s'écria : « Si j ' é -
tais mère, pour sauver mon fils , je me jette-
rais aux genoux de Zamore.» C'était le nom
du petit nègre de la du Barry.
Le duc de Berry se rendait un jour à Ba-
gatelle dans un cabriolet; en traversant le
bois de Boulogne, il aperçut un enfant chargé
d'un panier dont le poids excédait ses forces.
Il arrête son cheval, questionne le petit
paysan. «Mon père m'envoie à la Muette,
répondit-il, porter ce panier qu'on attend. —
Mais il parait bien lourd, ce panier ; il te fati-
gue : donne-le-moi, je le remettrai en passant.»
Le prince fait mettre le panier dans son ca-
briolet, passe à la Muette, remet le panier à
sa destination, revient sur ses pas, descend
chez le père de l'enfant, et lui dit : « J'ai ren-
contré ton fils ; il ployait sous le faix dont tu
l'avais chargé; je l'ai aidé; son panier a été
remis tout a l'heure. Une autre fois, épargne-
lui tant de peine; des fardeaux si lourds al-
téreraient sa santé : tiens, achète-lui un âne
pour porter ses paniers, » A ces mots, il remet
une bourse au paysan, remonte en cabriolet,
et reprend la route de Bagatelle.
BONT
répliqua la jeune fille, je crains fort que vous
ne gagniez'rien. L'empereur ôte plus volon-
tiers qu'il ne donne; ayez seulement la bonté
de m'aider à mettre cette cruche d'eau sur ma
tête. « Le monarque ne se le fit pas dire deux
fois; mais le lendemain, il fit venir la jeune
fille, qui,' reconnaissant son souverain dans
celui à qui elle avait parlé la veille, parut
confuse et toute tremblante. * Rassurez-vous,
lui dit avec douceur Joseph, j'accorde à votre
mère une pension de six florins par mois ;
mais apprenez a parler désormais avec plus
de respect et de justice d'un souverain qui
veutêtrelepère, et non le tyran de ses sujets. »
B O N T E - C A P T E R s. m. (bon-te~ka-fèr ).
Ichthyol. Petit poisson d'Amboine, dont la
chair est estimée.
BONTEKOE
BONTEKOE ( Guillaume-Isbrand ), naviga-
teur hollandais. Il fit, en 1618, un voyage aux
Indes orientales, et, lorsqu'il était sur le point
d'arriver à Batavia, le feu prit à son navire,
'et une explosion terrible le lança au loin dans
les airs. Cependant il ne périt pas; il fut re-
cueilli sur une chaloupe où soixante-six
hommes de son équipage avaient cherché un
refuge. Cette frêle embarcation tint la mer
pendant quatorze jours; toutes les provisions
étaient épuisées lorsqu'on arriva en vue de
Sumatra; mais les naturels repoussèrent les
malheureux naufragés, qui finirent pur gagner
la rade de Batavia, où ils trouvèrent des na-
vires hollandais. Bontekoe publia une relation
de son voyage, qui a été traduite en français
et insérée dans la Collection des Voyages de
Thévenot.
BONTEKOË(Corneille), médecin hollandais,
né à Alkinar en 1648, mort en 1686. Son père
s'appelait Decker ; mais on changea son nom
en celui de Bontekoe parce qu'il avait pris,
pour enseigne de sa maison, une vache de di-
verses couleurs. Corneille Bontekoe étudia la
médecine à Liège, et il alla l'exercer dans
plusieurs villes de la Hollande et de l'Allema-
gne ; mais comme il éteit très-entier dans ses
opinions, il vécut part-ut en hostilité avec
ses confrères. Il était partisan exalté des
doctrines de Jacques Dubois; il voulait traiter
toutes les maladies par la méthode délayante,
et recommandait surtout de faire un grand
usage du thé. U publia d'assez nombreux ou-
vrages en hollandais. Devaux en donna une
traduction française sous le titre de : Nou-
veaux éléments de médecine, etc. (Paris, 1698,
2 vol. in-12).
BONTEMPI
BONTEMPI (Angelini), musicographe ita-
lien. V. BuONTIiMPI.
.BONTEMPS (Léger), religieux bénédictin
de l'abbaye de Saint-Bénigne de Dijon. Il vi-
vait au xvi
e
siècle, et il publia de nombreux
ouvrages de dévotion et de polémique reli-
gieuse. On peut citer, entre autres : De la vé-
rité de la foy chrétienne; Consolation des af-
fligez (1545); le Miroir de parfaite beauté
(1557); Narration contre la vanité et abus de
l'astrologie judiciaire (1558); Responce aux
prétendus réformez , recueillie d'une épistre
d'Erasme ( 1562 ) ; la Règle des chrétiens
(1568), etc.
Bontemps (LA MÈRE). Ohl la bonne vieille et
les excellents conseils qu'elle donne aux jeunes
filles l Si toutes les grand'mères ressem-
blaient à la mère Bontemps, il n'y aurait pas
assez de prières pour leur conservation. Cer-
tainement, cette mère Bontemps est la respec-
table aïeule de ce gros sans-souci, de ce
joyeux insouciant que notre Béranger a bap-
tisé du nom de Roger. Quelle est la date de
cette chanson? On l'ignore ; mais on y voit
danser des Jeux et des Ris qui sentent le siècle
des Panard et des Collé. M. Veckerlin a com-
posé sur ce joli texte une nouvelle et déli-
cieuse musique, que nou3 recommandons aux
amateurs du bon temps.
les bastions de Vienne, y vit une jeune fille
qui tirait à grande peine de l'eau d'un puits.
Le monarque, Qu'elle ne connaissait pas, lui
demanda ce qu elle faisait, qui elle était : t Je
puise de l'eau, comme vous voyez, dit-elle, et
je suis la fille d'une pauvre femme que je dois
entretenir du peu que mon travail me fait ga-
gner. Mon père a été cocher à la cour; mais
nous n'avons pas eu le bonheur d'obtenir une
pension. — Veuez demain à la cour, répondit
Joseph, j'y suis en crédit, et je tâcherai de
vous y être utile. — Ah I mon cher monsieur,
ans: Plus tard, il n'est plus temps.
BONT
DEUXIÈME COUPLET.
. A vingt ans mon cœur
De l'amour a connu les charmes;
Ce petit trompeur
M'a fait répandre bien des larmes;
11 est exigeant,
Boudeur et changeant,
Fille qu'il tient sous son empire
Fuit le monde, rfive et soupire.
Dansez a quinze ans
Plus tard il n'est plus temps.
TROISIÈME COUPLET.
Les Jeux et les Ris
Dansèrent à mon mariage ;
Mais bientôt j'appris
Qu'il est d'autres soins en ménage :
Mon mari grondait,
Mon enfant criait
Moi, ne sachant auquel entendre.
Sous l'ormeau pouvnis-je me rendra?
Dansez à quinze ans ;
Plus tard il n'est plus temps.
QUATRIÈME COUPLET.
Le temps arriva
Où ma fille me fit grand'mère;
Quand on en est là,
La danse n'intéresse guère;
On tousse en parlant,
On marche en tremblant;
Au lieu de danser la gavotte,
Dans un grand fauteuil on radote
Dansez a. quinze ans ;
Plus tard il n'est plus temps.
BONTEHAAN
BONTEHAAN s. m. (bon-te-a-an — mot
holl. qui siçnif. coq panache). Ichthyol. Es-
pèce de kane, famille des spares, des îles Mo-
luques.
BONTEMPS
BONTEMPS (Pierre), sculpteur français, né
à Paris, suivant quelques auteurs , travaillait
dans cette ville vers le milieu du xvie siècle.
On ne sait rien de sa vie, mais ses ouvrages
attestent qu'il occupait un rang élevé parmi
les altistes de son époque. Il travailla avec
Germain Pilon et Ambroise Perret au magni-
fique tombeau de François I«r ( 1552) ; il fut
chargé d'exécuter les bas-reliefs du soubas-
sement et trois des cinq statues placées au-
dessus de l'attique, savoir : celle de la reine,
celle du dauphin François et celle de Charles
d'Orléans, troisième fils du roi. Il fit aussi,
J
>our l'église de l'abbaye des Hautes-Bruyères,
e vase orné de bas-reliefs et de petites figu-
res en ronde-bosse, dans lequel fut enfermé
le cœur de François I
e r
. En 1555, il exécuta
pour la cheminée de la chambre du roi. à
Fontainebleau, un bas-relief représentant les
Quatre Saisons. Pierre Bontemps a fait preuve,
dans ces divers ouvrages, d'un goût très-fin et
d'une grande habileté pratique.
BONTI
BONTI s. m. (bon-ti). Bot. Nom indien do
la squine.
BONTIE
BONTIE s. f. (bon-tî — de Bontius, n. pr.).
Bot. Genre de plantes, de la famille des
myoporinées, comprenant deux arbres ou
arbrisseaux, qui croissent en Amérique. Il On
a aussi donné, ce nom à un genre d'orchidées
réuni aujourd'hui au genre dendrobie.
— Encycl. La bontie daphnoïde, vulgaire-
ment appelée daphnot, olivier bâtard, olivier
sauvage, etc., est un bel arbrisseau, à feuilles
persistantes, a- fleurs rouge orangé, auxquel-
les succèdent des drupes ovoïdes, lisses, jau-
nâtres, à peu près de la grosseur et de la
forme d'une olive. Cet arbrisseau habite les
Antilles, et se plaît de préférence dans les
lieux maritimes; mais il peut croître dans tous
les sols, et on l'emploie avantageusement à
faire des haies autour des jardins. Ses fruits
sont acres; cependant on les mange quelque-
fois. En Europe, il n'est connu que comme
végétal d'ornement; mais il doit être tenu en
serre, où il est même assez difficile de le con-
server.
BONTIUS,
BONTIUS, nom d'une famille de médecins
et de naturalistes qui honorèrent l'université
de Leyde dans le xvie siècle. Gérard BONTIUS
était de Ryswick et contribua beaucoup a la
fondation du jardin botanique de Leyde ; on
lui attribue l'invention des pilules dites : pilu-
les hydragogues de Bontius. Il laissa trois fils,
qui furent médecins comme lui : Jean, Ré-
gnier et Jacques BONTIUS. Ce dernier, le plus
célèbre de tous, voyagea en Perse et dans les
Indes; il s'établit à Batavia en 1625, et y mou-
rut en 1631 -, il composa des ouvrages sur les
plantes et sur les animaux des pays qu'il avait
visités. Le médecin Pison publia ces ouvrages
après la mort de leur auteur, et les natura-
listes y trouvèrent de précieuses indications.
On a donné le nom de bontia ou bontie à une
plante décrite par ce savant médecin : c'est
un arbustequi croît sur les bords de la mer.
BONT-JAA
BONT-JAA s. m. (bon-tja-a). Coram. Va-
riété de thé.
BONTOBRICE,
BONTOBRICE, nom ancien de Boppart.
BONTOU
BONTOU s. ni. (bon-tou). Bot. Arbre de
l'Inde, dont la racine est employée pour tein-
dre en jaune.
BONV
BONTOURBONTOUR s. m. (bon-tour — de bon et
tour). JYIar. Evolution que, fait un bâtiment
pour éviter de faire croiser les câbles des an-
cres sur lesquelles il est mouillé.
BONUM
BONUM VINUM LiETIFICAT COU HOMIMS
(Le bon vin réjouit le cœur de l'homme), Pro-
verbe tiré de l'Ecriture sainte :
«Je remets au riche juif Isaac d'York cette
lettre pour vous, afin de vous conseiller, de
vous prier même instamment d'accepter la
rançon de la demoiselle, sachant qu'il vous
donnera de ses coffres de quoi acheter cin-
quante demoiselles avec moins de risque, dont
je compte bien avoir ma part, quand nous fe-
rons ensemble joyeuse vie comme de vrais
frères, sans oublier la coupe, car que dit le
texte? Vinum lœtificat cor hominis.
"WALTER SCOTT, fvanhoé. »
BONUSBONUS EVENTUS (bon succès) , dieu des
bonnes récoltes, et, plus tard, dieu du succès,
était le frère ou le mari de la Bonne Fortune,
et avait, comme elle, sa statue dans le Capi-
tole. Son culte passa de la Grande-Grèce à
Rome; on portait son image gravée sur des
f
ûerres, en guise d'amulette. Le 15 octobre, on
ui sacrifiait un cheval.
BONVAL
BONVAL (Clarisse), actrice française, née
à Paris en 1824. En sortantdu Conservatoire,
elle débuta à la Comédie-Française dans les
rôles de soubrette (1843), puis elle joua succes-
sivement sur le Grand-Théâtre de Lyon et à
l'Odéon. A la suite d'un second début au
Théâtre-Français, elle fut reçue pensionnaire
en 18-17, et elle a pris rang depuis 1852.
Mlle Bonval a constamment tenu sur notre
première scène l'emploi des soubrettes, et
compte peu de créations dans le répertoire
moderne. Elle a bien le nez au vent, l'œil
égrillard et l'embonpoint qui conviennent aux
servantes do la comédie ; mais il lui manque
le style, la manière, l'individualité de l'artiste;
et le' sourire de Marivaux lui sied mieux que
le rire éclatant de Molière. Comédienne agréa-
ble, on la voudrait plus hardie et plus forte
en gueule.
BONVALOTBONVALOT (Antoine-François), poète et
littérateur français, né à Salins en 1784. Il
entra dans l'enseignement, devint professeur
au lycée Charlemagne, et publia un asse2
grand nombre d'ouvrages en prose et en vers.
Nous citerons parmi les principaux : le Vieux
barde (1815); Biographie des hommes célèbres
(1834); Petit cours d'éloquence (1835); les Vi-
lains elles contrebandiers (1836); la Nature,
poème (1836); Jeanne d'Arc, poème (1837);
Mélanges (1839); les Fous et les Anges (1844);
Thcosophie (1853); Sur l'histoire poétique de
la fondation des cultes primitifs.
BONV1CINI DEPESCIA (Dominique), reli-
gieux dominicain, oui fut disciple de Savona-
role et remplaça celui-ci dans sa chaire lors-
que Alexandre VI lui eut défendu de professer;
mais Bonvicini se vit ensuite impliqué dans la
procédure intentée contre Savonarole, et il
lut brûlé avec lui, ainsi que Sylvestre Merufli,
un autre de ses disciples.
BONV1C1NO, BONVINCINO ou BUONVI-
CINO (Ambroise), sculpteur italien, né a Mi-
lan en 1552, mort en 1622. Il fut élève de
Scavezzi et acquit une grande habileté à
tailler le marbre. L'église de Saint-Pierre
renferme, de cet artiste, les statues de saint
Pierre et de saint Paul et un bas-relief qui
représente le Sauveur remettant les clefs à
saint Pierre. Bonvicini nous apprend que son
nom, par un jeu de mots assez bizarre, a été
quelquefois changé en celui de Malvicino.
BONTEMPS
BONTEMPS (Marie-Jeanne DE CHATILLON,)
femme de lettres française. Elle épousa un
ancien trésorier des troupes, et c'est elle qui,
la première, fit connaître en France le poète
Thompson, dont elle traduisit les Saisons et
VJIymne au Créateur (1759, in-8").— Son fils,
libraire à Paris . publia V Essai il*une biblio-
graphie annuelle an Résume des différents cata-
logues des livres qui ont paru dans le cours de
l'an IX (1802) et un Choix des plus beaux
morceaux du Paradis perdu de Milton, tra-
duits en vers par L. Racine et par le duc de
Nivernais.
BONVICINOBONVICINO (Alexandre). V. MARETTO DA
BRKSCIA.
B0NVIN (François), peintre français con-
temporain, né à Vaugirard en 1817, apprit le
dessin dans une école gratuite, devint compo-
siteur d'imprimerie et fut ensuite employé
dans les bureaux de la préfecture de police.
Entraîné par une véritable vocation artistique,
il mit à profit ses loisirs pour se perfectionner
dans le dessin et pour étudier la peinture.
Les chefs-d'œuvre des anciens maîtres fla-
mands et hollandais que possède le Louvre
furent ses modèles de prédilection; mais il
ne négligea pas l'étude directe de la nature :
il observa avec soin les mœurs et les types
de la population ouvrière de Paris, et les
crayonna avec une scrupuleuse exactitude.
Bientôt il se sentit assez fort pour aborder les
expositions : il envoya au Salon de 1847 un
portrait de M. A. Challamel, largement traité ;
à celui de 1848, un portrait de femme et deux
petits tableaux de genre ayant l'un et l'autre
pour sujet : une Femme mangeant (effet de
lampe) ; à celui de 1849, trois tableaux de
genre, la Cuisinière, morceau d'une exécution
vigoureuse et d'un sentiment bien naïf; le
Piano, esquisse enlevée avec beaucoup de
verve, et les Buveurs, étude d'un réalisme un
f
ieu brutal, mais d'une grande force de cou-
eur. Ces trois derniers ouvrages, traités
dans la manière simple et puissante de Char-
din, furent récompensés par une médaille de
3« classe et valurent à M. Bonvin, de la part
du ministère de l'intérieur, la commande d'un
tableau représentant une Ecole d'orphelines.
L'artiste s'acquitta de cette tâche avec un rare
bonheur : il sut être simple et touchant dans
la composition, et répandit sur sa toile une lu-
mière douce, triste, s'harmonisant parfaite-
ment avec les petites robes brunes et les coif-
BONZ
BONZ BOOB
BOON 989
fes noires des orphelines. Ce tableau "figura
avec honneur au Salon de 1851, ainsi qu une
autre peinture représentant une Tricoteuse, et.
divers dessins et esquisses. M. Bonvin obtint
une médaille de ?e classe à cette exposition.
Parmi les ouvrages qu'il a envoyés au Salon,
à partir de cette époque, nous citerons : la
Charité (commande du ministère de l'inté-
rieur) et la Classe des petits (Salon, 1852) ;
l'Ecole régimentaire (commande du ministère
d'Etat) et une Femme lisant (1853); Reli-
gieuses tricotant, la Basse messe (appartient à
l'Etat) et une Cuisinière (1855) ; les Forgerons
a l'Etat, 1857); la Lettre de recommandation
commande du ministère d'Etat), la Ravau-
deuse, le Liseur et un excellent petit portrait
de M. 0. Feuillet (1859); un Intérieur de ca-
baret (ministère d'Etat, 1861); Religieuses re-
venant des offices (ministère d'Etat, 1863) ; la
Fontaine en cuivre et le Déjeuner de l'apprenti
(tous deux à M. Bressant de la Comédie-
Française, 1863) ; les Attributs de la peinture
et de la Musique, tableau décoratif largement
exécuté, et le Ùanc des pauvres (1865); le
Café de ta grand'maman (1866). Une observa-
tion savante de la réalité, une grande simpli-
cité de composition, l'entente de la masse et
de l'effet du tableau, la sobriété et la justesse
des détails, la naïveté des expressions et la
vérité des attitudes, telles sont les qualités
qui font de M. Bonvin un des meilleurs pein-
tres de genre de ce temps-ci. On a pu lui re-
procher parfois , avec quelque raison, de
peindre dans une gamme triste et monotone :
• Il ne voit plus les choses qu'à travers les
verres noirs dont on se sert pour regarder les
éclipses, » disait, en 1S59, M. Paul de Saint-
Victor; mais il est bon de remarquer que cette
tristesse de coloris est souvent commandée par
le sujet même ; on ne saurait exiger, pour la
peinture des souffrances et des misères du
peuple, les tons chatoyants que réclame la re-
présentation des intérieurs fashionables et des
scènes voluptueuses. Ajoutons, d'ailleurs, que
bon nombre de tableaux de M. Bonvin offrent
de précieuses qualités de lumière et de cou-
leur, une grande largeur et une grande fer-
meté d'exécution.
BONZE
BONZE s. m. (bon-zo — en japonais bonsa,
forme qu'on a cherché avec raison à ratta-
cher à une racine sanscrite, puisque le boud-
dhisme a pris naissance dans-1 Inde; aussi
M. Hodgson a-t-il voulu voir dans bonsa une
corruption du mot sanscrit bandya, vandya,
vénérable). Prêtre ou moine de la religion de
Bouddha, à la Chine et au Janon : Les BON-
ZES se dévouent à des pénitences effrayantes,
(Volt.) Les hommes étaient assis, fixes et im-
mobiles, silencieux comme des BONZES. (Balz.)
— Encycl. Les bonzes, à quelque secte,
d'ailleurs, qu'ils appartiennent, ont une tradi-
tion commune et des caractères analogues.
Ils reconnaissent pour fondateur Xaca, per-
sonnage mythique qui apporta les dogmes de
l'Egypte, et dont la légende a quelques rap-
ports avec l'histoire de Jésus-Christ. Les bon-
zes observent le silence en public et s'abs-
tiennent de nourriture animale et de vin. Ils
vendent aux fidèles, une multitude de baga-
telles sacrées, et se font surtout remarquer
par une cupidité insatiable. Ils ont, dit-on, une
doctrine extérieure et une doctrine réservée
aux seuls initiés. Les bonzes ne cessent de
prêcher qu'il y a dans l'autre vie des récom-
f
ienses réservées aux bons, et des peines pour
es méchants; mais ils abusent de cette doc-
trine en faisant croire aux simples que, pour
mériter les récompenses de l'autre vie, il
n'est pas absolument nécessaire d'être ver-
tueux, ni de combattre ses mauvais penchants;
3u'il suffit de combler les bonzes de largesses,
e leur bâtir des monastères et des temples.
Cette doctrine est, comme on voit, extrême-
ment commode pour les riches, qui achètent à
prix d'argent la' liberté de se livrer impuné-
ment h tous les vices, et en même temps très-
avantageuse aux bonzes, qui, par ce moyen,
s'enriehissent'aiséinentet se dédommagent en
secret des austérités qu'ils pratiquent en pu-
blic Si quelque riche avare veut garder son
argent et faire ses bonnes œuvres par lui-
même, les bonzes lui persuadent qu'il en perd
tout le fruit, et que le dieu Ko ne manquera
pas de punir sa dureté envers les prêtres. Ils
font surtout un merveilleux usage de la mé-
tempsycose pour épouvanter ceux qui refu-
sent de leur venir en aide ; ils lés menacent
des plus désagréables transmigrations; ils
leur annoncent, par exemple, quils passeront
après leur mort dans le corps d'un rat, d'une
souris, d'un serpent ou de quelque autre ani-
mal méprisé ou persécuté. Le P. Le Comte
rapporte qu'ils avaient persuadé à un vieillard
qu'il deviendrait, après sa mort, cheval de
poste de l'empereur. Ce pauvre homme était
si tourmenté, qu'il en avait absolument perdu
le repos. Ayant appris que les chrétiens n'é-
taient point soumis à ces transmigrations, il
résolut, pour se délivrer de toute inquiétude,
d'embrasser la religion chrétienne. Les bon-
zes disent aux riches (les pauvres ont du
moins l'avantage de 'n'être point trompés)
que les âmes de leurs parents sont passées
dans le corps de quelque vil animal, et que là
elles souffrent horriblement. Aussi s'onrent-
ils de grand cœur pour les soulager par leurs
prières et leur procurer un état plus doux.
Les Chinois sont pleins de respect pour les
morts, ils croiraient commettre un crime en
refusant de donner aux bonzes l'argent que
ceux-ci réclament en échange de prières. Le
P. Le Comte cite encore un exemple de la
fourberie de ces prêtres; mais ce jésuite a
tort de s'en prévaloir, car les reproches qu'il
leur adresse pourraient être facilement ré-
torqués contre l'ordre auquel il appartenait :
Un jeune homme, tendrement aimé d'un prince
du sang, vint à mourir. Le prince, profondé-
ment touché de cette perte, demanda aux
bonzes s'ils savaient quel corps habitait l'àme
de son favori. Les prêtres lui persuadèrent
qu'elle était passée dans celui d'un jeune Tar-
tare, et promirent de le lui amener moyen-
nant une somme d'argent considérable. Le
prince, charmé, consentit à tout ce qu'on lui
demanda. Quelque temps après, les bonzes se
présentèrent chez lui avec un enfant que le
prince reçut de la façon la plus aimable. Se-
lon le même auteur, les prêtres chinois sai-
sissent des hommes et des femmes, les enfer-
ment, pieds et mains liés, dans une machine
qui ne laisse voir que leur tête; puis, les con-
duisant au bord d'une rivière, ils les précipi-
tent au fond de l'eau sans que personne
s'oppose à cet attentat. Us affirment que ceux
qui sont ainsi noyés de leurs mains jouis-
sent après leur mort d'un état très-heureux.
Les bonzes persuadent encore au peuple de
brûler des papiers dorés, des étoffes de soie,
assurant que dans l'autre monde' tout cela
sera transformé en or, en argent et en habits
véritables, et que leurs parents morts en pro-
fiteront. On voit quelques-uns de ces impos-
teurs aller par les rues, traînant avec fracas
de grosses chaînes d'une grande longueur. Ils
s'arrêtent à chaque porto et crient d'un ton
lamentable : « Voyez combien nous souffrons
pour expier vos péchés! » D'autres se frap-
pent rudement la fête contre des cailloux,
dans les places publiques et sur les grands
chemins. Certains ont sur la tête du îeu où
l'on a mis quelques drogues propres à lui don'-
ner de l'activité. Il y en a qui portent un grand
chapelet pendu au cou et qui se tiennent sur le
bord des chemins. On voit de ces religieux men-
diants, couverts d'habits composés de pièces
de différentes couleurs, semblables à celui de
nos arlequins. Leur tète est couverte d'un
énorme chapeau en forme de parasol. Ils sont
assis le long des routes, les jambes croisées,
et réclament les aumônes des passants en frap-
pant sur une cloche avec un bâton. « Je ren-
contrai un jour, dit le P. Le Comte, au mi-
lieu d'un village, un bonze d'agréable figure,
doux, modeste et tout propre à demander l'au-
mône et à l'obtenir. Il était debout dans une
chaire bien fermée et hérissée en dedans de
clous fort rapprochés les uns des autres, de
sorte qu'il ne lui était pas possible de s ap-
puyer sans se blesser. Deux hommes gagés le
portaient fort lentement dans les maisons, et
ils invitaient les gens a avoir compassion de
lui : a Je suis, disait-il, enfermé dans cette
chaire pour le bien de vos âmes, résolu de
n'en sortir que quand on aura acheté tous ces
clous (il y en avait plus de deux mille) ; cha-
que clou vaut dix sous; mais il n'y en a au-
cun qui ne soit une source de bénédictions
pour vos maisons. » Certains pénitents ont
passé des mois entiers dans de semblables ca-
ges; il paraît que les clous ne se vendaient
guère. Quelques-uns de ces charlatans s'enfon-
cent des alênes rougies au feu dans les joues,
disant aux passants qu'ils vont se martyriser
jusqu'à la mort si on ne leur donne rien. On
peut mettre au rang de ces moines mendiants
certains charlatans vagabonds qui, pour en
"imposer au peuple, se promènent de ville en
ville, montés sur des tigres apprivoisés, sans
chaînes ni muselières pour retenir ces bêtes
féroces. Ils sont ordinairement suivis d'une
troupe de gueux dévots qui, pour pénitence,
se heurtent les uns les autres comme des bé-
liers, et se donnent de grands coups de tête.
Il y a aussi à la Chine des bonzes de la secte
de Laokun; ils sont partagés en quatre or-
dres; ces ordres se distinguent par la couleur
de leurs habits. Les uns sont vêtus de noir,
avec un grand chapelet pendu à la ceinture.
Les autres couleurs sont le blanc, le jaune et
le rouge. Us ont pour supérieur un général et
des provinciaux. Ils vivent dans des couvents
entretenus par la libéralité des princes et la
charité des peuples, font vœu de chasteté et
ne l'observent guère. Si cependant on les sur-
prend avec une femme , leur incontinence est
rigoureusement punie. On perce le cou du
moins criminel avec un fer chaud; dans l'ou-
verture on passe une chaîne très-longue, et
on le conduit tout nu par les rues de la ville.
Cette promenade dure jusqu'à ce que le cou-
pable ait reçu de la charité publique une
somme d'argent considérable dont le couvent
profite. Il n'est pas permis à un patient de
soutenir sa chaîne avec la main pour en dimi-
nuer le poids; un autre moine le suit, armé
dun fouet, et l'en empêche. Tous ces religieux
sortent rarement seuls; chez eux, comme
chez la plupart des moines de l'Europe, c'est
l'usage d'aller toujours deux à deux. La fonc-
tion particulière des bonzes de Laokun est de
prédire l'avenir, d'exorciser les démons et de
chercher, la pierre philosophale : celle des
bonzes de la secte de Fo est de procéder aux
cérémonies funèbres. Parmi ces religieux et
ces gueux pénitents, quelques-uns affectent
une austérité plus grande, et se retirent dans
le creux des rochers, pour y vivre comme des
ermites. Le peuple, toujours plus frappé de
l'apparence que de la réalité, les regarde
comme de grands saints ; et, grâce à la pieuse
crédulité des Chinois, ces imposteurs ne man-
quent de rien dans leur solitude : on a soin de
leur porter des vivres et des aun ônesen abon-
dance. Les bonzes chinois laissent croître
leurs cheveux et leur barbe. Us se vantent
de faire tomber la pluie à leur gré, mais cette
: vanité leur coûte parfois assez cher. Lors-
| qu'un bonze promet la pluie et que dans l'es-
' pace de six jours il n'accomplit pas sa pro-
. messe, on lui donne la bastonnade comme à
: un fourbe.
j Les bonzes du Tonquin portent un bonnet
; rond de trois pouces de hauteur, derrière le-
' quel pend un morceau de la même étoffe et
de la même couleur ; ce morceau leur descend
jusque sur les épaules. Quelques-uns sont re-
vêtus d'un pourpoint orné de grains de verre
1
de différentes couleurs. Ils portent au cou une
espèce de collier composé de cent grains.
. Leur main est armée d'un bâton surmonté
: d'un petit oiseau de bois. Ces religieux, con-
; tre la coutume des gens de leur espèce, sont
j extrêmement pauvres. Us habitent de miséra-
î blés huttes, situées le plus souvent auprès de
j quelque pagode. Lorsque les dévots viennent
| faire leurs offrandes, les bonzes les présen-
j tent aux idoles; pour cela, ils font des pro-
! strations et brûlent de l'encens. Après cette
; cérémonie, le dévot leur donne un peu de riz
| ou quelque autre chose de peu de valeur;
| c'est à peu près leur unique revenu. Cepen-
j dant, on assure que, malgré leur pauvreté, ils
, sont très - charitables, ils trouvent encore
i moyen de pourvoir à la subsistance des veu-
| ves et des orphelins avec leurs épargnes.
I Quoique leur situation ne soit pas digne d'en-
vie, ces bonzes sont très-nombreux- on les a
vus se multiplier à tel point que le roi de
Tonquin, pour s'en débarrasser, était obligé
d'en faire des soldats. Une de leurs principa-
les fonctions consiste à faire des réparations
aux ponts, à établir des hôtelleries et des
maisons de rafraîchissements sur les grands
chemins. Ces religieux tonquinois ne sont
point, comme dans les autres pays, condam-
nés au célibat; on leur accorde la liberté de
se marier.
Au Japon, les bonzes ne ressemblent point à
ceux des autres pays; cène sont pas des aven-
turiers qui cachent la bassesse de leur origine
sous un habit respectable. La plupart appar-
tiennent à de grandes familles; n'étant pas
assez riches pour vivre d'une manière con-
forme à leur naissance, ils embrassent cette
profession honorable et lucrative. Avant la
révolution de 1789, on voyait de même chez
nous les cadets de famille embrasser la vie
religieuse.
On doit distinguer les bonzes ou prêtres du
royaume d'Ava de cette foule d'hypocrites
' qui, sous un nom respecté, se jouent impu-
nément de la crédulité de tant de peuples. Us
sont humains, charitables et compatissants.
Un de leurs principaux soins est d entretenir
la paix et l'union parmi les citoyens, d'apai-
ser les querelles et de réconcilier les ennemis.
Leur humanité, éclate principalement envers
les étrangers qui ont le malheur de faire nau-
frage sur les côtes d'Ava. Selon la loi du
pays, ces étrangers doivent être esclaves du
roi ; mais les bonzes, à force de prières et
d'instances, obtiennent des gouverneurs un
adoucissement à la sévérité de cette loi bar-
bare : ces malheureux sont conduits dans les
couvents des bonzes; on leur fournit vivres
et habits; on les soigne s'ils tombent mala-
des; et, le jour du départ arrivé, on les munit
de lettres de recommandation ; moyennant
quoi-ils peuvent entrer dans le premier cou-
vent qui se rencontre sur leur route et sont
sûrs d'y trouver un accueil bienveillant. Arri-
vés à un port, ils s'y embarquent.
B O N Z E R Ï E s. f. (bon-ze-rî — rad. bonze).
Monastère de bonzes : Le baron Gros débar-
qua à Yeddo et prit possession de la BONZERÏE
qu'il avait lui-même indiquée pour en faire sa
résidence, (V. Paulin.)
B O N Z E S S E s. f. (bon-zè-se — fém. de-
bonze). Nom-donné, à la Chine et au Japon,
à des filles ou femmes qui vivent en commu-
nauté, comme nos religieuses, et y font
comme elles le vœu de chasteté : Les Chinois
et les Japonais seuls ont quelques BONZESSES,
(Volt.) il On trouve quelquefois BONZELLE.
BONZÀC,
BONZÀC, village de France (Gironde), ar-
' rond, et à il kilom. de Libourne, canton de
Guitres; 501 hab. Vins, blé, fourrages. Au
pied du coteau de Bonzac s'élève le château
de la Grave, embelli par le duc Decazes, dans
un terrain dont la molasse renferme unegrande
quantité de débris paléothériens et de copro-
lithes.
BONZI
BONZI (Pietro-Paolo), peintre italien, né à
Cortone, mort sexagénaire sous le règne
d'Urbain VIN, au xvnii siècle. Après avoir été
le valet d'Annibal Carrache, il devint son
élève. Comme il était bossu, on le désignait
souvent sous les noms de : Gobbo da Cortona,
Gobbo de' frutti ou Gobbo de' carracci. Il pei-
gnit admirablement les fruits, essaya aussi
de peindre des figures, mais avec moins de
succès. Les plafonds du palais Mattei, à Rome,
sont décorés de guirlandes de fruits dues à
son pinceau.
BOO
BOO s. m. (bou)! Bot. Canne à sucre du
Japon.
BOOBOOKs. m. (bou-bouk—onomatopée du
cri de l'oiseau). Ornith. Chouette de la Nou-
velle-Hollande.
BOOBOOT
BOOBOOT s. m. (bou-boutt). Métrol. Poids
usité dans les îles Soulou, aux Indes orienta- j
les, et valant 3 kilogrammes. J
BOODT
BOODT (Anselme-Boèce DE), médecin et na-
turaliste flamand,né à Bruges dans la dernière
moitié du xvie siècle, mort vers 1634. Il fut mé-
decin de la cour de Rodolphe II. Ses princi-
paux ouvrages sont : Symbola divina et itumana
ponfifîcum, imperfitorum, regum, etc. ( 1603);
Gemmarum et lapiditm liistaria,qua non solum
ortus, natura, vis et pretium, sed etiam modus'
guo exillis olea, salia, tincturœ, essentiœ, ar-
cana et magisteria arte chimica confici pos-
sunt, ostenditur (1609), traduit par Jean Ba-
chose sous le titre de : le Parfait joaillier
(Lyon, 1644); Florum, herbarum ac fructunm
selectorum icônes et vires, plerceque hactenus
ignotœ, etc. (1609).
BOOGERS
BOOGERS ou BOERS (Lucas-Joseph), chi-
rurgien allemand, né en 1722 à Uffenheim
(Anspach). Ses principaux ouvrages sont :
Anticritique dramatique (1775) ; Discussion sur
la question de savoir pourquoi toi terrain est
tantôt fertile, tantôt stérile (1790); Spécimen
politicum de origine civitatum (1786) ; Traité et
essais sur un système de délivrance des fem-
mes enceintes (1791-1807).
BOOK
BOOK s. m. (bouk—mot angl. qui signifie
%
livre). Livre que chacun tient pour y in-
scrire ses paris, et qui sert de compte cou-
rant aux amateurs de courses.
BOOKER
BOOKER (Jean), astrologue anglais, mort
en 1667. Il fut successivement.chapelier et
professeur d'écriture à Hadley; il se livra
plus tard aux études astrologiques et acquit
une telle réputation qu'il fut chargé de revoir
les ouvrages publiés sur l'astrologie et les
mathématiques. Le plus important de ses
écrits a pour titre : Mercurius Ccelicius, or a
caveat to ait the people of England (1664).
BOOLEN
BOOLEN (Anne DE). V. BOULEN.
BOOM,
BOOM, ville de Belgique, province, arrond.
et à 20 kilom. S. d'Anvers, sur le Rupelj
6,273 hab. Petit port; chantiers de construc-
tion pour bateaux et navires; industrie très-
active : raffineries, distilleries, nombreuses
tuileries, brosseries, fabriques de toiles à
voiles. Vieux château.
BOOM
BOOM (A. VAN) , peintre et graveur hollan-
dais, florissait au milieu du xvn
e
siècle. Le
catalogue du musée de Dresde lui donne pour
maître Jacob Ruysdaël, et a enregistré sous
son nom deux paysages avec animaux : un
Village entouré d'arbres et une Forêt de chê-
nes. Nous pensons que cet artiste est le même
que celui qui a signé : A. Boom f., une eau-
forte assez rare,- que M. Le Blanc intitule :
le Hameau.
BOOMERANGBOOMERANG s. m. (bou-mé-rangh). Arme
de jet qui ressemble à un sabre de bois, et
dont les naturels de l'Australie se servent
avec une dextérité incroyable.
— Encycl. Le boomerang est un bâton plat
de trois pieds de long et de un à deux pouces
de large, affectant à peu près la forme d'un
sabre; au milieu, il est recourbé de façon à
former une courbe légère. Quiconque le ver-
rait pour la première fois le prendrait pour
un sabre de bois grossièrement exécuté. Ce-
pendant, c'est une arme fort redoutable et
sûre qui est employée non-seulement à la
guerre, mais encore à la chasse pour tuer les
oiseaux et d'autres animaux de petite taille.
Il y a deux manières de le lancer. On neut,
après l'avoir pris par une de ses extrémités,
le jeter verticalement en l'air ou bien oblique-
ment à terre, de façon à ce qu'il frappe le sol
à peu de distance de celui qui l'a lancé. Dans
le premier cas, il file avec un mouvement de
rotation rapide, comme on peut s'y attendre
d'après sa forme. Après être monté à uae
grande distance dans l'espace, il décrit subi-
tement une ellipse et revient'vers son point
de départ pour frapper un objet non loin du
chasseur. La courbe décrite par le boomerang
pourrait être calculée mathématiquement ;
c'est évidemment au hasard que les sauvages
de l'Australie en doivent la connaissance, et
à leur instinct l'application. Dans le second
cas, le boomerang, lancé à terre, frappe le sol,
puis, à cause de l'élasticité que lui donne sa
forme recourbée, rebondit immédiatement,
pour frapper encore le sol plusieurs fois en
déterminant de véritables ricochets, jusqu'à
ce qu'il frappe le but.
BOON
BOON (Gertrude), sorte de baladine plus
connue sous le nom de la Belle To«rncii»e.
Elle attirait tous les ans une foule énorme
dans la baraque de la Baron à la foire Saint-
Germain, vers la première moitié du xvmc siè-
cle. Tout justifiait les éloges que lui prodi-
guaient les spectateurs. Elle était jeune, belle
et avait des grâces toutes particulières en
faisant ses exercices. Elle se piquait trois
épées au coin de chaque œil, les faisait tenir
droites, prenait son'mouvement h la cadence
des violons, et tournait avec une vitesse
surprenante pendant un quart d'heure sans
perdre un instant l'équilibre, et sans qu'au-
cune des épées quittât sa place- Ceux qui
la regardaient en étaient éhlouis. Gertrude
Boon était aussi sage que belle. Objet des
désirs d'un grand nombre de soupirants, elle
résistait à tous, Un certain M. Gervais, qui
avait gagné une fortune considérable au jeu,
voulut se payer une femme qui causait des
éblouissements au public ; il lui offrit enfin son
cœur, sa main et ses écus, et la Belle Tour-
neuse se laissa épouser. Cette union, qui sem-
blait devoir être heureuse, ne tarda pas à
devenir, pour le mari aussi bien que pour la
1 femme, une chaîne insupportable. Gervaia
990 BOOT BOOT BOOT BOOT
voulut en appeler aux tribunaux pour faire
rompre ce mariage; mais il n'obtint pas gain
de cause. De îa licite Tourneuse, devenue une
riche bourgeoise, les recueils spéciaux et
les chroniques ne disent plus mot, et l'on n'a
aucun renseignement sur la fin de sa vie.
-
BOONBOON (Daniel), colonisateur américain, né
en 1735 dans le comté de Buck, en Pensyl-
vanie, mort en 1820. Suivi de cinq compagnons
seulement, il pénétra en 1769 jusque dans
les forêts du Kentucky, alors inhabité, et y
fonda, sous le nom de Boonsborough^ le pre-
mier établissement qui ait donné la ^ie à ces
vastes déserts. Dépossédé par le gouverne-
ment de l'Union, sous prétexte d'un vice de
forme dans sa prise de possession, il alla se
bâtir sur les bords du Missouri une cabane
que nul ne fut tenté de lui disputer. Cooper a
immortalisé le caractère de ce vieillard en l'i-
déalisant dans son Trappeur, qui, sous les noms
divers de Bas-de-Cuir, Longue-Carabine,
Œil-de-Faucon, etc. Joue un rôle si intéressant
et si original dans les ouvrages du romancier
américain.
BOONEN
BOONEN (Arnold VAN), peintre hollandais,
né à Dordrecht en 1669, mort en 1729. Il eut
pour maître Schalken, à l'exemple duquel il
peignit des effets de chandelle. Le musée de
Dresde n'a pas moins de sept tableaux de ce
genre exécutés par lui : le meilleur repré-
sente deux jeunes hommes dont l'un tient une
pipe et l'autre une chandelle allumée. C'est
au musée de Rotterdam qu'appartient le Phi-
losophe lisant à la clarté d'un (lambeau, petite
toile assez médiocre, que la Biographie uni-
verselle cite comme le chef-d'œuvre de l'ar-
tiste et dit se trouver au Louvre : elle y figu-
rait, en effet, mais sous le premier Empire. Dans
ces divers ouvrages, A. Boonen se montra
fidèle à la manière minutieuse de Schalken ;
.mais, ainsi que le fait remarquer M. Waagen,
son coloris est plus lourd et plus faible. Il
exécuta aussi dans son pays et dans quelques
cours d'Allemagne des portraits de grandeur
naturelle qui eurent beaucoup de succès. Le
Leprozenhuis d'Amsterdam a de lui une As-
semblée de régents, datée de 1715, qui vaut
assurément beaucoup mieux que ses petites
scènes de genre. — Gaspard VAN BOONEN, né à
Dordrecht, en 1677, frère et élève du précé-
dent, peignit des portraits, maïs eut peu de
réputation.
BOONEVILLE,
BOONEVILLE, ville des Etats-Unis d'Amé-
rique, dans l'Etat de Missouri, sur la rive
droite de la rivière de Cooper, à 63 kilorn.
N.-O. de Jefferson; 2,730 hab. Commerce de
transit assez important; territoire fertile. Ex-
ploitation de fer, charbon, plomb et marbre.
BOOPAA
BOOPAA s. m. (bou-pâ). Navig. Petite pi-
rogue des environs de Tongataban, à balan-
cier simple, et n'allant qu'à la pagaie.
BOOPEadj. (bo-o-pe — gr. boôpis, même
sens). Zool. Qui a des yeux semblables à ceux
des bœufs, qui a de grands yeux,
BOOPIDÉ,
BOOPIDÉ, ÉE adj. (bo-o-pi-dé — rad. boô-
pis). Bot. Qui ressemble à un boopis.
— s. f. pi. Famille déplantes, ayant pour
type le genre boopis, et plus connue sous le
nom de CAI.YCÉRÉUS.
BOOPISBOOPIS s. f. (bo-o-piss — mot gr. signif.
qui a des yeux de bœuf, formé de bous, bœuf,
et rî/)s, œil). Bot. Genre de plantes, type de
la famille des boopidées ou calycerées, com-
prenant des plantes vivaces, à Heurs groupées
en capitules arrondis.
BOOPIS,
BOOPIS, Aux yeux de bœuf, c'est-à-dire aux
yeux grands et bleus, ou bombés, comme ceux
des taureaux. C'est l'épi thète habituelle de
J unon dans Homère. Quelques mythologues
ont rattaché ce surnom à la fable d'Io méta-
morphosée en génisse. Suivant Jacobi, il n'au-
rait qu'une valeur purement descriptive et
caractéristique d'un certain type de beauté
élevée.
BOOPS
BOOPS ad.j. (bo-opss — du gr. boas, bœuf ;
àps, œil). Hist. nat. Qui a de grands yeux.
Se dit particulièrement d'une baleine, connue
aussi sous le nom de jubarto : La baleine
BOOPS.
BOORAMBOORAM s. m. (bo-o-ramm — de Booram,
n. pr.). Bot. Genre de plantes, de la famille
des éricinées, réuni aujourd'hui comme simple
section au genre rosage (rhododendron).
BOOS,
BOOS, bourg de France (Seine-Inférieure),
ch.-l. de c a n t , arrond. et à 12 kilom. S.-E.
de Rouen; pop. aggl. 542 hab. — pop. tôt.
795 hab.
BOOS
BOOS (Romain-Antoine), sculpteur alle-
mand, né en 1735, mort en 1810. Il eut suc-
cessivement pour maîtres Sturm, Straub et
Verhelst, devint professeur à l'Académie des
beaux-arts de Munich et sculpteur de la cour.
Parmi ses ouvrages, on admire un Neptune
dans le jardin du couventdeFurstenfeldljruck,
quatre statues colossales de la façade de l'é-
glise Saint-Cajétan, à Munich, etc.
BOOSBOOM
BOOSBOOM (Simon), sculpteur et archi-
tecte hollandais, né à Embden en î c u , mort
à Amsterdam en 1668. L'hôtel de ville d'Ams-
terdam lui doit plusieurs statues et une partie
de ses plus beaux ornements. Il a publié une
Description des ch.q ordres (Londres, 1679), et
une Traduction hollandaise du Traité d'archi-
tecture de Scamozzi.
BOOTBOOT ou BOAT (Gérard), médecin hollan-
dais, né à Gorkum en 1604, mort à Dublin en
1650. Il quitta son pays pour aller vivre en
Angleterre, où il se fit appeler Boat et devint
médecin de Charles 1
e r
. A la mort de ce
prince, il se retira à Dublin. On lui doit une
réfutation de la philosophie naturelle d'Aris-
tote, en latin, et une Histoire naturelle d'Ir-
lande (1652), en anglais. — Son frère, Arnold
BOOT,
BOOT, né à Gorkum en 1606, mort en 1650,
exerça aussi la médecine en Angleterre et de-
vint premier médecin du comte de Leieester,
vice-roi d'Irlande. On lui doit, entre autres
ouvrages : Obseroationes medicœ de affectibus
ab aliis doctoribus omissis (Londres, 1649);
Epitome concordantiarum grœcarum Kir-
chéri, etc.
BOOT
BOOT (Henri), comte de Warrington et ba-
ron Delamer de Dunham-Massa, né en 1661,
mort en 1693. Sous le règne de Charles II, il
représenta le comté de Chesterdans plusieurs
parlements et se montra toujours l'adversaire
des papistes. Sous Jacques II. il fut trois fois
mis en prison ; mais la chambre des pairs l'ac-
quitta du crime de haute trahison, dont il était
accusé. A l'avènement de Guillaume III,il fut
d'abord en grande faveur, puis, après une
disgrâce momentanée, il fut créé duc deWar-
rington et pourvu d'une pension de 2,000 li-
vres sterling. On a publié les discours pro-
noncés par lui au parlement, et plusieurs
petits traités politiques qu'il avait composés
sur les questions du jour. — Son fils, George
BOOT,
BOOT, publia en 1739, sous le voile de l'ano-
nyme, des Considérations sur l'institution du
mariage (1739), où il se déclarait partisan du
divorce.
BOOTÈS
BOOTÈS s. m. (bo-o-tèss — mot g. signif.
bouvier). Astr. Nom de la constellation du
Bouvier, voisine de la Grande-Ourse. Suivant-
les mythes de l'antiquité, ce serait Arcas ou
Icarius.
BOQTESVILLE,
BOQTESVILLE, petite localité des Etats-
Unis d'Amérique (Etat de Missouri), qui a
donné son nom à un combat livré, le 13 octo-
bre 1863, entre le général fédéral Brown et le
général confédéré Shelby. Les confédérés fu-
rent battus et perdirent leurs canons, leurs
bagages et un certain nombre de prisonniers.
BOOTH
BOOTH (Barton), acteur anglais, né vers
1681 dans le Lancashire, mort en 1733. Il eut
de grands succès en Irlande d'abord, puis sur
les théâtres de Londres. On l'admira surtout
dans le rôle de Caton, qui était son triomphe.
Il a publié la Mort de Didon {the Death of
Dido, 1716, in-8°).
BOOTH
BOOTH (Félix), manufacturier anglais, né
en 1775, mort en 1850. II avait acquis, par
son industrie, une fortune immense, dont il
fit le plus noble usage, puisque, en 1839, il
paya tous les frais de la deuxième expédition
du capitaine Ross, qui, par reconnaissance,
nomma Boothia Félix la pointe la plus sep-
tentrionale de l'Amérique. Le roi Guillaume
conféra le titre de baronnet au généreux ma-
nufacturier, et le parlement lui vota des re-
mercîments publics.
BOOTH
BOOTH (James-C.)
;
chimiste américain, né
en 1810. Professeur de chimie appliquée à
l'institut Franklin, il est fondeur et affineur à
l'hôtel des monnaies de Philadelphie. En
1850, il a publié l'Encyclopédie de chimie
théorique et pratique, avec ses applications
aux arts, à la métallurgie
?
à la géologie, à la
médecine et à la pharmacie. Dans l'exécution
de cet ouvrage, il eut pour collaborateur
Campbell Morfit, avec le concours duquel il
adressa, en 1851, à l'institut Smithsonien, un
rapport sur les Récents progrès des arts chi-
miques (Washington).
BOOTH
BOOTH (le rév. James), savant anglais, né
en 1814. Après avoir remporté plusieurs pre-
miers prix au collège de la Trinité, à Dublin,
il fut élu membre de la Société royale de Lon-
dres, en 1846, et, plus tard, membre de la
Société des arts. En 1859, la Société royale
d'astronomie, dont il ne fait pas partie, lui a
conféré une cure près d'Aylesbury, collation
déléguée à cette compagnie par un de ses an-
ciens présidents, le docteur Lee. Booth a
écrit un grand nombre de dissertations, de
lectures et de sermons. Ses mémoires scien-
tifiques sont dispersés dans les Transactions
de la Société royale et autres recueils du
. même genre. Deux de ses lectures ou dis-
cours sur l'éducation ont obtenu plusieurs
éditions : Comment il faut apprendre et Ce
que l'on doit apprendre. L'un des premiers, il
a réclamé l'épreuve des concours publics dans
le professorat anglais, et proposé un système
d'organisation presque identique à celui que
l'université d'Oxford a adopté en 1856.
BOOTH
BOOTH (John-Wilkes), acteur et assassin
politique américain, né dansleMaryland, près
de Baltimore, en 1838, mort des suites d'un
coup de feu en avril 1865, près de Port-Royal
(Maryland), était le troisième fils de Junius-
Brutus Booth, qui avait paru dans la tragédie
sur le théâtre de Drury-Lane, à Londres.
Après avoir brillé quelque temps aux côtés
d'Edmond Kean, Junius-Brutus Booth renonça
tout à coup au théâtre et passa en Amérique.
Marié à une seconde femme, il exploitait une
ferme aux environs de Baltimore, lorsque na-
quit celui qui devait plus tard donner à son
nom une si triste célébrité. L'enfant reçut les
prénoms de John-Wilkes, en mémoire de
l'homme politique anglais qui, sous le règne
de George III, avait donné prétexte à ce cri
de ralliement:«Wilkes et liberté! » De bonne
heure porté vers la carrière dramatique, dans
laquelle deux de ses frères et le mari de sa
sœup ont obtenu du succès, il débuta, par l'in-
termédiaire de l'acteur John S. Clarke, qui
depuis devint son beau-frère, au théâtre
Saint-Charles de Baltimore, en 1855, dans le
rôle de Richmond de Richard III. Favora-
blement accueilli, il parut plusieurs fois en-
core devant le public ; s'engagea, le 15 août
1857, dans l'ancienne troupe dramatique de
Arch-street, à Philadelphie, sous le nom de
John-Wilkes, et il se fit applaudir dans un
assez grand nombre de rôles. L'année sui-
vante, il descendit dans le Sud, s'engagea
au théâtre de Richmond, où il joua avec un
incontestable succès les rôles les plus impor-
tants du répertoire de Shakspeare. En 1860,
il visita presque toutes les villes considérables
du Sud et du Sud-Ouest, se faisant applaudir
notamment dans les rôles de Roméo et de
Macbeth. Son premier engagement comme
étoile {star) eut lieu en septembre 1860, au
théâtre de Colombus, en Géorgie. Là il fut
blessé un jour, dans la coulisse, d'un coup de
revolver parti par accident. Le 31 mars 1862,
il parut devant le public de New-York, et
joua, pendant une semaine, au théâtre Wal-
lack. Il fit ensuite une nouvelle tournée dans
les différentes villes de l'Amérique. En 1864,
une affection des bronches l'éloigna de la
scène -, il se livra alors à de grandes spécula-
tions sur les huiles de pétrole, et en retira de
beaux bénéfices. A l'occasion d'une représen-
tation donnée au Jardin d'hiver de New-York,
et dont le produit devait être affecté au mo-
nument de Shakspeare, il joua, aux côtés de
ses deux frères, Edwin et Junius, le rôle de
Marc-Antoine dans Jules César, rôle qu'il in-
terpréta d'une façon remarquable. Wilkes
Booth fit une dernière apparition sur la scène
au théâtre Ford, à Washington, à ce même
théâtre où devait s'accomplir l'effroyable tra-
gédie qui a ému le monde entier, dans le rôle
de Pascara, de la pièce de Shiel, Y Apostat,
pour le bénéfice d'un acteur américain. Booth
n'était pas un comédien ordinaire : à des
avantages naturels, il joignait de l'originalité
et une grande intelligence du caractère de
ses personnages. Délicat et de taille moyenne,
mais doué cependant d'une force hercu-
léenne, il avait la physionomie expressive et
une voix pleine et harmonieuse, dont il savait
varier les inflexions. Il était surtout applaudi
dans Roméo, dans Macbetà
y
d&ns Othello. Il in-
terprétait Richard III avec une puissance de
talent hors ligne, et s'y montrait différent de-
tous les autres tragédiens, n'imitant personne.
Un jour, qu'il jouait ce rôle sur le théâtre Wal-
lack, avec sa passion ordinaire, il poussa telle-
ment,dans la scèneduduel,l'acteurTillon,qui
faisait le rôle de Richmond, que ce dernier alla
tomber dans l'orchestre des musiciens. On ra-
conte qu'à l'époque de ses représentations à
Albany, en mars 1861, il eut une double in-
trigue avec une actrice qui avait d'abord
paru sur le théâtre du Parc, à Brooklyn, puis
a New-York, au théâtre Olympique, et avec
une écuyère en grande réputation. L'une de
ces deux dames, dans un accès de jalousie,
lui tira un coup de pistolet, qui le blessa gra-
vement à la main. J.-Wilkes Booth avait donc
acquis comme tragédien une réputation au
moins égale à celle de son père. Mais, en dé-
sertant Te théâtre, il avait rêvé une scène plus
vaste que celle ou jusqu'alors il s'était mon-
tré. La politique, avec ses hasards, ses dan-
gers, ses péripéties, prit bientôt la place la
| plus grande dans l'âme bouillante^ du jeune
nomme. Dans la lutte fratricide qui déchira
l'Union américaine, John-Wilkes Booth se
montra, dès les premiers jours, un sécession-
niste forcené. Ses relations suivies avec quel-
ques officiers du Sud, sa participation aux
I meetings qui avaient pour but' d'incendier les
\ villes du Nord, de courir sus aux membres
l du cabinet et de tuer le président de la Ré-
I publique, exaltèrent son esprit jusqu'au fana-
| tisme, et le préparèrent a se faire l'instru-
I ment des passions haineuses, des projets de
vengeance dont il avait respiré l'atmosphère
pendant quatre années.
Le général Lee, commandant de l'armée du
Sud, avait mis bas les armes le 9 avril 1865,
après avoir échangé avec le général Grant
une correspondance qui fait autant d'honneur
au vainqueur qu'au vaincu. Toute l'Europe
se réjouissait à l'idée d'une paix définitive et
de la réconciliation des deux tronçons dis-
joints de la jeune Amérique. Mais pendant
que l'hosanna se faisait entendre d'un bout à
1 autre de l'ancien monde, une effroyable nou-
velle vint le changer en cri de douleur ; <• Le
président Lincoln et le secrétaire d'Etat sont
assassinés 1 Le premier est mort, l'autre est
mourant! D L'Europe passa tout à coup de la
joie à l'horreur et à la consternation. Qu'était-
ïl arrivé? Le M avril, le président Abraham
Lincoln s'était rendu avec sa femme et deux
amis au théâtre Ford, à Washington. La tête
appuyée dans sa main, avec le sans-façon
qui lui était habituel, les yeux tournés atten-
tivement vers la scène, il riait et montrait
beaucoup de gaieté. Vers dix heures et demie,
la porte de la loge s'ouvre brusquement, un
coup de pistolet retentit et Lincoln tombe, la
tète fracassée, sur le parquet. Au même in-
stantun homme, le meurtrier, saute de la loge
sur le théâtre, en brandissant un poignard et
s'écriant avec un geste tragique : « Sic sem-
per tyrannisl Le Sud est vengé! » Ces mots,
entendus distinctement de toute la salle, y
éclatèrent comme un coup de tonnerre. La
soudaineté de l'action, le ton déclamatoire des
paroles, firent croire un instant à un épisode
théâtral. Mais ce fut la durée d'un éclair.
L'homme s'élança dans les coulisses et s'é--
chappa. Un fait révélé plus tard, c'est que
l'assassin, qui ne parut dans la loge présiden-
tielle que pour disparaître aussitôt, avait mûri
et préparé son plan avec un sang-froid et une
audace incroyables. Il avait pénétré dans la
salle du théâtre avant qu'elle fût ouverte au
public, et avait pris des dispositions que seul
pouvait prendre un homme ayant une con-
naissance parfaite des lieux. La loge du pré-
sident, au théâtre Ford, est double, c'est-à-
dire qu'elle est formée de deux loges dont on
enlève la cloison, et qui, ainsi, n'en forment
plus qu'une. On y entre par un couloir som-
bre, étroit, séparé de la galerie publique par
une petite porte. Cette porte fut trouvée con-
damnée au moyen d'un morceau de bois, épais
d'un pouce sur six pouces de large et environ
trois pieds de long; ce morceau de bois était
fixé, d'un bout, dans une entaille creusée à
cet effet dans le mur, et appuyé de l'autre sur
la moulure du panneau de la porte, de sorte
qu'il était impossible de s'introduire de l'exté-
rieur après le passage de l'assassin. Un trou,
légèrement évidé en dehors, avait été fait
dans la porte et permettait de regarder ce
qui se passait dans la loge. De plus, comme
il y avait, à une seconde porte, des verrous de
sûreté qui auraient pu être fermés, les vis
des charnières en avaient été à demi dévis-
sées, si bien qu'une faible pression aur.ait
suffi au besoin pour la faire céder. Enfin, ce
qui atteste au plus haut degré, dit le Courrier
des Etats-Unis, la diabolique prévoyance qui
a présidé à tous ces préparatifs, c'est que le
meurtrier avait été jusqu'à se ménager un
accès sans obstacle auprès du président, par
une disposition spéciale des meubles qui gar-
nissaient la loge. Le fauteuil à bascule de
M. Lincoln était sur le devant, dans l'angle
le plus éloigné de la scène. Celui deM
m(
s Lin-
coln était sur le même plan, un peu en arrière,
tandis que les autres sièges et le sofa avaient
été rangés de l'autre côté de la loge, laissant
ainsi un large espace au milieu, où un homme
pouvait manœuvreràl'aise. Tout avait réussi
au gré de l'assassin. M. Lincoln s'était assis
dans le fauteuil préparé pour lui, M»»e Lin-
coln avait pris place à côté, miss Clara Mar-
ris dans l'angle opposé, sur le devant; et le
' major Rathburn sur le sofa, à quelques
pieds en arrière. Le meurtre s'était accompli
pendant la seconde scène du troisième acte
de la pièce : Our american Cousin. L'assassin,
; posté dans la salle, avait vu le président s'as-
'• seoir sur le siège disposé pour lui. Avant le
• commencement du second acte, il était sorti
pour aller prendre son cheval à l'écurie, l'a-
mener à la porte du théâtre , du côté de l'en-
trée des artistes, et le confier à la garde d'un
jeune homme de sa connaissance. II était ren-
tré ensuite dans la salle, et, se frayant un
passage à travers la foule, était parvenu à
l'une des portes de la loge présidentielle. Le
domestique du président l'arrêta au pussnge;
il dit qu'il était sénateur et venait sur invita-
tion. On le laissa entrer. Il s'engagea dans le
petit couloir, et, aussitôt après en avoir re-
fermé la porte derrière lui, y ajusta la barre
de bois dont .nous avons déjà parlé, pour en
défendre l'entrée à tout nouvel arrivant. Il se
trouva alors en face du major Rathburn, qui
lui demanda s'il savait dans la loge de qui il
se présentait. Il salua et se tint à l'écart; puis,
ajustant son pistolet, il tira à bout portant de
la main gauche. On a prétendu que le major
ne s'était aperçu de la présence u'un étranger
qu'en entendant la détonation de l'arme. Quoi
qu'il en soit, M. Rathburn s'élança sur le
meurtrier, qui se débarrassa de son étreinte
en le frappant d'un coup de poignard au bras
gauche, sauta hors de la loge en lui laissant
dans la main un pan de son nabit déchiré. Le
major courut à la porte de la galerie pour ap-
peler du secours; il la trouva barricadée, et
dut, avant que l'on pût entrer, arracher la
pièce de bois qui la retenait. Trente secondes
avaient suffi à l'accomplissement de ce drame
horrible, qui privait la grande République
américaine de l'homme modeste et sympa-
thique vers qui étaient tournés tous les vœux
de ses concitoyens et du monde entier. Pen-
dant que Lincoln expirait, son meurtrier, pro-
fitant de la stupéfaction générale, avait pu
gagner la porte de sortie du théâtre, monter
à cheval et fuir au galop. A la même heure,
un de ses complices se présentait à la rési-
dence de M. Seward, le secrétaire d'Etat,
alors au lit et souffrant des suites d'une chute
de voiture; il le frappait de cinq coups de
E
oignard, après avoir tué son plus jeune fils,
lessé son hls aîné et deux domestiques. D'au-
tres victimes avaient été désignées encore,
entre autres le vice-président, M. Johnson;
car un complot existait bien réellement, dont
le but était de frapper au cœur les plus fermes
soutiens de la cause du Nord et les généreux
partisans de l'abolition de l'esclavage aux
Etats-Unis.
Le nom de l'assassin d'Abraham Lincoln ne
tarda pas à être connu : John-Wilkes Booth,
l'ex-tragédien, fut désigné aux officiers de
police lancés à sa poursuite. Le crime avait
eu lieu le vendredi saint; le lundi suivant, on
était sur les traces de son auteur. Booth, à sa
sortie du théâtre, devait retrouver ses com-
plices; mais un seul, le nommé Harold, fut
exact au rendez-vous, et passa avec lui dans
le Maryland. Les deux hommes durent s'ar-
rêter la nuit même du M chez un chirurgien,
le docteur Mudd, car Booth en fuyant était
BOOT
BOPP
BOQU
BORA 991
tombé de cheval et s'était cassé la jambe. Le
lendemain seulement,dans l'après-midi, Booth
fut en état de continuer sa route. Sur les in-
dications du docteur Mudd, condamné plus
tard comme ayant trempé dans le complot, les
deux hommes s'éloignèrent; mais un retard
de quelques heures avait mis Booth dans
l'impossibilité de rejoindre des amis sur les-
quels il avait compté. Booth et son compagnon
s'étaient réfugiés dans les marais de Mary's
County (Maryland), et ils avaient trouvé un
asile dans la ferme d'un nommé Garrett, si-
tuée préside Port-Royal. Us étaient cachés
depuis deux jours lorsqu'ils y furent décou-
verts dans une grange où ils s'étaient enfer-
més : c'était pendant la nuit. On les somma
de se rendre. Harold voulut obtempérer à la
sommation, mais Booth l'accusa de lâcheté.
Cependant il le laissa sortir et se livrer aux-,
cavaliers. Le Courrier des Etats-Unis adonné
les détails dramatiques qui suivent sur la
mort de Booth :
n Le colonel Conger, se glissant der-
rière la grange, tira quelques pailles à tra-
vers une fente, les alluma et les rejeta à l'in-
térieur. La paille était sèche; elle s'enflamma
en un instant : on put voir, par les ais disjoints,
la grange s'illuminer et s'emplir de fumée.
Les plus noirs recoins s'éclairèrent de l'aire
aux solives; des teintes rouges et violettes
dessinaient dans les angles, derrière les meu-
les et les gerbes, les charrues, les herses, les
moulins à sucre, et faisaient briller les grains
battus comme des pierres fines. La flamme
courait le long des poutres, s'enroulait autour
des colonnes , léchait les parois de bois et
s'accrochait aux arêtes des madriers. C'était
une atmosphère ardente, au milieu de laquelle
se dessinait une silhouette sinistre, celle d'un
homme qui, séparé par un rideau de feu de
tout ce qui l'entourait dans la nuit, était en
pleine vue, tandis que son propre regard ne
dépassait pas le cercle dans lequel il était en-
fermé. Il était debout, appuyé sur une bé-
?uille. Il ressemblait, dit M. Conger, a son
rère Edwin, le grand tragique, a ce point
qu'on a cru un instant à une illusion. Par un
mouvement rapide, Wilkes laissa tomber sa
béquille et sa carabine, et, se traînant sur ses
mains, rampa jusqu'à l'endroit où avait com-
mencé le feu, pour surprendre celui qui l'a-
vait allumé et le tuer. Ses yeux lançaient des
éclairs et resplendissaient d'une terrible
beauté; ses dents serrées brillaient dans sa
bouche entr'ouverte ; sa figure était empreinte
d'un calme diabolique, où se pressentait l'ex-
plosion de la folie. Mais ses yeux cherchaient
en vain une issue; l'incendie l'aveuglait. Il se
releva, et, avec le sang-froid d'un vétéran au
milieu de tous les feux de la bataille, il mar-
cha droit a la porte, le revolver au poing, ré-
solu à vendre chèrement sa vie. Ce fut à ce
moment qu'un coup de feu l'abattit. « Il s'est
tué! » dît le colonel Baker. Non; c'était le
sergent Corbett, qui avait vu ses amis mena-
cés, et qui avait détourné la mort en tuant le
meurtrier. Quand tout fut fini, le cadavre de
Booth fut cousu dans une couverture mili-
taire. Un vieux nègre du voisinage était pos-
sesseur d'un cheval. On le prit. Ce cheval
semblait fait exprès pour une œuvre téné-
breuse. Ses hanches, ses côtes perçaient la
peau; son poil bourru ressemblait à la toison
de son maître. Il marchait l'amble avec une
désinvolture bizarre, et mesurait ses pas avec
une lenteur que les plus violents encourage-
ments ne réussissaient pas à hâter. La char-
rette à laquelle on l'attela n'était pas moins
misérable. C'est sur cet équipage que fut
chargé le cadavre, et le convoi sinistre se mit
en route au moment où le crépuscule commen-
çait à blanchir le ciel. Pour compléter le ta-
bleau, Harold, ce bas comparse du grand
drame, marchait gémissant, implorant et s'ex-
cusant lâchement, au boutd'une corde qui te-
nait, d'une part àson cou, etde l'autre à la selle
d'un cavalier. Quel tableau! Ce vieux nègre,
ce cheval squelette, cette voiture, et ce pendu
qui marche au milieu d'une escorte silen-
cieuse et de la nature encore endormie ! En
route, le sang, arrêté jusque-là au bord de la
plaie, coula abondamment et marqua le che-
min d'une trace rouge. L'essieu et les plan-
ches de la voiture en étaient inondés. A un
moment, le nègre s'en emplit les mains. Il
poussa un rugissement d'horreur. « Essuyez-
moi cela, criait-il; essuyez... c'est le sang
d'un maudit, je vais mourir... Pour des mil-
liers de dollars je ne voudrais pas de cette
tache... » Et le pauvre homme pleurait.
« Enfin, comme pour ajouter un frisson à cette
lamentable histoire, on raconte que le cadavre
a disparu... Où? comment? Allez le demander
aux vents du ciel, aux entrailles de la terre,
ou aux abîmes des flots. Un homme seul pour-
rait nous le dire. C'est le colonel Lafayette
C. Baker, l'agent secret du département de
la guerre. Ce qu'il y a "3e certain, c'est que,
déposé'à bord d'un monitor, sur le Potomac, '
puis débarqué à l'arsenal maritime, il y est
resté jusqu'au jeudi soir 27 avril. Le lende-
main, il n'y était plus. Que s'est-il passé dans
la nuit?... Voici ce que l'on a raconté : A mi-
nuit, un barque sans fanal, montée de deux
hommes, était partie sans bruit de l'arsenal.
Les hommes ramèrent silencieusement jus-
qu'à ce que la dernière étincelle du village
et le dernier bruit des avirons eût disparu dans
l'immensité de l'ombre et du silence. Depuis, on
ne les a plus revus. On sait qu'avant de par-
tir on leur avait fait jurer le secret. Il y avait
dans la barque une caisse de bois grossier de
6 pieds de long et de 18 pouces de large. Qui
pourra jamais dire ce qu elle est devenue? Le
meurtrier n'est pas seulement mort, il n'est
plus rien, pas même une pincée de cendre ;
il est annihilé, et pas un être au monde, pas
même sa mère, ne saura où verser une larme
§
our épancher sa douleur. Et si, un jour, les
ots rejetaient les dépouilles du meurtrier et
qu'une main amie voulût leur donner une
tombe, on pourrait y graver les derniers mots
qu'il a prononcés quand on voulait le secou-
rir encore : Useless! useless! (Inutile! inu-
tile I) » Car le crime qu'il a commis et qui
avait pour but le maintien de l'esclavage n'a
servi qu'à précipiter la ruine de cette institu-
tion odieuse. »
La mort de Lincoln n'a pas désorganisé le
gouvernement de Washington ; elle n'a pas
retardé d'une heure la marche ni les derniers
triomphes de l'armée fédérale. Investi par la
constitution de l'autorité présidentielle, le
vice-président de la république, M. Johnson,
a pris immédiatement d'une main ferme la
direction des affaires. Cités devant un conseil
de guerre siégeant à "Washington, les cpm-
plices connus de Booth ont été condamnés,
savoir : Payne, auteur de l'attentat contre
M. Seward, Harold, Atzeroth et &I«>e Surratt
à la peine de mort; le docteur Mudd, Arnold
et O'Laughlin à la prison perpétuelle ; Span-
gler à six ans de prison. Payne, Harold, At-
zeroth et M"»c âurratt ont été pendus le
7 juillet 1865. On a publié une Confession de
John-Wilkes Booth, assassin du président
Abraham Lincoln, traduite de l'anglais, d'a-
près le manuscrit original (Paris, 1865), qui
nous paraît être une œuvre de spéculation.
Nous ne pensons pas qu'on puisse, en lisant
cette prétendue confession, croire un seul
instant qu'elle ait un caractère sérieux.
Un des frères de John-Wilkes Booth, por-
tant comme son père le nom de JUNIUS-BRU-
TUS, a abordé le théâtre avec succès; il a
donné depuis l'attentat des représentations à
Cincinnati; un autre, EDWIN T.-JOSEPH, était,
au moment de l'assassinat du président, en-
gagé au théâtre de Boston ; ce dernier, qui
jouit de la faveur du public, a une grande
ressemblance avec John-Wilkes. Une de ses
sœurs, RosAUu, est mariée à l'acteur John-S.
Clarke. Son autre sœur, qui habitait avec sa
mère, était venue depuis peu faire sa rési-
dence à New-York ; elle a quitté cette ville
dans la matinée du 15 avril.
BOOTHIA-FELIX,
BOOTHIA-FELIX, grande presqu'île de
l'Amérique du Nord, formant la pointe la plus
septentrionale du nouveau continent, baignée
par l'océan Glacial arctique et comprise entre
69« 30'-72o lat. N. et 940-98» long. O. Sur la
côte N. de cette presqu'île se trouve le dé-
troit de Barrow, sur la côte E. le golfe de
Boothia, et sur la côte 0. le détroit de Ross,
nom du capitaine anglais qui découvrit cette
presqu'île en 1829-1833, et y plaça le pôle ma-
gnétique boréal, par 70° 5' lat. N. et 99°
long. Q.
BOOTHBY,
BOOTHBY, bourg d'Angleterre, comté et à
13 kilom. S. de Lincoln, district de Joussom;
350 hab. Ruines du château de Somerton, con-
struit en 1305, et où fut enfermé Jean le Bon
aprè.
1
? la bataille de Poitiers.
BOOTHIE
BOOTHIE s. f. (bo-O-tî— de Booth, n. pr.).
Bot. Genre de plantes, de la famille des pa-
pavéracées. Syn. de PLATYSTÉMON.
BOOTIE
BOOTIE s. f. (bou-ti — de Boot, n. pr.)
Bot. Genre de plantes, de la famille des ro-
sacées, réuni aujourd'hui, comme simple
section, au genre potentille. H On a donné
encore ce nom à une section du genre sapo-
naire, famille des caryophvllées, et à un
genre do la famille des nydrocharidées,
comprenant une seule espèce, oui croît au
bord des eaux, dans le royaume d'Ava.
B00TLE-CUM-L1NACRE, commune d'An-
gleterre , comté de Lancastre, district de
Walton, à 5 kil. N. de Liverpool, à 331 kil.
de Londres; 2,592 hab. Bains fréquentés.
BOOZ,
BOOZ, personnage biblique célèbre, épousa
Ruth, femme moabite^sa parente par alliance,
en eut un fils, Obed, père d'Isaï, de qui de-
vait naître le roi David, souche du Sauveur.
V. RUTH.
ROOI et Ruth, sujet de tableau traité par
différents maîtres. V. RUTH. .
BOPAL. V. BHOPAL.
BOPP
BOPP (Franz), célèbre philologue allemand,
né à Mayence en 1791. Envoyé à l'université
d'Aschanenburg, il y reçut les conseils et les
encouragements d'un disciple de Schelling, le
professeur Windischmann, qui préparait déjà
son grand travail sur la littérature orientale :
la Base de la philosophie dans l'Orient. Grâce
à une faible subvention accordée par le roi de
Bavière, M. Bopp put faire un voyage et un
assez long séjour à Paris, à Londres et àGœt-
.tingue, se livrant sans relâche à l'étude des
langues de l'Indoustan, et liant connaissance
avec les philologues Chezy, S. de Sacy et
Aug. G. Schlegel. A son retour en Allemagne,
il fut chargé de l'enseignement de la langue
sanscrite à l'université de Berlin. Les travaux
de Al. Bopp, qui est membre associé de l'In-
stitut de France, ont inauguré une ère nou-
velle dans les études de linguistique. Ses écrits
ont notablement contribué à la connaissance
et à l'intelligence de la langue sanscrite, et
ses traductions de divers livres classiques de
l'Inde ont servi dans une large proportion à
la vulgarisation de l'ancienne littérature in-
doue : poésie, morale et philosophie. La gram-
maire de la langue sanscrite lui a inspiré plu-
sieurs ouvrages, qui peuvent être qualifiés
d'originaux; nous citerons entre autres : le
Système de la conjugaison du sanscrit, com-
paré avec celui des langues grecque, latine,
persane et germanique, etc. (1816) ; Système
complet de la langue sanscrite (1827) ; Gram-
matica critica linguœ sanscritœ (1829-1832);
Abrégé de la grammaire critique de la langue
sanscrite (1834 et 1845). Il a compilé sur le
texte des Vedas un vocabulaire : Glossarium
sanscritum, in quo omnes radiées eb vocabula
usitatissima explicantur, et cum vocabulis grœ-
cis, latinis, germanicis, lithuanicis, slavicis,
celticis, comparantur (nouv. édit. 1840). Il faut
rapprocher de ce travail lexicographique le
grand ouvrage de M. Bopp : Grammaire com-
parée des langues sanscrite, zende, grecque,
latine, lithuanienne, slaue ancienne, gothique
et allemande (2e édit. refondue, 1S57Î, tra-
duite en français par M. Michel Bréal (1866,
in-8°). De l'exposition et de la critique des
formes grammaticales des langues indo-ger-
maniques il a déduit avec une sagacité sur-
prenante les rapports généraux et les prin-
cipes communs à leur formation et à leurs
modes.' C'est en se plaçant au même point de
vue d'analyse et de synthèse analogique que
l'illustre philologue a composé : les Langues
celtiques (1839) ; les Bapports des langues ma-
laiso-polynésiques avec les langues indo-ger-
maniques (1841); et les Bameaux caucasiens
du système des langues indo-germaniques, etc.
(1847).
BOPPART
BOPPART (anciennement Baudobriga ou
Bontobrice), ville de Prusse, prov. du Rhin,
régence et à 13 kilom. S. de Coblentz, sur la
rive gauche du Rhin; 4,125 hab. Fabrication
de coton et tabac ; commerce actif et naviga-
tion. Boppart avait autrefois le titre de ville
libre impériale.
BOPYRE
BOPYRE s. m. (bo-pi-re— du grec bous, bœuf;
pur, feu). Crust. Genre de crustacés isopodes,
formé aux dépens des monocles, et compre-
nant deux espèces, qui vivent en parasites
sur le corps d'autres crustacés : Nos pêcheurs
prennent souvent les BOPYRKS pour de petites
soles. (P. Gervais).
B O P Y R É , ÉE adj. (bo-pi-ré— rad. bopyre).
Crust. Qui ressemble à un bopyre.
— s. m. pi. Famille de crustacés isopodes,
comprenant le seul genre bopyre.
BOQUE1RAO, montagne de la province de
Ceara. coupée perpendiculairement par le
Rio-Saigado. Les eaux de la rivière y passent
sans éprouver aucune différence de niveau;
mais, dans les grandes crues, elles s'amon-
cellent en amont, de manière à former un lac
temporaire de plusieurs lieues de circonfé-
rence. Dans l'énorme entaille de l'est, il y a
une caverne qui sert de repaire à des myria-
des de chauves-souris, lesquelles se dispersent
le soir dans les contrées voisines.
BOQUEREL
BOQUEREL s. m. (bo-ke-rèl). Ornith. Nom
vulgaire du moineau friquet.
BOQUET
BOQUET s. m. (bo-kè). Techn. et Hortic.
Sorte de pelle creuse, à l'usage des jardiniers
et des sauniers.
B O Q U E T E A U s. m. (bo-ke-to — dimin. de
bosquet ; on disait autrefois boquetel et bos-
quetel). Eaux et for. Petit bouquet de bois :
Le renard devance le pipeur dans les BOQUE-
TEAUX où l'on prend les grives et les bécasses
au lacet. (Buff. ) Le département renferme
onze forêts d'une assez grande étendue ; le
reste des bois ne se compose que de BOQUE-
TEAUX. (A. Hugo.) '
BOQUETTE
BOQUETTE s. f. (bo-kè-te). Techn. Sorte
de pince, à l'usage du coffretier.
BOQUETTIER
BOQUETTIER s. m. (bo-kè-tié). Bot. Nom
vulgaire du pommier sauvage.
BOQUILE
BOQUILE s. f. (bo-ki-le). Bot. Genre de
plantes de la famille des lardizabalées, créé
aux dépens du genre lardizabaî, et compre-
nant une seule espèce, qui est un sous-ar-
brisseau du Chili et du Pérou, il Selon d'au-
tres botanistes, division de la famille des mé-
nispermées.
BOQUILLON
BOQUILLON s. m. (bo-ki-llon, Il mil. — rad.
bosquet, qui a d'abord donné bosquillon). Bû-
cheron :
Et boquillons de perdre leurs outils,
Et de crier pour se les faire rendre.
LA FONTAINE.
Il Ce mot était déjà vieux du temps de La
Fontaine.
BOQUILLON
BOQUILLON (Nicolas), littérateur et pnbli-
ciste français, né à Rethel en 1795. Il fonda à
Nancy, vers 1817, l'Abeille de la Moselle,
écrivit dans d'autres feuilles libérales, se rît
plus-tard une spécialité des comptes rendus
des expositions de l'industrie, et devint biblio-
thécaire du Conservatoire des arts et métiers.
On lui doit aussi un Dictionnaire biographique
(1825, 3 vol. in-12); un Dictionnaire des in-
ventions et découvertes (1826, in-12). Outre ces
deux principaux ouvrages, M. Boquillon a pu-
blié des brochures, dont l'une a pour titre Un
jésuite par jour (1825), et diverses traductions
d'ouvrages anglais, tels que : Discours sur le
but, les avantages et les plaisirs de la science
(1827) ; Traité de la mécanique pratique (1828) ;
Traité de pneumatique (1828), etc.
BOQUIN
BOQUIN ou BOUQUIN (Pierre), théologien
et controversiste protestant, né au commen-
cement du xvie siècle, mort à Lausanne en
1582. Il prit en 1539 le grade de docteur dans
l'université de Bourges, qui comptait parmi
ses professeurs plusieurs partisans de la Ré-
forme. Jusque-là, il avait appartenu à l'ordre
des carmes, et même il était prieur d'un cou-
vent; mais son esprit s'ouvrit insensiblement
aux idées nouvelles, qui d'Allemagne avaient
pénétré en France. Il quitta donc ï'habit reli-
gieux et partit pour la Suisse vers l'année
1541. Il passa par Bàle, sans vouloir s'y arrê-
ter longtemps. Son désir était d'aller en Po-
méranie, où l'attendait un de ses amis; mais il
voulut voir Luther et Mélanchthon, déjà cé-
lèbres dans l'Europe entière. Mélanchthon le
dissuada de poursuivre son vovage; Sur son
conseil, il revint à Strasbourg, où il fut nommé
professeur de théologie ; puis le désir de re-
voir sa patrie s'empara de lui. Il retourna à
Bourges et y donna des leçons publiques de
grammaire hébraïque et d'exégèse, qui furent
très-suivies. La reine de Navarre le protégea
et lui accorda une pension. Néanmoins, me-
nacé par ses ennemis, il dut s'enfuir. Il se
rendit à Strasbourg, où il fut nommé prédica-
teur de l'Eglise française. Deux ans après,
(1557), une chaire de théologie, vacante à Hei-
delberg, lui fut donnée. Les luthériens et les
réformés étaient divisés à propos de l'eucha-
ristie. L'électeur Othon Henri, voulant mettre
un terme à ce dissentiment qui avait amené
une guerre violente, rédigea une profession
de foi dans le but de réconcilier les deux par-
tis; mais son espoir fut déçu : Boquin, le pre-
mier, refusa d'y souscrire et fut immédiate-
ment chassé de sa chaire. Il devint dans la
suite professeur à Lausanne, où il mourut
subitement. Boquin a composé, entre autres
ouvrages : De necessitate et usu sacrarum lit-
terarum, ouvrage dédié à la reine de Navarre;
Defensio ad calumnias doctoris cujusdam Avii
(1558, in-4«) ; Exegesis divinœ atque humanœ
koinconias (Heidelberg, 1561, in-8°); De una
et ea perpétua totius Christi prœsentia in sua
Ecclesia peregre agente thesium sectiones XX V
(Heidelberg, 1565, in-4<>) ; Adsertio veteris ac
veri christianisme adversus novum et fictum je-
suitismum. On est indécis sur la .date et le heu
d'impression de cet ouvrage. Du Pin dit :
Lyon, 1576; Bayle, Heidelberg; 1579.
BOR,
BOR, fils de Boure, époux de Belsta et père
des trois plus anciens dieux Scandinaves :
Odin, Vile et Vé.
BOR
BOR (Pierre-Chrétien),historien hollandais,
né à Utrecht en 1559, mort à Harlem en 1635.
Il s'occupa toute sa vie d'étudier et d'écrire
l'histoire de son pays, et les états d'Utrecht
invitèrent tous les Hollandais à lui fournir
tous les renseignements, toutes les pièces ori-
ginales qui pourraient lui être utiles. Ses prin-
cipaux ouvrages, écrits en hollandais, sont:
Histoire des Pays-Bas (1621, 8 vol. in-fol.),
enrichis de gravures; Origine et histoire des
guerres des Pays-Bas (\619, A vol. in-fol.); deux
tragédies dont le succès fut médiocre, etc.
BORA,
BORA, BOHRA ou BOHREM (Catherine DE),
femme de Luther, née à Loeben le 29 janvier
1499, morte à Torgau en 1532. Catherine de"
Bora était fille d'un gentilhomme allemand,
qui la mit toute jeune encore au couvent de
Nimpkchen. Le bruit que faisaient alors dans
toute l'Allemagne les querelles religieuses,
franchissant même les murs des maisons sain-
tes et cloîtrées, parvint jusqu'à notre jeune
fille ; elle eut la curiosité de lire les livres de
Luther. Naturellement romanesque, Cathe-
rine de Bora s'enflamma à cette lecture, et,
un beau matin, c'était en 1523, elle s'évada
' avec huit de ses compagnes. Cette évasion
avait été facilitée par un sénateur nommé
Leonhard Kopp, qui fit conduire les fugitives
à Torgau, puis à "Wittemberg. On sut plus
tard, par une lettre de Luther à Kopp, que le
réformateur avait dirigé toute cette affaire et
en avait assumé sur lui toute la responsabi-
lité. Luther engagea les parents à reprendre
les jeunes filles et, sur leur refus, s'occupa de
les marier. Catherine, en attendant un époux,
se réfugia chez le bourgmesti'e de Reichen-
bach. Agée de vingt-quatre ans et fort belle,
elle aima d'abord un jeune savant de Nurem-
berg .nommé Jérôme Baumgartner, auquel
Luther lui-même écrivit un jour : « Si tu veux
obtenir la Catherine de Bora, hàte-toi, avant
qu'on la donne à un autre qui l'a sous la
main ; cependant, elle n'a-pas encore triomphé
de son amour pour toi, je me réjouirais fort
de vous voir unis. » Personne ne songeait au
mariage du réformateur. Pourtant, dès le
mois de mai 1524, il écrivit à des amis : « J'aime
fort ces mariages que vous faites, de prêtres,
de moines et de nonnes, j'aime cet appel des
maris contre l'évêque de Satan... » Enfin, le
13 juin 1525, il épousa Catherine et l'annonça
en ces termes : « Je viens d'épouser une
nonne. » Son choix n'avait pas été fait sans
hésitation, car il avoua plus tard qu'il avait
songé à une nommée Ave Schonfeldin, de-
puis épouse du médecin prussien Basilius,
parce qu'il avait soupçonné Catherine d'être
fière et hautaine. Luther, quoique vieux, fut
aimé de sa jeune femme, et lui-même l'aima
tendrement. Voici comment il peint son bon-
heur dans une lettre écrite à Stiefel pendant
l'année qui suivit son mariage : » Catherine,
ma chère cote, te salue ; elle se porte fort bien,
grâce à Dieu; douce pour moi, obéissante et
facile en toutes choses au delà de mes espé-
-
rances. Je ne voudrais pas changer ma pau-
vreté pour la richesse de Crésus. • Il écrivait
à sa femme vers lo même temps : <• Tu as un
992 BORA BORA
BORB
BORB
homme pieux qxl t'aime, tu es mon impéra-
trice. » La jeune femme était toute la distrac-
tion du docteur ; elle s'asseyait près de lui et
lui faisait les questions les plus étranges, les
plus folles, les plus enfantines, et Luther de
lui demander si, avant de parler ainsi, elle
avait dit son pater, ajoutant que si elle l'eût
fait, Dieu lui eût certainement retiré la parole.
» Pourquoi, lui disait-elle une fois, prions-nous
si rarement? nous priions davantage sous la
papauté. » — « Le diable, répondit Luther,
pousse ses serviteurs à pratiquer son culte le
plus possible. « Un autre jour, à table, elle
tomba en défaillance, et en revenant a elle,
elle raconta qu'elle avait supporté des tenta-
tions qui sont les signes certains de la mort.
Luther lui répondit : a Pensez plutôt à quel-
que chose de gai, buvez un coup, jouez, amu-
sez-vous. » Luther lit faire le portrait de Ca-
therine par Lucas Cranach l'aîné, et parla de
l'envoyer au concile avec un portraitd'homme,
pour mettre les cardinaux à même de mieux
examiner la question du célibat. Pourtant les
agitations religieuses ne troublèrent jamais le
calme de cet intérieur. L'époque où Luther se
maria est la plus triste de sa vie de réforma-
teur. 11 faiblissait dans la lutte, et la pauvreté
vint frapper à sa porte. Alors il se bâtit une
petite maison, traça autour un pauvre jardin,
et prit, pour gagner sa vie, la profession de
tourneur. Catherine de Bora l'aidait à suppor-
ter l'adversité. Bientôt leur union fut resser-
rée par la naissance d'un enfant, et Luther
s'écria : « Ma Ketha m'a donné une tille !
Gloria et laus patri in ccelis. » La vie de Ca-
therine s'écoula ainsi près de son mari, sans
bruit, sans autre éclat que celui de ses ver-
tus.
Cette union si heureuse devait finir comme
toute chose humaine. Luther quitta sa de-
meure pour s'occuper de réconcilier les com-
tes de Mansfeld dont il était né sujet. Il partit,
mais entretint constamment sa femme de tout
ce qui se passait. Un jour, il lui écrivait une
lettre commençant ainsi : «A la très-savante
et très-profonde dame Catherine Luther, ma
gracieuse épouse. » Puis, répondant aux inces-
santes prières qu'elle lui faisait de l'informer
de sa santé, bien chancelante alors, il ajou-
tait « qui me tourmente beaucoup. » Cepen-
dant la maladie du réformateur allait aug-
mentant, lui-même se sentait dépérir; mais,
pour mieux cacher son état h celle qu'il ai-
mait, il en riait dans ses lettres, et quelques
jours encore avant sa mort il lui envoyait des
truites, présent de la comtesse Albrecht. Ca-
therine de Bora eut la douleur de ne pas assis-
ter aux derniers instants de son époux, qui
s'éteignit loin d'elle. Devenue veuve, elle resta
d'abord sous la protection de Jean-Frédéric
de Saxe, puis sous celle de Christian III, roi de
Danemark. Elle habita successivement, après
la mort de son mari, Wittemberg, Magdebourg
et Brunswick. A la suite de la ligue de Smal-
kade, elle fut obligée de s'enfuir de Wittem-
berg, pour y revenir bientôt après. La peste
qui sévit à Wittemberg en 1542 l'ayant forcée
de sortir de la ville, avec tout le reste des ha-
• bitants, elle fut blessée en chemin dans un
accident de voiture, dont les suites l'empor-
tèrent. Sa dernière prière fut pour l'Eglise
luthérienne et pour ses enfants.
Jusqu'à sa dernière heure, Catherine con-
serva l'estime de tous. Ses mœurs étaient irré-
prochables ; elle était aussi bonne mère qu'é-
pouse dévouée, et vainement les ennemis du
protestantisme essayèrent de ternir sa répu-
tation. Quelques jours après son mariage, on
fit courir le bruit qu'elle venait d'accoucher,
mais Erasme, qui avait propagé cette calom-
nie, fut contraint lui-même de rendre hommage
à la vertu de la femme de Luther.
Catherine de Bora laissa une nombreuse
postérité, qui s'éteignit en 1756 dans la per-
sonne de Jean-Martin Luther, chanoine à
Reitz. Les meubles modestes qui garnissaient
sa pauvre maison et qu'elle conservait comme
un pieux souvenir de son mari, furent répar-
tis entre les disciples les plus fervents du ré-
formateur. On les retrouve encore dans cer-
taines villes d'Allemagne, où ils sont l'objet
d'une sorte de vénération.
BORACIN
BORACIN adj. m. (bo-ra-sain — rad. borax),
Chim. Syn. peu usité de BORACIQUB. .
BORACIQUE
BORACIQUE adj. (bo-ra-si-ke — rad. bo-
rax). Chim, Fausse, dénomination, aujour-
d'hui abandonnée, de l'acide borique. Nous
disons fausse, parce que, au lieu du bore, elle
semblerait indiquer pour radical le borax
(borate de soude).
BORAGITE
BORAGITE s. f. ( b o - r a - c i - t e — borax).
Chim. Borate de magnésie, que l'on trouve
près de Lunebourg en petits cristaux cubi-
ques, très-durs, insolubles dans l'eau. Elle
est sans usage.
— Encycl. Le borate naturel de magnésie
renferme, sur 100 parties : magnésie, 30,2;
acide borique, G9,8. La cristallisation de ce
minéral est très-remarquable. Les cristaux
appartiennent au système cubotétraédiique.
Ils jouissent en conséquence de la pyro-élec-
tricité polaire, et, conformément à leur struc-
ture moléculaire, ils acquièrent sous l'influence
de la chaleur quatre, pôles positifs et quatre
pôles négatifs. Ces pôles sont situés dans les
angles solides du cristal. La densité de la bo-
racite est égale à 2,9, et on représente sa du-
reté par le nombre 6
;
5. Son gisement ordi-
naire est le gypse, ou elle se rencontre en
cristaux vitreux, limpides et incolores quand
i elle est pure, quelquefois d'un blanc verdâtre,
! souvent d'un blanc grisâtre et seulement trans-
lucides, et devenant même opaquespar altéra-
tion. On l'a trouvée au mont Kalkberg, en
Brunswick, en association avec des grains de
sel gemme; au Schildstein, aussi en Brunswick,
où elle accompagne la karsténite; au Segc-
berg, près de Kiel, en Holstein et dans quel-
ques autres lieux. On croit aussi l'avoir ren-
contrée aux environs de Lunéville, dans le
département de la Meurthe. Hess a donné le
nom d'hydroboracite à un borate de magnésie
renfermant de l'eau, dont les seuls échantil-
lons connus ont été apportés du Caucase.
Comme appendice à l'histoire minéralogique
de la boracite, nous allons rendre compte d'un
travail récent, entrepris en vue de reproduire
artificiellement ce minéral. M. Heintz, auquel
est dû ce travail, n'a pas réussi à obtenir la bora-
cite par la voie humide; maiSj par voie sèche,
il est arrivé a de meilleurs résultats. Voici com-
ment il a opéré. On a dissous dans l'acide chlor-
hydrique 4 parties de magnésie calcinée, et on
a mélangé la solution avec une liqueur renfer-
mant 14 parties de chlorhydrate d ammoniaque
et 28 parties de chlorure de sodium ; après filtra-
tion, on a évaporé la solution et on a fondu le
l'èsidu au creuset de platine. On a ajouté a
200 grammes du mélange ainsi formé de chlo-
rure de magnésium et de chlorure de sodium,
5 grammes de borate de magnésie (précipité
à chaud d'une solution de sulfate de magnésie
par le borax, avec addition de carbonate de
soude jusqu'à ce qu'il ne restât plus qu'une
faible réaction acide) et 10 grammes d'acide
' borique sec ; on a fondu le tout dans un creu-
set de platine, et on a abandonnné le creuset
à un refroidissement très-lent. La masse vi-
treuse broyée et traitée par l'acide chlorhy-
drique étendu a laissé une poudre cristalline,
composée de cristaux prismatiques et d'autres
cristaux tétraédriques ou octaédriques. Ces
derniers ont présenté toutes les propriétés de
la boracite, et en particulier la pyro-électricité.
L'analyse a fourni pour leur composition des
nombres se rapprochant beaucoup de ceux de
la boracite.
BORÀK,BORÀK, nom de la jument miraculeuse de
Mahomet. V. ALBORAK.
BORANI,
BORANI, nom d'une peuplade scythe qui
habitait sur les bords du Danube. Sous l'em-
pereur Valérien, les Borani traversèrent le
Bosphore et vinrent s'établir en Asie.
BORAS,
BORAS, ville de Suède, préfecture et à
74 kilom. S.-E. de Wenersborg, sur la Wiska;
3,000 hab. Centre d'une fabrication active de
toiles, lainages, taillanderie et ferronnerie;
commerce de gros bétail, chevaux et fer.
Sources minérales très-fréquentées.
BORASSE
BORASSE s. m, (bo-ra-se — du gr. boras-
sos, datte). Bot. Genre d'arbres monocotylé-
dones, famille des palmiers, comprenant trois
espèces, qui croissent dans l'Inde, et dont
l'une, le borasse éventail, produit la liqueur
connue sous le nom de vin de palme, il Ce
genre est aussi connu sous le nom de RON-
DIKR.
BORASSE,BORASSE, ÉE adj. (bo-ra-sé-— rad. do-
rasse). Bot. Qui ressemble a un borasse. il On
dit aussi BORASSINÉ.
— s. f. pi. Tribu de la famille des palmiers,
ayant pour type le genre borasse.
BORASSEAU
BORASSEAU s. m. (bo-ra-so — rad. borax).
Techn. Boîte contenant du borax, à l'usage
des soudeurs, il On dit aussi BORAXOIU et BO-
ROCHOIR.
BORASTUSBORASTUS (Grégoire-Laurent), publiciste
et poète suédois, né à Norkoping vers 1584.
Elevé dans la religion luthérienne, il se rallia
au catholicisme, quitta sa patrie, se rendit en
Pologne, où il devint chanoine et secrétaire
du roi. U composa des écrits pour appuyer
les prétentions des rois de Pologne, et rit des
vers latins qui passèrent pour un chef-d'œuvre
de bonne latinité. — On cite un autre BORAS-
TVJS (Etienne), qui abandonna aussi son pays
et sa religion, joua un rôle important à la
cour de Rome, et devint cardinal.
BORATEBORATE de soude.
— Encycl. Propriétés générales. L'acide
borique s'unit en un très-grand nombre de
proportions avec les bases. On considère en
général comme neutres les borates dans les-
quels l'oxygène de la base est à l'oxygène de
1 acide comme l est à 3. Leur formule géné-
rale est donc MO,BoO*.
Les borates alcalins sont solubles dans l'eau ;
les autres borates sont insolubles ou peu so-
lubles dans l'eau.
Les borates résistent en général à. de hautes
températures, et donnent en fondant une
niasse vitreuse transparente, dont la couleur,
souvent caractéristique, varie avec la nature
de la base. Cependant, à une température
très-élevée, l'acide borique peut abandonner
les' borates. Les borates naturels sont peu
nombreux. Les plus connus, les seuls même
sur lesquels on possède des renseignements
précis, sont la boracite {borate de magnésie),
le borax (borate de soude) et la hayesite ou
hydroboracite (borate de chaux). V. ces mots.
— Caractères distinctifs. Les acides sulfu-
rique, chlorhydrique et azotique décomposent
les borates en présence de l'eau et mettent
l'acide borique en liberté. Ce dernier acide
se reconnaît facilement à la propriété dont il
jouit de communiquer à l'alcool une flamme
verte. Mêlés avec du spathfluor et chauffés
avec un excès d'acide sulfurique monohy-
draté, les borates laissent dégager du fluorure
de bore, reconnaissable aux épaisses fumées
blanches qu'il répand à l'air, et à la propriété
qu'il possède de carboniser le papier.
— Préparation. Les borates s'obtiennent
par double décomposition au moyen des bo-
rates alcalins, ou par voie sèche en fondant
l'acide borique avec les oxydes métalliques.
— Dosage. L'acide borique ne formant pas
de combinaison tout b. fait insoluble, il faut
le doser par différence dans ses composés sa-
lins, soit en précipitant les bases par des i
réactifs appropriés et évaluant la quantité !
d'acide borique par la perte obtenue, soit en
transformant les borates en sulfates, dont le
poids permet de-calculer celui de l'acide bo-
rique chassé.
BORATE
BORATE s. m. (bo-ra-te — rad. borax).
Chim. Sel résultant de la combinaison de l'a-
cide borique avec une base : Le borax est un
BORATE,
BORATE, ÉE adj. (bo-ra-té — rad. bore).
Chim, Qui contient de l'acide borique-: Ma-
gnésie BORATÉE. La cristallerie BORATÉE, à base
de zinc, est moins lourde et plus dure que la
cristallerie à base de plomb. (A. Burat.)
BORAX
BORAX s. m. (bo-raks — de l'hébreu 6o-,
raie, blanc). Chim. Borate de soude : La plus
grande et la plus utile propriété du BORAX est
de faciliter, plusau'aucun autre sel, la fusion
des métaux. (Buff.)
—
r
Encycl. Le borax ou borate de soude,
anciennement connu sous le nom de tinkal,
se rencontre dans un grand nombre de loca-
lités : on le trouve dans certains lacs de
l'Inde, ainsi que dans les mines de Viguinti-
zoa et d'Escapa au Pérou. Parmi les lacs d'où
l'on tire cette substance, on remarque celui
que l'on nomme Necbal, dans le canton de
Sembul. Les habitants des environs en re-
tiennent les eaux au moyen d'écluses qu'ils
ouvrent dans certains temps de l'année, et ils
cherchent dans la vase les cristaux de borax
qui s'y sont déposés. On dit qu'ils recueillent
aussi la vase de ce lac, qu'ils la font fermen-
ter avec du lait caillé et une sorte d'huile, et
qu'ils en retirent, au bout de deux ou trois
mois, une nouvelle quantité de borax. Le
voyageur Turner rapporte que le lac d'où
l'on tire le borax est situé h quinze jours de
marche au nord de Teschou-Loumbou : ce
lac ne reçoit aucun ruisseau d'eau douce;
mais ses eaux sont alimentées par des sources
salées. Le borax se trouve dans le fond du lac
en gros blocs, que l'on brise à coups de mar-
teau. A l'état naturel, le borax n'est pas
pur; ses cristaux présentent ordinairement
une coloration jaune ou verdâtre, due à la
présence d'une matière grasse. Sous cet état,
il porte le nom de tinkal. On le purifie en le
lessivant avec unesolutiondesoude marquant
5 degrés de l'aréomètre Baume, après l'avoir
réalablement réduit en poudre fine , ou en
agitant avec de la chaux éteinte. De cette
manière, on enlève la matière grasse , qui
forme un savon, soit avec la soude, soit avec
la chaux. Une seconde cristallisation donne
des cristaux nets et incolores. Aujourd'hui,
la plus grande partie du borax employé en
France se prépare de toutes pièces en combi-
nant l'acide borique de Toscane avec la soude
artificielle. 100 kilogr. d'acide borique pro-
duisent 140 kilogr. de borax.
Le borate de soude est blanc, d'une saveur
et d'une réaction alcalines; il se dissout dans
12 parties d'eau froide et dans 2 parties d'eau
bouillante. Il cristallise en prismes hexaèdres,
qui contiennent 47 pour 100 d'eau ou 10 équi-
valents. Il a pour formule : NaO (BoO'JVoliO.
C'est donc un biborate. Exposé à l'air , il
s'effleurit. A une haute température, il faci-
lite la fusion des oxydes métalliques, et les
vitrifie en prenant des colorations particu-
lières pour chaque substance. Ainsi l'oxyde
de manganèse le colore en violet ; l'oxyde de
fer, en vert bouteille ; l'oxyde de chrome, en
vert émeraude; l'oxyde de cobalt, en bleu, etc.
Ces caractères sont d'une grande utilité pour
le minéralogiste. Le borax est employé comme
fondant: il sert également dans les arts,
pour faire des soudures. Il entre dans la com-
position de certains verres et de quelques
couvertes de poteries.
BORBA,
BORBA, bourg du Portugal, province d'Alen-
tejo, à 30 kilom. O. d'Elvas; 3,800 hab". Au-
trefois, ville importante et fortifiée, u Petite
ville de l'Amérique du Sud, dans le Brésil,
province de Para, comarca de Mundrucania,
sur la rive droite de la Madeira, près de l'em-
bouchure du Rio Yocaré; 2,000 habitants.
Cette ville s'élève dans une position très-
favorable au commerce et h l'agriculture.
Tous les produits, extrêmement variés, des
régions amazoniques y abondent, particuliè-
rement un excellent tabac, dont la fabrication
est encore, a Borba, h l'état primitif. C'est le
meilleur que l'on connaisse , aussi bien sous-
le rapport de l'odeur délicieuse qu'il exhale
en brûlant, et du goût particulier qu'il a
quand on le mâche, que sous celui de ses qua-
lités enivrantes, qui n'attaquent en rien les
organes. Malheureusement ce tabac est cul-
tivé sur une très-petite échelle. Il est apprêté
en petites cordes menues, destinées à être
fumées ou mâchées.
BORAX,
BORAX, un des chiens d'Actéon.
BORBETOMAGUS
BORBETOMAGUS ou VANGIONES, puis
WORMAT1A, ville de l'ancienne Gaule belgi-
que, chez les Vangiones, dont elle était la ca-
pitale. C'est après le règne de Charlemagne
que cette ville porta le nom de Wormatia,
aujourd'hui Worms, sur la rive gauche du
Rhin.
BOKBONENSIS
BOKBONENSIS AGER, nom latin du Bour-
bonnais.
BORBONI
BORBONI (Matteo), peintre italien, né à
Bologne au xvii^ siècle. Il reçut des leçons de
G. Ferrantini et de Eelini, peignit surtout à
fresque, et, après avoir exécuté plusieurs
compositions dans sa ville natale, entre autres
une Assomption et un Episode de la vie de
saint Bernardin, il alla vers 1663 s'établir à
Avignon, où il composa la plus grande partie
de ses œuvres. Borboni est inoins estimé
comme peintre de figures que comme peintre
d'ornements.
BORROMA,
BORROMA, nom latin de Bourbonne-les-
Bains.
BORBONIE
BORBONIE s. f. (bor-bo-nî, de Gaston de
Bourbon). Bot. Genre de plantes de la famille
des légumineuses, tribu des lotées, compre-
nant une douzaine d'espèces, qui sont des
arbrisseaux propres au Cap do Bonne-Espé-
rance, et que l'on cultive presque tous dans
nos serres tempérées.
BORBOMUM
BORBOMUM ANSELM1UM, nom latin de
Bourbon-Lancy.
BORBORE
BORBORE s. m. (bor-bo-re— gr. borboros,
bourbe). Entom. Genre d'insectes diptères,
assez voisin des mouches, comprenant une
vingtaine d'espèces, dont les larves vivent
pour la plupart dans la fange, et quelques-
unes sur les champignons en putréfaction :
Le
BORBOREBORBORE des chenaux est commun dans
toute l'Europe. (Duponchel.)
BORBOHEMA,
BORBOHEMA, chaîne de montagnes du
Brésil, appartenant au système de la Cordil-
lière nommée Serra do Mar, qui longe la
côte de l'empire à partir de la province de
Ceara, et s'étend vers le sud, dans les pro-
vinces de Rio-Grande do Norte, Parahiba,
Pernambuco, Alalagoas, Sergipe et Bahia.
De Pernambuco se détache une ramifica-
tion qui, décrivant un immense demi-cercle,
étaMit des limites entre Pernambuco et Piauhy
et Ceara, où on la connaît sous la dénomina-
tion à'Araripe et à'Ipiababa.
A cause de cette disposition orographique,
le fleuve Sao-Francisco détourne son cours
du sud au nord, et prend la direction d'est-
sud-est pour traverser la chaîne principale
entre Sergipe et Alalagoas, où il forme la
chute de Puulo-Alfonso, l'une des cataractes
les plus célèbres du monde. Le caractère le
plus marqué de la Borboreina et de ses rami-
fications occidentales, c'est la sécheresse qui
règne sur presque toute l'étendue de son
plateau, dont les forêts sont composées de
futaies qui n'atteignent jamais les proportions
gigantesques des autres forêts brésiliennes.
On peut expliquer ce phénomène parles trois
causes suivantes : l'écoulement rapide des
eaux des pluies; l'infiltration de l'humidité,
qui s'opère immédiatement après les averses,
et les vents alizés qui soufflent, depuis le
mois de juin jusqu'en octobre, vers l'occident,
en entraînant les vapeurs d'eau qui vont se
condenser et tomber en pluie dans ies régions
des Andes. De la première cause naît un autre
phénomène, qu'on observe dans ces contrées.
Tous les fleuves qui descendent de la Borbo-
rema, tels que Apodi, Pirauhas, Capibaribe-
Moxoto,' Pajehu-ltahiin, Poti et Jaguaribe,
coulent seulement durant six mois, pendant
lesquels il y a d'énormes débordements, et
restent complètement à sec pendant les six
autres mois de l'année.
La perméabilité du terrain de ce plateau
est si remarquable cjue, dans quelques en-
droits, il est impossible de retrouver une
goutte d'eau après une averse ; mais les petits
animaux sauvages peuvent boire dans les
feuilles sèches qui, durant la nuit, se remplis-
sent de rosée, ou dans les creux des arbres;
le chasseur trouve de l'eau pure qui se con-
serve en abondance dans l'intérieur d'une
espèce de bromélie parasite, qui croit attachée
au tronedes arbres. Le plateau de l'Araripe
comprend une superficie de 6,000 kilom. car-
rés, parfaitement nivelée et couverte de la
végétation la plus variée et la plus luxu-
riante. On ne rencontre sur cette immense
étendue ni lacs ni cours d'eau, et cependant
c'est l'endroit de la Cordillière où tombe la
plus grande quantité de pluie. Le gros bétail
qu'on y laisse au vert descend se désaltérer
aux nombreuses sources qui jaillissent des
flancs de la montagne. Sur la montagne
d'Araripe, il n'y a pas une seule demeure hu-
maine; cependant la fertilité du terrain cal-
caire spongieux est extraordinaire. Ce pla-
teau se trouve vers 8° 1. S. La température
s'y maintient, à l'ombre, de 8 à 22- degrés
Réaumur.
La région borborémique est la plus conve-
"nable pour la culture du coton et d'autres
plantes qui, pour leur complet développe-
ment, n'exigent pas beaucoup d'humidité.
Les habitants savent profiter de cette circon-
stance, et en tirent un parti très-avantageux.
BORBORIEN
BORBORIEN s. m. (bor-bo-ri-ain). Ilist.
relig. Membre d'une secte de gnostiques du
xie siècle, qui niaient le jugement dernier, u
On trouve aussi BORBORITE.
BORBORITE
BORBORITE adj. (bor-bo-ri-te — rad. bor-
bore). Entom. Qui ressemble à un borbore.
—s. m. pi. Groupe d'insectes diptères, ayant
pour type le genre borbore.
BORC
BORD BORD
BORD 993
BORBORITBBORBORITB OU BORBORIEN S. m. HÎSt.
ecclésiastique. V. BORBORIEN.
BORBORYGMEBORBORYGME s. m. (bor-bo-ri-gme— gr.
borborugmos, même sens; do borboruzein,
gargouiller). Mêd. Bruit sourd, murmure, pro-
duit dans l'abdomen par lo changement do
place des gaz ou des'liquides qui y sont con-
tenus : Avoir des BORBORYGMES. 0 le plus
Jupiter des rois! fallait-il donc que l'écho de
DOS
BORBORYGMESBORBORYGMES eux-mêmes arrivât jusqu'à
la postérité? (Ste-Beuve.) La compression des
intestins par les corsets est la cause probable
de ces BORBORYGMES incommodes et bruyants
gui sont si fréquents chez les femmes. (ChomeJ.)
— Encycl. On appelle borborygme le bruit
causé dans le tube intestinal par l'agitation
spontanée ou accidentelle des matières liquides
et gazeuses qu'il contient; ce phénomène est
également désigné sous le nom de gargouille-
ment. Les borborygmes ne sont pas nécessaire-
ment l'expression d'un état maladif; ils ac-
compagnent souvent l'état de santé le plus
parfait, et alors on les remarque surtout à
jeun et chez des personnes délicates et ner-'
veuses. Les hypocondriaques, les femmes
hystériques, enceintes ou récemment accou-
chées, les ehlorotiqueSj les valétudinaires, les
personnes livrées à une profession séden-
' taire, telles que les hommes de cabinet, les
tailleurs, etc., sont souvent incommodés par
le bruit désagréable des borborygmes. L'usage
des corsets trop serrés, les digestions pénibles,
les gastralgies sont aussi des causes habi-
tuelles de cette incommodité ; enfin l'usage
des légumes venteux, tels que lés choux, les
navets, les lentilles, les haricots, les pois, le
laitage, les fruits crus pris en abondance, pro-
voquent ordinairement les borborygmes. Dans
l'inflammation des intestins, ils présentent une
intensité et un timbre remarquables, et dans la
diarrhée, ils procèdent souvent l'arrivée des
selles. Quelquefois produits par un empêche-
ment à la libre circulation des matières técales
dans le tube intestinal, ils peuvent aussi an-
noncer la cessation d'un obstacle, et ils sont,
dans ce cas, un signe favorable. Dans la fièvre
typhoïde, on détermine du gargouillement en
F
ressant avec la main la partie inférieure de
abdomen et surtout la région iliaque droite.
Pris isolément, le borborygme n'a aucune va-
leur comme signe; mais, suivant les circon-
stances où il se manifeste, il peut en acquérir :
ainsi, chez les jeunes personnesjà l'époque de
la puberté ou après, il pourra annoncer des
dispositions hystériques ou nerveuses ; à l'âge
- viril, chez des individus sujets à la goutte, il
sera quelquefois le précurseur de ces pertur-
bations digestives qui précèdent les accès.
Dans beaucoup de cas, il indiquera un état
anémique, une supersécrétion du tube digestif,
et, en général, dans les maladies intestinales,
quand il n'est pas suivi de l'excrétion des ma-
tières fécales, il est, avec juste raison, regardé
comme un signe de mauvais augure.
BORCANI,nom d'une ville et d'un peuple
de l'Italie ancienne, dans le Samnium. Cita-
Borella est construite sur l'emplacement de
Borcani.
BORCE,
BORCE, bourg de France (Basses-Pyrénées),'
arrond. et à 30 kilom. S.-O. d'Oloron, sur le*
gave d'Aspe, canton d'Accous; 722 hab. Ex-
ploitation de beaux marbres; église gothique;
belle forêt aux environs du village.
BOBCETTE
BOBCETTE ou BDRTSCHE1D, ville de
Prusse, province du Rhin, régence et à 2 kilom.
S.-E. d'Aix-la-Chapelle; 8,000 hab. Cette ville
doit son nom h une ancienne forêt peuplée de
sangliers (porcetum) du temps-de Charlema-
gne ; son origine, à une abbaye de bénédictins
fondée en 974 par saint Grégoire; -sa prospé-
rité actuelle, à ses fabriques de draps et d'ai-
guilles et à ses eaux minérales. Ces eaux,
chlorurées et sulfatées sodiques, émergent,
par douze sources froides ou thermales, d'un
terrain où domine le calcaire de transition, et
sont de densités diverses : 1,003; 1,004; leur
température varie de 160, 25 a 77°, 5 centi-
grades.
BORC1I ou BORRlCHIUS (Oluf ou Olaus),
savant danois, né dans le Jutland en 1626, mort
en 1690. Il professa la philologie, la chimie et
la botanique à l'université de Copenhague; il
se chargea ensuite d'une éducation partic.u-'
Hère et voyagea à l'étranger. A son retour à
Copenhague, il fut nommé bibliothécaire de
l'université, membre de la cour suprême, et il
fonda, pour les étudiants sans fortune, un col-
lège qui existe encore. Il a publié les ouvrages
suivants : Docimasia inetaîlica (1668, in-4°);
Dissertatio deortu et progressu chemiœ(\GGS);
Hermetis JEgyptiorum et chemicorum sapien-
tia (1674); De usu plantarum indigenarum in
medicina (1688, in-8°); Conspectus scriptorum
chemicorum (1696), etc.
BORCH
BORCH (Michel-Jean, comte DE), natura-
liste et voyageur polonais, mort en 1810. Il
voyagea en France, en Italie, en Suisse, fut
membre de plusieurs sociétés savantes, et
gouverneur de Witepok avant sa réunion à la
Russie. Parmi ses ouvrages imprimés, on peut
citer : Lithographie sicilienne ou Catalogue
raisonné de toutes les pierres de la Sicile pro-
pres à embellir le cabinet d'un amateur (1774,
in-4«)- Minéralogie sicilieune,docimastique et
métallurgique (1780) ; Lettres sur la Sicile et
l'île de Malte, pour servir de supplément au
Voyage de Brydone (1782), etc.
BORCH
BORCH (G. TER), peintre. V. TKRBURG.
BORCHOLTBN
BORCHOLTBN (Jean), jurisconsulte alle-
u.
mand, né en 1535 à Lunebourg, mort en 1593.
Il se rendit en France, où il reçut des leçons
•de Cujas, dont il adopta et reproduisit les opi-
nions, et devint successivement professeur de
droit à Rostock et à Heïmstœdt. Il a publié en
latin plusieurs traités sur les fiefs, les obliga-
tions, les actions, etc., et des Commcntarii in
quatuor libros institutionum Justiniam (1590,
111-40), ouvrage estimé.
BORCHT,
BORCHT, nom de plusieurs peintres et gra-
veurs flamands, dont le plus connu est Pierre
van der Borcht, né à Bruxelles vers 1540, mort
en 1608. Il composa d'abord des tableaux d'his-
toire, puis S'adonna quelque temps à. la pein-
ture sur verre, et adopta enfin le genre du
paysage. On cite de lui : l'Histoire d'Elie et
d'Elysée, qu'on a quelquefois attribuée à J é -
rôme Wierix ; des Paysages tirés de l'Ancien
lestament; des Jeux champêtres; les Méta-
morphoses d'Ooide (178 feuilles), etc.
BORCK
BORCK (Gaspard-Guillaume), homme d'Etat
et poète allemand, né à Dobentz (Poméranie)
en 1650, mort à Berlin en 1747. Il remplit des
fonctions diplomatiquesa Dresde, à Brunswick,
à Londres et à Vienne. Il devint ensuite mi-
nistre des affaires étrangères. Il traduisit en
vers la Mort de César, de Shakspeare, et la
Pharsale de Lucain. Frédéric le Grand a com-
posé son éloge, publié en 1747 dans les Mé-
moires de l'Académie de Berlin.
BORCOBE,BORCOBE, ville de l'ancienne petite Scythie,
sur les bords du Danube; aujourd'hui Tack-
four-ghœl.
BORCOVICUS,
BORCOVICUS, nom d'une forteresse qui fai-
sait partie du mur de Sévère, au N. de l'ancienne
Grande-Bretagne ; aujourd'hui Housesteeds.
BORD
BORD s. m. ( bor. — Co mot a deux accep-
tions distinctes, puisqu'il signifie à la fois
extrémité d'une surface et membrure d'un
navire ; mais ces deux acceptions ont dû se
fondre au moyen d'une métonymie": du t u -
desque bort, borti, borto, ais, planche
î
madrier,
assemblage de planches; en anglais, board;
en allemand, bort, bord
;
bret, etc. Le mot bord
a donc signifié primitivement une planche;
de là à ce qui limite, ce qui forme l'extré-
mité, la transition est naturelle). Limite,
extrémité d'une surface : Le BORD, d'une robe,
d'un manteau, d'un tapis. Le BORD d'une table.
Le
BORDBORD d'un pont. Les BORDS d'une plaie. Le
BORDBORD des paupières. Si on le prie de s'asseoir,
il se met à peine sur le BORD d'un siège. (La
Bruy.) Heureux ceux qui le virent et qui pu-
rent toucher le BORD de ses vêlements! (Mass.)
L'honneur est comme une He escarpée et sans bords.
On n'y peut plus rentrer dès qu'on en est dehors.
BOILEAU.
il Partie qui entoure et termine un objet :
Le
BORD,BORD, les BORDS d'un plat. Les BORDS d'un
chapeau. Chapeau à larges BORDS, à petits
BORDS,BORDS, à BORDS relevés. Il avait sur la tête,
pour se garantir du soleil, un chapeau de feutre
à grands BORDS , dont l'ombre lui cachait le
visage. (Balz.) / / eût craint de ressembler à un
paysan, s'il eût endossé une blouse et porté un
chapeau gris à larges BORDS. (G. Sand.) 11 Voi-
sinage immédiat, lorrain qui touche un objet
désigné : Le BORD du fleuve, de la mer. Le
BORDBORD d'un précipice, d'une fosse. Le BORD d'un
chemin. JSie vous approches pas du BORD. Le
renard se loge au BORD des bois, à portée des
'hameaux. (Buff.) Naples est bâtie en amphi-
théâtre au BORD de la mer. (M™e de Staël.)
Je n'ai rencontré, aux approches d'aucune
grande ville, rien d'aussi triste que les BORDS
de la Neva. (De Custine.) Quand on voyage en
plaine, l'intérêt du voyage est au BORD de
la route. (V. Hugo.) Alger est un triangle posé
au
BORDBORD de la mer et comme plaqué sur la col-
line. (Feydeâu.) Les dialectes romans sont tous
dérivés d'une langue gui fut d'abord parlée par
une petite peuplade des BORDS du Tibre.
(Renan.)
Va sur les bords du Rhin planter tes pavillons.
CORNEILLE.
Un jeune enfant dans l'eau se laissa choir,
En badinant sur les bords de la Seine.
LA FONTAINE.
Le saule, ami de l'onde, et la ronce épineuse
Croisent au bord des eaux leurs feuillages naissants.
MlCHAUD.
Vous naissez le plus souvent
Sur les humides bords du royaume des vents.
LA FONTAINE.
Tous approchaient du bord, l'oiseau n'avait qu'à
Mais il crut mieux faire d'attendre [prendre ;
Qu'il eût un peu plus d'appétit.
LA FONTAINE.
Ces bords aux contours ondoyants
Où la Seine, embrassant ces iles,
Se plaît sous les voûtes mobiles
De tes ombrages verdoyants. LEBRUN.
— P a r ext. Ce qui entoure, ce qui borde :
Le
BORDBORD d'un puits, d'une fontaine. Un BORD
élevé. Un BORD en pierre. Les puits sans BORD
doivent être couverts, pour éviter tout accident.
H Bande -d'étoffe cousue à l'extrémité d'un
vêtement ou de quelqu'une de ses parties :
Le
BORDBORD en velours d'une robe de satin. Mettre
des
BORDSBORDS aux manches d'un habit. Le BORD
du chapeau est un large galon d'.or.
— Poétiq. Région, pays, contrée où l'on
ne peut aller qu'en traversant la mer : Les
BORDSBORDS africains. Les BORDS indienst Vivre sur
des
BORDSBORDS étrangers.
J'ai demandé Thésée aux peuples de ces borde.
RACINE,
Vous mourûtes aux bords où vous fûtes laissée.
R&C12Q.
Italie! Italie! adieu, bords que j'aimaisl
Mus yeux désenchantés te perdent pour jamais.
LAMARTINE.
Mon ame consolée
Touche au céleste bord.
LAMARTINE.
Faut-il sans boire abandonner ce bord ?
Priez pour moi, j e suis mort, je suis mort.
BK RANGER,
il nous vaut mieux vivre au sein de nos lares,
Et conserver, paisibles, casaniers,
Notre vertu dans nos propres foyers,
Que parcourir bords lointains et barbares.
GRESSET.
il En ce sens, le singulier est peu usité, tj
Les sombres bords, Les. rives du Styx, du
Cocyte et d'autres fleuves des enfers, c'est-
à-dire la demeure des morts :
Vous le savez, Oreste a vu les sombres boras.
Et l'on ne revient plus de l'empire des morts.
CRÛBILLOPT.
Ma servante déjà, dans ses nobles transports,
A fait à deux chapons passer les sombres bords.
REGNARD.
On ne voit point deux fois le rivage des morts.
Seigneur ; puisque Thésée a vu les sombres borda.
En vain vous espérez qu'un dieu vous le renvoie.
RACINE.
— Fig. Réalisation, accomplissement pro-
bable et prochain; menace d'un mal immé-
diat.: Mettre, pousser, arrêter quelqu'un au
BORDBORD du précipice, de l'abîme, du gouffre, de
sa ruine. Etre au BORD de la fosse, de la tombe,
du trépas. Une vaine ambition vous a poussé
jusqu'au
BORDBORD duprécipice. (Mass.) La croyance
d'un Dieu à retenu des hommes sur te .BORD du
crime. (Volt.) Cette bouteille donna lamort au
pape, et mit.son fils au BORD du tombeau.
(Volt.) Il est affreux de se trouver seul, avec
une mauvaise conscience, aux BORDS de l'éter-
nité. (Roche.)-
Le destin les aveugle au bord du précipice.
CORNEILLE.
Je leur semai de fleurs le bord des précipices.
RACINE.
Il s'arrête en tremblant aux bords de l'avenir.
THOMAS.
Quel sujet, dira^I'un, peut donc si fréquemment
Mettre ainsi cette belle au bord du monument?
BOILEAU.
— Bouge bord, Un verre plein de vin jus-
qu'au bord ; Boire, vider un ROUGE BORD, des
ROUGES BORDS. A cette question, Pradeline
vida lestement un ROUGE BORD. (E. Sue.)
Un laquais effronté m'apporte un rouge bora
D'un auvernat fumeux qui, mêlé de lignage,
. Se vendait chez Crenet pour vin de l'Ermitage.
BOILEAU.
Il On a.dit aussi boire à rouge bord, pour
Boire à plein verre.
— Bord des yeux, Extrémité libre des pau-
pières : Il a le BORD DES YEUX rouge et ma-
lade. [I Bord des lèvres, Extrémité extérieure
de la partie rouge : 5e mouiller à peine le
BORDBORD DES LÈVRES. Tremper le BORD DES
LÈVRES dans une liqueur, il Avoir un mot sur
le bord des lèvres, Avoir grande envie de
faire un aveu, une réplique; de révéler un
s e c r e t : J'AVAIS LE MOT SUR LE' BORD.DES
LÈVRES, et je l'aurais prononcé bien volontiers.
Je ne voulus point vous ôter l'honneur de me
faire un jour de vous-même un aveu, que je
voyais à chaque instant SUR LE BORD DE vos
LÈVRES. (J.-J. Rouss.) 11 Signifie aussi, Etre
ou se croire tout près de se souvenir d'un
mot mie l'on a oublié et qu'on cherche à se
rappeler : Attendez, J'AI ce nom SUR LE BORD
DES LÈVRES. 11 On dit plus souvent en ce sens,
Avoir un mot au bout de la langue. Il Avoir
l'âme sur le bord des lèvres, Etre près d'ex-
pirer, de mourir. 11 Avoir le cœur sur le bord
des lèvres', Etre franc, ingénu : C'est un homme
incapable de mentir ou de feindre; il A LE
CŒUR SUR LE BORD DES LÈVRES. 11 On dit aussi
SUR LA MAIN.
— Loc. adv. A pleins bords, De façon à être
plein jusqu'au bord, à être complètement
plein : La Néoa coule k PLEINS BORDS au sein
d'une cité magnifique. (De Maistre.) Le Nil
était dans toute sa beauté ; il coulait À PLEINS
BORDBORD k
BORDBORD DE la lampe. La rivière est BORD
À BORD DU quai. Il se versa du vin BORD À
BORD
BORD DU verre.
— Mar. Le côté d'un vaisseau : Le BORD du
navire fut enfoncé par une lame furieuse. De
quel
BORDBORD vient le vent? Faire feu des'deux
BORDSBORDS en même temps, il Sorte de parapet qui
règne autour d'un navire : Sauter par-dessus
le BORD. Jeter quelqu'un par-dessus le BORD.
Le long du bord le câble crie.
C. DÉLAVIONS.
H Se dit quelquefois pour bordée : Courir des
BORDS. Louvoyer à petits BORDS. Courir un
BORDBORD à terre, un BORD au large. Il Bâtiment.
navire lui-même : Prendre quelqu'un à BORD,
sur son BORD. Monter, aller à BORD. Le capi-
taine nous invita à monter à son BORD. Ten-*
tends le signal et les cris des matelots; je vois
fraîchir te vent et déployer les voiles; il faut
monter à BORD, il faut partir. (J.-J. Rouss:)
Le capitaine me prit à son BORD avec mon do-
mestique. (Chateaubr.) L'amiral nous doit une
histoire-, pour nous avoir dit qu'il était mousse
à
BORDBORD de f Endeavour. (Méry.)
Vingt corsaires pourtant montèrent sur son bora.
* LA FONTAINE.
il Fig. P a r t i , opinion, avis', en supposant '
que les personnes d'un avis se mettent d'un
côté, et celles d'un autre avis de l'autre : Je ne
suis pas de votre BORD. Ceux de son BORD s'atta-
chèrent à le défendre. Si nous étions du même
BORD,BORD, je vous donnerais un conseil. Vous avez
bonne grâce à parler des libéraux, vraiment ! Ne
dirait-on pas que vous n'avez jamais été de leui
BORD?BORD? (Tn. Leclercq.) ^Puisque vous êtes une
si bonne amie et que vous vous déclarez de mon'
BORDBORD contre ces gens-là, c'est désormais entre
7ÏOUS à la vie et à la mort. (Empis.) Eh bien!
le comité a décidé... malgré moi, mon pauvre
ami... mais j'étais seul de mon BORD. (E. AU
gier.) n Plat-bord, Cordon cloué à"plat sur les
têtes des allonges de la membrure, à la hau-
teur du pont supérieur. 11 Vaisseau de haut
bord, Nom donné autrefois à tout bâtiment
qui naviguait au long cours. Aujourd'hui, un
vaisseau de haut bord est un vaisseau de
guerre à plusieurs ponts. Il Vaisseau de bas
bord, autrefois, Navire destiné au cabotage,
et aujourd'hui, Navire de guerre à un seul
pont. 11 Bord du vent. Côté du navire qui est
du côté d'où souffle le vent. 11 Bord sous le
vent, Côté du navire qui est sous le vent,
c'est-à-dire opposé à celui par où souffle le
vent, n Bon bord, Bordée qui rapproche du
but. n Mauvais bord, Bordée qui en éloigne,
il Virer de bordj Faire tourner le navire de
façon que le boru du vent passe sous le vent ;
et, figurém., Changer de conduite, de direc-
tion : Il est grand temps pour vous de VIRER .
DE BORD. Il U On a dit aussi Revirer de bord
Vous avez défendu à M. "* de passer à Aix,
mais non pas de REVIRER DE BORD. (M
ra
e de Si-
mianej ; mais c'est probablement la une faute
commise par ignorance du terme consacré
dans la marine, u Naviguer à contre-bord, à
bord contre, à bord opposé, Faire route avec des
amures différentes de celles d'un autre navire. '
Il Naviguer à bord droit, Couper à peu près à
angle droit la route d'un autre navire, il
Courir un bord à terre ou au large, S'orienter
et naviguer au plus près sur la terre ou vers
la haute mer. Il Courir bord sur bord, Lou
voyer à petites bordées, de manière à ne
guère changer de place. U Bouler bord sui
bord, Eprouver un roulis continu. Il Arriva
à bout de bord*Atteindre un point directe-
ment, sans avoir viré de bord. Il Avoir les
amures sur le bord, Les avoir amarrées tout
bas ou sur la muraille, position qu'on leui
donne lorsqu'on veut gouverner au plus près.
Il Prendre les amures sur l'autre bord, Virer
de bord, il EJlipt. A bord! Montez à bord,
venez sur le navire. C'est un commandement
usité pour ramener à bord ceux qui se sont
écartés du navire.
— Techn. Partie la plus épaisse d'une clo-
che, appelée aussi la frappe, parce que c'est
sur elle que'frappe le battant. Cette épais-
seur sert de module, et l'on dit qu'une cloche
est en u , 15 ou 16 bords, suivant que cette
épaisseur est contenue u , 15 ou 16 fois dans
le diamètre de la cloche.
— Cost. Bord de'front, Tresses qui se pla-
çaient sur le bord d'une perruque et entou-
raient le front.
— Syn. Bord, bordure. Toute surface se
termine par des bords, qui en sont tout simple-
ment les extrémités, ou est limitée par des
bords qui la touchent. La bordure, c'est le bord
travaillé, orné, servant comme de cadre. On
dit: Les bords de la mer; les bords d'un ruis-
seau peuvent être encadrés dans une bordure
de fleurs.
— B o r d , côte , r i v a g e , r i v e . L e bord e s t la
partie de terre qui touche à l'eau, qui la borde,
qui en marque la limite ou qui en est très-peu
éloignée. La mer seule a des côtes; ce sont les
terres du bord vues de la mer elle-même et se
présentant aux yeux comme étant plus éle-
vées ; on y attache aussi toujours l'idée d'une
étendue considérable. Lertua^e et la rtuesont
en pente douce ; c'est la même terre que l'eau
couvre tout près de l à , mais qui s'étend plus
loin que l'eau et qui peut en être couverte
quand celle-ci déborde. Le rivage d'ailleurs
est beaucoup plus étendu que la rive; la mer
et les grands neuves ont des rivages; un ruis-
seau n a que des rives.
s
— Antonymes. Centre, intérieur, milieu. —
Fond. •
— Eplthètes. Large, étroit, escarpé, fleuri,
vert, verdoyant, riant, charmant, délicieux,
tranquille, paisible, calme, heureux, fortuné,
enchanteur, séduisant, délicieux, silencieux,
mystérieux, sablonneux, humide, aquatique,
marécageux, fangeux, ombragé, écarté, glis-
sant, dangereux.— {Fig- et au pi.) Désirés, at-
tendus, regretlés, fortunés, heureux, char-
mants, délicieux, riants, enchantés, enchan-
teurs, séduisants, hospitaliers, calmes, tran-
quilles, paisibles, innocents, éloignés,lointains,
déserts, solitaires, abandonnés, isolés, mécon-
nus, suspects,"tristes, funestes, inhospitaliers,
affreux, redoutables, sauvages, dangereux ,
125
994
BORD
ennemis, fatals, orageux, sombres, ensanglan-
tés, épouvantés.
Bord» (les) de la Seine, de la Sevré, du
Rhône, de la Loire, du Gapeau, du Nil, du
Gardon, du Sebou, etc., tableaux de MM. Dau-
bigny, T. Rousseau, P . Flandrin, Courbet,
Français, Belly, de Curzon, E. Delacroix, etc.
V. la description de la plupart de ces tableaux,
aux noms des fleuves et des rivières.
Bord (CHANSON DE), recueillie et notée par
G. Mathieu. Cette chanson, qui fait partie du
répertoire des matelots français, et dont l'ori-
gine est inconnue, a été, suivant toute appa-
rence, improvisée au retour d'une campagne
par quelque matelot poëte ; car elle a un goût
de terroir. L'auteur est aussi peu soucieux que
Cambronne del'atticisme del expression, et ce
n'est pas lui qui aurait fait prendre le change
h la fameuse marchande d'herbes d'Athènes;
mais on sait, que le gaillard d'avant d'un vais-
seau n'est pas l'Académie.
bia.
flots, C'é-taît pour al-ler à Bres - lau,
Vuriantc, Et qu'il fallait f... z'à l'eauï
DEUXIÈME COUPLET.
Le capitaine au marne instant ]
Fait appeler son lieutenant, i
— Lieutenant, te sens-iu capable.
Dis-moi, te scns-tu-z-'assez fort
Pour aller accoster son bord?
TROISIÈME COUPLET.
l
Le lieutenant, fier-z-et hardi, 1 .
Lui répond : Capitaine, z-oui, (
Faites monter votre équipage,
Braves soldats et matelots.
Faites-les donc monter en haut.
bis.
bis.
bis.
bis.
QUATRIEME COUPLET.
Le maître donne un coup d' sifflet : )
En haut, larguez les perroquets; i
Largue les ris, et vent arrière,
Laisse porter jusqu'à, son bord
Pour voir qu'est c'qui sera l'plus fort.
CINQUIÈME COUPLET.
Vir' lofj>our lof en arrivant, 1
Nous l'avons pris par son avant, \
A coup de haches d'abordage.
De piques et de mousquetons.
Nous l'avons mis à la raison.
SIXIÈME • COUPLET.
Que va-t-on dir' de lui bientôt 1
En Angleterre et à Breslau ? \
D'avoir laissé prendr' sa frégate
Par un corsair' de six canons.
Lui qu'en avait trente si bons!
SEPTIÈME COUPLET.
Buvons un coup, buvons-en deux!
A la Banté des amoureux!
A la santé du roi de France,
M....'pour celui d'Angleterre
Qui nous a déclaré la guerre !
• On peut remplacer le M.... trop énergique, par
tant pis, etc. '
BORDABORDA s. f. (bor-da). Bot. Nom vulgaire
d'une ansérine.
BORDS
BORDS sans couvrir ses rives. (Chateaubr.)
C'est l'orgie opulente enviée au dehors,
Contente, épanouie.
Qui rit, et qui chancelle, et qui boit à pleins bords.
V. Huoo.
-Il Fig. Abondamment, sans restriction et
sans obstacle : Sans la censure, le vice et le
mauvais goût couleraient k PLEINS BORDS.
(Cas. Blanc.) il Bord à bord, Tout près, l'un
contre l'autre : Les deux navires sont BORD À
BORD. 11 Signifie aussi, Jusqu'au bord, en
parlant d'un récipient complètement plein :
Le canal, est BORD À BORD, est plein BORD À
BORD. Grimaud sourit, et, les yeux fixés sur le
verre gu'Atfios avait rempli BORD k BORD, il
broya le papier et l'avala. (Alex. Dum.)
— Loc. préposit. Bord à bord de, Jusqu'aux
bords, en parlant des liquides : L'huile est
BORDA
BORDA (Jean-Charles), savant mathémati-
cien et marin français, né à Dax en 1733, mort
en 1799. Après avoir passé quelques années
au collège de La Flèche, il entra dans îe gé-
nie militaire , puis dans les chevau-légers.
Dès l'année 1756, il lut à l'Académie des scien-
ces un Mémoire sur le -mouvement des projec-
tiles, et ce travail remarquable lui valut d être
attaché a l'illustre compagnie comme membre
associé. Nommé aide de camp du maréchal de
MaiUebois, il prit part à l'a bataille d'Hastem-
beck; mais il rentra bientôt dans le génie mi-
litaire, qui convenait bien mieux à son goût
pour les sciences mathématiques, et il fut
employé dans les ports, ce qui lui fournit l'oc-
casion de publier de savants mémoires sur la
résistance des fluides, sur la meilleure forme
à donner aux vannes des roues hydrauliques
et aux roues elles-mêmes, sur la théorie des
F
rojectiles, en ayant égard à la résistance de
air, etc. Ces travaux ne l'empêchaient pas de
se livrer en même temps à l'étude des mathé-
matiques pures, et, dans un autre mémoire, il
exposa avee une grande clarté les principes
du calcul des variations, tel que l'avait conçu
Lagrange. En 1767, M. de Praslin, alors mi-
nistre, le fit entrer au service actif de la ma-
BORD
rine, et, dès l'année suivante. Borda fit sa
f
iremière campagne. En 1771, il fut placé sur
a frégate la Flore, avec mission d'essayer les
montres marines, au nom de l'Académie. En
1774 et en 1775, il fit partie d'une expédition
qui toucha aux Açores, aux lies du cap Vert,
et qui longea une partie de la côte d'Afrique.
Nommé lieutenant de vaisseau à son retour,
il fut ensuite envoyé aux îles Canaries et
chargé d'en déterminer la position avec exac-
titude ; on comprend combien cette mission
était importante au point de vue de la science,
puisque, à cette époque, la plupart des peuples
de l'Europe comptaient les longitudes a partir
de l'île de Fer, la plus occidentale des Cana-
ries. Ce fut alors que Borda, pour déterminer
avec plus de précision les points d'une côte,
substitua aux anciennes méthodes celle des
relèvements astronomiques, et employa pour
cette opération délicate les instruments- de
réflexion ; et le résultat de ses observations
fut une magnifique carte des îles Canaries et
de la côte d'Afrique. Il fit ensuite, avec le
comte d'Estaing, les campagnes de 1777 et
1778, en qualité de major général. En 1781, il
eut le commandement du vaisseau le Guerrier;
l'année suivante, il fut chargé de commander
le Solitaire, vaisseau de 74 canons, et d'es-
corter un corps de troupes qu'on envoyait à
la Martinique. Après avoir rempli cette mis-
sion, il se mit en croisière, et la, attaqué par
une escadre anglaise, il fut obligé de se ren-
dre, après une héroïque résistance. Mais les
Anglais, qui connaissaient son mérite, le trai-
tèrent avec distinction, et lui rendirent la li-
berté sur parole. Déjà Borda avait fait exécu-
ter son cercle à réflexion, dont un astronome
anglais, Tobie Mayer, avait eu la première
idée, mais qui devint un instrument tout nou-
veau par les perfectionnements que le mathé-
maticien français y apporta. IV fit ensuite con-
struire, d'après les mêmes principes, des cer-
cles répétiteurs propres à faciliter les obser-
vations terrestres, et dont l'usage ne tarda pas
à se répandre par toute l'Europe. Lorsque
l'Assemblée constituante, pour créer un nou-
veau système de poids et de mesures, voulut
que des savants déterminassent avec pré-
cision la longueur d'un arc du méridien. Borda,
Méchain et Delambre furent chargés de cette
opération difficile, et ce fut Borda qui dirigea
spécialement tout ce qui se rattachait aux
expériences de physique : il imagina d'em-
ployer les règles de platine pour la mesure des
bases ; il inventa les thermomètres métalliques,
propres à indiquer les plus petites variations
de température, créa un appareil ingénieux
pour mesurer l'exacte longueur du pendule,
et toutes ces créations amenèrent de sé-
rieux progrès dans la physique expérimentale.
Dans les dernières années de sa vie, Borda
s'était livré à d'importants travaux sur les
réfractions. Delambre a vu deux copies d'un
mémoire considérable, que l'auteur ne voulut
pas encore lui communiquer parce qu'il ne
le trouvait pas assez panait. Malheureuse-
ment ce mémoire n'a pas été retrouvé dans
les papiers que l'illustre physicien laissa en
mourant.
Nous citerons, en terminant, les termes dans
lesquels M. Biot apprécie les travaux de
Borda, envisagés seulement dans leur rapport
avec la navigation, « Il doit être regardé, dit-
il, comme un des hommes qui ont le plus con-
tribué aux progrès de l'art nautique, tant par
les instruments exacts qu'il adonnés aux ma-
rins que par l'adresse avec laquelle il a su
rapprocher d'eux les méthodes géométriques,
sans rien ôter à celles-ci de leur exactitude.
L'époque à laquelle il a publié ses observa-
tions doit être regardée comme celle ou les
marins français ont abandonné les routines de
l'ignorance pour se guider par le flambeau
d'une science exacte. »
Outre les mémoires et les travaux dont nous
avons parlé, on doit à Borda : Voyage fait par
ordre au roi en Mil et 1772, en diverses parties de
l'Europe et de l'Amérique, pour vérifier l'uti-
lité de plusieurs méthodes et instruments ser-
vant à déterminer la latitude et la longi-
tude, etc., en collaboration avec MM. Verdun
de la Crenne et Pingre (1778, 2 vol. in-4«)
;
Description et usage du cercle de réflexion
(1787); Tables trigonométriques décimales, ou
Tables des logarithmes, des sinus, sécantes et
tangentes, suivant la division du quart de cer-
cle en îoo degrés, revues, augmentées et pu-
bliées par Delambre (Paris, 1804).
La reconnaissance des marins a perpétué le
souvenir de Jean Borda en donnant son nom
au vaisseau-école, ordinairement en rade de
Brest, sur lequel sont embarqués les jeunes
gens que le concours a déclarés «dmissibles,
et d'où ils sortent, après avoir subi convena-
blement leurs examens, avec le grade d'aspi-
rant. Le Borda est une pépinière de braves
officiers, et la plupart de nos gloires navales
ont navigué pour la première fois sur ses
vieilles planches.
BORDA
BORDA (Siro), médecin italien, né à Paris
en 1761, mort à Milan en 1824. Dès qu'il se fut
fait recevoir docteur, il fut nommé répétiteur
de matière médicale, et plus tard professeur
titulaire. Il remplit cette fonction avec un zèle
(jui lui valut le respect et l'affection d'une
jeunesse studieuse. 11 avait d'abord adopté la
doctrine du contro-stimulisme ; mais il en re-
connut plus tard la fausseté, et comme il avait
rédigé d'importants manuscrits dans un sys-
tème gu'il se voyait forcé d'abandonner, il les
fit brûler sous ses yeux avant de mourir.
BORD
Quand les événements politiques firent rentrer
la Lombardie sous la domination de l'Autriche,
Borda se vit en butte à des vexations qui du-
rent abréger son existence.
BORD
BORD AGE s. m. (bor-da-je— rad. border).
Action de border : Le BORDAGE d'une robe,
d'une paire de souliers.
— Mar. Planches épaisses qui couvrent en
dehors les côtes ou la membrure intérieure
et extérieure d'un navire : Les BORDAGES du
premier pont, du second pont. Les BORDAGES
de carène. On n'entend plus le maillet du calfat
qui enfonçait l'étoupe entre deux BORDAGES.
(Jal.) il Franc bordage, Bordage extérieur ou
bordage proprement dit, le bordage intérieur
s'appelant plus souvent serrage ou vaigre.
— Archit. hydraul. Planches qui revêtent
le coffre renfermant la maçonnerie sur la-
quelle on veut fonder une jetée.
— Techn. Action, manière de border, de
mettre une bordure : Le BORDAGE d'un sou-
lier. Le
BORDAGE
BORDAGE s. m., (bor-da-je — rad. borde).
Féod. Tenurequi avait lieu lorsqu'on donnait
une borde à quelqu'un, à la condition de rem-
plir un office de basse domesticité. I! Droit de
bordage, de bordelage ou de bourderie, Droit
que le seigneur exigeait de tout laboureur
tenant une métairie, et proportionné au re-
venu que celui-ci en tirait.
— Agric. Ferme donnée à moitié fruit.
BORDAH
BORDAH ou BORDA s. m. (bor-dâ, — de
bor-da, mot arabe). Grand manteau porté par
les Arabes pour se garantir de la pluie, JI
Vêtement grossier à l'usage des religieux
arabes, répondant à notre froc.
Boraab, poème religieux extrêmement cé-
lèbre, composé par Ckéréf Ed-din el-Bausiri.
Le Bordah est exclusivement consacré au pa-
négyrique du prophète Mahomet, p i r lequel
l'auteur s'était cru miraculeusement guéri
pendant son sommeil. Le titre complet de ce
poème est Kaukeb ed-Derria fx medh kheïr eb-
berria, l'Etoile étincelante, ou l'Eloge de la
plus parfaite des créatures. Toutes les rimes
de ce poème sont terminées par un mim (M),
lettre initiale du nom de Mohammed. (On sait
que les poèmes arabes sont la plupart du
temps monorimes.) Le Bordah jouit, parmi les
musulmans, d'une popularité sans égale. L'ou-
vrage a été primitivement composé en arabe ;
il en a été fait une foule de commentaires, de
traductions en turc et en persan. Toute per-
sonne savante et religieuse en apprend par
cœur de longs fragments, et en cite à tout in-
stant des passages dans ses conversations.
BORDAiLLE.s. m. (bor-da-lle; II mil. —
rad. bord). Mar. Planche non dégrossie, qui
doit servir à former des bordages.
— Navig. Partie la plus voisine des bords,
s
dans un bateau foncet.
BORD
BORD A I L L E R v. a. ou tr. (bor-da-llé ; Il mil.
— rad. bord). Mar. S'est dit autrefois pour
Louvoyer, courir des bordées : La barque BOR-
DAILLA assez longtemps, après quoi elle reprit
la mer. (De Retz.) |[ On dit aussi BORDEYKR.
BORDANT
BORDANT s. m. (bor-dan — rad. bord).
Mar. Ralingue inférieure d'une voile, il On dit
aussi BORDURE.
BORDANTBORDANT (bor-dan) part. prés, du v. Bor-
der : Des maisons BORDANT la rue.
•
BORDANT,BORDANT, ANTE adj. (bor-dan, an-to —
rad. border). Bot. Se dit d'une aigrette qui
n'offre qu'un léger bord membraneux : Ai-
grette BORDANTE.
BORDASBORDAS (Pardoux), conventionnel, qui fut
d'abord nommé membre de l'Assemblée légis-
lative par le département de la Haute-Vienne.
A la Convention, il vota pour la détention de
Louis XVI. On le chargea, en 1794, d'une
mission à Bordeaux, avec Jean-Bon-Saint-
André. Il entra plus tard au conseil des Cinq-
Cents, puis à celui des Anciens, et fut même
quelque temps choisi pour présider cette der-
nière assemblée. Après le 18 brumaire, il fut
employé comme chef de division au ministère
de la justice, et, en 1807, on le nomma juge
suppléant à la cour de justice criminelle.
BORDAS-DEMOULIN
BORDAS-DEMOULIN (Jean-Baptiste), phi-
losophe et littérateur français, né à La Berti-
nie, près de Bergerac en Périgord (Dor-
dogne), le 21 février 1798, mort à Paris le
24 juillet 1859. Orphelin de père et de mère
presque à son berceau, recueilli et élevé par
sa tante, il mena jusqu'à l'âge de quatorze uns,
dans les bois du Périgord, une existence demi-
sauvage. En 1813, il se rendit à Bergerac pour
commencer ses études classiques. Il lisait beau-
coup, dit son biographe M. Huet, étudiait, mé-
ditait sans cesse, négligeant son corps, au
point d'en devenir tout pâle, et si faible que
J
iarfois il pouvait à peine marcher. En 1819,
a soif de savoir qui devait le tourmenter jus-
qu'à la mort le conduisit à Paris. Là, vivant
très-retiré et menant une pauvre existence, il
se livra à l'étude de la philosophie, des mathé-
matiques, de la théologie et du droit canon ;
il médita longtemps de Bonald, de Maistre,
puis Condorcet; il lut et relut Platon, saint
Augustin, 'Plotin, Descartes, Malebranche,
Leibnitz. A vingt-six ans, il conçut son sys-
tème philosophique ; à trente-deux,'il se trouva
en possession de ses principales idées.
On ne s'enrichit guère au métier que fai-
sait Bordas. Malgré ses privations, il eut bien-
BORD
tôt épuisé toutes ses ressources. Voyant que
le revenu de sa propriété de La Bertinie ne
pouvait le faire vivre, il la vendit, en retira
10,000 fr. dont il laissa le tiers à sa tante, et
puisa dans ce pauvre capital, jusqu'à extinc-
tion complète, ce qui ne se fit pas longtemps
attendre. D'un caractère tendre, ombrageux,
et plein de cette insouciance pour la vie ma-
térielle qui caractérise assez souvent ceux
qu'absorbe la pensée, Bordas ne put arriver à
se suffire à lui-même. Sans quelques amis, il
serait littéralement mort de faim. Il fut sou-
v e n t réduit à un morceau de pain. Quelquefois,
par faiblesse, il gardait le lit toute la journée,
chancelait, se retenait aux murailles pour ne
point tomber dans la rue, et marchait chaussé
de vieux souliers ramasses au coin des bornes.
M. Huèt nous raconte qu'un jour, n'ayant plus
que quelques sous, à bout de toute espérance,
au lieu d'acheter du pain, il paya de son der-
nier argent une séance au cabinet de lecture,
lut un livre qu'il avait désiré connaître, puis
pâle, épuisé, se traîna chez lui pour attendre
•la mort. Une visite le sauva. Quelques amis
dévoués se décidèrent alors à se charger corn-
1
plétement de lui, et il put enfin échapper à la
misère, à ce qu'il appelait « les extrémités
terribles. »
BordaS-Demoulin publia d'abord ses Lettres
sur l'éclectisme et te doctrinarisme (1838), où
il attaquait vigoureusement ces deux systèmes.
Il composa ensuite, pour un concours de l'Aca-
démie des sciences morales et politiques, son
ouvrage sur le Cartésianisme, travail qui fut
couronné en -séance publique, au mois de mai
1841, et publié en 1843. A cette époque, une
pension annuelle de 1,200 fr. fut accordée à
Bordas sur les fonds du ministère de l'in-
struction publigue. Il a donné depuis : Mé-
langes philosophiques et religieux fl846) con-
tenant un remarquable Eloge ae Pascal,
couronné par l'Académie française en 1842, et
un Discours sur Voltaire; les Pouvoirs consti-
tutifs de l'Eglise (1855), où l'auteur s'élève
contre l'ultramontanisme, le jésuitisme et le
marianisme; avec M. Huet, les Essais de re-
forme catholique (1856). Il a fourni au Diction-
naire de la conversation un certain nombre
d'articles relatifs à l'histoire de l'Eglise con-
stitutionnelle, et qui sont l'apologie de l'évêçpie
Grégoire et de ses amis. Il est mort à l'hôpital
La Riboisière en 1859. Deux volumes d'œuvres
posthumes de Bordas ont été publiés en 18G1,
par M. Huet.
Homme du xixe siècle par la largeur de son
libéralisme, Bordas-Demoulin est du xvn° par
son spiritualisme à contours très-arrêtés et
par sa foi catholique. Il reprend et continue,
en philosophie, la tradition cartésienne ; en
théologie, fa tradition gallicane et la tradition
jans'é*niste. Son catholicisme n'a rien de com-
mun avec celui de de Bonald et de Joseph de
Maistre. Cet enfant de l'Eglise ne craint pas
de dire à sa mère de dures vérités ; c'est un
vigoureux adversaire de la bulle Unigenitus,
de l'Immaculée conception, de l'infaillibilité
papale et d e l à théocratie du moyen âge.
Trois grandes théories constituent le sys-
tème philosophique de Bordas-Demoulin : la
théorie des idées, celle de la substance et celle
de l'infini. Nous allons les exposer sommaire-
ment.
— Théorie des idées. La philosophie, dit
Bordas, est la connaissance des moyens de
connaître, c'est-à-dire des idées. L'idée est ce
qui est perçu, saisi par l'acte de la pensée. Il
ne faut pas confondre l'idée avec l'image.
L'image d'un triangle, c'est la représentation
qu'on s'en forme dans l'imagination; l'idée,
c'est ce que l'on conçoit par l'intelligence
pure, quand on dit que c'est une figure à trois
côtés. Où l'intelligence le conçoit-elle? En
elle-même sans doute, puisqu'elle ne peut rien
comprendre sans voir en soi-même et par soi-
même ce qu'elle comprend. Néanmoins la
vérité qu'elle comprend, que c'est une figure
à trois côtés, étant éternelle, il faut qu'elle la
conçoive en même temps dans une intelligence
éternelle. Les idées qui sont dans l'âme en
constituent l'être, la substance ; les idées qui
sont en Dieu en constituent la substance pa-
reillement. Voilà la théorie des idées. On la
méconnaît en excluant de la pensée : 1° ou les
idées humaines ; 2° ou les idées divines ; 3° ou
les unes et les autres, et n'y laissant que les
sensations. Supprimez les idées humaines; la
pensée réduite aux idées divines ne nous ap-
partient plus ; c'est Dieu qui pense en nous et
pour nous, la connaissance disparaît. Suppri-
mez les idées divines, en qui se trouve 1 éter-
nelle réalité du vrai; la pensée réduite aux
idées humaines n'est plus capable d'aucune
connaissance effective, puisque dans toute con-
naissance effective il entre quelque vérité
étemelle. Otez les idées divines et les idée?
humaines, et ne laissez que les sensations, et
la pensée s'anéantit. La théorie des idées, ou
le système de la vérité, a pour auteur Platon ;
le premier système de l'erreur, Zénou de Cit-
tium; le second, Aristote; le troisième, Epi-
cure. Ainsi, il n'y a et ne peut y avoir que
quatre philosophies : l'une vraie, les trois
autres erronées, toutes les quatre constantes.
Toute la philosophie de l'histoire tient dans ce
cadre. Platon est suivi par Philon le Juif,
Plotin, saint Augustin, Bossuet, Leibnitz;
Aristote par saint Thomas, Arnauld, Régis,
Reid, Kant, Fichte, Maine de Biran; Zenon,
par Malebranche, Fénelon, Spinosa,Berkeley,
Schelling, Hegel, de Bonald; Epicure, par
Bacon, Hobbes, Gassendi, Locke, Condillac,
de Tracy.
BORD
— Théorie de la substance. Quand on exa-
mine la constitution intime de l'être pensant,
on découvre que, dans sa parfaite unité, elle
enferme deux éléments : l'un qui est force ou
vie, l'autre qui est étendue ou quantité- Que
y
l'élément vie disparaisse, et l'élément quantité,
de soi inerte, est dès lors incapable de subsister,
l'existence supposant quelque force ou activité.
Que l'élément quantité disparaisse, et l'élément
vie manque de règle et de point d'arrêt, et s'é-
chappe a lui-même dans une invincible indé-
termination. Il ne peut se déterminer comme
pluralité, puisque, de soi, il est indivisible. Il
ne peut se déterminer comme unité j car, pour
être indivisibïe,il n'est pas un et, de lui-même,
ne saurait le devenir, faute de pouvoir être
mesuré par l'unité, laquelle ne vient pas seule-
ment de la force, mais de la quantité. Ni un
ni plusieurs, qu'est-il? Donc la vie lie la quan-
tité, et \o.j}uaniité fixe et organise la vie. La vie
pure, la quantité pure, ne «ont que des abstrac-
tions sans fondement dans les choses. Nulle
substance qui ne résulte de leur indispensable
union. Les deux éléments se trouvent dans la
' substance spirituelle comme dans la substance
matérielle. La substance spirituelle est quan-
tité comme la substance matérielle ; la sub-
stance matérielle est force ou vie comme la
substance spirituelle. Comme on ne spiritualise
pas la matière en lui accordant une activité et
des forces physiques, on ne matérialise pas
davantage 1 esprit en lui attribuant une quan-
tité ou étendue intelligible. Le dualisme esprit
et matière subsiste, mais les deux substances
ayant la même constitution se rapprochent, et
la difficulté de leurs rapports, qui a si fort
agité les philosophes, disparaît. L'élément
quantité nous donne les idées de grandeur,
les idées mathématiques; l'élément force ou
vie, les idées de perfection. Dans les idées de
perfection, il ne s'agit que d'achevé ou d'ina-
chevé, d'accompli ou d'inaccompli, enfin de
arfaitou d'imparfait, selon l'énergie originelle
u mot parfait, qui veut dire complètement
fait, le principe du faire étant la vie, la force.
Dans les idées de grandeur, il ne s'agit pas de
perfection, mais de grand et de petit, d'égal
et d'inégal. La force qui est dans un être
donné peut répondre à des idées de grandeur,
mais a une condition, c'est qu'elle soit dans
un rapport rigoureux avec 1 étendue, ce qui
n'arrive que dans le règne inorganique; aussi
ce règne présente-t-il seul un mécanisme cal-
culable. Dans les règnes végétal, animal, pen-
sant, la force ne peut donner que des idées de
perfection, parce qu'elle ne se trouve pas dans
un rapport rigoureux avec l'étendue. Pour ne
pas faire cette distinction, il arrive qu'on traite
les idées de perfection à la manière des idées
de grandeur, et qu'on dénature, qu'on renverse
les sciences qui en dépendent, qu'on les rem-
place par des fictions ou des monstruosités.
Les idées de grandeur étant plus aisées à com-
prendre, l'esprit humain est toujours prêt à y
tout ramener, et à ne voir partout qu étendue
et mécanisme ; aussi sont-elles rarement trai-
tées à la manière des idées de perfection, ce
qui explique pourquoi les mathématiques n'é-
P
rouvent presque jamais des autres sciences
altération dont elles les frappent. De cette
distinction de la force et de la quantité, des
idées de grandeur et des idées de perfection,
suit cette conséquence que l'application du
calcul des probabilités aux phénomènes de
l'univers, aux événements de la vie et des so-
ciétés, ne peut que conduire à des résultats
faux ou illusoires, et que c'est chimère de sup-
poser possible, à l'exemple'de Leibnitz, une
langue universelle qui dans chaque espèce de
connaissances servirait à rendre et à démon-
trer la pensée comme les symboles dans les
mathématiques.
— Théorie de l'infini. L'infini n'est ni unité
seulement, comme le croient les métaphysi-
ciens, depuis Plotin, ni nombre seulement,
comme le croient les mathématiciens, depuis
Eutocius d'Ascalon ; il est unité et nombre à la
fois, de même que la substance est force et éten-
due. L'infini est la manière d'exister, de toute
substance. En effet, la quantité étant divisible
a l'infini contient une infinité de parties ; cha-
cune de ces parties étant à son tour divisible
à l'infini contient une infinité d'autres parties,
et cela sans terme. Si la force d'une substance
n'est point divisible, elle a une infinité de de-
grés jouissant de propriétés différentes, et
• correspondant à l'infinité de parties de la
quantité; chaque degré a une infinité d'autres
degrés jouissant de propriétés différentes, et
correspondant a l'infinité de parties que con-
tient chaque partie de la quantité. Ces infinités
d'infinités de degrés et de parties de la force
et de la quantité indissolublement unies for-
mulent des infinités d'infinités d'ordres dans les
substances. On voit que l'infini est partout, 'et
le fini nulle part; que toute substance est un
infini j en d'autres termes que, contrairement
à l'opinion des anciens, c'est le fini qui est né-
gatif, et l'infini qui est positif. Impossible dé
trouver le fini. Le chercherez-vous dans les
choses examinées en elles-mêmes? Vous n'y
trouverez que la force et la quantité, et par-
tant que l'infini. Le chercherez-vous dans les
idées qui représentent les choses à l'esprit?
Vous n'y trouverez que des idées de perfec-
tion et des idées de grandeur; dès lors encore,
que l'infini. L'infini est donc la manière d'exis-
ter de tout, substances et idées? Que serait le
fini, absolument fini, le fini dans la rigueur du
mot? Les idées sans rien qui représente la
f
>erfection et la grandeur, la force sans degrés,
a quantité sans divisibilité, un je ne sais quo
BORD
sans propriété, sans fondement en soi-même,
et sans raison dans la pensée. Si la philosophie
de Bordas-Demoulin élimine complètement le
fini pur, le fini rigoureusement fini, elle dis-
tingue soigneusement l'infini absolu, qui est
infini en tous les sens, et les infinis relatifs ou
particuliers, qui sont infinis par certains côtés
et finis par certains autres. Il n'y a qu'un seul
infini absolu; il y a un nombre infini d'infinis
relatifs; entre l'infini absolu et tout infini rela-
tif, il y a une distance infinie. Cette distinction
de l'infini absolu et des infinis relatifs ruine
l'optimisme de Leibnitz et de Malebranche.
• Ces deux philosophes prétendent que, parmi
l'infinité des mondes possibles, il y en a un qui
est le meilleur, et que pour cela Dieu a été
obligé de le choisir. Mais, leur répond Bordas,
ce meilleur monde n'est qu'un infini relatif,
sans quoi il se confondrait avec l'infini absolu,
avec Dieu; il est donc fini en quelque manière,
et par conséquent implique toujours des infi-
nités d'infinis au-dessus de soi, de sorte que
l'œuvre de Dieu est à l'infini au-dessous de ce
Q
u'elle pourrait être. Ainsi, la vraie conception
e l'infini montre que l'idée d'un monde con-
tenant l'extrême perfection ne saurait exister,
et partant ne peut être l'objet de l'intelligence
de Dieu, ni nécessiter le choix de sa sagesse.
V. IDÉE, INFINI, SUBSTANCE.
B O R D Â T s. m. ( bor-da — rad. bord).
Comm. Petite étoffe étroite, qu'on fabrique
en Egypte.
BORDAZAR
BORDAZAR DE ARTAZU (Antoine), impri-
meur et littérateur espagnol, né à Valence
en 1671, mort en 1744. Il apprit seul le latin,
et cette étude éveilla en lui" le désir de fixer
l'orthographe et les principes grammaticaux
de sa propre langue. Il forma aussi le projet
de fonder à Valence une Académie de mathé-
matiques, et, quoiqu'il eût obtenu d'abord de
grands encouragements, il ne put réaliser son
plan; mais il voulut du moins se rendre utile
en ouvrant des cours gratuits d'arithmétique,
d'architecture et de géométrie. U publia d as-
sez nombreux ouvrages, dont les plus remar-
quables sont : Orthographe espagnole (1728,
in-8°), qui eut plusieurs éditions, et Proposi-
tion pour l'établissement de mesures et de poids
uniformes (1741).
BORDE
BORDE s. f. (bor-de — anc. haut allem.
bort, planche). Vieux mot qui signifiait mé-
tairie, et qui est encore usité ,dans quelques
provinces :
Ce n'est pas tout d'avoir plaisante forme,
Bordes, troupeaux, riche père et puissant.
MAROT.
BORDEBORDE (André) , surnommé Perforait»,
médecin anglais, né dans le comté de Sussex
vers 1500, mort en 1549. Il quitta l'ordre des
chartreux pour étudier la médecine, parcou-
r u t une partie de l'Europe et le nord de
'l'Afrique, se fit recevoir docteur à Montpel-
lier (1542), et, de retour dans sa patrie, il se
fixa à Londres. ' Borde fut nommé premier
médecin d'Henri VIII, et n'en mourut pas
moins dans la misère. Selon quelques-uns, il
finit ses jours dans la prison pour dettes;
d'après Bayle, il se serait empoisonné, parce
u'on aurait découvert qu'il tenait une maison
e prostitution. Ses principaux écrits sont :
Introduction aux sciences (Londres, 1542,
in-4o), moitié en vers, moitié en prose; Prin-
cipes d'astronomie (Londres, 1542); Manuel de
santé (Oxford, 1547-1575,2 vol.in-8<>), conte-
' nant, par ordre alphabétique, une indication
de toutes les maladies et de leurs remèdes,
à l'usage des gens du monde. Selon Feller,
c'est le premier ouvrage sur la médecine qui
ait été écrit en anglais. Citons encore la
Diète considérée comme principe fondamental
de la santé (1562), et les Contes joyeux a*n four
de Gotham, qui eut de nombreuses éditions.
BORDE
BORDE (Louis), mécanicien, né à Lyon en
1700, mort en 1747. Il perfectionna le cabes-
tan, inventa un diviseur mécanique applicable
à tous les instruments de mathématiques, une
machine pour le perfectionnement des verres
et miroirs, ainsi que diverses mécaniques ingé-
nieuses.
BORDE
BORDE (Charles), poète et littérateur, né à
Lyon en 1711, fit ses études au collège de la
Trinité de cette ville. Sa famille le destinait
au barreau ; mais, étant venu à Paris, il s'y
lia avec les plus célèbres écrivains, et fut en-
traîné vers la littérature par les agréments
qu'il trouva dans leur compagnie. Il avait à
peine vingt-cinq ans lorsqu'il composa Blan-
che de'Bourbon, tragédie en cinq actes, qui
eut quelque succès dans les cercles que fré-
quentait l'auteur; elle lui valut une.Epitre^
de J.-J. Rousseau; mais, malgré les encou-
ragements de ce dernier, Borde refusa con-
stamment de mettre sofl œuvre au théâtre. Il
quitta Paris sans avoir rien publié, et revint
dans sa ville natale avec le désir de se livrer
tout entier a des travaux littéraires. Il y était
en 1741, époque à laquelle J.-J. Rousseau l'y
revit, comme il le dit dans ses Confessions
(lie part. liv. VII). En 1745, Borde fut reçu de
l'Académie de Lyon : le discours de réception,
ingénieusement mêlé de vers et de prose, qu'il
prononça à cette occasion, ne nous-est pas
parvenu. J.-J. Rousseau ayant remporté en
1750 le prix proposé par l'Académie de Dijon,
en soutenant la négative sur la célèbre ques-
tion : o Le rétablissement dès lettres et des
arts a-t-il contribué à^épurer les mœurs?»
Borde crut devoir soutenir l'opinion contraire,
et lut une réfutation du Discours de Rousseau
dans la séance de l'Académie de Lyon du
BORD
22 juin 1751. L'œuvre de Borde eut du reten-
tissement: Rousseau lui fit l'honneur d'une
réponse. Borde répliqua d'un ton plus décidé,
comme le dit Rousseau dans ses Confessions.
(Ce nouveau discours fut publié à Lyon en
1753, in-8°.) Jean-Jacques eut le dernier mot
dans sa Préface de Narcisse; mais, dès l'an-
née suivante (1754), Borde recommençait les
hostilités par un opuscule sur la Musique fran-
çaise , dont le philosophe genevois s'était fait
l'adversaire. Cet opuscule n'ajamais été im-
primé. Le secret de cette lutte de Borde
contre J . - J . Rousseau était dans sa liaison
avec Voltaire, liaison qui devint une véri-
table amitié à l'occasion de l'accueil que fit à
Lyon, en 1754, le littérateur lyonnais devenu
directeur de l'Académie de sa ville natale, au
philosophe de Ferney. Un séjour que fit Borde
&ux.Délices augmenta encore cette amitié, et lui
inspira plusieurs pièces de vers où il pousse
l'enthousiasme lyrique jusqu'à comparer son
hôte à une divinité. De Ferney, Borde alla vi-
siter l'Italie, d'où il écrivit onzelettres-qui se
trouvent dans le supplément de ses oeuvres.
Les vers dont il salua sa patrie à. son retour,
en 1756, sont les meilleurs qu'il ait faits, sui-
vant La Harpe. En 1759, il fut reçu à la So-
ciété royale de Nancy, sur la proposition du
comte de Tressan. Le discours qu'il prononça
à cette occasion, et dans lequel il s'attacha à
définir et à caractériser le génie, est un de ses
meilleurs ouvrages. C'est à cette époque que
Borde fit, en Hollande et en Angleterre, ce
voyage que J.-J. Rousseau assure, dans ses
Confessions, avoir été entrepris « exprès pour
lui nuire. » La vérité est que la 2
e
lettre de
l'opuscule le Docteur Pansophe, où Rousseau
est tourné en ridicule d'une façon plaisante et
ingénieuse, est bien de Borde, et comme l'ou-
vrage fut publié à Londres (I766,in-12), Jean-
Jacques a pu s'y tromper. Borde, d'ailleurs,
avait publié contre lui, en 1761, la Prédiction
tirée d'un vieux manuscrit, et, en 1763, la Pro-
fession de foi philosophique, satires qui firent
tant de peine au philosophe genevois. Vers la
même époque, Borde fit imprimer, sous le
voile de l'anonyme, le Tableau philosophique
du genre hun\ain depuis l'origine du monde
jusqu'à Constantin, et le Catéchumène, qu'on
attribua à Voltaire. Le dernier de ces ou-
vrages, dirigé contre la religion, fit grand
bruit. Voltaire lui-même le désavoua. Parle-
rons-nous d'un poème licencieux, le Para-
pilla, dont quelques amis de Borde ont nié
qu'il fût l'auteur? Ils se trompaient évidem-
ment, puisque, le 10 avril 1773, Voltaire écri-
vait à Borde : <• Quand vous aurez mis la der-
nière main à cet agréable ouvrage, il sera un
des meilleurs que nous ayons en ce genre, en
italien et en français. » Rien de plus gai, de
plus lestement écrit que ce petit poème, qui
fut publié à Florence (juillet, 1776, in-8° de
49 p.). LaPapesse/eanne, poème en dix chants,
parut ensuite, mais était bien inférieure en
mérite. En 1778, Borde, qui depuis son retour
de Londres habitait Paris, où cette fois il
avait réussi à faire parler de lui, revint à
Lyon, où il avait résolu de finir ses jours. Les
jésuites venaient d'être chassés du royaume;
il fallait réformer la méthode de l'enseigne-
ment ; Borde fut consulté par ses concitoyens,
et ce fut à cette occasion qu' il composa ses
Observations sur la langue française, et ses
Pensées sur l'éducation. Dans ce dernier ou-
vrage , revenu de « ses folles erreurs de l'âge
mûr,» il s'efforce de démontrer que l'éloquence
est un art dont la philosophie se sert pour
cacher son poison. Il mourut le ] 5 février 1781.
Son éloge fut prononcé à l'Académie de Lyon,
dont il avait dirigé si longtemps les séances,
par M. de Bory. Le chevalier de Cubiêre et
l'abbé La Serre firent des vers sur sa mort.
L'abbé Guillon, en 1785, sous le titre de Tri-
but d'amitié à la mémoire de M. Borde, pu-
blia de lui un nouvel éloge; mais la notice la
plus complète qui ait été faite sur le poëte
lyonnais est celle d'un de ses compatriotes,
M. Péricaud aîné, dans les Archives histori-
ques et statistiques du département du Rhône,'
en 1824. Les œuvres diverses de Borde ont'
été recueillies par l'abbé Castillon, de l'Aca-
démie de Lyon (Lyon, Faucheux, 1783,4 vol.
in-8°). On y remarque une comédie en vers, le
Betour de Paris, et un Essai sur l'opéra, tra-
duit d'Algarotti ; mais ces quatre volumes ne
contiennent ni le Catéchumène, ni le Tableau
philosophique du genre humain, ni le Docteur
Pansophe, ni aucun des ouvrages licencieux
de l'auteur. Un cinquième volume, publié la
môme année (1783), par le libraire Faucheux,
sous le titre de Œuvres libres, galantes et
philosophiques, renferme,, outre les Lettres
d'Italie, un choix de pièces libres et erotiques
dont la plus remarquable a pour titre : Vers
sur le bref du pape Clément XIV qui défend
la castration dans ses Etats, et le fameux
Parapilla , aujourd'hui presque introuva-
ble. L'édition de Florence, dont nous avons
Farlé, était fautive, et avait été imprimée à
insu de Borde, h qui on avait volé le ma-
nuscrit; mais le petit poëme avait aussi été
publié dans le Plus joli des recueils ou Amuse-
ment des dames, suivi du Joujou des demoi-
selles (Londres, 177S, in-8°), etc.
BORDAGEBORDAGE d'un chapeau. Le BORDAGE
d'un habit, il Bandes de papier gris collées au
pourtour des toiles tendues.
BORDE
BORDE (Jean-Benjamin DELÀ), musicien et
écrivain français, mort en 1794, était premier
valet de chambre et favori de Louis XV, à la
mort duquel il obtint une place de fermier
général. Arrêté pendant la Terreur, il périt
sur l'échafaud. On a de lui : Choix de chan-
sons mises en musique (1773, l vol. in-8°) ; Es-
BORD 993
sai sur la musique ancienne et moderne (1780,
4 vol. in-^o); Mémoire sur les proportions
musicales (1781, in-4°) ; Description générale
et particulière de la France (1781-1796,12 vol.
in-fol.) ; Essai sur l'histoire chronologique de
plus de quatre-vingts peuples de l'antiquité
(1783-1789, 2 vol.) ; Mémoires historiques sur
Raoul de Coucy (1781); Tableaux topographi-
ques, géographiques, historiques, pittoresques,
physiques, etc., de la Suisse (1780-1788, 4 vol.
in-fol.) ; Relation des voyages de Saugnier à la
côte d'Afrique (1791 -1799 , in-8°); Histoire
abrégée de la mer du Sud (1791, 3 vol.). De
la Borde ne se borna pas h s occuper de litté-
rature et à publier des ouvrages que sa grande
fortune lui permettait de faire imprimer somp-
tueusement, il s'adonna aussi à la composition
musicale, et donna quelques opéras-comiques
fort médiocres : Gilles, garçonpeintreinss) ; Is-
mène et Ismenias; Annette et Lubin; Amadis,etc.
Il réussit beaucoup mieux dans la chanson ; ses
compositions en ce genre ont du naturel, et
quelques-unes furent bien accueillies. Enfin,
Benjamin de la Borde dessina aussi des cartes
de géographie, dont plusieurs sont encore
recherchées. — Sa femme, Adélaïde de la
BORDE,
BORDE, a publié des Poèmes imités de l'an-
glais (1785).
BORDÉ^
BORDÉ^ ÉE (bor-dé) part. pass. du v. Bor-
der. Muni, garni sur les bords : Cette île est
BORDÉEBORDÉE de rochers affreux. (Fén.) Les côtes
, d'Italie sont BORDÉES de marbres et de pierres
de différentes espèces. (Buflbn.) Je nai pas
toujours eu les yeux éraillés et BORDÉS d'écar-
late.(Vo\t.) Le royaume d'Astracan était BORDÉ
d'un côté par la mer Caspienne-; de Vautre,
par les montagnes de Circassie. (Volt.) Toutes
ces-petites routes étaient BORDÉES et traversées
d'une eau limpide et claire. (3.-3. Rouss.)
. . . Ils arrivèrent dans un pré
Tout bordé de ruisseaux, de fleurs tout diapré.
LA FONTAINE.
Il Muni d'un bord, d'une bordure : Un man-
teau
BORDÉBORDÉ s. m. (bor-dé — rad. border).
Techn. Galon d'or, d'argent ou de soie, dont
on se sert pour border les vêtements ou les
meubles : Un BORDÉ d'or, de soie. Mettre un
BORDÉBORDÉ d'herrriine. Un chapeau qui n'est
pas encore BORDÉ.
— Mar. Vaisseau bien bordé, Vaisseau dont
les coutures sont étroites, et égales. Il Voile
bordée, Voile tendue au vent.
— Blas. Se dit de toutes les nièces dont les
bords ont un filet d'un émail particulier :
Famille de Cessac : D'argent, à une bande de
gueules BORDÉE de sable.
— Hist. nat. Se dit d'une surface qui a un
bord coloré.
— Miner. Se dit d'un cristal dont les arêtes
sont coupées et remplacées par deux facettes
peu inclinées l'une par rapport à l'autre, et
Formant une sorte de bordure : Chaux flua-
tée BORDÉE.
BORDÉBORDÉ à des rideaux, à une tenture.
BORDBORD EAU s. m. (bor-do — v. l'étym. de
BORDEL) . S'est dit anciennement pour BORDEL :
Qui mettant â l'encan l'honneur dans les bordeaux...
RÉGNIER. '
Il vit au cabaret pour mourir au bordeau.
RÉGNIER.
Il On a dit plus anciennement BORDEAX.
B O R D E A U X s. m. (bor-dô). Vin très-esti-
mé, des environs de Bordeaux : BORDEAUX
rouge. BORDEAUX blanc. BORDEAUX vieux.
Le BORDEAUX. Du BORDEAUX. Une pièce, une
bouteille de BORDEAUX. Unverrede BORDEAUX.
Le
BORDEAUXBORDEAUX est le seul vin que son inimitable
bouquet mette à l'abri de la contrefaçon. (Brill.-
Sav.)
J'estime le bordeaux, surtout dans sa vieillesse.
J'aime tous les vins francs, parce qu'ils font aimer.
A. DE MUSSET.
Le bordeaux.
Le mursaulx.
L'ai que Ton chante,
Vont donc enfin m'fitre connus.
BÉRÀNGER.
— Encycl. On donne généralement le nom
de vin de Bordeaux aux vins récoltés dans les
onze départements qui forment la région dite
du Sud-Ouest : Gironde, Dordogne, Landes,
Basses et Hautes-Pyrénées, Gers, Haute-
Garonne, Lot, Lot-et-Garonne, Tarn et Tarn-
et-Garonne ; mais, dans cette république com-
posée de onze Etats, la Gironde trône comme
un astre au milieu d'humbles satelliteSj comme
une reine au milieu de princesses qui émail-
lent sa cour. Les vins de la Gironde se clas-
sent en quatre espèces, suivant les terrains
où sont plantées les vignes : Graves, Côtes,
Palus et Entre-deux-Mers.
Sous la dénomination de Graves sont com-
pris les crus de : ChâteauT-Margaux, Château-
Laffitte, Château-Latour et Château-Haut-
Brion, vins désignés sous le nom général de
Médoc;y\iis ceux de Brane-Mouton, Cos-d'Es-
tournel, Durefort, Lascombes, Léoville, Mou-
ton, Pichon de Longueville, Rauzan, Desmi-
rail, Dubignon,Ducru, Duluc, Fruitier, Ganet,
Giscours, Lagrange, Barton, Lanoir, Mon-
trose, Pouget, Malescot, Delage, Bekker, Bey-
chevelle, Calon-Lestapis, Carnet, Castéja,Du-
bignon, Ferrière, Lafon-Rochet, la Lagune,
Lesparre-Duroc, Mac-Daniel, Pages, Païmer,
Saint-Pierre, Batalley, Bedout, Bourran, Pon-
tet-Canet, Cantemerle, Chaullet, Constant, Cos-
Labory, Coutanceau, Croizet, Ducasse, Grand-
Puy, Jurine, Libéral, Liversan, Lynch, la
Mission, Mouton-d'Armailhac, Castéja, Pop p,
Seguineau, Marquis d'Aligres, Le Boscq, Mo*
996 BORD
BORD BORD BORD
rin, Lanessan, Merman, Le Paveil, Pédes-
cleaux et Trouquoy-Lalande. Tous ces vins
sont produits par les communes de Margaux,
Pauillac, Pessac, Cantenac, Saint-Estèphe,
Saint-Julien, Saint-Lambert, Labarde, Saint-
Laurent, Ludon, Macau, Saint-Sauveur, Sous-
sans, Cussac, Saint-Seurin-de-Cadourne, Cis-
sac et Verteuilr
Les Côtes comprennent les crus de Saint-
Emilion,Canonet Fronsac; puis viennent ceux
de Vicomte-du-Barry, Peychaud, Marsaud,
Chatenier, Sunder, Bourg, Camillac, La Li-
barde, Bayon, Gauriac, Villeneuve, Samonac,
Saint-Seurin-de-Bourg, Comps, Saint-Ciers-
de-Ganesse, Basseins, Cenon, Camblanes,
Qumsac, Floirac, Latresne, Sainte-Foy etCas-
tillon.
Les vins de Palus, ou terrains d'alluvion,
sont les produits de : Queyries, Montferrand,
Basseins, Ambès, Camblanes, Quinsac, Va-
lentous, Saint-Gervais, Bacalan, Saint-Lou-
bès, Sainte-Eulalie, Latresne, Macau, Bau- ,
tiran, Izon, Saint-Gervais, Cubzac, Saint-
Romain, Asque, l'île Saint-Georges, Carbon-
Blanc, Ambares et la Grave. Ces vins sont
* riches, généreux, colorés, et ont un délicieux
bouquet de framboise; ils viennent immédia-
tement après les vins classés, et peuvent
servir à relever les vins usés du Médoc, avec
lesquels ils ont une certaine analogie.
h'Entre-deux-Mers, partie comprise entre
la Garonne et la Dordogne, donne les vins de
Brane, Pujols, Pellegrue, Sauveterre, Cadil- '
lac, Créon, Saint-Macaire et La Benauge.
Comme vins blancs, la Gironde s'enorgueil-
lit des crus de Sauterne, Cliàteau-d'Yquein,
Bommes, Preignac, Barsac
;
Chàteau-de-Car-
bannieux, Dariste, Gérons, Podcnsac,Toulène,
Saint-Pey, Pujols, Sainte-Croix-du-Mont,
Loupiac, Léognan , Martillac et d'autres de
qualité inférieure, comme ceux de Virelade,-
Arbanats, Budos, Laudiras, Illats, Langoiran,
Cadillac, Baurech, ïabanac, Paillet, Rions,
Beguey, Larroque,' Portets, Castres, Sùint-
Selve, Beautiran, Saint-Médard, Ayrans, La
Brède, Cambes, Cubzac, Bourg, Fronsac,
Blaye, Sainte-Roy et Castillun.
Nous allons dire'quelques mots des dix an-
tres départements comptés dans ce cercle :
1° Dordogne. La plupart de ces vins, blancs
et rouges, se trouvent sur les deux rives de
la Dordogne, et sont désignés sous le nom
général de vins de Bergerac. Pour qualités
instinctives, ils ont la légèreté, la finesse, la
franchise de goût.
20 Landes. Les vins de ces vignobles sont
de qualité secondaire, et on les convertit pour
la plupart en eau-de-vie.
30 Basses-Pyrénées. Ces vins ont perdu de
leurs qualités, sans doute à cause d'un chan-
gement apporté dans les plants ; c'est là que se
trouvait le fameux vin de Jurançon, le premier
qui mouilla les lèvres de Henri IV. Ce produit,
le blanc surtout, est corsé, généreux, mais aussi
très-fumeux. Les amateurs d'origines et de
causes premières trouveront sans doute dans
cette propriété la raison du tempérament bien
connu du roi vert-galant.
40 Hautes-Pyrénées. Ces vins doivent per-
dre dans le fût leur couleur trop foncée et
leur goût pâteux. On les emploie à donner du
corps aux vins faibles. Les plus estimés sont
ceux de Madiran et Castelnau.
5° Gers. Les vins de ce département ser-
vent surtout a. la fabrication "des eaux-de-
vie connues sous le nom d'armagnac.
6° Haute-Garonne. Vins estimés dans le
commerce, surtout s'ils proviennent des vi-
gnobles de Toulouse, de Muret ou de Villan-
drie.
70 Lot. On connaît surtout les vins noirs
de Cahors, très-précieux pour les mélanges.
8° Lot-et-Garonne. Vins estimés, entre au-
tres ceux d'Amen, de Thézac, de Péricard et
de Monflanquin. Les vins blancs de Clairac
sont surtout très-estimés.
90 Tarn. Le Tarn envoie la plupart de ses
vins à Paris. On les récolte à Gaillac, à Cus-
sac et à Caisaguet. Ils sont légers, délicats,
moelleux, et ont un excellent bouquet.
10° Tarn-et-Garonne. Assez bons vins, qui
ne sortent guère du pays.
Les vins de Bordeaux, surtout ceux de la
Gironde, sont l'honneur de la^France viti-
cole, et une des sources principales de sa ri-
chesse ; certains crus ne se vendent pas moins
de 6,000, 7,000, 8,000 et même 10,000 fr. le
•tonneau de 912 litres. Le bordeaux possède
des qualités particulières, sut generis, qui le
distinguent des vins de tous les autres pays.
Comme le Gascon, il a un assent particulier,
et on le connaît du pôle brûlant au pôle
glace. Le caractère propre de ces vins est
une belle couleur pourprée, du velouté, de la
suavité; son bouquet a de la finesse; il ne
laisse dans la bouche aucune odeur vineuse,
fortifie l'estomac sans porter à la tête, et peut
ne pas incommoder, alors même qu'il est pris
à forte dose. Il ne redoute ni les variations
de température, ni les longs voyages, qui fa-
tiguent parfois nos bourgognes. Il a certaines
propriétés qui'le recommandent particulière-
ment aux estomacs délicats; il est moins spi-
ritueux et plus doux à boire que le vin de
Bourgogne. Il convient aux vieillards, aux
malades, aux convalescents, précieuse qualité
que le vin de Bourgogne est assez généreux
pour ne pas lui envier ; mais comme un paral-
lèle entre ces deux frères ennemis peut avoir
du piquant, c'est au mot BOURGOGNE que nous
tirerons la chose au clair. Ce jour-la — et ce
sera bientôt — nous aurons sur notre bureau
un flacon de chambertin et un autre de châ-
teau-la-rose. A droite, côté du foie, syno-
nyme de santé et d'Esculape, le BORDEAUX; à
âuche, côté du cœur, synonyme d'amour et
e Vénus, le BOURGOGNE.
BORDEAUX
BORDEAUX (Christophe DE), poète, né à
Paris au xvi
e
siècle, reçut le surnom de
Leeier
c
de La Tannerie. On ne sait rien de sa
vie, et on ne le connaît que par ses écrits, où
il se montre à la fois licencieux dans ses ex-
pressions et dans ses peintures, catholique
ardent dans sa doctrine. On a de lui : Recueil
de chansons faites contre les huguenots ; les
Ténèbres et regrets des prédicants ( Paris,
1563), ouvrages aujourd'hui presque introu-
vables, et deux petits potimes : le Varlet à
louer, à tout faire, et la Chambrière à louer,
à tout faire, qui ont été réimprimés à Paris
en 1831.
BORDEAUX
BORDEAUX (Jean-Hippolyte-Raymond), ju-
risconsulte et archéologue français, né en
1821 a Lisieux. Reçu docteur en droit en 1846,
M. Bordeaux exerça la profession d'avocat à
Evreux. On a de lui plusieurs ouvrages, parmi
lesquels nous citerons : Etudes héraldiques
sur les principaux monunients de Caen (1845) ;
De la transmission du droit de propriété entre
vifs (1846); De la législation des cours d'eau
(1849) ; Excursion faite dans la vallée d'Orbec
(1850); Principes d archéologie pratique (1852);
le Département de l'Eure, description pitto-
resque (1854, 2 vol. in-fol.); Philosophie de la
procédure civile (1857), ouvrage qui a été cou-
ronné par l'Académie des sciences morales et
olitiques ; la Serrurerie du moyen âge (1859).
I. Raymond Bordeaux a donné, en outre, un
grand nombre d'articles au Bulletin du Bou-
quiniste, et à d'autres revues du même genre.
BORDEAUX,
BORDEAUX, en latin Burdigala, ville de
France (Gironde), ancienne capitale de la
Guyenne, ch.-l. de département, d'arrond. et
de six cantons, sur la rive gauche de la Ga-
ronne, qui y forme un port magnifique, à
96 kilom. S.-E. de l'embouchure de ce fleuve
dans l'Atlantique, par 440 50' de latitude N.,
et 20 54' de longitude O. ; à 583 kilom. S.-O.
de Paris; pop. aggl. 149,229 hab. — pop.
tôt. 162,750 hau. L'arrondissement comprend
18 cantons, 157 communes et 344,006 hab.
Archevêché, dont relèvent les sièges de Poi-
tiers, Périgueux, Agen, Luçon, Angoulême,
La Rochelle, Fort-de-France, la Basse-Terre,
Saint-Denis; grand et petit séminaire. Eglise
consistoriale réformée; synagogue consisto-
riale. Cour impériale; tribunaux de l
r e
in-
stance, de commerce et justice de paix; con-
seil de prud'hommes; chambre et Dourse de
commerce. Chef-lieu d'académie .pour les
départements de la Gironde, Dordogne, Lan-
des, Lot-et-Garonne et Basses-Pyrénées; fa-
culté de théologie catholique, des sciences,
des lettres; école préparatoire de médecine
et de pharmacie; lycée impérial; école nor-
male d'instituteurs; cours normal d'institu-
trices; école d'hydrographie et de naviga-
tion; cours de droit maritime; école des
mousses et novices ; école de dessin, peinture
et sculpture ; bibliothèque publique; musées,
jardin botanique, observatoire; académie im-
périale des sciences, lettres et arts. Chef-lieu
de la 14e division militaire, du 29^ arrondisse-
ment forestier, et de l'arrondissement miné-
ralojnque de la division du Si-O.; direction
des douanes; consulats étrangers. Hôtel des
monnaies (K).
Les constructions navales occupent le pre-
mier rang dans l'industrie bordelaise comme
importance et comme mérite; .il existe sept
chantiers dans la ville et trois dans la banlieue ;
ils ont.produit, en 1864, 57 navires, jaugeant
ensemble 23,907 tonneaux. On compte à Bor-
deaux 20 raffineries de sucre, de nombreuses
fabriques d'ahisette renommée, eau-de-vie, sa-
von, couvertures, tapis, faïence et porcelaine ;
des filatures de laine et de coton ; des fabriques
de chocolat, vinaigres, conserves alimen-
taires, barriques, bouchons de liège, gants de
peau, cartes a jouer. Corderie pour la marine;
verrerie a bouteille ; ateliers de cartonna-
ges, etc., etc. Bordeaux fait peu d'affaires
avec le bassin de la Méditerranée, mais il est
en relation commerciale avec le reste du
monde; le port a des services réguliers de
paquebots avec Rotterdam et Londres; de
clippers avec l'Australie"; de navires à voile
avec la Havane et le Mexique. La profondeur
de la rivière rend possible, en toute saison,
l'accès des navires qui ont l m. 25 cent,
de tirant d'eau. Le mouvement de la grande
navigation a donné en 1851 les chiffres sui-
vants : à l'entrée, 1,126 navires d'un tonnage
total de 172,361 t.; à la sortie, 1,050 navires,
jaugeant 177,906 t.; en 1801, 1,955 navires,
jaugeant 372,533 t., sont entrés dans le port
de Bordeaux, et 1,690 navires, d'un tonnage
total de de 372,152 t., en sont sortis. Les ré-
sultats statistiques du cabotage indiquent, en-
trée et sortie réunies, 22,592 navires, jaugeant
ensemble 693,196 t. Les importations consis-
tent surtout en produits coloniaux, fers, étain,
cuivre, plomb, viandes et poissons, salés,
graisse, houille. Les articles d'exportation
comprennent les tissus, les sucres raffinés,
les papiers, cristaux, verreries, cuirs ouvrés,
soies, porcelaines, légumes secs, fils, surtout
les vins et les spiritueux.
— Histoire. L'époque de la fondation de
Bordeaux se perd dans la nuit des temps.
L'histoire ne nous dit pas non plus comment
cette ville tomba au pouvoir des Romains ;
on sait seulement que c'était dès lors une cité
importante, capitale des Bituriges Vibisci, sous
le nom de Burdigala. Strabon est le- premier
qui en fasse mention sous ce nom, que lui
donne aussi Ptolémée. La position de l'an-
cienne Burdigala à Bordeaux est prouvée par
les mesures des routes de laTable de Peutinger
et de l'Itinéraire d'Antonin. Les Romains, qui
en firent la capitale de la Ile Aquitaine, la
démolirent entièrement en 260 de notre ère,
F
our la reconstruire d'après les dessins et
architecture des cités latines, et l'embellirent
de plusieurs beaux édifices. Mais l'invasion
des Barbares fit disparaître cette splendeur
antique : d'abord les Visigoths la saccagèrent
et l'occupèrent pendant près d'un siècle; puis
les Francs de Clovis, après la bataille de
Vouillé (509), s'en rendirent maîtres et conti-
nuèrent l'œuvre des Visigoths. Plus tard, en
729, Eudes, duc d'Aquitaine, dans sa lutte
contre les Francs, appela à son secours les
Sarrasins, qui prirent et pillèrent Bordeaux.
Placée presque à l'embouchure d'un grand
fleuve, cette ville dut tenter la cupidité des
Normands, qui, en effet, détruisirent ce qu'ils
ne purent enlever, et abattirent la plupart des
édifices. Vers 9li, les ducs de Gascogne étant
devenus paisibles possesseurs d'un des plus
beaux pays que leur enviaient leurs rivaux,
les autres grands vassaux de la couronne,
firent rebâtir Bordeaux, mais dans le goût
barbare de cette époque,, et y appelèrent de
nouveaux habitants. En 1132, le mariage d'E-
léonore de Guyenne avec Henri, duc de Nor-
mandie, depuis roi d'Angleterre, fit passer
Bordeaux sous la domination anglaise. Mais
Charles VII, qui avait chassé les Anglais de
la Normandie, voulut aussi leur enlever la
Guyenne. Dunois vint mettre le siéj^e devant
Bordeaux et en prit possession (1451). L'année
suivante, cette ville se révolta contre le roi
de France; le reste de la Guyenne suivit son
exemple, et cette rébellion fut appuyée par
l'Angleterre, qui envoya Talbot, l'un de ses
meilleurs généraux. Charles VII arriva bientôt
en personne, investit la ville, intercepta tous
les convois et, après avoir vaincu Talbot à
Castillon, força les Bordelais à se rendre à
discrétion. En 1548, les habitants de Bordeaux,
ardemment attachés à leurs privilèges, aux-
quels l'impôt de la gabelle portait atteinte,
prirent les armes, s'emparèrent de l'hôtel de
ville, et massacrèrent le lieutenant du gou-
verneur, ainsi que quelques commis de la ga-
belle; mais bientôt les séditieux furent battus,
et plusieurs d'entre eux punis du dernier sup-
plice. Tout était calmé, lorsque Henri II en-
voya le connétable Anne de Montmorency, qui
pénétra dans la ville par la brèche faite à coups
de canon, bien que Bordeaux n'opposât aucune
résistance, imposa aux habitants une contri-
bution de 200,000 livres et les priva de tous
leurs privilèges. « La maison de ville, dit de
Thou, devait être ra'sée, et toutes les cloches
des églises transportées dans les châteaux, qui
seraient fortifiés aux dépens du peuple. Enfin,
pour expier l'horrible attentat que les habi-
tants avaient commis contre la personne du
lieutenant du gouverneur, la sentence portait
qu'ils le déterreraient eux-mêmes, non avec le
secours de quelque instrument, mais avec
leurs propres ongles, et que le corps de ce
seigneur serait conduit de nouveau à la sépul-
ture par les jurats et six-vingts bourgeois en
habit de deuil, et le flambeau a la main. » Cette
punition ne parut pas encore suffisante, et le
connétable exerça à Bordeaux de nombreux
actes de barbarie, qui couvrirent à jamais son
nom d'ignominie. Enfin, en 1550, après plu-
sieurs humbles réclamations, le châtiment eut
un terme ; le parlement bordelais fut réintégré; .
on remit à la ville une partie de l'amende
exigée, et la plupart de ses privilèges lui furent
restitués.
Bordeaux reconnut spontanément Henri IV,
mais députa vers lui pour le supplier de ren-
trer dans le giron de l'Eglise romaine. Le 25 no-
vembre 1615, Louis XIII épousa dans l'église
Saint-André de Bordeaux 1 infante d'Espagne,
Anne d'Autriche, fille aînée de Philippe III. En
1635, une insurrection éclata à Bordeaux,
q^ui se révolta encore en 1675 à l'occasion de
1 établissement de l'impôt du papier timbré et
de la marque d'étain. En 1787, le parlement,
de cette ville, ayant refusé d'enregistrer les
édits bursaux, fut transféré à Libourne, où il
resta pendant quatre mqis. En 1814, le maire
de Bordeaux livra la ville aux Anglais, réunis
aux Espagnols et aux Portugais, et fit pro-
clamer les Bourbons. Lors du retour de l'île
d'Elbe, la duchesse d'Angoulôme essaya vai-
nement de retenir dans le parti du roi la gar-
nison de Bordeaux; elle fut contrainte d'aller
s'embarquer à Pauillac, en apprenant l'arrivée
du général Clausel.
Parmi les hommes célèbres qui sont nés à
Bordeaux, nous citerons : le pofite Ausone, le
pape Clément V, le prince Novi, Berquîn, le
jurisconsulte Duvergier, les médecins Roux et
Magendie; le comte de Peyronnet, le dernier
ministre de Charles X ; Chodruc-Duclos, sur-
nommé le Diogène français; les peintres Alaux,
Bergeret, Brascassat, Diazde la Pena, O. Gué,
Auguste et Rosa Bonheur, etc.
— A«peci général : Port , ponts , quais ,
portes, promenades, etc. M. Théophile Gau-
tier a tracé en 1840 la descriptwn sui-
vante de la capitale de la Guyenne : a Bor-
deaux a beaucoup de ressemblance avec Ver-
sailles pour le goût des bâtiments : on voit
qu'on a été préoccupé de cette idée de'dé-
passer Paris en grandeur; les rues sont plus
larges, les maisons plus vastes, les apparte-
ments plus hauts. Le théâtre a des dimensions
énormes; c'est l'Odéon fondu dans la Bourse.
Mais les habitants ont de la peine 'à remplir
leurville; ils font tout ce qu'ils peuvent pour
paraître nombreux; mais toute leur turbulence
méridionale ne suffit pas k meubler ces bâ-
tisses disproportionnées ; ces hautes fenêtres
ont rarement des rideaux, et l'herbe croît mé-
lancoliquement dans les immenses cours. Ce
qui anime la ville, ce sont les grisettes et les
femmes du peuple; elles sont réellement très-
jolies : presque toute_s ont le nez droit, les
joues sans pommettes, de grands yeux noirs
dans un ovale pâle d'un effet charmant. Leur
coiffure est très-originale; elle se compose
d'un madras de couleurs éclatantes, posé, a
la façon des créoles, très en arrière, et con-
tenant les cheveux qui tombent sur la nuque;
le reste de l'ajustement consiste en un grand
châle droit qui va jusqu'aux talons, et une
robe d'indienne à longs plis. Les femmes ont
la démarche alerte et vive, la taille souple et
cambrée, naturellement fine. Elles portent
sur leur tête les paniers, les paquets et les
cruches d'eau qui, par parenthèse, sont d'une
forme très-élégante. Avec leur amphore sur
la tête, leur costume à plis droits, on les
prendrait pour des filles grecques et des prin-
cesse:: Nausicaas allant à la fontaine. » La
grîsette bordelaise, cette fille accorte et
rieuse, dont l'écrivain pofite a fait un si sé-
duisant portrait, est un type qui s'efface de
jour en jour ; bientôt, il aura disparu. En re-
vanche, la ville a beaucoup gagné en mouve-
ment, en animation, dans ces dernières an-
nées; sa population, qui ne dépassait guère
100,000 âmes en 1840, s'est accrue de plus
d'un tiers depuis cette époque. Les grandes
bâtisses bordelaises ne paraissent donc plus
aussi disproportionnées. La plus grande acti-
vité règne sur les quais, au bord du fleuve,
ui forme en cet endroit de son cours un arc
e cercle, d'où est venu le surnom de PORT
DE LA LUNE, donné à ce magnifique port naturel.
Le PONT, jeté sur la Garonne, entre laville
et le faubourg de La Bastide, où est située
la gare du chemin de fer de Paris, est un
monument des plus remarquables en son
genre. Sa construction, projetée pour la pre-
mière fois en 1776, regardée d'abord comme
impossible et longtemps discutée, n'a été
commencée qu'en 1810. A cette époque , le
pont fut fait en charpente, avec deux culées
en maçonnerie: mais neuf ans plus tard , il
fut transformé en un pont de pierre et de
brique, et ouvert à la circulation le 29 sep-
tembre 1821. Les ingénieurs furent MM. Des-
champs et Billaudel. Long de 486 m. 68 c , large
de 14 m. 86 c . entre les parapets, ce pont se
compose de dix-sept arches à plein cintre
en maçonnerie, reposant sur seize piles et
deux culées en pierre. Les sept arches du
milieu, d'égale dimension, ont 26 ni. 49 de
diamètre; celles qui suivent décroissent suc-
cessivement jusqu'aux culées, près desquelles
elles n'ont que 20 m. 84. Les piles, épaisses
de 4 m. 21, sont couronnées d'un cordon el
d'un chaperon, et se raccordent avec la
douelle des voûtes au moyen d'une voussure
qui donne plus de grâce et de légèreté a l'en-
semble du monument, en même temps qu'elle
facilite l'écoulement des grandes eaux et des
corps flottants. La-pierre et Ja brique sont
disposées sous les voûtes de manière à simu-
ler l'appareil des caissons d'architecture. Le
tympan, ou l'intervalle entre deux arches, est
orné du chiffre royal sculpté sur un fond de
briques. Au-dessus des arènes règne un enta-
blement a modillons d'un style sévère. Deux
pavillons, décorés de portiques d'ordre dori-
que, s'élèvent à chacune des extrémités de la
chaussée, sous laquelle sont pratiquées de
vastes galeries, qui allègent le poids des
voûtes et permettent de visiter en tout temps
l'état des arches. Du haut du pont, la vue
s'étend surtout le port et sur ses quais bordés
de maisons monumentales, de magasins, de
chantiers.
En amont du pont de pierre, on a jeté sur
la Garonne, il y a quelques années, un pont
en fonte, d une construction élégante et har-
die, destiné à relier les chemins de fer du
Midi et d'Orléans. Ce pont se compose de
7 travées, dont 2 de 57 m. 50 c. et 5 de 77 m.
Les piles sont formées de deux énormes cy-
lindres en fonte, de 30 m. de haut, dont un
tiers seulement au-dessus de l'étiage, et dans
lesquelles on a coulé du béton. « A le voir de
loin, simple et dégagé qu'il est, dit le journal
la Gironde, on se fait difficilement une idée
de l'impression que l'on éprouve en posant le
pied sur le nouveau pont. C'est une masse
imposante et légère à la fois. Sans doute, ce
n'est pas l'élégante majesté du plein cintre et
des arceaux multipliés; c'est la netteté de la
ligne droite, pleine de force, défiant, sur les
rares piliers qui la supportent, les fardeaux
les plus énormes.»
La PORTE-BOURGOGNE, qui s'élève en face
du pont, fut bâtie de 1751 à 1755. Appelée
d'abord la porte des Salinières, parce que les
bateaux de sel se déchargeaient dans le voi-
sinage, elle reçut son nom actuel du duc de
Bourgogne, fils de Louis XV. Eu 1807, elle
fut démolie en partie et transformée en arc
de triomphe pour le passage des troupes qui
se rendaient en Espagne. Bordeaux possède
encore plusieurs autres portes, parmi les-
quelles il nous suffira de citer: la porte
U'AQUITAINE ou de SAINT-JULIEN, construite à
la même époque et à peu près sur le même
plan que la précédente, et qui servit d'arc de
triomphe aux Bourbons rentrant en France
en 18H; la porte du PALAIS, connue encore
sous les noms de porte ROYALE ou porte du
CAILIIAU, construction de la fin du xvc siècle,'
qui servit primitivement d'entrée au palais de
lOmbrière, résidence des ducs d'Aquitaine,
et quifuttransformée en arc de triomphe pour
Charles Vit! après la bataille de Fornoue; la
porte de Ï'HÔTKL DE VILLE, bâtie au xnt siècle
al'un des angles de l'ancien hôtel de ville,dé-
truite en partie par le connétable de Mont-
v
morency, réparée en 1556 et en 1757; elle sert
v
de beffroi, d où lui vient le nom de porte de
la GROSSE-CLOCHE, sous lequel elle est commu-
nément désignée; elle est coiffée de trois
tourelles, dont l'une, celle du milieu, a pour
ornement une lanterne que ' surmonte un
lion,
La plus grande et la plus belle place de la
ville est la place des QUINCONCES, dont tout
Bordelais se montre aussi fier que le Marseil-
lais peut l'être de sa CanneWere. C"«t une
esplanade de 280 m. de long sur 80 m. de
large, située au bord de la Garonne, à l'en-
droit où s'élevait autrefois le Château Trom-
pette, forteresse construite par Charles VII,
agrandie et modifiée par Vauban, et dont la
démolition, commencée en 1785, ne fut ache-
BORD.
BORD
BORD
BORD 997
vée qu'en 1816. En 1818, les autorités muni-
cipales plantèrent solennellement les arbres
des Quinconces. Depuis, de magnifiques habi-
tations ont été construites aux abords de cette
promenade, que décorent les statues de Mon-
taigne et de Montesquieu, exécutées par
M. Maggesi, et deux colonnes rostrales,
hautes de 20 m. et surmontées chacune d'une
statue : celles de la Navigation et du Com-
merce, par M. Manceau.
Le JARDIN PUBLIC, situé à une petite dis-
tance des Quinconces, est une création du
marquis de Tourny, gouverneur de Bordeaux
soûs Louis XV et Louis XVI. Cet administra-
teur intelligent, par qui les remparts furent •
abattus, les fossés comblés, des rues percées
et d'importantes constructions élevées de
toutes parts, dépensa 300,000 fr. pour trans-
former en jardin public 88,465 m. car. de
terrain. Ce jardin, laissé pendant longtemps
dans un regrettable abandon, a été récem-
ment transformé, d'après les plans de M. Al-
f»hand, en un jardin anglais, avec cascades,
acs, îlots plantés d'arbres, et serres remplies
de végétaux rares j depuis cette métamor-
phose, il est devenu le rendez-vous des pro-
meneurs fashionables ; les jeudis et les diman-
ches, des concerts y sont donnés-'par les
musiques des régiments en garnison à Bor-
deaux. C'est encore à M. de Tourny que cette
ville'doit la création des Allées qui portent le
nom de ce personnage; elles font suite à la"
place de la Comédie, et,bien qu'elles aient été •
dépouillées des arbres que M. dé Tourny y
avait fait planter, elles n'en sontpas moins une
des promenades les plus fréquentées de la ville.
— Autiquités. Pendant la période gallo-
romaine, Bordeaux comptait une foule de mo-
numents splendides, temples, palais, théâtres,
cirques, thermes, aqueducs. Toutes ces mer-
veilles ont disparu. Les seules antiquités
qu'offre la ville sont les faibles débris — une
.arcade et quelques vestiges d'enceinte — d'un
amphithéâtre, appelé les ARÈNES OU le PALAIS
GALLIEN, parce que ce fut, dit-on, sous le règne
de l'empereur de ce nom, qu'on le construisit.
Une médaille romaine trouvée à Nérac en 1831
représente Tetricus, usurpateur du pouvoir en
Gaule, entouré des édifices qu'il avait fait
élever : au nombre de ces édifices, les savants
ont cru reconnaître l'amphithéâtre de Bor-
" deaux. Ce monument offrait à l'extérieur deux
étages couronnés par un attique; l'étage infé-
rieur était de style toscan, l'étage supérieur
de style dorique. L'arène mesurait 74 m. sur
53 m. 60. On estime que, dans son développe-
ment complet, le Palais Gallien avait, hors
d'œuvre, 135 m. environ dans le sens de son
grand axe, et 110 m. dans le sens du petit, sur
une élévation totale de 21 m.; 20,000 specta-
teurs pouvaient prendre place dans ce vaste
amphithéâtre. On y pénétrait par soixante ar-
cades distribuées sur tout le pourtour, et par
deux portes principales placées aux extrémités
du grand axe : une de ces portes, celle de
l'occident, subsiste encore en entier-, elle a
8 m. 75 de haut sur 5 m. 75 de large. Les gra-
dins de l'amphithéâtre étaient soutenus par
six murailles circulaires et concentriques, qui
allaient en diminuant de hauteur et qui com-
f
irenaient, entre leurs parvis, cinq enceintes
arges de 3 à 4 m. chacune; l'enceinte la plus
reculée de l'arène était bordée par des gale-
ries en arcades adossées aux murailles du
Eourtbur. Ces murailles étaient construites en
locage, avec revêtement extérieur en petit
appareil allongé, coupé par des cordons de
briques rouges, espacés de 0 m. S0 environ.
Le Palais Gallien était encore assez bien con-
servé lorsque, en 1774, il fut affecté'à une
entreprise de voitures publiques. En 1792, on
en commença la démolition, qui fut arrêtée en
1801 par M. Thibaudeau, préfet du départe-
ment.
Bordeaux possédait encore, au xvnc siècle,
un monument antique plus précieux que le Pa-
lais Gallien. Ce monument, que l'on nommait,
nous ne savons pourquoi, les PILIERS DE TU-
TELLE, et qui probablement avait été un temple,
s'élevait sur une aire à laquelle on montait par
vingt et une marches. Il était bâti sur un plan
rectangulaire de 30 m. de long sur 22 de large,
et était entouré de 24 colonnes d'ordre co-
rinthien, hautes de 12 m. Ces colonnes sou-
tenaient une architrave au-dessus de laquelle
s'élevait un second ordre en arcades dont le
couronnement s'appuyait sur quarante-quatre
cariatides adossées intérieurement et exté-
rieurement aux pilastres. La hauteur totale
de l'édifice était de 20 m. Au centre était
•l'autel qui portait la célèbre inscription (au-
jourd'hui au musée) : Augusto sacrum et genio
civitatis Bitur. Vivisc. Dix-huit colonnes de
ce remarquable édifice étaient encore debout
en 1617; endommagées pendant la guerre que
se firent, en 1649, le duc d'Epernon et le par-
lement, elles furent démolies en 1677, avec
les autres parties du monument, et employées
à la construction du fort Louis.
—Edifice* religieux. LaCATHEDRALE (Saint-
André), commencée en 1096 par le pape Ur-
bain II, a été reconstruite en partie à diverses
époques. Vue extérieurement, du côté du che-
vet, elle présente un aspect très-pittoresque.
La façade occidentale, où devrait se trouver
l'entrée principale, vient d'être dégagée des
maisons qui la masquaient depuis plusieurs
siècles. On pénètre dans l'église par deux
portes latérales. La porte du nord offre d'in-
téressantes sculptures dans le style du xiv
e
et
du xve siècle : la voussure est occupée par des
figures d'anges, de patriarches, d'apôtres, de
moines; le tympan représente la Cène, Y As-
cension, Dieu le Père dans sa gloire ; les niches
latérales contiennent des statues de cardinaux,
et le pilier qui partage la porte en deux valves
est surmonté de la statue de l'archevêque
Bertrand de Goth, qui devint pape sous le nom
de Clément V. Ce portail est couronné par
une belle rose, qui a été restaurée en 1846, et
flanqué de deux tours terminées par des flèches
élégantes qui s'élèvent à une hauteur de 80 m.
La porte du nord est loin de présenter le même
intérêt : ses deux tours attendent encore leur
couronnement et, parmi ses sculptures muti-
lées, on ne distingue guère que les figures des
. Vierges sages et des Vierges folles. La cathé-
drale, disposée sur le plan de la croix latine,
mesure 126 m. de longueur hors d'œuvre; elle
n'a qu'une seule nef, large de 18 m., longue
de 66 m., et haute de 27 m.; le transsept,
long de 44 m., a 10 m. de largeur et 33 m. de
hauteur sous voûte ; le chœur, large de 13 m. 50
et long de 33 m., est entouré d'un collatéral,
qui a 7 m. 65 de largeur et qui est'bordé par
neuf chapelles rayonnantes,hexagonales, dont
la plus vaste, celle du milieu, est dédiée au
Sacré-Cœur. La plus grande variété de styles
se fait remarquer dans l'ornementation de
l'édifice. Les murailles de la nef offrent, dans
leur partie inférieure, des arcatures romano-
byzantines, ornées de dents de scie ; au-dessus
règne une galerie en style ogival. Les voûtes,
démolies par un tremblement de terre en 1427,
ne furent entièrement reconstruites qu'au
xvie siècle. Les piliers qui les supportent ap-
partiennent, les uns au style roman, les autres
au style gothique. Le maître-autel date de
l'époque de la Renaissance. 11 provient de
l'ancien couvent des bénédictins de la Réole.
Diuis la sacristie, on montre une porte dite
Porte Royale, dont les sculptures sont remar-
quables : elles représentent Dieu entouré de la
milice céleste et la Résurrection des morts.
Sous la tribune de l'orgue sont deux bas-reliefs
intéressants, qui ornaient autrefois un jubé de
l'église Sainte-Croix, et qui ont pour sujets :
la Résurrection du Christ et la Descente aux
limbes. L'église renferme plusieurs tombeaux ;
le seul qui soit digne d'attention est celui du
cardinal de Cheverus (1768-1836), exécuté en
marbre blanc par M. Maggesi en 1850. Parmi
les tableaux, nous citerons : un Christ portant
sa croix, attribué à Aug. Carrache; un Cruci-
fiement, par Jordaens; une Résurrection, par
Alexandre Véronèse; le Couronnement d'épines,
par Bergeret, etc.
A 30 m. au sud-est du chevet de la cathé-
drale, s'élève la TOURDEPEY-BERLAND, ainsi
nommée de Pierre (en patois Pey) Berland,
archevêque de Bordeaux, qui la fit construire,
en 1440, sur l'emplacement d'une fontaine
(Divona), chantée par Ausone. C'est une tour
quadrangulaire, percée de fenêtres ogivales;
elle a 47 m. 50 de hauteur, et était jadis sur-
montée d'une flèche octogone, haute de H m.,
que la foudre détruisit en 1617. Vendue pen-
dant la Révolution à des industriels qui y
établirent une fabrique de plomb de chasse,
la tour de Pey-Berland a été rachetée par
l'Etat en 1850; un magnifique bourdon de
11,000 kilogr., qu'on y plaça en 1853, s'est fêlé
en 1859. Dans ces dernières années, cette tour
a été complètement restaurée : on l'a entourée
d'un square^ et on a placé au sommet de l'édi-
fice une statue colossale de la Vierge.
L'église SAINT-MICHEL, le plus bel édifice
religieux de Bordeaux après la cathédrale, a
été fondée en ,1160, mais agrandie et restaurée
à diverses époques. Son plan est celui de la
c-roix latine, avec bas côtés. Elle a 74 m. de
longueur et 30 m. 60 de largeur dans le trans-
sept. Le style ogival domine dans l'ensemble
de l'édifice.La partie inférieuredu chœur pa-
raît appartenir au xme ou au xive siècle. Les
chapelles ont été ajoutées après l'achèvement
de 1 église : celle du Saint-Sépulcre renferme
une belle Descente de croix, sculptée au xvie siè-
cle ; celle de Saint-Joseph a un autel de la
même époque, orné de statues; celle qui est
dédiée à Notre-Dame de Montuzét, patronne
d'une confrérie de marins, est décorée de vi-
traux remarquables dus à un verrier borde-
lais ; d'autres chapelles et les fenêtres infé-
rieures du chœur ont des vitraux exécutés par
M. Maréchal (de Metz). A l'extérieur, Saint-
Michel est en grande partie masqué par des
constructions particulières. Une loterie a été
organisée, il y a quelques années, dans le but
de subvenir aux dépenses nécessaires pour
isoler l'édifice et le restaurer. Des réparations
considérables ont déjà été exécutées. Les trois'
• portails ont des sculptures intéressantes :
celles du portail du Sua représentent Y Appa-
rition de saint Michel à l'évêgue de Siponto;
celles du Nord, Isaac préparant le sacrifice
d'Abraham; celles de l'Ouest,la Naissance de
l'Enfant Jésus et Y Adoration des bergers. A
30 m. environ de l'église s'élève un clocher
isolé, bâti de 1472 à 1492 : la flèche, renversée"
par un ouragan en 1768, vient d'être recon-
struite sur le plan primitif. Au-dessous de cette
tour est un caveau où l'on montre une cin-
quantaine de momies provenant d'un cimetière
voisin, dont le terrain sablonneux avait la
propriété de conserver les corps. M. Théophile
Gautier a donné, dans sonVoyage en Espagne
(chap. Z*T), une description des plus fantas-
tiques de cette singulière nécropole.
L'église de SAINTE-CROIX, ancienne dépen-
dance d'une abbaye de bénédictins, remonte
à une haute antiquité. Elle existait déjà vers
le milieu du vue siècle, époque où saint Mom-
molin,abbéde Fleury-sur-Loire, y fut enterré.
Renversée par les Sarrasins en 729, restaurée
par Charlemagne en 778, elle fut de nouveau
détruite en 828 par les Normands. L'édifice
actuel fut bâti dans la première moitié du
xe siècle par Guillaume le Bon, duc d'Aqui-
taine. Sa façade est le plus beau spécimen
d'architecture romane que l'on voie à Bor-
deaux. La porte principale s'ouvre au milieu
d'un avant-corps, saillant de 2 m. environ et
orné à ses angles de colonnes cannelées en
hélice ; elle a cinq voussures dont les arcs
cintrés reposent sur de légères colonnes. De
chaque côté de cette porte, il y a une arcade
aveugle surmontée de deux fausses fenêtres.
Des sculptures fort peu.décentes décorent la
F
orte et les arcades ; elles ont beaucoup exercé
érudition des archéologues, sans avoir pu être
interprétées jusqu'ici d'une façon complète-
ment satisfaisante; toutefois on peut admettre
que la femme dite aux serpents, qui figure sur
le portail, est une personnification de la Luxure
tourmentée par le démon. La partie en r e -
traite de la façade, au-dessus de l'avant-corps,
est décorée d'une rosace et surmontée d'un
fronton triangulaire. A gauche de cette fa-
çade, une muraille nue, soutenue par un épais
contre-fort, est percée à sa base d'une porte
ogivale ; à droite s'élève un beau clocher ro-
man, à quatre pans égaux, qui touche aux
bâtiments de l'ancienne abbaye de Sainte-
Croix, reconstruits au xvnie siècle, et trans-
formés, depuis la Révolution, en hospice pour
les vieillards. L'intérieur de l'église est beau-
coup moins intéressant que l'extérieur. La nef
a 56 m. 50 de longueur jusqu'au fond du
sanctuaire, 26 m. de largeur y compris les
bas côtés, et 18 m. dp hauteur. Douze piliers
qui séparent des arcades en plein cintre, sou-
tiennent les voûtes en ogive ; les sculptures
des chapiteaux rappellent celles de la façade
par leur variété et par la nature des compo-
sitions. Les fonts baptismaux renferment une
magnifique boiserie sur les panneaux de la-
quelle est sculptée l'histoire de la Vierge, et
une cuve baptismale, dont les bas-reliefs r e -
présentent la Cène. Les fresques de la chapelle
de fa Vierge, dues à Jean Vasetti, et celles du
sanctuaire, exécutées par Anoni père, sont
dignes de quelque attention. En revanche,
beaucoup d ornements modernes témoignent
du plus mauvais goût. D'importants travaux
de restauration s'exécutent actuellement dans
l'église de Sainte-Croix.
L'église SAINT-SEURIN, placée autrefois hors
des murs de la ville, date des premiers siècles
du christianisme. Sa crypte — dite de Saint-
Fort, parce qu'elle renferme entre autres tom-
beaux celui de cet évêque — se compose
d'une nef voûtée à plein cintre et de deux bas
côtés. Auxi« siècle, on bâtit sur cette crypte,
qui était déjà fort ancienne, une église dont il
ne reste plus que l'abside principale, le porche
occidental et les clochers. Les autres parties
de l'édifice actuel sont de différentes époques :
le portail méridional, orné de curieuses sculp-
tures, les bas côtés, les voûtes et la chapelle
de Saint-Jean appartiennent au x m
e
siècle;
la chapelle de Notre-Dame de Bonne-Nouvelle
est du xive siècle; la chapelle de Notre-Dame
des Roses, du xve, ainsi que la sacristie. La
façade ouest est moderne, et d'importants tra-
vaux de restauration ont été exécutés dans
l'intérieur de l'édifice, en 1855. Saint-Seurin
a 64 m. de longueur et 18 m. de largeur. On
remarque dans le chœur un trône épiscopal en
style gothique fleuri. La principale curiosité
de la crypte est le cénotaphe de saint Fort,
orné de délicates sculptures de la Renaissance ;
il est placé au fond de la nef, sur un sépulcre
de pierre brute, qui contenait primitivement,
dit-on, les restes du saint. Ce tombeau .est
l'objet d'un culte particulier : les mères vien-
nent y déposer leurs enfants pour leur faire
prendre de la force. La crypte renferme en-
core les tombeaux de plusieurs autres saints,
notamment ceux de saint Seurin et de saint
Amand, évêques de Bordeaux ; de sainte Véro-
nique et de sainte Bénédicte, nées dans le
Médoc. On voit aussi des tombes du vue au
• vme siècle dans l'ancien cloître de Saint-
Seurin, qui existe encore en partie au nord de
la nef. D'après une tradition locale, confirmée
par un passage du poème héroïque de Thé-
roulde, 1 olifant du fameux Roland fut déposé,
après le désastre de Roncevaux, dans l'église
de Saint-Seurin, et y fut pendant longtemps
l'objet d'un pèlerinage. Un savant bordelais,
M. Th. R"* s'est demandé si ce souvenir du
preux, qui fendait les montagnes d'un coup de
sa Durandal, n'aurait pas donné naissance à
la légende de saint Fort.
Les autres églises de Bordeaux n'offrent
qu'un intérêt très-secondaire. Nous nous con-
tenterons de citer : Sainte-Eulalie, ancienne
église d'une abbaye de femmes qui existait au
-vue siècle, consacrée en 1)74,reconstruite en
partie au xive et au xve siècle ;— Saint-Bruno,
ancienne église des Chartreux, consacrée en
1620, bâtie dans le style italien, ornée en
1771 de belles peintures murales par les E s -
pagnols Berinzago et Gonzalès ; tableaux es-
timés; mausolée du marquis de Sourdis ; —
Notre-Dame, l'église fréquentée par la société
élégante de Bordeaux, construite, en 1701,
dans le style néo-grec, par un dominicain du
nom de frère Jean, et décorée intérieurement
avec un luxe de mauvais goût; — Saint-Paul,
ancienne église des Jésuites ; on y admire une
statue de Saint François Xavier, attribuée à
Guillaume Coustou ; —la chapelle des Carmes
1
édifice construit récemment et dont l'archi-
tecture, vivement critiquée au point de vue
classique, mérite toutefois l'attention par son
caractère vraiment religieux.
— Hôtels des services publies. — La PRÉ-
FECTURE aété bâtie, en 1775, par l'architecte
Louis , pour M. Saige, avocat général au par-
lement. Ce n'est qu en 1808 que ce bel hôtel
a été affecté aux divers services de l'admi-
nistration du département de la Gironde; de-
puis 1847, il est exclusivement réservé à l'ha-
pitation du préfet, les bureaux ayant été
installés dans les maisons voisines ; il a été*
entièrement restauré en 1855.
L'HÔTEL DEVILLE est l'ancien palaisde Var-
chevêché,*construit par les architectes Bonfin
et Etienne, de 1770 à 1781, sous l'archiépi-
scopat du prince de Rohan. Il se compose d un
vaste corps de logis flanqué de deux ailes
réunies l'une à l'autre par deux péristyles, au
milieu desquels se trouve la .porte d'entrée.
La façade postérieure donne sur de superbes
jardins, que borde le cours d'Albret. Tour à
tour hôtel du département en 1790, palais
impérial en 1808, palais royal en 1312, cet édi-
fice est devenu l'hôtel de la mairie en 1835.
On y installa, à cette époque, les archives dé-
partementales, au second étage; la galerie des
tableaux et une collection d'armes, au rez-de-
chaussée ; mais, un incendie ayant dévoré une
partie de l'édifice, il y a quelques années, des
réparations considérables ont dû être entre-
prises, et les collections ont été transportées
dans une construction provisoire établie dans
les jardins.
Le PALAIS DE JUSTICE , bâti par M. Thiac,
de 1839 à 1846, a coûté 1,717,458 fr. 30. Il
occupe une surface de 7,985 m. Sa façade, -
d'une grande lourdeur ,• n'a pas moins de
145 m. 67 de longueur; elle' se compose d'un
avant-corps décoré d'un péristyle d'ordre do-
rique et de deux ailes. Les motifs saillants de
cet avant-corps sont ornés de quatre statues
colossales exécutées par M. Maggesi : à droite,
Malesherbes et d'Aguesseau; à gauche, Mon-
tesquieu et L'Hôpital. La salle des pas-perdus,
longue de 46 m., large de 18 m. et haute de
16 m., est regardée par les Bordelais comme
un véritable chef-d'œuvre d'architecture •
a L'auteur semble y avoir déployé tout son
génie, » dit en propres termes M. Raoul L.,
auteur d'un Guide des étrangers à Bordeaux.
Dans le vestibule de la cour est une statue de
Montesquieu, exécutée en 1821 par M. Raggi,
l'auteur d'une statue colossale de Louis XVI,
commandée sous la Restauration par un ^rand
nombre de souscripteurs bordelais et qui, à la
suite des événements de Juillet, a été reléguée
dans un enclos, où elle se trouve encore-au-
jourd'hui (octobre 1866). — Derrière le p:ilais
de justice sont les prisons départementales,
construites de 1835 à 1847, sur l'emplace-
ment de l'ancien fort du I ï â , dont il reste
deux tours.
La BOURSE a été bâtie en 1749 par l'ar-
chitecte Jacques Gabriel. Trois de ses faces
sont isolées, et offrent une décoration ana-
logue. Les bas-reliefs de leurs frontons sont
dusà Claude Francin et représentent: au sud,
sur la place de la Bourse, la Victoire tenant
un médaillon de Louis XV ; à l'est, sur le quai,
Neptune favorisant le Commerce; au nord, sur
la place Richelieu, Y Union de la Garonne et
de la Dordogne. La cour intérieure de l'édi-
fice, longue de 34 m. et large de 24 m., a été
couverte en 1803.
La DOUANE (ancien hôtel des Fermes), si-
tuée en face de la Bourse, a été construite
. par le même architecte. Les sculptures de ses
frontons sont de Vanderwoort; elles repré-
sentent, du côté de la place de la Bourse, Mi-
nerve protégeant les Arts; du côté du quai,
Mercure protégeant la navigation de la Ga-
ronne.
Parmi les autres édifices affectés à des ser-
- vices publics, il faut citer encore : I'HÔTELDES
MONNAIES, établi depuis l'an VIII dans l'ancien
séminaire de la Mission, tandis que l'ancienne
Monnaie, bâtie par Portier, de 1756 à 1757, est
occupée par une congrégation d'Ursulines ; la
CAISSE D ÉPARGNES, installée depuis quelques
années dans un hôtel occupé précédemment
par la Banque et qui a été construit par
l'Hôte, en 1775; le nouvel hôtel de la BANQUE,
bâti en 1855, etc.
Bordeaux possède un grand nombre d'éta-
blissements de bienfaisance. L'hôpital Saint-
André, situé sur la-place d'Armes, en face du
palais de justice, a été fondé en 1390 par un
chanoine de Saint-André nommé Vital Caries.
II.a été rebâti, de 1825 à 1829, par M. Burguet,
et a coûté près de deux millions. Il est com-
plètement isolé et occupé une superficie de
18,000 mètres carrés. Sa façade principale,
longue de 143 m., a une entrée monumentale :
aif centre s'élève un portique formé de quatre
colonnes d'ordre dorique, qui soutiennent un
dôme surmonté d'une croix; sous ce portique
est placée la porte de la chapelle; à droite età
gauche s'ouvrent deux autres portes^ qui don-
nent accès dans l'intérieur de l'hospice.
— Etablissements scientifiques, littéraires
et artistiques. Les divers établissements d'in-
struction publique de Bordeaux n'offrent rien
qui mérite d'être cité. Toutefois l'élégante
chapelle du lycée (ancienne église d'un mo-
nastère de Feuillants) a droit à une mention
particulière, car elle contient le sarcophage
de marbre blanc où sont déposés les restes de
Montaigne.
Le MUSÉE proprement dit occupe an bel
998 BORD
BORD
BORD
BORD
hôtel légué à la ville, vers le milieu du siècle
dernier, par J . - J . Bel, conseiller au parle-
ment; il comprend : 1<> un cabinet d'antiquités
gallo-romaines et de fragments du moyen âge,
dont plusieurs présentent un grand intérêt pour
l'histoire de Bordeaux ; 2° une bibliothèque
f
mblique, composée de plus de 120,000 vo-
umes; 3° un observatoire. Un cabinet d'his-
toire naturelle, fondé en 1805 par M. Journu
Aubert, comte de Tustal, faisait partie des
collections du Musée; il a été transféré depuis
p'eu dans un hôtel situé à proximité du Jardin
public.
La GALERIE DKS TABLEAUX, qui occupait au-
trefois une des salles du musée, fut trans-
férée, en 1839, dans les salles du rez-de-
chaussée de l'hôtel de ville , local beaucoup
trop exigu et de plus fort mal éclairé. A la
suite de l'incendie dont nous avons parlé, elle
a été installée dans une construction pro-
visoire. Elle se compose de près de cinq
cents tableaux, dont plusieurs sont des œuvres
de premier ordre. L'école italienne compte,
entre autres toiles : la Vierge et l'Enfant
Jésus ayant près d'eux saint Augustin et saint
Jérôme, chef-d'œuvre du Pérugin ; la Femme
adultère, superbe tableau du Titien, prove-
nant du palais ducal de Modène; une Sainte
Famille, d'Andréa del Sarto; une Sainte Fa-
mille, par Vasari; une Sainte Famille, par
Palma le Vieux ; une Nymphe endormie, attri-
buée au Corrége; la Sortie de l'arche, de Jac-
ques Bassan ; Vénus et l'Amour, et une Ado-
ration des Mages, de Paul Véronèse; -une
Vénus de Luca Giordano; un portrait de Së-
nateur vénitien, par Maria Robusti, fille du
Tintoret; un Saint Jérôme, d'Annibal Carra-
che; etc. — L'école espagnole est représentée
par deux beaux tableaux de Ribera : une As-
semblée de moines et une Réunion de philo-
sophes, et par une figure de Philosophe, de
Murillo. — L'école flamande nous offre : quatre
Rubens, dont le plus remarquable est un
Martyre de saint Just, composition d'une rare
énergie, provenant de l'église de l'Annonciade
à Anvers, et donnée à la ville de Bordeaux
par Napoléon III, qui l'avait payée 16,000 fr. ;
deux Van Dyck, le portrait en pied de Marie
de Médicis et un autre petit portrait d'un
personnage inconnu; une Fête flamande, de
Breughel de Velours ; un Calvaire, de Franck le
Jeune; une Scène diabolique, de Téniers; etc.
— L'école hollandaise : trois beaux paysages
attribués à Ruysdaiil, mais qui doivent être de
l'un de ses imitateurs ; une Adoration des ber-
gers et un Intérieur, de Rembrandt; un Esta-
minet hollandais, de R. Brakcnburg; un In-
térieur, de Béga; des portraits, de Maes, de
Fr. liais; des paysages, de Zachtleven, de
Moucheron, de Karel Dujardin; Apollon et
Marsyas et une scène biblique, de F. Bol; etc.
— L'école française : Uranie, charmante ^com-
position de Le Sueur ; le Portrait de Louis XIV,
par Mignard ; la 'Présentation de Jésus au tem-
ple, de Restout; la Leçon de labourage, de-Vin-
cent; le Supplice d'Urbain Grandier, de Jouy;
une Tête de femme, de Bounieu ; Phèdre et
Ilippolyte, de Pierre Guérin; Y Embarquement
de la duchesse d'Angoulême à Pauillac, œuvre
capitale de Gros; Nicolas Poussin présenté à
Louis XIII, d'Ansiaux; une Druidesse et
le Xanthe, d'Alaux ; la Mort du sanglier de
Calydon, de Brascassat; la Grèce expirant sur
les ruines de Missolonghi, et deux esquisses
pleines de verve (un Lion et un Arabe), d'Eu-
gène Delacroix ; le portrait du duc d'Orléans
- à cheval, par.Alfred Dedreux; le Baptême de
Clovis, de M. Gigoux; deux marines histo-
riques, l'une deM.Gudin,l'autredeM. Durand-
Brager; Valcntine et Raoul, de Roqueplan ;
lîacchus et l'Amour ivi^es, de M. Gérome; le
Tintoret peignant sa fille morte, un des meil-
leurs ouvrages de M. Cogniet; une Bacchante,
de M. Bouguereau; une Tranchée devant Sé-
bastopol, de M. Pils ; la Toilette de Vénus, de
M. Paul Baudry ; l'Incendie de l'Austria,
de M. Isabey ; une Marine, de M. Paul Huet ;
des Paysages, de MM. Corot, Daubigny,
Chaigneau, J. Coignet, etc. Quelques sculp-
tures ornent la galerie; les plus remarqua-
bles sont : le buste de Napoléon 1 " , par
Bartolini ; celui de Montaigne, par Deseine;
le Génie de la Sculpture, Giotto enfant et
divers bustes, par M. Maggesi.
Le GRAND THÉÂTRE de Bordeaux jouit d'une
réputation méritée. Il' a été bâti de 1777
à 1780, par l'architecte Louis, et a coûté
2,500,000 fr. C'est un édifice isolé, de 88 m. 33
de longueur sur 47 m. 66 de largeur et 18 m. 66
de hauteur. Sa façade offre un péristyle formé
de douze colonnes d'ordre corinthien, dont
chacune a 3 m. de circonférence. Elles sont
surmontées d'un entablement formant balus-
trade et portant douze statues allégoriques,
analogues à la destination du lieu. Au-dessus
de l'ordonnance du péristyle se trouve une
terrasse k voûte plate, qui est de plain-pied
avec l'attique régnant sur les quatre côtés du
bâtiment. Des galeries couvertes, larges de
2 m. et décorées extérieurement de pilastres
corinthiens, s'étendent sur les faces latérales
et sur la face postérieure. Quand on a franchi
le péristyle, on pénètre dans un magnifique
vestibule orné de seize colonnes cannelées, qui
soutiennent le plafond, au-dessus duquel est
une grande et riche salle de concert. Au fond
de ce vestibule, un vaste escalier à double
rampe, entièrement découvert et éclairé par
une coupole, conduit aux premières Joges, au
foyer, a la salle de concert. La salle de spec-
tacle est de forme elliptique. Le pourtour est
décoré de douze colonnes d'ordre composite,
assises au niveau des galeries et soutenant un
entablement au-dessus duquel s'élèvent quatre
arcs-doubleaux terminés par une corniche cir-
culaire, qui sert de cadre aux peintures du
plafond. Cette belle salle, où quatre mille spec-
tateurs peuvent prendre place, a été récem-
ment l'objet d'importantes restaurations, qui
ont été exécutées sous la direction de M. Bur-
guet, architecte de la ville, et qui ont coûté
800,000 fr. C'est M. Despléchin qui a été chargé
dé la partie décorative. En ce moment (no-
vembre 1866), M. Bouguereau s'occupe de la
décoration de la salle de concert : les pein-
tures de cet artiste distingué ne seront pas
un des moindres attraits de ce magnifique
édifice.
BORDÉEBORDÉE de cinquante canons. La BORDÉE de tri-
bord. La BOUDÉE de bâbord, il Décharge si-
multanée des mêmes pièces : Lâcher une
BORDÉEBORDÉE , des BORDÉES. Envoyer une BORDÉE.
L'amiral lui lâcha une BORDÉE à boulets
rouges. (Volt.) il Décharge simultanée de tou-
tes les pièces de même calibre, tirant du
même flanc : Lâcher la BORDÉE de 24. [| S'em-
ploie quelquefois comme syn. de QUART :
Faire la BORDÉE de huit heures à midi, de midi
à six heures. Il Grande bordée, Grand quart de
nuit qui dure de minuit à six heures du ma-
tin, il Petite bordée, Demi-quart.
— Pig. Attaque vive et brusque, explosion
violente : Une BORDÉE d'injures, de sarcasmes,
de lazzi. C'était le seul homme gui l'eût sub-
jugué, et gui lui lâchait quelquefois des BOR-
DÉES effroyables. (St-Sim.) Il laissa passer
cette première BORDÉE, qui frappait toutes les
imaginations. (Volt.) Le recteur, gui marchait
en tête de sa compagnie, essuya la première
BORDÉE
BORDÉE s. f. (bor-dé — rad. bord). Mar.
Ensemble des canons dont les bouches s'ou-
vrent sur un même flanc du navire : Une
BORDÉEBORDÉE de sarcasmes ; elle futrude. (V.Hugo.)
Quand le magistrat eut achevé son discours,
une BORDÉE de sifflets partit du fond de la
salle, (J. Sandeau.)
— Chacune des allées et venues que fait
un navire lorsqu'il louvoie, c'est-à-dire lors-
qu'il marche en zigzag vers un but qu'il ne
peut atteindre directement : Courir des BOU-
DÉES. Le vent nous porta assez rapidement sur
Scio; mais 7ious fûmes obligés de courir des
BORDÉES,BORDÉES, entre l'île et la côte d'Asie, pour
embouquer le canal. (Chateaubr.) Enfin, au
déclin du soleil, le vent s'amollit ; nous faisons
une BORDÉE sur l'île d'Egine. (Lamart.) Le
maquereau se prend avec des lignes qu'on laisse
traîner à l'arrière du bateau, tandis qu'on
court des BORDÉES à Coûtes voiles. (A. Karr.) il
Fam. Dans le langage des marins, Allées et
venues, même sur terre, autour d'un point
quelconque : Mon amiral, depuis huit jours
cet homme ne fait que courir des BORDÉES au-
tour du château; il y a du louche là-dessous.
(W. Scott.) H Escapade à terre : Faire une
BORDÉE,BORDÉE, courir une BORDÉE dans la ville. Il
Se dit aussi, à peu près dans le même sens,
à Paris, dans l'argot des faubourgs : Tirer
une BORDÉE, Se déranger plusieurs jours de
suite de son travail habituel, pour aller boire
et jouer, d'un débit de vin à l'autre. Il
Courir une mauvaise bordée, Etre en mau-
vaise passe, décliner sous le rapport de la
santé, de la fortune ou du crédit.
— Erpét. Espèce de tortue terrestre.
B O R D E L s. m. (bor-dèl — du vieux franc.
borde, qui signifiait maisonnette, maison des
champs, métairie, et qui avait pour diminu-
tif bordel, signifiant maison chetive, de peu
d'apparence, masure, bicoque; et, enfin, par
une transition facile à saisir, maison de pro-
stitution. Quelques étymologistes font venir
ce mot de bord et eau, soit parce que les filles
ubliques choisissaient pour séjour le bord
e la rivière, soit parce qu'on les y confinait,
soit parce qu'on les trouvait souvent chez
les baigneurs et les étuvistes. Ce qui donne
une certaine probabilité à cette origine, c'est
que bordel se disait anciennement BORDEAU,
ainsi qu'on le voit par lo vers suivant du sa-
tirique Régnier :
Il vit au cabaret pour mourir au bardeau).
Maison de prostitution. Aller au BORDEL.
Passer ses nuits au BORDEL. Cotret de BORDEL.
Il Ce mot est bas et populaire..
— Encycl. V. LUPANAR et PROSTITUTION.
BORDELAGEBORDELAGE s. m. (bor-de-la-ge — rad.
bordeau, bordel, habitation rurale). Féod.
Tenure qui consistait en ce que les posses-
seurs des domaines ruraux les donnaient aux
laboureurs à perpétuité, à charge de les
faire valoir, et moyennant une redevance en
nature, argent, grains et volailles. Il Domaine
rural dans lequel on cultivait les légumes, on
élevart les volailles nécessaires à la consom-
mation du seigneur. Il Droit seigneurial sur
les bordels ou maisons de prostitution, il
S'est dit pour BORDEL.
BORDELAIS
BORDELAIS OU BOURDELAIS S. m. ( bor-
deMè — rad. Bordeaux). Hortic. Variété do
raisin noir.
B O R D E L A I S , A I S E s. et adj. (bor-de-lè,
é-ze). Habitant de Bordeaux, ou qui appar-
tient à cette ville.ou à ses habitants : Les
BORDELAISESBORDELAISES sont vives et spirituelles. Les. né-
gociants BORDELAIS. Le commerce BORDELAIS.
Les mœurs -BORDELAISES. Le principal aliment
du commerce de Bordeaux est l'exploitation
des vins du territoire BORDELAIS. (A. Hugo. '
— Encycl. — Econ. rur. Race bordelaise.
Cette race bovine, qui s'est formée dans les en-
virons de Bordeaux, ressemble à la race hol-
landaise par son poil pie, blanc et noir, par sa
forte corpulence et ses qualités laitières. Elle
provient de vaches de la Hollande, importées
comme laitières dans les environs de Bor-
deaux, et de vaches et de taureaux de la
Bretagne qu'on amène dans les mêmes con-
trées, et que la nourriture abondante et le
croisement ont fait grandir sans en diminuer
les qualités. Cette race, ancienne dans le dé-
partement de la Gironde, y est élevée en
grands troupeaux pour les besoins du pays et
pour l'exportation. Dans la Gironde, la ferti-
lité des herbages, comme l'influence du climat
maritime, favorise la sécrétion du lait et le
développement du corps. La race bordelaise
est bonne laitière, mais elle est exigeante, ne
s'entretient bien et ne donne beaucoup de lait
que sur de riches herbages. Les vaches bor-
delaises sont préférées aux bretonnes par les
nourrisseurs de la Gironde et par ceux de la
Catalogne, parce qu'elles sont plus fortes et
qu'elles donnent, même en proportion de leur
taille, autant de lait; par conséquent, pour une
certaine quantité de produits, elles occasion-
nent moins d'embarras.
BORDELON
BORDELON (Laurent), docteur en théologie
et écrivain français, né à Bourges en 1653,
mort à Paris en 1730. La liste de ses œuvres
est fort longue, et il disait naïvement de lui-
même : » Je sais que je suis un pauvre auteur
;
" mais du moins je suis honnête homme. » Il lui
arriva aussi de dire un jour, en société, que ses
ouvrages étaient ses péchés mortels ; un plai-
sant ajouta aussitôt : « dont le public fait la
pénitence. » Voici quelques-uns des titres qu'U
donna à ses publications : les Diversités cu-
rieuses (Amsterdam, 1699, 12 vol. in-12);
Théâtre philosophique (Paris, 1692); Entre-
tiens curieux sur l'astrologie (1689); Mitai ou
Aventures incroyables, et toutefois, et cœtera
(1708); la Véritable religion cherchée et trou-
vée (1708); Gongam. ou Y Homme prodigieux
transporté dans l'air, sur la terre et sous les
eaux (1711); les Cheminées de Paris (1712);
le Supplément de Tasse-Roussi-Friou-Titave
(1713 ) ; Histoire des imaginations extrava-
gantes de M. Ouffle, servant de préservatif
contre la lecture des livres qui traitent de la
magie, des démoniaques, des sorciers, etc.
(1710, 2 arol. in-12) ; Histoire des tours de maî-
tre Gonin (1713, 2 vol. in-12); Dialogue des
vivants (1717); les Aventures de *** ou les Ef-
fets surprenants de la sympathie (1713-1714,
5 vol. in-12), ouvrage qu'on a quelquefois at-
tribué à Marivaux, etc.
BORDELAIS
BORDELAIS (Burdigalensis ager), ancien
pays de France, dans la Guyenne, cap. Bor-
deaux, villes principales Libourne, Lespare,
Bourg, Blaye, etc. Le Bordelais est compris
actuellement dans les départements de la Gi-
ronde et des Landes.
B O R D E L I E R S. et adj. m. (bor-de-lié —
rad. bordel). Féod. Se disait d u n seigneur
auquel était due la redevance appelée borde-
lage : En cas d'aliénation, le seigneur BORDE-
LIER prenait le tiers denier du prix de la vente
ou de l'estimation de l'héritage. (A. Hugo.) H
Se disait aussi d'un héritage chargé du droit
de bordelager
— Homme qui fréquente les lieux de pro-
stitution : C'était un homme ribleux, BORDE-
LIEU, tavernier et de mauvaise vie. (Du Cange.)
El Ce mot a vieilli.
B O R D E L I È R E s. f. (bor-de-liè-re — rad.
bordel). Femme publique, attachée à une
maison de débauche. Il Vieux mot.
B O R D E L I È R E s. f. ( bor-de-liè-re — de
bord, et peut-être de bord de l'eau, parce
que ces poissons se tiennent ordinairement
sur le bord de l'eau). Ichthyol. Nom vul-
gaire d'un cyprin et de plusieurs autres
poissons;
BORDEMENT
BORDEMENT s. m. (bor-de-raan — rad.
border ). Peint. Manière d'employer les
émaux clairs, en les couchant à plat, bordés
du même métal sur lequel on les applique, d
Saillie d'une plaque d o r ou de cuivre qui
sert à retenir l'émail.
BORDENAU
BORDENAU s. m. (bor-de-no). Pêch. Nom
donné aux deux bâtons plombés par le bas.
que l'on met à chaque bout d'une seine, pour-
la tenir tendue dans sa hauteur ou sa lar-
geur, pendant qu'on la haie au rivage, n On
dit aussi BORDON et CANON.
— Techn. Porte à coulisse de l'écluse d'une
saline.
BORD-EN-SCIE
BORD-EN-SCIE s. m. Êrpét. Espèce de
tortue, de la Caroline, appartenant au genre
émyde. il PI. BORDS-EN-SCIE.
BORDENAVE
BORDENAVE (Toussaint), chirurgien fran-
ç a i s , né à Paris en 1728, mort en 1782. Après
avoir fait, en qualité de chirurgien, la cam-
pagne de Flandre, il fut nommé professeur au
collège de chirurgie de Paris; plus tard, il
devint directeur de l'Académie royale de chi-
rurgie et échevin de la ville de Paris. On a de
lui Tes ouvrages suivants : Essai sur la phy-
siologie (1726, 2 vol. in-12)- Traduction des
Eléments de physiologie de H aller (1768); Re-
marques sur l'insensibilité de quelques parties
(l757h Dissertation sur les antiseptiques (1769,
in-8°) ; Recherches anatomiques et expériences
pour éclaircir la doctrine de Haller sur la
distinction à établir entre la sensibilité et l'ir-
ritabilité, etc.
BORDENTOWNBORDENTOWN , ville des Etats-Unis de
l'Amérique, dans l'Etat de New-Jersey, comté
de Burlington, à 30 kilom. N.-E. de Philadel-
phie, à. 57 kilom. S.-O. de New-York, sur la .
rive gauche de la Delaware ; g,000 hab. Com-
merce très-important de bois de construction.
Aux environs, l'on remarque la maison de
campagne qui fut habitée par Joseph Bona-
parte, ex-roi d'Espagne.
BORDE-PLATS
BORDE-PLATS s. m. (bor-de-plâ). Art cu-
lin. Nom donné à certaines découpures en •
mie de pain frite, que l'on dépose symétri-
quement sur le bord des plats, pour les orner,
il PI. BOUDE-PLATS.
BORDERBORDER v. a. ou t r . (bor-dé — rad. bord).
Garnir d'un bord, d'une bordure : BOUDER
des souliers. BORDER un manteau. BORDER des
rideaux. La Deschamps, fameuse actrice de
l'Opéra, était parvenue à ce luxe insolent de
BORDERBORDER les bourrelets de sa chaise percée de
dentelle d'Angleterre. (Mercier.) il Disposer,
établir tout le long du bord de : BORDER 'une
rue de deux rangs de maisons. BORDER un
fleuve de quais magnifiques. BORDER un che-
min de deux haies d'aubépine. Elle se prome-
nait souvent seule sur les gazons dont un
printemps éternel BORDAIT son île. (Fénel.) On
a cru longtemps en France qu'il était fort
utile de BORDER de deux lignes d'arbres les
chemins de toute espèce. (Math. deDombasle.)
— Occuper le bord de, s'étendre, régner le
long de : Les contrées fertiles qui BORDENT la
côte occidentale de la Péninsule devaient exci-
ter la convoitise des Romains et des Samnites,
et devenir la proie du vainqueur. (Nap. III.)
J'aime jusqu'aux déserts qui BORDENT V ICgypte.
(Chateaubr.)
Des légions entières
Marchent sur son passage et cordent les frontières.
VOLTAIRE.
— Fig. Parsemer, se trouver en grande
quantité dans : La garantie contre les erreurs
qui
BORDENTBORDENT de tous côtés le chemin spirituel
de l'homme ne réside dans aucune chose exté-
rieure. (E. Scherer.)
— Border un lit, Enfoncer le bord, de la
couverture sous le matelas ou entre le bois
du lit et les matelas ou la paillasse : Le pre-
mier jour, elle rangea assez mal le ménage,
elle ne BORDA pas trop bien LE LIT, elle laissa
quelque peu de poussière sur les meubles.
(Mich. Masson.)
— Peint. Border des figures, Lès entourer
d'une teinte plus claire ou plus sombre que
le fond, selon qu'on veut en faire ressortir
les ombres ou les clairs : BORDER DES FIGURES,
c'est un procédé d'écolier ; la nature ne BORDE
pas les siennes.
— Grav. Garnir de cire les bords d'une
planche de cuivre, afin de retenir l'eau-forte
qui doit mordre.
— Art milit. Occuper sur toute son éten-
due la partie extérieure de : BORDER un re-
tranchement, le parapet, la brèche. Nous ne
pouvons BORDER tous ces retranchements.
(Volt.) La ville succomba longue ses défenseurs
ne furent plus assez nombreux pour BORDER tes .
brèches. (Mérimée.) Il Border ta haie, Ranger
des troupes en longue ligne sur un des côtés
ou de chaque côté d'une r u e , d'une voie
quelconque que doit parcourir un cortège :
La cavalerie BORDAIT LA HAIE, H On dit mieux
aujourd'hui faire la haie.
— Mar. Côtoyer : La flotte ne fit que BOR-
DER les côtes, il Border un bâtiment, Revêtir
sa membrure de bordages. n Border les avi-
rons, Les placer sur le bord de l'embarca-
tion, il Border une voile, les écoutes, Les ar-
rêter, les tendre par en bas. il Border un
vaisseau ennemi, Le-suivre de côté, afin do
l'observer.
— Péch. Border un filet, L'entourer d'une
. corde pour le rendre plus fort.
— Hortic. Border une planche. En relever
la terre sur les bords, en sorte que la plan-
che domine le sentier.
Se border, v. pr. [Etre bordé : Ces étoffes
SE BORDENT du même.
BORD BORD
BORD
BORD 999
BORDEREAUBORDEREAU s. m. (bor-de-ro — diminut.
de bord, proprement petit bord de papier).
.Comm. Note explicative et détaillée article
par article : Chacun est muni du BORDEREAU
de son actif. (Beaumarch.) il Etat des espèces
diverses gui composent une somme on le
montant d'une caisse, il Petit livre de poche
sur lequel on inscrit les payements à mesure
qu'ils sont faits.
— Bordereau d'agent de change, de courtier,
Etat de • leurs opérations, il Bordereau de
caisse, Note où sont indiqués un à un les
payements et recouvrements à faire dans la
journée, il Bordereawde compte. Récapitula-
tion et balance du débit e t du crédit, il Bor-
. dereau d'escompte, Note méthodique et dé-
taillée des billets, lettres de change ou va-
leurs présentés à l'escompte. Il Faire un bor-
dereau, Escompter, négocier les valeurs énu-
mérées sur le bordereau d'escompte.
— Ponts et chaussées. Bordereau de prix,
Liste des prix de chaque nature de travaux
à exécuter par exemple, du mètre cube de
maçonnerie, de la tonne de fonte, etc.
— Typogr. Note de l'ouvrage fait d'une ban-
que à 1 autre ; note générale établie par le met-
teur en pages, et d'après laquelle les ouvriers
sont payés : Chaque ouvrier remet au metteur
en pages son BORDEREAU particulier.
— Jurispr. Bordereau de pièces, Liste no-
minative et certifiée des pièces dont se com-
pose le dossier d'une affaire, t) Bordereau de
collocation, Acte délivré par le greffier du
tribunal civil et revêtu de la formule exécu-
toire, qui est remis aux créanciers.utilement
colloques dans un ordre, et qui constitue leur
titre de payement contre les débiteurs de la
somme à distribuer : Le juge-commissaire a
ordonné la délivrance des BORDEREAUX, il Bor-
dereau d'ordre^ Extrait du procès-verbal
d'ordre, délivre par le greffier au créancier
colloque. Il Bordereau d'inscription, Extrait
d'acte contenant les indications nécessaires
pour faire inscrire un privilège ou une hypo-
thèque, et sans la remise duquel aucune in-
scription ne peut être faite sur les registres
du conservateur des hypothèques.
BORDEREAU
BORDEREAU (Renée), héroïne vendéenne,
née à Soulaine,près d'Angers, en 1770, morte
en 1828. Elle appartenait à une famille de sim-
ples villageois, qui ne lui firent donner au-
cune instruction, mais qui lui inspirèrent des
sentiments de piété très-exaltés et un grand
dévouement pour la cause royale. Quand la
Vendée se souleva contre la République, Re-
née vit quarante-deux de ses parents périr
d'une mort violente; dès lors elle résolut de
consacrer sa vie à la défense du trône et de
l'autel, elle prit des habits d'homme et s'en-
rôla comme cavalier dans l'armée vendéenne,
sous le nom de Langevin. Le courage extra-
ordinaire qu'elle montra dans les circonstan-
ces les plus périlleuses la lit bientôt remar-
quer; on l'appelait le brave Langevin. Après
• la dispersion de l'armée royale, elle continua
longtemps encore de combattre à la tète de
quelques soldats qui lui obéissaient comme
a leur capitaine, et elle parvint à délivrer
beaucoup de prisonniers qui lui durent la vie.
Après la pacification de la Vendée, Renée
Bordereau se retira dans sa famille ; mais elle
n'y resta pas longtemps, car elle fut arrêtée
et détenue au Mont-Saint-Michel jusqu'en
1814. A cette époque, elle vint à Paris, fut
présentée a Louis XVIII, et fit imprimer ses
Mémoires, dont le style est loin d'être correct^
mais qui renferment des détails curieux. Elle
joua encore un rôle dans les mouvements
royalistes de-1815, obtint ensuite une petite
pension du roi, et alla finir ses jours dans son
pays natal.
BORDÈRES,
BORDÈRES, ch.-l. de cant. (Hautes-Pyré-
nées), arrond. de Bagnères; 462 hab. Car-
rières de marbre blanc ; ruines d'une ancienne
forteresse construite, dit-on, par les Vanda-
les ou les Sarrasins, et qui fut détruite en
1740 par un incendie.
BORDERIE
BORDERIE s. f. (bor-de-rî — rad. borde).
Petite métairie, mot usité surtout dans le
midi de la France, n Dans les départements
du centre, Quantité de terre labourée par
deux bœufs pendant une année ou par quatre
bœufs dans le même temps, pour d'autres
localités.
Encycl. On appelait autrefois borderie un
petit domaine dont le propriétaire avait con-
cédé la jouissance au bordier et à ses descen-
dants en ligne directe, à condition de demeu-
rer sur le bien, de le cultiver et de payer une
redevance en argent, en grains et en vo-
lailles, ou en deux de ces trois choses." Le
bordier ne pouvait diviser le domaine, ni le
démembrer, ni abattre les arbres fruitiers ou
convertir les terres en nature de moindre va-
leur; mais il avait la faculté de céder son
droit à un tiers, si le propriétaire ne consen-
tait pas à payer le prix obtenu de la cession.
Cette espèce de bail paraît avoir été fort ré-
pandue autrefois, car on la retrouve sous des
noms divers dans plusieurs parties de la
France, en Angleterre et dans les pays situés
au delà du Rhin. La borderie n'a de rapport
ni avec le droit romain, ni avec le droit féo-
dal, ni avec les lois modernes; de plus, les
lieux où elle apparaît plus ou moins complè-
tement sont ceux où la civilisation romaine
avait le moins pénétré, et où plus tard les
races germaines négligèrent de s'établir. On
a conclu de là que cette institution était d'o-
rigine celtique. Ce qui est certain, c'est que,
pendant le moyen âge, alors que la majeure
partie des populations était courbée sous le
joug féodal, la" borderie tfut sans contredit le
meilleur moyen de tirer parti de la terre. D'un
côté, le propriétaire conservait ses droits in-
tacts, tout en se créant des revenus ; il n'aban-
donnait pas le sol aux inconvénients du mor-
cellement; de l'autre, le bordier n'était ni un
serf attaché à la glèbe ni un simple métayer
comme le colon romain. Bien que sa condi-
tion fût inférieure à celle du propriétaire al-
lodial, il avait sa liberté pleine et entière; il .
jouissait des fruits de son travail, transmet-
tait son bien à ses enfants ou le vendait au
propriétaire originaire, et, k son refus, à un
tiers, sous la seule condition de conserver et
de payer annuellement le prix de la conces-
sion. La borderie n'est plus aujourd'hui qu'un
souvenir, sa disparition a été une conséquence
nécessaire des progrès de l'agriculture.
BORDERIE,
BORDERIE, poète français, né en Norman-
die en 1507, fut élève et imitateur de Marot,
qui le nommait son mignon. On connaît sur-
tout son po&me de YAmy de cour (Paris,
1542, in-s°). La versification de cette pièce
est heureuse et facile ; elle a une grâce pleine
d'enjouement et de naïveté. Un autre poëme
du même auteur est intitulé : Discours du
voyage de Constantinople envoyé dudit lieu à
une demoiselle de France (hyon, 1549, in-12).
BOUDERIES
BOUDERIES (Etienne-Jean-François), pré-
lat français, né à Montauban en 1764, mort
en. 1832. N'ayant pas voulu, pendant la Révo-
lution, prêter le serment exigé des prêtres, il
se retira dans les Pays-Bas, puis en Allema-
gne. A sa rentrée en France, il fut d'abord
attaché à la Sainte-Chapelle, puis il remplit
les fonctions de vicaire à Saint-Thomas-d'A-
quin. Il devint ensuite grand .vicaire du dio-
cèse de Paris, et fut, en'1827, nommé évêque
de Versailles. Ses oeuvres ont été publiées à
Paris, 1833, en 4 vol. in-8<>, peu de temps
après sa mort ; on y trouve des sermons, des
prônes, des conférences, des cantiques, des
mandements, etc.
BORDES
BORDES (Basile), moine et prédicateur, né
vers 15S8, fut pendu en 1633. Le frère Ni-
colas, comme lui ermite de Notre-Dame-de-
l'Etang, à Dijon, lui ayant un jour confié une
somme d'argent considérable, Bordes l'assas-
sina pour rester possesseur de ce dépôt. Le
meurtre fut découvert par les paroles mêmes
que prononça le coupable en chaire, lorsqu'il
prêcha quelque temps après à Saint-Bénigne
de Dijon, et Basile fut condamné à être pendu.
On a de lui une Histoire de l'image de Notre-
Dame de l'Etang (1632, in-8°).
BORDESOCLLEBORDESOCLLE (Et. TARDIF DE POMME-
RAITX, comte DE), général de cavalerie, né en
1771, à Luzerets (Indre), mort en 1837. Il ser-
vit avec distinction, sinon avec éclat, pendant
les guerres de la Révolution, fut nommé colo-
nel à Austerlitz pour l'héroïsme de sa con-
duite , puis général de brigade à Friedland
(1807); se fit également remarquer par sa bra-
voure et sa capacité en Espagne, dans la cam-
pagne de Russie et dans celle d'Allemagne,
et fut nommé général de division et baron en
1812. Pendant Ta campagne de France, il com-
battit avec autant d'intelligence que de valeur
jusqu'à la capitulation de Paris et l'abdica-
tion de Fontainebleau, mais seconda la défec-
tion de Marmont à Essonne et consacra dès
lors son épée à la cause des Bourbons-. IL de-
vint commandant de la cavalerie de la garde,
qu'il avait organisée, député, commandeur de
SainfhLouis, gouverneur de l'Ecole polytech-
nique, pair de France, etc. Dans la guerre
d'Espagne, il fut un des principaux lieutenants
du duc d'Angoulême. — Son fils, Frédéric-
Adolphe BORDESOUIXEJ né en 1804, mort en
1855, fut page de Louis XVIIE,- puis il entra
dans la cavalerie, fit la campagne d'Espagne
et donna sa démission d'officier après la ré-
volution de Juillet. On a de lui un recueil de
Poésies (Paris, 1836, in-8°), et quelques autres
écrits littéraires.
BORDEU
BORDEU (Théophile DE), célèbre médecin,
né le 22 février 1722, à Izeste, près des Eaux-
Bonnes, en Béarn, mort le 24 novembre 1776.
Après avoir fait ses premières études au col-
lège des jésuites à Pau, il vint étudier la mé-
decine à Montpellier, se destinant à suivre
une carrière dans laquelle sa famille se distin- •
guait depuis plusieurs siècles. Il avait à peine
vingt ansj lorsqu'il présenta, en 1742, sa thèse
physiologique sur la Sensibilité en général (De
sensu generice considerato), germe fécond de ,
ses ouvrages ultérieurs. Ce fut sa première
déclaration de guerre contre l'école de Boer-
haave. Il y examinait la question des esprits
animaux, montrait que ces esprits sont une
hypothèse qu'aucune preuve réelle n'appuie,
et rangeait parmi les vaines recherches celle
du siège de l'âme. Cette thèse fut remarquée,
applaudie, et valut à Bordeu la dispense de
plusieurs examens. Elle fut bientôt suivie
(1748) d'une dissertation sur l'histoire de la
digestion (Chylificationis historia), où cette
importante fonction était considérée comme
une action éminemment vitale, c'est-à-dire
inexplicable par les forces purement chimi-
ques et mécaniques.
Bordeu reçut, en 1744,1e bonnet de docteur
avec le titre-de médecin chirurgien, et r e -
tourna à Pau au milieu de ses compatriotes.
Le désir de perfectionner ses connaissances
le ramena bientôt à Montpellier et le condui-
sit, deux ans après, dans la capitale. Il en re-
vint décoré du titre de surintendant des eaux
minérales de l'Aquitaine. Il fit connaître ces
eaux par des articles publiés dans le Journal
de Baréges, et par des Lettres (1748), qui eu-
rent un grand succès parmi les gens du monde.
En même temps, il se livrait aux recherches
anatomiques, et envoyait de Pau à l'Acadé-
mie des Sciences un Mémoire sur les articu-
lations des os de la face, où il démontrait que
tous les os dont l'assemblage forme la face
sont disposés de manière à résister avec avan-
tage aux efforts de la mâchoire inférieure.
En 1752, Bordeu, âgé de trente ans, s'éta-
blit à Paris, et y annonça sa présence par la
publication d'un ouvrage capital, les Recher-
ches anatomiques sur la position des glandes
et sur leur action. « Le peu de temps écoulé
entre son arrivée dans la capitale et la publi-
cation de ce beau travail, dit Richerand, ne
permet point de douter qu'il ne fût le fruit de
ses études antérieures, et qu'il n'eût quitté la
province, certain d'arriver ainsi tout d'un
coup à la célébrité. C'était à Paris que les
doctrines mécaniques et chimiques de Boer-
haave avaient les partisans les plus nombreux
et les plus accrédités. Un livre où se trou-
vaient attaquées les opinions dominantes ne
pouvait manquer de produire la sensation
la plus vive. Aussi, dès son apparition,"tous
' les regards se dirigèrent vers le jeune athlète
qui ne craignait point d'entrer en lice avec de
si redoutables adversaires, » L'objet des Re-
cherches sur la position et l'action des glandes
est de prouver que la sécrétion consiste en
une véritable élaboration du liquide sécrété,
dont le sang fournit les éléments, et non dans,
une simple séparation, comme le mot sécré-
tion semblerait l'indiquer; que cette fonction
est le résultat de l'action propre de l'organe
glandulaire, et ne résulte ni d un rapport mé-
canique entre la capacité des vaisseaux glan-
dulaires et le volume des globules qui doivent
y pénétrer, ni d'une affinité chimique entre
l'humeur sécrétée et la substance de la glande ;
que l'excrétion du liquide est également due à
1 action vitale de l'organe glandulaire; que
les muscles et les organes voisins ne sont pas
disposés par rapport aux glandes de manière
à pouvoir les comprimer et les vider par ex-
pression des humeurs qu'elles fournissent,
mais qu'ils se bornent à leur imprimer des
secousses et des mouvements favorables à
leur action. V. GLANDES (Recherches sur les).
• Cet ouvrage mit Bordeu en rapport avec les
littérateurs et les savants de l'époque. Il de-
vint collaborateur de Y Encyclopédie, pour la-
quelle il composa, en 1753, 1 article Crises.
Dans cet article, plein de judicieuses recher-
ches, Bordeu admet, comme les anciens, entre
les diverses fonctions de l'organisme, une
sorte d'harmonie en vertu de laquelle les phé-
nomènes qui constituent la plupart des mala-
dies paraissent le résultat d'efforts sagement
combinés et tendant au rétablissement de la
santé; il reconnaît l'existence des crises, c'est-
à-dire de révolutions qui annoncent la guéri-
son et qui sont, le plus souvent, marquées
par des évacuations •, mais il nie que ces cri-
ses surviennent à des jours réguliers. La doc-
trine des jours critiques ne lui paraît avoir
d'autre fondement que la valeur mystique at-
tribuée aux nombres par les pythagoriciens.
« Voilà, dit-il, la première cause de tous les
calculs des médecins; voilà l'idole à laquelle
ils sacrifiaient leurs propres observations,
?
u'ils retournaient toujours jusqu'à ce qu'elles
ussent conformes â leur opinion maîtresse-ou
fandamentalëj trop semblables, dans cette
sorte de fanatisme, à la plupart des modernes,
qui ont tout ramené, les uns à la matière sub-
tile, les"autres à l'attraction, à l'action des
esprits animaux, à l'inflammation, etc. »
Cependant Bordeu manquait d'un titre légal
pour exercer la médecine au sein de la capi-
tale; celui de docteur de la Faculté de Mont-
pellier ne suffisait pas ; il fallait appartenir à
la Faculté de' Paris. L'auteur des Recherches
sur les glandes n'hésita pas à subir de nou-
veaux examens. Il composa à cette occasion
trois dissertations latines, l'une sur la Chasse
considérée comme l'exercice le plus hygiénique
(An venatio cœteris exercitationibus salubrior);
une autre sur Y Usage des eaux minérales d'A-
quitaine dans les maladies chroniques (Utrum
Aquitaniœ minérales aquœ morbis chroni-
cis, etc.) ; une autre enfin sur le Concours que
toutes les parties du corps apportent à la di-
gestion (An omnes corporis partes digestioni
opitulentur). Dans cette dernière thèse, il s'at-
tache à montrer que chaque organe prend plus
ou moins de part aux actions des autres, selon
l'importance des fonctions qu'ils remplissent
ou le degré d'empire qu'ils ont sur lui, et que
l'estomac, soit par sa position, soit par l'éten-
due de ses liaisons avec les autres organes,
soit par la nature de ses opérations
?
semble
donner l'impulsion à toute la machine ani-
male.
Muni du diplôme indispensable, et, peu de
temps après, nommé médecin de l'hôpital de
la Charité avec le titre d'inspecteur créé ex-
près pour lui, Bordeu ne-tarda pas à s'élever
au premier rang des praticiens de la capitale.
En 1756, il fit paraître des Recherches sur le
pouls, dans lesquelles il- accordait à cet élé-
ment de diagnostic et de pronostic une impor-
tance exagérée, mais qui tirent beaucoup de
bruit et rendirent populaire la renommée de
l'auteur. Ces brillants succès excitèrent l'en-
vie et la haine de ses confrères. Nihil prœter
invidiam medicorum ; Bordeu put s'apercevoir
de la vérité de ce proverbe. Bouvart, fameux
par l'âcreté de ses saillies et par la cicatrice
difforme qu'il portait au visage et « qu'il s'é-
tait faite, disait Diderot, en maniant mala-
droitement la faux de la mort, » se mit à la
tête de ses nombreux détracteurs, et alla jus-
qu'à l'accuser d'avoir volé les bijoux d'un ri-
,che malade qu'il conduisait aux eaux minéra-
les, et qui était mort dans le voyage. Thierry
eut assez de crédit pour faire rayer le nom de
Bordeu de la liste des médecins de la Faculté,
et il fallut un arrêt des cours souveraines pour
le rétablir dans la jouissance de ses droits.
Telle était même l'odieuse conduite de ses en-
nemis, qu'il n'aurait pu visiter ses malades
sans dangers pour sa vie, si le prince de Conti
ne lui eût prêté, pour courir la ville, son équi-
page et sa livrée.
Ces persécutions troublèrent son repos,
mais ne le détournèrent pas de ses travaux
scientifiques. Il publia successivement des
Recherches sur la colique métallique ou du
Poitou, formant trois dissertations insérées
dans l'ancien Journal de médecine (1762-1763) ;
des Recherches sur l'histoire de la médecine
(1764), ouvrage écrit à l'occasion de l'inocu-
lation, dont il était le chaud partisan, et dans
lequel, passant en revue tous les âges de la
médecine, toutes les sectes qui l'ont divisée,
tous les médecins qui ont joui de quelque cé-
lébrité, il n'oublie pas de mettre en scène et
de livrer à la risée du lecteur ceux de ses
confrères qui le poursuivaient avec le plus
d'acharnement ; Des recherches sur te tissu mu-
queux ou l'organe cellulaire (1767) ; enfin, des
Recherches sur les maladies chroniques (1775).
Ces deux derniers ouvrages méritent de nous
arrêter un instant.
« C'est par le beau traité de Bordeu sur le
Tissu muqueux, dit M. Flourens, que l'anato-
mie générale commence. Que fait Bichat dans
son traité à'Anatomie générale? Il prend cha-
que tissu l'un après l'autre, et l'étudié à part
et dans son ensemble ; c'est ce qu'avait fait
Bordeu pour le tissu muqueux. D'où vient
même ce nom de tissu appliqué aux parties
primitives et simples? Il vient de Bordeu. » Il
est tçès-vrai qu entre les Recherches sur le
tissu muqueux et le Traité des membranes de
Bichat on peut saisir facilement un rapport
de filiation; il est très-vrai encore que l'étude
du tissu cellulaire, telle que Bordeu l'a faite, a
pu et dû servir de type pour l'étude des au-
tres tissus. Bordeu prend le tissu cellulaire et
le suit dans toutes les régions où il se trouve,
dans toutes les parties ou il pénètre; il le voit
d'abord formant sous la peau une couverture
générale, un grand sac qui enveloppe le corps
entier; il voit ensuite ce grand sac se diviser
en plusieurs autres, un pour la tête et le cou,
un pour la poitrine et le tronc, un pour cha-
que membre. Il observe enfin que chaque or-
gane, chaque partie d'organe a sa couverture
particulière, son enveloppe propre, de même
que le corps entier a sa couverture générale,
son grand sac; en un mot, que le tissu mu-
queux, partout continu, pénètre partout, se
f lisse partout, moyen tout à la fois d'union et
'isolement pour les diverses parties, vaste
atmosphère dans laquelle elles sont plongées,
qui en entoure tout l'extérieur, et qui en rem-
plit tous les interstices. Mais il faut reconnaî-
tre que Bordeu ne s'élève pas à l'idée qui a
créé l'anâtomie générale, à Vidée abstraite et
générale de tissu. Il en est éloigné par sa ten-
dance à individualiser les organes, à les con-
sidérer comme des espèces d'animaux, c'est-
à-dire , d'une manière très-concrète, à les
douer d'une activité, d'une sensibilité, d'une
vie propres. Son tissu muqueux, qu'on le r e -
marque bien, est conçu par lui comme exis-
tant en dehors des organes, et non comme
dérivant de l'analyse anatomique; il ne le
compare pas à d'autres tissus, et il l'appelle
aussi souvent organe cellulaire que tissu mu-
queux. Cet organe cellulaire a, selon Bordeu,
une fonction qui le met à part, par laquelle il
est seul de son espèce : c'est de nourrir les
autres organes. « C'est dans cette masse spon-
- gieuse, dit-il, que sont placées les diver-
ses parties, viscères , muscles et glandes ;
elles y sont, pour ainsi dire, plantées; elles y
végètent, elles s'y étendent et s'y arrangent
par la force de leurs germes, ou des extrémi-
tés des nerfs qui leur sont propres. « Toutes
ces parties ne sont, dans les jeunes sujets,
que des espèces de bourgeons qui viennent à
végéter dans le tissu cellulaire, comme les
branches, les fruits et les feuilles des arbres
s'étendent dans l'air, ou plutôt comme les ra-
cines végètent et se contournent dans la
terre. » En réalité, Bordeu ne sort pas, de
l'anâtomie descriptive, de l'organologie; l'im-
portance de l'idée de tissu lui.échappe. Ce qui
est important à ses yeux, c'est ce qu'il ap-
pelle la théorie du tissu cellulaire, par laquelle
il explique, en physiologie, la nutrition; en
pathologie, les fluxions et les métastases, et
qu'il cherche à substituer aux théories sug-
gérées par la découverte de la circulation.
Les Recherches sur les maladies chroniques
contiennent l'exposition des doctrines physio-
logiques et pathologiques de Bordeu. Nous en
donnerons ici le résumé. Le corps, suivant
Bordeu, est un assemblage d'organes qui se
meuvent, agissent, se reposent dans des temps
marqués. La vie générale est la somme des
vies particulières à chacun de ces organes,
qui sont doués de mouvements particuliers.
Ces mouvements dépendent des nerfs, dont on
eut considérer l'ensemble comme un polype
ont les racines ou les bouches s'étendent aux
organes des sens et à toutes les parties, don-
nant à chacune l'espèce de sensibilité et d'ao
1000 BORD
BORD
BORD
BORD
tîvïté dont elles sont pourvues. Le cerveau,
le cœur et l'estomac sont le triumvirat, lettré-
pied de la vie; par leur union et leur concert
merveilleux, ils pourvoient à lu vie de chaque
partie et à chaque fonction: ils sont enfin les
trois principaux centres d'où partent le senti-
ment et le mouvement, et ou ils reviennent
après avoir circulé; car la santé se soutient
par cette circulation constante. Les fonctions
particulières, comme les sécrétions et les ex-
crétions, le mouvement musculaire, le som-
meil et la veille, l'usage des sens internes et
externes, sont subordonnés et doivent leur
conservation aux trois causes générales pré-
cédentes. Toute fonction a, de plus, une ma-
nière de s'exécuter déterminée et symétrique.
Dans chaque excrétion, par exemple, il y a
une force qui apprête, une autre qui travaille,
une troisième qui évacue; après quoi l'organe
reprend son premier état. Il y a trop loin des
lois de la chimie et de la mécanique à celles
de la nature vivante. De la la nécessité d'ob-
server les phénomènes vitaux, d'é.tudier le
énie de tous les organes, leur liaison, l'ordre
es fonctions et le temps où elles s'exécutent,
au lieu d'imaginer des explications physiques
et chimiques. La santé est une modification
de la vie, sujette à varier dans un sujet dé-
terminé. Comme la santé n'est pas uniforme
et constante, il n'en est pas non plus de par-
faite, c'est-à-dire qu'il n'existe pas un état
parfait des parties et de leurs mouvements ;
cet état est une conception de l'esprit, un
idéal. La santé particulière dont chaque
homme jouit, laquelle s'éloigne ou s'approche
de la santé parfaite, selon l'action plus ou
moins énergique de certains organes, donne
la diversité des tempéraments. Par maladie,
on doit entendre un dérangement dans les
fonctions, dépendant de quelque vice organi-
que, ou de l'action augmentée ou diminuée de
quelque partie. Une fonction qui s'exécute
avec une énergie capable de déranger les
autres constitue déjà un état morbide. La di-
gestion, par exemple, surtout une digestion
laborieuse, ne diffère point d'un accès de fiè-
vre ou du travail organique de la suppuration.
Toute maladie, soit aiguS, soit chronique,
peut être comparée aux fonctions d'une
glande; un observateur attentif peut y re-
marquer un travail préparateur, un travail
élaborateur et un travail excréteur. Toute
fièvre dépend de l'inégale distribution des
forces. En chaque maladie, il faut distinguer
trois espèces de fièvres, correspondant aux
trois temps de la maladie : la fièvre d'irrita-
tion produite par le travail préparateur; la
fièvre de coction, produite par le travail éla-
borateur ; enfin, la fièvre d'évacuation, pro-
duite par le travail excréteur et qui est la
voie assez ordinaire par laquelle les maladies
se terminent. Quelquefois ces trois temps, ou
ces trois fièvres, gardent entre elles des in-
tervalles assez égaux et assez longs pour
qu'on puisse les distinguer : souvent aussi leur
marche est inégale et confuse.
Les occupations incessantes de Bordeu, et
la nécessité pénible d'une lutte continuelle
contre des haines qui ne'désarmaient pas,
altérèrent sa santé. Il pensa à la retraite et
s'occupa de réaliser sa fortune. Elle était bien
humble pour un médecin qui avait pratiqué
dans la plus haute société, parmi les riches
malades des eaux et les plus hauts personna-
ges de la capitale. Cet homme, accusé d'aooir
volé des bijoux, put à peine réunir, pour
la placer chez le banquier de la Borde, la
somme de quatre-vingt mille francs. Peu de
temps après, Bordeu éprouva des attaques de
goutte irrégulières, quelques coups de sang.
Un voyage aux eaux de son pays ne fit qu'ag-
graver cette affection, au heu de la guérir.
Enfin il succomba à une /dernière attaque
d'apoplexie le 23 septembre 1776; il n'avait
que cinquante-quatre ans. La mort l'avait
surpris dans son sommeil « comme si elle l'eût
craint tout éveillé;» dirent les beaux esprits
du temps. A la nouvelle de cette mort, Bou-
vart couronna ses calomnies car ce propos
infâme : Je n'aurais pas cru qu'il fût mort ho-
rizontalement.
L'originalité de Bordeu est d'avoir compris
la complexité des phénomènes vitaux, leur
indépendance, leur irréductibilité; d'avoir re-
poussé le simplisme de toutes les théories qui
considèrent les organes comme passivement
soumis à un moteur extérieur, quel que soit ce
moteur; d'avoir allié à l'idée de l'unité vitale
celle de l'activité propre et spontanée des
organes ; enfin, de n'avoir pas cherché à sub-
stantialiser, à rapporter à un principe animi-
que quelconque les rapports de finalité qu'il
lisait au fond des actes organiques. «Bordeu,
homme à imagination ardente et créatrice, dit
M. Chauffard, pénétra dans l'idée de vie et
de maladie plus avant que ceux de son temps,
quoique confusément et à travers toutes sor-
tes d images. Il ne doua pas seulement les or-
ganes du sentiment et du mouvement général ;
il alla plus loin et vit qu'ils jouissent d'une vie
propre, qu'ils s'établissent d'abord en dépar-
tements plus ou moins étendus, pour ensuite
constituer l'unité vivante. Il descendit ainsi
dans l'étude infiniment délicate et variée de
la vie et de ses formes, et avec un vif senti-
ment de réalité, que ses contemporains ne
comprirent guère.
Les ouvrages de Bordeu ne sont pas re-
marquables par la méthode, par le plan; ils
n'offrent pas un tissu bien serré; mais ils sont
semés de vues originales, grandes, philoso-
phiques (c'est l'expression de Bichat), qui s'em-
arent de l'attention et font réfléchir. • Bor-
eu, dit Broussais, est un de ces auteurs qu'il
faut étudier. » Son style est clair et vif;
c'est le style simple et souriant, si éminem-
ment français, du siècle de Voltaire, qui re-
pousse le mot savant formé du grec, la phrase
grave, le ton doctoral, et qui accueille volon-
tiers le trait malin, la comparaison ingénieuse
et l'allusion piquante. Qu'on en juge par la
manière dont Bordeu blâme l'abus de la sai-
gnée, trop préconisée par Chirac : • Je disais
un jour à un de mes amis que le premier qui
osa faire une saignée était un homme bien
courageux, pour ne rien dire davantage. Mon
ami fut étonné, et je lui demandai ensuite ce
qu'il pensait de celui qui, s'étant aventuré pour
la première fois à saigner un-malade, le vit.
mourir, et cependant se' détermina à saigner
de même un autre malade, après avoir vu
mourir le premier. » — « J'ai vu, dit-il ailleurs,
un moine qui ne mettait point de terme aux
saignées : lorsqu'il en avait fait trois, il en fai-
sait une quatrième, par la raison, disait-il, que
l'année a quatre saisons ; qu'il y a quatre parties
du inonde, quatre âges, quatre points cardi-
naux. Après la quatrième, il en fallait une
cinquième, car il y a cinq doigts à la main. A
la cinquième, il en joignait une sixième, car
Dieu créa le monde en six jours. Six ! il en
faut sept ; car la semaine a sept jours, comme
la Grèce eut sept sages. La huitième sera
môme nécessaire, parce que le compte est
plus rond. Encore une neuvième, quia... nu-
méro Deus impare gaudet. »
BORDEUSKBORDEUSK de souliers. Une jeune UORUKUSE.
BORDEUR,
BORDEUR, EU5E s. (bor-deur,eu-ze). An-
cienne forme du mot BRODEUR.
— s. f. Femme qui borde ; se dit surtout
de l'ouvrière qui borde les chaussées : Une
BORDEYER
BORDEYER v. n. ou intr. (bor-dé-ié — rad.
bord). JVIar. Louvoyer, gouverner alternati-
vement d'un côté et de l'autre, lorsque le
vont est contraire : Nous BORDEYÂMUS toute
la nuit dans cette incertitude. (De Retz.)
V . BORDAILLER.
BORDIER,BORDIER, 1ÈRE adj. et s. (bor-dié, iè-re)
— rad. bord). Mar. Se dit d'un bâtiment qui
a un bord plus fort que l'autre et qui incline
de côté : un bâtiment BORDIER. Un BORDIER.
— Se disait autrefois de ' celui dont les
terres bordaient le grand chemin : Un pro-
priétaire BORDIER. Un BORDIER.
BORDIER,BORDIER, 1ÈRE s. (bor-dié — rad. borde).
Agrie. Personne qui exploite une petite
ferme, il Métayer, personne qui exploite une
ferme à moitié fruits.
BORDIER,
BORDIER, acteur français, mort en 1789.
Il avait acquis une certaine réputation sur le
théâtre des Variétés à Paris, par un jeu plein
de naturel et de gaieté, lorsquela Révolution de
1789 éclata. Il en embrassa les principes avec
enthousiasme, et, s'étant rendu à Rouen, il se
mit à la tète d'un mouvement populaire. Ar-
rêté et condamné par le parlement à être
pendu, Bordier conserva jusqu'au dernier mo-
ment son sang-froid et son caractère bouffon.
En 1793, sa mémoire fut réhabilitée à Rouen
dans une fête publique.
BORDIER
BORDIER (Henri-Léonard), archiviste et
archéologue, né à Paris en 1817. Tout en
faisant son cours de droit, il suivit le cours de
l'Ecole des chartes, et obtint presque en même
temps les diplômes de licencié et de paléo-
graphe. Archiviste auxiliaire de l'Académie
des inscriptions et belles-lettres, M. Bordier
s'est fait connaître par les publications sui-
vantes, qui montrent le savant doublé du tra-
vailleur : Du recueil des chartes mérovingiennes,
formant la première partie de la collection des
chartes et diplômes relatifs à l'histoire de
France (1850) ; les Archives de la France, ou
Histoire des Archives de l'empire, etc. (1853);
les Eglises et les monastères de Paris, pièces
en prose et en vers des tx
c
, xine et xive siè-
cles (1856) ; les Livres des miracles de Grégoire
de Tours {1857); Histoire de France, d'après
les documents originaux et les monuments de
l'art de chaque époque (1860, 2 vol. in-3°), en
collaboration avec M. Ed. Charton, etc.
BOKD1ER-MARCET, lampiste, né à Genève,
, mort à Paris en 1835. 11 fut l'élève et le suc-
cesseur d'Argand, et tint à Paris un établisse-
ment très-florissant, qui avait ces mots pour
enseigne : Au Phare sidéral. On a de lui deux
ouvrages sur l'art de l'éclairage : la Para-
bole soumise à l'art, ou Essai sur la catop-
trique de l'éclairage (1819, in-8°); Notice des-
criptive d'un fanal à double aspect, pour un
phare à feumobile (1822, in-8°).
BORDIÈRES
BORDIÈRES s. f. pi. (bor-diè-re) — rad.
border). Terres limitrophes, il Vieux mot.
BORD1GIIERA, petit village fortifié, dans
une situation ravissante, sur la route de la
Corniche, qui va de Nice à Gênes. En passant
devant les collines de Bordighera et de San-
Rem'o, le voyageur est tout étonné de voir que
les branches des palmiers, loin de s'épanouir
en liberté, s'élèvent vers le ciel réunies en
faisceau. La raison de ce singulier usage est
-
que ces palmiers sont destinés à fournir des
palmes aux églises de Rome, le jour des Ra-
meaux. Voici 1 origine de ce privilège. Enl5S6,
Sixte V voulut faire placer devant la basilique
de Saint-Pierre l'obélisque qu'on y admire en-
core, et qui était alors au milieu du cirque de
Néron. Ce monolithe, qui est en siémte et
mesure 72 pieds de hauteur, avait été trans-
porté d'Héhopolis à Rome par Caligula. Seul
parmi tous ceux qui ornaient jadis la ville de
Rome, il était resté debout, bravant les ou-
trages du temps et les dévastations des Bar-
bares. Situé à l'endroit qu'occupe aujourd'hui
la sacristie de Saint-Pierre, ii ne servait à
rien ; c'est pourquoi Sixte V voulut le faire
ériger en face de l'église ; mais la chose n'était
pas facile. L'architecte Domenico Fontana.fut
chargé de cette entreprise. 11 fallut d'abord
abattre l'obélisque et le transporter sur la
place, où l'on procéda à l'érection. Il n'y avait
. pas moins de huit cents ouvriers et cent qua-
rante chevaux employés à ce travail. Le pape
dit une messe solennelle à Saint-Pierre, bénit
l'architecte, les ouvriers et la foule immense
qui se pressait autour de lui, puis commanda
le silence le plus absolu, sous peine de mort.
On savait Sixte V homme à tenir sa parole,-
et plusieurs exemples de récente sévérité
l'avaient fait redouter de ses sujets. L'opéra-
tion allait bien, le monolithe était presque
j debout, et un léger effort suffisait pour lui
faire trouver son équilibre, quand on s aperçut
j que les cordes, trop tendues, étaient sur le
, point de se briser. Tout à coup un homme
rompit le silence : a De l'eau aux cordes I »
s'écria-t-U, et ce conseil, aussitôt suivi, fut
couronné d'un plein succès.
Non-seulement Sixte V fit grâce de la vie à
l'homme qui avait ainsi enfreint ses ordres,
mais il lui promit delui accorder la grâce qu'il
lui demanderait. Celui-ci, marin de Bordi-
ghera, réclama pour lui et sa famille le privi-
lège exclusif de vendre des palmes dans tes
églises de Rome le jour des Rameaux. C'est
depuis ce jour que Bordighera a l'insigne
honneur de fournir de palmes la ville de
Rome. Les branches, resserrées en faisceaux,
ne laissent pas pénétrer.la lumière du soleil,
ce qui donne aux feuilles une couleur blanche,
exigée, dit-on, par l'Eglise romaine, et re-
gardée comme un symbole de la pureté que
doivent conserver ceux qui les portent.
BORDIGUE
BORDIGUE s. f. (bor-di-gho — "bas lat.
bordigala, même sens, dimin. de borda, borde,
cabane). Pêch. Enceinte formée avec des
claies sur le bord de la mer, pour prendre
du poisson, en l'engageant dans des défilés
disposés de façon qu'il ne puisse revenir sur
ses pas. il On dit aussi BOURDIGUE.
BORD1NG (Jacques), médecin hollandais,
né à Anvers en 1511, niort à Copenhague en
1560. Après avoir fait ses études à Louvain,
il devint régent à Lisieux, puis principal du
collège de Carpentras. Il étudia ensuite la
médecine à Montpellier et à Bologne, et, après
avoir été reçu docteur, il exerça successive-
ment son art à Anvers, à Rostock et à Co-
tpehhague. Dans cette dernière ville, il fut
nommé médecin du roi de Danemark. On a de
lui : Pkiîosophia, hygiena, pathologia, très
medicinœ partes Rostochii et Hafniœ publiée
enam-atœ (1591, in-8<>), et un autre ouvrage
sur l'art de conserver la santé, également en
latin.
BORD1NG (André), poète danois, né à Ripe
en 1619, mort en 1677. Après avoir composé
dans sa jeunesse des vers danois et des vers
latins, il prit le grade de magister ou maî-
tre es arts et devint lecteur de théologie à
l'école de Ripe, sa ville natale. Ayant ré-
signé cet emploi, il vint à Copenhague, où,
de 1666 à 1677 il publia, par ordre de Chris-
tian IV, un journal mensuel, intitulé le Mer-
cure danois, journal politique rédigé tout en-
tier en vers. Bording fit imprimer une foule
de poésies, la plupart de circonstance, qui sont
pleines de verve et d'esprit, et d'un style élé-
gant et facile. Toutefois, il manquait de pro-
fondeur, et se laissait aller souvent à une
prolixité fatigante, ce qui ne l'empêcha pas
d'être regardé par ses contemporains comme
le premier poète du Danemark. Ses œuvres
complètes, éditées en 1735, forment 2 vol.
in-4°.
BORDJ
BORDJ BOU-ARÉRIDJ, village d'Algérie,
ch.-i. d'un bureuu tiratie et d'un cercle mili-
taire, dans la province de Constantine, sur la
rouie d'Auinale à Sétif et lu ligne télégra-
phique d'Alger à Constantine. Ce poste fut
occupé en 1841, pour contenir les tribus de la
Kabylie ; l'établissement militaire fut bâti aux
dépens d'un ancien campement romain, dont
il occupe la place. Détruit par les Arabes du-
rant l'insurrection de 1871.
BORDJ,
BORDJ, nom que les Parsis donnent à une
montagne merveilleuse et symbolique, qui
joue, dans leur théogonie, à peu près le même
rôle que l'Olympe chez les Grecs. On trouve
aussi ce mot sous la forme de al Bordj, le
Bordj, la hauteur par excellence. Ce qui ferait
croire que primitivement le nom de Bordj
s'est appliqué à une montagne en général,
rf?'est qu'on retrouve en Perse plusieurs mon-
tagnes appelées El-burz. Schwenck, dans sa
Mythologie, fait remarquer quelle place im-
portante occupent les montagnes revêtues
d'un certain prestige de sainteté dans l'his-
toire des religions antiques. C'est sur une
montagne que Zoroastre reçut, comme Moïse,
communication de la loi divine d'Ormuzd. Peu
à peu, chez les Parsis, le Bordj, qui était le
siège de la splendeur toute-puissante, s'iden-
tifia avec le ciel lui-même. Un auteur persan
donne la description suivante du Bordj :
a Cette montagne environne le monde et est
située au milieu de la terre; le soleil repose
sur sa cime, et toutes les autres montagnes
sont considérées comme des rejetons du Bordj,
auquel on prête une croissance comme à un
arbre véritable; il mit, dit-on,deux cents an-
nées à atteindre le ciel des étoiles, deux cents
autres à atteindre la sphère de la lune, quatre
autres siècles à atteindre le ciel du soleil, et
enfin l'empyrée ou feu primitif. Le Bordj a
un esprit spécial, qui porte le nom de Barzo. »
La plupart des détails qui nous sont donnés
sur le Bordj ressemblent singulièrement à ceux
que les Arabes débitent sur leur montagne
non moins merveilleuse de Caf (v. ce mot).
II y a eu positivement emprunt entre les deux
religions, et c'est évidemment celle des Parsis
qui a été mise à contribution par celle des
Arabes. Nous ne terminerons pas cet article
sans faire remarquer l'analogie étrange qui
existe entre le mot iranien bordj, et le terme
germanique berg, montagne, et Burg, château.
Faut-il ne voir là qu'une coïncidence fortuite,
ou doit-on admettre une dérivation étymolo-
gique? La question est douteuse.
BORDON
BORDON s. m. (bor-don). Ancienne forme
du mot BOURDON.
— Métal]. Nom donné, dans les usines à
fer, à l'extrémité de la partie forgée de la
maquette, extrémité qui est toujours un peu
plus grosse que la barro. On l'appelle aussi
BORDOGNI
BORDOGNI (Jules-Marc), chanteur et pro-
fesseur de chant italien , né près de Berçame
en 1788, mort à Paris en 1856. Il fit, dès l'âge
le plus tendre, des progrès si rapides dans
l'étude de la musique, sous la direction du
maître de chapelle Simon Mayr, que, s'étant
présenté au conservatoire de sa ville natale,
il partagea avec Donzelli et David l'honneur
d'être mis,hors de concours, à cause de sa
supériorité sur ses rivaux. Après avoir été
attaché à la chapelle de Novare en qualité
de premier ténor, il se fit applaudir a Tu-
rin, près dTsabelle Colbrand, depuis M'"cRos-
sini. Le rôle d'Argîro, dans le Tancredi de
Rossini, par lequel il débuta au théâtre
de Milan, en 1813, augmenta encore l'éclat
de sa réputation et lui valut un engage-
ment magnifique pour Barcelone, où il resta
trois ans, sans préjudice des apparitions qu'il
fit en I8H et 1815 au théâtre Carcano de
Milan. Bordogni se fit applaudir aussi à Na-
ples et dans quelques autres villes d'Italie;
puis il vint à Paris, et débuta à l'Opéra-Ita-
lienle 20 mars 1819, par le rôleduroiEdoardo, '
dans / fuorisciti ai Firenze (les Exilés de
Florence), opéra de Paer. On admira cette
voix juste, flexible, sympathique, et cette
^exquise méthode, qui ne demandaient leurs
moyens de séduction qu'à la perfection de la
phrase musicale. Bordogni manquait peut-être
un peu d'expression et de force ; il n'étonnait
jamais, mais il charmait toujours.
A l'époque où florissait Bordogni, il y avait
encore un public connaisseur, ayant Iiorreur
des excentricités vocales, et ce public adopta
vite Bordogni, qui, pendant quatorze ans, tint
l'emploi de premier ténor au Théâtre-Ita-
lien. En 1820, il fut nommé professeur de
chant au Conservatoire, position qu'il aban- '
donna momentanément en 1823, pour pren-
dre un peu de repos. Comme professeur, B c -
dogni s est distingué par l'excellence de sa
méthode. De sa classe sont sortis M'»
e3
Fal-
• cou, Sontag, Rossi, Garcia, etc. j c'est lui
m a formé M. Gueymard. En 1833, il se retira
e la scène pour se livrer exclusivement à
l'enseignement; il reçut, en mai 1839,la croix
de la Légion d'honneur. Il prit sa retraite en
juin 1856, et mourut peu de temps après. On
a de Marco Bordogni divers Exercices ou mor-
ceaux d'Etudes, entre autres trente-six Voca-
lises pour soprano et ténor, publiées à Paris,
Leipzig et Berlin en 1835.
Voici la liste des principaux rôles chantés à
Paris par Bordogni : Edoardo dans / fuoris-
citi di Firenze, de Pa6r ; il duca dans Vln-
ganno fortunato (YHeureux stratagème), de
Rossini ; don Narcisco dans II Turco in Jtalia,
de Rossini; Rodrigo dans Otello, de Rossini;
Gianetto de la Gazza ladra (la Pie voleuse),
de Rossini ; Leicester dans Elisabetta, de Ros-
sini; Argirodans l'ancredi, de Rossini ; Ramiro
dans la Cenerentola (Cendrillon)
?
de Rossini ;
Aaron dans Mosè, de Rossini ; EU sa e Claudio,
de Mercadante; Uberto dans la Donna del lago,
de Rossini; Idreno dans la Semiramide, de
Rossini; Anténore dans Zelmira^ de Rossini ;
Giulietta e Romeo, de Vaccaj , etc. — Sa fille
Louise BORDOGNI, morte en Italie vers 1855,
avait épousé le bassoniste Willent. Après avoir
obtenu de véritables succès comme canta-
trice, à New-York en "1834 , à Messine et à
Naples en 183G et 1837, Mlle Bordogni re-
nonça à la scène , et professa le chant à
Bruxelles jusqu'en 1848. Elle était l'élève de
son père ; c'est dire la perfection de son style ;
mais la voix de l'artiste, faible et presque
sans timbre, devait tout à l'art, qui, de nos
jours surtout, lutte difficilement contre des
organes incultes, dont la sonorité fascine le
gros du public.
BORDONEBORDONE (Paris), peintre de l'école véni-
tienne, né à Trévise en 1500, mort à Venise
en 1570. Ses parents, qui étaient nobles, lui
firent donner une éducation distinguée. De
bonne heure, il entra dans l'école du Titien,
mais il la quitta bientôt pour étudier les œu-
vres de Giorgione, dont il goûtait infiniment la
manière. N'ayant pas encore vingt ans, il fut
chargé de peindre à fresque, dans la salle du
palais de justice, à Vicence, un pendant au
Jugement de Salomon du Titien. Il choisit pour
•sujetrIvresse de Noé, et peignit ce tableauaveo
BORD
BORD
BORE
BORE 1001
u n e telle v i g u e u r , q u e l e s deux fresques s e m -
blaient ê t r e de la main d u maître lui-même. Il
r e t o u r n a e n s u i t e à V e n i s e , où il établit s a r é -
putation p a r des t r a v a u x décoratifs ; puis, c é -
dant au désir de s e s c o m p a t r i o t e s , qui l'invi-
t a i e n t à v e n i r p r a t i q u e r son a r t chez e u x , il
se rendit à T r é v i s e et y e x é c u t a plusieurs ou-
v r a g e s i m p o r t a n t s , e n t r e a u t r e s : à la c a t h é -
d r a l e , d a n s les compartiments d'un a u t e l ,
VAnnonciation, la Nativité, YAdoration des
Mages, la Montée au Calvaire, l'Assomption,
petites compositions d a n s lesquelles il semble
avoir r é u n i , dit L a n z i , tout c e que s e s a u t r e s
toiles offrent d e plus g r a c i e u x , d e plus b e a u ,
de plus a i m a b l e . V a s a r i e t Ridolfi r a p p o r t e n t
que le roi d e F r a n c e , F r a n ç o i s , a y a n t v u d e s
peintures de B o r d o n e , e n fut si c h a r m é qu'il
lit venir l'artiste à s a cour. V a s a r i ajoute
que celui-ci p a r t i t en 1538, c e qui placerait ce
v o y a g e sous F r a n ç o i s U'
1
" ; mais d'autres
croient qu'il y a là u n e e r r e u r d e date, et q u e
Bordone ne vint en F r a n c e q u ' e n 1559, sous le
r è g n e d e F r a n ç o i s [I ; ils fondent leur opinion
sur un discours prononcé p a r un certain P r o s -
pero Approvinî, j u r i s c o n s u l t e , d a n s u n e r é u -
nion littéraire tenue à T r é v i s e e n c e t t e m ê m e
a n n é e 1559, discours dans lequel l ' o r a t e u r ,
a p r è s avoir complimenté P a r i s , lui souhaite un
h e u r e u x v o y a g e . D'un a u t r e coté , il e s t ques-
tion dans V a s a r i d e t a b l e a u x c o m m a n d é s à
Bordone p a r le médecin d e la reine Marie, e t
cette reine n e p e u t ê t r e que Marie S t u a r t , l a -
femme d e F r a n ç o i s I ï . On n e sait p a s c o m -
bien d e temps l'artiste r e s t a en F r a n c e ; selon
quelques a u t e u r s , il y travaillait encore sous
le r è g n e de Charles I X ; il y fut employé p a r
plusieurs g r a n d s seigneurs, n o t a m m e n t p a r le
duc d e Guise e t le cardinal d e L o r r a i n e . Il vi-
sita.aussi l'Allemagne et séjourna à A u g s b o u r g ,
où il e x é c u t a pour les F u g g e r , riches n é g o -
ciants d e c e t t e v i l l e , des peintures a u sujet
desquelles l'Arétin lui écrivait d e Venise, à la
date d e d é c e m b r e 1548 : « J e n e crois pas que
R a p h a ë l ait j a m a i s donné à s e s figures c é -
lestes d e s airs d e tête plus angeliques. »
M. Ch. Blanc, qui a t r a n s c r i t c e p a s s a g e d e la
l e t t r e d e l ' A r é t i n , suppose q u e Bordone d u t
s ' a r r ê t e r à A u g s b o u r g à son r e t o u r de F r a n c e ,
ce qui e s t fort possible si l'on a d m e t , a v e c
V a s a r i , q u e l'artiste ait été a p p e l é p a r F r a n -
çois I " en 1538; mais M. C h . Blanc e s t p r é -
cisément d e ceux qui pensent qu'il partit seu-
lement en 1559. A p r è s c e l a , n ' y aurait-il pas
quelque raison de croire q u e Bordone fit deux
fois le v o y a g e d e F r a n c e , u n e p r e m i è r e fois
sous F r a n ç o i s 1er, u n e deuxième fois sous
F r a n ç o i s I I ? Ce qui e s t h o r s d e d o u t e , c'est
qu'il p a s s a les d e r n i è r e s a n n é e s d e sa v i e à
Venise, s a patrie adoptive. C'est l à , à l'Aca-
démie d e s b e a u x - a r t s , que se t r o u v e son chef-
d ' œ u v r e , Y Anneau de saint Marc, qui n e pâlit
point à ' c ô t é d e s t a b l e a u x d e s plus g r a n d s
m a î t r e s d e l'école v é n i t i e n n e . S e s o u v r a g e s
n e sont p a s r a r e s dans les a u t r e s villes de la
h a u t e I t a l i e ; on en t r o u v e à T r é v i s e , à B e l -
l u n e , à C r é m o n e , à Milan, à G ê n e s , à F l o r e n c e .
L e L o u v r e a d e lui u n t a b l e a u m y t h o l o g i -
q u e , d e qualité m é d i o c r e , Vertumne et Po-
mone, e t u n bon p o r t r a i t {Jérôme Crofft) d a t é
d ' A u g s b o u r g (1540). P a r m i s e s o u v r a g é s qui
o r n e n t les a u t r e s galeries d e l ' E u r o p e , nous
citerons : a u palais Pitti ( F l o r e n c e ) , l e liepos
en Egypte; à Munich, u n p o r t r a i t d e femme
et u n e Madone adorée par la Madeleine et
saint Rock; à V i e n n e , Vénus et Adonis, e t
deux portraits de f e m m e ; à D r e s d e , le Juge-
ment de Midas, Diane et u n e Madone; à B e r -
lin, u n e Madone entourée de plusieurs saints ;
à S a i n t - P é t e r s b o u r g , la Foi et quelques por-
t r a i t s ; à Madrid, u n p o r t r a i t d e femme. B o r -
done a e x é c u t é u n g r a n d n o m b r e d e p o r t r a i t s
d'un coloris très-distingué. « Il excellait, dit
M. C h . B l a n c , à modeler les c a r n a t i o n s de
femme ; il e n exprimait a v e c b o n h e u r la t e n -
d r e m o r b i d e s s e , e t q u a n t a u r e n d u d e s étoffes,
il y é t a i t aussi habile q u e le p l u s habile d e s
Vénitiens , ce qui n'est p a s p e u dire, » S e s
nudités é t a i e n t t r è s - r e c h e r c h é e s . Il a peint
t r è s - s o u v e n t d e s s c è n e s lascives tirées d e la
m y t h o l o g i e ; m a i s , q u a n d il traitait des sujets
de religion, il s a v a i t ê t r e suffisamment g r a v e ,
sans rien p e r d r e d e s e s qualités g r a c i e u s e s .
BOltDONI (Benoît), p e i n t r e e n m i n i a t u r e e t
g é o g r a p h e i t a l i e n , n é à P a d o u e dans le
x v e siècle. P l u s i e u r s b i o g r a p h e s r a c o n t e n t
qu'il tenait à P a d o u e u n e boutique, à laquelle
il a v a i t donné u n e échelle (scata) p o u r e n -
seigne ;,qu'il fut l e p è r e de J u l e s - C é s a r S c a l i -
g e r , et que celui-ci prit c e nom d e l'échelle
en question-, mais tout cela p a r a î t bien i n c e r -
tain. Quoi qu'il e n s o i t , Bordoni c e s s a plus
tard d e peindre d e s m i n i a t u r e s , e t s'appliqua
à la g é o g r a p h i e . Il publia d'abord u n e Des-
cription de l'Italie, puis u n a u t r e o u v r a g e qui
e u t b e a u c o u p de s u c c è s , sous le titre de Isola-
rio, net quale si ragiona di tutte l'isole del
mondo con li loro nomi antichi e moderni ( V e -
nise, 1528, in-fol.).
BORDONIBORDONI (Placide), l i t t é r a t e u r italien, n é à
Venise en 1736. Il était p r ê t r e , e t il professa
s u c c e s s i v e m e n t la rhétorique e t la philosophie
à Venise. Il a composé les cinq d e r n i e r s volu-
mes des Annali d'Italia^àe Muratori, e t e s t a u -
teur d'une t r a g é d i e intitulée Ormesinda, ossia
i cavalieri delta mercide ( B r e s c i a , 1807). Il
a traduit en italien YHorace de Corneille,
Ylphigénie d e R a c i n e , e t d e s Discours choisis
de Cicéron (Venise, 1789, 3 v o l . in-8°).
BORDONIOBORDONIO ( J o s e p h - A n t o i n e ) , théologien
i t a l i e n n e à T u r i n en 1682, m o r t en 1742. Il était
m e m b r e de la Société de J é s u s , fut p r o f e s -
II*
s e u r d e belles-lettres et d e rhétorique à P i -
g n e r o l , à Gênes et à Turin (1703), e t c h a r g é d e
l'éducation du m a r q u i s d e Suze (1708). A p r è s
avoir é t é chapelain d e l'ambassade piémon-
taise à L o n d r e s , il occupa à Turin u n e chaire
de théologie. On a de lui un d r a m e en v e r s
latins : Beatus Aloysius Gonzaga (1700); u n e
t r a g é d i e , Eduino (1703), e t d e s Discours sur
l'exercice de la bonne mort ( V e n i s e , 1740-
1751, 3 vol, in-4o).
BORDOYÉ,BORDOYÉ, É E ( b o r - d o i - i é ) p a r t . p a s s . d u
v . B o r d o y e r : Peinture BORDOYEE.
BOUTBOUT DE BARRE.
BORDOYERBORDOYER v . n . ou t r . ( b o r - d o i - i é — r a d .
bord. — C h a n g e y en i d e v a n t u n e m u e t : Je
bordoie, que tu bordoies, e t p r e n d u n i a p r è s
Vy a u x d e u x p r e m i è r e s p e r s o n n e s p l u r . d e
l'imparf. d e l'indic. e t du p r é s , du s u b j ô n c t . :
Nous bordoyions, que voushordoyiez). B . - a r t s .
B o r d e r , e n t o u r e r : BORDOYER les figures d'un
tableau, d'une gravure, il Coucher l'émail à
p l a t s u r u n e p l a q u e d e m é t a l b o r d é e . Il D e v e n i r
louche, se t e r n i r s u r t o u t s u r les c o n t o u r s , e n
p a r l a n t d e s é m a u x c l a i r s .
Se b o r d o y e r , v . p r . E t r e e n t o u r é , b o r d é ,
b o r d o y é : Les émaux commencent à S E B O R -
DOYER.
BORDUISBORDUIS s. m . ( b o r - d u i ) . B a d i n a g e . il
V i e u x m o t .
BORDUREBORDURE s. f. ( b o r - d u - r e — rad. border).
Ce q u i g a r n i t l e bord d e q u e l q u e choso : La
BORDUREBORDURE d'un soulier. La BORDURE d'un habit.
La
BORDUREBORDURE d'une tapisserie. La BORDURE d'un
chapeau, n Objet q u i s ' é t e n d s u r le bord d ' u n
a u t r e : La reine Gisèle était borgne ; ses yeux
de travers avaient une BORDURE d'écarlate.
(Fénel.)
— P a r t i c u l . E n c a d r e m e n t , c a d r e disposé
a u t o u r d'un o b j e t p o u r l'orner e t le faire res-
s o r t i r : La BORDURE d'un tableau, d'une es-
tampe, d'une glace. Une BORDURE carrée. Une
BOBDUREBOBDURE ovale. Elégante B O R D U R E .
Tableau d'après nature.
S'il est bien fait, n'a besoin de bordure.
VOLTAIRE.
il O b j e t q u i r è g n e a u t o u r d ' u n espace a u q u e l
il s e r t c o m m e d ' e n c a d r e m e n t : Des gazons en-
tourés d'une BORDURE de buis. Mes BORDURES
de fraisiers, de violettes, de thym et de prime-
vères, étaient toutes diaprées de vert, de blanc,
de bleu et de cramoisi. (B. d e S t - P . ) Le Mes-
chacébé formait la BORDURE du tableau avec
une incroyable grandeur. ( C h a t e a u b r . )
L'églantier parfumé, l'aubépine fleurie.
D'une fraîche bordure entourent la prairie.
1ÏÉRGNGER.
— C o n s t r . L i g n e de j a v e l l e s liées avec d e s
h a r t s , q u e l'on é t a b l i t au b o r d d ' u n b â t i m e n t .
— P o n t s e t c h a u s s . R a n g d e p i e r r e s d e
t a i l l e d u r e s , q-ue Ton place a u b o r d d e s t r o t -
t o i r s du côté d e la c h a u s s é e : Les meilleures
BORDURESBORDURES sont en granit ou en porphyre, il
Bordure de pavés, R a n g d e g r o s p a v e s q u i
t e r m i n e e t s o u t i e n t là c h a u s s é e , d e c h a q u e
c ô t é .
— M a r . Bord i n f é r i e u r - d ' u n e voile, il L o n -
g u e u r d e la r a l i n g u e la p l u s b a s s e , a p p e l é e
a u s s i RALINGUE DU FOND.
— T e c h n . C e r c e a u q u i m a i n t i e n t à c h a q u e
e x t r é m i t é les douves d ' u n seau e n bois, il
S a n g l e ou t i s s u d e c h a n v r e avec l e q u e l le t a -
p i s s i e r b o r d e les g r o s o u v r a g e s , il P e t i t e l a n -
g u e t t e d e b o i s q u e l'on cloue a u t o u r d'une
t a b l e d e j e u p o u r m a i n t e n i r l e t a p i s .
— J e u x . C e r t a i n n o m b r e d e n u m é r o s , com-
p r i s d a n s les colonnes d r o i t e s , à la belle e t
a u b i r i b i .
— Blas. P i è c e h é r a l d i q u e h o n o r a b l e , q u i
e n v e l o p p e i n t é r i e u r e m e n t T é c u de t o u t e p a r t ;
elle n e d o i t p a s e n d é p a s s e r en l a r g e u r m
s i x i è m e p a r t i e , n i se t r o u v e r e n a u c u n cas d u
m ê m e é m a i l ou m é t a l . Famille de Thiennes :
D'or, à la BORDURE d ' a z u r e t u n écusson d ' a r -
g e n t e n c œ u r , b o r d é d ' a z u r e t c h a r g é d ' u n
lion d e g u e u l e s , a r m é , l a m p a s s é e t c o u r o n n é
d'or, la q u e u e fourchée e t passée e n s a u t o i r .
— Syn. B o r d u r e , b o r d . V . B O R D .
— E n c y c l . H o r t i c . On distingue les p l a n t a -
tions d e bordure et les bordures p r o p r e m e n t
dites. L e s p r e m i è r e s n e s e p l a c e n t g u è r e q u ' à
la lisière d e s c h a m p s c u l t i v é s , e t se divisent
en trois classes : celles qui sont productives
de bois, les bordures à fourrages, les planta-
tions fructifères.
— Bordures productives de bois. E l l e s of-
frent do g r a n d s a v a n t a g e s d a n s les pays où
les forêts s o n t r a r e s , e t dans c e u x où les r é -
coltes o n t besoin d'être p r o t é g é e s c o n t r e la
violence des v e n t s . On p e u t les placer a u bord
des rivières e t d e s r u i s s e a u x , dans les t e r -
r a i n s humides e t i n o n d é s , s u r la lisière d e s
t e r r e s s a b l o n n e u s e s e t a u t o u r d e s h e r b a g e s
f r é q u e n t é s p a r les b e s t i a u x . C e s plantations
sont destinées le plus s o u v e n t à former d e s
h a i e s , d e s taillis; quelquefois aussi, on en fait
des t ê t a r d s , c ' e s t - à - d i r e qu'on les étète à u n e
c e r t a i n e h a u t e u r a u - d e s s u s d e la surface du
sol, d e m a n i è r e à leur faire pousser un g r a n d
n o m b r e de rejets. Ces r e j e t s , que l'on coupe a u
r a s du tronc tous les q u a t r e ou cinq a n s , s e r v e n t
ensuite à faire d e s é c h a l a s , d e s haies sèches
et des f a g o t s .
— Bordures à fourrages. Elles sont desti-
n é e s à produire des feuilles pour l a n o u r r i t u r e
des bestiaux. L e u r u t i l i t é , q u e l'expérience a
m a i n t e s fois c o n s t a t é e , d e v r a i t suffire, c e nous
s e m b l e , pour les faire a d o p t e r p a r les c u l t i v a -
t e u r s , surtout d a n s les petites métairies où les
r é c o l t e s d e f o u r r a g e sont le plus s o u v e n t i n - I
suffisantes. M a l h e u r e u s e m e n t , il n'en e s t p a s
ainsi, e t l'usage d'utiliser pour l'alimentation
du bétail le feuillage des a r b r e s e s t e n c o r e
r e s t r e i n t , d a n s n o t r e p a y s , à u n petit n o m b r e
d e
u
d é p a r t e m e n t s . Aussi n e s e r a - t - i l p a s hors
de propos d e s i g n a l e r en p a s s a n t les qualités
n u t r i t i v e s q u e possèdent les feuilles d e q u e l -
ques-unes d e nos essences forestières les plus
c o m m u n e s .
E n p r e m i è r e ligne , nous p l a c e r o n s les
feuilles d e frêne , qui n e contiennent p a s
moins d e s i parties s u r 100 de s u b s t a n c e s n u -
tritives. V i e n n e n t ensuite celles du c h ê n e , de
l'orme e t du tilleul, p r e s q u e aussi riches e n
principes assimilables. L e s feuilles de l'érable
et de l'acacia, soumises à l'analyse, n ' o n t p a s
donné d e s r é s u l t a t s moins satisfaisants : les
premières o n t fourni 76 1/2, et les secondes
78 pour 100 d e s u b s t a n c e s .nutritives.
T o u t e s ces feuilles J cueillies u n p e u a v a n t
l'époque de leur m a t u r i t é , sont a g r é a b l e s a u x
bestiaux,.qui les m a n g e n t , soit s è c h e s , p e n d a n t
l'hiver, soit v e r t e s , à la fin de l'été ou a u com-
m e n c e m e n t d e l ' a u t o m n e . Il e s t bon d e r e -
m a r q u e r q u e l'effeuillage, bien qu'un peu plus
l e n t , e s t d e b e a u c o u p préférable à r é b r a n -
c h a g e , qui a le double inconvénient d e dimi-
n u e r la production pour l'année s u i v a n t e , et
d ' e n t r a î n e r à la longue la ruine ou la d é g r a -
dation d e s a r b r e s les plus v i g o u r e u x .
— Bordures fructifères. L e s plantations
d'arbres fruitiers e n bordure sont les plus im-
p o r t a n t e s , t a n t p a r leurs produits que par l'es-
p a c e qu'elles o c c u p e n t . E n g é n é r a l , les plan-
tations en bordure doivent ê t r e faites à l'expo-
sition du midi, c'est-à-dire s u r le côté nord
des propriétés qu'elles limitent. L e u r b u t é t a n t
d'être utiles et, d'offrir en m ê m e t e m p s u n
coup d'œil a g r é a b l e , les a r b r e s q u e l'on y e m -
f
iloie doivent ê t r e placés dans les conditions
es plus favorables à leur complet d é v e l o p p e -
m e n t .
— Des bordures proprement dites. L e s bordu-
res des j a r d i n s d ' a g r é m e n t e t des p o t a g e r s , que
nous a v o n s d é s i g n é e s sous le nom de bordures
proprement dites, p e u v e n t ê t r e de deux sortes :
les unes sont en bois, en fer ou en p i e r r e s , les
a u t r e s s e font a v e c des p l a n t e s , soit annuelles
soit v i v a c e s . E l l e s se p l a c e n t toutes le long
des allées, a u t o u r des pelouses, des plates-ban-
des e t d e s bosquets dans les j a r d i n s p a y s a g e r s ,
et a u t o u r des c a r r e a u x , d a n s les j a r d i n s p o t a -
g e r s . L e s bordures en pierres ou en p l a n c h e s
n e sont plus g u è r e u s i t é e s , mais celles d e fer
sont f r é q u e m m e n t e m p l o y é e s . Elles sont com-
posées d e tringles d e t e r ou de fonte pliées en
arc, q u e l'on enfonce p a r les deux bouts d a n s
le sol, en les entre-croisant d e m a n i è r e à for-
m e r u n g r i l l a g e .
B e a u c o u p d e plantes p e u v e n t servir à for-
m e r d e s bordures; nous nous contenterons
d'indiquer celles qui sont le plus c o m m u n é m e n t
e m p l o y é e s . On préfère assez g é n é r a l e m e n t
les plantes v i v a c e s à celles qui sont a n n u e l l e s ,
p a r c e q u e les p r e m i è r e s e x i g e n t moins d e
soins, e t soutiennent en toute saison la t e r r e
des p l a t e s - b a n d e s . L e buis nain était j a d i s le
seul a r b u s t e employé à former les bordures
dans les j a r d i n s bien t e n u s ; o n lui préfère
a u j o u r d ' h u i , dans les p a r t e r r e s d e quelque
é t e n d u e , le gazon f r é q u e m m e n t arrosé e t
tondu t r è s - c o u r t t o u t e s les s e m a i n e s , en été ,
pour qu'il n e v i e n n e j a m a i s à g r a i n e , c e q u i
remplirait l e s plates-bandes de m a u v a i s e s
h e r b e s . P o u r l e s p a r t e r r e s de dimensions bor-
n é e s , on s e s e r t d e bordures de fleurs, soit a n -
n u e l l e s , comme les crocus et les giroflées, soit
v i v a c e s , c o m m e le t h y m , l'œillet nain, connu
des j a r d i n i e r s sous le nom d e mignonnette ou
mignardise, les bellis et Yarénaire ou sabline
de Mahon. L e p e r s i l , l'oseille e t - q u e l q u e s
a u t r e s plantes à feuillage épais ou à v e r d u r e
sombre et p e r s i s t a n t e , sont employés pour les
bordures des j a r d i n s p o t a g e r s .
— Blas. U n e bordure c h a r g é e e s t toujours
considérée comme u n symbole de protection et
d ' a t t a c h e m e n t ; aussi v o i t - o n . l e s armoiries
d'un g r a n d n o m b r e de villes, de provinces e t
de petits E t a t s p o r t a n t u n e bordure tirée d e s
a r m e s de leurs princes. S o u v e n t elle témoigne,
p a r s a p r é s e n c e s u r u n écu, q u e le souverain
a r e h a u s s é l'illustration d'une famille, en lui
a c c o r d a n t , pour quelque g r a n d s e r v i c e , de bor-
der s e s a r m e s d e s s i e n n e s ; c'est ainsi q u e
Charles VI donna à l a famille Saint-Didier u n e
bordure de gueules c h a r g é e d e huit fleurs d e
lis d ' o r , e t q u e Philippe d e Valois donna à
celle d e S a l v a i n g u n e bordure d'azur semée
de F r a n c e , a Autrefois, dit le p è r e Anselme,
quand la cotte d ' a r m e s d'un cavalier estoit
teinte du s a n g des e n n e m i s , l'on l u y donnoit
u n e bordure. »
L a bordure e s t très-usitée c o m m e b r i s u r e :
Famille de Bourbon-Carency : D'azur, à trois
fleurs de lis d'or, au bâton de gueules en
bande, chargé de trois lionceaux ; à la BORDURE
de gueules. La. bordure p e u t être c o m p o n n é e ,
e n g r ê l é e , e n d e n t é e , c o n t r e - v a i r é e . (V. c e s
mots.)
BORDURÉE,BORDURÉE, Châle BORDURE.
BORDURE,BORDURE, ÉE ( b o r d u - r é ) p a r t . p a s s . d u
v . B o r d u r e r . G a r n i d ' u n e b o r d u r e : Etoffe
BORDURERBORDURER v . a. ou t r . ( b o r - d u - r é — r a d .
bordure). T e c h n . G a r n i r d ' u n e b o r d u r e : B O R -
DURER une étoffe. II P e u u s i t é .
BORDUURVISCHBORDUURVISCH s. m . ( b o r - d u - u r - v i c h ) .
I c h t h y o l . G e n r e d e poissons, d e l a famille d e s
s p a r e s .
I
BOREBORE s. m . ( b o - r e — d e borax). C h i m ,
Corps simple, d e l'ordre d e s m é t a l l o ï d e s , q u e
l'on isole sous forme d e p o u d r e d ' u n b r u n
v e r d à t r e .
— Encycl. L e bore e x i s t e , c o m m e le c a r -
bone et l e silicium, sous trois é t a t s : l'état
amorphe, l'état graphitoïde e t l'état cristallisé
ou adamantin. É q u i v a l e n t 10,89.
— Bore amorphe. Il a é t é d é c o u v e r t , à la
m ê m e é p o q u e , p a r G a v - L u s s a c e t T h é n a r d
en F r a n c e , e t p a r D a v y e n A n g l e t e r r e . L e
bore, dans c e t état, e s t u n e p o u d r e v e r d à t r e ,
qui a résisté jusqu'ici à la fusion. Il b r û l e
dans l'oxygène en d o n n a n t d e l'acide b o r i -
que; a u r o u g e , il décompose l'eau e n f o r m a n t
ce même acide e t d e l ' h y d r o g è n e :
B o - l - 3 H O = B o O M - 3 H .
Chauffé a u r o u g e dans u n c o u r a n t d'azote, il
absorbe c e g a z a v e c u n d é g a g e m e n t d e c h a -
l e u r e t d e lumière, e t il produit u n e s u b s t a n c e
cristalline, l'azoture d e bore. Chauffé d a n s u n
c o u r a n t d'air, il a b s o r b e à l a fois l'azote e t
l'oxygène,, et l a combustion a lieu a v e c é c l a t .
L e bore s'unit d i r e c t e m e n t a u soufre pour
former d e sulfuré d e bore, BoS*. L e chlore, le
b r o m e , l'iode e t les acides c o r r e s p o n d a n t s le
t r a n s f o r m e n t en c h l o r u r e , b r o m u r e , i o d u r e d e
bore. L e bore, c o m m e le c a r b o n e , est un a g e n t
de réduction é n e r g i q u e .
P o u r p r é p a r e r le bore a m o r p h e , on chauffe
au r o u g e u n c r e u s e t d e fer, e t l'on y projette
un m é l a n g e de 100 g r a m m e s d'acide borique
fondu (v. BORIQUE), p u l v é r i s é , e t d e 60 g r a m -
mes d e sodium coupé e n petits m o r c e a u x . On
ajoute s u r le m é l a n g e 50 g r a m m e s d e c h l o -
r u r e d e sodium fondu, e t l'on bouche le c r e u -
set. L a masse u n e fois fondue, on l'agite a v e c
un r i n g a r d de f e r , e t o n l a coule dans u n e
t e r r i n e c o n t e n a n t d e l'eau acidulée p a r l ' a c i d o
chlorhydrique. On obtient ainsi une poudre de
bore qu'on filtre, qu'on l a v e e t qu'on d e s s è -
che à u n e douce c h a l e u r .
— Bore graphitoïde. Ce corps a é t é décou-
v e r t par MM. Sainte-Claire-Deville e t W œ h l e r .
Il cristallise e n l a m e s h e x a é d r i q u e s , s e m b l a -
bles à celles du g r a p h i t e d e carbone p a r leur
é c l a t e t leur faible d u r e t é , mais dont elles so
distinguent p a r u n e teinte r o u g e â t r e . Cette
v a r i é t é e s t b e a u c o u p moins attaquable q u e le
bore a m o r p h e . L ' o x y g è n e r é a g i t difficilement
s u r l u i ; a u c u n acide n e l'attaque ; les alcalis
fondus le c h a n g e n t en b o r a t e .
P o u r le p r é p a r e » , on fond du fiuoborato
d e potasse a v e c d e l'aluminium, en ajoutant
au m é l a n g e u n e petite quantité d e c h l o r u r e
de potassium e t d e sodium, afin d e faciliter la
fusion. L e bore e s t réduit p a r l'aluminium, qui
se c h a n g e en fluorure d'aluminium, e t l'excès
d'aluminium dissout le bore. Quand le c r e u s e t
est froid, on le casse et l'on y trouve u n cu-
lot métallique r e n f e r m a n t le bore et l ' a l u m i -
nium. On le t r a i t e p a r l'acide chlorhydrique,.
qui dissout l'aluminium, et qui l a i s s e i n t a c t e a
les paillettes h e x a é d r i q u e s de bore.
—Bore cristallisé ou adamantin.Cette v a r i é t é
a é t é d é c o u v e r t e p a r MM. H . Sainte-Claire-
Deville e t V œ h l e r . C'est u n corps t r a n s p a r e n t ,
r a r e m e n t incolore, et dont la couleur v a r i e
du j a u n e clair a u r o u g e g r e n a t . Son p o u v o i r
réfringent n e p e u t ê t r e comparé q u ' à celui du
d i a m a n t ; il e n e s t d e même de s a d u r e t é ; c a r
il r a y e le rubis et p e u t servir à polir le d i a -
m a n t . Il contient d e 2 à 5 pour 100 d e c a r -
bone. L e bore cristallisé n e brûle dans l ' o x y -
g è n e q u ' a v e c la plus g r a n d e difficulté. L e s
a c i d e s , l'eau r é g a l e , sont sans action s u r lui,
et il n'est a t t a q u é q u e p a r la potasse, la s o u d e ,
le bisulfate d e potasse ou de soude a u r o u g e .
On le p r é p a r e en introduisant dans un c r e u -
set 100 g r a m m e s d'acide borique fondu, et
80 g r a m m e s d'aluminium. On place ce c r e u -
set s u r du c h a r b o n pilé, dans un a u t r e c r e u -
s e t de plombagine, et l'on chauffe p e n d a n t
cinq h e u r e s , à l a t e m p é r a t u r e l a plus h a u t o
possible. L'acide borique e s t réduit, le bore sa
dissout dans l'aluminium, mais il se t r o u v e en
e x c è s e t il se dépose alors e n c r i s t a u x . La
m a s s e , t r a i t é e s u c c e s s i v e m e n t p a r d e s s o l u -
tions de soude, d'acide c h l o r h y d r i q u e , d'acido
azotique et d'acide fluorhydrique, laisse le
bore inaltérable.
— Chlorure de bore : BoCl
1
. C'est un liquide
incolore très-mobile, bouillant à 170. S a d e n -
sité e s t 1,35. L ' e a u le d é c o m p o s e :
BoCl' + 3HO = BoO* + 3HCI.
On le p r é p a r e en dirigeant u n c o u r a n t de
c h l o r e s u r du bore a m o r p h e , l é g è r e m e n t
chauffé. On l'obtient aussi e n d i r i g e a n t u n
c o u r a n t d e chlore s u r u n m é l a n g e d'acide bo-
rique e t d e c h a r b o n chauffé a u r o u g e , placé
d a n s u n e c o r n u e e n g r è s . L e s v a p e u r s d e
chloroforme v i e n n e n t se c o n d e n s e r d a n s u n
tube en U e n t o u r é d e g l a c e , e t t o m b e n t d a n s
u n flacon situé a u - d e s s o u s .
— Sulfure de bore : BoS*. C'est u n corps
solide, b l a n c , e n h o u p p e s cristallines. I l e s t
décomposable p a r l ' e a u :
BoS» -i- 3HO = BoOS 4- 3IIS.
M. F r é m y l'a p r é p a r é en dirigeant l a v a -
p e u r du sulfure d e c a r b o n e s u r u n m é l a n g e
d'acide borique e t d e c h a r b o n , fortement
chauffé dans u n t u b e d e porcelaine.
— Fluorure de bore .• BoFl
1
. Ce corps est
g a z e u x , s a densité e s t 2,37. Son avidité pour
l'eau e s t si considérable, qu'un m o r c e a u d e
p a p i e r introduit dans u n e é p r o u v e t t e remplie
d e fluorure d e bore e s t i m m é d i a t e m e n t c a r b o -
nisé. Il fume a b o n d a m m e n t à l'air h u m i d e .
L ' e a u en absorbe 800 fois son v o l u m e , e a
126
1002 BORE
BORE
BORE
BORE
se décomposant. On admet que la liqueur sa-
turée de ce gaz contient un acide double :
BoO'^HFl,
qu'on nomme acide fluoborique :
BoFl* + 3IIO = BoO* + 3HF1.
Cet acide fournit avec les bases du fluobo-
rate. On prépare le fluorure de bore en chauf-
fant dans un ballon en verre l partie d'acide
borique fondu, 2 parties de spathfiuor, et
10 parties d'acide sulfurique monohydraté. On
recueille le gaz sur la cuve a mercure. Voici
la réaction :
BoO
1
+ 3(CaTl) + 3(30' ,Ho) =
stCaO^o
1
) + 3HO + BoFl*.
BORE
BORE s. m. (bo-re—mot angl.). Importun
obstiné ; homme très-fatigant par son assi-
duité ou par le défaut complet d'a-propos dans
ses actions ou dans ses paroles -.11 y a une foule
de
BORESBORES : ainsi les BORES qui suivent les gens
malgré eux, les BORES gui font obstinément
des questions indiscrètes, ceux qui se présen-
tent invariablement aux heures des repas, ceux
qui interrompent sans cesse, ceux qui s'empa-
rent de la conversation, et dont les récits ne
finissent point. (Gazette de France.) Dans
leur genre multiple, les BORES sont une nou-
velle personnification des fâcheux que Molière
a flagellés de sa v,erve satirique. (E. Clément.)
BOUE
BOUE (Catherine DE). V. BORA.
B O R É ÉE adj. (bo-ré — rad. bore). Chim.
Qui contient du bore.
BORÉADES. Nom patronymique do Zéthès
et Calais, fils de Borée, selon la mythologie
grecque.
B O R É A L , A L E adj. (bo-ré-al, a-le — lat.
boreahs, même sens, de Boreas, Borée, vent
du nord chez les anciens). Qui est situé du
côté du nord ou qui en vient : Pôle BORÉAL.
Bcgions BORÉALES. Vents BORÉAUX. 77 ne faut
pas s'imaginer que les contrées BORÉALES soient
dépourvues de végétaux. (Buff.) Autrefois nos
nations de la zone tempérée n'imaginaient pas
que la terre fât habitée au delà du cinquan-
tième degré de latitude BORÉALE. (Volt.) Aux
approches des régions BORÉALES, I7 VOUS sem-
ble gravir un plateau d'une chaîne de glaciers.
(De Oustiiie.) L'hémisphère austral est beaucoup
plus froid que l'hémisphère BORÉAL. (Arago.)
La plante de Céres ne veut pas tant de soin :
Forte de sa faiblesse, elle s'dtend au loin,
Et, des rives du Gange aux ondes boréales.
Prodigue des moissons les pompes végétales.
CHÊNEDOLLÉ.
— Météorol. Aurore boréale. V. AURORE. «
Fig. Lumière intellectuelle éclatante, mais
fugitive : La philosophie pénètre dans le Nord;
l'impératrice de Russie dit que ce n'est qu'une
AURORE BORÉALE; et moi, je pense que cette
nouvelle lumière sera permanente. (Volt.)
— Hist. nat. Se dit de certains animaux
qui vivent, de quelques plantes qui croissent
dans les régions du nord.
— Rem. Le pluriel masculin est inusité ; on
n'en trouve aucun exemple dans les écrivains,
qui, sans doute, n'osant pas dire boréals et
encore moins boréaux, ont jugé à propos de
prendre un circuit pour éviter une faute ou
une dissonance. Nous serons plus osé, et nous
n'hésiterons pas à dire : Les phénomènes BO-
RÉAUX de l'électricité magnétique. Le change-
ment de al en aux est, dans notre langue, une
règle à peu près générale; mais on sait que
la règle s'incline souvent devant l'usage, ce
tyran dont on devrait avoir le courage de
s affranchir... du moins en grammaire.
— Antonyme. Austral.
— Encycl. Astr. Si l'on imagine un plan
perpendiculaire sur le milieu de l'axe de la
sphère céleste, il coupera cotte sphère en deux
moitiés égales. Celle de ces deux moitiés dont
l'axe aboutit à un point situé au-dessus de
l'horizon et visible pour nous s'appelle hémi-
sphère nord. Or le mot boréal s'applique à tous
les objets célestes situés dans l'hémisphère
nord. C'est ainsi qu'on dit hémisphère boréal,
pôle boréal. Les constellations boréales sont
celles qui sont assez près du pôle pour rester
toujours visibles au-dessus de l'horizon. Sur
notre globe, les régions boréales, les mers
boréales, etc., sont celles qui avoisinent le
pôle nord de la terre.
BOREAL
BOREAL (océan), dénomination donnée aux
subdivisions de l'océan Pacifique et de l'océan
Atlantique qui avoisinent le pôle boréal.V. ARC-
TIQUES (régions).
B O R É A P H I L E s. m. (bo-ré-a-fi-le — du gr.
boréas, nord; philos, ami). Entoin. Genre
d'insectes coléoptères pentamères , famille
des brachélytres, comprenant une seule es-
pèce, qui vit dans le nord de la Laponie.
BORÉASMEBORÉASME s. m. (bo-ré-a-sme — gr. bo-
réasmos, même sens; de Boreas, Borée). An-
tiq. gr. Fête en l'honneur de Borée, qui se
célébrait à. Athènes, où l'on avait élevé un
temple à ce dieu parce qu'il avait englouti,
devant le mont Athos, les vaisseaux des
Perses.
BOREAU
BOREAU (Alexandre), botaniste français,
né en 1803 à Saumur. Outre de nombreux mé-
moires et travaux publiés dans les Archives de
botanique, la Bévue botanique, les Mémoires
de la Société linnéenne de Paris, M. Boreau
a fait paraître ; Promenades botaniques aux
bords de la Loire (Nantes, 1824); Voyages
aux montagnes du Morvan (Nevers, 1832);
Flore du centre de la France (Nevers, 1841,
2 vol. in-8°) ; Programme de la flore du centre
de la France, suivi du catalogue des plantes
observées dans le rayon de cette flore (Ne-
vers, 1852, in-8<>).
BOREAU
BOREAU (Victor), littérateur français, né*à
Angers en 1804. Après s'être adonné quelque
temps à la poésie et avoir fait paraître ses
Poèmes et chants lyriques (1829), M. Victor
Boreau publia quelques romans et études his-
toriques,.notamment : La Benaudie ou la Conju-
ration d'Amboise (1834); Jehanne Thielement,
ou le Massacre de Vassy (1836); les Beistres,
Chronique des guerres de religion (1837). A
artir de cette époque, il s'est livré à.la pu-
lication d'ouvrages destinés à l'éducation ;
tels sont : Histoire sainte (1837) ; Histoire an-
cienne (1837) ; Histoire grecque (1837) ; His-
toire d Angleterre (1837); Histoire du moyen
âge (1838) ; Histoire moderne (1838) ; Histoire
de Irance (1839); Cours complet de géogra-
phie (1838); Tcoleaux synoptiques d histoire
universelle (1838) ; Cours méthodique d'histoire
naturelle (1839); Histoire romaine (1842), etc.
Les ouvrages de M. Boreau ne manquent ni
de clarté ni de méthodn ; mais ils continuent,
comme leurs devanciers, à marcher dans le
sentier battu, et leur principal mérite est de
faire nombre dans le bagage, déjà fort lourd,
de l'enseignement primaire.
BORÉE
BORÉE (Vincent), littérateur savoisien, qui
vivait au xvn« siècle. Il exerça la profession
de jurisconsulte, et s'acquit quelque réputa-
tion par ses œuvres poétiques et littéraires. On
a de lui, sous ce titre : les Princes victorieux
(Lyon, 1627, in-8°), des tragédies écrites en
français et intitulées : Bhodes subjuguée par
Amédée 1V; Béral victorieux sur les Genevois;
Achille victorieux. Il a composé également
une pastorale : la Justice d'amour (Lyon,
1627), et le Florus de la maison de Savoie
(Lyon, 1564).
BORÉEBORÉE s. m. (bo-ré— du gr. Boreas, nom
du vent du nord personnifié dans la mytho-
logie grecque). Poétiq. Vent du nord : BORÉE
n'est point civil ni galant pour vous; c'est ce
qui m'afflige. (M
m
e de Staël.)
L'impétueux Borée envahit la Scythie.
DESAINTANGE.
Cérès s'enfuit éplorée
De voir en proie à Borée
Ses guérets d'épis chargés.
BOILEAU.
— Entom. Genre d'insectes névroptères,
de la famille des panorpes, comprenant une
seule espèce, qui vit dans les Alpes et dans
le nord de l'Europe, il Espèce de papillon du
genre satyre.
— Antonymes. Africus, Auster, Notus.
— Épithètes. Froid, vif, piquant, glacé,
glacial, violent, fougueux, furieux, bruyant,
sifflant, impétueux, affreux, mutin, irrésisti-
ble, neigeux, nuageux, nébuleux, orageux.
V. VENT, AQUILON.
— Encycl. Mythol. Borée, vent du nord,
dans la mythologie grecque, était fils du Titan
Astréus et de l'Aurore. Son séjour était la
Thrace. 11 enleva Orithye, fille d'Erechthée,
dont il eut Chioné (la Neige) et plusieurs au-
tres enfants. Il enleva ensuite Chloris, fille
d'Arcturus, qu'il déposa sur le sommet nei-
geux du Caucase, nommé depuis le Lit de Bo-
rée. Ce dieu était représenté avec la barbe, la
chevelure et les ailes pleines de flocons de
neige, et vêtu d'une robe flottante qui sou-
lève des tourbillons de poussière.
BOREK,
BOREK, ville de Prusse, province et à 55
kilom. S.-E. de Posen; 2,000 hab. Tanneries.
Eglise catholique, où se trouve une image mi-
raculeuse de la Vierge, qui attire de nom-
breux pèlerins.
BOREL
BOREL (Pierre), médecin, chimiste et anti-
quaire français, né à Castres vers 1620, mort
en 1689. Il vint à Paris en 1653, fut nommé
médecin ordinaire du roi et entra à l'Académie
des sciences en 1674. Il a laissé de nombreux
ouvrages, parmi lesquels nous citerons : les
Antiquités, raretés, plantes, minéraux de la
ville et comté de Castres (1649, in-8°) ; Histo-
riarum et observationum medico-physicarum
centuria (1653, in-8°), avec une Vie de Des-
cartes; Bibliotheca chimica seu catalogus li~
brorum philosophic'orum hermeticorum (1654,
in-12); De vero telescopii inventore (1655,
in-40), ouvrage fort curieux; Trésor des re-
cherches et antiquités gauloises (1655, in-4o),
remarquable par l'érudition ; Discours prou-
vant la pluralité des mondes (1657, in-8°) ;
Hortus, seu armamentarium simplicium plan-
tarum et animalium ad artem medicam spec-
tantium (1667, in-8°),etc.
BOREL
BOREL DE BRET1ZEL (Durand), homme
politique français, né à Beauvais en 1764,
mort en 1839. Lieutenant général du bailliage
de Beauvais au commencement de la Révolu-
tion, il fut emprisonné pendant la Terreur.
Nommé membre du conseil des Cina-Cents
(1797) par le département de l'Oise, il com-
battit dans cette assemblée le projet d'ostra-
cisme mis en discussion à la suite du coup
d'Etat du 18 fructidor ; se montra un chaud
partisan du coup d'Etat du 18 brumaire, de-
vint membre du tribunal de cassation, et vota
avec autant d'empressement pour l'élévation
de Napoléon à l'empire qu'il fut prompt en
1814 à voter sa déchéance. Redevenu impé-
rialiste pendant les Cent-Jours, il se montra
enthousiaste royaliste en 1815, fut élu député
en 1817, constamment réélu jusqu'en 1827, et
devint, sous Louis-Philippe administrateur
des biens légués au jeune duc d'Aumale par
le duc de Bourbon. .Est-il nécessaire de clore
cette biographie par un jugement? Nous ne le
pensons pas; outre qu'il nous faudrait, hélas!
dans cette chanson a mille couplets, répéter
toujours la même ritournelle, nous sommes
assuré que le lecteur n'aura pas de peine a
appeler par son nom cette extrême facilité
d'évolutions. Que pourrions-nous dire de plus,
d'ailleurs, que ce qu'a dit notre poète national
dans cette mordante satire-chanson, datée :
1816, et qui a pour refrain :
N' saut' point-z à demi,
Paillass' mon ami :
Saute pour tout le monde !
BORELBOREL D'HAUTERIVE ( J o s e p h - P é t r u s ) ,
littérateur excentrique, né a Lvon le 28 juin
1809, mort en 1859. Fils d'un émigré ruiné, il
sortit de la pension pour entrer chez Garnaud,
qui faisait un cours d'architecture rue de l'Ab-
baye, et à qui, selon ses expressions (préface
de Champavert), son père l'avait vendu pour
deux ans. « Si j'ai rêvé une existence, s'écrie-
t-il, ce n'est pas celle-là, ô mon père! Si j'ai
rêvé une existence, c'est chamelier au dé-
sert, c'est muletier andalou, c'est Otahitien ! »
Il se croyait poëte, et, pour attester sa voca-
tion, il composa des couplets très-médiocres
contre M. de Villèle. De 1 atelier de Garnaud,
il passa dans celui de Bourlat. Quelque mé-
pris qu'il eût pour le métier d'architecte, ce
rut lui qui dressa les plans du célèbre Cirque
du boulevard du Temple et qui présida a sa
construction. En 1829, établi architecte, il es-
saya d'introniser un nouveau style ; mais ses
innovations lui rapportèrent des procès dont
il finît par se lasser. A la quatrième maison
qu'il était en train de construire, comme on
lui cherchait encore noise, il la fit démolir
sur l'heure, puis abandonna la partie, et alla
étudier la peinture chez Eugène Devéria.
Entre temps, il versifiait et ne menait pas
joyeuse vie, comme le prouvent ces vers des
Bhapsodies, qui ont trait à cette époque :
Allons! on ne croit plus,
En ce siècle voyant, qu'aux talents révolus.
Travaille, on ne croit plus aux futures merveilles.
Travaille!... Et le besoin qui me hurle aux oreilles,
Etouffant tout penser qui se dresse en mon sein !
Aux accords de mon luth que répondre?... J'AI FAIM!
a Mais, dit son spirituel biographe, M. Jules
Claretie, il portait sa misère comme le jeune
Spartiate portait le renard qui lui rongeait la
poitrine... Il passait, vêtu de son costume de
bousingot : le gilet à la Robespierre, sur la
tête le chapeau pointu et à large boucle des
conventionnels, les cheveux ras à la Titus, la
barbe entière et longue au moment où per-
sonne encore ne la portait ainsi, l'œil superbe,
les dents magnifiques, éblouissantes, un peu
écartées, beau comme Alphonse Rabbe, cet
autre révoltéqu'onappelait l'Antinous d'Aix. »
Il se plaisait a terroriser les bourgeois. Et
pendant que ceux-ci le regardaient avec ef-
froi, il se demandait s'il serait plus heureux
pour le dîner que pour le déjeuner, qui lui
avait fait défaut. Il n'endossait pas le cos-
tume des révolutionnaires pour faire simple-
ment acte de romantisme, comme beaucoup
d'autres : il était républicain , mais d'une
étrange sorte. « Mon républicanisme, disait-il,
c'est de la lycanthropie I Si je parle de répu-
blique, c'est parce que ce mot me représente
la plus large indépendance que puissent lais-
ser l'association et la civilisation. Je suis répu-
blicain parce que je ne puis pas être Caraïbe..»
Son père l'avait mis sous clef, pour qu'il
s'abstînt de prendre part à la révolution de
1830. Il se rattrapa en faisant le coup de
plume contre le pauvre roi des barricades,
qu'il dépeignait ainsi : « Un homme aux mains
crochues,portant pour sceptre une pince; une
écrevisse de mer gigantesque; un homard
n'ayant point de sang dans les veines, mais
une carapace couleur de sang répandu. »
Lorsqu'il guerroyait contre les bourgeois ,
qu'on appelait dans son camp les Philistins ou
les Bousingots, il avait pour compagnons d'ar-
mes Théophile Gautier, Gérard de Nerval,
Maquet, Bouchardy, Alphonse Brot, le peintre
Dondey et l'architecte Jules Vabre. Petrus
s'était installé dans une maison perchée toute
seule au haut de la rue Rochechouart, et toute
la bande l'y avait suivi. On y avait adopté-
le costume, ou plutôt l'absence de costume
des Caraïbes; quant au mobilier du lieu, il se
composait de peaux de bêtes sur lesquelles on
s'étendait. Le Camp des Tartares, comme on
qualifiait cette collection d'écervelés, faisait
un tel tapage que le propriétaire les pria d'al-
ler troubler un autre quartier. Pour célébrer
le jour de leur départais illuminèrent selon la
• mode caraïbe : ils mirent le feu à la loge du
portier. On les a, du moins, accusés de ce qui
n'était sans doute qu'un accident. Pétrus
loua rue d'Enfer une maison tout entière, qui
n'avait, du reste, qu'un étage, et, pour son en-
trée, y donna une fête gigantesque : on chan-
tait et l'on dansait au premier , à la lu-
mière du punch. Une ambulance était établie
au rez-de-chaussée pour y soigner ceux qui
tombaient exténués de fatigue et de punch.
« De tous les convives, dit M. Jules Claretie,
Alexandre Dumas se montrait le plus volup-
tueux et le plus raffiné : il mangeait de la
crème dans un crâne!...» Cette bizarrerie
d'allures n'était pas sans attirer au lycan-
thrope quelques désagréments. C'est ainsi
qu'un jour, étant allé en promenade jus-
qu'à Ecouy, près des Andelys, il eut maille à
1
partir avec l'autorité. Le maire lui demanda
I
ses papiers, «— Mes papiers? fit Petrus. —
Sans doute ; n'avez-vous point de papiers ? —
Pardon, citoyen maire, j'en ai, c'est-à-dire
i j'en avais, mais j'ai dû les semer de distance en
| distance sur mon chemin. Si vous voulez
prendre la peine d'y aller voir, vous les re-
trouverez sans doute. » Cette réponse n'ob-
tint pas le succès qu'elle méritait : la pièce
de vers datée Au cachot, à Ecouy, près les
Andelys, 1831, en fait foi.
» On trouve dans les Bhapsodies les échos de
toutes ces excentricités et de toutes ces aven-
tures. Aussi bien, est-ce un livre curieux à
plus d'un titre, hautain, irrité, farouche, fé-
roce... J'ai noté ces vers dans une pièce ap-
pelée Désespoir :
Comme une louve ayant fait chasse vaine,
Grinçant les dents, s'en va par le chemin,
Je vais, hagard, tout chargé de ma peine,
Seul avec moi, nulle main dans ma main ;
Pas une voix qui me dise : A demain.
Il qualifie les membres de l'Institut de
Détriments du passé que le siècle révoque,
Fabricateurs à plat de Romains et de Grecs.
» Après les Bhapsodies (1831), parut Champa-
vert (1833), avec ce sous-titre impertinent :
Contes immoraux. C'est là que se trouve le
fameux dialogue dont l'invention a été attri-
buée à tort à Gérard de Nerval : Un person-
nage va trouver le bourreau et lui dit : « Je
viens vous demander un service... vous prier
humblement (je serais très-sensible à cette
condescendance) de vouloir bien me faire
l'honneur et l'amitié de me guillotiner. —
Qu'est cela? répond Sanson. — Je désirerais
ardemment que vous me GUILLOTINASSIEZ I...
— Seriez-vous isolé, sans parents ? — J'en ai
trop!— Non, c'est impossible; tuer un inno-
cent! — Mais n'est-ce pas l'usage? » Cinq ans
plus tard, Petrus mettait au jour ce paradoxe :
Comme quoi Napoléon n'a jamais existé ; et
l'année suivante, il publiait Madame Puti-
phar, un roman fiévreux, insensé, que pré-
cède un prologue en vers très-éloquent. Il fit
aussi du journalisme. Il fonda le Satan, une
feuille très-satirique, que s'adjoignit le Cor-
saire : de là le Corsaire-Satan. Il fonda, en ou-
tre, la Liberté des arts, la Bévue pittoresque et
l'Ane d'or. Ce recueil fut placé sous l'invocation
« des Lucien, des Apulée, des Erasme, des
Quevédo, des Boccace et des Saint-Evremont
de notre âge. » Il a donné aux Français peints
par eux-mêmes deux articles qui portent sa
griffe : le Croque-mort et le Gnaffe. Mais
toute l'activité qu'il dépensait ne lui rappor-
tait rien. Théophile Gautier lui dit un jour (en
1846) : « Tu as toujours aimé la vie sauvage
et libre. Que dirais-tu d'un poste en Algérie ?
(
— Rien, je partirais. « A quelque temps de
là, M
m
e de Girardin aidant, il était nommé
inspecteur de la colonisation de Mostaganem.
Le lycanthrope travesti en inspecteur! On le
brocarda fort au National. Il fut destitué en
1848, comme réactionnaire. 11 continuait d'être
excentrique. Pourtant, grâce au maréchal
Bugeaud et au général Daumas, il reprit ses
fonctions, mais il fut envoyé à Constantine.
Une nouvelle incartade lui valut de nouveau
la perte de sa place; incartade qui lui fait
honneur : « Il s'aperçut, dit M. Claretie, mais
ici la question estdélicate,dejene sais quelles
malversations qu'il dénonça franchement, bru-
talement. Je ne puis rien préciser, j e ne sais,
au reste, rien de bien précis... Le pot de terre
avait heurté le pot de fer : il vola en éclats.
On prit ce prétexte que .Petrus n'apportait pas
dans l'exercice de ses fonctions toute la gra-
vité désirable... La vérité est qu'il faisait en
vers la plus grande partie de ses rapports of-
ficiels. »
Il s'était marié, comme un" bourgeois, et
un enfant lui était né. Le malheureux Pe-
trus n'avait pas d'autres ressources que ses
deux bras. Il se mit à travailler à la terre, et
avec une sorte de fureur, sans le moindre
ménagement : le soleil le tua; il mourut d'une
insolation.
M. Félix Mornand, dans un article récem-
ment publié, attribue sa mort à une cause
plus affligeante. Après avoir dit que Petrus
Borel, ayant perdu son emploi, était tombé
dans la plus profonde misère, il ajoute : « 11
ne s'était pas plus surfait que flatté en s'inti-
tulant lycanthrope. Son humeur était sombre,
il était peu liant; il resta chez lui stoïque-
ment quand la détresse fut à son comble. On
nes'enquit pas de lui, et il fut établi, par la
constatation de son décès, qu'il avait suc-
combé à l'inanition. » Nous donnons cette
version sans la discuter ; mais nous nous rat-
tachons de préférence à celle qui fait mourir
Pétrus Borel d'une insolation, et que nous
avons empruntée à l'intéressante biographie do
notre jeune et brillant écrivain M. Jules Cla-
retie.
BORELBOREL D'HAUTERIVE (André-François-
Joseph), généalogiste français, frère du pré-
cédent, né à Lyon le 6 juillet 1812, se fit re-
cevoir docteur en droit et devint pensionnaire
de l'Ecole des chartes. Il est aujourd'hui se-
crétaire de cet établissement, après avoir été
attaché aux travaux historiques entrepris par
l'Etat. Ses études dans l'art des Chérin et des
d'Hozier lui ont acquis une certaine autorité.
Outre l'Annuaire de la noblesse, qu'il publia
depuis l'année 1842, on lui doit un Précis his-
torique sur la maison royale de Saxe (1843,
in-40); un Nobiliaire de France (1854, 3 vol.
in-40); un Armoriai de Flandre (1856
;
in-4<0.
Il a de plus rédigé, pour le Dictionnaire de la
BORE
BORE. BORG
BORG 1003
conversation, le Cabinet de lecture, etc.. des
articles sur l'armoriai et le blason, et a fondé
en 1845 une Revue historique de la noblesse
de France, qui a cessé de paraître en 1847
(3 vol. in-8°). Enfin, on attribue à M, Borel
d'Hauterîve la paternité des deux voyages
• pittoresques : la Saône et ses bords (1835,
m-8°), et la Seine et ses bords (1836, in-8<>).
Il a donné aussi la biographie des sénateurs,
conseillers d'Etat et députés au Corps législa-
tif, sous ce titre : les Grands corps politiques
de l'Etat (1853, in-12).
BORÉUE
BORÉUE s. f. (bo-ré-lî). Moll. Syn. à'ku-
VÉOLINIS.
BORELLIBORELLI (Jean-Alphonse), médecin et ma-
. thématicien distingué, né à Naples en 1608,
mort en 1679. Disciple de Benedetto Castelli,
il étudia la physique et les mathématiques à
Pise ; puis, ayant obtenu une chaire h Mes-
sine, u alla professer dans cette ville. Alors
Galilée étonnait l'Italie par ses magnifiques
découvertes. Désireux, de suivre les leçons
de cet homme de génie, Borelli avait déjà
regagné la Toscane quand, arrivé à Flo-
rence, il apprit la mort de Galilée. De retour
en Sicile, les Messinoia *ui conférèrent des
titres de noblesse, en reconnaissance de l'é-
clat que ses. enseignement donnait a leur
université. Cependant cet enseignement était
borné, les élèves peu nombreux, et, Ferdi-
nand II lui ayant offert la chaire de mathé-
matiques de Pise, le jeune savant revint pour
la troisième fois en Toscane. C'était en 1656,
les doctrines de Galilée occupaient alors tous
les esprits. En 1657, sous les auspices çUi
prince régnant, une société se fonda à Flo-
rence dans le but d'appliquer la philosophie
du maître à toutes les sciences physiques et
naturelles. Cette société, dont le nouveau
professeur de Pise fut un des membres les
plus actifs, exista dix ans, sous le nom à'A cca-
demia del Cimento. Pour la première fois, Bo-
relli entra de plain-pied dans la médecine, et,
jetant les premières bases de la théorie iatro-
mathématique, chercha l'application des rè-
gles physiques et mathématiques à. l'art de
guérir.
En 1677, Borelli repartit pour Messtne. Il y
avait onze ans qu'il professait avec honneur
on Sicile, lorsque, accusé ùe complicité dans
fa révolte dos Messmois contre l'Espagne, il fut
banni de tous les Etats italiens dépendant de
ce royaume. A partir de ce moment, il mena
une existence assez misérable. Protégé pen-
dant quelque temps à Rome par la reine
Christine, il tomba, par suite d'un vol d'un de
ses domestiques, dans la plus profonde pénu-
rie. Se trouvant sans ressources, Borelli ac-
cepta l'hospitalité que lui offrirent les frères
réguliers de Saint-Pantaléon, et passa ses
derniers jours dans leur maison, où il mourut
âgé de soixante et un ans.
Borelli, avons-nous dit, est le fondateur de
Tècole iatro-mathématique. Cette école, dont
le règne a été court, mais dont l'influence
heureuse s'est perpétuée, avait pour but d'é-
tablir les rapports nombreux qui existent en-
tre les fonctions des corps organisés et les lois
qui régissent les sciences physiques et mathé-
matiques. Quelque faux cjue fut souvent ce
principe dans les applications que voulut en
faire Borelli, ce n'en fut pas moins un moyen
d'action puissant entre ses mains. Grâce k lui,
la physiologie fit de grands progrès, et l'expo-
sition des causes du mouvement du sang, l'é-
valuation des forces et des actions musculai-
res, enfin toutes les autres expériences de
Borelli, dirigées d'après la statique et l'hy-
draulique, sont là pour prouver que la valeur
de son système était loin d'être nulle. Il sut
toujours se passer de la force vitale dans ses
explications, qui, par cela même, gagnent
beaucoup en clarté. Dans son livre magni-
fique : De motu animalium (Rome, 1680), livre
que Boerhaave recommandait comme indis-
pensable dans l'étude de la médecine, indé-
pendamment de l'étendue de3 connaissances,
on trouve, pour la première fois, les lois du
mouvement' animal non-seulement entrevues,
mais encore démontrées avec une précision
et une vérité remarquables. Empruntant à la
physique sa théorie des leviers, il l'appliqua
aux forces musculaires, et donna du méca-
nisme des mouvements et de leur détermina-
tion une évaluation entièrement neuve. Bo-
relli a laissé beaucoup d'ouvrages, dont voici
les principaux : la Cagioni délie febrî mali-
gne di Sicilia (Naples, 1647, in-12); De vi
percussionis liber (Bologne, 1667, in-4°) ; De
motionibus naturalibus a gravitate pendenti-
bus liber (Reggio, 1670, in-4°) ; De motu
animalium pars prima (Rome, 1680, in-4<>);
De motu animalium pars altéra (Rome, 1681,
2 vol. in-4°); De structura nervi optici, publié
dans les oeuvres posthumes de Malpighi (Am-
sterdam, 1698,in-40).
BORELLI
BORELLI (Jean-Alexis), littérateur et pro-
fesseur français, né à Salernes (Provence) en
1738, mort à Berlin vers 1S10- 11 fut du nom-
bre des savants français que Frédéric 11 at-
tira à sa cour; il fut nommé professeur et
membre de l'Académie de BerLvn, et publia
dans cette ville allemande un assez grand
nombre d'ouvrages en français. Les princi-
paux sont : Système de la législation (Berlin,
1768)-, Discours sur l'émulation (1774) ; -Dis-
cours sur le vrai mérite (1775)-, Discours sur
l'influence de nos sentiments sur nos lumières
(1776) ; Plan de réformation des études élé-
mentaires (1776) ; Eléments de Vart de penser
(177S); Considérations sur le dictionnaire de
la langue allemande conçu par Leibnitz et exé-
cuté sous les auspices du comte de Hertsberg
(17'93, in-8°)i Introduction à l'étude des beaux-
arts ou Exposition des lois générales de l'imi-
tation de la nature (1789, in-80), etc.
BORELLI
BORELLI (Jean-Marie), jésuite et poëte,
né en Provence en 1723, mort en 1808. Il pu-
blia en vers latins un poëme intitulé : Archi-
tectura, carmen (1746, in-8°), où l'on trouve
une latinité élégante et facile, et plus tard un
Recueil de poésies françaises et latines (Avi-
gnon, 1780).
BORELLI
BORELLI (le comte Hyacinthe), magistrat
et homme d'Etat italien, né en 1783 à De-
monte, province de Cuneo, mort à Turin en
1860, était d'origine française. Licencié en
théologie et docteur en droit (1804), il entra
dans la magistrature. Le comte H. Borelli
était destiné à l'honneur d'inspirer, de rédiger
et de promulguer le Statut des Etats sardes,
qui est actuellement la constitution nationale
et fondamentale du royaume d'Italie. Une
longue suite de services judiciaires et admi-
nistratifs le préparèrent a cette haute mission
de législateur. Créé ministre d'Etat en 1847,
il resta ministre de l'intérieur jusqu'à la pu-
blication du Statut, signé et rédigé par lui,
ainsi que des lois relatives à l'émancipation
des Vaudois et à la garde nationale. En 1848,
il fut nommé premier président de la cour
des comptes, charge quil résigna en ]857. Ce
fut pour lui un titre à la reconnaissance pu-
blique que d'avoir fait passer le Piémont par
une telle évolution politique, sans avoir à ré-
primer ces désordres et ces troubles qui par-
tout ailleurs furent à déplorer. Rédacteur de
la nouvelle constitution, il sut convaincre le
roi Charles-Albert de l'utilité d'abandonner a
la nation une grande part de ses attributions
royales. Le comte Borelli a fait des legs gé-
néreux a ses concitoyens pour le progrès de
l'instruction publique. C était un des plus
beaux caractères de l'Italie politique contem-
poraine.
BORELLI
BORELLI (Jean-Baptiste), chirurgien ita-
lien, né en 1813 à Boves (Piémont). Il est chi-
rurgien supérieur à l'hôpital des Saints-Maurice-
et-Lazare, et dirige, en outre, une clinique
chirurgicale, où l'on pratique toutes les opé-
rations de haute chirurgie selon les progrès
de l'art. Cet éminent praticien appartient à
plus de vingt corps scientifiques. Outre les
articles de sa Gazette médicale, ses produc-
tions scientifiques ne comprennent pas moins
de soixante études. Les plus remarquables de
ces travaux, souvent analysés par les notabi-
lités chirurgicales de Paris, sont : une mono-
graphie sur l'Epidémie typhoïde de la vallée
a'Aoste ; des mémoires sur les Injections
iodées, sur l'opération du Phimosis, avec des-
cription d'un nouvel instrument; sur une nou-
velle méthode pour le traitement du Staphy-
lôme, sur Y Ethérisation, sur le Collodion,sur
le Traitement des granulations palpébrales
par une nouvelle méthode et par un instru-
ment particulier ; plusieurs autres essais trai-
tant des opérations de YAnkylose du genou,
de la Bernie ombilicale, des Résections sous-
périostées, des Tumeurs de la mâchoire, etc.
Kn 1850, il a fondé la Gazette médicale ita-
lienne, et depuis le Journal d'ophthalmologie
italien, recueils dont il a conservé la direc-
tion. En 1857, il représenta l'Académie mé-
dico-chirurgicale deTurin au congrès o p h t a l -
mologique de Bruxelles. Le docteur Borelli a
été élu député au premier Parlement national
du nouveau royaume d'Italie. — J3on frère,
Calixte BORELLI, cultive la-composition musi-
cale avec succès.
BORELLIE
BORELLIE s. f. (bo-rèl-lî — de Borelli,
n. pr.). Bot. Genre de plantes, syn. de SÉ-
BESTIER.
BORÉLYBORÉLY (Nicolas), né en 1697 à Marseille
partit, dit-on, comme simple mousse à bord
d'un bâtiment de commerce, et débuta, comme
tant d'autres, par une pacotille ; puis il s'éta-
blit négociant et acheta des navires. A l'âge
de cinquante ans, se trouvant à la tête d'une
fortune considérable, il fut nommé échevin
de Marseille (1747), et trois années après il fut
anobli par lettres patentes de Louis XV. H
songea alors à bâtir aux portes de la ville,
• près du village de Bonne-Veine, non loin du
Prado, un château en rapport avec sa haute
position ; c'est le château de Borély actuel,
dont le parc est devenu, depuis 1865, le bois
de Boulogne et le Longchamp de Marseille.
(V. l'article suivant.) Les fils de Borély ache-
vèrent le château commencé par leur père et
formèrent la riche galerie de tableaux qu'on
y voit encore aujourd'hui.
BORÉLY
BORÉLY ( château ) , près de Marseille.
Cette magnifique résidence, située au bord de
la mer, à quelques pas du Prado, a été fon-
dée vers le milieu du xviue siècle par Nico-
las Borély, riche armateur marseillais, à qui
Louis XV avait donné des lettres de no-
blesse. L'édifice commençait à s'élever sous
la direction d'un architecte nommé Brun,
lorsque la mort surprit Nicolas Borély. Ses
deux fils poursuivirent la réalisation de son
projet et n'épargnèrent rien pour faire du
château Borély l'habitation la plus somptueuse
des environs de Marseille. Cet édifice, dont
l'architecture unit une noble élégance à une
exquise simplicité, s'élève sur une terrasse à
balustres, d'où la vue s'étend au loin sur la
mer. Les jardins, dessinés par un artiste pro-
vençal nommé Embrv, offrent de riches par-
terres, de vastes pièces d'eau, de longues
avenues de platanes et de frais massifs de
verdure. La distribution intérieure du château
est bien entendue ; les appartements conser-
vent encore, pour la plupart, leur décoration
et leur ameublement du siècle dernier. Mais,
ce qu'il y a de plus intéressant dans cette
belle résidence, c est la collection de tableaux
qui fut commencée par les frères Borély et
continuée par le marquis de Panisse, leur hé-
ritier. Bien qu'elle ait perdu quelques-uns de
ses joyaux les plus précieux, transportés ail-
leurs par Vun des derniers propriétaires, le
comte de Panisse-Passis, cette collection est
encore des plus remarquables. Elle se com-
pose de ii2 tableaux^ de 13 morceaux de
sculpture et de 25 dessins. Parmi lès tableaux,
nous citerons ; un portrait que l'on croit être
celui de Michel-Ange, par Jules Romain ; une
Hérodiade, attribuée au Giorgione ; le portrait
en pied d'une jeune princesse, par Paul Vé-
ronèse; Saint Bernard ressuscitant un enfant,
esquisse du Tintoret ; le portrait d'un doge, at-
tribué au même ; le Christ au jardin des OH-
viers, esquisse du Trévisan; un Saint Jé-
rôme, du Calabrëse ; le portrait du cardinal
Cibo, par Carie Maratte ; une Marche de trou-
peau, de Castiglione ; deux Fêtes mythologi-
ques, de Séb. Conca; des Ruines, de Pannini;
une Vue de Venise, de Canaletti ; un Saint
Pierre repentant et le portrait de Jean Pro-
cida, par Ribera; les Sept Œuvres de miséri-
corde, singulière peinture attribuée à Murillo ;
un Moine, de Zurbaran; un superbe Pays âge,
de Jacques Ruysdaël; d'autres paysages, de
Salomon Ruysdaël, Both, Decker, Bloemen,
Thomas Wyck ; une Marine, de Zeeman ; des
portraits, par Gonzalès Coques, Ferdinand
Bol, Bramer, Denner ; le Paradis terrestre, de
Breughel de Velours; un Intérieur, attribué à
Pieter de Hooghe; du Gibier, de Griff ; deux
Basses'cours, de Van Boucle ; un Paysage de
rivière, de Van derMeulen; une charmante
Madone, de Simon Vouet (dans la chapelle) ;
des Mendiants, de Séb. Bourdon; une Ba-
taille, du Bourguignon ; Y Histoire de Tobie,
en quatorze tableaux, la Foi et la Charité,
par Pierre Parrocel; la Peste de Marseille,
œuvre capitale, peinte par de Troy, pour le
chevalier Rose ; le Sommeil de Jésus, par l'il-
lustre Puget, sculpteur et peintre ; une Ma-
rine, de J. Vernet; une Chasse, de Swebach ;
Y Atelier de Granet, par Granet lui-même;
deux intérieurs, par le comte de Forbin; la
Vue de Roquebrune, par Turpin de Crissé, etc.
La sculpture comprend : quatre bas-reliefs en
marbre blanc (dans la chapelle), représentant
des sujets de 1 histoire de saint Louis, et trois
statuettes : un Faune, une Bacchante et une
Femme sortant du bain, par Foucou ; une
statue de Faune, un bas-relief représenlant
Louis XIV a cheval, et deux médaillons de
marbre, ouvrages inestimables de Puget.
En 1856, la ville de Marseille est devenue
propriétaire du château Borély. D'importants
travaux ont été accomplis depuis pour trans-
former cette superbe habitation en musée et
ses jardins en promenades publiques. A l'ex-
trémité du grand parterre, au bas de la ter-
rasse du château, on a disposé au milieu d'un
bassin un groupe allégorique colossal, repré-
sentant la France unissant la Méditerranée à
la mer Rouge ; cette œuvre remarquable a été
exécutée par M. Travaux.
BORESOM
BORESOM (Abraham VAN), peintre et gra-
veur hollandais. V. BORSSUM.
BORETIDS
BORETIDS (Mathieu-Ernest), médecin alle-
mand, né à Lôtzen (Prusse) en 1694, mort en
.1738. Après avoir achevé ses études médicales
à Leyde, il visita l'Angleterre, et, de retour
en Allemagne, il fut nommé membre de l'Aca-
démie royale de Berlin (1723), puis, quatre
ans plus tard, professeur à Konigsuerç. Parmi
ses ouvrages écrits en latin, nous citerons :
Spécimen observationum exoticarum ( 1724,
in-40) ; De Epilepsia ex depresso cranio (1724-
i727,in-4°) ; Anatome plantarum et animalium
analoga (1727, in-40).
B O R E T T E s. f. (bo-rè-te). Bot. Nom donné
à un genre de plantes de la famille des érici-
nées, et rapporté aux dabœcies, qui consti-
tuent elles-mêmes une simple section da
genre andromède.
BOREUM,
BOREUM, cap de la côte septentrionale de
l'Afrique ancienne, à l'entrée orientale de la
Grande-Syrte, près de Bérénice, sur la fron-
tière de la Pentapole cyrénaîque. Il Nom d'un
autre promontoire dans l'ancienne Taprobane,
aujourd'hui lie de Ceylan.
BOREUM,
BOREUM, ville de l'Afrique ancienne, dans
la Cyrénaîque, près du cap de même nom;
elle était surtout habitée par des Juifs qui y
avaient construit un temple dédié au roi Sa-
lomon et qui fut transformé en église chré-
tienne par Justinien.
BOREBS,
BOREBS, nom ancien d'un port et d'une
petite rivière de l'Ile de Ténédos.
BQREUS
BQREUS MONS, montagne de l'ancienne
Grèce, à l'E. de Mégalopolis, sur la frontière
de l'Arcadie et de la Laconie.
BORG
BORG (Pierre-Aron), fondateur de l'institut
des sourds-muets à Stockholm et à Lisbonne,
né en Suède en 1776, mort en 1839. Après
avoir terminé ses études, il entra dans la
chancellerie royale; mais ayant encouru la
disgrâce de son chef principal, il fut obligé
de quitter sa place, et se vit réduit à gagner
sa vie en donnant des leçons de harpe et
de chant. Assistant un jour à la représen-
tation d'un drame sur l'abbé de l'Epée, il
se sentit inspiré du désir de suivre l'exemple
de cet illustre bienfaiteur de l'humanité, et
songea dès lors a fonder à Stockholm un
institut des sourds-muets. Cet institut eut à
lutter contre beaucoup d'obstacles suscités
par l'ignorance ou par l'envie fBorg en triom-
pha à force d'énergie, et aussi en faisant
éclater aux yeux de tous, par des séances,
des examens publics et l'exhibition fréquente
de ses élèves, la haute utilité de son établis-
» sèment. En 1823, il fut appelé en Portugal
j pour y fonder un institut dans le genre de
1 celui de Stockholm; il y resta six ans. A son
I retour en Suède, il trouva son œuvre conso-
\ lidée et enrichie par de nombreuses donations
particulières. Bientôt, toutefois, à la suite de
quelques difficultés avec le gouvernement, il
se retira pour laisser a l'autorité la direction
absolue de l'établissement. — Son fils, Ossian
BORG,
BORG, médecin distingué, lui succéda, et con-
tribua, par son intelligence et sa bonne admi-
nistration, à donner à l'institut le remarquable
développement qu'il présente aujourd'hui. Os-
sian Borg a composé, à l'usage de ses pen-
sionnaires , un intéressant commentaire des
Evangiles du dimanche, publié sous ce titre :
les Sourds-muets dans le temple.
BORGA,BORGA, ville de la Russie d'Europe, dans
la Finlande, à 40 kiîom. N.-E. de Helsingfors,
avec un petit port à l'embouchure de la petite
rivière de même nom dans le golfe de Fin-
lande; 4,000 hab. Evêché luthérien, gymnase;
commerce de toiles et lainages,
BORGAARD
BORGAARD (Albert), ingénieur militaire
danois, né en 1659, mort général anglais en
1727. 11 servit d'abord comme artilleur dans
la guerre contre la Suède, sous Christian V,
puis , après avoir suivi quelque temps les
cours de l'école du génie, a Berlin, se rendit
à Strasbourg, où il étudia sous Vauban. Ren-
tré dans sa patrie en 1687, il la quitta bientôt
pour toujours, à la suite d'une querelle avec
un de ses chefs. Il servit en Pologne contre
les Turcs ; passa ensuite, avec le grade de lieu-
tenant, dans la garde prussienne, et prit part
en 1690 à la campagne contre la France. Sur
le point de s'attacber à l'Autriche, il re-
nonça tout à coup à ce projet, pour se ranger
temporairement sous le drapeau français. Il
se conduisit si brillamment au siège de Na-
mur, en 1692, que Louis XIV lui donna une
somme de 1,000 couronnes en récompense do
sa valeur et l'éleva au grade de capitaine."
Toutefois Borgaard refusa de se fixer en
France, et passa sous le commandement de
son ancien chef, le»duc Ferdinand-Guillaume
de Wurtemberg, au service de l'Angleterre.
Après s'être distingué dans la guerre de'la
succession d'Espagne, il appliqua tous ses
soins à organiser 1 artillerie anglaise, fut fait
général et mourut à l'âge de soixante-huit
ans, jouissant de l'estime et de la considéra- j
tion de tous.
BORGAiGE s. m. (bor-ghè-je). Féod. An-
cienne forme du mot BORD ÂGE.
BORGARUCC1 (Prosper), médecin italien
du xvi« siècle. Il eut pour maître Vesale,' et il
professa l'anatomie a Padoue. Il vint en
France en 1567, et Charles IX le nomma mé-
decin de la cour. Dans ce voyage, il eut le
bonheur de découvrir le manuscrit de la Cki-
rurgia magna, de Vesale: il l'acheta et re-
tourna en Italie pour le faire imprimer. Ses
principaux ouvrages sont : Arcana partim me-
dica, partim chemica (1565, in-8°) ; Trattato
di peste (1565) ; De morbo gallico methodus
(1566); Délia contemplazione anatomica sopra
lutte le parte del corpo umano (Venise, 1564,
in-8°). Ce dernier ouvrage fut adopté dans
toutes les écoles de l'Italie pour servir de base
aux leçons d'anatomie.
BORGAS10 (Paolo), jurisconsulte italien,
né à Feltri vers 1466, mort en 1541. Après
avoir étudié le droit sous le fameux Felino
Sandeo, il devint jurisconsulte , puis entra
dans les ordres, acquit la faveur de Léon X,
et fut nommé successivement v i c e - l é g a t ,
gouverneur des domaines pontificaux en Tos-
cane évèque de Padoue et gouverneur de
• l'Ombrte. Ami du repos e t d e l'étude, il se dé-
mit de toutes ses dignités et finit sa vie dans
la retraite. On a de lui : Tractalus de irregu-
laritatibus et impedimentis ordinum, offi'cto-
rum et beneficioi'um ecclesîasticorum ( sans
date).
BORGE
BORGE s. f. (bor-je). Comm. Nom que l'on
donnait autrefois à l'espèce de toile depuis
appelée BOUGRAN.
BORCiENTREICH, ville de Prusse, province
de Westphalie, régence de Minden, cercle et
à 10 kilom. N.-E. de Varburg, sur la Bever;
2,000 hab. Fabrication de potasse.
B O R G E R v. a. ou tr. (bor-jé). Chez les
israélites, Enlever les veines, les peaux et
certains nerfs de la cuisse des animaux do
boucherie, en souvenir de la lutte que Jacob
soutint toute une nuit contre l'ange du Sei-
gneur, et dans laquelle il fut vaincu après
avoir été touché à la cuisse, ce qui le rendit
boiteux : BORGER une cuisse de veau.
BORGES
BORGES (José), chef de partisans espagnol,
fusillé en 1861. Ancien officier carliste, il
était, depuis 1855, interné à Maçon, lorsque,,
on 1861, après l'expulsion de François II du
royaume de Naples, il entra en relation avec
le comité bourbonien, qui, connaissant son
intrépidité, lui proposa de faire une descente
dans les Calabres et de soulever le pays
pour provoquer une restauration. Borges, à
qui l'ex-roi de Naples offrit un brevet de
généralissime, et à qui l'on lit croire qu'il
trouverait une armée de 10,000 hommes prête
à marcher sous ses ordres, n'hésita point à
accepter. A la tète d'une poignée d'Espagnols,
il débarqua sur la côte de la Calabre et lança
une proclamation dans laquelle il appelait le
peuple à l'insurrection. Le peuple n'eut garde
de répondre à son appel, et, au lieu de
10,000 hommes, Borges ne trouva pour toute
armée que 300 coureurs d'aventures, com-
mandés par un bandit aux gages des Bour-
bons. Trompé dans ses espérances, le généra-
lissime d'une armée qui n'avait jamais existé
que dans l'imagination des courtisans du
jeune roi détrôné dut errer à l'aventure, au
milieu des bois, poursuivi et traqué par les
troupes italiennes, sans vivres et subissant
des fatigues inouïes. Vainement il essaya de
se frayer un passage à travers les colonnes
qui lui fermaient toute issue; il fut fait pri-
sonnier à Tagliacozzo le 30 novembre, con-
damné à mort et fusillé. On trouva sur Borges
un journal dans lequel il avait consigné jour
par jour, dès le début, les diverses circon-
stances de sa folle entreprise, journal qui a jeté
une vive lumière sur les menées du parti
bourbonien en Italie.
BORGERBORGER (Elie-Anne), théologien et minis-
tre protestant, né à Joure, dans la Frise, en
1785, mort en 1820. Il professa d'abord la
théologie, puis les belles-lettres à l'université
de Leyde. Il composa en latin un cours d'his-
toire pragmatique, ou il maniait la langue de
Cicéron avec une véritable éloquence. Dans
1004 BORG BORG
BORG
BORG
son traité philosophique Disputatio de mysti-
cismo, il poursuivit d'une ironie souvent spi-
rituelle les systèmes de Kant, Fichte et Sehel-
ling. On lui doit encore beaucoup d'autres
ouvrages, et, entre autres, deux volumes do
serinons où il montre les qualités d'un véri-
table orateur.
BORGHÊS
BORGHÊS ( J e a n ) , théologien. "V. BOUR-
GEOIS.
BORGHÈSE,BORGHÈSE, famille romaine originaire de
Sienne, où elle appartenait à l'ordre des Neuf
et où elle remplit depuis le xv^ siècle les
plus hauts emplois de la république. Le pape
Paul V (1605-1021), qui en était issu, accu-
mula sur elle les honneurs et les richesses, et
la lixa à Rome, où elle a toujours tenu depuis
nn rang considérable, se distinguant surtout
par sa passion pour les beaux-arts. C'est ce
même pontife qui fit édifier à Rome la villa
Borghèse, célèbre surtout, par ses collections
de sculptures antiques. Paul V combla de fa-
veurs deux de ses neveux : SCIPION-CAFFA-
KELLT, qu'il créa cardinal, à qui il rit don des
biens immenses confisqués à la famille Cenci,
et qu'il autorisa à porter le nom de Borghèse,
et Marc-Antoine BORGHÈSE (mort en 1658),
qu'il fit nommer grand d'Espagne et qu'il
créa prince de Sulmona, avec un revenu de
£00,000 écus. C'est de ce dernier que descend
la famille actuelle des Borghèse. — MARC-
ANTOINE III, né en 1730, mort en 1800, fut, en
179S, sénateur de la république romaine et
père de Camille Borghèse, dont nous allons
parler.
BORGHÈSE
BORGHÈSE (Camille), prince de Sulmona
et de Rossano, né à Rome en 1775, mort en
1832. Il passait pour le plus riche des princes
romains; aussi sa famille fut-elle une des
plus lourdement frappées par les impositions
qu'établirent les généraux français après le
meurtre du général Duphot, en 1798. Partisan
des idées libérales, Camille servit dans l'ar-
mée française, et, en 1803, fut appelé à Paris,
où il épousa la sœur du premier consul, Pau-
line Bonaparte, veuve du général Leclerc.
Ce mariage le fit nommer prince français en
1804, et, en 1S0G, prince et duc de Guastalla.
En 1S07, l'empereur le força à lui vendre sa
magnifique collection d'objets d'art moyennant
3 millions comptant, l'abbaye de Lucedio, près
de Turin, estimée 4 millions, et 300,000 fr.
de rente. En exécution de cette expropria-
tion, le musée de la villa Borghèse fut trans-
Ïiorté en France. C'est ainsi que Rome perdit
e Gladiateur, Y Hermaphrodite, le Silène, le
musée Gabrino et une quantité de monuments
de l'antiquité et des beaux-arts. L'année sui-
vante (1808), Napoléon le nomma grand di-
gnitaire de l'Empire et gouverneur général
des départements du Piémont, de Gènes et de
Parme. Il établit sa cour à Turin et s'y fit
aimer. Après l'abdication de Napoléon, en
1814, il remit aux alliés le Piémont et Gênes.
A partir de cette époque, il cessa toutes rela-
tions avec les Bonaparte, et se sépara de sa
femme, dont il avait h se plaindre. En 1815,
une grande partie de son musée lui fut ren-
due, mais il vendit sa terre de Lucedio, en
Piémont, et habita depuis Florence et Rome.
Il mourut à Florence. — François BORGIIÊSK
ALDOBBANDINI, frère et héritier du précédent,
né à Rome en 1777, mort en 1839. Le prince
François, comme son frère Camille, avait
nequis la faveur de Napoléon, qui lui donna
le titre de prince français et le nomma son
grand écuyer. Il avait épousé la comtesse
Alexandre de La Rochefoucauld, dont il eut
trois fils : MARC-ANTOINE, prince Borghèse,
né à Paris en 1814 et chef actuel de la famille;
CAMILLE, prince ALDOBRANDINI, né en 1816, et
qui fut ministre de la guerre en 1848 dans les
États pontificaux, et SCIPION, duc deSALviATi,
né en 1823.
BORGHÈSE
BORGHÈSE (la princesse Pauline). V. BO-
NAPARTE (Marie-Pauline).
BORGHÈSE
BORGHÈSE (villa), à Rome. Cette magni-
fique maison de plaisance, située à une petite
distance de la porte du Peuple, fut bâtie, au
commencement du xvnc siècle, par le cardi-
nal Scipione Caffarelli-Borghèse. L'architecte
de l'édifice fut Giovanni Vansanzio; les jar-
dins furent dessinés par Domenico Savino, de
Monte-Pulciano, et les travaux de conduite
et de distribution des eaux furent dirigés par
Giovanni Fontana. Par la suite, les princes
Borghèse firent exécuter de nombreux em-
bellissements dans la villa et y rassemblèrent
une précieuse collection de marbres antiques.
Deux cents morceaux environ de cette collec-
tion furent cédés à Napoléon I
e r
par le prince
Camille: ils allèrent prendre place au Louvre,
dont quelques-uns forment encore aujour-
d'hui l'ornement. (V. LOUVRE.) La collec-
tion de la villa Borghèse se reforma en peu
d'années. Parmi les ouvrages antiques qu'on
y admire actuellement, nous citerons : sous le
portique, qui a environ 20 m. de long et qui
est d ordre ionique, deux bas-reliefs prove-
nant de l'arc de Claude • dans les salles, les
statues de Junon, de Cérès, de Vénus, de
Léda, de Bacckus assis, d'Hercule, de Mer-
cure, de Daphné, de Cupidon déguisé en Her-
cule , du Berger Paris; un Hermaphrodite,
répétition de celui qui est au Louvre; un
groupe représentant une Amazone combattant ;
VEducation de 2'élêphe, bas-relief estimé ; un
autre beau bas-relief qui représente Cassandrc
repoussant A jax ; un sarcophage en porphyre,
qu'on croit provenir du mausolée d'Adrien;
des bustes, des hermès, des candélabres, etc.
La villa Borghèse offre, en outre, quelques
peintures modernes, entre autres un portrait
de Paul V, par le Caravage; des tableaux
d'animaux, parle Hollandais Paul Peters, et
une voûte peinte par Lan franc ; trois ouvrages
de l'extrême jeunesse du célèbre sculpteur
Bernin, David, Enée portant Auchise, Apollon
et Daphné; le Sommeil, de l'Algarde, et une
des œuvres capitales de Canova, la statue
couchée de la princesse Pauline Borghèse.
(V. la description page 952.)
BORGHÈSEBORGHÈSE (Giovanni-Ventura), peintre
italien, né à Città-di-Castello vers 1640, mort
en 1708. Il prit des leçons de Pierre de Cor-
tone , avec lequel il travailla longtemps a.
Rome, et habita ensuite l'Allemagne pendant
plusieurs années. On cite parmi ses meilleurs
tableaux : Y Annonciation et le Couronnement
de la Vierge, dans l'église de Saint-Nicolas
de Tolentino, à Rome, et son Martyre de sairit
Pierre, à Saint-Dominique de Pérouse.
BORGHESI
BORGHESI (Diomède), littérateur italien,
mort à Sienne en 1598. Après avoir voyagé
dans les principales villes d'Italie, il reçut du
grand-duc Ferdinand de Médicis le titre de
gentilhomme de sa cour, et quelque temps
après fut nommé à la chaire de langue toscane
à Sienne. 11 était membre de l'Académie des
Inlronati,,et il publia cinq volumes de poésies
(Rime), des Lettres familières (1578, in-4<>), et
des lettres discursives (Padoue, 1584-1003,
in-40).
BORGHESI
BORGHESI (comte Barthélémy), célèbre
numismate et épigraphiste italien, né à Savi-
gnano,prèsdeRimini,en 1781, mort en 1860.11
s'adonna de bonne heure à l'étude des vieilles
chartes historiques du moyen âge; mais il fut
obligé de renoncer a ces travaux, à raison de
l'affaiblissement de sa vue. Il s'occupa alors
d'enrichir son beau musée de médailles, visita
les collections les plus riches de l'Italie, ainsi
que la bibliothèque de Rome, et se partagea
entre la numismatique et l'épigraphie. Il com-
mença, en 1820, à publier ses Nouveaux frag-
ments des Fastes consulaires du Capitole (1818-
1810, 2 vol.), vaste ouvrage, riche en mono-
graphies et en inscriptions qui jettent une
lumière nouvelle sur beaucoup de points obs-
curs de l'histoire romaine. En 1821, il se re-
tira dans la petite république de Saint-Marin,
au Mont-Titan. Il fut envoyé à Rome, en 1842,
comme plénipotentiaire de sa patrie adoptive,
pour conclure des conventions commerciales.
A cette époque, son nom et ses travaux jouis-
saient d'une grande notoriété dans le monde
scientifique européen. De nombreux savants
lui apportaient des matériaux et des docu-
ments pour la continuation de ses Fastes con-
sulaires, en même temps qu'il popularisait ses
connaissances par ses élèves. Il a donné de
nombreux et savants articles de critique dans
les Mémoires de l'Académie des sciences de
Turin, au Giornale Arcadico de Rome, aux
Annales de l'Institut archéologique, au Bulle-
tin napolitain, etc. Ces travaux épars doivent
être réunis sous le titre de Décades numisma-
tigues (in-8°). Il avait le projet de réunir et
de publier un Corpus universelle inscriptionum
latinarum, projet pour la réalisation duquel di-
vers gouvernements de l'Europe lui promi-
rent leur concours; mais il mourut à Saint-
Marin avant d'avoir exécuté ce dessein. Ce
savant épigraphiste était membre correspon-
dant de 1 Institut de France.
«Le comte Borghesi qui, le premier, dit
M. Desjardins, a porté la lumière de son in-
comparable savoir et la prodigieuse sagacité
de son pénétrant génie dans ces obscurités et
dans toutes ces lettres mortes d'un monde
éteint, dont il fait revivre l'esprit, est un des
hommes qui auront le plus compté dans l'his-
toire intellectuelle du monde, un de ceux qui
auront le plus marqué dans notre siècle. »
Après la mort du comte Borghesi, l'empereur
Napoléon III a ordonné qu'une édition des
Œuvres complètes, imprimées ou inédites , du
célèbre épigraphiste, fût publiée aux frais de
l'Etat. Une commission composée de MM. Léon
Régnier, Desjardins, de Rossi, etc., a été
chargée de ce travai^ et plusieurs volumes
des Œuvres numismatigues et épigraphiques
ont paru depuis.1863.
BORGHÈSE
BORGHÈSE (palais et galerie), à Rome. Le
palais Borghèse, situé sur la place de ce
nom, près du port de Ripetta, fut commencé
en 1590 par le cardinal Dezza, sur les dessins
de Martino Lunghi le Vieux, et terminé, en
1607, par Flaminio Ponzio, lorsque Paul V
(Paul Borghèse) en eut fait l'acquisition. C'est
un des plus beaux palais de Rome. Il est dis-
posé sur un plan irrégulier assez semblable à
celui d'un clavecin, d où lui est venu le nom
de Cembalo. La cour intérieure, d'un aspect
somptueux, est entourée de portiques à deux
étages, soutenus par quatre-vingt-seize co-
lonnes de granit, doriques au rez-de-chaussée
et corinthiennes à 1 étage supérieur. Dans
cette cour sont les statues colossales antiques
de Julie, de Sabine et de -Cérès. Une magni-
fique galerie de tableaux occupe, au rez-de-
chaussée d'une des ailes, douze salles déco-
rées dans le style maniéré de la seconde moitié
du xvne siècle. Cette collection, la plus riche
et'la plus curieuse de Rome, est ouverte tous
les jours au public. Commencée par Paul V,
elle fut continuée par son neveu Marc-An-
toine et par les descendants de celui-ci, qui,
à leur fortune personnelle, joignirent succes-
sivement celles des maisons Spinola, Aldo-
brandini, Colonna, dont ils épousèrent les
héritières. La galerie Borghèse renferme ac-
tuellement six cents tableaux environ, qui
sont presque tous de.premier ordre et dont
plusieurs jouissent d'une juste célébrité. Parmi
les œuvres de l'école italienne, on distingue :
une Sainte Famille, d'Ant. Pollaiuolo; Ma-
done à la grenade, de Sandro Botticelli ; un
Portrait déjeune homme, d'une vérité surpre-
nante, et une Madone, de Lorenzo di Credi;
deux Evangélistes, d'un beau dessin, mais
d'une exécution un jpeu dure, de Michel-Ange ;
les l'ireurs d'arc, fresque qui a été attribuée
à Raphaël, mais que de savants juges croient
être encore du Buonarotti ; une Venus, trois
Sainte Famille et une admirable tête de Ma-
deleine, d'Andréa del Sarto; deux épisodes de
Y Histoire de Joseph, du Pinturicchio; le por-
trait de Raphaël, œuvre charmante, pleine de
vie et d'expression, at:ribuée par M. Passa-
vant à Timoteo délie Vitte; quatre ouvrages
de Raphaël lui-même ; la célèbre Mise au
tombeau, le splendide portrait de César Bor-
gia, le portrait d'un cardinal et les Noces
d'Alexandre et de Roxane, fresque qui, sui-
vant quelques connaisseurs, aurait été exé-
cutée par Pierino del Vaga sur les dessins du
maître ; une Flagellation, œuvre capitale du
Garofalo; un Calvaire, de Crivelli; un Saint
Sébastien, figure d'un grand style, du Pon-
tormo ; une Vénus au bain, et trois copies
d'après Raphaël (Saint Jean, le portrait de
Jules II et celui de la Fornarina), attribuées
à Jules Romain; la Danaé, peinture célèbre,
et la Madeleine, du Corrége ; un beau por-
trait d'homme et une Sainte Catherine, un
peu maniérée, du Parmesan; le portrait de
Côme Icr
>
par le Bronzino; une Léda, une
Sainte Agathe et le Sauveur du monde, attri-
bués .à Léonard de Vinci; un Saint Antoine
de Padoue et un Saint Etienne, chefs-d'œuvre
de Francia: la Chasse de Diane et la Sibylle
de Cumes, chefs-d'œuvre du Dominiquin; une
Déposition de croix, d'Annibal Carrache ; une
copie des Trois âges de la vie, d'après le Ti-
tien, et une Madone, du Sassoferrato; un
Paysage, de Salvator Rosa; jnc Madone, do
Giovanni Bellini; Y Amour sacré et l'Amour
profane (deux belles femmes, l'une nue, l'au-
tre habillée, assises près d'une citerne où un
enfant puise de l'eau), œuvre célèbre du Ti-
tien; les Trois Grâces, du même; un magni-
fique portrait d'homme, du Pordenone; une
Vénus, du Padovanino • Y Anneau de saint
Marc et les Fils de Zébéaée, de Bonifazio, etc.
Les écoles étrangères à l'Italie ne sont repré-
sentées que par un petit nombre de toiles
dans la galerie Borghèse; mais quelques-uns
de ces ouvrages sont des plus remarquables ;
tels sont : un superbe portrait d'homme,
d'Holbein ; une Vénus, de Lucas Cranach ; une
Déposition de croix et le portrait de Marie de
Médicis, de Van Dyck; Loth et ses filles, de
Gérard Honthorst; un Cabaret, de Téniers ;
un Corps de garde, de Palamède; des Bu-
veurs, de Van der Meer de Delft ; une Marine,
de Backhuyzen; des paysages, de P. Potter,
Wouverman; des Batailles,du Bourguignon;
Joseph expliquant les songes de l'échanson et
du pane lier, de Moïse Valentin ; deux beaux
paysages, du Guaspre; un Saint Stanislas, de
Ribera, etc.
BORGHETTO,
BORGHETTO, ville du royaume d'Italie,
prov. et à 34 kilom. S.-E. de Brescia, sur la
rive droite du Mincio: 2,500 hab. En 1796, le
général Bonaparte y battit le général Beau-
lieu, il Ville du roy. d'Italie, dans la Sicile,
prov. et district de Palerme; 4,300 hab. Il
Ville du roy. d'Italie, prov. et à 12 kilom. S.
de Lodi; 2,630 hab.
BORGH1 (l'abbé Joseph),littérateur italien,
né à Bibbiena (Toscane), en 1790, mort à
Rome en 1847. Il commença de bonne heure
ses études littéraires au séminaire de Casti-
glione Fiorentino, et, à dix-huit ans, il était
déjà professeur de rhétorique. Il s'adonna
avec succès à l'étude des lettres grecques,
devint bientôt familier avec les poèmes d'Ho-
mère, et publia, en 1824, à Florence, une tra-
duction complète des Odes de Pindare,qui fut
très-bien accueillie en Italie, et qui fut couron-
née par l'Académie de la Crusca au concours
quinquennal. Apres 1830, Borghi habita suc-
cessivement Rome, Palerme, Paris, Arezzo,
toujours cultivant les lettres et surtout la
poésie. Ses Canzoni, ses Hymnes sacrés, ses
autres compositions poétiques, ses Commen-
taires sur Dante,ses Notessur Pétrarque, fu-
rent plusieurs fois imprimés dans différentes
villes d'Italie. Dans les dernières années de
sa vie, Borghi travaillait à une Histoire géné-
rale d'Italie, dont il parut trois volumes sous
le titre de Discours sur les histoires italiennes
depuis le commencement de l'ère chrétienne
jusqu'en 1840. Cet ouvrage a trompé les espé-
rances que l'on avait fondées sur le talent de
l'auteur.
BORGH1-MAMO (Adélaïde BORGHI, dame
MAMO, dite), cantatrice italienne, née à Bolo-
gne en 1829, reçut de bonne heure les conseils
de la Pasta, qui avait découvert en elle une
admirable voix de contralto, et qui la décida
a embrasser la carrière théâtrale. Ses débuts
eurent lieu à Urbin en 1846, dans le Giura-
mento, de Mercadante, et furent couronnés de
succès. Elle parcourut ensuite l'Italie, se fit
partout applaudir, et épousa, étant à Malte,
en IS49, M. Mamo. Lors de son engagement à
Naples, Pacini écrivit à son intention Malvina
di Scoziaet Bomilda; Mercadante. la Statira ,
et Rossi YAlchimista. En 1S53, elle se rendit
à Vienne, où l'attendaient de nombreux triom-
phes, e t , l'année suivante, elle parut au
Théâtre-Italien de Paris, où elle interpréta
successivement les principaux rôles du réper-
toire, et se montra dans diverses créations.
Les succès qu'elle obtint, notamment dans la
Cenerentola, le Barbier, Mathilde de Shabran
et surtout dans II Trovatore de M. Verdi, dé-
cidèrent le Grand Opéra à se l'attacher : en
1856, elle signa avec notre Académie de mu-
sique un engagement de trois années. Elle a
joué à l'Opéra la Favorite, le Prophète, la
Reine de Chypre, puis le Trovatore, traduit et
arrangé pour la scène française, sous le titre
du Trouvère, dont le quatrième acte a été chanté
parM'ue Borghi-Mamo comme personne avant
elle ne l'avait chanté et comme personne ne
l'a chanté depuis. En 1855, profitant d'un
congé, elle était retournée à Vienne, et y
avait paru dans Lucrèce Borgia, Mario Vis-
conti, Don Giovanni et dans ses meilleurs rôles,
entre autres la Cenerentola. Ce dernier ou-
vrage lui avait valu une ovation sans exemple.
Ce congé expiré, M
m c
Borghi-Mamo rentra à
l'Opéra de Paris, où elle créa le rôle de Mélu-
sine dans la Magicienne. d'Halévy, et celui
d'Olympia dans YHerculanum, de Félicien
David, rôle dans lequel elle a laissé d'ineffa-
çables souvenirs. Malgré ces éclatants triom-
fihes, des rivalités de coulisses empêchèrent
e renouvellement à l'Opéra de l'engagement
de M'
r
»c Borghi-Mamo. Elle revint alors au
Théâtre-Italien, où elle reprit,en 1863, le rôle
d'Amina de la Sonnambula et celui de Rosine
du Barbier de Séville, avec beaucoup de bon-
heur. M
m e
Borghi-Mamo possède une voix de
contralto des plus remarquables; c'est de plus
une artiste consommée dans son art. Depuis
son départ des Italiens, aucun contralto n'a
pu la faire oublier, et ni Mme Alboni, ni cette
grandissime artiste qu'on nomme M
ine
Viar-
dot, n'ont approché de M
m c
Borghi-Mamo
dans sa création d'Azucena, d'il Trovatore.
BORGH1N1 (Vincent), antiquaire italien, né
à Florence en 1515, mort en 1580. Il était bé-
nédictin, prieur du monastère de Florence et
directeur de l'hôpital de Sainte-Marie des In-
nocents, lorsqu'il fut chargé d'administrer le
diocèse de Florence pour Alexandre de Médi-
cis, obligé d'habiter Rome (1574). Plus tard, il
refusa le titre d'archevêque de Pise, que le
duc François voulait lui donner. Lié avec les
hommes les plus distingués de la Toscane,
Valori, Vettori, Salviati, Torelli, tenu en
haute estime par le Tasse, qui le consultait
sur ses ouvrages, le modeste et savant Bor-
ghini consacrait tous ses loisirs à l'étude des
antiquités romaines, des origines et du per-
fectionnement de la langue toscane, et il était,
en outre, très-versé dans la connaissance des
beaux-arts. Vice-président de l'Académie del
disegno, Borghini fut un des commissaires
choisis pour revoir le Décamèron, de Boccace,
et supprimer les parties qui avaient fait pro-
hiber ce livre par les papes Paul IV et Pie IV.
Ce fut lui qui composa seul les Annotazioni e
discorsi publiés à ce sujet l'année suivante
(1574). Borghini a donné, sous le nom de Dis-
cours (Discorsi, Florence, 1584-1585, 2 vol.
in-4<>), des dissertations d'un haut intérêt sur
l'origine de Florence, sur les villes toscanes,
les municipes et les colonies des Romains, etc.
BORGHOLM,BORGHOLM, b o u r g d e S u è d e j p r é f e c t u r e e t
à 30 kilom. N . - E . d e C a l m a r , s u r la côte o c -
c i d e n t a l e , e t ch.-l. d e l'île d ' Œ l a n d ; 2,000 h a b .
Ancien c h â t e a u fort, qui sert aujourd'hui d e
maison de c o r r e c t i o n , situé s u r le point cul-
m i n a n t d e l'île.
BORGHOT
BORGHOT ou BORGO s. m . (bor-go). Voile
q u e p o r t e n t l e s femmes t u r q u e s : La plupart
des femmes du peuple se montrent en public la
face découverte ; mais on dit que la nécessité
les y force, parce qu'elles n'ont pas les moyens
de se procurer rfesBORGHOTS. (Gér. d e N e r v . )
BORGIA,
BORGIA, ville du r o y . d'Italie, d a n s l a C a -
l a b r e Ultérieure I l e , district e t à 10 kilom.
S.-O. d e C a t a n z a r o ; 3,500 h a b . Récolte de soie
et vins estimés.
BORGIA. L a famille B o r g î a e s t originaire
du r o y a u m e de V a l e n c e ( E s p a g n e ) . Elle n ' a
j o u é un rôle dans l'histoire q u e depuis l ' a v é -
n e m e n t a u trône pontifical, sous le nom d e
Calixte I I I , d e Alfonse Borgia, é v ê q u e d e
M a j o r q u e , puis de V a l e n c e , créé cardinal e n
1444, élu pape e n 1455. Celui-ci a v a i t u n e
s œ u r , Isabelle, mariée à Geoffroi Borgia, son
p a r e n t selon quelques a u t e u r s , d'une famille
dilférente selon d ' a u t r e s , e t n ' a y a n t pris le
nom de Borgia q u ' à la suite d e son m a r i a g e ;
ce nom d e v a n t s'éteindre a v e c le pape C a -
lixte I I I . De ce m a r i a g e v i n r e n t deux fils,
P i e r r e - L o u i s BORGIA, préfet d e R o m e et lieu-
t e n a n t g é n é r a l du patrimoine de Saint- P i e r r e ,
et Rodriguez B O K G I A , cardinal en 1455, élu
p a p e sous le nom d'Alexandre V I , en 1492.
Ce d e r n i e r laissa plusieurs enfants n a t u r e l s ,
parmi lesquels César BORGIA, créé d u c d e Va-
lentinois p a r le roi Louis X I I , e t m a r i é à
Charlotte d'Albret, qui n e lui d o n n a qu'une
fille; J e a n BORGIA, qui a formé la maison des
ducs de G a n d i e , e t s e s divers r a m e a u x ; Geof-
froi
BORGIA,BORGIA, qui e s t l'auteur d e s p r i n e e s ' d e
Squillace, fondus d a n s u n r a m e a u des ducs de
Gandie. F o u r tout c e qui se r a p p o r t e a u x p e r -
sonnages l e s plus célèbres d e cette famille,
q u a n t k l a p a r t i e b i o g r a p h i q u e ; littéraire e t
a r t i s t i q u e , v . A L E X A N D R E V I , C É S A R e t L U -
CRÈCE.
BORGIABORGIA (Alfonse). V . CALIXTE I I I .
BORGIA
BORGIA ( J é r ô m e ) , poëte italien, n é à N a -
p l e s , m o r t v e r s 1549, n e v e u d e C é s a r ; s e r e n -
dit à R o m e , e t devint é v ê q u e d e Massa. On a
de lui u n recueil d e Poésies lyriques et héroï-
ques en latin ( R o m e , 1525), et Historia suorum
temporum (20 vol.)
BORGIA
BORGIA ou BORJA ( F r a n ç o i s ) , poëte e s p a -
nol, prince d e Squillace, un d e s descendants
'Alexandre VI, et, en m ê m e t e m p s , d e F e r -
dinand le Catholique p a r s a m è r e , m o r t en
1658. Gentilhomme d e la c h a m b r e d e P h i -
lippe II, il fut vice-roi du P é r o u de 1614 à 1621.
P o ë t e é l é g a n t e t s o u v e n t g r a c i e u x , a d m i r a t e u r
des classiques, a d v e r s a i r e d e la boursouflure et
de l'affectation que les s e c t a t e u r s de G o n g o r a
a v a i e n t mises à la mode, il n ' a c e p e n d a n t
point mérité le t i t r e de prince des p o è t e s , q u e
lui donnaient les l i t t é r a t e u r s qu'il p r o t é g e a i t .
C'était un versificateur s a g e e t d e bon g o û t
Jlutôt qu'un poëte. On estime s e s r o m a n c e s
yriques e t ses c h a n t s de J a c o b e t de R a c h e l ,
publiés sous le titre d e Obras en verso ( M a -
drid, 1639); mais son p o ë m e épique Napoles
recuperada por el rey D. Alonzo ( S a r a g o s s e ,
1651), e s t au-dessous du médiocre. On a é g a -
lement de lui Oraciones y meditationes de la
vida de Jesu-Cristo (1661).
BOBGIA
BOBGIA (Alexandre), théologien italien, d e
la m ê m e famille que les p r é c é d e n t s , n é à V e l -
letri en 1682, mort en 1764, devint a r c h e v ê q u e
de F e n n o . S e s principaux o u v r a g e s sont :
ïstoria délia chiesa et città di Velletri ( N o -
c e r a , 1723, in-4°) ; Concilium provinciale Fir-
manum ( F e r m o , 1727, in-4*>) ; Vita di San Gc-
raldo (1698) ; et u n e Vie du pape Benoit XIII
(1741), e t c .
BORGIA
BORGIA ( E t i e n n e ) , c a r d i n a l , a d m i n i s t r a t e u r
et antiquaire italien , n e v e u du p r é c é d e n t , n é
k Velletri e n 1731, m o r t à L y o n en 1804. D è s
s a j e u n e s s e , il m o n t r a u n g o û t prononcé pour
les antiquités e t il c o m m e n ç a à se former u n
m u s é e qui d e v a i t ê t r e u n j o u r u n d e s plus r i -
c h e s qu'on e û t j a m a i s v u s . L e p a p e B e -
noît X I V le nomma, e n 1759, g o u v e r n e u r d e
B é n é v e n t . E n 1770, il fut n o m m é s e c r é t a i r e
de la P r o p a g a n d e , e t cette c h a r g e , qu'il r e m -
plit dix-huit a n s , lui fournit l'occasion d e c o r -
r e s p o n d r e a v e c les missionnaires r é p a n d u s
dans toutes les p a r t i e s d u m o n d e , qui s'em-
pressaient de lui faire p a r v e n i r d e s m a n u -
scrits, des médailles, d e s statues", d e s idoles,
des v a s e s , dont il enrichissait son m u s é e .
L o r s q u e , en 1797, des m o u v e m e n t s r é v o l u -
tionnaires v i n r e n t a g i t e r R o m e , P i e VI, qui,
huit ans a u p a r a v a n t , a v a i t p r o m u Borgia a u
c a r d i n a l a t , lui confia le g o u v e r n e m e n t de la
ville, et cette mission difficile fut d i g n e m e n t
remplie j u s q u ' a u j o u r où l'approche d'une a r -
m é e française fit éclater tout à coup l a r é v o l t e
e t p r o c l a m e r la république. P i e VI fut obligé de
fuir, le cardinal fut a r r ê t é p e n d a n t quelques
jours, puis r e l â c h é à condition qu'il sortirait
des E t a t s d e l'Eglise. P l u s tard, sous P i e V I I ,
E t i e n n e Borgia remplit encore d'importantes
fonctions, e t c e p a p e voulut qu'il l ' a c c o m p a -
g n â t en F r a n c e , lorsqu'il s'y rendit pour cou-
r o n n e r l'empereur Napoléon I
e r
: m a i s , surpris
à Lyon p a r u n e g r a v e m a l a d i e , il m o u r u t d a n s
c e t t e ville, e m p o r t a n t l e s r e g r e t s d e t o u s les
s a v a n t s qui a v a i e n t pu a p p r é c i e r s e s r a r e s
connaissances, s a b o n t é e t s a g é n é r o s i t é .
Son m u s é e d e Velletri, célèbre dans t o u t e
l ' E u r o p e , était s u r t o u t r i c h e e n m o n u m e n t s
é g y p t i e n s e t indiens. S a passion d'antiquaire
l'entraîna s o u v e n t k v e n d r e s a vaisselle et
j u s q u ' a u x boucles de ses souliers, pour l'acqui-
sition d e quelque m o r c e a u c u r i e u x ou pour
l'impression d'une dissertation. S e s o u v r a g e s
les plus connus sont u n e Histoire de la ville
de Bénévent (1763-1769, 3 v o l . in-4<>), e t u n e
Histoire de la domination temporelle de l'E-
glise dans les Deux-Sîciles (1788). Ces o u v r a -
g e s sont écrits e n italien.
BORGIA
BORGIA (saint F r a n ç o i s D E ) , g r a n d d'Espa-
f
n e , troisième g é n é r a l des j é s u i t e s , n é à G a n -
ie ( r o y a u m e d e V a l e n c e ) , en 1510, m o r t en
1572, e t canonisé en 1671. S a m è r e , J e a n n e
d ' A r a g o n , c h e r c h a d e bonne h e u r e a lui i n -
spirer le g o û t d e l a piété ; lorsqu'elle fut
m o r t e , son p è r e l ' e n v o y a à l a c o u r de C h a r l e s -
Quint, où on lui fit épouser E l é o n o r e de C a s t r o ,
en m ê m e t e m p s qu'il était n o m m é g r a n d
é c u y e r de l'impératrice Isabelle. Celle-ci é t a n t
morte à son t o u r , le j e u n e é c u y e r fut c h a r g é
de conduire s a dépouille mortelle à G r e n a d e ,
et lorsqu'on o u v r i t le cercueil p o u r c o n s t a t e r
q u e c'était bien le corps d e l a princesse qui
allait ê t r e déposé d a n s le t o m b e a u r o y a l , la
v u e d e ce c a d a v r e produisit s u r lui u n e telle
impression qu'il fit v œ u d e se c o n s a c r e r a u
s e r v i c e d e Dieu, s'il v e n a i t à p e r d r e s a femme.
C e p e n d a n t de n o u v e a u x h o n n e u r s lui furent
a c c o r d é s , et C h a r l e s - Q u i n t le n o m m a vice-roi
de Catalogne ; mais s a femme E l é o n o r e é t a n t
m o r t e e n 1545, il s ' e m p r e s s a d e remplir son
v œ u , a p r è s avoir p o u r v u à l'établissement d e
ses enfants. Il e n t r a donc dans l'ordre q u e
v e n a i t d e fonder saint I g n a c e , qui le c h a r g e a
d'aller, c o m m e vicaire g é n é r a l , porter l a p a -
role de Dieu dans les g r a n d e s villes d ' E s p a g n e
et d e P o r t u g a l , mission dont il s'acquitta a v e c
b e a u c o u p d e zèle. A p r è s la m o r t d Ignace e t
celle du p è r e Lainez, son s u c c e s s e u r immédiat,
F r a n ç o i s de Borgia fut, m a l g r é s a r é p u g n a n c e ,
élu g é n é r a l d e l'ordre. C est p a r s e s soins
qu'un noviciat fut fondé à R o m e , q u e l e s
missions furent r é g l é e s , q u e la méthode de
l ' e n s e i g n e m e n t e t de l a prédication fut établie
sur d e nouvelles bases. A s a m o r t , il fut d ' a -
bord e n t e r r é dans l'église d e la maison p r o -
fesse, à côté d e saint, I g n a c e e t d e L a i n e z ;
m a i s , e n 1617, s o n corps fut e x h u m é et t r a n s -
p o r t é dans l'église des j é s u i t e s de M a d r i d , où
il d e v i n t l'objet de la v é n é r a t i o n des fidèles.
BORGIAM
BORGIAM ( H o r a c e ) , peintre e t g r a v e u r ita-
lien, n é à Rome v e r s 1577, mort à l'âge d e
trente-huit a n s s u i v a n t Baglione. Il e u t pour
m a î t r e son frère Giulio BORGIANI, e t peignit
des portraits d'une g r a n d e v é r i t é , a u dire d e
Lanzi. Son p r o p r e p o r t r a i t figure dans la c é -
lèbre collection iconographique du Musée d e s
Offices. Il a g r a v é à l'eau-forte l e s Loges du
Vatican (52 pièces n u m é r o t é e s ) .
B O R G I T E a d j . m . ( b o r - j i - t e ) . H i s t . S u r n o m
des m a m e l u k s c i r c a s s i c n s ' q u i r é g n è r e n t e n
E g y p t e d e 648 à 923 d e l ' h é g i r e : Les mame-
luks B O R G I T E S .
BORGHINI
BORGHINI (Raphaël), littérateur italien du
xvie siècle. Il était lié avec Baccio Valori, et
c'est d'après les conseils de celui-ci qu'il con-
tinua de cultiver les muses ; car des scrupules
de conscience lui avaient fait prendre la réso-
lution de renoncer à la poésie. On lui doit : la
Diana pietosa, commedia pastorale in versi
(Florence, 1585, in-8°) ; deux comédies en
prose avec des intermèdes en vers, et un ou-
vrage sur les arts, intitulé : // riposo, in cui
sitratta délia pittura e delta scultura de' piu
illustri antichi e modérai (Florence, 1584,
in-80)-
BORG BORG
BORG
BORG 1005
BORGNE
BORGNE a d j . ( b o r - g n e , gn mil.— b a s - b r e -
ton boni, m ê m e sens). Qui n e voit q u e d'un œil
ou à q u i il m a n q u e u n œ i l : Homme BORGNE.
Femme BORGNE. Cheval BORGNE. Boquelaure,
qui avait perdu un œil, s'avisa un jour de de-
mander à une vendeuse de maquereaux si elle
connaissait bien les mâles d'avec les femelles :
«Jésus, dit-elle, il n'y a rien de plus aisé, les
mâles sont BORGNES, D (Tallem. d e s R é a u x . )
La princesse d'Evoli, qui fil de si grandes pas-
sions, était BORGNE. ( S t e - F o i x . ) Il est rentré
cette nuit, à deux heures du matin, avec une
vieille femme BORGNE. ( E . Sue.)
— P a r ext.. Obscur e t d e t r i s t e a p p a r e n c e ,
en p a r l a n t d'un édifice ou d ' u n g r a n d l o g e -
m e n t : Une maison BORGNE. Un appartement,
un cabinet BORGNE. Elle se retira dans une
maison BORGNE de la rue Saint-Jacques. ( S t -
S i m . ) Madame de Maintenon mena la prin-
cesse de Savoie, depuis duchesse de Bourgogne,
à un petit couvent BORGNE de Moret. ( S t - S i m . )
— F i g . Mal t e n u , e n p a r l a n t d ' u n é t a b l i s -
s e m e n t : Collège BORGNE. Pension BORGNE.
Restaurant BORGNE. M. Jacquot a. pour indus-
trie de ne pas aller à l'atelier, où il devrait
travailler, et de fréquenter beaucoup les petits
théâtres BORGNES. (Th. G a u t . ) il S u s p e c t , m a l
famé : J'entre avec lui dans un café BORGNE
où je ne devais rencontrer personne de monrang.
(G. S a n d . ) Mais c'est donc une baraque que
cette maison, un vrai café BORGNE! (G. Sand.)
Il Mal f a i t , q u i a q u e l q u e chose d e défectueux
ou d e s u s p e c t d a n s s a r é d a c t i o n : Quel compte
BORGNEBORGNE me présentez-vous là? Vous me faites
un calcul BORGNE.
— Telon, sein borgne, T e t o n , sein q u i n ' a
p a s d e b o u t : Je m'aperçus qu'elle avait un
TETON BORGNE I ( J . - J . ROUSS.)
— Loc. fam. Jaser, babiller comme une pie
borgne, P a r l e r , b a v a r d e r s a n s cesse, à t o r t e t
à t r a v e r s . Il Changer, troquer son cheval borgne
contre un aveugle, C h a n g e r "une chose défec-
t u e u s e c o n t r e u n e chose p i r e , q u i t t e r u n e
position m é d i o c r e p o u r u n e position p l u s
m a u v a i s e .
— Ane. j u r i s p r . Fenêtre borgne, S e d i s a i t
d ' u n e f e n ê t r e q u i d o n n a i t d u j o u r s a n s a v o i r
a u c u n e v u e .
— A r t m i l i t . Grenade borgne ou aveugle,
G r e n a d e q u e la s i m p l e p e r c u s s i o n suffit p o u r
a l l u m e r , e t ç u i é c l a t e e n t o m b a n t , s a n s q u ' i l
s o i t nécessaire d ' y m e t t r e le feu.
— M a r . Ancre borgne, A n c r e q u i n ' a q u ' u n e
p a t t e , ou q u i e s t mouillée s a n s a v o i r d e
b o u é e .
— A n a t . Trou borgne, L é g e r enfoncement
do l'os frontal, [f P e t i t e n f o n c e m e n t q u i se
t r o u v e à la base d e la l a n g u e .
— C h i r . Fistule borgne, Conduit u l c é r e u x
qui n ' a q u ' u n e o u v e r t u r e , a u lieu q u e l e s fis-
t u l e s p r o p r e m e n t d i t e s e n o n t d e u x .
— H o r t i c . Chou borgne, Chou p r i v é d e
b o u r g e o n t e r m i n a l , ce q u i l'empêche de p o m -
m e r .
— E r p é t . Serpent borgne, ou s u b s t . Borgne,
N o m d o n n é , d a n s c e r t a i n s p a y s , à l ' o r v e t ,
r e p t i l e s a u r i e n a p o d e , a p p e l é a i l l e u r s serpent
aveugle.
— s. m . Celui q u i n ' a q u ' u n œil : Un vilain
BORGNE. Un méchant BORGNE. Un BORGNE est
bien plus incomplet qu'un aveugle, il sait ce
qui lui manque. (V. Hugo.)
— P r o v . Au royaume des aveugles, les bor-
gnes sont rois, P a r m i les g e n s i n c a p a b l e s , l e s
g e n s m é d i o c r e s n o l a i s s e n t pas d e b r i l l e r .
— O r n i t h . N o m v u l g a i r e d e la m é s a n g e
c h a r b o n n i è r e .
— Syn. B o r g n e , b o v g n e s s e . C e s deux for-
m e s p e u v e n t s'employer comme subst. e t
comme a d j . : C'est une BORGNE, c'est une BOR-
GNESSE ; femme BORGNE, femme vieille et BOR-
GNESSE. Mais borgne n ' e n t r a î n e pas n é c e s s a i -
r e m e n t a v e c lui u n e idée d é s a v a n t a g e u s e , ce
qui a toujours lieu a v e c borgnesse : La prin-
cesse d'Evoli, qui fit de si grandes passions,
était BORGNE. (De Ste-Foix.) J'ai vu madame
de Beauvais vieille, chassieuse et BORGNESSE,
à la toilette de la dauphine de Bavière. ( S t -
Sim.)
— A n e c d o t e s . U n g a l a n t h o m m e s'était fait
un principe d e n e j a m a i s c o n v e n i r du t o r t d e
ses a m i s ; quelqu'un lui e n d e m a n d a la raison :
«Si j ' a v o u a i s , répondit-il, q u e mon a m i e s t
borgne, on le croirait a v e u g l e . •
Un h o m m e , dont l a v u e était excellente,
plaisantait un borgne s u r son infirmité. Celui-
ci, piqué, répliqua : n J e g a g e q u e j e vois plus
que v o u s . » L a g a g e u r e a c c e p t é e : « Vous
avez perdu, dit le' borgne, c a r j e vous vois
d e u x y e u x , e t vous n e m'en v o y e z qu'un, a
* »
P é F o u r n i e r était borgne; plaidant u n j o u r ,
il mit s e s lunettes p o u r lire u n e pièce, en d i -
s a n t : « Messieurs, j e n e p r o d u i r a i rien qui n e
• soit nécessaire. — Commencez d o n c , lui r é -
pliqua l'avocat d e la partie a d v e r s e , p a r r e -
t r a n c h e r u n des v e r r e s de vos l u n e t t e s . » Cette
p l a i s a n t e r i e d é c o n c e r t a e n t i è r e m e n t P é F o u r -
nier.
Dans u n j o u r n a l américain p a r u t un j o u r
l'avis s u i v a n t : « O n offre v i n g t mille dollars
au médecin qui s e r a assez habile pour r e n d r e
borgne M ***, riche propriétaire d e la V i r g i -
nie. » A cette offre brillante, l e s m é d e c i n s
p l e u v e n t chez l'opulent p l a n t e u r ; mais t o u s
s'en r e t o u r n e n t aussitôt l'oreille b a s s e ; le "va-
let d e c h a m b r e a v a i t répondu à c h a c u n d'eux :
« Mon m a î t r e e s t a v e u g l e . »
U n officier, d e v e n u borgne k l a suite d'une
blessure, a v a i t fait r e m p l a c e r l'organe m a n -
q u a n t p a r un œil de v e r r e qu'il a v a i t soin d'ôter
c h a q u e soir lorsqu'il se couchait. Se t r o u v a n t
dans une a u b e r g e , il appelle l a s e r v a n t e et lui
donne c e t œil pour qu'elle le pose s u r u n e t a -
ble; c e p e n d a n t l a s e r v a n t e n e bouge p a s .
L'officier, i m p a t i e n t é , lui dit : « E h b i e n ,
• q u ' a t t e n d s - t u l à ? — J ' a t t e n d s , m o n s i e u r , q u e
v o u s m e donniez l'autre. »
U n h o m m e d'un â g e un peu bien mûr p o u r -
s u i v a i t u n e j e u n e fille d e ses déclarations b r û -
l a n t e s ; p r o m e s s e s , s e r m e n t s , p r o t e s t a t i o n s ,
t o u t é t a i t resté sans effet. S ' h n a g i n a n t , a v e c
r a i s o n , qu'il a v a i t é c h o u é j u s q u e - l à pour n ' a -
voir p a s employé l ' a r g u m e n t irrésistible, il se
p r é s e n t a u n j o u r chez la belle, e t , lorsqu'il
l u t en s a p r é s e n c e , il se c o u v r i t u n œil a'un
double louis tout neuf. « Ah 1 monsieur, répon-.
dit en minaudant la fausse A g n è s :
Le véritable amour est aveugle,et non borgne.»
U n E s p a g n o l a v a i t volé le cheval d'un I n -
dien, et, comme il n ' y a v a i t p a s de t é m o i n s ,
le r a v i s s e u r niait effrontément le vol. On v a
d e v a n t le j u g e , qui se t r o u v e fort e m b a r r a s s é
pour connaître le véritable p r o p r i é t a i r e . L e
c h e v a l e s t a m e n é : alors l ' I n d i e n , illuminé
p a r u n e h e u r e u s e i n s p i r a t i o n , j e t t e v i v e m e n t
son m a n t e a u s u r la t ê t e d u c h e v a l , e t dit k
l'Espagnol : « P u i s q u e vous p r é t e n d e z ê t r e
le véritable propriétaire d e c e t animal, dites
de quel œil il e s t borgne. » L ' E s p a g n o l , pris
a u d é p o u r v u , e t n e v o u l a n t point p a r a î t r e h é -
siter, r é p o n d i t à tout h a s a r d : « E h ! parbleu,
de l'œil droit. — Cet h o m m e est un fripon, r é -
pliqua l'Indien, en se t o u r n a n t v e r s le j u g e ;
c a r mon c h e v a l n ' e s t borgne n i d e l'œil droit
ni d e l'œil g a u c h e . »
On connaît cette c h a r m a n t e fleur d e l ' a n -
thologie italienne, du poète J é r ô m e A m a l t h é e ;
elle a é t é t r a d u i t e dans toutes l e s l a n g u e s , e t
M u r a t o r i l a t r o u v a i t si parfaite qu'il n e pou-
v a i t croire qu'elle n e fut pas u n e traduction
d e l'anthologie g r e c q u e . Elle fut faite à l'oc-
casion d e d e u x e n f a n t s , frère et s œ u r , tous
deux d'une r a r e b e a u t é quoique borgnes, l'un
de l'œil droit, l'autre d e l'œil g a u c h e :
Lumine Acon dextro, capta est Leonilla sinislro,
Et poterat forma vincere uterque deos.
Parve puer, lumen quod habes concède sorori :
Sic tu cœcua Amor, sic erit illa Venus.
t Acon e s t p r i v é d e l'œil droit, Léonille d e
l'œil g a u c h e ; d'ailleurs ils p o u r r a i e n t l'un et
l'autre s u r p a s s e r les dieux e n b e a u t é . C h e r
enfant, cède à t a s œ u r l'œil q u e tu possèdes :
a v e u g l e , t u r e s s e m b l e r a s à 1 A m o u r ; e t elle
s e r a V é n u s . •>
Pour trop bien boire, un seigneur de Bourgogne
De son pauvre œil se trouva déferré;
Un docteur vient ; • Voici de la besogne
Pour plus d'un jour ! — Je patienterai.
— Ça, vous boirez... — Eh bien, soit, je boirai.
— Quatre grands mois... — Plutôt douze, mon
[maître.
— Cette tisane... — A moi? voyez ce traître!
Vade rétro : guérir par le poison !
Non, par ma soif; perdons une fenêtre,
Puisqu'il le faut; mais sauvons la maison. •
J.-B. ROUSSEAU.
* »
Une vête, mademoiselle.
Qui verrait machinalement
Dii votre œil droit lé manquement,
Dirait que vous n'êtes pas velle.
Par défaut de discernement.
Mais moi, que j'y bois autrement,
Je soutiens que vous êtes telle;
Car dudit œil 13 manquement
N'est qu'une pure vagntelle.
Lorsque l'autre y boit clairement.
Aï! lé drôle en ce moument,
Mé.lance une bibe étincelle
Dont mon cur craint l'emvrasément.
(Un Gascon d mie jolie borgnesse.)
BORGNET,
BORGNET, historien e t l i t t é r a t e u r belge
c o n t e m p o r a i n , professeur k l'université d e
L i è g e . M. B o r g n e t a fait p a r a î t r e u n e Histoire
des Belges à la fin du x v u i e siècle , e t u n
Voyage dans les Ardennes, publié en 1SG4,
sous le p s e u d o n y m e d e Jérôme Pimpumiaux.
E n 1865, profitant d'une situation qui lui p e r -
mettait d e consulter quantité d e documents
inédits e t intéressants s u r l'histoire du p a y s
d e Liège, il a publié une Histoire de la révo-
lution liégeoise de 1789.
BORGNESSEBORGNESSE s. f. ( b o r - g n è - s e , gn mil. —
fém. d e borgne). F i l l e ou f e m m e b o r g n e :
Une BORGNESSE. Une vilaine, mie méchante
B O R G N E S S E . C'était une petite B O R G N E S S E ,
toute rabougrie et percluse de la moitié du
corps. (D'Abtanc.) J'étais avec une vieille BOR-
GNESSE qu'on appelait la Chouette, parce
qu'elle ressemblait à une chouette qui aurait
un œil crevé. ( E . S u e . ) il S e d i t d ' o r d i n a i r e e n
m a u v a i s e p a r t .
BORGNIAT
BORGNIAT s. m . ( b o r - g n i a : gn m i l . ) .
O r n i t h . U n des n o m s v u l g a i r e s de l a bécassine
s o u r d e .
BORGN1S ( J . - A . ) , mécanicien italien, n é a.
Domo d'Ossola v e r s 1780. Il fut m e m b r e d e
l'Académie des sciences de Turin et professeur
de mécanique à l'université d e P a v i e . On lui
doit : Dictionnaire de mécanique appliquée aux
arts ( P a r i s , 1823); Traité complet de mécani-
que appliquée aux arts (1820) ; Traité élémen-
taire de construction appliquée à l'architecture
usuelle (1823).
BORGNOIER
BORGNOIER v . n . ou i n t r . ( b o r - g n o i - i é —
r a d . borgne). R e g a r d e r d ' u n œil en f e r m a n t
l ' a u t r e . Il V i e u x m o t d o n t on a fait bomoyer,
l e q u e l n ' e s t p l u s u s i t é q u e dans u n sens t o u t
s p é c i a l . V. B O R N O Y E R .
BORGNONBORGNON s. m . ( b o r - g n o n ; gnrnW. — r a d .
borgne). P o p . S'emploie à Lyon d a n s l ' e x -
p r e s s i o n Aller à borgnon, p o u r Aller à l ' a v e u -
g l e t t e .
BORGO,
BORGO, b o u r g de F r a n c e (Corse), ch.-l. d e
c a n t . , a r r o n d . e t k 20 kilom. S . d e B a s t i a ;
761 h a b . E n 1768,Paoli r e m p o r t a k B o r g o s o n
dernier a v a n t a g e s u r les F r a n ç a i s . Il B o u r g d e
l'empire d'Autriche, d a n s le Tyrol, g o u v e r n e -
ment d ' I n s p r u c k , r é g e n c e et k 30 kilom. E .
de T r e n t e , s u r la B r e n t a , c h . - l . de district;
2,175 h a b . Ce b o u r g porte aussi le n o m d e
BORGO-DI-VAL-SUGANA.
BORGOFORTE,
BORGOFORTE, b o u r g du r o y a u m e d'Italie,
dans la V é n é t i e , délégation et à 12 kilom.
S. d e Mantoue, s u r la. rive g a u c h e du P ô ;
1,375 h a b . Ce village, défendu par u n c h â t e a u
fort construit e n 1211, fut le t h é â t r e d'une
victoire d e s F r a n ç a i s s u r les Autrichiens, le
25 octobre 1796.
BORGO-LAVEZZANO,
BORGO-LAVEZZANO, ville du r o y a u m e
d'Italie, p r o v . e t k 15 kilom. S.-E. d e N o v a r e ,
s u r l ' A r b o g n a ; 4,200 h a b . Belles récoltes d e
soie; moulins à soie.
BORGO-MANERO,
BORGO-MANERO, ville du r o y a u m e d'Italie,
p r o v . e t à 28 kilom. N . - O . d e N o v a r e , s u r
f'Agogna, c h . - l . d e m a n d e m e n t ; 6,730 h a b .
Collège communal.
BORGO-SAN-LORENZO,
BORGO-SAN-LORENZO, ville du royaume
d'Italie, ch.-l. de district, prov. et à 25 kilom,
N.-E. de Florence, sur la Siève; 3,900 hab.
Patrie de Giotto.
BORGO-SAN-SEPOLCRO,
BORGO-SAN-SEPOLCRO, ville du royaume
d'Italie, prov. et à 18 kilom. N.-E. d'Arezzo,
dans les Apennins, près du Tibre; 3,380 hab.
Evêché suffragant de Florence; petit fort
sur un rocher voisin; usines à fer et cloute-
ries importantes.
BORGO-SESIA,
BORGO-SESIA, bourg du royaume d'Italie,
ch.-l. de mandement, prov. du Val-Sesia, à
10 kilom. S. de Varallo, sur la rive gauche de
la Sesia; 6,650 hab.
BORGO-TARO,
BORGO-TARO, bourg du royaume d'Italie,
prov. et à 50 kilom. O. de Parme, sur le Taro,
dans les Apennins, ch.-l. du district de son
nom; 1,250 hab.
BORGO-T1C1NO, bourg du royaume d'Italie,
ch.-l. de mandement, prov. et à 25 kilom. N.
de Novare, sur le Tessin; 2,000 hab.
BORGO-VERCELL1, bourg du royaume d'Ita-
lie, ch.-l. de mandement, prov. et à 17 kilom.
S.-O. de Novare; 2,760 hab. Beau palais en-
touré de jardins.
BORGO
BORGO (Pierre), mathématicien italien du
xve siècle. Il fut l'auteur du premier traité
d'arithmétique qui ait été imprimé en Italie.
11 était né a Venise, et son ouvrage était in-
titulé : Arithmetica, la nobel opéra arithme-
tica, ne la quai se traita tutte cose a mercantia
pertinenti (Venise, 1484 et 1491).
BORGO
BORGO (Tobie DAL), littérateur italien qui
florissait à Vérone au xve siècle. Longtemps
avocat, il s'attacha à Sigismond Malatesta,
seigneur de Rimini, et composa, dans un style
plein d'élégance, des harangues, des poésies,
une histoire des belles actions de Malatesta. Il
a écrit une partie du Clironicon dominorum de
Malatestis, publié dans le recueil de Calogera.
BORGO-SAN-DALMAZZO,
BORGO-SAN-DALMAZZO, b o u r g important
du r o y a u m e d'Italie, situé à l'entrée d e s trois
vallées de la S t u r a , du Gesso e t d e l a V e r m a -
naja, c h . - l . d e m a n d e m e n t , p r o v . e t à 8 kilom.
S.-O. d e Coni; 3,200 h a b . A n c i e n n e a b b a y e d e
bénédictins.
BORGO-SAN-DONN1NO, ville du r o y a u m e
d'Italie, p r o v . e t à 24 kilom. N.-O. d e P a r m e ,
4,000 h a b . Cette ville
;
située a u pied d e
l'Apennin, fortifiée, e t siège d'un é v ê c h é suf-
1006 BORH
BORI BORI
BORI
fragant de Bologne, possède ur. ancien palais
ducal et une cathédrale dont la riche façade
paraît être du xnc siècle. C'est la Julia Chry-
sopolis ou Fidentia des anciens.
BORGO
BORGO ou BORGUS (Pierre-Baptiste), his-
torien et publiciste italien, né. à Gênes au
commencement du xvue siècle. Il servit en
Allemagne dans l'armée suédoise pendant la
guerre de Trente ans, et écrivit ensuite l'his-
toire de cette guerre sous le titre de Commen-
tarii de bello Suecico (Liège, 1633, in-4o),
ouvrage qui fut traduit en français par de
Mauroy. On lui doit encore : De dominio sere-
hissimœ Genuensis reipublicœ in mari Ligustico
(1641, in-4°), et De dignitate Genuensis reipu-
blicœ disceptatio (1641, in-4°).
BORGNATBORGNAT s. m . ( b o r - g n a , gn m i l . ) . O r n i t h .
U n d e s n o m s v u l g a i r e s d u r o i t e l e t .
BORGO
BORGO (Pio DEL), littérateur italien, né à
Sienne dans le xvme siècle. Il obtint un cano-
nicat dans sa ville natale, et fut l'un des meil-
leurs avocats de son temps. Ses principaux
ouvrages sont : la Bérénice, dramma ; I Trionfi
di Goffredo in Gerusalemme, componimento
storico poetico (1739) ; II Matrimomo di ven-
detta, tragédie en prose (1751).
BORGO
BORGO (Charles), jésuite italien, né à Vi-
cence en 1731, mort en 1794. Après avoir pro-
fessé la théologie, il se livra à l'étude des
sciences et publia un ouvrage intitulé : Analisi
ed esame ragionato délia difesa e délia fortifi-
cazione délie piazze (Venise, 1777, in-4<>). Il
dédia son livre au roi de Prusse Frédéric II,
qui lui envoya un brevet de lieutenant-colonel
honoraire du génie. Les autres ouvrages du
Père Borgo sont : Orazione in Iode di sant'
Ignazio di Lojola (il80); Memoria cattolica,
qui fut condamné par la cour de Rome.
BORGOGNONA
BORGOGNONA ou BOURGOGNE (Juan DE),
f
ieintre espagnol, mort vers 1433. Il excel-
ait dans la couleur et dans le jeu des drape-
ries. On voit plusieurs de ses peintures dans
la cathédrale de Tolède.
BORGONDIO
BORGONDIO (Thomas). V. BURGONDIO.
BORGOGNONE
BORGOGNONE (Ambroise), peintre de l'école
milanaise, né à Fossano, mort après 1535. Ses
productions sont encore empreintes de la sé-
cheresse et de la minutie gothiques; mais la
grâce et la beauté de ses têtes semblent an-
noncer qu'il subit l'influence de Léonard de
Vinci, qui vint de son temps se fixer à Milan.
Son chef-d'œuvre est la fresque du Couronne-
ment de la Vierge, à l'église de Saint-Simpli-
cien, à Milan. Cette ville possède encore plu-
sieurs autres tableaux de cet artiste, qui forme
la transition entre l'ancienne école et celle
des grands maîtres du siècle qui s'ouvrait.
BORGOU
BORGOU ou BERGOU, pays de l'Afrique in-
térieure, entre le Kouâra ou Niger à l'E. et
L° long. O., et entre 90 et u » lat. N., dans le
Soudan ; il produit en abondance du sel, du
coton, de la gomme, du riz et du natron, et
est divisé en plusieurs petits Etats.
BORGT
BORGT (Henri VAN DER), peintre flamand,
né à Bruxelles en 1583. Il eut pour premier
maître Gilles van Valkenborg. Il alla ensuite
perfectionner son talent à Rome, et revint
s'établir, d'abord à Frankenthal, puis à Franc-
fort-sur-le-Mein. Le célèbre Howard, comte
d'Arundel, faisait grand cas non-seulement de
ses tableaux, mais encore de ses connaissances
sur les antiquités.
BORGUE
BORGUE s. f. (bor-ghe). Pêch. Sorte de pa-
nier avec lequel les pécheurs bouchent le
fond d'un bouchot, du côté de la mer.'
BORGUS
BORGUS (Pierre-Baptiste). V. BORGO.
BORHÀN-EDDYN,
BORHÀN-EDDYN, surnommé Zcmoudji,
auteur arabe du xnie siècle. Son livre est in-
titulé : Taalym almotéallim tharyq altéalloun
(Avis aux étudiants sur la manière d'étudier).
Deux traductions latines en furent faites : une
par Abraham Echellensis, sous le titre de
Semita sapientiœ, sive ad scientias comparan-
das mcthodus (Paris, 1646) ; l'autre par Fréd.
Rostgard, sous le titre de Énchiridion studiosi,
arabice conscriptum a Borhoneddino Alzer-
nouchi. U a été aussi traduit en turc.
BORHAN-EDDYN
BORHAN-EDDYN (Ibrahim), surnommé Ba-
c«i, auteur arabe du xve siècle. Il a écrit un
Traité des usages et des maximes des anciens
philosophes, une Biographie des hommes cé-
lèbres, et un roman très-intéressant, intitulé :
les Amours de Medjnoun et Leïla, qu on trouve
manuscrit à la Bibliothèque impériale et à
celle de l'Escurial.
BORI
BORI s. m. (bo-ri). Bot. Nom du jujubier
dans les Indes.
BORICO
BORICO (bo-ri-ko — rad. borique). Chim.
Mot qui s'emploie en composition pour indi-
quer la combinaison du sel borique avec un
autre sel. On dit ainsi : BORICO-àluminique,
BORico-ammonique, BORICO-bary tique, BORJCO-
calcique, BORICO -cuivrique, BORICO - lithique,
BORico-mapnésiçue, BORico-plombique, BORICO-
potassique, BOR\CO-sodique, BORico-strontique,
Bomco-yttrique, BORico-zincique.
BORIDESBORIDES s. m. pi. (bo-ri-de — de bore,
et du gr. eidos, aspect). Chim. Famille de
corps ayant le bore pour type. 11 Genre de
corps comprenant le bore et le silicium.
— Miner. Famille de minéraux comprenant
ceux dans lesquels entre l'acide borique.
— Encycl. Les borides forment, en s'unis-
sant à l'oxygène, des acides qui n'altèrent
presque pas la teinture bleue du tournesol et
qui sont presque insolubles ou tout à fait in-
solubles dans l'eau. Ils neutralisent les bases les
plus alcalines et forment avec elles, par voie
sèche des sels vitreux, tels que le verre lui-
même et les pierres siliceuses de la nature.
BORIE-CAMBORT
BORIE-CAMBORT (Jean), conventionnel, .
d'un républicanisme exalté. A l'époque de la
Révolution, il était avocat à Tulle et fut en-
voyé à l'Assemblée législative, puis à la Con-
vention, où il vota la mort.de Louis XVI sans
appel au peuple ni sursis. Les missions qu'il
remplit aux armées et dans les départements
du Gard et de la Lozère furent marquées par
des excès qui sont regrettables, même à ces
époques de réformations sociales. Après la
journée du 1er prairial, où périt l'infortuné
Féraud, il fut décrété d'accusation comme
ayant été l'un des instigateurs, et ne dut son
salut qu'à l'amnistie prononcée par la Con-
vention pour tous les délits révolutionnaires.
Après le 18 brumaire, il fut nommé juge au
tribunal de Cognac, et alla finir ses jours à
Sarlat, en 1805.
Borie-Cambort peut être considéré comme
une de ces scories impures qui se produisent
à la surface de tous les bouillonnements poli-
tiques ; ils font tache sur les plus belles choses,
mais ils ne sauraient déshonorer tout un parti,
et on peut leur appliquer avec justice cet
axiome de l'antiquité : corruptio optime pes-
sima. Ceci est à l'adresse de ces historiens
impartiaux qui rendent toute une époque res-
ponsable des atrocités qu'ont pu commettre
quelques gredins.
BORIE
BORIE (Pierre-Rose-Ursule DUMOULIN),
missionnaire français, vicaire apostolique du
Tong-King occidental,né à Beynat (Corrèze)
en 1808, mort en 1838. Il fit ses études au sé-
minaire de Tulle, et, entraîné par une foi ar-
dente, il passa à celui des Missions étrangè-
res, où il consacra treize mois à l'étude des
langues. Il n'était encore que diacre lorsqu'il
partit pour se rendre aux Indes ; maïs, en
arrivant au Havre, il reçut une dispense d'âge
et put se faire ordonner prêtre à Bayeux. Il
se rendit ensuite à Macao (1830), puis en Co-
chinchine, d'où il parvint, non sans peine, à
gagner le Tong-King. L à , il se familiarisa
avec la langue et les habitudes du pays et
commença son œuvre de prosélytisme. L'édit
de persécution, promulgué en Ï833 par l'em-
pereur d'Annam, ne fit qu'accroître le zèle
apostolique de Borie. Poursuivi, forcé de se
cacher, vivant dans les bois, il mena une vie
de souffrances et de privations incroyables,
sans cesser de se livrer un instant à son
œuvre apostolique. 11 se disposait à se ren-
dre dans le royaume de Laos, lorsqu'il fut
nommé évêque d'Acanthe. Il resta en consé-
quence dans Tong-King. Peu de temps après,
il tomba entre les mains des émissaires des
mandarins (13 juillet 1838) et fut condamné à
avoir la tête tranchée. Il fut exécuté à Diem-
Phuc le 24 novembre suivant. Le soldat qu'on
avait chargé de son exécution était ivre, et ne
put terminer son œuvre de sang qu'en s'y repre-
nant jusqu'à sept fois. Les os du martyr furent
recueillis et transportés en France • ils ont été
inhumés dans la chapelle des Missions étran-
gères, à Paris.
BORIE
BORIE (Victor), économiste et littérateur
français, né à Tulle en 1811. Après avoir fait
de bonnes études, il obtint la place de vérifi-
cateur des poids et mesures de son arrondis-
sement. Si cette position satisfaisait à ses be-
soins matériels, ceux de son esprit n'y trou-
vaient point leur compte, et son imagination
cherchait un champ plus vaste et plus en har-
monie avec ses instincts relevés. Deux jour-
naux se disputaient la faveur des habitants de
Tulle : l'Aloum de la Corrèze et l'Indicateur
corrézien; M. Borie les gratifia tous les deux
de ses essais, q u i , disait-il en riant, n'ont
malheureusement pas été conservés. Sa répu-
tation n'aurait rien gagné à la publicité de ses
débuts ; elle est assez solidement établie pour
se passer facilement de cette première pierre.
En 1842, Jules Leroux, le frère du célèbre
Pierre Leroux, vint à Tulle, et l'intimité s'éta-
blit bientôt entre la famille Leroux et Victor
Borie, qui fut à même de lui être utile. Le phi-
losophe, pour témoigner sa reconnaissance au
jeune vérificateur, dont U avait deviné le ta-
lent pratique, lui proposa la rédaction de
VEclaireur de l'Indre, que M
m e
George Sand
venait de fonder à La Châtre avec quelques
amis. Ce journal devait être imprimé à Bous-
sac, ville voisine où Pierre Leroux avait ob-
tenu un brevet d'imprimeur. Tandis que ce
dernier s'installait à Boussac, M. Victor Borie,
agréé des fondateurs de VEclaireur de l'Indre,
s'établit à La Châtre , ou il rédigea cette
feuille, qui fut pendant une année imprimée à
Orléans, en attendant que l'imprimerie du phi-
losophe socialiste fût en état de fonctionner.
Le nouveau journal, placé ainsi entre deux
préfectures, eut un peu à subir le sort du pot
de terre et se vit intenter des procès, avant
même d'être venu au monde. L opposition fit
grand bruit de cette persécution, l'exploita
habilement, et eut le talent d'en faire sortir
une jurisprudence nouvelle en matière de
presse. Pendant ce temps , Pierre Leroux
montait son imprimerie , et put enfin se char-
ger de la publication de VEclaireur ; il le prit
même entièrement à son compte, les ressour-
ces des fondateurs ayant été épuisées, dès
l'année 1847, par des procès devant les tribu-
naux correctionnels de La Châtre, Château-
roux et Paris. Victor Borie, dont le nom avait
déjà acquis une certaine notoriété, fut alors
attaché à la rédaction d'un des meilleurs or-
ganes de la presse provinciale, le Journal du
Loiret, dont il devint l'un des principaux col-
laborateurs.
Après la Révolution de 1848, Victor Borie,
de concert avec M
m
e George Sand et Paul
Bochery, fonda ïa Cause du Peuple, qui, plus
heureuse que les roses , vécut l'espace de
temps traditionnel des révolutions en France,
trois matinées. Sans se déconcerter par la
chute de ces deux journaux tués sous lui,
M. Borie fonda l'année suivante, à Château-
roux, le Travailleur, Le gouvernement ne
trouva pas la besogne de son goût ; car le
jeune rédacteur en chef, frappé d'une con-
damnation, fut obligé de se retirer en Belgi-
que , où il demeura trois ans. Revenu en
France, il fut enfermé aux Madelonnettes
pour purger sa condamnation, et en sortit au
bout de six mois, grâce au décret d'amnistie
du 2 décembre 1852.
M. Bixio, fondateur et directeur du Journal
d'Agriculture pratique, l'attendait à la porte
de la prison pour l'installer au bureau du jour-
nal, comme secrétaire de la rédaction. Plus
tard, M. Borie entra àla Presse, en qualité de
rédacteur de la partie agricole. Il avait trouvé
sa voie; les matières spéciales qu'il eut à
traiter dans cette position étaient bien de sa
compétence et entraient parfaitement dans ses
goûts. Lorsqu'en 1857, M. Emile de Girardin
céda à M. Millaud, moyennant 800,000 francs,
ses quarante actions de la Presse, M. Borie le
suivit dans sa retraite et alla porter sa tente
au Siècle, puis, se trouvant bien de ce nou-
veau logement, s'y établit définitivement.
Les œuvres de M. Borie se sont toujours
fait remarquer par leur à-propos ; on les voit
toujours répondre aux préoccupations du mo-
ment. En 1840, en qualité de vérificateur, il
publia une brochure sur l'Application du sys-
tème décimal des poids et mesures. Lors des
épreuves qui l'assaillirent comme rédacteur
de VEclaireur de l'Indre, il écrivit un mé-
moire sur la Liberté de la presse en 1844. Les
élections de 1846, dont la corruption'fait la
honte du règne de Louis-Philippe, lui arra-
chèrent un Appel à la conscience publique. En
18-17, il donnait une Etude sur la charte de
1830, qui paraphrasait énergiquement cette
phrase célèbre du général Foy : «Celui qui
veut plus que la charte, moins que la charte,
autrement que la charte, est un mauvais ci-
toyen, n Le pouvoir aurait dû comprendre la
leçon, car à ce moment on savait déjà qu'un .
roi est un citoyen tout aussi bien que le der-
nier de ses sujets. Après l'explosion de 1848,
les représailles et les excès de la liberté
étaient à redouter dans le premier moment
d'effervescence, où trop souvent on croit faire
preuve de force en usant de violence : alors
M. Borie, allant au-devant du mal qu'il pré-
voyait, tenta de concilier les théories diverses
des chefs de parti, et de rétablir l'accord
entre eux et leurs anciens adversaires, dans
une brochure restée célèbre. Fidèle a son
rôle de conciliation et se constituant le défen-
seur du plus' faible et de la justice, il publia
un petit livre intitulé : Travailleurs et pro-
priétaires, dans lequel il établissait les droits
des deux parties et les concessions à faire de
part et d'autre. M
m e
George Sand avait écrit
complaisamment une préface pour cet ou-
vrage de son ami dévoué. L'année suivante,
M. Victor Borie faisait paraître en Belgique
l'Histoire du pape Pie IX, qui, en France, au-
rait couru le risque de ne jamais voir le jour.
Nous devons aussi à M. Victor Borie divers
ouvrages d'agriculture très-estimés : les Douze
mois, les Travaux des champs et l'Agriculture
au coin du feu. Il collabore activement à
l'Avenir commercial, fondé par M. Bôcard, et
publie de nombreux articles d'agriculture pra-
tique, d'industrie et d'économie politique dans
le Journal d'Agriculture pratique, la Bévue
horticole, le Moniteur des comices, le Journal
pour tous, le Maqasin pittoresque, le Journal
des Economistes, ie Dictionnaire du commerce,
la Presse et le Siècle.
Le soir, pour se reposer de ses travaux et
continuer son œuvre de vulgarisation de la
science, il se fait souvent applaudir par son
attrayante conversation dans les salons ou-
verts rue de la Paix, aux entretiens et lec-
tures, à l'instar des lectures anglaises, améri-
caines et belges, dont la mode a été introduite
en France par MM. Hippolyte Lissagaray,
Albert Leroy et Camille Le Mansois-Duprey.
Sa parole nette, facile, élégante et spirituelle
est une des plus goûtées , avec celle de
MM. Emile Deschanel des Débats, et Adrien
Hébrard du Temps.
Comme homme, M. Victor Borie est plein
d'affabilité; il n'est pas moins aimable comme
écrivain. Nul mieux que lui ne possède l'art si
difficile de vulgariser la science et de mettre
au niveau des intelligences ordinaires les con-
ceptions les plus élevées. Il sait rendre inté-
ressantes les questions les plus ardues, et il
excelle à parfumer la coupe dans laquelle il
offre à ses lecteurs le breuvage un peu amer
de la science. Les machines les plus compli-
quées paraissent fort simples lorsqu'il en
donne la description et en explique le méca-
nisme ; on croirait les voir ionctionner. Sa
plume, fine et spirituelle, force le lecteur à
courir avec elle, et le laisse tout étonné de se
trouver au but sans fatigue et sans avoir eu
le temps de s'ennuyer. La spécialité de
M. Borie est surtout l'agriculture , comme
celle de M. Auguste Luchet est la culture de
la vigne. Il s'y trouve dans son élément; on
reconnaît, à ses théories, l'homme pratique qui
ne parle qu'après expérience; et sa réputa-
tion est si bien établie sous ce rapport, que
chez lui l'agriculteur a trop fait oublier le dé-
mocrate courageux, qui a passé par les pé-
nibles épreuves de l'exil et de la prison pour
défendre la cause de la liberté.
BORIES
BORIES (Jean-François-Louis LECLERC),
l'un des quatre sergents de la Bochelle, né à
Villefranche (Aveyron), en 1795, décapité à
Paris le 21 septembre 1822. Il était, en 1821,
sergent-major au 45^ de ligne, en garnison à
Paris, lorsqu'il fut initié à la charbonnerie par
un étudiant dont il avait été le condisciple.
• C'était l'époque des luttes les plus ardentes du
libéralisme contre le gouvernement des Bour-
bons, luttes auxquelles le parti militaire et
bonapartiste prit une part fort active. On sait
que le carbonarisme avait de nombreuses ra-
mifications dans l'armée. Bofies se chargea de
l'organisation d'une vente parmi ses camara-
des, et il initia successivement plusieurs sous-
officiers et soldats, parmi lesquels Goubin ,
Pomier, Raoulx, Goupillon, etc. En janvier
1822, le 45e reçut l'ordre de se préparer à
quitter Paris pour aller tenir garnison à La
Rochelle. Avant le départ, Bories fut mis en
rapport avec La Fayette, et reçut plusieurs
cartes découpées dont les secondes moitiés
devaient lui être présentées sur la route par
les affiliés qui auraient à lui transmettre les
ordres du comité directeur. Des mouvements
se préparaient à Nantes et à Saumur, et les
chefs de la charbonnerie voulaient être en
mesure d'utiliser au besoin le passage du ré-
giment à proximité des départements disposés
à se soulever. Des entrevues eurent lieu, en
effet, à Tours, à Poitiers, à Niort, et même
quelques imprudences de parole furent com-
mises; mais aucun ordre de prise d'armes ne
fut transmis, et le 45
e
arriva à La Rochelle le
14 février. Par une fatalité singulière, Bories,
depuis Orléans, avait été mis à la garde du
camp pour avoir répondu aux provocations de
soldats suisses en garnison dans cette ville;
et, dès son arrivée à La Rochelle, il fut écroué
d'ans la maison d'arrêt, puis, sur quelques
soupçons, transféré dans la prison de Nantes.
Ce contre-temps laissait la présidence de la
vente à un homme moins capable, le sergent-
major Pomier, au moment même où l'avorte-
ment de la tentative du général Berton contre
Saumur rendait cette direction plus difficile
et plus délicate. Tous ces jeunes gens, d'ail-
leurs, dans leurs rapports avec les carbonari
civils comme dans leur propagande, n'appor-
tèrent pas toujours la prudente réserve qui est
de nécessité impérieuse dans le terrible jeu
des conspirations. Cependant le général Ber-
ton, traqué de toutes parts, était accouru se-
crètement à La Rochelle, déterminé à tenter
un nouveau mouvement. Il entra en commu-
nication avec Pomier et les autres conjurés;
mais rien ne fut arrêté dans ces entrevues;
on convint seulement de se tenir prêt à agir.
Peu de jours après, tous les membres de la
vente militaire étaient successivement arrêtés.
Quelques confidences mal placées et divers
indices avaient mis l'autorité sur la voie.
Goubin, Pomier, Goupillon et quelques autres,
pressés par le général Despinois, se laissèrent
aller à faire des révélations complètes ; mais
Bories demeura ferme et impénétrable. Ce ne
fut qu'après cinq mois d'une instruction minu-
tieuse que les accusés furent traduits devant
le jury de la Seine. Ils étaient au nombre de
vingt-cinq, civils et militaires, les uns accusés
de complot, les autres de non-révélation de ce
complot. Il n'existait pas de complot dans le
sens légal de l'expression, mais tout au plus
BORI
BORI BORI
BORK 1007
un projet de complot, et sans le moindre com-
mencement d'exécution. En réalité, les accu-
sés n'étaient coupables que du délit de société
secrète. Cependant le ministère public deman-
dait douze têtes ! Le violent Marchangy se
livra à des emportements inouïs. Les accusés
avaient pour défenseurs les premiers avocats
du barreau, Mérilhou, Barthe, Boulay (de la
Meurthe), Plougoulm, Delangle, Berville,
Boinvilliers, Chaix-d 'Est-Ange, Mocquart, etc.,
qui tous sont arrivés depuis aux plus hautes
positions, et qui tous alors étaient carbonari et
avaient juré sur le poignard la perte des Bour-
bons. Après quinze jours de débats, le prési-
dent, M. de Monmerqué, demanda à chaque
accusé s'il avait quelque chase à ajouter à sa
défense; Bories, dont la contenance avait été
constamment admirable, se leva et dit noble-
ment: «Messieurs les jurés, M. l'avocat géné-
ral, en déclarant que toutes les puissances ora-
toires ne sauraient me soustraire à la vindicte
publique, m'a désigné comme le principal cou-
pable. Eh bien! j'accepte cette position, heu-
reux si, en portant ma tête sur Véchafaud, je
puis faire prononcer l'absolution de tous mes
camarades, a II fut condamné à la peine de
mort, ainsi que GoubinJ Raoulx et Pomier.
Goupillon fut acquité comme révélateur ; sept
autres furent condamnés à une détention plus
ou moins longue ; les treize autres acquittés
(5 septembre). Il y eut des gémissements et
des sanglots dans la salle d'audience. Les seuls
condamnés étaient calmes et souriants. Gou-
bin et Pomier avaient racheté leur faiblesse
pendant l'instruction par une contenance ferme
et digne dans le procès. L'opinion publique se
prononça de la manière la plus forte en faveur
de ces malheureux jeunes gens; mais le gou-
vernement de Louis XVIII fut implacable, et,
le 21 septembre, î'échafaud se dressa sur la
place de Grève ; les quatre sergents y mon-
tèrent avec un calme héroïque et courbèrent
leur noble tête sous le couperet, au cri de
Vive la liberté.' Au moment de s'étendre sur
la planche baignée du sang de ses amis, Bo-
ries jeta d'une voix forte ces paroles à la
foule : a Rappelez-vous que c'est le sang de
vos fils qu'on fait couler aujourd'hui ! n
t
Le soir, il y eut une grande fête aux Tuile-
' ries. C'est par ces forfanteries odieuses que le
gouvernement de la Restauration se plaisait à
insulter au sentiment public et à augmenter
son impopularité.
De sérieuses tentatives avaient été faites par
les carbonari pour sauver les intéressantes
victimes. Par l'intermédiaire d'Ary Scheffer,
d'Horace Vernet, du colonel Fabvier et d'au-
tres sommités du parti, le directeur de Bicêtre
avait été gagné, et consentait à donner son
concours a l'évasion, moyennant 70,000 fr.,
somme équivalente au revenu de sa place. Ce
fonctionnaire eut la malheureuse idée de con-
fier cette grave affaire à l'aumônier de la pri-
son , qu'il voulait, par affection, emmener avec
sa propre famille a l'étranger. L'ecclésiastique
eut l'infâme courage de trahir l'amitié en
même temps que la cause du malheur et de
l'humanité ; il avertit sur-le-champ le préfet
de police. Au moment de l'exécution du pro-
j e t , des policiers apostés se précipitèrent,
arrêtèrent l'un des agents de la négociation,
M. Margue, chirurgien de Bicêtre, et se sai-
sirent même de 10,000 fr. en or. Mais un
homme énergique et dévoué, l'interne Guillié-
Latousche, parvint à s'enfuir avec le reste de
la somme, 60,000 fr. en billets de banque, en-
tra dans Paris à la pointe du jour, et remit
son dépôt entre les mains des membres du
comité.
D'autres tentatives ne furent pas plus heu-
reuses, et, le jour de l'exécution, un grand
nombre de carbonari, armés sous leurs vête-
ments, stationnaient sur divers points, prêts à
une attaque de vive k r c e ; mais la vente su-
prême, incertaine sans doute des chances que
présentait cette partie sanglante, ne put se
résoudre à donner l'ordre d'attaquer'es forces
considérables rassemblées par le gouverne-
ment.
Elle dut laisser faire, et le sacrifice fut
alors consommé, au milieu de la douleur et de
l'indignation publiques.
Un des membres de la haute vente, le doc-
teur Ulysse Trélat, depuis ministre et repré-
sentant du peuple, atracé le portrait suivant
de Bories dans une Esquisse de la charbon'-
nerie ;
a Bories était un jeune homme de vingt-six
ans, qui, sous un extérieur plein de douceur
et de grâce, cachait l'âme la plus élevée et la
plus ferme. Il n'avait du militaire que le cou-
rage et la franchise , sans aucun des dé-
fauts que produit l'oisiveté des casernes.
Ses mœurs étaient pures, ses goûts sim-
ples et sa vie retirée. Il consacrait la plus
grande partie de son temps à la lecture.
Exempt d'ambition, son vceu le plus ardent
était de mourir au moment de la victoire du
peuple, et un jour il s'irrita de la proposition
qu'on lui faisait de le conduire chez le géné-
ral La Fayette, dans la pensée que cette offre
cachait une sorte de doute sur son dévouement,
ainsi que l'intention de stimuler son ardeur
par l'autorité d'un grand nom. »
Dans un autre recueil, nous lisons un fait
infiniment touchant. A Villefranche, lieu de
naissance de Bories, il y eut un concert ad-
mirable entre tous les habitants pour cacher
sa fin tragique à ses vieux parents. A l'éton-
nement des vieillards de ne point recevoir de
nouvelles, on répondait que leur fils était
passé dans les colonies. Pendant plusieurs
années, toute la ville garda un silence absolu.
Au souvenir de Bories se rattache encore
une légende d'amour et de douleur dont on a
parlé dans ces dernières années. Tout le Paris
de la rive gauche connaissait une vieille
• femme qui marchait courbée en deux, appuyée
sur un long bâton, dont le visage touchait
presque les genoux, et qui portait constam-
ment à son corsage un bouquet le plus sou-
vent fané, car elle n'avait pas toujours les
moyens de le renouveler. Cette vieille, aux
vêtements sordides, affaissée par le chagrin
plus encore que par l'âge, ne mendiait pas, et
on l'a vue refuser avec dignité les offrandes de
personnes que touchaient son état. Elle vivait
de quelques commissions que lui faisaient
faire les bonnes gens de son quartier. Presque
chaque jour, on la voyait passer rue du Cher-
che-Midi et rue de Sèvres, de plus en plus
courbée vers la terre. Les rudes commères de
l'ancien marché de Sèvres, avec cette cordia-
lité sympathique du peuple de Paris, la sa-
luaient au passage de quelque bonne parole et
lui renouvelaient de temps à autre" son éter-
nel bouquet. C'était la seule chose qu'elle ac-
ceptât. Elle eût refusé du pain. On la traitait
comme une personne atteinte d'une monoma-
nie douce et touchante, d'un fonds de chagrin,
pour employer l'expression énergique et po-
pulaire! Eh bienl cette vieille avait été une
fraîche et belle jeune fille, et depuis quarante
ans elle portait le deuil d'un héros. C'était
Françoise, la fiancée de Bories, dont le ma-
riage avait été cassé par la hache du bourreau.
On racontait*que, du haut de la charrette,
le martyr lui avait jeté , comme éternel
adieu, un bouquet qu'il avait respiré. Depuis
le jour fatal, cette Ophélie du souvenir avait
vécu avec le fantôme du magnanime jeune
homme. On la voyait souvent au cimetière
Montparnasse, au tombeau des Sergents, où
elle se rencontrait avec les patriotes pour en
renouveler les immortelles. Elle est morte
vers la fin de 1864. De charitables voisins mi-
rent son dernier bouquet dans son cercueil.
BORIMUS
BORIMUS ou BORMUS s. m. (bo-ri-muss,
bor-muss). Antiq. Chant lugubre des Ma-
riandyniens, en l'honneur de Borimus, fils
d/un de leurs rois, qui avait péri dans une
partie de chasse.
BORIN,
BORIN, I N E adj. (bo-rain, i-ne). Techn.
Qualification par laquelle on désigne, en Bel-
gique et dans le nord de la France, les
ouvriers, ouvrières et bêtes de somme em-
ployés à l'extraction de la houille, particu-
lièrement dans les environs de Mons et de
Valenciennes : Ouvrier BORIN. Cheval BORIN.
Ouvrière BORINE. II Substantiv. : Un BORIN.
Une BORINE.
BORIGUE
BORIGUE s. m. (bo-ri-ghe). Pêch. Nom
que les pêcheurs de la Dordogne donnent à
une espèce de nasse.
BORINBORIN s. m. (bo-rain). Ornith. Un des
noms vulgaires de la passerinette.
BORINAGE
BORINAGE s. m. (bo-ri-na-je — rad. bo-
rin). Travail des borins, extraction de la
houille en Belgique et dans les départements
du Nord.
BORINAGE,
BORINAGE, petit pays de Belgique, dans
la province de Hainaut
?
formant un riche
bassin houiller ; les principales communes du
Borinage sont : Jemmapes, Quaregnon, Fra-
meriès, etc.; 32,0û0hab.
BORINGIA,
BORINGIA, nom latin de Bornholm.
BORIONE
BORIONE (Williams), peintre français con-
temporain, né à Sablons (Isère), en 1817, d'une
famille originaire d'Italie. 11 suivit avec suc-
cès les cours de l'Ecole des beaux-arts de
Lyon, et vint ensuite à Paris, où il acheva
ses études sous la direction de M. Ingres et
de Victor Orsel. Sur la recommandation de
M. AsseUne, secrétaire des commandements
de la duchesse d'Orléans, il fut chargé de di-
vers travaux par cette princesse. Il exposa
des portraits à l'huile en 1843 et en 1844, et
s'adonna ensuite à la peinture au pastel, genre
dont il a été un des régénérateurs et dans le-
quel il a fait preuve d'une grande habileté,
surtout comme portraitiste. Il a exécuté, en-
tre autres portraits de personnages connus,
ceux de MM. de Viel-Castel, de Longpérier,
de M
m e
la comtesse de Castiglione, de mis-
tress Beecher-Stovpe, de Louis-Napoléon Bo-
naparte, président de la république (1852), du
chanteur Gueymard, dans le rôle de Ro-
bert, etc. Il a fait aussi, soit au pastel, soit
au fusain, un grand nombre de têtes d'étude,
des figures de fantaisie et des portraits
historiques {Charlotte Corday, Madame Du-
barry, etc.), d'un modelé assez ferme et d'une
tournure originale. Il a exposé à-tous les Sa-
lons qui ont eu lieu de 1843 à 1866, excepté à
ceux de 1849 et de 1855. Il a obtenu une mé-
daille de 3e classe, en 1846.
BORIQUE
BORIQUE adj. (bo-ri-ke — de bore). Chim.
Se dit d'une combinaison acide d'oxygène et
de bore : Le borax est une combinaison de
l'acide BORIQUE avec la soude. L'acide BORIQUE
est la seule combinaison connue de l'oxygène
avec le bore. (Soubeiran.)
— Encycl. Chim. L'acide borique est le seul
composé oxygéné du bore. Il a été découvert
par Homberg, qui l'obtint en distillant le bo-
rax avec le sulfate de fer. Gay-Lussac et
Thénard établirent sa composition. Cet acide
cristallise en lamelles incolores, dont la for-
mule est
BoO'^HO.
La chaleur le boursoufle en lui faisant perdre
son eau de cristallisation ; une température
élevée détermine sa fusion. On peut alors le
couler et l'étirer en fils. Une fois refroidi, il
se présente sous la forme d'un verre transpa-
rent, qui, à la longue, devient opaque. C'est
un des acides les plus fixes que l'on con-
naisse; cependant, à ' l a température élevée
des fours de porcelaine, il se vaporise à la
longue. Ebelmen a tiré parti de cette pro-
priété pour la reproduction artificielle de l'a-
lumine, du rubis spinelle et d'autres espèces
minérales. L'acide borique est beaucoup plus
soluble à chaud qu'à froid. On tire parti de
cette grande différence de solubilité pour le
préparer et pour le purifier; l'alcool le dis-
sout mieux que l'eau. Il se forme, dans cette
circonstance, des éthers boriques qui sont vo-
latils, comme l'a reconnu Ebelmen.
Uacide borique est un acide faible, qui co-
lore en rouge vineux le tournesol. A la tempé-
I rature ordinaire, il est souvent chassé de ses
j sels par les autres acides ; cependant il .dé-
compose les carbonates. A une température
i élevée, au contraire, il déplace de leurs sels
la plupart des acides, en raison de sa fixité.
L'acide borique dissout les oxydes métalli-
ques, en prenant des couleurs diverses et ca-
ractéristiques pour ces oxydes. Il n'est atta-
qué ni par l'hydrogène, ni par le charbon, ni
par le chlore, ni par le soufre; mais si l'on
dirige un courant de chlore sec ou de sulfure
de carbone sur un mélange (Yacide borique et
de charbon, on obtient du chlorure de bore
ou du sulfure de bore. Chauffé avec un métal
alcalin, il abandonne son oxygène, et du bore
amorphe est mis en liberté.
L'acide borique se reconnaît à la propriété
qu'il possède de brûler avec une flamme verte.
Chauffé avec un peu de spath-fluor et d'acide
sulfurique, il répand d'épaisses fumées de fluo-
rure de bore. L'acide borique a pour formule
BoO', et, par suite, le nombre 10,89 repré-
sente l'équivalent du bore.
On trouve cet acide dans la nature, à l'état
de borate de soude .(tinkal), de borate de
magnésie (boracîte), de borosilicate de chaux
et d'acide borique libre. On a trouvé d'abord
ce dernier dans le cratère de certains volcans,
ainsi qu'aux environs de Sassô : de là le nom
de sassolin, que les minéralogistes lui ont
donné. En 1776, on a reconnu qu'il se déga-
geait, mêlé à de la vapeur d'eau et à d'au-
tres gaz, du sol d'une partie de la Toscane,
d'où l'on en extrait annuellement près de
1,300,000 kilogr. Depuis cette époque, on l'a
encore rencontré, combiné à des bases, dans
une foule d'eaux minérales, de roches et de
produits naturels. Autrefois, on retirait cet
acide du borax de l'Inde; on l'extrait aujour-
d'hui de la Toscane, et on fabrique avec lui
le borax. Le sol de cette partie de la Toscane
est rempli de crevasses, d'où s'échappent sans
cesse des jets gazeux (suffioni), dont la tem-
pérature est voisine de 100°. Il s'était formé
naturellement de petits lacs (lagoni), autour
de certains de ces jets d'eau bouillante ; l'eau
de ces lagoni contenait de Yacide borique; on
a recueilli d'abord cette eau, puis on a creusé
des bassins autour de ces crevasses et on les
a remplis d'eau. On dispose ces lagoni en gra-
dins, et l'on fait arriver de l'eau pure dans le
bassin supérieur. Au bout de vingt-quatre
heures, cette eau contient environ 1 pour 100
d'acide borique, et sa température est voisine
du point d'ébullition. On 1 écoule dans le bas-
sin immédiatement inférieur, et ainsi de suite,
jusqu'au dernier bassin, d'où elle sort considé-
rablement concentrée. On la concentre ensuite
davantage dans des chaudières de plomb, dis-
posées en gradins. On utilise à cet effet la
chaleur que dégagent d'autres Jets gazeux
qu'on fait arriver sous les chaudières. Lors-
que la liqueur arrive dans la dernière chau-
dière, elle est assez concentrée pour cristal-
liser ; on l'abandonne alors dans des cristalli-
soïrs, où l'on recueille les cristaux pour les
dessécher ensuite dans des étuves chauffées
par d'autres suffioni.
Il est difficile d'admettre, en raison de la
faible volatilité de Yacide borique, que ce corps
arrive tout formé de l'intérieur du sol. M. Du-
mas a émis l'opinion que cet acide pourrait
bien provenir de la présence du sulfure de
bore dans le sol, et de sa décomposition par
l'eau ;
BoS
1
+ 3HO = BoO* -f- 3HS.
La présence de l'acide sulfhydrique dans les
jets gazeux donne un grand poids à cette
opinion.
Pour purifier Yacide borique des suffioni, on
le traite à chaud par du carbonate de soude.
De l'acide carbonique se dégage et du borax
se dissout. La dissolution est évaporée, le
borax cristallise; on le raffine par plusieurs
cristallisations. Pour en retirer l'acide borique,
on dissout l partie de borax dans 2,5 parties
d'eau bouillante, et l'on y verse peu à peu de
l'acide chlorhydrique. L'acide borique cristal-
lise par refroidissement ; on le lave à l'eau
froide et on le fait cristalliser.
BORIS
BORIS GODOUNOF. V. GûDOUNOF.
BORISOGLEBSK,
BORISOGLEBSK, ville de la Russie d'Eu-
rope, gouvernement et à 45 kilom. E. de Ia-
roslaf, district de Romanov, sur la rive gau-
che du Volga-, 4,500 hab. Commerce de. blé,
chaudronneries et tanneries, fabriques de
chaudières à vapeur, il Ville de la Russie d'Eu-
rope, ch.-l. du district de son nom, gouverne-
ment et à 150 kilom. S.-E. de Tambov, sur la
Vorona, près de son embouchure dans le Kho-
per; 2,500 hab.; entrepôt de navigation.
BORISSOV,
BORISSOV, ville de la Russie d'Europe, gou-
vernement et à 55 kilom. N.-E de Minsk, au
N.-O. de Mohile'v, sur la rive gauche de la
Bérézina ; 2,700 hab. C'est aux environs de
Borissov, au village de Stoudianka, que s'ef-
fectua le malheureux passage de la Bérézina
par l'armée française, le 26 et le 27 novembre
1812.
! B O R I T I s. m. (bo-ri-ti). Nom du palmier
mauritia, au Brésil.
— Encycl. Le boriti ou palmier mauritia
est le genre de palmier qui croît le plus abon-
damment dans les régions humides du Brésil.
Ses fruits, d'un rouge foncé, gros comme des
pommes, sont recouverts de petites écailles
divisées régulièrement. Entre le noyau, qui
est amer et n'est bon à rien, et l'écaillé, se
trouve une pulpe d'un jaune doré, produi-
sant un aliment très-succulent et très-sa-
voureux. Les personnes qui en mangent ha-
bituellement prennent la couleur du boriti,
comme si elles étaient atteintes de la jau-
nisse, mais sans altération aucune dans la
santé.
BORITIS
BORITIS s. m. (bo-ri-tiss). Alchim. Mer-
cure parvenu au noir très-clair. Il Laiton qu'il
fallait blanchir.
BORJA
BORJA (Belsinum), ville d'Espagne, pro-
vince et à 68 kilom N.-O. de Saragosse, ch.-l.
de juridiction civile, à 3 kilom. de i'Ebre;
4,000hab.Fabrication etexportation de draps,
étoffes de laine, huiles, vins, eaux-de-vie.
Berceau de 1» famille des Borja ou Borgia,
devenue italienne et tristement célèbre. Il
Ville de l'Amérique du Sud, dans la républi-
que de l'Equateur, province d'Assuay, sur la
rive gauche de l'Amazone ; 8,700 hab.
BORJA,
BORJA, petite ville brésilienne située sur
la rive gauche de l'Uruguay, célèbre par le
passage qu'y effectua, le 10 juin 1865, l'armée
d'invasion du Paraguay, sous les ordres du
général Estigarribia, dont la cruauté, la vio-
lence, toujours accompagnées du pillage et de
l'incendie, ont laissé dans cette contrée un
souvenir ineffaçable.
B O R J E O I S , OISE s. (bor-joi, oi-ze). Anç.
forme du mot BOURGEOIS.
BORJON
BORJON (Charles-Emmanuel), jurisconsulte
français, né à Pont-de-Vaux en 1633, mort à
Paris en 1691. Avocat au parlement de Paris,
il publia, entre autres ouvrages de droit : Com-
pilation du droit romain, du droit français et
du droit canon accommodés à l'usage d'à pré-
sent (Paris, 1678); Des dignités temporelles,
où il est traité de l'empereur, du roi, etc.
(1683); Des offices de judicature (1682) -.Abrégé
des actes concernant les affaires du clergé de
France ; Décisions des matières qui regardent
les curés. Borjon était bon musicien, et on a
de lui un Traité de la musette (1674, in-fol.),
où l'on trouve des airs composés par lui pour
cet instrument.
BORJOOKE
BORJOOKE S. m. (bor-jou-ke). Métrol.
Monnaie de convention consistant en perles
de verre, dont on fait usage en Abyssinie,
mais dont la valeur n'est pas bien déter-
minée.
BORK
BORK (Ole), poète et savant danois, né en
1626, mort en 1690. Il étudia la médecine sous
Paulli et Bartholin, puis devint professeur de
philologie, de chimie et de botanique à l'uni-
versité dé Copenhague. Durant un long voyage
qu'il entreprit à l'étranger, et pendant lequel il
visita la France, il se fit recevoir docteur en mé-
decine à Angers. En 1675, il fut nommé biblio-
thécaire de 1 université ; en 1686, assesseur près
la haute cour de justice, et en 1689, conseiller
de chancellerie. Bork se distingua parmi ses
contemporains comme philologue et poète la-
tin. Il avait coutume de dire qu'un homme bien
élevé, ignorant la poésie latine, était comme
un ciel sans astres ou un corps sans âme.
Toutefois, son principal mérite consistait dans
ses vastes connaissances en chimie. Bork était
boiteux, ce qui l'exposa à quelques plaisante-
ries de la part d'une jeune hlle avec laquelle il
s'était fiancé. Il s'en aperçut, renonça dès lors
au mariage et mourut célibataire. N'ayant point
d'héritiers, il fonda, dans la maison qu'il pos-
sédait à Copenhague, un asile destiné à hé-
berger gratuitement seize étudiants de l'uni-
versité , et lui légua sa bibliothèque, ses
instruments de chimie et un capital de
24,700 rixdalers. Cet asile, nommé Collegium
Mediceum en souvenir du gracieux accueil
que Bork avait rencontré, durant son séjour à
Florence, auprès de la famille Médicis, fait
toujours partie des propriétés de l'université
de Copenhague, et a conservé la même desti-
nation.
liORKKN, ville de Prusse, province de
Westphalie, ch.-l. du cercle de ce nom, ré-
gence et à 55 kilom. S.-O. de Munster, sui
l'Aa; 2,936 hab. Tissage de toiles renom-
mées.
BORKHAÏA,
BORKHAÏA, lie considérable de la Russie
d'Asie, dans l'océan Glacial, à l'embouchure
de la Lena, par 73° lat. N. et 125<> long. O.
BORKHAJA,
BORKHAJA, promontoire de la Russie d'A-
sie, à l'E. de l'embouchure de la Lena, dans
l'océan Glacial, par 130« long, orientale, et
700 lat. N.
BORKHAUSEN(Maurice-Balthasar), natura-
liste allemand, né à Giessen en 1760, mort à
Darmstadten 1806. Il fut d'abord employé à la
1008 BORK
BORM BORN BORN
direction des eaux et forêts, et reçut ensuite le
titre de conseiller ducal. Il étudia toute sa vie
"/histoire naturelle, et on lui doit plusieurs ou-
vrages importants, dont la plupart sont en
allemand : Histoire naturelle des papillons
d'Europe, classés systématiquement (1788-1794,
2 vol. in-8°) ; Essai d'une explication de ter-
minologie zoologique (1790, in-S
u
); Essai d'une
description des arbres forestiers de IJesse-
Davmstadt (i79o); Dictionnaire de botanique
(1797); Manuel ae botanique forestière (1800-
1803, 2 vol,), et en latin : Tentamen disposi-
tions plantarmn Germaniœ seminiferarum,
secundum novam methodum e staminum situ et
proportione, cum characteribus generum essen-
tiatibus (1792, in-8°). Borkhausen a aussi ré-
digé de nombreux articles pour diverses pu-
blications scientifiques.
BORKHAUSÉNIE
BORKHAUSÉNIE s. f. (bor-kô-zé-nî — de
Borkhausen, botan. ail.). Bot. Nom donné par
quelques auteurs à deux genres do plantes,
appartenant l'un à la famille des fumaria-
cees, l'autre à celle des personées.
BOI\KOWlCZ' (Mathias) , -waïvode ou gou-
verneur de Posen de 1343 a 1358, est connu
dans l'histoire de Pologne comme 1 instigateur
de la première de ces ligues ou confédéra-
tions de la noblesse qui, tant de fois, allumè-
rent la guerre civile dans ce malheureux pays.
Le 8 septembre 1352, les seigneurs de la
Grande Pologne, réunis à Posen au nombre de
quatre-vingt-cinq, firent entre eux un traité
ualliance par lequel ils s'engageaient à se dé-
fendre mutuellement contre tous ceux qui les
attaqueraient. Ils prirent pour chef Borkowicz
qui, le premier, avait eu Vidée de cette con-
fédération. Les causes n'en sont pas bien
connues ; mais quoique, dans l'acte, ils eussent
protesté de leur fidélité au roi et lui eussent
promis leur appui contre ses ennemis, on
croit qu'elle était dirigée principalement contre
les starostes et autres officiers royaux qui se-
condaient activement Casimir le Grand dans
ses efforts pour soumettre cette noblesse in-
docile et turbulente. Quoi qu'il en soit, c'était
une innovation hardie qui éveilla la défiance
du roi; et, comme il ne se sentait pas assez
puissant pour s'en venger sur tous les confé-
dérés, le chef dut payer pour tous. Borkowicz,
du reste, fournit bientôt au roi l'occasion
d'exercer cette terrible justice, qui l'a rendu si
populaire parmi le peuple polonais. Le waï-
vode était un homme cruel et orgueilleux,
d'une ambition et d'une avidité sans frein. Il
se mêlait aux bandes de pillards qui dévas-
taient les provinces, prenait part à leurs bri-
gandages, et les dirigeait souvent lui-même,
ité devant Casimir pour répondre à une ac-
cusation de meurtre sur la personne d'un
grand seigneur polonais, il refusa de se pré-
senter et se contenta d'assurer, par écrit, le
roi de son respect et de sa fidélité. Peu de
temps après, il recommença ses déprédations.
Casimir le fit alors saisir et conduire à Ka-
lisz, où se trouvait la cour. Là il fut jugé et
condamné à expier ses forfaits par une mort
épouvantable : on l'enferma dans une tour
obscure du château d'Olsztyn, en ne lui don-
nant pour toute nourriture que do l'eau et du
foin. Il y lutta pendant quarante jours contre
les horreurs de la faim. L'historien Dlugosz a
prétendu, mais sans fondement, qu'il subit ce
terrible supplice pour avoir entretenu un com-
merce criminel avec la reine.
BOUKOWSKI
BOUKOWSKI (Joseph DUNIN), littérateur
f
iolonais, né en 1809 dans les environs de Ka-
isz, mort en 1843. Il avait commencé ses
études à Varsovie ; mais, forcé de quitter cette
ville, à cause de sa qualité de sujet autrichien,
il dut aller les continuera Lemberg et à Czer-
nowiec sur le Pruth. Cette ville servait alors
d'asile à un grand nombre de familles grec-
ques, que les événements politiques avaient
chassées de leur patrie. Borkowski se lia avec
les plus distingués d'entre ces réfugiés, s'éprit
de leur cause et la chanta dans des hymnes
dignes de Byron. Il mit à profit cette occasion
pour apprendre la langue grecque moderne,
et prépara une édition des chants populaires
de la Grèce, qui ne se trouvent pas dans le
recueil de Fauriel. De retour à Lemberg en
1829, il y devint l'un des collaborateurs les
plus actifs du journal le Galicien, récemment
fondé dans cette ville, et publia, entre autres
ouvrages, une traduction en grec moderne
des poésies d'Alexandre Chodzko. Peu après,
il alla se fixer à Vienne, où il se perfectionna
dans les langues grecques ancienne et mo-
derne, sous la direction du savant profes-
seur Koumas. 11 revint à Lemberg en 1832, et,
tout en continuant à collaborer à plusieurs
recueils hebdomadaires, donna des éditions
estimées de classiques grecs. Il fit paraître,
en 1838, a Vienne, un recueil de ses œu-
vres sous le titre de Prace literackic (Œu-
vres littéraires), e t , peu de temps après, une
traduction de l'ouvrage de Schiller intitulé :
les Dieux de la Grèce. Une mort prématurée
l'enleva au début d'une carrière qui avait
déjà produit de si fertiles résultats pour la lit-
térature. On lui doit d'avoir préservé de l'ou-
bli le poème héroïque de Wenceslas Potocki,
la Guerre de Chocim; peu d'heures avant d'ex-
pirer, il en remit le manuscrit à un de ses
amis, en le chargeant de le publier. Ce poëme
a paru à Lemberg en 1850.
BORKUM,
BORKUM, la Byrchanis, Burchana ou Faba-
ria des anciens, île de la mer du Nord, à l'em-
bouchure de l'Éms, et entre les canaux de
l'Ems oriental et de l'Ems occidental, à 3 kil.
de la côte du Hanovre, dont elle dépend, pro-
vince de la Frise orientale ; périmètre, 1G kil.;
500 hab. marins ou pécheurs. Phare; sol bas,
en partie recouvert par les marées. Drusus,
dans ses expéditions contre les Germains, fit
la conquête de cette île.
BORKOWSKI
BORKOWSKI (Stanislas), polygraphe polo-
nais, né en 1782 dans un village de IaGalicie,
mort en 1850. Il est plus connu à l'étranger
que dans sa propre patrie, car il a écrit ses
principaux ouvrages en allemand. Parmi les
plus remarquables, nous citerons : Etudes géo-
logiques sur le sol des environs de Home
(Vienne, 1817, en allemand); Voyage en Ita-
lie, de 1815 à 1816 (Varsovie, 1820, en polo-
nais); Des Devoirs d'un bibliothécaire (Varsovie,
1824), etc. On lui doit aussi une excellente édi-
tion du Psautier de la reine Marguerite,
femme de Louis 1^, roi de Pologne et de Hon-
grie (Vienne, 1834, in-4o); c'est l'un des mo-
numents les plus anciens de la langue polo-
naise.
BORLASE
BORLASE (Edmond), médecin et historien
irlandais, mort en 1682. Fils d'un lord-juge
d'Irlande, il se fit recevoir docteur en méde-
cine à Leyde, en 1650, et exerça avec succès
son art à Chester. Parmi ses ouvrages, écrits
en anglais, nous citerons : les Eaux de Spa
du comté de Lancastre (Londres, IG70, in-so) ;
la Réunion de l'Irlande à la couronne d'An-
gleterre (Londres, 1675); Histoire de l'exécra-
ble rébellion d'Irlande (Londres, 1680, in-fol.).
BORLASE
BORLASE (Guillaume), antiquaire et natu-
raliste anglais, né à Pendeen (Cornouailles)
en 1696, mort en 1772. Il étudia la théologie à
Oxford, fut nommé recteur de Ludgvan,puis
vicaire de Saint-Just. Vivant au milieu d'un
pays très-riche en fossiles minéraux, en mé-
taux et en monuments anciens, il en fit l'objet
de ses études constantes et de ses travaux.
U entretint une correspondance active avec
Pope, et il fut reçu au nombre des membres
de la Société royale de Londres. On lui doit :
Antiquities historical and monumental of the
county of Cornwall (Oxford, 1754, in-fol.);
Observations on the ancient and présent state
of the islands of Scilly, and their importance
to the trade of Grcat-Britain (1756) ; Natural
history of Cornwall (1758), et d'importants
mémoires dans les Transactions philosophiques.
BORLASIEBORLASIE s. f. (bor-la-zî). Helminth.Syn.
de NÉMKRTE.
BORMANUM,BORMANUM, ville de l'ancienne Dacie ;
actuellement Borschod, dans la Hongrie.
BORMES,
BORMES, commune de France (Var); arrond.
et à 32 kilom. E. de Toulon ; pop. aggl. 883 h.
— pop. tôt. 2,107 hab. Ce village, agréable-
ment situé sur le penchant d'une colline cou-
verte d'orangers, de cédratiers, d'oliviers et
de palmiers, possède une pêcherie; aux en-
virons se trouve le fort de Bregançon.
BORM1DA, rivière du royaume d'Italie,
formée à l'ouest de Bistagno par la réunion de
deux torrents, la Bormida orientale et la Bor-
mida occidentale, qui descendent des Apen-
nins; elle passe à Acqui et se jette dans le
Tanaro, à 2 kilom. E. d'Alexandrie, après un
cours de 50 kilom. On sait que la Bormida joue
un grand rôle dans les récits de la première
campagne de Bonaparte en Italie.
BORMIO,
BORMIO, bourg du royaume d'Italie, pro-
vince et à 50 kilom. N.-E. de Sondrio, dans un
vallon supérieur, entouré de hautes monta-
gnes et arrosé par l'Adda, qui n'est encore
qu'un faible torrent; 2,725 hab. Commerce de
blé, orge et miel très-estimé. A 6 kilom. N. de
Bormio, sur l'Adda, se trouvent les sources
salines thermales de Molina (38° Réaumur),
et les bains, dits de Bormio, très-fréquentés
et connus dès l'antiquité. Belles curiosités na-
turelles aux environs. Victoire des Français
sur les Autrichiens, le 26 mars 1799.
BORMIO
BORMIO (col de). Le col de Bormio, au
sommet de la montagne du Stelvio, sert de
voie de communication entre la Valteline et
le Tyrol ; c'est la plus élevée des routes carros-
sables de l'Europe, puisque
f
à son point cul-
minant, elle atteint 8,866 pieds au-dessus du
niveau de la mer, tandis que le mont Cenis ne
s'élève qu'à 6,354, et le Simplon à 6,218. Les,
travaux de cette route, exécutés par le gou-
vernement autrichien, de 1820 à 1825, sont de
véritables ouvrages d'art, par la hardio^e de
leur plan et la difficulté de leur exécution. Les
longues digues jetées sur les marais de la
Valteline, les ponts qu'on a été obligé de mul-
tiplier, les galeries de bois, les refuges creusés
dans le roc vif, tout excite l'admiration. Tou-
tefois, la nature n'est qu'à moitié vaincue, et
souvent elle fait sentir encore la supériorité
de sa force brutale sur l'œuvre intelligente de
l'homme. Les avalanches, les cascades vien-
nent, à chaque instant, causer des dégâts
énormes, et il ne faut pas moins d'une somme
de 40,000 francs pour l'entretien annuel de
cette route.
Le col de Bormio n'est pas seulement le
passage de montagnes le plus élevé et le plus
curieux de l'Europe, il est aussi le plus inté-
ressant et le plus pittoresque par les aspects
grandioses qu'il offre sans cesse au regard.
Au mois de juillet, la route est souvent cou-
verte de 6 à 8 pieds de neige; d'énormes
glaçons pendent au toit des .maisons, et il
Suffit de quelques heures pour passer de cette
Sibérie aux beaux vignobles de la Valteline.
BORMONIS
BORMONIS AQUJ3, nom latin de Bour-
bonne-les-BainsetdeBourbon-1'Archambault.
BORN
BORN ( l e ) , ancien petit pays de France,
dans la province de Gascogne, compris actuel-
lement dans le département des Landes.
BORN
BORN (Bertrand D E ) , troubadour et guer-
rier, né en Périgord, et qui a sa place marquée
dans l'histoire politique, aussi bien que dans
l'histoire littéraire du xue siècle. Deux histo-
riens modernes, Augustin Thierry etSismondi,
n'ont eu garde d'oublier l'homme que Dante
avait placé dans son enfer. Dante et son guide
voient un damné qui marche la tête coupée, et
qui la porte à la main comme une lanterne.
« Quand il fut, dit le poëte, au pied de la mon-
tagne où nous étions placés, il leva en haut son
bras et sa tête, pour approcher de nous ses pa-
roles, que voici : « Toi quij respirant encore,
» viens visiter les morts, vois ma peine cruelle,
» vois s'il en est aucune qui l'égale. Pour que
» tu puisses rapporter de mes nouvelles sur la
» terre, apprends que je suis ce Bertrand de
» Born, qui donna de mauvais conseils au jeune
» roi. Je rendis ennemis le fils et le père ; Ach't-
• tophel n'en fit pas plus entre Absalon et
» David, par ses coupables instigations. C'est
» parce que je divisai des personnes que la
» nature a si étroitement unies, que je porte,
» hélas! ma cervelle séparée de son principe,
» qui est resté dans mon corps. »
Bertrand de Born était né au milieu du
XII» siècle; il était fils de cette Gaule méri-
dionale, qui ne prisait pas moins les faits
d'armes que les tournois poétiques, et où les
chevaliers savaient aussi bien manier la lance
que composer des sirventes. U est l'expression
la plus complète de cette époque, qui alliait
très-bien la culture de l'esprit aux mœurs vio-
lentes et barbares. Vicomte de Hautefort et
seigneur d'un domaine qui pouvait compter
mille habitants,deux fois il expulsa son frère
Constantin par les armes, voulant rester seul
possesseur de l'héritage paternel. Cette que-
relle fut le sujet d'un de ses premiers sir-
ventes, qui donne une idée de la violence de
son caractère, etoùil disait: «Je crèverai les
yeux à qui voudra m'ôter mon bien. La paix
ne me convient point; la guerre seule a droit
de me plaire... Que d'autres cherchent, s'ils le
veulent, à embellir leurs maisons, à se pro-
curer les commodités de la vie; pour moi,
faire provision de lances, de casques, d'épées
et de chevaux, c'est ce que j'ambitionne. A
tort ou à droit, je ne céderai rien de la terre
de Hautefort ; elle est à moi, et on me fera la
guerre tant qu'on voudra. » Son frère avait
trouvé des défenseurs, et à leur tête Richard
Cœur de Lion, qui avait à se venger," non-
seulement des violentes satires de Bertrand ,
mais de l'appui qu'il avait prêté à son frère
Henri au Court mantel. Le poëte, en effet, était
l'ami, pour ne pas dire le mauvais génie du
jeune prince, qu'il avait poussé à la rébellion
contre son père, le roi Henri II, et à la guerre
contre son frère. Richard, par l'offre de pen-
sions et de possessions dans la Normandie, eut
bien vite décidé Henri au Court mantel, dont
il connaissait le caractère instable, à aban-
donner ceux qui s'étaient armés pour lui.
Bertrand de Born se vengea du prince dont
il avait été l'ami par une satire sanglante :
« Puisqu'il consent à ne plus posséder ni gou-
verner aucun domaine, s'écria-t-il, il sera le
roi des méchants et des lâches. Dès qu'il
trompe et trahit ses vassaux, il perd tout droit
à leur amour, D Et, s'enfermant dans son châ-
teau, il résolut de combattre jusqu'à la dernière
extrémité. Mais que peut la valeur contre le
nombre? Au bout de quelques jours, la place
était emportée d'assaut par Richard, qui, con-
tent d'avoir vaincu, et bon juge de la valeur
et du talent poétique, pardonna à Bertrand et
lui rendit son amitié. Celui-ci composa aussitôt
en l'honneur de Richard un sirvente, où il le
comparait à la mer, qui s'empare de tous les
objets de prix, mais pour les rejeter sur ses
rivages. A cette flatterie il dut de rester pro-
priétaire du manoir de Hautefort. Une étroite
et constante amitié l'unit dès ce jour à l'aven-
tureux guerrier
;
qu'il surnomma oc e no, oui
et non.
Son humeur belliqueuse ne pouvant s'ac-
commoder du repos, il décida les deux princes
anglais à s'armer contre leur père Henri II,
et à entreprendre cette guerre parricide, pen-
dant laquelle Henri au Court mantel succomba,
en 1583. La mort prématurée de ce prince lui
fournit l'occasion de célébrer ses louanges
dans deux complaintes, où il l'appelle roi des
courtois et empereur des preux. Pour donner
une idée exacte de la verve poétique de Ber-
trand, nous allons citer une stropne de l'une
de ses complaintes, qu'on peut lire en entier
dans le Choix des poésies des troubadours de
Raynouard :
D'aquest segle flac, plen de marrimen
S'amor s'en vai, son joi tenh mesongier
Que ren noi a que non torn en cozen ;
Totz jorns veirez que val mei huei que iez;
Cascun se mir e l'joven rei englès,
Qu'era del mondo plus valen dels pros.
Ar es anatz SOUD gen car amoros
Dont es dolor e desconfort et ira.
C'est-à-dire : « De ce siècle lâche et plein de
trouble, si l'amour s'en va, je tiens la joie pour
mensongère; car il n'est rien qui ne tourne
en souffrance. Tous les jours vous verrez qu'au-
jourd'hui vaut moins qu'hier. Que chacun se
regarde dans le jeune roi anglais, qui du monde
était le plus vaillant des preux; maintenant
est parti son gentil cœur amoureux, et nous
restons dans la douleur, le déconfort et la
tristesse. « Henri II, voulant se venger de celui
qu'il regardait comme l'instigateur de cette ré-
bellion, vint mettre le siège devant le château
de Hautefort,qui ne tarda pas à tomber entre
ses mains. Ici se place une scène touchante.
Bertrand fut amené devant son vainqueur :
« C'est donc vous, lui dit-il, qui vous vantiez
d'avoir une fois plus d'esprit qu'il ne vous en
fallait? — Il y eut un temps où j'avais le droit
de le dire, répondit le prisonnier ; mais en
perdant le roi votre fils, j ai perdu tout ce que
j'avais d'esprit, de raison et d'habileté, » Au
nom de son fils, Henri versa un torrent de
larmes et tomba évanoui. Quand il fut revenu
à lui: «Ah! Bertrand, s'écria-t-il, sire Ber-
trand, il est bien juste que vous regrettiez
mon fils, car il vous aimait uniquement... Et
moi, pour l'amourde lui, je vous rends votre
liberté, vos biens., votre château; je vous
rends mes bonnes grâces et mon amitié; je
vous donne de plus 500 marcs pour réparer
le mal que je vous-ai fait. » Est-ce un sir-
vente de Bertrand de Born ou un passage
d'Homère que nous lisons? ou plutôt, tous les
âges héroïques ne se ressemblent-ils pas par
la noble simplicité du langage et l'énergique
spontanéité des sentiments?«Crains les dieux,
ô Achille! s'écrie Priam; prends compassion
de moi au souvenir de ton père. Ah ! ne suis-je
pas plus que lui digne de pitié? N'ai-je point
fait ce que sur la terre nui des hommes n'eût
osé? N'ai-je point pressé de mes lèvres la
main qui m'a ravi mes fils?» Il dit, et fait naî ire
chez le héros le regret de son père et le désir
des pleurs. Achille prend la main du vieillard,
puis l'éloigné doucement, et tous les deux sont
accablés de leurs souvenirs. Priam, prosterné
aux pieds d'Achille, pleure amèrement le vail-
lant Hector; Achille verse des larmes sur son
père, et aussi sur Patrocle. Les deux scènes
ne sont-elles pas identiques, et n'est-on pas
surpris de les trouver si semblables à vingt
siècles de distance?
Quelque temps après, Richard partit pour
la Terre sainte, où Bertrand ne l'accompagna
3
ue de ses vers et de ses vœux. Quand le rui
'Angleterre revint sur lo continent pour se
venger de Philippe-Auguste, Bertrand de
Born se retrouva k ses côtés, l'assistant de
ses armes et excitant sa colère par ses poésies
violentes. L'âge n'avait pas amolli sa fou-
gueuse impatience, et quand une trêve réu-
nissait un moment les deux rois, on entendait
le poëte faire retentir le cri de guerre aux
oreilles de Richard, trop disposé à l'écouter.
La mort du roi d'Angleterre termina la vie
politique et guerrière de Bertrand de Born.
Ne voyant plus d'avenir pour lui, il finit,
comme la plupart des hommes de ce siècle
qui ne mouraient pas sur le champ de ba-
taille, il alla s'enfermer au monastère de
Cîteaux, où il s'éteignit entre les années 120S
et J210. Il serait injuste de juger Bertrand
de Born par nos~idées actuelles, et de lui
reprocher son alliance avec les princes an-
glais. La France n'était pas encore constituée,
et une inimitié profonde séparait le Midi, dont
la civilisation était si brillante, du Nord en-
core plongé dans la barbarie. Quand, au milieu
du xme siècle, saint Louis voulut s'embarquer
pour la croisade, il ne trouva pas un port qui
s'ouvrît à lui, et on chanta un Te Veum en
apprenant sa captivité. Sans doute l'unité
allait se faire, mais elle n'était pas faite, et
Bertrand de Born pouvait être hostile à Phi-
lippe-Auguste sans mériter d'être regardé
comme manquant de patriotisme.
Quelques historiens ont cru qu'on pourrait
regarder Bertrand de Born comme le premier
pamphlétaire politique de notre pays; ses sir-
ventes n'auraient eu pour objet que de rendre
libre l'Aquitaine, en cherchant à semer la
discorde entre les deux partis qui s'en dispu-
taient la souveraineté. Peut-être aussi serait-il
plus conforme à la vérité de dire qu'il était
ambitieux, et qu'il ne cherchait à soustraire
son pays à des dominateurs étrangers que
pour s'en déclarer lui-même le souverain.
Les poésies laissées par Bertrand de Born
sont satiriques, guerrières et amoureuses.
Dans les premières, il frappe ceux que sa
lance ne peut atteindre. Ardentes, ironi-
ques, amères, pleines de mépris souverain,
elles semblent écrites avec la laine de son
poignard. « J'envoie mes vers contre les
lâches barons, s'écrie-t-il dans une de ses
pièces, et c' st la dernière fois qu'on m'en-
tendra parle..- d'eux. Plus de vingt fois je les
ai piqués de ma lance, et pas un d'eux ne s'est
mis au pas ou au trot. Sans mot dire, ils se
laissent dépouiller; Dieu les maudisse! Il n'y
en a pas un qui ne se laisserait tondre ou
mettre des fers aux quatre pieds I •> A travers
les chants guerriers de Bertrand passe un
souffle enflammé. • Bien me plaît quand je
vois les hommes et les animaux fuyant devant
l'avant-garde, et ma joie redouble quand je
vois s'avancer en lignes serrées une armée
de guerriers. J'aime à voir les forteresses
prises d'assaut, et les murailles se fendre et
crouler. Nous verrons des lances et des ôpées,
et des boucliers fendus, et des casques brisés,
et les chevaux sans maître errer dans la '
plaine. Et plus la bataille sera grande et plus
on fendra de têtes et coupera de bras ; car
mieux vaut mourir que d être vaincu 1 En
vérité, je ne connais nulle joie semblable à
celle que l'on éprouve au bruit de la bataille,
lorsque les chevaux hennissants fuient à tra-
vers les bois, que les guerriers percés do
lances roulent dans les fossés, et que les
morts empalés gisent à l'entour. •
I Ses poésies amoureuses elles-mêmes son*
BORN
BORN
BORN
BORN 1009
tracées d'une main qui porte un gantelet de
• fer. Bertrand de Born eut des bonnes for-
Urnes comme la plupart des troubadours, chez
qui le cri : a Ma dame et mon épéet » n'était
point une vaine fiction. On prétend qu'il aima
Hélène, la sœur de Richard Cœur de Lion.
Mais la-dame de ses pensées était Maenz, fille
IÎU vicomte deTurenneetfemmedeTalleyrand
de Périgord. Elle le paya bien de refour,
puisqu'elle dédaigna pour lui les soupirs de
Kichard et d'Alphonse d'Aragon. C'est pour
elle sans doute qu'il fit ces vers, où il proteste
qu'il ne l'a pas oubliée :
t Qu'au premier vol je perde mon épervier,
que des faucons me l'enlèvent sur le poing et
îe plument à mes yeux, si je n'aime mieux rêver
à vous que d'être aimé de toute autre et d'en
obtenir des faveurs. Que je sois à cheva!,
l'écu pendu au col, pendant un orage ; que mes
rênes trop courtes ne puissent s'allonger; qu'à
l'auberge je trouve l'hôte de mauvaise humeur,
si celui qui m'accuse auprès de vous n'en a pas
menti. Que le vent me manque en mer; que je
sois battu par les portiers quand j'irai à la cour
du roi; quau combat on me voie fuir le pre-
mier,^ ce médisant n'est pas un imposteur! »
— Son fils, BERTRAND DE BORN, poëte et guer-
rier comme lui, composa des surventes, con-
fondus avec ceux du père. Il en est deux,
toutefois, qui lui appartiennent certainement;
l'un est adressé à Cardillac, et l'autre est
une satire contre la lâcheté de Jean Sîins terre.
On croit qu'il fut tué à la bataille de Bouvines,
en 1214.
BORN
BORN (Ignace, baron D E ) , célèbre miné-
ralogiste allemand, né en 1742 à Carlsbourg
on Transylvanie, mort à Vienne en 1791, fit
ses études chez les jésuites de cette dernière
ville, alla suivre les cours de droit à Prague,"
puis voyagea en Allemagne, en Hollande,
dans les Pays-Bus et en France. Il s'appliqua
de préférence à la minéralogie, et fut nommé
conseiller aulique au suprême département
des mines et monnaies de l'empire. Marie-
Thérèse l'appela à Vienne en 1776, et le
chargea de classer et de décrire le cabinet
impérial d'histoire naturelle. On doit à ce
savant des ouvrages de minéralogie très-
estimés, entre autres : Lithophylar.htm Bor-
nianum (Prague, 1772, 2 vol. in-8
u
) ; Effigies
virorum eruditorum atque artificum Bohemiœ
et Moraoiœ (Prague, 1773, 2 vol. in-8°), réu-
nion de notices'sur des savants de la Bo-
hême, etc., en collaboration avec Noigt;
Voyage minéralogique de Hongrie et de Tran-
sylvanie (1774), traduit en français par Monnet
(1780, in-12); Méthode d'extraire les métaux
parfaits des minerais et autres substances mé-
talliques par le mercure, etc. (Berne, 1787,
in-8°, en français), et divers autres écrits. On
attribue h. Born une violente satire sur les moi-
nes, classés d'une façon plaisante selon la mé-
thode de Linné, et intitulée : Joannis Physiophili
spécimen monachologiœ ( Augsbourg , 1783,
in-4o). Elle fut tout au moins écrite sous son
inspiration, et elle parut avec l'approbation
dé Joseph IL Broussonnet en a publié en fran-
çais une imitation, sous ce titre piquant : Essai
sur l'histoire naturelle de quelques espèces de
moines (1784).
BORN
BORN (Jacques-Henri), jurisconsulte alle-
mand, né en 1717 à Leipzig, mort à Dresde
en 1775. Reçu, docteur en droit en 1739, il
remplit diverses fonctions en Allemagne, et
publia plusieurs ouvrages sur des questions
île droit et d'histoire dans l'antiquité. Les
principaux sont : Dissertatio de sortitione
mayistratuum atticorum (Leipzig, 1734)- Dis-
sertatio de Delphino Atheniensium tribunali
(Leipzig, 1735) ; Dissertatio de antestione in jus
vocantiwn apud Uomanos (Leipzig, 1737); Dis-
sertatio de poviis libertorum ingratorttm apxtd
Uomanos (Leipzig, 1738).
BORNA,
BORNA, ville du royaume de Saxe, cercle
et à 25 kilom. S.-E. de Leipzig, sur la Wiehra;
4,900 hab. Fabriques de toiles, filage de laine;
poteries et brasseries.
BORNAGE
BORNAGE s. m. (bor-na-je — rad. bor-
ner). Action de planter des bornes pour
marquer les limites de deux propriétés ru-
rales .contiguës :.Ses dernières acquisitions
l'obligeaient à une foule de vérifications de
BORNAGE et d'arpentage. (Balz.) Il Pose des
bornes qui limitent la propriété acquise ou
nécessaire à acquérir pour établir un che-
min de fer : Le BORNAGE ne précède pas tou-
jours l'expropriation.
— Jurispr. Action en bornage^ Action in-
tentée par un propriétaire rural a un proprié-
taire voisin, pour provoquer l'établissement
ou la rectification des bornes sur la limite
des deux propriétés.
— Mar. Navigation opérée avec une em-
barcation dont le tonnage ne dépasse pas
vingt-cinq tonnes, avec faculté de faire cer-
taines escales.
— Encycl. Le bornage est une opération qui
est devenue partout nécessaire dès le jour où
toutes les parties de la terre ont été occupées
par des individus qui s'en disaient les pro-
priétaires. Ce n'est que dans les pays où la
population n'a encore acquis qu'un dévelop-
pement très-restreint que certaines posses-
sions de terre peuvent rester indéterminées
du côté par où elles touchent au désert ou à.
des terrains jusqu'alors restés incultes. Dès
qu'une propriété se trouve voisine d'une au-
tre propriété, il faut nécessairement que cha-
cun des propriétaires connaisse la limite ou
s'arrêtent ses droits et où commencent ceux
du voisin. Dans beaucoup de lieux, ces limi-
tes sont marquées par des fossés, des haies,
des murs, et alors toute contestation est im-
possible, à moins que l'un des propriétaires
ne comble le fossé ou "ne détruise la haie ou le
•• mur, pour établir plus loin un nouveau fossé,
une nouvelle haie, un nouveau mur, ce qui ne
peut être fait sans laisser des traces visibles
et faciles à constater. Mais il n'en est pas
toujours ainsi, et l'on voit quelquefois de
vastes plaines où les champs ne se distinguent
guère que par la variété des cultures; il peut
arriver aussi^ qu'un champ bien délimité
doive, a la mort du propriétaire, se trouver
divisé entre plusieurs héritiers : dans ces
deux cas, il peut devenir nécessaire de pro-
céder à l'opération du bornage.
Les bornes, ordinairement posées par des
experts, quand les parties ne veulent pas les
placer elles-mêmes en s'entendaut h. l'amiable,
sont de simples pierres destinées a servir
comme de jaions pour déterminer une ligne
séparative des propriétés. On pose chaque
pierre sur des tuiles ou des charbons enfouis
dans la terre, et appelés témoins, parce que,
si la pierre venait à être enlevée, ils servi-
raient à reconnaître la place où elle avait été
mise. Toute borne doit être posée de manière
qu'une moitié soit sur le terrain de l'un, et
une autre moitié sur le terrain de l'autre. Les
anciens marquaient aussi au moyen de pierres
les limites des champs; mais ils donnaient h.
ces pierres une forme sculpturale qui en fai-
sait de véritables divinités : c'était pour eux
le dieu Terme, et celui qui osait les déplacer
se rendait coupable d'un véritable sacrilège.
Dans un temps où la superstition se fourrait
partout, on ne peut méconnaître que les lé-
gislateurs firent preuve d'une véritable sa-
gesse en faisant tourner au profit de lajustice
lés erreurs populaires. Mais ce qui était sage
à l'origine des civilisations ne serait plus pour
nous qu'une insigne folie, et nous ne devons
pas regretter que la crainte d'offenser le
dieu Terme ait été remplacée par des pres-
criptions légales beaucoup plus simples et
plus rationnelles.
Tout propriétaire peut obliger son voisin
au bornage a frais communs de leurs proprié-
tés contiguës (art. 646 du C. Nap.). L'action
en bornage n'est pas prescriptible, et l'on peut
toujours, nonobstant même des conventions
contraires, l'intenter et forcer son voisin à
planter des bornes. Les juges de paix ont
compétence pour statuer en premier ressort
sur les actions en bornage, lorsque la propriété
et les titres qui l'établissent ne sont pas con-
testés (Loi du 25 mai 1S38, art. 6).
Quiconqu«ta déplacé ou supprimé des bor-
nes antérieurement établies est puni d'une
amende et d'un emprisonnement d'un mois à
un an, si l'intention de s'approprier le bien
d'autmi n'est pas prouvée (art. 456 du Code pé-
nal). Si le même fait a été commis avec inten-
tion de vol, il est puni d'une peine infamante,
la re'clusion (art. 489 du même Code, et loi du
28 avril 1832).
L'action en bornage appartient au proprié-
taire, au possesseur de fait quand aucun autre
propriétaire n'est connu, à l'usufruitier, pourvu
qu'il mette en cause le propriétaire; mais
elle n'appartient pas au fermier, qui ne peut
que sommer le propriétaire d'intervenir- En-
fin" cette action doit toujours être portée de-
vant le juge du lieu où est situé 1 immeuble
dont il faut déterminer les limites.
B o r n a g e (TRAITÉ THEORIQUE ET PRATIQUE
DU) , par Millet, ancien juge de paix. Il y a
toujours avantage pour les jurisconsultes,
comme pour les intéressés, à voir une ques-
tion spéciale traitée par un homme spécial.
Peu d'hommes étaient aussi compétents que
M. Millet pour écrire le livre dont nous don-
nons une très-courte analyse. Les actions en
bornage, en tant qu'elles sont tout à fait dé-
gagées de contestations sur la propriété, ap-
partiennent à la juridiction paternelle et éco-
nomique des juges de paix. Un long exercice
de cette magistrature a permis à M. Millet
d'étudier très-complètement les difficultés.que
soulève la question, si simple en elle-même,
du bornage. Une troisième édition ( 1862) in-
dique suffisamment de quelle utilité sont les
conseils que notre auteur donne, soit à ses
anciens collègues, soit aux avocats qui peu-
vent être appelés à diriger les clients en sem-
blable matière. Si l'on remonte aux origines
de la propriété, on trouve dans les législa-
tions primitives une telle sévérité pour les in-
fractions aux lois de bornage, que l'pn est
amené à se faire une assez triste idée de ce
qu'était la propriété a ces époques lointaines.
C'est que, en effet, le bornageest contemporain
de la propriété. Le jour ou deux laboureurs
ont cultivé deux terres voisines, ils ont tracé
une ligne de démarcation entre les deux ter-
ritoires exploités- C'est là l'origine du bor-
nage. Mais n'est-ce pas aussi celle de la
propriété? Et peut-on dire que la propriété
existe avant qu'elle soit matériellement défi-
nie, fixée, limitée? C'est par l'examen de ces
questions que M. Millet a commencé son
étude. Il aborde ensuite le côté pratique, c'est-
à-dire la compétence, les formalités, l'arbi-
trage, l'expertise, etc. Dans l'examen de ce3
points si controversés, M. Millet s'abstient, en
général, de donner une opinion personnelle,
yon livre peut être considéré comme le résumé
des opinions émises par les jurisconsultes
modernes. Chauveau , Carré, Demolombe,
Harel, Curasson, Allain, Solon, Dalloz, Rol-
land de Villargues, Paillet, Frion, Benech,
Fouché, Caron, tous les hommes compétents
sont cités, et c'est leur doctrine que com-
mente et développe M. Millet. La jurispru-
" dence n'est pas oubliée. De nombreuses cita-
tions d'arrêts viennent témoigner de l'intention
bien évidente chez l'auteur de donner h ses
lecteurs des solutions consacrées. Tout en
approuvant chez un jurisconsulte cette ré-
serve et cette modestie, nous devons ajouter
que M. Millet pouvait affirmer plus hautement
son opinion individuelle. Dans certaines par-
ties, où les citations de doctrine lui ont fait
défaut, parce qu'elles contenaient des ques-
tions neuves et non traitées par les auteurs,
M. Millet s'est prononcé avec une certitude
d'esprit, une élévation de pensée et une fer-
meté de jugement qui suffiraient a donner une
grande valeur à son livre.
BORNAGER
BORNAGER v. n. ou intr. (bor-na-jé).
Nayig. Chez les bateliers de la Loire, Piquer
le rivereau et l'appuyer immédiatement sur
le bateau, du côte où il porte, pour le pous-
ser en sens contraire.
BORNEBORNE s. f. (bor-ne — On a dit autrefois
bonde, puis bonnej enfin borne, et ces formes
sont encore usitées aujourd'hui dans plu-
sieurs patois de notre pays. Dans la basse
latinité., on trouve butina, bodula , bodina,
bodena, bonda, signifiant tous borne, limite;
ces mots dérivaient-de buta, boto-onis, bodo-
onis, employés pour désigner une petite
butte, une élévation de terre arrondie que
l'on faisait sur les limites des champs pour
servir de borne. M. Scheler, qui cite DieZj
rapporte ce mot à la racine bod, enflé, qui
nous a donné bouder, boudin, etc. L'anglais
donne en effet bound, dans le sens de limite.
Enfin Jauffret tire ce mot du primitif or,
signifiant horizon, et ayant désigné primiti-
vement les montagnes de l'Orient, et, par
ext., les bornes par excellence, les monta-
gnes). Pierre ou autre marque servant à
indiquer la limite de deux champs contigus:
Planter
y
poser une BOKKI:, des BORNES. Enle-
ver, déplacer des BORNES. Que la BORNE de ton
héritage soit pour toi celle du monde. (Pytha-
gore.) Le grand législateur des Juifs maudit
celui qui change les BORNAS de l'héritage de
son prochain. (Ken.) Vous avez des voisins...
ne déplacez pas leurs BORNES. (Cormcn.) Le
déplacement ou la suppression des BORNES
est un délit puni d'un emprisonnement d'un
mois à un an, et d'une amende dont le minimum
est de 50 fr. Lorsque le déplacement de BOR-
NES a eu pour but de faciliter un vol, la peine
est celle de la réclusion. (C. pénal.)
— Par anal. Limite, frontière d'une con-
trée, d'un pays, d'une division territoriale :
Fixer les
BORNANT
BORNANT (bor-nan) part. prés, du v. Bor-
ner :
Ici, dans un vallon bornant tous mes désirs,
J'achète à peu de frais de solides plaisirs.
BOILEAU.
BORNAIS
BORNAIS s. m. (bor-nè). Agric. Terrain
qui contient de l'argile et du sable.
BORNESBORNES d'un empire. Astracan est la
BORNEBORNE de l'Asie et de l'Europe. (Volt.) Les
BORNESBORNES de l'empire de liussie étaient resserrées
du calé de la Suède. (Volt.)
Près de borne où chaque Eiat commence,
Aucun e"pi n'est pur de sang humain.
BÉRANGER.
fl Limite naturelle qui sépare deux'contrécs
et forme entre elles une sorte d'obstacle :
Les Pyrénées, les Alpes, l'Océan et la Médi-
terranée sont les BORNES naturelles de la
France à l'est, au sud et à l'ouest; sa fron-
tière du nord est purement artificielle.
• — Par ext. Pierre plantée debout et ser-
vant à divers usages, mais dont, la forme rap-
pelle celle que l'on donne le plus souvent aux
pierres qui servent à indiquer les limites des
champs : On plante des BORNES sur les côtés
des portes cochères, pour les préserver de l'at-
teinte des voitures. On trouve encore à Paris
des rues^où des BORNES sont plantées de cha-
que côté tout le long des murs. Autrefois cha-
que angle de maison était protégé par une
• BORNE; l'établissement des trottoirs a rendu
cette précaution inutile. Avec le mérite de
Grotius, on pourrait ici mourir de faim au
coin d'une BORNE. "(Dider.) C'est un ouvrage
pensé dans la rue et écrit sur- une BORNE.
(Rivarol.) J'errais toute la nuit, ou je restais
assis sur quelque BORNE au clair de la lune.
(G. Sand.) Emporté par son cheval, il ne put
s'en rendre maître qu'à deux lieues de là, au
milieu d'un champ, où il a été arrêté par une
BORNEBORNE énorme. (Scribe.) Je vous fais mettre en
jugement, et si l'on vous absout, eh bien! je
vous tue, foi de gentilhomme, au coin de quel-
que
BORNE,BORNE, comme je tuerais un chien enragé.
(Alex. Dum.)
Moi, je hais les cités, les pavés et les ôorne»,
Tout ce qui porte l'homme à se mettre en troupeau,
A. DE MUSSET.
— Général. Limite do l'étendue, de la na-
ture, de l'action ou du pouvoir : Les BORNES
de l'esprit humain. Les BORNES de la raison.
Les
BORNESBORNES du devoir. Passer les BORNES de
son pouvoir, de sa juridiction. Franchir les
BORNESBORNES de la modestie. Aller au delà des BOR-
NES de la bienséance. Se renfermer dans les
BORNESBORNES de ta politesse, du respect. L'ambition
est comme l'espace, elle n'a pas de BORNES.
(Maxime orientale.) L'indéfini est ce qui ne
peut se concevoir comme ayant des BORNES,
(Descartes.) La charité ne sait pas se donner
des
BORNES,BORNES, parce Qu'elle vient d'un esprit
qui n'en a pas. (Boss.) La native connaît ses
BORNES,BORNES, et tout le reste la surcharge. (Boss.)
Il semble que la nature ait prescrit à chaque
homme, dès sa naissance, des BORNES pour les
vertus et pour les vices. (La Rochcf.) Nos
sciences ont de certaines BORNES que l'esprit
humain n'a jamais pu passer. (Fonten.) Cer-
tains philosophes donnent à la puissance de
Dieu les mêmes BORNES que Dieu a données à
leurs connaissances. (Fléch.) Quand on est ar-
rivé aux BORNES de son talent, il faut s'arré'
ter. (Volt.) On a dit d'un grand roi, fameux
dans l'histoire du dernier siècle, qu'il avait
l'esprit court, mais qu'il en connaissait les
BORNESBORNES et savait s'y arrêter. (P~. A"nHr$7)*~Zè~ ~"
inonde réel a ses BORNES ; le monde imaginaire
est infini. (J.-J. Rouss.) Quelles que soient les
BORNESBORNES du cœur, on n'est point malheureux
quand on sait s'y renfermer ; on ne l'est que
quand on veut les passer. (J.-J. Rouss.) On ne
peut rester dans les BORNES de la raison sans
être détesté des gens de parti, Iti prendre un
parti sans so7*tir des limites de la raison.
(Mm* Necker.) Le talent fait disparaître les
BORNESBORNES de l'existence. (M*»
0
de Staël.) L'im-
moralité du cœur est la preuve des BORNES de
l'esprit. (Mme de Staël.) N'ayant jamais em-
ployé mes forces, je les imaginais sans BOR-
NES. (B. Const.) Parvenue au point où elle en
est de nos jours, sans doute l'humanité est ar-
rivée bien haut, mais a-t-elle atteint sa BORNE
infranchissable? (V. Cousin.) Ce besoin a des
BORNESBORNES rationnelles, déterminées par la portée
possible de notre intelligence. (Ch. Nod.) La
vertu semble avoir des BORNES. (P.-L. Cou-
rier.) / / commençait à soupçonner que ta mar-
i guise était l'esclave d'une ambition suns BOR-
1
NÉS. (H. Beyle.) Il y a des philosophes qui
croiraient se discréditer en avouant que leur
, vue a des BORNES. (Taine.) Dieu n'a mis de
BORNESBORNES à ses dons que les BORNES mêmes qui
.les rendent possibles. (Lamenn.) La raison
de l'homme ne souffre pas volontiers qu'on lui
prescrive des BORNES. (Vinet.) Il est des BOR-
NES à la vengeance populaire : il n'en est point
à la vengeance de l'aristocratie. (Bignon.)
Malheur à vous qui par l'usure
Etendez sans fin ni mesure
La borne immense de vos champs.
LAMARTINE.
Dans ses prétentions une femme est sans bornes.
BOILEAU.
Ne donne point de ôorue &, ma reconnaissance,
RACINE.
— Passer, dépasser, franchir les homes,
soj'tir des bornes, Aller trop loin, aller au delà
de ce qui est juste,permis ou convenable;
Ah ! ceci PASSE LES BORNES, s'écria la comtesse
• en interrompant avec vivacité. (Méry.) La re-
ligion était évidemment une deschoses à l'égard
desquelles la Révolution AVAIT DÉPASSÉ toutes
les
BORNESBORNES justes et raisonnables. (Thiers.)
Quiconque a pu franchir les bornes légitimes,
Peut violer aussi les droits les plus sacrés.
RACINE.
Ose franchir des bornes importunes :
Va, cours tenter des routes moins communes.
J.-B. .ROUSSEAU.
Ah! le mauvais garnement!
Sans respect il sort des bornes.
BÉRANGER.
— Fig. Homme dépourvu d'activité ou en-
nemi du progrès.* C'est une BORNE, une vraie
BORNE,BORNE, II S'est dit, surtout sous Louis-Phi-
lippe, des députés ministériels qui votaient,
en tout et toujours, pour le gouvernement ;
Cet homme, ancien bonnetier, était une des
BORNESBORNES de la chambre. (Balz.) Il existe au
sein du parti conservateur , dans la Chambre-
des députés (18-U), un petit nombre d'ultras
improprement appelés BORNES, car les BORNES
servent et ne s'agitent pas. (E. de Gir.)
— Fam. La borne, La rue, la place publi-
que : Pérorer sur LA BORNE. Le jour où la sa-
gesse placera sa chaire sur UNE BORNE, je
croirai au salut du peuple. (Béranger.) Sa
pauvre femme est réduite à travailler pour
toute sorte de monde, le monde de LA BORNE.
(Balz.) Clabauder contre les aristocrates, c'est
bon au club ou sur LA BORNE. (E. Sue.)
— Bornes milliaircs, Pierres qui, sur les voies
romaines, marquaient chaque distance de
mille pas. u Bornes kilométriques, Pierres qui,
sur nos grandes routes, servent à indiquer
les distances en kilomètres. II Bornes commu-
nales, Colles qui limitent, entre deux com-
munes contiguës, les terrains communaux,
tels que bois, pâturages, bruyères, ma-
rais , etc., afin d'éviter toute contestation
entre les habitants, il Bornes militaires, Celles
qui déterminent les limites des terrains mi-
litaires, et des terrains soumis aux servitu-
des militaires.
— Loc. fam. Il est là planté comme une
borne, Il ne bouge pas plus qu'une borne, Se
dit d'un homme qui se tient debout et im-
mobile.
— Bornes-fontaines, Petites fontaines en
forme de bornés, et presque toujours en fonte,
établies dans quelques villes pour fournir
l'eau nécessaire à la propreté de la voie pu-
blique, et même aux usages domestiques
des particuliers : On a remplacé, à Paris,
beaucoup de BORNES-FONTAINES par des bou-
ches d'eau à fleur de sol. Les BORNES-FONTAINES
sont très-rares dans les quartiers nouvellement
annexés à la capitale. (L.-J. Larcher.)
— Ponts et chauss. et Agric. Borne-repère
t
Pierre taillée ou pièce de fonte portant le
plus souvent une indication appelée repère,
et servant soit à déterminer un niveau, soit "
127
1010 . BORN
à. retrouver un objet enfoui sous le sol on un
point conventionnel qui n'a pas de trace sur
le terrain : Dans l'opération du drainage, il
est bon d'établir des BORNES -REPÈRES, pour
retrouver au besoin, sans tâtonnement, les
tubes qui ne fonctionnent pas d'une façon conve-
nable.
— Techn. Carreau de vitre en forme de
losange.
— Antiq, Grande pierre plantée debout à
l'extrémité de la carrier^ et autour de la-
quelle les coureurs tournaient pour revenir
sur leurs pas, un nombre de fois déterminé.
-—^-Syiiï 'Borne, limite, terme. Les bornes
sont des obstacles placés par la nature ou
par les hommes, pour empêcher d'aller au
delà. Les limites sont des lignes tracées pour
marquer l'étendue dans laquelle il faqt se
renfermer. Terme s'emploie le plus souvent
au singulier; c'est le point où il faut s'arré--
ter : La mort est le TERME où aboutissent tous
les desseins des hommes. (Bourd.) Numa fit
une divinité de toutes les BORNES oui mar-
quaient les LIMITES des champs; dès lors on ne
crut pas pouvoir les reculer sans devenir sa-
crilège, (Cond.)
BORNÉ,
BORNÉ, ÉE (bor-né) part. pass. du v.
Borner. Limité, qui a certaines bornes spé-
cifiées : La France est BORNÉE au midi par les
Pyrénées. L'empire romain était BORNÉ par le
Jihhu Ma propriété est BORNÉE par un cours
d'eau, il Dont les propriétés sont limitées
;
ont certaines bornes spécifiées : Je suis BORNE
au midi par un cours d'eau, par un sentier,
par une propriété communale.
— Réduit, restreint, renfermé dans cer-
taines limites : Mes besoins sont BORNÉS.
A cinq cents louis d'or, tout au plus, chaque année,
Sa dépense en habits n'est-clle pas bornée ?
BOILBAV.
. — Qui renferme son action, sa pensée ou
ses vœux dans certaines limites: Appellerai-je
homme d'esprit celui qui est BORNE OU ren-
fermé dans quelque art, ou même dans une
certaine science. (La Bruy.)
Les dieux me sont témoins qu'a vous plaire bornée.
Mon àme à tout son sort s'était abandonnée.
KACIKS.
— Absol. Restreint dans ses dimensions;
peu étendu : Un espace BORNÉ. Une vue BOR-
NÉE de tout côté, n Veu considérable : Des res-
sources BORNÉES. Une fortune BORNÉE.
Dans la rapidité d'une course bornée,
Sommes-nous assez sûrs de notre destinée
Pour la remettre au lendemain.?
J.-B. ROUSSEAU.
il Limité dans son action ou dans sa nature :
Une autorité BORNÉE. Un esprit BORNÉ. Des
fîtes BORNÉES. Une intelligence BORNÉE. Athè-
nes eut une existence extrêmement BORNÉE, en
comparaison de Lacédémone. (Machiavel.) La
plupart des esprits n'ont que des lumières
BORNÉES. (Nicole). La politique qui ne con-
siste qu'à répandre le sang est fort BORNÉE.
(La Bruy.) La réputation ta plus étendue est
toujours rrès-uoRNÉE. (Duclos.) L'homme a
reçu une vue trop BORNÉE pour soutenir ses pré-
tentions à ta science universelle et divine.
(Sylv. Maréch.) La nature matérielle est beau-
coup plus BORNÉE que la nature morale, soit
pour jouir, soit pour souffrir. (S t-M arc-Girard.)
Les esprits BORNÉS font une maxime, une règle
générale de chaque idée particulière. (Miclie-
ïet.) Etres BORNÉS, nous cherchons sans cesse
à donner le changea ces cuisants et insatiables
désirs qui nous consument. (G. Sand.) Mon en-
tendement BORNÉ ne conçoit rien sans bornes.
(V. Cousin.)
Kos arts semblent bornés, et nos travaux timides.
DELILLE.
L'horizon du critique est toujours si borné!
FRANC. DE NEUCJIATEAU.
Borné dans sa nature, infini dans ses vœux,
L'homme est un dieu tombé qui se souvient des cieux.
LAMARTINE.
H Qui manque d'intelligence, de capacité, de
largeur dans les vues ou les idées: Un homme
BORNÉ. Cette femme est fres-BORNÉÊ. Quel en-
fant
BORNE
BORNE (Claude-François), sculpteur fran-
çais, né au Orouzet (Doubs) en 1759, mort à
ÏJijon en 1834. 11 eut pour maître François 13e-
vosge. Le musée de Dijon a de lui un bas-relief
allégorique en terre cuite.
BORNÉBORNÉ ! L,a plupart des législateurs ont
été des hommes CORNES, que le hasard a mis à
la tête des autres, et qui n'ont consulté que
leurs préjugés et leurs fantaisies. (Montcsq.)
C'était l homme le plus BORNÉ et le moins ha-
bile qu'il y eût au monde. (G. Sand.) Plus une
personne est BORNÉE, plus elle est portée à
contrarier les autres. (Vanièrc.)
— Poét. Horizon borné, Milieu étroit, so-
ciété de gens dont les pensées et les senti-
ments manquent de largeur ou d'élévation :
Quitter ainsi Paris, le monde qui vous fête,
Pour l'horizon borné de notre maisonnette.
DUMAKOIR.
— Antonymes. Illimité, indéfini, infini.
BORNÉÈNE
BORNÉÈNE s. f. (bor-né-è-ne — rad. hor-
nëen). Pharm. Huile volatile et incolore, qui
constitue la partie liquide du camphre de
Bornéo.
ItORNEIL (Giraud D E ) , troubadour d e l à
fin du xnc siècle, né àExcideuil. Dante parle
de lui dans son Purgatoire, et, tout en lui re-
connaissant du talent, il le met au-dessous
d'Arnaud Daniel, son contemporain. Nous
possédons de Borneil quatre-vingt-deux piè-
ces, qu'il n'est pas toujours facile de com-
prendre. On dit qu'il est le premier qui ait
donné le nom de chanson à quelques-unes de
ses compositions poétiques.
BORNÉEN,
BORNÉEN, ENNE s. et adj. (bor-né-ain, è-
ne). Géogr. Habitant do l'île de Bornéo ; qui
appartient à cette île ou à ses habitants : Les
BORNÉENS. LCS ii[H(7UeSBORNÉENNES.
— Encycl. Linguist. Les langues bornéennes
forment un groupe appartenant vraisembla-
blement h. la souche malaise, et sont parlées
dans l'Ile de Bornéo, la plus grande du monde
après la Nouvelle-Hollande, par deux races
bien différentes-* la première se compose de
BORN
nègres à cheveux frisés, qui paraissent être
les habitants primitifs de n i e , dont ils occu-
pent principalement le centre ; ils portent
les différents noms de Biadjous {Biajos), Ca-
rats, Dayaks, etc.; la seconde race comprend
des hommes au teint plus clair, aux cheveux
longs et lisses, appelés Bânjarèses, du nom
du fleuve Banjar, et habitant de préférence
les côtes. D'après quelques mots recueillis par
Rademaker, on est en droit de croire que ces
deux races parlent deux langues extrêmement
différentes. Parmi les idiomes bornéens, on
distingue les quatre suivants : le biadjou, le
tedong ou tirun, le haraforas ou idan et le
banjarèse, qui est le plus connu de tous. Sur
dix-sept mots banjarèses, on en a trouvé trois
d'origine malaise, et deux d'origine javanaise:
matin, en banjarèse esug-esug ; en malais esuk;
— nuit, en banjarèse malang ; en malais ma-
lam; — eau, en banjarèse banjou; en javanais
banjo.
Les habitants de Bornéo sont en partie ido-
lâtres, en partie musulmans. Les uns font
du commerce, les autres exercent la pirate-
rie j quelques tribus sont assez industrieuses,
mais la plupart sont farouches et sauvages,
et plusieurs voyageurs les accusent d'anthro-
pophagie.
BORNEMANN
BORNEMANN (Mathias-Hastrup), juriscon-
sulte danois, né en 1776, mort en 1840. Par-
tisan des idées de Fichte et de Kant, il s'a-
donna surtout à l'étude de la philosophie du
droit, et obtint une chaire de jurisprudence à
Copenhague. Parmi ses ouvrages, nous cite-
rons : De la visite des vaisseaux et convois
neutres (1801); De analogia juris cumspeciali
ad jus danicum respeetu (1815); le Droit uni-
versel (1832).
BORNEMANN
BORNEMANN (Wilhelm), jurisconsulte et
magistrat prussien, né en 179-i en Poméranie,
mort à Berlin en 18G4. Conseiller supérieur
au ministère de la justice, puis membre et se-
crétaire du conseil d'Etat, il se montra assez
favorable aux idées de réforme; il devint en
1848 ministre de la justice dans le cabinet
Camphausen, puis fit partie de l'Assemblée
nationale, dans les rangs de la droite, et se
sépara de ses amis après le coup d'Etat du
9 mai 1848. Nommé en 1849 second président
du tribunal supérieur de Berlin, il fut appelé
a siéger à la première chambre, où il prit une
position neutre. On a de lui quelques études
de jurisprudence : Des afj'aires judiciaires en
général et des contrats en particulier, d'après
les lois prussiennes; Exposition systémati-
que du droit civil en Prusse (2c éd., 6 vol.).
BORNÉO,
BORNÉO, grandeîle de l'Océanie (Malaisie),
dans l'archipel de la Sonde, appelée aussi
Varouni ou Klematan par les indigènes, par
4o io' lat. S. et 7° lat. N., et 1070-1170 20'
long. E.;située sous l'équateur,au N.de Java,
à l'O. de Célèbes, et au S.-O. des Philippines;
baignée au S. par la mer de Java, h l'E. par
la mer de Célèbes, *a N. et à l'O. par la mer
de Chine. Longueur, du N.-E. au S.-O.,
1,200 kilom.; largeur, 5G0 kilom. Superficie,
075,000 kilom. car. La population, évaluée à
4,000,000 d'habitants, se compose de plusieurs
races distinctes : les Malais, les plus nom-
breux, habitent surtout les côtes; les Papous,
les Dayaks. peuplades sauvages, habitent l'in-<
teneur de 1 île et n'ont presque aucun rapport
avec les autres habitants ; le reste de la popu-
lation est composé d'Indous, de Bougis, de
Chinois et d'Arabes. La partie centrale de
l'île, peu connue, paraît occupée par des
chaînes de montagnes qui rayonnent vers les
eûtes. Les montagnes du nord, les seules sur
lesquelles on possède des notions exactes,
abondent en cristal de roche, ce qui les a fait
nommer par les Hollandais Monts Cristallins;
le point culminant est le Kini-Balou, qui
s'élève à 3,250 m. Du centre de l'île sortent
aussi les divers cours d'eau qui l'arrosent, et
dont les principaux sont : îe Banjermassing,
le Cappouas. le Pontianak, le Sambass et Te
Succadana. Plusieurs lacs , parmi lesquels le
Kini-Balou, au pied de la montagne .du même
nom, est le plus considérable de l'Océanie,
et le Danao-Malayou, dans la partie centrale,
complètent le système hydrographique de cette
contrée.
Les côtes, ne présentant que des sinuosités
peu profondes, offrent cependant des ports
spacieux et commodes, surtout à l'O. et au S.
Les caps les plus importants sont: les caps
Dati, Sisar et Balam à l'O.; le Sambas, le Sa-
latan et la pointe Platte au S.; le Kenneun-
gau et le Sanpanmang a, l'E.
—Climat, productions. Quoique située sous la
ligne équinoxiale, l'île de Bornéo n'éprouve
pas des chaleurs insupportables; les brises de
mer et des montagnes, et, depuis novembre
jusqu'en mai, les pluies continuelles y rafraî-
chissent l'atmosphère. Les variations du ther-
momètre sont peu sensibles : il ne descend
BORN
guère au-oessous de 280 centigrades, et s'élève
rarement au-dessus de 350. Les parties voi-
sines de la côte sont humides, marécageuses
et très-malsaines, surtout pour les Européens,
qui n'évitent que très-rarement ladyssenterie,
les fièvres, la jaunisse et le choléra.
Bornéo est riche en minéraux précieux.
Dans les crevasses des rochers, dans le sable
des rivières, mais surtout dans une terre jau-
nâtre mêlée de cailloux, on trouve les plus
gros et les plus riches diamants. C'est sur le
territoire des Chinois, du côté de Landak,
qu'on a trouvé le plus gros diamant connu;
il pèse brut 307 carats, et appartient au rajah
de Matan. Dans presque toutes les-parties de
l'île, et notamment dans les Etats de l'ouest,
on exploite d'abondantes mines d'or, dont les
gisements sont presque à la surface du sol.
La plus importante de toutes ces exploitations
est celle de Moutradock, qui a produit autre-
fois jusqu'à 2,730 kilogr. par an. Des mines
de cuivre, de fer, d'étain existent en diffé-
rents endroits; on y trouve aussi l'aimant na- 1
turel et l'antimoine. j
Quant aux productions végétales, elles sont t
nombreuses, variées , et dénotent une remar- ,
quable fertilité du sol. Outre d'immenses fo- 1
rets, riches en bois d'ébénisterie et autres .
bois précieux, tels que : bois de fer, tek, '
ébène, batu, bois de teinture, on y rencontre •
en abondance le muscadier, le sagou, le cam- !
phrier, le cannellier, le citronnier, le bétel, le
poivre, le gingembre, le bambou et la canne j
a sucre. On y récolte aussi des crains, du rà, |
des patates, de l'igname et du coton. Le règne '
animal n'est pas moins riche: dans la partie :
N. de l'île, il offre l'éléphant, le rhinocéros et '
le léopard; le bœuf et le cochon sauvages j
vivent dans les forêts ; de nombreuses espèces î
de singes, et parmi elles l'orang-outang, peu- ;
plcnt toutes les parties de l'île. Le cheval, le
porc, la chèvre, la brebis et le chien sont les '
principaux animaux domestiques. On y trouve j
encore des cerfs en très-grand nombre, des !
ours d'une petite espèce, le tapir, la salan- \
gane, l'abeille et le ver à soie. Sur les côtes,
on pèche la baleine, le cachalot, le phoque, I
plusieurs espèces de poissons, des crustacés, '
même l'huître à perles. ,
Les produits de Bornéo sont l'objet d'un j
commerce considérable avec la Chine, Singa- j
pour et les ports de la Malaisie néerlandaise.
Les Malais exportent les productions de l'île; >
les Hollandais, les Anglais et les Chinois im-
portent de l'opium, du thé et quelques produits '
manufacturés.
Bornéo est partagée en un grand nombre de
petits Etats, les uns vassaux des Hollandais,
les autres indépendants. Les possessions hol-
landaises forment deux résidences, qui tirent
leur nom de leur situation : la résidence de la 1
côte. Ouest, dont le chef-lieu est Pontianak, |
et qui se compose de la sultanie de Pontia- |
nak, de l'Etat de Sambas, des pays de Mon- j
pawa, de Landak, de Sangou, de Matan, etc.;
la résidence de la côte Sud-Est, dont le chef-
lieu est Banjermassing, et qui comprend plu- •
sieurs pays peu importants et peu connus. '
Les principaux Etats indépendants sont ceux '
de Bornéo, sur la côte N.-O.; de Cotti, sur la
côte E., et les possessions du sultan de Sou-
lou, qui s'étendent sur toute la partie N.-E. .
de l'île. L'île de Bornéo fut découverte _en ;
1518 par les Portugais, qui ne purent s'établir ;
qu'en 1690 à Banjermassing, d'où ils furent
:
bientôt chassés par le meurtre et la trahison. ;
Les Hollandais réussirent à conclure un traité i
de commerce avec le souverain de Banjer- j
massing en 1643. Ils bâtirent un fort, établi- j
rent une factorerie près du village de Tatis, !
créèrent d'importantes relations commerciales j
avec la côte occidentale de l'île, et parvinrent ;
en 1780 à se faire céder une partie de l'île ,
par le roi de Bantan, dont elle relevait. En- j
fin, en 1823, ils fondèrent leur établissement >
de Pontianak, et s'emparèrent de territoires !
importants au S.-O. de l'île. Les Anglais, qui,
l
de 1702 à 1774, avaient inutilement tenté de i
former des établissements à Bornéo, ont réussi \
dans ces derniers temps à s'emparer d'une
partie du territoire sur la côte N.-O. En 1840,
ils ont bombardé Bornéo et fait un aifroux
carnage de la population. Le sultan, contraint
do céder à toutes leurs exigences, leur a
abandonné l'importante île de Laboan, à l'en-
trée de la baie de Bornéo. En 1860, les co-
lonies chinoises établies à l'embouchure du
Sambas, à Taijkonk et à Pamongkat se sont
révoltées contre les Hollandais, qui les avaient
accueillies et protégées; mais, après une
courte et sanglante guerre) elles ont reconnu
l'autorité néerlandaise.
Les habitants de la partie de l'île Bornéo
nommée Sarawak, les Dayaks, possèdent des
légendes cosmogoniques et religieuses extrê-
mement curieuses; nous citerons, entre autres,
la tradition suivante, consignée dans une com-
munication faite à la Société d'ethnologie de
Londres : « Au commencement, disent-ils (les
Dayaks), il n'y avait que des solitudes peuplées
d'âmes sans formes apparentes, sans corps
et sans membres. La Divinité, qui chevauchait
dans l'espace, montée sur un taureau, chargea
deux grands oiseaux de pétrir l'air jusqu'à ce
qu'ils eussent fait la terre, les montagnes, les
rivières. Ensuite ils firent les arbres: puis ils
essayèrent de faire les hommes; mais, ayant
pris pour cela des blocs qu'ils sculptèrent, ils
ne produisirent que des statues. Alors ils pri-
rent de la terre, la délayèrent et modelèrent
un homme. Quand ils lui parlèrent, il répon-
BORN
dit; quand ils lui ouvrirent les veines, il en
sortit du sang. Après un certain temps,
l'homme devint une femme, qui donna nais-
sance à une nombreuse progéniture, laquelle
parcourut les mers et les fleuves sur des ba-
teaux munis de voiles. Jusque-là le ciel avait
été si proche de la terre, que les-hnmiws
pouvaient le toucher avec la main. » Rien de
plus fantastique et de plus enfantin en même
temps que ce récit de la création de l'homme
et de la femme. Seulement, un fait extrême-
ment curieux , c'est cette singulière analogie
ue présente la ïégende sauvage avec Ja tra-
ition biblique sur la matière première avec
laquelle fut fait l'homme : la terre, le limon,
Yadama ou terre rouge de la Genèse. Aussi,
des auteurs, s'appuyant sur l'identité de
croyances à ce propos, qu'on retrouve à la
fois chez les anciens Perses, dans l'Inde, en
Chine, à Taïti, à Bornéo, pensent qu'il n'y a
pas là simultanéité fortuite, mais que ces
peuples ont conservé sous des formes dilï'é-
rentes un mythe typique, ut ne l'ont pas indi-
viduellement inventé. M. l'abbé de Barrai
insiste même sur certains points qui se rap-
prochent particulièrement du récit biblique -
« L'action singulière, dit-il, d'ouvrir les veines
de l'homme après sa création ne rappellerait-
elle pas l'action de Dieu ouvrant le flanc
d'Adam pour tirer une de ses côtes?.... Dans
ces oiseaux qui pétris.sent l'air et qui en for-
ment la terre, n'y a-t-il pas un souvenir do
l'esprit de Dieu planant sur les eaux, et cou-
vant pour ainsi dire le monde qui va
édore,etc.?...» Ces rapprochements, que nous
soumettons à nos lecteurs sous toutes réserves,
nous semblent au moins ingénieux, sinon
scientifiquement démontrés.
BORNÉO,
BORNÉO, fleuve de l'Océanie, dans l'île de
Bornéo et dans le royaume du même nom. Il
prend sa source dans la chaîne principale des
monts Cristallins, se dirige du S. au N. et se
jette dans l'Océan, après avoir reçu un
grand nombre de petites rivières, et avoir '
parcouru une distance de près de 390 kilom.
BORNÉO,
BORNÉO, royaume de la Malaisie, dans la
partie N.-O. de" l'Ile du même nom; sa lon-
gueur, du N.-E. au S.-O., est à peu près de
500 kilom.; la capitale s'appelle aussi Bornéo.
C'est l'Etat indépendant le plus peuplé de
l'île ; plusieurs rajahs sont tributaires de co
royaume, dont le gouvernement est despo-
tique.
BORNÉO,
BORNÉO, ville de la Malaisie, dans l'île de
son nom , capitale de l'Etat de Bornéo, à
l'embouchure d'un fleuve qui porte aussi le
même nom. Elle compte 50,000 hab., et con-
tient plus de 4,000 maisons, les unes bâties
sur pilotis, les autres placées sur des radeaux,
ce qui donne à cette ville un singulier aspect.
Les rues sont de petits canaux, et les maisons
communiquent ensemble par des ponts de
bois. La ville de Bornéo est le centre d'un
commerce important avec Singapour, là
Chine et plusieurs ports de la Malaisie. Les
articles d'exportation sont les bambous, les
nids d'hirondelles, le camphre et le poivre.
BORNERBORNER un champ. BORNER un pré. il Servir de
borne, de limite, de frontière à, être contigu
à : Le 6015 BORNE sa propriété. La rivière BOR-
NAIT mon jardin. La mer et les A Ipes BORNENT
l'Italie. (Acad.) Le Rhin BORNAIT l'Empire ro-
main. (Encycl.)
L'Euphrate bornera son empire et le vôtre.
RACINE.
Le pré de Jean Claveau borne au midi le nôtre.
PONSARD.
it Etre contigu; avoir une propriété conti-
guë, servant de borne à la propriété de : Il
acheta la pièce de terre qui le BORNAIT au cou-
chant. Pierre me BORNE au midi, et son frère
au nord. 11 Mettre fin à :
La mort seule borna ses travaux éclatants.
HACJNE.
— Fig. Arrêter, restreindre, circonscrive .•
BORNER
BORNER v. a. ou tr. (bor-nô — rad. borne).
Mettre des bornes à, marquer les limites de :
BORNERBORNER là son discours, son allocution. BOR-
NER l'enseignement à l'étude de la tangue et
de l'arithmétique. BORNKR son ambition'. BOR-
N E R A S désirs, ses espérances, ses prétentions.
Dieu ne CORNE tant les esprits que l'admira-
tion excessive des anciens. (Eontcn.) Une
femme d'honneur doit se mêler de son intérieur,
et
BORNERBORNER sa politique à la conversation avec
quelques amis. (M
ine
Campan.) Philippe-Au-
guste ne BORNA pas son activité à l'extension
de son pouvoir, au soin des intérêts directs et
personnels de la royauté. (Guizot.) Quiconque
BORNEBORNE notre liberté nous doit compte du profit
qui nous reoient de la contrainte à laquelle il
nous soumet (Mme Guizot.) Les lois qui BOR-
NENT les échanges sont toujours nuisibles ou
superflues. (Bastiat.) / / est des gens gui BOR-
NENT leurs succès à nuire à ceux a autrui.
(Petit-Senn.) Tous les princes de l'Europe, te
pape excepté, BORNENT leurs vues aux choses
de ta terre, et font sagement. (About.)
Ne borne point ta gloire à venger un affront.
CORNEILLE.
Qui borne ses désirs est toujours assez riche.
VOLTAIRE.
Je borne tous mes soins à me guérir moi-même.
DESTOUCHES.
Le vrai sage est celui qui sait boîtier ses vœux.
VIOÉE.
Jamais un favori ne borne sa carrière;
11 île regarde pas ce qu'il laisse en arrière.
LA FONTAINE.
— Hortic. Borner une plante, Rapprocher
BORN
la terre avec le plantoir autour des racines,
lorsqu'on veut la repiquer.
Se borner v. pr. Etre borné, réduit, ren-
fermé dans certaines limites : Tout SE BORNA
à quelques paroles un peu vives. Cette affaire
ne devrait pas SE BORNER là. Il Se limiter, se
renfermer dans certaines bornes, ne pas les
dépasser : SE BORNER au strict nécessaire. Les
astronomes SE BORNENT à rendre raison des
apparences. (Mass.) Tous nos soins devraient
SE BORNER à connaître la vérité. (Mass.) Je ME
BORNE
BORNE à vous dire simplement les faits. (Volt.)
Les abstraction&hnathématiques ne sont utiles
qu'autant qu'on ne s'y BO-RNE pas. (D'Alemb.)
Toutes nos leçons de religion SE BORNAIENT
pour ma mère à être religieuse devant nous et
avec nous. (Lamart.) 5 / l'on veut être heureux,
il faut SE BORNER an présent. (Balz.)
— Absol. Se modérer : Il faut savoir SE
BORNER.
Qui ne sut se borner ne sut jamais écrire.
BOILEAU.
— Réciproq. Servir délimite l'un à l'autre :
S'il est des contraires dans l'ordre et l'arran-
gement de l'univers, ce sont ces différents de-
grés de force qui SE BORNENT les uns les autres.
(BoulainviUcrs.)
UOUNET (Jacques), poëte qu'on pourrait
appeler le dernier des troubadours français.
Son enfance et sa jeunesse s'écoulèrent tout
entières dans une pauvreté qui était presque
la misère. Il devint poëte par l'inspiration,
sans avoir jamais étudié. A vingt-huit uns, il
perdit la compagne de sa vie et resta chargé
de quatre filles, qui sont poètes comme leur
père. En 1861, après avoir parcouru presque
tous nos départements, en donnant cfans les
principales villes des séances où U récitait
d'un ton inspiré ses poésies et celles de ses
filles, il vint à Paris et tint, dans la salle des
conférences, rue de la Paix, plusieurs séances
du même genre, où il obtint de vifs applau-
dissements. Les principaux journaux ren-
dirent justice à son mérite et reconnurent en
lui un vrai poiite. Il a publié deux recueils in-
titulés les Filles de la terre, et l'Académie
française lui a décerné deux prix.
BOltN'HEM, bourg de Belgique, prov. et à
28 kilom. S.-O. d'Anvers,'arrond. de Malines,
près de la rive droite de l'Escaut; 4,043 hab.
Le centre du territoire de cette commune est
occupé par. un vaste marais de 92 hectares
d'étendue, qui fournit une assez grande quan-
tité de tourbe. Fabrication de toiles, blanchis-
series, eorderies; commerce de grains, lin et
toiles.
BOKNHOI-VED
BOKNHOI-VED ou lîOHNHÛVED ou BORN-
ll/îiî'T, bourg du Holstein, à 28 kilom. S. de
Kicl, bailliage et à 10 kilom. O. de Plœn. Au
moyen âge, les prélats, les chevaliers et les
représentants des villes du Holstein tenaient
leurs assemblées en plein air dans ce village.
C'est près de Bornhœved que le roi de Dane-
mark Waldemar II fut défait par Adolphe IV,
comte de Holstein, en 1227; c'est là encore
que les Danois vainquirent les Suédois le G dé-
cembre 1813.
BORNHOLM
BORNHOLM (Boringia), île du Danemark,
dans la mer Baltique, à 40 kilom. E. de la
pointe S.-E. de la Suède, et à 140 kilom. E.
de Seeland, par 120 25' long. E. et 55« lat. N.
Elle a 39 kilom. de l'E. à l'O., sur 18 kilom. du
N. au S. Superficie, G00 kilom. carr.; 2S,950 h.,
ch.-l. Rœnne. Cette île, dont les côtes, d'un
accès difficile à cause des bancs de sable et
des brisants, forment une' ceinture presque
continue de falaises à pic, est arrosée par de
nombreux cours d'eau; elle est peu boisée,
mais elle donne de belles récoltes d'avoine, de
lin et de chanvre ; on y élève un nombreux
bétail et de beaux chevaux. Au peint de vue
pittoresque, l'Ile de Bornholm est une des plus
belles parties du Danemark. Son sol est.fé-
cond, ses eaux poissonneuses, ses bois riches
en gibier •, l'eidcr, au précieux duvet, y abonde
sur îes côtes orientales. On trouve aussi dans
l'île du minerai de fer et de cuivre, des pyrites
de soufre, de la houille, du quartz, du mica,
du feldspath, du granit, du gneiss; un grès
imperméable, et comme tel, recherché pour
la construction des forteresses; une chaux qui,
brûlée, produit un ciment indestructible, et
mêlée à do l'ardoise, un marbre bleu ou noir
d'un très-bel eJl'et; une terre argileuse excel-
lente pour la porcelaine; une autreiirgile pour
la faïence et la poterie communes. Citons en-
core les cristaux de roche dits diamants de
Bornholm, que Pline l'Ancien mentionnait déjà
avec éloge.
L'île de Bornholm entretient un mouvement
de navigation assez actif. Chaque année, elle
envoie près de 300 pêcheurs dans l'océan
Septentrional, pour la pêche du phoque. Sa
Hotte marchande compte 131 bâtiments jau-
geant 4,800 tonneaux. Du reste, son exporta-
tion ne franchit guère les parages de la Bal-
tique et de la mer du Nord. Quant à son
industrie, outre la fabrication des faïences,
des poteries, celle des horloges, qui sont très-
estimées, et l'exploitation des principales ma-
tières premières citées plus haut, elle com-
prend encore la pèche et les constructions
maritimes. Le chantier de Rœnne est le plus
considérable de tout le Danemark. N'oublions
pas l'industrie domestique, c'est-à-dire le tis-
sage, qui se fait en famille. Cette industrie oc-
cupe près de 2,000 métiers.
Bornholm ne possède aucune place forte ;
n i e est considérée comme formant elle-même
BORN
une forteresse naturelle, dont la garde est
confiée» à la bravoure et au patriotisme des
habitants. Ceux-ci, par conséquent, sont
exempts du service ordinaire de l'armée; ils
composent une sorte de milice citoyenne, af-
fectée exclusivement à la localité, et d'un ef-
fectif de 5,700 hommes. En 1809, la milice de
Bornholm opposa une vive résistance aux An-
f
lais, qui pourtant finirent par s'emparer de
île.
Sous le rapport ecclésiastique, Bornholm se
divise en 21 paroisses et relève de l'évoque
de Seeland ; sous le rapport civil, elle forme
une préfecture, un centre médical, un inspec-
torat de douane ; elle se partage, en outre, en
Il districts ou bailliages judiciaires et en
3 arrondissements électoraux, dont 1 pour le
landstliing et 2 pour le folkethiny, les deux
chambres du rigsdag ou diète du royaume.
Jusqu'à la fin du.ixc siècle, Bornholm eut
ses rois propres. Gorm le Vieux, fondateur
de la monarchie danoise, la réunit au Da-
nemark, auquel elle n'a pas cessé d'appartenir
depuis.
BORNIIOVED. V. BORNHŒVED.
BORNIER
BORNIER (Nicolas), sculpteur français, né
à Bourberain (Côte-d'Or) en 1762, mort à
Dijon en 1829. Il se forma à l'école de cette
dernière ville, sous la direction de François
Devosge, fut envoyé à Rome en 17S9, comme
pensionnaire des états de la province de
Bourgogne, et revint quelques* années après
à Dijon, où il fut nommé professeur de sculp-
ture à l'Ecole des beaux-arts, fonctions qu'il
conserva jusqu'à l'époque de sa mort. Le
musée de Dijon a de lui une copie en marbre
de Y Antinous du Belvédère, un groupe en
î terre cuite représentant le Grand Condé à la
bataille de Senef, le buste en marbre du prince
de Condé (1818), et le modèle en plâtre du
mausolée de Pierre Odebert et d'Odette Mail-
lard, sa femme, monument exécuté en 1812,
dans l'hospice Sainte-Anne.
BORNIER
BORNIER (Philippe), jurisconsulte et ma-
gistrat français, né à Montpellier en 1634,
mort en 1711. Il fut lieutenant particulier
au présidial de.sa ville natale, et présida
les assemblées synodales du Languedoc jus-
qu'à la révocation de redit de Nantes. Il pu-
blia : Conférence des nouvelles ordonnances de
Louis XIV avec celles de ses prédécesseiws
(Paris, 1G78, in-4°), ouvrage qui eut un grand
nombre d'éditions; Stephani îianchini miscel-
lancq decisionum seit resolutionum juris, cum
notis Bornerii (Genève, 1707, in-fol.), et deux
Traités sur les donations et sur les légitimes,
qui sont restés manuscrits.
BORNIER
BORNIER (Henri, vicomte DE), poëte fran-
çais, né vers 1825. Successivement sous-bi-
bliothécaire à la bibliothèque Sainte-Gejm-
viève et conservateur à la bibliothèque do
l'Arsenal, il débuta dans la poésie par une
pièce de vers intitulée Dante et Béatrice, et
se fît connaître du public en donnant à l'ûdéon,
à l'occasion de l'anniversaire du plus grand de
nos tragiques, une scène en vers, intitulée la
Muse de Corneille (1854). Quatre ans plus
tard, M. Bornier concourait pour le prix de
poésie proposé par l'Académie française sur
ce sujet la Guerre de Crimée. Depuis cette
époque, il a concouru presque constamment
pour le même prix, et il est devenu en quelque
sorte le lauréat en titre de la célèbre compa-
gnie. C'est ainsi qu'après avoir obtenu" en
1859 une mention honorable pour sa pièce : la
Sœur de charité au xix
c
siècle, il a remporté
le prix en 1861 et 1863 avec ses deux compo-
sitions poétiques XIsthme.de Sues et \& France
dans l'extrême Orient. M. de Bornier a les
qualités «honnêtes et modérées » du genre aca-
démique, qu'il cultive aujourd'hui avec un suc-
cès égal à celui de M"i« Louise Colet.
BORNOS,
BORNOS, petite ville d'Espagne, prov. et à
72 kilom. N.-E. de Cadix, sur la n v e droite
du Guadalete; 5,500 hab. Fabriques de tissus
de fil et de coton, de savon, huile; source
thermale.
BORNINE
BORNINE s. f. (bor-m-ne — de Boni, n. pr.).
Miner. Tellurure naturel de bismuth.
— Encycl. On ne sauvait assigner à la bor-
nine une composition chimique constante. Le
bismuth et le tellure étant isomorphes peu-
vent cristalliser ensemble en proportions quel-
conques. La forme cristalline de la bornine est
le rhomboèdre aigu; sa densité est égale à
| 7,5, et sa dureté est représentée par 1,5. C'est
une substance d'un gris de plomb tirant par-
fois sur le blanc de l'étain. Il en existe plu-
sieurs variétés, dont la plus intéressante est
la bornine argentifère désignée longtemps ,
mais à tort, sous le nom d'argent molybdique;
on la trouve à Deutsch-Resen en Hongrie. La
bornine est une substance très-rare. On l'a ob-
servée en Hongrie, au Brésil, en Norvège et
en Suède.
BORN1TIUS (Jean-Ernest), hébraïsant al-
lemand, né en 1622 à Meissen, mort en 1645.
Il termina ses études à Wittemberg, professa
la philosophie et laissa divers ouvrages, qui
témoignent de sa précoce érudition. Les prin-
cipaux sont : De characterum judaicorum an-
tiquitate (1643) ; De suppliciis capitalibus He-
brœorum (\643); Desyneario magno Hebrœorum
(1644), etc.
BORNOU,
BORNOU, BOURNOD ou BIRNIE, roy. de
l'Afrique centrale, dans le Soudan, borné à
l'E. par le royaume de Berghami, au S. par
celui de Mandara, à l'O. par celui de Houssa,
BORN
au N. par celui de Kanem et le désert. Quel-
ques érudits font venir Bornou de l'arabe
Bahr-Noa (Terre de Noé), parce que, suivant
les Arabes, Noé s'établit sur le territoire de
ce pays quand l'arche se fut arrêtée sur ses
montagnes. Les données qu'on possède sur
l'étendue de cette contrée manquent de certi-
tude; on admet généralement qu'elle a une
superficie de 8,500 myriamètres carrés, ren-
fermant une population de deux millions d'ha-
bitants. Dans toute cette vaste étendue, on ne
connaît que la chaîne de montagnes des Fella-
tahs, qui s'étend de l'O. au S.-E. ; le reste
est uniformément plat et facilement inondé
par les débordements des deux grands cours
d'eau qui l'arrosent, le Schâry et l'Yeu ou
Gambaron. Ces deux fleuves, qui ont de nom-
breux affluents peu connus, déversent leurs
eaux dans le grand lac central de Tchad.
La température du Bornou est souvent
élevée et présente un phénomène remarqua-
ble : le thermomètre Réaumur marque ordi-
nairement, en été, 32» à 34o, et ne descend
pus au-dessous de 30°, mais souvent l'atmo-
• sphère est rafraîchie par les vents qui ont
traversé le Sahara. Les pluies et les orales,'
qui font sortir les rivières de leur lit, ont lieu
vers la mi-mai ; les récoltes se font en octo-
bre, et l'hiver commence de bonne heure; il
fait descendre le thermomètre à 12°. Le sol
possède une remarquable fécondité, mais la
végétation y présente peu de variété. Il pro-
duit en abondance les plantes alimentaires
les plus utiles : maïs, millet, orge, riz, fèves,
beaucoup de coton et d'indigo. La faune du
Bornou comprend tous les animaux sauvages
de l'Afrique tropicale: le lion, la panthère, le
bufile, la girafe, l'éléphant, l'hippopotame ; la
civette, l'une des richesses du territoire; l'au-
truche et une foule d'oiseaux aquatiques ; les
crocodiles en très-grand nombre, une multi-
tude de reptiles et d'insectes venimeux ou
destructeurs, tels que scorpions, sauterelles.
Les habitants élèvent un grand nombre d'ani-
maux domestiques, du gros bétail, des chevaux
de belle race, des chameaux, des moutons et
de la volaille de toute espèce. Les abeilles
sauvages y sont si nombreuses, qu'une faible
partie seulement de leur mie! est recueillie sur
les arbres où il est'déposé, et qu'on rejette
leur cire comme matière complètement sans
valeur. Les richesses minérales du Bornou
sont à peu près inconnues; on sait cependant
que ce pays manque de fer, et que le bois y
est très-rare; celui qu'on emploie provient
des forêts de Mandara.
L'industrie, peu développée, se borne à
peu près à la seule fabrication des étoffes de
coton que les habitants excellent à teindre
d'une belle couleur bleue ; on y fabrique aussi
quelques armures de guerre. Le commerce,
qui se fait presque exclusivement par les mar-
chands du Fezzan, a pour objet, quant à l'ex-
portation, les étoiles de coton, les esclaves, la
I poudre d'or et la civette; les principaux arti-
< oies importés sont : le cuivre, les bonnets de
j Tripoli, les tapis, les étoffes de soie, les ar-
; mes et la quincaillerie. La population indi-
' gène se compose de Kanowrys, nègres féti-
chistes, divisés en tribus et parlant plusieurs
idiomes différents; mais la race dominante est
celle des Schouas, Arabes d'origine, musul-
mans, et divisés aussi en tribus. Les Bourno-
nais sont noirs et se distinguent par un visage
large, un nez épaté, une bouche très-fendue,
mais garnie de belles dents, et un front élevé.
Hommes et femmes se tatouent la figure. La
forme du gouvernement est une monarchie
despotique. L'empereur ou cheik suprême ré-
side à Kouka, la nouvelle capitale, bâtie à peu
de distance de la côte occidentale du lac de
Tchad. Dans ces dernières années, il a agrandi
son empire par des conquêtes importantes ; les
Etats de Kanem et de Mandara sont actuel-
lement tributaires du Bornou.
La langue parlée dans ce vaste royaume de
l'Afrique centrale a été, plus que toute autre,"
l'objet de travaux et d'études. Le premier qui
ait rapporté sur cette langue des documents
un peu certains est le major anglais Denham.
C'est sur ces données que Klaproth flt son Es-
sai de la langue bornou, imprimé comme ap-
pendice dans le troisième volume des Voyages
dans l'Afrique du Nord. Plus tard, Norris
publia sur le même sujet un ouvrage beau-
coup plus complet, qui ne tarda pas à être
suivi de la gralmmaire en anglais du mission-*
naire Kœlle, le livre le plus complet qu'on
puisse consulter sur la matière. C'est d'après
ce dernier ouvrage que nous allons essayer
d'esquisser rapidement l'organisme de la lan-
gue bornou.
Plusieurs langues, fort différentes les unes
des autres, sont parlées dans le royaume de
Bornou, qui s'est annexé un assez grand nom-
bre de tribus et de peuples étrangers. L'idiome
national, le seul dont nous nous occuperons ici,
est le kanuri> En général, les habitants du
Bornou désignent sous ce nom leur pays, et
sous celui de kanuri leur race et leur langue.
M. Kœlle veut trouver dans le kanuri de
grandes analogies étymologiques avec les
langues sémitiques et indo-européennes ; les
rapprochements auxquels il se livre nous
semblent en général un peu contestables. Nous
admettons beaucoup plus volontiers la liste
qu'il donne de mots empruntés à l'arabe ; on
ne saurait, en effet, méconnaître que adim,
eunuque, vient de l'arabe khadim; atsi, pè-
lerin, de hadii; Alla
y
Dieu de Allah; argalam,
plume, de ai-kalam; malaka, ange, de ma-
lak; sadaga, aumône, de sadaka; sala, prière,
BORN 1011
de salât; tsanna, paradis, de djanna, etc.
Hais nous ne saurions, malgré la meilleure
volonté du monde, rapprocher kam
t
homme,
du sanscrit djanas et du grec genos; pe, bœuf,
du sanscrit gau et du grec bous ; wura
f
grand, du sanscrit bhuri et du grec polus, etc.
Le système phonétique du kanuri est assez
richement développé ; il est soumis à des r è -
gles de substitution qui indiquent une langue
appartenant à une famille assez élevée dans
l'échelle linguistique. Les substantifs se for-
ment avec la plus grande facilité de noms
concrets et d'adjectifs par l'addition du pré-
fixe nem; ainsi de aba, père, on fait nemaba,
paternité ; de kafugu, court, nemkafugu,
brièveté, etc. Le pluriel est caractérisé par
la terminaison wa; ainsi nem, maison, nemioa;
met, roi, meixoa. La déclinaison compte cinq
cas; le nominatif se termine par ye, le génitif*
par be, le datif par ro, l'accusatif par ga, le
locatif ou l'instrumental par n ou nyin. Les
consonnes finales sont soumises, avant de
s'accoler ces terminaisons, à certaines modi-
fications euphoniques; au pluriel, ces dési-
nences se placent après le wa caractéristique
de ce nombre. Le féminin et le masculin no
se distinguent pas l'un de l'autre par des for-
mes spéciales. Les pronoms personnels, pos-
sessifs, démonstratifs, etc., sont en assez
g;rand nombre et sont soumis à des modifica-
tions de cas et de nombre. Les adjectifs se
forment par l'addition des syllabes suffixes,
wa, ma, mi, ratn, ri. En dehors des verbes
primitifs, on peutJ"ormer d'autres verbes de
noms et d'adjectifs, au moyen de certaines rè-
gles de dérivation assez développées. M. Kœlle
distingue les différentes conjugaisons en radi-
cales, réflectives, causatives, composées. Le
kanuri n'a que ce que M. Kœlle nomme des
temps absolus; c'est-à-dire qu'il n'a pas de
formes spéciales correspondant à notre im-
parfait , a notre plus-que-parfait, à notre fu-
tur antérieur, etc. Les temps passés compren-
nent l'aoriste et le parfait. Nous n'insisterons
pas davantage sur le mécanisme de la conju-
gaison, dont l'analyse complète nous entraî-
nerait trop loin. M. Kœlle range les adverbes
en primitifs, convertis, dérivés et composés.
Il y a en kanuri quelques postpositions, mais
en petit nombre; les rapports exprimés dans
nos langues à l'aide des prépositions le sont
en kanuri au moyen de substantifs. M. Kœlle
introduit dans les conjonctions les mêmes dis-
tinctions que dans les adverbes. La syntaxe
est assez compliquée pour que M. Kœlle lui
consacre la moitié de sa grammaire.
Le kanuri est loin d'être une langue inculte ;
il a produit toute une littérature populaire
qui, pour être naïve, n'en est pas moins inté-
ressante à différents égards. M. Kœlle en a
publié de fort curieux échantillons, dans un
volume spécial intitulé African Native Litté-
rature; il a reproduit les textes originaux à
l'aide d'un alphabet latin basé sur les principes
de l'excellent système de transcription pro-
posé par Lepsius dans son Standard Alpha-
bet. Il y a joint la traduction anglaise. M. Kœlle
fait fort justement remarquer, à ce propos,
que la race nègre à laquelle appartiennent les
habitants du Bornou est loin, comme on le
croit généralement, d'être dépourvue d'intel-
ligence; leur langue prouve que leur esprit
n'est étranger à aucun des plus délicats pro-
cédés particuliers aux idiomes de notre famille
anthropologique ; l'étude de leur langue dé-
montre surabondamment qu'ils sont aptes aux
manifestations intellectnelles, dont quelques
savants voudraient à tort faire l'apanage d une
race, d'une caste ethnologique. Les échan-
tillons de la littérature kanuri publiés par
M. Kœlle viennent confirmer cette apprécia-
tion ; ils comprennent les genres les plus
divers, depuis les histoires, les contes merveil-
leux et les fables, jusqu'aux fragments d'his-
toire politique et religieuse du plus grand in-
térêt, et aux observations d'histoire naturelle.
BORNOYÉ,BORNOYÉ, ÉE (bor-noi-ié) part. pass. du
v. Bornoyer : Jalons BORNOYÉS. Allée BOR-
NOYÉE.
BOUNOU,
BOUNOU, ville de l'Afrique centrale, an-
cienne capitale du royaume de même nom,
sur la côte occidentale du lac Tchad ; 25,000 h.
Cette ville est défendue par une forte mu-
raille, et renferme plusieurs maisons construi-
tes en pierres, ce qui est une rareté dans l'A-
frique centrale.
B O R N O U S s. m. (bor-nouss). V. BURNOUS.
BORNOYERBORNOYER v. a. ou tr. (bor-noi-ié — rad.
borgne. — Je bornàie, tu bornoics, il bornoie,
nous bornoyons, vous bornoyez, ils bornoient ;je
bornoyais, nous bornoyions, vous bornoyiez, ils
bornoyaient ; je bornoyai, nous bornoyàmes ; je
bornoierai, nous bornoierons; bornoie, bor-
noyons, bornoyez; que je bornoie, que nous
bornoyions, que vous bornoyiez, qu ils bor-
noient ; que je bomoyasse, que nous bornoyas-
sions; bomoyant; bornoyé). Viser d'un œil
en fermant l'autre, pour s'assurer si une ligne
est droite, si une surface est plane : BOR-
NOYER- une règle, une planche, un mur. \\ Tracer
une ligne droite avec des jalons ou d'autres
objets que l'on enfonce dans le sol, en les
alignant à l'aide du même procédé : BOR-
NOYER des jalons, des pieux, les arbres d'une
allée.
— Absol. : Pour BORNOYER avec justesse, il
faut se placer à quelques pas du jalon que l'on
vise.
BORNOYEUR,BORNOYEUR, EUSE s. (bor-noi-ieur,eu-2e
1012 BORR
BORR
BORR
BORR
— rad. bornoyer). Celui, celle qui bornoie : Un
habile BORNOYEUR. il Peu usité.
BORO-BUDOR,
BORO-BUDOR, ville en ruine de l'Ile de
Java, près du confluent du Progo et de l'Ello.
Ancien temple de Bouddha'Construit, dit-on,
au xe siècle, et ayant la forme d'une pyramide
de 36 m. d'élévation sur 163 m. de base.
BOROCÈHE
BOROCÈHE s. f. (bo-ro-sè-re — du gr.
boros, voracej ke?*as, corne). Entom. Genre
d'insectes lépidoptères nocturnes, voisin des
bombyx, et comprenant une seule espèce, qui
vit à Madagascar.
BOROGHOIR
BOROGHOIR s. m. (bo-ro-choir). V. BO-
RASSKAU.
BORODINO,BORODINO, village de la Russie d'Europe,
gouvernement et à 115 kilom. S.-O. de Moscou,
sur la Kaloga, près du champ de bataille de
la Moskowa. Les Russes donnent le nom de
Borodino à cette bataille, gagnée par Napo-
léon le.7 septembre 1812.
BORO-FLUORURE
BORO-FLUORURE s. m. (bo-ro-flu-o-ru-re
— de bore et fluorure). Chim. Composé d'un
métal avec le bore et un fluorure.
B O R O - M É T H Y L A T E s. m. Chim. Sel formé
par la combinaison d'un borate et d'un mé-
thyline.
BOROMÏM
BOROMÏM (François). V. BORRÛMINI. '
BORON,
BORON, ville de l'ancienne Lîgurîe, c'est
aujourd'hui le village de Moorone.
BORONDJERD,
BORONDJERD, ville de Perse. V. BOUROU-
GHIRD.
BORONGAN,BORONGAN, ville de l'Océanie, dans l'ar-
chipel des Philippines, Ile et province de Sa-
mar, sur la côte orientale de l'île; 5,000 hab.
Commerce de riz, cire, cacao et toiles; pêche
et chasse très-actives.
BORONIE,
BORONIE, ÉE adj. (bo-ro-ni-é — rad. bo-
ronie). Bot. Qui ressemble à une boronie.
— s. f. pi. Tribu de la famille des diosmées,
ayant pour type le genre boronie.
BORONIE
BORONIE s. f. (bo-ro-nî — de Boroni,X>ot&n.
ital.). Bot. Genre de plantes, de la famille
des diosméeSj comprenant un assez grand
nombre d'espèces, qui croissent en Australie
et en Tasmanie.
BOROROS,
BOROROS, nom d'une peuplade peu connue
de l'intérieur de l'Afrique, entre le Mozam-
bique, le Monomotapa et le lacMaravi. Il Tribu
d'Indiens du Brésil, dans la province de Matto-
G r o i » .
BOROSA. V. ClIIKLANA.
BOROS
BOROS s. m. (bo-ross — mot grec qui si-
gnifie vorace). Entom. Genre d'insectes co-
léoptères tétramères, famille des ténébrions,
comprenant deux espèces, qui vivent en
Suède.
BORO-SILICATE
BORO-SILICATE s. m. (bo-ro-si-li-ka-te —
de bore, et silicate). Chim. Sel double formé
de la combinaison d'un borate avec un silicate.
BORO-SILICIQUE
BORO-SILICIQUE adj. m. (bo-ro-si-li-si-ke
— de bore et de silicique). Miner. Se dit des
corps combinés avec le bore et le silicium.
B O R O S I T I S s. m. (bo-ro-zi-tiss). Ornith.
Corneille noire.
BOROS-JENO,
BOROS-JENO, bourg de l'empire d'Autriche,
en Hongrie, comitat d'Arad, à 45 kilom. N.-E.
d'Alt-Arad, sur le Maros; 3,780 hab. Récolte
de vins estimés.
BOROUGHBRïDGE, ville d'Angleterre, comté
et à 27 kilom. N.-O. d'York, West-Riding, sur
la rive droite de l'Ure; 1,000 hab. Grand com-
merce de quincaillerie. Sur la place du mar-
ché s'élève une élégante colonne dorique, et,
dans un champ près de la ville, on voit trois
énormes pierres appelées les Arrows (Flèches),
dont l'érection est attribuée aux Romains, qui
avaient établi une de leurs stations à 2 kilom.
de Boroughbridge. Cette ville fut le théâtre
de la victoire d'Edouard II sur le comte de
Laneastre, qui s'était mis à la tête des barons
rebelles (15 mars 1322).
BOROV1TSCHI, ville de la Russie d'Europe,
gouvernement et à 150 kilom. E. de Novgorod,
sur la Msta, chef-lieu du district du même
nom ; 4,700 hab. Navigation et industrie actives.
BOROVSK,
BOROVSK, ville de la Russie d'Europe,
gouvernement et à 80 kilom. de Kalouga,
sur la Protva, chef-lieu du district du même
nom; 5,600 hab. Commerce de lin, chanvre,
cuirs, etc. ; récolte d'ailetd'oignonsd'unegros-
seur proverbiale. En 1610, Michel Volkonsky
lit à Borovsk une belle défense contre les
troupes du faux Diinitri.
BOROZAIL
BOROZAIL s. m. Espèce de gonorrhée chez
les peuples d'Afrique, il On dit aussi ZAIL.
BORRA
BORRA (Jean-Baptiste), architecte piémon-
tais du xvme siècle. Il voyagea avec des An-
glais et dessina les ruines de Palmyre. Il
fut chargé, b. Turin, de nouvelles décora-
tions à faire à l'église de Sainte-Croix et
au théâtre de Carignan; il décora aussi la
façade du palais de Carignan à Racconigi. On
lui doit : Trattato délia cognizione prattica
délie resistenze, geometricamente dimostrato
ad uso d'ogni sorta d'edifizj (Turin, 1748).
Dorrachog ('*»•) OU Les B u v e u r » , Célèbre
tableau de Velasquez. V. BUVEURS.
BORRAGINOÏDE
BORRAGINOÏDE adj. (bo-ra-ji-no-i-de —
du lat. borrago, borraginis, bourrache, et du
gr. eidos, aspect). Bot. Qui a de l'analogie
avec les bourraches, qui se rapproche de ces
plantes.
— s. m. pi. Section du genre trichodesme.
BORRAGINÉ,
BORRAGINÉ, ÉE adj. (bo-ra-ji-né — du
lat. borrago, bourrache). Bot. Qui ressemble
i une bourrache.
— s. f. pi. Famille de plantes dicotylédones,
ayant pour type la bourrache. Syn. CVASPIÏ-
RIFOUIŒS.
— Encycl. La famille des borraginées ren-
ferme des plantes herbacées, des arbustes et
même des arbres, à feuilles alternes, couvertes,
comme les tiges et les rameaux, de poils ordi-
nairement rudes, qui ont fait donner à cette
famille le nom à'aspérifoliées. Les fleurs sont
groupées en cymes latérales scorpioïdes, c'est-
à-dire que l'inflorescence est enroulée, soit
dans toute sa longueur, soit au sommet, en
crosse ou en queue de scorpion. Elles présen-
tent un calice monosépale, régulier, persis-
tant, à cinq divisions; une corolle monopétale,
régulière, à cinq lobes, offrant souvent à la
gorge cinq appendices saillants ; cinq étamines
insérées au haut du tube de la corolle; un
ovaire à quatre loges uniovulées. Le fruit se
compose de quatre akènes, rarement soudés,
formant un fruit sec ou charnu, à une ou plu-
sieurs loges. Les plantes de cette famille sont
répandues dans les régions extratropicales du
globe; mais c'est surtout- dans la région mé-
diterranéenne et dans l'Asie centrale qu'elles
abondent. Toutes renferment un suc adoucis-
sant et mucilagineux ; elles sont employées en
médecine comme émollientes et sudorifiques.
Leurs propriétés sont peu énergiques. Aucune
de ces plantes n'est vénéneuse. Les racines de
plusieurs espèces, confondues dans le com-
merce sous le nom à'orcanète, fournissent à
la teinture une belle couleur rose. Les prin-
cipaux genres sont les suivants : bourrache
[borrago) , cynoglosse , râpette (asperugo) ,
myosotis, lycopsis,consoude {symphytum), pul-
monaire, onosma, buglose (anchusa), gremil
(lithospermum), héliotrope, vipérine {echium),
sébestier (cordia), etc. V. ces mots.
BORREGO
BORREGO (don Andréas), économiste espa-
gnol, né à Madrid vers 1800. Il fit ses études
en France, devint, en 1840, ministre des fi-
nances, et fut chargé ultérieurement de négo-
ciations commerciales avec la Suisse et l'Alle-
magne. Entre autres écrits, il a publié : la
Dette publique et les finances de la monarchie
espagnole (Paris, 1834); Principes d'économie
politique (Madrid, 1844); Situation des partis
en Espagne (1854). Il est partisan de la réu-
nion du Portugal à l'Espagne, éventualité qui
paraît bien chimérique, et qui, dans un avenir
plus ou moins éloigné, serait peut-être plus
probable en retournant les termes.
BORREKENS
BORREKENS (Mathieu), graveur flamand,
né vers 1615, travaillait à Anvers dans la pre-
mière moitié du xvn« siècle. Il mourut jeune.
On a de lui, entre autres planches gravées au
burin : la Vierge immaculée, Saint François,
Saint Ignace, Sainte Barbe, d'après Rubens;
Saint Jean, d'après Erasme Quellyn; le Christ
en croix, d'après Van Dyck ; Jésus en prière,
le Bon pasteur, le Sacrifice de la messe, d'a-
près Diepenbeek ; divers portraits d'après Van
Huile.
BORREL
BORREL s. m. (bo-rèl). Métrol. Mesure li-
néaire en usage dans l'Inde et valant 3 mètres.
BORREL
BORREL (Maurice-Valentin), graveur en
médailles français, né à Montataire (Oise) le
18 août 1804. Il suivit en 1811 son père en Sa-
voie, et revint en France en 1816. Sans res-
sources et obligé de gagner péniblement sa
vie malgré son jeune âge, il entra comme ap-
prenti chez M. J.-J. Barre, graveur en mé-
dailles, qui devait plus tard devenir graveur
général des monnaies, et qui, ayant remarqué
les dispositions, l'activité et la bonne con-
duite de son jeune apprenti, lui témoigna une
sollicitude et un attachement qui ne se démen-
tirent jamais. Passionné pour son art, labo-
rieux et attentif, le jeune Borrel ne tarda
pas à acquérir, comme praticien, des connais-
sances et une habileté qui le firent remarquer
et qui lui firent confier d'honorables travaux.
Parmi les événements historiques qu'il a gra-
vés, nous citerons : la Naissance dwcomte de
Paris, le Baptême du comte de Paris, la Nais-
sance du duc de Chartres, le Bombardement
de Tanger et de Mogador, la Bataille d'Isly,
le Combat de Mazagran, le Passage des Por-
tes de Fer, la Translation des cendres de Na-
poléon, Napoléon à Sainte-Hélène, la Mort
du duc d'Orléans, le Mariage du duc deMont-
pensier, la Soumission d'Abd-el-Kader, Y Am-
nistie donnée par PieIX,\a, Bentrée de Pie IX
dans ses Etats, Louis-Napoléon nommé prési-
dent de la République, le Décret du 2 décem-
bre, la Distribution des drapeaux à la garde
nationale, le Voyage dans le Midi, etc. Les
principaux personnages dont M. Borrel a
gravé les portraits sont : la reine Amélie, le
duc de Reichstadt, les princes de Joinville et
d'Auniale, le comte de Paris, le duc d'Orléans
(figure équestre), Pie IX, Napoléon II (jeton
f
tour la collection des rois de France), Napo-
éon III (souvenir de l'exposition universelle
de 1855), l'impératrice Eugénie, Cavaignac,
Lamartine, Kossuth, O'Connell, E. de Girar-
din, Guizot (1845), Victor Hugo, Mgr Affre,
Michelet, Quinet, Mickiewicz (ces trois der-
niers sur une même médaille), le marquis de
LaRochejacquelein,Crespel de Latouche, Ou-
dot, professeur à l'Ecole de droit; les maré-
chaux Saint-Arnaud et Pélissier, l'amiral
Bruat, les généraux Bourmont, Lobau et
Oudinot ; Scribe, Alex. Duvâl, Lemercier, Pi-
card, Meyerbeer, Andrieux, Théaulon, Bou-
vard, astronome ; le docteur Caster ; Pompée,
fondateur de l'école Turgot; Belia, fondateur
deGrignon; l'abbé de l'Epée, l'abbé de Ge-
noude, Mgr Ançebeau, évêque d'Angers;
Mgr Olivier, éveque d'Evreux; Tourangin,
préfet du Doubs, Cuvier, Haùy, de Jussieu,
Papin (pour la Monnaie de Paris), le sta-
tuaire Petitot, Habenech (pour la Société des
concerts du Conservatoire), Corneille et Mo-
lière (jeton de présence de la Comédie-Fran-
çaise), Bourdaloue (pour la ville de Bourges),
Stanislas, roi de Pologne (pour l'Académie de
Nancy); le général George Thomas (pour
l'Etat du Tennessee), etc. M. Borrel a exé-
cuté, en outre : la médaille du conseil des prud'-
hommes et celle du tribunal de commerce, pour
le département de la Seine; la médaille de
l'achèvement de l'hôtel duTimbre., pour le mi-
nistère des travaux publics; une tête de Répu-
blique, pour la Monnaie, etc. Un modelé d'une
certaine précision, une ressemblance frap-
pante dans les portraits, un heureux agence-
ment dans les ornements et les accessoires,
telles sont les qualités qui distinguent la plu-
part des ouvrages que nous venons de citer.
M. Borrel a été médaillé aux Salons de Paris
de 1842, 1860 et 1864, et a obtenu diverses
récompenses aux expositions de province et
de l'étranger.
BORREL
BORREL (Alfred), graveur en médailles,
fils et élève du précédent, né à Paris en
1836, a été lauréat à l'Ecole impériale des
beaux-arts; il a obtenu un premier-deuxième
prix au concours de 1860, pour le grand prix
de Rome. La même année , il exposait au
Salon la grande médaillé de prix de l'In-
stitution de Marcq à Lille, qui lui méritait
une mention. 11 a suivi l'atelier de M. Jouf-
froy, membre de l'Institut, pour la sculpture,
a appris de M. Merley l'art de la gravure en
pierres fines, s'est établi graveur en médailles,
et a épousé une des filles de M. Desjardins,
l'auteur des fac-similé d'aquarelles que l'on
rencontre dans le commerce et qui sont tous
admirablement réussis. Plusieurs portraits
d'hommes d'Etat du nouveau royaume d'Ita-
lie: MM. Cibrario, Cavour, Rattazzi, Nigra;
un projet de médaille non exécuté et d'autres
travaux encore attirèrent sur lui l'attention
du gouvernement italien, qui lui conféra en
1864 la croix de chevalier de l'ordre des
Saints-Maurice-et-Lazare.L'administration des
beaux-arts, au ministère de la maison de l'em-
pereur, lui confia l'exécution de la médaille à
l'effigie de feu M. Billault, l'ancien ministre.
Cette médaille, dont l'exécution rencontrait
de grandes difficultés, car l'artiste n'avait à
sa disposition que des portraits ou des photo-
graphies d'une ressemblance douteuse, fut
cependant exécutée à la satisfaction générale.
M. A. Borrel fut aussi chargé de graver,
pour la préfecture de la Seine, la médaille
oouirnémorative de la visite de l'empereur et
de l'impératrice dans les hôpitaux de Paris,
lorsqu'une nouvelle invasion du choléra vint
les remplir de malades.
B O R R É L I S T E s. m. Hist. relig. Membre
d'une secte fondée en Hollande, au xvn« siè-
cle, par un certain Jean Borrel, qui repous-
sait, comme point principal de sa doctrine,
tout commentaire de la Bible.
BORRÉRIE
BORRÉRIE s. f. (bor-ré-rî — de Barrer,
n. pr.). Bot. Genre de plantes, de la famille
des rubiacées, comprenant plus do quatre-
vingts espèces, qui croissent pour la plupart
dans l'Amérique tropicale.
BORR1 ou BORRUS (Christophe), jésuite
et missionnaire, né a Milan, mort en 1632. Il
fut un des premiers qui pénétrèrent dans la
Cochinchine, et il y séjourna cinq ans. Il en
publia une Relation intéressante (Rome ,
1631), qui fut traduite en français par le père
Antoine de la Croix. De retour en Europe, il
enseigna les mathématiques à Coïmbre et à
Lisbonne; trouva,dit-on, un moyen de déter-
miner les longitudes par la déclinaison de
l'aiguille aimantée, et fut exclu de son ordre
pour des causes qui sont restées inconnues. Il
entra ensuite dans l'ordre de Cîteaux. Outre
l'ouvrage précité, on a de lui : Doctrina de
tribus cœlis : Aereo, sidereo et empyreo (Lis-
bonne, 1641, in-40).
BORR1 (Joseph-François), en latin B o m u ,
alchimiste et sectaire, né à Milan en 1627,
mort à Rome en 1695. Après une jeunesse dé-
réglée, il affecta une grande austérité de
mœurs, se prétendit inspiré et prêcha un nou-
veau christianisme mêlé des idées mystiques
les plus bizarres. Choisi par Dieu, disait-il,
pour rétablir dans toute sa pureté son règne
sur la terre, il montrait comme preuve de sa
mission un glaive miraculeux que saint Mi-
chel lui avait donné, et prétendait avoir vu
dans le ciel une palme lumineuse. Selon lui,
toute l'a terre ne devait plus former désor-
mais qu'un seul royaume, ayant pour chef le
pape, dont il était le lieutenant. Au point de
vue de la doctrine, il enseignait que le Fils
et le Saint-Esprit sont inférieurs au Père ;
que la Vierge, d'esseoce divine et conçue par
inspiration, est présente dans l'Eucharistie ;
3
ue les anges rebelles ont été les instruments
ont Dieu s'est servi pour créer le monde et
animer les brutes; que l'âme de l'homme est
divine, etc. Ayant groupé autour de lui un
certain nombre de sectaires, qui, sur la foi de
sa parole, le croyaient inspiré du Saint-Es-
prit, il les appelait raaionevoli (raisonnables)
et évangéliques, leur imposait les mains, leur
faisait faire les vœux d'union fraternelle, d'o-
béissance, de pauvreté, s'emparait de leurs
biens sous ce dernier prétexte, et exigeait
d'eux un secret inviolable.
Poursuivi par l'inquisition romaine et con-
damné au feu, il s'enfuit d'Italie; séjourna
quelque temps à Strasbourg, à Amsterdam, à
Hambourg , où il entra en relations avec "
Christine de Suède, à qui il fit dépenser beau-
coup d'argent pour la recherche de la pierre
philosophale, et finit, après diverses aventures,
par être livré au gouvernement papal, qui le
retint en prison jusqu'à sa mort. Il avait écrit
divers ouvrages, dont celui qui fit le plus de
bruit avait pour titre : la Chiave del gabinetto
del cavagliere Giuseppe-Fancesco Borri, Mi-
lanese {Clef du cabinet du cavalier Joseph-
François Borri, Milanais, Cologne, 1681,
in-12). Bien que ce livre soit tombé aujour-
d'hui dans un oubli profond, nous allons en
donner une assez longue analyse; car nous
pensons que c'est par l'exposé des sottises du
passé que l'on parviendra à donner un peu de
raison aux générations de l'avenir. L'ouvrage
de Borri contient dix lettres qui roulent sur la
cabale, la chimie et l'âme des bêtes. Les pre-
mières, imitées par l'abbé de Villars dans son
Comte de Gabahs, contiennent le système des
cabalistes sur les êtres surnaturels qui peu-
plent l'eau, la terre et les airs : ce sont les
sylphides, les gnomes et les salamandres. Le
principal désir de ces créatures mystérieuses
est de s'unir à l'homme pour en recevoir l'im-
mortalité. Les gnomes tachent de séduire les
femmes et les filles des hommes, en leur appor-
tant les diamants et les trésors confiés à leur
farde. Les salamandres recherchent la société
es sages et leur révèlent des secrets incon-
nus au reste des mortels. L'union contractée
avec ces esprits aériens otfré encore un agré-
ment que bien des gens apprécieront. Si vous
épousez une sylphide ou une salamandre, vous
aurez un sérail peuplé mille fois plus que ne
l'est celui du sultan. Les beautés aériennes,
contentes d'acquérir l'immortalité, ne sont
point jalouses des faveurs qu'on prodigue a
leurs concitoyennes. Chaque sylphide pense
d'une façon aussi noble que Livie et l'épouse
deCromwelI.Cesdeux femmes étaient élevées
au-dessus des faiblesses de leur sexe : la pre-
mière favorisait les amours d'Auguste afin de
maintenir son crédit; la seconde servait habi-
lement les passions de son mari, et sacrifiait à
son ambition démesurée une inutile jalousie.
Une anecdote racontée par Borri est d'autant
plus curieuse qu'elle rappelle un fait histo-
que arrivé plusieurs siècles auparavant. « Le •
comte d'Orguillers avait l'habitude, tous les
lundis, d'aller passer la nuit dans une maison
isolée, appelée pavillon d'été ; au bout de
deux ans, sa femme, soupçonnant quelque
mystère, entra un beau matin dans cette mai-
son et trouva le comte dormant à côté d'une
dame, la plus belle qu'on puisse imaginer. A
cette vue, elle resta stupéfaite, et n'osa avan-
cer plus loin, retenue par la beauté de l'in-
connue, qui paraissait au-dessus de l'humaine
nature. Les deux amants donnaient si pro-
fondément qu'ils ne se réveillèrent pas; la
comtesse,, pour faire voir à son mari qu'elle
avait découvert son infidélité, laissa sur le
pied du lit un capuchon qu'elle avait l'habi-
tude de porter, et se retira sans aucun bruit.
'Dès que la belle, en se réveillant, aperçut le
capuchon déposé sur ses pieds, elle pleura, se
désola, embrassa Je comte avec force larmes,
lui disant que, puisqu'elle était découverte,
elle ne pourrait plus venir le voir, et qu'elle
devrait toujours être séparée de lui par une
distance de 100 Ireues. Mais avant do le
quitter, elle lui donna un verre, un anneau et
une cuiller, lui disant que ces présents
étaient destinés aux trois filles qu'elle avait
eues de lui, et que, tant que celles-ci garde-
raient ce talisman, la fortune leur resterait
prospère; puis elle disparut, et on ne la revit
jamais. » Ces sylphides des cabalistes ne sont
autres que les fées du moyen âge, dont les
romans et les fabliaux racontent des histoires
absolument semblables. Les lettres, datées de
Copenhague, qui roulent sur la chimie, con-
tiennent de longues explications sur la pierre
philosophale et la manière de la préparer.
C'est l'or mélangé au mercure qui est la base
de ce talisman précieux ; il faut des prépara-
tions sans nomore, des soins très-minutieux
Sour arriver à obtenir ce léger globule qui
oit accomplir des résultats si merveilleux.
Le raisonnement des alchimistes était celui-ci,
que la-nature tend à ramener à l'or tous les
autres métaux, et qu'il faut l'aider dans ce
travail. Tout n'était pas erreur dans ce sys-
tème, puisque la chimie moderne conclut de
plus en plus à cette unité rêvée par les alchi-
mistes ; mais c'était justement la partie chi-
mérique de leur entreprise qui avait séduit
les esprits les meilleurs et les plus grands,
ceux même sur lesquels l'amour de l'or n'a-
vait aucune prise : saint Thomas d'Aquin avait
composé„un ouvrage sur l'alchimie. Les prin-
ces, les rois, les empereurs, pour qui l'or était
un pressant besoin à une époque où le crédit
n'existait pas, accordaient toute confiance aux
alchimistes et favorisaient de tout leur pou-
voir l'accomplissement du grand œuvre. C'est
ainsi que Borri tira de grandes sommes du roi
de Danemark, et s'enfuit ensuite de ses Etats
pour échapper à ses justes ressentiments. La
faveur dont jouissaient les alchimistes n'était
rien moins qu'assurée, et la plupart finissaient
BORR
EORR
BORR
BORS 1013
misérablement après la carrière la plus bril-
lante et là plus fortunée. Penote, qui fut un
alchimiste très-fameux, dans son temps, mou-
rut âgé de quatre-vingt-dix-huit ans, à l'hôpital
d'Yverdun, en Suisse, et c'est lui qui, à la fin
de sa vie, qu'il avait passée à la recherche du
grand œuvre dit que, s'il avait quelque ennemi
puissant qu'il n'osât attaquer ouvertement, il
lui conseillerait de s'adonner tout entier à la
pratique et à l'étude de l'alchimie. Pendant
que Borri expiait son charlatanisme dans les
prisons de l'inquisition, à Rome, un autre mal-
heureux alchimiste était^enfermé à la Bastille
pour avoir refusé de remplir les coffres de
Louis XIV de cet or qu'il se vantait de savoir
faire. Borri fut le dernier alchimiste qui par-
vint à se faire prendre au sérieux; depuis lui,
sont venus bien d'autres charlatans, qui ont
exploité d'auttes branches de la crédulité hu-
maine, filon inépuisable, tant qu
;
existeront le
dupeur habile et le crédule niais, autant dire
toujours.
BORRICHIE
BORRICHIE s. f. (bo-ri-chî; — deBorrich, n.
pr.). Bot. Genre de plantes, de la famille des
composées, établi aux dépens des buphthal-
mes : Les BORRICHIIÏS sont indigènes au nou-
veau continent. (Decaisne.)
BORR1CH1US (Olaus). V. BORCH.
BORRÈRE
BORRÈRE s. f. (b~or-rè-re— de Barrer, n.
pr.). Bot. Genre de plantes cryptogames, de
la famille des lichens, voisin des carmélies.
BORRIOL,
BORRIOL, bourg d'Espagne, province et à
6 kilom. N.-O. de Castellon-de -la-Plana ;
. 2,700 hab. Distilleries d'eau-de-vie; exportation
de vin, huile et chanvre.
BORRO
BORRO (Gasparin), poëte, philosophe et
théologien italien, né a Venise au xv« siècle.
Il entra dans l'ordre des servîtes et devint
successivement professeur de théologie et de
philosophie à Venise, à Pérouse et à Padoue.
La célèbre Cassandra Fedele fut au nombre
de ses élèves. Borro a publié : Commentum
electum super Tractatum spherœ mwidi (Ve-
nise, 1490), et Trionfi, Sonetti, Canzoni, etc.
(Brescia, 1498).
BORRO
BORRO (Alexandre DEL), mathématicien et
poëte italien, né en 1672, mort en 17G0. Après
avoir appris deSantini l'art des fortifications,
il devint membre de l'ordre des jésuites, qu'il
quitta quelques années après. Depuis lors, il
-fut successivement employé par Cosme III de
Florence, par la république de Venise et par
la France. Ses principaux ouvrages ont pour
titre : II Carra di cerere (Lucques, 1G99), sur
la balistique, et II gran Coltro (Milan, 1718).
BORROMÉE
BORROMÉE (saint Charles), l'un des héros
de la charité chrétienne, issu d'une ancienne
famille de Lombardie, naquit au château d'A-
rone, sur les rives du lac Majeur, le 2 octobre
1538. Voué, pour ainsi dire en naissant, aux di-
gnités ecclésiastiques, il fut dès son enfance
pourvu de riches bénéfices, etnommé archevê-
que de Milan et cardinal à vingt-trois ans par
son oncle le pape Pie IV. Ce pontife, affaibli
par l'âge et les infirmités, lui laissa en même
temps Ta plus grande part au gouvernement
de l'Etat et à la direction des affaires généra-
les de l'Eglise. La vaste intelligence et l'ac-
tivité du jeune prélat justifiaient ce choix, où
l'on aurait pu voir une. faveur entachée de
népotisme. Il fut digne des hautes fonctions
dont il avait été revêtu, peut-être avant de
les avoir méritées, communiqua aux affaires
une impulsion, puissante, donna l'âme et la
vie au concile de Trente et lui inspira le fa-
meux catéchisme de 1566, abrégé de- la doc-
trine chrétienne qui était une sorte de réponse
aux divers symboles des communions protes-
tantes. En même temps, il étudiait les mora- '
listes de l'antiquité; triomphait, comme Dé-
mosthène et par de fréquents exercices, de sa
difficulté à parler en public, employait son
crédit aux progrès des sciences et des lettres,
et fondait daus ce but, au Vatican, une sorte
d'Académie qui devint une pépinière d'émi-
nents prélats. A cette époque, il n'était pas
encore ordonné prêtre, et il ne le fut qu en
15C2. Trois ans plus tard, il obtint du pape
l'autorisation d'aller résider dans son diocèse,
à l'administration duquel il se consacra dès
lors tout entier. L'anarchie et la corruption y
étaient au comble, et il se donna pour mis-,
sion de réformer les mœurs aussi bien que la
discipline du clergé et des communautés.
Prenant pour modèle saint Ambroise, il re-
nonça à ses bénéfices, à ses biens patrimo-
niaux, à cette splendeur dont il s'était fait une
habitude à la cour de Rome, et offrit en exem-
ple à ceux qu'il voulait amender la simplicité
de sa vie privée et les austérités que s'impo-
sait sa piété. Puis, par des règlements, des
conciles, des synodes, des fondations de sémi-
naires, d'hôpitaux et d'écoles, il travailla sans
relâche à cette régénération ecclésiastique,
devenue si nécessaire et dont l'influence sa-
lutaire se fit sentir dans toute l'Italie. Mais
ces réformes ne s'accomplirent point sans
obstacles: des moines,des évêques même,ré-
sistèrent, et le saint fut victime d'une odieuse
tentative d'assassinat de la part d'un frère de
l'ordre des humiliés.
Pendant la peste qui désola Milan en 1576,
Borromée s'illustra par l'héroïsme de sa cha-
rité. Dès l'apparition du fléau, il accourut du
fond de son diocèse, où il était alors en visite
pastorale, et vint prodiguer aux pestiférés les
soins, les consolations et les secours spirituels
et temporels. Pendant six mois que dura la
contagion, il ne quitta point son peuple, et
vendit jusqu'à son Ht pour en soulager les
misères et les infortunes. A peine sorti de
cette cruelle épreuve, il reprit ses tournées
pastorales dans son vaste diocèse, qui s'éten-
dait jusque dans les solitudes sauvages des
Alpes. Ses forces s'épuisèrent à la fin par
l'excès de ses travaux et de ses austérités, et
il mourut, consumé par une fièvre lente, le
4 novembre 1584, à peine âgé de quarante-
six ans. Le pape Paul V l'a canonisé en 1610.
La reconnaissance populaire lui avait déjà de-
puis longtemps donné le titre de saint, et son
souvenir est encore vivant dans le diocèse
qu'il a édifié par ses vertus. En 1697, on lui a
élevé près d'Arone, sur un tertre dominant le
lac Majeur, une statue colossale en bronze,
qui n'a pas moins de 22 m. de haut; le pié-
destal en granit est d'une hauteur de 15 m.
Les écrits de saint Charles Borromée se
composent à'Actes synodaux, de Semions, d'In-
structions et d'une énorme collection de let-
tres (la bibliothèque Ambrosienne en conserve
31 vol.) La meilleure édition de ses œuvres
est celle de Milan (1747,5 vol. in-fol.). Son style
n'a pas la sublimité et l'énergie des anciens
Pères, mais il est plein d'onction, d'élégance et
de simplicité. — Frédéric BORROMÉE, cousin
de saint Charles, fut archevêque de Milan de
1595 à 1631. Par une émulation touchante, que
Manzoni a célébrée dans les Fiancés, il fit
également admirer son dévouement pendant
une nouvelle peste qui ravagea sa ville
épiscopale. Ce fut lui qui fonda la bibliothèque
Ambrosienne.
BORROMEO
BORROMEO (André), missionnaire italien,
né dans le Milanais, mort en 1683. Il fit partie
de l'ordre des théatins, partit en 1652 pour la
Mingrélie et la Géorgie, où il se consacra à
l'œuvre des missions, et revint à Rome en
1653. Il a laissé : Relazione délia Georgia,
Mingrelia e Missioni dei teatiniUn quelle
parte, qui a été publiée à Rome en 1704.
BORROMÉES
BORROMÉES (îles) , Insulœ caniculares,
_groupe de quatre petites îles du royaume d'Ita-
lie, situées dans le lac Majeur, à l kilom. de
la côte, entre Stiesa et Pallanza. Ces îlçs, qui
portent le nom de la famille à laquelle elles
appartiennent depuis le xm« siècle, n'étaient
que des rochers arides, lorsque le comte Vi-
tuliano Borromée conçut l'idée, en 1670, d'y
bâtir une maison de plaisance; il y fit trans-
porter du rivage une immense quantité de
terre végétale, fit construire des terrasses et
parvint a transformer ces rochers inhabita-
bles en îles fertiles et délicieuses. Elles sont
rangées dans l'ordre suivant, en allant du nord
au sud : Isolino, appelée aussi San-Giouani et
San-Michele ; Isola Madré, Isola dei Pisca-
tori et enfin Isola Bella. La première, appelée
Isolino (petite île) parce quelle est la moins
grande des quatre, est située près du rivage,
du côtédu promontoire de Pallanza; ellen'offre
rien de remarquable. L'Isola Madré, située au
milieu du lac, est peuplée de faisans ; sept ter-
rasses couvertes de plantes du Midi conduisent
à son château. La troisième, ou île des Pê-
cheurs, n'a guère qu'un kilomètre de circuit
et contient 200 hab., qui tous exercent la pro-
fession de pêcheurs. Du milieu du village, ou
l'on ne voit que filets suspendus et autres en-
gins de pêche, s'élève le clocher d'une église
qui sert de paroisse aux îles Borromées. Enfin
Isola Bella, la plus remarquable de toutes, est
un îlot couvert de jardins étages comme de
gigantesques degrés. La plate-forme qui cou-
ronne toutes les terrasses et d'où l'on saisit
tout l'ensemble de l'île, du lac et des monta-
gnes, jusqu'aux cimes neigeuses' des Alpes,
présente un des plus beaux points de vue que
l'on puisse imaginer. Sur la côte occidentale
s'élève un palais vaste et magnifique, qui ren-
ferme une superbe galerie de tableaux des
meilleurs maîtres ; il communique par une
salle souterraine, tout en coquillages, comme
la grotte d'un fleuve, avec les magnifiques
jardins qui parfument les environs. Quelques
jours avant la bataille de Marengo, ce palais
reçut la visite du général Bonaparte.
BORROMEO
BORROMEO i(Antoine-Marie, comte), litté-
rateur et bibliophile italien, né à I^adoue en
1724, mort en 1813. Dès sa jeunesse, il se fit
connaître par des pièces de vers qui annon-
çaient un véritable talent et par de charman-
tes nouvelles. Il aimait avec passion la litté-
rature de son pays, et il employa une partie
de sa fortune à former une collection com-
plète des anciens écrivains italiens, de ceux
surtout qui avaient donné des nouvelles, et
il en publia les catalogues sous ce titse :
Notizia de' novellieri italiani , con alcune
novelle médite (Bassano, 1794, in-8°). Les
notes spirituelles dont il enrichit cette publi-
cation le forcèrent bientôt à en donner une
seconde édition, qui eut le même succès. Ce
fut ainsi que le comte Borromeo parvint à ra-
nimer le goût d'un genre de littérature émi-
nemment propre au génie italien. Après sa
mort, sa collection fut achetée par deux li-
braires anglais.
BORROMINESCO
BORROMINESCO s. m. (bor-ro-mi-nè-sko
— de Borromini, n. pr.). Archit. Genre bi-
zarre d'architecture, imaginé par l'architecte
Borromini.
BORROMINI
BORROMINI (François), architecte italien,
néàBissone (diocèse de Côme) en 1599,mortà -
Rome enl6G7. Il étudia d'abord la sculpture à
Milan, puis l'architecture à Rome, sous Ma-
derno, qui l'employa dans ses travaux. As-
socié au Bernin, qui venait d'être nommé ar-
chitecte de Saint^Pierre, il conçut contre lui
une jalousie qui empoisonna sa propre exis-
tence, corrompit son goût et finit par le pous-
ser au suicide. Cet artiste était remarquable-
ment doué, il possédait'même le génie artis-
tique; mais le désir frénétique qu'il avait de
surpasser, son rival lui inspira des composi-
tions bizarres, qui renversaient toutes les idées
reçues en architecture et qui eurent en Italie
une vogue aussi brillante que passagère. C'est
lui qui imagina les colonnes ventrues ou tor-
ses, les façades' concaves ou convexes, les
cintres brisés, les volutes à rebours, les enta-
blements ondulés, les balustrades a contre-
sens, les ornements entortillés, etc., dont les
églises de Rome nous offrent de si curieux
spécimens. Son ouvrage le plus remarquable
est la façade de l'église de Sainte-Agnès, place
Navone, qui est loin cependant d'être irré-
prochable.
BORRON,
BORRON, BOIRON, BOURON, BERON,
BOSRON
BOSRON ou BURONS (Robert etHélis), écri-
vains du xne siècle, qui probablement étaient
de la même famille et qui naquirent en Angle-
terre. Par les ordres de Henri II, ils travail-
lèrent ensemble à une traduction, en prose
française du temps, des romans de la Table
ronde; ils traduisirent principalement ceux de
Joseph d'Arimathie, du Saint-Grâal, Lance-
lot du Lac, YHistoire de Merlin. Hélis de Bor-
ron publia seul le Palamède. Tous ces ro-
mans font partie de la Bibliothèque bleue, et
quoique le style en ait été retouché plusieurs
fois, ils portent toujours le nom des deux tra-
ducteurs primitifs, Robert et Hélis.
BORRONI
BORRONI (Giovanni-Angelo), peintre ita-
lien, né à Crémone en 1684, mort en 1772. Son
chef-d'œuvre est Saint Benoit priant pour
Crémone, dans la cathédrale de cette ville.
On admire aussi, à Santa-Maria délia Porta de
Milan, un tableau de Saint Joachim et sainte
Anne.
BORRONIBORRONI (Paul-Michel-Benoît), peintre
italien, né à Voghera en 1749, mort en 1819.
Il obtint le prix de peinture à l'Académie de
Parme, pour son Passage des Alpes par Anni-
bal. Il peignit ensuite, pour le roi Victor-
Emmanuel , Alexandre visitant Biogène dans
son tonneau, et l'hôpital de Milan possède de
lui un portrait de Philippe Visconti. Plusieurs
autres compositions lui valurent des médailles
d'or et d'honorables distinctions.
BORROW
BORROW s. m. (bor-rô). Ichthyol. Genre
de poissons de la famille des spares.
BORROW
BORROW (George), littérateur et voyageur
anglais, né à Norfolk en 1803. S'il faut en
croire les notes autobiographiques relevées
dans ses œuvres,' il mena dans son enfance
une vie très-errante, voyageant sans cesse à
la suite du régiment de son père, qui était of-
ficier instructeur, et ne recevant qu'une édu-
cation irrégulière et incomplète. Ce fut pen-
dant ces longues étapes à travers les comtés
d'Angleterre qu'il fit pour la première fois
connaissance avec les gypsies ou bohémiens,
qui jouent un si .grand rôle dans sa vie. Ce-
pendant il vint bientôt de lui-même étudier à
l'université d'Edimbourg, où il se familiarisa
surtout avec l'étude des langues anciennes :
le celtique, le grec, le latin et différents dia-
lectes ou patois. Puis, ayant embrassé l'état
ecclésiastique, il s'adonna quelque temps à
l'étude de la littérature et des langues étran-
gères. Son goût prononcé pour les voyages le
décida à partir pour l'Espagne comme mis-
sionnaire de la Société biblique ; d'Espagne, il
passa en Afrique, puis en Asie, et parcourut
presque toute l'Europe, distribuant la Bible
d'une main, notant de l'autre toutes les parti-
cularités de ses voyages. A Madrid, M. Bor-
row ayant été emprisonné pour le fait de col-
porter des Bibles en langue vulgaire, il fit de
son incarcération une affaire d'Etat et,-par l'en-
tremise de l'ambassadeur d'Angleterre, força
l'alcade à ordonner sa mise en liberté et à lui
adresser des excuses; mais la populace su-
perstitieuse et fanatique de Madrid s'ameuta
contre lui et voulut le lapider. Il fut alors
forcé de chercher un refuge dans les bois, où
il rencontra ses anciennes connaissances les
bohémiens, dont il parlait assez facilement la
langue et dont, pendant plusieurs semaines,
il étudia les mœurs d'après nature. Revenu à
Londres une première fois, M. Borrow publia,
sous le titre de : les Zingari (1841, 2 vol.),
ses impressions de voyage, s'étendant avec
complaisance sur la vie singulière de ce peu-
ple cosmopolite, qui prend tour à tour le nom
cle gypsies en Angleterre, zingari en Italie,
bohémiens en France, gitanos en Espagne, etc.-
Encouragé par le succès de ce premier ou-
vrage, M. Borrow en publia une suite intitu-
lée : la Bible en Espagne (1843, 2 vol.) ; puis,
il fit paraître Lavengro (1850,3 vol.), sorte d'au-
tobiographie qui n'est encore qu'un complé-
ment de ses premiers ouvrages, et, en 1858,
Romannie Rie, dans lesquels il s'efforce de ré-
habiliter dans l'opinion publique le peuple sans
patrie qui avait été constamment l'objet de ses
études. On a comparé successivement les ou-
vrages de M. Borrow à ceux de Cervantes et
de Le Sage. Outre que cette assimilation con-
stitue un éloge exagéré de ces productions, on
peut dire que la comparaison manque de jus-
tesse et que les critiques ont confondu 17m-
mour d'un Anglais avec l'esprit particulier qui
anime les romans du genre picaresque.
BORROWSTONNESS
BORROWSTONNESS ou BO'NESS, ville ma-
ritime d'Ecosse, comté et à 5 kilom. N. de
Linlithgow, à 27 kilom. O. d'Edimbourg, sur
la rive droite de l'estuaire du Forth ; 2,809 hab.
Exploitation de houille et salines; pêche du
hareng ; fabriques de savon et de poterie. Aux
environs, beau château des ducs d'Hamilton.
BORROWDALB,
BORROWDALB, village d'Angleterre, comté
de Cuinberland, à 10 kilom. S.-O. de Keswick ;
400 hab. Très-importante exploitation de plom-
bagine.
BORRUS
BORRUS (Christophe). V. BORRI.
BORSA,
BORSA, ville de l'empire d'Autriche, en
Hongrie, comitat de Marmaros, a 75 kilom.
S.-E. de Szigeth; 3,500 hab. Mines d'or, de
plomb argentifère et de cuivre, avec fonderie
dans les environs. Borsa est située à l'entrée
d'une gorge qui conduit dans la Bukowine.
BORSATO
BORSATO (Joseph), peintre italien, né à
Venise vers 1800. Il fit ses études à l'Acadé-
mie de cette ville, où il devint plus tard pro-
fesseur, et il ne peignit guère que des pay-
sages et des monuments. Il a reproduit dans
une série de tableaux les sites les plus célèbres
de Venise : le Rialto, le Pont des Soupirs,
Saint-Marc et le Palais des doges. Il dessina
aussi plusieurs paysages de la campagne ro-
maine. On a de lui un ouvrage intitulé : Œuvres
ornementales, publié par les soins de l'Acadé-
mie de Venise (]83l). Toutes ses productions
brillent par la couleur et par l'habile disposi-
tion de la lumière.
BORSCHOD
BORSCHOD ou BORSZOD, nom d'un comitat
ou.subdivision administrative de l'empire d'Au-
triche, dans le gouvernement de Hongrie,
borné au N. par les comitats de Gomor et de
Torn, à l'E. par ceux de Zemplin et d'Abaujvar,
au S. par celui d'Hevesch, et à l'O. par ceux
deGomoretd'Hevesch; superficie, 360,250 hec-
tares; 232,000 hab.; ch.-l. Misfolez. Ce co-
mitat, qui tire son nom de l'ancien château
fort de Borszod, aujourd'hui en ruine, est une
des plus riches provinces de l'ancien royaume
de Hongrie; il renferme plusieurs gisements
de fer, de cuivre et de houille, du marbre et
de l'ardoise; il produit en abondance du fro-
ment réputé le plus beau de la Hongrie, d'ex-
cellents fruits, du tabac, du chanvre, et des
vins estimés. On y élève un nombreux bétail,
moutons, porcs et chevaux, que nourrissent
les pâturages de belles prairies arrosées par
plusieurs cours d'eau.
BORSÉNIEN
BORSÉNIEN s. m. (bor-sé-ni-ain). Hist.
relig. Membre d'une petite secte fondée en
Allemagne, au xvme siècle, par Borsénius et
David Bar.
BORSETTl (Ferrante), poëte et jurisconsulte
italien, né à Ferrare en 1682. Après avoir été
reçu docteur en droit, il remplit d'importantes
fonctions à Ferrare. On a de lui : Historia
almi gymnasii Ferrariœ (1735) ; Bertoldo con
Bertoldinô e Caccasenno, canto ottavo (1736);
/ Colpi ail' aria, capitali giocosi, colle notedi
Tretaferno Bresti (1751), et d'autres poëmes,
qui furent publiés dans divers recueils.
B O R S H O L D E R s. m. (bor-chol-deur). Hist.
Chef d'une décurie chez les Anglo-Saxons.
BORS1EIU DE KANIFELD (Jean-Baptiste),
en latin B u n c r i u i , médecin italien, né à
Trente en 1725, mort en 1785. Il avait quatorze
ans lorsqu'il commença à étudier les langues
anciennes, qu'il apprit en deux ans. Il alla en-
suite étudier-la médecine à Padoue, puis à
Bologne, et fut reçu docteur avant l'âge.ordi-
naire. A Faenza, où il se rendit pour exercer
son art, il parvint à combattre une épidémie
qui faisait beaucoup de victimes. Lorsque
I impératrice Marie-Thérèse entreprit de ré-
former les études médicales à Pavie, elle y
appela Borsieri, qui y fonda cette clinique si
célèbre dans les fastes de la médecine. Il ne
quitta cette ville que lorsqu'il fut nommé mé-
decin de la cour archiducale de Milan. Ses
principaux ouvrages sont : Institutions medi-
cinœ practicœ, quas auditoribus suis prœlegebat
Burserius de Kanifeld (Milan, 1781-1788,4 vol.
in-8°) ; De anthelmintica argenti viui facultate
(1753); Délie acque di San-Cristoforo (1761);
Nuoui fenomeni scoperti nell' analisi chimicke
del latte (1772), et des Œuvres posthumes édi-
tées par Berti (Vérone, 1820-1823, 3 vol. in-8°).
BORS1N1 (Laurent), poète italien, né vers
1800 d'une famille peu aisée de Sienne (Tos-
cane). Il entra à dix-sept ans dans la légion
anglo-sicilienne ; mais lorsque son engagement
fut expiré, il reprit ses études à l'université
de Sienne, fut reçu docteur en théologie en
1819 et nommé professeur d'exégèse biblique
au séminaire. Il dut quitter cette ville à la
suite d'une brochure qu'il écrivit en 1821 :
Réflexions sur la science sacrée. A Rome, où il
se rendit ensuite, il étudia le droit et fut reçu
avocat en 1823 ; mais on n'avait pas oublié ses
démêlés théologiques de Sienne, et, le séjour
de Rome lu: ayant été interdit, il se fit suc-
cessivement comédien, musicien, journaliste,
jusqu'à ce que le succès le retint enfin dans
les lettres. A Florence, Borsini publia un re-
cueil de sonnets satiriques, écrits en prison :
la Bibajoccheide (lS3l)
t
suivis d'autres poésies.
En 1835, il fonda à Naples, avec Fiorentino,
deux journaux littéraires : le Vésuve et le Globe
y
bientôt supprimés par la police. A la même
époque, il publia un poëine sur Mme Pasta,
un autre sur Barbaja, le fameux imprésario
napolitain, et un Voyage humoristique (1837).
II fonda ensuite à Paris, avec Fiorentino, un
journal italien, le Bravo, et se rendit en 1841
à Malte, où il publia ses œuvres choisies, et
en outre : le Prédicateur muet, nouvelle; Mes
prisons en Sicile, l'Espion, comédie politique
en prose (1842); l'Asmo, sorte d'épopée plemo
de verve ; le Novissimo Galateo, satire morale
dont l'idée était empruntée à un ouvrage de
Mgr Casa. Borsini quitta Malte en 1851,
fit un voyage en Orient, et écrivit en Egypte
1014 BORS BORT BORY BOS
une touchante élégie sur la perte de sa fille,
morte du choléra en 1855.
BORSON
BORSON (Etienne), naturaliste piémontais,
né en 1758, mort en 1832. Le cardinal Borgia
lui confia la mission de classer sa collection
d'antiquités. Il fut ensuite nommé professeur
de géologie à l'école des mines de Mou tiers,
conservateur du cabinet d'histoire naturelle
de Turin et membre de plusieurs Académies.
Il publia : Ad orychtographiam Pedemontanam
(1798); Catalogue raisonné du musée d'histoire
naturelle de l'A cadémie de Turin ( 1811) ; Lettres
au docteur Alboni sur le cabinet d'antiquités
du cardinal Borgia (1796) ; Substances miné-
rales exploitées en Piémont (1806) ; Statistique
minéralogique du département du Pô.
RORSONE s. m. (bor-so-ne). Bot. Sorte
d'agaric à chapeau charnu, de couleur jaune
verdâtre, commun dans les bois des environs
de Florence.
BORSIPPA,
BORSIPPA, ville de l'ancienne Babylonie,
au S.-E. de Babylone, sur la rive droite de
l'Euphrate. Cette ville, consacrée h Diane et
à Apollon, était célèbre par ses fabriques de
toiles et par une école d'astronomie. C'est au-
jourd'hui Koufa. Elle offre une célèbre in-
scription assyrienne , en caractères cunéi-
formes, qui a été découverte par le colonel
Rawlinson, antiquaire anglais bien connu dans
le monde savant. Le texte est écrit sur deux
barils d'argile portant une inscription presque
identique; ils ont été trouvés dans le pourtour
de la galerie de la tour de Babel et apportés
au British Muséum à Londres. Cette inscrip-
tion a été, de la part de M. Oppert, le savant
assyriolog'ue, l'objet d'un beau travail inséré
dans les tomes IX. et X du Journal asiatique
(cinquième série, 1857-1858). Dans cette étude
remarquable, parce qu'elle ne portait pas,
comme la plupart des autres faites jusou'iei,
sur un texte rempli de noms propres d'hom-
mes et de villes, facilitant singulièrement les
recherches, M. Oppert a donné le déchiffre-
ment, l'analyse grammaticale et l'interpréta-
tion de l'inscription. Cette publication fit époque
dans l'histoire de l'ussjTiologie, parce qu'elle
détermina nettement la nature et l'origine de
la langue assyrienne, ainsi que la place qu'elle
doit occuper parmi les autres idiomes sémiti-
ques, l'hébreu, le syriaque, io ehaklaïque,
1 arabe et l'éthiopien. Quant à la date do cette
inscription, M. Oppert l'évalue approxima-
tivement au ve siècle avant notre ère, entre
l'avènement de Nabuchodonosor et la prise de
Jérusalem. Voici la traduction de ce curieux
monument d'une époque qui semblait à tout
jamais inaccessible aux investigations de la
science. Elle servira en même temps à donner
à nos lecteurs un échantillon de la littérature
assyrienne, et pourra, à ce point de vue, être
considérée comme une annexe à l'article ASSY-
RIENNE (langue) :
B Nabuchodonosor, roi de Babylone, servi-
teur de l'Etre éternel, témoin de l'immuable
affection de Mérodach, le puissant empereur
qui exalte Nébo, le sauveur, le sage qui prête
son oreille aux injonctions du Dieu suprême;
le vicaire qui n'abuse pus de son pouvoir, le
reconstructeur de la pyramide et de la tour
de Babel, appelée par les Arabes actuels Birs
Nimroud (la tour de Nemrod), fils aîné de
Nabopolassar, roi de Babylone, moi.
» Nous disons : Mérodach, le grand seigneur,
m*a.lui-même engendré; il m'a enjoint de re-
construire ses sanctuaires. Nébo, qui surveille
les légions du ciel et de la terre, a chargé ma
inain du sceptre de la justice.
» La pyramide est le temple du ciel et de la
terre, la demeure du maître des dieux, Méro-
dach ; j'ai fait recouvrir en or pur le sanc-
tuaire où repose sa souveraineté. La tour, la
maison éternelle, je l'ai refondéo et rebâtie;
en argent, en or, en autres métaux, en pierres,
en briques vernissées, en cyprès et en cèdre,
j'en ai achevé la magnificence. Le premier
édifice, oui est le temple des bases de la terre,
et auquel se rattache le plus ancien souvenir
de Babylone, je l'ai refuit et achevé; en bri-
ques et en cuivre, j'en ai achevé le faîte. —-.
Nous dirons pour l'autre, qui est cet édifice-ci:
Le temple des Sept lumières de la terre, et
auquel se rattache le plus ancien souvenir de
Borsippa, fut bâti par un roi antique (on
compte de là quarante-deux vies humaines),
mais il n'en éleva pas le faite. Les hommes
l'avaient abandonné depuis les jours du dé-
luge, en désordre proférant leurs paroles. Le
tremblement de terre et le tonnerre avaient
ébranlé la brique crue, avaient fendu la brique
cuite des revêtements ; la brique crue des
massifs s'était éboulée en formant des collines.
Le grand dieu Mérodach a engagé mon cœur
à, le rebâtir ; je n'ai pas changé remplacement,
je n'en ai pas attaqué les fondations. Dans le
mois du salut, au jour heureux, j'ai percé par
des arcades la brique crue des massifs et la
brique cuite des revêtements. J'ai inscrit la
gloire de mon nom dans les frises des arcades.
» J'ai mis la main à reconstruire la tour et
à en élever le faîte ; comme jadis elle dut être,
ainsi je l'ai refondée et rebâtie; comme elle
dut être dans les temps éloignés, ainsi j'en ai
élevé le sommet. Nébo, qui t'engendres toi-
même, intelligence suprême, dominateur qui
exaltes Mérodach, sois entièrement propice à
mes œuvres pour ma gloire. Accorde-moi pour
toujours la perpétuation de ma race dans les
temps éloignés, une fécondité septuple, la so-
lidité du trône, la victoire de l'épée, la pacifi-
cation des rebelles, la conquête des pays en-
nemis! Dans les colonnes de la table éternelle
qui fixe les sorts du ciel et de la terre, con-
signe le cours fortuné de mes jours, inscris-y
la fécondité t Imite, ô Mérodach ! roi du ciel et
de la terre, le père qui t'a engendré, bénis mes
œuvres, soutiens ma domination 1 Que Nabu-
chodonosor, le roi qui relève les ruines, de-
meure devant ta face I »
Nous n'avons pas besoin de faire remarquer
la curieuse analogie entre les détails donnés
par cette inscription assyrienne et les légendes
sémitiques que la Genèse nous a conservées
dans le récit de la construction et de la destruc-
tion de la tour de Babel.
B O R S I P P È N E s. et adj. (bor-si-pè-ne —
rad. Borsippa). Géogr. anc. Habitant de Bor-
sippa; qui appartient à cette ville ou à ses
habitants.
— Hist. relig. Membre d'une ancienne secte
qui était fort répandue dans la Chaldée.
BORSSUM,
BORSSUM, BORSSEM ou BORESOM (Abra-
ham VAN), peintre et graveur hollandais,
florissait au milieu du xvii
e
siècle. On n'a
aucun détail sur sa vie. Il a imité avec beau-
coup d'habileté plusieurs grands maîtres, en-
tre autres Rembrandt, à l'école duquel quel-
ques biographes le rattachent. Le musée do
Rotterdam a de lui : un Clair de lune, peint
dans la manière d'Aart van der Neer ; la ga-
lerie d'Arenberg, a Bruxelles, possède un
Cheval noir qui accuse directement le style
d'Albert Cuyp ; la galerie Van Loan, d'Amster-
dam, a un excellent paysage avec animaux",
où l'on retrouve encore 1l'imitation de Cuyp.
Ces divers ouvrages dénotent un dessinateur
habile et un coloriste vigoureux. Bartsch a
décrit, sous le nom d'Abraham van Borssum,
quatre eaux-fortes représentant des animaux :
trois de ces eaux-fortes sont signées Boresom.
M. Siret dit qu'il ne faut pas confondre cet
artiste avec Adam VAN BORSSUM, peintre hol-
landais, qui vivait à la même époque et qui a
peint des paysages et des animaux dans la
manière de Paul Potter. Il pourrait se faire
que le Cheval noir, de la galerie d'Arenberg,
lût de ce dernier : on lit sur ce tableau, a côté
de la signature authentique que nous avons
citée, une signature fausse de Paul Potter.
BORSZOD. V. BORSCHOD.
BORT,BORT, ville de France (Corrèze), ch.-l. de
cant., arrond. et à 29 kilom. S.-É. d'Ussel,
sur la Dordogne; pop. aggl. 1,887 hab. — pop.
tôt. 2,554 hab. Chapellerie, teinture, bière,
droguerie; commerce de bestiaux, toiles, bois
de merrain, fer, cire. Parmi les curiosités de
Bort, nous citerons l'église paroissiale et les
Orgues-de-Bort, montagne basaltique d'où l'on
jouit d'un beau panorama. A peu de distance,
on voit les belles cascades de Larue et du Lys.
Patrie de Marmontel.
BORTAMBORTAM s. m. (bor-tamm). Bot. Espèce
d'euphorbe dont les feuilles, macérées dans
l'eau, sont employées en lotion, dans l'Arabie,
pour laver les pustules des enfants, n On
trouvo aussi BORTUM, BORTOM et BORTOMM.
-
BORTHWICK,BORTHWICK, village d'Ecosse, comté et à
1C kilom. S.-E. d'Edimbourg, sur la petite ri-
vière de Gore et le chemin de fer d'Edimbourg
à Hawick ; 1,750 hab. A 2 kilom. de ce village
s'élèvent, dans une petite vallée bien cultivée,
les belles ruines du château de Borthwick,
construit en 1430 par lord Borthwick, avec
permission de Jacques I
e r
. Ce qui reste de
cette lourde construction consiste en une tour
double de 23 in. de longueur, 21 m. de lar-
geur et 27 m. de hauteur; les murs ont 4 m.
d'épaisseur à la base et 2 m. environ au som-
met. Elle est entourée d'une cour fortifiée, et
dont le mur d'enceinte est flanqué de tours à
ses quatre angles. L'intérieur, qui mérite d'êtro
visité, laisse voir, dans une des salles infé-
rieures, un beau plafond voûté qui porte en-
core les traces de devises peintes. La terrasse,
où conduisaient trois escaliers dont deux sub-
sistent encore, offre un beau point de vue. Ce
fut dans le château de Borthwick que Marie
Stuart se retira avec Bothwell, trois semaines
après l'avoir épouse. Le H juin 15G7, une
troupe de cavaliers commandés par les lords
Morton, Hume et Lindsay, vinrent les assié-
ger dans l'espoir de surprendre Bothwell ;
mais celui-ci, averti de leur approche, s'évada
et fut rejoint par la, reine déguisée en page.
Le cinquième lord Borthwick ayant refusé de
rendre son château à Cromwell, celui-ci le fit
bombarder et le força à capituler. On aperçoit
encore les traces des boulets sur le mur orien-
tal. L'historien Robertson est né dans le pres-
bytère du village de Borthwick.
BORTIGALI,BORTIGALI, bourg du royaume d'Italie,
dans l'île de Sardaigue, province de Cagliari,
a 50 kilom. S.-E. de Sassari; 2,500 hab.
BORTLY/E,
BORTLY/E, ville de l'Espagne ancienne,
dans la Tarraconaise, chez les Bergètes; au-
jourd'hui Tormos.
BORTINGLEBORTINGLE s. f. (bor-tain-gle). Navig.
iluv. Plat-bord servant à exhausser le bord
d'un bateau qui prend trop d'eau.
BORTNIANSKY(Dmitri-Stepanovitch), com-
positeur russe, né à Gloukoff en 1751, mort
en 1825. Admis dès l'âge de sept ans au nombre
des chantres de la chapelle impériale par l'im-
pératrice Elisabeth, qui avait été frappée de
sa belle voix de soprano, Bortniansky fut en-
suite confié aux soins de Galuppi, qu'il suivit
en Italie. De 1768 a 1779, il étudia l'art musical
jtalien,et écrivit, conformément à la manière
alors en vogue, des œuvres de tout genre et
i même, dit-on, des opéras. En 1779, de retour
j en Russie, il fut choisi comme directeur du
! chœur de la cour, qui fut appelé définitive-
[ ment en 179C chapelle impériale. C'est alors
i que Bortniansk}', ayant fait choix des plus
! belles voix parmi la foule de chanteurs qu'il
] avait mandés de toutes les provinces russes,
| amena par degrés la chapelle impériale à,
un point de perfection vocale qu'on n'aurait
pu soupçonner. Il écrivit des psaumes complets
a quatre et huit parties, qui portent un cachet
saisissant d'inspiration et d'originalité. Bort-
niansky avait projeté la réforme du chant de
l'Eglise moscovite, dont il voulait effacer tou-
tes les tonalités barbares et les modulations
étranges. Il avait commencé ce travail quand
la mort l'emporta à l'âge de soixante-qua-
torze ans. C'est à M. Alexis de Lvoff, direc-
teur général de la chapelle impériale, qu'était
réservée la glqire de mener à bonne fin l'en-
treprise tentée par Bortniansky.
BORTONABORTONA s. m. (bor-to-na). Bot. Espèce
de ricinelle d'Arabie.
BORTROLEBORTROLE s. f. (bor-tro-lo). Art milit. anc.
S'est dit pour BOUTEROLLE, dans le sens de
•garniture de fourreau d'arme.
BORTROLLEBORTROLLE s. f.' (bor-tro-le). Tige ou
' branche d'un chandelier, il Vieux mot.
BORUBORU s. m. (bo-ru). Trompette d'étain en
usago chez les Turcs.
BORUREBORURE s. m. (bo-ru-rc — rad. bore).
Chim. Combinaison du bore avec un autre
corps simple.
— Encycl. Les borures sont peu connus. Il
paraît qu'en réduisant les borates de potasse
et de soude parle charbon, et le borate de fer
par l'hydrogène, on obtient des borures de po-
tassium, de sodium et de fer. L'acide borique,
chauffé avec du platine en présence du char-
bon, donne du borure de platine.
BORURÉBORURÉ, ÉE adj. (bo-ru-ré — rad. borure).
Chim. Qui est à l'état de
v
borure. il Qui con-
tient du borure.
BORUSCIouBORUSSI, peuple de l'ancienne
Sarmatie d'Europe, habitait les rives du Co-
danus sinus (mer Baltique), dans le pays qui
est devenu la Prusse.
-
BORVONISBORVONIS AQUJE, nom latin de Bourbon-
l'Archambault et de Bourbonne-les-Bains.
BORYBORY (Gabriel), officier de marine et sa-
vant français, né à Paris en 1720, mort en
1801. Il entra fort jeune dans les gardes de la
marine, et, sous la direction du professeur
d'hydrographie Coubart, acquit toutes les con-
naissances relatives à la navigation. En 1751,
il se fit connaître du monde savant par une
description fort claire et fort exacte de l'oc-
tant à réflexion inventé par Hadley. Chargé
de déterminer la position des caps Finistère
et Ortégal, il réussit parfaitement, malgré
les difficultés de tout genre qu'il eut à vain-
cre. Il fit ensuite un voyage en Portugal,
pour aller observer une éclipse de soleil,
qu'on supposait devoir être totale, et pour dé-
terminer en même temps plusieurs points
| des côtes de Portugal et l'île Madère. Plus
;
tard, il fut nommé gouverneur général de
• Saint-Domingue et des îles Sous le vent;
j il proposa divers adoucissements au Code
j noir, mais il fut rappelé par le ministre Choi-
1
seul avant d'avoir pu réaliser les réformes
projetées. Enfin, en 1798, il fut appelé à
l'Institut, mais il ne jouit pas longtemps d'une
récompense que ses travaux avaient si bien
méritée. Outre des mémoires sur les observa-
tions qu'il avait été chargé de faire, on lui
doit : Mémoire sur la possibilité d'agrandir
Paris sans en reculer les limites (1787, in-8o),
et Mémoires sur l'administration de la marine
et des colonies , par un officier général de
la marine (1789, 2 vol. in-8<>).
BORYBORY DE SAINT-VINCENT (Jean-Baptiste-
Georges-Marie), célèbre naturaliste français,
né à Agen en 1780, mort en 1846, se distingua
également comme militaire et comme géogra-
phe. Des travaux remarquables le firent dé-
signer, en 1800, comme naturaliste dans
l'expédition du capitaine Baudin. Demeuré à
l'île de France pour cause de maladie, il vi-
sita un grand nombre d'îles, et publia à son
retour ses Essais sur les iles Fortunées et
l'antique Atlantide (1803), et son Voyage en
Afrique (1804), ouvrage qui lui valut le titre
de correspondant de l'Institut. Il embrassa
ensuite la carrière militaire, et servit avec
distinction dans les étuts-majors de Davoust,
de Ney et de Soult. Proscrit et fugitif do
1815 à 1820, il prit une part active à la rédac-
tion du Nain jaune, qui s'imprimait à. Bruxel-
les; forcé de se cacher dans les carrières des
environs de Maastricht, il consigna l'histoire
de ces vastes cryptes dans son Voyage sou-
terrain (1823). Il passa en Allemagne, puis
revint à Bruxelles, où il lui fut enfin permis
de résider, et fit paraître, en collaboration
avec deux autres savants, le recueil intitulé
Annales générales des sciences physiques.
Ayant obtenu, en 1828, l'autorisation de ren-
trer en France, il fut chargé, en 1829, par le
ministre Martignac, son ami d'enfance, du
commandement de l'expédition scientifique de
Morée. Après 1830, il fut nommé chef du bu-
reau historique au ministère de la guerre, et
promu au grade de maréchal de camp dans le
corps du génie. Outre les ouvrages déjà cités,
on a de ce savant un Essai sur la matière, un
Traité des animaux microscopiques, un Essai
zoblogique sur le genre humain, un Résumé de
la géographie de la péninsule Ibérique (1838),
et une foule d'articles remarquables dissémi-
nés dans des revues ou des recueils spéciaux.
BORYNEBORYNE s. f. (bo-rî — do Bory de Saint-
Vincent, natural. fr.L Bot. Genre de plantes
cryptogames, de la famille des algues, réuni
aujourd'hui au genre céramie.
BORYS. Ce nom qui, dans la langue russe,
correspond au français Bernard, a été porto
par plusieurs princes slaves. Les plus connus
sont les suivants : BORYS, fils de Wladimir,
grand-duc d c K i e w , était appelé par droit
d'aînesse à l'héritage paternel et avait reçu
en apanage la ville de Kostow. Envoyé par
son père contre les Petchenègues, il revenait
de cette expédition lorsqu'il apprit que Wla-
dimir était mort, et que Swiatopelk, neveu de
ce prince, s'était emparé du trône. L'armée
proclama Borys, et ce prince se prépara a
reconquérir par la force une couronne que la
trahison lui avait enlevée. Il marcha sur
Kiew à la tête de ses troupes et vint camper
sur les bords de la rivière Alta. Là, des assas-
sins, soudoyés par son compétiteur, s'intro-
duisirent dans sa tente et regorgèrent pendant
son sommeil (24 août 1015). — BORYS , fils do
Wiaczeslaw, duc de Sinolensk, était encore
trop jeune à la mort de son père (1057) pour
disputer le trône à des compétiteurs avides et
puissants. Sa mère, Oda, fille d'un seigneur
allemand , s'enfuit avec lui en Saxe et l'y
éleva. En 1077, Borys revint en Russie, et,
muni des trésors que sa mère avait, avant son
départ, enfouis dans la terre ou confiés à de
fidèles serviteurs, se fit de nombreux parti-
sans et songea à revendiquer ses droits par
les armes. Aidé par un de ses cousins , il
vainquit, sur les bords de ia rivière Oryco,
l'usurpateur Wszewolod, et alla ensuite met-
tre le siège devant Czernigow. Mais Wsze-
wolod accourut au secours de cette ville, et
Borys fut tué dans le combat livré sous ses
murs (3 octobre 1078). Avec lui s'éteignit la
race de Wiaczeslaw. — BORYS, prince de
Twcr, succéda, en 1420, à sou père Alexan-
dre, et se trouva, en 1430, au congrès de sou-
verains que Witold, grand-duc de Lithuanie,
réunit à Luck (Wolnynie), sous le prétexte
d'organiser une croisade contre les Tatars,
mais dans le but réel de se créer un royaume
indépendant en Lithuanie. En 1440, 'Borys
accueillit à sa cour Ignace, métropolitain do
Moscou, qui s'était enfui de cette ville à la
suite de ses démêlés avec le grand-duc Ba-
sile II, et prit ensuite parti contre ce dernier
dans la guerre qu'il eut à soutenir contre le
prince Szemiaki. La ville de Moscou fut prise,
et Basile, tombé aux mains do son adversaire,
eut les yeux crevés : aussi est-il connu dans
l'histoire sous-le nom de Basile l'Aveugle.
Mais, en 1445, Borys embrassa la cause du
prince détrôné et l'aida à reconquérir son du-
ché. Basile, reconnaissant, s'engagea par un
traité à ne jamais incorporer Twcr à ses pos-
sessions, et donna sa fille en mariage ù Iwan,
fils de Borys. Ce dernier mourut en 14G1.
BORYSTHENE,
BORYSTHENE, fleuve de l'ancienne Sar-
matie d'Europe, affluent du Pont-Euxin.
C'est aujourd'hui le Dnieper. V. ce mot.
B O R Y S T H É N I E N , IENNE s. e t a d j . ( b o -
ri-sté-ni-ain, i-è-ne). Géogr. anc. Habitant
des bords du Borysthène ou Dnieper; qui
appartient à ce fleuve, aux contrées qu'il
baigne ou à leurs habitants. H Se dit encore
dans le style soutenu.
BORYSTHÉNITEBORYSTHÉNITE s. m. (bo-ri-sté-ni-tc).
Hist. relig. Membre d'une secte do mahome-
tans qui habitent les bords du Borysthène.
BORYEBORYE s. f. (bo-ri — de Bory de Saint-
Vincent, natural. fr.). Bot. Genre de plantes,
de la famille desliliacées, comprenant un cer-
tain nombre d'espèces, toutes originaire? de
l'Australie, il On a donné aussi ce nom au
genre FORESTIÈRE.
BORZONE
BORZONE ou BORZON1 (Lucien), peintre
italien, né à Gênes en 1590, mort en 1645. Il
se fit d'abord connaître par de petits portraits
en miniature, propres à être incrustés dans
des bagues; puis le duc de Massa, Albéric,
l'ayant recommandé à César Corte, il se mit
à copier les gravures des maîtres, et enfin h
peindre de grands tableaux. Un de ces ta-
bleaux, qui représentait Diogène à moitié nu,
tenant un livra dans la main droite et sa lan-
terne de la main gauche, eut un grand suc-
cès; son Saint François recevant les stig-
mates ne fut pas moins admiré; il-en fut de
même de ses portraits du poëte Chiabrera,
du cardinal Odescalchi (depuis Innocent XI),
et du capucin Tommano da Trebbiano. La fa-
mille Loinellini l'ayant chargé, en 1645, de
peindre une Nativité du Sauveur, il tomba
d'un échafaud fort élevé sur lequel il travail-
lait, et se fracassa la tête. — Borzone laissa
trois fils, qui cultivèrent aussi la peinture;
l'un d'eux, MARIE-FRANÇOIS, né à Gênes en
1025, mort en 1096, fut appelé en France par
Louis x r v , en 1074, et il peignit de beaux
paysages dans les appartements du Louvre
et au château de Vincennes. Ses tableaux,
dont plusieurs ont été gravés par Jacques
Coîilmans, rappellent la manière de Claude
Lorrain et celle du Guaspre.
BOS
BOS (Jérôme), peintre et graveur hollan-
dais. V. BOSCH.
BOSBOS (Jean-Louis DE), peintre de fleurs et
de fruits, né à Bois-le-Duc au commencement
du xvio siècle. Il joignait à la fraîcheur du co-
loris une perfection de détail telle, qu'il par-
BOS
BOSC
BOSC
BOSC 1015
tenait à représenter des insectes qu'on ne
pouvait voir qu'à la loupe.
BOS
BOS (Cornelis), dessinateur et graveur fla-
mand, né vers 1510, travaillai^ à Rome de
1545 à 1555. On a de lui, entre autres estam-
pes : Y Histoire de Saiil (4 pièces) ; Moïse bri-
sant les tables de la Loi (d'après Raphaël) ;
Loth et ses filles; Jésus et la Samaritaine ;
VEnsevelissement du Christ (d'après Frans
Floris) ; le Jugement dernier ; le Mauvais riche
dans l'enfer (d'après Martin Heemskerck);
Vulcain forgeant les foudres de Jupiter (d'a-
près le même); Venus sur son char, le Triom-
phe de Bacchus, l'Offrande à Priape (d'après
Lambert Lombard); les Géants escaladant le
ciel, la Chute de- Phaéton, le Combat des cen-
taures et des Lapithes (d'après Luca Penni);
Laocoon, Vénus et Adonis (d'après le Titien);
la statue équestre de Marc-Aurèle ; un Homme
nu à cheval; un Moine saisi par la mort ; des
trophées, des armures, des cariatides, des
grotesques, etc.
BOS
BOS (Jérôme). V. BOSCH.
BOS
BOS (Balthazar VAN PEN) V. BOSSCHE.
BOS
BOS (Lambert), philologue et critique hol-
landais,~né en 1670 à Worltum (Frise), mort
en 1717. Il acquit une connaissance profonde
de la langue grecque; obtint en 1G97, à la mort
de Sibranda, la place de lecteur à l'univer-
sité de Franeker, et, en 1704, fut nommé, à
la place de N. Blancard, professeur de langue
et de littérature grecques. On a de lui : Exer-
V citationcs philologicœ (Franeker, 1700, in-S°);
I Ellipses (jvœcœ (1702), ouvrage devenu clas-
\ sique et qui a été souvent réimprimé ; Obser-
vationes miscellaneœ (1707, in-8
u
); Antiquita-
tum grœcarum prœcipue atticarum descriptio
brevïs (17,14); Vêtus Testamentum... (1709,
in-*
0
), excellente édition des Septante, etc.
BOSBOS (DU). V. DUBOS.
BOSBOS DE GUEILLE (Françoise), malheureuse
femme tourmentée d'agitations hystériques,
que \A médecine moderne guérirait facilement;
et que la justice du xvn
e
siècle traita de rela-
tions coupables avec l'esprit malin. Voici la'
déposition de Françoise Bos tirée de V Arrêt
et procédure faite à Françoise Bos, accusée d'a-
voir eu accointance avec un incube, le lundi 30 jan-
vier 1C06. «Ladite dépose cme, quelques jours
avant la fête de la Toussaint de l'an 1605, elle
étant couchée avec son mari dormant, quelque
chose se jeta sur son lit, ce qui l'éveilla de
frayeur; et une autre fois cette même chose se
jeta sur son lit comme une boule, elle veillant,
et son mari dormant. L'esprit avait la voix d'un
homme. Après qu'elle eut demandé : « Qui est
• là?» on lui dit fort bas qu'elle n'eût point
peur; que celui qui la visitait était capitaine
dfl Saint-Esprit, qu'il était envoyé pour jouir
d'elle comme son mari, et qu'elle n'eût crainte
de le recevoir dans son lit. Comme elle ne le
voulut permettre, l'esprit sauta sur une huche,
puis à terre, et vint à elle, lui disant : « Tu
> es bien cruelle, que tu ne veuilles permettre
» que je fasse ce que je veux. » Et décou-
vrant le lit, lui prit une des ses mamelles, la
soulevant et disant : « Tu peux bien connaî-
• tre maintenant que je t'aime, et te promets
» que, si tu veux que je jouisse de toi, tu se-
•> ras bien heureuse; car je suis le temple de
• Dieu, qui suis envoyé pour consoler les pau-
• vres femmes comme toi. » Elle lui dit qu'elle
n'avait affaire de cela, et qu'elle se conten-
tait do son mari.L'esprit répondit : «Tues bien
B abusée; je suis le capitaine du Saint-Esprit,
• qui viens à toi Dour te consoler et jouir de toi,
• t assurant que je jouis de toutes les femmes,
» hormis celles des prêtres. » Puis, se mettant
dans le lit : o Je te veux montrer, dit-il,
• comme les garçons dosnoyent les filles. »
Et, cela fait, il commença à la tatouiller... et,
s'en alla sans qu'elle sut comme il était fait
ni s'il avait opéré... Toutefois, elle croiWjue
c'était un esprit bon et saint, qui est ac-
coutumé de jouir des femmes. Elle ajoute
que, le premier jour de cette année, étant
couchée près de son mari, vers minuit, elle
^ veillant et son mari dormant, ce même es-
^ ^ prit vint sur son lit et la pria de permettre
qu'il se mit dedans, alm de jouir d elle et de
J la rendre bien heureuse ; ce qu'elle refusa. Et
' il lui dit ai elle ne voulait pas gagner le ju-
bilé; elle dit que oui. « C'est bien fait, » dit-il;
mais il lui recommanda qu'en se confessant,
^ ^ e l l e ne parlât point à son confesseur de cette
^ H t f b û ^ E t , interrogée si elle ne s'était pas
^ ^ P P S ^ s é e 'l'avoir couché avec cet esprit, elle
^ ^
L
.Qu'elle ne savait pas que ce fût offense
As.xo'vc accointaice avec ledit esprit, qu'elle
^croyait bon et sa'mt; qu'il la venait voir toutes
/ les nuits, mais qu aile ne lui avait permis d'ha-
biter avec elle que- cette fois; que quand elle
avait été rude, il s:.utait du lit à.terre, et elle ne
savait ce qu'il dev.-nait; que huit ou neuf jours
avant d'avoir été mise en prison, cet esprit
ne venait plus, pa-ce qu'elle jetait de l'eau
bénite sur son lit et faisait le signe de la
croix. »
Voilà- tout ce que njus savons des déclara-
tions de cette pauvre femme ; mais il est pro-
bable qu'elles durent être plus complètes. Ce
qui le fait croire, c'es*. que la sentence l'ac-
cuse d'avoir invité ses voisines à venir cou-
cher avec l'esprit, afin d'avoir pareille accoin-
tance , leur promettant que celui-ci les
mettrait à leur aise et les aiderait à marier
leurs filles. En conséquence, Françoise Bos !
fut pendue, puis brûlée le 14 juillet 1G0G, I
après avoir préalablement fait amende hono- i
rable. • \
BOSABOSA , ville du royaume d'Italie, dans l'île
de Sardaigne, province de Cagliari, a 50 kil.
S. de Sassari, sur la côte O. de l'île, à l'em-
bouchure du Terno, dans la petite baie de
même nom; 6,500 hab. Place de guerre en-
tourée de vieilles murailles; siège d'un évê-
ché suffragant de Sassari; petit port; expor-
tation de fromages, blé et vins.
BOSAN
BOSAN s. m. (bo-zan — mot turc). Breu-
vage fait avec au millet bouilli dans l'eau,
dont les Turcs font grand usage.
BOSAYA
BOSAYA s. f. (bo-za-ia). Bot. Espèce de
fougère du Malabar, dont les habitants font
un grand usage en médecine.
BOSBERG
BOSBERG , montagne de Saxe, entre Pilnitz
et Dresde, sur la rive droite de l'Elbe, plan-
tée de vignes et haute de 365 m. De la plate-
forme située a son sommet, on découvre un
panorama très-étendu. La vue s'étend sur
300 villages et 188 montagnes. Tout près se
trouve la Ruine, pavillon où la famille royale
se réunit quelquefois pendant l'été.
BOSBOK
BOSBOK s. m. (bo-sbok — holland. bosch-
bok, littéral, bouc des bois). Mamra. Espèce
d'antilope d'Afrique. Les BOSBOKS se tiennent
dans les bois^ où ils se font souvent entendre
par une sorte d'aboiement assez semblable à
celui du chien. (Buff.)
BOSBOOM
BOSBOOM (Johannes), peintre hollandais
contemporain, né à La Haye en 1817, s'est
fait connaître par des intérieurs d'églises et
de monastères, dessinés avec beaucoup de
fermeté et habilement éclairés. Il a obtenu
une médaille de 3? classe à l'Exposition uni-
verselle de Paris, en 1855, pour les ouvrages
suivants : la Sainte Cène dans une église pro-
testante; la Salle du consistoire à Nimègue;
Moines franciscains chantant un Te Deum. Il
a envoyé à l'Exposition universelle de Lon-
dres, en 1862 : une Synagogue et la Cuisine
du monastère. M. Bôsboom a exécuté à l'a-
quarelle diverses compositions du même
genre, parmi lesquelles nous citerons : \'Inté-
rieur de l'église a'Edam, qui a été très-remar-
que à la troisième exposition de la Société
belge des aquarellistes. Cet artiste a été
nommé chevalier de l'ordre de la Couronne de
Chêne.
BOSC
BOSC (Pierre THOMINES PU) , théologien
protestant français et l'un des prédicateurs
les plus éloquents de l'Eglise réformée, né à
Bayeux en 1G23, mort à Rotterdam en 1692,
était fils de maître Guillaume du Bosc, avocat
au parlement de Rouen. Après avoir étudié
la théologie à Montauban et h Saumur, il fut
trouvé capable de desservir l'Eglise de Caen.
En 1645, c est-à-dire à l'âge de vingt-deux ans,
il devint ministre d'une Eglise qui comptait
dans son sein des pasteurs émînents, et parmi
lesquels son mérite le rit bientôt remarquer.
Dix ans s'étaient à peine écoulés, que sa ré-
putation était répandue par tout le royaume,
et son éloquence devint si célèbre, que l'E-
glise de Charenton voulut l'avoir pour minis-
tre, et l'envoya demander à celle de Caen. En
vain on employa les plus fortes sollicitations,
en vain plusieurs personnages de la plus haute
naissance lui firent écrire ou lui écrivirent,
en vain Turenne lui-même lui envoya une
lettre de s
t
a propre main ; rien ne put décider
l'Eglise de Caen à renoncer à son pasteur, et
celui-ci à quitter son troupeau. L'édit de
Nantes n'était pas encore révoqué ; mais, dans
le conseil de Louis XIV, on commençait déjà
a i e miner sourdement; sous le plus léger
prétexte les temples étaient abattus, les mi-
nistres interdits; chaque jour les réformés
voyaient de nouveaux obstacles s'élever de-
vant eux. Un homme aussi éminent que du
Bosc, et qui rendait [de si grands services à
son parti, ne devait pas échapper au zèle
des persécuteurs. En 1GG4, on obtint con-
tre lui une lettre de cachet qui le reléguait
à Châlons, le séparant do l'Eglise de Caen, à
laquelle il était si utile. Le faux témoignage
d'un nommé Pommier avait été cause de cette
disgrâce; cet individu avait prétendu avoir
ouï dire à du Bosc les choses les plus cho-
quantes sur la confession auriculaire; selon
lui, le ministre protestant aurait été jusqu'à
comparer l'oreille des prêtres à un cloaque, à
un égout, à un canal qui recevait toutes les
ordures de la ville. A cette époque d'arbi-
traire, où il suffisait d'une lettre de cachet
Eour disposer de la vie et de la liberté d'un
omme, il n'en fallait pas davantage pour
causer la perte de l'éminent pasteur. Du Bosc
resta quelque temps à Châlons, où l'évêque le
combla d'amitiés et de prévenances, exemple
de tolérance trop rare dans un siècle où les
assemblées du clergé n'accordaient au roi leur
don gratuit qu'à la condition qu'il détruirait
le protestantisme. « Comme l'évêque, dit son
biographe, lui montrait un jour sa maison,
dont les meubles et les appartements étaient
superbes, il lui demanda ce qu'il en pensait,
et si cette magnificence lui paraissait fort
apostolique? Du Bosc, qui ne voulait ni déso-
bliger son bienfaiteur, ni démentir son carac-
tère, répondit qu'il avait deux qualités dans la
ville, qu'il était comte et évoque de Châlons,
et que sa dignité de comte lui donnait des
droits tout autres que ceux del'épiscopat; qu'il
ne voyait rien dans sa maison qui fût au-dessus
de la dignité d'un pair de France et de la ma-
gnificence qui lui convenait.» Une réponse si
polie et si habile ne déplut point au prélat.
Si l'évêque de Châlons était
-
sage et tolérant,
du Bosc n'avait pas moins de savoir-vivre, et
jamais il ne ressembla à ces ministres fanati-
ques dont le nombre fut si grand dans le
parti des réformés. Plusieurs personnes, le
sévère duc de Montausier, entre autres, ayant
démontré au roi son innocence, il recouvra la
liberté de retourner dans son Église, où son
arrivée fut un véritable triomphe. Toute la
ville vint le féliciter, aussi bien les catholi-
ques que les protestants. Une aventure cu-
rieuse se passa même à ce sujet. « Un gentil-
homme de la religion romaine, distingué dans
la province, dont la vie n'était pas fort réglée,
mais qui faisait profession ouverte d'aimer
les pasteurs qui avaient des talents particu-
liers, et qui paraissait surtout enchanté du
mérite de M. du Bosc, voulant solenniser son
retour par une débauche, prit deux cordeliers
qu'il connaissait pour être bons frères, et les
lit tant boire qu'il y en eut un qui mourut sur
le coup. Il alla voir M. du Bosc le lendemain
et lui dit qu'il avait cru devoir immoler un
moine à la joie publique; que le sacrifice au-
rait été plus raisonnable s'il avait été celui
d'un jésuite, mais que son offrande ne lui de-
vait pas déplaire, quoiqu'elle ne fût que d'un
cordelier. » Quoique les mœurs du clergé à
cette époque puissent donner à cette anecdote
une certaine vraisemblance, nous n'en garan-
tissons^ pas l'authenticité. Toute la vie de du
Bosc se passa en voyages et en démarches de
toute sorte pour l'Eglise réformée, qui chaque
jour se sentait de plus en plus menacée. Une
fois même, il fut admis h entretenir Louis XIV
seul dans son cabinet, au sujet des chambres
de l'édit qu'on voulait supprimer. Son élo-
quence, son tact parfait, sa douceur charmè-
rent le roi et sa cour, et, chose rare, la décla-
ration de 1669 revint sur celle de 1666. Si
Louis XIV écoutait quelquefois la voix de la vé-
rité et de la justice, quand elle se faisait enten-
dre à lui, il ne la recherchait pas avec assez de
soin, et laissait trop souvent l'ambition ou le
fanatisme prendre sa place dans son conseil.
Après avoir plusieurs fois rendu justice aux
réformés, il finit par les condamner sans retour,
et l'édit de Nantes fut révoqué. Du Bosc eut
le sort de tous les autres ministres ; il dut
s'exiler, plus heureux encore que tant, d'au-
tres de ses coreligionnaires, à qui il était éga-
lement défendu de franchir la frontière et
d'exercer leur religion. Il se retira en Hol-
lande, où il fut ministre de l'Eglise de Rotter-
dam jusqu'à sa mort. Ménage lui-même a
loué son éloquence : » Dans le temps que j'é-
tais à Caen, dit-il, j'entendis prêcher le mi-
nistre du Bosc. Je n'ai jamais entendu prêcher i
de ministre que cette fois-là. Il prêcha fort
bien, mais il me semble étrange de voir un
prédicateur en chaire avec un chapeau sur l a
1
tête. » Philippe Legendre, qui avait épousé
une fille de du Bosc, a écrit sa vie, qu'il a pu-
bliée avec des Lettres de ce pasteur (1693,
in-8°). On a en outre de du Bosc des Ser-
mons et des Harangues (Rotterdam, 1692).
BOSC
BOSC (L.-Ch.-Paul), prêtre et historien
français, né vers 1740, mort vers 1800. A
l'époque de la Révolution, il était professeur
de théologie au collège de Rodez. 11 prêta le
serment ecclésiastique, ce qui ne l'empêcha,
pas d'être arrêté pendant la Terreur. Après
le 9 thermidor, il recouvra sa liberté, et pu-
blia des Mémoires pour servir à l'histoire u
Roucrgue (1793, 3 vol. in-8°). De Bray, dans
ses T'ablettes biographiques, lui attribue aussi
un Voyage en Espagne, à travers les royaumes
de Galice, Léon, Castille Vieille et Biscaye.
BOSC
BOSC (Jacques D U ) , théologien fiançais,
né en Normandie au xvne siècje. Il apparte-
nait à l'ordre des cordeliers, et il a publié plu-
sieurs écrits, dont les principaux sont : la
Femme héroïque (1645) ; l'Eglise outragée par
les novateurs condamnés et opiniâtres (1657,
in-40) ; Découverte d'une nouvelle /iere'sie(l6G2).
BOSCBOSC D'ANTIC (Paul), médecin de Louis XV,
né dans le Languedoc en 1726, mort en 1784.
Il s'occupa de physique , d'histoire naturelle,
perfectionna la fabrication des glaces et du
verre, et publia sur l'art de la verrerie des
traités estimés. On lui doit aussi des Observa-
lions sur la fausse émeraude d'Auvergne ; des
Expériences sur l'emploi du basalte dans la
fabrication du verre ; un Mémoire sur la cris-
tallisation de la glace, etc. Ses ouvrages ont
été réunis et publiés à Paris (1780,2 vol. in-12).
BOSC
BOSC (Louis-Augustin-Guillaume), natu-
raliste, fils du précédent, né à Paris en 1759,
mort en 1828, occupa divers emplois admi-
nistratifs, tout en se livrant à son goût pour
l'histoire naturelle. Pendant la Terreur, il fut
forcé de se cacher à cause de ses relations
intimes avec Roland et les girondins. Une
anecdote assez curieuse se rattache à cette
époque de la vie de Guillaume Bosc. Un jour
que, sorti de sa retraite, il se promenait dans
la forêt de Montmorency, il se rencontra for-
tuitement face à fiice avec Robespierre, qu'at-
tirait sans doute dans la même forêt le sou-
venir de J.-J. Rousseau, dont, comme on sait,
il était l'admirateur. Le terrible dictateur ne
reconnut pas ou feignit de ne pas reconnaître
le girondin, et celui-ci en fut quitte pour la
peur. Après le 9 thermidor, Bosc reparut à
Paris, puis s'embarqua pour l'Amérique avec
un titre de consul, amassa d'immenses maté-
riaux, et enrichit à son retour les ouvrages de
Lacépède, de Latreille et autres naturalistes
éminents, d'un grand nombre d'espèces nou-
velles et de renseignements précieux sur les
poissons, les reptiles, les oiseaux, les insectes
et les végétaux du nouveau monde. Nommé, en
1803, inspecteur des jardins et pépinières de
Versailles, en 1806, de celles qui dépendaient
du ministère de l'intérieur, et appelé la même
année à l'Institut, il succéda en 1825 à l'il-
lustre Thouin, comme professeur de culture
au Jardin des Plantes. Bosc possédait des
connaissances variées dans les différentes par-
ties des sciences naturelles; mais il a plus
spécialement consacré ses travaux à l'agri-
culture, à la plantation et à l'entretien des
pépinières, des arbres fruitiers et de la vigne,
dont il étudia et décrivit quatre cent cinquante
variétés. On lui doit: Dictionnaire raisonné et
universel d'agriculture; Histoire naturelle des
coquilles (1801, 5 vol. in-18); Histoire natu-
relle des crustacés (1802, 7 vol.); Nouveau
dictionnaire d'histoire naturelle (Paris, 1803-
1804, 24 vol. in-80), etc., et un grand nombre
de mémoires, de rapports, de dissertations,
d'articles, qui ont paru dans les publications
spéciales ou dans les recueils de toutes les
sociétés savantes de l'Europe.
Tuteur de Mlle Roland, il parvint à la faire
remettre-en possession des biens de sa famille.
Dépositaire des manuscrits de M
n
»e Roland, il
conserva à l'histoire et publia, après le 9 ther-
midor, les Mémoires de cette femme remar-
quable, avec laquelle il avait été longtemps en
•correspondance.
BOSC
BOSC (Joseph-Ant. ), homme politique et
savant, frère du précédent, né à Aprey (Haute-
Marne) en 1764, mort en 1S37. Il fut professeur
de physique et de chimie à Troyes, membre
du conseil des Cinq-Cents et du Tribunat,
enfin directeur des contributions indirectes
dans plusieurs départements, de 1S04 à 1830.
Outre un grand nombre de mémoires et de
rapports, on a de lui : Essai sur les moyens de
détruire la mendicité (Paris, 1789, in-80);
Essai sur les moyens d'améliorer l'agriculture
(Paris, 1800); Considérations sur l'accumula-
tion des capitaux (1801); Traité de physique
végétale (1824), etc.
BOSCBOSC (DE MONTANDRÉ DU). V. DUBOSC DE
MONTANDRE.
BOSCABOSCA s. m. (bos-ka — de Bosc, n. pr.)._
Ichthyol. Poisson des mers des Indes, du
genre scolapsis.
— Bot. Genre de plantes peu connu, peut-
être syn. du genre BOSCIE, pour lequel on a
proposé le mot ASAPHE et préféré le mot
DUNCANIE.
BOSCAGERBOSCAGER (Jean), jurisconsulte français,
né à Béziers en 1601, mort en 1687. 11 vint à
Paris pour y étudier la théologie; mais son
oncle Laforet, qui était professeur de droit,
l'engagea à étudier la jurisprudence, et, dès
l'âge de vingt-deux ans, il fut capable de
remplacer ce professeur pendant une maladie.
Il voyagea ensuite en Italie, et l'Académie
de' Rove,'dQ Padoue, le reçut parmi ses mem-
bres. Plus tard, il obtint à Paris la chaire de
droit que la mort de son oncle venait de laisser
vacante. A l'âge de quatre-vingt-six ans, il
tomba un soir dans un fossé, ou il resta jus-
qu'au matin suivant, et mourut des suites de
cette chute. On a de lui : Institution du droit
romain et du droit français (Paris, 1686, in-so) ;
et De justitia et jure, in quo juris utriusque
principia accuratissime proponuntur (Paris,
1689); ce dernier ouvrage ne fut publié
qu'après sa mort.
BOSCAN
BOSCAN ALMOGAVER (Juan), poëte espa-
gnol, célèbre surtout par l'introduction d'une
forme de vers jusquà lui inusitée dans la
poésie castillane, né à Barcelone vers l'an
1500, mort en 1544. Comme son second nom
de famille semble l'indiquer, il devait des-
cendre d'un de ces guerriers catalans ou ara-
gonais, vaillants aventuriers qui jouèrent un
si grand rôle à la fin du xine siècle et au com-
mencement du xivc, en Sicile et en Orient, où
ils furent appelés par le faible Andronic,pour
y soutenir l'empire chancelant de Constanti-
nople, menacé par les Turcs Seldjoucides.
Quoiqu'il en soit, sa famille était lune des
plus honorables de sa ville natale; il entra de
bonne heure dans la carrière militaire, et
servit avec distinction dans les armées de
Charles-Quint en Italie. Là, il apprit la langue
italienne et se livra avec passion à la lecture
des poètes de ce pays ; il fut surtout frappé
de la grâce et de l'harmonie des vers hendé-
casyllabes, et il prit dès lors la résolution
de les introduire dans la poésie espagnole.
Bientôt, entraîné par son amour pour les
lettres, il quitta la vie des camps et accepta
les fonctions de gouverneur du jeune prince
Ferdinand Alvarez de Tolède, qui fut depuis
ce terrible lieutenant de Philippe II, connu
sous le nom de duc d'Albe.
Lorsque Boscan eut terminé l'éducation de
ce jeune seigneur, il épousa dona Anna Giron
de Rebolledo, charmante femme d'une famille
distinguée de Barcelone, et se voua tout entier
à la culture des lettres. Sa situation était des
plus heureuses et des plus enviables, lorsqu'il
mourut à peine âgé de quarante-trois ans,
au moment où il s occupait de recueillir ses
œuvres pour les faire imprimer avec celles
de Garcilaso de la Vega, le plus cher de ses
amis et son émule dans la carrière poétique,
mort à la fleur de l'âge, quelques années aupa-
ravant. La veuve de Boscan prit soin de ne pas
laisser sans effet ce noble projet. Les poésies
des deux amis furent publiées par ses soins, à
Médina del Campo, en 1544, in-40, et réimpri-
mées à Léon, en 1549, in-16. Ces deux édi-
tions sont d'une extrême rareté, au point que
quelques érudits considèrent une réimpression
des œuvres de Garcilaso, qui fut donnée à.
1016 . BOSC
BOSC
BOSC
BOSC
Venise par Fr. Sanchez (Sanctius), comme la
première édition connue de ce poète.
Les œuvres de Boscan sont divisées en
trois livres. Le premier contient ses pre-
mières poésies, où il n'avait employé que
les redondillas ; les deux autres sont en vers
hendécasyllabes. Il raconte lui-même, dans
une lettre à la duchesse de Soma, comment il
fut conduit à composer résolument dans ce
dernier mètre, dont à peine on avait essayé
timidement de se servir avant lui, sans réussir
à l'accréditer. « Me trouvant un jour à Gre-
nade, mande-t-il à la duchesse de Soma, avec
Navagero, ambassadeur de la république de
Venise, et traitant avec lui de quelques sujets
relatifs aux belles-lettres, tels que le génie et
la variété des langues, il me demanda pour-
quoi je n'essayerais pas de familiariser la
mienne avec le sonnet et quelques autres
formes poétiques usitées en Italie, et il m'en-
gagea avec instance à en faire l'épreuve. Je
partis quelques jours après pour me rendre
chez moi. Dans la longueur et la solitude du
chemin, la question et les instances de Nava-
gero me revinrent si souvent à l'esprit, que
je commençai à essayer ce genre de versifi-
cation. J'éprouvai, dans le commencement,
quelques difficultés; mais bientôt je crus
m'apercevoir que mes efforts obtenaient quel-
que succès, et peu à peu j'apportai dans cet
/
essai plus d'ardeur et plus d'attention. J'avoue
cependant que la fatigue d'un travail aussi
nouveau pour moi m'aurait rebuté plus d'une
fois, si je n'avais été soutenu par las avis de
Garcilaso, qui sont faits pour régler non-
seulement mon opinion, mais celle de l'uni-
vers instruit. Louant toujours mon entreprise
et me donnant la marque d'approbation qui
pouvait me flatter le plus, en suivant mon
exemple, il fit si bien, que je me livrai exclu- •
stvcment à ce travail, etc. »
Il composa en conséquence, dans le goût
italien, des sonnets et des pastorales, en pre-
nant pour modèles Pétrarque, Dante, Poli-
tien, l'Arioste et le Beinbo. Il fit aussi, en
hendécasyllabes, une épître à don Diego Hur-
tado de Mendoça, d'un ton qui rappelle Ho-
race, Il combat dans cette épître l'exagération
de la philosophie stoîque, et fait l'éloge de la
modération en toutes choses ; on sent, en la
lisant, que le poëte s'est inspiré de l'ode Beatus
ille qui procul negotiis, et que le poëte latin
avait encore la-dessus laissé quelque chose à
dire. Boscan a aussi traduit de l'italien, en prose
espagnole d'une excellente pureté, le Cour-
tisan, de Baltasar Castiglione, qu'il avait connu
en Italie. Cette traduction ne fut publiée
qu'après sa mort, en 1559, à Tolède, in-4<\
Il traduisit aussi du grec de Musée, en vers
blancs (sciolti), le poëme de HéroetLéandre,
ainsi qu une tragédie d'Euripide qui n!a jamais
été imprimée, et qui, dit-on, contribua beau-
coup à former le style et le goût de son ami
Garcilaso de la Vega.
Le nom de Boscan est resté inséparable de
celui de ce malheureux jeune homme, qu'une
mort prématurée ravit aux lettres et à son
amitié; et leurs deux noms unis sont restés
attachés à l'introduction du nouveau mètre
poétique dont nous avons parlé.
BOSCABESQUE
BOSCABESQUE adj. (bo-ska-rè-sque — de
l'Haï, bosco, bois). Qui a lieu dans les bois, qui
appartient aux bois. Ce mot n'a été employé
que par J.-J. Rousseau, et n'est pas, à beau-
coup près, aussi poétique que bocager *qui a
le môme sens.
BOSCARY
BOSCARY DE VILLEPLAINE (Jean-Bap-
tiste-Joseph) , banquier et agent de change, né à
Lyon en 1757, d'une famille honorablement con-
nue dans le barreau de cette ville, morten 1827.
Son frère aîné, qui était banquier à Paris, le
fit venir près de lui, et après avoir reconnu
son intelligence et son activité, l'associa à ses
affaires. En 1789, Boscary de Villeplaine était
devenu agent de change, et comme il jouis-
sait d'une considération générale, lorsqu'on
organisa la garde nationale, il fut nommé of-
ficier dans le bataillon de la section des Filles
Saint-Thomas; puis, quelque temps après, il
fut porté au commandement de ce bataillon
célèbre. Dans la journée du Q0 juin, lorsque
le châleau des Tuileries était déjà envahi,
Boscary, à la tête de son bataillon, arrive et
prend position dans une galerie par laquelle
le peuple devait nécessairement passer. Il
était temps : la porte est enfoncée à coups de
hache, les envahisseurs se précipitent dans la
galerie; mais, à la vue de ces fiers grenadiers
dont la ferme contenance leur impose, ils
s'arrêtent interdits : Louis XVI était sauvé.
Au 10 août, ainsi que dans la nuit qui précéda
cette fameuse journée, Boscary se trouvait
encore aux Tuileries avec son bataillon. Le
roi, décidé à se rendre à l'Assemblée nationale
avec sa femme et ses enfants, fait venir Bos-
cary,et luiordonnede se réunir avec sa troupe
aux Suisses pour lui servir d'escorte. Boscary,
qui prévoyait les suites funestes de cette ré-
solution, essaya d'en détourner le roi ; mais
n'ayant pu lui faire partager ses craintes, il
dut obéir, et le conduisit jusqu'à l'Assemblée
avec les grenadiers de son bataillon, les Suis-
ses et les grenadiers du bataillon des Petits-
Pères. Après le 10 août, Boscary n'eut que le
temps de se dérober aux recherches de la
commune de Paris. Un décret de mise hors la
loi fut lancé contre lui ; il erra longtemps
dans les environs de Paris. Enfin il trouva le
moyen de gagner Senlis, puis Lyon, et de là
il passa en Suisse, où il put attendre des
•temps plus tranquilles. Sous l'Empire, il re-
vint à Paris et y reprit son état d'agent de
change. A la Restauration, il fut présenté à
la famille royale avec le petit nombre de gre-
nadiers de son ancien bataillon qui vivaient
encore, et il reçut l'accueil le plus gracieux.
Des lettres de noblesse lui furent accordées,
et il fut nommé officier de la Légion d'hon-
neur.
BOSCAS
BOSCAS ou BOSCHAS s. m. (boss-kass). Or-
nith. Nom donné au canard sauvage et à la
sarcelle.
BOSCARY
BOSCARY DE VILLEPLAINE(M»e)
}
femme
d'esprit, de la famille du précédent, célèbre
sous la Restauration et sous le règne de
Louis-Philippe par son salon, qui fut long-
temps à la mode
;
et qu'on appelait dans le
monde : le Paradis de Mahomet, à cause du
grand nombre de jolies femmes qu'il réunis-
sait. Dans son ouvrage : les Salons d'autrefois,
la comtesse de Bassanville donne des détails
curieux et intéressants sur celui de M
m e
Bos-
cary de Villeplaine, qui vit défiler devant elle la
plupart des célébrités contemporaines. C'est
a elle que nous empruntons les quelques anec-
dotes qui vont figurer dans cet article. Mm e Bos-
cary de Villeplaine appartenait à la noblesse
de finance; la fortune de son mari lui permit
de satisfaire son goût pour le monde et pour
la société. Elle acheta sur la place Vendôme
l'ancien hôte.l du fermier général Dangé, sur
lequel le marquis de Bièvre avait fait un mau-
vais calembour. Voyant un jour passer un
convoi funèbre et apprenant que c'était celui
du fermier général, il s'était écrié : « Dieu soit
loué ! maintenant on pourra passer sur la
place Vendôme sans danger."» La femme du
fermier général avait ouvert chez elle un de
ces salons si à la mode vers la fin du xvnif siè-
cle, et avait eu l'art d'y attirer la ville et la
cour.
C'est ce salon que Mme Boscary remit en
vogue sous la Restauration. La mode était
alors aux prédictions, et la réputation de
M'ie Lenormand n'était pas encore éteinte.
Un soir, une jeune femme, qui avait de
grandes prétentions au rôle de sibylle, se fai-
sait présenter tous les nouveaux arrivés, et
leur prédisait leur avenir. Tout à coup elle vit
entrer un jeune homme à la figure pleine de
distinction et de gravité, et quand elle eut ap-
pris que c'était un magistrat, à qui les plus
brillants succès étaient promis, elle secoua
dédaigneusement la tête, et s'écria d'un air
inspiré : « Il ne sera pas magistrat, c'est ail-
leurs que sa destinée l'appelle. » Quand on
eut ajouté qu'il était à la vejjle de faire
un très-beau mariage, elle reprit: n Cet
homme-là ne se mariera jamais. » Puis elle
se le fit présenter et lui parla longuement et
en secret. « Qu'avez-vous donc? » demanda-
t-on au jeune homme quand il sortit de sa
conférence avec la sibylle; « on dirait que
vous êtes tout troublé. — Savez-vous ce
qu'elle m'a dit? murmura celui-ci, à peine r e -
mis de son émotion : elle m'a prédit que je se-
rais prêtre, n Toute l'assistance éclata de rire;
mais, quelques mois après, dans le même
salon, on apprenait que la prédiction ve-
nait de se réaliser, et que le jeune magistrat
avait pris l'habit ecclésiastique. Or ce jeune
homme était M. de Ravignan, qui a conquis
une place si brillante parmi les orateurs sa-
crés du xix
e
siècle. La même prophétesse,
s'il en faut croire Mme de Bassanville, avait
tressailli en voyant pour la première fois le co-
. lonel de La Bédoyère, et elle avait lu dans les
lignes de son visage le sort funeste qui l'at-
tendait.
Ici, pour l'acquit de notre conscience, di-
sons que le Grand Dictionnaire n'est rien
moins qu'un croyant fanatique de ces prédic-
tions à priori. Il n'y ajoute toi que sous béné-
fice d'inventaire, et lorsqu'elles se réalisent,
son scepticisme va jusqu'à supposer qu'elles
ont pu être faites à posteriori.
Parmi les habitués de ce salon, il faut comp-
ter'M. de Morny, qui avait été élevé par une
femme aimable et distinguée entre toutes,
M
m
e de Souza, devenue comtesse de Fla-
hault. On y voyait aussi M. Vatout, dont
Mme de Bassanville dit :« C'était un excellent
homme que M. Vatout. On le disait fort ami de
Louis-Philippe, et l'onajoutaitque cette affec-
tion était toute naturelle; ce qui pouvait être
vrai, car il existait une grande ressemblance
entre lui et ce roi. L'esprit de M. Vatout était
de bon aloi, mais un peu... comment dirai-je?
un peu Cambronne; aussi la chanson qu'il pré-
férait entre toutes était celle qu'il avait écrite
sur le maire d'Eu. Louis-Philippe, d'ailleurs,
semblait un peu de son avis, car il la fredon-
nait souvent d'une voix royalement fausse, D
Or, un jour, M. Vatout était allé chez une
marquise des plus légitimistes, pour voir pas-
ser le bœuf gras; l'animal ne lui paraissant
pas mériter les honneurs du triomphe, il en fit
tout naïvement la remarque à la marquise , qui
s'écria avec animation : • Que voulez-vous,
mon cher monsieur Vatout, c'est toujours
comme ça depuis 18301 Depuis le départ de
Charles X, on n'a pas vu un seul bœuf gras I
— Ah 1 marquise, répondit Vatout avec un
grand sang-froid, ne faisons pas de poli-
tique. »
Une anecdote sur le docteur Véron termi-
nera ce que nous emprunterons au récit de
Mme de Bassanville sur le salon de M»'e Bos-
cary de Villeplaine. 0 Le docteur Véron, dit-
elle, était, devinez quoi?... Il était le méde-
cin inspecteur des tableaux du Louvre, et
ce que je vous dis là n'est pas un conte,
mais bel et bien une histoire véritable. Sous
la Restauration, il obtint ses entrées au Mu-
sée et à l'Opéra en qualité de médecin inspec-
teur des tableaux du Louvre ; j e ne sais pas
s'il leur tâtait le pouls avec un plumeau, car
je ne l'ai jamais vu dans l'exercice de ses
nobles fonctions ; mais ce qu'il y a de certain,
dit-on, puisqu'on peut le constater par le livre
des entrées de l'Opéra, livre conservé aux ar-
chives du théâtre, cest que M. Véron s'y
trouve inscrit tout au long, avec le singulier
titre que je viens de vous dire, n Voilà un
trait caractéristique, oublié par le docteur dans
ses fameux Mémoires; il faut espérer qu'il ré-
parera cette omission dans une prochaine édi-
tion. La mort est venue, comme elle vient
partout ; elle a frappé à la porte de M'™ Bos-
cary de Villeplaine, et dispersé cet essaim de
jolies femmes et d'hommes d'esprit.
BOSCH
BOSCH (Jérôme VAN AEKEN, AQUEN OU
AKL'N, dit Boa ou), peintre et graveur hollan-
dais, né vers 1450 à Bois-le-Duc (d'où lui est
venu son surnom de Bo»ch), mort en 1516. Il
est, avec Van Ouwater, un des premiers
peintres qui peignirent à l'huile en Hollande.
Sa manière est moins sèche que celle de la
plupart de ses contemporains. Il affectionnait
les sujets fantastiques, dans la représentation
desquels il fit preuve de beaucoup d'imagina-
tion. Sa Tentation de saint Antoine (signée
Iheronimus Bosch), qui est au musée d'Anvers,
peut être citée comme un chef-d'œuvre du
genre. Il a fait plusieurs répétitions de ce su-
jet : le Belvédère de Vienne en a une, et on
en voit trois autres au musée royal de Ma-
• drid. Cette dernière galerie n'a pas moins de
sept tableaux de Bosch (le lïiomphe de la
mort, la Chute des anges rebelles, etc.), ce qui
a porté quelques biographes à supposer que
cet artiste devait avoir travaillé en Espagne;
mais cette conjecture n'est pas autrement
fondée. L'Académie des arts, a Vienne, pos-
sède un grand Jugement dernier, de Jérôme
Bosch, taoleau dont il existe une répétition
au musée de Berlin. On attribue à Bosch
quelques estampes, devenues très-rares : la
Tentation de suint Antoine, le Jugement der-
nier, une Pieta et divers sujets grotesques.
BOSCHBOSCH ('S). V. BOIS-LE-DUC.
BOSKAWEN
BOSKAWEN (Guillaume), jurisconsulte et
littérateur anglais, né en 1752, morten 1811.
Il étudia lajurisprudence au collégede Middle-
Temple, et, après avoir exercé la profession
d'avocat, il fut nomme commissaire pour les
banqueroutes et ravitaillement des vaisseaux
de l'Etat. Ses principaux écrits sont : Traité
des condamnations d'après les lois pénales
(in-s°) ; Des progrès de la satire, essai conte-
nant des observations sur les révolutions sur-
venues dans la littérature {m-8°).
BOSCH
BOSCH ou BOSCH I (Hippolyte), médecin
italien, né à Ferrare en 15-10. Son père Jean
Boschi avait lui-même exercé la médecine.
Il fut chargé de la direction de l'hôpital de
Sainte-Anne, et il y professa la chirurgie. On
lui doit, entre autres ouvrages : De vulneribus
a bellico fulmine illatis (Ferrare, 1593,Tn-4<>),
où les plaies d'armes à feu sont considérées à
tort comme des brûlures; De facultate anato-
micaper brèves tectiones (Ferrare, i600^in-4°);
De lœsione motus digitorum et macie brachii
sinistri (1605) ; De curandis vulneribus capitis
brevis methodus (1609, in-40).
BOSCH,
BOSCH, BOSC ou BOSCIUS (Jean-Lonœus),
médecin allemand du xvie siècle. Il fut pro-
fesseur de chirurgie à Ingolstadt, vers 1558,
et publia, entre autres ouvrages : Càncordia
medicorum et philosophorum de humano con-
spectu (Ingolstadt, 1576) ; Dissertatio de peste
(Ingolstadt, 1562) ; De lapidibus qui nascuntur
in corpore humano (1680).
BOSCH
BOSCH (Balthazar VAN DEN), peintre fla-
mand, n é . à Anvers en 1675, mort en 1715.
A l'exemple de son maître Thomas, peintre
obscur, il représenta d'abord de simples
paysans qu'il plaçait dans des appartements
somptueux; mais il abandonna ce genre faux
d'après les critiques de ses amis. Il dut sa pre-
mière célébrité a un portrait du duc de Marl-
borough à cheval; c'était l'un des Van Bloe-
men qui avait peint le cheval. Dès lors ses
tableaux eurent la vogue et se vendirent sou-
vent plus cher que ceux deTeniers ou de Van
Ostade. Celui qui passe pour son meilleur ou-
vrage fut composé pour la confrérie tïes ar-
balétriers d'Anvers et contient les portraits
en pied des chefs de cette confrérie. Il fut
nommé directeur de l'Académie d'Anvers;
mais il mourut peu de temps après. — Un
autre Balthazar VAN DEN BOSCH se distingua
par son talent à peindre les fruits.
BOSCH
BOSCH (Lambert VAN DEN), historien hol-
landais du xvme siècle. Il a publié en hollan-
dais un abrégé d'histoire contemporaine, sous
le titre de : Vie des hommes illustres (1676), et
Vie desplus illustres marins (1676).
BOSCH
BOSCH (Bernard DE), poète hollandais, né
en 1709, mort en 1786. Il publia des Récréa-
tions poétiques, en 4 vol. in-18, et plus tard,
voulant corriger ce qui lui paraissait défec-
tueux dans son premier travail, il fit paraître,
dans le recueil de la Société de littérature na-
tionale , un second essai intitulé : Correc-
tions pour mes premières poésies. Toutes ces
poésies respirent en général une piété douce
et sincère.
BOSCH
BOSCH (Jérôme DE), l'un des meilleurs poè-
tes latins de la Hollande, né à Amsterdam en
1740, mort en 1811. Il fut curateur de l'uni-
versité de Leyde, et membre de l'Institut hol-
landais. Il avait formé une très-riche biblio-
thèque d'auteurs grecs et latins, dont il a
publié le catalogue en 1809 (in-S°). Ses ouvra-
ges les plus remarquables sont : Poemata
(1803); Consolatio ad Joannem Bondt (1807,
in-8°); Appendix poematum{l8G%, in-4°); An-
thologia grœca Hug. Grotii (1795-1810, 4 vol.
in-40) ; un cinquième volume a paru par les
soins de Lennep (1822). Citons encore Laudes
Bonapartii, elegia ad Galliam, poème qui fut
réimprimé en français, en hollandais et en
allemand à Utrecht (1801).
BOSCH
BOSCH (Bernard), poëte hollandais, né à
Deventer en 1746, mort en 1803. Son poëino
de 1\ Egoîsme fut publié pendant qu'il exerçait
la fonction de pasteur de l'Eglise évangéli-
que. Plus tard, il joua un rôle dans les trou-
bles politiques qui agitèrent son pays, et, en
1796, il fut nommé représentant du peuple.
L'exaltation de son patriotisme lui attira des
persécutions; il écrivit quelques brochures
politiques et collabora à divers journaux.
BOSCHA
BOSCHA (Pierre-Paul), érudit italien, né
à Milan en 1032, mort en 1699. Il était prêtre
et fut nommé conservateur de la bibliothèquo
Ambrosienne. Il composa plusieurs ouvrages,
dont le plus remarquable est intitulé : De ori-
gine et statu bibliothecœ Ambrosianœ hemi-
decas (Milan, 1072); Burmann l'a inséré dans
son tome VI de son Thésaurus antiquitatum
Italiœ. Le pape Innocent X, voulant récom-
penser les services de Boscna, lui conféra le
titre de protonotaire apostolique.
BOSCHAEBTS
BOSCHAEBTS (Thomas-W.), peintre. V.
BOSSCHAERT.
BOSCHAGEBOSCHAGE s. m. (boss-cha-je). Ane. or-
thographe du mot BOCAGE.
BOSCHAIN,
BOSCHAIN, AINE adj. (boss-chain,è-ne —
v. l'étym. de bois). Qui est couvert de bois,
d'arbres sur pied : Terre BOSCHAINE. Il Vieux
_mot.
BOSCHERON
BOSCHERON , littérateur français du xvme
siècle. On ne sait rien de sa vie, et on croit
qu"il fut correcteur en la chambre des
comptes. On a de lui, outre divers écrits :
Carpentariana ou Becueil de pensées histori-
ques, critiques et morales, et de bons mots de
F, Charpentier .(Amsterdam, 1724,in-12).
BOSCIIEltON-BESPORTES. V. DESPORTES.
BOSCHET
BOSCHET (le père Antoine), jésuite fran-
çais, né à Saint-Quentin en 1642, mort en
1699. Il publia des Jîé/lexions sur les juge-
ments des savants (1691), et les Réflexions
d'un académicien sur la vie de Descartes (1691),
opuscules d'un style fort agréable, qui furent
longtemps attribués au père Letellier. On lai
doit encore le Parfait missionnaire ou la Vie
du R. P. Julien Maunoxr (1697).
BOSCHETTI
BOSCHETTI (Amina), danseuse italienne,
née à Milan en 1835, dansait dès l'âge de
neuf ans au théâtre de la Scala, dans le bal-
let de Lindor, des pas de deux et de quatre.
A quinze ans, elle faisait les délices de Milan.
Elle parcourut ensuite l'Italie, reçut les plus
brillantes ovations à Turin, à Florence, à Ve-
nise, et ne tarda pas à passer en Angleterre.
D'éclatants triomphes l'attendaient à Londres
et à Glascow. Toutefois, après un séjour de
quatre années dans ce pays, des raisons do
santé la déterminèrent à revenir en Italie.
Elle s'était fixée à Naples, au théâtre San
Carlo, lorsque M. Perrin vint l'y chercher.
Engagée à l'Opéra de Paris, elle y débuta au
mois de septembre 1863, et excita le plus vif
enthousiasme parmi les partisans de ia danse
expressive et animée. Pourtant sa gloire ne
fut pas sans mélange, et on ne tarda pas à lui
préférer, du moins dans de certaines régions,
la correcte, gracieuse et pudique M
| l e
Mou-
ravieff. Les bonds prodigieux, les pirouet-
tes vertigineuses, la fougue passionnée de
M'ic Boschetti,
e
{ sa souplesse voluptueuse,
contrariaient la tradition française à laquelle
lesTaglioni et les Fanny Elssler ont cependant
porté un grand coup ; aussi a-t-on reproché à
la danseuse napolitaine une mimique exagé-
rée, oubliant ainsi que les chorégraphes na-
politains ont porté la pantomime à un degré
d'expression qu'elle n'a jamais atteint dans les
autres pays. Mlle Boschetti est venue trans-
l a t e r sur la scène de l'Opéra la pantomime
istorique, traditionnelle, dont la plupart do
nos dilettantes ne se doutaient pas en^uMtf
son style tient plutôt de la tarentel/a napo^^
taine que du boléro espagnol ; il n'est pas dé-
pourvu de grâce, de noblesse et de majesté,
malgré ses emportements q^i rappellent un
ciel ardent et une terre brûlante. Profitant des
loisirs que lui laisse l'Opéra à chaque saison,
M'ie Boschetti parcourt l'é ranger. En 1864,
son triomphe a été complet a Bruxelles, dans
le Ballet des Nations, où elle exécute les
danses particulières à différents peuples. Cet
ouvrage, ainsi que la Mcschera ou les Nuits
de Venise, a été composé £our mettre en relief
les qualités de cette aitiste, qui a créé les
principaux rôles dans b s ballets de Rota et
de Borri.
BOSCHHOND
BOSCHHOND s. m. (du holland. bo^ch, bois ;
hond, chien). Mamm. *Jom donné au chacal,
dans les colonies hollandaises de l'Afrique.
BOSCHI
BOSCHI (Fabrizio), peintre italien, né à
Florence en 1570, mort en 1642. Il eut pour
maître Domenico Passignani. La plupart de
ses compositions se trouvent dans les églises
.et dans les palais de Florence ; on cite surtout:
BOSC BOSC BOSE
BOSI 1017
Saint Bonaventure communiant de la main
d'un ange; Saint Bernardin de Sienne entre
deux anges ; Michel-Ange reçu par Jules III;
la Présentation au temple, et le Martyre de
saint Sébastien.
BOSCH1 (Francesco), peintre italien, né à
Florence en 1619, mort en 1675. Il était fils de
Fabrizio, et il peignit presque toujours des
sujets religieux -.l'Election de saint Matthieu,
apôtre, orne la galerie de Florence, et le mu-
sée du Louvre possède un portrait de Galilée
peint par cet artiste, qui, déjà vieux, em-
brassa l'état ecclésiastique. — Son frère aîné
ALFONSO fut son élève et peignit aussi des su-
jets de sainteté.
v
BOSCHBOSCH I (Hippolyte). V. BOSCH.
BOSCHINI
BOSCHINI (Marc), peintre, graveur et lit-
térateur italien, né à Venise en 1613, mort en
1678. Ses tableaux lui valurent trois chaînes
d'or, que lui donnèrent l'empereur Léopold I«
r
,
l'archiduc d'Autriche et le duc de Modène. Il
gravasoixante et une cartes comprenant tout le
royaume de Candie, et quarante-huit autres
contenant la description complète de l'Archi-
pel ; en outre, il publia divers ouvrages à la
gloire de Venise et de ses richesses artisti-
ques, ainsi que de celles de Vicence. Ces ou-
vrages abondent en figures outrées, selon l'es-
prit du temps : on y voit, par exemple, « huit
Vents qui poussent le vaisseau de Venise dans
la haute mer de la peinture, à la honte de
ceux qui n'entendent rien à la boussole. •
BOSCH1US (Jacques), savant jésuite alle-
mand, connu par un ouvrage d'érudition inti-
tulé : Symbolographia, sive de Arte symbolica
sermoncs septem, etc. Ce livre fut imprimé
à Augsbourg en 1702 (in-fol.) et renferme un
grand nombre de figures. L'auteur le dédia a
l'archiduc Charles d'Autriche.
noSCHIUS (Pierre VAN DKN BOSCHE), éru-
dit et théologien flamand, né à Bruxelles on
1686, mort en 1736. Il appartenait à l'ordre
des jésuites, et son goût pour les travaux d'é-
rudition le fit adjoindre aux bollandistes. Les
Acta sanctorum renferment plusieurs parties
importantes composées par Boschius, entre
autres : le Tractatus historico-chronologicus
de pairiarchis antiochenis tam grœcis quam
latinis imo et jacobitis, usque ad sedem a Sar-
racenis eversam (Anvers, 1725, in-4").
BOSCHNIAKIE
BOSCHNIAKIE s. f. (bosk-nï-a-kî — de
Boschniaki, n. pr.). Bot. Genre de plantes pa-
• rasites, de la famille des orobanenées, com-
prenant un petit nombre d'espèces, dont la
plus connue croît dans le nord de l'Asie.
BOSCHRATTE
BOSCHRATTE s. f. (du holland. bosch, bois;
ratte, rat). Mamm. Nom hollandais d'une
sarigue du Cap.
BOSCIE
BOSCIE s. f. (boss-sï — de Bosc, n. pr.).
Entom. Genre d'insectes coléoptères penta-
mères, établi aux dépens des cébrions, et
comprenant cinq espèces, qui vivent aux
Etats-Unis.
— Bot. Genre de plantes de la famille des
capparidées, comprenant deux espèces, indi-
gènes de l'Afrique tropicale. I] On a aussi
donné ce nom à un genre mal connu de la fa-
mille des rutacées, appelé aujourd'hui DUN-
CANIE. On l'a aussi appelé ASAPHK.
BOSCO,
BOSCO, ville du royaume d'Italie, province
et à 12 kilom. S.-E. d'Alexandrie; 3,000 hab.
Patrie du pane Pie V. Près do Bosco se
trouve une abbaye de dominicains, construite
en 1567 par ordre du même pape, et possé-
dant des peintures de Raphaël, de Michel-
Auge, de Paul Véronèse, d'Albert Durer, etc.
BOSCO
BOSCO (Jérôme)-. V. BOSCH.
BOSCO
BOSCO (Bartolomeo), célèbre prestidigita-
teur italien, né à Turin en 1793, mort à Dresde
en 1862, et non à La Haye, comme on l'a pré-
tendu. Soldat à dix-neuf ans, il fit plusieurs
des campagnes de l'Empire et reçut quelques
blessures. Laissé pour mort sur le champ de
bataille pendant l'expédition de Russie, il fut
fait prisonnier et conduit en Sibérie, où il
passa près de deux ans. Son talent d'escamo-
teur lui procura dès lors le moyen de gagner
assez d'argent pour venir quelquefois au se-
cours de ses compagnons de captivité. Rendu
à la liberté en 1814, il quitta la carrière mili-
taire et, armé de sa baguette magique, entre-
prit de courir le monde. Depuis lors et pen-
dant un demi-siècle, il a su attirer la foule à
ses représentations, et il a rempli les journaux
de tous les pays du récit de ses merveilleux
talents qu'il a fait admirer partout, de Paris à
Constantinople, de NaplesàSaint-Pétersbourg
et jusqu'en Amérique.
Parmi les bons tours que lui prête la chro-
nique, on cite les suivants : Très-jeune en-
core et soldat, il fut un jour atteint d'un coup
de lance au côté et tomba au milieu des bles-
sés. Après la bataille, il voit arriver sur lui un
cosaque, qui se meten devoir de le dépouiller.
Bosco ne dit rien, fait le mort; mais pendant
que l'avide maraudeur se penche sur lui pourle
fouiller, lui-même, prestement et délicatement,
explore les poches du pillard, les vide à me-
surejju'elles s'emplissent, et bien mieux, re-
prend au Kalmouk deux bourses au lieu
d'une,
Car c'est double plaisir de voler un voleur.
Plus tard, Bosco était en Italie, à Naples,
et il eut avec saint Janvier un véritable as-
saut de miracles. Saint Janvier venait de faire
le sien, c'est-à-dire que la matière rougeâtre
• qui représente son sang venait d'entrer en
ébullition en présence de tout le peuple, ce
j qui se voit tous les six mois à Naples, en mai
et en septembre. Voici comment Bosco exé-
cuta son miracle. Ayant pris un peu de blanc
de baleine coloré en rouge, substance qui,
mêlée avec de l'acide sulfurique, aie privilège
de se liquéfier à une très-faible température,
il reproduisit devant les Napolitains ébahis
le même fait merveilleux. — On sait que l'é-
lévation de la température, nécessaire pour
Vébullition , est provoquée dans la chapelle
de saint Janvier par la flamme d'une grande
quantité de cierges, qui flamboient préci-
sément au moment ou le miracle doit se ma-
nifester.
Bosco aimait à s'amuser des badauds du
boulevard. Un jour, il avise un sergent de
ville, et, lui désignant un passant, homme dis-
tingué et fort bien mis : • Arrêtez monsieur,
lui dit-il, il vient de me voler mon porte-
monnaie. • Le monsieur accusé se récrie, et
on se rend chez le commissaire. Bosco décrit
minutieusement l'objet volé; on fouille l'ac-
cusé, et l'on ne trouve aucun porte-monnaie
accusateur. Au fait, reprend Bosco en fixant
des yeux étincelants sur le sergent de ville :
« Vous avez une mine qui ne me revient pas,
vous, et vous pourriez bien avoir là, dans la
poche de votre gilet, quelque objet qui ne s'y
est pas introduit tout seul. » Le sergent se
fouille, le porte-monnaie sort de l'endroit in-
diqué. Le commissaire se prépare à dresser
procès-verbal, et tout se termine par des
éclats de rire quand on entend le plaignant,
invité à décliner son nom, dire : Bosco.—Voici
un tour dans lequel il excellait et qu'il exé-
cuta plusieurs fois. Quand la pluie venait de
transformer en bouillie le macadam de cette
' bonne ville de Paris, et que la dernière ondée
s'en allait par les égouts, Bosco s'arrêtait tout
à coup devant un ruisseau, et s'écriait, avec
un accent de conviction qui aurait triomphé
des plus incrédules : « Sapristi 1 je viens de
laisser tomber un napoléon de 20 Irancs dans
cette rigole. » Et tous les passants de s'arrêter,
de retrousser leur manche, et de chercher la
pièce. Lorsqu'une dizaine de bras étaient dans
l'eau, y compris celui de Bosco, chacun rele-
vait sa main en disant : • Il n'y a rien 1 —
Mais s i
v
répliquait Bosco, je vois la pièce
entre vo's deux doigts. » Et au lieu d'une
pièce perdue, il s'en retrouvait dix. Quelque-
fois un des mystifiés menaçait de se fâcher,
car il voyait dans cette surprise un soupçon
contre son honnêteté; alors l'escamoteur met-
tait tous les rieurs de son côté, et le mécon-
tent lui-même, en disant : « Ce tour-là, mes-
sieurs, s'appelle la pluie d'or de-Bosco. »
Bosco, est-il besoin de le dire? était égale-
ment aux cartes d'une adresse merveilleuse.
Un soir, qu'il se trouvait seul et inconnu dans
un café de Saint-Pétersbourg, trois jeunes of-
ficiers , appartenant à la haute aristocratie
russe, entrent et se préparent à faire une par-
tie de cartes. Comme il leur manquait un par-
tenaire , l'un d'eux, s'adressant poliment à
l'étranger, lui demande s'il veut être de la
partie. Bosco accepte, et l'on se range autour
de la table. La chance tourne contre Bosco et
son associé. Celui-ci propose alors à Bosco de
jouer entre eux la dépense, qui s'élevait à
un chiffre assez rond. Bosco accepte; mais
voici bien une autre fête : vingt parties de pi-
quet se succèdent sans que l'officier russe ait
découvert un seul as dans son jeu. Naturelle-
ment, il en exprime sa surprise. « Il fallait
• vous plaindre plus tôt, répond Bosco ; voyons,
encore un coup pour voir jusqu'où ira cetti
mauvaise chance, n Bosco ramasse les cartes,
les bat avec une dextérité sans pareille, donne
à couper et distribue. L'officier lève ses
cartes les unes après les autres : un as, deux
us, trois as... et ainsi jusqu'à douze. Ce fut un
coup de théâtre; nos trois officiers ne pou-
vaient en croire leurs yeux. « Oh! ce n'est
pas tout, dit notre prestidigitateur ; il vous en
reste encore cinq au talon. » Puis, d'un ton un
peu sévère : « Messieurs, je m'appelle Bosco;
que ceci vous serve de leçon, et vous ap-
prenne qu'il ne faut jamais jouer de l'argent
avec un homme que l'on ne connaît pas. »
Le nom du célèbre prestidigitateur a passé
dans la langue et sert à désigner un escamo-
teur quelconque : C'est un Bosco de carre-
four; mais surtout un homme politique habile
à produire certaines illusions, à jeter de la
poudre aux yeux. C'est en ce sens que Cor-
menin a dit : « M. Thiers est le Bosco de la
tribune. »
BOSCODOCUM,
BOSCODOCUM, nom latin de Bois-le-Duc-
BOSCOLI
BOSCOLI (Andréa), peintre italien, né à
Florence vers 1540, mort en 1606. On raconte
qu'ayant voulu dessiner une vue de la forte-
resse de Macerata, il fut arrêté comme es-
fûon et condamné à être pendu. Heureusement,
e gouverneur de la ville consentit à retarder
l'exécution jusqu'à ce qu'il eût reçu réponse à
une lettre écrite à Florence pour demander
des renseignements, et on reconnut l'erreur
qu'on avait commise. On cite de cet artiste :
la Prédication de saint Jean-Baptiste, dans
une église de Florence; le Christ servi par les
anges, à Pise, etc.
BOSCH
BOSCH IAIANS. V. BOSJESMANS.
BOSCOLI
BOSCOLI (Maso), appelé aussi Maso del
Bosco, sculpteur italien du xvie siècle, né à
FiesQle. Il eut pour maître Andréa Ferrucci, et
il sculpta les deux anges qui décorent le tom-
beau d'Antonio Strozzi, a Florence. Il fut
aussi chargé par Michel-Ange d'exécuter la
statue couchée du pontife Jules II, sur son
mausolée.
BOSCOSEL
BOSCOSEL (Pierre DB CHASTELARD DE).
V. CHASTELARD.
BOSCOT,BOSCOT, O T T E s. (bo-sko, o-te). Pop.
Personne petite, bossue et contrefaite.
BOSCOTE
BOSCOTE s. f. (bo-sko-te). Ornith. Un des
noms du rouge-gorge, n On dit aussi BOSOTE.
BOSCO-TRE-CASE,
BOSCO-TRE-CASE, bourg du royaume d'I-
talie, province et à 18 kilom. S.-E. de Naples,
district de Castellamare, non loin du golfe de
Naples, au -pied du Vésuve; 4,500 hab. Ré-
colte de vins et de soie, il A 4 kilom. E., on
trouve le bourg de Bosco-Reale ; 2,700 hab.
BOSCOW1CH (Roger-Joseph), mathémati-
cien et philosophe italien, né à Raguse en
1711, mort à Milan en 1787. Elève des jésuites
de Rome, il entra de bonne heure dans la
compagnie, professa les mathématiques et la
philosophie au collège romain et à Pavie, et-
fut chargé de nombreuses missions scientifi-
ques ou diplomatiques, soit par la cour de
Rome, soit par l'empereur et d'ajutres souve-
rains du continent. En 1742, il fut désigné par
le pape, concurremment avec Thomas Le
Sueur et Jacquier, pour chercher les moyens
de soutenir la coupole de Saint-Pierre, qui
menaçait de s'écrouler; huit ans plus tard, il
parcourut avec Ch. Maire les Etats de l'Eglise
.pour en dresser la carte trigonométrique, et il
mesura deux degrés du méridien. En 1766, il
fit paraître un projet pour l'assainissement
des marais Pontins. Boscowich voyagea beau-
coup : en Angleterre, il apprit la philosophie
de Newton, qu'il propagea un des premiers
en Italie. Vers 1760, il était à Constantinople,
où il avait accompagné l'ambassadeur de Ve-
nise, et de là il se rendit en Pologne. Après
la suppression de Tordre des jésuites, il fut
accueilli par le grand-ducdeToscane, qui lui
donna une chaire à l'université de Pavie ;
mais peu de mois après, il fut appelé à Paris
par Louis XVI (1774) et nommé directeur de
l'optique de la marine, avec un traitement de
8,000 livres. Il s'occupa beaucoup à cette épo-
que de recherches sur l'optique, notamment
sur la théorie des lunettes achromatiques.
Savant aussi profond que fécond, et en
même temps poète distingué, Boscowich mou-
rut entouré de la considération universelle. Il
mérita, par ses connaissances et ses beaux
travaux, d'être nommé membre des princi-
pales académies de l'Europe : de l'Académie
des Arcades, de Rome, de la Société royale
de Londres, de l'Académie des sciences de
Paris. On a de lui plus de soixante-dix ou-
vrages-sur l'astronomie, la physique, l'opti-
que, etc., dont les principaux sont : De macu-
lis solaribus (Rome, 1736), où se trouve la
. première solution géométrique du problème
de l'équateur d'une planète déterminé par
trois observations d'une tache; Philosopnias
naturalis theoria reducta ad unicam legem, etc.
(Vienne, 1758, in-4°), où il expose ses idées
ingénieuses sur le système de l'univers, s'ef-
force d'expliquer par un seul principe tous
les phénomènes de la nature, et cherche à
concilier et à compléter les systèmes de New-
ton et de Leibnitz; Opéra pertinentia ad op-
ticam et astronomiam, etc. (Bassano, 1785,
5 vol. in-4), où l'on trouve plusieurs traités
écrits en français ; Elementa universœ mathe-
seos (1753, 3 vol. in-4») ; Traité sur les téles~
copes dioptriques (1755, in-4°) ; Voyage astro-
nomique da7is l'Etat de l'Eglise (1755, in-4°),
dont l'édition latine est très-recherchée à
cause de la carte trigonométrique des Etats
du pape; De solis ac lunœ defectibus (1760,
in-4°), excellent poëme latin sur les éclipses;
Journal d'un voyage de Constantinople en Po~
logne (1772), traduit en français, etc.
BOSE
BOSE (Jean-André), érudit et philologue
allemand, né à Leipzig en 1626, mort en 1674,
Il fut professeur dTustoire à l'université
d'Iéna. Il donna-une bonne édition de Corné-
lius Nepos, avec des notes, et publia : De
veterum adoratione (1646, in-4°); Dissertatio
de pontificatu maximo imperatorum, prœcipue
christianorum (1659, in-4*»); De ara Dei ignoti
(1659, in-4o); De Tiberio (1661); Schediasma
de comparanda notitia scriptorum ecclesiasti~
corum (1669, in-4°), etc.
BOSE
BOSE (Gaspard), botaniste allemand, né à
Leipzig a la fin du xvne siècle. Il remplit,
dans sa ville natale, les fonctions de sénateur
et de professeur de botanique. Il réunit dans
son jardin les plantes les plus rares et en pu-
blia le catalogue. On lui doit encore : Disser~
tatio de motu piantarum sensus œmulo (Leipzig,
1728); De catyce Tournefortii (Leipzig, 1733).
BOSE
BOSE (George-Mathias), mathématicien et
médecin allemand, né à Leipzig en 1710, mort
en 1761. Il fut professeur de physique à l'Aca-
démie de Wittemberg, et publia en latin et en
allemand divers ouvrages sur des questions
de médecine, d'astronomie et de pnysique,
principalement sur l'électricité. Nous citerons
parmi les principaux : Dissertatio de obstetri-
cum erronbus a medico forensi peroestigandis
(Leipzig, 1729) ; Dissertatio de eclipsi terrœ
(1733, in-4°) ; Oratio de attractione ex electri-
citate(n3S, in-4<>); Tentamina electrica (1744);
I Description poétique de l'électricité depuis sa
découverte ("Wittemberg, 1744, in-40), traduit
en vers français ; Becherches sur la cause et
sur la véritable théorie de l'électricité (1745,
in-40); Meteora heliaca, sive de tnaculis in
sole deprehensis (1754, in-4°), etc.
BOSCROGER,
BOSCROGER, bourg et comro. de France
(Eure), cant. de Bourgtheroulde, arrond. et à
36 kilom. S.-E, de Pont-Audemer; pop. aggl.
1,966 hab. — pop. tôt. 2,020 hab. Tissage et
préparation de tramés pour la. fabrication
d'Elbeuf; briqueterie; moulins à vent.
BOSE
BOSE (Ernest-Gotlieb), médecin allemand,
né à Leipzig en 1723, mort en 1788. Il pro-
fessa l'anatomie et la chirurgie, et publia
d'assez nombreux ouvrages sur la botanique
et sur la médecine. On peut citer : De nodis
piantarum (1747) ; De radicum in plantis ortu
et directione (1751) ; De secretione numorum in
plantis (1755); Historia cordis villosi (1771);
De phantasia lœsa, gravium morborum maire
(1788); De munimentis viscerum (1774); De
eontagii natura (1786), etc.
BOSE
BOSE (Adolphe-Julien), médecin allemand,
né à Wittemberg en 1742, mort en 1770. il
occupa une chaire de médecine dans sa ville
natale, et on lui doit, outre des discours pu-
rement littéraires en allemand, plusieurs ou-
vrages sur l'histoire naturelle, en latin : De
motu humorum in plantis vernali tempore viri-
diore (Leipzig, 1764, in-4<>); De disquirendo
charactere piantarum essentiali, singulari
(1765); Programma de differentia fibrœ in
corporibus' trium naturœ regnorum ( 1768,
in-4o).
BOSEDiSATio s. f. (bo-sé-di-za-si-o). Mus.
V . DHBISATIO.
BOSÉEBOSÉE s. f. (bo-zé — de Bose, n. pr.). Bot.
Genre d'arbrisseaux dont la famille n'est pas
bien déterminée,, et qui comprend deux es-
pèces, dont-l'une croit aux Canaries et l'au-
tre en Cochinchine.
BOSEL
BOSEL s. m. (bo-zèl — altérât, de boissel,
bossel, boisseau). Archit. Membre rond qui
sert de base aux colonnes, et qu'on appelle
plus ordinairement TORE. V. ce mot.
BOSÉLAPHE
BOSÉLAPHE s. m. '(bo-zé-la-fo — du gr.
bous, bœuf; elaphos, cerf). Mamm. Syn. d'AN-
T I L O P R
BOSELLIBOSELLI (Jérôme), jurisconsulte et poëte
italien, né à Bologne, mort en 1718, a publié
plusieurs ouvrages, parmi lesquels nous cite-
rons : Veritas justitiœ (166O); la Corte acca-
demica (1660, in-4°); Fragmenti poetici (1685);
Variœ allegationes juris (1686), etc.
BOSINE
BOSINE s. f. (bo-zi-ne). Ancienne forme
du mot BUCCINE.
BOSELLI
BOSELLI (Felice), peintre italien, né à
Plaisance en 1650, mort en 1731. Il fut sur-
tout habile à peindre les animaux domesti-
ques, les oiseaux, les poissons, les viandes de
boucherie. On voit beaucoup de ses peintures
dans les palais de Plaisance.
BOSELL1N1 (Charles), économiste italien,
né à Modène en 1765, mort en 1823. Après
avoir été reçu docteur en droit, il voyagea en
France et-en Angleterre. Lorsque les Fran-
çais furent entrés en Italie, il espéra que les
principes de la Révolution française allaient
être appliqués pour assurer l'indépendance
de sa patrie, et il remplit divers emplois avec
une modération qui lui valut l'approbation
de tous les partis ; mais quand il vit que le
vainqueur de l'Italie ne songeait qu'à faire
touruer ses victoires au profit de son ambition
personnelle, il résolut de se livrer unique-
ment à l'étude. Son principal ouvrage est in-
titulé : Nouvel examen des sources de la ri-
chesse tant publique que particulière (1816,
2 vol. in-80). On lui doit aussi : Tableau his-
torique des sciences économiques, depuis leur
naissance jusqu'en 1815, et divers articles in-
sérés dans l'Anthologie de Florence et dans
d'autres recueils.
BOSIO
BOSIO (Antoine), antiquaire romain, mort
en 1629. Il est surtout connu par un ouvrage
important sur les catacombes de Rome, au-
quel il avait travaillé pendant trente-cinq
ans, et qui fut publié en 1632 par son exécu-
teur testamentaire, le chevalier Aldobrandini,
sous le titre de Borne souterraine (in-fol.). Cet
ouvrage a été traduit en latin par Paul Arin-
ghi (l65l), et réimprimé avec de nombreuses -
additions et améliorations par Bottari (1753).
BOSIOBOSIO (Jacques), en latin Boaiua, historien
italien du xvie siècle, né à Milan ou à Chi-
vas. Il était frère servant de l'ordre de Malte,
et fut l'agent de cet ordre près du pape Gré-
goire XIII. Il s'attacha ensuite au cardinal
Petrochino. Son principal ouvrage a pour
titre : Istoria délia sacra religione di San-
Giovanni Gierosolimitano (Rome, 1594, 2 vol.
in-fol.); il fut réimprimé plus tard (1621-1630
et 1632, en 3 vol. in-fol.). Bosio a aussi publié
une Histoire de la vraie croix, depuis sa dé-
couverte sous Constantin le Grand, etc.
BOSIO
BOSIO (Jean), peintre, né à Monaco vers
1767, mort vers 1832. Il était le frère aîné du
célèbre sculpteur, et il a publié un Traité
élémentaire des règles du dessin, qui eut plu-
sieurs éditions. Ses meilleurs tableaux sont :
Vénus ramenant Hélène à Paris {Salon de
1819) ; Portrait de Charles X (commande du
ministère de l'intérieur, 1829) : la Poésie éro~
tique écrivant sous la dictée de l'Amour; un
Achille (1824), etc.
128
1018 BOS1
BOSN BOSO
BOSP
BOS10 (François-Joseph), sculpteur, né à
Monaco en 17G9, mort à Paris en 1845. Il vînt
fort jeune en France, où il se forma sous la
direction de Pajou, et partit ensuite pour
l'Italie, où il se perfectionna par une étude
assidue de l'antique. Il séjourna dix-sept ans
clans ce pays et y exécuta un grand nombre
de travaux pour diverses églises. Il revint se
fixer à Paris en 1808, et attacha, depuis son
nom à la plupart des grands ouvrages de
sculpture qui se sont exécutés en France. Peu
d'artistes ont eu de leur vivant plus de succès
que lui : Napoléon, Louis XVIII, Charles X,
Louis-Philippe le comblèrent à 1 envi de fa-
veurs et de distinctions. Il fut nommé mem-
bre de l'Institut, chevalier de l'ordre royal de
Saint-Mtchel, officier de la Légion d'honneur,
premier sculpteur du roi, et Charles X lui
conféra le titre de baron. Bosio fut sans con-
tredit l'un des plus habiles statuaires de son
époque : il avait un talent tin et délicat, qui
le fit surnommer le Canova français ; il conti-
nua, en effet, mais en l'affadissant, la manière
gracieuse du célèbre sculpteur italien; il n'en
eut ni l'ampleur ni la noblesse, et, lorsqu'il
voulut s'essayer aux compositions grandioses,
fl tomba dans un style prétentieux et outré.
Ses ouvrages les plus connus sont : vingt bas-
reliefs de la colonne Vendôme; XAmour lan-
çant des traits, statue exposée au Salon de
1802 et exécutée en marbre par ordre de
l'impératrice Joséphine : Y Amour séduisant
VInnocence (Salon de 1810) ; la statue à'Aristëe,
exécutée pour le Louvre, et celle du roi de
Rome (1812) ; Hyacinthe attendant son tour de
lancer le palet, au Luxembourg (1817); Her-
cule terrassant Achêloûs, groupe en bronze,
au jardin des Tuileries (1822); la statue éques-
tre de Louis XIV, inaugurée sur la place
des Victoires en 1824 ; la France et la Fidé-
lité, figures qui accompagnent le monument
élevé à Malesherbes, au Palais-de-Justice,
en 1826 ; la statue en marbre du duc d'En-
ghien, commandée par Louis XVIII (1817);
celle de Henri IV enfant, une des plus jolies
productions du maître (il en existe plusieurs
répétitions, une au Louvre,"une au chïUeau
de Pau, etc.); la Nymphe Salmacis (i83l);
une Jeune Indienne (1845); le quadrige en
bronze de l'arc de triomphe du Carrousel ; la
Mort de Louis XVI, groupe pour le monu-
ment expiatoire de ce roi; les oustes de Na-
poléon, de l'impératrice Joséphine, de la reine
Hortense, de la princesse Pauline, du duc de
Bénévent, de la duchesse de Rovigo, de
Louis XVIII, de la Dauphine, de Charles X,
de Vivant Denon, etc.
BOSIO
BOSIO (Astyanax-Scevola), statuaire, fils
du peintre Jean Bosio, neveu et élève du pré-
cédent, né à Paris vers 1798. Il„a envoyé
aux expositions annuelles quelques morceaux
estimables : Buste de Bougainville (lS3l);
Chasseresse pansant son'chien blessé (1835,
ronde-bosse) ; Soldat romain redressant son
arme (1838); Flora la courtisane (1840); une
Sainte Adélaïde, pour l'église de la Madeleine
(1840): le buste du baron Bosio (1847); la
République française, statue en bronze (1850.)
BOSIO
BOSIO (Angiolina, Mme Xinda VELONIS),
cantatrice italienne, née à Turin en 1830, morte
à Saint-Pétersbourg en 1859. Issue d'une fa-
mille d'artistes dramatiques, elle fut élevée* à
Milan, y fit ses études musicales et débuta, à
peine âgée de seize ans, au mois de juillet
1846, dans / Due Foscari, de M. Verdi, avec
un succès de bon. augure. Après avoir chanté
successivement à Vérone, à Copenhague, à
Madrid, elle vint à Paris en 1848 et parut à
la salle Ventadour dans le rôle d'Abigaïl de
Nabucco, opéra de Verdi, dans lequel sa voix
grosse et rude faisait peu présager ses futurs
triomphes comme chanteuse légère. Engagée
à l'Opéra à la fin de 1852, M"'e Bosio fit une
grande sensation dans Luisa Miller, de
Verdi, et dans le chef-d'œuvre de Rossini,
Moïse. Le rôle d'Anaï, de ce dernier ouvrage,
créé par Mme Damoreau, est le plus impor-
tant qu'elle ait abordé à l'Académie de musi-
que. Savoixforte et juste, souple et vibrante,
sa phrase correcte, son trille élégant, sa vo-
calisation rapide et colorée, toutes les qualités
de méthode et de style au'elle possédait à un
degré si éminenrt-pouvaient s'épanouir à leur
aise dans cette belle et grande composition.
Rentrée au Théâtre-Italien, elle y aborda les
rôles les plus difficiles de l'école de Rossini,
uvec un éclat qui lui valut une réputation eu-
ropéenne. Elle obtint ses plus beaux triomphes
dans Matilde di Shabran, par la grâce de sa
personne et la prodigieuse flexibilité de son
.organe. M'
n
c Bosio, qui s'était montrée avec
de grands succès à la Havane, à Londres et
dans plusieurs capitales, fut engagée au
théâtre italien de Saint-Pétersbourg. Elle y
était vivement appréciée par la haute société
russe lorsque la mort vint l'enlever presque
subitement au monde des arts dans des cir-
constances on ne peut plus malheureuses.
L'admirable cantatrice revenait de Moscou,
où elle était allée donner trois concerts; la
voiture qui devait la ramener en France l'at-
tendait dans la cour de son hôtel. Après un
repos de quelques heures, elle se remit en
voyage, tant il lui tardait de revenir à Paris,
qu elle aimait de préférence à toute autre
ville, et où elle passait toujours ses mois de
congé ; mais, dans le trajet de Moscou à Saint-
Pétersbourg, le froid l'avait saisie. M
roe
Bosio
voulut baisser la portière du wagon, chauffé
outre mesure, et un courant d'air glacial la
frappa en pleine poitrine. Le délicat rossignol
succomba à une affection pulmonaire au bout
de vingt-deux jours. Mme Bosio n'avait pas
encore vingt-neuf ans. Ses obsèques, célé-
brées avec une pompe inouïe, réunirent tous
les grands noms de la diplomatie, de l'admi-
nistration supérieure, de l'armée et de la no-
blesse. La littérature et les arts y avaient
envoyé leurs plus illustres représentants.
Femme charmante, pleine de grâce et de dis-
tinction, aimable et digne de toute estime,
Mme Bosio était une des premières cantatrices
de ce temps-ci, une cantatrice brillante, dont
le style fleuri et tempéré s'élevait, il est vrai,
assez difficilement jusqu'à l'expression de la
passion; mais qui possédait au plus haut de-
gré la finesse et la variété; elle appartenait à
cette famille d'artistes élégantes qu'a fait
éclore la musique de Rossini, famille nom-
breuse dont elle était un des membres les plus
distingués.
BOS1US (Jacques). V. Bosio.
BOS1US (Simon). V. DUBOIS.
BOSJESMANS
BOSJESMANS ou BOSCHIMANS (Hommes
des buissons, en hollandais), peuple du sud de
l'Afrique, se rattachant par son origine à la
nation hottentote ; il habite une contrée sau-
vage, située sur les deux rives du haut Orange,
au N. du territoire de la colonie du Cap. Les
Bosjesmans confinent à l'E. avec les Bet-
jouanas, et s'étendent vers le N. dans les soli-^
tudes de cette partie de l'Afrique jusqu'à*
200 kilom. Divisés en tribus, ils errent en for-
mant autant d'essaims différents que de fa-
milles; ils choisissent pour demeure des ca-
vernes, de petits fossés, ou encore des buissons
au milieu desquels on peut dire qu'ils vien-
nent nicher. Leurs villages, quand il s'en ren-
contre, ne renfermant guère plus de 100 hab.,
consistent en huttes de paille, rangées en cer-
cle autour d'une place où ils parquent le peu
de bétail qu'ils pillent ou quils élèvent pour
leur nourriture. Le produit de leur chasse ne
suffit en effet que fort imparfaitement à les
nourrir; mais, faute de mieux, ils se conten-
tent de sauterelles, de couleuvres, de fourmis
et de toutes espèces d'insectes. Ils sont petits,
d'une laideur repoussante, mais forts et assez
agiles pour dépasser à la course les antilopes
et les chevaux. Leur costume consiste en une
peau de mouton qui leur sert de manteau et
qu'ils jettent sur une peau de chacal, vête-
ment de la partie inférieure du corps ; ils sont
coiffés de bonnets de cuir et portent des san-
dales.
Toute idée de hiérarchie et d'autorité régu-
lière leur est étrangère. La force brutale et
la ruse sont les seuls liens sociaux de la*nation,
si toutefois on peut appliquer ce mot à cette
informe agglomération d'êtres animés. Les
Bosjesmans disputent, en effet, aux indigènes
de l'Australie le dernier degré de l'espèce hu-
maine. Toutes les tentatives faites jusqu'à ce
jour pour les civiliser ont échoué! L Evan-
gile, malgré les efforts et le dévouement des
missionnaires, n'a pu pénétrer encore que dans
un très-petit nombre de leurs districts, et ce-
pendant la Société anglaise des missions a
commencé ce dur labeur en 1799.
BOSIO
BOSIO (Jean-Antoine), graveur italien, né
à Parme, travaillait à Florence à la fin du
xvne siècle et au commencement du xvine.
Il a gravé des frontispices de livres, des por-
traits, quelques sujets religieux et des plan-
ches pour le Museo Etrusco, de Francesco •
Gori(i737).
BOSMAN
BOSMAN ou BOSMANN (Guillaume), voya-
geur hollandais du xvne siècle. Il eut de
bonne heure le goût des voyages lointains. La
Compagnie hollandaise des Indes occidentales
l'employa d'abord comme facteur à la côte de
Guinée; il devint ensuite directeur du comp-
toir d'Axim, puis de celui de Mina. Pendant
les quatorze ans qu'il passa dans ces contrées,
il en visita les parties les plus intéressantes,
en se faisant accompagner par un habile des-
sinateur. A son retour en Europe, il publia
une intéressante relation, qui a été traduite en
français sous le titre de : Voyage de Guinée,
contenant une description nouvelle et très-
exacte de cette côte, où l'on trouve et où l'on
trafique l'or, les dents d'éléphant et les esclaves
(Utrecht, 1705).
BOSME
BOSME s. m. (ho-sme). Ancienne forme du
mot borne, il On disait aussi BOSNE.
BOSNA,
BOSNA, rivière de la Turquie d'Europe,
dans la Bosnie, à laquelle elle donne son nom.
Cette rivière, aux eaux bourbeuses et au lit
vaseux, la plus considérable de la plaine de
Serai, est formée de plusieurs petits cours
d'eau qui prennent naissance au mont Ivan,
au S.-O. de Bosna-Séraï, baigne Zenica, Da-
boï et se jette dans la Save, à 32 kilom. E.
de Brod, après un cours de 170 kilom. du sud
au nord.
BOSNA-SÉBAÏ,
BOSNA-SÉBAÏ, SÉBAIO , SABAÏEVO ou
SARAJEVO, ville de la Turquie d'Europe,
ch.-l. de la Bosnie, à 830 kilom. N.-O. de
Constantinople,à 65 kilom. S.-E. deTrawnik,
où réside le pacha de Bosnie, avec un château
fort sur la Migliazza; 60,000 hab., dont les
deux tiers Turcs, l'autre tiers composé de
chrétiens et de juifs, qui sont à la tête du com-
merce.
Cette ville, qui tire son nom du palais ou
sérail {séraï) que Mahomet II y fit construire,
renferme quatre-vingts mosquées, quelques
églises catholiques et grecques, et plusieurs
bazars vastes et bien approvisionnés. La prin-
cipale industrie dé la population consiste dans
la fabrication d'armes grossières, mais for-
tes et de durée, qui sont vendues aux belli-
queux habitants de la Bosnie et de l'Alba-
nie ; cette industrie est facilitée par la proxi-
mité des importantes mines de fer de la
Bosnie. On fabrique aussi à Bosna-Séraï de la
quincaillerie, des sacs en crin, du maroquin
et quelques étoffes grossières de coton et de
laine. La capitale de la Bosnie est le centre
des relations commerciales entre la Turquie,
la Dalmatie et la Croatie; les objets d'expor-
tation sont : les cuirs, les peaux, les laines, le
poil de chèvre, le bétail, le poisson fumé, le
bois, etc.; les articles importés sont: les
toiles, la soie, les dentelles^ le papier, le sel,
l'huile, les fruits, la verrerie et les bijoux.
Consulats de France, d'Angleterre et d'Au-
triche.
B O S N I A Q U E s. et adj. (bo-sni-a-ke — rad.
Bosnie). V. BOSNIEN.
BOSNIE,BOSNIE, en latin Bosnîa ou Bosna, pachalik
ou eyalet de la Turquie d'Europe, à l'extré-
mité N.-O. de l'empire, comprenant la Bosnie
propre, la Croatie turque et l'Herzégovine.
Située entre 42» 30' et 45» 15' de l a t N., la
Bosnie est bornée au N. par la Slavonie et la
Croatie autrichienne, à l'O. par la Dalmatie
et l'Adriatiaue, au S. par l'Albanie et à l'E.
par laServie. Superficie 46,000 kilom. carrés;
1,100,000 hab., dont environ 500,000 musul-
mans, 200,000 grecs, 150,000 catholiques, le
reste juifs, bohémiens et Arméniens. A l'ex-
ception des rives de la Save au N., la Bosnie
est un pays montagneux, traverse du N.-O.
au S.-E. par des chaînons plus ou moins éle-
vés des Alpes dinariques, dont les points cul-
minants atteignent une hauteur de 1,550 à
1,170 m., et sont couverts de neige'depuis
septembre jusqu'en juin. Les flancs des mon-
tagnes sont généralement bien boisés et cou-
verts çà et là seulement de pâturages, de
prairies et d'habitations. Les vallées et les
plaines sont arrosées par la Save, l'Unna, la
Verbatz, la Bosna, la Narenta et une multi-
tude d'autres cours d'eau moins importants.
L'air est sain, le climat tempéré. L'agricul-
ture n'a quelque importance que dans les
plaines ; le blé, le maïs, le chanvre, les légu-
mes, les fruits, les olives et le vin s'y récol-
tent en abondance, et on les cultiverait en
bien plus grande quantité si le despotisme
turc n'exerçait sur le pays son système op-
pressif dans toute sa rigueur. Ses pâturages
nourrissent des moutons estimés et .des che-
vaux renommés; partout on trouve des forêts
de châtaigniers, dont les fruits servent de
nourriture aux bestiaux, surtout aux porcs
qu'on y élève en grand nombre; enfin, dans
le N.-O., on élève beaucoup d'abeilles.
Les richesses minérales abondent dans les
montagnes ; l'or, l'argent et Je mercure y
avaient été trouvés par les Romains; aujour-
d'hui, les mines de fer, de plomb et de houille
sont les seules exploitées. La Bosnie possède
plusieurs sources minérales , entre autres
celles de Novibazar et de Boudimir. La seule
branche d'industrie un peu considérable est
la fabrication des armes h feu, des lames de
sabres et de couteaux. Le cuir, le maroquin et
les grosses étoffes de laine qu'on fabrique se
consomment presque entièrement dans le
pays. Les bonnes routes sont à peu près in-
connues et partant le commerce est très-peu
considérable.
Le territoire de la Bosnie répond à ce que
les Romains appelaient Pannonie Inférieure.
Jusqu'au xue siècle, elle fit partie de l'empire
d'Orient ; pendant le xue et le XIIIC siècle, elle
appartint à la Hongrie. En 1339, elle passa
sous le sceptre du roi serbe Etienne, à la mort
duquel elle recouvra pour quelque temps son
indépendance. En 1401, elle devint tributaire
des Turcs, et, depuis 1528, elle a été réunie à
l'empire des Ottomans. Les chefs héréditaires
qui gouvernent ce pays résident à Bosna-Sé-
raï, tandis que le pacha turc habite Trawnik.
Mais depuis certaines réformes, qui ont en-
levé aux chefs héréditaires leurs privilèges
et une grande partie de leurs revenus, cette
contrée n'a pas cessé, notamment en 185»,
d'être agitée par des révoltes dangereuses
pour la domination de la Porte.
BOSKOWITZ,
BOSKOWITZ, ville de l'empire d'Autriche,
dans la Moravie, gouvernement et à 31 kil. N.
de Brunn, sur la Biela; 5,000 hab. dont 2,000
israélites. Fabrication de draps et de potasse,
verrerie ; exploitation de vitriol et d'alun dans
les environs. Beau château seigneurial des
comtes de Dietrichstein.
BOSNIEN,
BOSNIEN, I E N N E s. et adj. (bo-sni-ain.
i-è-ne). Géogr. Habitant de la Bosnie, qm
appartient à la Bosnie ou à ses habitants :
Quoique ses bœufs soient très-beaux, et que la
laine de ses moutons soit très-fine, le BOSNIEN
préfère le gibier au bétail. (Encycl.) Il On dit
aUSSi BOSNIAQUE.
BOSON,
BOSON, roi de Provence, mort en 888. Fils
de Théodoric lei^ii était beau-frère de Charles
le Chauve, qui le créa duc de Milan, puis de
Provence. Pendant la minorité de Louis et
de Carloman, Boson, qui avait épousé la prin-
cesse Hermangarde , fille de l'empereur
Louis II, se fit proclamer roi dans son gou-
vernement, qui comprenait, outre la Pro-
vence, le Vivarais, le Dauphine, le Lyonnais
et la Savoie (879). Louis et Carloman, rois de
France, marchèrent contre Boson (880), pri-
rent Mâcon et Dijon, et assiégèrent Vienne,
qui fut défendue pendant deux ans par Her-
mangarde avec un courage héroïque. Grâce
à sa femme et à sa propre nabileté, Boson sut
se maintenir sur le trône. Cet acte d'indépen-
dance, qui en entraîna d'autres parmi les
rands feudataires, fut le premier coup porté
la puissance des Carlovingiens. Charles le
Gros, débordé par les invasions normandes,
confirma l'indépendance du nouveau royaume,
sous la seule condition do l'hommage. Boson
mourut en 888, laissant le trône a son fils
Louis l'Aveugle, qui depuis fut empereur.
BOSONE
BOSONE (Jacques), poëte italien, mort en
1377. Il prit parti pour les Gibelins, fut exilé
de Gubbio, berceau de sa famille, en 1301, et
se rendit à Arezzo, où il se lia avec Dante.
Successivement podestat d'Arezzo (1316), et
de Viterbe (1317), capitaine général des P i -
sans en 1327, Bosone fut nommé gouverneur
de Pise par Louis de Bavière, puis gouver-
neur des Etats de l'Eglise par Benoît XII. On
a de lui des poésies publiées par Rafaelli dans
ses Deliciœ eruditorum.
j
BOSONBOSON s. m. (bo-zon). Conchyl. Nom mar-
chand du sabot muriqué.
BOSOR,BOSOR, ville de l'ancienne Palestine, si-
tuée dans la contrée N.-E. de la tribu de Ru-
ben, sur les confins du pays des Ammonites;
elle fut choisie pour être ville de refuge, puis
donnée aux lévites descendants de Mérari.
BOSOTE
BOSOTE s. m. (bo-zo-te). Ornith. V. BOS-
COTE.
BOSPHOREBOSPHORE s. m. (bo-sfo-re — du détroit
de même nom, lcquol vient du grec bous,
bœuf, poros, passade). Gcogr. Détroit quel-
conque de peu d'etenduc. il Contrée située
dans lo voisinage immédiat de co détroit :
. . . L'on sait que toujours la Colchide et ses princes
Ont compté ce bosjihore au rang de leurs provinces.
RACINE.
BOSPHOREBOSPHORE ou BOSPHORE DE THRACE
(du grec bous, bœuf, et poros, passage), dé-
: troit ainsi nommé parce que, suivant la my-
j thologie grecque, il fut traversé à la nage par
la vache lo, poursuivie par un taon furieux,
ministre de la colère et de la justice de la
i reine des dieux. On l'appelle plus communé-
! ment aujourd'hui canal de Constantinople.
I C'est par le Bosphore que la mer Noire ou
! Pont-Euxin communique avec la mer de Mar-
; mara ou Propontide, laquelle, à son tour,
communique par les Dardanelles avec l'Archi-
pel grec ou mer Egée. Ce dernier détroit,
appelé Hellespont dans l'antiquité, la mer de
Marmara et le Bosphore séparent l'Europe de
l'Asie. C'était une opinion reçue chez les an-
ciens que le Pont-Euxin avait été originaire-
ment distinct de la Méditerranée, et que les
deux détroits du Bosphore et des Dardanelles
avaient été ouverts simultanément par un trem-
blement de terre ou un grand cataclysme, ré-
' pondant à l'époque du déluge de Deucalion.
L'examen géologique des rives du Bosphore,
! les roches volcaniques que l'on trouve des
deux côtés foi détroit, à son embouchure sur
, la mer Noire, confirment cette ancienne tra-
dition. Le Bosphore, par ses détours, forme
sept bassins successifs, indiqués sur chaque
rive par autant de promontoires, qui répondent
chacun alternativement à sept baies creusées
dans la rive opposée. Polybe avait signalé un
phénomène que l'on observe encore de nos
jours : à chaque tournant du canal, le courant
est rejeté d'une rive vers l'autre, de sorte que
les eaux, entraînées avec violence au fond
d'une baie, s'échappent dans une direction
opposée pour entrer dans le bassin suivant.
I Le dernier courant, qui vient frapper la
pointe de Séraï, envoie une faible partie de
! ses eaux dans la Corne-d'Or, ou port de Con-
stantinople, tandis que le reste s'écoule dans
• la mer de Marmara, dans la direction de Chal-
} cédoine. La longueur du Bosphore est d'envi-
I ron 27 kilom.; la rive d'Europe, avec ses dé-
! tours, est longue de 31 kilom.; la rive d'Asie,
de 38. La largeur du canal au point le plus étroit,
entre les châteaux d'Europe et d'Asie, est
d'environ 550 m. ; plus loin, elle varie de 600
à 2,000 m.; entin, dans le golfe de Buyuk-
Déré, elle atteint 3,200 m. Les sondages ont
donné partout une grande profondeur. Les
seules lies qu'on y rencontre sont les deux
i petits groupes d'îlots situés à l'origine du ca-
, nal, du côté de la mer Noire, sur les côtes
I d'Europe et d'Asie, et dont celui de la côte
• d'Europe est le groupe des Cyanées des an-
i ciens. Euripide, avec le chœur^des femmes
•' d'Iphigénie, décrit les dangers qu'Oreste et
i Pylade durent affronter pour traverser ces
îles. On croyait alors que les Cyanées, qui
trompent l'œil du voyageur et semblent fer-
mer l'entrée du détroit, se séparant pour ou-
vrir un passage aux vaisseaux, se réunissaient
ensuite tout à coup et s'entre-choquaient en
fracassant les navires; aussi les Grecs les
nommaient-ils Symplegadès, de sumplessô,
s'entre-choquer.
La navigation est partout facile dans le
Bosphore, qui n'offre ni bancs ni écueils dan-
gereux; quelquefois, cependant, la force des
courants, augmentée par l'action de la brise du
nord-est, forme un obstacle à la marche des
bâtiments qui remontent vers la mer Noire.
Deux fois par an, au printemps et à l'automne,
le détroit présente un passage de poissons, qui
descendent de la mer Noire dans la mer de
> Marmara en si grande quantité que la pêche
qui se fait alors suffit pour approvisionner
abondamment toute la Turquie.
Les deux rives du Bosphore sont célèbres
par leurs beautés pittoresques ; pour les dé-
crire, nous emprunterons la plume de deux
illustres écrivains de nos jours, qui ont visité
ces lieux remplis de souvenirs historiques.
Commençons par la rive d'Europe, n D'un
village à l'autre, dit Théophile Gautier, règne
comme un quai non interrompu de palais et
de résidences d'été. La sultane Validé , les
1
sœurs du sultan, les vizirs, les ministres, les
BOSP
BOSQ BOSQ
BOSQ 1019
pachas, les grands personnages, se sont con-
struit là des habitations charmantes, avec
Une entente parfaite du confortable oriental.
Ces palais sont de bois et de planches, à l'ex-
ception des colonnes, taillées ordinairement
dans un seul bloc de marbre de Marmara, et
prises à des débris d'anciennes constructions;
mais ils n'en sont pas moins élégants dans
leur grâce passagère, avec leurs étages en
surplomb, leurs saillies, et leurs retraites,
leurs kiosques à toits chinois, leurs pavillons
à treilles, leurs terrasses ornées de vases, et
leurs frais coloriages renouvelés sans cesse.
Au milieu des grillages en baguettes de bois
de cèdre, qui se croisent sous les fenêtres des
appartements réservés aux femmes, s'ouvrent
des trous ronds pareils à ceux pratiqués dans
les rideaux de théâtre, "et par lesquels les ac-
teurs inspectent la salle et les spectateurs ;
c'est p a r l a que, assises sur des carreaux, les
belles nonchalantes regardent p.asser, sans
être vues, les vaisseaux , les bateaux à va-
peur et les cales. Un étroit quai de granit,
formant chemin de halago, sépare ces jolies
habitations de la mer. »
« La côte d'Asie, dit M. de-Lamartine, ne
doit presque rien à l'homme ; la nature y a
tout fait. Il n'y a plus là ni Buyuk-Déré, ni
Thérapia, ni palais d'ambassadeurs, ni villas
d'Arméniens ou de Francs; il n'y a que des
montagnes, des gorges qui les séparent, de
petits vallons, tapissés de prairies, qui se creu-
sent entre les racines de rochers, des ruis-
seaux qui y serpentent, des torrents qui les
blanchissent de leur* écume, des forêts qui se
suspendent à leurs flancs, qui glissent dans
leurs ravines, qui descendent jusqu'aux bords
des golfes nombreux de la côte ; une variété
de formes et de teintes, et de feuillage et de
verdure, que le pinceau du peintre de paysage
ne saurait pas même inventer ; quelques
maisons isolées de matelots ou de jardiniers
turcs, répandues de loin en loin sur la grève,
ou jetées sur la plate-forme "d'une colline boi-
sée, ou groupées sur la pointe des rochers où
le courant vous porte et se brise en vagues
bleues comme le ciel de nuit; quelques voiles
blanches de pêcheurs, qui se traînent dans les
anses profondes, et qu'on voit glisser d'un
plateau à l'autre, comme une toile sèche que
les laveuses replient; d'innombrables volées
d'oiseaux blancs qui s'essuient sur leé prés ;
des aigles qui planent du haut des montagnes
sur la mer ; les criques les plus mystérieuses,
entièrement fermées de rochers et de troncs
d'arbres gigantesques, dont les rameaux,
chargés de nuages de feuilles, se courbent
sur les flots et forment sur la mer des berceaux
où les caïcs s'enfoncent; des villages cachés
dans l'ombre de ces criques, avec leurs jar-
dins jetés derrière eux sur des pentes vertes,
et leurs groupes d'arbres au pied des rochers. »
Constantinople, Buyuk-Dére, Thérapia, en
Europe, et Scutari en Asie, sont les localités
les plus importantes de ces côtes. Les deux
forts de Roumeli-Hissar, ou château neuf
d'Europe, et d'Anadoli-Hissar , ou château
neuf d'Asie, construits vis-à-vis l'un de l'au-
tre, au point le plus resserré du canal, sont
les deux plus redoutables de ceux qui protè-
gent Constantinople du côté de la mer Noire.
Les autres sont les batteries de Roumeli-Fa-
nar, ou fanal d'Europe; de Roumeli-Kavak,
ou château d'Europe ; d'Anadoli-Fanar, ou
fanal d'Asie, et d'Anadoli-Kavak, ou château
d'Asie, à l'origine du Bosphore , vers la mer
Noire.
Les conteurs grecs, nous transmettant les
récits de la Fable, nous montrent Fhryxus,
fils d'Athanas, roi de Thèbes, fuyant à tra-
vers le Bosphore l'inimitié d'Ino, sa belle-
mere, sur un bélier à toison d'or; puis les Ar-
gonautes allant à la conquête de cette toison,
et plus tard Iphigénie, au moment d'être sa-
crifiée, transportée par Diane au delà du Bos-
phore. Dans la suite, l'histoire, brisant son
enveloppe mythologique et légendaire, nous
fait voir les Grecs de l'Attique, du Pélopo-
nèse et de l'Asie Mineure arrachant le Bos-
phore aux Thraces et aux Scythes..Des co-
lonies s'établissent, des comptoirs se dressent
sur ces rives, qui cessent d'être un objet d'ef-
froi. Chaque peuplade grecque eut son port
sur le Bosphore, chaque dieu y eut son autel.
Les Romains, maîtres de l'Europe et de l'Afri-
que, s'emparèrent d'abord de la rive occiden-
tale du canal, puis de la rive orientale, chan-
geant chaque Etat en province romaine.
Bientôt le christianisme, faisant sa radieuse
apparition, transforma les opulentes, cités qui
peuplaient ces contrées, et sembla attendre,
sur les frontières d'Europe et d'Asie, les Bar-
bares au passage, pour adoucir ces farouches
envahisseurs. Plus tard, d'autres barbares,
les croisés, Génois, "Vénitiens, Français, Es-
pagnols, s'abattent sur ces riches contrées
comme une nuée d'oiseaux de proie, et sèment
de royaumes féodaux les côtes et les îles du
Bosphore. Depuis Mahomet II, le canal de
Constantinople est courbé sous la domination
turque; mais, malgré les forteresses et les
batteries qui couvrent ses deux rives, malgré
les efforts qu'on a faits dans ces dernières
années pour étayer l'empire des Ottomans,
l'édifice de Mahomet croule de toutes parts,
et bientôtles progrès et la civilisation moderne
modifieront complètement ou rejetteront en
Asie l'islamisme et ses partisans dégénérés.
BOSQUERBOSQUER v. n. ou intr. (bo-ské — angl.
to box, même sens). Patois. Travailler à force
d e b r a s : Pendant que je m'échine à BOSQUER,
il perd son temps à s'amuser, lui.
B O S Q U E T s. m. (bo-skè — l'origine de ce
mot est germanique ; voyez l'étymologie à
l'article Bois.) Petit bois, bouquet de bois,
touffe d'arbres : De verts BOSQUETS. Une plaine
coupée de BOSQUETS. J'ai vu des agatis former
par leur contraste des BOSQUETS charmants.
(B. de St-P.) Il n'y a plus de BOSQUETS à Pœs-
tum; il y a d'admirables colonnes debout, se
dessinant sur le plus beau ciel, et des ronces
au bas. (Ste-Beuve.) Aujourd'hui le sol est un
potager, les forêts un BOSQUET, les fleuves des
rigoles, la nature une nourrice et une'servante.
(H. Taine.)
Tout mois a ses bosquets, tout bosquet son printemps.
DELILLE.
Les bosquets sont déserts, la chaleur est extrême.
A. DE MUSSET.
Hier Nicette,
Dans des bosquets
Sombres et frais,
Marchait seulette.
PARNT.
Si tous les ans un rideau de verdure
Vient ombrager la voûte des bosquets,
C'est pour tromper les regards indiscrets.
DE PESÂT.
— Epithètes. Frais, agréable, délicieux,
charmant, fleuri, odorant, odoriférant, em-
baumé, parfumé, vert, verdoyant, riant, nais-
sant, ombragé, feuillu, touffu, épais, sombre,
obscur, silencieux, amoureux, mystérieux,
calme, paisible, tranquille, solitaire, isolé,
écarté, sauvage, enchanté, enchanteur, sé-
duisant, jaune, jaunissant, nu, dépouillé.
— Encycl. On appelle bosquet un petit bois
dont les dimensions ne dépassent guère 30 ou
40 m. de diamètre. Ces plantations sont indis-
pensables dans un jardin paysager, dont elles
forment l'un des plus beaux ornements. Elles
doivent être embellies par la nature et par
l'art; cependant, si l'on peut cacher cet art et
faire paraître la nature seule, l'effet produit
njen sera que plus heureux. Si l'art, au con-
traire, paraît trop, la plupart des beautés dis-
paraissent, et le bosquet perd à la fois une
partie de sa grâce et de sa majesté. Voyez
plutôt les jardins créés par le génie de
Le Nôtre. Ces grottes,, ces portiques, ces pa-
lais de feuillage, sont ingénieux sans doute;
ces allées droites et régulières, coupant le
sol en compartiments symétriques, ne man-
quent pas d une certaine grandeur. Mais tout
cela est monotone; il y manque une chose :
la vie. La nature, violemment asservie au
pouvoir de l'homme et forcée d'obéir à ses ca-
prices, ne vit plus : elle a perdu ce caractère
indéfinissable qui attire et qui fait rêvei*. On
s'étonne d'abord, on s'ennuie ensuite ; tout cela
est mort.
Toutefois, en condamnant ce^s abus, nous
ne prétendons pas qu'il faille tomber dans
l'excès contraire : l'oubli absolu des règles ne
serait pas moins préjudiciable que leur multi-
plicité; l'un et l'autre sont contraires au bon
goût.
Les bosquets ne sont pas des bois, leurs di-
mensions bornées ne leur permettent pas de
puiser l'effet pittoresque qu'ils doivent pro-
duire ailleurs que dans un mélange harmo-
nieux des arbres et des arbustes de différente
taille et de feuillages variés, dont on a soin de
les composer. Ce résultat ne peut s'obtenir
qu'au moyen d'une alliance intime des res-
sources de l'art avec celles de la nature, et
pour cela, quelques principes doivent être
observés.
« Les formes particulières de chaque massif
doivent être assez correctes et, en même
temps, assez naturelles, pour qu'un peintre de
F
aysage, sans savoir que ces formes sont
ouvrage de l'art, puisse les admirer comme
des productions de la nature. Le choix des
formes des arbres et arbustes et de leur feuil-
lage doit être fait de manière à produire
l'effet le plus pittoresque, principalement par
l'harmonie des différentes nuances de ver-
dure; enfin, on se gardera bien d'associer,
dans les mêmes massifs, des arbres dont la
force de végétation serait tellement différente
que les plus vigoureux ne sauraient manquer
de tuer les plus faibles, ce qui donnerait lieu
à des vides toujours choquants et désagréa-
bles à la vue. En dirigeant la plantation d'un
jardin paysager, le jardinier aura toujours pré-
sent à l'esprit le double but qu'il doit chercher
à atteindre : ce but consiste, d'une part, à
donner à chaque espèce d'arbre la plus riche
végétation possible, en lui accordant le sol le
plus convenable à sa nature, et, d'autre part,
à en obtenir l'effet le plus pittoresque, en l'as-
sociant autant que sa nature le permet aux
végétaux dont les formes offrent avec les
siennes le plus d'accord et d'harmonie. Il s'agit
de satisfaire à la fois le peintre paysagiste,
qui doit embrasser de loin et d'un seul coup
d'œil l'ensemble de la plantation, et l'amateur
d'horticulture, qui, en considérant de près les
plantations, aime à y trouver la réunion la
plus variée d'arbres et d'arbustes indigènes
et exotiques. » (Encyclopédie d'horticulture.)
Ce qui précède s'applique surtout aux grands
massifs que l'œil saisit au premier aspect,
quand on considère l'ensemble du jardin pay-
sager qui les renferme. Mais le contraste entre
les formes peut être quelquefois d'un effet très-
pittoresque dans les petits groupes. C'est ainsi
que souvent, au fond d'un vallon bien abrité
ou au pied d'un rocher exposé au sud-ouest, la
nature se plaît à grouper une foule de plantes
qu'on serait étonné de trouver ensemble si l'on
ne savait que les eaux pluviales, les vents, les
oiseaux, ont pu les apporter en cet endroit, où
chacune d'elles trouve, dans un terrain formé
d'alluvions et d'atterrissements successifs, les
éléments de sa subsistance.
Du reste, la beauté d'un bosquet ne dépend
pas seulement du choix des arbres qui le com-
posent, elle tient aussi beaucoup à son site et
à ses points de vue. n Accumuler des arbres,
dit l'abbé Rozier, multiplier des allées, des
ronds, des carrés, etc., ce n'est point former
un bosquet; il faut, pour qu'il soit pittoresque,
qu'il peigne quelque chose, que son ensemble
et ses détails soient analogues. Si le site est
agreste, s'il est sauvage, le recherché et le
symétrique lut sont opposés ; si le bosquet ter-
mine un jardin, c'est le cas d'employer toute
la coquetterie de la nature, de donner l'essor
à l'art, d'unir même l'architecture à la ver-
dure et la verdure aux fleurs. »
BOSPHORE
BOSPHORE CIMMÉRIEN, ancien nom d'un
détroit et d'un royaume. Le détroit, appelé au-
jourd'hui détroit d Ienikaleh.de Zabacne
}
de Ta
man ou de Caffa, et qui séparait l'Europe de l'A-
sie, fut appelé Bosphore Cimmérien , du nom
d'un peuple établi sur la presqu'île asiatique, à
l'E. de ce détroit. Il a 52 kitom. de long sur
10 dans sa moindre largeur. Il joint ce qu'on
appelait le Palus-Mœotis, aujourd'hui mer
d'Azof, avec le Pont-Euxin ou mer Noire.
Du côté de l'Europe est la presqu'île qu'on
appelait Taurique, et que l'on nomme aujour-
d hui Crimée (voyez ce mot). Du côté de l'Asie
est l'île de Taman, avec la ville de même
nom. Ses .côtes, généralement plates, sont
longées par des bancs de sable, entre les-
uels les meilleures passes n'ont que-5 m.
'eau. Le froid est assez rude tous les ans,
dans ces contrées, pour qu'on puisse tra-
verser le détroit en voiture sur la glace.
— Le royaume du Bosphore Cimmérien, sé-
paré en deux par le détroit, s'étendait dans
la Sarmatie d'Europe et d'Asie, et compre-
nait les gouvernements russes actuels de
Tauride, Cherson, Ekaterinoslav, des Cosa-
ques du Don et des Cosaques de la mer Noire.
Ses villes les plus importantes étaient, en
Europe : Penticapée, ville grecque, capitale
du royaume ; Olbia, colonie milésienne ; Cher-
son, bâtie par les Héracléens ; Théodosie, .
autre colonie grecque, connue aujourd'hui
sous le nom de Caffa; dans la partie asiati-
que : Cimméris, la plus ancienne ville du
pays; Corocondama, connue aujourd'hui sous
le nom de Taman. Dès le ve siècle avant J.-C,
ce royaume eut des rois particuliers. Mîthridate
s'en empara l'an 108. Les Romains récompen-
sèrent la trahison de son fils Pharnace en lui
donnant ce royaume, qui fit bientôt après par-
tie de l'empire. Au iii^ siècle de notre ère, les
Goths le ravagèrent de fond en comble, et
son nom disparut pour toujours.
B O S P H O R I E N , I E N N E s. et adj. (bo-sfo-
ri-ain, i-è-ne). Géogr; Habitant des rives du
Bosphore ; qui appartient à ce détroit, aux
contrées voisines où à leurs habitants, il On
dit aussi BOSPHORAIN, AINE.
BOSQUET
BOSQUET (François DE), prélat français, né
à Narbonne en 1605, mort en 167G. Après
avoir rempli diverses fonctions dans la magis-
trature, il devint successivement évêque de
Lodève et de Montpellier. Il laissa plusieurs
ouvrages, dont les principaux sont : Michaelis
Pselli synopsis legum, grœce, cum latina ver-
sione et notis (Paris, 1632, in-S^) ; Ecclesiœ
gallicanœ historiarum liber primus (Paris,
1633, in-8°) ; Innocenta III epistolarum libri
quatuor, cum notis (1635) ; Spécimen iconis his-
toricœ cardinalis Mazarini (1660) ; Pontificum
romanorum qui e Gallia oriundi in ea sederunt
historia, ab anno 1305 ad ahnum 1394 (Paris,
1632, in-8°). Baluze a donné de ce dernier
ouvrage une édition corrigée.
BOSQUET
BOSQUET (Jean), grammairien et poëte, né
à Mons dans le xvie siècle. Il donnait des le-
çons de langue française, et il publia un livre
intitulé : Eléments ou Institutions de la langue
française...; ensemble un Traicté de l'office
des points et accents; plus une Table des termes
esquelz l's s'exprime (Mons, 1581, in-12). On
lui doit aussi des Fleurs morales et sentences
préceptives (Mons, 1581, in-12). — Son fils,
Jean BOSQUET, fut prévôt rural du Hainaut et
a laissé un poëme intitulé : Réduction de la
ville de Donne, secours de Paris et de Rouen,
et autres faits mémorables de Charles, duc de
Croy et d'Arschot
t
prince de Chimay (Anvers,
1699, in-4°).
BOSQUET
BOSQUET (Georges), historien et juriscon-
sulte français, né à Toulouse dans le xvi« siècle.
On lui doit : une Dissertation sur les mariages
contractés par les enfants de famille contre le
vouloir et consentement de leurs père et mère
(Toulouse, 1558, in-8°); des Remontrances sur
l'édit de 1562, et une Histoire des troubles oc-
casionnés à Toulouse par les huguenots, qui fut
condamnée comme diffamatoire par un arrêt
du conseil privé de 1563.
BOSQUET
BOSQUET (Pierre-Joseph-François), maré-
chal de France, né a Mont-de-Marsan le 8 no-
vembre 1810, mort en 1861. Entré à l'Ecole
polytechnique en 1829, il en sortit le 22 no-
vembre 1831, et fut envoyé à l'Ecole d'appli-
cation d'artillerie de Metz. Deux ans après, il
passait avec le grade de sous-lieutenant dans
le 10e régiment d'artillerie, et avant la fin
de l'année 1833, il était nommé lieutenant en
second. Le jeune officier ne tarda pas à être
envoyé en Algérie. Doué d'un esprit actif et
d'une légitime ambition, il se mit à, apprendre
l'arabe, tout en se livrant aux travaux inces-
sants qu'exige l'arme spéciale de l'artillerie.
En 1836, il fut nommé lieutenant en premier,
décoré en 1838, et élevé au grade de capitaine
en second l'année suivante. Blessé le 14 jan-
vier 1841 au combat de Sidi-Lakhdar, en char-
geant avec bravoure la cavalerie régulière
d'Abd-el-Kader, le jeune capitaine commença
à attirer sur lui l'attention de ses supérieurs,
et bientôt le général de Lamoricière le prit
auprès de lui en qualité d'officier d'ordonnance.
Il faisait alors partie du 1er régiment d'ar-
tillerie. Le capitaine Bosquet, après s'être
distingué en diverses occasions sous les ordres
de son général, fut cité à l'ordre du jour de l'ar-
mée, le 17 juillet 1841, pour sa brillante con-
duite pendant le combat de l'Oued-Melah. Un
des promoteurs de la création des bataillons
de tirailleurs indigènes, il fut, le 5 juin 1842,
appelé à commander le demi-bataillon créé
pour Oran, Mostaganem et Mascara, et sut
inspirer à ces troupes la même confiance
qu'aux soldats français. Il eut cependant de
périlleuses missions durant la campagne de
1843, qui amena la prise de la smala d'Abd-
el-Kader, et dans l'expédition entreprise contre
les Flittas par la colonne du général Gentil;
mais il sut tirer un merveilleux parti des
troupes qu'il avait à sa disposition, et fut en-
core cité à l'osdre du jour pour son intrépidité
au combat du 14 mai 1843. Nommé, le 20 oc-
tobre 1845, lieutenant-colonel du 15
e
léger, il
demanda à permuter avec son collègue du
44« de ligne pour rester en Afrique. L'année
suivante, il remplaçait, comme colonel du
53« de ligne, M. de Saint-Arnaud élevé au
grade de général. Au mois d'avril 1848, on
confia au colonel Bosquet le commandement
de la subdivision d'Orléansville, et le pouvoir,
tenant à conserver cet officier en Algérie, où
il se montrait particulièrement utile, lui confia
le 16
e
de ligne lorsque son régiment fut rap-
pelé en France. Le 17 août suivant, il était
nommé général de brigade, chargé du com-
mandement de la subdivision de Mostaganem,
juste quinze ans après sa sortie de l'Ecole
d'application. Cet avancement si rapide motiva
une interpellation adressée dans 1 Assemblée
nationale au général Lamoricière, qui répondit :
« Je l'ai nommé pour les services qu'il a ren-
dus et pour ceux qu'il est appelé à rendre, »
En 1851, nous retrouvons le général Bosquet
commandant une brigade sous les ordres du
général Saint-Arnaud, dans l'expédition entre-
prise contre les Kabyles. Blessé au combat
du i l mai, il reste jusqu'à la fin de la journée
à la tête de ses zouaves. Le 20, il enlève, avec
un élan irrésistible, les crêtes presque inacces-
sibles des montagnes de la Kabylie et assure
le succès des manœuvres de l'armée. Détaché
ensuite avec le 8e de ligne pour opérer une
jonction avec le général Camou, occupé à
contenir les Reboulas (subdivision de Sétif), le
général Bosquet parvient à rejoindre le 30 mai
cet officier supérieur, et l'aide à remporter
un avantage signalé sur les Kabyles. Il termine
enfin le 8 juillet cette pénible campagne par
la soumission des Ben-Aïal. Nommé officier de
la Légion d'honneur en 1849, il reçoit la croix
de commandeur le 7 août. Pendant deux an-
nées encore, le général Bosquet eut à pacifier
les tribus révoltées, et les services nombreux
qu'il rendit pendant ce laps de temps furent
récompensés le 10 août 1S53 par sa nomi-
nation au grade de général de division. Le
29 octobre suivant, il quittait l'Algérie, théâtre
de vingt ans de succès, pour aller se mettre à
la disposition du ministre de la guerre. On
était en train de former l'armée de Crimée. Le
f
énéral Bosquet reçut le commandement de la
euxième division. A peine arrivé en Turquie,
il fut désigné pour appuyer cette fatale expé-
dition de la Dobrutcha, qui a rendu tristement
célèbre le nom du général Espinasse, et, gràea
à son énergique activité et à sa sollicitude
pour ses troupes, il parvint à préserver en
partie sa division des atteintes de l'épidémie.
Tout le monde se rappelle le brillant succès
de ce mouvement de conversion qui assura le
gain de la bataille de l'Aima, et qui a conservé
le nom de mouvement tournant du général Dos-
guet. Dans cette journée, il eut à lutter, avec
sa brigade et douze pièces de campagne, contre
une grande partie de l'armée russe et quarante
canons de fort calibre. Le commandement de
l'armée passa bientôt au général Canrobert,
qui divisa ses troupes en deux corps, l'un
chargé du siège de Sébastopol, l'autre destiné
à en protéger les opérations contre les armées
ennemies, accourues au secours de la ville as-
siégée. Le général Bosquet fut appelé au
commandement de ce dernier corps, qui de-
vait couvrir les rives élevées de la Tchernaïa
et qui était voisin des troupes anglaises, mas-
sées sur ces mêmes hauteurs entre Inkermann
et la plaine de Balaklava. Les Anglais crai-
gnaient surtout une attaque par la plaine de
Balaklava; le général Bosquet avait compris,
au contraire, que le danger viendrait plutôt
par Inkermann. L'événement ne tarda pas à
justifier ses prévisions. Le 5 novembre 1854,
eut lieu, en effet, ce combat meurtrier où l'in-
trépide officier sauva l'armée de nos alliés en
faisant subir aux Russes des pertes énormes.
Le général Bosquet reçut les félicitations de
lord Raglan et du duc de Cambridge pour sa
1020 BOSQ
BOSS
BOSS BOSS
belle conduite. La direction des tranchées fut
changée et poussée vers Malakoff, qui devint
le but des efforts de l'armée assiégeante. Ces
travaux furent encore l'œuvre du corps com-
mandé par le général Bosquet, et ce corps eut
à supporter la part la plus rude des com-
bats que nous livrait le désespoir des Russes.
On ne saurait trop admirer la sollicitude dont
cet officier, si brillant dans le combat, sut en-
tourer ses troupes durant les attaques journa-
lières qu'il fallait repousser, tout en continuant
le pénible travail des tranchées. Sur ces entre-
faites, le général Canrobert, poussé par un
scrupule qui honore son grand cœur, se démit
du commandement en chef de l'armée, qui fut
donné au général Pélissier. Un grand conseil
fut tenu, et l'on décida l'attaque de cette for-
midable position du mamelon Vert, dans la-
quelle le général Bosquet se couvrit de gloire.
Un ne sait pourquoi, lors du premier assaut
livré à la tour Malakoff, le' général Bosquet
fut éloigné de ce poste périlleux, qui lui appar-
tenait presque de droit, et envoyé dans la
Tchernaïa pour contenir les Russes. L'échec
subi dans la terrible journée du 18 juin 1S55
fut attribué, à tort ou h raison, par les troupes
a l'absence de cet heureux officier. Enfin, un
nouvel assaut fut décidé pour le S septembre
à midi, et le plan de l'attaque fut entièrement
livré au général Bosquet, qui tomba griève-
ment blessé au milieu de sa victoire. Le 22 du
même mois, il était nommé grand-croix de la
Légion d'honneur; il recevait, le 1er novem-
bre, la médaille militaire; Pau lui offrait, le
10 décembre, une épée d'honneur, et Je 9 fé-
vrier suivant, il était élevé au rang de sé-
nateur. Enfin, le 18 mars 1856, l'empereur le
récompensait, en même temps que le général
Canrobert, par la dignité de maréchal de
France. Au mois de février 1358, le maréchal
Bosquet reçut le grand commandement des
divisions du Sud-Ouest. Retenu sur un lit de
douleur par. suite de ses glorieuses blessures,
il ne put prendre part à la guerre d'Italie, et
mourut le 3 février 1861. Une autre cause aété
assignée à cette fin prématurée ; mais nos
renseignements, ne sont pas assez précis pour
que nous puissions entrer dans les détails; du
reste, il nous faudrait ..franchir le seuil de la
vie intime, qui doit rester murée à la biogra-
phie contemporaine. Portons des jugements;
c'est notre droit, nous pourrions dire notre
devoir; nous ne nous croirons jamais d'autres
privilèges, et s'il nous arrivait, dans la route
longue et difficile que nous parcourons, de
nous écarter de ce programme, notre volonté
personnelle n'y serait pour rien. Que ceux
qui ne s'expliqueraient pas à première lecture
cette réserve veuillent bien méditer ceci : l'im-
mense courant qui s'appelle le Grand Dic-
tionnaire reçoit sur tous les points de ses
rives des eaux dont il ne peut quelquefois
apprécier la nature qu'après qu'elles se sont
mêlées aux siennes propres.
Le maréchal Bosquet est une des grandes
figures militaires de notre époque; toujours
éloigné des intrigues politiques, il a conquis
une gloire des plus pures et a laissé un bel
exemple des vertus militaires les plus solides.
S'il n'eut pas, à la guerre, le périlleux honneur
du commandement en chef, il sut se créer au
second rang une place si belle, qu'il n'eut rien
à envier à ceux que le sort avait placés hié-
rarchiquement au-dessus de lui. « Le maré-
chal Bosquet, dit M. H. Castille (1859), est un
type complet du soldat. Il est soldat sérieuse-
ment et profondément, et ne cherche pas,
comme beaucoup d'autres, à rejeter de ses
épaules le rude manteau de l'esprit militaire
oui a fait sa grandeur. Peu d'officiers ont eu
nés connaissances aussi étendues dans leur
profession, qui en embrasse un si grand nom-
bre. Il avait aussi la vigueur du corps : extrê-
mement robuste, il se plaisait quelquefois à
donner en campagne des exemples de sa force
physique. La force morale, très-grande chez
lui, abritait une sensibilité vive. Ses manières
affectueuses, sa justice, sa bienveillance pour
le mérite, le soin qu'il prenait de la santé des
troupes, n'ont pas moins contribué que son
courage et ses talents à lui attirer l'amour des
soldats. »
BOSQUILLON
BOSQUILLON (Edouard-François-Marie),
médecin et helléniste, né à Montdidier en 1744,
mort en 1816. Il fut successivement professeur
de langue et de philosophie grecque au Collège
de France, censeur royal, et médecin de
l'Hôtel-Dieu. Comme praticien, il eut peu de
réputation; il avait même quelques idées par-
ticulières qui lui attirèrent des railleries. Il
avait, notamment, un tel fanatisme pour l'em-
ploi de la saignée, qu'on l'avait comparé au
docteur Sangrado, caricature médicale du
Gil Blas, de Le Sage. Comme helléniste et
traducteur, il rendit de grands services à la
science, donna des versions françaises des-
Aphorismes et prognostics d'ffippocrate (Paris,
1784, 2 vol.), et fit également passer dans
notre langue quelques-uns des bons ouvrages
anglais, entre autres : les Eléments de méde-
cine pratique, de Cullen (1785); le Traité des
ulcères, de Benj. Bell (1788); le Cours complet
de chirurgie, de Bell (1796, A vol. in-8") ;
Traité de la gonorrhée virulente et de la maladie
vénérienne, de Bell (1802,2 vol.), ouvrage qu'il
a considérablement étendu par ses critiques
et ses commentaires. Citons enfin son Mémoire
sur les causes de Vhydrophobie et sur les moyens
d'anéantir cette maladie (1802, in-8°).
BOSRA. V. BOSTRA.
BOSQUIEN,
BOSQUIEN, I E N N E adj. (bo-ski-ain, i-è-ne
— du nom du natural. liosc). Hist. nat. Qui
est dédié à Bosc. n Se dit d'un poisson et d'un
lézard.
BOSQC1ER (Philippe), religieux de l'ordre
des récollcts, né à Mons (Hainaut) en 1561,
mort à Avesnesen 1C3G. Il eut dans son temps
la réputation d'un bon prédicateur, et il a
laissé des ouvrages recherchés des amateurs,
comme donnant un curieux spécimen du mau-
vais goût qui dominait alors. Les plus connus
sont : Tragédie nouvelle, dite le Petit Jtasoir
des ornements mondains, en laquelle toutes les
misères de nostre tems sont attribuées tant aux
hérésies qu'aux ornements super/lus du corps
(Mons, I583,in-12); le Fouet de l'académie des
pécheurs (Arras, 1597).
BOSQU1ER - GAVAÏIDAN ( Jean-Sébastien-
Fulchran), acteur et auteur dramatique fran-
çais, neveu par sa mère de l'acteur Gavaudan,
et fils d'un fabricant de bas de soie de Nîmes,
né à Montpellier en 1776, mort àBatignollesen
1843. Après avoir fait plusieurs voyages au
long cours, en qualité de mousse, Bosquier
embrassa à dix-neuf ans, comme tous ses pa-
rents du côté maternel, la carrière théâtrale,
et débuta à Nîmes. Il vint à Paris en 1798, et
entra au théâtre Molière, où il créa d'une ma-
nière originale le rôle du Normand Valogne,
dans le Diable couleur de rose, deGavaux. En
1799, il passa à Feydeau, pour tenir l'emploi
des trials. Atteint par la conscription, il par-
tit pour l'armée dans la musique des nus-
' saras de Chamboran, et obtint bientôt son
congé comme élève du Conservatoire de mu-
sique. De retour à Paris, il entra, en 1800,
au théâtre des Troubadours, puis au théâtre
Favart. Après une courte apparition au théâ-
tre de Rouen, il s'engagea, en 1803, aux
Variétés, qu'il ne quitta qu'à sa retraite, en
1836; il était devenu l'un des propriétaires
de cette salle. C'est surtout de 1832 à 1836
que cet acteur, qui pouvait passer pour un
virtuose parmi les chanteurs de vaudevil-
les, se distingua par sa verve, sa rondeur et
sa gaieté. Il partagea longtemps la vogue de
Brunet et de Ttercelin. On lui doit plusieurs
pièces de théâtre : Cadet Boussel chez Achmet,
comédie-folie en un acte (1804), en collabora-
tion avec Désaugiers; le Diable en vacances,
opéra-séria en un acte (1805), suite du Diable
couleur de rose, dont il créa le principal rôle;
M. Desortolans ou le Foyer du théâtre (1807);
Claudinet ou le Premier venu engrène, comé-
die en un acte, en prose (1808), en société avec
Dumersan ; les Bretteurs, comédie en un acte,
mêlée de couplets (1810); Trop tôt, opéra-
comique, avec Aubertin. tl fit jouer au théâtre
de la Porte-Saint-Martin, en collaboration
•avec le même Aubertin : Montbars l'extermi-
nateur ou les Derniers flibustiers, mélodrame
en trois actes (1807).
BOSQUET,
BOSQUET, administrateur français, né à
Paris, mort en 1778. Il devint directeur de la
correspondance dans l'administration des do-
maines. On a de lui : Dictionnaire raisonné des
domaines et droits domaniaux (Rouen, 1762,
3 vol. in-4«>).
BOSREDON
BOSREDON DERANS1JAT,né en Auvergne
en 1743, mort vers 1812. Il entra jeune dans
l'ordre de Malte et devint commandeur et se-
crétaire du trésor. Dès le commencement de
la Révolution française, il sympathisa avec
les idées nouvelles, devint le centre d'un com-
plot dont le but était la réunion de Malte h la
France, noua des intelligences avec le gou-
vernement de la République, et lorsque Bona-
parte parut devant l'île, en 1798, les voies
étaient si bien préparées, qu'il ne resta plus
aux chevaliers qu'à signer une capitulation.
Bosredon se distingua pendant le blocus de
Malte parles Anglais, et revintensuite terminer
ses jours en France. Il a laissé un Journal du
siège et du blocus de Malte (Paris, 1801, in-8°).
BOSS
BOSS (Jacob), graveur flamand, né en Bel-
gique vers 1540, travaillait â Rome dans la
seconde moitié du xvic siècle. On a de lui des
vues des monuments antiques de Rome, des
portraits, entre autres celui de Michel-Ange,
et quelques sujets religieux, parmi lesquels
l'Echelle
m
de Jacob, d'après Raphaël, et les
Evangélistes, d'après Blocklandt. Il signait
soit avec ses initiales, soit avec son nom en-
tier : Jacobus Bossius Belga.
BOSSACBOSSAC s. m. (bo-sak). Bot. Espèce de
lobélie rampante.
BOSSAGE
BOSSAGE s. m. (bo-sa-je — rad. bosse).
Archit. Saillie brute ou taillée, laissée à
dessein sur le nu du mur ou les panneaux du
bois, pour servir d'ornement ou pour rece-
voir des sculptures : Mur à BOSSAGKS. Porte,
colonne à BOSSAGES. Panneaux à BOSSAGKS.
L'appareil en BOSSAGE fut rarement employé
par les Grecs, bien que le soubassement de la
lanterne de Démosthène en offre un exemple.
(Batissier. ) » Se dit particulièrement des
ornements de ce genre, ménagés sur des
pierres que l'on taille seulement près des
joints.
— Bossage rustique. Bossage à parements
bruts, il Bossage arrondi, Celui dont les arêtes
sont abattues et remplacées par des surfaces
arrondies, il Bossage vermiculé, Celui dont le
parement est chargé d'ornements ébauchés'en
forme de glaçons, et qui est usité, pour la
construction des fontaines et des bassins :
La Porte-Saint-Martin présente des BOS-
SAGES VERMICULÉS d'un bon effet. (Lévy.) n
Bossage en cavet, Celui dont la saillie est ter-
minée par un cavet entre deux filets, il Bos-
sage en pointe de diamant, Celui dont le pare-
ment est formé de quatre glacis ou biseaux
très-inclinés, qui se terminent par une arête
dans le sens de la longueur, ou par une pointe
mousse au centre de la pierre, comme cela se
pratique assez souvent dans la taille des
pierres fines : De chaque côté des hautes
portes dont les BOSSAGES sont taillés EN POINTE
DE DIAMANT, des nègres sculptés élèvent au-
dessus de leurs têtes des torchères à vingt
bougies. (L. Enault.) H Bossage à anglets,
Celui qui est partagé en pierres de refend,
c'est-à-dire dont les joints invisibles sont
figurés par des canaux carrés assez larges et
profonds.
— Techn. Rondeur de bosse que font les
bois de charpente courbés ou cintrés, il Masse
de bois que le menuisier laisse aux pièces
qu'il allégit vers les mortaises.
— Encycl. En architecture, on distingue le
bossage brut et le bossage taillé. On a toute
raison de croire qu'un bossage brut ne fut
d'abord qu'une pierre qui n'avait été taillée
que sur les bords, afin qu'elle pût se joindre
exactement avec d'autres pierres, tandis que
tout le champ restait brut, pour recevoir plus
tard les divers ornements que le sculpteur
devait tailler sur place. Mais il arriva quel-
quefois que ces ornements restèrent à l'état
de projet, et, soit que les architectes posté-
rieurs aient attribué à un dessein prémédité
ce qui n'était que l'effet du hasard, soit qu'ils
aient jugé agréables à l'œil ces saillies d'ap-
parence rustique, ils ont quelquefois appliqué
les bossages à des constructions importantes.
On en voit des exemples aux amphithéâtres
romains de Pola et de Vérone, à l'aqueduc du
Claude, à l'arc de Drusus, au palais de Dio-
clétien à Spalatro. Brunelleschi fit souvent
usage des bossages, notamment au palais
"Vieux de Florence et au palais Pitti. En France,
on voit des bossages dans certaines parties des
Tuileries, au Luxembourg, à la porte Saint-
Martin, etc. Mais ces bossages ne sont souvent
bruts qu'en apparence, et ils portent des lignes
tracées d'une manière régulière : quelquefois
ils sont vermiculés, comme ceux de la porte
Saint-Martin; ailleurs, ils présentent d'autres
dessins. Les anciennes barrières de Paris
peuvent être citées comme exemple de l'abus
qu'on peut faire du bossage brut, qu'on avait
appliqué à la construction d'une foule de co-
lonnes, d'un effet beaucoup pJ'is bizarre qu'élé-
gant. Les bossages qui seront toujours de mode
en architecture, parce qu'ils sont nécessaires,
sont les pierres en saillie posées par les ma-
çons à l'endroit où le sculpteur doit venir plus
tard tailler des bas-reliefs ou des hauts-
reliefs, qui seront les plus beaux ornements
de la construction architecturale. Les autres
bossages constituent un style particulier, connu
sous le nom de style rustique. V. ce mot.
BOSSANGE
BOSSANGE (Martin), libraire français, né à
Bordeaux en 1766. Etant venu se fixer à Paris
en 1787, il fonda une maison de librairie, dé-
signée sous le nom de galerie Bossange. Cette
maison, à la tête de laquelle il resta jusqu'en
1837, ne tarda pas à acquérir une grande im-
portance, tant en France qu'à l'étranger, où
Bossange forma plusieurs établissements. On
a de lui quelques brochures au sujet du prêt sur
nantissement, fait par l'Etat aux libraires
en 1830. Elles ont pour titre : Courtes observa-
tions à messieurs les députés (1833) ; Nouvelles
observations (1833), etc. — Son fils, Hector
BOSSANGE
BOSSANGE (Marie
:
Henri-Adolphe), connu
sous le pseudonyme" de Nemo, homme de
lettres et administrateur français, né à Paris
en 1797, mort en 1862, était fils du'célèbre
libraire-éditeur Martin Bossange. Après avoir
fait de sérieuses études au collège Louis-le-
Grand, il alla en Angleterre compléter son
instruction, et en revint avec des connais-
sances très - étendues. Il fit de nombreux
voyages à l'étranger, comme représentant de
la librairie de son père, alors 1 une des plus
importantes de l'Europe; ses voyages lui per-
mirent de voir bien des célébrités de l'époque
dans tous les pays, et il sut mettro à profit ces
brillantes connaissances. Peu de temps après
son retour en France, la révolution de Juillet
éclata et fut fatale à sa position de fortune ;
c'est alors qu'il devint l'un des principaux
rédacteurs de la Gazette de France et l'un
des plus goûtés du public. Plus d'un discours
prononcé aux chambres et demeuré célèbre
était sorti de sa plume. A cette époque, les
articles de journaux paraissaient sans signa-
ture, avec tout le charme de l'inconnu : cette
circonstance donnait beaucoup de relief à ses
?
ualités de publiciste ; il savait parler avec
ranchise, aussi avait-il des amis sincères
dans les partis les plus opposés.
Il a écrit les Lettres à ma voisine, qui paru-
rent' en feuilletons dans la Gazette de France.
Ces lettres, pétillantes d'esprit, ont eu un grand
retentissement. On a de lui un volume très-
important, intitulé : Des crimes et des peines
capitales. Cet ouvrage, publié en 1831, est très-
remarquable sous le rapport de la morale, de
la physiologie et aussi de la critique; Bos-
sange avait prévu a.ue cette question sociale
reviendrait souvent a l'ordre du jour, et l'avait
étudiée dans cette prévision avec une indé-
pendance d'esprit et une justesse de raisonne-
ment telles, que son livre est encore aujour-
d'hui l'un des plus complets sur ce triste sujet.
Adversaire de la peine de mort, Bossange
avait eu le courage d'assister à tous les genres
de supplices usités en Europe. Dans les
courts loisirs que'lui laissaient ses travaux,
il a donné plusieurs pièces de théâtre, dont
deux entre autres, Clotitde (1832) ; la Famille
de Lusigny (1832), ont été jouées avec succès
à la Comédie-Française.
Quand fut posée, dans notre pays, la ques-
tion, si indécise au début, de l'introduction des
' chemins de fer, il laissa à d'autres les débats
; politiques, et publia de nombreux articles sur
: ces nouvelles voies de communication. Ces
j études spéciales lui valurent les éloges des
hommes les moins favorables à la cause qu'il
défendait. Peu de temps après, dès la créa-
tion du chemin de fer de Paris à Strasbourg,
dont il fut l'organisateur, il fut nommé secré-
taire général de la compagnie. M. Adolphe
Bossange, investi des prérogatives de direc-
teur, sans en avoir le titre, sut, dans ces dé-
. licates fonctions, rendre d'ém'ments services.
Malheureusement, une longue et douloureuse
maladie de cœur, sur laquelle il essayait de
se faire illusion, le força à se retirer dans sa
propriété de Maison s-Laf fi te, et à quitter, vers
la fin de-1861, la Compagnie des chemins do
fer de l'Est. Les progrès du mal furent ra-
pides, et il mourut peu de temps après, laissant
la réputation d'un homme aimable, doux, spi-
rituel et serviable, autant que modeste.
BOSSCIIA
BOSSCIIA (Hermann), érudit et littéra-
teur hollandais, né à Leeuwarden en 1755,
mort en 1819. Après avoir dirigé plusieurs
collèges , il occupa une chaire à l'univer-
sité de Marderwyck, puis à celle de Gronin-
gue, et enfin à 1 athénée d'Amsterdam. Outre
des discours prononcés sur différents sujets,
; il publia : Musa Daventriaca (1786); Biblio-
theca classica (1794), glossaire pour l'explica-
tion des auteurs grecs et latins; une traduc-
tion en hollandais des Vies de Plutarque;
une Histoire de la révolution de Hollande
(1813), etc. — Ses deux fils, JEAN et PIERRE,
se sont aussi fait un nom dans les lettres. Le
premier, nommé en 1829 professeur à l'Ecole
militaire de Bréda, adonné une édition d'Apu-
lée (1823), et du Lexicon manuale latinum de
Kœrcher (182^); des thèmes grecs, etc. Le
second, professeur à l'athénée de Deventer, a
donné quelques éditions d'ouvrages rares.
BOSSCHAERT,
BOSSCHAERT, BOSCHAEUTS ou BOSSAERT
(Thomas-Willebrord), peintre flamand, né à
Berg-op-Zoom un 1613, mort à Anvers en
1G54 ou 1656. Il manifesta, dit-on, ses dispo-
sitions pour la peinture à l'âge de douze ans,
en exécutant son propre portrait à l'aide d'un
miroir. Il eut pour maître Gérard Zeghers,
visita l'Italie, et, de retour en Flandre, fit les
portraits de plusieurs grands personnages.
Le prince d'Orange l'appela à La Haye et lui
confia divers travaux. Bosschaert était doyen
de la guilde de Saint-Luc, à Anvers, en 1649.
Les biographes du siècle dernier, et en parti-
culier l'abbé de Fontenay, ont singulièrement
exagéré le mérite de cet artiste, en disant
qu'il posséda a presque toutes les qualités
qu'on peut désirer dans un grand artiste, un
génie élevé, des inventions heureuses, des
compositions brillantes, l'expression des figu-
res, l'intelligence du colons. » D'autres ont
prétenau qu'il approcha de Van Dyck, dont il
se fit l'imitateur. La vérité est qu'il avait un
dessin correct, une touche délicate ; mais, en
revanche, son coloris était froid et lourd, et
ses figures manquaient d'animation. Ses œu-
vres sont raves. Le musée de Bruxelles a de
lui un tableau qui représente les Anges annon-
çant à Abraham la naissa7ice d'Isaac; l'église
de Saint-Willebrord, à Anvers, une composi-
tion représentant ce saint patron prosterné
devant la Sainte Famille; le musée de Berlin,
un Afariage de sainte Catherine; la galerie de
Vienne, Ëlie dans le désert, et une Diane à
la chasse, tableau dans lequel Jean Fyt a
' peint le paysage et le gibier. Quelques auteurs
écrivent à tort le nom de cet artiste Bos-
CHAEUTS; d'autres veulent qu'Use soit nommé
• AVILLEIÏRORD , WILLEBORT ou même VUILLE-
BOSSANGE,
BOSSANGE, né à Paris en 1795, a pris après lui
la direction de sa librairie. Il a publié Ma
bibliothèque française (1855), et Opinion nou-
velle sur la propriété littéraire (in-8°).
BOTSBOTS (.Fontenay), mais ce n'était là que son
prénom.
I
BOSSCHAERTBOSSCHAERT (Guillaume-Jacques-Joseph),
, administrateur et publiciste belge, né à
j Bruxelles en 1737, mort en 1815. Après avoir
; obtenu le grade de licencié en droit,* il devint
, secrétaire du comte de Cobenzel, qui dirigeait
; le gouvernement des Pays-Bas autrichiens
' sous le prince Charles de Lorraine, et con-
tribua beaucoup à introduire dans ce gouver-
nement d'utiles améliorations. Après la mort
du comte, il renonça aux fonctions politiques
et cultiva la peinture. L'empereur Joseph II
le chargea de classer les tableaux des cou-
vents supprimés, et de vendre ceux qui ne lui
paraîtraient pas dignes d'être conservés. Sans
avoir pris aucune part directe à la révolution
belge de 1789, il écrivit deux piquantes bro-
chures qui firent sensation, et qui l'exposèrent
môme à quelques persécutions. Plus tard, il
fut nommé membre du conseil municipal de
Bruxelles, et, de concert avec Laserna-San-
tander, il parvint à créer le musée de cette
ville; il conserva jusqu'à sa mort la direction
de ce musée; il était en même temps direc-
teur honoraire de l'Académie de peinture, de
sculpture et d'architecture.
BOSSCHE
BOSSCHE (Balthazar VAN DEN), peintre fla-
mand, né à Anvers en 1675 ou 1681, mort
dans cette ville en 1715. Il eut pour maître
Gérard Thomas, et travailla à Anvers, à Nan-
tes, à Paris et surtout à Douai. Il acquit une
si grande réputation, comme portraitiste, que
le célèbre duc de Marïborough voulut être peint
Î
tar lui lors de son séjour à Anvers. L'œuvre
a plus importante qu'il ait laissée est la Vi-
site du bourgmestre d'Anvers â la corporatior.
. BOSS
des arbalétriers, composition qui comprend
une quarantaîne'de portraits : elle est signée
et datée de 1711 et appartient au musée d An-
vers. Balth. van den Bossche peignit aussi
des mascarades, des charlatans, des apothi-
caires dans leurs laboratoires. Ses figures, dit
M. Waagen , sont groupées avec discerne-
ment ; ses tètes sont animées et d'un certain
caractère ; son coloris est vigoureux et chaud,
quoique d'un rouge brique trop uniforme dans
les chairs. C'est par erreur que quelques bio-
graphes donnent à cet artiste le nom de BOB.
BOSSE
BOSSE s. f. (bo-se. — Pour- trouver l'éty-
mologie de ce mot, constatons d'abord les
analogies qu'offrent les langues collatérales
de la nôtre. L'italien dit, dans le même sens
que le français, bozza, le provençal bossa, le
picard boche; en outre, l'italien ait boccia et
l'espagnol bocha, dans le sens plus général
de boule. Comme le fait fort justement re-
marquer Diez, il ne faut pas songer à deman-
der au latin l'origine de ce mot; il est évi-
demment emprunté aux idiomes germani-
?[ues. En effet, nous retrouvons facilement le
rançais bosse dans le hollandais buts, par
exemple, qui a la môme signification. Quant
au radical germanique, M. Delàtre le ratta-
che au thème bhû, croître; dans ce cas, buts
et bosse, qui en dérivent, voudraient dire
littéralement excroissance. Ajoutons pourtant
que les étymologistcs qui aiment à trouver
leurs origines dans les langues classiques
pourraient soutenir que bosse vient de bossu,
et celui-ci du latin gibbosus. A la vérité, il
resterait à expliquer la disparition complète
de gib, qui paraît être la partie principale du
mot; mais est-il bien certain que le peuple,
quand il adopte un mot nouveau, ne s'écarte
jamais des règles tracées par les étymologis-
tes? On pourrait aussi faire venir bosse du
grec uboSj même sens, lequel paraît lui-même
n'avoir été qu'une altération de kuphos,
courbé. Voilà toutes les pièces du procès :
que nos lecteurs prononcent la sentence).
Enflure, tumeur qui provient d'un coup,
d'une chute, d'une contusion : En tombant, il
s'est fait une BOSSE au front. Il a dit qu'il
avait deux BOSSES à la tête. (M
m(
J de Sév.)
Le bon chevalier répéta à plusieurs reprises :
ça ne sera rien; comme on dit à un enfant qui
s'est fait une BOSSE à la tête. (G. Sand.)
. . . 11 se bat, et ne peut rien souffrir :
Il se fait en maints lieux contusion et bosse,
Et veut accompagner son papa dans la fosse.
MOLIÈRE.
— Par anal. Grosseur, protubérance, saillie
contre nature, qui se forme au dos ou à la
poitrine, par la déviation de l'épine dorsale
ou du sternum : Avoir une BOSSE par devant,
une
BOSSEBOSSE par derrière. Avoir ^une BOSSE au
dos. Un bossu de la rue Quincampoix parvint
à s'enrichir en offrant sa bosse pour pupitre à
des spéculateurs. (Encycl.) il Grosseur natu-
relle que certains animaux portent sur quel-
que partie du corps, et particulièrement sur
le dos : La BOSSE du dromadaire et les deux
BOSSESBOSSES du chameau ne sont que des dépôts
graisseux. (Flourens.) Le zébu ressemble au
bison par sa BOSSE, gui pèse de vingt à qua-
rante livres. (***.)
— Toute élévation sur une superficie, sur
une surface : Terrain, chemin plein de BOSSES.
Il buvait dans une timbale d'argent pleine de
BOSSES,BOSSES, U Convexité extérieure servant à l'or-
nement : Relever en BOSSE. Vaisselle relevée
en BOSSE. Vois-tu ces boucliers? leurs BOSSES
reluisent au soleil du matin. (Chatcaubr.)
Ce beau carrosse
Où tant d'or se relève en bosse.
MOLIÈRE.
— Pop. Ripaille, probablement parce que
la nourriture prise avec excès produit à l'es-,
tomac, ou mieux au ventre, une bosse sensi-
ble : 5e faire une BOSSE. 5e donner une BOSSE.
Douze cents francs/ allons-nous nous en faire
des
BOSSES!BOSSES! (Vidal.) Il S'applique aussi à une
partie bien complète de plaisir ou de dé-
bauche.
— L o c f a m . Rouler sa bosse, Voyager, se
mettre en route, et, fig., Aller de l'avant,
se mettre en train : En voilà, un homme gui
A ROULÉ SA BOSSE! (P. Féval.) A vue de nez,
dit-il, ça me sourit assez ; ROULE TA BOSSE !
(P. Féval.) ROULE TA BOSSE, mon garçon; et
j'ai si bien fait rouler la mienne, que du port
de Marseille je me suis trouvé dans un bel
hôtel de la rue Caumartin. (Scribe.) u Donner
dans la bosse, Donner dans le panneau, être
dupe. Voici, suivant M. Quitard, l'origine
très-curieuse de cette locution : A l'époque
où les capitalistes, fascinés par les promesses
du financier Luw, couraient en foule échanger
leurs écus contre le papier de la banque du
Mississipi, qu'il avait établie rue Quincam-
poix, à Pans, un bossu, qui se tenait assidû-
ment dans l'hôtel où se laisaient les échan-
ges, parvint à gagner beaucoup d'argent en
offrant sa bosse pour pupitre aux spéculateurs
pressés de signer des billets ; et, comme on
désignait alors ce beau négoce par l'expres-
sion donner dans le Mississipi, on trouva
plaisant d'admettre une variante indiquée
par la circonstance, en disant des mississipiens
ris pour dupes qu'ils avaient donné dans la
osse.
Certain bussu, grand enjôleur de filles,
Pour en séduire une des plus gentilles,
Lui promettait, s'en croyant sûr déjà,
Belle maison, diamants et carrosse •
Oh! que n-inni, dit-elle, nenni-da!
Ce n'est pas moi qui donne dans ta bosse.
BOSS
H Ne souhaiter, ne rêver, n'aimer, ne deman-
der, ne chercher que plaie et bosse, Chercher,
Provoquer les. querelles, les luttes, les mal-
eurs, pour soi-même ou pour les autres :
L'esprit charitable de SOUHAITER PLAIE ET
BOSSE
BOSSE (Abraham), peintre, graveur et lit-
térateur français, né à Tours vers 1605, mort,
' dans la même ville en 1678. A l'exemple de
Jacques Callôt, que quelques biographes lui
donnent pour maître, il s appliqua à la gra-
vure à 1 eau-forte et fit faire à cet art de
grands progrès. « Il dessinait assez bien, dit
Mariette, mais la parfaite exécution de la gra-
vure, la dégradation des ombres et des lumiè-
res, l'égalité des hachures, la fermeté, la net-
teté des traits firent le principal objet de ses
efforts. Il ne voulut pas que le burin l'em-
portât en rien sur la pointe ; il entreprit même
de graver des planches entières à une seule
taille, manière qui n'avait encore été prati-
quée qu'au burin, et qui devient si difficile à
1 eau-forte qu'elle n'a plus trouvé depuis d'imi-
tateurs. Il y réussit cependant si bien, qu'il
n'est pas possible de graver au burin avec
plus de netteté et de hardiesse. • Il publia sur
son art, en 1645, un traité (l'édition la plus
estimée est celle qui renferme les notes et les
corrrections de Cochin) dans lequel il a ex-
posé les différentes manières de graver à
l'eau-forte et au burin et la façon d'en impri-
mer les planches. Il avait fait aussi une étude
approfondie des règles de la perspective et de
la pratique du trait, sous la direction du géo-
mètre Desargues, et il composa sur cette ma-
tière des traités qui lui firent beaucoup d'hon-
neur. Reçu à l'Académie de peinture, qui venait
d'être fondée, il fut chargé'd'y donner des
leçons de perspective ; mais ses théories dé-
plurent à. plusieurs de ses collègues, notam-
ment à Lebrun : la vivacité, ou pour mieux
dire la violence avec laquelle il défendit ses
opinions lui suscita des ennemis qui furent
assez puissants pour le faire exclure de l'Aca-
démie. Quelque temps après, il quitta Paris et
se retira à Tours, où il termina sa carrière.
L'œuvre gravé de Bosse est considérable ; il
ne comprend pas moins de 950 pièces, tant au
burin qu'à l'eau-forte. Quelques-unes repré-
sentent des sujets religieux, d'après Jacques
Stella, Claude Vignon, J. Morin, Pierre Mi-
gnard, etc. ; mais la plupart ont été exécutées
d'après les dessins d'Abraham Bosse lui-même
et représentent des figures allégoriques, des
scènes de la vie civile, des types populaires,
BOSS 1021
des caricatures, des modes, des costumes ; nous
nous bornerons à citer les plus connues : les
Quatre Saisons, les Eléments, les Cinq Sens, le
Capitaine Fracasse, le Théâtre de Tabarin, la
Déroute des Jansénistes, les Comédiens de
l'Hôtel de Bourgogne, le Maitre et la Mai-
tresse d'école, la Boutique d'un pâtissier, les
Cris de la ville de Paris (suite de 12 pièces) ;
le Procureur, Y Apothicaire, le Barbier, les
Cordonniers, les Bergères (4 pièces) ; la Noce
de village (3 pièces) ; la Nouvelle mariée, la
Femme en travail d'enfant, VAccouchée, une
Assemblée de dames mangeant en l'absence de
leurs maris, le Mari battant sa femme et la
Femme battant son mari, la Galerie du Palais,
l'Infirmerie de l'hôpital de la Charité, la For-
tune de la France (pièce satirique contre les
Espagnols) ; les Vierges sages et les Vierges
folles (7 pièces) ; Histoire de l'Enfant prodi-
gue (6 pièces) ; les Arcs de triomphe dressés
après la prise de La Rochelle (16 pièces);
Cérémonies de l'ordre du Saint-Esprit (4 piè-
ces) ; le Jardin de la noblesse française (12 piè-
ces); la Noblesse française à l'église (14 pièces);
Divers habillements des dames de France
(6 pièces) ; Divers habillements des officiers et
soldats des gardes françaises, etc. Bosse a
gravé, en outre, une quinzaine de portraits,
des plans et des vues de villes et de châteaux,
des armoiries et devises, des cartouches d'or-
nements, des modèles de cheminées, d'éven-
tails et d'écrans, des frontispices et une foule
de vignettes pour des livres sur les sciences,
les arts et les belles-lettres. Il a peint aussi
quelques tableaux dans la manière de Callot,
mais ils sont très-rares : le Louvre n'en a pas ;
le musée de Cluny en a un représentant les
Vierges folles.
BOSSEBOSSE à tout le monde est extrêmement ré-
pandu. (M"
16
de Sév.) Nous NE DEMANDONS
QUE PLAIE ET BOSSE; mais,en vérité, je trouve
que cette semaine, il y en a trop. (M
m e
de
Sév.) Cela me fit prendre tant de goût à la
profession, que je NE DEMANDAIS PLUS QUE
PLAIE ET BOSSE. (Le Sage.) Parce que mes
aïeux, que Dieu confonde, NE RÊVAIENT QUE
PLAIES ET.BOSSES,je ne pourrais sans honte
rester en paix chez moi ! (Sandeau.)
Les gars n'aiment que plaie et bosse
Et vont aux coups comme à la noce.
(Ilcnriadc travestie.)
— B.-arts. Figure ou portion de figure
sculptée ou moulée, d'après laquelle on
dessine, pour s'exercer à sentir et à rendre
le relief des corps : Dessiner, peindre d
f
après
la BOSSE. Dessiner la BOSSE. Etude d'après
la BOSSE. Il me fallut d'abord apprendre le
dessin; je dessinai d'après la BOSSE. (P.-L.
Cour.)
A pleines mains verse roses et lis
Sur ces deux corps qui sont ensevelis,
Ami passant, auprès de cette fosse,
Et dis pourtant qu'ils ont bien mérité.
Après leur mort, d'être élevés en bosse,
Pui^qu'en leur vie ils l'ont toujours été.
(Epitapne de deux bossus enfermés
dans un même tombeau.)
Il Ronde bosse, Ouvrages de plein relief,
comme les statues proprement dites : Au-
dessus de la cheminée était un grand portrait
équestre de Henri III, exécuté en RONDE
BOSSE. {Balz.) u Demi-bosse, Bas-relief dont
Q
uelques parties sont saillantes et détachées
u fond.
— Constr. Petite saillie laissée dans un
parement, pour indiquer qu'il n'est pas
métré.
— Techn. Dans les salines de la Charente-
Inférieure, Petite éminence à pente adoucie,
de forme ronde et plate à son sommet, où
l'on place le sel lorsqu'il cristallise, en le r e -
levant avec un ràble. il Partie des aplatissoi-
res dans une forge, it Forme sphérique que le
vitrier donne au verre, n Appendice que l'on
place sous le fer du cheval, et qui est destiné
a remédier aux défauts d'aplomb; c'est une
variété du crampon, n Paquet de chardons
à l'usage du *foulon. H Serrure en bosse, Ser-
rure saillante, placée à l'intérieur d'une porte.
— Mar. Bout de fort cordage, amarré par
une de ses extrémités sur un des points du
navire, et servant à retenir un câble, une
manœuvre, un objet quelconque. Il Dosse fixe,
ou dormante, Bosse établie à demeure sur
quelque partie du navire. Il Bosse volante,
celle qui peut se déplacer et se transporter
au besoin, u Bosses cassantes, Bosses plus fai-
bles que les bosses ordinaires, et destinées
à amortir, par leur rupture successive, les
secousses qu'éprouvent les câbles pendant un
gros temps, il Bosse debout, Celle qui traverse
un bossoir, et sert, quand il y a lieu, à y t e -
nir une ancre suspendue, il Bosseà fouet, Celle
qui se termine par une tresse plate, nommée
fouet. || Bosse à bouton, à aiguillette^ ou à ru-
bans, Celle qui porte à son extrémité un
bouton armé d'une aiguillette, servant à re-
tenir et à fixer le câble, il Bosse à feu, Bou-
teille pleine de poudre et garnie d'une mèche,
qu'on jetait autrefois à bord des bâtiments
ennemis, pour y mettre le feu. il Bosse d'em-
barcation, Cordage qui sert à amarrer une
embarcation à flot, sur le côté ou à l'arrière
d'un bâtiment, à un quai, sur une bouée, etc.
Il Bosse d'attente ou de pont, Celle qui est
fixée sur un point du pont d'un bâtiment,
pour qu'on puisse s'en servir au besoin, u
Bosse du bossoir, Manœuvre avec laquelle on
attire l'ancre vers le bossoir, depuis le mo-
ment où elle a commencé à émerger hors de
Ye&u. \] Prendre une bosse, Fixer, à l'aide
d'une bosse, une manœuvre ou tout autre
objet.
— Navig. Angle rentrant de la rive d'un
cours d'eau navigable : Les BOSSES constituent
des difficultés pour le halage. If Bosse de nage,
Terme de canotage, qui sert à désigner l'en-
droit précis du bordage sur lequel doit repo-
ser l'aviron. Les bosses de nage n'existent
que dans les embarcations dont le bordage
est légèrement creusé en feston dans toute
sa longueur, telles que certaines yoles, ou
certains funnys à bord desquels les porte-en-
dehors sont remplacés par des bosses de nage
fort élevées, afin de faciliter le tirage du ba-
teau. Il ne peut y avoir moins de deux bosses
de nage sur une embarcation, soit qu'elle se
manœuvre aux avirons de couple, soit qu'elle
se tire aux avirons de pointe. Dans tous les
cas,-leur nombre est proportionné à celui des
avirons qui doivent border le bateau.
— Métrol. Tonneau contenant de 200 à
250 kilogr. de sel. il A Neufchâtel, mesure de
capacité pour les liquides, valant en litres
914,06.
— Jeux. A la paume, Endroit de la mu-
• raille, du côté de la grille, qui renvoie la
balle dans le dedans : Attaquer la BOSSE.
Donner dans la BOSSE.
— Véner. Chacune des deux petites émi-
nencesqui signalent l'apparition du bois chez
les jeunes cerfs qui ne l'ont point encore
porté, et chez les vieux qui l'ont mis bas.
— Anat. Eminence arrondie, à la surface
BOSS
d'un os plat : Les BOSSES du crâne. La BOSSE
occipitale. Les BOSSES frontales.
— Phrénol. Protubérance du crâne consi-
dérée comme indice des penchants et des
aptitudes de l'homme : La BOSSE de la com-
bativité, de la philoqéniture. L'instinct de la
destruction est si développé chez le civilisé
qu'il lui fait BOSSE au front. (Toussenel.) Il
Dans le langage commun, Instinct, penchant,
aptitude naturelle : Avoir la BOSSE des ma-
thématiques, du dessin. Avoir la BOSSE de la
malice. Pour réussir dans un pays, il faut être
porteur de la BOSSE de la nation chez laquelle
on voyage. (Helvét.)
— Art vétér. Maladie des porcs consistant
en un engorgement des glandes situées entre
les branches de la mâchoire inférieure, il On
lui donne aussi le nom de SOIE.
— Agric. Maladie du froment, dite aussi
CHARDON.
— Antonymes. Cavité, creux, enfoncement.
— Encycl. Pathol. Sous la dénomination de
bosse ou gibbosité, on désigne différentes dif-
formités du tronc qui dépendent de déviations
congénitales ou acquises de la colonne verté-
brale, des côtes ou du sternum. Les bosses,
comme toutes les anomalies de conformation
du système osseux, sont sous la dépendance
de causes générales qui les produisent, de
telle sorte que l'histoire des gibbosités est in-
séparable de celle des autres accidents de
conformation vicieuse du squelette. Nous
renvoyons donc, pour les détails que com-
porte cette étude, à l'article que nous con-
sacrerons spécialement aux difformités os-
seuses.
On appelle bosses sanguines des tumeurs de
petite dimension qui se produisent à. la suite
d'une contusion. La formation de ces tumeurs
est toujours favorisée par la présence d'un os'
sous-jacent aux parties contuses ; aussi est-ce
plus spécialement sur la surface du crâne que
se forment ces bosses sanguines, et c'est même
spécialement à celles-ci qu'on réserve le nom
de bosses. On donne aussi le nom de bosse san-
guine à la protibérance de couleur rouge
violacé qui surmonte le vertex des enfants
;
au moment où ils viennent au monde.
La bosse sanguine du crâne, suite de contu-
sion, est due à une hémorragie sous-cuta-
née ; elle est petite, bien circonscrite, un peu
dure et obscurément fluctuante. Ordinaire-
ment, et après un temps qui n'est pas très-
long, elle disparaît par résolution, c'est-à-dire
que le sang épanché se résorbe: cependant,
elle suppure quelquefois si elle n est pas soi-
gnée, et si elle est accompagnée d'une plaie
des téguments.
Le meilleur moyen curatif à opposer aux
bosses sanguines du crâne est de comprimer
immédiatement sur l'os à l'endroit contus ;
l'hémorragie sous-cutanée est entravée, et
les accidents consécutifs ne se produisent pas.
Si l'on a négligé cette précaution, on devra
appliquer les topiques résolutifs : l'eau froide,
l'eau blanche, 1 alcoolat vulnéraire, la teinture
d'arnica, l'eau-de-vie ou même Veau salée, à
défaut d'autre chose. S'il survient des acci-
dents inflammatoires qui fassent redouter la
suppuration, on appliquera des cataplasmes
émollients.
BOSSEBOSSE (Rudolphe-Henri-Bernard), juris-
consulte allemand, né à Brunswick en 1778.
Il fut ministre du duc de Brunswick en 1826,
et a publié, entre autres ouvrages : Esquisse
de la statistique générale et particulière de
Westphalie (1803) ; Essai sur l'histoire de l'é-
conomie politique des peuples modernes (1819).
BOSSECKBOSSECK (Henri-Otton), médecin et natu-
raliste allemand, né à Leipzig en 1726, mort
en 1776. Il est auteur des ouvrages suivants:
Dissertatio de caule plantarum (1745) ; De
nodis plantarum (1747) ; De antheris florum
(1748); De motibus naturœ criticis (1749) ; De
aure humana (1751) ; De malo ossium schemate
(1751).
B O S S E L A G E s. m. (bo-se-la-je — rad. bos-
seler). Techn. Travail en bosse exécuté sur la
vaisselle : Un BOSSELAGE habilement exécuté.
BOSSÉ,
BOSSÉ, É E (bo-sé) part. pass. du v. Bosser.
Mar. Retenu avec des bosses : Un câble
BOSSÉ.
— A signifié autrefois Bossu, contrefait :
Un homme BOSSÉ, H A signifié aussi Relevé en
forme de bosse :
Des filles de quinze ans, quand le sein leur pommelle»
Et s'esleve, bossé d'une enflure jumelle.
RONSARD.
BOSSELÉ,BOSSELÉ, ÉE (bo-se-lé) part. pass. du
v. Bosseler. Défiguré, déformé par des bos-
ses : Timbale d'argent toute BOSSELÉE. Sur un
•vieux dressoir se voient quatre vieux gobelets,
une soupière BOSSELÉE et deux salières en ar-
gent. (Balz.)
— Par anal. Inégal, semé d'éminences a r -
rondies : Toute la plaine qu'on aperçoit au
delà est BOSSELÉE de petites collines formées
d'amas de décombres. (Gér. deNerval.jZa Se-
vré roule impétueusement comme une série de
torrents, sur un lit tout BOSSELÉ de rochers
énormes. (E. Gonzalès.)'
— Techn. Travaillé en bosse : Argenterie
BOSSELÉE.
BOSSELERBOSSELER v. a. ou tr. (bo-se-lé — double
I devant une syllabe muette : Je bosselle, tu
bosselleras, qu'il bosselle). Déformer par des
bosses, produire des bosses sur : BOSSELER
une pièce d'argenterie, en la laissant tomber.
II est aisé de comprendre que les riches murs
de ce palais de soie qu'on appelle cocon ont peu
d'épaisseur, et que la moindre pression les
BOSSELLE. (Revue sérigène.)
— Par anal. Constituer des inégalités ar-
rondies sur : Des collines montagneuses, fau-
ves, pulvérulentes, BOSSELLENT ta surface de
Vile. (Th. Gaut.) On suit l'âpre échine de la
montagne sons la maigre couche de terre
qu'elle BOSSELLE de ses vertèbres. (Ste-Beuve.)
— Techn. Travailler en bosse : BOSSELER
de la vaisselle, de l'argenterie, une pièce d'or-
fèvrerie.
Se bosseler, v. pr. Etre déformé par des
bosses : Cette écuellé" S'EST BOSSELÉE en tom~
bant. (Acad.)
— Rem. L'Académie déclare que bosseler
s'emploie quelquefois dans le sens de bossuer.
Ce qui est vrai, c'est que bosseler est un mot
fort ancien, et qu'aujourd'hui on dit généra-
lement bosseler et quelquefois bossuer, dans
le sens de faire des bosses, déformer par des
bosses, et qu'on ne fait ainsi que revenir au
sens primitif de l'expression : Tels meubles
sont jetés sur le pavé indiscrètement, où ils SE
BOSSELLENT
BOSSELLENT et percent. (Olivier de Serres,
xvie siècle.)
BOSSELURE
BOSSELURE s. f. (bo-se-lu-re — rad. bos~
seler). Etat de ce qui est bosselé, bosses dont
une surface est semée : La côte noire, semée
de lumières, s'abaisse et s'élève en BOSSELURES
indistinctes. (H. Taine.)
1022 BOSS
BOSS
BOSS
BOSS
— S'est employé autrefois dans le sens de
bosse, enflure, tumeur.
— Techn. Travail exécuté on bosse : Les
BOSSELURESBOSSELURES d'une vaisselle, d'une pièce d'ar-
genterie. Des fenêtres dont les châssis de pierre
sont festonnés de BOSSELURES. (H. ïaine.)
BOSSE
BOSSE M AN s. m. (bo-se-man. — Ce mot
est la transcription d'un composé germani-
que, bootsmann, qui signifie littéralement
homme de bateau; on y retrouve les deux
racines boot, bateau et man ou tnann, qui est
commun à la plupart des langues germaniques.
L'italien, calque sur le français, se sert de bos-
man). Nom que l'on donnait autrefois à des
sous-officiers de marine d'un grade intermé-
diaire entre ceux de contre-maître et de quar-
tier-maître, et spécialement chargés de veil-
ler aux ancres, aux câbles et aux bouées.
BOSSEMPRA,
BOSSEMPRA, fleuve d'Afrique, dans la
Guinée septentrionale; prend naissance au
nord du royaume d'Akim, qu'il traverse, ar-
rose le royaume d'Assin, reçoit plusieurs af-
fluents et se jette dans l'Océan sous le nom
de Chama, sur la partie du littoral appelée
côte d'Or. Cours 230 kilom.
BOSSER
BOSSER v. a; ou tr. (bo-sé — rad. bosse).
Mar. Retenir, fixer avec des bosses : BOSSER
un câble, il Bosser une ancre
}
La suspendre
au-dessous d'un bossoir. On dit plus ordinai-
rement : Mettre une ancre"au bossoir.
BOSSERVILLE,BOSSERVILLE, village de France (Meur-
the), comm. d'Art-sur-Meurthe, arrond. et à
5 kilom. S.-E. de Nancy ; 175 hab. Couvent de
chartreux; belle église du style ionique et
corinthien, portant\m-dessus du portail une
remarquable statue de l'Immaculée Concep-
tion ; dans le réfectoire du monastère, on voit
un beau portrait du duc de Lorraine, Char-
les IV. La bibliothèque compte 7,000 vol.
B O S S E T I E R s. m. (bo-se-tié — rad. bos-
selle, petite bosse). Techn. Ouvrier qui tra-
vaille en bosse. [| Verrier qui souffle le verre
en bosse ou boule.
B O S S E T T E s. f. (bo-sè-te — dimin. de
bosse). Petite bosse, il Vieux et inus. en ce
sens.
— Techn. Petit renflement que les ressorts
de batterie présentent quelquefois.
— Véner. Se dit quelquefois dans le sens
de bosse.
— Manég. Ornement en bosse aux deux
côtés d'un mors de cheval : Un mors à BOS-
SETTES dorées, à DOSSETTES argentées.
Il demandait des housses, dus aigrettes,
Uu beau harrtois, de l'or sur les bossettes.
VOLTAIRE.
Il Pièce de cuir que l'on met de chaque côté
de la tôte des mulets ou des chevaux do
charge, à la hauteur des yeux.
BOSSI
BOSSI (Joseph), peintre, poëte et littérateur
italien, né à Busto-Arsisio (Lombardie) en
1777, mort en 1815, rît de brillantes études
littéraires au collège de Monza, commença
ses études artistiques à l'Académie de Brera,
h Milan, sous Appiani et Traballesi, séjourna
ensuite à Rome, où il se lia avec Canova, I
et, de retour à Milan, devint secrétaire de !
l'Académie des beaux-arts. Il obtint le pre-
mier prix dans un concours en 1801, et lors-
que Napoléon vint à Milan en 1805, il exposa
un dessin du Jugement dernier, de Michel-
Ange, deux tableaux remarauables par la pu-
reté du dessin : l'Aurore et la Nuit et Œdipe
et Créon; enfin, un grand carton du Parnasse
italien, un de ses meilleurs ouvrages, qui est
au musée de Milan. Nommé ensuite président
.des Académies de Milan, de Venise et de Bo-
logne, professeur à l'école théorique de pein-
ture, il fut charge par le vice-roi de faire une
copie de la Cène de Léonard de Vinci. Cet
admirable tableau était alors dans un état com-
plet de délabrement. Bossi parvint avec beau-
coup de peine à reproduire la fameuse toile,
d'abord en un fort beau dessin, puis à la pein-
ture à l'huile. Cette dernière copie, au-des-
sous du médiocre, se trouve au musée de
Milan. Jouissant d'une assez grande fortune,
dont il faisait le plus noble usage, Bossi ren-
dit de grands services à l'art, non-seulement
par ses œuvres, mais aussi par la fondation
d'écoles artistiques, la création de pensions
pour les élèves envoyés à Rome, l'accroisse-
ment des riches collections artistiques de
Milan, de Venise, les nombreuses comman-
des qu'il fit à Canova, etc. On lui doit la fon-
dation du musée Brera, où un monument a été
élevé à sa mémoire. Il a collaboré à la vie
de Léonard de Vinci, écrite par soixante sa-
vants et artistes, et préparé un ouvrage sur
les peintres lombards, que la mort l'empêcha
de terminer. Ses principaux écrits sont : Sul
Cenacolo di Leonardo di Vinci, ouvrage aussi
remarquable par le goût que par l'érudition et
que Goethe a traduit en allemand; Délie opi-
nioni di Leonardo intorno alla simetria de
corpi umani (Milan, 1811, in-fol.) ; Del Tipo
dell' arte de lapittura (1S16).
BOSSEY,
BOSSEY, petit village français, situé au
K
ied du Salcvc, sur la frontière suisse, à une
eure de Genève, et qui compte environ
400 hab. Il doit sa célébrité au séjour que
Rousseau y fit dans son enfance. Tout le
monde se rappelle cette page des Confessions:
« Deux ans passés au village adoucirent un
P
eu mon âpreté romaine, et me ramenèrent à
état d'enfant. A Genève, où l'on ne m'impo-
sait rien, j'aimais l'application, la lecture :
c'était presque mon seul amusement ; à Bos-
sey, le travail me Ht aimer les jeux qui lui
servaient de relâche. La campagne était pour
moi si nouvelle que je ne pouvais me lasser
d'en jouir. Je pris pour elle un goût si vif
qu'il n'a jamais pu s éteindre. Le souvenir des
jours heureux que j ' y ai passés m'a fait re-
gretter son séjour et sespiaisirs dans tous les
âges, jusqu'à celui qui m'y a ramené. M. Lam-
bercier était un homme fort raisonnable, qui,
sans négliger notre instruction, ne nous char-
geait point de devoirs extrêmes. La simplicité
de cette vie champêtre me rît un bien d'un
prix inestimable, en ouvrant mon cœur à l'a-
mitié. » La vue dont on jouit de Bossey est
assez belle, mais elle ne justifie pas tout ce
qu'en dit Rousseau, qui voyait ce pays à tra-
vers le prisme de ses premiers souvenirs. Le
célèbre noyer, filleul de Jean-Jacques, n'existe
plusj il a été abattu en 1826, à la suite d'un
orage dont il avait beaucoup souffert. La
même année, l'orme planté par Voltaire dans
son jardin de Ferney avait été également
frappé par la foudre. Les âmes pieuses n'ont
pas manqué devoir la justice du ciel dans cette
coïncidence, selon elles, miraculeuse : tout est
dans tout.
B O S S E Y E U R s. m. (bo-sè-ieur.) Miner.
Nom donné, dans certaines mines, aux ou-
vriers qui travaillent à l'établissement des
voies de fond et d'aérajge. il On les appelle
aussi COUPEURS DE MURS, ou simplement COU-
PEURS.
BOSSl (Joseph-Charles-Aurèle, baron DE),
poëte et diplomate italien, né à Turin en
1758, mort à Paris en 1823. Il débuta à dix-
huit ans dans les lettres par deux tragédies,
Jîea Siloia et / Circassi, qui eurent un cer-
tain succès, et se fit recevoir docteur en droit
en 1780. Lorsque Joseph II eut promulgué
son célèbre édit de tolérance (1*81), il com-
f
iosa à la louange de ce prince une ode, dont
es sentiments philosophiques le firent expul- .
fier du royaume. S'étant fixé à Gênes, Bossi
rendit un service signalé au Piémont en four-
nissant à ce pays des approvisionnements
considérables pendant une disette. Il en fut
récompensé non-seulement par son rappel,
mais par sa nomination au poste de sous-se-
crétaire d'Etat au ministère des affaires étran-
gères, qu'il conserva jusqu'en 1792. A cette
époque, les armées françaises ayant envahi
la Savoie et Nice, la cour de Turin envoya
Bossi en Prusse pour y négocier une alliance.
De là, il se rendit à la cour de Russie, en qua-
lité d'ambassadeur. Il y résida jusqu'en 1797,
époque où il fut congédié par l'empereur de
Russie, à la suite du traité de paix conclu en-
tre la Sardaigne et la France. De retour en
Italie, il fut envoyé successivement auprès
de la république de Venise et du général Bo-
naparte, jusqu'au traité de Campo-Formio.
Après la déchéance du roi de Sardaigne, le
général Joubert le nomma membre du gou-
vernement provisoire du Piémont. Il fut un
des trois députés qui portèrent à Paris les pé-
titions pour l'annexion de ce pays à la France;
mais 1 état provisoire fut maintenu. L'année i
suivante (1799), l'invasion russe força Bossi à j
se réfugier dans les vallées vaudoises, où il
favorisa le retour de détachements français.
Depuis lors, Bossi fut nommé représentant du
gouvernement provisoire piémoutais à Paris,
puis à Gênes, et membre de l'administration
créée par le premier consul. Il se retira après
le sénatus-consulte de 1802, et vécut dans lare- j
traite jusqu'en 1805. Appelé à cette époque à ]
la préfecture de l'Ain, Bossi reçut le titre de '
baron en 1810, passa ensuite a la préfecture
de la Manche, et y fut maintenu en 18M.
Pendant les Cent-Jours, il défendit avec ar- i
deur la cause de Napoléon, et fut destitué I
au retour des Bourbons. Il se rendit alors en
Angleterre; mais, en 1816, il revint en France,
où il vécut jusqu'à sa mort loin des affaires ,
publiques. Doué d'une vive intelligence et de
qualités excellentes, Bossi joignait à une
imagination ardente un esprit de logique sé-
vère et une inébranlable fermeté dans l'ac-
tion. Négociateur habile, il se signala en
même temps comme un administrateur de
premier ordre. Outre les tragédies citées plus I
haut, on a de Bossi les poëmes lyriques sui-
vants : A Giuseppe II, imperatore (i7Sl) ;
A Pio Vf, composé en 1782 à l'occasion de
son voyage à Vienne; Monaca (1787), sur la
sécularisation des couvents; l'Independenza
americana (1785); Bronsvico (1785); Elliot \
(1787); la Ototrfrt pacificata (1788), en deux '•
chants; A Bouonaparte (1797); Vision (1799), j
poëme élégiaque sur la mort de son ami P a - j
voletti; Oromasia (1805), poëme en douze '
chants, où il décrit les principaux faits de la J
Révolution française ; Guerra di Spagna
(180S), etc. Ses œuvres choisies ont été pu-
bliées à Londres (1816, 3 vol. in-12).
BOSSIERBOSSIER s. m. (bo-sié). Techn. Dans les
salines, Celui qui met le sel en tonneaux.
— Techn. Ouvrier verrier. V. BOSSETIER.
B O S S I È R E s. f. (bo-siè-re). Bot. Syn. de
BOISSIERE.
BOSSI
BOSSI (dom Louis), chanoine et savant ita-
lien, né dans les environs de Novare. Lorsque
les Français envahirent l'Italie, dom Louis
Bossi était chanoine de premier ordre à la ca-
thédrale de Milan. Après la réunion du Pié-
mont à la France, il fut nommé préfet des
archives du royaume d'Italie et chevalier de
la Couronne de fer. Il publia une intéressante
dissertation sur le sacro catino de Gênes, et
prouva que ce vase n'était qu'une composi-
tion des anciens Orientaux : on sait que la
tradition vulgaire prétendait qu'il avait servi
à Jésus-Christ pour laver les pieds des apô-
tres et qu'il était d'émeraude. Le sacro catino
fut apporté à Paris, et on le plaça dans la
bibliothèque de la rue Richelieu comme une
curiosité dont la substance devait être as„i-
milée au verre à bouteille ; il fut cassé par
accident en 1816, lorsqu'on le reportait en
Italie. Léon Bossi fit aussi, pour un recueil
scientifique imprimé à Milan, d'intéressants
articles sur la chimie et la minéralogie.
B O S S I É E s. f. (bo-si-é). Bot. Syn. de BOIS-
SIÉG.
BOSSIÈRE,BOSSIÈRE, commune de Belgique, pro-
vince et à 15 kilom. N.-O. de Namur ; 600 hab.
Exploitation de beaux marbres noirs, dits
marbres de Golsienne.
BOSSILLÉ,BOSSILLÉ, ÉE adj. (bo-si-llé; Il mil. —
rad. bosse). Se dit d'un terrain marqué d'iné-
galités en forme de bosses : L'inégalité des
superficies BOSSILLÉES qui diversifient la qua-
lité des terres à l'infini. (Vauban.) Des co-
teaux plus ou moins BOSSILLES. (Vauban.) n
Vieux.
BOSSILLON
BOSSILLON s. m. (bo-si-llonj II mil. —
rad. bosse). Bot. Nom donné a quelques
champignons, dont le chapeau est un peu
relevé en bosse, n On les appelle aussi BULBU-
LEUX.
BOSSINEY,BOSSINEY, village d'Angleterre, comté de
Cornouailles, sur le canal de Bristol, à 6 kil.
N.-O. de Camelfort; 1,000 hab. Ruines d'un
château des ducs bretons de Cornouailles, où
naquit, dit-on, le roi Arthur.
BOSSIS
BOSSIS s. m. (bo-siss — rad. bosse). Nom
donné, dans certaines localités de 1 Ouest,
^aux chaussées, hautes d'environ un mètre,
qui entourent les salines et les séparent de
leurs dépendances. La largeur des bossis est
très-variable : les parties les plus larges
s'appellent trémets.
BOSS1US ou BOSIUS (Bénigne), surnommé
Bossius le Belge, graveur du xvie siècle. Il
se rendit à Rome, ou il passa une partie de sa
vie et produisit un assez grand nombre de
gravures, signées des initiales B. B. E. et
I. B. B. Ses planches se recommandent par de
bonnes qualités, mais elles ne sont pas exemp-
tes d'une certaine sécheresse. Bossius, par sa
manière, se rattache à l'école de Marc-An-
toine. On cite parmi ses meilleures œuvres :
l'Echelle céleste et la Guérison du paralytique
de Raphaël, les Quatre Evangélistes, d après
Bloetland ; le Pyrrhus, d'après l'antique, etc.
BOSSO
BOSSO (Mathieu), religieux italien, né à
Vérone en 1428, mort à Padoue en 1502. Il
entra dans la congrégation des chanoines ré-
guliers de Saint-Jean-de-Latran et parvint
aux plus hautes dignités de son ordre. Il fut
lié intimement avec Ange Politien, Pic de la
Mirandole et plusieurs autres hommes célè-
bres. Laurent de Médicis le tenait en grande
estime et l'appela à faire partie de l'Académie
platonicienne qui se réunissait dans sa villa
de Careggi. Bosso a laissé des opuscules mo-
raux en latin et des Becuperationes Fesulanœ,
publiées à Bologne en 1483 et à Venise en
1502.
BOSSO
BOSSO ou BOSSI (Donat), jurisconsulte et
historien italien, né à Milan en 1436. Il s'a-
donna à l'étude de l'histoire et composa une
histoire universelle sous le titre de : Gcstorum
dictorumque memorabilium, etc.; ainsi q u e :
Historia episcoporum et archiepiscoporum Me-
dionalensium, etc. (1492).
BOSSO
BOSSO (Jérôme),historien et littérateur ita-
lien, né à Paris en 1588. Pendant quinze ans,
il occupa une chaire d'éloquence à Milan ; il
professa ensuite les belles-lettres à l'univer-
sité de Pavie. On lui doit : Encomiasticon,
in quo mixtim sylvœ, acclamationeset epigram-
mata (1G20); De toga romana commentarius
(1612, in-4«); Isiacus, sive de sistro (Milan,
1G12-1622); Janotatius, sive de strena com-
mentarius (Milan, 1G24-162S).
BOSSO
BOSSO (Jean-Ange), savant théologien ita-
lien, mort à Rome en 1665. Il entra dans l'or-
dre des barnabites et en devint le général.
Nous citerons parmi ses ouvrages : Disccpta-
tiones morales de juridictione episcoporum
(Milan. 1638); De Éffcclibus contractus ma-
trimonii (Venise, 1643): Moralia varia ad
usum utriusque fori (1649) ; Depatria potestale
infilios (1667).
BOSSO
BOSSO (Melchior), littérateur du xvnc siè-
cle. Il compos.a pour divers théâtres un assez
grand nombre de comédies, les unes en prose,
les autres en vers. Voici les principales : la
Cingara frustrata (1622) ; lelnsolenze diPas-
carello Citrolo (1635); la Guaccara (1636); la
Zingara Fattuchiara, mascherata in forma di
commedia (1654); la Pedrina (1675).
BOSSOIR
BOSSOIR s. m. (bo-soir — rad. 6055e).
Mar. Chacune des deux grosses pièces de
bois placées en saillie à l'avant cFun bâti-
mont, et qui servent à suspendre et à hisser
les ancres : BOSSOIR de bâbord. BOSSOIR de
tribord.
BOSSOIRBOSSOIR du vent. BOSSOIR SOUS le
vent. Avoir l'ancre au BOSSOIR. Etre en senti-
nelle sur le BOSSOIR.
Il arpente le pont de la barre au bossoir.
BARTHÉLÉMY.
— Bossoirs d'embarcation, Pièces de bois
analogues au bossoir, destinées à hisser et à
suspendre en dehors de la muraille d'un na-
vire les embarcations légères, il Misaine au
petit bossoir, Vergue de misaine brassée de
façon que le point de sa voile tombe à l'appel
du bossoir.
— Loc. fam. Avoir l'œil sur le bossoir,
Dans le langage des marins, Surveiller avec
soin, être fort attentif, il Avoir de beaux bos-
soirs d'argent, Avoir beaucoup de gorge, en
parlant d'une femme.
BOSSOLANT
BOSSOLANT s. m. (bo-so-lan — do l'ital.
bossolo, boîte). A la cour de Rome, Huissier
de la chambre.
BOSSON
BOSSON s. m. (bo-son — rad. bosse). Mar.
Rondeur des bancs, des tillacs. etc., généra-
lement tout ce qui étant relevé hors d'oeuvre
n'est ni plat ni uni.
BOSSONS
BOSSONS (glacier des), nom d'un des im-
menses glaciers qui tapissent les flancs du
mont Blanc dans les Alpes françaises •, il des-
cend, sans solution de continuité, du sommet
du géant alpestre. Sa base est bornée : à l'E.
par une montagne escarpée et gazonnée, que
dominent le glacier des Pèlerins et l'Aiguille
du Midi; à 10. par la montagne de la Côte,
qui le sépare du glacier de Tacconay. A 2 kil.
du glacier des Bossons, on trouve un village
qui porte le même nom.
BOSSU,
BOSSU, UE adj. (bo-su — rad. bosse). Qui
a une bosse sur le dos ou sur la poitrine, par
suite d'une déformation de la colonne verté-
brale ou du sternum : Etre BOSSU par de-
vant, par derrière. Il avait deux fils : l'ainé
était bègue et le cadet BOSSU. (Le Sage.) Quand
tout le monde est BOSSU, la belle taille dément
la monstruosité. (Balz.) Oh! ma mère m'eût
aimé BOSSU et idiot! (G. Sand.) Le guignon et
les fées BOSSUES présidèrent à ma nativité.
(Th. Gaut.)
Dans le pays des bossus.
Il faut l'être
Ou le paraître :
Les dos plats sont mal reçus
Au pays des bossus.
II. MOREAU.
— Par anal. Qui a une bosse ou éminence
naturelle sur le corps, et particulièrement
sur le dos : Le chameau est BOSSU, et le dro-
madaire doublement BOSSU. Le bison et le zébu
sont BOSSUS. Il n'y a que les bœufs dlEurope
qui ne soientpas BOSSUS. (Buff.)
— Par ext. Inégal, montueux : Terrain
BOSSU. H Peu usité.
— Faire les cimetières bossus, Occasionnor
la mort d'un grand nombre de personnes :
L'intempérance FAIT LES CIMETIÈRES BOSSUS.
Il Vieille locution.
— Substantiv. Personne bossue : Un BOSSU.
Une BOSSUE. Il y a une impertinente petite
BOSSUEBOSSUE qui chante sans fin et sans cesse.
(M»>« de Sévji II avait l'air malin et railleur,
comme tous les BOSSUS. (De Ségur.) A Milan,
en moins d'un quart d'heure, j'ai compté dix-
sept
BOSSUSBOSSUS passant sous là fenêtre de mon
auberge. (Chateaubr.)
Cette bossue aime un bossu.
Qui, je pense, est amoureux d'elle.
LEBRUN.
— Loc. fam. Bire comme un bossu, Rire
aux éclats, rire de tout cœur, parce quo les
bossus passent pour être fort gais.
— Loc. prov. Il y a des bossus, Se dit pour
signifier qu'une pièce est sifilée. Cette locu-
tion vient d'un vaudevilliste , auteur des
Aventures de Mayeux, q u i , de la coulisse
entendant les sifflets, s'écria : « Je m'y at-
tendais ; c'est un coup monté. Il y a au moins
douze bossus dans la salle, qui se sont donné
rendez-vous pour faire tomber ma pièce. »
— s. m. Ichthyol. Poisson du genre sal-
mone.
— s. f. Conchyl. Nom vulgaire do plusieurs
coquilles du genre ovule, à cause de leur
forme renflée : BOSSUE à deux boutons. BOS-
SUE sans dents.
Dosons et q u e l q u e s traits de leur histoire
(LES). Vieux comme le monde, les bossus ne
finiront qu'avec lui j encore n'est-il pas dit que
dans un monde meilleur nous ne retrouverons
pas un jour les bossus que nous aurons aimés
dans celui-ci. Il y aurait un livre a faire, qui
nécessiterait de notables incursions dans le
passé et s'intitulerait le Livre d'or des bossus.
Polichinelle amusait les enfants d'Israël; le.s
Perses le connaissaient sous le nom dePcndj,
les Romains sous celui de Maccus; chez nous,
il devint le fou de la cour au moyen âge; il
est le père de la comédie italienne, d'où naquit
la comédie française. Rien ne manque à sa
gloire, il a été chanté sur tous les modes; l;i
sculpture a immortalisé ses traits, la peinture
a reproduit son image ; il y a quelques années
à peine, un ingénieux artiste, M. Meissonier,
exposait sa triomphante silhouette en plein
Paris, en plein boulevard de Gand; tout ré-
cemment encore, un poëte, caché sous le
pseudonyme de'Mercutio, d'une plume fine
et déliée, traçait de lui ce portrait qu'il est
bon de conserver : n Polichinelle est un scé-
lérat joyeux. Nez rouge, menton rouge ,
cheveux en houppe à poudre de riz, chapeau
rouge, habit rouge, bleu et jaune, sabots
écarlates. Même tête que Henri Monnier et
M. Thiers ; mais M. ïhiers est plus sérieux, et
Henri Monnier plus pâle. » Un tel type est im-
mortel. En dépit des progrès horriblement
croissants de l'orthopédie, il y aura toujours
ici-bas des Polichinelles. Les trois cents suc-
cesseurs de Menés ont pu passer; vingt-deux
dynasties d'empereurs, depuis les Han jus-
qu'aux Thsin, ont pu se succéder en Chine;
BOSS BOSS
BOSS
BOSS 1023
les Mérovingiens, les Carlovingiens et les
Capétiens ont pu s'évanouir en France ; mais
la dynastie de Polichinelle n'est pas de celles
que renversent les révolutions; le temps ne
peut rien sur elle : il est écrit qu'elle ne pé-
rira pas. Les dos plats ont beau faire, les dos
ronds sont éternels! "Pourtant, j'entends dire
derrière mon épaule — parfaitement droite, je
vous le jure : — « Polichinelle n'est qu'un
type, quelque chose comme une variété du
genre bossu, et on ne saurait, sans injustice
très-grande, le ' faire servir à personnifier
toute une intéressante catégorie d'individus.
D'ailleurs Polichinelle a deux bosses, et la
plupart des bossus n'en ont qu'une. Polichi-
nelle est un ambitieux qui, non content d'a-
voir une bosse par derrière, en veut avoir une
par devant, avec les grelots de laquelle il s'a-
muse: un usurpateur qui, attachant beaucoup
trop de prix à ces deux attributs jumeaux que
la nature a octroyés à son être fantasque et
donjuanesque, se croit roi de la bosse par
droit divin, autocrate dans le souverain em-
pire des gobins. Il voudrait commander à tou-
tes les êminences, avoir le pas sur tout ce
qu'il y a de saillant sur cette terre, qui, selon
lui, n'est qu'une boule, c'est-à-dire une dou-
ble bosse; mais les bossus, trop longtemps
humiliés, courbés sous le tyran, ont eu leur
89; ils ont même eu leurs trois journées, d'où
naquit l'égalité devant la bosse, et c'est sur
les barricades mêmes de Juillet que M. Mayeux
a proclamé les immortels principes. M. Mayeux,
c'est la bosse citoyenne, la bosse démocratique
et sociale, la bosse sans fard et telle quelle :
Polichinelle, lui, est un ci-devant imbu des
préjugés de caste et de naissance, qui aurait
dû brûler ses titres de noblesse sur l'autel de
la patrie et abandonner toute arrière-pensée
de restauration... » Voilà ce que j'entends af-
firmer à mon oreille, et je me rends à ce rai-
sonnement, qui, soit dit entre nous, m'est tenu
pur un ami plein de rondeur, n'ayant qu'une-
uosse à son service et ne pouvant souffrir
ceux qui, plus privilégiés que lui, en ont deux.
Ce malin personnage a une prétention com-
mune à plusieurs de ses pareils : c'est de re-
présenter le type de la perfection humaine;
si vous avez le malheur d'être taillé comme
un I, n'allez pas le plaindre, au moins, pour la
courbure de son échine, il vous répondrait
3
ue tout homme droit est en dehors des règles
u beau, et que les artistes sont des ânes, qui
donnent comme modèles acçomplis'1'Apollon
du Belvédère et la Vénus de Milo- Le temps
est proche, selon lui, où les peuples éclairés re-
connaîtront la suprématie du dos arrondi sur
les autres dos que rien ne distingue. En 1848,
ce novateur fougueux ouvrit un club où les
bossus seuls étaient admis ; trois kilos de
ouate dans mon habit et son inaltérable ami-
tié me procurèrent l'avantage inespéré de
pénétrer dans le lieu ordinaire des séances.
J'en sortis un soir, sur le coup de minuit, avec
une bosse réelle... au front : les initiés m'a-
vaient reconnu et jeté dehors comme profane.
Il y avait en cet endroit la plus belle galerie
de bossus des deux sexes qu'il ait jamais été
donné à œil humain de contempler ; bossus de
grande, moyenne et petite grandeur; bossus
de toute lignée, de tout âge et de toute for-
tune; bossus de toutes couleurs politiques :
rouges, bleus et blancs. Il y avait aussi des
dames, oui des dames, quelque peu bas-bleus,
dont la charmante silhouette rappelait, de
profil, les courbes gracieuses de la mappe-
monde, et qui demandaient à cris perçants l'é-
mancipation de la femme... bossue. Mon ami
"n'en demandait pas tant. Il voulaitsiinplement
entraîner ses collègues vers 4e lointaines con-
trées, et aller fonder sur la terre hospitalière
d'Amérique une vaste république de bossus,
une et indivisible, avec cette devise mémora-
ble : " I/union fait la bosse! » La suite des
événements s'opposa à cette idée féconde, qui
déjà avait rencontré de nombreux adhérents.
Un jour, le.club fut fermé par ordre de l'auto-
rité, qui prétendit méchamment que notre
homme ne cherchait que plaie et bosse. Il eût
pu, il est vrai, répondre à cette accusation par
un mot, comme le fit un jour feu Me Cauvain,
l'Esope du barreau de Paris. Le président
d'un tribunal devant lequel il plaidait lui ayant
dit, avec un geste d'impatience : « Me Cauvain,
vous ne demandez que plaie et bosse, » le ma-
lin avocat répliqua aussitôt, indiquant du
doigt l'appendice qu'il portait au verso : « Ah I
monsieur le président, Dieu m'est témoin que
je n'ai pas demandé celle-là. » Il y avait un
grain d'amertume dans cette réponse, et voilà
pourquoi elle ne serait pas venue à mon ami,
qui est aussi fier de son buste que Léotard
peut l'être du sien. Mon ami est d'ailleurs un
bossu sérieux, ce qui ne veut pas dire qu'il
soit triste; un bossu convaincu, ayant con-
science que le grain de beauté qu'il porte sur
les épaules n'est pas un agrément, d'autres
disent un désagrément ordinaire. Vous con-
naissez beaucoup de bossus qui, sous ce der-
nier rapport, lui ressemblent... Et puis, il a
des opinions politiques autrement accusées
que ne les avait M" Cauvain, dont on faillit un
jour pulvériser la caustique personne en plein
club des bossus!, « Que pensez-vous de la mon-
tagne? lui demandait-on. — La montagne?
repartit l'avocat réactionnaire, la montagne,
j'en ai plein le dos. « Jugez du tumulte. C'é-
tait, d'ailleurs, un étrange personnage que
M° Cauvain. Aux bureaux de la guerre, où
l'appelait journellement l'étude des affaires de
l'Algérie , dont il rendait compte dans le
Constitutionnel, il n'était connu que sous le
nom de maréchal de Luxembourg, guerrier
illustre par sa bosse plus encore que par sa
valeur. M
e
Cauvain ne s'en fâchait point,
au contraire, faisant contre nature bon cœur.
Peu charitable pour son prochain, comme
la plupart de ses pareils, il ne s'épargnait
pas lui-même, et, riant tout le premier de
sa mésaventure, il a mérité qu'on dît de lui :
« Cauvain a 1 humeur plus égale que la
taille. » C'est d'ailleurs une justice a ren-
dre aux bossus, ils ont la repartie vive et l'hu-
meur gaie; d'où le proverbe : Rire comme un
bossu. Il n'appartenait qu'au romantisme d'in-
venter le bossu triste et mélancolique : le Qua-
simodo de Notre-Dame de Paris est un per-
sonnage hors nature.
Le nom de l'avocat publiciste est venu à
point sous ma plume pour l'aider à ouvrir un
alinéa bien senti, un alinéa corsé — style du
jour — et à parler de quelques bosses illustres
ou simplement célèbres. A vrai dire, on serait
mal fondé à exiger de nous un respect entier
de la symétrie. Dans la rédaction d'un article
où l'on ne peut perdre de vue les caprices de
la nature, on a toute licence, ce nous semble,
d'aller en zigzag. Il y a plus, l'auteur, plein
de son sujet, doit être animé, en l'écrivant, du
plus profond dédain pour la ligne droite, et
demander ses inspirations à la ligne courbe;
voire même à la ligne brisée. Il lui faudrait
pour pupitre le dos'complaisant de ce fameux
petit bossu qui, en l'année 1719, pendant l'a-
giotage, pour écrire prêtait son échine à la
foule qui s'étouffait et se ruait sur les actions
du financier Law, avec une extravagance et
une frénésie sans pareilles. Il est vrai que le
petit bossu gagna à ce métier ingénieux
150,000 livres et que, malgré toute notre
bonne volonté, nous n'en pourrions promettre
autant à qui serait disposé à l'imiter en notre
faveur. Ainsi passons. Le premier bossu dont
l'image s'offre à nous en'évoquant le passé,
c'est Esope. Jamais plus grand nom ne fut
porté par un plus petit homme. Le moine du
xive siècle qui a écrit l'histoire du fabuliste
phrygien l'a défigurée, dit-on; c'est tout ce
qu'il pouvait faire, car, en ce qui concernait le
personnage proprement dit, la nature s'était
amplement chargée d'un tel soin. S'il est vrai,
comme on l'a écrit, que, le beau c'est le laid,
Esope le Phrygien était souverainement beau,
ayant à peine visage d'homme et portant sur
des jambes courtes et difformes un fardeau
qui n'était malheureusement pas une fable.
Thersite, le àossu des temps héroïques, Ther-
site, fils d'Agrius, est un Antinous comparé à
Esope ; mais Esope était un sage n'ayant du
bossu que l'esprit traditionnel, tandis que,
Thersite, « le plus lâche et le plus laid de tous
les Grecs qui vinrent au siège de Troie, »
avait tous les vices et tous les défauts d'un
singe malicieux et fanfaron. Il était moqueur,
rageur, outrecuidant; si bien qu'un jour
Achille, dont il avait ri, le tua d'un coup de
poing. Ainsi, dans l'épopée antique, le trait
caricatural apparaît, dessinant, au milieu des
héros aux formes accomplies, le personnage
grotesque du bossu gouailleur. Lui seul trouve
dans son lilet de voix une note critique à j e -
ter à travers ce monde olympique et ennu-
yeux, solennellement rêvé par l'art antique.
Patience ! c'est par l'imperceptible fissure pra-
tiquée par cet audacieux éclat de rire du souf-
freteux et du déshérité que passera la pioche
du révolutionnaire. Le bossu de la poésie grec-
que, ne vous y trompez pas, c'est le peuple,
le peuple qui se fait numble, petit, laid à plai-
sir et qui, rendu méconnaissable, ose déjà
fronder ses maîtres et ses rois. Oser rire d'A-
chille ! n'est-ce pas le comble de l'audace? On
ne passe cela qu'à un avorton. C'est le roquet
qui mord les reins du dogue! Quel chapitre
intéressant et instructif on pourrait écrire
sous ce seul titre : le Bossu dans la littéra-
ture et les arts! Nous ne pouvons que l'indi-
quer ici : si nous le traitions au complet, nous
montrerions comment, avec son parler libre et
caustique, son humeur badine et son esprit
mystificateur, le bossu était prédestiné à
jouer un certain rôle. Son image, bizarrement
intercalée dans les sculptures gothiques des
vieilles cathédrales, semble un rébus proposé
aux générations à venir, rébus facile à deviner
pour qui sait réfléchir; sa physionomie sata-
nique apparaît, avec je ne sais quelle mena-
çante hypocrisie, dans le fastueux tableau du
moyen âge, et quand la Révolution a passé
sur lui, il donne signe de vie encore, toujours
narquois, plein de justice et de bon sens ,
' comme l'esprit français ; manquant totalement
de rêverie, mais libidineux en diable et enragé
patriote sous l'habit bourgeois de M. Mayeux.
La caricature, cette fois, en saisissant le type,
comprend que le bossu s'est émancipé tout à
fait : il ne s'agit plus d'un bouffon craintif,
dorant la pilule à ses maîtres et montrant les
dents par derrière, quand il est sûr qu'on ne
le voit point; il s'agit d'un citoyen, électeur et
éligible, apte à tous les emplois civils et, qui
plus est, garde national, un héros des trois jour-
nées. Polichinelle est un type que l'art s'est
plu à embellir ; il cache sa difformité sous des
défroques éclatantes et reste histrion ; Mayeux
est un personnage pris sur le vif, et son pein-
tre ordinaire, Traviès, a fait œuvre de réa-
liste en traçant son portrait. Mayeux, d'ail-
leurs, ne pouvait naître qu'en France, le seul
pays où l'on sente vivement le côté ridicule
des choses, et où, dans les plus sérieuses, se
trouve encore le petit mot pour rire. A voir
comme M. Mayeux lève la crête, on sent que
la race des Triboulet est à jamais éteinte, et c'est
de pair que l'affranchi d'hier marche aujour-
d'hui avec les plus grands dignitaires : « Com-
ment se-porte Votre Eminence? demande-t-il
, à l'archevêque qu'il rencontre. — Très-bien,
i monsieur Mayeux; et la vôtre?» répond spi-
| rituellement, mais avec certains égards, le
i chef de l'épiscopat; car le bossu n'est plus
• une sorte de jouet dont s'amusent les per-
< sonnes de haut rang. Il a bien les velléités li-
! bertines et tapageuses de Polichinelle, at-
j tendu que son état de bossu veut qu'il en soit
j ainsi; il sème bien son amour un peu partout,
| mais au fond il cherche à faire souche d'hon-
j nêtes gens puisqu'il se marie, chose à laquelle
Polichinelle n'aurait jamais songé-
En signalant tout à l'heure ce bossu des
temps héroïques qui se permit de rire des
i guerriers les plus graves, nous songions à
ce prinee du burlesque, Paul Scarron , qui
t vint gambader comme un singe et rire comme
un satyre au beau milieu de la pompe froide
et roide du grand siècle, léguant pour der-
nière malice madame sa femme au Roi-Soleil.
Un jour Ménage lui disait: a Vous devriez
au moins avoir un enfant de votre femme. »
Notre bossiif cloué sur sa chaise par la para-
lysie, se tourna vers un sien valet nommé
Mangin, homme simple et rustique et lui dit :
a Mangin, ne ferais-tu pas bien un enfant à
ma femme, si je te le commandais? — Oui-da,
monsieur, s'il vous plaît et avec la grâce de
Dieu. » Voilà avec quel sans-façon sui generis
le poëte cul-de-jatte traitait celle qui n'était
pas encore M'ne la marquise de Maintenon.
Ainsi les bossus ont toujours eu cette façon
leste et tant soit peu cynique de traiter les
femmes; mais n'y a-t-il pas un bon tour du
hasard dans ce fait d'une femme échappant
aux bras d'un compère aussi goguenard, aussi
libertin, aussi déluré, pour tomber aux mains
du roi le plus roide, le plus guindé, le plus so-
lennel que la terre ait jamais porté! Scarron,
qui riait de tout, riait de sa propre difformité,
et il poussa la plaisanterie jusqu'à se faire re-
présenter grimaçant, la poitrine concave, le dos
convexe, sur le trontispice de ses œuvres. Mais
hâtons-nous de dire que Scarron n'était bossu
que par accident. « J'ai eu la taille bien faite,
quoique petite, écrit-il dans la préface de ses
ouvrages; la maladie l'a raccourcie d'un bon
pied. » Plus loin, il ajoute : " Ma tête se pen-
chant sur mon estomac, je ne ressemble pas
mal à un Z. »
Ne quittons pas la poésie sans ajouter que
c'est un bossu, le poëte Désorgues, né à Aix
en 1764, mort en 1S08, qui a eu la singulière
idée d'écrire un poème sur la pédérastie. On
cite encore parmi les littérateurs contrefaits
Amelunghi, Saint-Pavin, Pierre de Saint--
Louis, qui, comme Polichinelle, était bossu
par devant et par derrière; le Champenois
! Pons, etc.; mais la nature, lasse un jour de
i dégrossir ses bossus dans le menu, s'avisa de
| tailler ses magots parmi les princes. Quelle
leçon d'humilité, s'il vous plait! Nous avons eu
Jean II, comte d'Armagnac; Bérenger Ray-
mond le Courbé (le mot est poli), comte de
Barcelone ; le célèbre duc de Parme ; le ma-
réchal de Luxembourg et son adversaire mal-
heureux, Guillaume III, prince d'Orange. La
difformité de ce dernier lui fut reprochée d'une
manière sanglante dans plusieurs pamphlets
jacobites, et, entre autres, dans celui qui a
pour titre : la Difformité du péché redressée^
sermon prêché à Saint-Michael's, rue Tortue
(Crooked-lane), devant le prince d'Orange; par
| J. Crookshanks (Jambes-Croches), 1703. N'ou*
; blions pas dans notre liste le prince de Condé,
| ôitle Bossu, che£du parti calviniste, tué en 1569
par Montesquiou à la suite du combat de Jarnac.
Un descendant du prince de Condé, le prince
de Conti, frère du grand Condé, aurait été en
droit de porter le surnom donné au premier de
sa race. Le prince de Conti était fort laid ; sa
femme avait de l'esprit. Partant un jour pour
l'Ile-Adam, il lui disait en badinant: « Ma-
;
dame, je vous recommande sur toutes choses
j de ne pas me faire cocu pendant mon ab-
; sence. — Allez, monsieur, lui dit-elle; partez
| tranquille, je n'ai jamais envie de vous faire
J cocu que quand je vous vois.» Cependant, s'il
faut en croire la chronique scandaleuse, tous
les bossus n'inspirent pas ce sentiment, si l'on
en juge par les succès étonnants que certains
bossus obtiennent auprès du beau sexe. Ces
succès se lisent dans l'air conquérant qu'affec-
tent ces messieurs, dans le sourire de con-
voitise qui plisse leur bouche large et sen-
suelle, dans l'éclair de concupiscence qui
brille dans leurs yeux à fleur de tête. 4-vez-
vous jamais vu un bossu en bonne fortune?
avez-vous jamais vu un bossu conduisant sa
fiancée à la mairie, sa maîtresse au théâtre
ou au bal? Ce n'est plus un homme, c'est un
papillon, c'est le coq de bruyère chantant sa
victoire au haut d'une branche; il va, il vient,
il gesticule: il arrondit le bras, lève la crête,
fait sonner le talon, s'avance par bonds comme
une balle élastique, tout joyeux et tout fier de
sa conquête. Il ressemble à ces jeunes che-
vreaux qui ne font que sauter dès que les cor-
nes leur viennent.
Parmi les personnages célèbres marqués de
la lettre
B,B, on cite encore Richard III, le
théologien allemand Eber(morten 1614), l'as-
cétique Guidi, le physicien Lichtenberg; Ce-
cil, ministre d'Elisabeth ; l'hommed'EtatChau-
velin, membre duTribunat, de la Chambre des
députés, mort en 1832.
Aux bossus illustres on peut, on le sait, op-
poser d'illustres boiteux : Tyrtée, Parini, By-
rori et Walter Scott, tous' poôtes', étaient
boiteux ; le grand tragique anglais Shakspeare
l'était aussi, dit-on, ainsi que M'le de La
Vallière et Benjamin Constant. Faut-il en
conclure avec Byron (il n'était pas entièrement
désintéressé dans la question) qu'une âme est
plus ardente dans un corps difforme, à cause
des efforts qu'elle fait pour dominer l'imper-
fection physique? Quoi qu'il en soit, il est à
peu près reconnu, comme le dit la chanson
dont nous parlerons tout à l'heure, que
Tous les bosstts ont ordinairement
Le ton comique et beaucoup d'agrément.
Arrivé à ce point de notre tâche, nous nous
sentons ému tout à coup, ému bien sincère-
ment. On rit bien des misères humaines, mais
au fond on s'y intéresse plus qu'on ne le vou-
drait peut-être. La parodie nous amuse ; mais,
quand la parodie a visage d'homme, elle ne
tarde pas à nous attrister. Qui ne s'apitoierait
sur le sort de ces pauvres êtres, toujours prêts
à se moquer d'eux-mêmes afin de se faire par-
donner leur difformité? A peine sont-Us nés,
qu'un rire moqueur les salue, et ce rire les
accompagne jusqu'à la tombe. Ils n'échappent
à la risée générale qu'à la condition d avoir
beaucoup d'esprit, et- du plus méchant. Le
bossu a été de tout temps un souffre-douleur.
Voyez Esope, n'esquivant le bâton qu'à force
d'imagination ; voyez Polichinelle, qui ne peut
échapper à son mauvais destin et se voit pris
à la bosse par le diable lui-même; voyez le
bouff*6n de cour qui a tout privilège de parler,
mais qui en pâtit s'il va trop loin et reçoit le
fouet à la cuisine; voyez Mayeux, Mayeux
lui-même, qui est berné en amour, berné en po-
litique, et qui, en fin de compte, trouve, après
une nuit de faction, au pied du lit de son
épouse, des bottes de municipal qui témoi-
gnent de l'infidélité de Mme Mayeux, et dont
une seule lui ferait au besoin un cercueil. On
se rappelle ce repas, dont rien n'approche, of-
fert par Lucius Verus, père de Marc-Aurèle,
à des sénateurs. Lucius Verus prit deux bos-
sus, laids et rabougris, dit l'historien, les tit
couvrir de moutarde, et, après les avoir fait
placer dans un plat d'argent, ordonna qu'on
les servît aux convives. La plaisanterie eut
du succès, et la tendance qu'on avait alors
pour le grotesque fit qu'on y applaudit beau-
coup. Dix-sept siècles ont passé sur cette atroce
aventure, et croyéz-vous qu'on la renouvelât
aujourd'hui? Ecoutez l'auteur des Causeries
d'un curieux, M. Feuillet de Couches : a Si je
n'avais déjà raconté, dit-il, dans un autre
écrit (Léopold Bobert, sa vie, ses œuvres et sa
correspondance), l'usage auquel le populaire
des Italiens de Rome prostitue le mausolée
d'Auguste, je rappellerais ces combats de bos~
sus contre des veaux, dont j'ai vu dans le mo-
nument sacré le grotesque et hideux specta-
cle. Je ne sais si de pareilles représentations
ont continué à être autorisées dans la ville
sainte; mais j'aurais peine à rendre l'ivresse
furieuse du peuple, de laquelle j'ai été témoin
en 1847, à cette indigne parodie des luttes an-
tiques et des héroïques combats espagnols de
taureaux. On avait pris de pauvres veaux ef-
flanqués, dont le front commençait à peine à
s'armer d'un timide croissant; puis, comme si,
pour des contrées peuplées des chefs-d'œuvre
du ciseau amoureux de la forme, le bossu n'é-
tait point un homme, on avait trié, entre les
bossus, les mieux constatés, et bêtes et gens
avaient été lancés les uns contre les autres.
Excités par les cris des spectateurs, par des
pointes acérées, par les drapeaux rouges qu'a-
f
itaient les bossus, les veaux finissaient par se
égourdir" de leur ennui, s'agiter, prendre rage
et porter de vigoureux coups. J'ai vu l'un
des malheureux picadores, blessé et mis hors
de combat, essayer de sortir de l'arène; la
populace enflammée l'en empêcha, et criait au
veau : a Tue f tue I » afin d'en avoir pour son
argent. • On voit par là que les bizarres fo-
lies du monde moderne ne le cèdent pas tou-
jours aux bizarres folies des temps anciens.
Cette abominable récréation du peuple de
Rome vaut bien celle qu'on se donnait, il y a
quatre siècles, à la cour de France, aux dé-
pens de pauvres aveugles. On mettait quel-
ques-uns de ces malheureux aux prises, cou-
verts de fer et armés de longs bâtons, et la
maladresse des coups qu'ils se portaient fai-
sait la réjouissance des nobles spectateurs. Le
ridicule se mêle à l'horrible dans la comédie
humaine, Ù Presque tout l'univers est his-
trion ; Totusfere mundus exercet histrioniam, »
a dit le poëte latin.
Disons, en terminant, qu'aujourd'hui, grâce
à l'habileté reconnue des tailleurs et des mo-
distes, on ne voit plus guère de bossus; il n'y
a plus, à proprement parler, que des hommes
légèrement contrefaits et des femmes légère-
ment contrefaites; ces hommes contrefaits et
ces femmes contrefaites, qui désertent la cor-
poration, s'empressent toutefois de revendi-
quer la lettre B dès qu'il s'agit de faire allu-
sion à l'esprit particulier que l'on prête aux
bossus parfaitement authentiques. Cette pré-
tention nous remet en mémoire une anecdote
racontée par M. AlfredDeberle dans\eJounial
d'un musicien du Vaudeville. Elle nous four-
nira ce que les chroniqueurs appellent main-
tenant le mot de la fin. MUe Contât faisait un
jour partie d'une brillante réunion où se
trouvait aussi M. de Béthune-Charost-Cossé,
un grand seigneur quelque peu bossu et fort
caustique. Ce dernier s'était approché de
Mlle Contât, et, affectant de la traiter en co-
médienne, lui disait les choses les plus imper-
tinentes, entre autres celle-ci : « Ah I mademoi-
1024 BOSS BOSS BOSS
BOSS
selle, toutes les fois que je vous vois, je ne
(
mis m'empêcherde me rappeler ce temps dé-
icieux où votre taille charmante tenait dans
les deux mains. » Notons que Mlle Contât
avait pris un embonpoint énorme et qu'elle
n'était plus jeune; aussi se mordait-elle les
lèvres et se tenait-elle à quatre pour ne pas
éclater. Lorsque fut servi l'ambigu, M. de
Chiirost se trouva placé auprès de M ' ^ Con-
tât. Dans un moment où la conversation était
devenue générale, on parla des bossus, etM. de
Charost dit à ce sujet, en avançant l'épaule :
« Oh ! pour nous autres bossus, on ne peut
nous refuser d'avoir de l'esprit; c'est une
chose sur laquelle tout le monde est d'accord. »
La comédienne saisit la balle au bond et ré-
pliqua aussitôt : « Vous bossu, monsieur! qui
a dit cela? vous n'êtes que contrefait. » Que
de bossus, selon le mot de M'ie Contât, ne sont
que contrefaits!
Terminons ce long article sur les bossus par
un petit chapelet d'anecdotes. Le mot chape-
let nous semble assez bien trouvé, puisqu'il
s'agit ici de ces éminences qui ne diffèrent
d'un grain de chapelet que par le volume.
— Anecdotes. Le roi d'Angleterre, aperce-
vant dans une rue de Londres Pope, qui était
bossu, dit à ses courtisans : «Je voudrais bien
savoir à quoi sert ce petit homme qui marche
tout de travers. » Pope l'entendit, et cria, en
se retournant : « A vous faire marcher droit. »
•
* *
Tous les bossus n'ont pas volé leur réputa-
tion d'esprit. L'un d'eux, se promenant dans
an jardin public, entendit deux messieurs qui
se disaient en le regardant : « Le bel Esope !
— Vous avez raison, messieurs, répliqua-t-il
aussitôt, je fais parler les bêtes. »
#
* *
Le prince d'Orange, au désespoir d'avoir
été battu à Fleurus, à Leuse, a Steinkerque
et à Nenvinde, disait, en parlant de M. de
Luxembourg : « Est-il possible que je ne bat-
trai jamais ce bossuAk'i » M. de Luxembourg,
l'avant su, répondit : « Comment sait-il que je
suis bossu, il ne m'a jamais vu par derrière? »
* •
Un bossu, traversant le marché des Inno-
cents, fut arrêté par une écaillère, qui lui dit
en frappant sur sa bosse : « Eh ! l'ami, com-
bien la vielle. » Le malin bossu fit entendre un
de ces bruits qu'on ne nomme pas, et lui
répondit : «Ça dépend du son, voyez si celui-
là vous plaît. »
*
* *
D'Alençon était fils d'un huissier au parle-
ment de Paris, et avait été reçu dans la même
charge. Il était bossu, et dévoré de la manie
de passer pour homme d'esprit, quoiqu'il
n'en eût que médiocrement; aussi l'abbé Pons,
autre bossu, qui avait beaucoup de mérite, di-
sait de lui, avec une espèce d'indignation :
«Cet animal-là déshonore l'honorable corps
des bossus. »
*
* *
Un bossu, revenant d'un bal au milieu de la
nuit, frappe à la porte d'un de ses amis. Il
celait très-fort. L'ami ayant ouvert sa fenêtre
fui demanda ce qu'il voulait. «Descends, je
t'en prie. — Mais je suis nu, je vaism'habiller.
— Descends sur-le-champ, ce sera l'affaire
d'une minute, et je ne puis attendre. Ah ! mon
cher, ajouta-t-il quand l'ami fut descendu,
dis-moi si ma bosse est encore derrière mon
dos; il fait si froid que je ne la sens plus. »
*
* *
Un prédicateur prouvait en- chaire que
tout ce que Dieu a fait est bien fait. «Voila,
disait en lui-même un bossu qui l'écoutait at-
tentivement, une chose bien difficile à croire.»
Il attend le prédicateur à la porte de l'église
et lui dit : « Monsieur, vous avez prêché que
Dieu avait bien fait toutes choses; voyez
comme je suis bâti !—Mon ami, lui répondit le
prédicateur en le regardant, il ne vous man-
que* rien, vous êtes, très-bien fait pour un
bossu. »
*
* •
Un bossu à la manière de Polichinelle se
trouvait dans une société, en compagnie d'un
de nos académiciens, qui n'a pas d'Esope que
l'esprit. Comme le spirituel académicien ve-
nait de répliquer par un trait d'une finesse
extrême, le bossu résolut d'en glorifier toute
sa race, et, se redressant avec une fierté co-
mique : «Nous autres bossus, s'écria-t-il, nous
ne restons jamais à court. — Mais vous, ré-
pliqua l'académicien, peu flatté de cette solida-
rité et se souvenant peut-être du mot de
M"e Contât, vous n'êtes pas bossu, vous êtes
contrefait. »
* *
Un homme-géant, un hercule se promenait
un soir à la foire Saint-Laurent, tandis
qu'on jouait des parades au dehors. Tout oc-
cupé des lazzi du pitre d'un jeu de marion-
nettes, il heurta par mégarde un petit bossu
qui, se redressant sur la pointe du pied, apo-
stropha très-incivilement ce grand nomme ou
plutôt cet homme grand. Celui-ci, sans témoi-
gner la moindre colère, affecta de se courber
et de dire, en élevant la voix : « Qu'est-ce qui
est là-bas?» L'Esope, furieux de ce sarcasme,
mit la main sur la garde de son épée, et en
demanda raison à son adversaire. Mais
l'homme de haute stature, toujours de l'air le
5
lus tranquille, prit le minnidon par le milieu
u corps, et le posant sur le balcon de la pa-
rade, il dit froidement : • Tenez, serrez votre
polichinelle, qui s'avise de faire ici du ta-
page. »
• •
Un bossu, plein d'enjouement et de gaieté,
avait le bon esprit d'otre le premier à plai-
santer sur sa bosse. Un jour, enti'e autres,
dans un cercle de vingt personnes où il était,
arrive un homme qui avait, comme lui, le
malheur d'être affligé d'une bosse considéra-
ble, mais devant lequel il était dangereux do
traiter ce point délicat. A peine il le voit en-
trer, qu'il avance deux pas à sa rencontre,
le regarde de la tête aux pieds avec un air de
surprise, et se rapprochant de son voisin, lui
dit a l'oreille, d'un ton assez élevé pour être
entendu de tout le monde : «Ah! mon ami,
quelle bosse !» Le voisin, qui ne s'attendait
à rien moins, part d'un éclat de rire. Cet
éclat se communique : on se retourne, on se
mord les lèvres, on veut se retenir; il n'y a
pas moyen. Le nouveau venu, déconcerté,
jette sur l'homme à l'exclamation un regard
de travers. Celui-ci, sans s'émouvoir, hausse
les épaules, et reprend avec un sourire de
pitié : « Ah ! monsieur, quelle bosse! — Mon-
sieur, vous m'insultez, dit l'autre, à qui le feu
monte au visage, et je veux en avoir raison;
sortons. — Eh! monsieur, quand nous sorti-
rions, en seriez-vous moins bossu? — Ah!
c'en est trop, s'écria le petit homme; et, en
même temps, il tire son épée et veut en percer
son ennemi.—Oh ! oh ! tu te fâches, lui dit froi-
dement son confrère, en lui tournant le dos;
eh bien, frappe, si tu l'oses. »
Saint Ignace, fondateur des jésuites, était
boiteux. L'abbé Chauvelin, qu'on peutregarder
comme le plus grand ennemi de cette société,
était bossu, ce qui donna lieu au distique sui-
vant :
Que fragile est ton sort, société perverse!
Un boiteux t'a fondée, un bossu te renverse.
* *
Un nommé Galiot, bossu par le devant,
Et d'une bizarre figure,
Dans la ville de Sienne entrait sur sa monture;
Un citadin, mauvais plaisant,
Lui dit pour le railler : • Les autres, d'ordinaire,
Portent valise par derrière :
Pourquoi donc par devant la vôtre portez-vous?
— C'est, répond Galiot, qu'en pays de filous
On agit de cette manière. »
Bouu (LE), roman publié en 1857, par Paul
Féval. C'est une histoire de cape et d'épée,
comme l'auteur l'a intitulée lui-même ; mais, à
travers ce cliquetis de fer, ces estocades gi-
gantesques, on peut suivre le fil conducteur
qui mène au but etmaintient l'unité de l'œuvre.
Le Bossu est le récit de la lutte entreprise par
un seul homme, pauvre, exilé, sans appui,
contre le premier des grands seigneurs de la
cour, le cousin du régent, soutenu par une
armée de courtisans peu scrupuleux, de va-
lets sans foi ni loi et de spadassins prêts à
tuer un homme pour un écu. D'un côté, tout
favorise les desseins du grand seigneur, de
l'autre, tout se tourne en obstacle, et, cepen-
dant, la balance finit par pencher du côté de
l'exilé. C'est^qu'il a mis son épée dans le pla-
teau, et que cette épée est si lourde que nulle
main n'en peut soutenir le choc.
Philippe de Gonzague a assassiné le prince
de Nevers pour hériter de sa fortune et de sa
veuve, mais il n'a pu lui voler son enfant; un
jeune homme plein de cœur, d'audace et de
bravoure, Henri Lagardère a dérobé Aurore
de Nevers aux meurtriers, l'a sauvée au péril
de sa vie et a réussi à l'élever en pays étran-
ger, déjouant, par son esprit et son courage,
toutes les tentatives formées contre elle.
La veuve de Nevers est devenue l'épouse
de Philippe de Gonzague, et, au moment ou
se lie la véritable intrigue du roman, tandis
qu'elle pleure encore sa fille, son mari lui
présente une étrangère qu'il veut substituer à
Aurore, pour s'assurer les dépouilles de son
père; mais Lagardère, fidèle à la devise de
Nevers (Adsum, j'y suis), a prévenu la prin-
cesse, qui refuse de reconnaître l'étrangère
pour sa fille et attend la réalisation des pro-
messes de Lagardère, qui lui a juré de lui
rendre son enfant. Philippe de Gonzague, ac-
cusé par elle, a découvert, grâce à ses affidés,
la demeure ae Lagardère et essaye plusieurs
fois de le faire assassiner. Ceux qu'il envoie
contre lui sont des spadassins qui l'ont aidé
au meurtre du prince de Nevers. Lagardère,
implacable comme la vengeance, les tue tous
l'un après l'autre, les armes à la main.
Gonzague est partagé entre deux occupa-
tions qui absorbent tous ses instants, mais
dont le but est le même : augmenter sa fortune.
Faire disparaître Aurore do Nevers et mono-
poliser les bénéfices des opérations financières
du banquier écossais Law, telles sont les deux
difficultés contre lesquelles il lutte. Son hôtel,
transformé en arène d'agiotage, devient le
centre de toutes les petites infamies des trai-
tants. Les marchés s y concluent à la minute
et se signent sur le dos d'un bossu, person-
nage inconnu, comique et terrible à la fois,
dont la langue acérée fait trembler Gonzague
lui-même,quoiqu'il aitl'airdo servir ses projets
contre Lagardère. Quel est-il? D'où vient-il?
Nul ne le sait, nul ne le peut deviner. Ce
bossu, énigme vivante pour chacun des ac-
teurs du roman, les réduit tous au silence par
ses railleries effrayantes ; car il possède les
secrets de tous et réveille le remords dans
ces âmes gangrenées.
En dépit des craintes qu'il lui inspire, Gon-
zague se sert de lui, tant il déploie d'habileté
dans ses manœuvres contre Lagardère, jus-
qu'au moment où le fruit de vingt années
d'efforts, de ruse et d'un courage héroïque
semble perdu par la disparition des papiers
établissant la naissance d'Aurore de Nevers.
Le bossu se redresse, et sous le masque du
bouffon apparaît Lagardère, beau et terrible
comme aux jours de sa jeunesse, et poussant
le formidable cri de guerre des Nevers : « J'y
suis, j'y suis!» Les preuves qu'il a promises,
il ne peut plus les donner; placé entre l'habile
•défense de Gonzague et les attaques de la
mère d'Aurore, qui l'accuse d'avoir voulu lui
voler le cœur de sa fille dans un but de vil in-
térêt, cet homme si fort chancelle; il se sent
terrassé par le destin. Il renonce à lutter, et,
à l'instant où, pour prix de sa vie de sacrifice,
il va périr de la mort infume des criminelSy
Aurore, conduite par sa mère, qu'elle a réussi
à convaincre du dévouement de Lagardère,
vient lui demander de s'unir à lui. L'époux
futur d'Aurore reprend courage; rien désor-
mais ne saurait lui résister : grâce à un adroit
subterfuge, il prouve au régent la culpabilité
de Gonzague et le tue près du tombeau de
Philippe de Nevers. Sa récompense, c'est le
titre de comte et la main d'Aurore. Le bossu
l'a bien méritée.
La trame du roman est, on vient de le voir,
tissée avec une merveilleuse habileté; elle
abonde en péripéties qui expliquent son im-
mense succès lorsqu'elle a été mise à la scène.
Les exploits de Lagardère l'épée en main,
tout fabuleux qu'ils puissent paraître, ne dé-
passent cependant pas la vraisemblance et ca-
drent bien avec les mœurs de cette époque,
singulier mélange de boue et de diamant, ou
le côté chevaleresque éclate sans cesse au
milieu de scènes dignes du crayon de Callot.
Dans la seconde partie, intitulée : Y Hôtel
Saint-Magloire, les saturnales financières du
système de Law sont dépeintes avec une vé-
rité d'ironie inimitable. On voit agir" les per-
sonnages, les nobles coudoyant leurs laquais
enrichis, pour venir s'agenouiller devant le
veau d'or et son grand prêtre Gonzague. Cette
orgie d'agiotage a été expliquée par des histo-
riens sérieux d'une manière aussi fidèle, mais,
à coup sûr, beaucoup inoins saisissante. Quant
au héros du roman, Lagardère ou le bossu,
c'est un de ces types chevaleresques comme
on en rencontrait au moyen âge. Corps de
fer, bras d'acier, cœur d'or, aussi terrible le
sarcasme à la bouche que l'épée à la main,
il représente bien ces cadets sans fortune et
sans famille qui peuvent dire, comme l'un
d'eux : Nous n'avons pas d'aïeux, c'est vrai,
mais nous soimnes des ancêtres.
Le style du Bossu est d'une vivacité singu-
lière ; il est étincelant, chatoyant et rapide
comme l'épée du héros. Le lecteur, saisi dès le
début par l'esprit chevaleresque de ce roman,
est entraîné à travers onze volumes jusqu'au
dénoûment, sans avoir le temps de respirer.
Il semble qu'il soit poussé en avant, l'épée
dans les reins; il ne songe même pas à réflé-
chir; tant d'incidents se succèdent sous ses
yeux, qu'il croit assister à une de ces scènes
de féerie où les changements à vue sont si
rapides qu'à peine a-t-on le segard assez ferme
pour les suivre à travers l'éblouissement des
décors. L'imagination règne en souveraine
d'un bouta l'autre de l'ouvrage, et cependant
ce récit à la vapeur est écrit d'un style assez
correct, bien qu'il sente trop l'improvisation.
En terminant, disons quelques mots du
Bossu, drame en cinq actes et en douze ta-
bleaux, du même auteur en collaboration
avec M. Anicet Bourgeois, et qui fut repré-
senté sur le théâtre de la Porte-Saint-Martin
le 8 septembre 1862. Certes, si jamais ro-
man a mérité d'être arrangé pour le théâtre,
c'est celui de M. Paul Féval. Aussi le drame
a-t-il été taillé en plein drap dans le livre, et
le succès le plus complet est venu s'ajouter
à celui que le roman avait déjà obtenu.
Nous avons donné plus haut un aperçu du
sujet, et nous nous contenterons de parler ici
de la manière dont les acteurs se sont acquit-
tés de leurs rôles. Les auteurs eux-mêmes
n'auraient pu rêver un Lagardère plus aecom-
F
li que Mélingue. Il tenait aussi fièrement
épée qu'il portait bravement sa bosse, et l'on
ne peut s'imaginer des allures à la fois plus
cavalières et plus grandioses. Joignez à ce co-
médien inimitable : Brindeau, dans le rôle diffi-
cile du duc de Gonzague: Vannoy, dans celui
d'un spadassin goguenard ; M
tn
es Raucourt et
Defodon, dans les deux charmants caractères
de Blanche de Quélus et de Blanche de Nevers,
et vous comprendrez comment le Bossu a eu,
seulement à Paris, plus de deux cents repré-
sentations.
Ce drame donna lieu à une discussion très-
curieuse entre deux écrivains renommés, dis-
cussion qui mérite d'être rapportée, parce
qu'elle peint un côté des mœurs littéraires de
notre époque. Quand parut le drame du Bossu,
quelques journaux prétendirent que l'idée de
taire une pièce avec le roman avait été four-
nie à M. Paul Féval par M. Victorien Sar-
dou; M. Féval démentit ce bruit, et l'affaire
n'alla pas plus loin. Quatre ans après (1866),
M. Féval, écrivant des causeries dans le Fi-
garo , s'avisa un beau jour de prendre pour
sujet ses tentatives de collaboration avec
M. Sardou: il conta la chose à sa manière.
M. Sardou ne manqua pas de lui répondre sur
le même ton, et il en résulta deux lettres où
les traits caractéristiques abondent autant que
l'esprit. Deux écrivains, se jugeant mutuelle-
ment et se disant leurs petites vérités, sont
des juges aussi infaillibles que deux femmes
appréciant leur beauté : quelque mérite pourra
échapper à leur analyse; mais, à coup sûr,
aucune tache, aucun défaut ne manquera à
l'appel. Voici d'abord le portrait de M. Isardou,
tracé de main de maître : « A l'heure où j ' é -
cris ceci, dit M. Paul Féval, je vois encore
cette mièvre figure, où il y avait de la souf-
france, du découragement et de la volonté;
ces yeux inquiets ,*qui sont en réalité excel-
lents et qui me semblaient myopes ; ces traits
admirablement taillés, un peu trop coupants,
aigus jusqu'à être pointus, et qui me firent
jeter un coup d'œil derrière le dos, où, néan-
moins, il n'y avait point de bosse; ce front,
heureusement développé, intelligent au possi-
ble, couronné par la plus magnifique chevelure
que j'aie jamais vue. Il y avait là-dedans de
1 enfant et de la femme très-âgée. C'était joli
et ruiné. » Nous avons vu l'homme, voyons-le
maintenant à l'œuvre, et comment il est ap-
précié par son confrère. « Il est éloquent
dans toute la force du terme, et, circonstance
bizarre, ce n'est pas avec sa propre pensée;
j'avais lu tout ce qu'il me disait dans Cooper,
dans le capitaine Mayne-Reid et dans Gabriel
Ferry; néanmoins cela me sembla original,
tant il jongle adroitement avec ses souvenirs.
C'est l'homme de l'emprunt continu; il em-
prunte comme les généreux donnent, sans
compter.Quand il a voulu justifier ses emprunts,
il emprunte jusqu'à sa justification. Mais je
n'admirai pas seulement cette richesse inouïe de
la faculté emprunteuse, cette opulence de la
mémoire, je fus frappé encore bien davantage
par l'habileté serrée, abondante , pittoresque,
que le candidat mélodramaturge dépensait à
.soutenir une cause perdue. Quel homme d'af-
faires ! quel splendide amateur de soi ! Que de
conviction, que de passion! il me joua des
scènes à quatre en prenant toutes les poses,
il rampa dans le sentier de la guerre (son
drame se passait en Amérique); il scalpa
quelques visages pâles, il incendia quelques
wigwams; il se poignarda pour le jeune pre-
mier, il accoucha clandestinement pour l'in-
génue: il fît tout, dessinant les décors, éta-
geant les plans, disposant les meubles, allu-
mant les'lampes, donnant des rôles aux fau-
teuils, à la table, à la pendule, à la pelle, à la
pincette, à son mouchoir; c'était un diable.
Tout son corps anguleux travaillait, sa voix
s'enrouait, ses cheveux fouettaient sa joue
blême, il avait fini par me prendre, ce qui
n'est pas bien difficile. Je perdais plante, et
j'allais lui déclarer qu'il m'avait pris à sa dé-
moniaque mécanique, lorsqu'il s'arrêta tout à
coup, au plus furieux moment, pour me dire
froidement : « C'est bien, je suis fixé, c'est
» idiot; nous ferons autre chose.» Il prit son
parapluie (j'ai rarement vu de plus beaux pa-
rapluies que les siens), me remercia de mon
bon accueil et s'en alla. Je le regardai tra-
verse'r la cour par la fenêtre. Il portait digne-
ment son parapluie, qui lui allait comme un
gant. Le diable s'était changé en un paisible
petit bonhomme,»d'apparence valétudinaire et
unjpeu moine.» Voici enfin l'appréciation du
talent de M. Sardou comme auteur drama-
tique : «A mes yeux, M. Sardou est un pré-
cieux talent, sans élan, sans cordialité, sans
jeunesse, mais souverainement adroit dans ses
choix, hardi avec calcul, habile à feindre la
fougue et arrivant à la chuleur par des pro-
diges de gymnastique cérébrale. Les lièvres
de ses civets ne sont pas toujours tués par
lui, c'est certain: mais il les ravigote à mi-
racle, et, s'il y glisse, l'espiègle qu'il est, un
lambeau de gibier de gouttière, on s'en lèche
les doigts. C'est poivré magistralement.
Comme il prend sa muscade ou il la trouve,
rien ne lui coûte : il a de pleines marmites de
reliefs, auxquels il donne une forme définitive
à force d'esprit, d'algèbre et de migraines.
S'il se bat les flancs, ce n'est jamais en vain.
Sa verve est rarement naturelle , mais il a do
la verve où quelque chose qui y ressemble
comme deux gouttes d'eau. Et que m'importe,
après tout, le procédé qui fouette la crème, si
elle mousse? Certes, il n'a ni la carrure dra-
matique d'Emile Augier, ni la science terrible
d'Alexandre Dumas fils, ni l'admirable nature
de Théodore Barrière ; mais ses succès ne
sont pas moins bruyants que les leurs, et ses
chutes sont plus rares. Quand il fait bien, ce
qui arrive très-souvent, le public n'est pas
toujours content; mais, ventre de biche ! quand
il fait mal, le diable prend les armes. Chacun
des petits pièges qu il tend saisit la salle au
collet. Jamais âme qui vive n'a deviné si hé-
roïquement son • tout le monde. » On le
laisse jouer avec la morale, comme si c'était
de la mousseline; on le laisse déshabiller ses
poupées de haut en bas, sous prétexte qu'elles
sont en carton. Il chutouille la vertu, il fait
pousser de petits (fris hystériques à la pudeur;
en l'écoutant, les demoiselles Prudhomme fré-
tillent d'allégresse, comme si le cousin voya-
geur était inconvenant avec elles. La critique
gambade, le public ne se connaît plus, le pom-
pier marche sur la tête, le directeur fond en
larmes, l'homme du rideau a des convulsions
et les ouvreuses épileptiques lui donnent à
l'unanimité leur voix pour l'Académie. »
A des coups portés si juste, assénés d'une
main si sûre, M. Sardou répondit par d'autres
qui, quoique bien dirigés, ne trouvaient peut-
BOSS
ê t r e pas aussi facilement le défaut de la c u i -
r a s s e . Il fit d'abord le p o r t r a i t en pied d e son
a n t a g o n i s t e , c o m m e celui-ci a v a i t fait le sien,
a II p a r a î t q u ' à p r e m i è r e v u e , dit-il en p a r l a n t
de M. P a u l F é v a l , j e lui produisis l'effet d'une
vieille f e m m e ; moi, j e n e lui trouvai rien q u e
d'un vieil h o m m e j il j u g e a m e s traits trop
c o u p a n t s , j e j u g e a i les siens t r o p a r r o n d i s . U
a d m i r a m a c h e v e l u r e , j e m'extasiai s u r sa
c a l v i t i e , et si mes dents lui r é v é l è r e n t tout
d'abord que j ' é t a i s destiné à d é v o r e r m e s sem-
b l a b l e s , à c o m m e n c e r p a r lui, son p r e m i e r
sourire m'apprit q u e j ' a v a i s affaire à 1 un des
B r e t o n s qui, s u i v a n t l a spirituelle expression
de Gozlan, franchirent quelquefois la frontière
pour se p r o m e n e r en pleine N o r m a n d i e . Du
r e s t e , a p a r t ces r é s e r v e s mutuelles, la p r é -
s e n t a t i o n fut c h a r m a n t e . » Voyons m a i n t e n a n t
M. P a u l F é v a l a p p r é c i é c o m m e écrivain :
• D'un côté, un écrivain qui a v a i t déjà donné
toute la m e s u r e de son talent en se p r o m e t t a n t
de n e pas aller plus loin, et qui s'est s c r u p u -
leusement t e n u parole ; fort contesté en ce
t e m p s - l à comme aujourd'hui, et fort injuste-
m e n t , à mon s e n s , c a r nul romancier ne r a p -
pelle a u t a n t que lui F r é d é r i c S o u l i é , moins le
d r a m e ; E u g è n e S u e , moins la vigueur ; Balzac,
moins l'observation ; M">« S a n d , moins le
s t y l e ; D i c k e n s , moins la finesse, et D u m a s ,
m o i n s l'intérêt et la v e r v e . F o r t curieux à
l i r e , p a r c o n s é q u e n t , s'il ne faisait abus de
c e r t a i n e h u m o u r un peu lourde, qui ressemble
à l'esprit français comme le cidre de sa patrie
au v i e u x vin de B o u r g o g n e . Avec cela poli,
c o m m e on p e u t voir, distingué d a n s toutes ses
m a n i è r e s , instruit sans pédantisme et sans
érudition, et doué de cette aménité g r a s s e et
quelque peu cléricale, qui fait dire a l'obser-
v a t e u r l é g e r : Quel bon g a r ç o n ! » De tout le
r e s t e de la lettre de M. S a r d o u , il semblerait
r é s u l t e r q u e c e l u i - c i ' a u r a i t longtemps t r a -
vaillé au Bossu a v e c M. P a u l F é v a l , p a r qui
il a u r a i t été exploité comme le sont les débu-
t a n t s dans toutes les c a r r i è r e s possibles et
plus encore dans celle des l e t t r e s . Ces q u e -
relles e n t r e écrivains n e s o n t ni r a r e s ni n o u -
v e l l e s ; à R o m e , les poètes se querellaient à la
table des g r a n d s dont ils étaient les parasites ;
a u moyen â g e , les t r o u v è r e s composaient les
uns contre les a u t r e s des serventois aussi vio-
lents que poétiques, et la scène de Vadius et
Trissotin sera é t e r n e l l e m e n t v r a i e . Si le bon
g o û t et la courtoisie n e g a g n e n t rien à ces
discussions, le public s'y a m u s e ; il y apprend
mille détails qui, sans cela, lui é c h a p p e r a i e n t ,
aussi dit-il, comme le poète satirique :
Laissez-les faire, ils ont raison tous deux.
( L E S T R O I S ) , c h a r m a n t fabliau du
t r o u v è r e D u r a n d , qui vivait au x i n
6
siècle. Ce
c o n t e , ^rès-original et t r è s - a m u s a n t , se t r o u v e
de toutes p i è c e s chez les O r i e n t a u x . Est-il n é
s p o n t a n é m e n t dans l'imagination des conteurs
des deux p a y s , ou bien, c o m m e t a n t d'autres
r é c i t s , nous est-il v e n u de l'Orient à la suite
des croisades? C'est un point que l'histoire lit-
t é r a i r e n ' a pas encore éclairci. Voici, en quel-
ques mots, le sujet de ce fabliau, qui fut long-
t e m p s populaire, et a s o u v e n t été imité depuis.
C'est l'histoire d un riche bossu, aussi laid que
m é c h a n t ; qui, g r â c e à s a fortune, avait épousé
u n e j e u n e fille belle et n o b l e , mais p a u v r e :
les mésalliances n e d a t e n t pas d'aujourd'hui.
Comme la chose a r r i v e toujours, il était aussi
j a l p u x qu'il était laid, et s a principale occupa-
tion était de faire la g a r d e a u t o u r de sa m a i -
son, pour e m p ê c h e r q u e p e r s o n n e n e p û t a p -
p r o c h e r de sa femme. U n e des fêtes de Noël,
qu'il était ainsi en sentinelle à sa p o r t e , il se
v i t a b o r d é p a r trois m é n é t r i e r s bossus : c e u x -
ci le s a l u è r e n t comme confrère, lui d e m a n d è -
r e n t en cette qualité de les r é g a l e r , e t , en
m ê m e { e m p s , lui p r é s e n t è r e n t leur bosse,
E
our bien c o n s t a t e r leur confraternité. L e
ossu p r i t bien la plaisanterie ; il m e n a n t e s
c h a n t e u r s à l'office, leur fit s e r v i r des pois a u
lard et un c h a p o n , et donna m ê m e à c h a c u n
v i n g t sous parisis. Mais quand ils furent à la
p o r t e , il leur dit : « R e g a r d e z bien c e t t e m a i -
son ; si j a m a i s v o u s v o u s avisez d'y r e m e t t r e
le pied, c'est dans la rivière que j e v o u s offri-
rai des rafraîchissements.» Nos "trois bossus
s'en allaient j o y e u x , r i a n t e n t r e eux du t o u r
qu'ils a v a i e n t j o u é a u châtelain, dont ils s ' é -
t a i e n t moqués, quand la d a m e du logis, qui les
a v a i t a p e r ç u s par la fenêtre, les e n v o y a c h e r -
c h e r p a r sa s e r v a n t e , pour se distraire un peu.
Comme le mari était sorti, les trois c h a n t e u r s
p u r e n t p é n é t r e r dans la maison, et se mirent
aussitôt à. débiter l e u r s c h a n s o n s les plus
a m u s a n t e s . L e s choses en étaient l à , quand
t o u t à coup on e n t e n d frapper d'une façon
qui ne" laissait pas de doute : c'était le terrible
bossu qui r e n t r a i t . L a femme , c r a i g n a n t et
pour elle et pour les c h a n t e u r s , les fit c a c h e r
d a n s trois coffres qui se t r o u v a i e n t d a n s s a
c h a m b r e . L e bossu, qui-ne r e n t r a i t ' q u e pour
espionner s a femme, fit u n tour dans l ' a p p a r -
t e m e n t , puis r e t o u r n a continuer s a r o n d e . A .
peine fut-il sorti, que la femme c o u r u t a u x
coffres où e u e a v a i t enfermé les trois c h a n -
t e u r s ; mais il était trop t a r d , ceux-ci étaient
m o r t s étouffés. C'était u n g r a n d e m b a r r a s ,
m a i s dont il fallait sortir à tout p r i x . V o y a n t
f
iasser un vigoureux p a y s a n , elle l'appelle et
ui p r o m e t t r e n t e livres s'il v e u t lui r e n d r e u n
service et lui j u r e r le secret. A ce p r i x , celui-
ci fiit tous les s e r m e n t s qu'on lui d e m a n d a .
Alors, o u v r a n t le p r e m i e r des coffres, elle lui
dit qu'il s'agissait de p o r t e r ce c a d a v r e à l a
r i v i è r e . « Mes t r e n t e livres s e r o n t bientôt g a -
gnées,» s'écrie le p a y s a n , qui met le corps
BOSS
d a n s u n s a c e t le c h a r g e sur son dos, puis, u n
m o m e n t a p r è s , r e v i e n t d e m a n d e r son salaire.
« J e v e u x bien vous satisfaire, répond la dame ;
mais a u moins faut-il remplir vos conditions,
c e c a d a v r e dont vous deviez me d é b a r r a s s e r
est encore là, voyez plutôt; » et ce disant,
elle o u v r e le second coffre. «Ce doit ê t r e sû-
r e m e n t quelque sorcier, s'écrie le m a n a n t stu-
péfait, mais il en a u r a le démenti, et fera e n -
core u n e fois le s a u t périlleux. » P u i s , p r e n a n t
s u r son dos le second bossu, il v a le j e t e r dans
la r i v i è r e , a v a n t soin de lui mettre la t ê t e en
bas, et de bien r e g a r d e r s'il t o m b e . Il accou-
r a i t tout j o y e u x v e r s la châtelaine, quand
celle-ci, le p r e n a n t p a r la main et le condui-
s a n t v e r s le m o r t qui r e s t a i t , lui dit : • Vous
aviez raison, mon c h e r , j e crois q u e ce bossu
est sorcier, c a r le voilà encore r e v e n u . — P a r
t o u s les diables d ' e n f e r , s'écrie l e v i l a i n , il
faudra donc que j e porte ce maudit bossu tout
le j o u r : nous v e r r o n s bien 1 » P u i s il l'enlève
a v e c des j u r e m e n t s effroyables, et, a p r è s lui
avoir a t t a c h é u n e g r o s s e pierre au cou, v a le
l a n c e r a u milieu d u - c o u r a n t , le m e n a ç a n t , s'il
le r e t r o u v e u n e troisième fois, de le faire e x -
f
tirer sous le bâton. Il r e v e n a i t , c e r t a i n pour
e coup d'en être d é b a r r a s s é , quand d e v a n t la
maison, il a p e r ç o i t le maître du logis qui r e n -
trait chez lui. « Chien de bossu, s'écria-t-il, te
voilà donc e n c o r e , et il n e s e r a pas possible de
se d é p ê t r e r de t o i ; allons, j e vois qu'il, faut
t'expédier tout de bon. » Il court aussitôt s u r
le châtelain, qu'il a s s o m m e , et, pour l'empêcher
de r e v e n i r , il le j e t t e dans la r i v i è r e . « J e pa-
r i e r a i s bien q u e c e t t e fois v o u s n e l'avez pas
r e v u ? » dit le vilain à la c h â t e l a i n e , q u a n d il
fut r e v e n u ; elle répondit q u e non. • Il n e s'en
est p o u r t a n t g u è r e fallu, continua celui-ci; déjà
le sorcier était s u r la p o r t e pour r e n t r e r , mais
j ' y ai mis bon o r d r e , et j e v o u s g a r a n t i s qu'il
n e r e v i e n d r a plus. * L a femme comprit vite de
quoi il s'agissait ; mais elle n'en laissa rien p a -
r a î t r e ; elle p a y a le vilain, et, i n t é r i e u r e m e n t ,
r e m e r c i a le c i e l , qui l'avait d é b a r r a s s é e de
cette façon d'un m a r i f â c h e u x .
L ' a m u s a n t e histoire des Trois Bossus a été
plusieurs fois mise a u t h é â t r e ; au siècle d e r -
nier, sous le t i t r e des Trois Jumeaux, elle o b -
tint au T h é â t r e - I t a l i e n u n g r a n d succès.
B o u m ( L E S ) . L ' a u t e u r des paroles de cette
c h a n s o n , Santeuil, n e v e u du poëte de ce nom,
était médecin et devint un des r é g e n t s de la
F a c u l t é de P a r i s . Orné d'une bosse é n o r m e ,
il était le p r e m i e r à rire d e son infirmité; et
c'est à. l'occasion d'un r e p a s auquel il a v a i t
invité tous les bossus de s a connaissance qu'il
composa c e t éloge de la b o s s e , v e r s 1740. L a
version que nous donnons ici e s t , p a r a î t - i l , la
meilleure. ,Elie a u r a i t été communiquée à.
M. du M e r s a n , éditeur d'un recueil de c h a n -
sons publiées, e n 1843,.par u n des d e s c e n d a n t s
mêmes de h a u t e u r . L'air sur lequel les paroles
se c h a n t e n t est t r è s - a n c i e n , et est noté sous le
n« 144 de la Clef du Caveau. On r e m a r q u e r a
que les couplets sont remplis de v e r v e , de
laisser-aller et de facile g a i e t é . L ' a u t e u r a cer-
tainement contribué p a r son œ u v r e à cette
pensée proverbiale qui donne a u x bossus plus
d'esprit qu'aux a u t r e s h o m m e s . Cette c h a n s o n
est sans contredit la meilleure qui ait été faite
s u r la bosse, et la seule qui ait j o u i d'une p o -
p u l a r i t é m é r i t é e , à laquelle le t e m p s n ' a c a u s é
a u c u n d o m m a g e .
Depuis longtemps je me suis a-per-
Et ses é - paules sont plus ebau-de-ment.
DEUXIEME COUPLET.
On trouve ici des gens assez mal nés
Pour s'aviser d'aller leur rire au nez :
Ils l'ont toujours aussi long que le bec
De cet oiseau que l'on trouve à Québec,
C'est pour cela qu'on leur doit du respect.
T R O I S I È M E C O U f L E T .
Tous les bossus ont ordinairement
Le ton comique et beaucoup d'agrément.
Quand un bossu se montre de côté,
Jl règne en lui certaine majesté,
Qu'on ne peut voir sans en être enebanté.
QUATRIÈME COUPLET.
Si j'avais eu les trésors de Crésus,
J'aurais rempli mon palais de bossus!
On aurait vu, près de moi, nuit et jour.
Tous les bossus s'empresser, tour a tour,
De montrer leur éminence à ma cour.
CINQUIÈME COUPLET.
Dans mes jardins, sur un 'beau piédestal.
J'aurais fait mettre un Esope en métal.
Et, par mon ordre, un de mes substitua
Aurait gravé près de ses attributs : »
Vive la bosse ! et vivent les bossus ]
SIXIÈME C O U P L E T .
Concluons donc, pour aller jusqu'au bout,
Qu'avec la bosse on peut passer partout.
BOSS
Qu'un homme soit ou fantasque ou bourru;
Qu'il soit chassieux, malpropre, mal vêtu,
11 est charmant, pourvu qu'il soit bossu.
BOSSU
BOSSU (N.), marin et v o y a g e u r français, né
a B a i g n e u x - l e s - J u i f s a u c o m m e n c e m e n t du
xvuie siècle. Il était capitaine de m a r i n e , et
le g o u v e r n e m e n t le c h a r g e a de faire trois
v o y a g e s dans l'Amérique du N o r d . Les obser-
vations qu'il eut ainsi l'occasion de recueillir
furent l'oujet de deux publications fort i n t é -
r e s s a n t e s : Nouveaux voyages aux Indes occi-
dentales ( P a r i s , 1768 ) ; et Nouveaux voyages
dans l'Amérique septentrionale ( A m s t e r d a m ,
1777).
BOSSU
BOSSU ( J a c q u e s L E ) , en latin D o i s u l u s ,
théologien et religieux français, né à. P a r i s en
1546, m o r t à R o m e en 162G. Il était de l'ordre
de Saint-Benoît, fut le p r é c e p t e u r du cardinal
de Guise et était d e v e n u prieur de l'abbaye de
Saint-Denis à l'époque de la L i g u e . Il se s i -
g n a l a p a r des prédications fanatiques, où il
p r é s e n t a i t le régicide J a c q u e s Clément comme
un m a r t y r , et H e n r i IV comme a y a n t perdu
t o u s ses droits à la c o u r o n n e en se s é p a r a n t
de la religion catholique. L o r s q u e la Ligue fut
vaincue, J a c q u e s le Bossu se r e t i r a à R o m e ,
où le p a p e Clément VIII le n o m m a c o n s u l t e u r
de la congrégation De Auxiliis. P a u l V lui
m o n t r a aussi b e a u c o u p de bienveillance et lui
a c c o r d a de nouvelles f a v e u r s . L e s a m a t e u r s
des curiosités littéraires du temps de la L i g u e
"attachent du prix à plusieurs publications de
J a c q u e s le Bossu, telles que : les Devis d'un
catholique et d'un politique ( N a n t e s , 1589);
Sermon funèbre pour la mémoire de dénote et
religieuse personne Fr.-Edim. Bourgoin, mar-
tyrisée à Tours ( N a n t e s , 1590); Sermon fu-
nèbre pour l'anniversaire des princes Henri et
Louis de Lorraine (1590). O n d o i t a u s s i au même
a u t e u r u n e œ u v r e de théologie intitulée : Ani-
madversiones in XXV propositions P. Lud.
Molinœ; mais l ' œ u v r e e s t r e s t é e incomplète
et s ' a r r ê t e à la seizième proposition.
BOSSU
BOSSU ( Antoine - F r a n ç o i s , dit A n t o n i n ) ,
médecin f r a n ç a i s , n é a M o n c e a u - l e - C o m t e
(Nièvre) en 1809. Il est a t t a c h é comme m é d e -
cin à l'infirmerie de M a r i e - T h é r è s e , et il a pu-
blié les o u v r a g e s s u i v a n t s : Nouveau Compen-
dium médical à l'usage des médecins prati-
ciens (L841, in-12); Anthropologie, ou Etude
des organes, fonctions et maladies de l'homme
et de la femme (1845, 2 vol. i n - 1 2 ) ; Anatomie
descriptive du corps humain, à l'usage des
gens du monde et des artistes (1849, in-so) ;
•Nouveau dictiotmaire d'histoire naturelle ( 1858-
1859, 3 vol. i n - 4 ° , e t c . ) . Il e s t en outre r é d a c -
t e u r de l'Abeille médicale.
B O S S U E , É E ( b o - s u - é ) p a r t . p a s s . du v .
Bossuer. Déforme p a r des. bosses : Cette ar-
genterie est toute BOSSUÉB. Le colonel montra
alors son casque BOSSUE placé à côté de son
uniforme à-demi déchiré pendant la lutte.
(E. Sue.)
B O S S U E L s. m . (bo-su-èl). H o r t i c . V a r i é t é
d e t u l i p e q u i e s t seule o d o r a n t e e t q u i doit
son n o m à ses p é t a l e s concaves, n On d i t aussi
BOSSUER
BOSSUER v . a. o u t r . ( b o - s u - é — r a d . bossu
— p r e n d u n t r é m a s u r l'i a u x d e u x p r e m .
p e r s . pi. d e l'imparf. d e l'ind. e t du p r . du s u b j . :
Nous bossuïons, que vous bossuîez). Déformer
p a r des bosses, p r o d u i r e des bosses s u r :
BOSUEL
BOSUEL e t BOSSUELLE, S. f.
BOSSUER
BOSSUER un casque, une cuirasse, une pièce
d'argenterie.
— C o n s t i t u e r des b o s s e s , des i n é g a l i t é s
a r r o n d i e s : Sur le revers d'une des collines
déchar-nées qui BOSSUENT les Landes s'élevait
une de ces gentilhommières si communes en
Gascogne. (Th. G a u t . )
Se b o s s u e r , v . p r . Se déformer, ê t r e dé-
formé p a r des b o s s e s -. Cette timbale d'argent
S'EST
BOSSUÉEBOSSUÉE en tombant. Le poil de castor
prend mal la teinture, rougit en dix minutes
au soleil, et le chapeau S E BOSSUE à la cha-
leur. (Balz.)
BOSSU.ET ( J a c q u e s - B é n i g n e ) , le p l u s g r a n d
o r a t e u r s a c r é des t e m p s m o d e r n e s , n é à Dijon
le 27 s e p t e m b r e 1627, m o r t à P a r i s le 12 avril
1704, Il é t a i t issu d'une famille d e robe dont
les m e m b r e s o c c u p a i e n t des sièges dans les
p a r l e m e n t s de Dijon et de Metz. Il étudia chez
les j é s u i t e s , qui d e v i n è r e n t son génie naissant
et t e n t è r e n t d e l ' a t t a c h e r à leur c o m p a g n i e .
Mais s a famille, p a r t a g e a n t p e u t - ê t r e les p r é -
ventions p a r l e m e n t a i r e s c o n t r e la société, ou
j u g e a n t qu'une n a t u r e aussi impétueuse n e
p o u r r a i t p r e n d r e librement son essor sous u n e
r è g l e qui imposait le sacrifice d e la p e r s o n -
nalité h u m a i n e , l ' a r r a c h a en quelque sorte
aux sollicitations dont il était l'objet et l'en-
v o y a faire s a philosophie à P a r i s . E n c o r e
enfant,- l'a majesté de la Bible a v a i t éveillé
l'instinct de son génie. S e s maîtres le s u r p r i -
r e n t un j o u r inondant de ses l a r m e s les feuil-
lets du livre s a c r é , et n o u r r i s s a n t son â m e et
son esprit dé cette poésie et de cette éloquence
qu'il ne devait plus oublier. C'est en effet
1 Ancien T e s t a m e n t p l u s que l ' E v a n g i l e qui
détermina dans la suite les formes de s a p e n -
sée, et il se complaisait plus t a r d à r a p p e l e r
c e t t e impression de son enfance et l'impulsion
, décisive qu'il en a v a i t r e ç u e . Il a v a i t quinze
a n s lors d e sou a r r i v é e à. P a r i s . L e p r e m i e r
spectacle qui frappa ses y e u x fut l'entrée du
cardinal de Richelieu, porté m o u r a n t d a n s u n e
litière, victorieux de ses e n n e m i s , mais v a i n c u
p a r la m a l a d i e , et t r a v e r s a n t la capitale, d o n t
les rues étaient t e n d u e s de c h a î n e s , dans u n
appareil triomphal qui ressemblait à u n e
BOSS
1025
pompe funèbre. L e c o n t r a s t e d e cette m a g n i -
tîcence et de cette misère l ' é m u t profondé-
ment, et lui inspira pour la v a n i t é des g r a n -
d e u r s humaines cette pitié d é d a i g n e u s e qu'il
aime à faire c o n t r a s t e r , d a n s les c h e f s - d ' œ u -
v r e de s a parole, a v e c son e n t h o u s i a s m e p o u r
les g r a n d e u r s éternelles de Dieu et de la c r é a -
tion.
Il e n t r a au collège de N a v a r r e ; l'étude d e s
c l a s s i q u e s , là fréquentation de la h a u t e s o -
ciété l e t t r é e de P a r i s , disciplinèrent," en le
t e m p é r a n t , cet esprit qui débordait de la g r a n -
d e u r impétueuse des l i v r e s s a i n t s . L ' é c l a t d e
ses thèses attira sur lui t o u s les y e u x , e t l'hô-
tel de Rambouillet voulut e n t e n d r e c e t a d o - "
lescent de g é n i e , q u i , dans un s e r m o n i m p r o -
v i s é , fit pressentir tous les t r i o m p h e s qui l'at-
tendaient dans la c a r r i è r e de l'éloquence sacrée.
«On n'a j a m a i s p r ê c h é ni si t ô t ni si t a r d , »
écrivit à ce sujet le b e l esprit Voiture, faisant
allusion à l à g è de l'orateur et a l'heure avan-
cée où le sermon a v a i t été p r o n o n c é .
On r a p p o r t e q u ' à cette é p o q u e , Bossuet a l -
lait quelquefois voir r e p r é s e n t e r les chefs-
d ' œ u v r e de C o r n e i l l e , a u t a n t p a r admiration
pour la m â l e poésie du g r a n d t r a g i q u e que
clans le désir d e se former à la d é c l a m a t i o n .
On dit aussi qu'il y e u t u n c o n t r a t d e m a r i a g e
s e c r e t e n t r e Bossuet, e n c o r e t r è s - j e u n e , e t
MUe Des V i e u x ; mais cette demoiselle fit le
sacrifice de s a passion et de son é t a t à la for-
t u n e q u e l'éloquence de son fiancé d e v a i t lui
p r o c u r e r dans l'Eglise : elle consentit à n e j a -
mais se prévaloir du c o n t r a t , qui n e fut point
suivi de la célébration. A p r è s la m o r t du p r é l a t ,
ce fut la famille de M. S e c o u s s e , a v o c a t e t
h o m m e de lettres, dont on t i e n t e e t t e a n e c d o t e ,
qui r é g l a les reprises et les conventions m a t r i -
moniales. J a m a i s cette demoiselle n ' a b u s a du
s e c r e t d a n g e r e u x qu'elle a v a i t e n t r e les m a i n s .
Elle v é c u t toujours l'amie d e l'évêque d e
M e a u x , dans u n e union s é v è r e et r e s p e c t é e . U
lui d o n n a de quoi acheter la petite t e r r e de Mau-
léon, à cinq lieues de P a r i s . E l l e prit alors le
nom de M a u l é o n , et a v é c u p r è s de c e n t a n s .
Quoi qu'il en soit, B o s s u e t , r e ç u d o c t e u r en
Sorbonne et ordonné p r ê t r e en 1652, p a s s a
quelque t e m p s en r e t r a i t e à S a i n t - L a z a r e , où
l'influence é v a n g é l i q u e d e saint V i n c e n t de
P a u l dut adoucir la s é v é r i t é impérieuse de son
génie ; puis, r é s i s t a n t a u x voix amies qui l ' a p -
pelaient dans les chaires de P a r i s , et r e n o n -
ç a n t v o l o n t a i r e m e n t a u titre de g r a n d m a î t r e
du collège de N a v a r r e , qui lui était offert, il
alla occuper un modeste c a n o n i c a t à Metz, et
se p r é p a r a p a r d ' i m m e n s e s t r a v a u x au rôle
P
r é p o n d é r a n t qu'il était appelé à j o u e r d a n s
histoire d e l'Eglise au x v n e siècle. Quelques
brillants succès dans la c o n t r o v e r s e c o n t r e
les p r o t e s t a n t s du diocèse d e Metz, des m i s - '
sions et des conférences pour leur c o n v e r s i o n ,
des écrits a y a n t le m ê m e but, o c c u p è r e n t tous
les i n s t a n t s qui n'étaient pas c o n s a c r é s à l'é-
t u d e des P è r e s de l'Eglise ; appelé quelquefois
à P a r i s pour les affaires de son c h a p i t r e , il y
p r ê c h a s o u v e n t a v e c un g r a n d s u c c è s , et j e t a
enfin les fondements de s a h a u t e r e n o m m é e
d'orateur p a r ses prédications du c a r ê m e d e
1659, aux Minimes de la place R o y a l e . J a m a i s
la c h a i r e française n ' a v a i t retenti de tels a c -
c e n t s , et l'émotion fut immense d a n s le p u -
blic, à la cour et dans l'Eglise. Louis X I V a p -
Fela le prédicateur pour p r ê c h e r d e v a n t lui
A v e n t de 1661, e t , saisi d'un élan de s y m p a -
thie bien r a r e dans cette â m e h a u t a i n e , fit
écrire au p è r e de Bossuet pour le féliciter
d'avoir un tel fils. Désormais l'orateur s a c r é
poursuivit sa c a r r i è r e , m a r c h a n t de t r i o m p h e
en t r i o m p h e , e t , p e n d a n t u n e période de p l u s
de dix a n n é e s , r é p a n d a n t des t o r r e n t s d'élo-
quence du h a u t des chaires de P a r i s e t de l a
cour. On n ' a recueilli qu'une partie des s e r m o n s
qu'il p r ê c h a à cette é p o q u e , e t qui n ' o n t été p u -
bliés qu'en 1772; beaucoup m ê m e n'ont j a m a i s
été écrits ; quelques h e u r e s a v a n t de m o n t e r e n
c h a i r e , il se livrait à u n e profonde méditation,
j e t a i t quelques idées s u r le p a p i e r , et s ' a b a n -
donnait ensuite à la puissance d e son i n s p i r a -
tion. J a m a i s il n e r é p é t a i t l e m ê m e s e r m o n
deux fois. Quand il a v a i t à t r a i t e r les m ê m e s
s u j e t s , il les e n v i s a g e a i t sous d e n o u v e a u x
points de v u e .
L e s sermons de B o s s u e t sont c e qu'il y a d e
moins connu dans ses oeuvres. L a H a r p e l e s
t r o u v a i t m é d i o c r e s ; mais le célèbre critique a
été accusé de n e les avoir pas lus. Incomplets
q u a n t à la r é d a c t i o n , puisqu'un certain n o m -
b r e ne sont q u e des é b a u c h e s qu'il d é v e l o p -
pait en c h a i r e , c e s m o r c e a u x n'en g a r d e n t p a s
moins l'empreinte d e son g é n i e . « L ' a b r u p t e
f
r a u d e u r de cette parole à peine é c r i t e , de c e s
iscours incomplets et t r o n q u é s , est plus s a i -
sissante dans s a négligence que n e s e r a i t l ' a r t
le plus a c h e v é . On dirait un t r o n c i m m e n s e ,
d'où jaillissent de toutes p a r t s des j e t s i n -
cultes , mais d'une s u r a b o n d a n t e v i g u e u r . •
(Henri M a r t i n . )
P a r m i ces s e r m o n s , on r e n c o n t r e des p a n é -
g y r i q u e s de saints d'une forme p l u s a c h e v é e :
celui qu'il a c o n s a c r é à s a i n t P a u l e s t mis a u
r a n g d e ses c h e f s - d ' œ u v r e .
Dans cette période d'une vie qui fut si labo-
rieuse, la prédication n e l'absorbait p a s tout
entier. L ' a r c h e v ê q u e de P a r i s , Hardouin de P é -
réfixe, l'employa d a n s p l u s i e u r s affaires, n o -
t a m m e n t d a n s les n é g o c i a t i o n s a v e c P o r t -
R o y a l . S'il n e p a r v i n t p a s à faire s i g n e r le
formulaire a u x religieuses^ il g a g n a du moins
l'estime d'Arnauld et d e Nicole, qui s o u m i r e n t
s p o n t a n é m e n t à son appréciation leurs l i v r e s
c o n t r e les calvinistes.
129
1020 BOS3
BOSS
BOSS
BOSS
N o m m é , en 1GG9, évêque de C o n d o r n , n o s s n e t
se d é m i t de-ce siège (où il ne résida jamais)
p o u r se c o n s a c r e r tout entier à l'éducation du
d a u p h i n , d o n t le roi l ' a v a i t choisi c o m m e p r é -
c e p t e u r en 1670. Il composa pour son royal
é l è v e le Discours sur l'histoire universelle,
qu'on a j u s t e m e n t n o m m é l'histoire du g o u -
v e r n e m e n t d e la P r o v i d e n c e s u r la t e r r e , et
qui est d e m e u r é , a v e c les Oraisons funèbres, la
plus p o p u l a i r e de ses œ u v r e s ; De la Connais-
sance de Dieu et de soi-même, application lumi-
n e u s e des principes de D e s c a r t e s ; et. la Poli-
tique tirée des propres paroles de l'Ecriture
.sainte, où il d o n n e la théorie de la r o y a u t é
absolue. On a p e r ç o i t le lien logique qui unit
ces trois o u v r a g e s , m o n u m e n t s impérissables
de notre l i t t é r a t u r e , d o n t l'un c o n t i e n t la phi-
losophie, l ' a u t r e l'histoire, et le d e r n i e r la p o -
litique. Ils f o r m a i e n t un e n s e m b l e qui se r a t -
t a c h a i t au plan g é n é r a l s a v a m m e n t combiné
p a r Bossuet et M o n t a u s i e r pour l'éducation du
j e u n e p r i n c e . C e r t e s , ces conceptions ne sont
plus a u n i v e a u d e la science e t de l a p h i l o s n -
phie m o d e r n e s ; mais elles n'en forment pas
moins un e n s e m b l e majestueux qui saisit par
son u n i t é j ' e l l e s - r é s u m e n t les opinions du
g r a n d o r a t e u r sur le passé du g e n r e humain et
s u r le g o u v e r n e m e n t des sociétés. Ici, comme
d a n s t o u t e s s e s œ u v r e s , il r a p p o r t e t o u t , il
e n c h a î n e tout à la Bible : le pusse, le p r é s e n t
et l ' a v e n i r ; il p r é t e n d m ê m e e m p r u n t e r u n e
a r m u r e pour l a monarchie absolue à cet arse-
nal d'où les i n d é p e n d a n t s anglais a v a i e n t tiré
le glaive dont ils f r a p p è r e n t Charles I
e r
- E n
histoire, les hommes n e sont pour lui q u e les
i n s t r u m e n t s de D i e u , et t o u t e la tradition du
g e n r e humain se r a t t a c h e à la J u d é e , c e n t r e
unique de l'univers. E n politique, il établit
cette théorie , qui d u t ê t r e bien r e ç u e de
Louis X I V , q u e la r o y a u t é absolue, sans c o n -
t r ô l e et sans limites , est le g o u v e r n e m e n t le
plus conforme à la volonté divine ; que les rois
sont les ministres d e Dieu sur la t e r r e et qu'ils
sont m a r q u é s e u x - m ê m e s d'un c a r a c t è r e di-
v i n ; enfin, q u e les sujets doivent obéir a v e u -
g l é m e n t au prince, quel qu'il soit et de quelque
m a n i è r e qu'il ait été établi.
E n 1G62, B o s s u e t a v a i t p r o n o n c é l'oraison
funèbre du p è r e B o u r g o i n g , g é n é r a l de l'Ora-
toire, et plus tard celles d A n n e d'Autriche et
de plusieurs a u t r e s p e r s o n n a g e s ; c e r t e s , ces
m o r c e a u x n e sont p a s indignes d e lui ; mais
c'est p a r l'oraison funèbre de la reine d'An-
g l e t e r r e , v e u v e d e C h a r l e s l c r
}
dont la vie
seule offre toutes les extrémités des choses hu-
maines, qu'il o u v r e la série de ces c h e f s - d ' œ u -
v r e o r a t o i r e s , où il s'est élevé au niveau des
inspirations de la tribune antique. On connaît
tous les t r a i t s sublimes qui sont r é p a n d u s d a n s
celles du g r a n d Condé, de la p r i n c e s s e p a l a -
t i n e , de la d u c h e s s e d'Orléans. Dans cette
d e r n i è r e , ce m â l e g é n i e , ce Corneille de la
chaire, pour e m p l o y e r u n e expression de
M. H e n r i M a r t i n , t r o u v a i t r é u n i s t o u s les
g r a n d s c o n t r a s t e s , tous les é l é m e n t s t r a g i -
ques, tontes les s o u r c e s d ' é m o t i o n ; la gloire,
les g r a n d e u r s a b a t t u e s , les révolutions d ' e m -
p i r e s , les rois sur l ' é c h a f a u d , les reines d a n s
l'exil, les morts f o u d r o y a n t e s et m y s t é r i e u s e s .
D a n s l'oraison funèbre de la duchesse d'Or-
l é a n s , son éloquence é m u e e m p r u n t a i t un s u r -
croît d'énergie a u x c i r c o n s t a n c e s , et donnait
en quelque s o r t e u n e v o i x à d ' é p o u v a n t a b l e s
soupçons qu'on n'osait se c o m m u n i q u e r . On
sait quel frémissement p a r c o u r u t l'auditoire
quand il p r o n o n ç a cette p a r o l e , qui peignait
a v e c t a n t d e force la rapidité de la m o r t m y s -
t é r i e u s e de "cette faible, mais infortunée p r i n -
c e s s e : Madame se meurt! Madame est morte!
L'effet fut tel, q u e B o s s u e t lui-même d e m e u r a ,
d i t - o n , troublé de l'impression qu'il a v a i t p r o -
duite.
L'oraison f u n è b r e , telle q u e l'avait conçue
Bossuet e t telle q u e son génie l'exécuta, n ' a
j a m a i s été refaite depuis. C'était l'éloquence
e x p r i m a n t les méditations les plus élevées de
la philosophie c h r é t i e n n e s u r la v a n i t é des
g r a n d e u r s h u m a i n e s , s u r les a r r ê t s d e la P r o -
v i d e n c e p l a n a n t a u - d e s s u s des peuples et des
rois, des é v é n e m e n t s et des révolutions d'em-
f
tires : d o n n a n t à la douleur un c a r a c t è r e s o -
ennel e t s a c r é , la sanctifiant p a r l a r é s i g n a -
tion et la consolant p a r l ' e s p é r a n c e de la vie
é t e r n e l l e .
Il y a u r a i t , t o u t e f o i s , quelques objections à
faire. L e s e n t r a î n e m e n t s du p a n é g y r i q u e con-
d u i s a i e n t l'orateur à é r i g e r en t y p e s de v e r t u
des p e r s o n n a g e s s o u v e n t fort éloignés d e c e t
idéal. Il donnait, il est v r a i , sous leur nom, de
belles leçons d e morale religieuse : mais dans
u n tel s y s t è m e , q u e d e v i e n t la v é r i t é histori-
q u e ? N'y a - t - i l p a s là u n t r a v a i l analogue à
celui q u e les r h é t e u r s g r e c s faisaient subir à
c e r t a i n s p e r s o n n a g e s ( p u r e m e n t mythiques
d'ailleurs), et d o n t ils faisaient des t y p e s de
convention p o u r leurs amplifications de m o r a l e
e t de philosophie? E n o u t r e , la plupart de ces
éloges funèbres aboutissaient i n v a r i a b l e m e n t
à. l'éloge du m a î t r e , r e p r é s e n t é c o m m e le plus
g r a n d des g u e r r i e r s et des a d m i n i s t r a t e u r s , le
plus m a g n a n i m e des p r i n c e s , le plus pieux, le
p l u s s a g e , le plus j u s t e dé t o u s les h o m m e s .
C e t t e p r é o c c u p a t i o n de courtisan se r e t r o u v e ,
on le sait, d a n s un g r a n d n o m b r e des o u v r a g e s
de Bossuet. Cette parole foudroyante et s u -
p e r b e s a v a i t a d m i r a b l e m e n t s'adoucir pour
flatter les p u i s s a n t s . C e c i , d'ailleurs, s'accorde
a v e c la t h é o r i e officielle et c o n s a c r é e de
l'Eglise, q u e t o u t e puissance v i e n t de Dieu.
E n 1671, B o s s u e t publia son Exposition de
la foi catholique, t r a i t é s u b s t a n t i e l , p r e s s a n t
de logique, admirable de c l a r t é , et qui d é t a c h a
d e la communion p r o t e s t a n t e des p e r s o n n a g e s
i m p o r t a n t s , T u r e n n e , D a n g e a u , B r u e y s {l'un
des a u t e u r s de Y Avocat Patelin dans sa forme
m o d e r n e ) , M " o d e D u r a s , e t c . , d o n t quelques-
u n s , il est v r a i , a v a i e n t i n t é r ê t à se laisser
c o n v e r t i r . C'est à ce moment que l'Académie
française lui o u v r i t ses p o r t e s . L ' é d u c a t i o n
du dauphin t e r m i n é e , il fut n o m m é premier
a u m ô n i e r de la d a u p h i n e , puis é v ê q u e d e
Meaux ( i 6 S l ) . P e u d e t e m p s a p r è s , il fut
c h a r g é de p r o n o n c e r le discours d ' o u v e r t u r e
d a n s la fameuse A s s e m b l é e du c l e r g é de
F r a n c e . Chef des gallicans, il se m o n t r a d a n s
cette c i r c o n s t a n c e ce qu'il essaya d ' ê t r e toute
s a v i e , l'homme du r o i , en m ê m e temps q'ie
l'homme du s a i n t - s i é g e , soumis à la fois a u x
deux puissances et c o n t r a i n t c e p e n d a n t de
c o m b a t t r e l'une au nom de l'autre. Son d i s -
cours, admirable d'ailleurs, porte l'empreinte
des difficultés de cette situation. Il s'efforce de .
tout c o n c i l i e r , les libertés gallicanes et l'au-
to ri té papa le, c o m b a t t a n t l'infai 11 ibili té du pape
et proclamant, Yindêfectibilitê du s a i n t - s i é g e ;
distinction subtile qui ne c o n t e n t a p e r s o n n e et
i qui ne fit que r e n d r e plus i n c e r t a i n e la solu-
i tion de ces i n t e r m i n a b l e s d é b a t s . Ce fut aussi
1 lui 'pli r é d i g e a les q u a t r e articles de la décla-
I ration du c l e r g é de F r a n c e (1682), a c t e im-
! p o r t a n t qui c o n s a c r a i t la t h é o r i e d e l'indépen-
; d a n c e du pouvoir temporel et des libertés
g a l l i c a n e s . D a n s la même a n n é e , il publia le
Traité de la communion sous les deux espèces,
où il c o m b a t t a i t cette p r a t i q u e , puis deux de
ses o u v r a g e s les plus admirables : Elévations
sur les mystères e t Méditations sur l'Evan-
gile, créations pleines d'enthousiasme, de p o é -
sie et de. foi, où il m é r i t a si bien ce t i t r e
d'Aigle de Meaux, qui est à j a m a i s c o n s a c r é .
Ses c o n t r o v e r s e s c o n t r e les p r o t e s t a n t s sont
d e m e u r é e s célèbres dans l'histoire des polé-
miques religieuses. On a s s u r e qu'il se fit a i m e r
de tous ceux qu'il a c o m b a t t u s , et q u e , s'il se
m o n t r a s é v è r e contre les d o c t r i n e s , il était
plein de m a n s u é t u d e pour la p e r s o n n e des r é -
formés, et qu'il se prononça h a u t e m e n t c o n t r e
les m e s u r e s de r i g u e u r . Mais il serait t r o p fa-
cile de d é m o n t r e r , et nous le d é m o n t r e r o n s
t o u t à l'heure, que cette affirmation e s t con-
t r a i r e à la v é r i t é . On n e peut nier q u e dans
ses r a p p o r t s a v e c le ministre Claude et a u t r e s
sommités d e la réforme, Bossuet n'ait m o n t r é
la courtoisie g r a c i e u s e d'un h o m m e de h a u t e
c o m p a g n i e ; on p o u r r a i t citer aussi quelques
circonstances où il e s s a y a d e t e m p é r e r les r i -
g u e u r s de l'autorité séculière. Mais, s u r l a -
question fondamentale de l'extirpation du pro-
t e s t a n t i s m e , il a v a i t l'opinion inflexible, a b s o -
lue, de tout l'épiscopat, de l'Eglise catholique
entière, la m ê m e p r é t e n t i o n à c o m m a n d e r a u x
convictions d ' a u t r u i , à p u n i r les dissidents, à
opprimer les consciences. On connaît l'en-
thousiasme cruel qu'il fit é c l a t e r lors de la
publication d'un édit funeste qui rappelle les
t e m p s de Décius et de Dioclétien, la révocation
de ledit de Nantes, n P u b l i o n s ce m i r a c l e de
nos j o u r s , » s'écrie-t-il dans l'oraison funèbre
d e L e T e l l i e r ; « é p a n c h o n s nos c œ u r s s u r la
piété d e Louis ; poussons j u s q u ' a u ciel nos ac-
clamations, et disons à ce n o u v e a u C o n s t a n -
tin, à ce n o u v e a u T h é o d o s e , à ce n o u v e a u
M a r c i e n , à ce n o u v e a u C h a r l e m a g n e . . . vous
a v e z affermi la foi, v o u s a v e z e x t e r m i n é les
hérétiques ; c'est le d i g n e o u v r a g e d e v o t r e
r è g n e , c'en e s t le p r o p r e caractèTe. P a r vous
l'hérésie n'est plus : Dieu seul a p u faire c e t t e
merveille 1 »
U n e question se pose m a i n t e n a n t : Quelle fut
la p a r t d e Bossuet à la r é v o c a t i o n de l'édit de
N a n t e s ? L ' é v ê q u e d e M e a u x a-t-il d e j u s t e s
droits à la reconnaissance des p r o t e s t a n t s ,
ainsi q u e l'affirme le cardinal de B a u s s e t ?
D e m e u r a - t - i l é t r a n g e r à « ce qui p r é c é d a , ou à
ce qui suivit immédiatement l a r é v o c a t i o n ? »
L a question sera bientôt r é s o l u e .
Louis X I V , a v a n t d e p r e n d r e u n e décision
aussi i m p o r t a n t e q u e celle de la révocation de
l'édit de N a n t e s , a v a i t t e n u un conseil de con-
science particulier, lequel dissipa ses hésita-
tions. Ce conseil se composait de d e u x t h é o -
logiens et de d e u x j u r i s c o n s u l t e s , dont les
n o m s s o n t r e s t é s i n c o n n u s . On n e p e u t donc
p a s affirmer q u e B o s s u e t fut l'un des d e u x
théologiens c o n s u l t é s . C e p e n d a n t son in-
fluence, s a brillante r é p u t a t i o n , le crédit dont
il jouissait a u p r è s du roi p a r ses t a l e n t s in-
c o m p a r a b l e s , l'appelaient t o u t n a t u r e l l e m e n t
à donner son a v i s d a n s c e t t e m é m o r a b l e cir-
c o n s t a n c e . C'est u n e question qui est e n c o r e
à éclaircir. Mais il nous semble q u e la c o n -
duite de Bossuet, aussitôt a p r è s la r é v o c a t i o n ,
j e t t e s u r ce coin obscur de l'histoire u n e si-
n i s t r e lueur. E n effet, quelle fut alors l'atti-
tude de l'évêque de M e a u x ? Quels furent ses
a c t e s ?
L'édit de N a n t e s fut r é v o q u é le 22 octobre
1685. L a m ê m e s e m a i n e , B o s s u e t d e m a n d a i t
qu'on lui remît les m a t é r i a u x des temples de
N a n t e u i l et d e Morcerf, situés dans son dio-
cèse. U n des p r e m i e r s , il dépouillait les v i c -
t i m e s 1 Ce fait odieux e s t a t t e s t é p a r la d é p ê c h e
s u i v a n t e , d a t é e de F o n t a i n e b l e a u , 29 octobre
1685.
« A monsieur de Mesnars,
« Monsieur,r
» M. l'évesque d e M e a u x a y a n t d e m a n d é a u
roi la démolition des t e m p l e s d e Nanteuil et de
Morcerf pour l'hôpital g é n é r a l et pour l'hôtel-
Dieu de M e a u x , j e v o u s prie de m e faire s ç a -
voir v o t r e advis sur c e t t e d e m a n d e , afin que
j ' e n puisse r e n d r e compte à Sa Majesté. »
« A Monsieur l'évesque de Meaux.
Du 30 octobre 1685.
» Monsieur,
» J e v o u s e n v o y é le b r e v e t de don des t e m -
ples de Nanteuil et Morcerf pour l'hospital gé-
néral et l'hôtel-Dieu de M e a u x , ainsi que vous
les avez demandés. »
Un mois a p r è s , nous v o y o n s Bossuet deman-
der les maisons adjacentes a u x t e m p l e s : le
succès l'enhardissait. Mais ce n'était pas assez
d'avoir les temples des p r o t e s t a n t s ; 1 essentiel
était de g a g n e r les p r o t e s t a n t s e u x - m ê m e s .
Bossuet s'y employa a v e c une g r a n d e activité.
I / a b b é G u e t t é e et le cardinal de B a u s s e t sont
dans leur droit, en l o u a n t le prosélytisme a r -
d e n t d'un des plus illustres champions
ils ont r é p a n d u de g r a v e s e r r e u r s . Ils décla-
r e n t q u e Bossuet t r a i t a toujours les réformés
a v e c douceur, et qu'il n ' e m p l o y a pour les r a -
m e n e r au catholicisme que les a r m e s loyales
e t permises de la persuasion. Ils n e soup-
çonnaient p r o b a b l e m e n t pas l'existence de la
dépêche s u i v a n t e d e P o n t c h a r t r a i n à M. de
M é n a r s , en date du 2 a v r i l 1686 :
a M o n s i e u r , les nommés Cochard , p è r e e t
fils, s'estant c o n v e r t i s , il n'y a q u ' a r e n v o y e r
les o r d r e s qui a v o i e n t esté a d r e s s e z au l i e u -
t e n a n t g é n é r a l de Meaux pour les faire a r r e s -
ter,. p a r c e qu'ils n'avoient esté expédiez qu'à
cause de leur religion, à la prière de M. l'é-
vesque de Meaux. •
L e s historiens de Bossuet, déjà m e n t i o n n é s ,
se s e r a i e n t a b s t e n u s d e v a n t e r s a d o u c e u r ,
s'ils a v a i e n t connu cette a u t r e d é p ê c h e , datée
du 28 octobre 1699, et a d r e s s é e p a r P o n t -
c h a r t r a i n à M. P h e l y p e a u x , g r a n d v i c a i r e d e
M e a u x :
« Monsieur, a y a n t r e c e u de M. l'évesque
d e M e a u x u n mémoire p a r lequel il seroit né-
cessaire démettre dans ta maison des Nouvelles
catholiques de P a r i s les demoiselles de C h a -
landos et de Neuville, j ' e n ay r e n d u compte
au R o y , qui m ' a o r d o n n é d e v o u s escrîre d'en-
v o y e r p r e n d r e u n e des demoiselles de Chalan-
d o s , qui s'appelle H e n r i e t t e e t qui d e m e u r e a u
c h â t e a u de C h a l a n d o s , p r è s de R e b a i s , et les
deux c a d e t t e s des demoiselles de Neuville,
qui d e m e u r e n t à C a u s s y , paroisse d'Ussy, p r è s
la F e r t é - s o u s - J o u a r r e , lesquelles v o u s ferez
c o n d u i r e , s'il vous plaist, a u x Nouvelles c a -
tholiques.
» I l y a a u s s i , d a n s la m ê m e paroisse d ' U s s y ,
d e u x j e u n e s demoiselles, n o m m é e s de Mol-
liers, que M. de Meaux croit nécessaire de
i^enfermer; mais c o m m e elles n e s o n t pas p r é -
s e n t e m e n t sur les lieux, il n e faudra les e n -
v o y e r aux Nouvelles catholiques q u e d e c o n -
c e r t a v e c M. de M e a u x e t d a n s le t e m p s qu'il
dira. »
Nous voilà loin du B o s s u e t d e MM. G u e t t é e
et de Bausset, qui n e prit a u c u n e p a r t « à
ce qui p r é c é d a ou suivit la r é v o c a t i o n de l ' é -
dit de N a n t e s , » et qui a d e « j u s t e s droits à
la r e c o n n a i s s a n c e des p r o t e s t a n t s I » L ' h i s -
toire impitoyable nous en donne un tout a u t r e
fiortraît, et encore n ' a v o n s - n o u s pas épuisé la
iste des a c c a b l a n t s t é m o i g n a g e s qu'elle nous
offre. Voici u n e d é p ê c h e où nous voyons « le
dernier P è r e de l'Eglise» r é c l a m e r l'affectation
des biens d'un r e l i g i o n n a i r e fugitif a u x m i s -
sions o r g a n i s é e s d a n s le diocèse deMeaux,~et
cela a v a n t m ê m e q u ' a u c u n j u g e m e n t de c o n -
fiscation fût i n t e r v e n u 1
« A Monsieur l'évesque de Meaux.
• 9 novembre 1699.
» J ' a y r e ç u la l e t t r e q u e v o u s m ' a v e z é c r i t e
c o n c e r n a n t le n o m m é de Vrillac, de la F e r t é -
s o u s - J o u a r r e , qui s'est a b s e n t é et qui a laissé
u n bien assez considérable, que vous voudriez
appliquer aux dépenses à faire pour l'instruc-
tion aes nouveaux catholiques. Mais comme
la confiscation n e p e u t avoir lieu q u e quand
il s e r a c o n d a m n é , il faut a t t e n d r e qu'il a y t
e s t é r e n d u un j u g e m e n t c o n t r e l u y ; a p r è s
q u o y , j e le proposerai au R o y , selon vos in-
structions. »
Bossuet était bien p r e s s é de recueillir les
fruits de la r é v o c a t i o n e t de t i r e r bénéfice de
l'état désolant où les r é f o r m é s se t r o u v a i e n t .
U n e o r d o n n a n c e d e 1681 a v a i t autorisé les
enfants p r o t e s t a n t s à a b j u r e r dès l'âge d e
sept a n s , a quitter la maison p a t e r n e l l e et à
e x i g e r de leurs p a r e n t s u n e pension. Des e n -
fants de sept ans é t a i e n t donc j u g é s c a p a b l e s
de discerner le v r a i du faux, et de t r a n c h e r
les questions a r d u e s sur lesquelles u n Claude
et un B o s s u e t é t a i e n t divisés. C'était odieux
et a b s u r d e . Cette folie était bien digne de
g e r m e r dans l'esprit d'un L e Tellier ou d'un
Louvois. qui, p o u r étouffer l'hérésie, é t a i e n t
décidés a tout. Mais c o m m e n t Bossuet osait-il
faire j e t e r en prison c e u x que ses e x h o r t a -
tions n ' a v a i e n t pas c o n v a i n c u s ? N ' e s t - c e p a s
là u n e basse c o n d e s c e n d a n c e pour l'esprit
despotique de son t e m p s ? n ' e s t - c e pas u n e
t r i s t e a b e r r a t i o n d e son g é n i e ? E t si 1 on d o u -
tait e n c o r e qu'il e û t p r i t p a r t lui-même à des
a c t e s de cette n a t u r e , n o u s lèverons tous les
doutes en r a p p o r t a n t la n o t e s u i v a n t e , e x -
traite des mémoires d'un a u g u s t i n d é c h a u s s é ,
Léonard d e Sainte-Catherine de Sienne :
0 «De Paris, ce 5 juillet 1G99.
» Deux chefs de famille d e l à v i l l e d e M e a u x ,
de condition fort m é d i o c r e , ont écrit à l e u r
é v ê q u e depuis quelques j o u r s qu'il leur r e s -
toit b e a u c o u p de scrupule sur quelques pointa
de d o c t r i n e , et principalement sur celuv d u
P u r g a t o i r e . Ce p r é l a t les e n v o y a q u é r i r et
t â c h a de leur p r o u v e r ce dogme p a r les meil-
l e u r e s raisons qu'il leur p u t alléguer. Mais
c o m m e ils n ' e n p a r u r e n t p a s satisfaits e t qu'ils
n e v o u l u r e n t point p r o m e t t r e à leur é v ê q u e
d e c h a n g e r de s e n t i m e n t s , il les e n v o y a pren-
d r e d e u x j o u r s a p r è s p a r o r d r e du R o y , e t ils
ont été conduits d a n s les prisons de la Con-
ciergerie de c e t t e ville, où on les fait in-
s t r u i r e . »
Toute l'Eglise, du r e s t e , e t p a r t i c u l i è r e m e n t
l'Eglise de F r a n c e , dont Bossuet était réelle-
ment alors l ' o r a c l e e t l e c h e f , a c c u e i l l i t a v e c l e
m ê m e enthousiasme-l'édit qui r é v o q u a i t celui
de N a n t e s , e t ce qu'il y a d'odieux d a n s la
conduite de l'évêque doit, en g r a n d e p a r t i e ,
r e t o m b e r s u r son siècle et sur l'Eglise m ê m e
à laquelle il a p p a r t e n a i t .
N é a n m o i n s , c e t e s p r i t rigide et si absolu s u r
les questions de d o g m e et d'autorité se p r ê t a
à des t e n t a t i v e s de conciliation e n t r e la com-
munion l u t h é r i e n n e et l'Eglise de R o m e . Il
eut à ce sujet u n e c o r r e s p o n d a n c e a v e c le
d o c t e u r p r o t e s t a n t Molanus, s u r i n t e n d a n t des
Eglises du H a n o v r e . Cette négociation se pour-
suivit de 1692 à 1694, puis fut r e p r i s e en 1699
p a r Leibnitz, qui d'abord n ' a v a i t fait q u e ser-
v i r d'intermédiaire e n t r e Bossuet et les t h é o -
logiens a l l e m a n d s . L e s p o u r p a r l e r s d u r è r e n t
j u s q u ' e n 1701. On sait q u e cette t e n t a t i v e m é -
morable n ' a b o u t i t point ; e t , a v a n t de s'en af-
fliger, il c o n v i e n d r a i t de se d e m a n d e r d'abord
si elle pouvait aboutir. B o s s u e t p r o m e t t a i t
s a n s d o u t e , a u nom de R o m e , quelques c o n -
cessions s u r d e s points d e discipline ; m a i s il
Posait c o m m e condition p r e m i è r e et absolue
a c c e p t a t i o n des d é c r e t s du concile d e T r e n t e .
C o m m e n t était-il possible qu'on s ' e n t e n d î t ?
.L'Eglise r o m a i n e n est pas a c c o u t u m é e à faire
des c o n c e s s i o n s , et il est clair que la réunion
n ' e û t p u s'opérer q u ' a u x dépens de la r é -
f o r m e , qui e u t dû r e n i e r ses principes essen-
tiels.
D e u x g r a n d e s luttes r e m p l i s s e n t les d e r -
n i è r e s a n n é e s d e la vie de B o s s u e t ; l'une
c o n t r e les p r o t e s t a n t s , qui était d'ailleurs p e r -
m a n e n t e , l'autre c o n t r e le quiétisme d e
Mme G u y o n . L'Histoire des variations des
Eglises protestantes est le plus célèbre des ou-
v r a g e s qui se r a t t a c h e n t à la p r e m i è r e ; c'est
un c h e f - d ' œ u v r e de c o n t r o v e r s e , où il oppose
l'une à l ' a u t r e , pour les c o m b a t t r e , les d o c -
t r i n e s du p r o t e s t a n t i s m e , en m o n t r a n t leur
instabilité e t leurs c o n t r a d i c t i o n s , m o n u m e n t
d e dialectique qui n ' a point r e t a r d é c e p e n d a n t
l e triomphe de l'esprit d ' e x a m e n . Dans s a con-
t r o v e r s e c o n t r e le quiétisme, il se m o n t r a
l'homme de la théologie positive c o n t r e les
é g a r e m e n t s du mysticisme. P e n d a n t ces l o n g s
d é b a t s , oubliés aujourd'hui, on e u t le triste
s p e c t a c l e des d e u x plus g r a n d s h o m m e s de
l'Eglise é p u i s a n t leur génie en d ' a i g r e s con-
t r o v e r s e s sur des m a t i è r e s subtiles, comme la
doctrine du pur amour. Si Bossuet e u t pour
lui la raison et l'autorité, il faut r e c o n n a î t r e
qu'il n'y m i t point la modération q u e lui im-
p o s a i e n t son c a r a c t è r e et la c a u s e m ê m e qu'il
s e r v a i t . Il poursuivit M ' "
e
Guyon et Fénelon
a v e c u n e v é h é m e n c e s i n g u l i è r e , les dénonça
au roi, à la cour de R o m e , t o n n a c o n t r e cette
e r r e u r comme il l'eût fait à peine contre u n e
h é r é s i e , et en obtint enfin la c o n d a m n a t i o n .
L a d i s g r â c e m ê m e de Fénelon et s a r é t r a c t a -
tion n e l'apaisèrent point. Il a p p o r t a enfin
dans cette querelle déplorable u n e telle â n r e t é ,
u n e telle irritation, qu'on l'a accusé d avoir
cédé a u x e n t r a î n e m e n t s d'une rivalité d'in-
fluence e t de gloire. D ' a u t r e s , il est v r a i ,
n ' o n t vu d a n s son a r d e u r q u e l'effet d e son
zèle pour les saines doctrines. C'est ici u n e
question d'appréciation. Mais il e s t e e r t a i n q u e
le f o u g u e u x p r é l a t m o n t r a d a n s t o u t e c e t t e
affaire u n e v é h é m e n c e qui n ' a v a i t rien d'apo-
stolique.
M a l g r é l'obligation où il é t a i t d e séjourner
à la cour, à c a u s e de ses fonctions d ' a u m ô -
nier de la Dauphine, Bossuet faisait de f r é -
q u e n t e s visites dans son diocèse, présidait d e s
c o n f é r e n c e s d'ecclésiastiques, t e n a i t un sy -
node c h a q u e a n n é e , parfois même p r ê c h a i t
d a n s s a c a t h é d r a l e , et enfin, a u t a n t q u e s a
position le lui p e r m e t t a i t , r e m p l i s s a i t les fonc-
tions et les devoirs de l'épiscopat. Il a v a i t en
o u t r e institué des missions pour les c a m p a -
g n e s , publié des p r i è r e s , u n c a t é c h i s m e , des
instructions, e t c . E t tout cela au milieu de ses
g r a n d e s affaires, de ses l u t t e s et de la compo-
sition de ses o u v r a g e s . S a prodigieuse acti-
v i t é suffisait à tout.
A t t a q u é d'une m a l a d i e cruelle, la p i e r r e , il
n e p u t se r é s o u d r e à se s o u m e t t r e à l'opéra-
tion de la taille, et p a s s a les d e u x d e r n i è r e s
a n n é e s de sa vie dans les plus g r a n d e s souf-
frances. Son é n e r g i e intellectuelle n e l'avait
c e p e n d a n t pas a b a n d o n n é ; m a l g r é ses d o u -
l e u r s , il s*occupa j u s q u ' à l a fin d ' é t u d e s , de
t r a v a u x de p i é t é , de la révision d e ses o u -
v r a g e s , et enfin, q u a n d il e x p i r a , il v e n a i t
d ' a c h e v e r la p a r a p h r a s e du p s a u m e X X I .
P h i l o s o p h e , o r a t e u r , h i s t o r i e n , théologien,
c o n t r o v e r s i s t e , politique, B o s s u e t fut le g é n i e
le plus v a s t e e t le plus c o m p l e t de son siè-
cle, l'oracle d e l'Eglise d e F r a n c e , et la plus
i m p o s a n t e figure du christianisme dans les
t e m p s m o d e r n e s . L a B r u y è r e a m ê m e pu l'ap-
p e l e r u n Père de l'Eglise s a n s é t o n n e r s e s
c o n t e m p o r a i n s ni la postérité, et l'on p o u r r a i t
en effet le c o m p a r e r à saint Augustin p o u r
l ' a s c e n d a n t e t l'autorité qu'il e x e r ç a , ainsi q u e
p o u r la p u i s s a n t e fécondité d e son g é n i e .
O u t r e les écrits q u e nous a v o n s cités, on a
BOSS
encore de lui : Catéchisme du diocèse de
M eaux; Maximes sur In comédie, où il con-
damne les spectacles; Commentaire sur l'A-
pocalypse, où il interprète cette prophétie
dans le sens de la chute de l'empire romain;
Avertissements aux protestants; Défense de
l'Histoire 'des variations;. divers écrits de
controverse contre le quiétisnie, des instruc-
tions pastorales, des traités, des travaux
d'exégèse, etc.; enfin, une Correspondance
immense, entretenue avec un grand nombre
de personnages, et notamment avec Leibniiz
(de 1G92 à 1G94, puis de 1699 à 1701), dans le
but d'opérer la réunion des protestants à l'E-
glise romaine, comme nous l'avons dit plus
haut. Parmi les éditions complètes des œu-
vres de Bossuet, on estime celle de 1825 (Pa-
ris, 60 vol. in-12). Il existe aussi des éditions
des œuvres choisies. Dans ces dernières an-
nées, on a commencé la publication de plu-
sieurs éditions des œuvres complètes, Yune
donnée par les prêtres de l'Immaculée Concep-
tion de Saint-Dizier, imprimée à Bar-le-Duc;
une autre imprimée à Lyon; enfin une troi-
sième, très-soignée, donnée par M. F. La-
chat (Besançon, in-8°). "Voy. la Vie de Bossuet,
par le cardinal de Bausset. Voy. aussi l'abbé
Le Dieu, Mémoires et journal sur la vie et les
ouvrages de Bossuet (Paris, 1856-1857).
Dans cette notice, nous avons envisagé ce
puissant génie en nous plaçant autant que
possible au point de vue de son temps, sans
le discuter et sans le juger, chose qui pourrait
sembler téméraire quand il s'agit d'un homme
aussi grand, qui est la plus haute expression
du génie catholique à.la fin de l'ère ancienne,
à l'aurore des temps nouveaux. Bossuet oc-'
cupe en effet, dans l a monarchie de Louis XIV,
la première place peut-être après le roi. Il est
le centre des choses spirituelles, le régula-
teur suprême de toutes les affaires ecclésias-
tiques, la grande autorité, le chef réel des
évêques de France. Depuis saint Bernard, on
n'avait pas eu d'exemple d'une influence
aussi prépondérante.L'illustre prélat ne la dut
as seulement à son éloquence, à son génie,
son grand caractère, mais à d'autres causes
encore qu'il convient d'apprécier. Si nous le
jugeons en effet comme théologien, comme phi-
losophe, comme politique et comme historien,
nous reconnaîtrons qu'il fut l'incarnation la
plus complète des idées et des doctrines de
son siècle ; nul n'a plus magistralement repré-
senté la discipline, l'autorité, la tradition, la
vénération pour les puissances, tous les prin-
cipes officiels du grand règne, qu'on pourrait
l'accuser même d'avoir exagérés. En théolo-
gie, il est pour la rigueur dogmatique, pour
les idées qui sont admises le plus ancienne-
ment et le plus généralement dans l'Eglise,
l'adversaire inflexible de toutes les nouveautés,
le jansénisme, le quiétisme, le molinisine, le
quesnélisme, la réforme, etc. A l'ardeur avec
laquelle il combat ces doctrines, on voit bien
qu il s'est nourri du terrorisme biblique bien
plus que des tendresses de l'Evangile. Tout
changement est coupable et mauvais; l'état
immuable est le seul bien ; Dieu est l'immutabi-
lité même. De ces idées découle nécessairement
la condamnation du monde, où tout change et se
renouvelle. Il n'y a pas harmonie entre 'le ciel
et la terre, mais opposition ; on ne peut aimer
à la fois Dieu et le monde, la vie présente et
la vie future, etc. Son culte pour le passé,
pour la tradition, le conduisait même à main-
tenir les croyances qui choquaient de plus en
plus l'esprit moderne, telles que la magie,les
apparitions, la réprobation absolue des reli-
gions antiques, et conséquemment la damnation
de tous les sages et de tous les héros de l'an-
tiquité. C'est ainsi qu'il traite Socrate, Marc-
Aurèle et autres d'ennemis de Dieu (Oraison
funèbre du prince de Condé). De même, le
dogme du péché originel lui fait paraître lé-
gitimes les dispositions législatives qui punis-
saient le père dans sa postérité : « Il n'est
pas moins juste, dit-il, de punir un homme
dans ses enfants que dans ses membres et
dans sa personne. •
Nous devons nous borner ici à quelques
observations générales, en renvoyant le lec-
teur, pour les développements, aux articles
spéciaux de ce Dictionnaire consacrés à l'exa-
men des principaux ouvrages de Bossuet.
En résumé, 1 originalité de Bossuet, comme
théologien, est. précisément de repousser
toute originalité, toute innovation, même tout
développement neuf- de se fortifier au centre
de la doctrine officielle, de n'admettre que les
choses consacrées et de ne rejeter aucune de
celles qui sont consacrées.
Jl est facile d'imaginer, d'après ces princi-
pes, qui d'ailleurs sont ceux du pur catholi-
cisme, ce que seront ses opinions touchant
les choses de la terre, l'organisation des so-
ciétés humaines. Ses théories sont telles, sur
ce point, que les civilisations asiatiques de-
vraient être regardées comme un idéal en fait
de politique et de gouvernement. On n'a ja-
mais, en effet, donné une, théorie plus com-
plète du despotisme pur, et il serait impossi-
ble d'imaginer un état social plus dégradant,
plus voisin de la barbarie : le genre humain
n'est plus qu'un bétail ; il n'y a plus de so-
ciété, plus de citoyens, mais des troupeaux
dociles, défilant sous la verge du prince, qui
est nécessairement, fatalement, le représen-
tant de Dieu sur la terre. Bien plus, les rois
sont eux-mêmes des espèces de dieux sur la
terre. Ecoutez plutôt : « L'autorité royale est
absolue. Le prince ne doit rendre compte à
personne de ce qu'il ordonne. Les princes sont
BOSS
des dieux, suivant le langage de l'Ecriture,
et participent en quelque ftiçon à l'indépcii-
ilance divine. Contre l'autorité du prince, il
ne peut y avoir de remède que dans son au-
torité. Il n'y a point de force coactive contre
le prince... Le prince est un personnage pu-
blic : tout l'Etat est en lui; la volonté de tout
le peuple est renfermée dans la sienne... On
ne doit pas examiner comment est établie la
puissance du prince : c'est assez qu'on le
trouve établi et régnant... Il n'est permis de
s'élever, pour quelque cause que ce soit,
contre les princes... Au caractère royal est
inhérente une sainteté qui ne peut être effa-
cée par aucun crime, même chez les princes
infidèles... »
Il serait inutile de multiplier ces citations
et de commenter de semblables théories, dont
les conséquences sont assez claires, et qui
sont un témoignage caractéristique du féti-
chisme et de la servilité du temps. Qui ne
voit aussi que Bossuet, en déifiant le prince,
quel qu'il soit et de quelque manière qu'il ait
été établi, en le marquant d'un caractère de
sainteté qu'aucun forfait ne peut effacer,
n'est plus qu'un adorateur du fait brutal, de
la force pure, et qu'il rétrograde ainsi par
delà le moyen âge même et jusqu'aux césars
byzantins. Voilà le fond de la politique qu'il
dit avoir tirée de l'Ecriture sainte. Evidem-
ment, elle y avait été déposée à l'intention de
Louis XIV. Il établit, il est vrai, que Dieu est
au-dessus de tous les monarques; mais c'est
pour en déduire, pour ceux-ci, la nécessité de
partager l'autorité avec le sacerdoce et de
détruire dans leurs Etats les fausses religions.
Sa philosophie historique est tout aussi élé-
mentaire, et, osons le dire , ne supporte pas
mieux l'examen. Nous en avons dit un mot
F
lus haut. Transportant la théologie dans
histoire, il ne voit que des coups a'Etat de
la Providence dans les révolutions des empi-
res, asservit les événements à la domination de
son génie, suivant une expression de Cha-
teaubriand , accepte des symboles et des
mythes comme des faits d'histoire positive,
et, par la plus étonnante des licences oratoires
ou poétiques, rattache sérieusement les fastes
de toutes les nations à l'histoire obscure du
petit peuple juif, représenté comme le centre
du monde entier. C'est pour l'instruction,
E
our l'édification ou le châtiment de ces tri-
us ignorées du monde antique que les em-
pires croulent, que les conquérants dévastent
la terre, que les peuples émigrent, que les
civilisations naissent, fleurissent et meurent.
Rien ne s'est passé dans l'univers que pour
l'accomplissement de la parole de Dieu, pour
la vérification des prophéties hébraïques. Na-
turellement , Bossuet laisse en dehors de son
plan les peuples que n'avaient point connus
les rédacteurs des livres mosaïques, toute la
haute Asie, les deux Amériques, etc., enfin
des centaines de nations qui apparemment ne
comptaient point aux yeux de leur créateur,
puisque les docteurs ont dédaigné de leur at-
tribuer un rôle dans le grand drame provi-
dentiel. Ces poétiques hallucinations ne sont
plus à réfuter aujourd'hui, et pour les admet-
tre il nous faudrait oublier ou rejeter les no-
tions les plus positives de la science. Mais
d'ailleurs ce n est pas au savoir humain, à
l'expérience acquise, que Bossuet fait appel
pour édifier ses théories : c'est du ciel qu'il
tire tous ses documents; c'est la parole de
Dieu qu'il invoque; il ne démontre pas, il af-
firme. Il ne faudrait pas le juger avec les
principes rigoureux des sciences humaines,
qu'il méprise et qu'il domine de toute la hau-
teur de son inspiration. Par sa méthode, il
est à dix siècles de nous, dans le monde des
scolastiques, des enthousiastes et des vision-
naires. C'est de la Bible qu'il tire sa chrono-
logie, son ethnographie, son histoire primi-
tive, comme il en a tiré sa philosophie, son
éloquence et sa théologie.
Ce système de tout interpréter, de tout ex-
pliquer par les livres saints s'était tellement
emparé de lui, qu'on en retrouve partout la
trace, jusque dans celles de ses œuvres où il
est appelé à traiter des sujets modernes. Et,
pour ne citer qu'un exemple de cette applica-*
tion continuelle de la théologie à l'histoire,
des lois providentielles aux misères des an-
nales humaines, n'expliquait-il pas la révolu-
tion d'Angleterre en disant que Dieu l'avait
faite pour sauver l'âme de Madame.
Ces réserves faites au nom de l'esprit de
notre temps, il nous semble presque super-
flu d'ajouter que nous n'en considérons pas
moins Bossuet comme un des plus vastes gé-
nies des temps modernes. Il nous paraît même
douteux que le catholicisme produise désor-
mais un champion d'une telle puissance et qui
s'élève à une si grande autorité.
Pour l'analyse des ouvrages de Bossuet,
voyez, dans'ce Dictionnaire, les articles sui-
vants : Avertissements aux protestants ; Expo-
sition de la doctrine de l Eglise catholique;
Discours sur l'histoire universelle; Catéchisme
du diocèse de Meaux; Elévations à Dieu ; His-
toire des variations, etc.; Oraisons funèbres;
Politique tirée des propres paroles de l'Ecri-
ture sainte, etc., etc.
B o s s u e t (MÉMOIRES ET JOURNAL SUR LA VIE
ET LES OUVRAGES DE), publiés pour la première
fois d'après les manuscrits autographes, et
accompagnés d'une introduction et de notes,
par l'abbé Le Dieu (Paris, 1856). Cet abbé
Le Dieu était secrétaire du grand évêque de
Meaux. Les documents qu'il avait laissés sur
BOSS
1 la vie et les ouvrages de Bossuet avaient été
fi perdus de vue, après avoir passé'de main en
main. Ces manuscrits, recueillis enfin par
M. l'abbé Guettée, sa composent de mémoires
biographiques où l'auteur trace rapidement
toute la vie de Bossuet depuis sa naissance
jusqu'à sa mort, et d'un journal plus détaillé,
mais embrassant une période moins étendue.
Dans ce journal, le narrateur se borne à ra-
conter ce qu'il a vu par lui-même, ou appris
de la bouche de Bossuet; il rappelle jour par
jour toutes les actions de l'évêque de Meaftx,
depuis 1699, époque de son entrée auprès de
lui. Outre que ces deux documents complètent
les faits connus de la vie de Bossuet, ils ser-
vent à fixer l'opinion sur certains points con-
troversés de son rôle au milieu des partis qui
divisaient alors l'Eglise, et qui se retrouvent
aujourd'hui en présence dans les discussions
I politiques de la presse. Dans les trois volumes
du recueil, l'éditeur donne une notice sur
l'abbé Le Dieu et une introduction assez éten-
due, où il examine successivement Bossuet
dans ses rapports avec l'Assemblée de 1682,
avec les protestants, avec Fénelon et le quié-
tisme, avec les jansénistes et Port-Royal.
Initié aux détails d'une existence célèbre,
l'abbé Le Dieu était loin de posséder toujours
l'intelligence des grandes pensées oui l'ont
remplie. Bossuet jugeait son auxiliaire à sa
valeur réelle, et ses communications ou ses
confidences n'étaient pas sans réserve. De là
des lacunes que le secrétaire note en passant
pour les combler en temps opportun, à la suite
d'autres confidences ou d'autres travaux dont
il sera' chargé. Il est donc réduit parfois à con-
jecturer, quitte à rectifier après coup. Le Dieu
n'est ici que le Dangeau de Bossuet.
Les menues particularités de la vie intime
de Bossuet nous révèlent des côtés tout nou-
veaux de son caractère : de la bonhomie, une
certaine vivacité naturelle, parfois même de
la gaieté. Mais ici la dignité n'abandonne ja-
mais le maître, et le respect est rarement ou-
blié par le serviteur. Dans sa résidence épi-
scopale, le grand évêque tempérait l'austérité
de ses devoirs par les joies de la famille et par
les distractions de la société. Les relations
officielles avec la cour, soit à Saint-Germain,
soit à Fontainebleau, soit à Versailles, sont
décrites avec intérêt et parfois avec talent.
La rédaction des Mémoires porte un cachet
plus littéraire que celle du journal. L'auteur
a pu choisir, coordonner. Il nous intéresse plus
qu'il ne croit, quand il cherche à décrire les
procédés de l'éloquence de Bossuet. Le tableau
des derniers moments du grand orateur, qui
termine les Mémoires, est d'un effet saisissant ;
ce récit, sans artifice de style, atteint à la
grandeur par sa simplicité.
Cette noble physionomie perdait de sa sé-
rénité ordinaire, non devant la rivalité d'in-
fluence, majs devant la gloire littéraire de
Fénelon. Rien ne peut justifier l'incroyable
jugement que Bossuet a porté sur le Télé-
maque.
Bossuet (PORTRAIT DE), par Rigaud; musée
du Louvre. L'illustre orateur est debout, te-
nant de la main droite son bonnet de docteur
et appuyant la main gauche sur un livre, posé
sur une table où l'on voit un encrier, des pa-
piers et divers volumes. Il est revêtu de ses
habits pontificaux : robe de moire bleue, sur-
plis de mousseline blanche ornée de dentelles,
manteau bleu à collet, garni de cygne et dou-
blé de rouge, rabat et croix pectorale. Des
papiers et des livres sont à terre, près de la
table. Dans le fond, un rideau relevé, entre
deux colonnes, laisse apercevoir le ciel. Ce
portrait, de grandeur naturelle,, est un des
plus beaux que Rigaud ait peints : il fut com-
mencé en 1698 et achevé seulement en 1705.
Après avoir appartenu, à l'abbé Bossuet, ne-
veu du prélat, il passa dans la collection
Grawford et fut acheté 5.000 fr. par l'admi-
nistration du Louvre, en 1821. Il a été gravé
par Pierre Drevet fils, en 1723. Un portrait en
buste de Bossuet, peint par Rigaud, se voit
au palais Pitti, à Florence.
BOSSUET. (Jacques-Bénigne), théologien et
prélat français, neveu de 1 illustre évêque de
Meaux, né en 1664, mort à Paris en 1743. Il
était licencié en théologie et séjournait à Rome
avec son précepteur, l'abbé Phélippeaux, au
moment ou son oncle était engagé dans la
querelle du quiétisme. Quand parut le livre de
Fénelon, les Maximes des saints, il fut chargé
par le grand Bossuet d'en poursuivre la con-
damnation auprès du saint-siége. Il mit dans
cette déplorable affaire une passion incroyable,
jusqu'à traiter le doux Fénelon de « bête fé-
roce qu'il faut poursuivre jusqu'à ce qu'on l'ait
terrassée. * Sa volumineuse correspondance,
insérée dans l'édition in-4« des œuvres de son
oncle, est un curieux témoignage de la vio-
lence et de l'acharnement qu'il déploya dans
cette négociation. Appuyé surtout par le car-
dinal Casanata, il obtint, comme on le sait, la
condamnation de l'archevêque de Cambrai.
A son retour en France, il fut nommé abbé de
Saint-Lucien de Beauvais, et appelé en 1716
à l'évêché de Troyes, dont il se démit en 1742,
une année avant sa mort. Outre un mande-
ment remarquable, relatif à l'office de Gré-
goire VII, il a publié un Missel pour le diocèse
de Troyes, dont les innovations excitèrent des
réclamations fort vives et qu'il dut modifier.
On lui doit en outre la publication de plusieurs
ouvrages posthumes de son oncle.
BOSSUET
BOSSUET (François-Antoine-Joseph), pein-
tre belge contemporain, né à Ypres, en 1800,
BOSS 1027
s'est fait connaître par des vues architectu-
rales traitées avec une remarquable entente
de la perspective et vigoureusement pointes.
Il excelle à représenter les merveilles archi-
teotoniques dont le génie arabe a couvert le
sol de l'Espagne : il en reproduit, d'une façon
très-nette et très-séduisante, les capricieuses
harmonies et les chaudes colorations. Trois
tableaux de lui, les Tours romaines à Grenade
(appartenant à l'empereur); la Cathédrale de
Séville (musée de l'Etat, à Bruxelles) et les
Buines moresques, ont figuré avec honneur à
l'Exposition universelle de Paris, en 1855.
Parmi les autres ouvrages de cet artiste,
nous citerons : les Huines d'un pont moresque
à Grenade (musée de Liège); la Cour de Saint-
Amand, à Rouen (musée de l'Etat, à Bruxel-
les); la Vue d'Anvers, la Vue de Cordoue et
les Buines d'un théâtre romain, près de Fez
(galerie du roi.des Belges); la Cour des Lions
à l'Alhamdra et la Cour d'honnenr de l'Alcazar
de Séville (galerie du roi de Wurtemberg) ; la
Porte de Justice à l'Alhambra (musée de
Mons) ; la Cathédrale et la Giralda, à Séville
(musée de Berlin) ; une Porte moresque à Gre-
nade (galerie de la reine d'Angleterre) ; une
Porte romaine à Cordoue (galerie du comte
de Flandre) ; un Aqueduc romain, à Séville
(musée de Philadelphie , en Amérique) ; les
Halles d'Yvres (musée d'Ypres); la Mosquée
de Jacoub, au Caire (galerie du comte Solti-
kofl, à Saint-Pétersbourg); etc. M. Bossuet a
publié à Bruxelles, en 1833, un Cours de per-
spective pittoresque. Il est professeur à l'Aca-
démie royale des beaux-arts de Bruxelles,
membre des Académies des arts de Rotterdam,
de Cologne et de Philadelphie, officier de l'or-
dre de Léopold et chevalier de l'ordre espa-
gnol d'Isabelle la Catholique.
BOSSUÉTIEN,
BOSSUÉTIEN, IENNE S. (bo-Sué-ti-ain , "
i-ène — rad. Bossuet)'. Se dit des partisans,
des admirateurs de Bossuet : M. de Bausset,
qui écrivait alors son histoire de Bossuet, s'y
montre aussi BOSSUÉTIEN qu'il est fénelonien
dans l'histoire de Fénelon. (Rigault.)
B O S S U É T I Q U E adj. (bo-sué-ti-ke — rad.
Bossuet). Digne de Bossuet, qui tient de l'élé-
vation de Bossuet : Style BOSSUÉTIQUE. Elo~
quence BOSSUÉTIQUE. Pensée BOSSUÉTIQUE.
BOSSUÉTISME
BOSSUÉTISME s. m. (bo-sué-ti-sme —
rad. Bossuet). .Doctrine, principes religieux,
élévation de Bossuet.
BOSSUÉTISTE
BOSSUÉTISTE s. m. ( bo-sué-ti-ste —
rad. Bossu&t). Partisan de la doctrine ou du
genre de Bossuet. ^
BOSSUIT
BOSSUIT (Francis), habile sculpteur en
ivoire, né.à Bruxelles en 1635, mort à Amster-
dam en 1G92. Il voyagea en Italie, et se fixa
ensuite à Amsterdam, ou son talent à sculpter
l'ivoire le rendit bientôt célèbre. Ses princi-
pales productions ont été gravées par Pool
' en 1727.
BOSSUT
BOSSUT (Charles, abbé), célèbre mathéma-
ticien français, né en 1730 à Tarare, près de
Lyon, mort en 1814, vint à Paris, où ses talents
précoces lui valurent la protection de Clairaut
et celle de d'Alembert, qui devait se l'associer
plus tard pour la partie mathématique do
Y Encyclopédie. En 1760, il partagea avec la
fils de Daniel Bernouilli le prix proposé par
l'Académie de Lyon Sur la meilleure forme
des rames; l'année suivante, il partagea avec
le fils d'Euler le prix Sur Varrimage, pro-
posé par l'Académie des sciences; en 1762. il
remporta un autre prix dans un concours Sur
la question des planètes; l'Académie de Tou-
louse eut aussi l'occasion de couronner plu-
sieurs de ses mémoires, et tant de couronnes
lui valurent une réputation précoce. A vûigt-
deux ans, il fut nommé examinateur pour
l'école du génie de Mézières, entra en 1768 à
l'Académie des sciences, obtint une chaire
d'hydrodynamique créée pour lui au Louvre
et rentra dans la retraite à l'époque de la Ré-
volution. Sous l'Empire, il fut élu membre de
l'Institut et nommé examinateur à l'Ecole po-
lytechnique. Outre les diverses dissertations
que nous avons mentionnées, on lui doit un
ouvrage sur la Mécanique en général (1792),
un Cours complet de mathématiques (1765), un
Essai sur l'histoire des mathématiques (1802,
2 vol. in-8°), des Mémoires concernant la na-
vigation, l'astronomie, la physique et l'hisloire
(publiés en 1812, in-8°) et une édition des
Œuvres de Pascal.
Nous ne dirons rien des ouvrages didac-_
tiques de Bossut : ils ont vécu le temps que
vivent les ouvrages de ce genre, vingt ou
trente ans, au bout desquels, les méthodes
ayant changé, les élèves doivent recourir à
de nouveaux guides; mais l'Histoire des ma-
thématiques mérite un examen spécial. Outre
que celle de Montucla était déjà fort en retard,
elle présentait de grands défauts. Très-prolixe
en détails insignifiants et d'ailleurs peu authen-
tiques sur l'antiquité, elle effleurait seulement
les grands sujets que présente la période mo-
derne; la facture en était lourde; enfin, la di-
vision par auteurs adoptée par Montucla, plut,
commode assurément pour 1 écrivain, présente
pour le lecteur de grands inconvénients. L'his-
toire des mathématiciens n'est pas l'histoire
des mathématiques. La classification de Bossut
est meilleure ; son style net, clair et facile
pourrait en bien des endroits servir de modèle ;
enfin, il a su débarrasser son sujet de beaucoup
de discussions oiseuses sur l'antiquité.
L'histoire de la géométrie ancienne jusqu'à
Ptoiémée est pour ainsi dire parfaite ; mais la
1028 BOST.
BOST BOST . BOST
seconde partie de l'ouvrage comporte bien des
critiques. En premier Heu, Bossut n'a rien
compris de la révolution qui a marié les re-
cherches jusque-là stériles de Diophante et
des arithméticiens arabes à celles des géo-
mètres grecs. Non-seulement il ne décrit pas
les efforts des Tartaglia, des Cardan, des Viète
pour fonder l'application de l'algèbre à la géo-
métrie, mais il ne parait pas même les aper-
cevoir; il raconte les découvertes de ces géo-
mètres, mais sans voir qu'elles ouvrent un
nouveau monde. La réduction du concret à
^abstrait, de la grandeur à sa mesure, par
l'intervention, de l'unité, la substitution des
calculs sur les nombres aux combinaisons sur
les figures, ne sont pas même signalées. L'his-
toire d'une des plus grandes évolutions qu'ait
effectuées l'esprit mathématique manque tota-
lement dans l'Histoire des mathématiques de
Bossut.
L'intervention de l'algèbre dans les spécu-
lations purement géométriques a presque, dès
l'abord, créé une nouvelle série didées entiè-
rement modernes, que Bossut n'entrevoit pas
davantage ou qu'il n'aperçoit que dans leurs
applications. Nous voulons parler de la mé-
thode des modernes pour la découverte des
conditions de possibilité des problèmes par la
discussion des formules littérales, et de l'inter-
prétation des solutions négatives ou imagi-
naires, à laquelle a abouti l'esprit de générali-
sation. Le calcul symbolique des formules des
grandeurs virtuelles (négatives ou imaginaires)
n'obtient pas même une remarque dans l'His-
toire des' mathématiques.
L'histoire de l'invention du calcul différentiel
et intégral est assez satisfaisante; toutefois la
part qu'y eurent Descartes et Fermât, Pascal
et Roberval est complètement passée sous si-
lence.
Quant aux jugements portés par Bossut, ils
sont souvent partiaux et erronés. Ainsi la pré-
pondérance qu'il accorde à Henriot et à Wallis
sur Descartes, en algèbre, est tellement ab-
surde qu'elle pourrait faire croire à de mau-
vais sentiments. D'un autre côté, le persiflage
dont Bossut accable Descartes au profit de
Newton, à propos des théories de 1 émission
et des ondulations, est presque indécent.
Descartes avait sans doute eu tort de don-
ner une forme trop positive a ses idées, as-
surément fort vagues, sur la lumière et la
elmleur; mais, outre que Descartes avait pré-
cédé Newton de beaucoup, la théorie de New-
ton-n'avait, en définitive, rien que d'hypothé-
tique, efrsi les théories de Descartes n'ont pas
résisté à l'épreuve du temps, elles n'en ont
pas moins servi de base aux théories modernes.
BOST
BOST (Jean-Augustin), fils du précédent, né
à Genève en 1815, a publié un Dictionnaire de
la Bible (1849, 2 vol. in-8°), qui a été réédité
en 1864. — Jean BOST, son frère, né à Mou-
tiers (Suisse) en 1817, fit aussi des études
théologiques et fut appelé a. Laforce (Dordo-
gne), pour desservir une congrégation pro-
testante. Là, il a fondé successivement cinq
établissements de charité, dont les principaux
sont : la Famille évangélique, asile destiné
aux jeunes orphelines, et Bethesda, où on re-
çoit des idiots ou des incurables. Ces éta-
blissements ont valu à M. Jean Bost le prix
Montyon en 1861.
BOST
BOST (Ami), pasteur protestant, né a Ge-
nève le 10 juin 1790, de parents réfugiés,-origi-
naires de Beaumont, près de Valence (Drôme).
IL fit ses études de théologie a Genève, puis
devint pasteur à, Moutiers (canton de Berne),
et passa plusieurs années en Alsace et en
Allemagne, en lutte ouverte avec le clergé
protestant, qu'il accusait de professer les héré-
sies d'Arius ou de Socin. II était à Genève
lorsque, vers 1820, eut lieu ce mouvement re-
ligieux qui prit le nom de Réveil et qui était
un contre-coup de la réaction religieuse de
l'Angleterre et de l'Allemagne. Ses sympathies
marquées pour les nouveaux prédicateurs qui
accusaient d'indifférence le clergé de l'Eglise
nationale, le forcèrent à quitter cette Eglise.
Il eut à soutenir alors de violentes polémiques,
au milieu desquelles il rencontra un adver-
saire aussi instruit que spirituel, M. le pro-
fesseur Chenevière. Après de nombreuses mis-
sions évangéliques en Suisse, M. Ami Bost
rentra dans le clergé de Genève, dont il croyait
que l'esprit s'était modifié. Depuis, il a été
pasteur à Bourges (1843), et aumônier des
prisons à Melun (1846). Ses ouvrages princi-
paux sont : Défense des fidèles de Genève
(1825); Procès du ministre Bost (1827); His-
toire ancienne et moderne des Frères de Bohême
et de Moravie (1831, 2 vol.): Recherches sur les
formes et la constitution de l'Eglise (1834);
Histoire générale de l'établissement du chris-
tianisme (1838, 4 vol.). M. Bost fit réimprimer
en 1847, le Théâtre sacré des Cévennes, avec
une préface et des notes. Il'a aussi publié des
Mémoires (1864 , 3 vol.). Les œuvres musi-
cules de M. Bost ont été fort goûtées par les
Eglises protestantes de langue française, qui
les ont fréquemment adoptées pour leur culte.
Elles ont été réunies en un volume, en 1866.
BOST
BOST (Alexandre-Armand), jurisconsulte et
administrateur français, né à Cahors en 1799.
Après avoir achevé ses études de droit, il entra,
en 1830, dans l'administration, et devint suc-
cessivement sous-chef de bureau au ministère
de l'intérieur, sous-préfet à Nontron et à
Brioude, et préfet du Lot en 1848. Il a publié :
législation et jurisprudence des tribunaux de
simple police (1830, in-8°) ; Encyclopédie mu-
nicipale (1856 et années suivantes); Encyclo-
pédie des justices de paix et des tribunaux de
simple police (1851, 2 vol. in-8°). Il a fourni en
outre un grand nombre d'articles aux jour-
naux'et recueils spéciaux, ainsi qu'à l'Ency-
clopédie du xix
R
siècle.
BOSTANBOSTAN (EL-) , la Comana des anciens,
ville de la Turquie d'Asie dans l'Anatolie, à
80 kilom. N.-E. de Marasch, au pied du Tau-
rus, sur le Kizil-Ermack; 10,000 hab. Terri-
toire très-fertile; grand commerce de grains.
Boston, livre du poète persan Saadi. Moins
connu en Europe que le Gulistan, le Boston
jouit en Orient d'une célébrité au moins égale
à celle de ce charmant poème. Le mot bostan
signifie jardin, et est composé de deux mots
persans : bo ou bou, parfum, et stan, désinence
caractéristique des noms de lieu. Le Bostan
est un poème qui comprend environ quatre
mille vers ou beïts. Il se divise en dix chapitres
ou portes (bab). Comme composition et comme
exécution, le Bostan est analogue au Gulis-
tan ; il contient, comme ce dernier, un nombre
considérable d'anecdotes de toutgsnre, suivies
de réflexions morales, et souvent très-gra-
cieusement et très-pittoresquement rendues.
On remarque cependant une prédominance re-
ligieuse qui rappelle le mysticisme brillant de
Ferid el Din Attar, Hafiz, Roumi, etc. Tous
les vers sont sur la même mesure. Laissons
Saadi nous expliquer lui-même la disposition
et le but de son livre : « Mon poème, dit-il
dans la préface, est un palais d'enseignement
à dix portes (chapitres). La première, c'est la
justice, le gouvernement des hommes, la
crainte de Dieu, etc. J'ai posé les fondements
de la seconde porte sur la bienfaisance. La
troisième porte, c'est l'amour, l'ivresse (spi-
rituelle et mystique). La quatrième est con-
sacrée à, l'humilité, la cinquième au contente-
ment intérieur A la septième porte
;
on voit
l'administration du monde; à la huitième, le
bienfait de la santé- la neuvième, c'est le re-
pentir et la voie droite ; la dixième, enfin, con-
tient des prières et termine le livre. • Il
n'existe pas en français une traduction com-
plète du Bostan. M. Graf en a publié une en
vers allemands ; il a aussi fait imprimer avec
un grand luxe le texte persan, accompagné
du commentaire dans la même langue, à l'im-
primerie impériale de Vienne, en 1858.
BOST
BOST (Théophile), frère du précédent, né à
Genève en 1828, a tait ses études théologiques
h Strasbourg. Nommé d'abord pasteur évan-
géliste à Cbâlons-sur-Marne, de 1852 à 1853,
il devint ensuite professeur à l'institution Du-
plessis-Mornay, a Paris. En 1858, l'Eglise na-
tionale de Verviers (Belgique) le choisit pour
son pasteur; il la dessert encore aujourd hui.
M. Th. Bost a publié, en 1855, une traduction
de l'ouvrage du docteur Ulmann sur la Sain-
teté parfaite de Jésus-Christ. En 1865, il a
publié un livre intitulé : le Protestantisme li-
béral, livre que M. Rolland a dénoncé au
sénat, le 2 mars 1866, comme subversif de
toute religion chrétienne, et que le synode
des Eglises réformées de Belgique avait at-
taqué en 1863. M. Bost est un des représen-
tants distingués de cette partie du protestan-
tisme qui travaille à la conquête de la liberté
de conscience pleine et entière, qui ne veut
plus de confessions de foi imposées, qui rejette
le surnaturel comme inutile à la régénération
du cœur et secondaire dans l'œuvre de Jésus,
et qui, voyant dans le fondateur du christia-
nisme un modèle qu'on ne dépassera jamais,
se réclame de lui, et se le propose pour exemple,
sans tenir compte des systèmes théologiques
inventés sur son œuvre et sur sa personne. En
outre, M. Th. Bost a collaboré à la Revue de
théologie publiée à Strasbourg depuis,1850, et
au Disciple de Jésus-Christ, revue du'protos-
tantisme placée sous la direction de M. le pas-
teur Martin Paschoud.
BOSTANDJI
BOSTANDJI ou BOSTANGI s. m. (bos-tan-
ji — du pers. bostan, jardin, et du turc dji,
particule qui indique la profession). Garde
du sérail, chargé en même temps de la sur-
veillance ou de l'entretien des jardins : Les
roses du Fayoum ne servent que pour l'huile
et les confitures ; les BOSTANGIS venaient nous
en offrir de tous côtés. (Gér. de Nerval.)
— Bostangi-bachi, Chef des bostangis.
— Encycl.-Le mot persan bostan, signifiant
jardin, a passé en turc et en serbe, où il a
quelquefois la signification restreinte de me-
lon. En ajoutant à ce mot la particule turque
dji, qui sert à former les noms de métiers, on
obtient bosiandji, jardinier. Les bostandjis du
sérail ont pour mission spéciale de servir
l'embarcation ou caïc du Grand Seigneur.
Leur chef, le bostandji-bachi (mot à. mot: du
jardinier sa tête) commande l'embarcation,
dont il tient le gouvernail. Le nombre des
bostandjis, qui s'est élevé à un moment à trois
mille, est de beaucoup diminué maintenant.
Le bostandji-bachi est chargé d'inspecter les
jardins du sérail, et les palais ou endroits de
divertissements qui se trouvent au bord de
l'eau. C'est à tort qu'on a considéré les bostan-
djis comme un corps militaire. lisse divisent
en neuf classes, suivant leur âge et leurs fonc-
tions ; c'est parmi eux qu'étaient souvent
choisis les exécuteurs des condamnations à
mort prononcées par le sultan.
BOSTAR
BOSTAR ou BOSTOR, général carthaginois,
fut chargé avec Hamilcar et Asdrubalde re-
pousser l'invasion de Régulus en Afrique, et
tut vaincu avec ses collègues devant Adis.
Suivant la version douteuse de Diodore, il fut,
après la mort de Régulus, livré à la famille
de ce général, qui l'accabla de mauvais trai-
tements et le fit mourir. — L'histoire cite en-
core deux autres généraux carthaginois du
même nom, dont l'un aurait été tué dans une
révolte de ses troupes en Sardaigne (l'an 240
•av. J.-C), et l'autre, envoyé par Annibalvers
Philippe de Macédoine, serait tombé entre
les mains des Romains (l'an 215 av. J . - C ) .
BOSTELLE
BOSTELLE s. f. (bo-stè-le). Nom que l'on
donne en Suède à des fermes que l'on assigne
pour résidence aux soldais et aux officiers :
Les
BOSTELLESBOSTELLES des officiers jouissent de tous
les privilèges inhérents aux châteaux ou de-
meures seigneui'iales. (De Chesnel.)
BOSTKAÎ
BOSTKAÎ (Etienne), chef hongrois, mort en
I60G. Il se mit à la tête du parti des mécon-
tents contre l'empereur Rodolphe II, fut sou-
tenu par le sultan Achmet I
e r
, et, par le traité
de Comore, après avoir obtenu des conditions
| très-honorables pour le*s Hongrois, reçut l'in-
vestiture héréditaire de la Transylvanie ; mais
peu de temps après la mort vint le surprendre,
lorsqu'il commençait a, recueillir les fruits de
son habile politique et de son courage.
B O S T K O P s. m. (bo-stkopp). Mamm. Es-
pèce de dauphin. |] On dit aussi BUTZKOPF.
BOSTON
BOSTON s. m. (bo-ston — de Boston, ville).
Jeu qui se joue à quatre personnes, avec cin-
quante-deux cartes et des paniers de fiches :
Jouer au BOSTON. Faire un BOSTON. Ils étaient
occupés à faire un BOSTON en compagnie de
quelques voisins. (Balz.) Le BOSTON est ainsi
appelé de la ville de Boston, assiégée par les
A ug fais dans ta guerre de l'indépendance
d'Amérique. Misère, indépendance, termes de
ce jeu, se rapportent aux phases du siège de
celle ville. (Lutré.) Le BOSTON est le whist de
l'Amérique du Nord; il est né dans la guerre
de l'indépendance : c'est une protestation poli-
tique. (P. Boiteau.)
— Encycl. Le boston se joue à quatre per-
sonnes, avec un jeu de cinquante-deux cartes,
dont la valeur est ainsi réglée, en allant de la
f
»lus forte a, la plus basse : as, roi, dame, va-
et, dix, neuf, huit, sept, six, cinq, quatre,
trois et deux. On en distingue trois variétés
principales: le boston ordinaire, qui est le
boston primitif; le boston de Fontainebleau, et
le boston russe.
— Boston ordinaire. Chaque joueur a devant
lui une corbeille contenant cent vingt fiches
sous diverses formes (fiches, cadrats, jetons).
Il v a de plus, au milieu de la table, une cin-
quième corbeille, ou panier, destinée à rece-
voir les enjeux. La partie se joue ordinaire-
ment en huit tours, quelquefois en dix. On
convient assez souvent que les deux derniers
seront doubles, c'est-à-dire que, pour chacun
d'eux, on doublera tous les payements. Les
places se tirent au sort, et, une fois fixées,
elles restent les mêmes pendant toute la par-
tie. Le sort décide également qui donnera le
premier. Le donneur commence par réclamer
la mise de chaque joueur, laquelle est, en
général, un jeton valant dix fiches, y ajoute
la sienne, et dépose le tout dans le panier,
qu'il met à sa droite, et dont il est, dès ce
moment, responsable. Il fait ensuite couper
les cartes à gauche, et en distribue treize à
chacun, trois par trois ou quatre par quatre,
puis une, en commençant par la droite. La
treizième carte de son propre jeu, qu'il re-
tourne, détermine l'atout: il est obligé de la
laisser sur la table jusqu'à ce qu'il y ait une
première levée de Faite. Si une carte a été
vue sans qu'il y ait de sa faute, il recommence
la distribution ; dans le cas contraire, la donne
passe au joueur suivant. Outre les atouts, il y
a une carte dominante, ou carte boston, qui
n'est autre que le valet de carreau. Ce valet
forme un quatorzième atout supérieur à tous
les autres. Toutefois, quand la retourne est
en carreau, il conserve sa valeur habituelle
après la donne, et alors c'est le valet de cœur
qui joue le rôle de boston. On ne joue ordi-
nairement qu'en deux couleurs, que l'on ap-
pelle la belle et la petite. La belle est la cou-
leur de la carte tournée à la première donne,
et elle reste belle pendant toute la partie. La
petite est la couleur de la carte retournée a,
chacune des donnes suivantes. On joue aussi
quelquefois dans les quatre couleurs, mais
alors il faut absolument demander un solo,
expression qui sera bientôt expliquée.
La distribution des cartes étant faite, cha-
que joueur a la parole à son tour, en com-
mençant par celui qui est à la droite du don-
neur. Suivant la composition de son jeu
}
il
demande à faire un des coups usités, ou bien
il se déclare prêt à soutenir un de ceux qui
ont déjà parlé, ou, enfin, il passe. Dans les
deux premiers cas, il faut spécifier la couleur
dans laquelle on veut jouer, et l'on ne peut
jouer dans une autre. Celui qui a dit je passe
ne peut plus se rétracter. Il en est de même
de celui qui a fait une demande. Quand les
quatre joueurs passent, on double le contenu
du panierj et la main passe au donneur sui-
vant, qui distribue aussitôt de nouvelles
cartes. Si, trois des joueurs ayant passé, le
quatrième demande, la parole revient au pre-
mier , et successivement aux deux autres,
mais seulement pour soutenir ou passer, et
non pour demander. Les demandes que l'on
peut faire sont les suivantes, classées d'a-
près leur valeur respective, en allant de la
plus faible à la plus élevée : simple demande
en petite, simple demande en belle, demande
de solo en petite indépendance, demande en
grande indépendance, demande de faire seul
neuf levées dans ta couleur qu'on désigne, de-
mande de faire neuf levées en petite, demande
de faire neuf levées en belle, demande de misère.
Chacune de ces demandes devient nulle par
une demande supérieure. Ainsi, par exemple,
un joueur ayant demandé simplement en pe-
tite,si un autre demande en belle,la demande
du premier est annulée. De même, la petife
indépendance, qui emporte la simple demande
en belle, cède a son tour la pla.ee à la grande
indépendance, etc.
La simple demande, soit en petite, soit en
belle, se joue un seul contre trois ou deux
contre deux. Quand celui qui l'a demandée
n'a pu trouver personne pour le soutenir, il
lui suffit ô\ faire cinq levées pour gagner. Il
prend aloi 3 tout le contenu du panier. De
plus, chacun de ses trois adversaires lui
donne un nombre de jetons déterminé par le
tarif du jeu. S'il fait inoins de cinq levées, la
corbeille appartient aux autres joueurs. En
outre, le perdant paye à chacun ce qu'il en
aurait reçu en cas de gain. Quand il y a un
demandeur et un souteneur, ils doivent faire
au moins huit levées à eux deux. S'ils ne les
font pas, indépendamment du panierj que se
partagent les deux autres joueurs, ils don-
nent à chacun de ceux-ci ce qu'ils en auraient
reçu si la chance leur avait été favorable. De
plus, ils mettent au panier autant de jetons
qu'il en contenait, ce qui s'appelle être à la
mouche, faire la remise, ou faire la bête.
Toutefois, il peut arriver que l'un des deux
associés perde, et que l'autre ne perde ni ne
gagne. En effet, parmi les huit levées, cinq
au moins doivent être faites par le deman-
deur, et trois au moins par l'accepteur. Ce-
lui des deux qui fait inoins que le nombre
voulu fait seul la bête : en outre, il paye seul
aux deux adversaires ce qu'il en aurait reçu,
les ayant faites, et donne en plus à chacun
deux fiches; dites de consolation, pour les in-
demniser du panier, qu'ils ne prennent point.
De cette manière, 1 associé qui a fait son
nombre de levées, n'ayant rien à donner, se
trouve ne perdre ni gagner.
L'indépendance se joue un seul contre trois.
De là le nom de solo sous lequel on désigne
également ce coup. Celui qui l'a demandée
doit faire au moins six levées, si c'est la pe-
tite indépendance; au moins huit, si c'est la
grande indépendance, etc. S'il perd, il fait la
bête, et paye chacun de ses adversaires con-
formément au tarif.
La misère consiste à ne pas faire une seule
levée. Elle anéantit la carte dominante et les
atouts. Comme dans le cas précédent, tous les
joueurs sont ligués contre un seul : ils s'ap-
pliquent, en jetant des cartes basses, à lui
faire faire quelque levée. On peut, en deman-
dant ce coup, annoncer qu'on écartera une
carte de son jeu, et alors les autres joueurs en
écartent aussi une chacun : c'est la misère
avec écart ou petite misère; ou bien qu'on
jouera avec toutes ses cartes : c'est la misère
sans écart ou grande misère. Outre un jpaye-
ment à chaque adversaire, la perte de la mi-
sère entraîne la bête.
Dans tous les coups, celui qui a la carte
dominante reçoit, au moment où il la joue,
deux fiches de chaque joueur, ce qui se nomme
payer l'honneur ou payer boston. Il faut ex-
cepter le coup de misère, où le gagnant ne
paye ni ne se fait payer boston, tandis que le
perdant, s'il ne l'a pas, le paye à chacun de
ses adversaires. En jouant, on est obligé do
donner de la couleur demandée ; mais on peut
se dispenser de forcer. Quand on n'en a pas,
on n'est pas tenu de couper : on peut jeter
une fausse carte, bien qu on ait de l'atout. Il
est interdit de relever les cartes jouées, pour
voir celles qui ont passé. Il est seulement per-
mis de regarder la dernière levée, alors que
la suivante est encore sur le tapis. Dans une
demande par association, une renonce illé-
gale, même involontaire, est toujours punie,
et, suivant son importance, la punition frappe,
Soit les deux associés à la fois, soit l'un d'eux
seulement. En général, on convient d'annuler
le coup et de condamner le délinquant h
mettre au moins vingt fiches au panier, et la
donne passe au joueur suivant. Le joueur en
Solo qui renonce perd le coup par cela seul,
fait la bête et paye les autres joueurs. Le
payement de chaque coup doit être réclamé
immédiatement Aucune réclamation n'est va-
lable quand les cartes du coup suivant sont
coupées.
On appelle devoir le nombre des levées
qu'il faut faire pour gagner un coup quelcon-
que. Toutes les levées en sus se payent à,
part. Si l'on fait la vole ou le chelem, c est-à-
dire toutes les levées, le devoir et les autres
levées se payent double. Le demandeur qui
n'a pas été soutenu fait chelem en faisant
seulement huit levées, au lieu de treize.
— Boston de Fontainebleau.. C'est celui que
l'on joue le plus souvent en France. Il est
soumis aux mêmes règles générales que le
précédent, mais il offre certaines différences
dans la manière de procéder. De plus, les de-
mandes y sont mieux calculées, et les paye-
ments mieux proportionnés aux demandes.
Ainsi, au boston de Foutainebleau, chaque
joueur, en donnant, met cinquante fiches dans
le panier, et celui qui, avant de jouer, déclare
avoir cartes blanches, reçoit dix fiches de cha-
cun des autres joueurs. Il n'y a ni carte do-
minante, ni petite couleur, ni belle couleur,
BOST
ni atout proprement dit. et on ne retourne
pas de carte à la fin de chaque donne : l'atout
est la couleur dans laquelle la demande a été
faite. Les couleurs sont classées d'avarice
comme il suit, sous le rapport de leur impor-
tance : cœur (première couleur) , ^carreau
{seconde couleur), trèfle (troisième couleur), -
pique (quatrième couleur). Dans le cours du
jeu, le cœur domine les autres couleurs; le
carreau domine le trèfle et le pique, et le
trèfle domine le pique, c'est-à-dire que, à de-
mande égale, la couleur supérieure l'emporte
sur celles qui lui sont inférieures. La valeur
des payements varie aussi selon l'importance
des couleurs. On paye non-seulement le gain
du coup et les levées en sus, mais encore les
honneurs, c'est-à-dire l'as et les figures de
chaque couleur. Les quatre honneurs se
payent comme quatre levées, et trois hon-
neurs comme deux levées : on ne tient compte
ni de deux honneurs, ni, à plus forte raison,
d'un seul honneur. Le chelem se paye en sus
du coup entier.
Les coups que l'on peut faire sont les sui-
_ vants, en allant du plus faible au plus élevé :
1° la simple demande, cinq levées seul ou
huit levées à deux; 2° la petite indépendance,
six levées seul; 3° la petite misère ou misère
avec écart, qui consiste à mettre de côté une
carte du jeu et à ne faire aucune levée : elle
enlève la petite indépendance dans la couleur
correspondante ou dans une couleur infé-
rieure; 4° l'indépendance à sept levées, qui
emporte la petite misère : 5° le piceolo ou
piccolissimg, qui consiste a ne faire qu'une
seule levée : on perd quand on ne fait pas
cette levée, ou qu'on en fait davantage ; ce coup
emporte la petite misère ; 6
p
Y indépendance
à huit levées ou grande indépendance : elle
enlève le piceolo ; 7° la grande misère ou mi-
sère sans écart, qui consiste à ne faire aucune
levée, sans écarter: elle enlève la grande in-
dépendance, mais seulement si celle-ci est
dans la couleur correspondante ou dans une
couleur inférieure ; 8° l'indépendance à neuf
levées: elle est supérieure à la grande misère;
9« la misère des quatre as, qui consiste à ne
faire aucune levée,, sans écarter, et en ayant
les quatre as dans la main, mais avec la fa-
culté de renoncer pendant les dix premiers
coups : elle emporte l'indépendance à neuf le-
vées dans la couleur correspondante ou dans
une couleur inférieure; \W Y indépendance à dix
levées: elle annule la misère des quatre as;
li*> la petite misère sur table, qui consiste à
ne faire aucune levée, après avoir écarté une
carte; mais celui qui la joue doit étaler son
jeu sur la table, de manière que ses adver-
saires puissent- bien le voir: elle enlève l'in-
dépendance à dix levées, pourvu qu'elle ne
soit pas demandée dans une couleur infé-
rieure ; 120 l'indépendance à onze levées: elle
annule la petite misère sur table; 13° la
grande misère sur table, qui'consiste à ne
faire aucune levée, sans écarter, et en étalant
les cartes sur la table : elle enlève l'indépen-
dance à onze levées, si celle-ci est dans la
couleur correspondante ou dans une couleur
inférieure; 14° Y indépendance à douze levées:
elle emporte la grande misère sur table;
.15° le boston se«Z,qui consiste à faire les treize
levées seul : il est supérieur à l'indépendance
à douze levées; 16° le boston sur table, qui
consiste à faire les treize levées, mais avec
cette condition que le jouenr est tenu d'étaler
ses cartes sur la table : il emporte le boston
seul.
— Boston russe. Il diffère du boston de Fon-
tainebleau en ce que les couleurs se classent
ainsi : carreau, cœur, trèfle, pique, au lieu de
cœur, carreau, trèfle, pique, de manière que
le carreau est la plus torte. En outre, les de-
mandes de six, de sept et même de huit levées
n'excluent pas l'association. Seulement il faut,
pour gagner, que les associés fassent quatre
levées de plus que la proposition, c'est-à-dire
dix, onze ou douze, selon le coup.
BOSTON,
BOSTON, ville d'Angleterre, comté et à
45 kilom. S.-E. de Lincoln, sur la Witham,
à 8 kilom. de son embouchure dans la mer;
15,000 hab. On fait dériver le nom de cette
ville de Botolph's-Tomn {ville de Botolph), à
cause d'un monastère fondé en 654 par saint
Botolph, et détruit en 870 par les .Danois. '
De cet antique établissement religieux et de
plusieurs autres que possédait la ville, il ne
reste aujourd'hui aucun vestige; mais on ad-
mire encore la belle église de Saint-Botolphj
construite en 1309. C'est un vaste édifice qui
a 85 m. de long sur 34 de large; il est sur-
monté d'une tour de 100 m. d'élévation qu'on
aperçoit de 40 kilom. à la ronde. On y remar-
que aussi Hussey-Tower, derniers restes
d'une résidence baroniale de lord Hussey.
Boston possède un port pour bâtiments de
200 tonneaux, avec chantiers de construc-
tion, et fait un commerce considérable avec
le nord de l'Europe, en chanvre, bois de con-
struction et goudron; on y trouve quelques
fabriques de grosses toiles, ainsi que des
fonderies de fer et de cuivre.
BOSTON,
BOSTON, ville des Etats-Unis d'Amérique,
capitale de l'Etat de Massuchussetts, à 330 ki-
lom. N.-E. de New-York et à 697 kilom. N.-E.
de Washington, dans une très-belle situation,
au fond de la baie de Massachussetts, à l'em-
bouchure du Charles-River, sur une presqu'île
qui ne tient au continent que par l'isthme étroit
de Boston-Neck, au sud de la ville; mais
celle-ci communique par de grands ponts de
bois avec Charlestown au nord. etDorchester
BOST
au midi de la baie: par 420 23'îat. N., et 73° 24'
long. O.; 177,480 hab., d'après le dernier re-
censement. Évêché catholique, athénée, mu-
sée, observatoire, bibliothèque, nombreux
établissements littéraires et scientifiques ; uni-
versité d'Harvard, Après Philadelphie, New-
York et Baltimore , Boston est la plus belle
ville maritime des Etats - Unis ; elle se di-
vise en trois quartiers, et n'offre pas moins
- de soixante quais, où viennent s'amarrer en'
sûreté les plus gros bâtiments ; ces quais sont
bâtis sur pilotis pour la plupart, mais recou-
verts de maçonneries. Les deux principaux
sont le Long-Wharf et le Central-Wharf,
bordés de beaux magasins construits en bri-
ques. Le port, fortifié, peut recevoir plus de
500 navires de la plus grande dimension. Il
est d'ailleurs protégé par de nombreuses îles
qui remplissent le fond de la baie, et lui for-
ment une entrée étroite, admettant à peine
deux bâtiments de front ; la baie a, du reste,
même à marée basse, assez de profondeur
pour laisser arriver les bâtiments de tout
tonnage jusqu'aux quais dont nous venons
de parler. Le mouvement de la navigation de
ce port a donné, ces dernières années, les
chiffres suivants :
Entrée. . . . 3,144 nav., 707,924 ton.
Sortie. . . . 2,944 — 687,825 —
Total 6,088 nav., 1,395,749 ton.
Les relations commerciales de ce port s'éten-
dent à toutes les nations du globe; les princi-
paux articles exportés consistent en salai-
sons de porc et de bœuf, poisson, clouterie,
cordages , papiers , grains et farines, coton,
bois, tabac et riz. Parmi les nombreux arti-
cles importés, les principaux sont les tissus
de coton et de laine, la quincaillerie, soieries,
sucre, thé, café, vins et eaux-de-vie, épices,
peaux, indigo et teintures. Le prodigieux
mouvement commercial de cette ville est fa-
vorisé par de nombreuses voies ferrées, et
Îiar trente-quatre banques regardées comme
es plus solides de l'Amérique.
La capitale de l'Etat de Massachussetts fut
fondée en 1626 par une colonie de puritains
venus en grande partie de Boston, la ville
anglaise du comté de Lincoln. Elle porta
d'abord le nom de Trimountain, à cause des
trois collines sur lesquelles elle est bâtie.
Plus tard elle prit le nom de Boston, à cause
de l'origine de ses premiers fondateurs, et
surtout en l'honneur deCotton, ardent ami de
la liberté, qui, après avoir rempli les fonc-
tions pastorales à Boston, en Angleterre, fut
appelé à desservir la première église du Bos-
ton d'Amérique. C'est à Boston que le peu-
ple commença la révolution, au mois de dé-
cembre 1773, en jetant à la mer le thé importé
d'Angleterre, et c'est à Lexington (19 avril
1775) que coula le premier sang versé pour
l'indépendance. Le 22 avril, le congrès pro-
vincial du Massachussetts décida à l'unani-
mité qu'une armée néo-anglaise de 30,000
hommes serait levée, et que la part du
Massachussetts dans ce contingent serait
de 13,600 hommes. Avant la fin du mois,20,000
hommes étaient campés autour de Boston. Au
fur et à mesure que le Sud et l'Ouest apprenaient
les événements accomplis à Lexington, les
citoyens s'armaient en toute hâte, et, à la fin
de lété, la puissance de tous-les gouverneurs
royaux du Massachussetts à la Géorgie n'exis-
tait plus. Parmi les nombreuses îles qu'on
trouve dans la rade de Boston, il en est une,
Governor-Island, qui est remarquable comme
étant le lieu natal de Benjamin Franklin.
Boston News Letter, Lettre de nouvelles de
Boston, journal américain, l'un des plus an-
ciens et des plus importants du nouveau
monde. Le célèbre ministre John Cotton avait
importé d'Angleterre'en Amérique l'habitude
d'adresser le jeudi à ses paroissiens une allo-
cution où il expliquait quelque point d'his-
toire ou de morale plis dans la Bible : c'est
ce qu'on appelait la leçon, et l'usage s'en est
conservé à Boston. Les colons prirent l'ha-
bitude de se rendre à Boston le jeudi. Après
la leçon, on se répandait sur le marché pour
causer des affaires de la colonie, pour échan-
ger les nouvelles locales, pour s'informer des
nouvelles d'outre-mer. Par suite, on avait
fixé à ce jour-là le départ de la poste pour
les autres colonies. Ce concours de monde,
cette curiosité universelle donnèrent à John
. Campbell l'idée de son entreprise. Directeur
des postes, il était le premier au courant des
nouvelles' d'Europe : les courriers lui appre-
naient les on dit de toute la colonie. Il s'avisa
d'imprimer et de mettre en vente une feuille vo-
lante qui contiendrait les actes et ordonnances
des autorités, les bruits de la colonie et le
résumé des nouvelles d'outre-mer. C'est ainsi
que naquit le premier journal américain, le
Boston News Letter, dont le titre rappelle les
feuilles manuscrites qui ont précédé les jour-
naux. L'imprimeur fut Barthélémy Green,
l'unique imprimeur de Boston, et la vente du
journal fut confiée au papetier Nicolas Boone.
Le premier numéro parut le jeudi 24 avril
1704. L'entreprise de Campbell ne fut pas
très-lucrative dans Je principe, et un grand
malheur vint bientôt le frapper. L'incendie
du 9 octobre 1711, qui consuma une partie
considérable de Boston, détruisit les bureaux
de>la poste, la maison que Campbell venait de
rebâtir, son mobilier, la presse et le matériel
d'imprimerie qu'il avait achetés. Campbell,
sans se décourager, eut de nouveau recours
aux presses de Barthélémy Green, et le Bos~
BOST
ton News Letter n'éprouva aucune interrup-
tion ; la collection en existe encore, et elle a
été consultée avec fruit par les annalistes de
Boston. Les feuilles sont numérotées et.se
succèdent régulièrement de semaine en se-
maine; mais le format varie perpétuellement
de l'in-folio à l'in-quarto, et même à l'in-octavo.
Campbell en donne ingénument la raison dans
son numéro 577.Quand la publication du journal
coïncidait avec l'arrivée d'un navire d'Eu-
rope, on donnait une pleine feuille aux abon-
nés ; on se réduisait, par économie, à l'in-
octavo quand les nouvelles chômaient. Peu à
peu les annonces vinrent se joindre aux nou-
velles; elles finirent par rendre lucrative une
entreprise d'abord onéreuse,etlorsque, en 1718,
Campbell fut remplacé dans ses fonctions de
directeur des postes, il n'en continua pas
moins à publier son journal. Le Boston News
Letter demeura près de seize ans le seul journal
américain. Ce ne fut qu'en 1719 que Bradford
publia la première feuille qui lui fit concur-
rence : l'American Weekly Mercury. Malgré
cette concurrence, le. Vieux journal, comme
on l'appelait habituellement ; demeura une
bonne affaire. Campbell ne s'en défit qu'en
1722. Il céda tous ses droits à son imprimeur,
Barthélémy Green. Il vécut encore dix ans,
et la date précise de sa mort nous est donnée
par le journal qu'il avait fondé (4 mars 1728).
BOSTONNER
BOSTONNER v, n. ou intr. (bo-sto-né —
rad. boston). Néol. Jouer au boston : Cher-
chez à prononcer entre celui qui a gravé des
canards sur les obélisques égyptiens et celui
qui A.
BOSTONIEN,
BOSTONIEN, IENNE s. et adj. (bo-sto-ni-
ain, i-ène). Géogr. Habitant de Boston; qui
appartient à cette ville ou à ses habitants :
Les BOSTONIENS. Le commerce BOSTONIEN.
— Qui appartient au jeu de boston : Le
boston diffère peu du whist, dont il tire son
origine; aussi s est-il appelé d'abord whist BOS-
TONIEN. (Encycl.)
BOSTRA
BOSTRA ou BOSRA, ville très-ancienne de
la Turquie d'Asie, pachalik et à 99 kilom. S. de
Damas, à 130 kilom. N.-E. de Jérusalem. Vue
de loin, Bostra présente un aspect imposant.
Le grand château, les mosquées, les mina-
rets, les vieux remparts, les masses considé-
rables de bâtiments semblent annoncer une
population active ; mais de près l'illusion se
dissipe. La plaine environnante est inculte,
les murailles sont écroulées, les mosquées
sans toit, les maisons ruinées jusqu'aux fon-'
déments, et il faut avancer longtemps à tra-
vers des monceaux de décombres avant d'ar-
river jusqu'aux cinq ou six familles, qui sont
toute la population actuelle de Bostra. « On se
demande involontairement, dit M. Léon de
Laborde (Voyage en Syrie), si cet amas de
pierres que n'égayé aucune végétation, que
n'anime aucun mouvement humain, a jamais
eu une vie et ne s'est pas amoncelé par le
fait du hasard, comme les rochers basaltiques
de la plaine déserte. » De ses anciens monu-
ments, la ville garde encore : une enceinte
rectangulaire avec quelques portes bien con-
servées; les débris d'un temple; un arc de
triomphe presque intact; la grande mosquée
attribuée au calife Omar, cour carrée entou-
rée d'une colonnade, comme les mosquées des
firemiers temps de l'islamisme; les restes de
a grande église qui porte le nom du moine
Boheira, premier maître du prophète Ma-
homet ; un arc romain, et enfin le château,
construction lourde et massive, qui renferme le
théâtre.
Quoique très-ancienne, cette ville n'a pris
rang dans l'histoire qu'à dater des Romains.
Elevée sous le règne de Trajan, en 106, au
rnng de métropole de la province d'Arabie,
elle prit le nom de Nova Trajana Bostra, qu'on
lit sur les médailles de cette époque. L'empe-
reur Philippe l'Arabe, qui monta sur le trône
en 244, était né à Bostra, d'un cheik arabe;
il ajouta aux embellissements de sa ville na-
tale, qui fut-plus tard la résidence d'un évo-
que et la capitale d'une province ecclésiastique.
La décadence de cette ville date de la conquête
musulmane, et sa ruine complète des croi-
sades, en 1180, époque à laquelle, sous le règne
de Baudouin IV, roi de Jérusalem, elle fut
ravagée par les Turcs. Il Dans l'Idumée, au
sud de la Palestine, sur la route d'Hébron à
Pétra, on trouvait une autre ville qui portait
aussi le nom de Bostra ou Bosra; elle était
regardée comme la capitale du pays d'Edom.
BOSTONNÉBOSTONNÉ pendant vingt ans avec de
telles gens. (Balz.)
BOSTRYCHE
BOSTRYCHE s. m. ( bo-stri-che — du gr.
bostruchos, boucle de cheveux). Entom. Genre
de coléoptères tétramères xylophages, dont
l'espèce type a le corselet couvert de poils
frisés, il Autre genre de la même famille, qui
comprend plus de-cinquante espèces répan-
dues sur toute la surface du globe, et dont
les larves causent de grands ravages dans les
forêts en s'attaquant à l'aubier des arbres rési-
neux, il On écrit aussi, mais à tort, BOSTKICHE.
—Ichthyol. Genre de poissons de Ja Chine,
dont les narines sont -munies de filaments,
mais comprenant deux espèces qui paraissent
appartenir, l'une au genre gobic, l'autre au
genre éléotris.
— Encycl. Entom. Les bostryches sont géné-
ralement très-petits, leur corps affecte une
forme cylindrique, avec les élytres tronqués,
ou plutôt courbés et dentés à leur extré-
mité. Les antennes, à funicule de cinq articles,
sont très-courtes et terminées en une masse
solide. 1 Les larves de ces insectes causent,
BOSW 1029
dit M. Duponchel, de grands dégâts dans les
forêts, en vivant aux dépens -de l'aubier,
qu'elles sillonnent dans tous les sens, de ma-
nière que l'écorce finît par se détacher du
tronc. Elles attaquent les arbres résineux ou
conifères. » Ce genre comprend plus de cin-
quante espèces connues. On en trouve quel-
ques-unes en Amérique, en Afrique et dans
I Inde, mais le plus grand nombre habite
l'Europe. Parmi ces dernières, nous citerons
le bostryche typographe et le bostryche mono-
graphe , très-communs dans les environs de
Paris.
BOSTRYCHIE
BOSTRYCHIE s. f. (bo-stri-chî — du gr.
bostruchos, boucle de cheveux). Bot. Genre de
plantes cryptogames, delà familledesalgues,
comprenant, cinq espèces, dont l'une croît sur
nos côtes océaniques, et les quatre autres
sur celles des Antilies ou de l'Amérique
du Sud.
BOSTRYCHIN,
BOSTRYCHIN, INE adj. (bo-stri-chain,
i-ne — rad. bostryche). Entom. Qui ressemble
à un bostryche. 11 On dit aussi BOSTRYDE.
— s. m. pi. Tribu d'insectes coléoptères té-
tramères, ayant pour type le genre bostryche.
BOSTRYCHITE
BOSTRYCHITE s. f. (bo-stri-chi-te — du
gr. bostruchos, boucle de cheveux). Miner.
Silicate naturel d'alumine et de chaux, faisant
partie du groupe important des zéolithes.
— s. m. pi. Section de la tribu des bostry-
chins.
— Encycl. Miner. Cette substance cristal-
lise dans le système orthorhombique, et ses
cristaux acquièrent, sous l'influence de l'élec-
tricité , la pyro-électricité polaire. Il est rare
de trouver des cristaux isolés; en général, ils
sont composés de lames rhomboïdales ou
hexagonales, réunies par leur milieu et im-
plantées sur une gangue. Ces lan.es sont le
plus souvent courbes et un peu divergentes
par.leurs extrémités, comme les branches
d'un éventail, et disposées en gerbes, suivant
l'expression de l'illustre minéralogiste Wer-
ner. Cette disposition des cristaux de la bos-
trychite la fait reconnaître sur-le-champ. Ce
minéral est diaphane ou seulement translu-
cide; sa nuance varie du vert-pomme au
blanc verdâtre ;'sa densité est de 2,6. On l'a
trouvé au Cap de Bonne-Espérance, dans le
Khamesberg au pays des Hottentots Nama-
quas; en France, à Ja Balme-d'Auris, près du
bourg d'Oisans, dans l'Isère, dans les Pyré-
nées, aux environs de Nantes, et en Ecosse.
II est toujours disséminé, dans les roches
primitives.
BOSTRYCHOÏDE
BOSTRYCHOÏDE s. m. (bo-stri-ko-i-de
— de bostryche, et du gr. eidos, aspect).
Ichthyol. Genre de poissons,-voisin du genre
bostryche.
BOSTRYCHOPODES
BOSTRYCHOPODES s. m. pi. (bo-stri-ko-
po-de—du gr. bostruchos, bouclede cheveux;
pous, podos, pied). Moll. Syn. de CIRRIPÈDES.
Ces mots ne diffèrent que par les racines, qui
sont grecques pour le premier, latines pour
le second.
BOSUEL
BOSUEL s. m. {bo-su-èl).Bot.V. BOSSUEL.
Il Renoncule à fleurs doubles.
BOSUENNA. V. BODMIN.
BOSWELL
BOSWELL (Jacques), jurisconsulte et écri-
vain écossais, né à Edimbourg en 1740 , mort
en 1795. Dans sa jeunesse, il se lia intimement
avec Samuel Johnson, qu'il connut à Londres.
Son talent comme jurisconsulte parut avec
éclat dans une affaire où la maison de Dou-
glas se trouvait intéressée. Il connut le cé-
lèbre Paoli dans un voyage en Corse, et il fit
avec Johnson un autre voyage dans les mon-
tagnes d'Ecosse et dans les îles Hébrides. Il
lui arriva souvent de négliger le barreau pour
s'occuper à écrire, et plusieurs de ses pro-
ductions littéraires eurent beaucoup de succès.
On lui doit r Account of Corsica, with memoirs
of gênerai Paoli(ll63) ; A journal (1785), récit
du voyjige qu'il fit avec Johnson ; The life of
Samuel Johnson (1790, 2 vol. in-4°), et une
suite d'essais humoristiques, sous le titre de
The hypochondry (1782).
BOSWORTH
BOSWORTH (BATAILLE DE). Edouard IV, en
mourant, laissait deux fils encore enfants:
Edouard, son successeur, âgé de douze ans,
et Richard, duc d'York, qui entrait dans sa
neuvième année. Les orages qui agitèrent le
nouveau règne dès son début présagèrent
l'épouvantable catastrophe qui en précipita la
fin. Deux factions se disputaient le pouvoir :
la première se groupait autour de la reine
Elisabeth AVoodville, veuve d'Edouard IV, et
du comte Rivers, son frère ; la seconde recon-
naissait pour chef Richard, duc de Glocester,
frère du roi défunt; il était alors absent, et
commandait' dans les comtés du nord une
armée réunie pour la campagne d'Ecosse. Le
1030 BOSW - BOSW BOSW BOTA
parti de la reine était hors d'état de contre-
balancer l'autorité que donnaient à ce prince
sa naissance, ses talents et son audace. Dé-
voré d'une a mbi lion insatiable, il savait cacher
les projets les plus sanguinaires sous le voile
de la loyauté. Lorsqu'il avait une fois pris sa
résolution, aucune considération de parenté,
de justice ou d'humanité ne pouvait le dé-
tourner de son but. Sa personne, dit Hume,
était aussi difforme que son âme, sa taille
était petite et contrefaite, ses traits durs et
repoussants, et son caractère offrait un hideux
mélange d'insolente hardiesse et de ruse, d'am-
bition basse et ardente et de cruauté. Au pre-
mier bruit de la mort du roi, il hâta son retour,
prit le titre de -protecteur du royaume, fit
arrêter ses principaux ennemis, qu il dénonça
au jeune Edouard V comme fauteurs de com-
plots dangereux; puis,,secondé par Bucking-
ham , il entoura Edouard de ses propres
créatures et le conduisit à Londres, tandis que
la reine, saisie d'épouvante à son approche, se
réfugiait avec son plus jeune fils dans l'abbaye
de Westminster. Moitié par ruse, moitié par
force, le duc de Glocester sut l'arracher d'entre
ses bras ; alors il leva le masque et déclara
ses neveux illégitimes, en contestant la vali-
dité du mariage d'Edouard IV avec Elisabeth
Woodville, leur mère, comme conclu au mé-
pris d'une promesse antérieurement faite à
lady Eléonore Butler. C'était un prétexte ridi-
cule ; mais Richard, qui méditait déjà le som-
bre drame de la Tour de Londres, n'avait
pas le choix des motifs qui pouvaient en affai-
blir l'horreur aux yeux du peuple. Après
quelques scènes d'hypocrisie bouffonne, où
Richard affectait de repousser la couronne,
3
ui lui était offerte par Buckingham au nom
es lords, il consentit enfin à obéir à la voix
de son peuple, puisqu'il était le seul héritier
légitime et qu'il avait été choisi par les trois
États. Le lendemain, Richard se rendit en
cérémonie à Westminster, où il prit posses-
sion de son prétendu héritage , en se plaçant
sur le siège de marbre dans la grande salle,
et de là il se rendit à Saint-Paul, où il fut reçu
f
irocessionnellement par le clergé et salué par
es acclamations du peuple (26 juin 1483). Nul,
depuis cette époque, ne vit plus le jeune roi
Edouard V ni le duc d'York, son frère, qui
avaient été enfermés à la Tour de Londres;
leur destinée fut pendant quelque temps un
mystère ; mais la sanglante vérité ne put être
entièaument étouffée par les murs épais du
sombre monument; les soupçons du public
s'éveillèrent, et furent bientôt excités par les
ennemis du nouveau roi, sur la tête duquel
s'amoncela un orage menaçant. Il croyait
avoir fait disparaître tous ceux qui pouvaient
lui disputer la couronne, ainsi que leurs par-
tisans; mais la haine qu'il inspirait lui eut
bientôt trouvé un compétiteur, d'autant plus
dangereux, qu'il était hors de la portée de ses
coups. Dans une réunion secrète des princi-
paux ennemis de Richard, Morton, évêque
d'Ely, proposa d'offrir la couronne au jeune
Henri Tudor, comte de Richmond, alors ré-
fugié auprès du duc de Bretagne, et qui, du
droit de sa mère, représentait la maison de
Lancastre. La conspiration avait pour âme
Buckingham, le confident et le complice de
Richard dans tous ses crimes
?
mais qui venait
de s'en séparer pour des motifs que l'histoire
n'a jamais expliqués. On expédia un courrier
en Bretagne pour presser le retour du comte
en Angleterre, et le jour fut pris pour une
révolte générale. Henri mit à la voile à Saint-
Malo avec quarante bâtiments ; mais le temps
fut si orageux que, lorsqu'il atteignit îa côte
de De von, il se trouva séparé de la plus grande
partie de ses forces, et qu'il n'osa débarquer.
Cependant Buckingham et beaucoup de nobles
avaient déployé leur étendard. Abandonné de
ceux qui lavaient suivi, il tomba entre les
mains de Richard, qui lui fit trancher la tête.
Ses principaux complices échappèrent aux
recherches et parvinrent à rejoindre Henri
sur le continent, où la conjuration, que Richard
avait cru étouffer en frappant son principal
auteur, se montra de nouveau menaçante et
redoutable. En vain le roi d'Angleterre multi-
plia autour de lui les exécutions, dans l'espoir
d'anéantir tous ses ennemis; des défections
journalières l'amenèrent à soupçonner la fidé-
lité de ceux même qu'il avait le plus comblés
de bienfaits. Il redoutait surtout lord Stanley,
qu'il avait fait intendant de sa maison , mais
qui avait épousé la comtesse de Richmond, la
mère de son compétiteur. Sur ces entrefaites,
ce seigneur lui demanda la permission d'aller
visiter ses domaines du Cheshire et du Lan-
cashire, où son influence était immense; Ri-
chard n'y consentit qu'avec peine, et retint
son fils, lord Strange, a la cour, à titre d'otage,
comme caution de la fidélité de son père.
Enfin, Richard reçut par ses émissaires
l'avis que le confia de Richmond, avec la per-
mission de Charles VIII, roi de France, avait
levé une armée de trois mille aventuriers
f
la
plupart Normands, et qu'une flotte se tenait à
l'embouchure de la Seine pour les transporter
en Angleterre. Il affecta de recevoir cette
nouvelle avec joie, donna aussitôt ses instruc-
tions à ses amis des comtés maritimes, établit
des postes de cavalerie partout où il le jugea
nécessaire; pins il envoya chercher le grand
sceau et alla fixer son quartier général à
Nottingham, où il se trouvait plus rapproché
de ses partisans du nord, sur la fidélité des-
quels il comptait principalement.
Le 1er août 1485, Henri de Richmond mit à
la voile h HaWleur; six jours après, il débar-
quait sur la côte du pays de Galles, à Milford,
avec les bannis et les aventuriers normands,
dont la troupe se trouva rapidement grossie
par la défection et la révolte. Au premier
bruit de son débarquement, Richard marcha
à sa rencontre et enjoignit à toute la noblesse
de le rejoindre à Leicester. L'homme qu'il
redoutait le plus, lord Stanley, répondit qu'il
était malade et retenu au lit. En même temps,
celui-ci avait avec le comte de Richmond plu-
sieurs conférences secrètes ; toutefois, il n'osa
se déclarer ouvertement; comme nous l'avons
dit, il avait un fils retenu auprès de Richard,
et il savait le roi implacable dans sa colère.
Il recula donc devant Richmond et se tint à
distance égale des deux partis, prêt à se dé-
cider suivant l'événement.
Le 21 août, Richard partit de Leicester, la
couronne en tête, et campa à deux milles en-
viron delà ville de Bosworth, point vers lequel
le comte de Richmond s'avançait de son coté.
Suivant quelques historiens, Richard, la veille
de la bataille, eut une nuit sans repos et fut
troublé par des visions affreuses, dans les-
quelles il lui semblait reconnaître les ombres
vengeresses de toutes ses victimes.
Dans sa tragédie de Richard III, Shakspeare
s'est emparé de ces traditions populaires, aux-
quelles il a donné l'empreinte de son génie si
profondément dramatique. Un premier spectre
se dresse à côté du lit où le roi d'Angleterre
dort d'un sommeil agité; c'est celui du prince
Edouard, fils de Henri VI : « Que demain je
pèse sur ton âme! Souviens-toi que tu m'as
poignardé, dans le printemps de ma jeunesse,
a Tewksbury : désespère donc et meurs! n Le
spectre de Henri VI: « Quand j'étais mortel,
mon corps, oint du Seigneur, a été par toi percé
de trous meurtriers. Pense à la Tour et à moi I
Désespère et meurs! Henri VI te le dit : dés-
espère et meurs! » Le spectre du duc de Cla-
rence ; « Que demain je pèse sur ton âme, moi
qui ai été noyé dans un vin fastidieux, moi,
pauvre Clarence, que ta trahison a livré à la
mort! Demain, dans la bataille, pense à moi,
et que ton épée tombe émoussée 1 Désespère
et meurs I » Les spectres de quatre autres vic-
times viennent également maudire Richard,
puis les spectres des malheureux enfants
d'Edouard se dressent à leur suite : « Songe à
tes neveux étouffés dans la Tour! Soyons un
plomb dans ton sein, Richard, pour t'entraîner
a la ruine, à la honte et à la mort I Les âmes
de tes neveux te disent : Désespère et meurs ! »
Le spectre de la reine Anne : • Richard, ta
femme, cette misérable Anne, ta femme, qui
n'a jamais dormi une heure tranquille avec
toi, vient maintenant remplir ton sommeil
d'agitations. Demain, dans la bataille, pense
à moi, et que ton épée tombe émoussée!
Désespère et meurs 1 » Le spectre de Bucking-
ham: « J'ai été le premier à te pousser vers la
couronne ; le dernier j'ai subi ta tyrannie. Oh !
dans la bataille, pense à Buckingham, et meurs
dans la terreur de ton crime. Rêve, rêve d'ac-
tions sanglantes et de meurtres! Puisses-tu
défaillir dans le désespoir, et, désespéré,
rendre le souffle I... »
Richard se réveilla en proie à des troubles
affreux, à la colère et h qe sombres pressen-
timents ; il annonça que le jour qui allait luire
serait fatal à l'Angleterre, et il jura d'infliger
un effroyable châtiment aux comtés qui avaient
arboré l'étendard de son rival. Ne voyant pas
arriver lord Stanley, il ordonna qu'on tranchât
la tête de son fils ; mais on différa cette san-
glante exécution, et le jeune homme fut sauvé.
Le roi prit néanmoins, malgré son trouble et
sa fureur, d'excellentes dispositions militaires ;
mais les principaux chefs, occupés de leurs pro-
pres ressentiments, ne lui obéissaient qu'avec
une visible répugnance. Richard, déjà surpris
de l'inaction de Stanley, vit de plus le comte
de Northumberland rester tranquillement à
son poste, et ses troupes prêtes à prendre la
fuite ou à passer dans les rangs ennemis. Il
harangua néanmoins ses soldats et leur promit
la victoire; puis la bataille s'engagea entre
les deux avant-gardes, que commandaient le
duc de Norfolk, pour Richard, et le comte
d'Oxford, pour Richmond. Nous allons em-
prunter l'émouvant récit de la chronique de
Hall, rapporté par M. Fr.-Victor Hugo, dans sa
poétique et savante traduction de Shakspeare :
« Le roi avait à peine fini de parler, que les
deux armées s'aperçurent. Seigneur ! avec
quelle hâte les soldats bouclèrent leurs cas-
ques! Comme les archers eurent vite tendu
leurs arcs et serré leurs plumets 1 Avec quelle
promptitude les piquiers brandirent leurs ha-
ches et essayèrent leurs lances! tous prêts à
se jeter dans la mêlée, dès que la terrible
trompette aurait sonné la fanfare sanglante
de la victoire ou de la mort. Entre les deux
armées, il y avait un grand marais, que le
comte de Richmond laissa sur sa droite, dans
l'intention d'en faire un rempart pour son
flanc; par ce mouvement, il mit le soleil der-
rière lui et en plein sur le visage de ses en-
nemis. Quand le roi Richard vit que les com-
pagnies 'du comte avaient passé le marais, il
commanda en toute hâte de marcher sur elles.
Alors les trompettes retentirent et les soldats
crièrent, et les archers du roi firent vaillam-
ment voler leurs flèches ; les archers du comte
ne restèrent pas inactifs et ripostèrent vigou-
reusement. La terrible décharge une fois
passée, les armées s'abordèrent et en vinrent
aux mains, n'épargnant ni la hache nil'épéè;
et ce fut alors que lord Stanley fit sa jonction
avec le comte... Tandis que les deux avant-
gardes combattaient ainsi mortellement, cha-
cune voulant vaincre et écraser l'autre, le roi !
Richard fut averti par ses éclaireurs et par '
ses espions que le comte (le Richmond, accom-
pagné d'un petit nombre d'hommes d'armes,
n'était, pas loin; s'étant approché et ayant
marché vers lui, il reconnut parfaitement son
personnage à certains signes et à certaines
particularités sur lesquels il avait été ren- 1
seigné. Enflammé de colère et tourmenté par
une haineuse rancune, il enfonça ses éperons
dans les flancs de son cheval, galopa hors des
rangs de son armée, laissant l'avant-garde
combattre, et, comme un lion affamé, courut
sur le comte, la lance en arrêt. Le comte de
Richmond aperçut bien le roi' qui venait fu-
rieusement à lui; cette bataille devant décider
de toutes ses espérances et de tous ses projets
de fortune, il saisit avidement cette occasion
de se mesurer avec son ennemi, corps à corps
et homme contre homme. Le roi Richard
s'élança si vivement, que du premier choc il
abattit le drapeau du comte en tuant son
{
)orte-étendard, sir William Brandon, renversa
îardiment, après une lutte à bras raccourci,
sir John Chemye, qui voulait lui résister et
s'ouvrit ainsi le passage à coups d'épée. Alors
le comte de Richmond résista à sa furie et le
maintint à la pointe de l'épée; mais déjà ses
compagnons croyaient la partie perdue pour
lui et désespéraient de la victoire, quand sir
William Stanley vint à son secours avec trois
mille hommes solides. Alors les gens de Ri-
chard furent" repoussés et mis en fuite, et le
roi lui-même, tout en combattant vaillamment
au milieu de ses ennemis, fut frappé à mort,
comme il l'avait mérité. *
« Trahison 1 trahison ! » s'était écrié Richard
en voyant le mouvement de Stanley; mais il
tint parole, il ne chercha point à s'échapper
par la fuite. « Je ne reculerai point d'un seul
pas, avait-il dit, ce jour finira toutes mes
batailles ou ma vie : je mourrai roi d'Angle-
terre. » La couronne ne lui fut arrachée de la
tête qu'après sa mort, et ce fut Stanley qui la
ramassa et la posa encore toute sanglante sur
le front de Henri, qu'il salua, le premier, roi
d'Angleterre, sur le champ de bataille. D'una-
nimes acclamations accueillirent ses paroles,
et Henri, fléchissant le genou, remercia Dieu
de sa victoire (22 août 1485). La mort du Néron
de l'Angleterre mit fin à la sanglante querelle
des deux Roses et à la dynastie des Planta-
genets; elle ferma pendant cent cinquante
ans l'ère des guerres civiles en Angleterre.
Par son mariage avec Elisabeth, fille aînée
d'Edouard IV, le comte de Richmond réunit
sur sa tète les droits des maisons d'York
et de Lancastre, et inaugura, sous le nom
d'Henri VII, la dynastie des Tudors.
Un épisode de la bataille de Bosworth a
donné lieu à l'une de nos locutions littéraires
les plus vives et les plus originales : Un cheval !
un cheval! mon royaume pour un cheval!
mais il est à croire que cet épisode n'est dû
qu'à des récits légendaires fort incertains, car
aucun historien n'en fait mention. Peut-être
même ne doit-on l'attribuer qu'à l'imagination
de Shakspeare, qui l'a revêtu d'une forme
dramatique.,.dans sa pièce de Richard III.
V. CHEVAL.
BOSWORTHBOSWORTH (MARKET-), ville d'Angle-
terre, comté et à 20 kilom, O. de Leicester, à
170 kilom. N.-O. de Londres, sur le canal
d'Ashby; 2,500 hab. Bonneteries. Cette ville
est célèbre par la bataille qui mit fin à la
guerre des deux Roses, le 22 août 1485; la
mort de Richard III à Bosworth amena l'avé-
nement des Tudors au trône d'Angleterre.
V. l'article suivant.
BOSWORTH,BOSWORTH, philologue et érudit anglais,
né vers la fin de 1788 dans le Derbyshire, fut
élevé à l'école de grammaire de Repton, diri-
gée par le Rév. bleath. Il prit ses degrés à
Aberdeen, comme maître es arts, et fut plus
tard reçu docteur en philosophie et en théo-
logie à Leyde (1834), à Cambridge (1839) et à
Oxford (1847). II s'adonna dès lors avec pas-
sion à l'étude des sciences et de la littérature.
II se livra surtout aux mathématiques, dans
leurs applications à la science nautique et à
l'astronomie. Mais désirant embrasser l'état
ecclésiastique, il se familiarisa avec la langue
hébraïque et les langues sémitiques en géné-
ral, le chaldéen, le syriaque, l'arabe, etc. En
1815, il fut nommé ministre de Bunny et de
Ruddington, près de Nottingham. Là, tout
occupé qu'il fût de ses devoirs religieux, il
trouva le temps de se livrer de nouveau à
l'étude de la littérature et d'écrire de nom-
breux mémoires pour diverses sociétés savan-
tes ou littéraires. Etant ministre à Horwood,
il publia plusieurs pamphlets sur la loi des
pauvres (1817-1829), et quelques livres péda-
gogiques, entre autres une Grammaire grec-
que et des Observations sur la construction
latine. Le mauvais état de sa santé, par suite
du zèle avec lequel, outre ses grands travaux,
il s'acquittait des devoirs de son ministère,
l'obligea, eu 1829, à se rendre en Hollande,
où il remplit les fonctions de ministre angli-
can, qu'il conserva jusqu'en 1832. Pendant son
séjour en ce pays, M. Bosworth traduisit en
hollandais le Livre des prières communes,
donna ses soins à une édition de la Bible en
hollandais, destinée à la Société biblique, et
enfin écrivit un ouvrage intitulé Origine des
Hollandais et recherches sur leur langue. Il fut
ensuite nommé à -la chaire évangélique de
Rotterdam; mais il résigna cet emploi en
1840, pour retourner en Angleterre, ou on lui
offrait la cure de Waithe, dans le comté de
Lincoln. En 1842, il allait prendre celle deCar-
rington, près de Nottingham, lorsque sa santé,
toujours chancelante, l'obligea de renoncer
définitivement aux fonctions ecclésiastiques.
C'est par ses recherches sur l'anglo-saxon et
les dialectes qui en dérivent que le docteur
Bosworth a acquis sa grande réputation de
E
hilologue. C'est en étudiant la formation de
i langue anglaise et ses plus anciens monu-
ments qu'il reconnut la nécessité d'avoir re-
cours à l'anglo-saxon, et il est le premier qui,
dans ses Eléments de grammaire anglo-saxonne
(1823, in-8°),ait dépouillé la grammaire de cet
idimne des superf-'lations latines dont il est
rempli. La publication de cette grammaire lu
mit en rapport avec les principaux savants
d'Angleterre et du continent qui s'occupaient
des mêmes recherches philologiques, entre
autres Grimm, qui l'aida souvent dans ses
travaux, et le professeur danois Rask, dont il
traduisit en anglais la grammaire anglo-
saxonne, primitivement écrite en danois. Le
docteur Bosworth n'employa pas moins de
quinze uns à achever son grand ouvrage, le
Dictionnaire de la langue anglo-saxonne (Lon-
dres, 1838, in-8°). Outre une méthode abrégée
pour l'étude de l'anglo-saxon, ce dictionnaire
donne la signification des mots saxons en an-
glais et en latin, avec les termes analogues
des autres langues gothiques. Il est précédé
d'un long travail sur l'origine et la connexion
des langues Scandinaves et germaniques et
des principes essentiels de la grammaire an-
f
lo-saxonne. Cet ouvrage a été, depuis, pu-
lié en abrégé, sous le titre de Lexique anglo-
saxon et anglais (1848, in-8°). Depuis cette
œuvre importante, le docteur Bosworth a pu-
blié la version anglo-saxonne de Y Histoire du
monde du roi Alfred, mise en latin par le moine
espagnol Orosius. Dans cet ouvrage, Alfred a
inséré une sorte de description de l'Europe,
avec le récit du voyage d'un Norvégien
nommé Ohthere, depuis les côtes de son pays
jusqu'à la mer Blanche. Cette vieille histoire
est fort intéressante, moins encore parce
qu'elle est l'œuvre 'du roi Alfred que parce
qu'elle nous donne des notions curieuses et
exactes sur, l'Europe au ixe siècle. M. Bos-
worth s'est ensuite occupé de la publication
des Evangiles en anglo-saxon et en mœso-
gothique, imprimés sur des colonnes paral-
lèles. En 1829, M. Bosworth a été nommé
membre de laSociété royale ; il l'estégalcment
de celle des antiquaires et fait encore partie
de plusieurs autres sociétés savantes en An-
F
le terre. Il a de plus été nommé membre de
Institut royal de Néerlande, membre hono-
raire de la Société royale des sciences en
Norvège et membre des sociétés littéraires
de Leyde, Utrecht et Rotterdam.
BOSZORMÉNY. gros bourg de l'empire
d'Autriche, dans ia Hongrie, cn.-l. du district
des Heiduques ; 14,000 hab.
BOTA
BOTA s. f. (bo-ta). Métrol. Mesure espa-
gnole de capacité pour les liquides.
BOT
BOT adj. m. (bo — wallon bot, émeussé,
obtus, du lat. bos
7
bœuf, à cause de la forme
du pied de cet animal). Usité surtout dans
la locution pied bot, pied d'homme contrefait
et le plus souvent réduit.en longueur, aug-
mente en largeur, de façon à ressembler
quelque peu au pied arrondi des animaux à
sabot : Cet enfant a les PIEDS BOTS.
— Par ext. Pied bot, Personne qui a un
pied contrefait : Il est fort ingambe pour un
PIED BOT.
B O T S . m. (bott — du hollandais boot, ba-
teau). Mar. Petit vaisseau des Indes orien-
tales, H Gros bateau flamand, il Bâtiment ca-
botier, qui diffère peu du sloop.
BOSWELLIE
BOSWELLIE s. f. (bos-ouèl-H — do Bos-
ivell, n. pr. ). Bot. Genre de plantes, d e l à
famille des burséracées, comprenant un petit
nombre d'arbres qui croissent dans l'Inde, et
qui produisent une substance résineuse bal-
samique, appelée encens ou oliban.
BOT
BOT AL s. pr. m. (bo-tal). Anat. Usité
dans la locution Trou de Botal, Ouverture
qui, dans le fœtus, met en communication les
deux oreillettes du cœur, et qui se ferme à
l'époque de la naissance : Quelquefois l'occlu-
sion du TROU DE BoTAL»n'a pas lieu complète-
ment, et alors presque toujours cet accident
donne lieu à une maladie connue sous le nom
de cyanose ou maladie bleue. (Focillon.)
BOTALLIEN,
BOTALLIEN, IENNE adj. ( bo-tal-li-ain,
i-è-ne). Anat. Trou BOTALLIEN, syn. de Trou de
BotaL V. BOT AL.
B O T A M U M s. m. (bo-ta-momm). Métall.
Plomb lavé.
BOTAL
BOTAL ou BOTALLI (Léonard), médecin
piémontais, né à Asti au xvie siècle. Il fit
ses études médicales sous Lanfranc et Fallo-
pio,fut reçu docteur à Pavie, puis il parcou-
rut les Pays-Bas et la Hollande, et vint en
France. S'étant établi à Paris, il devint suc-
cessivement médecin de Charles IX, du duc
d'Alençon et de Henri III. Botalli, très-in-
struit, mais aussi très-systématique, rendit à
peu près universel d.ans sa thérapeutique
l'usage de la saignée, qui avait été abandonnée
pour les purgatifs. Il eut à ce sujet, avec
Bonaventure Grangier, une vive controverse,
et vit la faculté de médecine de Paris se pro-
noncer contre lui. Ce fut Botalli qui introduisit
la pratique de saigner les femmes enceintes
dans les cas de pléthore, et qui, le premier,
a décrit avec exactitude l'ouverture qui, dans
le fœtus, sépare les deux oreillettes du cœur
et permet au sang de passer de l'une à l'autre
sans traverser le poumon. Cette ouverture,
qui est transitoire chez l'homme et que Galien
connaissait, a reçu le nom de trou de Botal.
Le savant médecin italien fit également preuve
d'une grande sagacité, en combattant les idées
admises en France sur les plaies d'armes à
feu, qui étaient considérées comme vénéneu-
ses, et il attaqua dans les pansements l'usage
des tentes et des tamponnements. Botal a pu-
blié un assez grand nombre d'ouvrages, parmi
lesquels nous citerons : Commentarioli duo,
alter de medici, alter de œgroti humore (Lyon,
1565); Observatio anatomica de monslruoso
rené (1565); Admonitio defungo strangulaton
(1565); Ratio incidendœ venœ, cutis scarifi-
candœ et hirudinum applicandarum modus
(1583); De curatione per sanguinis missione™
(Lyon, 1577), ouvrage dans lequel il indique
l'usage de la saignée, ainsi que dans le précé-
BOTA.
dent; De catarrho ejusque causis, symptoma-
tibus, signis et curatione (Lyon, 1577) ; De lue
venera, ejusque curandœ ratione liber (l$&3) ;
De curandis vulnèribus sclopetorum libellus
(1575), etc. Ses œuvres complètes ont paru
sous le titre de Opéra omnia (Leyde, 1660).
BOTANEBOTANE OU BOTTANNE S. f. ( b o - t a - n e ) .
Coram. Etoffe de fabrique étrangère, dont
Lyon faisait un assez grand commerce.
B O T A N É B I E s. m. (bo-ta-né-bî — du gr.
botanê, plante; bios, vie). Entom. Genre
d'insectes coléoptères télramères comprenant
une seule espèce, qui vit dans l'île de Cuba.
BOTANICON
BOTANICON s. m. (bo-ta-ni-konn — du
gr. botanikon). Catalogue des plantes d'une
région, il On dit plus souvent FLORE.
BOTANIQUE
BOTANIQUE s. f. (bo-ta-ni-ke — du gr.
botanikê, formé de botanê, plante). Science
qui a pour objet la connaissance des végé-
tauXj la description de leurs caractères, leur
classification : La BOTANIQUE est l'étude d'un
oisif et paresseux solitaire. (J.-J. Rouss.)
Jean-Jacques disait que rien ne rendait les
mœurs plus aimables que l'étude de la BOTA-
NIQUE. (B. de St-P.) C'est au milieu de nos
prairies, sur le bord des ruisseaux, que la BO-
TANIQUE a pris naissance. (A. Mart.) Linné et
Jussieu ont tellement renouvelé la BOTANIQUE
qu'on pourrait dire, sans être accusé d'exagé-
ration, qu'ils l'ont créée. {V. Cous.) La BOTA-
NIQUE est l'art d'injurier les plantes en arec.
(A. Karr.)
— Adjectiv. Qui appartient, qui a rapport
à la botanique, à la connaissance, à l'étude
des plantes : Collection BOTANIQUE.
— Géographie botanique, "Etude des con-
trées par rapport aux plantes qui leur sont
propres: Il Région botanique, Espace offrant
un certain nombre de plantes qui lui sont
F
articulières. Il Jardin botanique, Jardin où
on rassemble un grand nombre de plantes
pour l'étude et la curiosité.
— Encycl. I. — OBJET ET DIVISION DE LA
BOTANIQUE. La botanique est la science qui
traite des végétaux; elle reçoit quelquefois le
nom de phytologie (çutov, plante, XO^OÎ, dis-
cours) ; on l'appelait autrefois res herbaria (la
chose des herbes). Les végétaux, objet de la
botanique, forment l'un des deux règnes or- ^
ganisés. On les définit ordinairement des êtres ^
qui possèdent les attributs fondamentaux de
la vie, c'est-à-dire qui se nourrissent et se
reproduisent, mais qui ne sentent ni ne se
meuvent volontairement. Nous avons établi
ailleurs (v. ANIMAL) un parallèle assez étendu
entre les végétaux et les animaux. Nous rap-
pellerons aussi brièvement que possible les
caractères distinctifs des deux règnes.
. Au point de vue chimique, le carbone et les
composés ternaires dominent dans les végé-
taux ; l'azote et les composés quaternaires
dans les animaux. Au point de vue histologi-
que, le5 éléments anatoiniques, fibres, tubes,
dérivent tous, chez les végétaux, de cellules
transformées. Chez les animaux, les fibres, tu-
bes, naissent, à un moment de la vie, au milieu
des cellules, mais n'en dérivent pas par méta-
morphose. La forme des végétaux est circu-
laire et rayonnée; dans toutes lés classes su-
périeures du règne animal, nous rencontrons
la symétrie bilatérale, c'est-à-dire que le corps
est composé de deux moitiés latérales qui
paraissent s'être réunies sur la ligne médiane.
Chez les végétaux, l'hermaphroditisme est la
règle et la séparation des sexes l'exception,
tandis que, chez la majorité des espèces ani-
males, les sexes sont séparés. Chez les végé-
taux, les organes sexuels ne servent qu'une
fois; ils tombent après la fécondation: chaque
année, une nouvelle floraison.fait apparaître
de nouvelles étamines et de nouveaux pistils.
Chez les animaux, les mêmes organes sexuels
persistent,,et servent indéfiniment. L'absorp-
tion chez les végétaux se fait toujours à l'ex-
térieur. Chez presque- tous les animaux, la
présence d'une cavité creusée dans le corps
rend l'absorption surtout intérieure. Sous le
rapport de la respiration, nous trouvons entre
les végétaux et les animaux une différence
très-importante, on peut dire un véritable
antagonisme. L'animal dépouille l'air de son
oxygène, et expire de l'acide carbonique. La
plante, au contraire, par ses feuilles, et en
général par ses parties vertes, absorbe de
l'acide carbonique, le décompose, en fixe le
carbone et en dégage l'oxygène. La circulation
chez les plantes paraît être un phénomène
d'ordre purement physique ; elle s'explique par
l'endosmose, la capillarité, l'évaporation qui
se produit à la surface des feuilles. Chez les
animaux, la circulation a son principe dans'
l'appareil circulatoire lui-même ; elle dépend
d'une propriété vitale, la contractilité,qui ap-
partient en propre au règne animal. La plante
se nourrit de composés inorganiques binaires,
qu'elle combine et transforme en composés
organiques ternaires et quaternaires, préparés
dans l'organisme végétal ou animal. Les vé-
gétaux sont dépourvus de sensibilité et de
mouvement volontaire; les animaux sentent
pour se mouvoir et se meuvent parce qu'ils
sentent. Cette différence, qui est fondamen-
tale, a été formulée par Linné en ces termes
bien connus *
BOTA
Vegetaàilia crescunt et vivunt;
Animalia crescunt, vivunt et sentiunt.
Elle se lie à celle du mode d'absorption. Le
végétal devait être fixé au sol pour y puiser
incessamment des matériaux absorbables.
Adhérent au sol, immobile, il ne fallait pas
qu'il fût sensible, qu'il pût souffrir. L'animal,
au contraire, devait faire effort, se mouvoir
en tout ou en partie pour aller au-devant.de
la masse alimentaire, l'atteindre et l'introduire
dans son tube digestif. Ces mouvements né-
cessaires à la nutrition de l'animal avaient
besoin à leur tour d'une certaine sensibilité
pour les déterminer et les diriger.
Ampère, dans sa Philosophie des sciences,
trace le tableau suivant des divisions de la
science des végétaux :
SCIENCES PHYTOLOGIQUES.
BC1ENCES SCIENCES SCIENCES
1
er
ORDRE DU 2e ORDRE DU 3« ORDRE
^Botanique élément.) • •
B
• " '-
e
'-
Botani(jue<
•j Anatomie végétale.
._. , . I Phytonomie.
^Phytognosie j Physiologie végétale.
(Agriculture élém. - j c e r ï o S a ^ agric.
AgTicult. < î . •
j . . ,, lAgronomie.
^Agriculture comp. j
P
hy
S
i
0
j
ogie
agricole.
Voici comment Ampère expose et motive
cette dichotomie. Daus l'étude des végétaux,
nous devons d'abord avoir égard à la simple
connaissance de leur nature, et c'est l'objet de
la botanique; puis nous devons nous occuper
de l'utilité que nous en retirons ; et c'est l'ob-
• jet de Yagricutture. La botanique et l'agricul-
ture, ou botanique appliquée, sont deux scien-
ces du premier ordre. Voyons comment elles se
subdivisent. De l'observation immédiate des
végétaux résulte la connaissance de leurs ca-
ractères extérieurs, celle de la nature des sols
où ils existent, des éléments qu'ils habitent, et
des hauteurs auxquelles on les y trouve au-
dessus du niveau de la mer. Ce premier degré
de la connaissance des végétaux sera l'objet
d'une science du troisième ordre appelée phy-
tographie. On y comprendra tous les recueils
de figures et de descriptions, soit d'espèces
isolées, soit de genres ou de familles, soit des
plantes de certaines contrées, de celles qui
ont été recueillies dans un voyage, etc. Après
cet examen de l'extérieur des plantes, on doit
étudier ce qu'elles dérobent à l'obsenvation
immédiate, c est-à-dire leur organisation inté-
rieure ; de même qu'après avoir étudié la con-
figuration du globe et les divers terrains qu'il
offre à notre observation, on considère les
minéraux et les roches qui le composent : on
en fait pour ainsi dire l'anatomie. Les vérités
résultant de cette nouvelle étude composeront
une seconde science du troisième ordre, Vana-
tomie végétale. L'anatomie végétale est à la
phytographie ce que la minéralogie est à la
géographie naturelle. De même que le miné-
ralogiste a deux choses à considérer : les mi-
néraux homogènes et les agrégats qui en sont
formés, celui qui s'occupe d'anatomie végé-
tale a aussi à considérer les tissus végétaux
homogènes et les organes qui sont formés par
la réunion de divers tissus; il doit décrire ces
tissus et ces organes, comme le minéralogiste
décrit les minéraux et les roches. Après l'exa-
men superficiel et l'examen profond vient
l'examen comparatif. Si nous comparons cha-
que végétal avec lui-même pris à différents
instants de son existence, et les divers végé-
taux les uns avec les autres, pour en conclure
les lois de la classification naturelle des plan-
tes en familles, classes et embranchements,
et celles qui régissent leur naissance, leur ac-
croissement, leur décadence et leur mort, nous
recueillerons ainsi de nouvelles vérités, objet
d'une troisième science du troisième ordre,
appelée phytonomie. Outre les lois de la clas-
sification naturelle, la phytonomie devra com-
prendre les lois de la distribution géographiqu ?
des végétaux. La comparaison des faits, en
établissant des lois, mène à la recherche des
causes. De là une quatrième science du troi-
sième ordre, la physiologie végétale, qui com-
plète la connaissance des végétaux en exami-
nant les causes de-leur vie, la formation et
les fonctions de leurs organes. La réunion de
ces quatre sciences du troisième ordre en
forme une du premier, la botanique. En réu-
nissant seulement les deux premières d'une
part, et les deux dernières de l'autre, on aura
deux sciences du second ordre, deux divisions
de la botanique, la botanique élémentaire com-
prenant la phytographie et l'anatomie végé-
tale, et la phytognosie ou connaissance plus
approfondie des végétaux, embrassant la phy-
tonomie et la physiologie végétale.
La seconde des sciences phytologiques,
dans laquelle on considère les végétaux sous
le point de vue de l'utilité et de l'agrément
qu'ils procurent à l'homme, se divise et se sub-
divise d'après la même gradation de l'examen
superficiel à l'examen profond, de l'examen
profond à l'examen comparatif et à la déter-
mination des lois, et de la détermination des
lois à la recherche des causes. Les travaux
de la campagne et des jardins, soit d'utilité,
soit d'agrément, la connaissance des époques
où il convient de les faire et celle des instru-
ments qu'on y emploie ; les soins à donner aux
végétaux indigènes ou exotiques, la construc-
tion des serres, la manière dont on recueille
ce que les plantes offrent d'utile, soit lorsque
nous les avons cultivées, soit lorsqu'elles ont
crû spontanément ; les procédés employés
BOTA
pour séparer les substances diversement utiles
qu'elles contiennent; les préparations que ces
substances exigent pour être livrées à la con-
sommation et à l'industrie, les moyens de les
conserver jusqu'à cette époque, etc., voilà ce
qu'on peut observer immédiatement, et c'est
1 objet d'une troisième science du troisième
ordre, à laquelle Ampère a donné, d'après
Varron, le nom de géoponique. Une autre
science du troisième ordre, appelée cerdoris-
tique agricole, a pour objet de déterminer tout
ce qui se rapporte au profit qu'on peut retirer
d'une entreprise agricole en activité, ou aux
avantages qu'on peut espérer lorsqu'il s'agit
d'en former une nouvelle. Une troisième, qui
seule mérite le nom d'agronomie, s'occupe de
la comparaison des méthodes ; elle en tire des
lois générales capables de diriger l'agricul-
teur dans ses travaux, par exemple la théorie
des assolements, celle des engrais, etc. Enfin
la recherche des causes, la comparaison de ce
qui se passe en grand dans la culture des vé-
gétaux avec ce que l'on observe dans les
expériences en petit, appartiennent à une qua-
trième science du troisième ordre, oui com-
plète toutes nos connaissances relatives à la
culture des végétaux, et qu'Ampère désigne
sous le nom de physiologie agricole. Les qua-
tre sciences du troisième ordre que nous ve-
nons d'énumérer et de définir constituent
deux sciences du second ordre : l'agriculture
élémentaire, comprenant la géoponique et la
cerdoristique agricole, et l'agriculture compa-
rée, formée par la réunion de l'agronomie et
de la physiologie agricole.
Cette division et cette distribution intérieure
des sciences phytologiques est l'application
des principes qu'Ampère a suivis dans la clas-
sification de toutes les sciences. On peut lui
reprocher de confondre entre elles quelques-
unes des branches de la botanique que l'usage
a sanctionnées, d'en morceler ou d'en suppri-
mer d'autres, .etc.
Les botanistes modernes divisent générale-
ment la botanique en dix branches : l'organo-
graphie végétale, l'anatomie ou histologie
végétale, l'organogénie végétale, lu physiologie
végétale, la tératologie végétale, la pathologie
ou nosologie végétale, la phytographie ou taxo-
nomie végétale, la géographie botanique, la
botanique appliquée et la botanique fossile.
— Organographie végétale. Vivre et se mul-
tiplier, telle est la destinée des plantes. Toutes
leurs parties, feuilles, tige, racines, etc., con-
courent à ce double but d'une manière plus
ou moins active, plus ou moins efficace; ce
sont autant d'instruments, d'organes, dont
chacun a son rôle dans la destinée commune.
La description de leurs caractères extérieurs,
c'est-à-dire de leur forme, de leur couleur, de
leur position relative, etc., constitue l'organo-
graphie végétale. Du moment que l'on s'est
occupe de botanique, on a énuméré les signes
qui distinguent les organes les uns des autres,
et l'on a vu que les feuilles, par exemple,
f
ieuvent être simples ou composées, lancéo-
ées ou cordiformes, isolées sur la tige ou pla-
cées par paire à la même hauteur ; en un mot,
on a fait de l'organographie végétale. Mais
c'est au commencement de ce siècle que cette
branche de la botanique est devenue une vé-
ritable science, grâce au principe de la fixité
des connexions introduit dans la biologie par
Etienne Geoffroy-Saint-Hilaire, et à la théorie
des métamorphoses de Gœthe.
— Anatomie ou histologie végétale, • Dans
une tige, une racine que l'on coupe, on ne
trouve pas toujours la même consistance : ici
une portion dure, là une partie molle et fa-
cile a entamer. Le parenchyme d'une feuille
se déchire bien plus facilement que les ner-
vures. Cette différence de consistance révèle
une différence de structure anatomique. On
appelle tissus les différentes parties qui en-
trent dans la composition anatomique, dans la
structure des organes. On appelle éléments
anatomiques les matériaux des tissus. Ce .sont
de petits corps visibles seulement au mi-
croscope. C'est en se réunissant en nombre
plus ou moins considérable, en se reliant les
uns aux autres que ces petits corps consti-
tuent les tissus. Sennebier les appelait orga-
nes élémentaires. Avant lui, Grew les nom-
mait organes similaires, parce qu'il avait
remarqué leur extrême similitude dans tous
les végétaux et dans toutes les parties d'un
même végétal. C'est l'étude des éléments ana-
tomiques et des tissus dés plantes qui consti-
tue 1 anatomie ou histologie végétale. Cette
branche de la science ne peut procéder que le
scalpel à la main et l'œil au microscope ; elle
ne pouvait être antérieure à la découverte de
ce dernier instrument; elle a été fondée au
xvme siècle par Grew etMalpighi; mais elle
a reçu de grands développements au xixe, des
travaux de Mirbel, Dutrochet, Raspail, Schlei-
den, etc.
— Physiologie végétale. La physiologie vé-
gétale est cette partie de la botanique qui
traite de l'activité végétale et des diverses
manifestations de cette activité. Les organes,
avons-nous dit, sont des instruments qui ont
chacun leur rôle dans la vie de la plante. De
tout temps on a cherché à connaître ce rôle ;
mais cette connaissance, pour sortir des con-
jectures et devenir positive, exigeait le déve-
loppement de la méthode expérimentale et la
constitution préalable de la physique et de la
chimie. Aussi la physiologie végétale n'a-t-elle
été réellement fondée qu au xvme siècle. Les
savants qui, de nos jours, la cultivent avec
BOTA
1031
le plus de succès, MM. Ville, Boussingaat,
Jamin, etc., marchent d'une manière brillante
sur la trace des Haies, des Bonnet, des de
Saussure.
— Or g anogéme végétale. Les divers organes
des plantes, comme les divers tissus qui en-
trent dans leur composition, ne sont pas nés
de toutes pièces ; petits à l'origine , ils se sont
accrus ; simples, ils se sont compliqués. La
branche de la botanique qui les suit dans leurs
modifications successives, depuis leur appari-
tion jusqu'à leur entier développement,.s'ap-
pelle organogénie végétale. L'organogénie vé-
gétale est née au xixe siècle des progrès de
l'anatomie végétale d'une part, et d'autre
part de l'organographie philosophique fondée
par Gœthe.
— Tératologie végétale. La tératologie végé-
tale s'occupe de l'étude des monstruosités que
l'on rencontre dans les plantes. Il ne faudrait
pas donner ici au mot monstruosité le sens
qu'on lui attribue vulgairement. En botanique,
on donne le "nom de monstres à toutes les
plantes qui présentent quelque anomalie, soit
dans le nombre, soit dans la position ou l'ap-'
parence des organes. Ainsi les fleurs doubles
constituent un genre particulier de monstruo-
sités.
— Pathologie ou nosologie végétale. La pa-
thologie végétale est à la physiologie végétale
ce que la tératologie est à l'organogénie. La
tératologie, c'est l'histoire des irrégularités
qui se produisent dans le développement des
organes, et qui entraînent des anomalies dans
la forme et la structure de ces organes, c'est-
à-dire des monstruosités. La pathologie, c'est
l'histoire des irrégularités qui se produisent
dans les fonctions des organes et qui entraî-
nent des anomalies dans ces fonctions, c'est-
à-dire des maladies.
' — Taxonomte végétale ou phytographie.
L'objet de la phytographie ou taxonomie végé-
tale est la description, la comparaison et la
classification des plantes. C'est surtout dans
les sciences naturelles que les classifications
ont pris une grande importance. Quand le
nombre des plantes étudiées et connues fut
devenu considérable, on dut naturellement
songer à les rassembler en groupes, afin de
réduire cette foule immense d'individus à la
portée de la mémoire et des facultés humai-
nes. Tous les végétaux connus ont été divisés
par les botanistes en classes, ordres ou familles,
genres, espèces et variétés. Il y a une foule de
manières de classer les plantes; il n'y en a
qu'une de les classer naturellement, c'est-à-dire
de les rapprocher et de les distinguer les unes
des autres, d'après la somme de leurs simili-
tudes et de leurs différences convenablement
appréciées. La classification naturelle est un
idéal qu'on peut réaliser en des essais plus ou
moins heureux, et qui traduisent plus ou moins
complètement l'ordre de la nature, à peu près
comme des polygones se rapprochent plus ou
moins du cercle dans lequel ils sont inscrits.
— Géographie botanique. Les plantes ne
croissent pas indifféremment partout, à la sur-
face de la terre. Il en est qui ne peuvent vé-
géter que sous les tropiques, d'autres dans les
régions tempérées, d'autres au milieu des nei-
ges. Il en est qui ne se plaisent qu'aux bords
de la mer, d'autres qu'au milieu des conti-
nents. Il en est qui vivent toujours dans l'eau,
d'autres dans les marais, d'autres dans les
terrains secs et arides. La géographie bota-
nique a pour objet d'étudier les plantes sous
ces différents points de vue et de rechercher
les lois qui président ainsi à leur distribution
sur la surface du globe.
— Botanique appliquée. L'histoire des ap-
plications de la botanique à la culture, à la
médecine, etc., constitue la botanique appli-
quée, que quelques auteurs ont nommée tech-
nologie et qui, en raison de son utilité pratique,
a pris, surtout de nos jours, un accroissement
considérable.
— Botanique fossile. Lorsqu'on étudie les
différentes couches du sol, on y rencontre des
traces nombreuses de végétaux qui n'existent
plus, pour la plupart, à la surface de la terre.
L'étude et la détermination de ces fossiles vé-
gétaux est l'objet de la botanique fossile.
IL—HISTOIRE DE LA BOTANIQUE. A l'exemple
de A. de Candqlle, nous diviserons l'histoire
de la botanique en quatre périodes : îo de la
botanique chez les anciens et dans le moyen
âge ; 2« de la botanique depuis la Renaissance
jusqu'à la fin du XVII« siècle; 3° de la bota-
nique depuis la fin du xvne siècle jusqu'au
commencement du xix
e
siècle; 4° de la bota-
nique à l'époque actuelle.
— Première période. De la botanique dans
l'antiquité et au moyen âge. Les peuples d'une
antiquité reculée connaissaient un certain nom-
bre de plantes utiles ou agréables. Sprengel
énumère soixante-dix espèces, dont les noms
se trouvent dans les livres des Hébreux, et
qui ont pu être rapportées avec quelque certi-
tude à des espèces aujourd'hui connues. Les
poèmes d'Homère en contiennent un moins
grand nombre. Les ouvrages attribués à Hip-
pocrate mentionnent cent cinquante espèces
de plantes officinales environ, ce qui suppose
quelques connaissances en botanique. Aris-
tote, le fondateur des sciences d'observation,
avait écrit deux livres sur les plantes, mais
malheureusement cet ouvrage n'est pas par-
venu jusqu'à nous ; le traité Sur les plantes
intercalé parmi ses œuvres n'est pas de lui.
Nous savons seulement, par son Histoire des
1032
BOTA
animaux, cui'-'. a c c o r d a i t a u x v é g é t a u x u n e
s o r t e de v i e ; qu'il les p l a ç a i t , dans l'échelle
d e s ê t r e s , e n t r e les corps b r u t s et les animaux ;
qu'il n e reconnaissait en eux a u c u n e diffé-
r e n c e d e s e x e ; qu'il les distinguait des a n i -
m a u x p a r l e u r s - e x c r é t i o n s , lesquelles, dit-il,
sont en petite q u a n t i t é , et e x h a l e n t g é n é r a l e -
m e n t u n e odeur a g r é a b l e , et p a r la privation
des s e n s , ce qui ne leur p e r m e t ni de connaî-
tre les objets e x t é r i e u r s , ni de se connaître
e u x - m ê m e s .
T h é o p h r a s t e , disciple d'Aristote, n é d a n s
l'île de Lesbos l'an 370 a v a n t l'ère c h r é t i e n n e ,
doit ê t r e considéré comme le p è r e de la bota-
nique scientifique. Son principal o u v r a g e , inti-
tulé Histoire des plantes, est a r r i v é j u s q u ' à
nous p r e s q u e complet, car il ne s'est perdu
qu'un livre sur dix. L e n o m b r e des p l a n t e s
décrites p a r T h é o p h r a s t e n e s'élève pas a u -
dessus de trois c e n t c i n q u a n t e . Il distinguait
dans l'écorce l'épiderme et l'écorce p r o p r e -
m e n t d i t e ; il a v a i t o b s e r v é q u e la plupart,des
plantes périssent quand on enlève cette d e r -
nière p a r t i e . Il a v a i t reconnu que les feuilles
n o u r r i s s e n t la plante, mais il ne comprenait
pas p a r où la n o u r r i t u r e , puisée d a n s l'air,
p o u v a i t p é n é t r e r d a n s cet o r g a n e . Il n ' a v a i t
pas d'idées e x a c t e s sur le s e x e des v é g é t a u x ,
c a r il appelle quelquefois mâles les pieds qui
p o r t e n t des fruits. Il avait très-bien vu la dif-
férence qui existe e n t r e le bois de palmier e t
celui des a r b r e s à couches concentriques. 11
/ H v i s a i t les v é g é t a u x en deux g r a n d e s c l a s s e s ,
les a r b r e s et les h e r b e s ; ces d e r n i è r e s é t a i e n t
subdivisées en espèces p o t a g è r e s , c é r é a l e s ,
médicinales, oléagineuses et d ' a g r é m e n t .
A p r è s T h é o p h r a s t e , la botanique r e s t a s t a -
tionnaira p e n d a n t d e longues a n n é e s . L e s
Grecs faisaient plus de cas des disputes p h i -
losophiques q u e d e l'observation patiente des
phénomènes n a t u r e l s . L e s R o m a i n s tombaient
dans l'excès c o n t r a i r e . Us ne v o y a i e n t g u è r e
d a n s choque chose q u e le point de v u e p r a -
tique, l'utilité directe. « C e t t e disposition d'es-
prit, dit a v e c raison A. de Candolle, excel-
lente pour former des g é n é r a u x , pour a d m i -
nistrer des p r o v i n c e s , pour construire de
g r a n d s m o n u m e n t s , n'était g u è r e favorable
a u x sciences où les applications sont s o u v e n t
éloignées des d é c o u v e r t e s . » Aussi les Romains
cultivèrent-ils l ' a g r i c u l t u r e et l'horticulture,
bien plus que la botanique p r o p r e m e n t d i t e .
Caton, a u t e u r de l'ouvrage célèbre De lie rus-
lica, était, de l'aveu de t o u s ses c o n t e m p o -
r a i n s , u n habile a g r i c u l t e u r . Virgile c h a n t a i t
dans ses Géorgiques l'art de l'agriculture, et
m o n t r a i t des connaissances positives quand il
voulait distinguer et décrire les espèces les
plus c o m m u n e s de v é g é t a u x . Son esprit poé-
tique le portait à e x a g é r e r le merveilleux du
p h é n o m è n e , déjà si r e m a r q u a b l e , de la greffe;
c'est ainsi qu'il la déclarait possible e n t r e
des p l a n t e s de familles différentes. « On a v u ,
dit-il (Géorgiques, 1. II, v . 70 et suiv.), le sté-
rile p l a t a n e d e v e n i r un pommier v i g o u r e u x ,
le h ê t r e se marier a u c h â t a i g n i e r , l'orme se
couvrir de la b l a n c h e fleur du poirier, et le
porc b r o y e r le g l a n d sous les o r m e s .
Et stériles platani inalos gessere uafcnles ;
Castaneœ fayus, ornusque incanuit albo
Flore piri; ylandemque sues fregere sub ulmis. •
Dioscoride, n é en Cilicie, contemporain de
N é r o n , reprit la botanique p r o p r e m e n t dite,
négligée depuis T h é o p h r a s t e . Ses écrits o n t
de l'importance, à c a u s e s u r t o u t des commen-
taires sans n o m b r e qui en ont été faits à la
renaissance des l e t t r e s . U n naturaliste a n g l a i s ,
Sibthorp, qui a v o y a g é en G r è c e à la lin du
siècle d e r n i e r , uniquement dans le b u t de r e -
t r o u v e r les espèces de Dioscoride, y est p a r -
venu d'une m a n i è r e satisfaisante, m a î g r é le
peu d'exactitude des descriptions de c e t a u -
t e u r . P l i n e a c o n s a c r é a u x p l a n t e s plusieurs
livres de son Histoire naturelle. Cet i m m e n s e
o u v r a g e a u r a i t r e n d u de plus g r a n d s s e r v i c e s
s'il eût été fait a v e c u n e critique plus s é v è r e .
M a l h e u r e u s e m e n t , il a t r a n s m i s à la postérité
presque a u t a n t de préjugés a b s u r d e s et d'opi-
nions e r r o n é e s que de faits réels. C o m p l è t e -
ment d é p o u r v u de l'esprit scientifique, p r ê t à
tout croire et à tout r é p é t e r , P l i n e n'a de v é -
r i t a b l e mérite que comme é c r i v a i n . L ' é l o -
q u e n c e et la noblesse de son style ont fait
a i r e à M. de Mirb'el «qu'il serait le seul qui
eût peint la n a t u r e a v e c t o u t e s a majesté si
Buffon n ' e û t pas écrit. »
D a n s la nuit du moyen â g e , l'étude des v é -
g é t a u x , c o m m e toutes les a u t r e s s c i e n c e s ,
semble p r e s q u e d i s p a r a î t r e . L e petit n o m b r e
d ' h o m m e s instruits qui pouvaient s'occuper
d'objets de cette n a t u r e se bornaient à lire
Pline ou Dioscoride, selon qu'ils étaient v e r s é s
plus p a r t i c u l i è r e m e n t dans la langue latine
ou la l a n g u e g r e c q u e . L e s médecins a r a b e s
o c c u p è r e n t des plantes au point de v u e p h a r -
macologique, mais la botanique n e fit point
de p r o g r è s notables e n t r e leurs mains : on sait
q u e les c o m m e n t a i r e s s u r les a u t e u r s anciens
r e m p l a c e n t p r e s q u e toujours, pour e u x , les ob-
s e r v a t i o n s d i r e c t e s .
— Deuxième période. De la botanique depuis
la Renaissance jusque vers la fin du x v n e siècle.
Nous n e voyons r e n a î t r e la botanique qu'au
xve siècle. V e r s ce temps s'introduisit l'usage
dos h e r b i e r s , dont on ignore l ' i n v e n t e u r , et
l'on c o m m e n ç a à publier quelques descriptions
de plantes a c c o m p a g n é e s de figures g r o s s i è r e s ,
g r a v é e s s u r bois. L e petit livre d'Emilius
Macer, q u e l'on croit ê t r e de 1480, fut.le p r e -
mier essai de ce g e n r e . L'époque de la renais-
bance de la botanique p e u t ê t r e p a r t a g é e en
BOTA
deux temps bien distincts, l'un de simple éru-
dition, l'autre d'observation directe. L a p r e -
mière période est remplie p a r Théodore G a z a ,
George Valla, H e r m o l a u s B a r b a r u s , Nicolas
L e o n i c e n u s , e t c . , «qui se d o n n è r e n t la tor-
t u r e , dît L a m a r c k , pour r e s t a u r e r les connais-
sances des anciens sur les v é g é t a u x , en n é -
g l i g e a n t les m o y e n s de bien connaître les
filantes, qui d e v a i e n t faire seules l'objet d e
eurs r e c h e r c h e s . » On a v a i t , pour cette lu-
m i è r e de la science antique, r e t r o u v é e a p r è s
u n e l o n g u e nuit, u n e telle admiration, que
l'érudition absorbait l'ardeur des intelligences,
et qu'on s'imaginait t r o u v e r la botanique toute
faite dans les écrits de T h é o p h r a s t e , de Dios-
coride et de Pline. J u s q u e dans le milieu du
xvie siècle,on voit Matthiole c o n s a c r e r presque
toute s a vie à commenter Dioscoride.
C e p e n d a n t on ne t a r d a pas à s'apercevoir
que les anciens étaient loin d'avoir tout dit et
tout vu en botanique. L a confusion où l'on
é t a i t tombé en appliquant à tort et à t r a v e r s
les noms tirés de leurs o u v r a g e s a u x p l a n t e s
indigènes fit c o m p r e n d r e qu'on avait fait
fausse route. D'ailleurs, la civilisation s o r t a n t
de son antique b e r c e a u , la G r è c e et l'Italie,
mettait les botanistes en p r é s e n c e de flores
nouvelles. Assez s o u v e n t les p l a n t e s décrites
p a r les a n c i e n s ne se t r o u v a i e n t pas au delà
des Alpes, et il y en a v a i t d'autres : il fallait
donc a b a n d o n n e r Dioscoride et se r é s o u d r e à
o b s e r v e r . E n F r a n c e , Campegius fut le pre-
mier qui e n t r a dans cette nouvelle voie. A
quelques a n n é e s d ' i n t e r v a l l e , Othon B r u n s -
iels, fils d'un tonnelier de M a y e n c e , p a r u t
aussi dans la c a r r i è r e ; il y fut suivi p a r son
aini J é r ô m e T r a g u s , d ' H e y d e s b a c h . J u s q u ' à
ce d e r n i e r , on n ' a v a i t admis que l'ordre a l p h a -
bétique dans les d e s c r i p t i o n s ; il fut le p r e -
mier qui. e s s a y a d e r a p p r o c h e r les e s p è c e s e n
. v e r t u de c e r t a i n e s r e s s e m b l a n c e s g é n é r a l e s .
Sa méthode, il est v r a i , n'est pas bien c o m -
p l i q u é e ; il distingue les plantes en : l<> h e r b e s
s a u v a g e s à fleurs odoriférantes ; 2° trèfles,
g r a m e n s , h e r b e s p o t a g è r e s et h e r b e s r a m -
p a n t e s ; 3° a r b r e s et a r b r i s s e a u x ; mais il faut
r e m a r q u e r qu'il n ' a v a i t que cinq c e n t soixante-
s e p t espèces à c l a s s e r .
Dans cette seconde période de la r e n a i s -
sance de la botanique, on a v a i t c o m m e n c é
l'étude des plantes p a r celles dont on é t a i t
immédiatement e n t o u r é ; à m e s u r e qu'on les
c o n n u t mieux et qu'on p u t avoir accès d a n s
de nouvelles t e r r e s , on a g r a n d i t le cercle d e s
o b s e r v a t i o n s . Ainsi, tandis q u e la p l u p a r t des
botanistes p a r c o u r a i e n t leur propre p a y s efc
les contrées voisines pour en recueillir les
plantes, de hardis v o y a g e u r s e n t r e p r e n a i e n t
de lointaines excursions p o u r en c o n q u é r i r d e
nouvelles. L e s P o r t u g a i s a v a i e n t doublé le
c a p de B o n n e - E s p é r a n c e , Colomb a v a i t d é -
c o u v e r t un n o u v e a u m o n d e , et les n a v i g a t e u r s
r a p p o r t a i e n t des d e u x Indes les fruits les plus
r e m a r q u a b l e s , les p l a n t e s les plus utiles ou
les plus a g r é a b l e s . Oviedo d e Valdès fut le
p r e m i e r à décrire les merveilleuses p r o d u c -
tions qui l'avaient frappé d a n s l'Amérique.
A p r è s lui v i n r e n t C a b e c a d e V a c a , Lopez de
G o m a r a , T h e v e t , L e r i , M o n a r d e s , Acosta, qui
recueillirent un assez g r a n d n o m b r e de plantes
dans les Florides, le Brésil, le Mexique, e t c .
D'un a u t r e c ô t é , l'Orient était visité p a r B e -
lon, Rauwolf, etc. ; l ' E g y p t e , p a r P r o s p e r
Albin, e t c . Ainsi u n e foute de p l a n t e s , j u s q u ' a -
lors i n c o n n u e s , v e n a i e n t e x e r c e r la sagacité
desclassificateurs. P o u r faciliter l'étude, l'exa-
men comparatif de toutes ces espèces, on se
mit à les cultiver dans les j a r d i n s b o t a n i q u e s .
L e duc Alphonse d ' E s t é , d'après les conseils
d'Antoine M u s a Brasavolus,- fut le p r e m i e r
qui destina à c e t u s a g e le jardin de F e r r a r e ;
celui de P a d o u e , établi en 1544 p a r L u c Ghini,
d ' a p r è s l'ordre de Cosme d e Médicis, fut s p é -
cialement c o n s a c r é à l'enseignement de la bo-
tanique. Le m o m e n t était v e n u de c h e r c h e r
des classifications méthodiques. L e s botanistes
dont les t r a v a u x a v a n c è r e n t le plus la science
sous ce r a p p o r t , au xvio siècle, s o n t G e s s n e r ,
Lobel, Charles de l'Ecluse ou C l u s i u s , C é s a l -
pin et les Bauhin.
Gessner introduisit d a n s la science d e u x
idées nouvelles et fécondes. Il m o n t r a , d'une
p a r t , q u e la v r a i e n a t u r e et les affinités m u -
tuelles des plantes se décèlent, non d a n s les
formes et les qualités des feuilles, des tiges
ou des r a c i n e s , mais d a n s la s t r u c t u r e de la
fleur, du fruit et de la g r a i n e , o r g a n e s plus
c o n s t a n t s que c e u x de la v é g é t a t i o n ; d ' a u t r e
p a r t , qu'il existe dans le r è g n e v é g é t a l des
g r o u p e s ou g e n r e s composés chacun de p l u -
sieurs espèces réunies p a r les c a r a c t è r e s sem-
blables tirés de ces o r g a n e s . C'était un p r e -
mier p a s v e r s l'évaluation de l'importance
relative des c a r a c t è r e s . « C e r t e s , dit à ce sujet
M. de Mirbel, voilà des v é r i t é s fondamentales,
et l'on ne s a u r a i t nier que l'établissement des
g e n r e s et des familles, l'invention des m é -
thodes , en un mot le s y s t è m e entier de la
science du botaniste n ' e n soit une c o n s é q u e n c e
i m m é d i a t e . G e s s n e r est d o n c le p r o m o t e u r d e
la plus m é m o r a b l e et de la plus utile r é v o l u -
tion que la botanique ait j a m a i s é p r o u v é e . *
Après G e s s n e r v i n r e n t Lobel et C h a r l e s d e
l'Ecluse. Lobel r é u n i t , p a r t â t o n n e m e n t , les
p l a n t e s dans l'ordre qui lui sembla le plus n a -
t u r e l , eu égard à leurs r a p p o r t s g é n é r a u x , et
y réussit assez bien. C'est ainsi qu'il a g r o u p é ,
les u n e s à côté des a u t r e s , celles d o n t plus
t a r d on a formé l ' e m b r a n c h e m e n t des m o n o -
cotylédones, les g r a m e n s , l e s o r c h i s , les p a l -
m i e r s , e t c . C h a r l e s de l'Écluse eut u n a u t r e
BOTA
g e n r e de mérite : il introduisit dans la descrip-
tion et la détermination des espèces u n e p r é -
cision r i g o u r e u s e .
Gessner a v a i t introduit dans la taxonomie
v é g é t a l e l'idée de genre; Césalpin y a p p o r t a
celle de classe. Il est le p r e m i e r a u t e u r d'une
classification botanique objective, c'est-à-dire
b a s é e sur les c a r a c t è r e s des plantes consi-
dérés en e u x - m ê m e s , et non sur les applica-
tions qu'en font nos a r t s , sur les considéra-
tions r e l a t i v e s à nos besoins. Il divisa les
v é g é t a u x en quinze classes, fondées sur les
o r g a n e s de la fructification dont Gessner a v a i t
fait s e n t i r l ' i m p o r t a n c e , c ' e s t - à - d i r e s u r la
place de l'embryon dans la g r a i n e , s u r le
n o m b r e des g r a i n e s d a n s le fruit, la n a t u r e du
fruit e t le n o m b r e de ses l o g e s . Voici un t a -
bleau de cette classification qui, p a r son a n -
cienneté, mérite de figurer à la t è t e de toutes
les a u t r e s :
MÉTHODE DE CÉSALPIN
1 ARBRES à embryon au sommet de la graine.
2 — à embryon à la base de la graine.
3 HERBES à graines solitaires.
4 — a baies.
5 — à capsules.
6 — à deux graines.
7 — à deux capsules.
ïf
10
11 1
12
13 1
14
15
-
_
—
—
—
à trois loges.
à quatre graines.
à plusieurs graines
à plusieurs capsules
sans fleurs ni fruits.
Cette méthode, sur laquelle nous n e d o n n e -
r o n s pas de plus longs détails, « fut, dit L a -
m a r c k , fort utile en son t e m p s , en ce qu'elle
établissait déjà des points de v u e v r a i m e n t
scientifiques, et qu'elle contribua sans doute
à faire sentir l'importance d'une bonne m é -
thode en botanique, et à faire faire des efforts
pour perfectionner la classification des p l a n -
tes. »
J e a n et Gaspard Bauhin d o n n è r e n t b e a u -
coup d'attention à la synonymie des e s p è c e s ,
qui a v a i t été j u s q u ' a l o r s fort négligée, ce qui
e m p ê c h a i t l'ami de la science de profiter des
t r a v a u x de ses p r é d é c e s s e u r s , en r e n d a n t im-
possibles les r e c h e r c h e s qu'il a u r a i t désiré faire
dans leurs écrits, ou en d e v e n a n t pour lui u n e
source continuelle de m é p r i s e s . L a table q u e
publia Gaspard Bauhin, et qui devint célèbre
sous le nom de Pinax, renferme la description
et la comparaison de six mille e s p è c e s , et les
noms que c h a c u n e a r e ç u s des différents a u -
t e u r s depuis T r a g u s .
L e xvie siècle fut plus favorable à l ' a v a n -
c e m e n t de la botanique descriptive q u ' à celui
de la physiologie et de l ' o r g a u o g r a p h i e v é g é -
tales. Césalpin fut le premier, depuis T h é o -
p h r a s t e , qui s'occupa de ces deux b r a n c h e s
a v e c succès. Il r e c o n n u t q u e les p l a n t e s n ' o n t
pas de veines a n a l o g u e s à celles des a n i m a u x ,
mais qu'elles sont s o u v e n t p o u r v u e s de v a i s -
seaux r e n f e r m a n t les sucs p r o p r e s ; il m o n t r a
que la moelle importe moins que l'écorce à la
vie v é g é t a l e ; q u e la g r a i n e peut ê t r e c o m -
p a r é e à l'œuf des a n i m a u x ; que l'embryon
en est la p a r t i e essentielle, et qu'on p e u t d e -
v i n e r , d ' a p r è s la g e r m i n a t i o n , en particulier
d ' a p r è s le n o m b r e des c o t y l é d o n s , à quelle
g r a n d e classe a p p a r t i e n n e n t les e s p è c e s .
V e r s la fin du xvie siècle (15S3), nous v o y o n s
P o r t a e s s a y e r , en un livre curieux et b i z a r r e ,
d e . s y s t é m a t i s e r la botanique médicale. L ' o b -
j e t de cet o u v r a g e , intitulé Phytognomonica
( auiov, plante ; pw^uv, indice ) , e s t la d é -
c o u v e r t e des v e r t u s des p l a n t e s d'après l'ob-
servation des signes qu'elles p r é s e n t e n t . Elle
repose sur ce principe, qu'il existe un r a p p o r t
intime e n t r e les parties de la p l a n t e et ses
v e r t u s . D'où suit la conséquence q u e l ' e x t é -
r i e u r de la plante, p a r s a f o r m e , ses l i n é a -
î.ients, sa couleur, son odeur, e t c . , fait c o n -
n a î t r e ses v e r t u s ; et c'est de l'observation de
ces signes que les s a u v a g e s ont appris à t i r e r
p a r t i des p l a n t e s p o u r leurs besoins. L e s
p l a n t e s dont les r a c i n e s , les feuilles, les fruits
o n t la forme d'un, c œ u r , sont, s u i v a n t P o r t a ,
spécifiques pour les m a u x d e c œ u r . L e s plan-
t e s qui, comme la p u l m o n a i r e , p r é s e n t e n t des
t a c h e s douées de quelque r e s s e m b l a n c e a v e c
les p o u m o n s , sont spécifiques pour les m a l a -
dies de c e t o r g a n e . L e s plantes v é s i c u l e u s e s ,
comme le b a g u e n a u d i e r , l ' a l k é k e n g e , s o n t
bonnes p o u r les maladies de la v e s s i e . L e s
p l a n t e s dont le suc est j a u n e , p u r g e n t de la
bile. L e s plantes dont le suc est r o u g e a u g -
m e n t e n t la quantité du s a n g , elles s o n t v u l n é -
r a i r e s . U n e c o n s é q u e n c e du principe de P o r t a
est la conservation de la forme dans les p l a n t e s
médicinales. Ainsi tout ce qui p e u t la c h a n g e r
ou la modifier c h a n g e ou modifie leurs p r o -
p r i é t é s : de là la différence, a u point de v u e
t h é r a p e u t i q u e , e n t r e u n e p l a n t e s a u v a g e et la
m ê m e espèce c u l t i v é e .
N o u s a r r i v o n s au x v n e siècle. L a taxonomie
y e s t r e p r é s e n t é e p a r Morison, R a y , Magnol
et R i v i n . E n 1680, Morison, dans s a Planta-
rum historia universalïs, a n n o n c e la prétention
de distribuer les p l a n t e s p a r les r a p p o r t s de
leur affinité et de leur p a r e n t é {per tabulas
cognationis et affinilatis), et de tirer leurs ca-
r a c t è r e s du livre de la n a t u r e (ex libro naturœ
obseroatœ). L à figurent les cuhniferœ, les
leguminosœ, les siliquosœ, les tricapsulares
sexpetalœ, les corymbiferœ, les umhclliferœ,
les galeuiœ ou verticUlatœ ( l a b i é e s ) , les
BOTA
tncoccœ ( e u p h o r b i a c é e s ) , les lactescentes ou
papposœ ( c o m p o s é e s ) , les multisiliquœ ou
multicapsulares. E n 1682, J o h n R a y établit,
p a r la seule considération du mode de n e r v a -
tion des feuilles, la distinction des plantes
monocotylêdones et dicotylédones, qui forment
d e u x subdivisions d a n s c h a c u n e de ses d e u x
divisions : herbes et arbres. Il p a r t a g e les dico-
tylédones en monoclines et diclines. Aux déno-
minations des classes a d o p t é e s a v a n t lui il
ajoute les s u i v a n t e s : apétales, monopétales ,
dipétales, tripétales, pentapétales, mono-
spermes, polyspermes.
E n 1689, Magnol, professeur à Montpellier,
introduit dans la langue de la botanique le mot
de familles, et formule en ces t e r m e s les prin-
cipes qui doivent présider a u g r o u p e m e n t des
p l a n t e s . « J ' a i cru a p e r c e v o i r , dit-il, dans les
p l a n t e s , u n e affinité s u i v a n t les d e g r é s de l a -
quelle on p o u r r a i t les r a n g e r en diverses fa-
milles, c o m m e on r a n g e les a n i m a u x : ces fa-
milles ont des c a r a c t è r e s distinctifs c e r t a i n s .
J'ai choisi les p a r t i e s des p l a n t e s où se r e n -
contrent les principales notes c a r a c t é r i s t i q u e s ,
telles q u e les r a c i n e s , les t i g e s , les fleurs et
les g r a i n e s . Il y a m ê m e dans n o m b r e de plan-
t e s une c e r t a i n e similitude, u n e affinité qui n e
consiste pas d a n s les parties considérées s é -
p a r é m e n t , mais en t o t a l , affinité s e n s i b l e ,
mais qui ne peut s'exprimer... J e n e doute p a s
que les c a r a c t è r e s des familles n e puissent
ê t r e tirés aussi des p r e m i è r e s feuilles de l'em-
b r y o n , au sortir de la g r a i n e . J e n e puis non
plus ê t r e de l'avis de c e u x qui r e g a r d e n t les
feuilles comme des parties a c c i d e n t e l l e s ; j e
p e n s e que les parties qui ne s e r v e n t pas à la
fructification n e sont pas plus accessoires que
les b r a s et les j a m b e s ne le s o n t chez les a n i -
m a u x . » Magnol divise ensuite le r è ^ n e v é g é -
tal en soixante-seize familles r a n g é e s en dix
Sf'''tions, qu'il établit p a r les c a r a c t è r e s des ra-
cmeSjvdes tiges, dos feuilles et des fleurs. On
y ï r o u v e des familles très-bien circonscrites
et fort n a t u r e l l e s ; cuhniferœ ( g r a m i n é e s ) ,
spicatœ (plantaginées), asperifohœ (borragi-
n é e s ) , capsulares ( c r u c i f è r e s à fruit c o u r t ) ,
siliquosœ (crucifères à fruit l o n g ) , e t c . C h a -
que famille peut se subdiviser en sous-familles :
la famille des culmifères, en froments et g r a -
mens ; celle des papilionacées, en siliculeuses,
siliqueuses, vésiculeuses et cochléiformes.
M a g n o l , comme tous ses p r é d é c e s s e u r s , s é -
p a r a i t les a r b r e s des h e r b e s , t r o m p a i t ainsi
une infinité de r a p p o r t s n a t u r e l s . Ce fut R i -
vin, professeur à Leipzig, q u i , s e c o u a n t le
p r e m i e r .un antique p r é j u g é , les r é u n i t enfin
dans s a méthode artificielle, établie sur les
modifications d e n o m b r e et de forme que p r é -
s e n t e la partie la plus r e m a r q u a b l e de la fleur,
la corolle. "Voici cette m é t h o d e , aussi é l é g a n t e
q u e simple :
MÉTHODE DE RÎVIN
i
Monopétales l
Dipéiales 2
Tripétales 3
Tétrapétnles 4 •
régulières. I Pentapétales 5
l Hexapétales 6
\ Polypétales 7
[ à fleurons réguliers. . . 8
„ . l a fleurons, les uns régu-
< liers, lus autres irrégu-
composées. i .. '
B
r
i liers 9
[ à fleurons irréguliers. . . 10
!
Monopétales t l
Dipétaltîs 12
Tripétales 13
Tétrapétales 14
Pentapétales 15
Hexapétalos IG
Polypétales 17
Fleurs )
incomplètes > (Cryptogames de Linné) . 18
et imparfaites. )
A u t a n t l'anatomîe et la physiologie v é g é -
t a l e s a v a i e n t été n é g l i g é e s j u s q u ' a l o r s , a u t a n t
elles firent de p r o g r è s lorsque l'invention du
microscope (1620) eut permis d ' e x a m i n e r dos
o r g a n e s et des p h é n o m è n e s qui é c h a p p e n t à
l'œil nu. A l'aide de cet i n s t r u m e n t , H e n s h a w ,
en 1661, avait déjà o b s e r v é les t r a c h é e s ; mais
ses observations ne s e r v i r e n t q u e d e p r é l u d e
a u x g r a n d s t r a v a u x de G r e w et de Malpighi.
L e premier en A n g l e t e r r e , le second en Italie,
d é c o u v r i r e n t la p l u p a r t des o r g a n e s é l é m e n -
t a i r e s , et é m i r e n t sur leur n a t u r e , l e u r c o m -
position, l e u r s fonctions, les idées qui s e r v e n t
encore de base à c e t t e p a r t i e de la s c i e n c e .
G r e w o b s e r v a les o r g a n e s de la fleur, m é m o
les g r a i n s de pollen. Il r e c o n n u t la s e x u a l i t é
des p l a n t e s , et fit a v e c B o b a r t , d i r e c t e u r du
jardin d'Oxford, des expériences qui é t a b l i r e n t
le rôle des a n t h è r e s , si bien que R a y en p a r -
lait en 1686 comme d'une chose certaine. L e s
r é s u l t a t s a u x q u e l s il p a r v i n t furent pleine-
m e n t confirmés p a r J a c o b C a m e r a r i u s , pro-
fesseur à T u b i n g u e , qui p r o u v a , p a r des expé~
riences faites sur le maïs et la m e r c u r i a l e , que
les g r a i n e s a v o r t e n t q u a n d , p a r un m o y e n
quelconque, on a e m p ê c h é l'action des é t a -
mines sur le pistil. D é j à , en 1604, le Bohémien
Zaluziansky s'était fait connaître p a r un écrit
sur le sex.e des p l a n t e s , où il distinguait lea
fleurs h e r m a p h r o d i t e s e t les fleurs unisexuelles.
Malpighi a v a i t c o m m u n i q u é , dès 1671, ses ob-
s e r v a t i o n s à l a Société royale de L o n d r e s , qui
les fit i m p r i m e r plus tard à ses frais. Il re-
connut les m é a t s - i n t e r c e l l u l a i r e s , la position
des t r a c h é e s , le rôle des cotylédons. Il ob-
BOTA BOTA BOTA BOTA 1033
s e r v a les spores de d i v e r s e s c r y p t o g a m e s .
E n F r a n c e , il s'élevait, à la même é p o q u e ,
u n e école de physiologistes physiciens, qui
p r é t e n d a i e n t expliquer tous les p h é n o m è n e s
de la vie v é g é t a l e p a r des causes p u r e m e n t
m é c a n i q u e s . Nous voulons p a r l e r d e P e r r a u l t ,
de La H i r e , Mariotte, Dodart, e t c . Le m o u v e -
m e n t de la s è v e , en particulier, fut l'occasion
de n o m b r e u x d é b a t s . Mariotte et P e r r a u l t
c h e r c h è r e n t à p r o u v e r que les plantes ont des
a r t è r e s et des veines g a r n i e s de v a l v u l e s .
Mais cette opinion fut bientôt d é t r u i t e . p a r les
r e c h e r c h e s de Dodart, de Magnol et du d o c -
t e u r T o n g e . De L a H i r e voulut expliquer la
direction v e r t i c a l e des p l a n t e s p a r l a p e s a n -
teur r e l a t i v e de leurs fluides à diverses h a u -
teurs. Au xvie siècle, la botanique d'observa-
tion avait succédé à la botanique d'érudition ;
à la fin du x v n e siècle naît la botanique e x -
p é r i m e n t a l e . Magnol a v a i t imaginé de faire
monter des sucs colorés dans les v é g é t a u x .
W o o d v a r d plaça des m e n t h e s dans u n v a s e
rempli d'eau p u r e et bien clos, et d é m o n t r a ,
p a r des pesées s u c c e s s i v e s , que les p l a n t e s
a u g m e n t a i e n t de tout ce que perdait le liquide.
— Troisième période. De la botanique au
x v m e siècle. La troisième période de l'histoire
de la botanique c o m m e n c e p a r les t r a v a u x de
Tournefort, qui eut la gloire d'instituer les
c a r a c t è r e s des g e n r e s sur leur véritable b a s e ,
et dont la classification, adoptée aussitôt p a r
le m o n d e s a v a n t , fit oublier toutes celles qui
a v a i e n t été établies j u s q u e - l à . Cette classifi-
cation était c e p e n d a n t r é t r o g r a d e sous d e u x
r a p p o r t s : d'une p a r t , elle r e p r e n a i t la vieille
distinction des h e r b e s et des a r b r e s , dont Rivin
a v a i t eu le c o u r a g e de s'affranchir; d ' a u t r e
p a r t , elle méconnaissait l'importance des ca-
r a c t è r e s tirés des o r g a n e s s e x u e l s , m a l g r é les
e x p é r i e n c e s de G r e w , de B o b a r t et de C a m e -
r a r i u s . C'est que T o u r n e f o r t , s a n s tenir compte
de ces expériences, refusait d'admettre l'ac-
tion fécondante du pollen. Tournefort divise
en v i n g t - d e u x classes les dix mille c e n t q u a -
rante-six espèces connues de son t e m p s : ses
d i x - s e p t p r e m i è r e s classes r e n f e r m e n t les
h e r b e s , et ses cinq d e r n i è r e s , les a r b r e s et les
a r b u s t e s ; toutes sont b a s é e s sur la p r é s e n c e
ou l'absence, la forme monopétale ou polypé-
t a l e , r é g u l i è r e ou irrégulière de la corolle.
CLASSIFICATION DE TOURNEFORT
Régulière.
/ Simple.
, Composée •
( Monopétale .
[ Polypétale.
Irrégulière..
Régulière.
1° Campanuliformes.
2° Infundibuliformes.
3° Personnées.
4° Lactées.
5° Crucifères.
' t° Rosacées.
7° Ombellifères.
8° Caryophyllées.
9° Liliacées.
10° Papilionacées.
11° Anomales.
12° Flosculeuses.
13° Semi-flosculeuses.
14" Radiées.
I Avec fruit. . .
1 5
°
A
P
é t a
» « -
t Sans corolle. .- • j 16° Sans fleur.
) Sans fruit. . . 1 7 ° Sans fleur ni fruit.
> Sans corolle S Sans chatons. . 18» Apétales.
| . ( A chatons. . . 19° Amentacées. •
l Monopétale 20° Monopétales.
\
p
. ., . | Régulière 21° Rosacées.
' ™ ' J P
e i a i e
- • ' j irrégulière 22" Papilionacées.
, Avec corolle.
• On a d e l a peine à concevoir aujourd'hui,
dit Raspail, c o m m e n t T o u r n e f o r t , doué de cet
esprit comparatif, qui est le génie des sciences
d'observation , s'est résolu à c o n s e r v e r les
deux g r a n d e s divisions en plantes herbacées
et en plantes ligneuses, q u ' a v a i e n t a d o p t é e s
ses ^devanciers." Mais la physiologie d alors
s'était peu a p p e s a n t i e sur la définition d e ces
deux sortes de formes v é g é t a l e s ; on connais-
sait peu d'exemples du p a s s a g e si fréquent de
la forme h e r b a c é e à la forme l i g n e u s e ; or, la
classification n'est j a m a i s que 1 expression de
Ja théorie, qui, dans le r è g n e o r g a n i s é , prend
le nom d e physiologie. Du r e s t e , il e û t été
facile de faire p a s s e r toute la seconde division
dans la p r e m i è r e , s a n s d é r a n g e r en rien l'heu-
r e u s e économie de la classification ; c a r le
c a d r e de l'une est la répétition de celui de
l ' a u t r e , de m ê m e que la n o m e n c l a t u r e ; et il
est à p r é s u m e r q u ' a v e c cette l é g è r e rectifica-
tion la méthode de Tournefort e û t suffi aux
besoins de la science un demi-siècle de plus,
c ' e s t - a - d i r e t a n t que les v o y a g e s a u t o u r du
monde n ' a u r a i e n t pas t r o p enrichi le c a t a l o g u e
des e s p è c e s , et q u ' u n e a n a l y s e plus profonde
des o r g a n e s n ' a u r a i t pas trop ajouté à la masse
des faits o b s e r v é s ; c a r les classifications sont
des constitutions que le p r o g r è s de la science
abolit et remplace tous les q u a r t s de siècle. »
A p r è s la méthode d e Tournefort p a r u t celle
de B o e r h a a v e , qui g a r d a de T o u r n e f o r t la di-
vision en a r b r e s et en h e r b e s , e m p r u n t a à R a y
la division en monocotylédones et dicotylé-
dones, et busa ses classes, non sur la corolle,
mais sur le n o m b r e des graines et le n o m b r e
des loges du fruit. Malgré c e t t e t e n t a t i v e et
quelques a u t r e s , T o u r n e f o r t continua à r é g n e r
dans la botanique descriptive, j u s q u ' à L i n n é .
Nous a v o n s vu q u e T o u r n e f o r t a v a i t m é -
connu la fonction des etamines e t négligé en-
tièrement les r a p p o r t s de ces o r g a n e s dans s a
classification.. C e p e n d a n t l'attention des b o t a -
nistes é t a i t d e p l u s en plus appelée sur c e t t e
question de la sexualité des p l a n t e s . L e d o -
maine de la physiologie s ' a g r a n d i s s a i t , et il
était facile de prévoir que le cadre de la c l a s -
sification r é g n a n t e n e s a u r a i t bientôt plus lui
suffire. Un mémoire de Geoffroy (1711) et un
discours de Vaillant (1718) a v a i e n t mis à l'abri
de toute contestation les résultats des e x p é -
riences de C a m e r a r i u s . Des faits n o u v e a u x ,
d'une telle i m p o r t a n c e , m a i n t e n a n t définitive-
m e n t acquis, a p p e l a i e n t une classification nou-
velle. « E n 1737, dit Raspail, p a r u t à L e y d e
le Système sexuel de Linné, espèce de diction-
n a i r e botanique, p a r o r d r e d etamines et de
pistils, méthode aussi simple e t aussi i n g é -
nieuse que celle de T o u r n e t o r t , mais qui l'em-
portait p a r l'élégante facilité qu'elle offrait à
la détermination et a u x r e c h e r c h e s , et p a r la
précision a v e c laquelle l'artifice de sa d i s p o -
sition systématique conduisait à la connais-
s a n c e des objets. Linné eut la modestie de
d o n n e r à son s y s t è m e le nom de Système arti~
ficiel, quoique, en r é a l i t é , il n e fût pas plus
artificiel que tous c e u x de son t e m p s . » Le.
Système sexuel de Linné se répandit dans les
écoles a v e c u n succès qui tint de l ' e n t h o u -
siasme. E t cela n e doit Das é t o n n e r , si l'on
songe qu'il mettait en relief u n e g r a n d e dé-
c o u v e r t e ; que les e t a m i n e s , à cette époque,-
étaient a la m o d e , et qu'on était disposé a
leur a c c o r d e r u n e place d'autant plus g r a n d e
parmi les o r g a n e s v é g é t a u x , que leur rôle
physiologique a v a i t été moins soupçonné j u s -
qu alors. L a classification de Linné est b a s é e
s u r les e t a m i n e s e t les pistils. Il divise tous
les v é g é t a u x en v i n g t - q u a t r e c l a s s e s , l e s -
quelles sont subdivisées e n c e n t o r d r e s . L e s
classes sont d i s t i n g u é e s e n t r e elles p a r le
n o m b r e , la l o n g u e u r , la situation et la con-
nexion des e t a m i n e s ; les o r d r e s sont établis
sur le n o m b r e et les a u t r e s particularités des
pistils.
SYSTEME DE LINNE
Moins de 20 j
etamines. .
/Etamines éga-^
les. • •
(Non adhé-J
rents entrer
i eux. . ,
/Réunis dans
la môme
, fleur. .
f Etamines iné-l
etamines >
et pistils
VISIBLES |
/Etamines non/
i adhérentes au\
| pistil, niais ad-/
I hérentesentre]
I elles.
10
12 à 19. . . .
( Adhérentes au ca-
20 etamines \ lice
ou plus. . J Adhérentes au ré-
( ceptacle.. . .
4, dont 2 plus longues . . . .
6, dont 4 plus longues . . . .
Par les ûlets en 1, 2 ou plusieurs
faisceaux
Etamines
adhérentes
entre elles
ou réunies j
e U e g É
_
É
|
P a r l e s
anthères,
au pistil. I Etamines soudées en un seul corps avec le pistil.
Fleurs mâles et fleurs femelles sur le môme individu
Fleurs maies et fleurs femelles sur deux individus différents. .
Fleurs malcs, femelles et hermaphrodites, soit sur le même
soit sur deux ou trois individus ,
organes sexuels NON VISIBLES. . . • - . . . .
ÏNon réunis
I- dans la
\meme fleur.
i<» Monandrie.
2° Diandrie.
3° Triandrie.
4° Tétrandrie.
6° Pentandrie.
6° Hexandrie.
7° Heptandrie.
8° Octandrie.
9° Ennéandrie.
10° Décandrie.
11° Dodécandrie.
12° Icosandrie.
I 13" Polyandrie.
14" Didynamie.
15» Tétradynamie.
16° Monadelphie.
17» Diadelphie.
18° Polyadelphie.
19° Syngénésie.
20° Gynandrie.
21° Monœcîe.
22<- Diœcie.
! 23° Polygamie.
24° Cryptogamie.
Le défaut du s y s t è m e d e L i n n é est de rom-
p r e les analogies n a t u r e l l e s et de r é u n i r dans
u n e m ê m e classe des v é g é t a u x essentielle-
m e n t différents. P a r e x e m p l e , la s a u g e se
t r o u v e s é p a r é e des a u t r e s labiées, qui sont
d a n s la didynamie, tandis qu'elle est dans la
diandrie. Le riz fait p a r t i e de l'hexandrie, le
m a ï s de la m o n œ c i e , tandis que la triandrie
r é u n i t toutes les a u t r e s g r a m i n é e s avec les
iridées et les c y p é r a c é e s . C e p e n d a n t nous de-
v o n s r e m a r q u e r q u e c e r t a i n e s classes ou cer-
t a i n s ordres d e ce s y s t è m e c o r r e s p o n d e n t assez
bien a u x familles n a t u r e l l e s : la t é t r a d y n a m i e
a u x c r u c i f è r e s , la syngénésie aux composées
ou s y n a n t h é r é e s , la monadelphie a u x mal"'. -
côes, l'icosandrie a u x r o s a c é e s , la p e n t a n o i î e
digynie (deux carpelles) a u x ombellifères, la
diadelphie décandrie a u x l é g u m i n e u s e s , la
polyadelphie polyandrie a u x h y p é r i c i n é e s , la
t
y n a n d r i e m o n a n d r i e et diandrie a u x orehi-
ées, la didynamie g y m n o s p e r m i e (graines
nues) a u x labiées, la didynamie angiospermie
{graines enveloppées) a u x p e r s o n n é e s .
Linné c o m p r e n a i t p a r f a i t e m e n t tout ce qu'il
y avait d'artificiel dans son é l é g a n t e classifi-
c a t i o n ; il la considérait simplement comme un
moyen pour l'étude et la détermination des
p l a n t e s . « On doit s u r t o u t , disait-il, r e c h e r c h e r
e t r a s s e m b l e r a v e c soin les é l é m e n t s , les
fragments de la méthode n a t u r e l l e (Methodi
naturalis fragmenta studiose inquirenda sunt) ;
c'est, ce doit ê t r e le b u t de la botanique [Finis
est et erit botanices). L a n a t u r e n e fait point
de s^ut, et toutes les p l a n t e s se t o u c h e n t e n -
t r e elles, comme les régions sur u n e m a p p e -
m o n d e (Natura non facit saltus, planta? omnes
utrinque affinitatem monstrant, uti territorium
in mappa geographica). • E n m ê m e t e m p s q u e
son Système sexuel, il publia u n Essai de mé-
thode naturelle, où les g e n r e s se t r o u v e n t dis-
tribués en familles, mais sans indication des
principes sur lesquels cette distribution est
fondée. Voici u n c e r t a i n n o m b r e de ces fa-
milles : palmœ ( p a l m i e r s ) , orchideœ (orchi-
d é e s ) , ensatœ ( i r i d é e s ) , liliaceœ (liliacées),
calamariœ ( c y p é r a c é e s ) , gramina (graminées),
coniferœ (conifères), amentacece ( a m e n t a c é e s ) ,
scabridœ ( u r t i c é e s ) , composai ( c o m p o s é e s ) ,
umbellatœ (ombellifères), multisitiquœ (renon-
c u l a c é e s ) , vaginales ( p o l y g o n é e s ) , rhœades
( p a p a v é r a c è e s ) , campanacei ( c a m p a n u l a c é e s ) ,
Iriridœ (solanées), hesperideœ ( a u r a n t i a c é e s ) ,
columniferœ ( m a l v a c é e s l , caryophylleœ (dian
t h é e s ou c a r y o p h y l l é e s ) , asperifoliœ (borra-
g i n é e s ) , steltatœ ( rubiacées ) , cucurbitaceœ
(cucurbitacées), tricocca (euphorbiacées), sili-
quosœ (crucifères), uerticillatœ {labiées}, per-
sonnatœ (personnées ou s c r o p h u l a r i é e s ) , per-
forâtes (hypéricinées).
De 173S à 1759, il p a r u t plusieurs méthodes
g é n é r a l e s , mais dont a u c u n e n e fit oublier
celles de Tournefort et de Linné, e n t r e les-
quelles le monde s a v a n t continua de se p a r t a r
g e r longtemps e n c o r e . R o y e n , e m p r u n t a n t à
R a y la division e n monocotylédones e t d i c o -
t y l é d o n e s , à Tournefort les c a r a c t è r e s t i r é s
de l a . p r é s e n c e ou de l'absence du calice, d e
la fleur et du fruit, à L i n n é la considération
du n o m b r e des e t a m i n e s , y ajouta le c a r a c -
t è r e de l'insertion des etamines s u r le fruit
(épigynes) ou sur le calice (périgynes). W a -
chendorf divisa les p l a n t e s en d e u x g r a n d e s
sections : phaneranthœ ( p h a n é r o g a m e s ) et
cryptanthœ ( c r y p t o g a m e s ) ; s a classification
e s t un m é l a n g e de toutes les méthodes p r é c é -
dentes a v e c de nouvelles expressions ; a u lieu
du radical avijç, pour d é s i g n e r les e t a m i n e s ,
l'auteur emploie celui de (rtijp-uv, monostemo-
nés pour monandria, e t c . E n t r e a u t r e s i n n o -
v a t i o n s , on y r e n c o n t r e les expressions epi-
carpanthœ et hypocarpanthœ qui sont plus
e x a c t e s que épigynes et hypogynes ; car c'est
t o u t e la fleur, et non. pas seulement les e t a -
m i n e s , qui s ' i n s è r e , non pas sous ou sur tout
l'organe femelle ou pistil (YUVÏ]), mais sur l'o-
v a i r e qui doit d e v e n i r fruit (xapno;).
P l u s la botanique faisait do p r o g r è s , plus le
besoin se faisait sentir d'un s y s t è m e de c l a s -
sification qui r e p r é s e n t â t fidèlement dans son
a r r a n g e m e n t tous les r a p p o r t s des p l a n t e s , et
fût ainsi l'expression de la n a t u r e m ê m e . Il
s'agissait de réunir en g r o u p e s d'ordre plus
é l e v é t o u s les g e n r e s qui se ressemblaient
plus e n t r e e u x qu'ils n e r e s s e m b l a i e n t a u x a u -
t r e s ; tous les g e n r e s qui, m a l g r é l e u r s diffé-
r e n c e s , p r é s e n t a i e n t à l'œil de l ' o b s e r v a t e u r
u n air de famille. L e difficile était d'estimer
e x a c t e m e n t , de m e s u r e r en quelque sorte les
différents d e g r é s de r e s s e m b l a n c e , et d'ana-
l y s e r cet air de famille de c e r t a i n s g e n r e s , s u r
lequel Magnol a v a i t depuis l o n g t e m p s a p p e l é
l'attention des botanistes.
P o u r r é s o u d r e ce p r o b l è m e de t a x o n o m i e ,
A d a n s o n , botaniste f r a n ç a i s , c o n s t r u i s i t , à
l'égard de seize cents p l a n t e s , soixante-cinq -
s y s t è m e s ou classifications artificielles d ' a p r è s
soixante-cinq b a s e s différentes; c ' e s t - à - d i r e
q u ' à l'imitation d e L i n n é , qui a v a i t pris pour
b a s e de s a classification des considérations r e -
latives aux e t a m i n e s et a u pistil, Adanson p r i t
s u c c e s s i v e m e n t pour base de comparaison
t o u s les o r g a n e s des v é g é t a u x , t o u s les c a r a c -
t è r e s qu'ils p r é s e n t e n t , et tous les points
de v u e sous lesquels on p e u t les considérer.
Configuration, dimension des plantes, d i a m è -
t r e du t r o n c , l o n g é v i t é , couleur, s a v e u r ,
odeur, b o u r g e o n s , disposition des b r a n c h e s ,
forme et disposition des f e u i l l e s , stipules,
p i q u a n t s , poils et g l a n d e s , situation des
fleurs, s e x e des p l a n t e s , situation, forme e t
n o m b r e des sépales du calice, des pétales d e
la corolle, des e t a m i n e s , des ovaires, des s t y -
les, rien n'était oublié d a n s ce gigantesque
t r a v a i l . Il c r u t en e x t r a i r e la classification n a -
turelle, en r a p p r o c h a n t ou éloignant les g e n r e s
d'après la somme plus ou moins g r a n d e de
c a r a c t è r e s semblables qu'ils p r é s e n t a i e n t d a n s
ces soixante-cinq s y s t è m e s . C est ainsi qu'il
forma cinquante-nuit familles d e tous les v é -
g é t a u x qu il connaissait. « Mais, dit a v e c r a i -
son M. Adrien de J u s s i e u , s'il a v a i t e m p l o y é
c o n c u r r e m m e n t tous les c a r a c t è r e s des p l a n -
tes pour les classer, il avait eu le t o r t d e les
employer tous à peu p r è s au m ê m e t i t r e , et
s o u v e n t la somme des r a p p o r t s se t r o u v a
fausse, comme le serait une somme de m o n -
naie qu'on p r é t e n d r a i t é v a l u e r en a y a n t é g a r d
seulement au volume et non au m é t a l des
pièces. »
Enfin, en 1789, Antoine-Laurent de J u s s i e u
p r é s e n t a au j u g e m e n t de l'Académie des
sciences et de celle de médecine son o u v r a g e
intitulé : Gênera plantarum secunditm ordines
itaturales disposita. D a n s cet o u v r a g e , où les
t r a v a u x a n t é r i e u r s a v a i e n t été mis a profit,
les principes de toute classification qui v e u t
ê t r e le tableau de la n a t u r e et le r é s u m é de la
science étaient exposés a v e c u n e clarté et
u n e précision r e m a r q u a b l e s , et le problème
d e la détermination des ordres naturels o i
familles naturelles, enfin s o u s t r a i t a u t â t o n -
n e m e n t , à l'empirisme, p a r u t avoir reçu u n e
solution définitive. L a u r e n t de J u s s i e u admit,
comme A d a n s o n , que l'examen d e toutes les
parties d'une plante est nécessaire pour la
classer ; mais il vit q u e tous les c a r a c t è r e s n e
sont pas d'égale i m p o r t a n c e ; qu'il faut l e s ^ e -
ser et non l e s compter ; q u e pour les ressem-
blances et les différences, il v a u n e s o r t e
de h i é r a r c h i e ; q u e , sous les différences l é -
g è r e s qui font les v a r i é t é s , il y a une r e s s e m -
blance qui fait l ' e s p è c e ; sous les différences
des e s p è c e s , u n e r e s s e m b l a n c e qui fait le
g e n r e ; sous les différences des g e n r e s , u n e
r e s s e m b l a n c e qui fait l'ordre ou la famille;
q,u'en s'élevant ainsi de la v a r i é t é à l'ordre et
à la c l a s s e , on t r o u v e des différences de plus
en plus profondes, et des différences qui p o r -
t e n t sur des c a r a c t è r e s de plus en plus g é n é -
r a u x ; en un mot, que les c a r a c t è r e s de v a r i é -
tés sont moins g é n é r a u x , moins importants et
en même t e m p s moins fixes q u e les c a r a c t è -
res spécifiques; que c e u x - c i s o n t s u b o r d o n n é s
à leur tour a u x c a r a c t è r e s g é n é r i q u e s , et
qu'enfin, pour constituer des o r d r e s n a t u r e l s
et des classes n a t u r e l l e s , il faut s'attacher
aux c a r a c t è r e s qui l ' e m p o r t e n t en g é n é r a l i t é ,
en importance et en fixité sur les c a r a c t è r e s
des g r o u p e s inférieurs.
Subordination des caractères q u a n t à la g é -
n é r a l i t é ^ l'importance et à la fixité, tel est le
principe que L a u r e n t de J u s s i e u eut la gloire
de m e t t r e en l u m i è r e , et qu'on p e u t considé-
r e r c o m m e la clef *de toute classification r a -
tionnelle, n o n - s e u l e m e n t en botanique, mais
d a n s toutes les sciences.
L a classification de J u s s i e u , b a s é e s u r le
principe de la subordination des c a r a c t è r e s ,
fut accueillie p a r le monde s a v a n t a v e c la f a -
v e u r qu'elle méritait, et se substitua peu à peu
a u x s y s t è m e s a n t é r i e u r e m e n t suivis. 11 n e s t
pas s a n s i n t é r ê t de c o n n a î t r e le chemin qui
a v a i t conduit si h e u r e u s e m e n t de J u s s i e u au
b u t m a r q u é p a r Linné e t poursuivi p a r Adan-
son. Certaines collections de g e n r e s étaient
r e c o n n u e s depuis l o n g t e m p s p a r t o u s les b o -
tanistes comme des familles é v i d e m m e n t na-
t u r e l l e s : les g r a m i n é e s , les l i l i a c é e s , les
comnosées, les ombellifères, les crucifères et
les l é g u m i n e u s e s . Ces g r o u p e s ' si n e t t e m e n t
c i r c o n s c r i t s , si bien d e s s i n é s , étaient en quel-
q u e s o r t e des d o n n é e s fournies p a r la n a t u r e .
De J u s s i e u a n a l y s a ces d o n n é e s , en d é g a g e a
le critérium qu'il c h e r c h a i t , et put ainsi don-
n e r un sens précis et scientifique à la d é n o -
mination de famille naturelle, si s o u v e n t e m -
ployée et si peu définie p a r ses d e v a n c i e r s .
L a u r e n t de J u s s i e u établit d'abord trois
g r a n d e s divisions appelées e m b r a n c h e m e n t s :
les acotylédones, les monocotylédones et les
dicotylédones. Ces trois e m b r a n c h e m e n t s for-
ment quinze c l a s s e s
;
dont treize sont fondées
sur le mode d'insertion des e t a m i n e s , c ' e s t - à -
dire sur la situation relative des e t a m i n e s et
du pistil. C h a q u e classe c o m p r e n d u n c e r t a i n
n o m b r e d e familles.
CLASSIFICATION DE JUSSIEU.
Acotylédones.
t° Acotylédonie.
Monocotylédones.
3° Monohypogynie (stamina hypogyna).
3" Monopérigynie (stamina perigyna).
4° Monoépigynie (stamina epigyna).
Dicotylédones.
APÉTALES-
5° Epistaminie (stamina epigyna).
6'» Péristaminie (stamina perigyna).
7° Hypostaminie (stamina hypogyna).
MONOPÉTALES.
8° Hypocorollie (corolla hypogyna).
9° Péricorollie (corolla perygyna).
10" Epicorollie synanthérie ( corolla epigyna, an-
theris connatis).
11° Epicorollie corisanthérie (corolla epigyna, an-
theris distinctis).
POLYPÉTALES.
12° Epipétalie (stamina epigyna).
13° Hypopétalie (stamina hypogyna).
14° Péripétalie (stamina perigyna).
15o Diclinie.
Nous devons rappeler q u e la g r a n d e dïvi-
130
1034 BOTA
BOTA
BOTA
BOTA
sion fondée sur le nombre des cotylédones ap-
partient à Ray, qu'elle fut adoptée par Boer-
huuve et par Royen , qu'elle est inscrite mot
à mot dans la Philosophie botanique de Linné ;
que la division en apétales, monopétales, po-
lypétnles remonte à Rivin ; qu'elle a été adop-
tée par les auteurs qui ont suivi, et qu'elle se
trouve en toutes lettres dans la méthode de
Tournefort; enfin, que la division en étamines
ou corolles épigynes, hypogynes et péngy-
nes appartient a Royen et fut employée par
Wachendorf. Cuvier a dit que le livre de Jus-
sieu 0,'éia en botanique la révolution queLa-
voisier avait opérée en chimie. Il y a là une
exagération évidente ; la vérité est que Jus-
sieu a opéré une révolution moins dans la
taxonomie végétale que dans la théorie géné-
rale des classifications, dans la philosophie
taxonomique. Il y a deux parties distinctes
dans la méthode de Jussieu : 1° le groupe-
ment des genres en familles; 2° le groupe-
ment des familles en classes. Pour la première,
il ne fit que perfectionner, en s'éclairant du
principe de la subordination des caractères,
l'oeuvre de Linné et d'Adanson. Pour la se-
conde, on a vu que sa part d'invention se ré-
duit à peu de chose. Cette seconde partie est,
d'ailleurs, une application assez douteuse du
principe de la subordination des caractères,
un grand nombre de botanistes refusant d'at-
tacher une importance, une valeur de pre-
mier ordre au mode d'insertion des étamines.
Les principaux représentants de la physio-
logie végétale au xvinc siècle sont Haies,
Duhamel du Monceau, Wolff, Bonnet, Priest-
ley, Sennebier, Ingenhousz, Théodore de
Saussure.
Par son ouvrage intitulé : Statique des vé-
gétaux (1727), Haies fonda la physique végé-
tale. Il fit connaître la rapidité de la marche
de la sève, la force aspirante des racines et
des feuilles , les rapports nécessaires entre
l'absorption et la transpiration, l'influence des
causes extérieures sur ces phénomènes On
cite assez souvent l'expérience par laquelle
il démontra directement que les racines peu-
vent être suppléées dans les fonctions d'ab-
sorption par les feuilles. Il avait bien vu, ce
que les expériences de M. Jamin ont de nos-
jours établi d'une façon rigoureuse, que les
pleurs de la vigne, inexplicables par la simple
capillarité, s'expliquent par l'air dont ils sont
mêlés, que leur abondance est liée à l'abon-
dance de ce gaz, et que c'est par saito d'un
échauffement de la vigne qu'ils se produisent.
Duhamel du Monceau montra par de nom-
breuses et ingénieuses expériences, consignées
dans sa Physique des arbres (1758), que l'ac-
croissement des tiges dicotylédones est dû à
la formation de nouvelles couches corticales
et de nouvelles couches ligneuses, qui vien-
nent chaque année s'appliquer sur les ancien-
nes; que cette formation de nouvelles cou-
ches corticales et ligneuses doit s'expliquer
par l'existence du cambium, substance orga-
nisatrice que produit et dépose sur son che-
min la sève élaborée en descendant des feuil-
les à travers l'écorce vers les racines. \Volff
constata l'absence des trachées dans l'écorce,
et s'assura, au moyen de la pompe pneuma-
tique, que ces vaisseaux contiennent de l'air,
ce que M. Bischoff a pleinement démontré de
nos jours.
Charles Bonnet s'appliqua à étudier la dis-
position des feuilles sur la tige, les phéno-
mènes qu'elles présentent, leurs usages. Le
{>remier, il observa qu'en faisant passer de
)as en haut une ligne par les points succes-
sifs d'où partent des feuilles, cette ligne dé-
crit une spirale autour de la tige ; que ces
feuilles sont dans un rapport à peu près con-
stant, séparées chacune de la suivante par
une partie égale de la circonférence de la
tige, de manière que, si l'on en trouve une
placée verticalement au-dessus d'une pre-
mière feuille inférieure dont elle est sépa-
rée par un certain nombre de feuilles in-
termédiaires , la feuille suivante se placera
au-dessus de la seconde, la suivante au-des-
sus de la troisième, et ainsi de suite. Deux
de ses expériences sont demeurées classi-
ques. Par la première, il prouva que la lu-
mière exerce sur les parties vertes des vé-
gétaux une si vive attraction que, mises à
l'obscurité, elles se dirigent et s'inclinent vers
les moindres ouvertures qui leur amènent le
jour. La deuxième montra qu'étant plongées
dans l'eau, les plantes dégagent, au soleil, une
grande quantité d'air; mais là s'arrêta le rôle
fie Bonnet; il ne sut pas quel était cet air, et
il ne pouvait le savoir, puisque, à cette .époque,
les premières notions de la chimie moderne
étaient ignorées de tous.
Priestley, qui était l'émule et en quelques
points le prédécesseur de Lavoisier, fut amené
par les conséquences mêmes de ses découver-
tes à étudier l'action des plantes sur l'atmo-
sphère. Il venait d'isoler l'oxygène, qu'il avait
nommé l'air vital. Il avait reconnu que de
petits animaux, enfermés dans cet air ou dans
l'air atmosphérique, en altéraient bientôt les
qualités au point qu'ils y mouraient, et que
las bougies s y éteignaient. En voyant ces pe-
tits animaux vicier par leurs exhalaisons
l'air confiné, il comprit que tous les individus
du règne animal produisent le même effet
d'une manière continue sur l'atmosphère en-
tière, et qu'ils devraient fatalement y mourir,
s'il n'y avait dans le jeu des forces naturelles
une action continue inverse, tendant à rendre
à l'air sa pureté, à mesure qu'elle est détruite
par la respiration animale. Cette action régé-
nératrice, il la chercha et la trouva dans lea
végétaux. Il mit dans l'air, sous une cloche
fermée, un animal et une plante. Le premier
corrompit l'ait- et mourut; mais au bout d'un
certain temps, Priestley reconnut que la se-
conde avait restitué à l'air la pureté néces-
saire à l'entretien de la vie. C'était un des
faits les plus considérables de la mécanique
du monde, une des plus belles harmonies de
la nature. La Société royale de Londres offrit
à Priestley, en 1773, la médaille de (Jopley,
et, en la lui remetiant, le président de cette
compagnie caractérisait ainsi la découverte
de Priestley : a Les plantes ne croissent pas
en vain ; chaque individu dans le règne végé-
tal, depuis le chêne des forêts jusqu'à l'herbe
des champs, est utile au genre humain. Toutes
les plantes entretiennent notre atmosphère
dans le degré de pureté nécessaire à la vie
des animaux. Les forêts elles-mêmes des pays
les plus éloignés contribuent à notre conser-
vation en se nourrissant des exhalaisons de
nos corps devenues nuisibles à nous-mêmes. »
Plus tard, en répétant et en variant ses ex-
périences, Priestley constata que les végé-
taux ne jouissent pas toujours de la propriété
de purifier l'air, qu'ils offrent assez souvent
celle de le vicier, comme les animaux; mais
il ne sut point déterminer les conditions dans
lesquelles ils présentent l'une ou l'autre.
Ingenhousz réussit à concilier les résultats
contradictoires des expériences de Priestley,
en montrant que l'action purificatrice exercée
sur l'air par les plantes est due à l'action de
la lumière solaire. Voici comment il résume
lui-même sa découverte (1780) : « J'observai
ue les plantes n'ont pas seulement la faculté
e corriger l'air impur en six jours au plus,
comme les expériences de M. Priestley sem-
blent l'indiquer, mais qu'elles s'acquittent de
ce devoir important dans peu d'heures, de la
manière la plus complète; que cette opération
merveilleuse n'est aucunement due à la végé-
tation, mais à l'influence de la lumière du so-
leil sur les plantes; qu'elle commence seule-
ment quelque temps après que le soleil s'est
élevé sur l'horizon et qu'elle est suspendue
entièrement pendant l'obscurité de la nuit;
que les plantes ombragées par les bâtiments
élevés ou par d'autres plantes ne s'acquit-
tent pas de ce devoir, c'est-à-dire n'amélio-
rent-pas l'air, mais, au contraire, exhalent
un air malfaisant et répandent un vrai poi-
son dans l'air qui nous environne; que la
production du bon air commence à languir
vers la fin du jour et cesse entièrement au
coucher du soleil; que toutes les plantes cor-
rompent l'air environnant pendant la nuit ;
que toutes les parties de la plante ne s'occu-
pent pas de purifier l'air, mais seulement les
feuilles et les rameaux verts ; que les plantes
acres, puantes et même vénéneuses s'acquit-
tent de ce devoir comme celles qui répandent
l'odeur la plus suave et qui sont les plus salu-
taires, etc. »
Lavoisier avait montré que la viciation de
l'air est due aux phénomènes de la respira-
tion animale, c'est-à-dire à l'inspiration de
l'oxygène et à l'expiration de l'acide carboni-
que. Sennebier et Th. de Saussure établirent
que la purification de l'air par les plantes est
due aux phénomènes de la respiration végé-
tale, c'est-à-dire à l'absorption de l'acide car-
bonique, à la décomposition de cet acide car-
bonique et à l'expiration de l'oxygène qui en
résulte. Sennebier observa que les végétaux
mis dans l'eau bouillie ne dégagent aucun gaz
au soleil, mais qu'ils développent une abon-
dante quantité d'oxygène quand cette eau a
été préalablement chargée d'acide carbonique.
Il en conclut que ce gaz est nécessaire a la
respiration des plantes, et qu'il est décomposé,
par elles. Th. de Saussure prit un ballon dans
lequel il renferma un rameau feuille ; il y in-
troduisit successivement chacun des trois gaz
de l'atmosphère (oxygène, azote, acide car-
bonique) et prouva ainsi que c'était l'acide
carbonique que les feuilles prenaient à l'air;
•car elles ne vivaient ni dans l'azote, ni dans
l'oxygène. De Saussure fit en outre connaî-
tre, par de nombreuses expériences, les phé-
nomènes chimiques de la floraison et de la
germination.
— Quatrième période. De la botanique au
xixe siècle. Pour cette quatrième période, qui
s'ouvre par le beau livre de Goethe sur la
Métamorphose des plantes, nous renverrons
au mot, VÉGÉTAL.
III. — LANGUE DE LA BOTANIQUE. La nomen-
clature et la terminologie ont une très-grande
importance dans les sciences, surtout dans les
sciences naturelles, où il s'agit de décrire et
de classer un "si grand nombre d'êtres, de
formes différentes. Comme le but de toute no-
menclature est de fournir aux hommes le
moyen de s'entendre sur des choses et des
idées, il y faut avant tout éviter la confusion
et l'obscurité. Les botanistes sont donc con-
venus, tacitement ou expressément, de cer-
taines règles. De ces règles, les unes sont
universelles, c'est-à-dire s'appliquent à tous
les noms, termes et expressions que l'on peut
imaginer en botanique; les autres sont parti-
culières, soit à la nomenclature des groupes,'
soit à la nomenclature des organes et des mo-
difications d'organes.
— Règles universelles de nomenclature et de
terminologie. Voici comment A. de Candolle
a formulé ces règles : — Toutes les fois qu'un
mot ordinaire de la langue dans laquelle on
écrit présente un sens clair et bien défini, il
f.iut l'employer de préférence aux mots tech-
niques et à ceux tirés d'une autre langue. —
Un mot qui présente deux ou plusieurs sens
doit être rejeté, ou limité à un seul sens d'une
manière précise. — Si l'un des sens est plus
généralement connu, c'est pour celui-là que
le mot doit être conservé; les autres accep-
tions doivent être indiquées par d'autres mots.
— Si les acceptions diverses sont également
reçues, il vaui mieux rejeter entièrement le
mot qui peut faire équivoque. —Quand une
même chose ou une même idée s'exprime par
deux ou plusieurs termes, il faut en conserver
un seul. — Quand on manque d'un mot dans
la langue vulgaire pour exprimer une chose
ou une idée, il faut employer les termes tech-
niques, c'est-à-dire propres à la science.—A
défaut de mots techniques, on en fait de nou-
veaux, tirés autant que possible du grec ou
du latin, à cause de 1 universalité de ees lan-
gues, de la facilité qu'elles présentent pour les
compositions et dérivations de mots, et parce
que toutes les nations modernes peuvent re-
cevoir les ex pressions qu'elles fournissent dans
leurs propres idiomes. — Aucun mot ne doit
être tiré en partie d'une langue, en partie
d'une autre.—Toutes les fois qu'un mot tech-
nique a été proposé dans un sens précis, et
que ce mot n'est pas contraire aux faits ou à
la grammaire, il doit être employé de pré-
férence aux mots proposés' plus tard pour la
même chose ou la même idée.
— Nomenclature des groupes de végétaux.
Dès que l'on reconnaît l existence d'un groupe
ou d'une classe quelconque, on est obligé de
la nommer afin de s'entendre. Ainsi, la nomen-
clature est le cortège nécessaire de la taxo-
nomie. On a commencé dans toutes les lan-
gues par nommer les genres, car chaque
peuple a donné un nom aux groupes généri-
ques les plus clairs et les plus utiles, comme
chêne, blé, rose, etc. Puis on s'est aperçu des
différences qui se perpétuaient par graines, et
l'on a ajouté des épithètes spécifiques, comme
peuplier blanc, rose épineuse, etc. Mais comme
il peut y avoir plusieurs espèces de roses
ayant des épines, on a été entraîné à multi-
plier les épithètes. On a dit, par exemple,
rose épineuse à larges feuilles; et, comme il
peut y en avoir plusieurs épineuses à lar-
ges feuilles^ on a dû ajouter encore d'autres
épithètes distinctives. Jusqu'à Linné, les bo-
tanistes n'ont pas eu d'autre mode de nomen-
clature, et comme le nombre des espèces de
quelques genres augmentait singulièrement à
mesure que l'on observait mieux et dans un
plus grand nombre de pays, il fallait des
phrases très-longues pour désigner les espè-
ces. De telles désignations n'étaient plus des
noms; une telle langue était informe ; elle n'é-
tait assujettie à aucune loi fixe. Ce fut Linné
qui donna à la botanique une langue précise,
systématique, vraiment scientifique; il en fut
l'organisateur. le législateur, comme Lavoi-
sier devait l'être de la chimie ; c'est là son
plus grand titre de gloire. Il remplaça les lon-
gues phrases descriptives par deux mots, un
substantif et un adjectif, le premier désignant
le genre; le second, l'espèce. Chaque plante
reçut ainsi deux noms latins, absolument
comme plusieurs individus, enfants d'un même
père, portent chacun deux noms, leur nom
patronymique et leur prénom : par exemple,
le genre lilium (lis) contient les espèces lilium
candidum (lis blanc), lilium bulbiferum (lis à
bulbilles), etc.; le genre brassica (chou) con-
tient les espèces brassica oleracea (chou po-
tager), brassica napus (chou-navet), etc. Le
nom d'espèce est mis le second, comme les
prénoms dans les actes officiels. Avec le se-
cours de deux mille noms de genre et de mille
noms spécifiques, Linné parvint à désigner
simplement et clairement plus de trois mille
végétaux. Cette nomenclature binaire, adop-
tée dans toutes les branches de l'histoire na-
turelle, et qui a reçu le nom de nomenclature
linnéenne, ne laisserait rien à désirer, si le
genre, dont le nom devient la désignation
P
rincipale de chaque plante, était, comme
espèce, une unité collective déterminée et
circonscrite nettement par la nature, et non
formée par abstraction. Malheureusement, l'u-
nité genre est en partie subjective, et nous
n'avons pas, pour nous fixer à son égard, de
critérium physiologique; aussi n'est-ce pas
toujours sans difficulté que l'on s'entend sur
les caractères génériques, c'est-à-dire sur la
question de savoir en quoi un genre se dis-
tingue d'un autre genre. Il en résulte que
telle plante, placée par plusieurs naturalistes
dans des genres différents, a pu recevoir qua-
tre ou cinq noms génériques différents.
On tire les noms de genres : 1° des carac-
tères; ex. : polytrichum (qui a beaucoup de
poils), lasiandra (dont les anthères sont ve-
lues), etc.; — 2° de la station habituelle des
espèces; ex. : epidendron (qui vit sur les ar-
bres), etc. ; — 3° des noms des savants qui
les ont fait connaître, et en général, des hom-
mes qui ont rendu des services à la science;
ex. : linnœa (de Linné), bauhinia (de Bauhin),
magnolia (de Magnol), etc.; — 40 des noms
vulgaires; ex. : thea (thé), coffea (café), etc.;
— 50 de l'analogie de la plante avec d'autres
plantes; ex. ipyrola (qui a des feuilles de poi-
rier), valerianella (qui ressemble aux valé-
rianes), etc.
On tire les noms d'espèces : 1° d'un carac-
tère quelconque indiqué par un adjectif; ex.:
falium glaucum. salix alba, lilium candi-
um
f
etc. ; — 2o d'une ressemblance avec une
autre espèce ou un genre, ce qui s'indique soit
par un adjectif, ex. : ranunculus rutxfolius
(qui a des feuilles analogues à la rue); soit
par le nom du genre lui-même; ex.: lepi-
dium iberis (qui ressemble à un iberis); soit
par la terminaison oïdes, qui ne peut s'ajouter
qu'aux noms d'origine grecque; ex. : s&x'i-
fraga bryoïdes (qui ressemble à une mousse);—
3° d'un ancien nom, soit botanique, soit vul-
gaire; ex. : ranunculus thora, theobroma ca-
cao, etc. ; —4o deja station ou de l'habitatiqn ;
ex. : trifolium alpesti'e, stachys palustris, etc.;
— 50 d'un nom d'homme; ex. : tulipa gessne-
riana, etc.; — Go des propriétés que l'on uti-
lise; ex. : rubia tinctorum, etc. Une épithète
ajoutée au nom d'espèce indique une variété;
ex.: rosa gallica parvifolia. Quand on énu-
mère une ou plusieurs variétés, on les distin-
gue par des lettres grecques, a, p, y, etc.
Quelques auteurs considèrent la variété la
plus ordinaire comme formant l'espèce pro-
prement dite, et ne mentionnent séparémeni
que les autres variétés. Les hybrides bien
constatés entre deux espèces s'indiquent, soit
par un nom spécifique nouveau, soit par la
réunion des noms des deux parents.
Les noms de familles et de tribus se tirenl
de l'un des genres, ou de quelque caractère
important. Ainsi le nom des liliacées se tire
du genre lilium ; lé nom des rosacées, du genre
rosa; les labiées sont ainsi nommées à cause
des corolles en lèvres, et les légumineuses, à
cause des fruits en légumes. P. de Candolle a
introduit l'usage de terminer en qcées (aceœ)
les noms de familles, et ceux de tribus en ées
(eœ). Ainsi les rosées forment une tribu de la
famille des rosacées. Quant à la nomenclature
des classes, elle est tirée'tout entière des
caractères d'après 'lesquels la classification
adoptée groupe les familles, soit que ces ca-
ractères n'aient qu'une importance de conven-
tion {méthodes artificielles), soit qu'ils consti-
tuent réellement les caractères les plus im-
portants et les plus généraux des plantes
(méthode naturelle).
— Nomenclature des organes. La nomencla-
ture des organes est loin d'être soumise à des
règles fixes comme celle des espèces, des gen-
res et autres croupes. Parmi les noms d'orga-
nes et de parties d organes, les uns. empruntés
à la langue vulgaire, ont besoin d une défini-
tion qui en limite et en précise le sens; les
autres ont été créés par les anciens botanis-
tes et tirés du latin ; d'autres, nés des progrès
de l'organographie et de l'anatomie végétales,
ont été formés du grec ; d'autres ont été for-
gés par suite d'idées théoriques particulières.
Le nombre est considérable des termes in-
ventés pourexprimerles divers caractères, les
diverses modifications des organes. Nous avons
les.termes relatifs à la situation, à la direc-
tion, à la disposition des parties ; ex. : verti-
cillé (vertictllatus), opposé (oppositus), al-
terne (alternus), sessile (sessilis), dressé
(erectus), resupiné (resupinatus), incliné (in-
clinatus), pendant (pendulus)^ penché (nu-
tans), etc. Nous'avons les termes relatifs aux
formes; ex. : oblong (oblongus), lancéolé (lan-
ceolatus), obové (pbovatus), spatule (spatula-
tus), cunéiforme (cuneiformis). cordiforme
(cordatus), réniforme (reniformis), lunule (lu-
nulatus)
t
sagitté (sagittatus), hasté (hastatus),
subulé (subulatus), ensiforme (ensiformis), ca-
réné (carinatus), infundibuliforme (infundi-
buliformis), denté (dentatus), crénelé (crena-
tns), lobé (lobatus), sinué (sinuatus), acuminé
(acuminatus), etc. Nous avons les termes re-
latifs à l'aspect de la surface: ex.: soyeux
(sericeits), lisse (lœvis)^ strié (striatus), sil-
lonné (sulcatus), bosselé (torosus), crevassé
(rimosus), glabre (glaber), velu (villosus), pu-
bescent (pubescens), hérissé (hispidus), laineux
(lanuginosus), cotonneux (tomentosus), cilié
(ciliatus), etc. Nous avons les termes relatifs
aux modifications de durée ; ex. : horaire (ho-
rarius), diurne (diurnus), nocturne (noctur-
nus), annuel (amiuus), bisannuel (biennts), vi-
vace (perennis), caduc (deciduus). persistant
(persistens), accrescent (accrescens), marces-
cent (marcescens), etc. Nous avons les termes
relatifs aux modifications des couleurs; ex. :
blanc de neige (niveus), argenté (argenteus),
blanc d'ivoire (eburneus), blanc de lait (lacteus),
blanchâtre (albidus), blanchissant (albescens),
blanc cendré (cinerascens), gris cendré (cine-
reus), enfumé (fumosus). noirâtre (nigrescens),
violet (violaceus), lilas (lilacinus), rouge sang
(sanguineus), rouge carmin (puniceus), rou-
^eàtre (rubescens), incarnat (incar-natus), sa-
trané (croceus), bleu (cœruleus), bleu de Prusse
(cyancus), bleu de ciel (azureus), bleuâtre (cœ-
sias), bleuissant (carrulescens), plombé (ptom-
beus), etc.
— Critique de la langue botanique. Nous
venons de faire connaître la langue de la ôo-
tanique. Les critiques n'ont pas été épargnées
à cette langue ; on a reproché aux botanistes
de rendre leur science moins accessible et
moins attrayante en la hérissant de termes
barbares. Le moyen d'aimer et d'admirer les
fleurs sous ce costume 1 Ce latin de cuisine
que l'on fait parler à la botanique ne semble-
t-il pas'inventé tout exprès pour en éloigner
les gens de goût, et pour mettre une barrière
entre les fleurs et les femmes, qui semblaient
pourtant, dirait M. Toussenel, si bien faites
pou; se comprendre? Que toute science, mémo
la plus aimable, montre parfois un .visage
grave, même sévère, on le conçoit à la ri-
gueur; mais pourquoi ce masque repoussant?,
N'enverra-t-on pas bientôt ces noms en us
BOTA
des végétaux rejoindre les noms en us des
savants de la Renaissance? Qui nous délivrera
des Grecs et des Romains? N'est-il pas de
science possible hors'des langues mortes? La
botanique est-elle condamnée à ne jamais sor-
tir de ce suaire? Pourquoi prendre à tâche
d'augmenter la distance qui sépare la science
de la poésie, dans une matière où' il semble
qu'elles pourraient si heureusement s'unir?
Deux écrivains français surtout, deux amis
des plantes, Bernardin de Saint-Pierre et
M. Alphonse Karr se sont plu à faire le pro-
cès à la botanique savante et classique; ils
représentent le sentiment de la nature et le
bon sens insurgés contre la tradition scientifi-
que, l'autorité des méthodes et le pédantisme
des nomenclatures.
Ecoutonsd'abord Bernardin de Saint-Pierre :
• Nous sommes encore si nouveaux dans l'é-
tude de la nature que nos langues manquent,
de termes pour en exprimer les harmonies les
plus communes ; cela est si vrai que, quelque
exactes que soient les descriptions des plantes,
faites par les plus habiles botanistes, il est im-
possible de les reconnaître dans les campagnes
si on ne les a déjà vues en nature. Ceux qui se
croient les plus habiles en botanique n'ont
qu'à essayer de peindre sur le papier une
S
lante qu ils n'auront jamais vue, d'après une
escription exacte des plus grands maîtres,
ils verront combien leur copie s'écartera de
l'original. Cependant des hommes de génie se
sont épuisés à donner aux parties des plantes
, des noms caractéristiques ; ils ont même choisi
la plupart de ces noms dans la langue grecque,
qui a beaucoup d'énergie. 11 en est résulté -un
autre inconvénient: c'est que ces noms, qui
sont la plupart composés, lie peuvent se ren-
dre en français. A la vérité, ces expressions
savantes et mystérieuses répandent un air vé-
nérable' sur l'étude de la botanique; mais la
nature n'a pas besoin de ces ressources de
l'art des hommes pour s'attirer nos respects.
La sublimité de ses lois peut se passer de
l'emphase et de l'obscurité de nos expressions.
Plus on porte la lumière dans son sein, plus
on la trouve admirable. Après tout, la plupart
de ces noms étrangers n'expriment pas même
les caractères les plus communs des végétaux.
Les botanistes emploient, par exemple, fré-
quemment ces expressions vagues : suave ru-
bente, suave olente (d'un rouge agréable,d'une
jdeur suave), pour caractériser des fleurs,
«ans exprimer la nuance de leur rouge, ni
l'espèce de leur parfum. Ils sont encore plus
embarrassés quand ils veulent rendre les cou-
leurs rembrunies des tiges, des racines ou des
fruits Quant aux formes des végétaux,
c'est encore pis, quoiqu'ils aient fabriqué des
mots composés de quatre ou cinq mots grecs
pour les décrire La description de la na-
ture par des images et des sensations com-
munes est méprisée de nos savants ; mais je
la regarde comme la seule qui puisse faire
des tableaux ressemblants, et comme le vrai
caractère du génie Comrçe la nature a mis
tous les modèles de formes dans les feuilles,
les fleurs et les fruits de tous les climats, on
pourrait rapporter les formes végétales des
autres parties du monde à celles de notre
pays qui nous sont le plus familières. Ces rap-
prochements seraient bien plus intelligibles
que nos mots grecs composés, et manifeste-
raientde nouvelles relations dans les différen-
tes classes du même règne. Ils auraient ceci
de très-utile qu'ils nous offriraient un ensem-
ble de l'objet inconnu, sans lequel nous ne
pouvons nous en former d'idée déterminée.
C'est un des défauts de la botanique de ne
nous présenter les caractères végétaux que
successivement; elle ne les assemble pas, elle
les décompose. »
La nomenclature, nous l'avons vu, est liée
à la taxonomie. Bernardin de Saint-Pierre
n'oublie pas d'envelopper celle-ci dans la con-
damnation qu'il prononce contre celle-là. Sui-
vant lui, les.plantes doivent être classées d'a-
près leurs relations et leurs harmonies avec
le monde extérieur, et leurs caractères géné-
raux examinés par rapport aux lieux où leurs
semences ont coutume de germer et de se dé-
velopper. Aussi les divise-t-il en plantes aé-
riennes ou de montagnes, en aquatiques ou de
rivages, en terrestres ou de plaines. Ne parlez
pas à ce naturaliste poète des classifications en
usage. «Enchaînés par leurs systèmes, dit-il,
les botanistes se sont attachés particulièrement
à considérer les plantes du côté des fleurs ; et
ils les ont rassemblées dans la même classe,
quand ils leur ont trouvé ces ressemblances
extérieures. En regardant les fleurs comme
les caractères principauxde la végétation, ils
ont réuni des plantes fort étrangères les unes
aux autres, et ils en ont séparé, au contraire,
qui étaient évidemment du même genre. Tel
est, dans le premier cas, le chardon de bon-
netier, appelé dipsacus, qu'ils rangent avec
les scaôieuses, à cause de la ressemblance de
quelques parties de sa fleur, quoiqu'il pré-
sente, dans ses branches, ses feuilles, son
odeur, sa semence, ses épines, et le reste de
ses qualités, un véritable chardon ; et tel est,
dans le second, le marronnier d'Inde, qu'ils
ne comprennent pas dans la classe des châ-
taigniers, parce qu'il a des fleurs différen-
tes. Classer les -plantes par les fleurs, c'est-
à-dire par les parties de leur fécondation,
cest classer les animaux par celles de la
génération. » Ailleurs, l'auteur des Etudes
de la nature s'exprime dédaigneusement au
sujet des moyens d'étude des botanistes.
« Pour me montrer le caractère d'une fleur,
BOTA
dit- il, les botanistes me la font voir sè-
che, décolorée et étendue dans un herbier.
Est-ce dans cet état que je reconnaîtrai un
lis? N'est-ce pas sur les bords d'un ruisseau,
élevant au milieu des herbes sa tige auguste,
et réfléchissant dans les eaux ses beaux ca-
lices plus blancs que l'ivoire, que j'admirerai
le roi des vallées?... Qui est-ce qui peut re-
connaître dans une rose sèche Ta reine des
fleurs? • .
Donnons maintenant la parole à M. Al-
phonse Karr. u Les savants rendent tout en-
nuyeux, sec, roide, prétentieux. Ils mettent
les fleurs à l'empois. Voyez un savant entrer
dans une riante prairie ou dans un jardin par-
fumé, et écoutez-le, vous prendrez le jardin
' ou la prairie en horreur. Ils ont commencé
par former, pour ces gracieuses choses qu'on
appelle des fleurs, trois langues barbares qu'ils
ont ensuite mélangées pour en faire une plus
barbare ; puis chaque savant y a apporté sa
petite part de barbarismes nouveaux, comme
on.faisait, chez les anciens, à ces tas de pierres -
placés sur les routes, auxquels chaque voya-
geur devait ajouter un caillou. Je vais écrire
ici pêle-mêle ceux des mots de cette langue
faite par ces messieurs, que je me rappelle-
rai au hasard. Vous me direz ensuite s il n'est
pas triste de voir ainsi traiter les fleurs, cette
fête de la vue, comme disaient les Grecs.
Ecoutez bien : (suit une longue liste de termes
que nous avons donnée dans le Grand Dic-
tionnaire au mot ARGOT) Voyez au pied
d'un mur ces touffes de réséda, hâtez-vous
de regarder ces épis verts et fauves, Je res-
pirer cette odeur suave : voici un savant, le
réséda va se transformer. D'abord il n'y a
lus d'odeur. Les botanistes n'admettent pas
'odeur. Pour eux, l'odeur ne signifie rien, pas
plus que la couleur. La couleur et l'odeur sont
deux luxes, deux superfluités, que les savants
ont enlevées aux fleurs. Dieu les avait don-
nées aux fleurs, mais on sait la prodigalité de
Dieu; si les savants n'y mettaient bon ordre, ou
en serions-nous? Les savants veulent que tou-
tes les fleurs ressemblent à celles qu'ils dessè-
chent dans leurs herbiers, horrible cimetière
où les fleurs sont enterrées avec des épitaphes
, prétentieuses Un savant veut parler de la
guimauve, une petite plante traînante à
feuilles rondes, à fleurs roses, que vous au-
rez peine à retrouver dans l'herbe. Ecoutez :
• Le calice est monosépale, les anthères sont
réniformes et uniloculaires, le pistil se com-
pose de plusieurs carpelles souvent verticillées,
les fruits forment une capsule pluriloculaire
qui s'ouvre en autant de valves qu'il y a de
loges monospermes ou polyspermes ; les grai-
nes sont généralement sans endosperme avec
les cotylédons foliacés. »• Vous n'y comprenez
rien, maïs retenez seulement les mots. Priez
ensuite le savant de vous parler un peu des
baobabs. Le baobab est le plus grand arbre
du monde; de loin, on le prend pour une fo-
rêt; son tronc a souvent cent pieds de circon-
férence ; on assure qu'il en existe au Sénégal
qui ont six mille ans- Ecoutez le savtint, faisant
une description du baobab : « Le calice est
monosépale, les anthères sont réniformes et
uniloculaires, le pistil se compose de plusieurs
carpelles souvent verticillées, les fruits for-
ment une capsule pluriloculaire qui s'ouvre
en autant de valves qu'il y a de loges mono-
spermes ou polyspermes » Vous arrêtez
le savant : Pardon, savant, lui dites-vous,
c'est de la guimauve que vous me parlez
là, ou du moins, c'est ainsi que vous me
parliez de la guimauve il n'y a qu'un in-
stant. « Guimauve ou baobab , réplique le
savant, c'est pour nous absolument la même
chose; nous n'y voyons pas de ces différences
qui frappent le vulgaire et dont la dignité de
la science ne lui permet pas de s'occuper. »
Les savants ne reconnaissent pas la grandeur,
ni l'odeur, ni la couleur, ni le goût ; pour eux,
le prunier est un cerisier, l'abricotier est un
prunier; eux qui, en d'autres cas, donnent
dix noms à la même plante, appellent tous
ceux-ci prunus; l'amandier et le pêcher n'ont
?
u'un seul nom pour eux deux, amygda-
us »
Essayez de répondre que la couleur et l'o-
deur sont les moins fixes et par là même les
moins importants des caractères, au point de
vue taxonomique ; que ce sont des caractères
de variétés, non d'espèces ni de genres, et
que par conséquent les botanistes ne peuvent
en tenir compte dans la classification des es-
pèces et des genres; que l'ancienne et vul-
gaire division des herbes et des arbres est
depuis longtemps condamnée, par cette consi-
dération que la grandeur et le développement
des organes dépendent d'un climat qui les fa-
vorise; qu'il y a des fougères arborescentes,
lesquelles n'en sont pas moins des fougères;
que l'on est tout aussi fondé à séparer, en
zoologie, le lézard du crocodile, et le chat du
tigre, qu'en botanique la guimauve du ïjaobab :
M. Alphonse Karr, qui sait aussi bien que vous
ce que vous pouvez dire en faveur de la clas-
sification naturelle, et qui a pris le parti d'ê-
tre spirituel aux dépens des botanistes, n'é-
coutera pas vos raisons, bien sûr d'avoir les
rieurs de son côté ; il poursuivra son réqui-
sitoire :
« Le liseron s'appelle maintenant pharbi-
tis! J'ai fait autrefois des vers sur certains
liserons qui grimpaient après une haie d'un
jardin, lorsque j'avais vingt ans : faites donc
des vers sur les pharbitis! Et cette calme et
riche fleur d'automne, on avait déjà essayé
de l'appeler aster de la Chine, on n'avait pas
BOTA
réussi à lui ôter son nom aimé. La science est
furieuse! Ah! vous n'avez pas voulu admet-
tre aster sinensis, eh bien ! la reine-margue-
rite s'appellera désormais callistephus. Effeuil-
lez donc des callistephus, ô bergères, pour sa-
voir si votre amant vous aime un peu, pas-
sionnément ou pas du tout. O Rosine I envoyez
donc le comte Almaviva vous attendre à l'om-
bre des œscidus. *
Qu'il fera beau ce soir sous les grands œscultts!
Et la pervenche, ô Rousseau ! tu t'écrierais :
Une vinca major! Et l'œillet, ô mademoiselle
de Scudéry, faites donc entrer le nom botanique
de l'œillet dans vos vers pour ,1e grand Condé :
[guerrier
En voyant ces dianthus (caryophyllus) qu'un illustre
Arrose de la main qui gagna des batailles, etc.
Et l'aubépine, donc, croyez-vous la débap-
tiser? Allons doncl Tous les ans, nos jeunes
années refleurissent avec elle. Non, non; ce
n'est pas à un cratœgus oxyacantha que je me
suis écorché les doigts un jour de mai, quand
j'avais vingt ans ; c'est à une aubépine dont
je savais ^lors où porter les branches parfu-
mées... Quel est le but de ce carnaval des
fleurs? Je l'ignore. Quel en est le résultat? Le
voici : c'est de décourager les amateurs, en
leur rendant la première et la plus naïve des
sciences de plus en plus âpre, difficile et rebu-
tante. Ces noms nouveaux ont l'air de gros
mots et d'injures adressées aux fleurs. On di-
rait qu'ils veulent les cacher, comme cette
belle princesse cachait ses attraits, sous une
peau d'âne. »
Les poétiques et spirituelles accusations ré-
pandues et popularisées par Bernardin de
Saint-Pierre et M. Alphonse Karr contre la
botanique scientifique portent sur trois points :
sur la classification, sur la multiplication pro-
digieuse des termes techniques et sur l'origine
grecque et latine de ces termes, enfin sur l'em-
ploi de mots latins, de désinences latines pour
désigner les espèces et les genres. Quant à la
classification, les botanistes ont trop évidem-
ment raison de peser les caractères qu'ils com-
parent, pour que nous ayons à faire leur apo-
logie. Il est inutile, par exemple, d'établir
contre Bernardin de Saint-Pierre que la diffé-
rence des types végétaux n'est pas liée à la
différence d'habitat et de station, ne dépend
f
ias de leurs rapports, de leurs harmonies avec
e soleil, avec les eaux, avec les vents, avec
le terrain. Il est inutile de montrer que les ca-
ractères tirés de la fleur sont les plus impor-
tants et les plus fixes des caractères organo-
graphiques. A Bernardin de Saint-Pierre nous
nous contenterons d'opposer Jean-Jacques
Rousseau. Bernardin de Saint-Pierre, nous
l'avons vu, reproche aux botanistes de consi-
dérer les plantes surtout du côté des fleurs.
a C'est dans la fleur, dit Jean-Jacques, que la
nature a renfermé le sommaire de son ouvrage ;
c'est de toutes les parties du végétal la moins
sujette aux variations... Il faut attendre, pour
reconnaître .une plante, qu'elle montre son vi-
sage, c'est-à-dire qu'elle fleurisse. Une plante
n'est pas plus sûrement reconnaissable à son
feuillage qu'un homme à son habit. n
Il est plus difficile de justifier la langue des
botanistes que leurs classifications. Tout le
monde doit convenir que la nomenclature des
caractères et des modifications d'organes est
beaucoup trop touffue, et que la multitude des
termes techniques, outre l'inconvénient de sur-
charger inutilement la mémoire, présente celui
de faire croire que la botanique n'est qu'une
science de mots. « Sans doute, dit Raspail, il
est permis de donner un nom nouveau à une
idée qu'aucun autre mot reçu ne saurait rendre ;
de créer une locution par l'heureuse, combi-
naison de deux autres ; d emprunter à la langue
grecque, dont le génie se prête si bien à nos
généralisations, un assemblage de radicaux
pour traduire une loi nouvelle; mais la né-
cessité seule peut sanctionner ces innovations.
Remplacer une expression reçue par une autre
qui n ajoute rien de plus à l'image, donner un
nom à un doute ou à une inconnue, c'est un
de ces amusements dont il est temps plus que
jamais de faire justice. Il est une vérité incon-
testable, c'est que la richesse du vocabulaire
est en raison inverse des progrès de la science ;
car plus la science avance, plus elle se sim-
plifie; plus on découvre de rapports, plus
on s'assure que les éléments des plus nom-
breuses combinaisons sont en petit nombre ;
en sorte qu'on peut établir en principe, que
plus un auteur crée de mots, moins il a dé-
couvert de choses. Les créations nominales ne
sont bonnes qu'à cacher la nullité des décou-
vertes, l'impuissance de l'observation et les
plagiats de la compilation. »
La nomenclature des espèces, des genres et
autres groupes est-elle irréprochable? Les
botanistes le prétendent. Une langue scienti-
fique, disent-ils, n'a rien de commun avec la
langue vulgaire et la langue poétique. La no-
menclature n'a pas pour but de rendre une
science mystérieuse et vénérable, mais de
circonscrire et de déterminer par des signes
précis les idées dont cette science se compose.
Les mots vulgaires manquent de précision
parce qu'ils sont les produits de la spontanéité
intellectuelle, parce qu'île se développent natu-
rellement, parce qu'ils vivent. Les noms scien-
tifiques doivent leur précision, c'est-à-dire ce
qui fuit leur valeur dans les sciences, à leur
caractère artificiel, conventionnel, mécani-
que, immobile. Il faut nous estimer heureux
de posséder dans les langues mortes, dans le
grec et le latin, une source abondante de pa-
BOTA 1035
reils signes. Cet usage des langues mortes n'a
certainement pas été sans influence sur le déve-
loppement rapide des sciences dans les temps
modernes. Cette nomenclature lmnéenne, SUT
laquelle on déverse le ridicule, est tout sim-
plement, pour qui veut y regarder de près,
un des chefs-d'œuvre de l'esprit humain. Par
le double nom qu'elle impose a chaque plante,
elle réalise la synthèse parfaite, qui réunit et
distingue à la fois. Quant à ce que l'on appelle
la barbarie des noms, elle tient à l'universalité
de la botanique; cette universalité n'appelle-
t-elle pas tout naturellement une langue uni-
verselle, comme le latin ? Les noms vulgaires
désignent mal les plantes, parce qu'ils confon-
dent sans cesse ce qui doit être distingué, et
séparent ce qui doit être réuni, et parce que,
de plus, ils varient de canton a canton. On a
donc pris, pour les remplacer, tantôt des mots
•grecs et tantôt, par une pieuse coutume, les
noms de savants botanistes qu'on a immorta-
lisés de cette manière. C'est ainsi que Robin,
Magnol, Dahl ont laissé leur souvenir dans le
robinia, le magnolia, le dahlia. Mais, précisé-
ment à cause de cette universalité qui est un
des titres de gloire de la botanique, il s'intro-
duit aussi des noms étrangers qui déplaisent
aux oreilles françaises, et, qu'on n'en doute
pas, des noms français qui peuvent aussi dé-
plaire aux oreilles étrangères. Voici un. écri-
vain qui s'écrie d'assez mauvaise humeur :
• Le café s'appelle cojfea arabica. Pourquoi
eoffea et non caffea, et pourquoi deux f au lieu
d'un? me demanderez-vous. Adressez-vous
aux botanistes. » La réponse des botarystes
est bien simple; c'est que Linné n'a pas pris
le nom français de la plante, mais son nom
anglais et suédois, qui est coffee. S'il eût a-gi
autrement, les Anglais auraient pu s'écrier à
leur tour : » Pourquoi cafea et non eoffea?* Il
ne pouvait donc pas contenter tout le monde.
Nous répondrons aux conservateurs, aux sa-
tisfaits de la botanique constituée, qu'en dé-
fendant la nomenclature binaire de Linné, ils
se mettent à côté de la question ; qu'on peut
très-bien donner à chaque plante deux noms,
un nom générique et un nom spécifique, sans
se croire obligé de latiniser ces deux noms ;
que les noms usités chez les peuples dans le
pays desquels on a trouvé pour la première
fois les plantes valent bien ceux qu'un au-
teur, de sa propre autorité, se plaît à leur
donner; que les noms vulgaires deviennent
scientifiques lorsqu'ils sont adoptés et définis
par la science; que toutes les sciences ont
commencé par parler latin à une époque où
les langues nationales de l'Europe n'étaient,
pour ainsi dire, que des patois; qu'elles ont
dû parler latin tant que ces langues n'é-
taient pas constituées, et n'avaient pas entre
elles de communications faciles ; qu'aujour-
d'hui l'emploi des noms latins, des désinences
latines, n'a pas plus de raison d'être en bota-
nique qu'en chimie.
IV. — BIBLIOGRAPHIE BOTANIQUE. Les ou-
vrages écrits sur la botanique sont en si grand
nombre, et pour la plupart si spéciaux, que
nous ne pouvons mentionner ici que les-plus
curieux et les plus importants :
Deplantis ù'6rtXV/,parCésaîpin (Florence,
15S3, in-4«).
Phytognomonica, par Jean-Baptiste Porta
(Napîes, 1583, in-fol.). Il a été réimprimé plu-
sieurs fois in-8°.
De historia stirpium commentarii insignes,
par Fuchs (Bâle, 1542, in-fol., avec 500 figures
très-exactes).
Pinax theatri botanici, par Gaspard Bauhin
(Bàle, 1596, in-4°).
Theophrasti historia plantarum, grec et
latin (Amsterdam, 1644, in-fol.).
Anatomie des plantes, par Grew (trad. en
français par Levasseur; Paris, 1675, in-12,
avec 83 planches).
Anatome plantarum, par Malpighi (Londres,
1675 à 1686, in-fol.).
Jnstitutiones rei herbariœ, par Joseph PUtoji
de Tournefort (Paris, 1700, 3 vol. in-4°, avec
476 figures).
• Eléments de botanique ou Méthode pour
connaître les plantes, par Pitton de Tournefort
(Paris, 1694, 3 vol. in-8°, avec 471 planches).
Prodromus historiœ generalis plantarum,
par Magnol (Montpellier, 1689, in-8o).
Methodus plantarum nova, par Ray (Lon-
dres, 1632, in-8°).
Historia plantarum, par Ray (Londres, 1686-
1704, 3 vol. in-fol.).
De sexu plantarum epistola, par Camerarius
(Tubingen, 1694, in-4°).
Pkilosophia botanica, par Linné (Stockholm,
1751, in-8°). Cet ouvrage contient tous les
principes de la botanique condensés en apho-
rismes. Rousseau se plaisait à dire qu'il n'en
connaissait pas de plus véritablement philo-
sophique.
Gênera plantarum, par Linné (Leyde, 1737,
in-8o).
Species plantarum, par Linné (Stockholm,
1753). Il a paru seize éditions de cet important
ouvrage. Celle de Murray (1807, in-8°) est une
des meilleures; celle de Wildenow(1797-1810,
5 vol. in-8°) est la plus complète.
Classes plantarum, par Linné (Leyde, 1738).
La Physique des arbres, par Duhamel du
Monceau (Paris, 1758, 2 vol. in-40).
Statique végétale
t
par Haies (1727
f
trad,
par Buffon en 1735).
1036 BOTA BOTE
BOTH BOTH
Recherches sur Vusage des feuilles dans les
plantes, par Bonnet (Goot.tinguu, 1754, in-4°).
MéniairesphysicO'Chimiquessur Vinfluence d
Q
la lumière solaire pour modifier les êtres des
trois règnes de la nature , et surtout ceux du-
'règne végétal,pur Sein)ebiev(ï~S2, 3 vo). in-8°).
lie cherches sur Vihflveuce de la lumière so-
laire pour changer l'air fixe en air pur par la
végétation, par Sennebier (1783, in-"S°).
Physiologie végétale, par Sennebier (1800,
5 vol. în-S°J.
Expériences sur tes végétaux, par Ingenhousz
(Paris, 1779; trad. par lui-même en français,
1790, 2 vol. in-8
Th. d*j Saussure (1804. ir.-go).
Familles des plantes, par Adanson (Paris,
1703, 2 vol. in-8").
Gênera planlarum secundum oràihes natu-
raies disposita, par A.-L. de Jussieu (Paris,
1789, in-8°).
Traité de la végétation, par Mustel (Paris,
1781, 4 vol. in-8°).
De fmctibns et seminibus plantarum, par
Gœrtner (Stuttgard, 1789-1791, 2 vol. in-4°).
Phytonomatotechnie universelle, c'est-à-dire
l'art de donner aux plantes des noms tirés de
leurs caractères, par Bergeret (Paris, 17S3,
3 vol. in-fol.).
Botanique de VEncyclopédie, par Lamarck,
continuée par Poiret (Paris, 1791-1813, 13 vol.
in-4<>).
Dictionnaire élémentaire de botanique, par
Bulliard (1783, in-fol., revu par L.-C. Richard,
qui l'a publié in-8°).
Essais sur la végétation considérée dans le
développement des boicqeons, par Aubert Du-
petit-Thouars (Paris, i '09, in-8<>).
Synopsis plantarum, par Persoon (1805-1807,
2 vol. in-12).
Nouveau voyage dans l'empire de Flore où-
Principes élémentaires de botanique
t
par Loi-
seleur-Dftslonchamps (1817, in-8°).
Nomologie botanique ou Essai sur l'enseigne-
ment des lois de l'organisation végétale, par
Desvaux (1817, in-8°).
Théorie élémentaire de la botanique, par
P. de Candolle (1819, in-8°).
Prodromus systematis naturalis regni vege-
tahilis, par P . de Candolle (Paris, 1824, in-S").
Essai élémentaire de géographie botanique,
par P. de Candolle (Paris, 1821, in-8°).
Démonstrations botaniques ou Analyse du '
fruit considéré en général, par L.-C. Richard
(Paris, 1808, in-12).
Eléments de physiologie végétale et de bota-
nique, par de Mirbel (Paris, 1815).
Leçons de Flore, par Poiret. avec fig. des-
sinées par Turpin (Paris, 1821).
Œuvres botaniques de Robert Brown (1825,
2 vol. in-8°). Mémoires extraits des Transac-
tions de la Société royale et de la Société ttn-
néenne de Londres, et réunis en un corps d'ou-
vrage par Nées d'Esenbeck, avec des notes.
Essai sur la métamorphose des plantes, par
Goethe (1790), trad. en français par Martins
en 1827.
Organographie végétale, par P . de Candolle
(Paris, 1827, 2 vol. in-8°).
Physiologie végétale, par P . de Candolle
(Paris, 1832, 3 vol. in-8<>).
Philosophie de l'histoire naturelle ou Phé-
nomènes de l'organisation des végétaux, par
Virey (Paris, 1835, in-8°).
Nouveau système de physiologie végétale et
de botanique, fondé sur les méthodes d'obser-
vation qui ont été développées dans le nouveau
système de chimie organique, par P.-V. Ras-
pail (Paris, 1837, 2 vol. in-8°).
De distributione geographica plantarum, par
A. de Humboldt (1817, in-s°).
Elementa phitosophiœ botanicœ, par Link
(Berlin, 1824, in-so).
. Recherches anatomiques et physiologiques sur
la structure intime des animaux et des végé-
taux, et sur leur motilité, par Dutrochet
(1824, in-8o).
Considérations sur la nature des végétaux
qui ont couvert la surface de la terre aux di-
verses époques de sa formation, par A. Bron-
gniart (Paris, 1838, in-4°).
Leçons de botanique, comprenant principale-
ment la morphologie végétale, la terminologie,
la botanique comparée, etc., par A. de Saint-
Hilaire (Paris, 1840, in-8o).
Iconographie végétale, illustrée au moyen
de ligures analytiques par Turpin, avec un
texte explicatif raisonné et une notice sur
Turpin, par A. Richard (Paris, 1841, in-8°).
B O T A N I Q U E M E N T adv. (bo-ta-ni-ke-man
— rad. botanique). D'aptes les principes de la
botanique : Comme cet arbre était dépourvu
de fleurs et de fruits, nous ne fûmes pas en état
de le déterminer BOTANIQUEMENT. (L. Figuier.)
BOTANISER
BOTANISER v. n. ou intr. (bo-ta-ni-zé —
du gr. botanizein, sarcler). Néol. Herboriser.
BOTANISEUR
BOTANISEUR s. m. (bo-ta-ni-zeur — rad.
botaniser). Néol. Celui qui herborise, qui
s'occupe de botanique.
BOTANISTE
BOTANISTE s\ m. (bo-ta-ni-ste — rad. bo-
tanique). Personne qui s'applique à la bota-
nique ou qui est versée dans la botanique :
Un savant, un célèbre BOTANISTK. Comme il
avait repeuplé de plantes ce jardin, il le re-
peupla aussi déjeunes BOTANISTES, que ses le-
çons y attiraient de toute part. (Fontcn.) Pour
me montrer le caractère d'une fleur, les BOTA-
NISTES me la font voir sèche, décolorée, éten-
due dans un herbier. (B. de St-P.) Dans le lit
de l'Océan naissent une multitude de plantes
inconnues à nos BOTANISTES. (B. de St-P.) Il
n'y a pas une seule plante de perdue de celles
qui étaient connues de Circé, la plus ancienne
des BOTANISTES. (B. do St-P.) Ce sont les BO-
TANISTES qui ont trouvé que le sol épuisé pour
une plante ne l'est pas pour une autre. (Cuvicr.)
Il J.-J. Rousseau a employé ce mot au fémi-
nin : Puisque votre chère petite BOTANISTE 5'a-
muse de corolles et de pétales, je vais vous pro-
poser une autre famille, sur laquelle elle pourra
derechef exercer son petit savoir.
BOTANOGRAPHIEBOTANOGRAPHIE S. f. (bo-ta-no-gra-fi
— du gr*botanê, plante; graphe, je décris).
Description des végétaux.
BOTANOGRAPHIQUE
BOTANOGRAPHIQUE ad], (bo-ta-no-gra-
fi-ke). Qui a rapport à la botanographie.
B O T A N O L O G I E s. f. (bo-ta-no-lc-jî — du
gr. botanê, plante; logos, discours). Traité sur
les végétaux.
BOTANOLOGIQUEadj.(bo-fa-no-lo-ji-ke —
rad. botanologie). Qui a rapport à la botano-
logie.
B O T A N O L O G U E s. m. (bo-ta-no-lo-ghe — du
rad. botanologie) .Celui qui écrit sur les plantes;
autour d'une botanologie.
BOTANOMANCiE-s. f. (bo-ta-no-man-sî —
du gr. botanê, plante : manteia, divination).
Art de prédire ou de deviner l'avenir par le
moyen des feuilles ou rameaux de verveine,
de bruyère, sur lesquels on gravait les noms
et demandes du consultant.
— Encycl. La botanomancie se pratiquait
de la façon suivante : lorsqu'il avait fait
un grand vent pendant la nuit, les devins al-
laient voir la disposition des feuilles tombées,
et prédisaient l'avenir à leur simple inspec-
tion. La botanomancie n'est pas plus absurde
que l'astrologie, la chiromancie, ou tant d'au-
tres moyens employés par les sorciers ou les
charlatans : dès qu'on fait bon marché de la
raison et du bon sens, toutes les superstitions
sont égales.
BOTANOMANCIEN,
BOTANOMANCIEN, IENNE s. (bo-ta-no-
man-si-ain — rad. botanomancie). Celui, celle
qui pratiquait la botanomancie. *
B O T A N O P H A G E adj. et s. (bo-ta-no-fa-ge
— du gr. botanê, plante; phagô, je mange).
Zool. Se dit des animaux dont l'alimentation
est exclusivement végétale.
B O T A N O P H I L E s. (bo-ta-no-fi-le — dugr.
botanê, plante; philos, ami). Celui, celle qui
aime la botanique. Mot créé par J.-J. Rous-
seau.
IïOTANY-BÀY, nom donné par Joseph
Banks à une des baies les plus connues et les
plus vastes de la côte orientale de l'Australie,
a cause des richesses botaniques que ce natu-
raliste trouva dans ces parages: située sous
le 330 33' de latitude méridionale et 1680 48'
de longitude orientale; elle appartient à la
province de Cumberland, dans la Nouvelle-
Galles du Sud. L'entrée en est commode, mais
elle a peu de profondeur, à l'exception de
quelques endroits creusés par les courants.
Les cotes, basses, sablonneuses et maréca-
geuses, sont arrosées par le Cook et le Saint-
Georges, qui se jettent dans la baie. Ce pays,
découvert en 1770 par le capitaine Cook, fut
choisi, en 1787, par le gouvernement anglais
comme lieu de déportation. Arthur Philipps,
qui partit d'Angleterre, en 1788, avec 756 dé-
portés, n'ayant trouvé propres à un établisse-
ment ni la baie ni les environs, alla débar-
quer à 16 kilom. plus haut, dans la baie de
Port-Jackson , où il fonda Sidney. Depuis
cette époque", on a donné souvent le nom de
Botany-Bay à toute la côte de la Nouvelle-
Galles du Sud.
BOTBOT A R G U E s. f. (bo-tar-ghe). V. BOU-
TARGUE.
BOTEAUBOTEAU s. m. Econ. rur. V. BOTTBAD.
BOTELHO
BOTELHO ou BOTELLO (don Nuno-Alvarez
DE), marin portugais mort en 1630. Mis à la
tête d'une flotte portugaise, il battit les Hol-
landais en 1624. Quatre ans après, il fut
nommé gouverneur des Indes portugaises, et
il détruisit complètement la flotte du roi
d'Achen, qui assiégeait Malacca. Mais comme
U revenait à Socatora, il rencontra un vais-
seau ennemi chargé de poudre, et, comme il
se disposait à monter à l'abordage, il tomba à la
mer, se trouva pris entre les deux navires et
fut tué. Philippe IV accorda à sa veuve tous les
revenus de Mozambique et conféra le titre de
comte à son fils.
BOTANOCHARABOTANOCHARA s. f. (bo~ta-no-ka-ra — du
gr. botunê, herbe; chara, joie). Entom. Genre
d'insectes coléoptères tétramères, voisin des
chrysomôles
t
et comprenant une vingtaine
d'espèces, qui toutes habitent l'Amérique.
BOTELHOBOTELHO DE MORAES E VASCONCELLOS
(Francesco), poôte et littérateur portugais du
xvine siècle, né à Torre de Moncorvo. C'est
en Espagne qu'il écrivit la plupart de ses ou-
vrages, parmi lesquels en peut citer : El Nuevo
vmndo (1701); A Ifnnso, 0 la fundacion delregno
de Portugal (1712); las Cuevas de Salamanca
(1734); Salyrœ cum notiset avgumentis (1739);
Loa para la comedia; Discurso sobra abusos
de Portugal (1752).
B O T E L L E s. f. (bo-tè-le). Petite boîte, u
Vieux mot.
BOTELLIFÈRE
BOTELLIFÈRE adj.' (bo-tèl-li-fè-re — du
lat. botellus, boudin, saucisse; fero, je porte).
Hist. nat. Qui est muni d'appendices en forme
de saucisses : Eponge BOTELLI«ÈRK.
B O T E Q U I N s. m. (bo-te-kain). Petite bar-
que. Il Vieux mot.
BOTEREL
BOTEREL s. m. (bo-te-rèl). Erpét. Cra-
paud. 11 On disait aussi BOTEREAU. U Vieux
mot.
BOTERO
BOTERO (Jean), surnommé Benlsius, écri-
vain italien, né à Bène (Piémont) en 1540,
mort à Turin en 1617. Il entra d'abord chez les
jésuites, mais il se retira sans avoir fait pro-
fession, et devint secrétaire de saint Charles
Borromée. Il fut ensuite ctiargé d'une mission
diplomatique à Paris, puis il voyagea dans
différents pays pour la congrégation de la
Propagande. Enfin, en 1599, Charles-Emma-
nuel lui confia l'éducation de ses enfants. Son
principal ouvrage, intitulé Délia ragione di
Stato (Milan, 1583, in-8°), est une réfutation
complète de Machiavel. On a encore de lui :
Délie cause délia grandezza délie città (1589 ,
in-40); De saptentia régis; Relazioni univer-
sali (1590, in-40); la Primavera et Otium ho-
noratum^ poèmes, le premier en italien, le
second en latin.
BOTFIELD
BOTFIELD (Beriah),érudit anglais,membre
du parlement, né le 5 mars 1807, dans le comté
de Salop, mort près de Londres en 1863, était
par sa mère le petit-fils du docteur William
Withering, auteur de la Classification botanique
de la flore anglaise. Il fit ses études à l'école
d'Harrow et a l'université d'Oxford, et devint
maître es arts de cette université ainsi que de
celle de Cambridge. En 1831, il fut nommé
haut schérif, ou premier magistrat du comté
de Northampton. Elu membre du parlement
f
iar le bourg de Ludlow en 1840, il siégea à
a chambre des communes jusqu'à sa mort,
sauf un intervalle de dix ans (1847-1857).
M. Botfield, qui était un bibliophile distingué,
a contribué de sa bourse, ou coopéré de sa
plume à plusieurs publications archéologiques.
On connaît particulièrement de lui les écrits
suivants : Excursion en Ecosse eii 1829 (Edim-
bourg, 1830, in-12) ; Notessur les bibliothèques
épîscopalesa"Angleterre (Londres, I849,in-S*>) ;
Stemmata Botvilliana (Westminster, 1858,
in-40) ; Catalogues ; de la bibliothèque de la
cathédrale de Durham, de l'abbaye de Hulne,
des manuscrits du fonds Cosin à Durham
(Londres, 1838, in-8°) ; des tableaux de sa col-
lection personnelle (1848), de la bibliothèque
de Thomas Hearne (1848). Il a également re-
cueilli et publié les préfaces de la première
édition des classiques grecs et latins et des
saintes Ecritures (Londres, 1851, in-40). Il
avait collaboré au Gentleman's Magazine, au
PhilibibloiY Miscellany et à VArchœlogia. Dé-
coré de quelques ordres étrangers, il était
membre des principales Sociétés académiques
d'Angleterre.
BOTANOGRAPHEBOTANOGRAPHE s. m. (bo-ta-no-çra-fe
— du gr. botanê, plante; graphd^je décris).
Celui qui s'adonne à la botanographie.
BOTH
BOTH (Jean et André), peintres et graveurs
hollandais, nésàUtrecht vers 1610. Ils étaient
frères et restèrent si étroitement unis pendant
leur carrière, que nous ne croyons pas devoir
les séparer dans cette biographie. On ne sait
pas lequel des deux fut l'aîné ; quelques au-
teurs paraissent croire que ce fut André (An-
dries). Leur père, qui était peintre sur verre,
leur donna les premières leçons de dessin et
les plaça ensuite h l'école d'Abraham Bloe-
maert, un des maîtres les plus renommés de
l'époque. Les deux frères quittèrent fort
jeunes la Hollande ; ils traversèrent la France,
voyagèrent en Italie et s'arrêtèrent plusieurs
années a Rome. Là, Jean prit Claude Lorrain
pour modèle, et André étudia plus particuliè-
rement la manière du Bambocne ; le premier
se fit donc paysagiste, et le second peintre de
figures ; mais ils ne séparèrent ainsi leurs
études, dit M, Ch. Blanc, que pour mieux réu-
nir leurs talents. Jean peignit d'admirables
paysages, dans lesquels André plaça de char-
mantes figurines, qu'il touchait avec infiniment
d'esprit et de finesse. Les œuvres nées de
cette collaboration fraternelle obtinrent un
grand succès en Italie et se vendirent à des
prix très-élevés. Après avoir fait un assez lon£
séjour à Rome, où ils furent honorés de l'ami-
tié de Poussin, de Claude Lorrain, du Guaspre,
du Bamboche, d'Hermann Swanevelt, d'Adam
Elzheimer, les deux frères allèrent à Venise.
Une nuit, à la sortie d'un souper avec des
amis, André se laissa choir de la gondole qui
le ramenait, et se noya (1650). Il n'avait que
quarante ans. De Piles et Florent Lecomte ont
raconté" que cette fin prématurée fut une pu-
nition du ciel : tandis qu'il était encore à
Rome, André aurait aidé le Bamboche et
deux autres compagnons de débauche à jeter
dans le Tibre un prêtre qui s'était avisé de les
sermonner. Nous avons fait justice de cette
fable en écrivant la biographie du Bamboche.
Ce qui paraît certain, c'est que Jean Both fut
profondément affecté de la perte de son frère ;
quelques biographes .veulent qu'il soit mort de
chagrin, à Venise,' la même année ; mais nous
savons, d'après le témoignage de plusieurs
biographes hollandais contemporains, qu'il re-
tourna dans sa patrie et qu'il y travailla quel-
que temps encore, aidé pour les figures par
Poelenburg, le Bamboche, etc. Houoraken et
Weyermann rapportent que le bourgmestre de
Dordrecht commanda un paysage à Jean Both
et un autre à Berghem, promettant 800 florins
à chacun d'eux, et, de plus, un beau présenta
celui qui .aurait fait le mieux. Les deux ta-
bleaux terminés y le bourgmestre, ne sachant
auquel accorder la préférence, trancha la dif-
ficulté en donnant à l'un et à l'autre artiste la
récompense promise au vainqueur.
Jean Both, que l'on appelle quelquefois
Both d'Italie , est de beaucoup le plus distin-
gué des maîtres hollandais qui se sont atta-
chés à la représentation des sites italiens. U a
rendu, presque avec autant de bonheur qu«
Claude Lorrain les effets de lumière qui dis-
tinguent les différentes heures du jour, prin-
cipalement les matinées et les soleils couchants.
Ses compositions n'ont pas autant de noblesse
et de grandeur que celles de Claude; mais
elles sont plus vraies et ne sont guère moins
poétiques. Elles représentent d'ordinaire un
site accidenté, avec un chemin sinueux, taillé
dans le roc, et un torrent sur lequel est jeté
un pont de bois, une cascade éeumeuse , de
j grands arbres au feuillage clair et des brous-
| s:iilles accrochées aux rochers. Sous le rap-
I port de l'exécution , Jean Both n'est pas lou-
. jours irréprochable : dans quelques-unes dç
j ses œuvres, dit M. Waagen , le ton chaud de
j la peinture dégénère en un rouge désagréa-
ble , fané et monotone ; parfois aussi sa
touche a quelque chose de minutieux, surtout
dans les arbres clairs, qui prennent ainsi un
aspect de silhouette. » Mais plusieurs de ses
tableaux sont exempts de ces défauts,*et ils
sont comparables à ceux des maîtres les plus
habiles. Il en existe dans la plupart des mu-
sées d'Europe. Le Louvre en a deux : un So-
leil couchant, remarquable par le charme de
la composition et l'harmonie du coloris, et un
paysage, de plus petite dimension, où l'on
voit deux ânes chargés conduits par un pay-
san. Le musée royal de Madrid ne possède pas
moins de treize tableaux de Jean Both, dont
quelques-uns sont de véritables paysages his-
toriques : le Baptême de l'eunuque, Sainte Ro-
salie faisant vœu de mener la vie cénobitique.
Saint Bruno dans ta solitude. Saint François
d'Assise, etc.; les figures de ces diverses
compositions sont attribuées au Bamboche, à
Jan Miel, à André Both. Dans les autres ga-
leries, on remarque:à Amsterdam, une IJalte
de voyageurs et le Bac, três-vantés par Smith,
et une Ecurie; au musée Van der Hoop, Y Ar-
tiste étudiant d'après nature, paysage regardé
comme le chef-d'œuvre du maître, et d'autant
plus intéressant qu'il offre le portrait des
deux frères; à La Haye, deux paysages de la
plus belle qualité ; à Rotterdam, l'Aôrenuoiret
le Chariot; à Bruxelles, une Halte de cava-
lerie, payée 23,661 fr. à la vente de la collec-
tion du roi Guillaume I I , en 1850; à Dresde,
cinq tableaux ; à Munich, sept, dont le plus
remarquable représente Mercure endormant
Argus , à Berlin, un paysage montagneux ; à
la National Gallery, un Effet du matin, d'une
fraîcheur exquise, et le Jugement de Paris,
avec des figures de Poelenburg. D'autres
beaux tableaux de Both d'Italie se voient en-
core-dans les musées d'Anvers, de Copenha-
gue, de Turin, de Florence, de Saint-Péters-
bourg, dans les principales galeries de l'An-
gleterre, etc. Jean Both a gravé à l'eau-forte,
d'une pointe délicate et spirituelle, dix pay-
sages où se retrouvent les qualités de ses ta-
bleaux, et cinq pièces intitulées les Cinq Sens,
d'après son frère André. Ce dernier ne s'est
pas borné à placer des animaux, des figures
de paysans, de muletiers, de pèlerins", de ban-
dits, dans les paysages italiens de Jean; il a
peint seul quelques tableaux dans le goût
d'Isaac van Ostade, tels que le Nécromancien
et le Charretier, qui sont au musée de Dresde,
et il a exécuté une dizaine d'eaux-fortes, d'une
facture un peu grossière, représentant des
Ermites, des Pèlerins, des Buveurs.
BOTH
BOTH s. m. (bott. Mar. Sorte de petit
sloop sans hunier.
BOTHBOTH AÏS ou BOTUJîUS, géographe grec.
Marcien d'Héraclée dit qu'il avait composé un
périple complet, et semble faire entendre qu'il
vivait au temps de Scylax de Caryande : ce
serait 'donc le plus ancien des géographes.
Malheureusement, son périple ne nous est
point parvenu, et aucun des auteurs que nous
connaissons ne nous en a conservé la moindre
partie.
BOTMEREL
BOTMEREL (Marie, vicomte DE), un des plus
hardis spéculateurs de ce temps-ci, né en 1794,
mort en 1859, à Dinan. Ce fut lui qui, poussé
par son activité vers les spéculations indus-
trielles, ouvrit à Paris, sous la Restauration,
une maison de banque pour l'escompte dés
rentes d'indemnité des émigrés non inscrites,
et gagna de fortes sommes. Plus tard, il at-
tacha son nom à la célèbre entreprise des
omnibus-restaurants, et fit circuler chaque jour
dans les rues de la capitale douze voitures
chargées de comestibles chauds, douze voi-
tures chargées de comestibles froids, et vingt-
quatre voitures chargées de vins de toute es-
pèce. Trois cents ni&çous, obéissant k ses
ordres, lui élevèrent comme par enchantement
f
BOTH
un splendide hôtel et quinze cuisines, dont la
principale ne mesurait pas moins de 40 m. de
long sur 8 m. de large. Une machine à vapeur
de la force de seize chevaux fonctionnait sans
relâche et faisait bouillir des marmites panta-
gruéliques. Tout Paris vint en foule visiter ce
gigantesque établissement qui n'avait pas son
précédent dans l'histoire gastronomique et qui
vraisemblablement n'aura pas de sitôt son
pareil. Les vaudevillistes et les chansonniers
s'occupèrent du vicomte de Botherel, qui en-
gloutit dans ses cuisines plusieurs, centaines
de mille francs. Loin de se décourager pour-
tant, l'industriel noble se jeta dans d'autres
entreprises non moins singulières pour la plu-
part que celle des omnibus-restaurants; mal-
heureusement, il ne réussit qu'à perdre peu à
peu presque toute sa fortune. Retiré en Bre-
tagne, il s'occupait d'écrire un ouvrage en
quatre volumes intitulé : les Infirmités humai-
nes, quand la mort le surprit. Huit ou dix
personnes seulement assistaient aux obsèques
du vicomte de Botherel, dont les conceptions
hardies avaient jadis ému et surpris Paris, la
grande ville des surprises et des émotions, il
avait été secrétaire d'ambassade avant de se
lancer dans la spéculation.
BOTHNIAQUE. V. BOTNIAQUE.
nOTHME. V. BOTNIE.
BOTIIOA. V. NÏCOLAS-DU-PELEM (SAINT-).
BOTHE
BOTHE s. m. (bo-te). Ichthyol. Genre de
poissons plats, voisin des pleuronectcs, mais
mal défini, et qui ne parait pas devoir être
conservé.
BOTI1RA, bourg de Suède, province d'An-
germonland,dans une plaine fertile; 2,700hab.
Eglise avec de très-belles sculptures.
BOTHRIDÈREBOTHRIDÈRE s. m. (bo-tri-dè-re— du gr.
bothrion, petite cavité; dére, cou). Entom.
Genre d'insectes coléoptères tétramères, de
la famille des xylophages, comprenant une
dizaine d'espèces, dont une seule habite l'Eu-
rope.
BOTHRIDIE
BOTHRIDIE s. m. (bo-tn-dl — du gr. bo-
thrion, petite cavité.) Helminth. Genre de
vers intestinaux, semblables aux ténias, e t
comprenant une seule espèce, qui vit dans
les intestins des serpents du genre python.
BOTHRIMONE
BOTHRIMONE s. m. (bo-tri-mo-ne — du
gr. bothrion, suçoir ; monos, unique). Helminth.
Genre de vers intestinaux, voisin des ligules
et des bothriocéphales, et comprenant une
seule espèce, trouvée dans les intestins d'un
esturgeon.
BOTHRIOCÉPHALE
BOTHRIOCÉPHALE s. m. (bo-tri-o-sé-fa-lo
— du gr. bothrion, petite fosse; kephalè,
tête). Helminth. Genre de vers intestinaux,
dont une espèce vit dans le canal intestinal
de l'homme : Les anneaux du BOTI\R\OCÛVU\IM,
détachés les uns des autres, portent le nom de
cucurbitains. (Gervais.)
— Encycl. Zool. Le bothnocëphale est un
genre de ténioïde de la deuxième tribu de
l'ordre des cestoïdes (anorhynques de de Blain-
ville). Il est caractérisé par une tête renflée
en olive, légèrement déprimée, très-petite
relativement au volume considérable du corps ;
elle n'est pas tubéreuse comme celle du ténia,
et elle est toujours dépourvue de crochets, ce
qui a fait donner au ver le nom à'inermes di-
bothriri. En examinant attentivement les faces
latérales, on distingue de petites excavations
allongées, au nombre de deux et terminées en
oui-de-sac : ce sont les fossettes ou suçoirs,
véritables ventouses au moyen desquelles le
parasite se fixe sur un point de la muqueuse
intestinale. Le corps, aplati, rubané, corres-
pond à la tête par un col allongé, très-étroit.
Ce corps est formé par une succession consi-
dérable de pièces ou articles, qui, d'abord
, quadrilatères, se déforment à mesure qu'on
les examine plus postérieurement; la dernière
pièce de cette chaîne n'est plus constituée que
par un petit rendement ovoïde. Le bothriocé-
p/tale est hermaphrodite; les ovaires sont
placés au niveau de chaque article et en
nombre égal; ils sont plus ou moins symétri-
ques, cylindroïdes, droits ou quelquefois con-
tournés sur eux-mêmes ; l'oviducte s'ouvre sur
une des faces du ver, mais toujours dans le
plan médian de cette face, tandis que, chez le
ténia, ces organes sont placés sur le bord de
l'article correspondant; c'est là un caractère
différentiel important. Le pénis, plus apparent,
est également situé sur le milieu de la face et
à peu de distance de l'oviducte. Le bothriocé-
phale est blanc nacre, légèrement transpa-
rent, quelquefois jaunâtre on grisâtre. La nu-
trition se fait par endosmose, non-seulement
par la tête, comme on serait tenté de le croire
de prime abord, mais par toute l'étendue du
corps; les principes nutritifs absorbés se ren-
dent dans de grands canaux longitudinaux
placés sous l'enveloppe téguinentaire ; ces
vaisseaux remplacent le tube digestif chez les
helminthes de cet ordrs.
Parmi les Lothriocéphales proprement dits
se trouve le grand bothriocéphale de l'homme,
qui mesure souvent jusqu'à 25 ou 30 m. de
longueur : c'est le tœnia prima (Plater), le
tœnia veterum (Spigel), le tœnia lato, ou vul-
garis (Linné), le tœnia inerme des médecins,
le ver solitaire gris de quelques auteurs.
Diesing en a fait connaître deux espèces par-
ticulières : le dibothrium decipiens du chat, et
celui du chien, le dibothrium serratum; ce
dernier est assez commun.
Une variété de bothriocéphale, connue sous
le nom de mazette, se rapproche beaucoup du
tœnia solium par la conformation de sa tète,
qui est tétragone, pourvue de quatre fossettes
bordées d'auricules saillantes. Un trouve sou-
vent la mazette chez les poissons de mer, la
sole, le merlan, la raie, le turbot et le saumon.
L'homme des contrées du nord de l'Europe en
est fréquemment affecté.
BOTH
Les ligules, classées parmi les anorhynques
bothriocéphales, ne sont pas hermaphrodites ;
le corps n'est pas articulé, mais finement strié
transversalement; la tète est dépourvue de
ventouses. La reproduction de ces helminthes
semblerait s'effectuer comme chez les lombrics,
avec lesquels les ligules ont du reste la plus
grande analogie. Cette'espèce est particulière
à certains poissons d'eau douce de la famille
des cyprinoïdes, entre autres le cyprinus al-
burnus (Linné), vulgairement appelé able, gar-
don, poisson blanc. On la rencontre aussi chez
le chien, le chat, et chez tous les oiseaux pis-
civores, le canard, la mouette, le cygne, le
héron, etc. Sa longueur est de 0 m. 15 à 0 m. 20
environ. Quelques auteurs ont considéré la
ligule comme le sco/ex du bothriocéphale.
Suivant la remarque faite depuis longtemps
par les médecins, le bothriocéphale se rencontre
rarement chez les habitants des pays où le
tœnia est commun, et réciproquement. On le
trouve dans deux régions bien distinctes : le
nord et le centre de l'Europe; en Russie, en
Norvège, en Suède, etc. Linné l'a trouvé si
commun en Suède, qu'il lui avait donné le nom
de tœnia vulgaris. Selon Huss, le bothriocé-
phale serait rare en Islande. Pour les pays du
centre où vit ce parasite, ce sont : la Suisse,
le nord de l'Itali-e, et quelques provinces de la
Germanie. Odier de Genève le cite comme
étant très-commun chez les habitants du can-
ton de Vaud, surtout ceux des rives du Léman.
Le bothriocéphale est susceptible de se trans-
mettre à l'homme et à tous les animaux ver-
tébrés. Son état de larve est inconnu, mais
on doit admettre a priori qu'il passe successi-_
vement par les trois périodes â'œuf, de scolex
et de strobile, ainsi que cela a lieu pour tous
les cestoïdes en général. Cette hypothèse
permet d'expliquer la transmission du ver du
poisson à l'homme et aux autres mammifères,
et réciproquement, car on ne peut nier le rap-
port intime qui existe entre la présence du ver
chez les poissons de certaines localités et chez
les habitants de ces mêmes localités. La ma-
zette, par exemple, très-commune chez les
poissons de mer, est également très-commune
chez les peuples de la Baltique; les ligules et
autres bothriocéphales se rencontrent fréquem-
ment dans, les poissons des lacs de la Suisse
et de la haute Italie, et on les trouve dans
une proportion effrayante chez les habitants
des contrées environnantes. La cause dépend
évidemment du mode d'alimentation. Pour les
peuples du nord qui mangent les poissons de
mer fumés, on comprend assez comment la
transmission peut s'effectuer ; mais on se l'ex-
plique difficilement pour les habitants de l'Eu-
rope centrale, qui ne mangent jamais que des
poissons suffisamment cuits.
Les poissons sont en général voraces, sur-
tout les cyprins; on les voit sans cesse se-
m
journer auprès des rives, à l'embouchure des "
égouts, dans le
s
vois'tnage des abattoirs, et Sd
jeter avidement sur tous les débris animaux
charriés par l'eau : c'est en fouillant la vase,
en cherchant leur vie dans les immondices
qu'ils rencontrent Vœuf du bothriocéphale'. Une
lois absorbé, cet œuf subit une première trans-
formation, il devient scolex; mais là ne s'ar-
rêtera pas la migration: le scolex passe dans
le tube intestinal des autres~poissons auxquels
les cyprins servent d'appât, la truite, le bro-
chet, etc., ou dans l'intestin de l'homme, du
chat, du canard, etc. Ici le développement du
parasite est complet, le ver est formé de toutes
pièces, il eut strobile.
Parmi les ouvrages qui traitent spécialement
la question du bothriocéphale, on peut citer
ceux de Rudolphi, de Bremser, d'Odier de
Genève, de deBlainville; M.Davaine, dans son
Traité des maladies vermineuses de l'homme, et
M. Georges Recordon, dans un mémoire lu à la
Société de biologie (1866), ont fourni sur cet
annélide les renseignements les plus précis.
— Pathol. Le bothriocéphale est, comme le
ténia ou ver solitaire, parasite de l'homme et
de quelques animaux; mais il attaque plus
exclusivement les Russes, les Polonais, les
Suisses, et quelques départements français.
Suivant une opinion généralement répandue,
il est héréditaire, et on ne s'en débarrasse pas
facilement en changeant de pays. Il s'attaque
de préférence aux individus lymphatiques,
scrofuleux, habitant les lieux sombres, bas et
humides, ou mal nourris. Le ver ne trahit sa
présence que par des symptômes assez obscurs
ou, tout au moins, peu caractéristiques. Ce-
f
tendant les malades éprouvent quelquefois de
a fétidité dans l'haleine et la salivation, des
éructations, du ballonnement du ventre, une
sensation d'ondulation dans cette région, des
picotements à l'ombilic, des douleurs de ventre
et une diarrhée intermittente. A ces symp-
tôifies se joignent quelquefois, mais d'une ma-
nière moins constante et moins caractéristique
encore, quelques phénomènes sympathiques,
tels que : démangeaisons à l'anus, lassitudes
et crampes des extrémités, céphalalgie, étour-
dissements, insomnie, etc. ; mais un symptôme
absolument caractéristique et qui manquera
rarement de se produire dans le cours cle la
maladie, c'est que les selles entraîneront à
diverses reprises des portions plus ou moins
considérables d'un ver rubané, qui ne peut
être qu'un bothriocéphale ou un ténia. Le mi-
croscope permet facilement d'établir la dis-
tinction; mais, au reste, elle est peu importante,
car le traitement est le même dans les deux cas.
Les malades ont le plus grand intérêt à se
débarrasser promptement d'une affection tout
BOTH
au moins désagréable, et qui amène à la longue
de l'amaigrissement, une teinte jaune et pâle
de la face et une faiblesse générale. Les mé-
dicaments connus sous le nom de tœnifuges
sont applicables au bothriocéphale; ils sont
aussi très-nombreux, ce qui vient de ce qu'ils
ne réussissent pas toujours. Le plus vanté
des tœnifuges est l'écorce fraîche de racine de
grenadier ou l'écorce sèche de racine de gre-
nadier de Portugal, qui se prend en tisane à
la dose de 60 gram., ou en poudre, associée à
des purgatifs drastiques, à la dose de 5 gram.
Le kousso d'Abyssinie aété aussi fort employé ;
il faut avaler les fleurs à la dose de 15 à2o'gr.
La racine ou rhizome de fougère mâle, à la
dose de 30 à 50 gram.; l'huile éthérée de fou-
gère mâle, à la dose de 2 gram.; la poudre
d'étain, autrefois très-vantée et abandonnée
aujourd'hui ; l'essence de térébenthine et l'huile
empyreumatique de corne de cerf; enfin les
pépins de courge et les espèces vermifuges
associées aux purgatifs, sont employés'aux
mêmes usages et ont joui, en leur temps, d'une
célébrité aujourd'hui contestée pour quelques-
uns.
BOTHRIOUTHE
BOTHRIOUTHE s. f. (bo-tri-o-li-te — du
gr. bothrion^ petite cavité; lithos, pierre).
Miner. Variété de borate calcaire.
B O T H R I O N s. m. (bo-tri-on— mot grec
qui signifie petite cavité). Chir. Ulcère peu
profond de la cornée transparente.
BOTHRIONOPE
BOTHRIONOPE s. m. (bo-tri-o-no-pe —
du gr. bothrion, petite cavité ; àps, ôpos, œil).
Entom. Genre d'insectes coléoptères tétra-
mères, de la famille des cycliques, compre-
nant quatre espèces, qui vivent à Java.
B O T H R I O P T È R E s. m. (bo-tn-op-tè-re —
du gr. bothrion, petite cavité; pteron, aile).
Entom. Genre d'insectes coléoptères penta-
mères, de la famille des carabiques, compre-
nant six espèces, dont deux se trouvent en
Europe.
BOTH
BOTH RIO SPERME s. m. (bo-tri-o-spèr-me
du gr. bothrion, petite cavité; sperma, se-
mence). Bot. Genre de plantes, de la famille
des borraginées, comprenant trois ou quatre
espèces, qui croissent dans le nord de la
Chine et ont le port des myosotis.
BOTHROPS
BOTHROPS s. m. (bo-trops; du gr. bo-
thros, cavité; ôps, œil). Erpét. Syn. de TRIGO-
NOCÉPHALE.
- BOTHV1DÏ (Jean), théologien suédois, né
en 1577, mort en 1635. Aumônier de Gustave-
Adolphe, il le suivit dans la plupart de ses
campagnes, et fut nommé, en 1630, évêque de
Linkoping. Ce fut Bothvidi qui organisa la ré-
forme en Saxe et érigea les consistoires de
Magdebourg et de Minden. On a de lui un grand
nombre de sermons, dont les plus remarqua-
bles sont : les Sermons jubilaires prêches dans la
chapelle du château de Stockholm (1621) ; Orai-
son funèbre de Gustave-Adolphe (1634). On cite
égalementde lui une dissertation latine sous ce
titre : Utrum Moscovitœ suit christiani (1620).
BOTHWELL
BOTHWELL (BATAILLE DE). On connaît les
troubles politiques et religieux qui agitèrent
l'Ecosse longtemps encore après la mort de
Charles 1er, et sous le règne même de son fils,
Charles IL Le duc de Monmouth, fils naturel
de ce dernier, fut envoyé dans ce pays avec
le titre de gouverneur; mais sa présence ne
parvint point à calmer l'irritation croissante
des covenantaires ou presbytériens, qui, pous-
sés à bout par l'excès de l'oppression, assas-
sinèrent le primat d'Ecosse et s'insurgèrent
contre le gouvernement qui pesait sur eux. A
cette nouvelle, le duc de Monmouth marcha
contre eux à la tête de quelques troupes an-
glaises, et alla camper dans la plaine de Both-
well-Moôr, près de la Clyde, rivière au delà
de laquelle était assis le camp des covenan-
taires, qui avaient placé une,forte garde à la
tète du pont de Bothwell. Rien de plus curieux
que le récit des incidents, aujourd'hui tragi-,
comiques, qui précédèrent la bataille ; il faut
les lire surtout dans Walter Scott, l'historien
le plus coloré et le plus fidèle peut-être, sous
BOTH
1037
sa forme romanesque, de ces temps d'exalta-
tion furibonde et de fanatisme échevelé, où
toutes les dénominations se puisaient dans la
Bible, comme, sous notre République, on sa-
crifiait à la fièvre patriotique en s'appelunt
Brutus, Caton, Mutius Scœvola, Curtius, De-
cius, e tutti quanti; tant il est vrai que les îé-
volutîons les plus terribles ont leur côté ridi-
cule; aussi les noms d'Habacuc, d'Achab,
d'Athalie, de Babylone, retentissaient tumul-
tueusement dans le camp des presbytériens,
tandis que, chez les Anglais, une froide disci-
pline réglait tous les mouvements. Chez les
premiers, néanmoins , quelques chefs intel-
ligents , bien convaincus qu'il ne suffisait
pas d'appeler l'ennemi Satan ou Bélial pour
l'engloutir dans les abîmes qui avaient dévoré
Coré, Dathan et Abiron, avaient fait quelques
préparatifs de défense au pont de Bothwell,
par lequel les Anglais devaient venir à eux.
Bientôt, en effet, les presbytériens virent l'in-
fanterie ennemie se déplover en bon ordre,
flanquée à droite et à gauche d'une cavalerie
redoutable, et des artilleurs établir une batte-
rie de canons pour foudroyer le camp de l'au-
tre rive de la Clyde. Aux bruyantes clameurs
bibliques qui venaient de se faire entendre
succéda alors un profond silence; tous ces
énergumènes semblaient frappés de terreur et
se regardaient les uns les autres, puis repor-
taient les yeux sur leurs chefs, avec cet air
d'abattement qu'on remarque chez un malade
qui sort d'un accès de frénésie.
Les Anglais attaquent enfin le pont avec
vigueur. Deux régiments des gardes à pied,
se formant en colonne serrée, marchèrent sur
la Clyde; l'un, se déployant sur la rive droite,
commença un feu meurtrier sur les défen-
seurs du passage-, tandis que l'autre cherchait
à occuper le pont. Les presbytériens, malgré
le découragement qu'ils venaient de manites-
ter, soutinrent vigoureusement cette attaque,
et répondirent au feu des assaillants par des
décharges continuelles, qui firent essuyer de
grandes pertes aux troupes royalistes et les
contraignirent par deux rois à reculer. Monté
sur un superbe cheval blanc, Monmouth, de
l'autre côté de la rivière, pressait, encoura-
geait ses soldats. Les canons, qui avaient été
jusqu'alors employés à inquiéter le camp prin-
cipal des covenantaires, furent tournés contre
le pont et ses défenseurs; mais les rebelles,
abrités par un taillis o'u protégés par des mai-
sons, colnbattaient à couvert, pendant que les
royalistes étaient exposés de toutes parts.
Monmouth, voyant l'ardeur de. ses troupes se
refroidir, descendit alors de cheval, rallia ses
gardes et les conduisit à un nouvel assaut,
Î
tendant qu'un de ses généraux, s'élançant à
a tête dun corps de montagnards du claci
de Lennox, se précipitait sur le pont en fai-
sant retentir son cri de guerre. Malheureuse-
ment pour les défenseurs du pont, les muni-
tions commencèrent à leur manquer ; après
en avoir inutilement envoyé demander au
principal corps des presbytériens, qui restait
inactif dansla plaine, ils durent ralentir leur
feu, au moment même où celui des Anglais
devenait plus nourri et plus meurtrier. Ceux-
ci parvinrent enfin à s'établir au milieu du
pont, et écartèrent tout ce qui s'opposait à
leur marche, arrachant et jetant dans la. ri-
vière les poutres, les troncs d'arbre et les
autres matériaux que les rebelles y avaient
accumulés en forme de barricade. Ils restè-
rent alors maîtres du pont, et l'armée anglaise
tout entière put le traverser pour se déployer
en ordre de oatail'e dans la plaine. La cava-
lerie royale commença alors à charger les
covenantaires, tandis que deux divisions.d'in-
fanterie menaçaient leurs flancs. Les rebelles
se trouvaient dans cette situation où l'immi-
nence d'une attaque suffit pour imprimer une
terreur panique; le découragement les rendit
incapables de soutenir cette charge de cava-
lerie exécutée avec l'appareil le plus terrible
des combats . la rapidité des chevaux, l'é-
branlement de la terre sous leurs pas, les
éclats des sabres, le balancement des pana-
ches et les clameurs des cavaliers. Le premier "
rang fit à peine une décharge de
t
mousquete-
rie, et, dès ce moment, le champ' de bataille
n'offrit plus qu'une scène d'horreur et de con-
fusion. Les presbytériens, enfoncés de toutes
parts, ne songèrent même plus à se défendre
et jetèrent leurs armes pour rendre leur fuite
plus facile et plus rapide : un corps de douze
cents rebelles jeta ses armes à l'approche de
Monmouth et se rendit à discrétion; le duc
leur fit grâce de la vie, puis il parcourut le
champ de bataille et ordonna de cesser le,car-
nage (1679). La journée de Bothwell fut pour
les presbytériens un coup dont ils ne se rele-
vèrent jamais.
BOTHWELL
BOTHWELL (John HEPBORN, comte DE), sei-
gneur écossais, célèbre dans l'histoire de Ma-
rie Stuart, dont il fut le champion, le ravisseur,
l'époux, et qui, enveloppé dans sa fatale des-
tinée, alla mourir prisonnier dans un château
isolé du Danemark en 1578. Fidèle partisan
de Marie de Lorraine, il prit part à la guerre
civile qui éclata sous sa régence (1559-1500)
et contribua vaillamment au succès des trou-
pes royales. Marie Stuart étant montée sur le
trône, il embrassa énergiquement sa cause ;
mais une querelle avec le comte Murray, frère
naturel de la jeune reine, l'ayant obligé de
quitter le royaume, il se rendit d'abord en
France, puis en Norvège, où il épousa, à Ber-
f
en, Anna, fille de Christophe, de la maison
e Beukestok. De retour avec elle en France,
1038 BOTH ' BOTI BOTO ' BOTR
il dissipa follement sa dot et disparut laissant
sa femme retourner dans sa famille.
Murray ayant pris les armes contre sa sœur
(1565), Bothwelffut rappelé en Ecosse, où, in-
vesti par la reine d'un grand commandement,
il ne tarda pas à subjuguer ses ennemis.
Nommé, en récompense de ses services, gou-
verneur du château de Dunbar, dans le voi-
sinage duquel il possédait des domaines patri-
moniaux considérables, il épousa, le 22 fé-
vrier 1566, sans se soucier du mariage qu'il
avait déjà contracté en Norvège, mariage in-
connu en Ecosse, Jane Gordon, sœur du comte
d'Huntly ; puis, sous les auspices de Marie, une
sorte de réconciliation eut lieu entre lui et
M urray.
Dans le courant de la même année (9 mars
1566) et au commencement de l'année sui-
vante (9 février 1567), un double assassinat,
celui de David Riccio et celui de Darnley,
vint donner un nouvel aliment à la haine fa-
rouche des ennemis de la reine d'Ecosse. Im-
pliqué de complicité dans le second, Bothwell,
accompagné aune troupe nombreuse, se pré-
senta (levant le tribunal institué pour le juger
et fut absous. Peu de temps après (24 avril),
ayant enlevé de force Marie Stuart, il la con-
duisit au château de Dunbar, et son divorce
avec Jane Gordon ayant été prononcé, il l'é-
pousa solennellement à Edimbourg le 15 mai.
Dés ce moment, la perte de Marie Stuart fut ré-
solue ; en effet, le 24 juillet, l'infortunée reine,
incarcérée dans le château de Lochleven, si-
gnait, contrainte par ses implacables enne-
mis, son acte d'abdication; l'échafaud devait
terminer, vingt ans plus tard, sa lugubre exis-
tence.
Quant à Bothwell, il se retira d'abord libre-
ment au château de Dunbar. Mais, bientôt,
la tempête se déchaîna contre lui. Déclaré par
les lords écossais déchu de son rang, titres
et dignités, il vit, en" outre, sa tête mise à prix.
Il se réfugia alors aux îles Orcades et Shet-
land, dont il avait été créé duc héréditaire peu
avant son mariage avec la reine. Une esca-
dre, envoyée d'Ecosse à sa poursuite, le força
de les abandonner. Il prit la mer avec deux
vaisseaux et se dirigea vers le Danemark;
mais, capturé par un bâtiment de guerre da-
nois, dont le capitaine Christian Aalborg ne
voulut voir en lui, malgré toutes ses assu-
rances, qu'un dangereux pirate, il fut amené
à Bergen. Là il retrouva Anna Benkestok,
qui lui intenta un procès en bigamie. Il lui
céda, pour qu'elle retirât sa plainte, le plus
petit de ses vaisseaux,.y compris la cargai-
son, et lui promit une rente viagère de 100 dol-
lars, que naturellement elle ne toucha jamais.
Puis le gouverneur Erik Rosenkrandz le lit
comparaître devant une commission de vingt-
trois membres. Bothwell répondit aux ques-
tiens qu'elle lui posa avec une certaine hau-
teur. Chose singulière! on trouva parmi ses
papiers l'acte du parlement qui mettait sa tête
à prix. Sur les conclusions de la commission,
il fut envoyé à Copenhague.
Le roi Frédéric II, se trouvant alors dans le
Jutland, y fut informé de l'arrivée du prisonnier
par les ministres qui, en attendant de nou-
veaux ordres, l'avaient fait enfermer au châ-
teau. En même temps, Bothwell lui écrivit
une lettre en français, dans laquelle il préten- .
dait ne s'être mis en route pour le Danemark
qu'à l'instigation de la reine d'Ecosse et de
ses principaux lords, dans le but d'y exposer
au roi sa triste situation et d'implorer son se-
cours, mais qu'une tempête, l'ayant jeté sur
les côtes de Norvège, il y avait été arrêté et
retenu captif deux mois et demi; sur quoi, il
priait le roi de lui faire connaître son avis et
sa résolution. Il signa cette lettre : James, duc
des Orcades,
Si l'on remarque qu'à l'époque dont il s'agit
(1567) et longtemps encore après, le Danemark
ne cessa de revendiquer les îles Orcades et
Shetland, non aliénées, mais à l'occasion
du mariage de Jacques III avec la fille de
Christian 1er livrées à l'Ecosse, en garantie
de la dot de cette princesse (1469), on con-
çoit l'effet qu'une telle lettre produisit sur
Frédéric II, et le prix qu'il dut attacher à un
prisonnier de l'importance de celui qui était
tombé entre ses mains. N'avait-il pas là un
moyen d'exercer au profit de sa couronne une
sérieuse influence sur les affaires d'Ecosse?
Cette considération suffirait seule pour expli-
quer sa résistance opiniâtre aux demandes
d'extradition dont il fut assiégé par les gou-
vernements d'Ecosse et d'Angleterre; elle
expliquerait aussi sa conduite à l'égard du
comte de Bothwell.
Par une mesure prise le 28 décembre 1567,
le roi lui assigna pour prison le château de
Malmœ en Scanie ; mais, loin d'y être traité
avec rigueur, il y était entretenu d'une ma-
nière conforme a son rang. En outre, il y
avait la facilité de correspondre avec ses amis
et ses parents d'Ecosse et d'Angleterre, et si
l'on en croit un document récemment publié,
il entretenait des relations suivies avec Marie
Stuart elle-même, relations dans lesquelles
s'agitaient des questions politiques de la plus
haute importance et où figurait, entre autres,
un projet de rétrocession au Danemark des
îles Orcades et Shetland, en retour du se-
cours qu'il aurait fourni. Les ministres da-
nois favorisèrent activement ces relations
en en protégeant le secret. Ceci se passait
dans le temps où la cause de. Marie Stuart
n'était pas encore désespérée ; Bothwell pou-
vait être regardé comme un instrument utile.
Mais, dès que cette cause sembla irrévoca-
blement perdue, le sort de Bothwell changea
tout à coup. Frédéric II se refroidit à son
égard; un instant même, il se montra disposé
à consentir à son extradition. Dans tous les
cas, il l'enleva de la commode prison de
Malmœ pour le transporter dans l'austère châ-
teau de Dragsholm, aujourd'hui Adelersborg
(16 juin I573i. Le chevalier Dautray, ministre
de France à Copenhague, frappé de cette me-
sure, en fit part à la cour (2S juin) dans les
termes suivants : « Le roi de Danemark avait
jusqu'ici bien traité le comte de Bothwell;
mais il l'a fait enfermer, il y a quelques jours,
dans une étroite et misérable prison. » Une
fois là, le roi chercha à l'oublier et à le faire
oublier.
Bothwell demeura à Dragsholm jusqu'à sa
mort, qui eut lieu le 14-avril 1578. Cette der-
nière période de sa captivité a été l'occasion
de bien des récits tenant plutôt de la légende
que.de l'histoire. On a raconté, par exemple,
que, jeté dans une cave profonde, enchaîné à
un anneau de fer fixé au mur, il était devenu
fou. Plusieurs écrivains, ignorant son change-
ment de prison, le font mourir à Malmœ, entre
1575 et 1576, ajoutant qu'au moment de sa
mort, il formula, en présence de témoins, une
déclaration dans laquelle il s'accusa du meur-
tre de Darnley, nomma ses complices et in-
nocenta complètement Marie Stuart. L'auteur
d'un récent et remarquable ouvrage (Marie
Stuart et le comte de Bothwell, par L. Wiesener,
1863), consacré à la justification de la reine
d'Ecosse, attache une grande importance à
cette déclaration, dont il cite la double ana-
lyse française et anglaise. Toutefois, son au-
thenticité est loin, ce nous semble, d'être
suffisamment établie. D'abord, on la date de
Malmœ et du moment de la mort de Bothwell
dans ce château, entre 1575 et 1576; or Both-
well est mort au château de Dragsholm en
1578. Ensuite, parmi les témoins, il en est un,
sinon plus, savoir Otto Braw ou Brahe, dont
on doit récuser le témoignage, Otto Brahe
étant mort le 9 mai 1571, c'est-à-dire quatre
ans avant la déclaration à laquelle il aurait
soi-disant assisté. La cause de Marie Stuart
peut heureusement s'étayer d'arguments plus
solides.
Bothwell fut inhumé, suivant l'usage observé
alors pour les grands personnages, dans l'in-
térieur de l'église de Faareveile, voisine du
château de Dragsholm. Il eût été peu équita-
ble, en effet, de lui refuser après sa mort
cette sorte d'honneur; car, bien que prison-
nier d'Etat, Bothwell n'en était pas moins Té-
poux d'une reine encore vivante; d'ailleurs,
sa captivité en Danemark n'avait été, en au-
cune façon, provoquée par la justice du pays.
Le 31 mai 1858, à la demande de la légation
anglaise à Copenhague, son tombeau fut ou-
vert; on y trouva un simple cercueil de sapin
sans nom, sans inscription, avec un cadavre
momifié, enseveli anstocratiquement, mais
dans lequel il serait impossible de reconnaître
celui du comte de Bothwell, si une tradition
conservée de génération en génération parmi
les habitants de Faareveile n'aidait à consta-
ter l'identité.
Bothwell, drame en cinq actes, en prose,
par M. A. Empis, représenté pour la première
fois sur le Théâtre-Français, le 23 juin 1824.
Les infortunes et la mort tragique de Marie
Stuart ont fourni le sujet de bien des livres,
de bien des pièces de théâtre. On dirait que
cette malheureuse famille des Stuarts est pour
nos auteurs ce qu'était pour les tragiques
grecs la famille de Pélops et d'Atrée ;
lîace d'Agamemnon, qui ne finit jamais.
Le Bothwell de M. Empis
;
c'est encore Marie
Stuart. à l'époque fatale ou se rattache le pre-
mier anneau de ses malheurs; c'esi Marie
Stuart, entraînée par une cruelle fatalité à pa-
raître la complice du meurtre de son second
époux Darnley, et à lui donner pour succes-
seur l'infâme qui, par la mort de son roi, s'est
ouvert le chemin au lit et au trône de sa
veuve. Le sujet est traité, h peu de chose
près, selon les données de l'histoire, et l'ana-
lyse n'apprendrait rien que tout le monde ne
sache. M. Empis n'a guère réussi, d'ailleurs,
à faire qu'un drame médiocre, rempli de traits
forcés, complètement dépourvu d originalité,
et, par suite, fort monotone.
BOTHRIOCÈRE
BOTHRIOCÈRE s. m. (bo-tri-o-sè-re — du
gr. bothrion, petite cavité
3
keras, corne).
Entom. Genre d'insectes hémiptères, de la
famille des fulgores, comprenant un petit
nombre d'espèces, qui vivent dans l'Amérique
du Sud.
BOTHYE
BOTHYE s. f. (bo-tî). Bot. Syn. do MÉLA-
STOME.
BOTHWELL,
BOTHWELL, village d'Ecosse, comté de
Lanark, à 14 kilom. S.-E. de Glascow, sur la
Clyde et le Calder; 4,000 hab. Dans les envi-
rons, on remarque le château moderne dos
Douglas et les restes du château historique de
Bothwell. Ce dernier, bâti en pierre rouge,
formait un vaste carré oblong,- flanqué au sud
de deux grosses tours rondes, et couvrait un
espace de 71 mètres de long sur 30 de large.
Son origine est inconnue. A l'époque de Wal-
lace, il appartenait aux Douglas, et, après
avoir été la propriété successive du comte de
Pembroke, d'Andrew Murray, de John Ram-
say et des Hepburns, comtes de Bothwell, il
revint aux Douglas, qui habitent le château
moderne construit près des ruines de l'an-
cien.
Le Pont de Bothwell, sur la Clyde, est cé-
lèbre par la bataille qui porte son nom (1679),
dans laquelle les soldats écossais du oovenant
furent battus par le duc de Monmouth, et qui
a fourni à Walter Scott le sujet d'un des chapi-
tres les plus intéressants de son beau roman
les Puritains d'Ecosse. Voir l'article suivant.
BOTHYNEBOTHYNE s. m. (bo-ti-ne — du gr. bothu-
nios, trou). Entom. Genre d'insectes coléop-
tères pentamères, de la famille des lamelli-
cornes, voisin des scarabées, et comprenant
doux espèces.
B O T H Y N O D È R E s. m. (bo-ti-no-dè-rc —
du gr. bothunos, trou, derê, cou). Entom.
Genre d'insectes coléoptères tétramères, de
la famille des charançons, comprenant une
trentaine d'espèces, qui vivent presque toutes
en Europe ou en Asie.
B O T I C H E s. f. (bo-ti-che).Métrol. Sorte de
grande bouteille en grès, de forme rondo,
servant en Espagne et dans les colonies
espagnoles pour conserver de l'huile, du
vin, etc. Elle sert de mesure de capacité, et
contient 29 litres 75 centilitres.
BOTIDOUX
BOTIDOUX (LEDEIST DE), né vers 1750 en
Bretagne, fut nommé député aux états géné-
r a u x en 1789, et s'y montra partisan des idées
révolutionnaires. Il servit ensuite, avec le
grade de capitaine, dans l'armée du général
La Fayette, donua quelque temps après sa
démission, et vint, après le 10 août, porter à la
barre de 1 Assemblée une dénonciation contre
Latour-Maubourg. Bientôt il s'unit à ceux qui
voulaient détruire la République, et devint,
sous les ordres de Puisaye, l'agent du parti
vendéen; lorsque ce parti fut vaincu, il fut
longtemps obligé de se cacher sous divers
déguisements. La Restauration le nomma
messager de la chambre des pairs. Il a publié
une traduction en vers des Satires d'Horace
(1795), et'traduit en prose les Commentaires
de César (1809), et les Lettres de Cicéron à
Brutus (1812).
BOTIN
BOTIN (André DE), historien et économiste
suédois, né en 1724, mort en 1790. Il fut atta-
ché d'abord à la haute cour de justice du
royaume, puis il entra aux archives, où il se
mit à étudier les documents relatifs à l'his-
toire du pays. En 1755, il publia la Description
des domaines et propriétés foncières de la
Suède, le meilleur ouvrage de ce genre qui
ait paru jusqu'à présent, et qui attira sur l'au-
teur une attention méritée. Après avoir rem-
pli les fonctions d'assesseur au Collège des
antiquités, il fut nommé successivement con-
seiller des finances, membre de l'Académie
des sciences, de l'Académie suédoise, etanobli.
On a de Botin, outre l'ouvrage déià cité : Es-
sai sur l'histoire de la nation suédoise jusqu'à
Gustave 7<"
r
(1757-1764); Comparaison entre •
la valeur des monnaies et celle des marchan-
dises en Suède à différentes époques, la Lan-
gue suédoise écrite et parlée, etc. Toutes ces
publications se font remarquer par l'exacti-
tude, la sagacité, une exposition claire, un
style soigné et souvent éloquent.
BOTKHARI
BOTKHARI s. m. (bott-ka-ri). Soldat de la
garde impériale du Maroc, organisée en 1690
par Muley-Ismaël.
— Encycl. Le botkhari porte une chemise à
larges.manches et un caleçon.très-étroit. Une
ceinture de soie serre à la taille un cafetan
rouge, sur lequel flotte un petit manteau
blanc. Ses babouches sont en marocain rouge
ou jaune. Il porte un bonnet rouge, surmonté
d'une houppe bleue et serré par le turban.
Enfin, comme les Arabes de l'Algérie, les
botkharis se drapent dans de grands man-
teaux blancs. Le manteau rouge n'est porté
que par les officiers. C'est à la tête de ces
soldats que Sidi-Mohamed voulut combattre
notre vaillante armée. On sait la défaite que
le maréchal Bugeaud leur fit éprouver à Isly.
BOTNIAQUE
BOTNIAQUE adj. (bott-ni-a-ke). Géogr.
Qui appartient à la Botnie: Golfe BOTNIAQUE,
le golfe de Botnie.
BOTNIE
BOTNIE (golfe de), formé de la partie sep-
tentrionale de la mer Baltique, entre la Russie
à 1 E., et la province suédoise de Nordland à
l'O., au N. des îles d'Aland, entre 60° et 66°
. de lat. N.j 600 kil. de'long. sur 190 de largeur
moyenne. Ce golfe, couvert de glaces de no-
vembre en mai, reçoit les rivières Tornéa et
Urcéa, et présente une navigation peu sûre.
BOTNIE
BOTNIE ou BOTHNIE, ancienne province
de la Suède, sur le golfe de Botnie, auquel
elle a donné son nom; partagée,'depuis 1809,
en Botnie russe, àl'E. de la Tornéa et du golfe
de Botnie, faisant partie du grand-duché de
Finlande, et Botnie suédoise, formant les deux
lœriou départements du Nordland: Uméa ou
Western-Botn, et Pitea. ou Norr-Botn. Voyez
les deux mots : PITEA et UMÉA.
BOTOCOUDOS
BOTOCOUDOS ou BOTOCUDOS, tribu sau-
vage du Brésil, branche détachée des Aimo-
ns, dans les forêts vierges qui s'étendent
parallèlement à la côte, entre le Rio-Prado
et le Rio-Doce, sur les confins de la pro-
vince de Minas - Geraes. Les Botocoudos
sont de taille moyenne, mais bien faits, ro-
bustes et musculeux; ils ont le teint brun
rougeâtre, les cheveux noirs, durs et lisses;
ils* vont ordinairement nus, se peignent le vi-
sage et le corps, et se percent les lèvres et les
oreilles pour y introduire des disques de bois
comme ornements. Leur nourriture ordinaire
consiste dans le gibier qu'ils tuent en tirant
de l'arc; ils manient cette arme très-habile-
ment. Quelques-uns sont anthropophages.
Lorsque les orifices des lèvres et des oreilles
s'élargissent avec l'âge, les disques appelés
botoques (d'où vient Te nom de Botocoudos)
sont remplacés par des morceaux de bois
d'une plus grande dimension. Alors la lèvre
et les oreilles prennent des proportions in-
croyables; les hommes ne peuvent plus man-
ger sans le botoque, qui prend la forme d'une
spatule ; sans cela, l'ouverture faite à la lèvre
laisserait passer toute alimentation introduite
dans la bouche. Les dents incisives infé-
rieures tombent par le frottement continuel
du botoque, de manière que les Botocoudos
traînent une vie insupportable, lorsqu'ils ar-
rivent à un certain âge. Les femmes ne se
percent les lèvres que très-rarement.
Les Botocoudos n'ont de chefs qu'en temps
de guerre ; ils vident leurs querelles entre eux
en s'assommant à coups de bâton. C'est un
peuple sans foi, mais hardi, qui s'est montré
plus d'une fois redoutable aux Portugais. Un
très-petit nombre de ces sauvages ont con-
senti jusqu'ici à se soumettre aux exigences
de la civilisation, malgré les trois villages que
l'empereur du Brésil a fait bâtir pour eux en
1824.
L'idiome botocoudo est très-différent du
tupi, langue ordinaire des naturels de cette
contrée. Les sons et les articulations sont peu
distincts, parce que la déformation de la lèvre
inférieure gêne beaucoup la prononciation.
On v remarque beaucoup d'onomatopées. La
déclinaison n'a que deux cas, le nominatif et
une autre forme répondant à tous les autres
rapports. Le mot rouhou (plusieurs), placé
après un substantif, marque le pluriel ; l'ad-
jectif suit toujours le substantif. La conjugai-
son, très-pauvre, ne paraît avoir que deux
modes, l'infinitif et le participe.
BOTOCZÀNY,
BOTOCZÀNY, ville des Principautés-Unies,
dans la Moldavie, à 80 kilom. N.-O. de Jassy;
4,500 hab., Grecs, Arméniens et juifs; foires
très-importantes ; commerce de vins avec
l'Allemagne.
B O T O N s. m. (bo-ton). Ancienne forme du
mot BOUTON.
BOTONBOTON (Pierre), poète et écrivain français
du xvie siècle. Il publia dans sa jeunesse cinq
élégies, sous le titre de Camille, ensemble les
resveries et discours d'un amant dé$espéré(l5~Z).
Il annonçait, dans sa préface,, qu'il ne com-
poserait plus de vers, et il tint parole. Mais il
publia ensuite, en prose : le Triomphe de la
liberté royale et la prise de Beaune (1595); les
Trois visions de Childéric; le Discours de la
vertuet de la fortune de la France (1598). Ce-
pendant il a laissé en manuscrit un noôme sur
la Ligue, et une note placée en tête de ce
f
oëme nous apprend qu'il était président en
élection de Mâcon.
B O T O N E R v. a. ou tr. (bo-to-né). Ancienne
forme du mot BOUTONNER.
BOTOQUEBOTOQUE S. f. (bo-to-ke). Morceau do
métalj de bois, ou coquillage que les sauvages
du Brésil portent dans les oreilles, dans les
lèvres. Voy. BOTOCOUDOS.
BOTÔR
BOTÔR s. m. (bo-tor). Bot. Genre de
plantes d'Amboine, voisin du genre dolic.
BOTOT
BOTOT (eau de). Eau balsamique inventée
en 1755 par M.-S. Botot, et approuvée par
l'Académie de médecine de Paris. C'est un
excellent dentifrice dont on fait un grand
usage, surtout à Paris, où cette eau est re-
cherchée pour sa finesse et l'odeur parfumée
qui s'en exhale. Elle est le produit de plantes,
de végétaux, de racines et d'aromates qu'on
soumet ensemble à une longue macération.
Précieuse pour les soins de la bouche, l'eau
de Botot paraît, en outre, jouir de certaines
propriétés qui la font employer, sous forme
de frictions, contre les affections névralgiques
et rhumatismales; enfin, elle arrête rapide-
ment les effets du scorbut sur les dents et les
gencives. La véritable eau de Botot se vend
dans des flacons dont l'étiquette doit rigou-
reusement porter, le nom de son inventeur,
avec la devise : Cui fidas vide.
BOTONTINUS
BOTONTINUS AGER, nom latin de Bi-
TONTO.
BOTRESBOTRES s. f. pi. (bo-tre). Techn. Forces
dont on se sert pour donner la dernière tonte
au droguet. n On dit aussi BOTTKS.
BOTROPHIS
BOTROPHIS s. m. (bo-tro-fiss — du gr, bo-
trus, grappe; ophis, serpent). Bot. Genre de
plantes, de la famille des renonculacées, tribu
des pœoniées, comprenant deux espèces,
dont l'une, le botrophis à grappes, origi-
naire de l'Amérique du Nord, est cultivée
dans nos jardins d'agrément.
BOTRUSSE
BOTRUSSE s. f. (bo-tru-se). Art culin.
Sorte de viande épicée. il Vieux mot.
BOTRYCÈRE
BOTRYCÈRE s. m. (bo-tri-sc-re — du gr.
boti'us, grappe; keras. corne). Bot. Genre
d'arbres, de fa famille des anacardiées, com-
prenant une seule espèce, qui croît au Cap de
Bonne-Espérance.
BOTRYCHION
BOTRYCHION s. m. (bo-tri-ki-on — du
gr. botruchion, petite grappe). Bot. Genre de
plantes cryptogames, de la famille des fou-
gères, comprenant environ quinze espèces,
dont une, le botrychion lunaire, croît dans
toute l'Europe.
BOTRYDINE
BOTRYDINE s. f. (bo-tri-di-ne — du gr.
botrudion, petite grappo). 'Bot. Genre de
plantes cryptogames, de la famille des al-
gues, comprenant une seule espèce, qui croît
sur la terre humide, sur les mousses décom-
posées, etc.
BOTRYE
BOTRYE s. f. (bo-trî — du gr. bothrus
t
grappe). Bot. Syn. de cissus.
BOTRYLLACÉE,
BOTRYLLACÉE, ÉE adj. (bo-tril-la-sé —
rad. botrylle). Moll. Qui ressemble à un bo-
trylle. il On ait aussi BOTRYLLAIRE etBOTRYL-
LIDE.
— s. m. pi. Groupe de mollusques acé-
phales, de l'ordre des tuniciers, ayant pour
type le genre botrylle.
B O T R Y L L E s. m. (bo-tril-lc — du gr. bo-
trus, grappe). Moll. Genre de mollusques
acéphales, de l'ordre des tuniciers, voisin des
ascidies, et comprenant une quinzaine d'es-
pèces, dont plusieurs sonteommunessur nos
côtes.
BOTRYLLIENS
BOTRYLLIENS s. m. pi. (bo-tril-li-ain - ,
rad. botrylle). Moll. Famillo de botryllairc-i,
ayant pour type le genre botrylle.
BOTRYLLOÏDE
BOTRYLLOÏDE adj. (bo-tril-lo-i-de — do
botrylle, et du gr. eidos, ressemblance). Moll.
Qui ressemble a un botrylle.
— s. m. pi. Genre de mollusques tuniciers,
formé aux dépens des botrylles, et compre*
nant les botrylles étoiles.
BOTRYOCARPE
BOTRYOCARPE s. m. (bo-tri-o-kar-pe — du
gr. botrus, grappe; &arpos
t
fruit). Bot. Gonre
BOTR
de plantes cryptogames, delà famille des al-
gues, voisin du genre delessérie. n On a donné
aussi ce nom à une section du genre groseil-
lier, comprenant les espèces dont les fruits
sont réunis en grappes.
B O T R Y O C É P H A L B s. m. Helminth. Or-
thogr. vicieuse de BOTHRIOCÉPHALE.
BOTRYODENDRON
BOTRYODENDRON s. m. (bo-tri-o-dain-
dronn — du gr. botrus, grappe; dendron, ar-
bre). Bot. Genre d'arbres, de la famille des
araliacées, comprenant deux espèces, qui
croissent à Ta'ïti et dans l'île Norfolk.
. B O T R Y O G È N E s. m. (bo-tri-o-gè-ne — du
gr. botrus, grappe, et gennaô, j engendre).
Miner. Sulfate double de peroxyde et de pro-
loxyde de fer.
— Encycl. Berzélius, qui en a fait l'analyse,
a constaté qu'il contient trois équivalents de
protoxyde de fer, trois équivalents de per-
oxyde, huit équivalents d'acide sulfurique, et
trente-six équivalents d'eau. Le botryogène
se présente en cristaux appartenant au sys-
tème klinorhombique, d'un rouge hyacinthe
ou d'un brun jaunâtre. Sa poussière possède
une couleur jaune d'ocre. Sa saveur est styp-
tiquej il est soluble dans l'eau. Les cristaux
sont remarquables par la tendance qu'ils ont
â former des masses botryoïdès, et c'est à
cette circonstance qu'est du le nom de bo-
tryogène, imposé par Haidinger au minéral qui
nous occupe. Le botryogène se rencontre dans
l'intérieur d'un certain nombre de mines, et
en particulier à Fahlun, en Suède. On regarde
comme démontré qu'il provient de la décom-
position des pyrites de ter.
BOTRYOÏDE
BOTRYOÏDE adj. (bo-tri-o-i-de — du gr.
botrus, grappe-, eidos, aspect). Hist. nat. Qui
est en forme de grappe : Lépraire BOTRYOÏDE.
Chaux boratée siliceuse BOTRYOÏDE. Eponge
BOTRYOÏDE.
— s. m. Zooph. Nom proposé pour un
genre d'échinodermes, qui a dû rester uni
aux ananchites.
BOTRYOLITHE
BOTRYOLITHE OU BOTRYOLITE S. f. (bo-
tri-o-li-te —du gr. botrus, grappe; lithos,
pierre). Miner. Minéral concrétionné, qui af-
fecte la forme d'une grappe.
— Encycl. Werner a désigné sous ce nom de
botryolithe un minéral qui se présente en masses
, concrétionnées sphéroïdales, affectant plus ou
moins la forme de grappes. L'analyse a démon-
tré qu'elle est formée de silice, d'acide borique,
de chaux et d'eau. On ne l'a pas encore trou-
vée à l'état de cristaux, mais elle offre une
texture fibreuse cristalline. Le seul point du
globe où la botryolithe ait été rencontrée est
une mine de fer magnétique des environs
d'Arendal en Norvège, où elle est associée h
la pyrite, au cristal déroche, à la tourmaline
et a la chaux carbonée spathique.
B O T R Y O P T É R I D E s. f. (bo-tri-op-té-ri-de
— du gr. botrus, grappe; pteris, fougère).
Bot. Genre de plantes cryptogames, de la fa-
mille des fougères.
BOTRYS
BOTRYS s. m. (bo-triss — du gr. botrus,
grappe). Bot. Syn. d'AMBRiNEou ANSÉRINB nu
MEXIQUE, n C'est aussi le nom spécifique d'une
autre ansérïne (chenopodium botrys), et d'une
germandrée (teucrium botrys).
BOTRYS,BOTRYS, ville de l'ancienne Phénicie, sur
la Méditerranée, au N. de Bvblos, repaire
des pirates du Liban. Cette ville, construite
en 923 av. J.-C. par Ethbaal, roi de Tyr, fut
ruinée par un tremblement de terre, sous le
règne de Justinien.
BOTRYTELLE
BOTRYTELLE s. m. (bo-tri-tè-le — du gr.
botrus, grappe). Bot. Genre de plantes cryp-
togames, de.la famille des algues, non adopté.
BOTRYTIDÉ,
BOTRYTIDÉ, ÉE adj. (bo-tri-ti-dé — de
botrytis). Bot. Qui ressemble à un botrytis.'
— s. f. pi. Groupe de champignons de l'or-
dre des mucédinées, ayant pour type le
genre botrytis.
BOTRYTISBOTRYTIS s. m. (bo-tri-tiss — dimin. du
gr. botrus, grappe). Bot. Genre de champi-
gnons microscopiques, du groupe des "mucé-
dinées, comprenant une vingtaine d'espèces,
qui croissent sur les corps en putréfaction.
— Encycl. Les botrytis sont des champi-
gnons microscopiques, de la famille des mu-
cédinées, présentant l'aspect de petites moi-
sissures. Lorsqu'on les observe sous un fort
grossissement, on voit comme une forêt de
filaments simples ou rameux, épars ou réunis,
cloisonnés, articulés, portant, au sommet ou
au-dessous, des sporidies (corps reproduc-
teurs) simples, non cloisonnées, globuleuses
ouoblongues. Ces champignons se rencontrent
sur les feuilles d'un très-grand nombre de
plantes, qui paraissent alors saupoudrées de
blanc. Lorsqu'ils sont très-abondants, ils
amènent la dessiccation et la chute des feuil-
les ; c'est ce qu'on observe assez souvent sur
le trèfle et le mélilot. Une espèce surtout a,
dans ces derniers temps, acquis une fâcheuse
célébrité, c'est le botrytis infestans, qui se dé-
veloppe sur les- pommes de terre malades.
C'est en 1845 que cette maladie a fixé l'atten-
tion, et s'est propagée successivement dans
tous les pays où Von cultive la pomme de
terre. On a d'abord regardé le botrytis comme
la cause de cette affection; mais c'est bien
plutôt un effet, car il se développe sur des
feuilles ou des tiges déjà altérées par suite de
l'humidité ou des variations atmosphériques ;
son influence se borne donc à hâter la dessic-
cation de parties déjà atteintes d'une maladie
BOTT
qui les rendait impropres à remplir leurs fonc-
tions physiologiques. On a vu, en effet, des
pommes deterre dont les feuilles étaient cou-
vertes de botrytis et \e§ tubercules parfaite-
ment sains; d'autres, au contraire, dont les
tubercules étaient altérés, tandis que leurs
feuilles ne présentaient pas la moindre trace
de cryptogames. La maladie s'est montrée
pius ou moins sur toutes les variétés culti-
vées; toutefois, les variétés hâtives ont été
le plus souvent épargnées. On n'a pas trouvé
jusqu'à présent de remède efficace et pratique
contre cette maladie. Heureusement, elle a
bien diminué, et même disparu dans.plusieurs
localités. Toutefois, elle a laissé des traces de
son passage, car on observe que depuis plu-
sieurs années la production est moindre. Les
botrytis se montrent même sur des matières
animales. C'est au botrytis bassiana qu'est due
la maladie des vers à soie, connue sous le nom
de muscardine. Les sporules, qui peuvent être
disséminées à une grande distance, produisent
un champignon qui s'enfonce dans le corps du
ver et le fait périr ; on savait, avant de con-
naître la nature de la maladie, qu'un seul ver
à, soie muscardine peut infecter toute une ma-
gnanerie. La muscardine a pu être inoculée
• sur d'autres insectes, et les sporules, placées
sur une lame de verre, dans des conditions
convenables de chaleur et d'humidité, ont
parfaitement germé.
BOTRYTIS,
BOTRYTIS, s. f. (bo-tn-tiss — du gr. 60-
trus, grappe). Techri. Nom donné autrefois à
la cadmie qui s'amasse au-dessus du fourneau,
à cause de sa ressemblance avec une grappe
de raisin. *
v
BOTSCHKABOTSCHKA s. m. (bott-chka). Métrol. Me-
sure de capacité usitée en Russie pour l'eau-
de-vie, l'huile de lin et de chanvre. Elle vaut
491 litres 94.
.BOTT ou BODT (Jean DE), architecte fran-
çais, né en 1670, mort à Dresde en 1745. Pro-
testant, il fut obligé de quitter la France après
la révocation de l'édit de Nantes, fut accueilli
en Hollande par Guillaume d'Orange, puis
appelé par Frédéric I
e r
à Berlin, ou il con-
struisit l'Arsenal, regardé comme un des plus
remarquables édifices de l'Allemagne. Sous
Frédéric-Guillaume, il fut chargé de construire
les fortifications de Wesel, morceau très-es-
timé d'architecture militaire.
BOTT
BOTT (Thomas), théologien et philosophe
anglais, né à Derby en 1688, mort en t754. Il
remplit les fonctions de ministre angjican
dans différentes paroisses du comté de Nor-
folk. Son ouvrage le plus important est inti-
tulé : Réponse à la Divine légation de Moïse
de Warburton (1743). On lui doit encore : la
Paix et le bonheur de ce monde sont le but im-
médiat du christianisme (1724); Moralité fon-
dée sur la raison des choses et sur la révélation
(1730) ; Remarques sur le sixième chapitre de
^'Analogie de la religion du docteur Rutler,
concernant la nécessité (1738).
BOTTA
BOTTA (Ch.-Joseph-Guillaume), historien,
poète et médecin, né en 1766 à San-Giorgio-
del-Canavese (Piémont), mort à Paris en 1837.
Il étudia la médecine et la botanique à Turin,
et fut reçu docteur à l'époque de la Révolu-
tion française, dont il se montra le partisan
enthousiaste. Arrêté en 1792, par ordre du 1*0i
de Sardaigne, il fut retenu deux ans en prison,
puis exilé. 11 vint en France et fut employé
successivement, en qualité de médecin, à l'ar-
mée des Alpes, à celle d'Italie, puis dans l'ex-
pédition contre les îles Ioniennes. En 1799,
Joubert le désigna comme membre du gou-
vernement provisoire du Piémont ; il seconda
la réunion de son pays à la France, et quand
elle eut été accomplie, en 1803, fut nommé
député au Corps législatif par le département
de la Doire. L indépendance de ses opinions
le fit écarter deux fois de la questure, où
son caractère honorable l'avait fait porter par
ses collègues. A la Restauration, il disparut
de la scène politique, fut nommé recteur de
l'académie de Nancy pendant les Cent-Jours,
puis de celle de Rouen. Destitué en 1822, il
continua à séjourner en France, occupé dans
sa retraite à des travaux d'histoire et de lit-
térature. Botta écrivait en français a.vec la
même élégance et la même clarté qu'en ita-
lien. Malgré sa prédilection pour notre lan-
gue, il réagit contre la tendance des littéra-
teurs de son pays à franciser la langue de
Dante et de Machiavel, et tenta lui-même
de la retremper aux sources du xvie siècle.
Ses principaux ouvrages sont : Histoire d'Ita-
• lie, continuation de Guichardin (en italien,
1834); ce travail important comprend l'His-
toire d'Italie de 1789 jusqu'en 1814, que l'au-
teur avait publiée en 1826, en français en même
temps qu'en italien ; Histoire des peuples d'Ita-
lie (en italien, 1825),où il fait honneur à laRe-
naissance de la civilisation de l'Europe; His-
toire de la guerre d'indépendance des Etats-Unis
(en italien, 1809, traduite en français en 1812,
par Sevelinges) ; Description de l'île de Corfou
(Milan, an VII, en italien) ; Précis historique
sur la maison de Savoie (en français, 1803) ; Il
Camillo, épopée en 12 chants (1816),- etc.
Botta occupe un rang distingué parmi les
historiens modernes, et sa grande histoire est
extrêmement populaire dans sa patrie.
BOTTA. (Paul-Emile), archéologue français,
fils du précédent, né vers 1805. ÏÏ fut succes-
sivement consul de France à Alexandrie, à
Mossoul et à Tripoli. Au milieu de ses tra-
vaux diplomatiques, il a rempli plusieurs mis-
sions archéologiques et découvert des ruines
BOTT
qui passent encore aux yeux de beaucoup de
personnes pour celles de Ninive. Il fit exé-
cuter des touilles à Khorsabadet envoya à
Paris un grand nombre de morceaux regardés
par quelques antiquaires comme des débris,
non de Ninive, mais de monuments des Par-
thes et des Persans. Quoi qu'il en soit de leur
authenticité, ces débris ont formé au Louvre
le musée dit assyrien. M. Botta a publié :
Monuments de Ninive, découverts et décrits
par P.-E. Botta ( 1849-1850, 5 vol. in-fol.) et
Relation d'un voyage dans l'Yémen (1841);
Inscriptions découvertes à Khorsabad (1848).
BOTTA-ADOKNO
BOTTA-ADOKNO (Alexandre), poète italien,
né à Padoue dans' la seconde moitié du
xvne siècle. Il se fit connaître par ses vers et
devint membre de l'Académie Arcadienne,
sous le nom de Mirindo Erineo. Muratori lui
a dédié son ouvrage intitulé : Délia perfetta
poesia italiana (1706). Les poésies de Botta,
pleines de grâce et de facilité, ont été pu-
bliées dans divers recueils.
BOTTA
BOTTA (Anne-Charlotte LYNCH, dame),
femme poète, née vers 1830 à Bennington
(Etats-Unis), s'est fait connaître en 1849 par
un recueil de poésies très-estimé. Le très-ai-
mable accueil qu'elle fit à M^e Bremer, célè-
bre romancière suédoise, lors du voyage de
celle-ci en Amérique, lui valut de la part de
l'illustre écrivain un tribut d'affectueuse r e -
connaissance dans une relation publiée en
suédois, et traduite immédiatement dans plu-
sieurs langues. Mme Botta a aussi composé
des romans et des nouvelles, qui ont paru dans
divers recueils périodiques.
BOTTÀ-ADORNO
BOTTÀ-ADORNO (Antonietto), diplomate et
général italien, né à Pavie vers 1688, mort en
1774- Il servit sous le prince Eugène, battit,
en 1746, une armée franco-espagnole, et fut
ensuite nommé gouverneur de Gênes pour
l'Autriche. Il fut aussi chargé de plusieurs
ambassades, dont il s'acquitta très-habilement.
En récompense de ses services, on le créa
maréchal des armées de l'Empire.
BOTTAGE
BOTTAGE s. m. (bo-ta-je). Ane. coût.
Droit que l'abbé de Saint-Denis prélevait 3iir
les bateaux qui remontaient ou descendaient
la Seine, depuis le 9 octobre jusqu'au 30 no-
vembre.
BOTTALLA
BOTTALLA (Jean-Marie), peintre italien,
né à Savone en 1613, mort à Milan en 1644.
On lui donne quelquefois le surnom de R»f»ei-
lino, à cause de l'admiration qu'il professait
pour Raphaël. Il eut pour maître Pierre de
Cortone, qu'il aida dans ses travaux au palais
Barberini. Parmi ses tableaux, on cite : la
Réconciliation de Jacob avec Esaû, qui se
trouve au Capitole ; un Saint Sébastien et la
Fable de Deucalion et Pyrrha, à Gênes. Il
mourut avant d'avoir pu terminer, au palais
Negroni, une fresque représentant Apollon et
Marsijas ; cette fresque, l'un de ses plus
beaux ouvrages, a été terminée par Assa-
retto.
BOTTANï (Joseph), peintre italien, né à
Crémone en 1717, mort à Mantoue en 1784.
Il eut pour premiers maîtres Meucci et Pu-
glieschi; il alla ensuite à Rome étudier sous
la direction de Masucci. En 1769, il fut nommé
directeur de l'Académie de Mantoue. On voit
au musée de Milan le portrait de Bottani peint
par lui-même, et les Adieux de sainte Paule
à sa famille, que l'on regarde comme son
meilleur tableau.
BOTTARI
BOTTARI (Jean-GaëtanJ, savant prélat, né
à Florence en 1689, mort a Rome en 1775. Il
étudia dans sa patrie les langues et la littéra-
ture de l'antiquité, les mathématiques, la phi-
losophie et la théologie, entra à l'Académie
délia Crusca, qui le chargea de la réimpres-
sion de son vocabulaire. Cette nouvelle édi-
tion, dont la publication fut commencée en
1738, ne fut rien moins qu'une refonte presque
totale de l'ouvrage. Après avoir dirigé pen-
dant quelque temps l'imprimerie grand-ducale,
Bottari alla se fixer à Rome, où il devint suc-
cessivement chanoine, conservateur de la bi-
bliothèque du "Vatican, qu'il enrichit d'un musée
de médailles, prélat palatin, etc. On lui doit
un grand nombre d'excellentes éditions anno-
tées, l'achèvement de l'édition du beau Vir-
gile du Vatican, et de nombreux ouvrages
d'érudition et d'archéologie, entre autres le Mu-
sée capitolin (Rome, 1741-1750,2 vol. in-fol.);
le deuxième volume est en latin; ScuHure et
pitture sacre estratte da cimeteri di Roma, etc.
(Rome, 1737-1753, 3 vol. in-fol.), ouvrage
qui n'est autre que la Rome souterraine de
Bosio, augmentée et améliorée; Dialoghisopra
le tre arti del disegno (Lucques, 1754, in-4°);
Antiquissimi Virgiliani codicis fragmenta et
picturœ ex Vaticana bibliotheca, etc. (Rome,
1741, in-fol.) ; Raccolta di lettere sulla pittura,
scultura et architettura scritte da piu celebri
professori, etc. (Rome, 1754-1759, 3 vol. in-4°).
Citons aussi son édition revue et accompa-
gnée de notes des Vite de' piu excellenti pit-
tori, scultorie architetti, de Vasari-(i750-l760,
3 vol. in-40).
BOTTANNE
BOTTANNE S. f. V. BoTANE.
BOTTAZZO
BOTTAZZO (Jean-Jacques), poëte italien, né
à Monte-Castello au xvie siècle. On a de lui
trois dialogues en vers sur la géographie, sur
les vents et sur la sphère, qu'il fit paraître
sous le titre de Dialoghi marittimi di Bottazzo
ed alcune rime marittime di Nicolo Franco
et d'altri diversi spiriti déW accademia degli
Argonauti (Mantoue-, 1547). Bottazzo faisait
partie de cette Académie des Argonautes, qui
BOTT
;
1039
s'occupait à peu près exclusivement, dans ses
discours, ses poésies, etc., de sujets relatifs à
la mer et à la navigation.
BOTTE
BOTTE s. f. {bo-te — du bas nu. botta,
sorte de tonneau). Chaussure de cuir qui en-
ferme le pied et la jambe, et quelquefois le
bas de la cuisse : Une paire de BOTTES. Des
BOTTESBOTTES à revers, à genouillères. Des BOTTES
vernies. Des BOTTES de cavalerie. Des BOTTES
de chasse. Essayer des BOTTES. Mettre, ôter
ses BOTTES. Faire cirer ses BOTTES. Tirer les
BOTTESBOTTES de quelqu'un. Charles VII, roi de
France, était si pauvre à son avènement au
trône, qu'un bottier ne voulut pas lui faire
crédit d'une paire de BOTTES qu'il lui avait en-
voyée. (Mézerai.) Les Laponnes ne se servent
pas de bas; elles ont, pendant l'hiver, une
paire de BOTTES de cuir de renne. (Regnard.)
Don Juan d'Autriche fut, dit-on, empoisonné
par une paire de BOTTES. (Balz.) Çà, disait-il,
qu'on me tiré mes BOTTES. (G. Sand.) Quand
Philippe-Auguste fut couronné à Reims, il
portait des BOTTES parsemées de fleurs de lis
d'or. (Bachelet.)
— Fam. Masse de terre ou de neige qui
s'attache à la chaussure quand on marche
dans un terrain gras, humide ou couvert de
neige: En traversant un champ labouré, je me
suis fait des BOTTES. Les enfants aiment à se
faire des BOTTES dans la neige. Ce cheval est
botté; ôtez-lui ses BOTTES.
— Bottes molles, Bottes en cuir mou qu? se
portent assez habituellement, l) Bottes fortes,
Grosses bottes dont se servent les postillons
et un certain nombre d'ouvriers exposés à
travailler dans l'eau, comme les pêcheurs,
les égouttiers, etc. Il Rottes à l'êcmjère, Bottes
qui portent une genouillère par laquelle le
genou est couvert; elles ne sont usitées que
dans l'armée et parmi les postillons. H Bot-
tes à l'anglaise, Bottes à revers, comme les
portent certains domestiques en livrée. Il
Bottes à la Souwarof, Bottes plissées et ter-
minées en cœur, comme on les portait sous
le Directoire. Il Rottes à In hussarde, Bottes
plissées sur le cou-de-pied, n Bottes à chau-
dron, Bottes à genouillères en forme d'enton-
noir , depuis longtemps abandonnées.
— Loc. fam. Haut comme ma botte, Se dit
d'un enfant et d'une personne de petite
taille : / / est HAUT COMME MA BOTTE, et se
mêle à la conversation, Il a épousé une femme
assez jolie, mais HAUTE COMME MA BOTTE.
Cette petite fille, qui est HAUTE COMME MA
BOTTE,BOTTE, a l'air d'une folle. (E. Sue.) il Coup de
botte, Coup de pied : C'est une question à la-
quelle on répond par un COUP DE BOTTE.
Rendons-leur les coups de botte
Qu'Achille nous a donnés. BÉRANGER.
Il A propos de bottes Hors de tout propos
sans aucun motif : Il nous a cherché querelle
À PROPOS DE BOTTES. A PROPOS DE BOTTES, OÙ
en est l'affaire des duchés?
Mais, à propos de botte, un sort doux et propice
Tout à souhait ici nous amène Clarisse.
REGNARD.
Pardonnez-moi tous ces discours;
Pérorer à propos de loties
Est tort si commun de nos jours.
CH. BATAILLE.
— À propos de bottes est une locution toute
faite pour les calembours. En voici quel-
ques-uns qu'elle a inspirés ; nous commençons
par celui auquel elle doit, dit-on, son ori-
gine :
— Un seigneur de la cour de François 1er
ayant perdu un procès important s'en plai-
gnait amèrement au roi, en s'étonnant que
le tribunal eût osé le débotter (débouter, en
lat. du palais debotare). Le prince rit beau-
coup de cette singulière traduction; mais
pour ôter dorénavant aux plaideurs l'occasion
de commettre de pareils barbarismes, et leur
donner la facilité de comprendre la plaidoirie
de leurs avocats , il détendit qu'on plaidât
désormais en latin. Ceci fiCdire aux hommes
de loi de l'époque, avec une amertume môlée
de quelque intention sarcastique, que l'anti-
que usage de la languo des Romains avait
été aboli à propos de bottes, motif qui, depuis,
a paru le type de toutes les raisons insuffi-
santes.
— Un journal disait dernièrement que, dans
les salles d'escrime, on se bat à propos de
bottes.
— Napoléon, après s'être distingué au siège
de Toulon, était tombé dans la disgrâce de
la Convention. Le jeune officier d'artillerie
sollicita, dit-on, la permission de quitter le
service de la France, et de passer en Turquie,
où l'on s'occupait d'un armement contre l'Au-
triche; cependant Fréron parvint à lui faire
donner un commandement dans une autre
direction. On lui avait accordé un délai de
quinze jours pour SP. rendre à son poste ; mais
un événement assez singulier, raconte-t-on,
empêcha son voyage. Napoléon avait com-
.mandé plusieurs paires de bottes à son cor-
donnier, qui demeurait encore, il y a quelques
années, en face du Palais-de-Justice. Celui-ci
apporta les bottes laveille de son départ, et
lui présenta son mémoire. Napoléon, soit
qu'il manquât d'argent, soit par toute autre
raison, veut lui donner un bon sur le ministre
de la guerre. Le bottier le refuse, et Napo-
léon, impatienté, refuse à son tour de prendre
les bottes. Il faut en commander d'autres. Au
lieu de partir le 4 vendémiaire, Napoléon se
décide à attendre quelques jours. Pendant ce
délai, il reçoit un mot de Barras; la révolu-
1040
BOTT
lion du 13 vendémiaire se préparait. Barras
écrivait à Napoléon de ne "pas partir. On sait
le rôle qu'il lui fit jouer dans cette journée.
Et l'on a dit depuis que a Napoléon était de-
venu empereur « propos de bottes. »
— Où va la botte? Où allez-vous? Il Comment
vu la botte? Comment allez-vous? Comment
vous portez-vous? Il Prendre la botte, Se
disposer à partir. Il Ces trois locutions ont
vieilli.
— Prendre, chausser ses bottes desept lieues,
Se préparer à marcher, à voyager,rapide-
ment- allusion aux fameuses bottes de l'ogre,
dans Iecontodu/
>
(î/*7/
ï
oHcef,çiui]m faisaient
faire sept lieues par enjambée, il S'emplo'e
aussi au figuré, pour exprimer la rapidité de
la pensée : L'esprit de tout rêveur chausse les
BOTTEBOTTE s. f. ( b o - t e — bas lat. botta,
même sens). Métrol. Tonneau dont la capa-
cité, variable suivant les pays, sert généra-
lement d'unité de mesure dans les localités
où ce mot est usité : Une BOTTE d'huile, de
vin.
— Botte de deuxj de trois, de quatre, Ton-
neau d'une capacité double, triple, quadruple
de la botte ordinaire.
— Tuyau des lieux d'aisances, qu'on nomme
aussi CHAUSSE DE BOUTEILLES.
— Entom. Nom vulgaire du charançon du
blé.
B O T T E s. f. (bo-tte — anc. allem. boss,
fagot). Quantité de choses de même espèce
Î
u'on a liées ensemble : Une BOTTE de foin.
r
ne
BOTTESBOTTES DE SEPT LIEUES. (V. HUgO.)
— Y laisser ses bottes, Y périr : Le pauvre
diable Y A LAISSÉ SES BOTTES. Quand quelqu'un
est mort en une bataille, nous disons seulement :
n. Y A LAISSÉ SES BOTTKS, comme si elles
étaient te vrai séjour de l'âme du cavalier,
(Auteur de Francion.) il Mettre, avoir du foin
dans ses bottes, Se ménager, avoir des res-
sources pour l'avenir : Courage, monsieur,
METTEZ DU FOIN DANS VOS BOTTES; VOUS êtes
en beau chemin. (Le Sage.) Vous me mandâtes
que tout le foin de la cavalerie du roi Très-
Chrétien était soumis à votre juridiction ; je
souhaite que vous en METTIEZ DANS VOS BOTTES,
et que vous reveniez à Paris enrichi de nos
triomphes. (Volt.) il Lécher la botte ou les bot-
tes de quelqu'un, 1 p rourtiser, le flatter, l'adu-
ler bassement :
Tous ces gens, fntoués de plaques et de croix.
Ont léché, sans rougir, ta botte de vingt rois.
ANCELOT.
Il Graisser ses bottes, Se préparer à partir
pour un long voyage, et, par ext., Etre sur le
point de mourir : Madame de Louvois GRAISSE
SES BOTTES pour aller à 7'onnerre et à Ancy-
le-Franc. (De Coulanges.) Cet homme est plus
malade qu'il ne pense; il faut qu'il GRAISSE
SI:S BOTTES. (Acad.) il Graisser les bottes de
quelqu'un, Lui administrer l'extrême-onction,
parce que, dans cette cérémonie, qui ne se
pratique que sur les personnes en danger de
mort, on oint les pieds avec de l'huile : Le
chansonnier Gallet, sur le point de mourir
d'une hydroplsie, lui qui avait tant bu de vin,
fut visité par le curé de sa paroisse, qui se
présenta pour lui administrer Vextrême-onc-
tion ;jt Ah! monsieur l'abbé, lui dit-il, vous
renés pour me GRAISSER LES BOTTES ; mais
• •'est bien inutile, car je m'en vais par eau. » *
— Prov. G)-aissez les bottes d'un vilain, il
dira qu'on les lui brûle, Un avare se plaindra
même des services qu'on lui rend, afin do se
dispenser de toute reconnaissance, il Je ne
m'e* soucie non plus que de mes vieilles bottes,
J»> ne m'en soucie aucunement.
— Hist. Ordre de la botte, Ordre militaire
*Habli à Venise vers le milieu du xvic siècle.
— Art milît. Hotte de banderolle, de dra-
peau, d'étendard, de lance, Douille destinée à
recevoir et à supporter l'extrémité inférieure
de la hampe d'une banderolle, d'un drapeau,
d'un étendard, d'une lance, lorsqu'on les tient
en main.
— Chass. Etui suspendu par une bricole,
où se place le fusil quand on chasse à cheval.
Il Longe ou collier avec lequel on mène lo
limier au bois. Il Avaler la botte au limier
Lui ôter le collier ou la longe, afin qu'il
chasse librement l'animal qu'on lui faisait
chasser au bout du trait.
— Manég. Morceau de cuir dont on garnit
le pied du cheval, à l'endroit où il se coupe.
On dit aussi BOTTINE. Il Serrer la botte, Serrer
les jambes contre les flancs du cheval pour
l'exciter à avancer. Il Ce cheval va à la botte,
Il se défend du cavalier qui le monte, en
cherchant à le mordre à la jambe. Il Fig.
Aller à la botte, Dire des choses piquantes :
Madame de Bouillon savait, parlait bien, dis-
putait volontiers, et quelquefois ALLAIT À LA
BOTTE. (st-Sim.)
— Techn. Nom que l'on donnait au petit
marchepied attache à l'un des brancards
d'un .carrosse.
— Encycl. V. CHAUSSURE.
BOTTEBOTTE de carottes, de navets. Une BOTTE d'oi-
gnons. Une BOTTE d'asperges. C'est de ces
meules énormes que l'on tire le foin pour le lier
en milliers de BOTTES, et le donner aux che-
vaux que l'on tient à l'écurie. (Berquin.) Il
sort dès sept heures du matin, après avoir
mangé une BOTTE de radis ou un morceau de
fromage. ( Audiffret. ). Les enfants faisaient
BOTT
aussi leurs bouquets, ou plutôt leurs BOTTES
de fleurs. (Balz.) Nous avons là une petite
BOTTEBOTTE de paille. Une BOTTE de lilas. Une
petite BOTTE de giroflée, de seringat. Une
BOTTEBOTTE de paille pour faire le feu. (G. Sand.)
Rome eut pour étendard une botte de foin.
V. tluoo. .
— Par anal. Objets réunis et formant en-
semble une sorte de faisceau ; Les racines de
cette plante naissent en BOTTE.
— Fam. Grand nombre de choses et même
de personnes : Une BOTTE de papiers, de pa-
perasses. Une BOTTE de lettres. Il s'était chargé
d'une BOTTE de livres. Il m'est venu une BOTTE
d'anciens camarades. Les membres de cette fa-
mille ne se séparent jamais ; ils se mettent en
BOTTEBOTTE pour faire leurs visites.
— Comm. Réunion d'un certain nombre
d'échalas propres à faire les treillages, il Cer-
taine longueur de fil de fer ployé en rond.
il Cahier de 36 feuilles de parchemin, u Botte
de soie, Echeveaux de soie liés ensemble, il
Botte de chanvre, Balle de chanvre pesant
75 kilogr. Il Botte de bordures, Douze planches
minces de hêtre préparées pour les ouvra-
ges du boisselier.
— Mar. Faisceau de pièces de bois taillées
pour servir à la construction d'un objet ou
provenant de cet objet démoli : Futailles en
BOTTE. Mettre en BOTTE les bordages d'une
embarcation.
— PI. Forces du tondeur de drap, i] On dit
aussi BOTRES.
BOTTEBOTTE s. f. (bo-te — espag.- bote, même
sens; de botar, toucher). Escr. Coup de
pointe, coup de fleuret ou d'épée : Porter,
allonger une BOTTE. Tirer une BOTTE. Parer,
esquiver une BOTTE. Quand vous portez la
BOTTEBOTTE , monsieur, il faut que l'épée parte la
première, et que le corps soit bien effacé. (Mol.)
En dehors de mes leçons d'escrime, Porthos
m'avait appris quelques BOTTES gaillardes
(Alex: Dum.) L'hôte et le voyageur se mirent
en garde ; mais l'aubergiste, en sa qualité d'an-
cien prévôt des grenadiers, poussa soixante-
huit BOTTES à Gaudissart. (Balz.) Un jésuite
s'égayait devant Boileau ' sur le compte de
Pascal et sur les travaux manuels auxquels,
comme ses confrères, Use livrait à Port-Boyal.
«Pascal, dit-il, s'occupe dans sa retraite à
faire des souliers. — J'ignore , répondit le
satirique, si Pascal fait des souliers, mais je
sais bien qu'avec ses Provinciales il vous A
PORTÉ une furieuse BOTTE. » Un ancien laquais
enrichi se présenta dans une salle d'armes.
On lui offre un fleuret, en l'invitant à s'es-
crimer. Jl s'en défend, en disant : « Je n'ai
jamais appris à TIRER UNE BOTTE. — C'est
juste, reprit quelqu'un, monsieur en tirait
toujours deux. •
• A toi ! dit-il, mon brave ! et que Dieu te pardonne ! •
Le coup fut mal porté, mais la botte était bonne;
Car c'était une botte à lui rompre du coup,
S'il l'avait attrapé, la tète avec le cou.
A. DE MUSSET.
Il Botte secrète, Coup dont la parade est in-
connue de l'adversaire, il Appuyer la botte,
Appuyer l'arme contre le corps de son adver-
saire, après l'avoir touché.
— Fig. Attaque vive et imprévue, surtout
en paroles : Porter, pousser, parer une BOTTE.
Quelle brave BOTTE il vient de lui PORTER I
(Mol.) Dans ta conversation, il poussa deux
BOTTÉ,BOTTÉ, mal BOTTÉ. Les Chinois sont toujours
BOTTÉS. (Trév.) Le vainqueur d'Ivri ne monta
point sur le trône, BOTTÉ et éperonné, en sortant
de la bataille. (Chateaubr.) Il était BOTTÉ
comme un jeune premier de vaudeville. (Balz.)
— Par ext. Prêt à partir, parce que, les
voyages d'autrefois se faisant généralement
à cheval, on mettait ses bottes au moment du
départ: Saint-Ibal était BOTTÉ pour Paris,
quand M. de Châtillon arriva chez moi.
(De Retz.)
— Loc. prov. C'est un singe botté ; il a l'air
d'un singe botté, C'est un homme petit, mal
fait et embarrassé dans ses accoutrements, n
Il faut être toujours botté et prêt à partir, Il
faut êtro toujours préparé à mourir.
Ail US. hiSt. Louis XIV e n t r a n t tout liotté e t
é p e r o u n é au p a r l e m e n t , Allusion à une parti-
cularité du règne de Louis XIV, et qui, dans
l'application, sert à faire ressortir le sans-
gêne, l'arrogance d'une autorité quelconque.
Le parlement, en France, se signala tou-
jours par une grande indépendance d'opinion.
Dans le principe, ses attributions se bornaient
à enregistrer les lois et les édits du souve-
rain ; mais peu à peu il s'arrogea le droit de
les discuter , de les modifier, et même
d'en suspendre ou d'en refuser l'exécution,
Louis XIV, à peine âgé de dix-sept ans, de-
vait, dans une circonstance solennelle, briser
pour toujours ces résistances. Ce prince se
trouvait à Vincennes avec toute la cour, et
partait pour la chasse. Mazarin lui apprend
que le parlement refuse d'enregistrer quelques
édits bursaux nécessaires à l'entretien des
troupes. Aussitôt le jeune monarque fait mon-
ter a cheval plusieurs compagnies de ses
gardes, et se rend au parlement en habit de
chasse : justaucorps rouge , chapeau gris ,
grosses bottes, et, disent même quelques-uns,
un fouet à la main. Là, ses regards, ses traits,
son geste, prennent le caractère imposant d'un
maître qui veut être obéi : n Messieurs, dit-il
de cette voix ferme qui révèle une volonté
énergique, on sait les malheurs qu'ont pro-
duits vos assemblées et vos délibérations ;
j'ordonne qu'on cesse celles qui sont commen-
cées sur mes édits, que je vous défends de
discuter à l'avenir. *
A ces mots, le roi sortit et s'en retourna au
bois de Vincennes, sans qu'aucun de la com-
pagnie eût osé répondre une seule parole.
« Voltaire voulut faire imprimer la Hen-
riade, mais les prêtres, lui reprochant d'avoir
embelli et ranimé les erreurs du semi-pélagia-
nisine, se mirent en campagne pour que le
privilège d'imprimer lui fût refusé. Afin de
déjouer ces cabales, Voltaire dédia son poème
au roi, mais le roi ne voulut point de la dédi-
BOTT
cace. Dès ce jour la guerre fut déclarée. « Le
roi, c'est moi! » s'écria Voltaire. Et il entra
tout botté et tout éperonné, cravache à la main,
dans te parlement de l'opinion publique.
» ARSÈNE HOUSSAYE, le Roi Voltaire. »
«Si par hasard un voisin, un ami, venait
interrompre une pareille scène, le maître
du logis s'écriait , en montrant sa petite
meute qui aboyait autour du visiteur : « Je vous
» présente le régime représentatif: vous allez
» voir ce qu'on en pourrait faire avec le fouet
» de Louis XIV! » Et Fonfrède chassait en
riant, à. coups de fouet, le parlement de son
chenil.
• Louis LURING. »
« Dans un salon, vous verrez quinze femmes
sur vingt personnes. Si une voix timide s'é-
lève pour demander où sont les jeunes gens,
un vieillard répond qu'il n'y a plus de jeunes
gens, et tout le inonde suppose qu'ils sont au
club, à moins qu'ils ne soient ailleurs. C'est
un endroit où la jeunesse va beaucoup depuis
quelque temps. On entre là botté comme
Louis XIV; on a une redingote et même un
paletot, si l'on veut; on est à son aise, on est
chez soi; et puis, pas un sou d'esprit à dépen-
ser. Quelle économie !
» EDMOND TEXIER. »
BOTTESBOTTES au pauvre archevêque. ( L'abbé de
Choisy.) Il parait avec une agilité surpre-
nante toutes les BOTTES qu'on lui portait. (Le
Sage). L'opposition, devenue industrielle, ne
portera jamais au roi de sa fabrique la BOTTE
à fond, comme elle l'a portée à Charles X.
(Cnatcaubr.) Vous l'avez entendu, parez-moi
cette BOTTE-ZÀ. (Balz.)
Boue (MONSIEUR), roman publié en 1802 par
Pigault-Lebrun. Le sujet est fort simple.
Nous n'en ferons pas l'analyse j contentons-
nous de dire que les idées anciennes et les
idées nouvelles y sont aux prises, et que la
lutte se termine par le triomphe du bon sens
sur les opinions réactionnaires. Le carac-
tère du marquis et celui de M. Botte, deux
personnages importants du roman, sont trai-
tés de main de maître ; le premier, persis-
tant dans son aveuglement et s'obstinant d'au-
tant plus que la générosité de son adversaire
force son estime; le second, faisant du bien à
tout le monde et à tout prorios, et s'en défen-
dant comme d'un crime. Cebourru bienfaisant
nous amuse et nous séduit bien plus que celui
de Goldom. Les comparses sont dessinés vi-
goureusement. Guillaume, le Scapin du roman,
qui joue auprès de Charles, neveu de M. Botte,
le rôle d'un Méphistophélès domestique, est
pris sur nature ; Georges, fils de M. Botte, est
plein de noblesse.
Le style est correct, vif, clair et concis. Le
dialogue est digne de la comédie, et les obscé-
nités, cette fois, ont été mises à la porte. On
rencontre des scènes d'un comique achevé,
telles que celle où Guillaume dresse l'arbre
généalogique de M.-Botte, qu'il fait descendre
d'un conquérant de Gênes, le marquis de
Botta, et celle où le pauvre M. Botte se retire
tout penaud de l'insuccès de ses tentatives no-
biliaires. Toute la partie de sentiment, de pas-
sion, dénote une sensibilité charmante chez
l'auteur. I! a caressé, on le voit, la création de
son bourru, dans lequel il s'est quelque peu
représenté lui-même. Pigault-Lebrun ne laisse
échapper aucune occasion de se moquer de la
société d'alors et de ses travers, ainsi que des
mauvais écrivains et des critiques passionnés
et injustes, tels que l'abbé Geoffroy, qu'il habille
de la bonne façon pour le punir de n'avoir pas
BOTT
trouvé de son goût le plat d'épinards de Y En-
fant du Carnaval. Monsieur Botte est, d'après
nous, le chef-d'œuvre de Pigault-Lebrun.
Botte (MONSIEUR) , ou le Nouveau Bourru
bienfaisant, comédie ^ n quatre actes et en
prose, imitée du roman de Pigault-Lebrun,
par Théophile et Valentin, représentée pour
ta première fois, à Paris, sur le théâtre de'
Molière, le 29 ventôse an XI (20 mars 1803).
Cette pièce, comme l'indique son titre, n'était
que la mise en scène de Monsieur Botte de Pi-
gault-Lebrun, roman fort à la mode alors, lequel
avait été inspiré par le Bourru bienfaisant, le
chef-d'œuvre de Goldoni, qu'on a surnommé le
Molière de l'Italie. Sous les noms de Théophile
et Valentin se cachait le futur auteur d'une
foule de joyeux vaudevilles, parmi lesquels on
distinguera toujours les Saltimbanques, le spi-
rituel Dumersan, mort en 1849, alors débutant
dans la carrière dramatique. On nous pardon-
nera sans doute de ne pas analyser une œuvre
oubliée depuis longtemps, et qui, d'ailleurs,
méritait de l'être. Monsieur Botte n'eut
qu'un succès très-éphémère. Il a eu pourtant
les honneurs de l'impression (Paris, an X I ,
in-8o). -
La vogue du roman de Pigault-Lebrun a
inspiré, outre la comédie de Dumersan, un
romanenquatre volumes in-12, Madame Botte,
ou Aventures d'Augustina, qui ne vaut pas la
peine qu'on s'y arrête (Paris, an XI, ano-
nyme).
Botte (LA), en italien lo Stivale, poésie poli-
tique de Giusti, qu'on a surnommé le Béran-
ger italien, mais qui, par l'originalité et la
distinction de la forme, se rapproche de notre
Alfred de Musset. C'est en 1836 que le poëte
toscan donna l'histoire de cette botte, qui,
chaussée par qui veut la prendre, conte piteu-
sement ses malheurs. On comprend que cette
botte n'est autre chose que l'Italie.
« Oh! pauvre botte!.... Quand il était en-
core temps d'aller par moi-même, j'ai voulu
marcher sur les jambes d'aatrui.... et j'avais,
par surcroît, la manie fatale de changer de
pied pour changer de fortune....
» Et maintenant me voici rognée, négligée,
déchiquetée par tout venant, couverte de
crotte, et j'attends depuis bien des siècles
une jambe qui m'ôte mes rides et me secoue;
non tudesque
?
s'entend, ni française, mais je
voudrais une jambe de mon pays ! etc. »
C'est avec de petits poSmes de ce genre,
travaillés avec amour, en artiste, que Giusti a
contribué, pour une part considérable, au mou-
vement italien de 1848.
B O T T É , ÉE (bo-té) part. pass. du v. Bot-
ter. Qui est chausse de bottes : Etre bien
BOTTEAUBOTTEAU ou BOTEAU s. m. (bo-to —dimin.
de botte). Econ. rur. Petite botte : Deux BOT-
TEAUX de paille, de foin.
BOTTÉEBOTTÉE DE BOUFFÉE (Claude) , capitaine
au régiment de La Père, dans le xvmc siècle.
Il publia des Etudes militaires contenant l'exer-
cice de l'infanterie (1750, 2 volumes in-12).
Louis XV accepta la dédicace de cet ouvrage,
auquel on attribue la disparition de la pique
dans l'armement de nos troupes d'infanterie.
BOTTÉE
BOTTÉE DE TOITLMON (J.-Jos.-Aug.), né h
Laon en I7G4, mort en 1816. Officier dans les
poudres et salpêtres, il devint administrateur
général de ce service en 1798, et professeur
pour les poudres à l'Ecole polytechnique en
1818. Il inventa une éprouvette hydrostatique
pour déterminer la force explosive de la pou-
dre, et publia sur son art plusieurs ouvrages
estimés : Art de fabriquer la poudre à canon
(1812); Art du salpêtmer (1S13), etc.
BOTTÉE
BOTTÉE DBTOL'LMON (Auguste), musico-
graphe, fils du précédent, né à Paris en 1797,
mort en 1850. Reçu licencié en droit en 1823,
et possesseur d'une fortune qui lui permettait
de suivre ses goûts, il se livra entièrement aux
études musicales, sous la direction de Desvi-
gnes et de Reicha, rassembla une collection
de partitions des maîtres les plus célèbres, et
fut nommé en 1831 bibliothécaire du Conser-
vatoire de musique. Bottée voyagea en Alle-
magne et en Italie, réunit à ses frais les œu-
vres des anciens maîtres , et augmenta
considérablement la bibliothèque du Cotiser- •
vatoirc. Il avait entrepris la publication d'un
Recueil de documents inédits de l'art musical
depuis le xmc jusqu'au xvnc siècle, lorsque
ses facultés mentales s'altérèrent, et une at-
taque d'apoplexie
/
vint mettre un terme à son
existence. On a de lui des ouvrages impor-
tants : De la chanson musicale en France au
moyen âge (183G) ; Des instruments de musique
en usage au moyen âge (1838); Notice biogra-
phique sur les travaux de Gui d'Arezzo (1837);
Mémoire sur les puys de musique en France au
xve etau xvi^ siècle, etc. (1838) ; Recueil de do-
cuments inédits de l'art musical en France,
collection précieuse, malheureusementinache-
vée, etc. Il composa aussi un oratorio de la
Passion, et plusieurs messes qui eurent du
succès.
BOTTELAGE
BOTTELAGE s. m. (bo-te-la-je — rnd.
botteler). Action de botteler, de mettre en
bottes : Le BOTTKLAGK du foin, de la'paille.
Elle envoyait son homme à la récolte et ses
postillons au BOTTELAGE. (Balz.) Le BOTTHLAGE
est avantageux pour empêcher les fourrages de
s'échauffer, lorsqu'ils sont rentrés un peu hu-
mides. (Hœfer.)
— Tcchn. Action de redresser des verges
de fer et de les lier ensemble.
— Encycl. Le bottelage a pour but de ren-
dre les fourrages plus transportables et de fa-
ciliter leur distribution dans les différents bâ-
timents de l'exploitation. Cette pratique est
fort répandue ; cependant elle présente d'assez
graves inconvénients. Elle nécessite des frais
très-considérables, de vastes magasins, et
nuit souvent à la conservation des fourrages.
Avant de botteler le foin, il est bon de le lais-
ser quelque temps en meulons, dans les prés,
afin de lui laisser subir une première fer-
mentation. Les bottes doivent être régulières
et d'un poids uniforme. Les liens, au nom-
bre de un à trois pour chaque botte, seront
faits avec de la paille, ou mieux avec le foin
décoloré qui recouvre les meulons. Le foin des
prairies artificielles est toujours plus dur à
manier et à botteler que le foin de pré. Il faut
le saisir à point, et ne pas attendre que l'humi-
dité ait pénétré ses tiges et ses fleurs ; alors
il chancit et contracte en peu de temps une
mauvaise odeur. M. Pommereau a construit,
il y a quelque temps, une machine à botteler
et à comprimer le foin. « Cet appareil, dit
M. A. Malo , est simple et solide; il coûte
?oo fr.; deux hommes le manœuvrent facile-
BOTT
BOTT
BOTT
BOTT 1041
m e n t e t bottellent 40 à 45 b o t t e s de 5 kilogr.
par h e u r e . L e foin perd la moitié de son v o -
lume en s o r t a n t de c e t t e machine j ce d e g r é
de compression facilite le t r a n s p o r t et l'emma-
g a s i n a g e d e s f o u r r a g e s . L ' i n v e n t e u r e s p è r e
réduire le prix, de r e v i e n t du bottelage à l a
m é c a n i q u e , e n perfectionnant s a m a c h i n e , d e
telle s o r t e qu'elle puisse faire deux bottes à la
fois,»
11 y a des o u v r i e r s botteleurs de profession,
de m ê m e qu'il y a d e s b a t t e u r s e n g r a n g e e t
d e s moissonneurs. L e s botteleurs a c c o m p l i s -
s e n t un travail fort p é n i b l e , e t , quoiqu'ils
a i e n t l'habitude de d e v a n c e r le j o u r , afin de
profiter de la fraîcheur qui r è g n e le m a t i n , ils
n ' e n r e s t e n t p a s . moins exposés p e n d a n t le
r e s t e d e l a j o u r n é e à l ' a r d e u r b r û l a n t e d u s o -
leil. L e foin bottelé le m a t i n e t le soir c o n -
s e r v e toujours u n peu de moiteur, qui le*
dispose à l a moisissure-, on doit toujours
f
)référer le foin bottelé e n plein soleil. L e s i
jons b o t t e l e u r s s a v e n t régler à la main le i
poids d e l e u r s b o t t e s , à un q u a r t de k i l o g r a m m e j
p r è s , e t ils p e u v e n t eu confectionner j u s q u ' à
500 d a n s u n e j o u r n é e , a v e c du foin de p r é |
d'une l o n g u e u r ordinaire. L e foin des prairies j
artificielles se bottelle plus difficilement, le
meilleur o u v r i e r en fait r a r e m e n t 380 bottes '
p a r j o u r . L e s . b o t t e l e u r s habiles sont r a r e s i
p e n d a n t l a moisson e t d e m a n d e n t un prix
é l e v é ; en o u t r e , le bottelage, à c e t t e é p o q u e ,
p r é s e n t e , c o m m e nous l'avons dit plus h a u t ,
de g r a v e s d a n g e r s a u point de v u e de la s a n t é
des o u v r i e r s . P o u r é v i t e r c e s inconvénients,
plusieurs p r o p r i é t a i r e s o n t pris le p a r t i de
r e n t r e r les f o u r r a g e s e n v r a c , de les m e t t r e i
en meules, où ils se c o n s e r v e n t parfaitement,
et de ne les faire b o t t e l e r qu'au fur et à m e -
s u r e d e s besoins. C e t t e p r a t i q u e e s t e x c e l -
l e n t e ; il s e r a i t à désirer qu'elle fût g é n é r a l e -
m e n t a d o p t é e .
B O T T E L É , É E (bo-te-lé) p a r t . p a s s . d u v .
B o t t e l e r . L i é e n b o t t e s : Du foin bien BOT-
T E L É . De la paille mal BOTTELÉE. Le foin sera
BOTTELOIR
BOTTELOIR s. m . (bo-te-loir — r a d . botte-
ler): A g r i c . I n s t r u m e n t q u i s e r t à m e t t r e l e
foin e n b o t t e s .
— H o r t i c . I n s t r u m e n t q u i s e r t à r é u n i r l e s
a s p e r g e s e n b o t t e s d'égale d i m e n s i o n .
BOTTELÉBOTTELÉ en faisceaux. (Oliv. de S e r r e s . )
— s. m . S e d i t quelquefois p o u r b o t t e l a g e :
Nous faisons encore pendant ce mois un travail
important : le BOTTELÉ du foin. {Ch. L e b r u n . )
B O T T E L E R v . a. ou t r . (bo-te-lé — r a d .
botte. — L a l e t t r e l se d o u b l e d e v a n t u n e syl-
l a b e m u e t t e : / e bottelle; je bottelleraï). L i e r
en b o t t e s : B O T T E L E R du foin. B O T T E L E R de la
paille.
B O T T E L E T T E s. f. ( b o - t e - l è - t e — d i m i n .
d e botte). P e t i t e b o t t e : B O T T E L E T T E de foin,
de paille. B O T T E L E T T E d'oignons, de carottes.
B O T T E L E U R , E U S E S. ( b o - t e - l e u r — r a d .
botteler). A g r i c . Celui, celle q u i m e t d e s o b -
j e t s e n b o t t e s : Payer les BOTTELEURS. Les
rédacteurs-sont gens connus, vignerons
t
bûche-
rons et BOTTELEURS de foin. ( P . - L . C o u r i e r . )
— E n c y c l . V . BOTTELAGE.
BOTTER
BOTTER v . a. ou t r . ( b o - t ô — r a d . botte).
M e t t r e d e s b o t t e s à : Venez me BOTTER. On
est obligé de le BOTTER et de le débotter.
— F o u r n i r d e b o t t e s , faire d e s b o t t e s
p o u r : Quel est le cordonnier qui vous BOTTE ?
— C h a u s s e r , a l l e r , s ' a d a p t e r a u pied e t à
la j a m b e , e n p a r l a n t d e s b o t t e s : Cela vous
BOTTEBOTTE admirablement. Cette chaussure vous
BOTTEBOTTE assez mal.
— Absol. F a i r e d e s b o t t e s q u i v o n t b i e n ou
m a l : Ce cordonnier-BOTTE bien, BOTTE mal*
— F i g . e t fam. C o n v e n i r : Voilà gui me
BOTTE. J'aurai l'honneur de vous envoyer ma
voiture à onze heures. — Ça me BOTTE. ( G a -
v a r n i . )
— A g r i c . E n t e r l e s c h â t a i g n i e r s , ce q u i se
p r a t i q u e a u m o m e n t d e l a s è v e , e n e n l e v a n t
u n t u y a u d'écorce d ' u n e p e t i t e b r a n c h e e t
en l ' a d a p t a n t à u n e b r a n c h e n u e d ' u n c h â t a i -
g n i e r s a u v a g e .
Se b o t t e r , v . p r . M e t t r e s e s b o t t e s : Je vais
me
BOTTÉ
BOTTÉ comme cela? Ce cheval S'EST BOTTÉ en
courant dans les guérets.
— S u b s t a n t i v . Action de se b o t t e r ; i n s t a n t
où q u e l q u ' u n m e t s e s b o t t e s : Attendre quel-
qu'un à son BOTTER. Sortant du cabinet du roi,
je trouvai M. le duc et quelques courtisans
distingués qui attendaient son BOTTER dans sa
chambre. ( S t - S i m . )
— H o m o n y m e . B e a u t é .
BOTTERBOTTER , et nous partirons. B O T T E Z - V O U S
promptement, et montez à cheval. On al-
lait partir, Portland S E BOTTAIT. (St-Sim.) Il
me fâche fort de perdre de vue mon canal et
mes allées, dans lesquelles je me promenais sans
être obligé de ME BOTTER. ( J . - L . d e Balz.) -
— P o r t e r d e s b o t t e s ; s e fournir de b o t t e s :
Cet homme S E BOTTE bien, S E BOTTE mal. Chez
quel cordonnier v o u s UOTTEZ-VOUS?
— P a r e x t . S e disposer à p a r t i r : M. de
Saint-Malo S E B O T T E pour le clergé. ( M
m e
d e
Sév.)
— F a m . A m a s s e r b e a u c o u p de t e r r e a u t o u r
de s e s pieds en m a r c h a n t : Comme on S E BOTTE
dans ce vilain champ! Où vous Ê T E S - V O U S
BOTTERIE
BOTTERIE s. m . ( b o - t e - r î — r a d . botte).
A t e l i e r , m a g a s i n , b o u t i q u e , m a r c h a n d i s e s d u
b o t t i e r : Fjnder une maison de BOTTEIÎIE. P e u
H.
u s i t é , il C o m m e r c e d u b o t t i e r : La BOTTERIE
va fort mal aujourd'hui.
— D a n s les c a s e r n e s . E n d r o i t où se t r o u - ^ ,
v e n t les b o t t e s d e s t i n é e s a u x m i l i t a i r e s .
BOTTESFOUD,
BOTTESFOUD, v i l l a g e d ' A n g l e t e r r e , c o m t é
et à 40 kilom. N . - E . de L e i c e s t e r . s u r l e D e -
von ; 1,450 h a b . Belle église r e n f e r m a n t les
t o m b e a u x d e s c o m t e s e t ducs de R u t l a n d .
BOTTES1NI (Giovanni), célèbre c o n t r e b a s -
siste e t compositeur i t a l i e n , n é à C r e m a e n
1S23. Il e n t r a à l'âge de treize a n s a u C o n s e r -
vatoire de Milan, e t y é t u d i a la c o n t r e - b a s s e
sous la direction de R o s s i , en m ê m e t e m p s
qu'il p r e n a i t de F r a n ç o i s Basilj des leçons
d'harmonie e t de contre-point. C'est Vaccaj qui
a c h e v a s o n é d u c a t i o n musicale. A u s o r t i r d u
C o n s e r v a t o i r e (1840), Bottesini p a r c o u r u t l ' I -
talie en d o n n a n t d e s c o n c e r t s , j u s q u ' e n 1846 ,
époque à laquelle il c o n t r a c t a u n e n g a g e m e n t
p o u r la H a v a n e , comme chef d ' o r c h e s t r e du
t h é â t r e . D e l a H a v a n e , Bottesini se rendit a u x
E t a t s - U n i s , a u Mexique e t d a n s les E t a t s d u
S u d , recueillant p a r t o u t d'universels a p p l a u -
d i s s e m e n t s . D e r e t o u r e n E u r o p e , il se produi-
sit e n A n g l e t e r r e , où il p r o v o q u a l'admiration
g é n é r a l e . E n g a g é comme chef d ' o r c h e s t r e du
T h é â t r e - I t a l i e n de P a r i s en 1855, il e x e r ç a c e s
fonctions p e n d a n t d e u x saisons à la s a t i s f a c -
tion d e s dilettanti, e t , q u a n d il r é s i g n a c e
p o s t e (1857), les musiciens de l'orchestre lui
offrirent u n b â t o n de m e s u r e orné de la plus
flatteuse inscription.
A cette é p o q u e , Bottesini r e c o m m e n ç a ses
e x c u r s i o n s a r t i s t i q u e s . Il p a r c o u r u t successi-
v e m e n t la H o l l a n d e , la Belgique, l'Allemagne,
l a F r a n c e , l ' A n g l e t e r r e , e t , a u m o m e n t où
nous é c r i v o n s c e t t e notice (1865), Bottesini
dirige l'orchestre du t h é â t r e italien d e - B a r c e -
lone.
A u c u n v i r t u o s e s u r l a c o n t r e - b a s s e n e p e u t
ê t r e c o m p a r é à Bottesini. Dall'Oglio, Millier e t
D r a g o n e t t i j o u a i e n t la contre-basse d a n s la per-
fection, en c o n s e r v a n t à l ' i n s t r u m e n t s o n t i m -
b r e p r o p r e : e n t r e les mains de Bottesini, la con-
tre-basse d e v i e n t un i n s t r u m e n t particulier, u n e
sorte de violon g r a v e , plus moelleux que l'alto,
t e n a n t le milieu e n t r e l e violon p r o p r e m e n t d i t
et le violoncelle. Il faut e n t e n d r e Bottesini
j o u e r u n c h a n t , p o u r se faire u n e idée de c e t t e
ineffable e t mélancolique sonorité, qui a r r a c h e
les l a r m e s et fait é p r o u v e r u n plaisir si p é n é -
t r a n t , qu'il e s t parfois voisin de la douleur.
J a m a i s le t i m b r e d ' o r d e Mario à s e s d é b u t s ,
j a m a i s la voix é m u e de M
m e
Frezzolini n'ont
é g a l é ce son c é l e s t e m e n t p u r e t toujours sou-
t e n u , ce timbre c r é é p a r le g r a n d v i r t u o s e
p o u r l'interprétation d e s œ u v r e s où Bellini a
mis les plus belles inspirations de son â m e r ê -
v e u s e . C'est plus q u e la perfection h u m a i n e ,
c'est l'idéal du c h a n t r é a l i s é .
N o u s n e p a r l e r o n s p a s de l'extraordinaire
facilité de Bottesini d a n s l e s v a r i a t i o n s , ni du
brillant de son j e u , ni de l a s û r e t é d e s o n a r -
c h e t . Son Carnaval de Venise e s t plus e x t r a o r -
dinaire, d a n s s o n g e n r e , q u e l a fantaisie du
m ê m e nom de P a g a n i n i . Un duo de violon e t
c o n t r e - b a s s e c o n c e r t a n t s , composé p a r B o t t e -
sini'et e x é c u t é p a r lui, à, L o n d r e s , a v e c Sivori,
et, à P a r i s , a v e c Sighicelli, lui a permis de
l u t t e r a v e c a v a n t a g e c o n t r e ces d e u x a r t i s t e s .
L a plume n e s a u r a i t e x p r i m e r les m e r v e i l l e s
d e l é g è r e t é e t d e fini p r o d i g u é e s p a r Bottesini
d a n s c e m o r c e a u . Mais à n o t r e oreille c h a n -
t e n t toujours les voix divines qu'il a su t r o u -
v e r pour les t h è m e s de la Sonnambula et de
Béatrice di Tenda.
Comme compositeur d r a m a t i q u e , Bottesini
s'est acquis é g a l e m e n t u n e r é p u t a t i o n m é r i t é e . •
Son o p é r a , l'Assedio di Firenze, r e p r é s e n t é a u
Théâtre-Italien d e P a r i s en 1856, a o b t e n u u n
succès t r è s - m a r q u é . U n opéra-bouffe, Dia-
volo délia notte, é c r i t p a r lui e n 1859, a e n -
t h o u s i a s m é toute l'Italie. Q u a n t à s e s c o m p o -
sitions p o u r l a c o n t r e - b a s s e , elles sont i n a b o r -
dables pour d ' a u t r e s q u e p o u r lui.
N'oublions p a s q u ' a p r è s u n e audition do
Bottesini a u C o n s e r v a t o i r e , s é a n c e d a n s l a -
quelle c e t a r t i s t e s o u l e v a , d a n s c e t auditoire
si difficile à é m o u v o i r , u n e n t h o u s i a s m e indi-
cible, la Société d e s c o n c e r t s lui a d é c e r n é
p a r acclamation u n e médaille d ' h o n n e u r .
BOTTEX
BOTTEX ( A l e x a n d r e ) , médecin f r a n ç a i s .
J e u n e e n c o r e , il fut n o m m é m é d e c i n de l ' h o s -
pice d e s a l i é n é s de L y o n , e t l a Société d e
phrénologie l'admit p a r m i s e s m e m b r e s c o r -
r e s p o n d a n t s . Il a publié les o u v r a g e s s u i v a n t s :
Rapport sur le ckoléra-morbus de Paris ( L y o n ,
1832) ; De la nature et du traitement de la sy-
philis (1836) ; Du siège et de la nature des ma-
ladies mentales (1833); Essai sur les halluci-
nations (1836); De la médecine légale des
aliénés dans ses rapports avec la législation
criminelle ( P a r i s , 1838).
BOTTI
BOTTI (Rinaldo), p e i n t r e i t a l i e n , n é à F l o -
r e n c e , florissait v e r s 1715. Il e u t p o u r m a î t r e
C h i a v i s t e l l i , e t s'adonna comme lui à la pein-
t u r e d e p e r s p e c t i v e s . L ' a r c h i t e c t u r e simulée
p e i n t e à fresque d a n s l'église S a i n t - J e a n - d e -
J é r ù s a l e m à F l o r e n c e e s t le seul o u v r a g e q u e
nous connaissions de c e t a r t i s t e . Rinaldo é t a i t
s a n s doute p a r e n t , p e u t - ê t r e même le fils du
Florentin F r a n c e s c o Botti, qui vivait a u milieu
d u x v n e s i è c l e , e t dont le p o r t r a i t peint p a r
lui-même figure d a n s la collection i c o n o g r a -
phique d u m u s é e d e s Offices.
BOTTICELLI
BOTTICELLI ( A l e s s a n d r o F I L I P E P I , s u r -
n o m m é S a n d r o ) , p e i n t r e , d e s s i n a t e u r et g r a -
v e u r italien, né à F l o r e n c e en 1447, mort d a n s
l a m ê m e ville en 1515. E t a n t encore fort
j e u n e , A l e s s a n d r o , ou S a n d r o Filipepi fut
placé en a p p r e n t i s s a g e chez un orfèvre a p -
pelé Botticelli, dont il prit le n o m . Il d e v i n t
ensuite l'élève d u p e i n t r e fra Filippo Lippi,
dont il suivit l e s leçons a v e c assiduité e t dont
il imita la m a n i è r e . U n de s e s p r e m i e r s o u -
v r a g e s fut u n e figure de la Force, qu'il e x é -
c u t a sous l a direction de Pollaiuolo, d a n s l a
Mercatanzia de F l o r e n c e . Appelé à R o m e
p a r le pape Sixte I V , v e r s 1473, il fut c h a r g é ,
au dire de V a s a r i , de surveiller les t r a v a u x
de décoration de l a chapelle Sixtine, et p e i -
g n i t lui-même à fresque, s u r la partie i n f é -
r i e u r e d e la muraille, t r o i s sujets q u i e x i s t e n t
e n c o r e : l e Christ tenté par les démons, Moïse
et les filles de Jethro, le Sacrifice des enfants
d'Aaron. R e v e n u à F l o r e n c e , il s'éprit de l a
Divine Comédie, de D a n t e , e t c o m p o s a , pour
u n e édition de l'Enfer publiée en 1481, d e s
dessins qu'il g r a v a o u fit g r a v e r sous s a d i -
rection. Baldinucci lui a t t r i b u e douze e s t a m -
p e s d e ' p e t i t e s d i m e n s i o n s , r e p r é s e n t a n t d e s
s c è n e s d e la v i e du Christ. On croit aussi
qu'il fit d e s dessins pour les livres de S a v o -
n a r o l e , dont il était l ' a d m i r a t e u r e t l'ami.
Mais son œ u v r e la plus a u t h e n t i q u e et la plus
r e m a r q u a b l e e n c e g e n r e e s t u n e suite de
v i n g t - q u a t r e figures de Prophètes e t de douze
ligures de Sibylles, m o r c e a u x d'un g r a n d c a -
r a c t è r e e t d'une é t r a n g e t é s é d u i s a n t e . V a s a r i
p r é t e n d q u ' e n t r a î n é p a r son g o û t pour les
dessins e t la g r a v u r e , Botticelli n é g l i g e a la
p e i n t u r e e t t o m b a d a n s u n e profonde m i s è r e ;
les s e c o u r s qu'il r e ç u t de L a u r e n t le M a g n i -
fique l ' e m p ê c h è r e n t seuls de mourir de faim. Il
c o n t i n u a toutefois de j o u i r d'une g r a n d e c o n s i - '
dération comme a r t i s t e , c a r nous v o y o n s qu'en
1503, il fut d u n o m b r e d e s j u g e s appelés à
décider la question d e s a v o i r o ù l'on p l a c e r a i t
le David colossal de M i c h e l - A n g e . Atteint de
p a r a l y s i e d a n s s a vieillesse, il m o u r u t à l'âge
de s o i x a n t e - h u i t a n s e t fut e n t e r r é d a n s l ' é -
glise de T o u s - l e s - S a i n t s , où s a famille a v a i t
s a s é p u l t u r e . On voit d a n s c e t t e église u n e
fort belle fresque, où il a r e p r é s e n t é Saint Au-
gustin en extase, figure dont V a s a r i v a n t e
l'expression m é d i t a t i v e . Botticelli a peint un
t r è s - g r a n d n o m b r e de Madones, auxquelles il
a su donner, un c h a r m e e x t r a o r d i n a i r e ; le
m u s é e du L o u v r e en possède d e u x . On lui doit
aussi d e s sujets m y t h o l o g i q u e s ; son chef-
d ' œ u v r e en c e g e n r e e s t la Naissance de Vé-
nus, qui e s t a u x Offices, à F l o r e n c e . L e m ê m e
m u s é e possède u n t a b l e a u dans lequel B o t t i -
celli a r e p r o d u i t , d ' a p r è s la description d e
L u c i e n , la c é l è b r e composition d'Apelle, la
Calomnie. Citons e n c o r e p a r m i les o u v r a g e s
d e c e m a î t r e qui n o u s sont p a r v e n u s : a u x
Offices, {'Adoration des Mages, Judith, la
Madone, la Vierge couronnée par les anges;
au palais Pitti, Madone, entourée d'anges, u n e
Sainte Famille, un Portrait; à l'Académie
des b e a u x - a r t s ( F l o r e n c e ) , l e Couronnement
de la Vierge, Madone entourée de plusieurs
saints, Tobie avec trois anges; d a n s l'église
de S a n - S p i r i t o ( F l o r e n c e ) , l'Annonciation, la
Nativité; a u palais Corsini ( F l o r e n c e ) , u n e
Vierge glorieuse e t u n e Allégorie; a u m u s é e
de T u r i n , Tobie avec les trois anges; a u m u -
sée de D r e s d e , deux figures à m i - c o r p s , le
Christ tenant la couronne d'épines, e t Saint
Jean-Baptiste; à l a p i n a c o t h è q u e de Munich,
le Christ mort sur les genoux de sa mère; a u
m u s é e de Berlin, l a Madone entre les deux
saints Jean; à la National Gallery de L o n d r e s ,
deux Madones ; d a n s l a collection de M. F u l -
l e r Maitland, à L o n d r e s , u n e Adoration des
bergers, m o r c e a u capital exposé à M a n c h e s -
t e r e n 1857 ; à l ' E r m i t a g e , à S a i n t - P é t e r s -
b o u r g , u n e Adoration des Mages, e t c . U n
simple portrait (celui de S m e r a l d a Bandinelli),
qui fait p a r t i e de la g a l e r i e P o u r t a l è s , a é t é
p a y é 3,400 fr. à la v e n t e d e c e t t e g a l e r i e
(1865). Il n ' y a p a s bien d e s a n n é e s q u e les
œ u v r e s de Botticelli sont t e n u e s en pareille
estime p a r les a m a t e u r s . P e n d a n t longtemps
on l'a r e g a r d é comme un p e i n t r e b i z a r r e , a r -
c h a ï q u e , i n c o r r e c t . On a r e c o n n u depuis q u e
c'était u n d e s m a î t r e s l e s plus é l é g a n t s , les
plus o r i g i n a u x q u e F l o r e n c e a i t applaudis a u
x v e siècle : « C'est p a r e x c e l l e n c e , a dit
M. P a u l Mantz, u n p e i n t r e t e n d r e , u n e â m e
d o u c e m e n t troublée ; le s e n s de la b e a u t é pure
a pu lui m a n q u e r parfois, il a d a n s le choix
d e s e s t y p e s q u e l q u e s p a u v r e t é s , q u e l q u e s
laideurs p e u t - ê t r e , e t . . . il e s t c h a r m a n t . Il a
t o u j o u r s eu du moins l a virile é l é g a n c e , l a
h a u t e distinction d e s a t t i t u d e s , le c a r a c t è r e
des physionomies et p a r - d e s s u s t o u t u n sen-
t i m e n t profond, m é l a n c o l i q u e . »
B O T T I E R s. m . (bo-tié — r a d . botte). O u -
v r i e r q u i fait d e s b o t t e s . E n g é n é r a l , les c o r -
d o n n i e r s p r e n n e n t a u j o u r d ' h u i ce t i t r e , p a r c e
q u ' i l s r e g a r d e n t l a confection d e s b o t t e s
c o m m e la p a r t i e la p l u s noble d e l e u r m é -
t i e r : Rien 7ie prouve que mon BOTTIER n'ait
pas l'âme qu'il faut pour écrire comme Cor-
neille. ( H . Beyle.) Ils m'ont méprisé comme
des
BOTTIERSBOTTIERS mépriseraient des savetiers. ( E .
S u e . ) Les vingt-cinq francs qu'il recevait tous
les trois mois étaient toujours dus au tailleur
ou au B O T T I E R . ( H . B e r t h o u d . )
Sur les places musarder,
i.'ur les quais baguenauder,
O.i sait bien que ce métier
N'enrichit que le bottier.
DÉSAUdlERS.
BOTTIGER. V . B O E T T I G E R .
BOTTILLON
BOTTILLON s. m . ( b o - t i - l l o n ; Il m i l . —
i d i m i n . de botte). C o m m . P e t i t e b o t t e d ' h e r b e s
; ou d e l é g u m e s : Un BOTTILLON d'oseille, d'è-
; pinards. Un BOTTILLON d'asperges. Il Division
I d e la b o t t e d e r o m a i n e s q u i c o n t i e n t q u a t r o
t ô l e s , l a b o t t e é t a n t composée de t r e n t e - d o u x
t ê t e s e t c o n t e n a n t h u i t b o t t i l l o n s .
| — A r t m i l i t . F o i n t r e s s é e n corde p o u r
' ê t r e r é d u i t e n p e t i t v o l u m e e t ê t r e t r a n s -
p o r t é plus facilement : En Afrique, il fallait
pouvoir emporter sur chaque cheval de quoi le
nourrir quinze jours. On iiîventa les B O T T I L -
LONS. (A. Gandon.)
— T e c h n . Pièce d e c u i r q u e l e s b o y a u d i e r s
s ' a t t a c h e n t a u cou-de-pied p o u r e m p ê c h e r
l'eau e t les o r d u r e s de s ' i n t r o d u i r e d a n s l e u r s
c h a u s s u r e s .
BOTTI
BOTTI ( G a u d e n z i o ) , p e i n t r e italien, né à
B r e s c i a e n 1698, m o r t e n 1775. Il peignit d ' a -
bord d e s p a y s a g e s d a n s la m a n i è r e de B e r g -
h e m , puis il s ' a t t a c h a à peindre d e s cuisines
éclairées p a r le feu des f o u r n e a u x ou p a r l a
l u e u r d'une c h a n d e l l e , e t il a r r i v a d a n s c e
g e n r e à u n e perfection é g a l e a celle d e s
p e i n t r e s flamands les plus habiles. Il m o u r u t
subitement, t e n a n t à la main son pinceau.
BOTTIN
BOTTIN s. m . ( b o - t a i n — r a d . botte). A r -
g o t . N o m q u e les m a r c h a n d s du T e m p l e , à
P a r i s , d o n n e n t a u x souliers p o u r h o m m e s :
C'était bien le premier fafioteur d'ici; il re-
mastiquait le BOTTIN à vous donner la berlue.
(**") il C'est le m a s c u l i n d e BOTTINE.
BOTTIN
BOTTIN (Sébastien), a d m i n i s t r a t e u r e t s t a -
tisticien français, né d a n s le d é p a r t e m e n t de
' l a M e u r t h e e n 1764, mort e n 1853. Quelques
b i o g r a p h e s r a c o n t e n t qu'il e n t r a d'abord d a n s
les o r d r e s , e t qu'une décision du pape le r e -
i l e v a d e s e s v œ u x e n 1804. Quoi qu'il en soit,
il était, en 1794, s e c r é t a i r e g é n é r a l de l ' a d -
ministration centrale du B a s - R h i n , e t c'est là
qu'il publia le p r e m i e r Annuaire artistique
qu'on ait v u en F r a n c e . P l u s t a r d , il fit p a -
r a î t r e l'Annuaire statistique du département
du Nord (1803-1815), e t , en 1811. il fonda le
Journal du département du Nord. E n 1S15, il
fut e n v o \ é comme d é p u t é à la C h a m b r e d e s
r e p r é s e n t a n t s , p e n d a n t les. C e n t - J o u r s ; mais
ce qui a rendu s u r t o u t son n o m p o p u l a i r e ,
c'est ï'Almanach du commerce de Paris, des
départements et des principales villes du
monde, que d e L a T y n n a a v a i t c o m m e n c é à
faire p a r a î t r e en 1801, et d o n t Bottin c o n t i -
n u a la publication a n n u e l l e d e 1S19 à 1853,
époque de s a mort. Depuis 1857, c e t a l m a n a c h
a é t é r é u n i à l'Annuaire du commerce d e
MM. Didot. O u t r e les é c r i t s p r é c i t é s , on a de
Bottin : Sur la distillation des pommes de
terre (1828); le Livre d'honneur de l'industrie
française ( 1820 ) ; Mélanges d'archéologie
(1831), e t c . L e nom de c e statisticien e s t d e -
v e n u u n e sorte d e nom c o m m u n pour d é s i -
g n e r l'almanach dit d e s Cinq cent mille adres-
ses. On a dit l o n g t e m p s un BOTTIN ; l'on c o m -
m e n c e m a i n t e n a n t à dire d a n s le m ê m e sens
un D I D O T .
B O T T I N E s. f. ( b o - t i - n e — d i m i n . de
botte). C h a u s s u r e m o i n s h a u t e q u e la b o t l e ,
m a i s q u i c o u v r e c e p e n d a n t u n e p a r t i e d e la
j a m b e : BOTTINES d homme, de femme, d'en-
fant. BOTTINKS vernies, claquées. B O T T I N E S en
veau, en satin, en velours, en coutil. Un homme
fat et ridicule porte un long chapeau, un pour-
point à ailerons, des chausses à aiguillettes et
des BOTTINES. ( L a B r u y . )
— C h i r . C h a u s s u r e q u i s e r t à c o r r i g e r l e s
vices de c o n f o r m a t i o n d u pied ou d u b a s d e
la j a m b e : Les pieds de cet enfant se contour-
nent, il faut lui mettre des BOTTINES.
— A r t v é t é r . P i è c e d e c u i r , d i t e a u s s i
botte, d o n t on g a r n i t le pied d e s c h e v a u x à
l ' e n d r o i t où ils se c o u p e n t .
— T e c h n . P i è c e de c u i r d o n t le b o y a u d i c r
s ' e n t o u r e l a j a m b e , p o u r e m p ê c h e r l e s o r -
d u r e s d e p é n é t r e r d a n s s e s s o u l i e r s . Il O n d i t ,
a u s s i BOTTILLON.
B O T T L J E A OU BOTTLffilS, contrée de l ' a n -
cienne T h r a c e , s u r la rive droite d e l'Axius
inférieur. H é r o d o t e y place les villes d e P e l l a
et d ' I c h n œ .
BOTTOM,
BOTTOM, v i l l a g e d ' A n g l e t e r r e , à 10 kilom.
d e L o n d r e s . L i e u c é l è b r e p a r les exploits d e s
p r e m i e r s b o x e u r s anglais.
BOTTO
BOTTO ( G i o v a n n i - L o r e n z o ) , c h i r u r g i e n ita-
lien, né en 1815, lit s e s é t u d e s l i t t é r a i r e s a u
collège de Calasanzio, e t s e s é t u d e s scienti-
fiques k G ê n e s . C e s d e r n i è r e s f u r e n t i n t e r -
r o m p u e s p a r un c o u r t s e r v i c e d a n s l ' a r m é e
s a r d e . R e ç u d o c t e u r e n m é d e c i n e e n 1839, il
se v o u a de p r é f é r e n c e à l a p r a t i q u e de la
c h i r u r g i e , e t fut a t t a c h é à l'hôpital de P a m -
m a t o n e ; puis, de 1842 à 1843, il alla p e r f e c -
tionner son instruction à l'université de P a v i e .
L a lithotomie, l'ophthalmie, les g r a n u l a t i o n s
de l a c o n j o n c t i v e , le p a n n u s d e la c o r n é e ,
d e v i n r e n t , à son r e t o u r , l'objet de s e s é t u d e s
particulières. S e s c o m p t e s r e n d u s de l'hôpital
de P a m m a t o n e , ainsi q u e s e s t h è s e s d ' a g r é -
f
ation à la F a c u l t é de G ê n e s (1845), t r a i t e n t
e l'anatomie e t de l a c h i r u r g i e o c u l a i r e s .
N o m m é professeur s u p p l é a n t e n 1852, il e s t ,
depuis c e t t e é p o q u e , c h i r u r g i e n e n chef d o '
l'hôpital où il a c o m m e n c é s a c a r r i è r e . O u t r e
les t r a v a u x ci-dessus m e n t i o n n é s , l e docteur
Botto a i n a u g u r é la s t a p h y l o r a p h i e , l a r é s e c -
tion d e la m â c h o i r e inférieure a v e c disloca-
tion unilatérale, l'ablation de l'os maxillaire
supérieur a v e c le z y g o m a t i q u e g a u c h e , u n e
nouvelle g u é r i s o n du s t a p h y l o m e opaque de
l a c o r n é e , e t c . , e t c . Il a publié, à plusieurs
r e p r i s e s , d e s o b s e r v a t i o n s pratiques.
BOTTOMBY
BOTTOMBY ( J o s e p h ) , musicien a n g l a i s , n é
i Halifax d a n s le comté d'York e n 178G, jouait
131
1042 BOTZ
BOTZ
BOTZ
BOTJB
dès l'âge de huit ans des concertos -Je violon,
et se faisait remarquer sur le piano. En 1798,
on l'envoya à Manchester, où il reçut les le-
çons du savant organiste Grimshaw et de
Watts. Plus tard, il étudia le violon et le
piano avec Woelfi et Yanewitz. A vingt et
un ans, Bottomby était un musicien distingué
et déjà connu, lorsqu'il fut nommé organiste
a Bradford, place qu'il quitta ensuite pour en
occuper une semblable dans sa ville natale.
En 1820, il se fixa à Shefiîeld et se livra ex-
clusivement à l'enseignement musical. On lui
doit un assez grand nombre d'exercices, des
suites de valses, des sonates, des rondos, des
airs variés pour le piano, etc. 11 a publié en
outre un Dictionnaire de musique (Londres,
1816).
BOTTONE
BOTTONE ou BOTHON'(Jacques-iI: gues-
Vincent-Emmanuel-Marie), comte de CASTEL-
LAMONTE, magistrat et jurisconsulte, né à
Castellamonte (Piémont) en 1753, mort en
1828. Reçu docteur en droit a dix-sept ans, il
publia un Essai sur la politique et la législa-
tion des Romains, qui fut attribué à l'illustre
Beccaria. Il remplit successivement les fonc-
tions de procureur général près la cour des
comptes de Pavie, devint intendant général
en Sardaigne, puis en Savoie, contador,
membre du gouvernement provisoire du Pié-
mont, premier président du tribunal d'appel
de Turin, et enfin conseiller à la cour de cas-
sation a Paris. Outre l'essai qu'il avait publié
dans sa jeunesse, on lui doit le Piémont et sa
législation, publié dans le Répertoire de Mer-
lin (1812), et d'autres écrit3.
BOTTONI
BOTTONI (Albertino), médecin italien, né
à Padoue, mort en 1596. Reçu docteur à l'u-
niversité de Padoue, il y obtint d'abord une
chaire de médecine. Ses ouvrages sont : De
vita consej'vajïda (Padoue, 1582); De morbis
muliebribus (Padoue, 1585); Consilia mediea
(1005); De modo discurrendi circa morbos
y
eosque curandi tractatus (1607).
BOTTONI
BOTTONI (Dominique), médecin italien, né
à Leontini (Sicile) en 1641, mort en 1731. Il
fut d'abord chargé du service de l'hôpital
de Naples, puis nommé protomédecin du
royaume de Naples et admis dans la Société
royale de Londres. Ses écrits sont : Pyrolo-
gia topographica, id est de igné dissertatio
juxta loca, cura eorum descriptions (Naples,
1692); Febris rheumaticœ malignee historia
mediea (1712); Préserve salutari contro il con-
tagioso malore (l~2l); Idea historico-physica
de magno Trinacriœ motu. — Son fils, Marc-
Xavier BOTTONI, né à Messine en 1669, a pu-
blié, sous le titre de Sérénades (1705, in-40),
des poésies en l'honneur du roi Philippe V,
du vice-roi Bénavidès, etc., et des discours
écrits en douze langues, ce qui justifiait le
titre Orazione poliglotta (Naples, 1705, in-4°).
BOTTHIGARI
BOTTHIGARI (Hercule), savant et littéra-
teur italien, né^a Bologne en 1531, mort en
1G12. Il a laissé de nombreux ouvrages, dont
les principaux sont : Trattato délia descri-
zione delta sfera céleste in piano, di Claudio
Totomei, tradutto in parlare italiano (Bo-
logne, 1572); Rartolo de Saxoferrato tracta-
tus de fluminibus restitutus (1576); il Patri-
zio, ovvero de' tetracordi armonici di Aristos-
seno (1593, in-4o); il Desiderio, ovvero de' con-
certi di varii strumenti musicali dialogo (1594)-
Délie rime di diversi eccellentissimi autori
nella lingua volgare nuovamente raccolte (1551,
in-8<>); diverses poésies contenues dans la
première partie de Scelta di rime, etc. Il avait
formé un riche cabinet d'instruments de ma-
thématiques, que l'empereur Rodolphe voulut
acquérir, et une médaille fut frappée pour
conserver le souvenir du savant qui avait
•créé cette collection.
BOTTSCH1LDT (Samuel), peintre et gra-
veur allemand, né en 1640 à Sangerhausen,
en Thuringe, mort à Dresde en 1707. Il alla
se fixer dans cette dernière ville, devint pein-
tre de la cour et directeur de l'Académie des
beaux-arts. La galerie royale a de lui le por-
trait du colonel Caspar de Klengel. Il a gravé
une quinzaine d'eaux-fortes d'après ses pro-
pres dessins, entre autres : l'Armée de Senna-
chérib détruite par l'ange; Hercule et Iole;
Y Espérance et fa Patience; la Foi et la Cha~
rite; les Quatre parties du jour, etc.
BOTWAYÉE
BOTWAYÉE s. f. (bo-toua-ié). Métrol. Me-
- sure de capacité pour les graines, usitée
dans l'Inde.
BOTVID,
BOTVID, martyr suédois, né à Stockholm,
de parents païens, vers la fin du ne siècle
S'étant converti au christianisme durant un
voyage en Angleterre, il fut assassiné à son
retour par un esclave russe, auquel il avait
prêché sa nouvelle foi. On l'honora comme
saint, et l'on éleva sur son tombeau une
église à laquelle on donna son nom.
BOTYDES
BOTYDES s. m. pi. (bo-ti-do — rad. botys).
Entom. Groupe d'insectes lépidoptères noc-
turnes, ayant pour type le genre botys.
B O T Y S s. m. (bo-tiss). Entom. Genre de
lépidoptères nocturnes, créé aux dépens des
pyrales : Par leur port, les BOTYS ressemblent
à de petites phalènes. (Encycl.)
B O T Y T E S s. m. pi. (bo-ti-te — rad. botys).
Entom. Syn. de BOTYDKS.
BOTZARïS (Marc ou Marcos), patriote grec,
né à Souli vers 1790, mort en 1823, est l'un
des chefs klephtes qui ont le plus brillamment
contribué a l'affranchissement de leur patrie.
Issu d'une famille depuis longtemps célèbre
parmi les Souliotes, le jeune Marcos grandit
au milieu des dangers de la guerre que fai-
sait aux montagnards de la Souliotide le trop
fameux Ali, pacha de Janina. Son père.
Kitzos, livré par le sort des armes à l'impla-
cable Ali, expia dans les supplices sa coura-
geuse résistance. Marcos entra, comme sous-
officier, dans le régiment albanais où son père
et son oncle Nothis avaient été admis avec le
grade de majors. En 1815, il se retira de nou-
veau sur le territoire ionien, et y épousa une
jeune Grecque nommée Chrysée, qui partagea
depuis, avec un admirable dévouement, tous
les dangers de sa vie aventureuse.
Cependant, la paix dont il jouissait et les
douceurs d'une heureuse union ne pouvaient
lui faire oublier les maux de la patrie. Il n'at-
tendait qu'un moment favorable pour paraître
en armes sur le sol de la Grèce, lorsque, en
1820, la guerre éclata entre le pacha de Ja-
nina et le Grand Seigneur. A cette nouvelle,
Marcos débarqua en Epire et réunit autour
de lui sept à nuit cents Armatoles, qui s'at-
tachèrent à sa fortune. Le désir de venger la
mort de son père et l'espoir de rentrer dans
sa patrie le déterminèrent à embrasser le
parti du sultan. Ismaël-Pacha-Bey, qui com-
mandait l'armée turque chargée de réduire
Ali, n'eut garde de repousser des auxiliaires
qui pouvaient être si utiles. Malheureusement
pour lui, quelques succès obtenus, grâce au
concours des Grecs, le rendirent bientôt moins
prudent; il traita ses alliés avec hauteur, et
ne leur cacha pas le peu de cas qu'ils de-
vaient faire de ses promesses. Indigné de ce
manque de foi, Botzaris fit taire ses ressenti-
ments et négocia avec le pacha rebelle. Ce-
lui-ci, serré de près dans ses châteaux de
Janina, agréa ses services ; il rouvrit aux
proscrits les portes de leur chère Souli, et
leur permit d'y jouir de leurs anciens privi-
lèges. On se donna mutuellement des otages :
Ah consentit à remettre son petit-fils entre
les mains des Souliotes; Marcos s'offrit lui-
même du côté de ces derniers ; mais afin de
ne pas priver les Grecs du secours de son
bras, son jeune frère Constantin, sa sœur, sa
femme et ses enfants allèrent prendre sa
place.
Pendant que Marcos Botzaris reprenait pos-
session de la Selléide, les Grecs se soulevè-
rent de toutes parts à la voix d'Ypsilantis,
qui les appelait à l'indépendance. Divisés en
bandes nombreuses, ils commencèrent contre
les Turcs une guerre de guérillas plus redou-
table pour ces derniers que des batailles ran-
gées. Botzaris prit une part glorieuse a cette
lutte mémorable. Petit de taille, mais doué
d'une force extraordinaire et d'une agilité si
remarquable qu'on le comparait au zéphyr, il
devint en peu de temps la terreur des enne-
mis. Les musulmans mirent sa tête à prix
et essayèrent de le faire périr par trahison.
Ces odieuses tentatives ne servirent qu'à le
rendre en quelques mois populaire dans toute
la Grèce. Au printemps de 1821, l'insurrection
devint générale. Marcos ouvrit la campagne
par la prise de Régniasia, et affermit sa con-
quête par une victoire. Après avoir battu suc-
cessivement les deux pachas Ismaël et Kour-
chid, il s'empara de Plaça, coupant ainsi les
communications des Turcs avec l'Athamanie.
Attaqué de nouveau par Kourchid, il le battit
encore et se rendît maître de 1 importante
forteresse des Cinq-Puits. Il fut alors atteint
d'une balle à la jambe, mais il ne prit que
quelques jours de repos et tenta un audacieux
coup de main contre la ville d'Arta, où les
Turcs avaient entassé des richesses considé-
rables , fruit de leurs brigandages. Malgré
deux attaques furieuses des assiégés contre
ses retranchements, il pénétra dans la place;
mais, après vingt-deux jours passés devant
la citadelle, la défection des Albanais et l'ar-
rivée d'Omar-ben-Vrioni, à la tête de six
mille Turcs, l'obligèrent à battre en retraite.
Malheureusement, le siège de Janina touchait
à sa fin ; les Turcs s'emparèrent, au mois de
février 1822, du château fort dans lequel Ali
avait si longtemps prolongé sa résistance. Par
suite de cet événement, les otages des Sou-
liotes tombèrent entre les mains de Kourchid.
Les illustres captifs auraient peut-être payé
de leur vie les succès de Marcos; mais le sé-
raskier, dont le harem était en ce moment au
pouvoir des Maréotes, consentit à un échange
de prisonniers, parmi lesquels fut comprise la
famille de Botzaris. Ce fut la seule récom-
pense du héros souliote, et l'on peut dire que
sa grande âme eût dédaigné toute autre com-
pensation des dangers qu'il bravait tous les
jours pour le service de sa patrie.
Pendant ce temps, les affaires avaient
changé de face dans la Grèce occidentale.
Les Turcs, débarrassés par la mort d'Ali d'un
ennemi redoutable, tournaient toutes leurs
forces contre les Grecs. Retenus quelque
temps à Janina par la révolte des tribus al-
banaises, ils ne tardèrent pas à mettre le
siège devant Souli. Marcos essaya sans suc-
cès de le faire lever; il ne put que fournir
aux assiégés des munitions de guerre. Ce
premier échec n'était que le prélude d'une
série de revers, qui devaient retarder long-
temps encore, pour la Grèce, le jour de l'in-
dépendance. Botzaris, malgré son activité et
son énergie, ne put réparer les fautes de ses
collègues. Après la bataille de Plaça, bataille
sanglante et indécise, les Grecs perdirent, à
celle plus désastreuse encore de Péta, l'élite
de leurs soldats et des philhellènes. En même
temps, Souli capitula, et quelques chefs tra-
hirent la cause commune. Au milieu de tant
de maux, le vaillant Botzaris voulut du moins
épargner à la Grèce de nouveaux désastres.
Suivi de six cents braves, il se jeta au-devant
de l'armée turque et l'arrêta pendant tout un
jour dans les gorges de Macrorona, afin de
donner aux débris de l'armée le temps de
battre en retraite sur Missolonghi. Obligé de
se retirer a son tour dans cette place, il s'y
défendit pendant tout l'hiver avec une éner-
gie incomparable. Au printemps suivant (1823),
une nouvelle armée turque, qui ne comptait
pas moins de 20,000 hommes, descendit du
nord de VEpire sous les ordres de Moustal,
pacha de Scodra. Toute résistance semblait
impossible. L'héroïque Souliote, comprenant
la grandeur du danger, fit partir pour Ancône
sa famille désolée ; puis, avec cette fécondité
de ressources qui le caractérisait, il s'occupa
de mettre Missolonghi sur un pied formida-
ble de défense. Néanmoins, c'en était fait de
cette ville, le dernier boulevard de l'Hellade,
si les Turcs parvenaient à opérer leur jonc-
tion définitive. Pour conjurer ce péril, Mar-
cos Botzaris conçut un de ces projets hardis
que peut seul inspirer un ardent patriotisme.
Moustaï venait de s'établir avec dix mille hom-
mes aux environs de Carpénitzé. A cette nou-
velle, il fait occuper par quelques chefs les
défilés d'alentour, et leur recommande d'être
prêts au signal qu'il leur donnera; puis, s'a-
dressant à ses Palikares : • Mes frères, leur
dit-il, cette nuit même, pendant cette nuit
redoutable, a. la faveur des ombres, j'ai ré-
solu d'entrer dans le camp des infidèles sans
brûler une amorce; le poignard et le sabre
seront nos seules armes pour y répandre la
mort, la désolation et la terreur, compagnes
inséparables des coups que nous leur porte-
rons dans l'obscurité. L'entreprise est auda-
cieuse, je le sens avec orgueil; que chacun
de vous en considère le danger et se décide
librement, car je n'admets au partage de si
nobles périls que des hommes de bonne vo-
lonté. « (Pouqueville, Histoire de la Grèce
régénérée.) A ces mots, deux cent quarante
braves sortent des rangs et s'écrient : « Nous
marcherons cette nuit avec toi, et nous espé-
rons que la divine Providence nous assistera. »
Après s'être préparés par la prière à cette
lutte suprême, le 20 août, Marcos et ses com-
pagnons atteignent, vers le milieu de la nuit,
les avant-postes ennemis, dont les soldats se
livraient au sommeil dans la sécurité la plus
complète. A l'instant, ils fondent sur eux et
en font un horrible carnage. Surpris par cette
attaque imprévue, les Turcs se battent entre
eux en s'accusant de trahison. Au milieu d'une
confusion inexprimable, les Grecs continuent
leur marche victorieuse. Botzaris, quoique
blessé, ne cesse de combattre; il pénètre dans
le quartier général, et, arrivant devant la
tente du pacha, il s'écrie d'une voie tonnante :
« Tremblez, barbares, c'est Marcos Botzaris
en personne qui a pénétré dans votre camp,
et il vous tuera tous! » En même temps il
donne le signal de l'attaque générale et tombe
atteint d'une balle au front. Les Turcs, qui se
sont aperçus de sa chute, engagent autour de
son corps une lutte acha'rnée ; à la fin, les Pa-
likares sont vainqueurs et emportent le corps
de leur chef; il vivait encore; mais son frère
Constantin reçut bientôt son dernier soupir.
Néanmoins, avant de mourir, le héros avait
pu contempler son triomphe. Les ennemis
fuyaient en désordre, et deux mille morts et
sept beys couvraient le champ de bataille de
Carpénitzé. Un immense cri de douleur retentit
dans toute la Grèce, quand on apprit que l'aigrie
de la Selléide avait cessé de vivre; mais, en
même temps, cette mort glorieuse enflamma
le courage des Hellènes, et ce peuple, qu'on
disait avili par des siècles d'esclavage, mon-
tra par sa constance dans le malheur qu'il se
souvenait encore de son antique gloire. Nou-
veau Léonidas et nouveau Machabée, guer-
rier intrépide, général expérimenté, habile
et toujours fécond en ressources, Marcos Bo-
tzaris ne fut pas moins admirable dans la vie
privée. Citoyen généreux, sans ambition, pro-
digue de son sang et de sa fortune , il n'a
laissé pour héritage à ses enfants qu'un nom
couvert de gloire et l'exemple d'une vie sans
tache. Puissent les Grecs d'aujourd'hui imiter
le patriotisme sincère, dévoué, et modeste
dans sa grandeur, du noble Marcos Botzaris!
Sur le tombeau de Botzaris, dans le cimetière
de Missolonghi, on voit une statue de jeune
fille, due au ciseau du grand sculpteur David
d'Angers, qui l'avait donnée lui-même à la
Grèce. —.Le fils de Marc Botzaris a été aide
de camp du roi Othon, et, après la révolu-
tion qui a renversé ce dernier du trône, il a
reçu le portefeuille de la guerre (il mai 1863).
Botsaria (TOMBEAU DE), par David d'Angers.
Ce monument, un des chefs-d'œuvre de l'ha-
bile statuaire, a été exécuté pour la petite
ville de Carpénitzé, où le héros de l'indépen-
dance hellénique mourut le lendemain de la
bataille de Missolonghi. Une enfant grecque,
d'une douzaine d'années, est assise sur le tom-
beau, dans une attitude des plus gracieuses, et
trace sur le sable le nom de Botzaris. « Cette
création n'a rien de vulgaire, a dit M. F.Bes-
lay ; elle est antique par la simplicité et par
la poésie. L'idée de cette enfant penchée sur
le sable, c'est l'idée de la Grèce elle-même
pleurant ses fils vaincus ; symbolisme délicat,
facile à comprendre et profondément touchant.
L'exécution est digne de la pensée première ;
l'enfant est accroupie avec une grâce char-
mante ; on se rappelle involontairement l'ini-
mitable pose de la Joueuse d'osselets; il y a
évidemment souvenir, mais il n'y a pas imita-
tion. La jeune fille grecque du tombeau de
Botzaris est pleine de mélancolie, comme la
joueuse d'osselets; mais il y a beaucoup plus
d'abandon dans la pose de la statue moderne,
que dans la pose du chef-d'œuvre antique. La
tête est délicieusement travaillée. » Nous ajou-
terons avec M. Beslay, que cette touchante
enfant est la digne sœur du jeune Barra, cet
autre chef-d'œuvre de David d'Angers, dont
nous avons douné la description. Le monu-
ment de Botzaris, élevé sur une petite place
de Carpénitzé et exposé à la vénération du
peuple grec, avait subi, il y a quelques an-
nées, des mutilations assez graves, attribuées
à des enfants, et qui ont nécessité^ en 1861, le
transport de la statue à. Paris, ou elle a été
restaurée, avec un soin religieux,par Armand
Toussaint, l'élève favori do David d'Angers.
BOTZEN
BOTZEN on BOtZANO, ville de l'empire
d'Autriche, dans le Tyrol, ch.-l. du cercle de
son nom, au confluent de l'Eisach et de la
Talfer, a 80 kilom. S. d'Innspruck; 9,700 hab.
Sa position à la jonction des routes de Suisse,
d'Allemagne et d'Italie lui donne une grande
importance commerciale ; fabrication de toiles,
soieries et lainages. On y remarque : l'église
paroissiale, construite en 1400; elle renferme
un beau tableau de maître-autel, et les tom-
beaux de l'archiduc Régnier et de sa femme;
le couvent des franciscains, fondé en 1270, et
le couvent des capucins, qui date de 1598.
BOU
BOU adj. et s. m. (bou). Se dit d'une sorte
de thé que produit une montagne de la Chine
d'où il tire son nom : Du thé BOU. DU BOU.
— Bot. Nom vulgaire du figuier sauvage,
dans le midi de la France.
BOUADE
BOUADE s. f. (bou-a-de — dulat. ftos, bœuf).
Féod. On appelait droit de bouade celui
qu'avait le seigneur d'exiger que tout labou-
reur mît à sa disposition deux bœufs ou une
charrette pour une corvée spéciale.
BOUAICHELLE
BOUAICHELLE s. f. (bou-è-chè-le). Jeune
fille; servante. Il Vieux mot.
BOUARD
BOUARD s. m. (bou-ar). Gros marteau
dont on se servait autrefois dans la fabrica-
tion des monnaies. V. BOUVARD.
BOUARDÉ,
BOUARDÉ, ÉE (bou-ar-dé) part. pass. du
v. Bouarder : Monnaies BOUARDÉES.
BOUARDER
BOUARDER v. a. ou tr. (bou-ar-dé—rad.
bouard). Frapper avec le bouard : BOUARDER
des monnaies.
BOUAYA
BOUAYA s. m. (bou-a-ia). Mamm. Espèce
d'hippopotame des îles Moluqucs.
BOUAYE,
BOUAYE, bourg de France (Loire-Infé-
rieure), ch.-l. de cant., arrond. et à 12 kilom.
S.-O. de Nantes; pop. aggl. 382 hab. — pop.
tôt. 1,388 hab.
BOUBAC
BOUBAC s. m. (bou-bak). Mamm. Espèce
de marmotte de la Pologne. Il On dit aussi
BOIiACK.
BOUBÉEBOUBÉE (Théodore), médecin et pharma-
cien français, né à Auch en 1794. Sous l'Em-
pire, il servit dans la cavalerie; il fit ensuite
des études médicales et s'établit comme phar-
macien à Paris. Ce fut alors qu'il inventa un
sirop contre la goutte, invention qui lui fit
gagner beaucoup d'argent. Plus tard, il alla
s'établir à Auch comme pharmacien-chimiste,
fit de la propagande pour les opinions démo-
cratiques, et contribua à la fondation du jour-
nal le Pays. Nommé représentant du peuple
en 1848, il vota constamment avec la gauche ;
mais il ne fut pas réélu pour l'Assemblée lé-
gislative. Il a publié : Mémoire sur le traite-
ment de la goutte et des rhumatismes (1834);
Considérations sur la goutte (1841), etc.
BOUBÉE
BOUBÉE (Nérée), géologue français, né à
Toulouse en 1806, mort en 1863. Il a publié,
entre autres ouvrages : Géologie populaire
(1833); la Géologie dans ses rapports avec
l'agriculture et l'économie politique (1840); la
Géologie dans ses rapports avec la médecine
et l'hygiène publique (1850, in-8°) ; Cours de
géologie agricole (1856). Il a en outre dirigé
l'Echo du monde savant, la Revue agricole, e.t
divers autres recueils scientifiques. Il est sou-
vent désigné sous le nom de NÉRÉE-BOUBÉE.
BODBENHOREN
BODBENHOREN (Michel - Louis], gentil-
homme allemand qui s'était donné a 1 Esprit
malin et que l'intercession de saint Ignace arra-
cha à son malheureux sort. Un pour qu'il avait
perdu au jeu tout son argent, il résolut de se
vendre au diable, pourvu que celui-ci voulût
l'acheter un peu cher; au même moment il vit
paraître devant lui un jeune homme de son
âge, très-élégamment vêtu, qui lui donna une
bourse pleine d'or, et lui promit de revenir le
voir le lendemain. Cet argent lui porta bon-
heur; car, étant retourné au j e u , il gagna
tous ses amis. Le lendemain il revit le jeune
homme à la bourse d'or, qui lui demanda pour
récompense trois gouttes de son sang, qu'il
laissa tomber dans une coquille de gland;
puis il fit tracer au jeune seigneur quelques
mots barbares et incompréhensibles sur deux
billets différents, dont 1 un demeura au pou-
voir de l'inconnu, tandis que l'autre fut en-
foncé par un pouvoir magique dans le bras de
Michel-Louis, à l'endroit juste où il s'était
piqué pour tirer les trois gouttes de sang. La
f
ilaie se ferma sans laisser de cicatrice, car
e tout s'était fait par le pouvoir du démon.
Ensuito l'inconnu dit au joueur: «Je m'en-
ÊOUC
BOUC BOUC BOUC 1043
gage a vous servir durant sept ans, au bout
desquels vous m'appartiendrez sans réserve. »
Le jeune homme y consentit, et depuis ce mo-
ment le diable lui apparut chaquejour sous une
nouvelle forme, et toujours disposé à l'aider
dans toutes ses entreprises. Quand le terme
fatal des sept années approcha, le jeune
homme revint à la maison paternelle; le dia-
ble, qui n'avait cessé de lui inspirer de mau-
vaises actions, lui ordonna d'empoisonner son
père et sa mère, de mettre le'feu au château
et de se tuer après. Mais Dieu, qui veillait en-
core sur cette âme damnée, ne lui permit pas
d'accomplir ces forfaits ; le poignard destiné
à assassiner ses parents se brisa dans sa main,
et le fusil avec lequel il voulait se tuer fit deux
fois long feu. Le jeune homme, touché de r e -
pentir, raconta à quelques-uns de ses domes-
tiques le pacte qu'il avait fait, et les pria de lui
porter secours. Le diable, irrité de cette dé-
marche, s'empara aussitôt de sa victime, lui
tourna la tête en arrière et tenta de lui rompre
les os. On le mit alors dans les mains des
moines. Le diable n'en continua pas moins de
lui apparaître sous les formes les plus horri-
bles; un jour même, essayant d'une nouvelle
ruse, il jeta à ses pieds une cédule qui n'était
pas celle qui lui avait été souscrite, espérant
par là lui donner le change et l'empêcher de
faire sa confession générale. Mais les moines
furent aussi fins que lui, et ne crurent pas à
cette générosité. Enfin, le 20 octobre 1603, on
força le diable à paraître dans la chapelle de
Saint-Ignace, et on le somma de rapporter la
véritable cédule contenant le pacte fait entre
lui et Louis de Boubenhoren. Le jeune homme
ayant renoncé au démon et reçu la sainte
Eucharistie, jeta tout à coup des cris horri-
bles : il dit qu il voyait deux boucs d'une gran-
deur démesurée, qui, ayant les deux pieds de
devant en l'air, tenaient entre leurs ongles,
chacun de leur côté, un des pactes ou cédules.
Dès qu'on eut commencé les exorcismes et
invoqué le nom de saint Ignace, les deux boucs
s'enfuirent ; et le pacte enfermé dan3 le bras
du jeune Louis sortit aussitôt sans douleur
et sans laisser de cicatrice, et vint tomber aux
pieds de l'exorciste. Comme le second pacte
était au pouvoir du démon, on recommença
les exorcismes. Bientôt parut une cigogne,
haute et difforme, qui laissa tomber sur l'autel
la seconde cédule qu'elle tenait dans son bec.
Ce qui distingue l'aventure de Louis de Bou-
benhoren de tant d'autres du même genre,
c'est la publicité qu'elle reçut. Le pape Paul V
en ayant .entendu parler nomma des commis-
saires pour faire une enquête. Ceux-ci, après
l'interrogatoire juridique de beaucoup de té-
moins , attestèrent l'authenticité de tous ces
faits, dont une inscription rappelle le souvenir
dans l'église des jésuites de Manheim. Si l'en-
quête ne prouve pas que cette histoire soit
réellement arrivée, elle prouve du moins que
beaucoup de gens y ont crû.
BOUlïERS (Alexandre-François-Joseph DE),
général français, né à Lihons-en-Santerre
en Î744. Il servit d'abord dans la marine,
puis entra à l'Ecole d'artillerie de La Fère.
Devenu capitaine d'artillerie, il fut envoyé à
la Guadeloupe, où il resta deux ans. Il eut en-
suite une place dans la fonderie de canons
de Douai, reprit du service en 1791, se dis-
tingua a la bataille de Jemmapes, au bom-
bardement de Maastricht, et, après la perte
de la bataille de Nerwinde, résista aux or-
dres de Dumouriez, qui voulait livrer l'artil-
lerie républicaine à l'ennemi. Après la ba-
taille de Fleurus, il fut nommé général de
brigade, et fut admis à la retraite peu de temps
après. L'empereur, voulant récompenser ses
services, le nomma plus tard officier de la Lé-
gion d'honneur.*
BOUBOUBOUBOU s. m. (bou-bou). Sorte de vête-
ment des femmes du Soudan, consistant en
une simple pièce d'étoffe percée en son milieu
d'un trou par où elles passent la tête. Il Sorte
de chemise à grandes manches et fermée par
devant, dont se couvrent les nègres de la
Sénégambie et du Soudan.
BOUBIE
BOUBIE s. m. (bou-bî — de l'angl. booby,
fou). Ornith. Groupe d'oiseaux, formant une
section du genre fou.
DOUBLE, petite rivière de France; elle
prend sa source dans les montagnes du Puy-
de-Dôme, arrond. de Riom, baigne les villages
de Saint-Eloi et Durmignat, entre dans le
département de l'Allier, passe au pied des
rochers qui portent le château de Chantelle
et se jette dans la Sioule, à 3 kilom. S. de
Saint-Pourçain, après un cours de 64 kilom.
BOUBON
BOUBON s. m. (bou-bon). Ancienne forme
du mot BUBON.
BOUBOU
BOUBOU s. m. (bou-bou — nom malais du
coucou). Ornith. Genre d'oiseaux formé aux
dépens des coucous,.et comprenant deux
espèces, qui vivent à Sumatra. Quelques-uns
croient que'les deux individus sur lesquels
on a fondé les deux espèces étaient le mâle
et la femelle d'une espèce unique.
BOUBOULER
BOUBOULER v. n. ou mtr. (bou-bou-lé —
onomat.). Crier de la façon particulière au
hibou.
BOUC
BOUC s. m. (bouk. — La plupart des dic-
tionnaires d'étymologie se contentent de
donner les équivalents de ce mot en grec, en
italien, en provençal, eh aragonais, en bas
latin, en allemand, en bas breton en irlan-
dais, ce qui ne nous apprend absolument
rien, puisque les équivalents ne nous font
nullement connaître le rapport qui peut i
exister entre le mot et la chose. Disons, pour '
l'acquit de notre conscience, que nous voyons
dans ce mot un mimologisme, une imitation
du cri de l'animal). Le mâle de la chèvre,
animal qui exhale une odeur désagréable et
énétrante : Un grand, un beau BOUC La
aube, les cornes d'un BOUC. Une peau de BOUC.
Le
BOUCBOUC est un assez bel animal. ( Buff. )
L'odeur forte du BOUC ne vient pas de la chair,
mais de la peau. (Buff.)
Du plua habile chantre un bouc était le prix.
BOILEAU.
Ai-je besoin du sang des boucs et des génisses?
RACINE.
Le bouc suit avec peine et traîne un pas tardif.
ROSSET.
Capitaine renard allait de compagnie
Avec son ami bouc, des plus haut encornés.
LA FONTAINE.
— Par anal. Homme malproure, dégoûtant :
C'est un BOUC.
— Argot. Cocu, à cause des cornes symboli-
ques que l'on prête généralement aux époux
malheureux.
— En Allemagne, Sobriquet que l'on donne
aux tailleurs.
— Barbe de bouc, Barbe qu'un homme porte
sous le menton, tout le reste du visage étant i
rasé. Il Se dit aussi de la personne mémo qui
porte cette sorte de barbe : Les vilaines
BARBES DE BOUC sont toujours en querelle.
(D'Ablanc.) Il Puer comme un bouc. Sentir
très-mauvais, il Etre lascif comme un boue,
Etre adonné brutalement aux plaisirs des sens.
— Ecrit, sainte. Méchant, réprouvé, dans
le style de l'Evangile : Si Jésus-Christ pa-
raissait dans ce temple pour nous juger, pour
faire le terrible discernement des BOUCS et des
brebis... (Mass.)
Dieu viendra juger les vivants et les morts,
Et des humbles agneaux, objet de sa tendresse,
Séparera des boucs la troupe pécheresse.
BOILEAU.
— Mamm. Bouc de Juida, Variété du bouc
ordinaire, appartenant à l'Afrique. 11 Bouc des
rochers, Bouquetin. On l'appelait autrefois
BOUC-ESTAIN. il Bouc des bois, Quadrupède de
Sumatra, encore peu connu des naturalistes.
— Bot. Barbe de bouc, L«e salsifis sauvage.
— Hist. Nom que se donnèrent seize Zuri-
chois, qui se signalèrent dans la guerre de
1442 a 1450.
—Astron. Nom que quelques-uns ont donné
à la constellation du Capricorne. |
— Comm. Outre en peau de bouc, conte-
nant du vin, de l'huile : Nous avons reçu un
BOUC de votre excellent jurançon.
— Techn. Poulie garnie de cornes de fer,
pour faire monter une chaîne, il Grande roue
a eau dans une forge.
— Ichthyol. Nom donné par les pêcheurs à
la mendole et au boulereau noir, parce que
leur chair est de mauvais goût et d'une
odeur désagréable.
— Encycl. Mamm. V. CHÈVRE.
—Hist. Bouc est unsobriquet empreint d'une
idée de dénigrement, que 1 on donne aux tail-
leurs en Allemagne. Voici comment on r a -
conte l'origine de ce surnom. En 1422, les habi-
tants de Prague assiégeaient le château de
Carlstein. La garnison, ayant épuisé ses provi-
sions, ne possédait plus qu'un vieux bouc, dont
la viande coriace ne devait être mangée qu'à la
dernière extrémité. Afin de tromper l'ennemi,
qui comptait sur la famine pour avoir la place,
les assiégés demandèrent et obtinrent un jour
de trêve, afin de pouvoir fêter une noce ima-
ginaire. Alors ils tuèrent le bouc, et, après en
avoir trempé un gigot dans du sang et l'avoir
saupoudré de poils de .chevreau, ils l'envoyè-
rent en cadeau au commandant de l'armée
assiégeante, le tailleur Hedwirken. Cette ruse
eut un plein succès : le tailleur-capitaine crut
le château pourvu pour longtemps de vivres,
et s'empressa de lever le siège. On se moqua,
dans toute la contrée du malheureux tailleur
« qui s'était laissé chasser par un vieux bouc, n
Bientôt ôowc devint synonyme de tailleur, et
le sobriquet passa de la Bohême dans les pays
allemands, où il s'est maintenu jusqu'à nos
jours.
— Démonol. Le bouc a joué un grand rôle
dans la démonolo^ie du moyen âge; déjà, dans
l'antiquité, il avait été mêlé aux croyances
religieuses. Pan, les faunes, les satyres em-
E
runtaient plus ou moins sa forme; pas de
acchanales où on ne le trouve représenté,
soit dans les peintures, soit dans les bas-
reliefs. Quand le christianisme eut succédé au
paganisme, les dieux de l'ancienne religion
furent appelés démons par la nouvelle, et ce
fut sous la forme de bouc que le diable se
montra à ses adorateurs, dans les sabbats et
les mystères nocturnes. « C'est sous la forme
d'un grand bouc noir aux yeux étincelants, dit
M. Colin de Plancy dans son Dictionnaire
infernal, que le diable se fait adorer au sabbat;
il prend fréquemment cette figure dans ses
entrevues avec les sorcières, et le maître des
sabbats n'est désigné, dans beaucoup de pro- *
cédures, que sous le nom de bouc noir ou
grand bouc. Le bouc et le manche à balai sont
aussi la monture ordinaire des sorcières, qui
partent par la cheminée pour leurs assem-
blées nocturnes. Le ôowc, chez les Egyp-
tiens, représentait le dieu Pan; et divers dé-
monographes disent que Pan est le démon du
sabbat, à cause de sa luxure. Chez les Grecs,
on immolait le bouc à Bacchus, et d'autres j
démonologues assurent que le démon du sabbat •
n'est autre que Bacchus. Enfin, le bouc émis-
l
saire des Juifs hantait les forêts et les lieux
déserts consacrés au démon ; voilà sans doute
les motifs qui ont placé si honorablement le
bouc au sabbat. Les villageois disent encore
que le diable se montre quelquefois sous
forme de bouc à-ceux qui le font venir avec
le grimoire. Une femme accoucha, au xvie siè-
cle, d'un enfant que le diable, déguisé en bouc,
lui avait fait ; et Delrio assure que Luther
était fils d'une sorcière et d'un bouc, qui n'était
autre que lé diable. » Dans tous les procès de
sorcellerie, au moyen âge, il est question du
bouc et des relations qu'ont avec lui les hommes
et les femmes. Tous parlent de « cette chan-
delle ardente que les sorciers tiennent en la
main, l'ayant allumée à celle que le bouc leur
maistre porte entre les cornes, à laquelle il
met le feu, le tirant de dessous sa queue,
comme on l'a sceu par la confession de cette
sorcière qui fut exécutée par arrêt du parle-
ment de Bordeaux, en l'an 1594. » Jusqu'à la
fin du xvue siècle, la croyance aux sorciers
et aux sortilèges fut répandue, non-seulement
dans le peuple, mais encore chez les hommes
les plus instruits, chez les magistrats les plus
graves. Un avocat au parlement fit un ou-
1
vrage où il détaillait les transformations di-
verses de l'esprit malin, quand il se révèle aux 1
hommes. On y trouve le passage suivant : j
« De toutes les apparences dont les démons se
sont revêtus, celle du bouc, animal infect et
puant, et hiéroglyphe de toutes saletez, leur
a toujours été la plus agréable. D'un fantôme
sous cette forme, la belle Sinonis de Jamblic
se vit solliciter d'amour dans les déserts. Ce
bouc tout noir, qui parut au comte de Cornoube
portant sur son dos l'âme de Guillaume le
Roux, roy d'Angleterre, qu'il confessa mener
au jugement du grand Dieu, étoit-ce autre
chose qu'un diable ? Et qui ne sçait que les
sorciers dans leurs sabatz ne l'adorent point
soubs une autre figure ? Zoroastre même, qui les
a cogneus mieux que nul autre, ne les nomme
point autrement, comme il est aisé de com-
prendre par les paroles de Jean Pic, qui dit
que celui qui aura lu dans le livre intitulé
Baïr l'affinité qu'il y a entre les chèvres et
les démons pourra bien savoir ce que Zo-
roastre veut entendre par les chèvres. Et
quel estoit cet Azazel, ou houe émissaire du
Lévitique, que le grand prêtre envoyoit dans
le désert avec tous les péchez du peuple,
sinon le prince des démons, Satan? Ce fut
pourquoi les démons se plaisoient à paroistre
en satyres, dont la forme avait tant de rap-
port à celle du bouc. »
L'uriné de bouc servait, chez les Libyens, de
spécifique dans plus d'un cas. Chez ce peuple,
quand les enfants avaient atteint l'âge de quatre
ans, on leur brûlait les veines du haut de la
tête et aussi celles des tempes, avec de la laine
qui n'avait point été dégraissée : cette opéra-
tion avait pour but de les empêcher d'être
incommodés de la pituite qui coule du cerveau,
et de leur procurer une santé parfaite. Si,
pendant qu'on les brûlait ainsi, les enfants
avaient des spasmes, ils les arrosaient avec
de l'urine de bouc, qui, selon Hérodote, était
un remède souverain. Le sang de bouc passait
aussi pour avoir des propriétés merveilleuses.
Dans le livre des Admirables secrets du Grand
Albert, on trouve que, si on se frotte le visage
de sang de bouc qui aura bouilli avec du verre
et du vinaigre, on aura des visions horribles
et épouvantables. On peut se venger de ses
ennemis en leur frottant la face avec le même
mélange, ce qui leur causera des cauchemars
horribles.
La croyance au diable et à son appari-
tion sous forme de bouc donna lieu, au siècle
dernier, à une aventure plaisante. Un voya-
geur, descendu dans une auberge, entendit au
milieu de la nuit un bruit de pas auprès de son
lit. Persuadé qu'il avait affaire à un voleur, il se
met sur son séant et se prépare à lutter avec
son agresseur ; -bientôt il sent deux pattes
velues qui se posent près de lui, ses mains
étendues saisissent deux cornes, et son visage
est effleuré par de longs poils, qui avaient une
odeur très-peu réjouissante. Persuadé qu'il a
devant lui le diable en personne, il se réfugie
dans un coin de la chambre et passe le reste
de la nuit en prière. Le lendemain, il aperçut
un bouc paisiblement étendu sur son lit, et
dont les signes de croix ne troublaient nulle-
ment le sommeil.
— Anecdotes. Philippe II avait envoyé le
jeune connétable de Castille à Rome, pour
féliciter Sixte V sur son exaltation. Ce pape,
mécontent de ce qu'on lui avait député un
ambassadeur si jeune, ne put s'empêcher de
lui dire : « Eh quoi I votre maître manque-t-il
d'hommes, pour m'envoyer un ambassadeur
sans barbe? — Si mon souverain eût pensé,
lui répliqua le fier Espagnol, que le mérite
consistât dans la barbe, il vous aurait envoyé
un bouc, et non un gentilhomme. *
* »
Les critiques amères de l'abbé Desfontaines
avaient soulevé contre lui tous les beaux
esprits, et surtout la nation altière des poëtes.
On épluchait ses écrits ; on allait même plus
loin, et Piron décocha àT-abbé le trait suivant :
Certain auteur de cent mauvais libelles
Croit que sa plume est la lance d'Argail :
Au haut du Pinde, entre les neuf pucellea,
11 s'est placé comme un épouvantail.
Que fait le bouc en si joli bercail?
Y plairait-il? penserait-il y plaire?
Non : c'est l'eunuque au milieu d'un sérail,
II n'y fait rien, et nuit à qui veut faire.
Cette épigramme sanglante avait été remise
par l'auteur à un de ses amis, qui la commu-
niqua à Desfontaines. Celui-ci fut très-con-
trarié du rapprochement dont il était l'objet.-
Piron, instruit du chagrin de son adversaire,
consentit à effacer le mot, en n'en conservant
que la première lettre suivie de points.
Que fait le b.... en BÎ joli bercail ?
Le remède parut à l'abbé pis que le mal, et le
mot bouc resta.
— AllU3. h i s t . Bonc é m i s s a i r e . BOUC c é -
lèbre d a n s l'histoire des Juifs. L e bouc a j o u é
un certain rôle dans la religion de tous les
peuples. Chez les Juifs, à la fête des Expia-
tions, on amenait au grand prêtre un bouc,
sur la tête duquel il étendait les mains, et qu'il
chargeait, avec des imprécations, de toutes
les iniquités d'Israël. Les Juifs désignaient cet
animal réprouvé sous le nom d'Azazel, mot
hébreu qui signifie émissaire ou renvoyé. Après
cette cérémonie, le bouc était conduit sur les
confins du désert, et chassé au milieu des cris
de tout le peuple. Le conducteur était obligé
de se laver le corps et les vêtements, pour se
purifier, avant de rentrer au milieu des siens.
Le mot bouc émissaire est devenu prover-
bial pour désigner une personne sur laquelle
on fait retomber toutes les fautes, à laquelle
on impute tous les torts, et qu'on accuse de
tous les malheurs qui arrivent :
« La vraie grandeur d'Estienne Dolet est
dans sa mort plutôt que dans sa vie ; il fut le
bouc émissaire, la victime choisie par l'Eglise :
il paya pour tous les hommes illustres de son
temps. Voilà ce qui doit nous rendre double-
ment chère la mémoire du martyr de la place
Maubert. » TAXILB DELORD.
« L'homme soldé, le soldat, est un pauvre
glorieux, victime et bourreau, bouc émissaire,
journellement sacrifié à son peuple et pour son
peuple, qui se joue de lui; c'est un martyr
féroce et humble tout ensemble, que se rejet-
tent le pouvoir et la nation toujours en désac-
cord. » ALFRED DE VIGNY.
« Toutes les tentatives de résistance de
Louis XVI au mouvement qui précipitait la
monarchie étaient appelées conspirations ;
toutes ses faiblesses étaient appelées trahi-
sons ; c'était bien plus l'acte d'accusation de
son caractère et des circonstances que l'acte
d'accusation de ses crimes. Le temps trop
lourd pour tous, on le rejetait tout entier sur
lui. Il payait pour le trône, pour l'aristocratie,
pour le sacerdoce, pour l'émigration, pour La
Fayette, pour les girondins, pour les jacobins
eux-mêmes, et c'était Vhomme émissaire des
temps antiques, inventé pour porter les ini-
quités de tous. » LAMARTINE.
BODC. V. PORT-DE-BOUC.
BOUCACHÀRD. Hist. relig. V. BOURGA-
CHARD.
BOUCAGEBOUCAGE s. m. (bou-ka-je — rad. bouc, à
cause de l'odeur forte de quelques espèces).
Bot. Genre de plantes, de la famille des om-
bellifères, tribu des amminées, comprenant
un assez grand nombre d'espèces, qui crois-
sent pour la plupart sur les bords du bassin
méditerranéen et dans l'Europe centrale. La
f
jlus remarquable est cultivée et connue sous
e nom d'anis.
BOUCAN
BOUCAN s. m. (bou-kan — rad. bouc, ou
de l'esp. bocca, bouche). Lieu où les sauva-
ges d'Amérique fument leurs viandes. Il Gril
de bois sur lequel ils font la même opéra-
tion. Il Claie sur laquelle on sèche la cas-
save.
— Pop. Lieu de débauche, de prostitution :
Aller dans un BOUCAN. Fréquenter les BOU-
CANS. Vieux en ce sens. Il Bruit, vacarme :.
En apprenant cette nouvelle, il fit un affreux
BOUCAN. C'est un BOUCAN à ne pas s'entendre*
— Comm. Bûche de bois à brûler rompue
par vétusté.
— Art. culin. Préparation que l'on fait su-
bir à la tortue pour la mettre en pâté : Le père
Griffât possédait, entre autres, le secret d'un
noue AN de tortue dont le récit pittoresque suf-
fisait pour éveiller une faim dévorante chez
ses auditeurs. (E. Sue.)
BOUCANADE
BOUCANADE s. f. (bou-ka-na-de). Argot.
Action de corrompre avec de l'argent un t é -
moin, une personne qui connaît un fait dont
on craint la révélation.
BOUCAIGEBOUCAIGE s. m. (hou-kè-ie). Féod. Rede-
vance sur les vignes qui n'étaient pas tenues
en. fief.
BOUCANAGE
BOUCANAGE s. m. (bou-ka-na-je — rad.
boucan). Action de boucaner, d'exposer cer-
tains objets à la fumée pour les sécher et les
conserver : Le BOUCANAGE des viandes, des
peaux, du'poisson.
— Encycl. Le boucanage est un des moyens
les plus anciens que l'on ait inventés pour
préserver les matières animales de la décom-
position. Les voyageurs modernes l'ont même
trouvé en usage chez toutes les nations sau-
vages de l'Amérique et de l'Océanie, Quant à
1044 BOUC
BOUC
BOUC
BOUC
son n o m , i l e s t p e r m i s d e croire qu'il p r o v i e n t
do c e q u e , à l ' a r r i v é e des E u r o p é e n s , les indi-
g è n e s du n o u v e a u monde l'appliquaient s u r -
tout à la c h a i r d e s j e u n e s bouquetins, é t y -
mologie qui diffère u n p e u d e celle que nous
a v o n s donnée. L e s p r o c é d é s v a r i e n t plus ou
inoins s u i v a n t l e s localités ; mais l e s meil-
leurs p a r a i s s e n t ê t r e ceux à l'aide d o s -
quels on p r é p a r e le célèbre bœuf fumé de
Hambourg. Voici c o m m e n t opèrent l e s i n -
dustriels d e cette ville : les v i a n d e s , p r é a -
l a b l e m e n t d é p e c é e s et salées, sont s u s p e n -
dues dans d e s c h a m b r e s basses de plafond,
où l'on fait a r r i v e r u n e fumée très-épaisse
produite p a r d e s copeaux de c h ê n e , d e h ê -
t r e ou d e bouleau t r è s - s e c s . L e s choses
sont disposées d e m a n i è r e q u e la fumée a r -
rive p r e s q u e froide. L a d u r é e d e l'opération
v a r i e d e q u a t r e à dix s e m a i n e s , selon la g r o s -
s e u r d e s pièces. Quand elle e s t terminée, les
v i a n d e s s o n t p é n é t r é e s d'acide pyroligneux
et d e c r é o s o t e , qui constituent presque e n
totalité la f u m é e , e t qui ajoutent leur a c -
tion h celle du sel m a r i n .
BOUCANER
BOUCANER v . a. ou t r . ( h o u - k a - n ô — r a d .
boucan). Sécher p a r u n e exposition p r o l o n g é e
à l'action d e la fumée : BOUCANER de la viande,
du poisson. BOUCANER de la cassave. BOUCANKR
des peaux.
— P a r a n a l . N o i r c i r , b r û l e r : Les carna-
tions de bronze que BOUCANE le soleil ne trahis-
sent aucun secret. (Méry.)
— v . n. ou i n t r . E t r e b o u c a n é , p r é p a r é à
la fumeo : Les sauvages ne mangent la chair
du castor qu'après l'avoir fait BOUCANER à la
fumée. ( C h a t e a u b r . ) Le marcassin BOUCANAIT
à la chaleur égale de ce brasier ardent et cori-
centré. ( E . Sue.)
— Aller à la chasse des b œ u f s s a u v a g e s ou
a u t r e s b o t e s , p o u r e n a v o i r les p e a u x .
— P o p . F r é q u e n t e r les m a u v a i s lieux, it
F a i r o (lu b r u i t , d u v a c a r m e , il A signifié
P e r d r e s o n t e m p s , e t aussi F a i r e l a g r i -
m a c e .
Se b o u c a n e r v . p r . E t r o b o u c a n é ; p r é p a r é
à l a fumée : Chez les sauvuges, les cuirs ne se
tannent pas, mais S E BOUCANENT.
BOUCANÉ,
BOUCANÉ, É E (bou-ka-né) p a r t , passé du
v. B o u c a n e r . Séché à la fumée r II venait de
quitter la natte où figuraient encore les bana-
nes noucANiïiiS pour le repas, quelques herbes
cuites et des crabes. ( R o g e r d e Beauv.)
BOUCANERIE
BOUCANERIE s. f. ( b o u - k a - n e - r i — r a d .
boucan). Association d e s p i r a t e s d ' A m é r i q u o
c o n n u s sous le n o m de b o u c a n i e r s : Les Espa-
gnols se pressaient pour voir ce célèbre aven-
turier, chef de la BOUCANERIE du port de la
Paix. ( E . Gonzalès.)
BOUCANIER
BOUCANIER s. m . ( b o u - k a - n i é — r a d .
boucan). Nom sous lequel on d é s i g n a i t cer-
t a i n s a v e n t u r i e r s d e S a i n t - D o m i n g u e , a d o n -
nés à la chasse d u bœuf s a u v a g e , fameux
p l u s t a r d p a r l e u r s p i r a t e r i e s : Les rochers
situés sur les côtes du Pérou furent longtemps
le lieu de refuge de hardis pirates connus sous
le nom de BOUCANIERS. ( E n c y c l . )
s
— Gros e t long fusil d o n t s e s e r v a i e n t l e s
m ô m e s c h a s s e u r s d e v e n u s p i r a t e s .
— P a r c x t . H o m m e q u i fréquento les b o u -
cans, les m a u v a i s lieux.
— A signifié V i e i l l a r d .
— E n c y c l . L e s boucaniers sont des a v e n -
turiers français e t a n g l a i s q u i , c h a s s é s en
1630 d e S a i n t - C h r i s t o p h e p a r l'escadre espa-
gnole de F r é d é r i c d e T o l è d e , s'établirent a u
nord de S a i n t - D o m i n g u e . L a facilité d e se
procurer les c h o s e s n é c e s s a i r e s à la vie, e t
une position aisée à d é f e n d r e , l e s a v a i e n t e n -
g a g é s à se iixer à la T o r t u e . Des Hollandais e t
un g r a n d n o m b r e d ' a u t r e s a v e n t u r i e r s v i n -
rent bientôt les y j o i n d r e . L e u r principale
occupation é t a i t d e faire l a g u e r r e a u x bœufs
s a u v a g e s , e x t r ê m e m e n t multipliés à S a i n t -
Domingue depuis q u e l e s E s p a g n o l s les y
a v a i e n t importés. C e s c h a s s e u r s s ' a p p e l è r e n t
boucaniers, du n o m d'une espèce de gril
nommé b o u c a n , s u r lequel ils rôtissaient les
viandes dont ils s e nourrissaient, sans m a n -
g e r d e pain. Ces boucaniers c o n s e r v a i e n t a v e c
soin tous les cuirs e t l e s v e n d a i e n t a u x Hol-
landais. L e s E s p a g n o l s , qui v o y a i e n t a v e c
déplaisir c e s a v e n t u r i e r s s'établir d a n s leur
voisinage e t c h a s s e r s u r l e u r s t e r r e s , a r m è -
r e n t u n e expédition c o n t r e l a T o r t u e . Ils
a b o r d è r e n t d a n s l'île a u m o m e n t où t o u s c e u x
qui a u r a i e n t pu l a défendre se t r o u v a i e n t o c -
c u p é s d e la c h a s s e a Saint-Domingue, e t ,
é g o r g e a n t les femmes, l e s e n f a n t s , les vieil-
l a r d s , ils détruisirent tous les établissements.
Instruits d e ce cruel é v é n e m e n t , l e s bouca-
niers choisirent pour chef un Anglais n o m m é
W i l l i s , r e p r i r e n t possession de l a T o r t u e à la
fin de 1638 e t s'y fortifièrent. Bientôt, pour-
s u i v a n t leur v e n g e a n c e c o n t r e l e s E s p a g n o l s ,
pour lesquels ils a v a i e n t conçu une h a i n e i m -
placable, ils s'associèrent u n g r a n d n o m b r e
d ' E u r o p é e n s , dont le métier é t a i t d ' a t t a q u e r
et d e dépouiller les galions d ' E s p a g n e , q u a n d
ils r e v e n a i e n t c h a r g é s d ' o r , d ' a r g e n t ou d e
d e n r é e s p r é c i e u s e s ; ils e n r ô l è r e n t b e a u c o u p
de colons qui fuyaient les c h a r g e s auxquelles
on l e s assujettissait, et firent d e s incursions
chez les E s p a g n o l s , réduisant l e u r s colonies a
un é t a t d ' e x t r ê m e d é t r e s s e , et p o r t a n t a u loin
la t e r r e u r du n o m d e boucaniers. Après d e
longues a l t e r n a t i v e s - d e succès et de r e v e r s ,
les boucaniers d e m e u r è r e n t maîtres d e l'île d e
la T o r t u e , e t s ' é t e n d i r e n t s u r l a côte d e Saint-
Domingue, qu'ils c o n s e r v è r e n t toujours d e -
puis. L e s boucaniers anglais allèrent ensuite
se fixer à la J a m a ï q u e . E n t e m p s d e g u e r r e ,
ils p r e n a i e n t leur commission, les uns du g é -
n é r a l français,.les a u t r e s du g é n é r a l a n g l a i s ,
en p a y a n t le dixième d e leurs prises. E n
temps d e paix, ils se c o n t e n t a i e n t d'une per-
mission d e c h a s s e et de p ê c h e , e t , sous le nom
de c h a s s e u r s e t d e p ê c h e u r s , ils pillaient les
E s p a g n o l s sur t e r r e et sur m e r . L e u r c o u r a g e
indomptable leur faisait affronter les plus
g r a n d s 'périls e t donnait du succès à leurs e n -
t r e p r i s e s l e s plus h a s a r d é e s .
L e bruit des exploits d e s boucaniers a v a i t
a t t i r é parmi e u x u n e foule d ' a v e n t u r i e r s d e
t o u s les p a y s , e t bientôt ils furent en é t a t de
faire d e s expéditions formidables s u r toutes
les m e r s du S u d e t du Nord. L e s îles d e
Saint-Domingue, d e l a T o r t u e , de la J a m a ï -
que, d e v i n r e n t l e s a r s e n a u x d e l e u r s a r m e -
m e n t s e t l'entrepôt des richesses immenses
q u e leur b r i g a n d a g e e t leur r a r e intrépidité
leur p r o c u r a i e n t , e t qu'ils dissipaient a u sein
de la d é b a u c h e la plus effrénée.
L a côte nord d e Saint-Domingue et l'île d e
la T o r t u e n e c o m m e n c è r e n t qu'en 1665 à fixer
les r e g a r d s d e la F r a n c e ; les a v e n t u r i e r s s'y
r e n c o n t r a i e n t alors en g r a n d n o m b r e , mais on
y comptait à peine q u a t r e cents c u l t i v a t e u r s .
D'Ogeron fut présenté p a r la Compagnie e t
a c c e p t é p a r le ministre Colbert pour g o u v e r -
n e r cette colonie. Il a v a i t l o n g t e m p s vécu
a v e c les boucaniers, q u i a v a i e n t conçu p o u r
lui le plus g r a n d respect. Il administra son
g o u v e r n e m e n t a v e c t a n t d e s a g e s s e , qu'il
p a r v i n t a fixer l'esprit r e m u a n t de ces a v e n -
t u r i e r s , et qu'au bout de q u a t r e a n s , le n o m b r e
des colons dépassait quinze c e n t s . L e s a u t r e s
boucaniers c o n t i n u è r e n t l e u r s exploits, qu'ils
c o u r o n n è r e n t , en 1697, p a r la prise e t le pil-
lage de C a r t h a g è n e , ville la p l u s fortifiée d e
l'Amérique. Ils y d é b a r q u è r e n t le 15 a v r i l , sous
les ordres de M. d e Pointis, chef d ' e s c a d r e ,
qui r e n t r a à B r e s t le 9 août s u i v a n t . A la lin
de leur expédition, les boucaniers i o m b è r e n t a u
milieu d'une flotte anglaise e t hollandaise a l -
liée à l ' E s p a g n e , qui l e s é c r a s a . Disséminés
alors dans tout le n o u v e a u monde, et v o y a n t
l e u r s chefs appelés à d e s emplois dans leur
p a t r i e , les boucaniers r e n o n c è r e n t à leur i n -
d é p e n d a n c e pour se donner a u roi d e F r a n c e ,
dont la plupart étaient n é s sujets. L e s u n s
c o n s a c r è r e n t leurs a r m e s à la défense d e leur
p a y s , les a u t r e s mirent leur industrie au ser-
vice du c o m m e r c e ou d e la c u l t u r e des t e r r e s .
B o u c a n i e r ( L E ) , pogme américain, publié e n
1827 p a r D a n a , d i r e c t e u r d e la Revue améri-
caine du Nord, fondée p a r C h a n n i n g . L e Bou-
canier e s t u n poëme e m p r e i n t de sombres e t
fortes passions, que colore u n récit é m o u -
v a n t , basé s u r l a tradition d'un m e u r t r e com-
"mis p a r u n pirate dans une île d e la côte d e
la N o u v e l l e - A n g l e t e r r e , et puni d'une façon
é t r a n g e e t terrible. Comme tous l e s écrits de
D a n a , c e poëme s e distingue p a r u n e v i g u e u r
qui t o u c h e à l a r u d e s s e , p a r u n e concision qui
a r r i v e parfois à l'obscurité; mais le b u t e s t
é m i n e m m e n t religieux, la philosophie e s t p r o -
fonde, le sentiment plein d e simplicité e t d e
t e n d r e s s e .
B O U C A N I È R E s. f. ( b o u - U a - n i è - r o — fém.
de boucanier). F e m m e dissolue, p a i l l a r d e .
. . . Le mari lui dit : Ah ! boucanière,
Je suis cocu, tu prends plaisir au cas.
J.-B. ROUSSEAU.
— P i e r r e à feu d e q u a l i t é inférieure.
— Loc. a d v A la boucanière. A la m a n i è r e
des b o u c a n i e r s : Quelquefois l'expression de
sa sensualité devenait contagieuse, lorsqu'il
racontait certains repas A LA BOUCANIÈRE faits
au milieu des forêts ou sur les côtes de Vile.
(E. S u e . )
BOUCARD
BOUCARD s. m . ( b o u - k a r ) . C o m m . N o m
v u l g a i r e d e l a s o u d e , d a n s les a n c i e n n e s p r o -
vinces d e S a i n t o n g e e t d e P o i t o u .
— A r g o t . S y n . d ' o u m , .
BOUCANIER,
BOUCANIER, 1ÈRE a d j . ( b o u - k a - n i é — îé-re
— r a d . boucaner). Qui a p p a r t i e n t , q u i e s t p r o -
p r e a u x b o u c a n i e r s : Lusil BOUCANIER. Arme
UOUCANliiRE.
BOUCARDE
BOUCARDE s. m . ( b o u - k a r - d e ) . Moll.
V . B U C A R D E .
BOUCARDIERBOUCARDIER s. m . ( b o u - k a r - d i - é — r a d .
boucard). A r g o t . Celui q u i vole d e n u i t d a n s
l e s b o u t i q u e s .
BOUCARDITE
BOUCARDITE s. f. ( b o u - k a r - d i - t e ) . Moll.
V . B U C A R D I T E .
B O U C A R È S s. m . ( b o u - k a - r è s s ) . A g r i c .
V a r i é t é d e r a i s i n n o i r .
BOUCARIE
BOUCARIE s.f. ( b o u - k a - r î ) . A n c i e n n e forme
d u m o t BOUCHERIE.
BOUCASSIN
BOUCASSIN s. m . ( b o u - k a - s a i n — b a s l a t .
boccasinus, m ê m e s e n s ) . C o m m . Etoffe d e co-
t o n , f u t a i n e , p r i n c i p a l e m e n t e m p l o y é e à
faire d e s d o u b l u r e s , il Toile g o m m é e , c a l a n -
d r é e , t e i n t e d e d i v e r s e s c o u l e u r s , q u i n ' e s t
p l u s e n u s a g e .
— Ane. m a r . Toile b l e u e ou r o u g e d o n t o n
s e s e r v a i t p o u r d o u b l e r l e s t e n d e l e t s d e s
g a l è r e s .
BOUCASSINE,
BOUCASSINE, É E a d j . ( b o n - k a - s i - n é ) .
C o m m . F a i t à l a m a n i c r o d u boucassin :
Toile BOUCASSINÉE.
BOUCAROBOUCARO s. m . ( b o u - k a - r o — e s p a g . bu-
jaro, m ô m e s e n s ) . C o m m . T e r r e o d o r a n t e e t
r o u g e â t r e d o n t o n fait d e s v a s e s à rafraî-
chir.
BOUCASSINE
BOUCASSINE s. f. ( b o u - k a - s i - n e ) . C o m m .
S o r t e d e toile d e lin."
BOUCAUT
BOUCAUT s. m . f b o u - k ô — r a d . bouc).
C o m m . C o n t e n a n c e d u n e o u t r e e n peau d e
b o u c . V i e u x e n ce s e n s , n T o n n e a u d a n s l e -
q u e l on t r a n s p o r t e c e r t a i n e s d e n r é e s sèches,
e x o t i q u e s : morue en BOUCAUT.
Sortant à grains dorés du boucaut qui se vide,
Que le moka pour vous s'ôlôve en pyramide.
C. DELAVIGNB._
il C o n t e n u d u m ê m e t o n n e a u : BOUCAUT de
sucre, de café, de tabac.
— M a r . E n t r é e d'un p o r t ; Ce navire est au
BOUCAUT.
B O U C E L L E s. f. (bou-sè-le). P e t i t e b o u c h e .
On d i s a i t aussi BOUCÈTE.
BOUCHAGE
BOUCHAGE s. m . ( b o u - c h a - j e — r a d . bou-
cher). Action d e b o u c h e r : Le BOUCHAGE des
bouteilles, n Ce q u i s e r t à b o u c h e r : Un BOU-
CHAGE solide, hermétique.
— T e c h n . T e r r e d é t r e m p é e e t p é t r i e , q u i
s e r t d a n s les forges p o u r la coulée.
BOUCIIÀ1N {Iiuchanium), ville d e F r a n c e
(Nord), ch.-l. de c a n t . , a r r o n d . e t à 18 kilom.
S.-O. d e V a l e n c i e n n c s , place forte s u r l ' E s -
c a u t ; pop. a g g l . 990 h a b . — p o p . tôt. i , 5 0 i h a b .
T e i n t u r e r i e s , b r a s s e r i e s , raffineries do sel e t
de sucre , t a n n e r i e s . On y r e m a r q u e la t o u r
d ' O s t r e v e n t , reste d e l'ancien c h â t e a u . C e t t e
p l a c e d e g u e r r e , p r o t é g é e p a r des écluses qui
p e r m e t t e n t d'inonder le p a y s e n c a s d e s i è g e ,
fut a s s i é g é e et prise en 1477 p a r Louis X I , qui
faillit y p e r d r e l a v i e d'un coup d e f a u c o n -
n e a u , Louis X I V s'en e m p a r a , en 1676, a p r è s
cinq j o u r s d e t r a n c h é e o u v e r t e . L e s alliés la
r e p r i r e n t en 1711, mais le m a r é c h a l d e Vil-
l a r s la r e p r i t l'année s u i v a n t e .
BOUCHARD
BOUCHARD ( A m a u r y ) , chancelier du roi
de N a v a r r e , n é à S a i n t - J e a n - d ' A n g é l y dans
la seconde moitié du x v e siècle, était, a v a n t
d'avoir ce titre, m a î t r e des r e q u ê t e s e t p r é s i -
d e n t à S a i n t e s . On a d e lui u n e apologie des
femmes : Feminei sexus apologia(Paris, 1512,
in-4
u
), qu'il a v a i t écrite pour réfuter les. idées
émises p a r un j u r i s c o n s u l t e r e n o m m é , T i r a -
queau.
BOUCHARD
BOUCHARD ( A l a i n ) , historien breton du
xV« siècle, m o r t a p r è s 1513. Il fut d'abord
a v o c a t au p a r l e m e n t de R e n n e s ; il e s t le p r e -
mier qui a i t donné u n e histoire complète d e
la B r e t a g n e . S e s Grandes cronicques de Bre-
taigne, publiées en 1514 , o n t été fort m a l t r a i -
tées p a r les b é n é d i c t i n s ; mais on r e c o n n a î t
aujourd'hui qu'il s'y t r o u v e d e s p a r t i c u l a r i t é s
c u r i e u s e s r a c o n t é e s dans u n style naïf e t pit-
t o r e s q u e , n o t a m m e n t le récit j o u r p a r j o u r d e
l'expédition d e C h a r l e s VIII à" N a p l e s .
BOUCHARD
BOUCHARD ( A l e x i s - D a n i e l ) , docteur e n
théologie e t e n d r o i t , né à Besançon v e r s 1680,
m o r t en 1758. Il composa b e a u c o u p d ' o u v r a -
ges, dont la p l u p a r t n'ont point é t é publiés ;
c e u x qui furent imprimés s o n t : Juris Cœsaris
seu cîvilis inslilutiones brèves, admodum fa-
ciles et accuratœ (1713), e t Summa conciliorum
generalium seu ftomanœ catholicœ Ecclesiœ
(1717).
BOUCHARD
BOUCHARD (le chevalier A r m a n d DE), offi-
cier d i s t i n g u é , n é en P r o v e n c e v e r s 1750,
m o r t en 1827. Il e n t r a d a n s les g a r d e s du
c o r p s , et fréquenta la maison du comte de Cler-
m o n t - T o n n e r r e , qui s e plaisait h r é u n i r d a n s
ses salons un g r a n d n o m b r e d'esprits distin-
g u é s . Ce fut alors qu'il composa la jolie c o -
médie intitulée les Arts et l'Amitié (1788), en
un acte e t en v e r s libres, dont le succès a u
T h é â t r e - I t a l i e n a u r a i t dû l ' e n g a g e r à en é c r i r e
d ' a u t r e s , e t qui c o m m e n ç a Ta r é p u t a t i o n d e
M»
i e
Saint-Aubin p a r le rôle t o u c h a n t d e
B o n n e . P e n d a n t l a R é v o l u t i o n , le c h e v a l i e r
de Bouchard d e v i n t adjudant g é n é r a l , e t fut
ensuite c h a r g é du c o m m a n d e m e n t militaire d e
l'Ain. Il n e cessa j a m a i s de c o r r e s p o n d r e a v e c
des l i t t é r a t e u r s distingués, p a r m i lesquels o n
p e u t citer M. d e Bavante, e t il s'amusait quel-
quefois à écrire d e jolis v e r s , qui n'ont p a s
été publiés.
BOUCHARD
BOUCHARD ( H e n r i ) , m a g i s t r a t français, n é
à L y o n v e r s 1761, m o r t quelques a n n é e s a v a n t
la révolution d e 1830. A p r è s avoir é t é reçu
d o c t e u r en droit, il suivit d'abord le b a r r e a u ,
fut n o m m é conseiller de p r é f e c t u r e de la Côte-
d'Or, m e m b r e du Corps législatif, puis p r o c u -
r e u r g é n é r a l à la cour impériale d e P o i t i e r s .
II fit aussi partie d e l a C h a m b r e d e s d é p u t é s
d a n s l e s p r e m i è r e s a n n é e s d e l a R e s t a u r a -
tion. A p r è s avoir longtemps souffert d'une
maladie qui n e lui p e r m e t t a i t p a s d e r e m p l i r
sa fonction d e p r o c u r e u r g é n é r a l , quoiqu'il
en e û t toujours c o n s e r v é le t i t r e , il fut r e m -
placé p a r M a n g i n , qui devint e n s u i t e p r é f e t
d e police à P a r i 3 . B o u c h a r d n e m a n q u a i t p a s
d'une c e r t a i n e é l o q u e n c e , qu'il e u t l'habi-
leté d e m e t t r e a u s e r v i c e d e toutes les r é a c -
tions. S a l o n g u e c a r r i è r e p a r l e m e n t a i r e n e
fut qu'un plaidoyer en f a v e u r des a c t e s d e l a
police, d'une stricte célébration du d i m a n c h e ,
de la revendication des biens du c l e r g é , n o n
v e n d u s , e t du maintien d e la t a x e s u r le s e l ;
en r e v a n c h e , il détestait cordialement la l i -
. b e r t é d e la p r e s s e . Michaud, peu révolution-
n a i r e , c o m m e on sait, dit d e lui qu'en raison
de s e s d e u x t i t r e s d e p r o c u r e u r g é n é r a l e t
de m e m b r e du Corps législatif, il r e c e v a i t
15,000 fr. pour p a r l e r e t 10,000 fr. p o u r s e
t a i r e . Ce t r a i t e s t bon à e n r e g i s t r e r .
BOUCHARD
BOUCHARD (David). V. A U B E T E R R E (D*).
BOUCHARD-CHANTEREAUX
BOUCHARD-CHANTEREAUX ( N i c o l a s - R o -
b e r t ) , naturaliste français, n é à Boulogne-sur-
Mer en 1802, m o r t dans c e t t e ville en 18G4.
Bouchard a publié s u r les animaux inférieurs
un certain n o m b r e d e monographies très-es-
t i m é e s , p a r m i lesquelles nous citerons le
Catalogue des crustacés du Boulonnais, u n e
Notice sur te genre ancyle, le Catalogue des
mollusques marins observés sur tes côtes du
détroit, le Catalogue des mollusques terrestres
et fluviatiles du Pas-de-Calais, enfin u n m é -
moire s u r l e s hélices saxicaves, qui fut t r è s -
r e m a r q u é . E n paléontologie, on lui doit plu-
s i e u r s t r a v a u x i m p o r t a n t s s u r l e s g e n r e s
Productus, Magas, Davidsonia, Limanomya.
BOUCHARDATBOUCHARDAT ( A p o l l i n a i r e ) , chimiste et
p h a r m a c i e n français, n é a l ' I s l e - s u r - l e - S e r e i n
(Yonne) v e r s 1810. A g r é g é d e la F a c u l t é d e
m é d e c i n e d e P a r i s en 1832, il a é t é s u c c e s s i -
v e m e n t p h a r m a c i e n en cher de l'iiôpital S a i n t -
Antoine e t d e l'Hôtel-Dieu (1834-1855), m e m -
b r e d e l'Académie d e médecine (1850) e t du
conseil d e s a l u b r i t é , puis professeur d'hy-
giène à la F a c u l t é (1852), e t c . Ses t r a v a u x
sont nombreux e t importants : Cours de chimie
élémentaire (1834-1835, 2 v o l . in-so); Chimie
organique (1835) ; Cours des sciences physiques
(1841-1844, 3 v o l . ) ; Eléments de matière mé-
dicale et de pharmacie (1838); VAnnuaire de
thérapeutique, qui p a r a î t depuis 1841 ; Nou-
veau formulaire magistral (1840), qui a e u plu-
sieurs éditions; Formulaire vétérinaire (1849);
Opuscules d'économie rurale (1855) ; le Réper-
toire de pharmacie, recueil mensuel qu'il di-
rige depuis 1847. On lui doit aussi d e s m é -
moires d'un h a u t intérêt, n o t a m m e n t un Essai
sur le lait et les maladies déterminées par une
lactation exagérée; u n e Etude sur l'influence
des eaux potables sur la production du goitre
et du crétinisme ; u n e notice s u r le Chloro-
forme; u n travail s u r le Diabète sucré ou
Glucosurie, e t d'importants m é m o i r e s p r é s e n -
t é s à l'Académie d e médecine.
C e p e n d a n t M. B o u c h a r d a t , q u j e s t B o u r g u i -
g n o n a v a n t d'être p h a r m a c i e n , s'est c r u
obligé de s'occuper d'un a u t r e liquide q u e des
e a u x qui produisent le goître e t le c r é t i u i s m e ;
il a publié u n e série d e t r a v a u x fort i n t é r e s -
s a n t s s u r la vigne e t les vins : Etudes sur les
produits des cépages de Bourgogne (l S4G) ; Sur
les cépages du centre de la France et du Midi
(1850); Sur la dégénération et la perfection
des cépages cultivés (1849); Sur les vignes de
semis (1852).
B O U C H A R D E S. f. ( b o u - c h a r - d e ) . S c u l n t .
S o r t e do ciseau e n acier t r e m p é , p o r t a n t des
a s p é r i t é s appelées p o i n t e s d e d i a m a n t s , e t
s e r v a n t à p r a t i q u e r d a n s l e m a r b r é l e s o u -
v e r t u r e s qu'on o b t i e n d r a i t difficilement p a r
l'emploi du ciseau t r a n c h a n t .
— C o n s t r . M a r t e a u à t ê t e découpée en
p o i n t e s d e d i a m a n t s , avec lequel on a c h è v e
d e t a i l l e r l e s p i e r r e s d u r e s d é g r o s s i e s a u
ciseau.
BOUCHARDE,
BOUCHARDE, É E (bou-char-dé) p a r t . p a s s .
du v . B o u c h a r d e r . Dalle B O U C H A R D E .
BOUCHARDER
BOUCHARDER v . a. ou t r . ( b o u - c h a r - d ô
— r a d . boucharde). C o n s t r . T r a v a i l l e r avec la
b o u c h a r d e : BOUCHARDER une bordure de trot-
toir, un socle de colonne.
BOUCHARDONBOUCHARDON ( F d m e ) , s t a t u a i r e , n é h
C h a u m o n t (Haute-Marne) en 169S, m o r t a
P a r i s en 1762. Il r e ç u t de son p è r e , s c u l p t e u r
et a r c h i t e c t e , les p r e m i è r e s notions du dessin,
puis e n t r a h P a r i s dans l'atelier d e Coustou
le j e u n e , e t r e m p o r t a le g r a n d prix e n 1722.
Il r e s t a dix ans a R o m e , où il dessina d ' a p r è s
l'antique e t d ' a p r è s l e s m a î t r e s italiens u n
g r a n d n o m b r e d'études, e t où il e x é c u t a d i -
v e r s t r a v a u x , e n t r e a u t r e s les b u s t e s d e Clé-
m e n t X I I e t des c a r d i n a u x d e P o l i g n a c e t do
R o h a n . S a r é p u t a t i o n , déjà, c o n s a c r é e , lui v a l u t
d'être r a p p e l é e n F r a n c e p a r un o r d r e du r o i ,
qui le n o m m a son s c u l p t e u r ordinaire et le
c h a r g e a d e n o m b r e u x o u v r a g e s pour Versail-
les, Gr.osbois e t a u t r e s résidences. Dessinateur
de l'Académie des b e a u x - a r t s en 1745, il fut
n o m m é professeur deux a n s plus t a r d . B o u -
c h a r d o n fut l'un d e s statuaires l e s p l u s r e -
m a r q u a b l e s du xvnrc siècle. L'influence de s e s
l o n g u e s études à R o m e se fait sentir dans s o n
dessin, qui e s t noble e t c o r r e c t , bien qu'un
p e u froid: s e s modelés étaient v r a i s e t bien
étudiés. Il c h e r c h a i t la g r â c e e t la r e n c o n t r a i t
s o u v e n t ; mais quelquefois aussi il t o m b a i t
d a n s le m a n i é r é , moins c e p e n d a n t e t plus r a -
r e m e n t q u e les a u t r e s artistes d e son époque.
Artiste c o n s c i e n c i e u x , il n ' a v a i t toutefois ni
assez d e force ni assez de p u r e t é pour r e l e v e r
l'art d e s a d é c a d e n c e . Ses œ u v r e s principales
sont: Saint Charles Borrornée,un Triton et deux
Amours, le Roi et le Dauphin, à V e r s a i l l e s ;
Jésus-Christ, la Vierge, six Apôtres, u n tom-
beau, à S a i n t - S u l p i c e ; l a Fontaine d e la r u e
de Grenelle ; la Statue équestre de LouisXV,
s u r l a p l a c e de c e nom, e t qui d i s p a r u t à la
R é v o l u t i o n (le c h e v a l p a s s a i t pour u n chef-
d ' œ u v r e ) ; l'Amour taillant son arc dans la
massue a'Hercule, au L o u v r e , e t c . Il a laissé
en outre des dessins fort estimes. j-.e=. plan-
ches d e YAnatomie d e H u g n i e t e t du Traité
des pierres gravées d e Mariette ont é t é g r a -
v é e s d ' a p r è s lui.
L e s m œ u r s d e B o u c h a r d o n se c o n s e r v è r e n t
simples et p u r e s dans u n siècle d e frivolité.
C'est lui qui disait s o u v e n t : • Quand je lis
l'Iliade, je crois avoir vingt pieds de haut. »
S e s o u v r a g e s se r e s s e n t e n t d e l'élévation
d'âme q u e lui causait l a lecture du poëte g r e c .
•
BOUCUARDYBOUCUARDY (Joseph), a u t e u r d r a m a t i q u e
BOUC
français, né à Paris en 1810, est fils et frère
d'artistes peintres et graveurs, originaires de
Lyon, et dont les œuvres ont fréquemment
ligure aux. expositions jusque dans ces der-
niers temps. Après avoir été lui-même un des
meilleurs élèves de Reynolds, l'admirable
graveur anglais, après avoir produit un cer-
tain nombre de planches à l'aqua-tinta desti-
nées au commerce, il se lia avec M. Eugène
Deligny, et débuta avec lui au théâtre vers
1S36, par un vaudeville, le Fils du Bravo, et
un drame en un acte, Hermann l'ivrogne. Il
donna ensuite seul une série de drames qui
révélèrent son extrême adresse dramatique
à se tirer des surprises et des complications
les plus extraordinaires. Gaspardo le pêcheur,
en quatre actes (1837), eut de nombreuses re-
présentations, et rendit le nom de l'auteur
populaire au boulevard. Il fut suivi de Longue-
Epée le Normand, en cinq actes (1837) ; le
Sonneur de Saint-Paul, en quatre actes (1838),.
dont la vogue dépassa encore celle de Gas-
pardo le pêcheur ; Christophe le Suédois, en
cinq actes (1S39) ; Lazare le pâtre, en quatre
actes (1840), un des plus grands succès de
M. Bouchardy, Paris le bohémien, en cinq
actes (1842); les Enfants trouvés, en trois
actes (1843); les Orphelines d'Anvers, en cinq
actes (1844) ; la Sœur du muletier, en cinq
actes (1845) ; Bertram le matelot, en cinq ac-
tes (1847): la Croix de Saint-Jacques, en six
tableaux (1850) ; Jean le cocher, en cinq actes
(1852); le Secret des cavaliers, en cinq actes
(1857)- Michaêl l'esclave, en cinq actes (1850);
Philiaor, en cinq actes (1S63). Ces pièces,
qui échappent à. l'analyse, tant les incidents y
sont entassés, pressés, accumulés, ont été
données, transportées ou reprises sur les
scènes de l'Ambigu, de la Gaîté et de la
Porte-Saint-Martin, selon les pérégrinations
de leurs divers interprètes, parmi lesquels
nous citerons en première li^ne M. Frédérick-
Le maître. M. Bouchardy a fait jouer aux Va-
riétés, en avril 1849, un petit vaudeville in-
terprété par Bouffé et intitulé Vendredi. Il a
écrit, pour la Galerie artistique et dramatique
de 1853, les biographies de MM. Francisque
aîné, Saint-Ernest et Mélingue, pour qui il a
composé différents rôles.
M. Bouchardy, dont les productions nou-
velles sont devenues fort rares, a été autre-
fois le grand imprésario des terreurs du bou-
levard. Il a personnifié, surtout à ses débuts,
le drame noir et terrible des anciens jours, le
drame a ficelles , pour nous servir d une ex-
pression consacrée. Il est peut-être le"" seul,
parmi les dramaturges modernes, qui ait con-
servé le sérieux des Eschyles de l'Ambigu
d'autrefois, la foi des Euripides de la Gaîté
du meilleur temps. Non-seulement il possède
à fond toutes les ressources qu'il faut pour
bien enchevêtrer les charpentes d'une action, !
faire naître et grandir la curiosité, pousser
l'intérêt jusqu'à l'exaspération, mais il croit
en son œuvre- Chez lui, jamais un mot scepti-
3
ue ne vient jeter de doute sur les sentiments
es personnages ; ses coups de théâtre sont
sincères jusqu'à l'heure suprême où les mé- ;
chants sont punis et les bons récompensés. II '<
a la sincérité inaltérable des premiers âges
dramatiques^ et accomplit d'une main con-
vaicue son rôle de Providence incarnée, qui
se révèle invariablement entre onze heures et
minuit, à la grande satisfaction des chérubins
du paradis... de l'Ambigu. Cette croyance au
mélodrame explique la réussite de Gaspardo,
du Sonneur de Saint-Paul et de Lazare le pâ-
tre; elle explique pourquoi les pièces de
M. Bouchardy, traduites en castillan, ont ob-
tenu des succès d'enthousiasme par toutes les
Espagnes ; elle nous donne le secret de ces
représentations à recettes vraiment fabuleu-
ses, qui les ont suivies dans tous les endroits
de la terre où l'on pose quatre planches sur
deux tréteaux dans une intention de théâtre. Il
ne faut pas, il est vrai, demander à cet au-
teur, qui a confectionné pour le crime l'oreil-
ler le plus rembourré d'épines et de remords
qu'on ait jamais imaginé, il ne faut pas lui
demander des pensées fortes, des cris de
l'àme, de beaux élans vers l'idéal, de ces ob-
servations que les rêveurs savent seuls faire
avec leur œil qui semble ne rien voir,, et sur-
tout du style. Non. Ne j.ui demandez pas da-
vantage des développements, des explications,
des phrases; il ne comprend, lui, que les faits,
(i Des faits, rien que des faits, grand pieu!
disait, en 1842, M.Théophile Gautier; devrais
miracles, qui semblent à tout le monde
très-simples et très-naturels. La poétique de
Bouchardy est basée sur l'exemple suivant :
« Toi ici! par quel prodige? mais tu es mort
> depuis dix-huit mois ?... — Silence ! c'est un
» secret que je remporterai dans la tombe 1 »
répond le personnage interpellé ; et l'ac-
tion continue. Rien n'est plus expliqué que
cela. Il faut convenir que les héros de M. Bou-
chardy sont peu curieux et peu questionneurs
de leur nature. Tout cela n'empêche pas Pâ- \
ris le bohémien de former un spectacle d'un
intérêt soutenu, et qui vous tient en suspens :
pendant cinq heures d'horloge. Il y a là-des- '
sous, à travers le fatras et l'incohérence, les
boursouflures etle mauvais style, une certaine
grandeur, une puissance incontestable et un '
sentiment poétique très-réel. »
Deux ans auparavant, à propos de Lazare .
le pâtre, M. Théophile Gautier avait donné t
des œuvres de cet habile et heureux écrivain
dramatique une sorte de caractéristique à la-
quelle nous emprunterons les lignes suivan-
tes : t M. Bouchardy, quoiqu'il ait un plus
BOUC
juste sentiment du dialogue que les mélodra-
maturges ordinaires, n'est nullement un bon
écrivain. Il ne sculpte pas sa phrase, brisée à
tout moment par les nécessités d'une action
convulsive et haletante, et ne s'arrête jamais,
une fois lancé; cependant, ce qu'on peut
apercevoir de son style, aux bien rares temps
d arrêt de ses drames, ne saurait supporter
un examen sérieux. L'analyse des passions
et des caractères tient également peu de place
dans ces œuvres singulières. La poésie, la
fantaisie en sont absentes. Il n'y a pas da-
vantage de philosophie, et le sens moral y
manque entièrement. Comment donc, sans
tout cela, l'auteur parvient-il à des succès si
réels et si francs? Par la complication exces-
sive de la charpente, l'entassement des faits
et l'absence de développement, par une cu-
riosité harcelée sans relâche et satisfaite à
tout prix, même aux dépens de la vraisem-
blance et de la logique. Chaque acte est une
pièce entière, et une pièce très-embrouillé.e ;
et il faut la robuste attention et la naïveté ar-
dente du public des boulevards pour ne pas
perdre le fil qui conduit les héros à travers
un pareil labyrinthe d'événements. Jamais
on n'a plus dédaigné les préparations et les
motifs. La situation exige qu'un personnage
paraisse : il se présente sur-le-champ, sans
dire ni d'où il vient, ni comment il est venu,
tranche la difficulté, et s'en va jusqu'à ce
qu'on ait encore besoin de lui; et ces entrées
si brusques, qui n'ont d'autre motif que le dé-
sir où est le spectateur de voir arriver le per-
sonnage nécessaire, sont toujours acceptées
et applaudies à outrance. Quant à nous
?
de
telles pièces nous font l'effet de ces rêves
fourmillants, où vont et viennent mille figu-
res bizarres, et où les événements les plus
incroyables se succèdent, sans égard aux
temps et aux lieux, et sont admis par le
dormeur comme les choses du monde les plus
ordinaires et les plus simples... > Citons,
comme assez rare et digne de remarque, le
fait de M. Bouchardy résistant à l'exemple,
donné par ses confrères en vaudevilles et en
mélodrames, d'une collaboration qui menace
d'envahir outre mesure le théâtre ; M. Bou-
chardy écrit et fait seul jouer ses pièces.— Le
nom de M. Bouchardy a figuré par erreur dans
les nécrologes de l'année 1852.
BOUCHARI
BOUCHARI s. m. (bou-cha-ri). Ornith.
Nom de la pie-grièche en Bourgogne.
BOUCHÀRIAT
BOUCHÀRIAT (Jean-Louis), mathémati-
cien et littérateur français, né à Lyon en 1775,
mort à Paris en 1848. Il entra à l'Ecole poly-
technique comme élève, puis y resta quelque
temps comme répétiteur adjoint. Il fut en-
suite nommé professeur de mathématiques
transcendantes à l'Ecole militaire de La Fère,
emploi qu'il conserva jusqu'à la suppression
de cette école. Alors il s'occupa de littérature
et professa les belles-lettres à l'Athénée de
Paris. Il fit paraître dans l'A Imanach des
Muses diverses poésies, telles que Y Episode
du géant Adamastor, traduit du Camoëns; pu-
blia la Mort d'Abel, le Jugement dernier, en
douze chants (1808); un Cows de littérature
faisant suite à celui de La Harpe (1826). Ses
principaux ouvrages de mathématiques sont :
Eléments du calcul différentiel (1838), et
Théorie des courbes et des surfaces de second
ordre (1810).
BOUCIIAUD
BOUCIIAUD (Mathieu-Antoine), juriscon-
sulte et économiste, né à Paris en 1719, mort
en 1804. Il était, par sa mère, petit-neveu de
Gassendi. Longtemps repoussé du doctorat
par la faculté de droit, à cause de ses opinions
philosophiques et de sa collaboration à \'En-
cyclopédie, il fut admis enfin lorsque sa répu-
tation eut rendu cette exclusion de plus en
plus scandaleuse, obtint, en 1774, une chaire
de droit naturel et des gens au Collège de
France, et fut nommé conseiller d'Etat en
1785. L'Académie des inscriptions lui avait
ouvert ses portes en 176G. Outre ses articles
de jurisprudence et d'histoire ecclésiastique
dans l'Encyclopédie, on a de lui : Essai his-
torique sur l'impôt du 20
e
sur les successions,
et de l'impôt sur les marchandises chez les
Jiomains (1774); Recherches sur la police des
Domains concernant les grands chemins, les
rues et les marchés (1784, in-8°) ; Théorie des
traités de commerce entre les nations (1773) ;
Commentaire sur la loi des Douze lubies
(1787) ; c'est le travail le plus complet qui ait
été fait sur ces fragments mutilés de la lé-
gislation primitive des Romains.
BOUC1IAUTE, commune de Belgique, pro-
vince de la Flandre orientale, arrond. et à
18 kilom. N. de Gand, près des frontières de
Hollande ; 2,071 hab. Ancien château fort.
BOUCHE
BOUCHE s. f. (bou-clie — lat. ôùcca, même
sens). Cavité qui, chez l'homme, s'ouvre à la
partie antérieure et inférieure de la face, et
qui, située entre les deux mâchoires, sert à
1 introduction des aliments et à l'émission de
la voix : Ouvrir, fermer la BOUCHE. Avoir la
BOUCHEBOUCHE saine, empestée, sèche, amère, pâteuse.
Avoir du mal dans la BOUCHE. La nature nous
a donné deux oreilles et une seule BOUCHE,
pour nous apprendre qu'il faut plus écouter que
parler. (Zenon.) La DOUCHE humaine est faite
aussi bien pour la parole que pour la mastica-
tion. (C. Dollfus.) La BOUCHE ouverte est te
signedelà sottise. (T. Thoré.) Il Se dit du même
organe chez lès animaux, à l'exception de ceux
pour lesquels l'usage a consacré une autre ex-
pression, comme bec pour les oiseaux, gueule
pour la plupart des animaux carnassiers, etc. :
BOUC
La
BOUCHEBOUCHE d'un cheval, d'un chameau, d'un
, bœuf, d'un singe. La BOUCHE d'un ver, d'un in-
secte. La
BOUCHEBOUCHE d'un saumon, d'une carpe.
On ne dit pas la BOUCHE, mais la gueule d'un
cerf. (E. Chapus.)
— Par ext. Lèvres, partie extérieure de la
bouche proprement dite : BOUCHE agréable,
petite, vermeille. Grande BOUCHE. Avoir le
sourire sur la BOUCHE. Baiser quelqu'un sur la
BOUCHE. Méfiez-vous des gens qui ont la BOUCHE
de travers. (Buff.) Dans la tristesse, les deux
coins de la BOUCHE s'abaissent. (Buff.) Sa
BOUCHEBOUCHE était fine et bien dessinée. (Alex. Dum.)
Un grand nez aquilin lui descendait sur la
BOUCHE. (Lamart.) Sa BOUCHE était fine comme
un demi-mot, enjouée comme le sourire du père
aux petits enfants. (Lamart.) Un sourire lé-
gèrement sardonique relevait les coins de sa
BOUCHE. (Lamart.)
Sa bouche a la fraîcheur de la rose nouvelle.
DESAINTANQE.
De la rose qui vient d'éclore
Sa bouche a les vives couleurs.
DE PEZAY.
(1 Organe du goût ; appareil de la mastication
et de la déglutition : Avoir la BOUCHE pleine.
Porter quelque chose à sa BOUCHE. Mettre un
morceau de pain, un morceau de viande dans
sa BOUCHE. Cela laisse à la BOUCHE un goût
fort agréable. Dès qu'un corps esculent est in-
troduit dans la BOUCHE, il est confisqué, gaz et
sucs, sans retour. (Brill.-Sav.)
Demande-t-on la bouche pleine?
Disait ma femme à son marmot.
ARNAULT.
[touche.
L'homme ici ne croit plus qu'aux choses que l'on
Au pain qu'on mange, au vin qui parfume la bouche.
A. BARBIER.
La bouche pleine, osez-vous bien
Chanter l'amour qui vit de rien?
BERANUER.
— Personne considérée par rapport à la
nourriture qu'elle consomme : Il a tous les
jours dix
BOUCHESBOUCHES les plus grandes sont celles du
peuple. (E. de Gir.) il Désigne quelquefois la
personne qui parle : C'était une BOUCHE élo-
uente. C'est à une BOUCHE savante que ce
lasphème était réservé. (J.-J. Rouss.) La ca-
lomnie est bien plus atroce quand elle sort
d'une
BOUCHESBOUCHES à nourrir. Avant le siège,
le gouverneur avait eu la précaution de faire
sortir toutes les BOUCHES inutiles. (Lav.) Paris
est un gouffre qui a un million de BOUCHES, et
les
BOUCHEBOUCHE parasite. (Livry.) Je ne crois pas
que depuis longtemps aucune BOUCHE nous ait
adressé des paroles plus humiliantes. (Du-
panloup.)
Laissez parler, seigneur, des bouches plus timides.
RACINE.
Il G o u r m a n d ou g o u r m e t : C'est une BOUCHE
insatiable. Quelle fine BOUCHE il y a là!
— O r g a n e d e la v o i x , p a r o l e , discours :
L'homme ne vit pas seulement de pain, mais de
toute parole qui sort de la BOUCHE de Dieu.
( E v a n g i l e . ) Nous fûmes étonnés de la sagesse
gui parlait par sa BOUCHE. ( F é n . ) La sentence
fut prononcée par la BOUCHE du prophète E lie.
(Boss.) Vous vous condamnez par votre propre
BOUCHE. (Mass.) Les ressouvenirs de ta vie gas-
tronomique sont à leur place dans la BOUCHE
du citadin. (Stc-Beuve.) La BOUCHE ne verse
que le trop-plein du cœur. ( R e n a n . ) La BOUCHE
est mauvaise gardienne du langage. ( R e n a n . )
Quand la société prophétise, elle s'interroge
par la
BOUCHEBOUCHE des uns, et se répond par la
BOUCHEBOUCHE des autres. ( P r o u d h . ) Le principe des
nationalités n'est quun leurre dans la BOUCHE
des unitaires. ( P r o u d h . )
Voici.cûmme ce Dieu vous répond par ma bouche.
RACINE.
De mon cœur en tout temps ma bouche est l'interprète.
RACINE.
Malheureuse! quel nom est sorti de ta bouche!
RACINE.
De votre bouche, ô ciel! puis-je l'apprendre!
RACINE.
Confirmez cet hymen d'un mot de votre bouche.
CRÉBILLON.
Leur boxichc ne vomit qu'injures et blasphèmes.
J.-B. ROUSSEAU.
Ma bouche ne dit rien que mon cceur n'autorise.
REGNARD.
Chante, juge, bénis, ta bouche est inspirée
V. HUGO.
Ah! le mépris va bien à. la bouche de Dante.
A. BARBIER.
Séneque est un sot dans ta bouche.
Puisqu'il ne me dit rien de tout ce qui me touche.
MOLIÈRE.
Ta bouche, aux passions du peuple descendue.
S'est ouverte aux jurons de la fille perdue.
A. BARBIER.
Madame Alix, menteuse, fière et riche,
A qui chacun voyait de belles dents,
A table, un jour, devant maîtres et gens
Laissa tomber son râtelier postiche.
"Vous jugez bien les propos et les r i s ;
Vous jugez bien si l'accident la touche.
> Moi, dit Damon, je n'en suis point surpris;
Je sais que tout est faux dans cette bouche. •
il Dans ce sens, est souvent opposé à cœur,
lorsqu'on veut opposer ou comparer la parole
à la pensée ou au sentiment; Quoi!tu prends
pour de bon argent ce que je viens de dire? lit
tu crois que ma BOUCHE était d'accord avec mon
cœur? (Mol.) Madame Denis déclame du cœur,
et chez vous on déclame de la BOUCHE. (Volt.)
/ / faut avoir une pudeur tendre ; le désordre
intérieur passe du cœur à la BOUCHE, et c'est
ce qui fait les discours déréglés. (Mme de Lam-
bert.)
. BOUC 1045
Que sais-jc si le cœur a parlé par la bouche ?
MOLIÈRE.
La bouche obéit mal lorsque le cœur murmure.
VOLTAIRE.
Le cœur, pour s'exprimer, n'a-t-îl qu'un interprète?
Ne dit-on rien des yeux, quand la bouche est muette ?
RACINE.
Ah! puisse son oreille entendre sur ma bouche
L'humble bégaîment de mon cœur!
LAMARTINE.
— Fig. Organe, moyen d'exprimer, de tra-
duire au dehors les sentiments et les pen-
sées : Les nombreux bienfaits qu'il a semés
seront autant de BOUCHES prêtes à lui rendre
hommage. Les plaies d'un homme assassiné sont
autant de BOUCHES muettes qui demandent ven-
geance. (Trév.) Les trophées, les grands mo-
numents sont autant de BOUCHES qui annoncent
la gloire des héros. (Trêv.)La vérité est dans
la
BOUCHEBOUCHE de la colère, de'l'ivresse et de l'en-
fance. (Boiste.)
— Poétiq. La déesse aux cent bouches, La
Renommée, il On dit aussi LA DÉESSE AUX
CENT VOIX.
— Provisions, munitions de bouche, Vivres
dont on fait provision par avance, en pré-
voyant le cas où l'on ne pourrait se les pro-
curer au moment où ils seront nécessaires :
Xa garnison était abondamment pourvue de
MUNITIONS DE BOUCHE. Les MUNITIONS DE BOU-
CHE rtous manquèrent au milieu de notre
voyage, il Dépense de bouche, Dépense qu'on
fait pour la nourriture. Il Officiers, service de
la bouche, ou absol. la bouche, Gens préposés
au service de la table du souverain ou de
quelque grande maison : Les OFFICIERS DE LA
BOUCHE
BOUCHE du roi. Marc-Antoine préférait un OF-
FICIER DE BOUCHE à un général. (Cussy.) L'é-
cuyer tranchant découpa les viandes que lui
portait de la table un OFFICIER DE BOUCHE.
(Th. Gaut.) La BOUCHE DU ROI comprenait la
paneteric, l'échansonnerie, la cuisine, la sau-
cer ie et la fruiterie. (Dézobry.)
Servez, disais-je, à. messieurs de la bouche,
Versez, versez, messieurs du gobelet.
RÉRANGER.
Il Avoir bouche en cour ou à la cour, Avoir
droit de manger à quelqu'une des tables de
la maison du roi : Il fallut établir des tables
à Marly comme à Versailles, pour le bas étage
de ce qui'y AVAIT BOUCHE A LA couR.(St-Sim.)
— Flux de bouche, Abondance extraordi-
naire de salive, qui se produit dans certaines
maladies. Il Avoir le flux de bouche, un flux de
bouche continuel, Se dit d'un bavard; mais on
dit plus ordinairement FLUX DE PAROLES.
— Bouche d'or, Homme d'une grande ôlo-
.quence. Il C'est saint Jean Bouche d'or, C'est
un homme qui parle éloquemment, et surtout
facilement (chrusos, or; stoma, bouche), par
allus. au nom de saint Jean Chrysostome,
l'un des plus éloquents des Pères de l'Eglise.
il Se dit aussi d'un homme qui parle comme il
pense, sans timidité et sans calcul, il Bouche
pincée, Bouche à lèvres minces et qui se tien-
nent habituellement plus ou moins serrées :
Xa
BONNEBONNE BOUCHE. Il Laisser quelqu'un sur la
bonne bouche, Lui procurer une impression
finale agréable, soit par les derniers mots
qu'on lui adresse, soit par ce qu'on lui dit en
cessant de parler, ou de toute autre façon :
Vous n'en tâterez plus, et je vous LAISSE SUR
LA
BOUCHEBOUCHE PINCÉE exprime une finesse rail-
leuse.
— Loc. prov. Faire la petite bouche, Con-
tracter ses lèvres, pour paraître avoir uno
petite bouche : FAIRE LA PETITE BOUCHE est
une coquetterie qui est toujours ridicule, par ce
qu'elle est toujours visible. Vigée, faisant le
portrait de M
ute
de B..., s'aperçut que, dès
qu'il travaillait à la BOUCHE, elle mettait ses
lèvres dans la plus violente contraction pour
la rendre plus petite. Il lui dit à la fin :
Mais ne vous gênez pas, madame ; pour peu
que vous 'le désiriez, je n'en mettrai pas du
tout, n Manger peu ou être délicat sur le-
choix des mets : Tu te repais d'opinions du
matin jusqu'au soir, et puis après tu te mets à
FAIRE LA PETITE BOUCHE. (Uider.) U Faire le
difficile, le dédaigneux, le délicat : Ils ne F I -
RENT point la PETITE BOUCHE des honneurs
qu'ils reçurent. (St-Sim.)
— Bouche en cœur, Minauderie, manières
mignardes, affectées : 5a bouche se contracta
pour exprimer ce sourire de contentement que
l'on nomme familièrement faire la BOUCHE EN
CŒUR. (Balz.)
— Bouche fendue jusqu'aux oreilles, Très-
grande bouche. M. L. Veuillot, dans son der-
nier ouvrage, les Odeurs de Paris, a encore
enchéri plaisamment sur cette expression, en
disant d une chanteuse célèbre dans les esta-
minets parisiens : Elle a une bouche qui sem-
ble faire le tour de sa tête. |] Sa bouche dit à
ses oreilles que son menton touche à son nez,
Locution ironique, qui sert à caractériser ces
figures maigres et anguleuses, surtout chez
certains vieillards, où le menton et le nez se
rejoignent presque par-dessus une bouche
tres-fendue, qui semble, comme on dit, vou-
loir mordre les oreilles, n Etre, demeurer,
rester bouche béante, Rester étonné, ébahi;
prêter une grande attention.
— Bonne bouche, Goût agréable qui reste
dans la bouche : Ce vin, cette liqueur fait
BONNEBONNE BOUCHE. (Mol.) n liester, demeurer
sur la bonne bouche. Cesser de manger ou de
boire, après que l'on a bu ou mange quelque
chose qui flatte le goût; et fig., S'arrêter
après quelque chose d'agréable, dans la
crainte d'un changement, d'un retour fù-
1046 BOUC
BOUC BOUC
BOUC
cheux. n Garder pour la bonne bouche ou
vour faire bonne bouche, Réserver pour la fin
ce qu'on croit être le meilleur ou le plus
agréable : Je vous GARDE POUR LA BONNE BOU-
CHE une histoire des plus intéressantes. (Le
Sage.) Après avoir réservé, comme par instinct,
Jean-Jacques POUR LA BONNE BOUCHE, j'allais
subir enfin te charme de son raisonnement
ému et de sa logique ardente. (G. Sand.) Il Iro-
niq. Il le lui gardait pour la bonne bouche, Se
dit de celui qui, après avoir fait plusieurs
mauvais tours à quelqu'un, lui en fait un
dernier plus sanglant que les autres, n Faire
bonne bouche à quelqu'un, Lui dire des choses
agréables, lui fairo des caioleries dans le but
de capter sa confiance et de l'amener à com-
mettre une action préjudiciable à ses inté-
rêts : Ne voyez-vous pas qu'il vous FAIT BONNE
BOUCHE pour vous tromper?
— Mauvaise bouche, Mauvais goût dans la
boucho : L'excès de la boisson donne MAUVAISE
BOUCHE, n Bouche mauvaise, Bouche rendue
amère par la bile, ou infecte par l'haleine, il
Fig. Demeurer sur la mauvaise bouche,Rester
avec un échec, un affront, une impression
finale désagréable : L'empereur d'Autriche,
fort embarrassé des avantages que les Turcs
avaient remportés, ne voulait point lapaix SUR
LA MAUVAISE BOUCHE. (St-Sim.)
— Cela fait venir l'eau à la bouche, l'eau
en vient à la bouche, Se dit d'une chose agréa-
ble au goût et dont l'idée seule donne l'envie
d'en manger ou d'en boire, quand on en parle
ou qu'on en entend parler : Pour la descrip-
tion du diner, elle est à la portée de tous les
bous convives, et L'EAU EN EST VENUE À LA
BOUCHE de M. de Grignan (Mme de Sév.)
Cetto locution a été évidemment inspirée
par le salivam movere des Latins ; elle est
fondée sur la sensation qu'on éprouve dans
les organes dégustateurs, à la vue ou à la
pensée d'un mets délicieux. Brillât-Savarin
dit à ce sujet : La bouche alors se mouille, et
tout l'appareil papillaire est en titillation de-
puis la pointe de la langue jusque dans les
profondeurs de l'estomac, il Se dit de tout ce
qui peut exciter un ardent désir : Ce que vous
avez dit sur les avantages de cette entreprise
lui a fait VENIR L'EAU A LA BOUCHE.
— Traiter quelqu'un à bouche que veux-tu.
Lui faire faire tres-bonno chère : Sanclio de-
manda^ à l'hâte quel souper il pouvait leur don-
ner. L'hàte répondit qu'ils seraient SERVIS À
BOUCHE QUE VEUX-TU. (Damas-Hinard.) Il Etre
à bouche que veux-tu, Avoir tout en abon-
dance, tout à souhait, il Etre sur sa bouche,
Etre gourmand: On passerait pour un homme .
indiscret et SUR SA BOUCHE, si l'on poussait le
sardanapalisme jusqu'à sucrer son eau. (Th.
Gaut.) il Etre sujet à sa bouche, Se dit dans le
même sens.
Ma compagne de couche
l'ut, comme son papa, fort sujette à sa bouche.
SCARRON.
Il Prendre sur sa bouche, Epargner sur la dé-
pense de sa table : Il PREND SUR SA BOUCHE
les charités qu'il fait. Il S'dter le morceau de la
bouche, Se priver do manger, se priver du
nécessaire : Il S'ÔTE LES MORCEAUX DE LA BOU-
CHE pour faire une petite pension à sa mère.-
L'avare S'ÔTE LES MORCEAUX DE LA BOUCHE
pour amasser un trésor inutile. Il Manger de la
viande de broc en bouche, La manger aussitôt
qu'elle est tirée de la broche.
— Ouvrir la bouche, Parler, prendre la pa-
role: II TI'OUVRE LA BOUCHE que pour médire.
Je n'osai OUVRIR LA BOUCHE. Il n'en A pas OU-
VERT LA BOUCHE.
Mais d'en ouvrir la bouche, elle n'osa.
LA FONTAINE.
. . Quand il est là, vous n'ouvrez pas la bouche,
Et voua vous remuez tout autant qu'une souche.
PONSARD.
Il Ouvrir la bouche à quelqu'un, Le décider à
parler, le fairo parler :
On ouvre mal de force une bouche fermée.
V. Buoo.
Il Ouvrir la bouche aux cardinaux, Donner
aux cardinaux la permission de parler dans
le consistoire, ce qu'ils ne peuvent faire avant
l'accomplissement de certaines cérémonies
par lesquelles le pape leur concède cette fa-
culté. Il Fermer la bouche à quclqu'un,~Le faire
taire d'autorité, le réduire ou le décider au
silence : Cette raison, cet argument lui FERMA
LA BOUCHE. VOUS FERMEREZ LA BOUCHE à tOUS
ceux qui défendront la vérité. (Pasc.) Voilà
une réponse qui FERME LA BOUCHE. (Boss.) Elle
avait de quoi FERMER LA BOUCHE aux médi-
sants. (Hamilt.)
Ah ! l'on s'efforce en vain de me fermer la bouche.
RACINE.
On me ferme la bouche! on l'excuse, on le plaint!
RACINE.
Approuvez le respect qui me ferme la bouche.
RACINE.
Que ne puis-je fermer la bouche à mes critiques !
BERCHOUX.
Il Fermer la bouche à un cardinal. Se dit du
pape, qui met un doigt sur la bouche des
cardinaux nouvellement élus, pour leur indi-
quer qu'il leur est interdit de prendre la pa-
role dans le consistoire, jusqu'à co qu'il leur
ait ouvert la bouche par une autre cérémo-
nie.
— Avoir toujours un mot, une chose à la
bouche, Le répéter, en parler continuelle-
ment, en fatiguer les gens qui vous écoutent:
C'est un mot qu'il A toujours A LA BOUCHE. A\!
ils M'ONT que ce mot k LA BOUCHE : de l'argent.
Mol.) On A sans cesse l'Etat DANS LA BOUCHE.
Mass.) Ne soyez point de ces discoureurs qui
ONT A LA BOUCHE de belles maximes, dont ils
ne savent pas faire l'application, (Boss.) Oui,
vous vous en souciez bien de la chose publique,
ils n'ONT que cela A LA BOUCHE. (Th. Leclercq.)
Avoir toujours en bouclie angles, lignes, fossés.
CORNEILLE.
Il Avoir la bouche pleine d'une chose, En par-
ler avec enthousiasme ou continuellement.
— Aller, passer, voler de bouche en bouche^
Se répandre, devenir public, être divulgue
bu célébré : Cette nouvelle VA DE BOUCHE EN
BOUCHE. Son nom VOLAIT DE BOUCHE EN BOUCHE.
Ce qu'il avait dit à ses amis, PASSANT DE BOU-
CHE EN BOUCHE, s'accrut rapidement. (Grimm.)
Tous ces récits, commentés et embellis en PAS-
SANT DE BOUCHE EN BOUCHE... (Mérimée.)
Ces mots : Guerre aux tyrans, volent de bouche en
\bouchc.
C. DELAVIQNE.
Quand de Sémonvillo harangua
Le jeune prince dans sa couche :
• Monsieur, votre discours me touche, •
Dit le prince en faisant caca.
Cela passa de bouche en bouche.
Il Etre dans la bouche de tout le monde . Etre
dans toutes les bouches, Etre le sujet de toutes
les conversations : Cette parole, cette nouvelle
EST DANS LA BOUCHE DE TOUT LE MONDE, EST
DANS TOUTES LES BOUCHES. Son nom, sa gloire
SONT DANS TOUTES LES BOUCUES. Alexandre
vit DANS LA BOUCHE DE TOUS les hommes, sans
que sa gloire soit effacée ou diminuée depuis
tant de siècles. (Boss.)
— Ne pouvoir tirer un mot de la bouche de
quelqu'un, Ne pouvoir le faire parler.
Nous n'avons pu tirer un mot de votre bouche.
DESTOUCHES.
— Arracher quelque chose de la bouche de
quelqu'un. Le forcer ou le décider difficilement
a parler, l'engager à dire ce qu'il voudrait
taire :
— Dire tout ce qui vient à la bouche, Parler
sans contrainte, avec franchise et liberté, ou
bien étourdiment, sans réflexion. Il Avoir le
cœur sur la bouche, Parler comme on pense;
parler avec franchise :
Mais moi, qui suis sensible A tout ce qui vous touche,
Qui, mauvais courtisan, ai le cœur sur la louche.
UOTROU.
On dit plus ordinairement : Avoir le cœur
sur les lèvres, il Dans la bouche de, Selon, d'a-
près les paroles de, au dire de : Le Tartufe,
DANS LEUR BOUCHE, est une pièce qui offense la
piété. (Mol.) Il Etre fort en bouche, Parler
avec beaucoup de hardiesse et même d'inso-
lence. Molière a dit • Etre
r
ort en gueule.
— Bouche close, bouche cousue, Locutions
elliptiques par lesquelles on avertit qu'il faut
garder le secret sur l'affaire dont il s'agit :
Adieu! BOUCHE COUSUE, au moins! Cardez
bien le secret, que le mari ne le sache pas.
(Mol.)
Encore un coup, motus,
Souche cousue; ouvre les yeux sans plus.
LA FONTAINE.
— Prov. Il-dit cela de bouche, mais le cœur
n'y touche, II parle contre sa pensée. Il Gou-
verne ta bouche selon ta bourse, Ne fais pour
ta table, ni pour quoi que ce soit, plus de
dépenses que t a fortune ne t'en permet, il
Qui garde sa bouche garde son âme, Expres-
sion proverbiale, qui n'est que la traduction
de ces paroles de Salomon : Qui custodit os
suum custodit animam suam, et qui signifie
qu'il faut veiller soigneusement sur ses pa-
roles, il II arrive beaucoup de choses entre la
bouche et le verre, Il ne faut qu'un moment
pour faire manquer une affaire par un acci-
dent imprévu. C'est un proverbe grec faisant,
dit-on, allusion à l'histoire d'Ancée, roi do
Crète, qui, ayant déposé sa coupe pleine pour
aller combattre un sanglier qui ravageait sa
vigne, fut tué par cet animal.
— Loc. adv. De bouche, s'expliquer de bouche,
De vive voix, par la parole : Les filles, par
pudeur, refusent DE BOUCHE ce qu'elles vou-
draient, au fond du cœur, qu'on les forçât de
donner. (Shakspeare.) C'étaient des satisfac-
tions si sensibles, que je ne te les pourrais dire
DE BOUCHE. (Pasc.) Vous pourries vous con-
certer avec lui DE BOUCHE. (J.-J. Rouss. ) Il
A pleine bouche, Ouvertement : Jésus-Christ
s'est expliqué k PLEINE BOUCHE. (BOSS.) Saint
Clément expliquait À PLEINE BOUCHE leur apa-
thie. (Boss.) Ce sens a vieilli et la locution A
pleine bouche ne se dit plus guère qu'au pro-
pre : Manger à pleine bouche, il Bouche à bou-
che, La bouche de l'un contre celle de l'autro.
Se dit de deux personnes qui s'embrassent :
Elle arriva juste à point pour voir le capitaine
et le roi BOUCHE À BOUCHE, se donnant le baiser
d'adieu. (R. About.) il Parler bouche à bouche,
Parler à la personne même à qui on veut
faire savoir quelque chose.
— Nom que l'on a donné aux orifices par
lesquels les racines des plantes aspirent les
sucs nécessaires à la nutrition du végétal :
Les végétaux ont leurs BOUCHES OU leurs raci-
nes en bas, et leurs parties sexuelles ou fleurs
en haut. (B. de St-P.)
— Embouchure d'un fleuve : Les BOUCHES
du Nil. Les BOUCHES du Danube, du Gange..
Les
BOUCHEBOUCHE du four. (E. About.) Son
visage, inépuisable répertoire de masques, fai-
sait des grimaces plus convulsives et plus fan-
tasques que les BOUCHES d'un linge troué dans
un grand vent. (V. Hugo.)
— Féod. Devoir à son seigneur la bouche et
t
les mains, Etre tenu de le baiser et de lui
1
présenter Jes mains. Il Homme de bouche et de
main, Homme tenu à. ces actes de vassalité.
— Ane. prat. Ouïr quelqu'un par sa bouche,
L'entendre en personne.
— Artill. Ouverture antérieure d'une pièce
d'artillerie : La BOUCHE d'un canon, d'un mor-
tier, d'un obusier. Se jeter devant la BOUCHE
des canons. Les ca)wns se fondent en situation
perpendiculaire, la culasse au fond et la BOU-
CHE en haut. (Buff.) Au printemps, les petits
oiseaux viennent faire leurs nids dans la BOU-
CHE des obusiers. (V. Hugo.)
Et par cent bouches horribles
L'airain sur ces monts terribles,
Vomit le fer et la mort. BOILEAU.
Il Bouches à feu, Nom générique par lequel
on désigne les canons, mortiers, obusiers,
pierriers, et tous les appareils destinés à lan-
cer de gros projectiles par l'explosion do la
poudre. [I On dit poétiquement dans le même
sens : Bouche de cuivre, bouche d'airain : On
entrevoit, par les portes entre-bâillées, ces for-
midables
BOUCHESBOUCHES du Rhône. Les grands fleuves ont
plusieurs BOUCHES, dont les intervalles ne sont
remplis que des sables ou du limon qu'ils ont
charriés. (Buff.)
Vers la bouche d'un fleuve Us ont osé paraître.
CORNEILLH.
Jusqu'aux bouches du Tibre un vaisseau m'a conduit,
^ M.-J. CIIÉNIER.
tl Entrée d'un golfe, d'un détroit : La BOUCHE
du golfe de Venise. Les BOUCHES de Bonifacio.
— Orifice, entrée, ouverture d'un lieu, d'un
objet quelconque : La BOUCHE d'un four, d'un
tuyau, d'un puits. La BOUCHE d'un volcan, d'un
abîme, de l'enfer. La grande BOUCHE du volcan
est près du centre du cratère. ( Buff.) Le jour~
nal est comme les petits pâtés : il doit être
mangé à la
BOUCHE
BOUCHE (Honoré), historien, né à Aix en
1598, mort en 1671. Il a laissé une Chorogra-
phie ou Description de la Provence, et Histoire
chronologique du même pays (Aix, 1664, 2 vol.
in-fol.), un des meilleurs travaux que nous
ayons sur nos anciennes provinces.
BOUCHE
BOUCHE (Charles-François), homme poli-
tique et historien, né en Provence, mort vers
1794. Avocat au parlement d'Aix, il fut nommé
député aux états généraux de 1789, et soutint
les idées nouvelles avec fermeté et modéra-
tion. Avant la Révolution, il s'était fait con-
naître par de savantes recherches sur sa pro-
vince : Essai sur l'histoire de Provence (1785,
2 vol. in-4o); Droit public de la Provence
(1788, in-8»), etc.
BOUCHÉ,
BOUCHÉ, ÉE (bouché) part. pass. du v.
Boucher. Qui a été fermé : Porte BOUCHÉE.
Trou mal BOUCHÉ. Bans cette rue déserte, les
croisées de pierre sont BOUCHÉES en pisé, pour
éviter l'impôt. (Balz.) Les fleurs se montrent
surtout dans les tonneaux ou dans les bouteilles
mal
BOUCHÉESBOUCHÉES
;
et sont dues, par conséquent, à
l'action de l'air sur les vins. (Pelouze.) -
— Fig. Qui a peu d'intelligence, qui com-
prend lentement, difficilement : C'est une
personne BOUCHÉE, tout à fait BOUCHÉE. Je suis
enrhumé de façon à être BOUCHÉ sur toutes les
choses d'esprit. (Corbinelli.) L'esprit le plus
court et le plus BOUCHÉ s'étend et s'ouvre, à
proportion de sa bonne volonté pour toutes les
choses qu'il a besoin de connaître. (Fén.) Peste
de la petite fille sotte et BOUCHÉE 1 dit l'autre
entre ses dents. (V. Hugo.)
— Avoir les oreilles bouchées, Etre mis hors
d'état de comprendre : Celui-ci a les oreilles
BOUCHÉESBOUCHÉES par ses préventions, et, incapable de
donner entrée aux raisons des autres, il n'écoute
que ce qu'il a dans son cœur. (Boss.)
— Mus. Sons bouchés, Sons tirés d'un cor
dont on bouche le pavillon avec la main, il
Tuyaux bouchés, Tuyaux dont la partie supé-
rieure est fermée.
— Antonymes. Béant, débouché, ouvert,
percé et foré, troué.
— Homonymes. Bouchée, boucher, bouchet.
BOUCHÉ
BOUCHÉ DE CLUNV (Jean-Baptiste), litté-
rateur français, né à Cluny vers 1815. Il a
publié : les Druides (1844); Vayage en Bour-
gogne (1845); Christ et pape (1846); les Sca-
pins de la République, épopée satirique en
32 chants (1852) ; un Cri de la vérité (1855).
Il avait aussi commencé, en 1848, une satire
hebdomadaire en vers, sous le titre de : le
Scorpion politique.
BOUCHE-EN-FLÛTEBOUCHE-EN-FLÛTE s. m. Ichthyol. Pois-
son de l'ordre des acanthoptérygiens.
— Encycl. Cette famille, la quinzième et
dernière de l'ordre, se divise en deux genres,
qui sont les fistulaires et les centrisques, tous
deux caractérisés par un long tube, formé au-
devant du crâne par le prolongement des os
des mâchoires, et au. bout duquel s'ouvre la
bouche. Ces poissons singuliers, dont on con-
naît environ une dizaine d'espèces, habitent
les mers chaudes des deux hémisphères, et
plus particulièrement les côtes de l'Amérique
et des Indes. Les uns ont le corps cylindrique
et allongé, tandis que d'autres l'ont, au con-
traire, ovale et comprimé. L'une des espèces,
le centrisque bécasse de mer (centriscus scolo-
pax), petit poisson argenté de 0 m. 10 de lon-
gueur, est assez commune dans la Méditerra-
née, et s'avance dans l'Atlantique jusqu'aux
îles Canaries.
B O U C H É E s. f. (bou-ché — rad. bouche).
Quantité d'aliment solide qu'on met dans la
bouche en une seule fois : BOUCHÉE de pain,
BOUCHÉEBOUCHÉE de viande. C'est la dernière goutte de
trop qui fait répandre le vase
}
et la dernière
BOUCHÉEBOUCHÉE qui donne l'indigestion. (Boiste.) / /
y a des enfants que leurs mères allaitent à leurs
mamelles flétries, faute d'une BOUCHÉE de pain
pour sustenter leurs expirants nourrissons.
(Chateaub.) A peine eut-il avalé quelques BOU-
CHÉES, qu'il sortit sans répondre aux questions
que sa sœur lui adressait. (G. Sand.) Le boa
avale.de grands quadrupèdes d'une seule BOU-
CHÉE. (J. Macé.)
— Par ext. Très-petite quantité d'aliments :
Manger une BOUCHÉE, deux BOUCHÉES.
— Fig. Petite quantité : Il ne faut donner
la vérité aux hommes que par petites BOUCHÉES.
(J.-J. Rouss.)
— Par exagér. Ne faire qu'une bouchée,
qu'une seule bouchée d'un mets, Le manger
gloutonnement : On lui apporta son déjeuner,
dont il NE FIT QU'UNE BOUCHÉE, il II n'en ferait
qu'une bouchée, il l'avalerait en quatre bouchées,
Se dit pour exprimer la facilité^avec laquelle
un homme robuste ou adroit triompherait
d'un adversaire plus faible ou moins adroit
que lui. Il Ne faire qu'une bouchée de quelque
chose, En venir à bout, en triompher aisé-
ment : Vous N'AVEZ FAIT QU'UNE BOUCHÉE de
mes ridicules. (Balz.)
— Art cul/Nom donné à différentes petites
pâtisseries : Petites BOUCHÉES, BOUCHÉES à la
reine, BOUCHÉES de Versailles, BOUCHÉES de
dames. Des BOUCHÉES de queues d'écrevisse de
la Meuse, à la crème cuite, fumaient dans leurs
pâtes feuilletées. (E. Sue.) Servez-moi de ces
petites BOUCHÉES à la reine, toutes chaudes.
(E. Sue.)
B o u c h é e ' d e p a i n (HISTOIRE D'UNE), Lettres
à une petite fille sur l'homme et les animaux,
par Jean Macé, directeur du Magasin d'édu-
cation et de récréation. Jusqu'à l'apparition de
Jean-Paul Choppart, les enfants n'avaient
entre les mains que les Contes des fées ou
l'Ami des enfants de Berquin, deux ouvrages
dont la lecture présentait de graves inconvé-
nients, sinon des dangers. Jean-Paul Choppart
fut un grand progrès; le moyen d'intéresser
innocemment la jeunesse était trouvé ; la mo-
rale elle-même devenait intéressante. Un
grand pas était fait, mais on était encore loin
du but. Il ne suffisait pas d'intéresser et de
moraliser l'enfant; restait à l'instruire en l'a-
musant, à lui rendre les racines de la science
aussi douces que ses fruits. Là était le pro-
blème : M. Jean Macé l'a résolu. Une fois la
voie ouverte, de nombreux imitateurs ont
suivi ses traces, et, g;râce à eux, l'enfance
a aujourd'hui, elle aussi, sa Bibliothèque utile,
dont nous allons examiner le premier volume.
Bien des gens ont entendu parler de la Bou-
chée de pain, l'ont admirée sur sa réputation,
de confiance, en parlent avec éloge et se figu-
rent que c'est une révélation amusante des
mystères... de la boulangerie. Il n'en est rien ;
' la bouchée de pain n'est qu'un prétexte. Elle
doit entrer dans ce palais qu'on nomme la
bouche et dont la langue est le portier, en vi-
siter les différents appartements, de là péné-
trer dans l'estomac, puis dans le reste du
corps, d'où elle sortira transformée et non
sans avoir laissé des traces de son passage.
On voit déjà que l'auteur racontera tous les
mystères de cette incomparable machine, si
simple et si compliquée, qu'on nomme le corps
humain, en examinant les différents phéno-
mènes de là nutrition. Mais l'homme n'est pas
le seul à manger ; les animaux se nourrissent
aussi, chacun à leur manière, et l'auteur ex-
pose également leurs systèmes de nutrition si
variés, en les comparant à notre appareil di-
gestif. Son plan est donc très-simple et très-
étendu en même temps. Il veut prouver que
la science, dépouillée de tout le jargon dont
les savante ont la manie de l'envelopper, peut
être amusante, même pour une petite fille.
• Pourquoi mange-t-on? lui demande-t-il.—
Pour ne pas avoir faim, répond son interlocu-
trice. — Bien ; et pourquoi vous allonge-t-on
vos robes ? — Parce que j'ai grandi. — Et com-
ment avez-vous grandi ? Ah I.. vous voilà prise.
Il est bien sûr que personne n'est venu ral-
longer vos jambes pendant que vous dormiez,
et que si les bras sortaient des manches, ce
n'était pas parce qu'on avait remis un petit
morceau au coude, comme on remet des plan-
ches à la table les jours où l'on donne à dîner
à beaucoup de monde. Cependant rien ne
grandit seul, comme rien ne diminue non
E
lus. Si l'on n'a rien ajouté par dehors, il faut
ien que quelque malicieux génie ait fourré |
par là-dedans tout ce qu'il y a de plus dans
les bras, les jambes et le reste. Et ce mali-
cieux génie, c'est vous : ce sont vos belles
tartines, vos bonbons, vos gâteaux, la soupe
aussi, et la soupe encore mieux que tout le
reste, pour le dire en passant, qui, une fois
disparus dans le petit gouffre qu'on nomme la
bouche, se sont mis, sans vous demander la
permission, à se transformer, à se glisser
sournoisement dans tous les coins et recoins
de votre corps, où ils sont devenus, à qui
mieux mieux, des os, de la chair et du sang.
Tàtez-vous de tous les côtés ; ce sont eux que
vous rencontrerez partout, sans les recon-
naître, bien entendu. Vos petits ongles roses
qui se trouvent repoussés tous les matins,
1 extrémité de vos beaux cheveux blonds, qui
s'allongent toujours davantage, en vo.us sor-
tant de la tête comme une herbe qui pousse
hors de la terre, vos dents de grande fille
qui montrent maintenant le bout de leur nez
et remplacent à mesure celles qui vous étaient
venues en nourrice. Vous avez mangé tout
cela, il n'y a pas longtemps. Mais il n'y a pas
que vous qui en soyez là. Votre petit chat,
qui était si mignon il y a quelques mois, et qui
se transforme tout doucement en un f*ros ma-
tou, c'est sa pâtée de tous les jours qui devient
chat à mesure au-dedans de lui. Les arbres
grossissent aussi en mangeant, et ce ne sont
pas les moins gourmands, puisqu'ils mangent
jour et nuit, sans s'arrêter. » M. Jean Macé
étudie, on le voit, la nature entière transformée
en une infinité de tubes digestifs. Il y a en
Angleterre d'admirables machines qui reçoi-
vent par un bout le coton en paquet et le ren-
dent par l'autre bout en belle toile fine, toute
pliée, prête à être livrée au commerce. On se
rappelle encore l'histoire de cet Anglais qui,
arrivant dans une imprimerie de Philadelphie,
fut invité à donner sa chemise. Une heure
après, alors qu'il se disposait à sortir par une
autre extrémité, sa chemise lui était rendue
sous la forme d'un bel exemplaire du Télé-
maque tout broché. Tout l'ouvrage "de M.Jean
Macé est consacré à l'explication d'une ma-
chine bien plus admirable, que chacun de nous
porte en lui-même, qui reçoit de nous les ali-
ments et les rend changés en os, en chair, en
cheveux, en ongles et en bien d'autres choses
encore. 11 fait voir ce que devient, en passant
par toutes les pièces de cette machine, une bou-
chée de pain. Et qu'on ne s'imagine pas que
ces lettres adressées à une petite fille soient
au-dessus de sa portée; non, la science s'est
faite petite pour les petits enfants, elle joue
avec eux, elle devient leur amie, leur cama-
rade. Alors, dira-t-on, elle n'est que superfi-
cielle ; c'est encore une grave erreur ; elle se
montre d'une rigoureuse exactitude, et tous
ceux qui ont travaillé sérieusement savent
que, pour pouvoir généraliser avec facilité,
il faut posséderjusqu'aux plus minces détails.
Nous en savons quelque chose, nous qui avons
passé dix ans à écrire de petits livres pour
apprendre aux enfants à parler et à écrire
correctement.
La science, sous la plume de M. Jean Macé,
revêt une forme gracieuse, vive, légère, en-
jouée, aussi nette qu'élégante dans sa bon-
nomie calculée; son déshabillé est plus coquet
que bien des toilettes d'apparat. Elle appelle
a son aide de temps en temps la philosophie
et la religion, et, tout en s'occupant du corps,
ne néglige nullement les droits de l'âme. Nous
ne lui adresserons qu'un reproche : c'est, en sa
qualité de femme, de se montrer légèrement
précieuse. Elle est charmante, pleine d'esprit
ne bon aloi, mais elle en a presque trop; en-
core un pas, et on la prendrait pour une chro-
niqueuse. Lisez le chapitre sur le cœur : il
fait songer à la Pluralité des mondes de Fon-
tenelle. C'est .si joliment dit, qu'un peu plus,
la forme ferait tort au fond. Il n'y manque
rien, pas même Madame la marquise ; seule-
ment l'auteur oublie de nous dire si elle est
blonde, ou si elle est brune. Décidément Fon-
tenelle avait encore plus de préciosité; c'était
l'époque. Nous allons citer un passage, pour
donner une idée de la finesse un peu r e -
cherchée de M. Jean Macé; mais toute la
légèreté de son pinceau lui a été nécessaire
pour ne pas charger ïa couleur : « Notre
professeur d'histoire naturelle, en nous expo-
sant le danger de la gloutonnerie, nous cita
l'exemple d'une dame qui avait avalé par mé-
arde un noyau de pèche- Pendant plus de
eux ans, elle fut tourmentée de douleurs d'es-
tomac qui ne lui laissaient ni repos ni trêve.
Le malheureux noyau, repoussé par les parois
de l'estomac, que son contact irritait, venait
donner à chaque instant de la tête contre l'en-
trée du pylore, et toujours en vain. Se changer
en chyme, il n'y avait pas moyen d'y penser,
il était bien trop dur pour cela, et sa course
éternelle allait toujours, et avec elle des souf-
frances sans cesse renouvelées. Les médecins,
qui ne savaient plus qu'y faire, et dont tous les
médicaments s étaient trouvés impuissants,
commençaient à désespérer des jours de la
malade, quand, un beau matin, tout à coup,
elle se trouva délivrée de son mal comme par
enchantement. Le noyau de pêche venait de
séduire le portier, devenu familier avec ce
vieux camarade de deux ans. Il avait franchi
la terrible passe, et la dame était sauvée. Le
farouche gardien, dans un moment d'abandon,
l'avait laissé passer en contrebande, comme
un douanier des frontières qui ferme parfois
les yeux sur le paquet de tabac du paysan, son
camarade. Mais-que de souffrances la malade
avait dû endurer avant que le douanier se fût
laissé séduire 1 »
Après avoir lu la Bouchée'de Pain, on est
tenté de parodier La Fontaine et de dire : « Si
Bouchée de pain m'était relue, j'y prendrais un
plaisir extrême. »
B O U C H E F O U R s. m. (bou-che-four). Ornith,
Nom vulgaire du pouillot.
BOUCHEL
BOUCHEL (Laurent), en latin Bockeius,
jurisconsulte français, né à Crespy en 1559,
mort en 1629. Il était avocat au parlement de ,
Paris, et on lui doit les ouvrages suivants :
Decretorum Ecclesiœ gallicanœ ex conciliis,
statutis synodalibus, libri octo (1609, in-fol.) ;
Somme bénéficiale (1628), retouchée et publiée
de nouveau, en 1689, par Cl. Blondeau. sous
le titre de Bibliothèque canonique ; Bibliothèque
ou Trésor du droit français (1671, 3 vol.
in-fol.); la Justice criminelle en France (1622,
in-4<>) ; Recueil des statuts et règlements des li-
braires et imprimeurs de Paris (1620, in-4<>);
Notes sur les coutumes du Valois et du bailliage
de Senlis (1631).
BOUCHELETTE
BOUCHELETTE s. f. (bou-che-lè-te—dimin.
de bouchette). Très-petite bouche :
Douce et belle bouckeleite.
Plus fraîche et plus vermeillette
Que le bouton aiglantin,
Au matin. BSLLEAO.
D Ce mot a vieilli.
BOUCHELLE
BOUCHELLE s. f. (bou-chè-le — rad. bou-
che). Pêch. Entrée de la tour extérieure de la
bourdigue.
BOUCHEMAINE,
BOUCHEMAINE, village et comm. de France
(Maine-et-Loire), arrond., cant. et à 8 kilom.
S.-O. d'Angers, sur la rive droite de la Maine ;
1,197 hab. Excellents vignobles blancs; source
minérale. L'église, une des plus anciennes du
département, forme une croix latine très-
régulière: la voûte et le chœur surtout sont
remarquables. Aux environs, débris d'anti-
quités romaines.
BOUGHEMENT
BOUGHEMENT s. m. (bou-che-man — rad.
boucher). Action de boucher; état de ce qui
est bouché : Le BOUCHEMENT d'une ouverture,
d'un trou. Il se trouve bien du BOUCHEMENT de
sa cheminée. Il Peu usité.
BOUCHENÉ-LEFER
BOUCHENÉ-LEFER (Adèle-Gabriel-Denis),
jurisconsulte français, né le 4 juillet 1796. Il
fut nommé, en 1832, maître des requêtes au
conseil d'Etat, et conseiller d'Etat en 1849. En
1852, il s'est fait inscrire au barreau de Paris.
Outre les articles qu'il a fournis à la Revue
étrangère de législation et d'économie politique,
il a publié^ en 4 vol. in-8°, un traité sur le
Droit public et administratif français, ou Ana-
lyse et résultats des dispositions législatives et
réglementaires, publiées ou non, sur toutes les
matières d'intérêt public et d'administration
(1830-1840).
BOUCHE-NEZ
BOUCHE-NEZ s. m. (bou-che-né—de boucher
et de nez)- Appareil qui garantit contre les
émanations désagréables ou malfaisantes :
Les ouvriers employés à la fabrication de l'a-
cide chlorhydrique ont des BOUCHE-NEZ d'algue
marine.
BOUCHEPORN,BOUCHEPORN, nom d'une ancienne famille
originaire de Metz, qui a fourni plusieurs ma-
gistrats et des administrateurs éminents, parmi
lesquels nous citerons : Nicolas-Louis-Fran-
çois-Bertrand DE BOUCHEPORN, conseiller au
parlement de Metz, puis maître échevin de la
même ville, et dont le père avait exercé
la même charge; — Louis-Pierre-Bertrand
DE
BOUCHEPORN,BOUCHEPORN, aussi conseiller au parle-
ment, mort en 1786, et les deux personnages
sur lesquels nous allons donner de plus amples
détails dans les articles suivants.
BOUCHEPORN
BOUCHEPORN ( Claude-François-Bertrand
DE), né à Metz le 4 novembre 1741. a Ce fut,
dit M. Michel dans sa Biographie du par-
lement de Metz, un de ces hommes d'élite qui
projettent une auréole de gloire sur le pays
qui les a vus naître, sur la famille dont ils sont
sortis, et sur les compagnies auxquelles ils ont
été attachés. »
En 1761, il fut reçu avocat au parlement de
Metz. A vingt-sept ans, le 13 juin 1768, il de-
vint avocat général près de cette compagnie.
Ses réquisitoires sont demeurés des monu-
ments de savoir, de logique et de bon goût.
Mais où il déploya surtout un rare talent, ce fut
dans le procès célèbre de M. de Valdahon con-
tre le marquis de Monnier, procès qui passionna
l'opinion publique en France pendant plus de
dix ans. Mlle de Monnier, qui aimait M. de
Valdahon, mais que ses parents voulaient con-
traindre à prendre un autre mari, avait reçu
BOUC
BOUC BOUC
BOUC 1051
son amant dans son lit pour se mettre elle-
même dans la nécessité de former une union
qui pouvait seule lui rendre l'honneur ; et le
père, après l'avoir tenue huit ans renfermée
dans un couvent, demandait la nullité d'un
mariage contracté malgré lui. Le réquisi-
toire de Claude-François de Boucheporn dura
trois jours. Lorsqu'il se rassit, le palais r e -
centit d'applaudissements ; ils redoublèrent
le soir au spectacle. Ce morceau achevé d'é-
loquence oratoire a été imprimé chez Pierre
Barbier. Le 10 avril 1769, de Boucheporn
fut reçu a l'Académie de Metz et prononça
un discours remarquable sur l'agriculture.
Il sortit du parlement lors de sa suppres-
sion, le 21 octobre 1771. Mais, dès le 29 avril
1772, il entra au conseil du roi en qualité
de maître des requêtes, avec dispense d'âge.
Le 9 avril 1775, il fut nommé intendant de
l'île de Corse, avec les pouvoirs les plus éten-
dus. On trouve aux Archives de l'empire, et
dans celles des ministères de la marine et de
la guerre, des rapports et des projets où l'in-
tendant de la Corse propose des mesures
propres à augmenter la richesse publique. Il
encouragea l'agriculture en distribuant des
gratifications aux propriétaires qui faisaient
des plantations de mûriers ou d'arbres à fruits;
l'industrie, en fondant des fabriques de faïence.
Il s'occupa de l'exploitation des riches forêts
de la Corse, et fixa, par des règlements sages,
le sort des enfants trouvés.
Dans l'ordre politique, il introduisit l'usage
du scrutin aux élections et posa les bases d'un
cadastre pour une répartition égale de l'im-
pôt. La reconnaissance publique ne tarda pas
a récompenser Boucheporn de ses fatigues, et
il put en recueillir des marques touchantes
dans une maladie grave qu'il fit en 1779. Sa
sage et paternelle administration fit revenir
les Corses de leurs préventions contre la
France, et les familles influentes de l'île ne
tardèrent pas à faire leur soumission^ « Ce-
pendant, dit M. Anatole Durand dans son
Eloge de Bertrand de Boucheporn, Laetitia
Ramolino, mère de Napoléon Ier
T
avait sou-
tenu aVec trop d'éclat et de dévouement pa-
triotique la cause de Paoli pour quitter du
jour au lendemain la rigidité de ses senti-
ments d'indépendance républicaine... M
m e
de
Boucheporn sut la toucher par les grâces de
sa personne et les qualités de-son cœur...
Aussi lorsque, le 2 septembre 1778, M
m
c Bona-
parte devint mère d'un fils appelé Louis, M
roe
de
Boucheporn fut priée de tenir sur les fonts de
baptême le futur roi de Hollande, avec M. le
comte de Marbeuf, commandant de l'île.
Quelques mois après, M. de Boucheporn ai-
dait de tout son crédit et peut-être même de
sa bourse le jeune Napoléon Bonaparte à en-
trer à l'école de Brienne. » ,
En 17S0, le roi nomma Bertrand de Bou-
cheporn conseiller honoraire au parlement de
Metz. Il fut reçu en grande pompe dans sa
nouvelle dignité le 23 avril 1781. il fut en-
suite nommé, le 4 mai 1785, à l'intendance de
Pau et Bayonne. Toutefois le roi voulut qu'il
retournât encore en Corse pour y tenir les
états. A cette époque de sa carrière, la ca-
lomnie chercha à ébranler son crédit. Le
21 juillet 1785, on fit circuler une lettre apo-
cryphe qui compromettait son nom. Un Abat-
tucci en fut reconnu l'auteur et condamné
pour ce fait par la cour de Bastia ; mais Bou-
cheporn fit réformer l'arrêt par le parlement
d'Aix, et se contenta pour réparation d'un édit
du conseil du roi, qui supprimait l'écrit ca-
lomnieux. Le 30 août 1786, par une faveur
spéciale , le parlement de Paris l'appela à
siéger dans son sein. Boucheporn déploya
dans son nouvel emploi son infatigable acti-
vité. Le commerce, l'agriculture, l'adminis-
tration furent tour à tour de sa part l'objet de
mesures importantes.
Quoiqu'il consacrât presque tout son temps
à remplir dignement les devoirs de sa charge,
il aimait les beaux-arts et la représentation.
Tous les journaux du temps ont rendu compte
de la fête qu'il donna à Bastia, en 1781, pour
célébrer la naissance du grand dauphin. Il fut
le premier protecteur de Baillot, qu'il envoya
à Rome à ses frais et auquel il fit donner des
leçons du célèbre violoniste Pollanijil encou-
ragea les premiers débuts de Talma. En 1790,
quand tous les pouvoirs passèrent entre les
mains du peuple, Boucheporn obtint, sans
même s'être mis sur les rangs, un grand nom-
bre de suffrages pour la place importante de
procureur général syndic. En 1791, il quitta
Pau pour venir se fixer à Toulouse. A cette
époque, ses fils, qui avaient émigré, avaient
pris du service dans l'armée des princes. Bou-
cheporn fut bientôt arrêté et mis en prison ;
on intercepta sa correspondance, et il porta sa
tête sur l'échafaud révolutionnaire le 2 ven-
tôse an II (1794); il était alors âgé de cin-
quante-trois ans. Son nom est toujours vivant
a Metz, et, le 4 décembre 1865, son éloge a été
prononcé à l'ouverture de la conférence des
avocats de Metz par M. Anatole Durand, un
de ses membres. — Ses fils remplirent de hau-
tes fonctions, l'un à la cour de Jérôme Bona-
parte, roi de Westphalie, l'autre à celle de
Louis Bonaparte, roi de Hollande. Nous a l -
lons consacrer un article spécial à M
m e
de
Boucheporn, femme de l'un d'eux.
BOUCHEPORN
BOUCHEPORN (Marie TINOT, baronne DE),
femme célèbre, née à Metz le 11 août 1783, morte
le 30 juillet 1844. Elle fut sous-gouvernante des
enfants de Hollande, et présida, en cette qua-
lité, à la première éducation de Napoléon III.
En 1811, le roi Louis, mis dans l'alternative ou
de trahir la France ou de sacrifier les intérêts
de son peuple, abdiqua et revint en France,
où il conserva le rang et les honneurs de
prince souverain. Mme de Boucheporn conti-
nua à Paris son service près de la reine Hor-
tense. D'une beauté accomplie, relevée par
une grande distinction de manières ; d'un es-
prit délicat, nourri de fortes études, la ba-
ronne de Boucheporn est citée par la duchesse
d'Abrantès et par Mlle Cochelet, comme une
des femmes remarquables delà cour impériale.
Elle était musicienne et peignait avec une
grande facilité. Elle partagea avec la reine
Hortense, qui avait les mêmes talents, les leçons
de Gros, de Thomas et d'Isabey, Enl813, elle ac-
compagna la reine dans son voyage d'Aix, pen-
dant lequel la baronne de Broc, dame d'honneur,
fut précipitée sous ses yeux au fond d'un tor-
rent. L'empereur, qui savait apprécier la grâce
arfaite et la tournure d'esprit de la baronne
e Boucheporn, disait à la reine Hortense :
« Chaque fois que vous enverrez vos enfants
aux Tuileries, ne manquez pas de les faire ac-
compagner par Mme de Boucheporn. » En 1814,
la reine Hortense congédia son service d'hon-
neur; d'ailleurs, les jeunes princes étaient ar-
rivés à l'âge où ils devaient passer aux mains
des hommes; l'abbé Bertrand d'abord, ensuite
M. Le Bas, membre de l'Institut, furent char-
gés de continuer leur éducation. La reine
écrivit alors à M
m e
de Boucheporn :« Les cir-
constances ne me permettant plus de garder
mon service d'honneur, je vous rends le ser-
ment que vous m'avez prêté comme sous-
gouvernante de mes enfants. Je me rappel-
lerai toujours avec plaisir vos soins pour eux
et les marques d'attachement que vous m'a-
vez données; il me sera doux d'en garder le
souvenir et de vous prouver les sentiments
que je vous ai voués. »
Le 2 juin 1837, après la tentative de Stras-
bourg , et alors que la reine venait d'ap-
prendre que le prince Louis avait heureuse-
ment débarqué a New-York, elle lui écrivait
d'Arenberg : • Je suis si malade, depuis six
mois, qu'il m'a jusqu'alors été impossible de
répondre à la lettre que vous m'avez écrite et
de vous dire combien j'ai été sensible à la part
que vous avez prise à mes chagrins. J e suis
heureusement soulagée de mes vives inquié-
tudes pour mon fils : il est en pays libre et bien
portant; mais il doit être, à. son tour, très-in-
quiet de ma santé, car mes souffrances ont
été longues et cruelles. *
Quatre mois après cette lettre (5 octobre
1837), la reine Hortense, dont la santé ne
s'était pas rétablie, mourut, en émettant le
vœu que sa dépouille fût rapportée en France.
Lorsque le cercueil qui renfermait les restes
de la reine arriva en Champagne, il fut déposé
dans la maison de la baronne de Boucheporn,
où il demeura pendant plusieurs jours. Celle-ci
versa des larmes bien amères en se rappelant
les qualités charmantes et les bontés de cette
reine qui avait été son amie, et dont elle ne
prononça jamais le nom qu'avec les senti-
ments d'une vénération tendre et respec-
tueuse.
La baronne de Boucheporn apporta dans
l'intérieur domestique toutes les qualités fer-
mes et douces qui en font le charme et le re-
pos. Mère d'un fils qui fut tenu sur les fonts
baptismaux par le prince Eugène, et de deux
filles dont l'une eut pour marraine la reine
Hortense, et l'autre, Mme Nadault de Buffon,
eut pour parrain le prince Louis, aujourd'hui
l'empereur Napoléon III, elle voulut adopter
et elle éleva dans sa maison les quatre enfants
du frère de son mari, qui, à la chute de l'em-
pire, avaient perdu leur fortune. Il leur res-
tait pour tout avoir leurs droits éventuels sur
un majorât à l'étranger. M^e de Boucheporn
partit pour l'Allemagne par une saison rigou-
reuse, et, par la seule autorité de son carac-
tère, gagna la cause des orphelins.
BOUCHEPORN
BOUCHEPORN (René-Charles-Félix, baron
DE), né en 1811, mort en 1857 des suites d'un
accident. Après avoir fait de brillantes études
au collège Henri IV, il entra à l'Ecole poly-
technique. Classé à sa sortie dans le service
des mines, il devint successivement ingénieur
à Villefranche et a Bordeaux, et fut décoré en
1844. On lui doit : Etudes sur l'histoire de la
terre et sur les causes des révolutions de sa
surface (Paris, 1844) ; Du principe général de
la philosophie naturelle, ouvrage où il se pro-
posait de faire dériver les lois du règne inor-
ganique d'une seule cause, fondée sur la pro-
priété essentielle de la matière : l'imperméa-
bilité et l'inertie ; la Carte géologique du
département du Tarn, et divers rapports et
brochures sur des questions pratiques. Il avait
été chargé d'une mission relative au perce-
ment de l'isthme de Panama; mais, délaissé
fiar la compagnie qui l'avait envoyé sur les
ieux, il dut revenir sans avoir pu remplir
cette mission.
BOUCHER
BOUCHER v. a. ou tr. (bou-ché — rad. bou-
che, ou, d'après d'autres, du gr. buzein, bou-
cher). Fermer, obstruer, au moyen d'un ob-
iet que l'on enfonce dans l'ouverture ou que
l'on applique dessus : BOUCHER un trou, une
ouverture. BOUCHER une voie d'eau. BOUCHER
une cheminée. BOUCHER des portes, des fenê'
très avec des matelas. BOUCHER un tonneau,
une bouteille. BOUCHER un terrier. Il BOUCHA
le trou avec une poignée d'herbe, pour qu'on
ne s'aperçut de rien. (Le Sage.) Il Barrer, ob-
struer, intercepter : BOUCHER un passage, un
chemin. BOUCHER la vue. On BOUCHA te pas-
sage par un abatis d'arbres. Ce paysage se-
rait charmant si une fabrique ne BOUCHAIT la
vue.
Des paveurs, en ce lieu, me bouchent le passage.
BOILEAD.
— Loc. fam. Boucher son nez, ses narines,
Se pincer le nez, les narines, pour ne pas
sentir quelque mauvaise odeur.
Quel Louvre! un vrai charnier,dont l'odeur se porta
D'abord au nez des gens : l'ours boucha sa narine.
LA FONTAINE.
— Boucher ses oreilles, son oreille, Obstruer
ses oreilles avec les doigts, pour ne pas en-
tendre un bruit ou des discours désagréa-
bles.
L'Opéra toujours
c Fait bruit et merveilles;
On y voit les sourds
Boucher leurs or-eilles.
BÉKANGER.
U Refuser d'en tendre, de comprendre : Fuyons,
fuyons, et dès le premier pourquoi, dès le pre-
mier doute qui commence à se former dans no-
tre esprit,
BOUCHAITBOUCHAIT LES YEUX. L'habitude lui
BOUCHONSBOUCHONS L'OREILLE ; car, pour peu
que nous chancelions, nous périrons. (Boss.)
H Boucher l'oreille est peu correct ; on dit
mieux boucher son oreille, et mieux encore
boucher ses oreilles, parce qu'on peut très-
bien entendre d'une seule.
— Boucher les yeux, Empêcher de voir
quelque chose, de s'en apercevoir : Son sot
amour lui
BOUCHAITBOUCHAIT LES YEUX. ( S t - S î m o n . )
— Boucher_la bouteille. Boucher son vin,
Manger un morceau de pain ou un fruit après
qu'on a bu, pour ne pas exhaler l'odeur du
vin. u Boucher un trou, Acquitter une de ses
dettes : Cet argent me servira à BOUCHER UN
TROU.
— Jurispr. Boucher les vues d'une maison,
En murer les ouvertures qui, contrairement
aux prescriptions de la loi, permettent de
voir de trop près dans la propriété voisine.
— Techn. Boucher d'or moulu, En terme de
doreur, Réparer les défauts de la dorure,
après le brunissage.
Se boucher v. pr. Etre bouché, fermé,
obstrué : La fontaine SE BOUCHAIT au moyen
d'un tampon. Ce conduit commence à SE BOU-
CHER.
— Fig. Devenir obtus, cesser de compren-
dre : Je n'ai pas assez d'esprit pour fournir à
une conversation forcée; quand mon cœur ne
s'ouvre pas, mon esprit SE BOUCHE. (M
me
de
Simiane.)
— Boucher, obstruer, fermer quelque par-
tie de son corps : S E BOUCHER le nez, les na-
rines, les yeux, les oreilles. Un dilettante ita-
lien SE BOUCHE les oreilles aux sons gutturaux
d'un chanteur allemand. (Vitet.) Il Se boucher
les yeux, lés oreilles, Se refuser à voir, à en-
tendre : Il SE BOUCHE LES YEUX pour n'être
pas obligé de sévir.
La mort a des rigueurs à nulle autre pareille;
On a beau la prier-
La cruelle qu'elle est se bouche les oreilles,
Et nous laisse crier.
MALHBRBB.
— Antonymes. Déboucher, désopiler, dés-
obstruer, ouvrir, percer et forer.
BOUCHER
BOUCHER s. m. jbou-ché — de bouche, parce
que le boucher fournit des provisions de
bouche ; ou de 6o«c, parce que, dans l'origine,
•le boucher aurait tué des boucs). Celui dont
le métier est de tuer les gros animaux- des-
tinés à la nourriture de l'homme, de dépe-
cer et de vendre leur chair : Un BOUCHER
bien achalandé. L'étal d'un BOUCHER. D'après
une ancienne loi anglaise, les BOUCHERS
étaient exclus du jury. On livre ordinairement
au
BOUCHERBOUCHER tous les agneaux qui paraissent
faibles. (Buff.) L'empereur aimait les hommes
comme le
BOUCHERBOUCHER aime son bétail. (E. Sue.)
Il n'est pas mal d'avoir un peu de prévoyance,
Mais le trop quelquefois est une extravagance.
A la fin du carême, un boucher se mourant
A sa tendre moitié disait en soupirant :
« Ma chère femme, il faut épouser après Pâques,
Plus t ô t , BÎ tu le peux, notre grand garçon
[Jacques.
C'est un fier compagnon, heureux dans ses desseins;
Hardi, grand travailleur et bon à toutes mains.
Il sait la boucherie, accommode le monde,
Et vous sent son boucher d'une lieue a la ronde,
Voilà ce qu'il te faut, mon cœur, je m'y connais.
— Mon ami, reprit-elle, a h ! ma fol, j'y pensais. »
— Par ext. et par allusion au sang que
versent les bouchers, Homme cruel, sangui-
naire : C'est un BOUCHER, un vrai BOUCHER.
Quel
BOUCHER!BOUCHER! Il La Fontaine l'a dit d'un
loup, à cause de ses habitudes sanguinaires :
Tu veux faire ici l'herboriste,
Et ne fus jamais que boucher.
— Se dit particulièrement d'un général
qui n'épargne pas le sang de ses soldats : II
s était fait BOUCHER d'hommes, et il s'en van-
tait. (E. Sue.) u Se dit aussi d'un chirurgien
maladroit, qui n'épargne pas les souffrances
au patient.
— Prov. C'est un rire de .BOUCHER, il ne
passe pas le nœud de la gorge, C'est un rire
qui n est pas franc, parce que les bouchers
tenant leur couteau entre les dents, font une
grimace qui ressemble au rire, bien qu'ils
n'aient nulle envie de rire en effet.
— Hist. Bouchers de Cavaignac , Nom
que la haine populaire donnait aux gardes
mobiles, qui avaient intrépidement combattu
l'insurrection de juin 1848, mais*qu'on accu-
sait de nombreux excès.
— Adjectiv. : Marchand BOUCHER. Maître
BOUCHER. Garçon BOUCHER. Apprenti BOU-
CHER.
Boucher tare (LE), tableau de Decamps ;
Exposition universelle de 1855. Une maison
en bois, peinte en rose, un arbre au tronc
élancé et au feuillage d'un vert tendre, se
découpent sur le ciel bleu. Au premier plan,
une muraille crépie à la chaux, d'une blancheur
éblouissante, projette son ombre sur la bou-
tique où le boucher, debout, fume paisible-
ment sa chibouque en attendant la pratique.
On entrevoit, dans cet enfoncement obscur,
des morceaux de viande accrochés à des
chaînettes, le long du mur graisseux et san-
guinolent; un chien, repu de quelque lambeau
de charogne, dort au pied de l'étal, près d'une
mare de sang caillé. Une chèvre, attachée à
côté d'une petite porte ouvrant sur quelque
charnier, se démène avec inquiétude, comme
si elle comprenait le sort qui l'attend en pa-
reil lieu. Dans le fond, passe une femme voi-
lée, qu'un enfant tire par sa robe. «Jamais,
dit M. Marius Chaumelin {Decamps, sa vie,
son œuvre), jamais l'artiste n'a poussé plus
loin la perfection du détail, la magie de l'effet,
le prestige du coloris. * Ce tableau, un des
plus étonnants, en effet, que Decamps ait
exécutés, a été envoyé a l'Exposition de 1855
par M. Gaillard, qui en était alors proprié-
taire. Une autre toile sur le même sujet, inti-
tulée une Boucherie turque, a fait partie des
tableaux laissés par Decamps et vendus après-
sa mort, en 1861 : elle a été payée 11,900 fr.
Dans cette composition , le boucher dort,
.couché sur 1% seuil de sa boutique ; son chien
observe un serviteur qui, dans une cour in-
térieure, achève, en plein soleil, de dépouil-
ler un mouton.
BOUCHER
BOUCHER (Nicolas), prélat français, né à
Cernai en 1528, mort en 1593. Fils d'un sim-
ple laboureur, il devint d'abord professeur de
philosophie à Reims, puis recteur de l'uni-
versité de cette ville. Il fut ensuite nommé
évéque de Verdun, par la protection du car-
dinal de Lorraine, dont il avait été le précep-
teur. Il a publié une Apologie de la morale
d'Aristote contre Orner Talon (Verdun, 1582),
et Caroli Lotharingii cardinalis et Francisci
ducis Guisii litterœ et arma (1577). Ce der-
nier ouvrage a été traduit en français par
Jacques Tigeon.
* BOUCHER (Jean), théologien français, un
des instigateurs de la Ligue, né à Paris vers
1540, mort à Tournay. en 1644. U fut succes-
sivement recteur de 1 université, prieur de la
Sorbonne, docteur en théologie, enfin curé de
Saint-Benoît. Ce fut chez lui que se tint la
première assemblée des ligueurs, en 1585.
Dans la journée des barricades, il fit son-
ner le tocsin de son église pour donner le
signal de la révolte, fut nommé membre du
conseil général de la Ligue, écrivit l'apologie
du meurtre de Henri III, dans un pamphlet
violent (De justa' Henrici III abdicatione,
1589), approuva l'exécution du président Bris-
son, se déchaîna contre Henri IV dans ses li-
belles et dans ses sermons, fut député par le
clergé de Paris aux états généraux de 1593,
soutint avec acharnement la candidature de
l'infante d'Espagne au trône de France, et
s'enfuit de Paris dans les rangs des troupes
espagnoles qui évacuèrent cette ville lors de
l'entrée de Henri IV. Réfugié à Tournay, il
fut arrêté en essayant de rentrer dans le
royaume et ne dut son salué qu'à la clémence
du roi. Il n'en continua pas moins de le cou-
vrir de calomnies et d'invectives, et publia,
entre autres pamphlets, Y Apologie pour Jeax
Chatel et pour les pères de Jésus (1595, in-s»).
Il termina ses jours à Tournay. Ses libelles
offrent un tableau curieux des passions fré-
nétiques de son époque et de son parti.
BOUCHER
BOUCHER ou BOUCHIER (Jean), peintre
français, né à Bourges en 1568, mort vers 1633.
Si ce peintre n'est pas tout à fait inconnu aux
biographes, il le doit à l'honneur d'avoir servi
de maître à Pierre Mignard. Sa vie et son
œuvre restèrent inconnus jusqu'au jour o i
M. H. Boyer, de Bourges, un des esprits la-
borieux et chercheurs dont par bonheur la
province est riche, publia sur son compatriote
méconnu une suite de précieuses recherches
qui, refondues par M. de Chennevières, dans
son livre les Peintres provinciaux, ont enfin
tiré de l'oubli un maître de second ordre, il est
vrai, mais doué d'une certaine dose d'origina-
lité, et continuant sans trop de désavantage
., le mouvement inauguré à Bourges par les
peintres de l'admirable chapelle de Jacques
Cœur. Malgré de fréquents voyages en Italie,
Boucher reste un vrai peintre de terroir fran-
çais, peu correct parfois, mais toujours clair,
précis et d'un coloris assez agréable. Bou-
cher se livra également a la peinture sur
verre, qui fiorissait depuis longtemps dans sa
ville natale. Son école était fort estimée en
F
rovince. Mignard, qui y passa un an, en fut
élève le plus connu. Le nom de Boucher est
resté populaire a Bourges -, son buste orne le
musée municipal, qui contient, en outre, son
portrait, celui de sa mère et deux tableaux
religieux qu'il a peints. M. de Chennevières
catalogue et décrit douze tableaux de Boucher,
qui ont échappé à la destruction et qui or-
nent des églises du Berry. Nous pouvons en
mentionner un treizième, les Quatre Evangé-
listes, peint en 1618, et qui orne l'hôtel de
ville de Dijon. M. Mérimée, décrivant, dans
son Voyage en Auvergne, l'église de Saint-
Bonnet, y mentionne de Boucher « deux por-
1052
BOUC
traits fort bons ayant de la vérité dans les
tètes et un certain mérite de coloris. » Ce
maître a gravé à l'eau-forte, entre autres
Î
tièces devenues rares, des monuments d*ha-
ie.
BOUCHER
BOUCHER (Gilles) ou BUCHERIUS, j é -
suite et historien, né dans l'Artois en 1576,
mort à Tournay en 1665. Il fut successivement
recteur des collèges de Béthune et de Liège,
et, par ses savantes recherches, il contribua
beaucoup à débrouiller l'histoire des rois mé-
rovingiens. On a de lui : Belgium romanum
ecclesiasticum et civile ( Liège, 1655, în-
fol.); Disputatio historica de primis Tun-
grorum seu Leodiensium episcopis (Liège ,
1612); Annotatio de chronologia regum fran-
corum Merovœdeorum ; Commentarius in Vic-
torii Aquitani canonem paschalem, quo cycli
paschales veterum exponuntur, verus passionis
Christi dies eruitur, et doctrina temporum tra-
ditur (Anvers, 1633, in-fol.).
BOUCHER
BOUCHER (Jean), cordelier observantîn,
né à Besançon vers la fin du xvi« siècle. Il
est connu par la relation d'un voyage en
Grèce, en Palestine et en Egypte, qui ren-
ferme beaucoup d'inexactitudes, mais aussi
île curieux détails. Son livre a pour titre :
Bouquet sacré, composé des roses au Calvaire,
des lys de Bethléem, des jacinthes d'Olivet
(Paris, 1626), réimprimé plusieurs fois à
Rouen.
BOUCHER
BOUCHER (Pierre), historien français du
xvne siècle. Il se rendit au Canada, alors ap-
pelé Nouvelle-France, et fut gouverneur des
Trois-Rivières. Il a publié sur ce pays un ou-
vrage intitulé : Histoire véritable et naturelle
des mœurs et productions de la Nouvelle-
France (Parts, 1665, in-12).
BOUCHER
BOUCHER (Philippe), théologien français,
né à Paris en 1691, mort en 1768. Il fut le pre-
mier auteur de l'écrit périodique intitulé :
Nouvelles ecclésiastiques ou Mémoire pour
servir à l'histoire de la constitution Unigeni-
tus. Poursuivi par la police, il fut obligé de
passer deux ans à l'étranger, ce qui ne T'em-
pêcha pas de continuer la même publication.
Il écrivit ensuite, pour soutenir la réalité des
miracles du diacre Paris, quatre lettres, dont
P
lusieurs parurent sous le pseudonyme de
abbé de 1 Isle. Enfin il fit paraître une Ana-
lyse de J'Epître aux Hébreux (1732), et com-
posa le discours qu'on lit en tête des Lettres
théologiques contre Berruyer, par l'abbé Gaul-
tier. •
BOUCHER
BOUCHER (François), peintre et graveur
célèbre, né à Paris le 29 septembre 1703, mort
dans la même ville le 30 mai 1770. Les rares
dispositions qu'il montra dans sa jeunesse pour
la peinture le tirent entrer dans l'atelier de
Le Moine. Il est étrange qu'il n'y soit de-
meuré aue quelques mois; car cet atelier, où
se continuaient les traditions de Rubens, de-
vait être un milieu fcrès-sjmpathique à sa
nature vive, pétillante, pnmesautière. • Il
vint ensuite, dit Mariette, demeurer chez le
père de Cars, le graveur, qui faisait commerce
lie thèses et qui l'occupa à des dessins de
planches qu'il faisait graver ensuite. Il lui
donnait le logement, la table et 60 francs par
mois, ce que Boucher estimait une fortune. »
C'est alors, en 1721, qu'il composa de nom-
breux dessins, qui furent gravés par Baquoy
pour la grande édition de l'Histoire de France
de Daniel. Il exécuta en même temps plu-
sieurs gravures d'après "Watteau, dont il ad-
mirait oeaucoup le talent. Deux ans plus
tard, âgé de vingt ans seulement, il obtint le
grand prix de peinture. Siil ne jouit pas des
bénéfices attachés a ce titre, s'il n'alla point
à Rome, comme il en avait le droit, aux frais
du gouvernement, c'est qu'il en fut empêché
par le duc d'Antin, surintendant des bâti-
ments. Ce n'est donc point son indifférence
pour les vieux maîtres, comme on l'a dit quel-
quefois, qui le fit renoncer à ce voyage, La
meilleure preuve qu'on en puisse donner,
c'est que, deux ans plus tard, un amateur gé-
néreux, qui savait mieux l'apprécier à sa
juste valeur que la plupart de ceux qui le ju-
geaient déjà, vint lui proposer de faire avec
lui un voyage en Italie, offre que Boucher
s'empressa d accepter. On répète encore, avec
la même légèreté, que son séjour à Rome, que
la vue des chefs-d'œuvre de Venise et de Flo-
rence lui furent parfaitement inutiles ; qu'il
ne sut y trouver ni conseils ni leçons; que
toutes ces magnificences le laissèrent froid et
insensible; et cela : » parce que ses instincts
l'éloignaient trop de la grande peinture pour
qu'il pût rien comprendre aux chefs-d'œuvre
des écoles italiennes... » Ceux qui parlent
ainsi, et le nombre en est çrand, montrent
peu de sentiment artistique; ils ignorent que
les conditions de mise en scène, d'arrange-
ment, de couleur et de forme, indispensables
h une œuvre bien entendue, sont les mêmea
absolument dans un sujet religieux que dans
un sujet erotique; que, cour développer un
thème licencieux, orduner, si l'on veut, il
faut savoir dessiner, composer, exécuter avec
. autant de puissance que pour traduire la plus
sainte inspiration. Est-ce à dire qu'un souper
du Régent, avec des abbés et des filles, des
fauteuils renversés, du Champagne qui mousse,
des chansons grivoises, des baisers impudi-
ques, doit être rangé sur la même ligne que la
Cane de Léonard de Vinci?Evidemment non:
ce serait un blasphème. Mais si le peintre
avait dessiné ses femmes et ses marquis, les
avait groupés avec autant de science et de
BOUC
bonheur quo l'a fait Léonard de Vinci dans
son chef-d'œuvre sublime, ce peintre serait
aussi remarquable que lui dans son genre,
quelque blâmable que ce genre pût être d'ail-
leurs. Telle est l'histoire du talent de Boucher.
Qu'on le plaigne, qu'on lui reproche d'avoir,
dans certaines de ses productions, choisi ou
plutôt accepté des sujets indignes de son pin-
ceau, de son imagination si brillante et si
gaie, nous le voulons bien; mais qu'on n'es-
saye pas d'amoindrir les qualités supérieures
qui le distinguent. Oublions l'homme, ne
voyons plus que l'artiste ; et nous compren-
drons aisément toutes les jouissances qu'il
dut éprouver devant les Titien, les Corrége,
les Giorgione, dont sa palette de coloriste a
rappelé plus d'une fois les brillantes harmo-
nies.
A son retour d'Italie, Boucher se créa rapi-
dement une riche clientèle dans la finance et
parmi les femmes à la mode, les reines du
demi-monde d'alors ; il acquit ainsi en même
temps fortune et célébrité. Présenté à l'Aca-
démie en 1733, il fut reçu le 30 janvier 1734.
Ce n'est que trente ans plus tard qu'il fut
nommé premier peintre du roi. Quoique le
mariage, comme il aimait à le dire, ne fût pas
dans ses habitudes, Boucher se maria pour-
tant en 1733. 11 eut trois enfants : un fils,
oui devint architecte, et deux filles dont
1 aînée épousa Deshays, peintre d'histoire, et
la cadette Baudouin, miniaturiste de talent.
Boucher mourut épuisé par le travail et les
plaisirs, a II avait, raconte Grîmm en parlant
de sa mort, depuis longtemps l'air d'un spec-
tre, et toutes les infirmités inévitables d une
vie consumée dans le travail et le dérèglement
des plaisirs. Il était doué d'une fécondité pro-
digieuse; aussi ses productions sont innombra-
bles... On l'appelait le peintre des Grâces ; mais
ses grâces étaient maniérées. C'était un maître
bien dangereux pour les jeunes gens : le piquant
et la volupté de ses tableaux Tes séduisaient,
et, en voulant l'imiter, ils devenaient détes-
tables et faux. Plus d'un élève de l'Académie
s'est perdu pour s'être livré à cette séduc-
duction. »
Longtemps on a reproché à Boucher la
grâce mignarde et maniérée de ses figures,
nourries de roses, suivant une expression con-
sacrée, et, malgré 'la réaction qui semble se
produire aujourd'hui en faveur de cet artiste,
il faut bien reconnaître que ce reproche n'est
pas sans fondement. Après avoir été trop dé-
précié, peut-être quelque caprice de la vogue
va-t-il l'exalter outre mesure. Il ne faut pas
oublier que cet artiste était le premier à se
moquer de la manière qu'il avait adoptée par
calcul. Peintre favori de Louis XV, il chercha
surtout la grâce erotique, qu'il n'a pas tou-
jours trouvée. Continuateur desWatteau et des
Vanloo, il est plus faux encore que ses maî-
tres, et n'a ni leur finesse ni leur brillante fan-
taisie. Chez lui, l'esprit semble avoir dis-
paru pour ne laisser subsister que la mollesse
affadie et la licence vulgaire. Il fut le Ra-
phaël du Parc-aux-Cerfs, pour employer une
comparaison hasardée, qui n'étonnait personne
à cette époque, tant le sentiment du beau et de
l'idéal dans les arts était alors étranger aux
esprits les plus judicieux. Boucher a été un
f
rand talent qui s'est prostitué à une société
égénérée et corrompue ; mais il serait tout
aussi injuste de contester sa valeur réelle, que
ridicule de le mettre sur un piédestal où il se- •
rait lui-même fort étonné de se voir. Les An-
glais, dit-on, s'en sont engoués singulière-
ment; cela se comprend : les vieux lords bla-
sés aiment les peintures libidineuses qui r é -
veillent leurs sens épuisés, par la même rai-
son, sans doute, que les buveurs à trogne
bourgeonnée préfèrent le trois-six à la char-
treuse. On sait, d'ailleurs, aue si les Anglais
ont inventé le Difteck, ils n ont jamais passé
pour les arbitres du goût. Boucher a peint des
sujets allégoriques, des Muses, des Grâces, des
bergeries, des nymphes, et des sujets religieux
tout aussi mythologiques que ses Amours et
ses pastorales. Le Louvre possède quelques-
uns de ses tableaux : Vénus commandant des
armes pour Enée est une fort belle toile. Les
figures, grandes comme nature, sont d'une
forme excellente dans leur çrâce conven-
tionnelle. La couleur, éblouissante de lu-
mière, est fine, variée, légère et transparente.
Cette œuvre est datée de 1732. Deux pastora-
les, datées de 1743 et 1753, sont assez insigni-
fiantes; mais le Bain de Diane est une vérita-
ble perle, qui porte la date de 1742. Elle fut
cédée au musée en 1852 par un frère de M. de
Rothschild pour 3,500 francs; elle avait coûté
le même prix à la vente de M. de Narbonne.
Les peintures et les dessins de Boucher ont
été gravés par tous les artistes du temps.
M
m
« de Pompadour, qui était artiste à ses
heures, reproduisit à l'eau-forte quelques pas-
torales de son maître favori. Boucher, lui-
même, a beaucoup gravé. Son œuvre en ce
genre se trouve tout entier a la Bibliothèque
impériale.
BOUCHER
BOUCHER (Juste-François), fils du précé-
dent, né à Paris en 1740. Après être resté
longtemps en Italie, où il fit toutes ses étu-
des, il revint se fixer à Paris. On connaît de
lui une Vue du temple de Minerve et une Vue
des ruines du Panthéon, gravées en rouge par
Denys ; les Ruines du temple d'Auguste, etc.
BOUCHER
BOUCHER (Pierre-Joseph), médecin et chi-
rurgien français, né à Lille en 1715, mori
vers 1780. Il a publié, outre plusieurs mé-
moires : Méthode abrégée pour traiter la dys-
BOUC
senterie (Lille. 1751); Observations faites à
Lille en Flandre sur différentes températures
de l'air (1768), etc.
BOUCHER
BOUCHER (Jonathan), ministre protestant,
né dans le.Cumberland en 1738, mort à Ep-
som en 1804. La révolution de l'Amérique du
Nord le força à quitter ce pays, où il était mis-
sionnaire ; il revint alors en Angleterre, où il
obtint le vicariat d'Epsom. On lui doit treize
Discours sur les causes et les résultats de la
révolution d'Amérique (1797), des Sermons,
et quelques parties d'un Glossaire qui devait
servir de supplément au dictionnaire de John-
son.
BOUCHER
BOUCHER (Jules-Armand-Guillaume), pein-
tre et graveur français,
B
né à Aix, travaillait
de 1786 à 1792. Il a gravé à l'eau-forte et au
burin des paysages d'après Pillement, Meu-
rant, L. Bellanger, L. Bruandet, Paul Bril,
le Guaspre, Keller, etc. ; quatre Vues de
Strasbourg, d'après Boemel ; des Vues des
environs de Montpellier et de Cette, etc.
BOUCHER
BOUCHER (Luc), marchand de vin du fau-
bourg Saint-Martin, à Paris, mort en 1795. Ii
était du nombre des insurgés qui assaillirent
la Convention nationale le 1er prairial an III.
Ce fut lui qui coupa la tête du représentant
Féraud, et qui, l'ayant mise au bout.d'une
pique, la porta dans la salle jusque sous les
yeux du président Boissy d'Angius.Trois jours
après, ce misérable était condamné à mort et
exécuté.
BOUCHER
BOUCHER (Jean-Baptiste-Antoine), écri-
vain ascétique, né à Paris en 1747, mort en
1827. Il fut successivement appelé à la cure
des Missions étrangères et à celle de Saint-
Merry. Ses écrits sont : Vie de la bienheu-
reuse sceur Marie de l'Incarnation (1800) ; De-
traite d'après les exercices spirituels de saint
Ignace (1807) ; Vie de sainte Thérèse (1810).
En outre, il coopéra à la publication des Ser-
mons de î'abbé de Marolles.
BOUCHERBOUCHER (P.-B.), jurisconsulte français.
En 1809, il était à Paris professeur de droit
commercial et maritime ; il passa ensuite en
Russie, où l'empereur lui donna le titre de
conseiller d'Etat. Nous citerons parmi ses
nombreuses publications : le Consulat de la
mer ou Pandectes du droit commercial et ma-
ritime (Paris, 1808) ; Traité complet, théorique
et pratique de tous les papiers de crédit et de
commerce (1808); Institutions commerciales
(1801); Institutions au droit maritime (1803);
Traité de la procédure civile et des formalités
des tribunaux de commerce (1808); Manuel
des commerçants (1808); Manuel des négociants
ou Code de commerce maritime (1808).
BOUCHER
BOUCHER (Louis-Gilbert), magistrat fran-
çais, né à Luzarches en 1782, mort en 1841.
A l'époque où une grande partie de l'Italie fut
incorporée à l'empire français, il y remplit
diverses fonctions élevées dans le ministère
public. Plus tard, il fut nommé procureur du
roi à Joigny et à Auxerre, puis procureur gé-
néral à l'île Bourbon d'abord, et ensuite à
Bastia ; mais il fut destitué à cause de la sé-
vérité qu'il montra en faisant arrêter plusieurs
condamnés par contumace qui s'étaient réfu-
giés en Corse. Depuis lors jusqu'à la révolu-
tion de 1830, il resta sans emploi et prit rang
parmi les avocats du barreau de Pans. Enfin,
il fut nommé procureur général près la cour
de Poitiers ; mais comme la Vendée se trou-
vait dans le ressort de cette cour, il eut telle-
ment à lutter contre les passions politiques
dont ce pays fut toujours le théâtre, qu'il vit
bientôt sa santé décliner, et qu'il succomba
après une longue maladie.
BOUCHEE
BOUCHEE (Alexandre-Jean), violoniste,
surnommé l'Aiexondr^ do» Violons, élève de
Navoigille, né à Paris en 1770, mort en 1861.
Il entra comme violon solo au service de
Charles IV d'Espagne, à l'âge de dix-sept
ans. Après un long séjour dans la Péninsule,
il revint à Paris et se fit connaître, en 1806,
aux concerts de M
m
e Catalani. Son talent fut
vivement discuté, surtout à cause de l'étran-
geté de ses manières, qui le fit accuser de
charlatanisme. Toutefois, on s'accorda géné-
ralement à lui reconnaître une véritable ori-
ginalité. Lorsque Charles IV fut prisonnier à
Fontainebleau, Boucher se rendit près de lui,
lui donnant ainsi une preuve d'attachement
dont fut touché le vieux roi. Pendant la Res-
tauration, il resta quelques années a Paris;
mais il passa la plus grande partie de son
temps à voyager en Angleterre, en Allema-
gne, en Pologne, en Russie. De retour en
France, il se livra à l'enseignement du violon,
puis se retira près d'Orléans. En 1860, âgé de
quatre-vingt-dix ans, il se fit encore entendre
a Paris devant quelques artistes. Boucher se
targuait d'une ressemblance extraordinaire
avec l'empereur Napoléon 1er. H
a
publié à
Paris et a Bruxelles deux concertos pour
violon. Dans un petit volume qui a pour titre :
le- Perron de Tortoni, Jules Lecomte rapporte
une lettre qui lui a été adressée par Alexandre
Boucher, dans laquelle ce violoniste réclame
la paternité ae la Marseillaise, tout au
moins pour la musique. Nous laissons à Jules
Lecomte, ou plutôt à l'histoire, puisque le
spirituel écrivain n'est plus, et qu'à tout pren-
dre il n'était qu'éditeur irresponsable, nous
laissons à l'histoire le soin de nous éclairer
sur la légitimité de cette singulière préten-
tion.
BOUCHEB
BOUCHEB D'ARGIS (Antoine-Gaspard), ju-
risconsulte français, né & Paris en 1708, mort
BOUC
en 1791, était fils d'un avocat au parlement
de Paris. Il étudia la jurisprudence et devint
successivement avocat, membre du conseil
souverain de Dombes (1753) et conseiller au
Châtelet de Paris* (1767). A la science d'un
jurisconsulte éminent, Boucher d'Argis joi-
gnait les plus rares qualités de l'homme privé.
Plein de désintéressement et de bienveillance,
il fut, pendant plus de soixante ans, une sorte
de juge de paix officieux qu'on venait prendre
pour arbitre, et il se montra constamment le
pacificateur des familles. Boucher a été un des
collaborateurs de Y Encyclopédie du xvme siè-
cle. Il a fourni tous les articles de jurisprudence
insérés dans cet immense ouvrage, depuis le
troisième volume inclusivement. C'est donc
par un regrettable oubli qu'il ne figure pas à ce
titre à la page xxm de notre préface. Diderot
lui-même a pris le soin, au commencement du
troisième volume de Y Encyclopédie, de parler
de son collaborateur Boucher d'Argis, dans des
termes qui sont restés un titre de gloire pour
la famille de ce dernier. Boucher a publié un
grand nombre de dissertations,de mémoires, de
notes, etc., et des ouvrages parmi lesquels nous
citerons : Dissertation sur l'origine du par-
chemin et du papier timbré (Paris, 17371;
Traité des gains nuptiaux et de survie (1738) ;
Code rural ou Maximes et règlements concer-
nant les biens des campagnes (1749-1762);
Règles pour former un auocat, suivies d'une
Histoire abrégée de l'ordre des avocats et des
prérogatives attachées à cet ordre ( 1753 et
1778), ouvrage qui eut un succès considérable ;
Principes sur la nullité du mariage pour cause
d'impuissance (1756), etc.
.
BOUCHERBOUCHER D'ARGIS (André-Jean), fils du
précédent, né à Paris en 1751, mort en 1794.
Avocat comme son père, il devint en 1772
conseiller au Châtelet, fut chargé en 1789 de
faire l'instruction du procès intenté au baron
de Bezenval, colonel des suisses, favorisa son
élargissement, et, après la démission de Ta-
lon , fut nommé par Louis XVI lieutenant
civil. Il refusa cette charge pour rester au
Châtelet. Dans la procédure relative aux jour-
nées des 5 et 6 octobre 1789, Boucher d'Argis
reçut la mission de faire un rapport à l'Assem-
blée constituante, et signala, parmi les per-
sonnes compromises, deux de ses membres,
Mirabeau et le duc d'Orléans. Le premier, il
dénonça la feuille de Marat, Y Ami du peuple.
Bientôt après,.dénoncé lui-même, il fut jeté
en prison comme suspect et comme membre
d'un club monarchique, condamné par le tri-
bunal révolutionnaire et exécuté. On a de lui
divers écritSj notamment : Observations sur
les lois criminelles en France (1781, in-8°) ;
Lettre d'un magistrat de Paris à un magistrat
de province sur le droit romain et la manière
dont on l'enseigne en France (1782); De la
bienfaisance de l'ordre judiciaire (1788), ou-
vrage dans lequel il demande qu'on donne
aux pauvres des défenseurs gratuits, et qu'on
accorde une indemnité aux prévenus dont
l'innocence est reconnue; De l'éducation des
souverains ou des princes destinés à l'être
(in-40). Citons aussi son Recueil d'ordonnances
(18 vol. in-32), publié de concert avec Camus.
BOUCHER
BOUCHER DE CREVEC0EUR (Jules-Ar-
mand-Guillaume), naturaliste français, né en
1757 a Paray-le-Monial, mort à, Abbeville en
1844, Issu d'une ancienne famille de la Cham-
pagne, il était contrôleur des finances lors-
qu il épousa, en 1787, M'ie de Perthes, qui
descendait de Jean Romée, oncle de Jeanne
Darc. Pendant la Révolution, il se tint à l'é-
cart, s'adonnant tout entier à, son goût pour
la botanique, puis il devint directeur des
douanes à Abbeville, et fut nommé membre
correspondant de l'Institut. Bien qu'il eût
perdu une partie de sa fortune pendant la
tourmente révolutionnaire, il avait réuni une
belle bibliothèque, une galerie de tableaux,
une riche collection de monnaies et d'an-
ciennes gravures, et formé un important her-
bier. Boucher de Crèvecœur a publié plu-
sieurs écrits, notamment une Flore d'Abbe-
ville (1803, in-8<>), fort intéressante au point
de vue de l'histoire naturelle du département
de la Somme; un Tableau des plantes céréales
et graminées (1798); des Expériences et re-
cherches sur l'orme (1799); des mémoires Sur
la formation des perles (1798) ; Sur la culture
et l'emploi du chardon à foulon (1801), etc.
BOUCHER
BOUCHER DE CREVECOEUR DE PERTHES
(Jacques), littérateur et archéologue français,
né à Rethel en 1788, fils du précédent. Il
fut autorisé, par une ordonnance royale de
1818, à ajouter à son nom celui de sa mère.
Ses goûts le portèrent d'abord vers les études
littéraires et le théâtre. Il composa quelques
tragédies : Frédégonde; Persée de Macédoine,
une comédie, le Grand homme chez lui (1828).
Attiré à la même époque vers les questions
politiques et sociales, M. Boucher de Perthes
fit paraître, sous le voile de l'anonyme, un
ouvrage dans lequel il se prononçait fortement
en faveur du libre échange, et qui avait pour
titre : Opinion de M. Christophe, vigneron, sur
les prohibitions et la liberté du commerce
(1831 à 1834, 4 parties in-8o). A partir de cette
époque surtout, M. de Perthes s'efforça de
créer en Picardie un centre scientifique et
littéraire, dans lequel il occupa le premier
rang. Il devint président de la Société d'ému-
lation d'Abbeville, et, passionné pour les étu-
des archéologiques, il forma d'importantes
collections, notamment d'antiquités celtiques
et romaines^, dont il a fait don à l'Etat, et qui
forment aujourd'hui un véritable et intéres-
BOUC BOUC
-BOUC
BOUC 1053
sant musée au château de Saint-Germain-en-
Laye.. C'est comme archéologue que M. de
Perthes s'est fait une grande réputation.
L'objet principal de ses recherches présente
un caractère d'originalité qui explique suffi-
samment le retentissement qu'elles ont eu dans
le monde savant, et les résultats de ces recher-
ches sont encore aujourd'hui l'objet d'une vive
controverse. Il croit à l'existence de l'homme
antédiluvien, et n'a cessé d'en chercher des
traces. Outre des mémoires sur ce sujet et
sur les antiquités de sa province, il a publié
deux ouvrages importants : De la Création,
tssai sur l'origine et la progression des êtres
(1839-1841, 5 vol. in-8"), et Antiquités celti-
ques et antédiluviennes (1847, in-S"), avec
80 planches, 'sur les arts et l'industrie primi-
tive de l'espèce humaine.
C'est dans la carrière, aujourd'hui célèbre,
de Moulin-Quignon, près d'Abbeville, que
M. Boucher de Perthes a. fait ses plus inté-
ressantes découvertes. Il trouva, dans des
fouilles qu'il y fit pratiquer, des haches en
silex, qui, selon lui, d'après la nature du ter-
rain, appartiendraient à une époque antérieure
à la face humaine actuelle. Cette opinion fut
vivement combattue. Quelques-uns de ses
adversaires ne virent dans ces haches primi-
tives que des fragments de silex, simplement
brisés, pendant que d'autres, entre autres
M. Henslow, de Londres, affirmaient que le
terrain dans lequel elles avaient été trouvées
n'était point de la nature que M. de Perthes
lui assignait. Quoi qu'il en soit, ce dernier,
parfaitement convaincu qu'il était en posses-
sion d'instruments fabriqués par l'homme et
attestant l'existence de ce qu'on a appelé de-
puis Ydge de pierre, n'en continua pas moins
a poursuivre ses recherches. Au mois de mars
1863, une découverte inattendue vint apporter
au savant archéologue une des joies les plus
vives que, sans aucun doute, il ait éprouvées :
auprès de hachettes en silex, un ouvrier
trouva, dans la carrière' de Moulin-Quignon,
une dent humaine, puis un os. M. de Perthes
accourut, 'et parvint à dégager, en présence
de M. Dimpre, la moitié d'une mâchoire, qui
paraissait appartenir à une autre race que la
nôtre. L'archéologue fit aussitôt part au monde
savant d'un événement qui, pour lui surtout,
avait la plus haute importance. La découverte,
en effet, fit grand bruit. Le paléontologiste
anglais M. Falconer se rendit à Abbeville,
constata l'identité du terrain et de la gangue
qui adhérait à la mâchoire, mais ne tarda pas
k émettre des doutes. Il n'était pas invrai-
semblable, en effet, que cette mâchoire eût été
apportée par un des ouvriers explorateurs
dans un but facile à comprendre. Pour mettre
un terme à une controverse qui menaçait de
devenir plus vive que jamais, une commission
présidée par M. Milne-Edwards et composée
de MM. Quatrefages, Lartet, Gaudry, De-
lesse, Hébert, Falconer, Busk, Carpenter,
Prestwich, etc., se réunit au Muséum de Pa-
ris. La discussion qui s'éleva entre les paléon-
tologistes anglais et français fut loin d'appor-
ter la lumière dans la question. On scia la mâ-
choire. L'odeur qui s'en exhalaparut confirmer
les doutes émis par M. Falconer. La commis-
sion se rendit alors à Moulin-Quignon, fit pra-
tiquer des fouilles qui amenèrent la décou-
verte de cinq hachettes, et se livra à une
enquête qui réduisit à néant toute idée de
fraude de la part des ouvriers. La question
se porta alors spécialement sur la nature du
terrain ; mais, sur ce point encore, les avis fu-
rent partagés, et l'opinion qui prévalut fut,
comme le pense M. Elie de Beaumont, que le
terrain n'appartenait point au véritable dilu-
vium. La commission se sépara, et encore au-
jourd'hui, sub judice Us est.
Depuis la publication de ses deux princi-
paux ouvrages, M. Boucher de Perthes a fait
paraître une tragédie, Constantine (1850); un
dictionnaire alphabétique des passions et des
sensations, intitulé : Hommes et choses (i851,
4 vol. in-8°) ; un roman, Emma; puis il a
donné successivement : Voyage à Constanti-
nople par l'Italie, la Sicile et la Grèce, et re-
tour par la mer Noire, la Boumélie, la Bul-
garie , la Bessarabie russe, les Provinces
danubiennes, la Hongrie, l'Autriche et la
Prusse (1856, 2 vol. in-12); Voyage en Dane-
mark (185S) ; Voyage en Bussie, Lithuanie,
Pologne, Silésie, Saxe et duché de Nassau
(1859) j, Voyage en Espagne et en Algérie
(1859) ; Sous dix rois (1S60, 6 vol. in-8<>) ; les
Masques, biographies sans nom (1861-1864,
4 vol.); les Maussades, complaintes (1862),
recueil de romances; Nègre ou blanc, de qui_
sommes-nous fils? (in-12).—Son frère, Etienne
BOUCHER DE CRÈVECŒUR, né à Rethel en
1791, est devenu directeur des douanes à
Saînt-Brieuc. On a de lui : Souvenirs du pays
basque (1820, in-8«).
BOUCHERAISBOUCHERAIS s. f. (bou-che-rè). Ornith.
Un des noms de l'engoulevent.
BOUCHER
BOUCHER DE LA. R1CHARDER1E (Gilles),
magistrat et littérateur français, né a Saint-
Gé*rmain-en-Laye en 1733, mort à Paris en
1810. Il fut d'abord avocat au parlement de
Paris. Lorsque le gouvernement révolution-
naire organisa le tribunal de cassation, il fut
élu pour en faire partie, et, en 1792, il présida
la section des requêtes. Il renonça ensuite à
la magistrature et devint le principal rédac-
teur du Journal général de la littérature de
France. Il s'était déjà, fait connaître au public'
par une Analyse de ta coutume générale d'Ar-
tois (1765); un Essai sur les capitaineries
royales (1789, in-8°), et une Lettre sur les ro-
mans. A ces publications il en ajouta une
autre, intitulée : De l'influence de la Révolu-
tion française sur le caractère et les mœurs de
la nation (1799). Mais son ouvrage le plus im-
portant fut sa Bibliothèque universelle des
voyages, ou Notice complète et raisonnée de
tous les voyages anciens et modernes dans les
différentes parties du monde ( 1808, 6 vol.
in-8o).
ÏÏOUCHER SAINT-SAUVEUR (Antoine),
conventionnel, né à Paris en 1723, mort a
Bruxelles en 1805. II fut d'abord capitaine de
cavalerie au service de l'Espagne, puis maître
particulier des eaux et forêts en Touraine.
Nommé député à la Convention en 1792, il y
vota la mort de Louis XVI. Il entra ensuite
au conseil des Cinq-Cents, et, sous le Direc-
toire, il fut nommé inspecteur de la loterie.
BOUCHERAI,
BOUCHERAI, famille parlementaire de
l'Ile-de*France, déjà fort considérée au com-
mencement du xvte siècle. Un de ses membres,
Nicolas BOUCHERAT, fut député au concile de
Trente comme procureur général de l'ordre
de Cîteaux, dont il fit partie, et fut élu abbé et
général de cet ordre en 1571. La branche
aînée de cette famille s'éteignit vers 1650. La
branche cadette a pour auteur Guillaume
BOUCHERAT,
BOUCHERAT, un des célèbres avocats du par-
lement de Paris. Il fut l'aïeul de Louis BOU-
CHERAT, comte UE COMPANS, chancelier de
France et garde des sceaux, dont nous don-
nons ci-après la biographie.
BOUCHERAT
BOUCHERAT (Louis), chancelier de France
sous Louis XIV, né à Paris en 1616, mort en
1699. Successivement conseiller au parlement,
maître des requêtes, intendant de Languedoc,
de Guyenne, de Champagne, et conseiller
d'Etat, il fut trois fois commissaire royal aux
états de Languedoc, et dix fois aux états de
Bretagne. Il était membre du conseil royal
des finances, lorsque, après la mort de Le
Tellier, Louis XIV le nomma chancelier de
France. Ce fut lui qui eut la triste mission de
mettre à exécution la révocation de l'édit de
Nantes, que Le Tellier avait signée en mou-
rant. Il existe un très-singulier panégyrique
des vertus et des talents de Boucherat, publié
par Bauderon de Senecey,sous le titre de :
le Coq royal ou le Blason mystérieux des ar-
mes de monseigneur Boucherat, chancelier de
France (1687, in-12).
BOUCHÈREBOUCHÈRE s. f. (bou-chè-re — fém. de
boucher). Femme d'un boucher, ou femme
qui vend de la viande : Une jeune BOUCHÈRE.
Les
BOUCHÈRESBOUCHÈRES sont réputées j)our leur fraî-
cheur.
— Art. culin. A la bouchère, Se dit de plu-
sieurs façons d'apprêter certains mets, n En-
tre-côte à la bouchère. Entre-côte grillée et
servie sans autre assaisonnement que du
poivre et du sel. ti Côtelettes à la bouchère,
Côtelettes qui n'ont pas été parées, c'est-à-
dire rognées.
BOUCHERIEBOUCHERIE s. f. (bou-che-rî — rad. bou-
cher). Abattoir, endroit où l'on tue les ani-
maux, dont la viande se vend ensuite en dé-
tail : La santé publique exige que les BOUCHE-
RIES soient situées hors des villes. L'échafaud
est l'école de l'assassin, comme la BOUCHERIE
est l'école du bourreau. (Boiste.) Vous avez
à Paris des BOUCHERIES • dans de petites rues
sans issue, gui répandent en été une odeur
cadavéreuse, capable d'empoisonner tout un
quartier. (Volt.)
Quand au mouton bêlant la sombre boucherie
Ouvre ses cavernes de mort...
A. CHÉNIER.
Il Etablissement où l'on vend au détail la
.chair des mêmes animaux: Les BOUCHERIES
de Paris sont fermées le soir de très-bonne
heure.
— Corps de bouchers : Toute la BOUCHERIE
de la place aux Veaux fut sur le point de
prendre les armes. (De Retz.) Il Commerce de
boucher : La BOUCHERIE est un commerce lu-
cratif, à cause du débit presque assuré. En Es-
pagne, en Italie, en Autriche, en Prusse, en
Russie, la BOUCHERIE est mal faite et la viande
mal soignée. (De Cussy.) Un veau de Pon-
toise est le plus délicieux rôti que la BOUCHE-
RIE puisse offrir. (Grimod.) Les oisifs sepréoc-
cupaient beaucoup de savoir quand arriverait
l'acquéreur du plus beau fonds de BOUCHERIE
de la ville. (E. Sue.)
— Viande de boucherie, Celle (iui se vend
communément dans les boucheries, savoir :
celle du bœuf, de la vache, du veau, du
mouton, de la brebis et de l'agneau : La
viande de BOUCHERIE est la plus nourrissante
et la plus saine de toutes.
— Par ext. Tuerie, massacre, carnage : Ce
ne fut plus un combat, une lutte, ce fut une
BOUCHERIE,BOUCHERIE, une véritable BOUCHERIE. On fit
une
BOUCHERIEBOUCHERIE de plus de cinq cents citoyens.
(Volt.) L'histoire de tous les cultes nous ap-
prend que les meurtres politiques ont été pré-
cédés de pieuses BOUCHERIES humaines. (Sylv.
Maréchal.)
Vos couteaux assassins, poussés par les Furies,
Changent quatre prisons en vastes boucheries.
Il Mort sanglante et assurée d'un grand
nombre de personnes: Conduire des soldats
à la BOUCHERIE. M. de Contades mène à la
BOUCHERIEBOUCHERIE tous les descendants de nos anciens
cheimliers, et leur fait attaquer quatre-vingts
pièces de canon, comme Don Quichotte atta-
quait des moulins à vent, (Volt.)
— Prov. / / n'a pas plus de crédit qu'un
chien à la boucherie, Il n'a aucun crédit, au-
cune autorité dans cette entreprise, dans
cette affaire, parce que les chiens sont très-
mal reçus dans une boucherie.
— Encycl. Hist. et administ. A Rome, la
profession de boucher et le commerce des
viandes furent de bonne heure l'objet d'une
sérieuse réglementation. Les bouchers étaient
séparés en deux corps, ayant chacun un chef
particulier élu par eux : les suarii, chargés
plus spécialement de l'achat et de la vente des
porcs, et les boarii ou pecua*ii,, consacrés au
commerce des bœufs et des autres animaux
de boucherie. Les bouchers jouissaient de cer-
tains privilèges et exemptions; leurs différends
ressortissaient au tribunal du Forum. Les
étaux, d'abord épars dans la ville, furent
réunis au Grand Marché, Macellum Magnum,
construit sur le mont Célius, devant les man-
sions des Albains. On voit dans les auteurs
que les édiles et leurs délégués avaient pour
mission de surveiller la vente des viandes et
autres comestibles, et de faire détruire tout
ce^qui n'était pas de bonne qualité. Plus tard,
l'inspection du commerce des bestiaux et la
fixation du prix des viandes furent mises dans
les attributions du préfet de la ville.
En France, il est difficile de fixer l'époque
où les bouchers furent soumis aux règlements
des administrations locales et dû gouverne-
ment. Dans la plupart des villes, _ils se réu-
nirent en communautés jouissant d'immunités
particulières, l'autorité royale intervenant
pour approuver leurs statuts ou les modifier.
La conséquence de ce système fut la limitation
du nombre des bouchers : ainsi, en 1220, ceux
d'Orléans obtinrent cette faveur, à la charge
d'une redevance.' Le plus souvent, les admi-
nistrations locales leur imposèrent l'obligation
de débiter leurs viandes dans une boucherie
centrale et commune. Il arriva cependant que
les avantages de la liberté furent quelquefois
appréciés: en octobre 1416, la communauté
de Chartres fut supprimée, et le commerce
de boucherie fut déclaré libre dans cette ville,
par le motif que tant plus y aura de bouchers
et gens tenant et vendant chairs en détail, tant
plus sera le profit du commerce et de la chose
publique. Les corporations de bouchers furent
presque partout maintenues, sous la forme
de communautés ou de syndicats, jusqu'à
la révolution de 1789. Placées sous l'autorité
du syndic de la communauté, elles étaient en
outre surveillées par les officiers municipaux
(jurats, échevins et maires). En 1776, les bou-
chers furent astreints, sous peine d'amende,
a déclarer un an à l'avance leur intention
de cesser leur commerce. A Paris, à raison de
la population considérable de la capitale et de
ses besoins, la boucherie fut l'objet de règle-
ments dont nous parlerons plus loin.
La loi du 2 mars 1791, en abolissant les
monopoles et les corporations, en procla-
mant la liberté de l'industrie, fit disparaître
en droit les entraves qui avaient existé jus-
qu'alors pour le commerce de la boucherie;
mais, en fait, il n'en fut pas de même-: les
lois du 16 août 1790 (tit. XI, art. 3, § 4), et
du 19 juillet 1791 (art. 30), en chargeant les
administrations municipales d'inspecter le dé-
bit des denrées qui se vendent au poids et la
salubrité des comestibles exposés en vente
publique, et en les autorisant provisoirement
a taxer la viande de boucherie, donnèrent nais-
sance à une foule de règlements, qui, sous
prétexte de l'intérêt public, ressuscitèrent des
prescriptions contraires au principe de liberté
écrit dans nos constitutions. Les abus de la
réglementation furent tels, que le ministre
de l'intérieur, en 1825, dut appeler sur cette
matière l'attention des préfets. Il signala
dans les règlements municipaux des disposi-
tions en opposition avec la législation, ou en
dehors de la compétence municipale : » Au
nombre des premières, écrit-il,j'ai remarqué:
1» la concentration du débit de la viande dans
les boucheries publiques, et la défense d'en
vendre ou exposerdans les étaux particuliers;
2° la perception dans ces établissements de
droits illégaux ; 3° la limitation du nombre des
individus qui exercent la profession de bou-
cher ou de charcutier-, 4» l'interdiction de
l'entrée des viandes dépecées dans la ville ;
50 la défense d'étaler et vendre certaines
viandes à des époques déterminées dans le
cours de l'année; 6° l'obligation imposée aux
bouchers et charcutiers des communes voi-
sines d'une ville de venir à l'abattoir public
de cette ville pour y abattre leurs bestiaux j
70 l'établissement de dispositions pénales
nouvelles, ou le renouvellement d'anciennes
qui ne s'accordent pas avec le Code pénal, etc.
Parmi les secondes, je citerai : s° 1 organisa-
tion des bouchers et charcutiers en syndicats ;
9° l'imposition de cautionnements pécuniaires;
10° l'obligation, pour exercer leur état, de se
munir d'une permission du maire; 11° celle de
n'en quitter l'exercice que trois ou six mois
après en avoir fait la déclaration à ce magistrat;
12° la défense d'abattre les bestiaux ailleurs
que dans un abattoir commun et public, etc.»
On voit, d'après cette énumération, que, dans
un certain nombre de communes, le commerce
de la boucherie était entravé par le retour à
d'anciens usages ou par des prescriptions
nouvelles. On croyait que la salubrité et la
consommation publique auraient â souffrir
• d'une liberté qui rendrait la surveillance mu-
nicipale trop difficile ou même impossible.
D'un autre côté, le gouvernement, qui seul
eût pu mettre en harmonie tous ces intérêts,
en édictant un règlement général d'admini-
stration publique sur cette importante matière,
se borna à poser quelques règles dans la cir-
culaire du 22 décembre 1825, dont nous avons
donné ci-dessus un extrait. De sages prescrip-
tions, dans l'intérêt bien entendu de 1 hvgiène
publique, favorisèrent l'établissement d"'abat-
toirs municipaux, et supprimèrent les tueries
particulières. Peu à peu ce régime, qui avait
été éprouvé en Belgique, en Suisse, en Pié-
mont, en Prusse, en Angleterre, que Lyon,
Lille, Rouen, Toulouse, Bordeaux et les
grandes communes suburbaines qui entourent
Paris avaient expérimenté avec succès, de-
vint celui de presque toute la France, y com-
pris la capitale.
Le résultat le plus frappant du progrès des
idées modernes est l'abandon successif des
entraves réglementaires qui ne sont pas justi-
fiées par d'impérieuses nécessités. C'est ainsi
qu'à Paris l'administration supérieure a aboli
la taxe de la viande ; dans les départements,
ne pouvant agir d'autorité et obliger les mu-
nicipalités à renoncer au droit qui leur a été
accordé provisoirement par la loi non encore
abrogée de 1791, elle a engagé les préfets à
user de leur influence pour déterminer les ad-
ministrations communales à entrer dans cette
voie. « Indépendamment de ce que l'interven-
tion de l'autorité pour fixer le prix des denrées
alimentaires, écrit le ministre du commerce
dans sa circulaire du 24 décembre 1864, n'est
plus en harmonie avec les principes de li-
berté commerciale dont l'application se géné-
ralise de jour en jour, l'établissement pour la
viande de boucherie d'une taxe présentant des
garanties d'exactitude est d'une extrême dif-
ficulté. La multiplicité des éléments qui doi-
vent concourir a la formation d'une taxe de
cette nature, l'embarras que les administra-
tions municipales éprouvent nécessairement
à se les procurer ou à les déterminer par des
expériences ou des observations particulières,
puis à les réunir et à les coordonner entre
eux, sont autant de sources d'erreurs pour
les calculs' auxquels ces éléments servent
de base. » Le ministre, après avoir établi
qu'il fallait, pour taxer exactement la viande
de boucherie, constater le prix du bétail sur
pied, déterminer en moyenne le rendement
net en viande des bêtes de chaque espèce,
fixer le prix de la viande à l'étal du boucher,
en tenant compte du bénéfice dû à celui-ci,
et de la différence des morceaux, enfin ren-
dre la pesée obligatoire, termine ainsi sa cir-
culaire : « La suppression complète d'une me-
sure qui ne peut recevoir son exécution que
dans des conditions aussi défavorables me
paraîtrait donc, monsieur le préfet, éminem-
ment désirable à tous les points "de vue. Les
administrations municipales qui l'ont conser-
vée jusqu'ici s'épargneraient ainsi de sérieux
embarras, et mettraient à couvert leur res-
ponsabilité, qui est engagée d'une manière
fâcheuse... »
— La boucherie à Paris. Jusqu'à la fin du
xvie siècle, à Paris, le commerce de la bou-
cherie resta le domaine exclusif d'un petit
nombre de familles réunies en société, et
n'admettant à y participer que les fils de maî-
tres. Lorsqu'une maîtrise devenait vacante,
faute d'héritiers mâles directs ou collatéraux,
elle retournait à la communauté. La corpora-
tion des maîtres bouchers devint puissante par
l'accaparement de tous les étaux et par la ri-
chesse de ses membres. A la suite des trou-
bles qui ensanglantèrent Paris, dans la lutte
des Bourguignons contre les Armagnacs, les
établissements de la communauté des bou-
chers, qui avait pris parti pour les Bourgui-
gnons, furent fermés ou rasés; leur corpo-
ration fut dissoute et leurs privilèges abolis
(13 mai 1416). Deux ans plus tard, ils obtinrent
l'oubli du passé et le rétablissement de la
communauté; toutefois, deux boucheries fu-
rent autorisées : l'une, la Grande, à l'Apport
de Paris, près du Châtelet, et l'autre au mar-
ché Saint-Jean. En 1761, le privilège de ces
étaux appartenait encore à quatre familles
qui n'exerçaient plus le commerce de la bou-
cherie, et tiraient parti de leur privilège en
louant les étaux par baux passés devant le
lieutenant civil ; mais, à cette époque, il exis-
tait depuis longtemps un certain nombre de
boucheries de second ordre, fondées successi-
vement pour assurer l'approvisionnement de
Paris, et payant une redevance aux proprié-
taires de la Grande boucherie.
En 1587, les maîtres bouchers, auxquels
seuls il fut permis de prendre en location les
étaux des diverses boucheries, admirent dans
leur communauté les apprentis, qui purent,
après trois ans d'apprentissage, acheter le
brevet de compagnon et la maîtrise : c'était
déjà un progrès. En 1673, la juridiction parti-
culière attribuée au chef de la communauté
(élu à vie sous le nom de maître des maîtres
bouchers) fut abolie et réunie au Châtelet.
Toutefois, la communauté continua à jouir de
grands privilèges, qui avaient pour justifica-
tion l'obligation qui lui était imposée d'appro-
visionner la ville de viande. Cette obligation
était tellement rigoureuse que, en 1645, le
lieutenant de police enjoignit, sùus peine de
la vie, aux maîtres bouchers de se transporter
à Poissy et d'y faire des achats de bestiaux.
Supprimée au mois de février 1776, la com-
munauté fut rétablie au mois d'août de la
même année, et enfin définitivement suppri-
mée à la Révolution.
1054 BOUC
BOUC
BOUC BOUC
Le principe de la liberté illimitée appliqué
à ce commerce entraîna de grands désordres.
La guerre civile avait arrêté la production
dans le Poitou, le Maine et une partie de la
Normandie ; les réquisitions pour le service
des armées avaient achevé de désorganiser
les relations avec les éleveurs; enfin la police
était alors insuffisante pour empêcher l'intro-
duction dans Paris , et même la vente sur la
voie publique, des viandes les plus malsaines.
C'était là un grand mal, et, comme il n'était
pas dans le génie du peuple français, et no-
tamment de la population parisienne, d'en
attendre le remède du cours naturel des
choses, on sut gré à l'administration des me-
sures qu'elle prit pour y porter remède. Afin
de rendre de la sécurité au commerce de la
boucherie, et d'y rappeler des hommes hon-
nêtes et solvables, on limita le nombre des
bouchers, et on les obligea à se munir d'une
autorisation du préfet de police et a verser
un cautionnement. On détermina les éleveurs
à amener leurs bestiaux sur les marchés app-
rovisionnement de Paris, en astreignant les
ouchers à faire exclusivement leurs achats
sur ces marchés, et à les payer comptant, par
l'intermédiaire d'une caisse, ta caisse de Poissy,
chargée de leur faire des avances à un taux
modéré.
A la longue, ce système eut pour inconvé-
nient de rendre les bouchers, qui étaient alors
au nombre de trois cent soixante-dix, maîtres
du prix des bestiaux sur les marchés, et du
prix de la,viande à l'étal. Sur les réclama-
tions des éleveurs et des consommateurs, on
remédia successivement à ces inconvénients,
en élevant le nombre des tfouchers, qui fut
porté d'abord à quatre cents, puis à cinq cent
un, enfin en ouvrant deux fois par semaine
un marché où les bouchers forains pouvaient
faire concurrence aux bouchers établis. Ces
concessions n'ayant point satisfait les éleveurs
ni les consommateurs, en 1848 on augmenta
le nombre des marchés, et la vente sur ces
marchés fut quotidienne. Cette réglementa-
tion était un sujet de plaintes pour tout lo
monde, bouchers, éleveurs, consommateurs.
Les bouchers alléguaient que chaque jour leur
monopole était de plus en plus entamé par
les forains; les éleveurs se plaignaient du tas
prix des bestiaux sur pied, comparativement
au prix de la viande à l'étal, et le public ré-
clamait contre le prix élevé de la viande à
l'étal, comparativement au bas prix des bes-
tiaux sur pied.
Devant ces doléances, l'administration crut
devoir faire l'essai de la taxe autorisée par
la loi de 1791. Envisagée théoriquement, la
taxe semblait devoir satisfaire et concilier
tous les intérêts : l'intérêt du boucher, auquel
elle assurait une juste rémunération; l'inté-
rêt du consommateur, puisqu'elle prenait pour
base du tarif le prix de revient dûment con-
staté, surélevé seulement d'un bénéfice équi-
table ; l'intérêt de l'éleveur lui-même, puisque
le boucher, assuré de son bénéfice dans tous
les cas, n'était pas stimulé à faire baisser le
prix du bétail au-dessous du prix vrai déter-
miné par l'offre et la demande mises en pré-
sence. Après une épreuve de trois ans, on dut
reconnaître que, en pratique, la taxe ne pro-
duisait aucun des résultats indiqués par la
théorie. Les bouchers n'ayant plus d'intérêt
personnel à discuter le prix du bétail, la taxe
devenait la base obligée des transactions du
marché, et favorisait ainsi la permanence de
la cherté. En outre, malgré les précautions
prises, la taxe ne pouvait prévoir toutes les
habiletés du métier qui détruisaient l'écono-
mie de ses calculs, et augmentaient indûment
le bénéfice du boucher. Supprimer la taxe,
c'était laisser le monopole sans contre-poids;
aussi se décida-t-on à rentrer dans le droit
commun, en rendant l'exercice de cette indus-
trie complètement libre (décret du 24 février
1858). L'expérience a démontré que la liberté
de ce commerce n'a compromis ni la santé
publique, ni l'approvisionnement de la capi-
tale. La caisse de Poissy a cessé d'exister, et
les éleveurs ont continué de rencontrer sur le
marché de Paris les deux conditions qui les
déterminent à y envoyer leurs animaux, sa-
voir : l'affluence des acheteurs et le payement
au comptant. Les craintes qu'on avait eues
de voir des compagnies se former, soit pour
accaparer les bestiaux, soit pour accaparer
les étaux, ne se sont pas réalisées.
La proclamation de laliberté de la boucherie
n'a cependant pas désarmé l'administration,
qui s'est naturellement réservé la faculté d'as-
surer la fidélité du débit et la salubrité des
viandes vendues dans les étaux et sur les
marchés. Le décret du 24 février 1858 a in-
terdit le colportage des viandes, et astreint
les bouchers a déclarer à la préfecture de po-
lice le nom de la rue et le numéro de la mai-
son où chacun d'eux veut exercer sa profes-
sion, afin que, par l'inspection préalable des
ieux, l'administration soit à même de pres-
crire les mesures réclamées par l'hygiène.
Nous ne donnerions pas une idée complète .
de la boucherie, telle qu'elle fonctionne à Pa-
ris, si nous ne disions un mot de ce qu'on ap-
pelle le commerce à la cheville. C'est ainsi
qu'on désigne la vente en gros ou en demi-
gros des animaux divisés en quartiers, et sus-
pendus aux chevilles de fer des échaudoirs.
Cette vente se fait à l'abattoir. Elle est pra-
tiquée par des bouchers qui vont acheter des
animaux sur pied, puis les revendent aux
bouchers qui ne fréquentent pas les marchés
de bestiaux. La vente à la cheville, licite en
elle-même, était jadis punie des galères ; mais
elle est tolérée aujourd'hui, malgré les an-
ciens règlements. Les chevillards (c'est ainsi
qu'on nomme les bouchers qui fréquentent
les marchés) dominent forcément le com-
j merce de la boucherie; car ils savent acheter
les animaux vivants, apprécier leur poids à la
simple vue, prévoir leur rendement; ils sont
d'ailleurs assez riches pour courir les chances
auxquelles les expose leur estimation sur pied.
Il est encore un autre genre de commerce
de boucherie peu connu et usité seulement de-
puis quelques années : c'est la vente de la
viande à la criée. Ce mode de vente, pratiqué
dans un compartiment spécial des Halles cen-
trales, tout en favorisant l'approvisionnement
de la capitale, permet aux étaliers, aux res-
taurateurs, et même aux particuliers, d'ache-
ter, pour ainsi dire de première main et à un
prix réduit, des viandes de qualité moyenne
expédiées directement de province.
Depuis un an environ, on essaye de faire
entrer dans la consommation de Paris des
viandes autres que celles de bœuf, de veau et
de mouton ; une société d'hivpophages a établi
des boucheries uniquement destinées à débiter
et à vendre de la chair de cheval. L'une
d'elles se trouve à l'entrée de la route d'Ita-
lie, ancienne barrière Fontainebleau. Le succès
paraît devoir couronner cet essai.
Quelques économistes, voyant que la liberté
de la boucherie n'a pas fait baisser le prix de
la viande, comme on s'y attendait, prétendent
que cette liberté a été plus nuisible qu'utile,
et demandent que l'on revienne à un système
de réglementation conçu dans l'intérêt des
consommateurs; mais nous croyons qu'ils se
trompent, et que la liberté doit toujours être
préférée à l'arbitraire. Tout ce qu'on est en
droit de conclure d'après l'expérience, c'est
que la liberté, toute seule, est impuissante à
abaisser le prix de la viande, parce que, dans
les circonstances actuelles, le prix est à peu
près ce qu'il doit être. Pour nous en convain-
cre, jetons un coup d'œil sur la situation ac-
tuelle de la boucherie en France. Que voyons-
nous? D'un côté, l'Etat qui perçoit des droits
onéreux sur les bestiaux vivants et sur la
viande morte ; de l'autre, les municipalités qui
sont forcées d'élever outre mesure les taxes
d'abatage, parce qu'elles ont eu l'ingénieuse
pensée de transformer les abattoirs en monu-
ments
>
publics. Pour aggraver des charges
déjà si lourdes, et qui retombent toutes sur le
consommateur, les bouchers réclament des
bénéfices exorbitants. Sur ce dernier point, la
faute n'est point à l'administration, mais à
l'éleveur lui-même, à son apathiej à l'habi-
tude où il est de remettre ses intérêts à d'au-
tres mains que les siennes. L'article 6 du dé-
cret cité plus haut porte que tout propriétaire
d'animaux jouit, comme les bouchers, du
droit de faire abattre son bétail dans les abat-
toirs généraux, d'y faire vendre à l'amiable
la viande provenant de ces animaux, de la
faire enlever pour l'extérieur en franchise du
droit d'octroi, ou de l'envoyer sur les marchés
intérieurs de la ville affectés à la criée des vian-
des abattues. Où sont les éleveurs empressés
de profiter de cette faculté qui ouvre un champ
si vaste à la concurrence, surtout avec la
facilité des communications. Quoi dl'étonnant,
après tout cela, si la viande se maintient à un
prix si excessivement élevé? Pour nous, la
question est donc désormais entièrement ré-
solue. Il ne s'agit plus d'accuser à tout pro-
pos, avec ou sans raison, la liberté de la bou-
cherie, de la rendre responsable d'un état de
choses qu'elle n'a pas produit, et qu'elle est im-
puissante à faire disparaître, mais de s'attaquer
aux vrais obstacles en produisant la concur-
rence sur les marchés, en activant la produc-
tion chez les éleveurs, enfin en supprimant les
droits qui grèvent la viande au profit du fisc.
— Droit pénal. Les simples contraventions
en matière de boucherie sont de la compé-
tence des tribunaux de police. Lorsque le
boucher vendait sa viande à un prix supé-
rieur à la taxe légalement faite et publiée,
il était passible d'une amende de il à 15 fr.,
et pouvait être puni d'un emprisonnement de
unacinq jours (C. pénal, art. 479, § 6, et 480);
les autres infractions aux mesures de police
ordonnées par l'administration municipale en-
traînent une amende de 1 à 5 fr., et, en cas
de récidive, un emprisonnement de un à trois
jours. (C. pénal, art. 471,§ 15, et art. 474.) La
vente ou mise en vente de viandes corrom-
pues est un délit prévu par la loi du 27 mars
1851, qui renvoie, pour l'application de la
peine, a l'art. 423 du Code pénal; les délin-
quants encourent un emprisonnement de trois
mois à un an, et une amende de au moins
50 fr., et qui ne peut excéder le quart des
restitutions et dommages-intérêts. Le tribunal
doit prononcer la confiscation des viandes
saisies, et a la faculté d'ordonner l'affichage du
jugement, et son insertion dans les journaux
qu'il désigne, le tout aux frais du condamné.
— Droit civ. et comm. Les bouchers, comme
fournisseurs de subsistances, sont privilégiés
sur la généralité des biens de ceux à qui ils
ont fait des fournitures de viande, mais seule-
ment pour les six derniers mois. (C. Nap.,
art. 2101, § 5.) Ils sont, comme tous les mar-
chands vis-à-vis des particuliers, soumis à la
prescription d'unan. (C. Nap., art. 2272.) Leur
profession, qui consiste à acheter des bestiaux
pour les revendre en détail, est un véritable
commerce : les bouchers sont par conséquent
tenus de toutes obligations imposées aux com-
merçants. La loi du 25 avril 1844 les range
dans la quatrième classe des patentables.
BOUCHERIE,
BOUCHERIE, nom d'un petit pavs dans
l'ancienne province du Berry, autour de Saint-
Christophe (Indre).
BOUCHERIE
BOUCHERIE (Auguste), médecin et chi-
miste français, né à Bordeaux en 1801. Il quitta
le commerce pour étudier la médecine à Bor-
deaux, puis à Paris, où il se fit recevoir docteur
en 1832. S'étant adonné d'une façon particu-
lière à la chimie, il fit dans sa ville natale des
cours publics sur cette science, et fut amené à
étudier les moyens de préserver d'une destruc-
tion rapide les bois employés dans les construc-
tions. Ses laborieuses recherches lui firent dé-
couvrir le procédé qui consiste à injecter de
sulfate de cuivre le bois au moment de la
coupe ; puis, conduit par la voie de l'analogie, il
arriva a colorer diversement les bois avec |
des sels, en employant le même procédé. Les
résultats obtenus ont mis en évidence la
grande utilité pratique du système proposé
par le docteur Boucherie. Les compagnies de
chemins de fer et l'administration des télégra-
phes se servent aujourd'hui de ses bois injec-
tés, pour faire des traverses destinées à sou-
tenir les rails et des poteaux propres à relier
les fils. M. Boucherie a obtenu des récompen-
" ses de premier ordre en faisant figurer aux
expositions universelles de 1851 et de 1855 des
échantillons de ses traverses dans un état de
parfaite conservation, et, à côté, des traverses
ordinaires, qui tombaient en poussière après
avoir servi le même temps dans la construction
des voies ferrées. Enfin, depuis 1857, il a été
élevé au grade d'officier de la Légion d'hon-
neur. On doit à cet habile chimiste un Mémoire
sur la conservation des bois (1840).
BOUCHERON
BOUCHERON (Charles-Emmanuel-Marie),
philologue érudit et professeur piémontais, né
a Turin en 1773, mort en 1838. A dix-huit ans,
il était reçu docteur en théologie; mais il étu-
dia ensuite le droit et il entra dans la secré-
tairerie royale. L'invasion française lui fit
perdre sa position, et dès lors il se consacra
a l'enseignement; il obtint en 1811 la chaire
d'éloquence latine à l'université de Turin ;
plus tard, il professa en même temps l'histoire
à l'Académie militaire et l'archéologie à l'Ecole
des beaux-arts. Ses principaux ouvrages sont:
Caroli Boucheroni de Clémente Damiano
Priocca (1815) ; De Thoma Valperga Calusio
(1833) ; Spécimen inscriptionum tatinarum ,
edente Thoma Vallauri (1836); De Josepho
Vernazzo (1837).
BOUCHES,
BOUCHES, mot qui est entré dans la com-
position du nom de plusieurs départements
français du premier empire, savoir : les Bou-
CHES-DE-L'ELBE, ch.-l. Hambourg: les Bou-
CHES-DE-L'ESCAUT , ch.-l. Middelbourg; les
BOUCHES-DE-LA-MEUSE,
BOUCHES-DE-LA-MEUSE, ch.-l. La Haye; les
BOUCHES-DU-RHIN
BOUCHES-DU-RHIN , ch .-1. Bois - le - Duc ; les
BOUCHES-DU-WÉSER
BOUCHES-DU-WÉSER , ch.-l. Brème; les Bou-
CHES-DE-L'YSSEL, ch.-l. Zwoll.
BOUCHES
BOUCHES DE CATTARO, golfe de Dalmatie.
V. CATTARO (Bouches de).
BOUCHES
BOUCHES BU DRAGON et BOUCHES DU
SERPENT, noms de deux petits détroits qui
séparent à l'O. l'Ile de la Trinité et le conti-
nent américain, dans la mer des Antilles. Ces
deux détroits forment, au N.-O. et au S.-O.
les deux entrées du golfe de Paria/Situé sur la
côte de la république de Venezuela, province
de Cumana.
BOUCHES-DU-RHÔNE,
BOUCHES-DU-RHÔNE, département de la
région maritime Sud-Est de la France, formé
de la basse Provence, et ainsi appelé à cause
du Rhône, qui s'y jette dans la Méditerranée
par plusieurs embouchures ; il est compris entre
le département de Vaucluse, au N. ; celui du.
Var, à l'E. ; la Méditerranée au S., et séparé
à l'O. par le Rhône du département du Gard.
Plus grande longueur, de 1 E. à l'O., 96 kilom.;
plus grande largeur, du N. au S., 60 kilom. ;
superficie, 510,497 hect. Il comprend trois ar-
rondissements : Marseille, ch.-l., Arles et
Aix; 27 cantons
?
106 communes, 507,112 hab.
Archevêché à Aix , évêché à iMarseille, cour
impériale et académie d'Aix, 9e division mili-
taire et 26e arrondissement forestier.
Ce département est couvert au N. et à
l'E. par des collines et des montagnes, rami-
fications alpines; à l'O. et au S.-O. par les
plaines basses de la Crau et les plaines allu-
viales de la Camargue. Il présente deux
pentes générales : la première au N. sur le
Rhône et la Durance; la seconde au S. sur
l'étang de Berre et la Méditerranée, arrosée
par la Touloubre, l'Arc, la Veaune, etc., et cou-
verte en grande partie de mares et d étangs.
Les plus considérables de ces amas d'eau sont
les étangs de Valcarère et de Berre. Dans les
environs du Rhône, les côtes sont basses;
partout ailleurs elles présentent des escarpe-
ments très-élevés. Le territoire, coupé en di-
vers sens par plusieurs canaux ou tranchées,
dont les plus importants sont les canaux d'Ar-
les et de Craponne, est pierreux et ingrat dans
la partie N.-E. et dans la plaine de la Crau,
fertile et de bonne qualité dans la partie ar-
rosée par la Veaune et dans, les plaines com-
prises entre la Durance, le Rhône et le canal
de Craponne.
Le sol ne renferme aucune mine métallique ;
mais on exploite des bassins de houille consi-
dérables, des carrières de marbre , d'ardoise,
de pierres de taille, des marais salants, et les
eaux thermales d'Aix et des Camoins sont
connues et fréquentées depuis longtemps. La
richesse agricole consiste surtout dans la cul-
ture des plantes industrielles, du mûrier et de
l'olivier, dont les produits sont, avec ceux
des vignobles, les plus importants du pays.
Du reste, les forêts, les étangs et les terres
incultes occupent près de la moitié de la su-
perficie du département. Plus commerçant
que manufacturier, ce pays renferme cepen-
dant un assez grand nombre d'usines, et les
produits de ses manufactures de soude et
surtout de ses savonneries jouissent d'une
grande faveur. La pêche dans la Méditerra-
née, considérable surtout en anchois, thon et
corail, occupe la majeure partie de la popula-
tion des villages maritimes. Le commerce
d'importation et d'exportation, favorisé par
huit ports de mer, s'étend aux cinq parties du
monde, mais principalement aux régions mé-
diterranéennes. En 1861, le mouvement total
| des huit ports du département se résume par
les chiffres suivants : entrée ( grande naviga-
tion et cabotage), 18,662 navires jaugeant en-
sembles, 354,930tonneaux;sortie, 17,842 navi-
res d'un tonnage total de 3,295,131 tonneaux. Le
climat du département des Bouches-du-Rhône,
généralement sec, est tempéré dans les régions
N. et S.-E., et assez vif dans la région cen-
trale; mais le fléau de ce pays est le terrible
mistral ou vent du N.-O., qui yient de la région
élevée des Cévennes.
Nous allons jeter un coup d'œil sur les res-
sources de ce département, l'un des plus fa-
vorisés de la France.
La moitié environ des terres labourables
est annuellement semée en blé, le reste est
en jachères ou occupé par diverses cultures,
telles que : le sainfoin, la luzerne et autres
plantes fourragères, l'avoine, le seigle, l'orge,
le méteil,les pommes de terre, les betteraves,
les fèves et la garance. Les propriétés sont,
en général, très-morcelées; cependant il
existe quelques domaines considérables, dont
le revenu peut s'élever jusqu'à 30 et même
40 mille francs. Par suite de cet état de
choses, la petite culture est très-répandue et,
l'agriculteur y doit presque tout à ses bras.
On divise ordinairement le sol en allées de
vignes dites aoutins. Ces allées, plus ou moins
régulières, sont séparées par des ourlières ou
espaces consacrés a la culture des légumes et
des céréales. Les arbres fruitiers alternent
quelquefois avec la vigne, et forment avec
elle une allée unique ; d autres fois, ils consti-
tuent des allées séparées, plantées en bordure
le long des champs cultivés. L'alternance
raisonnée des cultures est encore peu répan-
due.
La variété de blé cultivée dan3 le départe-
ment des Bouches-du-Rhône, ainsi que dans la'
plus grande partie des départements formés
de l'ancienne Provence, porte dans le com-
merce le nom de blé meunier de Marseille.
Ce blé, qui pèse de 79 à 81 kilogr. l'hectolitre
est très-estimé ; M. de Gasparin le considère
comme étant le même que le blé d'Odessa ou
tuzelle à épillet roux. La récolte de ce pro-
duit se fait à la fin de juin ou au commence-
ment de juillet. Aussitôt après la moisson, les
gerbes sont entassées provisoirement dans
les champs en petits gerbiers, et portées en-
suite sur l'aire, où on les dispose en meules
de grandes dimensions, construites de telle
façon qu'en cas de pluie l'eau ne puisse pas y
pénétrer. On ne tarde pas, d'ordinaire, à pro-
céder au dépiquage, et, à la fin du mois de
juillet, le grain est le plus souvent prêt à être
porté au moulin ou au marché.
La culture de la- vigne présente un grand
développement, et il est à croire que l'aug-
mentation du prix des vin3, jointe à l'avilisse-
ment de celui des céréales, lui donnera une
impulsion nouvelle. Les plantations se font en
janvier, en février ou en mars, et les nou-
veaux ceps donnent des fruits en assez grand
nombre dès la quatrième ou la cinquième an-
née. Un hectare de vignes rapporte annuelle-
ment de 10 à 25 hectolitres de vin, valant, en
moyenne, 12 francs. 11 y a plusieurs sortes de
raisins : les uns, comme la clairette, l'olivette
et la panse, se conservent très-bien, et on les
sert sur nos tables jusqu'en février. La ré-
colte de ceux que l'on destine à la fabrication
du vin commence vers la fin du mois de sep-
tembre. De temps immémorial, les proprié-
taires de la Provence plâtrent leurs vins,
c'est-à-dire qu'on met dans la cuve, avant la
foulaison, environ 2 kilogr. de plâtre par
100 kilogr. de raisin. Cette addition ayant
pour but de débarrasser le liquide de cer- ,
taines substances supposées nuisibles à sa
conservation devrait être considérée, d'après
quelques auteurs, comme une véritable so-
phistication; il ne paraît pas cependant qu'elle
soit nuisible à la santé des consommateurs.
La culture en grand des arbres fruitiers et des
plantes potagères est générale dans tout le
département des Bouches-du-Rhône. Le cli-
mat, la division du sol, la facilité des débou-
chés sont autant de causes qui la favorisent.
Nous citerons particulièrement la culture de
l'olivier comme étant la plus remarquable.
• Les vergers d'oliviers, dit M. Féraud-Giraud,
sont généralement placés le long des pen-
chants des collines, aux expositions est ou
midi; quelques-uns sont placés à l'arrosage
sur les limites des second et troisième arron-
dissementsjdans ces conditions, ils produisent
davantage, mais ils ont besoin d abondants
fumiers. L'arbre est émondé tous les deux ans ;
généralement on enlève trop de bois. Par pré-
caution contre le froid, on chausse les pieds
avec de la terre au commencement de l'hiver.
BOUC
BOUC BOUC BOUC 1055
Dans tout le département, on laisse l'arbre s'é-
lever sur plusieurs pieds , tandis que dans le
Var, surtout au sud-est, il croît sur un seul pied.
La cueillette commence, dans les Bouches-du-
Rhône, dès les premiers jours de novembre, et
se prolonge jusqu'à la fin de décembre ; à
Aix, a Marseille, on cueille l'olive dès qu'elle
change de couleur, ce qui donne à l'huile un
goût de fruit très-prononcé. Ailleurs, on at-
tend un plus grand degré de maturité; le fruit
rend alors davantage, mais l'huile est moins
fine. L'huile d'Aix, qui est de qualité supé-
rieure, s'obtient en cueillant à la main et sans
îe secours de gaules le fruit, dès qu'il a com-
plètement changé de couleur, en évitant soi-
gneusement de mêler les feuilles avec le fruit,
en étendant les olives pour les faire ressuyer
avant de les détriter, mais sans les empiler, ce
qui les ferait fermenter, enfin, en ne différant
pas de les détriter plus de cinq ou six jours
après la cueillette. »
Le sol aride du département des Bouches-
du-Rhône n'est guère propre à l'élevage des
bêtes bovines ; la Camargue seule et quelques
localités bien arrosées peuvent l'entreprendre
avec quelque succès. Par contre, l'élevage
des bêtes ovines est aussi facile que produc-
tif. Les troupeaux passent généralement sept
mois dans le département. Pendant les fortes
chaleurs, du 31 mai au 1 " novembre, on les
conduit dans les Alpes.
En résumé, ce département est un des plus
remarquables, tant par la variété que par la
qualité de ses productions. Bans ces dernières
années, l'agriculture y a fait de notables pro-
grès. La grande majorité des habitants de la
campagne vit dans l'aisance.
Il n'est pas rare, aujourd'hui surtout, de
voir les industriels et les commerçants établis
dans les grands centres acheter des domaines
qu'ils n'habitent pas. Cette circonstance a
déjàfrappé l'attention de plusieurs agronomes ;
mais aucun d'eux, que nous sachions, n'y a vu
un danger. Pour nous, il faut l'avouer, il n'en
est pas de même, et nous voyons là, du moins
pour le présent, un obstacle sérieux à l'amé-
lioration de la culture. Le bon La Fontaine
n'avait pas tort lorsqu'il disait : Il n'est pour
voir que l'œil du. maître. L'absence du maître
présente, nous en sommes convaincu, un dan-
ger très-réel, et il en sera de même tant que
l'agriculture demeurera dans l'état d'infério-
rité où elle se trouve vis-à-vis des autres in-
dustries ; tant qu'il sera, pour ainsi dire, im-
possible de trouver des hommes intelligents,
possédant toutes les connaissances nécessai-
res pour diriger une grande exploitation.
BOUCHESE1CHE (Jean-Baptiste), géo-
graphe français, né a Chaumont (Champa-
gne), en 1760, mort en 1845. Il étudia et pro-
fessa chez les pères de la doctrine chrétienne,
fut ensuite chef d'institution à Paris, puis,
pendant vingt ans, chef de plusieurs divi-
sions à la préfecture de police. Parmi ses
ouvrages, on distingue : Géographie nationale
(1790) ; Description abrégée de la France (1790J;
Notions élémentaires de géographie ( 1796 ),
admis au nombre des livres classiques par
le jury de l'instruction publique; Description
de l'indûustan, traduit de l'anglais (1800,
3 vol. in-so), etc.
BOUCHE-SOUS-TROTTOIR
BOUCHE-SOUS-TROTTOIR s. f. Ouverture
rectangulaire pratiquée à la partie inférieure
de la bordure d'un trottoir, pour donner pas-
sage aux eaux du caniveau , qui tombent en-
suite dans un puisard d'aqueduc situé sous
cet orifice : Les BOUCHES-SOUS-TROTTOIRS
remplacent avantageusement les- ouvertures
grillées des puisards d'aqueducs, qui n'offrent
pas à l'eau un débouché assez libr*, et s'ob-
struent facilement. (E. Clément.)
BOUCHET
BOUCHET s. m. (bou-chè). Boisson a u j o u r -
d'hui inusitée, que l'on composait avec du
vin, du sucre et de la cannelle, et qui avait
succédé à l'hypocras.
— Pêch. Corde attachée au bout des
drèges,
— Hortic. Variété de poire qu'on appelle
aussi POIRE DE BOUCHET -Acheter duBOUCHET,
de la poire de BOUCHET.
BOUCHETBOUCHET (LE) , hameau de France (Seine-
et-Oise), comm. de Vert-le-Petit, arrond. et
à 12 kilom. S.-O. de Corbeil, 76 hab. Près de
ce village existait autrefois,un château, que le
secrétaire d'Etat Henri de Guênégaud avait
reçu en échange de l'hôtel Conti, sur l'empla-
cement duquel s'élève aujourd'hui l'Hôtel des
Monnaies. Ce château, érigé en marquisat en
1682 par Louis XIV, fut habité par Duquesne,
3
ui y mourut en 1688. Il ne reste aujourd'hui
e cette ancienne demeure seigneuriale qu'une
simple maison de campagne, près de laquelle
i
;
Etat a établi une poudrerie produisant an-
nuellement 700,000 kilogr. de poudre.
- BOUCHET (Jean), poète et écrivain fran-
çais, né à Poitiers en 1476, mort vers 1550.
Fils d'un procureur, et resté fort jeune sous
la tutelle de sa mère, qui soigna son éducation,
il montra de bonne heure un véritable talent
pour la poésie. A peine âgé de vingt ans, il
présenta, en 1496, à Lyon, quelques-unes de
ses productions à Charles VIII. Le roi, satis-
fait de cet hommage, ordonna qu'un emploi
fût donné à Jean Bouchet: Ce que fortune, dit
le poète , ne voulut à mon grand regret et
perte. Il n'obtint rien, et dut embrasser la pro-
fession de son père. La peste s'étant déclarée
à Poitiers, il se retira à la campagne, où il
produisit de nombreux ouvrages en vers et en
prose. Ces ouvrages, écrits dans un style qui
nous paraît aujourd'hui bizarre, nous donnent
une idée curieuse de l'état des esprits dans
ces temps où notre langue commençait à
sortir de son enfance. Nous citerons seule-
ment les suivants : l'Amoureux transy sans
espoir (Lyon, 1507, in-40), où l'on trouve en-
tremêlées des pièces de poésie et de prose ; le
Livret des angoisses et des remèdes d'amour du
traverseur en son adolescence (Poitiers, 1537,
in-40) ; les Regnards traversants les périlleuses
voies des folles fiances du monde (in-fol.) ; le
Chapelet des princes et la dêploration de l'E-
glise militante sur les persécutions (1517, in-
fol.) ; les Cantiques de la sainte et dévote âme
amoureuse et épouse de Notre-Seigneur Jésus-
Christ (Lyon, 1540, in-16) ; le Panégyrique du
chevalier sans reproches ou la Vie et les gestes
de Louis de la Trémoille (1527, in-4») ; Annales
*d'Aquitaine, faits et gestes en semaine des rois
de France et d'Angleterre, pays de JVaples et
de Milan ( Poitiers, 1535, in-fol.) , un de ses
écrits les plus importants ; le Labyrinthe de for-
tune et le Séjour des trois nobles dames la Foi,
l'Espérance et la Charité (1524,in-4o); Hi$-
toire et chronique de Clotaire I
er
, roi de
France, et de sainte Radegonde, son épouse
(1527, in-40) • les Epistres morales et familiè-
res du traverseur (1545, in-fol.), le plus inté-
ressant de ses ouvrages. « Chaque épltre, dit
Gouget, est une espèce de traité complet sur
les devoirs et les obligations de chaque état
et de chaque condition, depuis la couronne
-jusqu'à la houlette. » Citons enfin le Jugement
poétique de l'honneur féminin et séjour des il-
lustres,~ claires et honnestes dames, avec une
apologie en prose (Poitiers, 1536, in-so), où il
fait l'éloge des femmes célèbres dans l'histoire
et dans la Fable.
Doué d'une vive imagination, et écrivain
d'une extrême fécondité, Jean Bouchet était
en grande estime auprès de ses contempo-
rains qui faisaient grand cas de ses ouvrages.
Il est le premier poète, qui se soit astreint,
dans la plupart de ses vers, au mélange alter-
natif des rimes masculines et féminines, fait
qui a de l'intérêt pour l'histoire de notre poé-
sie nationale.
La pièce intitulée Aux Rois commence
ainsi :
Se garde bien un roi d'estre superbe.
Fier, arrogant et d'avoir cœur acerbe";
Pense qu'il est fait de sang corrompu
Comme je suis, et quand son corps rompu
Sera par mort, deviendra vers et poudre ;
Et que sujet est à tonnerre et foudre,
A chaud et froid, à soif, aussi à faim ;
Et bien souvent advient qu'il est moins sain
Et plus sujet qu'un autre à maladie;
Il n'a rien plus qu'un pauvre, quoi qu'on die,
Fors le souci de son sceptre garder,
Et nuit et jour veiller et regarder...
A p r è s a v o i r r a p p e l é la fin t r a g i q u e de p l u -
sieurs p r i n c e s d e l'antiquité, l e poète conclut
fort s a g e m e n t :
. . . . E t dis que tous les rois
Doivent sur tous estre doux et courtois.
BOUCHETtGujJlaume, sieur DE BROCOURT),
écrivain et libraire français, né à Poitiers en
1526, mort dans la même ville en 1606. Issu
d'une famille d'imprimeurs, il exerça la pro-
fession de libraire dans sa ville natale, ou le
suffrage de ses concitoyens l'éleva à la di-
gnité de consul. Scévole de Sainte-Marthe a
adressé une ode à ce lettré poitevin. On a de
Guillaume Bouchet un ouvrage intitulé les
Sérées, qu'il composa et édita lui-même (1584,
in-4°), et qui a eu plusieurs éditions. C'est un
recueil de plaisanteries, de quolibets quelque-
fois obscènes, mêlés çà et là de pensées plus
sérieuses. On a comparé ce livre, qui est en
prose mêlée de vers, au Cymbalum mundi de
Bonaventure Desperriers et au Moyen depar-
venir de Béroalde de "Verville. Les anecdotes et
les bons mots licencieux que l'on y trouve ont
été reproduits depuis dans une foule d'ou-
vrages du même genre. On y reconnaît une
instruction variée, des citations en grand
nombre de nos vieux poètes, et des imitations
en vers de quelques poètes anciens. Cet au-
teur était lié d'amitié avec Jacques du Fouil-
loux, autre poète du même temps, avec
Jean de la Péruse pour lequel il composa une
lettre-préface, et avec Jean Boiceaude la Bor-
derie.
Voici deux petites pièces qui suffiront à
faire connaître la manière naïve, nette et fa-
cile du bon Guillaume Bouchet de Broceurt,
dont nous ne connaissons que neuf morceaux
de peu d'étendue, à l'exception d'un seul, le
Besoin d'aimer, qui est de vingt-deux vers.
Le douzain suivant s'adresse à un mari
trompé et peu flatté de l'être, à ce qu'il sem-
ble :
De quoy sert de vous fâcher
Pour ne pouvoir pas cacher
Les deux cornes qui vous sortent?
Les satyres, demi-dieux
' Qui sont gaillards et joyeux,
En toutes saisons les portent.
Si vous élevez les yeux
Vers les signes radieux
Dont le ciel fait si grand' feste,
Les plus honorés de tous
Sont les trois qui, comme vous,
Ont les cornes sur la teste.
La consolation n'est-elle pas des plus comi-
ques?
L'épigramme dirigée contre on membre du
corps des consuls nous paraît assez plaisante
aussi :
Un boucher, consul de village.
Fut envoyé loing pour chercher
Un prescheur, docte personnage,
Qui vint en caresme prçscher ;
Or on fit de lui approcher
Demy-douzaine, en un couvent;
Le plus gros fut prins du boucher
Cuidant qu'il fût le plus sçavant.
Notre naïf boucher faisait comme s'il avait
été à Poissy, au milieu d'un troupeau de
boeufs.
BOUCHET
BOUCHET (sieur D'AMBILLON, René), poète
français, né à Poitiers dans le xvie siècle. Il
était pourvu d'une petite charge de judica-
ture en province. Ses poésies furent impri-
mées à Paris en 1609, par Robert Estienne,
sous ce titre : la Sidère pastorale, plus les
amours de Sidère, de Pasithée, et autres poésies
(6 vol. in-8«).
BOUCHET
BOUCHET (Pierre), poète français, né à La
Rochelle dans le xvie siècle. Il donna une tra-
duction en vers français de la Pandora, poème
latin d'Ollivier, évêque d'Angers. Cette tra-
duction a pour titre : la Pandore ou Descrip-
tion de la fable et fiction poétique de l'origine,
des femmes, cause des maux qui sont survenus
dans le monde (Poitiers, 1548).
BOUCHET
BOUCHET (Jean DU), généalogiste français,
né en 1599, mort en 1684. Il fut chevalier de
! l'urdre du roi, conseiller et maître d'hôtel or-
j dinaire. On lui doit : la Véritable origine de
1 la seconde et troisième liqnées de la maison de
I France (Paris, 1661, in-i"ol.), où il fait des-
cendre la seconde race de Ferreolus, premier
préfet des Gaules; Histoire généalogique de
la maison de Courtenay (1661, in-fol.) ; Preu-
ves de.l'histoire généalogique de la maison de
Coligny (1662, in-fol.) ; Table généalogique des
comtes d'Auvergne (1665, in-fol.) : Table généa-
logique des anciens vicomtes de la Marche
(1682, in-fol.), et une nouvelle édition de
l'Histoire de Louis de Bourbon, premier duc
de Montpensier, par Coustureau, avec des ad-
ditions (1642, in-40).
BOUCHET
BOUCHET (Claude-Antoine), chirurgien, né
à Lyon en 1785, mort en 1839. Chirurgien de
l'hôtel-Dieu dans sa ville natale , il employa
le premier la méthode d'amputation univer-
sellement adoptée depuis et fit faire d'impor-
tants progrès à son art, soit par de nouvelles
méthodes d'opération, soit par l'invention d'in-
struments, entre autres de la gouttière brisée
pour les tumeurs blanches du genou.
. BOUCHET (Jules-Frédéric), architecte, des-
sinateur et graveur, né à Paris en 1799 , mort
en 1860. Il était fils d'un peintre, grand prix
de Rome, qui s'était fait connaître par de bons
portraits. Elève de Percier, le jeune Bouchet
remporta, en 1822, le deuxième grand prix de
Rome; mais, impatient de voir l'Italie, de la
parcourir en pleine liberté, il ne sut pas at-
tendre et partit. Pendant cinq années consé-
cutives, il étudia pas à pas les œuvres les
plus pures de l'antiquité, mesurant tout et
dessinant sur place. Le résultat de ses études
fut son remarquable ouvrage : les Composi-
tions antiques, qu'il fit paraître en 1831, com-
positions non-seulement inventées et dessi-
nées, mais gravées par lui, et merveilleuse-
ment bien. Le texte en est sobre, clair et
précis. Sa dernière publication, le Laurentin,
maison de campagne de Pline, est dédiée à
« ceux de ses confrères qui sont restés fidèles
aux traditions de l'art grec et romain, u Ce-
pendant Jules Bouchet avait aussi le culte des
monuments que l'art moderne doit à l'imita-
tion des arts de la Grèce, témoin la Villa Pia,
charmant édifice construit au xvie siècle par
PerroLigorio, et qu'il a décrite en 1837, en col-
laboration avec M. Raoul-Rochette. Nommé,
à son retour d'Italie en 1829, inspecteur des
travaux de la Bibliothèque royale, il fut, en
1842, attaché au même .titre aux travaux du
tombeau de Napoléon, presque terminé à la
mort de Visconti, dont Bouchet sut respecter
scrupuleusement les dispositions, se bornant
à embellir les abords du monument. Parmi ses
œuvres d'art, nous citerons encore : Vues et
plans de la villa Pia : Thermes de Pompéi
(1850) ; leForum et la basilique deFano (1853) ;
ses aquarelles représentant l'Intérieur de
Saint-Marc, le Vieux palais de Florence, XSLNOU-
velle galerie de Saint-Louis à Paris, etc. On
lui doit également quelques écrits : la Villa
Pia (1837); le Laurentin ou Maison de Pline
(1852) ; Exercices de dessin pour les candidats
à l'Ecole centrale (1854), etc.
BOUCHET
BOUCHET DE LA GETIÈBE (François-Jean-
Baptiste), hippographe français, né à Niort
en 1737, mort à Paris en 1801. Il fut inspec-
teur des haras sous Louis XV et sous la Ré-
publique. En l'an VI, un décret ordonna, pour
cause d'utilité publique, l'impression d'un ou-
vrage qu'il venait de composer sous ce titre :
Observations sur tes différentes qualités du
sol de la France, relativement à la propaga-
tion des meilleures races de chevaux.
BOUCHETELBOUCHETEL ou BOCHETEL (Guillaume),
homme d'Etat français, originaire du Berry,
mort en 1558. Il succéda à son frère, en qua-
lité de secrétaire du roi François 1
e r
, qui le
chargea en 1546 de traiter de la paix avec
l'Angleterre. Il fut également employé par
Henri II. On lui attribue quelques ouvrages,
entre autres : l'Ordre et la forme de l'entrée
de la reine Eléonore d'Autriche en ta ville de
Paris, et de son sacre et couronnement (1532)
B O U C H E T O N (À) loc. adv. (a-bou-che-ton
— rad. bouche). Techn. Se dit de la manière
de poser certaines pièces de poterie dans le
four, en les renversant sur louverture su-
périeure, au lieu de les poser debout sur leur
pied : Les soupières et les tasses' se cuisent À
BOUCHETON.
BOUCHE-TROUBOUCHE-TROU s. m. (de boucher et trou).
Personne ou objet qui ne sert qu'à combler
une place vide, à figurer, à faire nombre ••
Ces meubles ne sont pas beaux, mais ce sont
des BOUCHE-TROUS. Nous sommes un ministère
BOUCHE-TROU. (Balz.) u En argot de théâtre,
on dit aussi UTILITÉ.
B O U C H E T T E s. f. (bou-chè-te — dim. de
bouche). Petite bouche gracieuse :
Quand un petit enfant dans sa couche repose.
J'aime a. voir ses yeux clos et sa bouchette rose.
A. BRIZEOX.
Elle prit sa téte_blonde,
Serra sa bouchette ronde,
. . .
:
et l'embrassa.
SAINTE-BEUVE.
BOUCHETTEBOUCHETTE (Joseph), géographe canadien,
qui fut lieutenant-colonel et directeur général
du cadastre du bas Canada. Il a publié, en
anglais, une excellente Description topogra-
phique de la province du bas Canada, accom-
pagnée de différentes vues, plans de ports, ba-
tailles, etc. (1815).
BOUCHETURE
BOUCHETURE s. f. ( bou-che-tu-re — rad.
boucher). Clôture d'un champ cultivé, destinée
à le protéger contre les bestiaux. 11 Ce mot
est vieux.
BOUCHEUL
BOUCHEUL (Joseph), jurisconsulte fran-
çais, né au Dorât (basse Marche), mort en
1706. Il publia deux ouvrages intéressants
pour l'histoire du droit : Corps et compilation
de tous les commentateurs sur la coutume du
Poitou (1727, 2 vol. in-fo!.), et Traité des suc-
cessions contractuelles (1727),
BOUCHEUR
BOUCHEUR s. m. (bou-cheur — rad. bou-
cher). Techn. Dans les verreries. Nom donné
aux ouvriers qui ajustent le bouchon de
verre à chaque carafe ou flacon.
B O U C H I È R E s. f. ( bou-chi-è-re ). Lieu
planté de buis. 11 Vieux mot.
BOUCHIN
BOUCHIN s. m. (bou-chain). Ane. mar.
Largeur maximum d'un navire, prise de de-
hors en dehors.
BOUCHIN
BOUCHIN (Etienne),jurisconsulte et magis-
trat français, né en Bourgogne, mort dans la
première partie du xvue siècle. Il fut conseil-
ler et procureur du roi à Beaune. Il a laissé :
Plaidoiés et conclusions (Dijon, 1618) ; Discours
consolatoires sur les longs soupirs et trop fré-
quentes larmes causées par la mort de M. de
Termes, grand écuyer de Elance (1622); le
Magistrat parfait ou le Modèle des qualités
d'un bon juge et parfait magistrat exempt des
revers de la fortune (Paris, 1632). «Bouchin
avait beaucoup de lecture, ditBayle; mais, se-
lon l'usage d'alors, il l'étalait avec trop de
profusion, en même temps qu'il abusait de la
citation des auteurs grecs e t latins. »
BOUCHITTÉ
BOUCHITTÉ (Louis-Firmin-Hervé), philo-
sophe français, né à Paris en 1795. Élève de
l'Ecole normale, il a été successivement pro-
fesseur d'histoire à Versailles, inspecteur de
l'académie de Paris (1845) et recteur des aca-
démies d'Eure-et-Loir et de Seine-et-Oise. Il
a publié, entre autres ouvrages : De la philo'
sophie dans ses rapports avec les sciences mo-
rales, la littérature et les arts (1837) ; Histoire
despreuvesde l'existence de Dieu (l84l,in-8<>);
le Rationalisme chrétien à la fin du xie siècle
(1842), ouvrage couronné par l'Académie;
Confiance en Dieu (1849, in-8°); Leçons d'his-
toire ancienne (1855, in-8°); Notice sur la vie
et les œuvres de Philippe de Champagne;
Poussin, sa vie et son œuvre (1858, in-8°), etc.
On a également de M. Bouchitté des articles
insérés dans le Dictionnaire des sciences philo-
sophiques,^ divers travaux publiés dans les
Mémoires^de l'Académie des sciences morales.
BOUCHOIRBOUCHOIR s. m. (bou-choir — rad. bou-
cher). Techn. Plaque de fer dont on ferme la
bouche d'un four.
BOUCHON
BOUCHON s. m. (bou-chon—rad. boucher).
Pièce conique ou cylindrique, que l'on en-
fonce dans un goulot ou dans une ouverture
pour la boucher : Un BOUCHON de bouteille, de
carafe, de flacon. Un bouchon de tonneau. Un
BOUCHONBOUCHON en liège, en verre, en bois. Faire sau-
ter le
BOUCHONBOUCHON d'une bouteille de Champagne.
Enfoncez davantage le BOUCHON. C'était un
BOUCHONBOUCHON de carafe taillé à facettes, comme un
diamant. (Fr, Soulié.)
Le bouchon part, l'esprit pétille,
BÉ RANGER.
— Goût de bouchon, Goût que communi-
quent aux vins en bouteille les bouchons
trop vieux ou peu sains.
— Fam. Aimer à faire sauter le bouchon,
Aimer à boire. Se dit par allusion aux vins
mousseux dont le gaz fait bruyamment par-
tir le bouchon.
— Pop. A bouchon, Sur le ventre, sur la
face : Tomber k BOUCHON. Se coucher À BOU-
CHON. Se mettre k BOUCHON. (] Cette locution
est particulièrement lyonnaise.
— Jeux. Jeu dans lequel on place do l'ar-
gent sur un bouchon de liège, qu'on cherche
à renverser avec un palet ou une pièce de
monnaie : Jouer au BOUCHON. Faire une partie
de BOUCHON.
— Pêch. Morceau de liège destiné à soute-
1056
BOUC
nir une partie de la ligne à la surface de
l'eau, il N'avoir pas assez, avoir trop de bou-
chon, Se di6 d'une ligne dans laquelle la dis-
tance entre l'hameçon, qui plonge, et le liège,
qui surnage, est trop petite ou trop grande, il
Donner, ôter du bouchon à une ligne, Ecarter,
rapprocher le liège de l'hameçon.
— Artill. Tampon cylindrique que l'on
place par-dessus la gargousse, dans le char-
gement des canons, pour fermer aussi parfai-
tement que possible l'âme de la pièce. Les
BOUCHONSBOUCHONS sont en foin pour le tir ordinaire, et
en terre argileuse humide ou en foin mouillé,
pour le tir à boulet rouge.
— Mécan. Rondelle de sûreté en métal fu-
sible, qui se place au centre du couvercle de
la boite à feu, dans certaines machines à va-
peur. Le contact direct avec le feu la mettrait
en fusion et permettrait à la vapeur de s'é-
chapper, et même d'éteindre le foyer.
— Techn. Petite inégalité qui se forme sur
les fils de soie, pendant le filage, quand l'ad-
jonction des brins est mal faite : Les défauts
les plus ordinaires gui se présentent, dans une
soie grège imparfaite, sont les irrégularités de
grosseur appelées BOUCHONS. (Alcan). il Plaque
de cuivre adaptée à une bouche de chaleur,
pour la fermer à volonté, il Pièce de laiton
rivée dans la platine d'une montre , d'une
pendule, pour recevoir un pivot : Le BOUCHON
de contre-potence. (I Bouchon de fonderie, Tronc
•«.de cône en fer que l'on chausse avec la per-
rière, lorsqu'on veut couler, et qu'une brigue
réfractaire met à l'abri du contact du métal
en fusion.
— Encycl. Econ. dom. et comm. Les bou-
chons se font le plus souvent avec du liège.
Cette substance végétale, à la fois flexible et
résistante, susceptible d'être facilement tail-
lée, possède la propriété de subir très-long-
temps, sans altération, l'action dissolvante de
l'humidité. C'est aux droguistes du xvi« siècle
qu'est dû le premier emploi des bouchons de
liège ; auparavant, on se servait de bouchons
de plomb. Pour remplir convenablement leur
destination, les bouchons de liège doivent être
fins, lisses et à peine poreux. Leurs formes
sont très-diverses; ainsi le bouchon à bor-
deaux est long et étroit; le bouchon à bour-
gogne, mince et court ; le bouchon à mâcon et
à vin ordinaire est a la fois gros et court;
enfin le bouchon à Champagne, relativement
énorme, ne peut être introduit dans le goulot
étroit des bouteilles qu'à l'aide de puissants
appareils, semblables a la machine Génuit.
M. le docteur Bordet, cherchant le moyen
de prévenir les altérations que subissent fré-
quemment les eaux minérales dans les bou-
teilles bouchées avec du liège , a imaginé
d'employer des bouchons et des bondes de
gutta-percha. Ce nouveau système présente,
dit-on, de grands avantages. Les bouchons de
f
utta-percna sont complètement imperméa-
les et durent très-longtemps. Il paraît même
qu'ils sont inattaquables par les alcalis, ce qui
permet de supprimer le cachetage des bou-
teilles.
Les bouchons forment une branche de com-
merce assez importante dans les pays où croît
le chêne-liége. Voici ce qu'on lit » ce sujet
dans les Annales du commerce extérieur. « Dans
la province de Girone, en Espagne, on récolte
annuellement environ 1*5,000 quintaux de
lié^e. Pour satisfaire aux besoins de la fabri-
cation, qui consomme 155,000 quintaux par an,
30,000 quintaux de liège brut sont tirés prin-
cipalement de l'Andalousie, de l'Estramadure
et du district d'Arenys de Mar dans la pro-
vince de Barcelone. 8,000 individus des deux
sexes sont occupés par cette industrie. Dans
ce nombre figurent 3,340 ouvriers qui confec-
tionnent le bouchon, La production annuelle
des bouchons s'élève à environ 1,283,000 mil-
liers, d'une valeur approximative de ($ millions
500,000 fr. La matière première peut être
évaluée à 3 millions de francs. Les localités
qui ont le plus d'importance, au point de vue
de cette spécialité industrielle, sont celles de
San Gelice de Fuixols, Palafurgell, Palaios,
Darnins et la Junquera.
— Jeux. Le bouchon- est un jeu d'adresse à
l'usage des enfants, et quelquefois des grandes
personnes : un bouchon, ou un petit cylindre
ae bois ou de carton, est placé debout sur le
sol, et l'on met dessus les enjeux, lesquels se
composent ordinairement de boutons ou de
pièces de menue monnaie. A une distance
convenable, on trace une raie qui doit ser-
vir de but, et où se placent les joueurs. Cha-
cun de ceux-ci est armé de deux palets : ce
sont des disques de métal ou des pièces d'un
décime, quelquefois même des pierres plates.
Celui qui commence le jeu laneeson premier
palet, et cherche à le placer le plus près possi-
ble du bouchon ; puis, de son second palet, il s'ef-
force de renverser le bouchon et de le pousser au
loin, de manière que les enjeux tombent plus
près de l'un ou de l'autre de ses palets que du
bouchon. S'il y réussit, il gagne les enjeux.
Dans le cas contraire, le second joueur joue à
son tour ses deux palets, et cherche à faire ce
que son adversaire n'a pas fait. S'il n'est pas-
plus heureux, c'est le tour du troisième, et
ainsi de suite jusqu'à, ce qu'un des joueurs soit
parvenu à se placer convenablement. Celui à
qui c'est le tour de jouer, quand le bouchon est
abattu et qu'il n'y a pas de gagnant, peut re-
lever le bouchon en y ajoutant une nouvelle
mise ; mais les autres sont libres d'accepter
ou de refuser cette augmentation et de conti-
BOUC
nuer le jeu tel qu'il a commencé ; c'est la ma-
jorité qui l'emporte. Ceux qui ont refusé doi-
vent alors se retirer du jeu. Le jeu de bou-
chon se nommeaussi : de la bombiche, de la
galoche ou de la riquelette.
BOUCHONBOUCHON s. m. (bou-chon — de Tallem,
busch, buisson). Rameau, petit faisceau de
verdure que l'on suspend au-dessus de la porte
d'une maison, pour faire connaître qu'on y
vend des boissons au détail : Un BOUCHON
d'auberge , de cabaret. Les ordonnances des
aides et un arrêt du conseil du 30 juillet 1769
enjoignaient à ceux qui vendaient des vins, ou
d'autres boissons en détail, de mettre, après
avoir fait leur déclaration, un BOUCHON OU une
enseigne à la porte de leur maison, à peine de
lûo Hures d'amende et de confiscation des bois-
sons.
Paire un bouchon à vin du laurier du Parnasse.
RÉGNIER.
— Par ext. Le cabaret même : Il y avait
tout avantage à un prieur ou à un abbé de mul-
tiplier les cabarets, dans le ressort de son
prieuré ou de son abbaye. Le plus petit BOU-
CHON lui devait impôt. (Fr. Michel.) L'hiver
dernier, il y eut grande rumeur, lorsqu'une
mesure municipale, faisant droit aux plaintes
des honnêtes habitants des environs, enjoignit
au propriétaire de fermer son BOUCHON à mi-
nuit. {Edm. .Robert.) Il mourut pauvre, dans
quelque BOUCHON ignoré, car il aimait le cidre
outre mesure. (P. Fév.)
Amis, il faut faire une pause.
J'aperçois l'ombre d'un bouchon.
BÉR.ANGER.
—: Par anal. Poignée de foin, de paille ou
d'herbe : Frotter un cheval avec un BOUCHON
de paille, avec un BOUCHON de foin. On met un
BOUCHONBOUCHON de paille à la queue d'un cheval pour
indiquer qu'il est à vendre.
— Linge mis en paquet et tortillé : BOU-
CHON de linge. Mettre au linge en BOUCHON.
— Fam. Etre torché comme un bouchon, Etre
mal habillé, mal v ê t u , avoir ses vêtements
en désordre.
— Prov. A bon vin, il ne faut point de bou-
chon, Les bonnes marchandises n'ont pas be-
soin d'être vantées.
— Comm. Sorte de laine d'Angleterre.
— Entom. Paquet de toile de chenilles, dans
lequel ces insectes s'enveloppent et qu'ils
suspendent aux arbres pour y passer l'hiver,
B O U C H O N , B O U C H O N N E s. (bou-chon, bou-
cho-ne). Terme de tendresse, d'amitié fami-
lière : C'était un joli petit BOUCHON, qui nous
réjouit fort. (Mme de Sév.) Haï! haï! haï! mon
petit nez, pauvre petit BOUCHON. (Mol.) Ah!
que je t'aime, mon petit BOUCHON! (Mol.) Ne
craignezrien,mapetite BOUCHONNE. (Regnard.)
Faites la révérence et dites : grand merci,
Bouchonne ,
CORNEILLE.
— Rem. Le masculin ne s'applique pas ex-
clusivement aux hommes, et dans l'exemple
de Molièro où ce genre est employé, c'est
d'une femme qu'il s'agit.
BOUCHON-DUBOORNlOL(Henri),ingénieur
et littérateur, né à Toul en 1749, mort à Paris en
1828. Comme ingénieur, il fut chargé de diri-
ger la construction d'un pont dans l'arrondis-
sement d'issoire, fut ensuite appelé en Espa-
gne, où il ne fit que proposer des projets qui
ne purent être mis en exécution, et enfin, en
1809, entreprit la reconstruction du pont de
Sèvres; mais là, rencontra des difficultés telles
qu'il se vit quelque temps détenu pour dettes.
Comme littérateur, il est connu par une tra-
duction de Don Quichotte (Paris, 1807, 4 vol.),
au'il composa dans la prison ou il avait été
jeté sous le régime de la Terreur, et par celle
de quelques autres ouvrages de Cervantes. En
1826, il fut condamné àvdeux années d'empri-
sonnement pour des sommes d'argent qu'il
s'était fait remettre par des jeunes gens
employés à copier ses manuscrits; mais il fut
acquitté, sur son appel. Outre la traduction
de Don Quichotte, Bouchon-Dubourniol a
publié : Considérations sur les finances, sur
la dette publique, etc. (1788, in-8°); une
traduction des Nouvelles choisies de Cervantes
(1825); Persiles et Sigismonde (1809, 6 vol.
in-18) ; Don Quichotte et Sancho Pança à Pa-
ris en 1828 (Paris, 1828), etc. _
BOUCHONNANT
BOUCHONNANT (bou-cho-nan) part. prés,
du v. Bouchonner : On tient les chevaux pro-
pres en les BOUCHONNANT de temps en temps.
(Buffon.)
BOUCHONNÉ,
BOUCHONNÉ, ÉE (bou-cho-né) part. pass.
du v. Bouchonner : Elle fut frottée, bien BOU-
CHONNÉE. (Mme de Sév.)
— Comm. Soie bouchonnée, Soie qui est
pleine de bouchons, de grosseurs qui la
rendent inégale.
B O U C H O N N E M E N T s. m. (bou-cho-ne-man
— rad. bouchonner). Action de bouchonner,de
frotter avec un bouchon de paiHe, etc. Le
BOUCHONNERBOUCHONNER du linge. *
— Frotter avec un bouchon de paillu,
d'herbe, de foin : Les garçons de ferme BOU-
CHONNAIENT les chevaux qui revenaient de l'a-
breuvoir. (A. de Muss.) Aussitôt il fit une nou-
velle pause, BOUCHONNA, son cheval avec de la
bruyère et des feuilles d'arbre, et vint se met-
tre en travers de la route. (Alex. Dum.)
— Fig. Cajoler, caresser tendrement : BOU-
CHONNER un enfant, une jeune fille.
Sans cesse, nuit et jour je te caresserai.
Je te bouchonnerai, baiserai, mangerai.
MOLIÈRE.
Se bouchonner v. pr. Se mettre en bou-
chon, se chiffonner : Le taffetas SK BOUCHONNK
aisément.
BOUCHONNEMENTBOUCHONNEMENT des chevaux est favorable à
leur santé.
— Encycl. Tantôt le bouchonnement fait par-
tie d'un pansage en règle ;" tantôt il est em-
ployé seul pour sécher l'animal qui a été
mouillé par la pluie ou par une transpiration
abondante. Nous ne parlons en ce moment que
du bouchonnement employé seul. « Dans ce cas,
dit M. Eug. Gayot, on abat l'eau ou la sueur
avec ce que les Anglais appellent grattoir,
couteau de chaleur; puis, s'armant de paille
douce, séchée. propre, par poignée k peine
BOUC
tortillée dans chaque, main, on frictionne la
Î
>eau en promenant alternativement sur toutes
es parties du corps ces bouchons de paille qui
sèchent en absorbant l'humidité. Il faut les
changer dès qu'ils en sont pénétrés. » Nous
savons à peïhe en France ce que c'est que le
bouchonnement. Le mot même qui sert à dési-
gner cette opération est à peine reçu dans la
langue. Les Anglais, au contraire, l'exécutent
avec des soins infinis. Si simple qu'il soit, le
bouchonnement est une opération très-fati-
gante, même pour des hommes vigoureux. Il
ne faut pas moins d'une demi-heure à deux
hommes exercés pour bien sécher un cheval.
Le séchage soustrait les animaux a toutes les
causes de maladies qui naissent a la suite des
arrêts de transpiration ; il produit a la peau
une excitation qui_provoque cette membrane
et la rappelle à ses fonctions, quand l'humi-
dité tendrait à les rendre moins actives ou à
les annihiler. Les cultivateurs devraient tou-
jours bouchonner leurs animaux lorsqu'ils re-
viennent du travail, car cette opération dé-
lasse et prédispose l'économie à un repos plus
réparateur. Le bouchonnement, indispensable à
la suite du travail, ne l'est pas moins comme
pratique journalière; il contribue non-seule-
ment à entretenir la santé, mais encore à
augmenter la belle apparence des animaux.
B O U C H O N N E R v. a. ou t r . (bou-cho-né —
rad. bouchon). Mettre en bouchon, chiffonner :
BOUCHONNEUX,BOUCHONNEUX, EUSE adj. (bou-cho-neu,
eu-ze — rad. bouchon). Techn. Qui a des bou-
chons ou inégalités, en parlant de la soie :
Cette soie est BOUCHONNEUSB.
BOUCHONNIER
BOUCHONNIER s. m. {bou-cho-nié — rad.
bouchon). Comm. Celui qui fait ou vend des
bouchons de liège : Le BOUCHONNIER coupe le
liège en bandes, puis en morceaux quadrangu-
laires, dont chacun est destiné à faire un bou-
chon. (Bouillet.)
BOUCHOT
BOUCHOT s. m. (bou-cho — rad. boucher).
Fêch. Grand parc construit sur la côte, ou-
vert du côté du rivage, et dans lequel le
poisson se trouve enfermé à la marée basse,
[j Parc pour la Multiplication des moules et
autres coquillages.
— Encycl. En 1035, une barque irlandaise,
chargée de bêtes à laine, vint faire naufrage
sur les côtes d'Esnandes ; les marins du port
ne purent sauver que le patron, nommé Wal-
ton, et quelques-uns de ses moutons. Ce Wal-
ton était un homme industrieux; il s'établit
dans le pays, créa par des croisements intel-
ligents une bonne race de bêtes à laine, con-
nue aujourd'hui sous le nom de moutons de
marais, et inventa les bouchots. Le bouchot
affecte une forme triangulaire dont le troi-
sième côté, c'est-à-dire Ta base, s'appuie à la
côte, tandis que le sommet du triangle regarde
la haute mer. Les pieux sont des troncs d'ar-
bre de trois ou quatre mètres de haut, assez
forts pour résister à la fureur des vagues.
Dans la baie d'Aiguillon, où se trouvent
les plus remarquables établissements de ce
genre, les bouchots, dit M. C. Millet, sont dis-
posés sur plusieurs rangs et sont toujours
orientés de manière k briser les lames et à
ne jamais exposer leurs flancs aux grands
coups de mer.
Le bouchot d'aval est le plus éloigné du r i -
vage ; il reçoit le premier choc des lames et
ne découvre qu'aux plus grandes marées; il
est formé de pieux libres sans aucun clayon-
nage. Sa destination spéciale est de recevoir
et de conserver le frai des moules, qui pros-
père là mieux que partout ailleurs, parce que,
étant rarement mis à sec, il se trouve bien
moins exposé aux influences prolongées des
grandes chaleurs et des froids rigoureux. Le
bouchot d'aval devient ainsi une véritable pé-
pinière dont on enlève plus tard les moules
pour les transplanter ou les repiquer sur les
autres bouchots, notamment dans les vides et
les clairières.
Pour tendre de vastes flîets, destinés à
prendre ces oiseaux qu'on voit voler sur la
mer au crépuscule, filets qui n'avaient pas
moins de 300 à 400 mètres de long. Wallon
s'était vu obligé de planter dans la vase de
forts piquets de bois. Or il ne tarda pas à re-
marquer que le frai des moules s'attachait en
abondance et se développait avec rapidité sur
ces piquets ; il put même observer que les mou-
les venues sur ces appareils artificiels, en pleine
eau et à l'abri du contact de la vase, étaient
meilleures et croissaient plus rapidement que
celles des bancs naturels. A la vue de ces ré-
sultats, Walton multiplia les piquets, et, après
quelques tâtonnements, il construisit les pre-
miers bouchots dans la forme qu'on leur donne
encore aujourd'hui. L'habile Irlandais ne tarda
pas à avoir des imitateurs. L'industrie qu'il
avait créée se vulgarisa rapidement et se per-
BOUC
fectionna. Bientôt les bouchots se multipliè-
rent et s'étendirent sur plusieurs rangs. Dès
lors, on n'attendit plus que le hasard des va-
gues vînt ensemencer les piquets et les palis-
sades: on alla chercher au loin les jeunes mou-
les, afin d'en peupler les parcs qu'on leur avait
construits'. Pour exercer plus facilement son
industrie, "Walton inventa le pousse-pied ou
accon, sorte de nacelle dont on se sert pour
parcourir les bouchots, quand la mer, en se re-
tirant, ne laisse dans toute leur étendue qu'une
vaste couche de vase, trop molle et trop pro-
fonde pour qu'on puisse la traverser à pied.
D'après un décret du 25 janvier 1859, les
bouchots peuvent se composer de deux at7es
ou pannes, qui viennent se réunir vers la mer
en traçant un angle au sommet duquel est pra-
tiquée une ouverture de i m. 20 de largeur au
moins, qui doit être laissée constamment libre.
Les bouchots à deux ailes peuvent être clayon-
nés ou non clayonnés; les bouchots clayonnés
sont construits avec des pieux espacés de
0 m. 70 au moins, et reliés entre eux par de
fortes perches longues de 8 à 10 mètres, ou
par des fascines. Le clayonnage ne commence
qu'à o m. 20 du sol et il est placé dans le
sens transversal seulement. Les bouchots non
clayonnés se composent de pieux isolés à la
distance de 0 m. 35, au moins, l'un de l'autre.
Les bouchots peuvent être formés d'une seule
aile ou panne placée perpendiculairement ou
obliquement à la côte, mais jamais parallèle-
ment. On peut les construire de trois maniè-
res : 1° en tamaris sans pieux, c'est-à-dire
avec de simples branches de tamaris en-
foncées dans la vase et réunies par un clayon-
nage ou une palissade de même espèce; 20 avec
des pieux en bois, plantés à 0 m. 70 l'un de
l'autre et réunis par un clayonnage ou des
fascines commençant à 0 m. 25 du sol: 30 avec
des pieux isolés et distants entre eux de 0 m. 35
au moins. Du reste, quels que soient leurs for-
mes et leur mode de construction, les bou-
chots ne doivent pas exceller 1 m. 35 de hau-
teur hors de terre. Leur longueur est fixée à
160 m., et l'ouverture, vers le rivage, des
bouchots triangulaires ne doit pas dépasser la
même dimension. A l'avenir, les arrêtés de
concession mentionneront la distance à con-
server entre les bouchots qu'on voudra établir,
et, en outre, selon leurs dimensions ou leur
position, l'obligation de pratiquer au milieu
des ailes une ouverture ou brèche de 20 m-,
pour faciliter l'accès dans les établissements
voisins. Les bouchots qui existaient avant 1859
devront être ramenés aux conditions énumé-
rées,ci-dessus lorsqu'il y aura lieu de les ré-
parer. Les dispositions précédentes ont eu
pour but de sauvegarder les intérêts de la na-
vigation, que l'immense développement des
bouchots tendait à compromettre, au moins sur
quelques points. Dans la baie d'Aiguillon, par
exemple, les bouchots, au nombre d'environ
cinq cents, couvraient un espace de 4 kilom.
de large sur 10 kilom. de long, fermant de
toutes parts l'accès aux navires et constituant
trop souvent de dangereux écueils. Les me-
sures prises pour faire cesser les inconvénients
d'un tel état de choses, ou du moins pour les
diminuer, sont excellentes et ne tarderont pas
sans doute à amener d'heureux résultats : mais
là ne doit pas se borner, selon nous, le rôle de
l'administration. Restreindre sur un point l'in-
dustrie des bouchoteurs, c'est très-bien ; la
propager, la, favoriser dans un grand nombre
d'autres localités dont les eaux et les fonds
présentent les meilleures conditions possibles
pour l'élève des moules, voilà ce qui serait
encore mieux. Il ne faut pas oublier, en etfet,
que cette industrie est l'une des plus lucrati-
ves que les habitants des contrées voisines de
la mer soient appelés à exercer, puisqu'un
seul bouchot, dont les ailes ont chacune 250 m.
de longueur, rapporte, en moyenne, de 400 à
500 francs de bénéfice net. Au point de vue de
la santé publique, il y a aussi intérêt à favo-
riser l'industrie des bouchoteurs sur les riva-
ges de nos mers ; car les moules des bouchots
sont toujours exemptes de ces substances nui-
sibles on vénéneuses que présentent si sou-
vent celles qui, à l'état naturel, se sont fixées
sur de mauvais fonds, et notamment, sur les
débris des navires.
BOCXHOT
BOCXHOT (Léopold), prêtre et grammairien
français du xvme siècle. Il fut d'abord aumô-
nier de la duchesse douairière de Lorraine,
puis chanoine à Pont-à-Mousson. Il s'appliqua
a perfectionner les méthodes suivies pour l'in-
struction de ia jeunesse, et publia quelques ou-
vrages utiles, parmi lesquels on peut citer :
Traité de deux imperfections de la langue
française (Paris, 1759) ; Rudiment français, à
l'usage de la jeunesse des deux sexes, pour ap-
prendre en peu de temps la langue par règles;
Progression de la grammaire à la logique
(1763), etc.
BODCHOT
BODCHOT (P'rançois), peintre français, né
k Paris en 1800, mort en 1842, était fils d'un
ouvrier imprimeur. Il entra à l'âge de douze
ans dans l'atelier de M. Richomme, graveur
émanent, qui lui enseigna le dessin ; il eut en-
suite pour maîtres Regnault et Lethière, et
remporta, en 1823, le premier £rand prix de
Rome. Il envoya de cette dernière ville plu-
sieurs portraits au Salon de 1824, une compo-
sition mythologique, Bacchue et Erigone, qui
fut très-remarquée au Salon de 1827, et un
Silène surpris par les bergers, qui fut exposé
en 1830 dans les salles de l'Institut. De retour
en France, il exécuta plusieurs portraits d'une
tournure un peu maniérée, mais d'une facture
BOUC
brillante, qui figurèrent aux Salons de 1831,
1833 et 1834. Il fut ensuite chargé par l'Liat
de peindre \es Funérailles de Marceau; son
tableau obtint un très-grand succès au Salon
de 1835; un critique, Alexandre Decamps,
frère du célèbre peintre, ne craignit pas de
dire que c'était la une des œuvres les plus
complètes qu'avait vues naître la peinture, de-
puis la Méduse de Géricault. Au caractère
recueilli et solennel de la composition, Bou-
chot avait su unir beaucoup de naturel et de
vérité, et, l'un des premiers parmi les artistes
de notre époque, il avait eu le bon sens de
peindre les héros de nos guerres modernes
avec leur physionomie, leur tournure et leur
costume. Les Funérailles de Marceau appar-
tiennent aujourd'hui au musée de Chartres.
Bouchot peignit ensuite, pour les galeries his-
toriques de Versailles, la Bataille de Zurich,
exposée PU 1S37, et le Dix-huit brumaire,
exposé en 1840 : ces deux ouvrages, bien
inférieurs aux Funérailles, portent néanmoins
l'empreinte d'une étude sérieuse, d'un travail
consciencieux et élevé. Bouchot fut moins
heureux encore dans les peintures qu'il exé-
cuta pour l'église de la Madeleine et aux-
quelles il travailla pendant trois ans. 11 eût
sans doute trouvé par la suite l'occasion de
faire mieux apprécier son talent et d'obtenir
de nouveaux succès, si la mort ne fût venue
interrompre brusquement une carrière si bril-
lamment commencée. Il fut emporté par une
maladie de poitrine, à Vàge de quarante-deux
ans. Il laissa inachevé un Repos en Egypte,
qui fut exposé au. Salon de 1842, avec un Bo-
naparte passant le mont Saint-Bernard, et
deux portraits. Bouchot avait épousé la fille
de Laolache, le fameux chanteur; lui-même
était bon musicien, dit M. Ch. Blanc, et com-
posait à ses heures de la musique de chano
qu'il exécutait avec beaucoup d'expression.
BOUCHOTEUB
BOUCHOTEUB s. m. (bou-cho-teur — rad.-
bouchot). Pêch. Celui qui s'occupe de l'éle-
vage et de la reproduction des moules, au
moyen de parcs ou bassins vaseux nommés
bouchots, établis sur les bords de la mer :
C'est au xuie siècle que l Irlandais Wallon
fonda en France, sur les côtes de l'Océan, l'in-
dustrie du BOOCHOTEUR. (E. Clément.)
BOUCHOTTE
BOUCHOTTE (Jean-Baptiste-Noël),ministre
de la guerre sous la République, né à Metz en
1754, mort en 1840. Il entra dans l'armée à l'âge
de seize ans, et se distingua par de brillants
services ; mais, comme il était de famille bour-
geoise, il monta lentement en grade. Il était ca-
pitaine de hussards à la Révolution, fit en cette
qualité la campagne de 1792, et devint colo-
nel et commandant de la place de Cambrai.
-La vigueur qu'il déploya, lors de la trahison
de Dumouriez, pour empêcher cette place de
tomber au pouvoir des coalisés, fixa sur lui
les regards de la Convention, qui le nomma
ministre de la guerre le 4 avril 1793, en rem-
placement .de Beurnonville, livré par Dumou-
riez aux Autrichiens. Il peupla ses bureaux
de révolutionnaires ardents, parmi lesquels il
en était d'ailleurs de très-capables, mais s'at-
tira'ainsi la haine des girondins et fut violem-
ment attaqué. A plusieurs reprises, il offrit sa
démission. La chute des girondins même ne
le mit pas à l'abri des attaques. Cependant il
conserva sa place, qu'il n'avait point recher-
chée, jusqu'au moment où les ministères fu-
rent remplacés par des commissions execu-
tives (germinal an II, 31 mars 1794). Bouchotte
fut un des caractères les plus purs de la Ré-
volution; il en fut aussi un des hommes les
plus modérés, bien qu'il- appartînt évidem-
ment par ses idées à la fraction révolution-
naire la plus avancée. Son administration tant
calomniée fut vigilante et patriote. Probe,
actif, Administrateur, il eut une part impor-
tante à l'organisation des armées républicai-
nes et des services du département de la
guerre, se soutint au milieu des circonstances
les plus difficiles, et fit admirer l'intelligence
de ses choix par ses promotions d'officiers gé-
néraux, tels que Masséna, Kléber, Moreau,
Dugommier , Marceau , Augereau , Bona-
parte, etc. Il sortit pauvre du ministère et se
retira dans sa ville natale, où ses concitoyens
le nommèrent en 1798 officier municipal. Pen-
dant la réaction thermidorienne, il avait été
emprisonné, et, sur les déclamations des réac-
tionnaires, renvoyé devant le tribunal criminel
d'Eure-et-Loir qui ne trouva rien h sa charge
et ne put le mettre en jugement. Il existe un
manuscrit de Bouchotte adressé successive-
ment à Michaud et a M. Thiers, et dont ces
écrivains ne tinrent aucun compte, qui rectifie
d'une manière péremptoire les accusations
passionnées dont son administration fut l'ob-
jet. Les auteurs de l'Histoire parlementaire
en ont donné de courts extraits. Cette pièce
forme 26 pages in-fol. et contient des rensei-
gnements curieux et intéressants. Elle fait ac-
tuellement (1864) partie du cabinet de M. Gil-
bert, dont on connaît le beau travail sur Vau-
venargue, couronné par l'Académie. Un de
nos poètes charmants, M
m e
Amable Tastu,
était la nièce de l'ancien ministre de la Répu-
blique.
• BOUCHOUX (LES), bourg de France (Jura),
ch.-l. de cant., arrond. et à 10 kilom. de Saint-
Claude; pop. aggl. 146 h. — pop. tôt. 1,072 h.
Commerce de betes à cornes, étoffes et quin-
caillerie. Dans le cimetière, ruines de l'ancien
prieuré de Cuttura, et cinq beaux arbres âgés,
dit-on, de plus de trois cents ans.
BOUCHU
BOUCHU (Etienne-Jean), chimiste et mé-
BOUC
tallurgiste français, né à Langres en 1714,
mort en 1773. Il fut longtemps chargé de diri-
ger les forges d'Arc-en-Barrois, appartenant
au duc de Penthièvre. Outre les articles sur
la fabrication du fer qu'il a fournis à l'Ency-
clopédie, on lui doit : Art des forges et des
fourneaux à fer (Paris, 1762), et Observations
sur l'art du charbonnier (Paris, 1767, in-fol.).
BOUCHU
BOUCHU (le baron), général français, né en
1771, mort en 1839. Il passa par tous les gra-
des inférieurs jusqu'à celui de général de bri-
gade, qu'il obtint au siège deBadajoz. En 1814,
H fut fait prisonnier de guerre àTorgau. Sous
la Restauration, il fut mis à la tête de l'Ecole
polytechnique, fit encore la campagne d'Es-
pagne, puis fut nommé inspecteur général et
membre du comité consultatif de l'artillerie.
Lorsque son âge l'obligea à prendre sa n>-
traite, il alla finir ses jours à Autony, près
de Paris.
BOUCHURE
BOUCHURE s. f. (bou-chu-re — rad. bou-
cher). Ce qui sert à boucher, à clore. Se dit,
dans le Bourbonnais, surtout d'une clôture
eu broussailles : / / était censé couper de l'é-
pine pour faire des BOUCHUIÎUS, mais il ne
coupait rien du tout. (G. Sund.)
BOUCHUT
BOUCHUT (Eugène), médecin français, né
à Paris en 1818. Il fut reçu docteur en 1842,
obtint plus tard le titre d'agrégé de la Faculté
de médecine, et fut nommé, au concours, mé-
decin de l'hôpital des Enfants malades. En
1857, il fut chargé de la suppléance du cours
de M. Dutnéril. On lui doit : la Vie et ses attri-
buts dans leurs rapports avec la philosophie,
l'histoire naturelle ut la médecine (1802) ; Hy-
giène de la première enfance, comprenant les
règles de l'allaitement , du sevrage, etc.
(5
e
édit. 1866) ; Traité des maladies des nou-
veau-nés , des enfants à la mamelle et de la
seconde enfance (se édit. 1862); Nouveaux élé-
ments de pathologie générale et de séméiologie
(1857) ; De l'état nerveux aigu et chronique, du
névrosisme, reproduction des leçons publiques
données à la Faculté de médecine en 1857;
Traité des signes de la mort et des moyens de
prévenir les enterrements prématurés (1819),
ouvrage couronné par l'Institut; Histoire de
la médecine et des doctrines médicales (1864);
Dictionnaire de thérapeutique médicale et chi-
rurgicale, en collaboration avec M. Després
(1866); Traité du diagnostic des maladies du
système nerveux par iophthalmoscope.
En outre, M. Bouchut est auteur d'un grand
nombre de mémoires, dont plusieurs ont été
couronnés par la Faculté de médecine et qui
ont paru dans divers recueils spéciaux.
BOUCIAUX
BOUCIAUX s. m. (bou-sio — rad. bouc).
Outre, peau de bouc servant de vaisseau pour
contenir des liquides, il Vieux mot.
BOUCICAULT
BOUCICAULT (Dion), auteur dramatique,
acteur et directeur de théâtre anglais, né à
Dublin, en 1822. 11 écrivit une première pièce,
l'Assurance à Londres, pour le théâtre de Co-
vent-Garden, en 1841. "Vers 1858, il passa aux
Etats-Unis, et, après y avoir fait un séjour de
sept années, revint à Londres, où il fit jouer,
au théâtre Adelphi, The Colleen Bawn, œuvre
populaire dans laquelle il figura lui-même avec
un grand succès, ainsi que sa femme (1860).
Cet ouvrage, qui eut une vogue extraordi-
naire en Angleterre d'abord, puis en Ecosse,
en Irlande et en Amérique, a été arrangé selon
les exigences de notre scène par M.'d'Ennery
et représenté à l'Ambigu-Comique le 17 oc-
tobre 1861, sous le titre de : le Lac de Glenas-
ton. M. Boucicault, qui doit sa fortune à The
Colleen Bawn, a pris la direction du théâtre
Adelphi en octobre 1861. Il a composé un nom-
bre considérable d'ouvrages dramatiques. Les
plus estimés sont, outre sa pièce de début et
celle que nous venons de citer : Old heads and
young hearts (Vieilles têtes et jeunes cœurs);
Love in amaze (l'Amour dans l'embarras);
Used up (Ruinés) ; The Willow Copse (le Tail-
lis des saules) ; The Octoroon (le Demi-quarte-
ron — homme de sang mêlé au huitième de-
gré); et encore : Louis XI, les Frères corses,
le Vampire, Faust et Marguerite, pièces dont
les titres indiquent assez qu'elles ne sont que
des traductions à la façon anglaise du théâtre
français. M. Boucicault, écrivain très-fécond,
possède, dans un des faubourgs de Londres,
une résidence magnifique, qu'il doit à- ses suc-
cès d'auteur dramatique.
BOUCICAUT
BOUCICAUT (Jean L E MAINGRE, sire DE),
maréchal de France, mort en 1370, était de
naissance presque obscure. Il servit sous le
roi Jean et sous Charles V, qui le nomma ma-
réchal de France. Il fit preuve d'une grande
habileté comme négociateur, surtout lors du
traité de Brétigny, en 1360. Comme général, il
avait mérité le surnom de brave; toutefois, si
l'on s'en rapporte à un quatrain du temps, le
diplomate était chez lui supérieur à l'homme
de guerre :
Quand vient a un assault,
Mieux vault Saintré que Boussiquault;
Mais quand vient à un traité,
Mieux vault Boussiquault que Saintré.
D'une austère probité, il se montra digne de
sa haute fortune par ses vertus et par les ser-
vices qu'il rendit a son pays.
Le maréchal de Boucicaut ne laissait qu'un
! fils, qui depuis fut aussi maréchal de France.
I II ne s'était nullement soucié d'accumuler les
j richesses sur la tête de cet héritier de son nom
j et de sa gloire, et n'avait songé qu'à lui lais-
ser de grands exemples de vertu. Ses amis le
! blâmèrent de n'avoir point profité de la fa-
BOUC
veur du roi Jean : « Je n'ai rien vendu de
l'héritage de mes pères, leur répondit-il,
et je rry ai rien non plus ajouté. Si mon
fils est homme de bien, il aura assez; mais
s'il ne vaut rien, il aura trop et ce sera grand
dommage. »
BOUCICAUT
BOUCICAUT (Jean L E MAINGRE, sire DE),
maréchal de Fronce, fils du précédent, né à
Tours en 1364, mort prisonnier en Angleterre
en H21. Placé par Charles V auprès du Dau-
phin, il fit ses premières armes dès l'âge de
douze ans, sous Duguesclin, combattit vaillam-
ment aRosebecq (1382), où il tuann chevalier
flamand d'une taille énorme et qui l'avait traité
en enfant. Ce chevalier, qui abattait à coups
de sabre tout ce qui se rencontrait devant lui,
voyant approcher le jeune Boucicaut, la hache
levée, lui décharge un coup qui lui fait tom-
ber son arme des mains, en lui disant d'un ton
de mépris :« Enfant, va teter; » et ne daignant
pas l'achever, il tourne d'un autre côte. Le
jeune Boucicaut, outré de dépit, tire son épéo
et la lui passe au travers du corps. Il alla
guerroyer ensuite en Prusse, dans les rangs
des chevaliers teutoniques, fut le lieutenant
de Louis de Clermont dans son expédition du
Poitou et de la Guyenne (13S5), s'illustra par
de brillants faits d'armes, et fut enfin créé
maréchal de France par Charles VI, en 1391.
Un des compagnons au comte de Nevers dans
sa croisade contre Bajazet I
e r
, il fut fait pri-
sonnier par les Turcs à la funeste bataille de
Nicopolis (1396), et ne recouvra sa liberté que
lorsqu'il eut payé une forte rançon. Après une
nouvelle série d'actions militaires, il reçut le
gouvernement de Gênes, qui venait de se don-
ner à Charles VI (1401), et administra pendant
dix ans cette cité, jusqu'à la révolution qui en
chassa les Français et força Boucicaut a rc*-
passer les Alpes. Le maréchal avait gouverné
cette ville avec autant de sagesse que de fer-
meté. En même temps, il avait combattu les
musulmans sur la Méditerranée, vaincu les
flottes de Venise, secouru le roi de Chypre et
protégé le commerce des Génois. Ici se place
une aventure qui montre la galanterie cheva-
leresque de Boucicaut. Se promenant un jour
à cheval par la ville, il rencontra deux cour-
tisanes vêtues à la mode du pays , qui lui
firent la révérence : il la leur rendit avec la
plus grande courtoisie. Un gentilhomme qui
était devant lui s'arrêta et lui dit : « Mon-
seigneur, savez-vous quelles sont ces deux
dames qui vous ont salué? — Non, répondit le
maréchal. — Ce sont des filles de mauvaise
vie. — Je ne les connais pas, repartit Bouci-
caut, mais j'aime mieux avoir fait la révérence
a ces filles perdues, que d'avoir manqué à sa-
luer une femme de bien. » De retour en France,
Boucicaut resta fidèle au Dauphin pendant les
guerres civiles, et fut fait^prisonnier par les
Anglais à la bataille d'Azincourt (1415), qui
avait été livrée malgré ses avis. Il ne revit
jamais la France. Il mourut en Angleterre, à
l'âge de'cinquante-cinq ans, et son corps,
rapporté en France, fut déposé dans l'église
Saint-Martin de Tours.
Boucicaut fut un des plus braves et des
plus vertueux guerriers de son temps. Sa r é -
putation de justice était telle que, pendant son
séjour en Italie, le dernier des Génois ne crai-
gnait pas de dire à un homme puissant : « Fais-
moi raison de toi-même, ou monseigneur me
la fera. » On a une Histoire du maréchal Bou-
cicaut, écrite par un contemporain, et qui
a été publiée par Théod. Godefroy (Paris,
1620).
BOUCIROLLE
BOUCIROLLE s. f. (bou-si-ro-le). Nom vul-
gaire d'une variété de bécassine, la bécas-
sine sourde.
BOUCIQUANT
BOUCIQUANT s. m. (bou-si-kan). Merce-
naire. Il Vieux mot.
BOUCLE
BOUCLE s. f. (bou-kle. — Ce mot, gui pré-
sente avec bouclier une grande similitude de
forme extérieure, dérive d'un même radical,
emprunté aux langues germaniques. V. BOU-
CLIER). Sorte d'anneau,servant à attacher di-
vers objets et à les maintenir tendus au
moyen d'un ou plusieurs ardillons dont ii est
muni : La
BOUCLEBOUCLE d'une ceinture, d'une bre-
telle. Une
BOUCLEBOUCLE d'or, d'argent, d'acier. Ses
souliers se recommandaient par des BOUCLES
dor carrées. (Balz.) Les parapluies étaient ac-
crochés par en haut au moyen d'une BOUCLE en
cuivre. (Balz.) \\ Nom que l'on donne quelque-
fois à certaines agrafes larges, tenant lieu de
boucle : La BOUCLE d'un ceinturon, d'une jar-
retière.
— Anneau que forment les cheveux, natu-
rellement ou au moyen de la frisure : Des
cheveux qui tombent en BOUCLES, en grosses
BOUCLES,BOUCLES, sur le cou. Se faire friser en BOU-
CLES. Mettre une BOUCLE de cheveux dans un
médaillon. Ma fille, coupe sur mon front une
BOUCLEBOUCLE de mes cheveux, et tu la placeras sur
la tombe de l'infortuné à qui tu dois le jour.
(Ballanche.) Sa main blanche et rose, qu'elle
plongeait dans les BOUCLES de sa noire cheve-
lure, eût tenté un saint. (L.-J. Larcher.)
Même aux jeunes garçons, sous l'airain des combats,
La boucle à flots tombants, certes, ne œessied pas.
SAINTE-BEUVE.
— Nœud simple : Faire une BOUCLE, deux
BOUCLES.
— Boucles d'oreilles, Bijou en forme d'an-
neau que l'on suspend à chacune des deux
oreilles : Des BOUCLES D'OREILLES en~ or, en
doublé. Des BOUCLES D'OREILLES en diamant,
en topaze. Vous perdrez vos BOUCLES D'OREIL-
LES, vos bagues, vos bracelets, vos voiles. (Cha-
BOUC 1057
teaub.) Eh bien l prends ces deux sequins de
Venise et donne-les à ta fiancée, pour en faire
une paire de BOUCLES D'OREILLES. (Al. Dum.)
Les
BOUCLESBOUCLES D'OREILLES sont un genre d'orne-
ment qui remonte à la plus haute antiquité.
(Bachelet.) Les enfants des Grecs ne portaient
des
BOUCLESBOUCLES D'OREILLES que du côté droit. (Ba-
chelet).
— Techn. Anneau attaché à une porte, à un
tiroir, et qui sert à tirer pour ouvrir, il An-
neau qui sert de heurtoir pour certaines por-,
tes cochères. On l'appelle aussi POIGNÉE,
il Anneau mobile à l'extrémité d'une tige,
, que l'on emploie dans le mécanisme de cer-
t taines serrures, il En arquebuserie, Nom gé-
nérique sous lequel on désigne la capucine,
la grenadière et l'embouchoir, quand on con-
sidère ces trois pièces collectivement. Les
boucles ayant le défaut d'obstruer la ligne de
mire, on les supprime dans les fusils de luxe,
et on les remplace par des espèces de tenons
qui s'enfoncent dans le bois et y sont retenus
au moyen de goupilles ou de tiroirs.
— Artill. Boucle de tirage, Nom donné à
l'espèce d'anneau que forme l'extrémité, exté-
rieure de la tige ou de la ficelle des étoupilles
fulminantes. C'est en agissant sur la boucle
do tirage avec le tire-feu que le canonnier
met le feu à la charge du canon. V. ÉTOU-
P1LLE C t T I R K - F E U .
— Mar. Gros anneau de fer sur lequel on
attache un câble, soit pour fixer un navire,
soit pour manœuvrer une pièce d'artillerie.
il Mettre un matelot sous boucle. Le mettre
aux fers.
— Comm. Velours à boucles, Velours fait à
l'épingle, et que l'on nomme plus ordinaire-
ment VELOURS ÉPINGLE.
— Archit. Petit anneau dont on orne une
moulure ronde.
— Art vétér. Nom vulgaire de la stomatite
aphtheuso du porc, espèce de bubon de l'in-
térieur de la bouche, n Anneau mis à la vulve
d'une jument, pour empêcher qu'elle ne soit
saillie.
— Agric. Sorte de pioche à large fer et à
manche très-court.
— Ichthyol. Nom donné aux aiguillons que
porte sur fa peau la raie dite raie bouclée.
— Blas. Boucle à l'antique, Pièce héral-
dique, en forme de losange, avec une pointe
ou ardillon, qui symbolise un homme de
guerre, en ce sens qu'elle représente une
des parties du costume du cavalier comme
boucle de ceinture du baudrier, du harnois.
La boucle à l'antique diffère de la boucle or-
dinaire et du fermail, par le seul fait de sa
forme; U est toujours nécessaire qu'en bla-
sonmnt la position de son ardillon soit dési-
gnée.
— Encycl. Les anciens faisaient usage de
boucles pour retenir sur l'épaule leurs tuni-
ques et leurs manteaux ; ils s'en servaient
aussi pour serrer leurs baudriers, leurs cein-
tures, les ceinturons des militaires, etc. Chez
les peuples modernes, on en met encore aux
ceintures, aux jarretières, etc. 11 fut long-
temps de mode de porter sur les souliers des
boucles d'acier, d'argent, d'or, et les élégants
f
aussèrent quelquefois le goût du luxe jusqu'à
es ornerde diamants. Aujourd'hui, quelques
parties du vêtement des hommes s'attachent
encore avec des boucles, mais ce sont des par-
ties cachées, telles que bretelles, pattes de
gilets ou de pantalons, et il n'y a plus de rai-
son pour que les boucles soient faites de ma-
tières si précieuses. Les dames seules recher-
chent toujours le fini du travail et l'éclat du
métal dans les larges boucles avec lesquelles
elles attachent leurs ceintures.
— iJouciesd'oret^es.Ufautremonteràlaplus
haute antiquité pour trouver l'époque où les
femmes et même les hommes commencèrent à
se percer les oreilles pour y suspendre des bou-
cles faites d'un métal précieux. Quand Praxi-
tèle sculpta sa Vénus, il la représenta avec
des boucles d'oreilles. Parmi les beaux spéci-
mens qui nous restent de l'art antique, nous
voyons des têtes portant une boucle a l'oreille
gauche seulement, et il paraît que les enfants
des Grecs n'en avaient que du côté droit. Les
nommes en portaient beaucoup plus rarement
que les femmes, mais cela arrivait pourtant
quelquefois, puisque l'empereur Alexandre
• Sévère se crut obligé de leur interdire cet
ornement. Aux boucles on ajoutait souvent
des pendants, et ces pendants étaient quel-
quefois si lourds que les oreilles en étaient
blessées, et que certaines femmes, nommées
auriculœ ornatrices, faisaient métier de soi-
gner et de guérir ces blessures. Il y avait des
pendants d'oreilles si précieux que plusieurs
patrimoines suffisaient à peine pour en payer
la valeur. La forme en était extrêmement
variée, et chacune d'elles avait son nom spé-
cial : les hippocampes représentaient de petits
chevaux, les tripodes ressemblaient à des tré-
pieds, etc. Les dames de notre temps semblent
vouloir faire revivre tous ces goûts étranges,
et les auriculœ ornatrices trouveraient peut-
être parmi nous de fréquentes occasions d'exer-
cer leur industrie.
— Boucles de souliers. Disons un mot des
bouclés de souliers, qui furent si longtemps
à la mode, et dont beaucoup d'ecclésiastiques
ont conservé l'usage, sans doute par un pieux
souvenir du bon vieux temps.
En 1789, l'enthousiasme national pour les
institutions nouvelles éclatait non-seulement
133
1058 BOUC
BOUC
BOUC
BOUC
en manifestations passionnées, mais encore
en sacrih'ces de toute nature; les citoyens
se dépouillaient à l'envi pour remédier à la
pénurie du trésor et soulager la détresse pu-
blique. Ce serait une histoire bien curieuse
et bien touchante que celle des dons patrioti-
ques. Chose caractéristique : les riches mêmes
donnaient; on dotait la divinité nouvelle, la
Liberté, comme autrefois on fondait àes mes-
ses et comme on sacrifiait ses bijoux à la
Vierge ou aux saints.
Nous mentionnerons ici un épisode qui peint
assez bien cette contagion de patriotisme et
de désintéressement.
Dans la séance de l'Assemblée nationale
du 20 novembre, on lut une adresse de la ville
d'Issoudun, qui, en adhérant aux décrets de
l'Assemblée, envoya* comme offrande à la
patrie un don de plus de cent marcs d'argent;
c'était le produit de toutes les boucles de sou-
liers des citoyens de cette ville. Au milieu des
applaudissements, M. d'Ailly propose aux dé-
putés d'imiter cet exemple, ce qui fut adopté
par acclamation. Les représentants ne portè-
rent plus dès lors que de simples lacets ou des
boucles de cuivre, qui reçurent le nom de bou-
cles nationales.
Une espèce de gazette rimée qui se publiait
alors, le Nouveau journal, célébra cet événe-
ment par une chanson naïve dont nous cite-
rons quelques fragments. L'adresse, mise en
couplets, se terminait par ces quatre vers (ce
sont les envoyés d'Issoudun qui parlent) :
Ce n'est pas un grand sacrifice,
Car les hommes étant égaux,
Il serait de toute justice
Que chacun portât des sabots.
D'Ailly se levé, il s'écrie :
• Ah! messieurs, quel heau moment 1
> Imitons, je vous supplie,
> Un exemple si touchant;
• Et dans l'instant,
» Sur l'autel de la patrie,
» Offrons nos houcles d'argent. •
On applaudit; un saint transport
A saisi l'assemblée ;
Aussitôt, d'un commun accord,
La voilà débouclée, etc.
, Rappelons encore une anecdote à propos
des boucles de souliers: lorsque Roland, le
célèbre girondin, fut appelé par Louis XVI
à faire partie du ministère patriote, et qu'il
parut à la cour, sa simplicité philosophique
excita quelque rumeur. Mais laissons parler
Mme Roland, qui a consigné le fait dans ses mé-
moires : « La première fois, dit-elle, que Roland
parut à, la cour, la simplicité de son costume,
son chapeaurond et les rubans qui nouaient ses
souliers, firent l'étonnement et le scandale de
tous.les valets, de ces êtres qui, n'ayant d'exis-
tence que par l'étiquette, croyaient le salut
de l'empire attaché à sa conservation. Le
maître des cérémonies, s'approchant de Du-
mouriez d'un air inquiet, le sourcil froncé, la
voix basse et contrainte, montrant Roland du
coin de l'œil : t Eh 1 monsieur, point de bou-
cles a ses souliersI — Pas de boucles! Ah!
monsieur, tout est perdu I répliqua Dumou-
riez avec un sang-froid à faire éclater de
rire... •
Boucle d e c h e v e u x e n l e v é e (LA), pOfime h é -
roï-comique de Pope, publié en 1713 et dont le
sujet est le rapt d'une boucle de cheveux (the
Râpe of the Lock) que, dans un accès de galan-
terie, lord Petre avait coupée parmi les tresses
blondes d'une beauté à, la mode, mistress Ara-
bella Fermor, qu'il était sur le point d'épouser,
. familiarité que la belle prit en mauvaise part
et qui amena la rupture du mariage. Un ami de
Pope lui proposa de réconcilier les deux fa-
milles par une pièce de vers qui, en flattant
mistress Fermor, dissiperait son ressentiment.
Le poète n'avait alors que vingt ans. Com-
ment remplir le cadre assez étendu de cinq
chants, avec un sujet si mince et si prosaïque,
cette boucle fût-elle la chevelure de Béré-
nice? Après avoir débuté par l'exposition du
sujet réel : « Je chante une cruelle offense
causée par l'Amour, et une querelle sérieuse
née d'une hardiesse badine... » Pope se tira
d'embarras grâce à l'emploi du merveilleux,
ce que les Anglais appellent machinery ; il
tira ce merveilleux du S3
r
stème imaginaire des
cabalistes ou des frères Rose-Croix. Il fut
initié à ces mystères ou, comme l'on dirait au-
jourd'hui, à. ce spiritisme, par un livre de
l'abbé de Villars, intitulé le Comte de Gaba-
lis, que les femmes du monde lisaient comme
un roman ordinaire. Le premier chant expose
cette théorie des esprits qui peuplent les qua-
tre éléments : les gnomes ou démons, logés
dans la terre; les nymphes, habitantes des
ondes ; les salamandres, vivant dans le feu;
et les sylphes, jolies et aimables créatures,
répandus dans l'air. Tout ce qui est contenu
dans les autres chants est également fabu-
leux, à l'exception de l'enlèvement de cette
charmante boucle de cheveux « dont le poète
ne parle jamais qu'avec respect. » Tous les
héros du poème ne sont pas des êtres moins
imaginaires que les esprits aériens qui y agis-
sent.
Des deux côtés du détroit
;
les opinions, sont
encore partagées sur le mérite littéraire de ce
spirituel badinage. Lorsqu'il parut, les beaux
esprits et les gens de la cour, en Angleterre, en
firentles plus grands éloges. L'engouement na-
tional en vint au point de s'exalter outre me-
sv ré : La Boucle de cheveux fut unanimement
placée au-dessus de tout ce que la poésie fran-
çaise pouvait offrir de plus parfait en ce genre.
En France, beaucoup d'esprits distingués sem-
blèrent condescendre à ce jugement. On
trouva dans la Boucle de cheveux enlevée de
l'invention, du dessin, de l'ordre, de la fic-
tion, des images et des pensées. On y remar-
qua un comique plaisant, sans être burlesque ;
des allusions satiriques, sans être offensantes;
des plaisanteries hardies, sans être trop libres ;
des railleries délicates sur les femmes, plus
capables de leur plaire que les fadeurs d'un
madrigal. On compara ce poème au Vert-Vert
de Gresset, et Voltaire, dans son enthou-
siasme momentané pour la littérature anglaise,
ne craignit pas de mettre la Boucle de cheveux
enlevée au-dessus du Lutrin; l'abbé Desfon-
taines la traduisit en prose, et, de son côté,
Marmontel en donna une élégante traduction
en vers. Auiourd'hui, ces admirations se sont
un peu refroidies ; M. "Villemain est loin
d'être de l'avis de Voltaire, et voici comment
M. Taine, l'auteur si estimé de VHistoire de la lit-
térature anglaise, s'exprime au sujet du poème
de Pope, tant vanté par Addison : « L'ensemble
du poème est une bouffonnerie en style noble.
Il s'agit de faire de cette bagatelle une épo-
pée, avec les invocations, les apostrophes,
l'intervention des êtres surnaturels et le reste
des machines poétiques. La solennité du style
contraste avec la petitesse des événements ;
on rit de ces tracasseries comme d'une que-
relle d'insectes. • Pope dédia son poème à
mistress Arabella Fermor, qui en fut si con-
tente qu'elle en répandit de nombreuses co-
pies. « Evidemment elle n'était pas difficile,
dit encore M. Taine, un peu sévère, nous le
reconnaissons, pour cette production de Pope.
Ce badinage, pour nous du moins, n'est pas du
tout badin. La légèreté, la gaieté, en sont à
cent lieues. Dorât, Gresset en auraient été
stupéfaits et scandalisés. Nous restons froids
devant ses plus brillantes réussites. Tout au
plus, de temps en temps, un bon coup de fouet
nous réveille, mais ce n est pas pour rire. Ces
caricatures nous semblent étranges, mais ne
nous amusent pas. Cet esprit n'est pas de l'es-
prit; tout y est calculé, combiné, artificieuse-
ment préparé; on attend un pétillement d'é-
ch^rs, et au dernier instant le coup rate. »
En ramenant à de justes limites les enthou-
siasmes irréfléchis et les critiques un peu trop
vives, nous devons constater que la Bouche
de cheveux enlevée est une œuvre spirituelle,
supérieure a la Secchia rapita du Tasse. «Une
moquerie vive et délicate, dit M. Joubert, de
iines et exactes peintures de mœurs, de la
fantaisie et de la gaieté, et, par-dessus tout,
une versification légère et harmonieuse, assu-
rèrent une valeur durable à cette œuvre de
circonstance. »
Boucle de cheveux (LA), opéra-comique en
un acte, paroles d'Hoffmann, musique de Da-
layrac, représenté sur le théâtre Feydeau le
29 octobre 1802. Cet ouvrage éprouva une
chute complète, malgré le talent des auteurs
et le goût du public de ce temps pour leurs
productions.
BOUCLÉ,
BOUCLÉ, ÉE (bou-klé) part. pass. du v.
Boucler. Attaché par une boucle : Une cein-
ture BOUCLÉE. Des souliers BOUCLÉS.
— Se disait autrefois pour fermé, enfermé,
au propre e t au figuré : II tenoit la ville de
Naples BOUCLÉE par mer. (Montluc.) Nous
sommes BOUCLÉS de toutes parts. (Sat. Ménip.)
.— Blas. Se dit de tout animal dont le col-
lier a une boucle d'un émail particulier. Fa-
mille Nicolaï : D'azur, au lévrier courant d'ar-
gent, accolé de gueules, BOUCLÉ d'or . il Se dit
aussi de tout animal qui a un anneau passé
dans le nez. Famille Baillan de Forges; De
gueules à la tête de léopard d'or BOUCLÉE du
même.
— Ichthyol. Raie bouclée, Espèce de raie
dont la peau est hérissée d'aiguillons ou poin-
tes. C'est la plus estimée et la plus commune
sur les marchés de Paris.
— Disposé en boucles ou anneaux .• Des
cheveux BOUCLÉS naturellement, BOUCLÉS avec
soin. Ses cheveux d'un beau noir, et BOUCLÉS
par masses, prêtaient une grâce indicible à son
front. (Balz.) Ses cheveux retombaient en mè-
ches plates, mais BOUCLÉES aux extrémités.
(Balz.) Et ces cheveux brunissants, pourquoi
ne sont-ils pas mieux BOUCLÉS? (Ars. Houss.)
il Qui a des cheveux bouclés : Un enfant tout
BOUCLÉ. Elle était déjà coiffée, BOUCLÉE et
très-parée. Sa tête est BOUCLÉE naturellement.
La tête du Cupidon, toute BOUCLÉE de petits
cheveux noirs, est délicieuse. (Th. Gaut.)
— Pop. Enfermer, mettre sous clef, en par-
lant des prisonniers : A Clichy, le gardien
passe devant votre porte, dit bonsoir et vous
BOUCLE. (Figaro.) A dix heures, rentrée dans
les cellules : on vous BOUCLE chacun chez soi.
(Nadar.)
— Art vétér. Boucler une jument, Mettre
un anneau à sa vulve, pour empêcher qu'elle
ne soit saillie. Les Espagnols et les Italiens
jaloux faisaient autrefois subir la même opé-
ration à leurs femmes (v. INFIBULATION), et
les Romains soumettaient certains chanteurs
à une opération analogue. Il Boucler un porc,
Lui passer un anneau ou une tige de fer dans
le groin, ce qui empêche ranimal"de fouiller
la terre, il Boucler un taureau, Lui passer un
anneau dans le nez, pour le conduire et le
maîtriser plus facilement.
— Ane. art. milit. Bloquer, investir.
—Mar. Attacher d'un nœud simple
;
d'une
boucle : BOUCLER une manœuvre, il Boucler un
port, Le fermer, empêcher qu'il n'en sorte
aucun bâtiment. Cette locution a vieilli.
— Chass. Faire sortir de son terrier : BOU-
CLER un lapin. BOUCLER un renard.
— v. n. ou int. Etre disposé en boucles :
Ses cheveux BOUCLENT naturellement. Elle
passa convulsivement les mains dans les flots
de cheveux bruns qui BOUCLAIENT au front du
jeune homme. (G. Sand.)
— Constr. Se fendre, s'écarter dans son
épaisseur, en parlant d'un mur : Cette mu-
raille commence à BOUCLER.
Se boucler v. pr. Être bouclé, fermé par
une boucle : Les guêtres de chasse SE BOU-
CLENT du haut en bas.
— Attacher, rattacher sa boucle : BOUCLEZ-
VOUS, si vous ne voulez perdre votre ceinture.
— Etre disposé en boucles, en parlant des
cheveux : De longs cheveux châtains, lisses et
fins se partageaient en deux bandeaux sur son
front et SE BOUCLAIENT à leurs extrémités.
(Balz. ) Il Boucler ses cheveux : Cette jeune
personne passe la matinée entière à SE BOU-
CLER.
— Antonyme. Déboucler.
BOUCLEMENT
BOUCLEMENT s. m.-(bou-kle-man — rad.
boucle). Art vétér. Action do boucler une
jument, pour empêcher qu'elle ne soit saillie,
un taureau pour le maîtriser, un porc pour
l'empêcher de fouiller.
— Encycl. Le mot bouclement désignait au-
. trefois une opération aussi cruelle qu'inutile,
dont les progrès de l'agriculture ont amené le
complet abandon. Elle consistait dans l'appli-
cation de boucles aux organes extérieurs de
la génération, chez la femelle, afin qu'elle ne
pût se livrera l'acte de la copulation. Le mot
bouclement a aujourd'hui une acception bien
différente et toute nouvelle. Il sert à désigner
l'application d'une pince ou d'un anneau sur
la cloison nasale, près du mufle chez les ani-
maux de l'espèce bovine, ou d'un appareil
sur le groin d'un cochon. On boucle les tau-
reaux pour les rendre plus maniables, lors-
qu'ils sont devenus trop difficiles à. gouver-
ner. Cette opération s'exécute avec la plus
grande facilité et presque sans douleur, à
1 aide d'une pince ou d un anneau nasal. La
pince, vulgairement appelée mouchette, n'est
que d'un emploi accidentel ; on la retire dès
que l'animal est rendu à lui-même. Il y a des
mouchettes de formes diverses. La plus sim-
ple et probablement la meilleure, dit M. Ma-
gne, est un ressort que l'on ferme et que l'on
ouvre avec un coulant. Le ressort ne doit pas
offrir trop de résistance, et le coulant doit
être assez gros pour qu'on puisse le faire jouer
aisément sur les branches de l'instrument.
Celles-ci ont de 0 m. 10 à 0 m. 12 de long;
à quelque distance de leur extrémité, elles
présentent un épaulement qui a pour objet de
fixer le coulant quand les mouchettes sont en
place. Au point ou chaque branche, recourbée
en demi-circonférence, doit s'appliquer sur la
cloison nasale, on voit un renflement à sur-
face légèrement convexe. A sa partie oppo-
sée, l'instrument présente une sorte d'anse à
laquelle on adapte une longe ou un bâton con-
ducteur. L'emploi de la mouchette n'ayant
lieu qu'à certains moments, il arrive fréquem-
ment qu'on éprouve des difficultés sérieuses
lorsqu'il s'agit de l'appliquer aux animaux d'un
caractère peu soumis. On préfère alors se
servir de l'anneau nasal, qu on établit à de-
meure, et dont l'effet est suspendu toutes les
fois que l'animal q^ui le porte n'est pas appelé
à rendre un service. Cet anneau est un fer
d'un diamètre un peu plus grand que la lar-
geur du mufle. On en a fait de toutes les for-
mes. Le plus commode est celui que l'on doit
à M. Porcheron, vétérinaire a Orléans. On
peut le placer sans perforation préalable de la
cloison nasale, car l'appareil porte une pointe
aiguë triangulaire qui opère cette perforation
sans le secours d'aucun instrument. Lorsque
l'anneau ne doit pas être utilisé activement,
on le fixe au moyen d'une anse et d'une cour-
roie ; on le rend libre, au contraire, et on y
adapte une longe, lorsqu'on veut maîtriser
l'animal. On trouve parfois des taureaux si
méchants que la longe est insuffisante à les
maintenir; il faut alors se servir d'un bâton
conducteur. Ce bâton est formé d'une hampe
en bois de frêne, lisse et solide, longue d'en-
viron l m. 50, que termine un crochet de fer
contourné en S. Ce crochet est disposé de ma-
nière à pouvoir saisir l'anneau à distance, il
s'accroche et se décroche avec facilité, sans
jamais se détacher contre la volonté de celui
qui en fait usage. Par lui-même, l'anneau na-
sal ne présente aucun inconvénient, et il four-
nit le moyen de maîtriser sûrement une bête
dangereuse. Son emploi, qui se répand de jour
en jour, permettra désormais de conserver à
la reproduction des animaux de choix que leur
humeur farouche oblige à réformer trop tôt.
• Le bouclement du porc a pour but d'empê-
cher l'animal de fouiller la terre et de nuire,
par conséquent, aux semences et aux planta-
tions. Divers moyens plus ou moins compli-
qués ont été imaginés; le plus simple et le
()lus anciennement employé est certainement
e meilleur. On prend un ou deux clous de fer
à cheval dont on aiguise la pointe, ou bien un
morceau de fil de fer plié en deux et se termi-
nant en'une pointe acérée à,chaque extré-
mité: on introduit, soit les clous, soit le fil de
fer, dans l'épaisseur du groin, à un centimètre
de son bourrelet, de manière que la pointe di-
rigée en avant dépasse le groin d'environ un
centimètre. On retourne alors cette pointe en
regard du groin, de telle sorte qu'elle pique
l'animal toutes les fois que celui-ci vouam
fouiller le sol.
La seule précaution à prendre pendant le
bouclement du porc, c'est de ne pas blesser l'os
du boutoir. On y parviendra facilement en ex-
plorant avec le doigt, avant d'opérer, l'inté-
rieur des fosses nasales.
BOUCLER
BOUCLER s. m. (bou-clé). Ancienne formo
du mot BOUCLIER.
BOUCLERBOUCLER v. a. ou tr. (bou-klé — rad. bou-
cle). Attacher, serrer, maintenir avec une
boucle : BOUCLER sa ceinture. BOUCLER ses
souliers. BOUCLER une valise, un porteman-
teau.
— Disposer en boucles ou anneaux : Ses che-
veux, qu'elle nattait et tordait simplement sur
sa tête, elle les lissa et les BOUCLA. (Balz.) il
Disposer en boucles les cheveux do : BOUCLER
un enfant, une femme.
B O U C L E R I E s. f. (bou-kle-rî — rad. boucle).
Fabrication et commerce de boucles ; lieu où
l'on fabrique des boucles.
B O U C L E T s. m. (bou-klè). Art milit. Nom
donné, au xine siècle, à la pièce d'armure
appelée plus tard GENOUILLKRE. V. ce mot. il
Ancien nom du BOUCLIER.
BOUCLETEAUBOUCLETEAU s. m. (bou-kle-to — rad.
boucle). Art milit. Partie d'une courroie
adhérente à un contre-sanglon.
B O U C L E T T E s. f. (bou-klè-te — dimin. de
boucle). Petite boucle, il Petit anneau.
— Techn. Endroit où la ficelle des lisses est
traversée dans son épaisseur par une ficcllo
qui en fait la partie inférieure, il Nom des
anneaux de métal dont on borde un filet.
BOUCLEUR
BOUCLEUR s. m. (bou-kleur — rad. bou-
cler). Celui qui boucle un animal, il A Rome,
Celui qui bouclait certains chanieurs : Mar-
tial, qui plaisante sur tout, parle de ces chan-
teurs qui rompaient quelquefois leur anneau
d'infibulation, et qu'il fallait ramener chez te
BOUCLEUR. (Virey.)
BOUCLIERBOUCLIER s. m. (bou-kli-é— rad. boucle).
Marchand ou fabricant de boucles et anneaux
métalliques, il Vieux mot.
BOUCLIER
BOUCLIER s. m. (bou-kli-é. — Comme la
plupart des mots désignant le harnachement
et 1 équipement militaires, bouclier est d'o-
rigine germanique. La forme primitive du
mot était boucler, bucler, de la basse latinité
bocula, buccula, bucula
}
boclerius. La racine
germanique d'où dérive bouclier signifie
bosse, et désignait spécialement la partie
proeminento.de Vécu, Vumbo des Latins. En
ancien haut allemand buchel, bosse, et buche-
lere, bouclier; en ancien allemand, buchel et
buckeler ; en allemand moderne, buchel, bosse ;
en anglais, buckler, bouclier; en islandais,
bucklari; en hollandais, bochehel;fin suédois,
pockel, et en danois, bugel, bosse. Le mot
boucle dérive de la même racine, parce que
la courroie qui servait à tenir le bouclier
était fixée dans la partie interne de la pro-
éminence. L'italien se sert, pour désigner le
bouclier, des expressions scuao, écu (scutum);
— rotella, targa, clipeo—(clypeum),—; et l'es-
pagnol, d escudo, de tarja, rodcla, adarga, bro-
quél, etc.). Art milit. Ancienne arme défen-
sive que l'on portait au bras gauche, pour s'en
couvrir le corps durant le combat : BOUCLIER
rond, ovale, carré, triangulaire. BOUCLIER d'or,
de fer, de peau de taureau, d'osier. S'armer,
se couvrir ae son BOUCLIHR. Les Francs procla-
maient leur chef en l'élevant sur un BOUCLIER.
Certains BOUCLIERS étaient assez larges pour
servir de canots. A Lacédémone, la perte de
son
BOUCLIERBOUCLIER dans une bataille rendait un sol-
dat infâme pour toujours. Une Spartiate, re-
mettant un BOUCLIER à son fils qui partait pour
l'armée, lui dit ces mots héroïques : Reviens
avec ou dessus. Dans la lutte, on voit le coude
se présenter comme un BOUCLIER devant le vi-
sage. (Boss.) Au dire de Pausanias, IP premier
BOUCLIERBOUCLIER aurait été inventé à Argos. (Du Ches-,
nel.) Chez les anciens, les guerriers se plai-
saient à orner leurs BOUCLIERS de figures sym-
boliques (Bouill.) Presque tous les hommes
libres de l Italie possédaient un BOUCLIER, une
èpée, des javelots. (Mérimée.) Les trilobites
présentent en général la forme d'un BOUCLIER
ovale. (L. Figuier.)
Sur un bouclier noir sept chefs impitoyables
Epouvantent les dieux de serments effroyables.
BOILEAU.
Les dards croisés, les larges boucliers
Sont des héros la couche funéraire.
MlLLEVOYE.
Le fier Latham, dans cet espoir trompeur,
Attaque Eogist, et sa lance acérée
Du bouclier échancre la rondeur.
PARNT.
— Fig. Protection, sauvegarde, défense :
Quiconque rejette le BOUCLIER de la religion
se trouve sans défense au moment du combat.
(Mass.) Il y a certaines armes contre lesquelles
il n'y a pas de BOUCLIERS. (Volt.) Faites-vous
un
BOUCLIERBOUCLIER de votre mérite, et les traits que
vous lance l'ennemi tomberont à vos pieds. (Cha-
teaub.) La calomnie sert au méchant de BOUCLIER
contre la médisance. (Boiste.) Il se couvre du
BOUCLIERBOUCLIER de la chicane et il bataille sur ce
terrain. (Cormen.) Il fit approcher de la reine
ses enfants, pour que leur présence et leur
grâce, en attendrissant la foute, servissent de
BOUCLIERBOUCLIER à leur mère. (Lamart.) Une considé-
ration bien acquise est un BOUCLIER sur lequel
BOUO
BOUC
BOUC
BOUC 1059
t'émoussent tous les traits de l'envie et de la
fureur. (Alibert.)
D'Aumale est du parti le bouclier terrible ;
II a jusqu'aujourd'hui le titre d'invincible.
VOLTAIRE.
Si ses armes sont la satire.
Mon bouclier, c'est le mépris.
DESMAHIS.
Couvert du bouclier de ta philosophie,
Le temps n'emporte rien de ta félicite'.
LAMARTINE.
Si les démons nous menacent,
Les anges sont nos boucliers.
V. Huao.
— Levée de boucliers, Manifestation mena-
çante qui consistait à élever le bouclier en
Pair, et par laquelle les soldats romains t é -
moignaient leur mécontentement contre leur
général, et leur résolution de lui désobéir, il
Par ext. Révolte ; attaque à main armée : Il
y eut cette même année une nouvelle LEVÉE DE
BOUCLIERS
BOUCLIERS en Pologne. Quand on veut faire
une LEVÉE DE BOUCLIERS, il faut réussir.
(Grinim.) Peu de temps après le 18 brumaire,
vous savez qu'il y eut une LEVÉE DE BOUCLIERS
en Bretagne et dans la Vendée. (Balz.)
— Faire un bouclier de son corps à quel-
qu'un, Se jeter devant lui pour le préserver
des coups qu'on lui porte, le défendre au péril
de sa vie : A Arcole, l'aide de camp Muiron
FIT à Bonaparte UN BOUCLIER DE SON CORPS.
—Archit. Bouclier sculpté, particulièrement
usité dans les trophées et pour l'ornement
des frises. Il Bouclier naval, Ovale couché entre
deux enroulements.
— Techn. Appareil mobile de bois ou de
fer, qui sert à soutenir les terrains ébouleux
dans le percement des tunnels et, en général,
de tous les ouvrages souterrains : Pour vaincre
ces difficultés, M. Brunel employa un BOUCLIER
composé de douze châssis en fonte, simplement
posés les uns à côté des autres. (Burat.)
— Antiq. rom. Sorte de large soupape cir-
culaire ménagée dans les étuves, pour en
faire sortir à volonté l'excédant de vapeur.
— Astron. Bouclier d'Orion, ou Bouclier,
Nom donné à trois étoiles de deuxième gran-
deur de la constellation d'Orion, et qui sont
plus connues sous le nom vulgaire des Trois
Rois.
— Ichthyo). Nom vulgaire de plusieurs es-
pèces de poissons, appartenant au genre cen-
trisque, cycloptère, spare et lépadogastre.
— Crust. Plaque dure qui couvre la tête,
le thorax et le pré-abdomen, chez les b i -
nocles.
— Entom. Pièce du corselet des insectes,
qui en constitue la partie supérieure et se
joint en dessous au sternum, n Partie anté-
rieure des trilobites. Il Genre d'insectes co-
léoptères pentamères, de la famille des clavi-
cornes, dont les élytres ont la figure d'un
bouclier, et qui comprennent une quarantaine
d'espèces, dont les deux tiers habitent l'Eu-
rope. Ils vivent, en général, ainsi que leurs
larves, de cadavres en putréfaction ou d'ex-
créments. Quelques espèces seulement se
nourrissent de proie vivante.
— Moll. Epaississe ment que l'on trouve sur
le dos des limaces, et qui est considéré comme
un rudiment de manteau, il Nom vulgaire de
la patelle tortue.
— Echin. Genre d'écbinodermes, voisin des
oursins.
— Infus. Têt solide, rond ou ovale, placé
sur le dos de certains infusoires.
— Eplthètes. Lourd, pesant, solide, épais,
fort, impénétrable, vaste, immense, énorme,
gigantesque, large, long, rond, ovale, léger,
poli, luisant, brillant, éclatant, étincelant,
échancré, entamé, percé, rompu, brisé. —
Puissant, redouté, redoutable, terrible, intré-
pide, invincible.
— Encycl. Le bouclier était une arme dé-
fensive, propre à couvrir le corps et à le ga-
rantir des nèches, des traits et des coups de
l'ennemi. Sa forme varia chez les différents
peuples qui en firent usage, et on en attribue
l'origine aux Egyptiens. Il est certain que les
S
euples hébreux s'en servaient déjà au temps
e Moïse. A l'attaque de la ville d'Haï, Moïse
donna le signal à ses troupes au moyen de son
bouclier. Les gardes du roi Salomon avaient
des boucliers d'or pur; ses successeurs, plus
modestes, remplacèrent l'or par l'airain. Celui
des Egyptiens était un vrai parapet portatif;
il avait la hauteur d'un homme, qu'il pouvait
couvrir entièrement. Ceux des Assyriens et
des Perses, fabriqués en osier, étaient garnis
de peaux d'animaux, et ceux des Ethiopiens,
de peaux de grues. Les Thraces s'armaient de
boucliers beaucoup plus petits, ordinairement
en cuir de bœuf. Les boucliers des Grecs
étaient très-variés de formes et de dimensions ;
il y avait : 1° le scutum (écu); ce bouclier
était long et quelquefois si grand qu'il cou-
vrait un homme presque en entier; tels étaient
les boucliers des Egyptiens et des Lacédéinô-
niens ; il était fait de oois tels que le saule, le
tilleul, le bouleau et autres arbres aquatiques ;
20 le clypeus, que l'on confond parfois à tort
avec le scutum, bien qu'il y ait cette différence
entre eux que le scutum était long et carré, et
que le clypeus, rond et plus court, était d'ai-
rain; 3° le parma, bouclier rond, plus léger
que le clypeus, et ayant, selon Polybe, 3 pieds
de diamètre ; 4<> le parmula, qui servait aux
soldats armés à la légère et a la cavalerie;
5° le pelta, bouclier léger en forme de demi-
lune.
Les bouchers des Romains ressemblaient à
ceux des Grecs. Sous le règne de Numa, un
bouclier appelé ancite tombe du ciel : les aru-
spices affirment qu'à la possession de ce pré-
sent divin est attaché l'empire du monde (De-
nys d'Halicarnasse). "Vite Numa complète la
douzaine, en en faisant fabriquer onze autres
ressemblant au premier à s'y méprendre, quoi-
qu'il vînt du ciel ; il les dépose dans le temple
de Mars au Capitule, et commet à leur garde
douze prêtres appelés saliens.
En Grèce, comme à Rome, le bouclier fut
d'abord assez haut pour que le soldat pût se
trouver couvert lorsqu'il se baissait; u était
garni à l'intérieur de deux anses ; le soldat
passait le bras dans la plus grande et saisissait
l'autre comme une poignée, dont il se servait
p*our donner au bouclier tous les mouvements
nécessaires au soin de sa défense. Cependant,
lors de la guerre de Troie, on ne le portait pas
encore fixé au bras, il était tout simplement
attaché au cou par une courroie et pendait
sur la poitrine, lorsqu'on était au combat ; dans
le dos, lorsquon était en marche. Ce furent
les Cariens qui enseignèrent aux Grecs à le
porter passé au bras au moyen de courroies
qui se serraient à volonté. Les boucliers étaient
ornés de trépieds, de serpents, de scorpions,
de sujets mythologiques, et entourés de bor-
dures élégantes. Une chose singulière, qu'on
remarque sur des vases antiques, c'est qu'au
bouclier pendait parfois, probablement pour
amortir le coup qu'on aurait pu recevoir aux
jambes, une pièce de drap assez longue ; cette
précaution paraît au moins inutile, lorsqu'on
songe que les boucliers qui servaient à l'infan-
terie et aux combattants placés sur des cha-
riots étaient assez grands pour parer tous
les coups, puisqu'ils avaient environ 3 m. de
diamètre.
On vit en Grèce des boucliers ayant la forme
d'une feuille de lierre, d't?,utres affectaient
celle d'une lyre. Les Lacédémoniens portaient
des boucliers de cuivre sur lesquels étaitgravée
la lettre initiale du pays dont ils étaient ori-
f
inaires. L'infanterie pesante des oplites avait
e très-grands boucliers, soit ronds, soit
oblongs (aspis). Formés en ligne, les soldats
grecs présentaient à l'ennemi une espèce de
muraille crénelée, formée de boucliers séparés
entre eux par l'espace strictement nécessaire
pour que les guerriers pussent frapper ceux
qu'ils attaquaient. On formait la tortue quand
on marchait sur un retranchement. C'était une
manœuvre qui consistait à croiser les boucliers
les uns sur les autres au-dessus des têtes, et à
former ainsi une espèce de toit mobile, s'avan-
çant avec ceux qu'il protégeait. Les soldats
romains exécutaient, comme les Grecs, cette
manœuvre de la tortue (testudo). Pour ap-
plaudir et manifester leur contentement, ils
frappaient leurs boucliers avec leurs genoux ou
avec leurs armes. Sous Iphicrate, les boucliers
devinrent plus petits, plus faciles à manier;
les plus petits de tous étaient ceux des Achéens
(aspidion). Les Macédoniens en avaient de
ronds, en cuivre, légèrement convexes et ayant
deux pieds environ de diamètre.
Les héros grecs avaient chacun un bouclier
qui se distinguait par des signes particuliers.
Ces boucliers sont devenus célèbres. Hésiode
parle du bouclier d'Hercule. Homère (Iliade,
chant XVIII) a immortalisé celui d'Achille,
forgé par Vulcain lui-même, et formé de
lames d'airain, d'étain, d'argent et d'or. Le
bouclier d'Ulysse portait un dauphin; celui
d'Agamemnon était orné d'une Gorgone aux
yeux flamboyants ; celui d'Hector représentait
un lion. Le bouclier d'Ajax était fait de sept
peaux de bœuf, et celui de Nestor fabriqué en
or pur. Virgile décrit longuement (Enéide,
1. VIII, 608-731) l'arme défensive de son h é -
ros, du pieux Enée :
Clypei non enarrabile textum.
Nous donnerons plus loin quelques détails sur
ces boucliers célèbres.
Les Grecs professaient une grande vénéra-
tion-pour leurs armes en général et pour leurs
boucliers en particulier; c'était un grand dés-
honneur pour un Grec que de perdre son bou-
clier au combat ; aussi les mères des Spar-
tiates recommandaient-elles à leurs entants
de revenir avec ou sur leur bouclier (cum hoc,
aut in hoc).
Les anciens peuples de l'Europe firent éga-
lement usage du bouclier : les Germains en
avaient de très-grands, en claies d'osier, ou
en planches minces de diverses couleurs. Les
modulations qu'ils tiraient de ces armes, en les
frappant plus ou moins fort en cadence, étaient
leur seule musique guerrière. Chez eux, aban-
donner son bouclier était le plus grand crime :
scutum reliquisse, prœcipuum flagitium (Ta-
cite, De moribus Germanorum). Les boucliers
des Gaulois, aussi en osier, étaient plus petits
que ceux des Germains.
Les Francs portaient des parmes (parma),
suspendus au coté gauche, ils étaient ovales ;
des pavois, grands boucliers rectangulaires,
couverts de cuir et de lames de fer, et arrondis
vers leurs grands côtés en forme de cylindre.
Le bouclier des rois francs, qu'ils portaient
toujours, en rendant la justice suivant la loi
sahque, et dans toutes les cérémonies pu-
bliques, était presque toujours orné du fer de
Tandon, javelot à trois lames, très en honneur
chez ce peuple. Les rois francs étaient, à leur
avènement, promenés trois fois, debout sur le
pavois, autour du camp où étaient réunis les
guerriers. Les plus grands pavois étaient les
panniers ou pannes. Les archers, qui avaient
besoin de leurs deux mains pour combattre,
étaient, à cause de cela, accompagnés de pa-
vesches ou pavesiens, soldats chargés de porter
leurs boucliers. On se servait encore chez les
Francs de cabas et de mantelets, énormes bou-
cliers couvrant plusieurs hommes, et que leur
ftoids obligea plus tard à monter sur des rou-
ettes. Au temps de la chevalerie, la cava-
lerie et l'infanterie font un grand usage des
boucliers: cetre, pelte ou targe, armes en bois,
en corne, en cuir dur, rondes, ovales, carréeSj
en losange, échancrées parfois,, parfois aussi
irrégulièrement contournées ; rondelle ou ron-
dache, bouclier ayant la forme d'une calotte
sphérique, soit en fer poli, soit en airain, soit
en acier, paré de bordures de velours et de fran-
ges. La rondelle ou rondache était générale-
ment divisée en trois parties : au pourtour,-la
frise; au milieu, Yomoilic, et entre la frise et
l'ombilic, le champ. Cette dernière partie était
la plus ornée. L'ombilic était parfois surmonté
d'une pointe en acier ; la rondelle prenait alors
le nom de thaulache. Il y avait aussi la ron-
delle à poing, beaucoup plus légère et beau-
coup plus maniable. Tous les boucliers se por-
taient au moyen d'une poignée en bois ou en
fer, à laquelle était quelquefois fixé un gantelet
pour la main gauche. Certains boucliers étaient
munis à l'intérieur d'une épée dans son four-
reau, ou d'une lanterne de nuit, dont la lu-
mière s'échappait par un trou correspondant
percé dans le bouclier. Quand les seigneurs se
revêtirent d'armures complètes, se bardèrent
de fer, le bouclier eut des dimensions moindres :
il devint Vécu (scutum) porté par un homme
d'armes, l'écuyer. Chaque chevalier, combat-
tant en champ clos, se faisait reconnaître
par des signes distinctifs, gravés sur son écu,
signes, marques qui se perpétuèrent dans les
familles et devinrent plus tard leurs armes,
leur écusson. Cette mode était loin d'être nou-
velle; chez les Grecs et chez les Perses, l'u-
sage était d'inscrire sur le bouclier le nom du
fuerrier et sa patrie. Dion rapporte que le nom
e Cléopâtre ornait le bouclier de ses soldats.
Les soldats de saint Louis, pendant le combat,
portaient l'écu suspendu au cou par une cour-
roie qu'on nommait guigue, et, au repos, ils le
mettaient à la ceinture ; en mer, on le plaçait
sur le bord des navires pour former avec la
partie supérieure une sorte de fortification.
Il était souvent convexe à l'intérieur et garni
à l'extérieur d'une pointe ou umbo, qui pouvait
au besoin servir de défense et que nous re-
trouvons au chanfrein et au poitrail des che-
vaux. Vers la fin du xin
e
siècle, le petit écu
avait succédé à l'écu long; son usage subsista
jusque vers la fin du xve, avec quelques mo-
difications toutefois, entre autres celle qui
consistait à pratiquer une échancrure à la
partie supérieure pour laisser passer la lance.
A partir du x vi
e
siècle, l'ancienne targe franque
reparaît, puis le pavois que l'on trouve exclu-
sivement réservé aux archers. Quant aux
chevaliers, on les voit porter l'écu rond, ou
légèrement ovale, qu'on désigne sous les noms
de roelle, rouelle et de rondache. «Il y avait,
dit l'auteur des Armures depuis Homère jus-
qu'à nos jours, la rondelle à poing, qui était
tellement petite, qu'elle ne servait que pour
garantir la main des coups de dague ou de ra-
pière. On l'employait surtout dans les combats
singuliers. »
Au moyen âge, l'infanterie, qui était com-
posée de gens pauvres et de basse condition,
porta presque toujours des boucliers en bois,
sans ornement et de petite dimension. Certains
corps seulement, les pavescheurs par exemple,
firent usage du grand bouclier, soit pour ap-
procher des places, soit pour les miner à cou-
vert. Il y eut encore un accessoire fort étrange
dans l'emploi du bouclier, dont l'usage fut sans
doute suggéré par l'emploi dans la cavalerie
du bouclier vissé à l'épaule; nous voulons
parler des ailettes, qui consistaient en deux
plaques carrées de métal, que l'on portait
fixées sur les deux épaules et dont les exem-
ples sont assez rares. Cet ornement dura peu ;
nous ne le rencontrons guère en France que
pendant une soixantaine d'années.
Presque toutes les nations de l'Europe ont
eu leurs boucliers : les Italiens, le scudo, le
clypeo, la targa et la rotella; les Espagnols,
le broquel, Yadarga, la tarja, l'escudo, la ro-
della;les Allemands, le schild ou rundschild;
les Anglais, le buckler ou shield.
Les peuplés de l'Inde s'arment de bou-
cliers en roseaux nattés et en cuir bouilli;
les Mahrattes fabriquent des boucliers en peau
de rhinocéros. Les Chinois ont un bouclier
découpé en queue d'hirondelle. Toutes les
peuplades nègres d'Afrique se battent avec
un bouclier rond, d'un cuir solide et épais. On
a retrouvé chez les Mexicains des boucliers
de bois ou faits avec des écailles de tortue,
enrichis d'ornements d'or ou de cuir. Les sau-
vages de la Nouvelle-Zélande se servaient de
boucliers en écorce d'arbre.
Le bouclier a été abandonné en Europe,
lors de l'invention des armes à feu. Cependant
ou -voit Sully aller reconnaître le château de
Montmélian (1600) avec une grande rondache
qui le protégeait contre les feux de l'ennemi. A
la bataille de Preston-Pans,en 1745,les mon-
tagnards du prince Edouard jettent loin d'eux
leur fusil, se couvrent avec leurs petits bou-
cliers, et se précipitent sur les Anglais, qu'ils
enfoncent le sabre à la main. Les Génétains
d'Espagne sont les dernières troupes qui
aient porté l'écu. Le milieu du xvue siècle
vit disparaître définitivement l'armure et le
bouclier de métal, devenus tout à fait mutiles
comme défense contre les projectiles modernes.
On appelait boucliers votifs, chez les an-
ciens, ceux que l'on consacrait aux dieux
après quelque victoire, et les murs des temples
-en étaient chargés; ce fut ainsi qu'après la
défaite de Philippe de Macédoine, son vain-
queur fit déposer dans le Capitole dix boucliers
d'argent et un d'or massif.
Il v eut aussi dans les temps antiques les
boucliers symboliques, dont parle Escnyle : le
bouclier de Tydeus est un carillon d'airain ;
des grelots sonnent l'épouvante. Il y a, sur
ce bouclier, pour outrecuidante devise , un
ciel ciselé, tout constellé des feux du soir, et
au centre, resplendissante, la lune en son plein,
la reine des astres, l'œil de la nuit. Le bou-
clier de Capaneus portait aussi une « outre-
cuidante» devise : c'était un homme nu, un py-
rophore avec une torche enflammée dans la
main, qui criait ces' mots en lettres d'or :
• J'incendierai la ville. » Le bouclier de Néitide
porte une devise qui n'a rien de vulgaire : un
oplite, aux degrés d'une échelle, monte con-
tre le rempart ennemi; il crie, lui aussi, ces
mots gravés : « En personne, Ares ne me cul-
buterait pas des murailles. » Quant à Hippo-
médon, il a « un bouclier d'envergure à me don-
ner le frisson, il faut bien l'avouer. Il n'est
point d'un ciseleur ordinaire, ce bouclier, un
vrai chef-d'œuvre. Typhon y marche, le feu à
la bouche et la noire fumée, sœur chatoyante
du feu. Des entrelacements de serpents cou-
rent en relief tout autour du métal massif, font
bordure au ventre, à la partie creuse de l'ar-
mure. Hyperbios a sur le sien Zeus, le père,
debout, le trait flamboyant eh main ; et Par-
thénopée l'Arcadien portait le fléau de Thè-
bes, le sphinx, sur son bouclier d'airain, vaste
sphère à couvrir.son corps. »
Parmi les boucliers qu'on peut appeler his-
toriques, en raison de leur célébrité, il faut
mettre en première ligne le bouclier d'Achille,
décrit avec tant de complaisance par le vieil
Homère. « Sur le milieu, dit-il. Vulcain figura
la terre, le ciel, la mer, le soleil infatigable,
la lune en son plein, et tous les astres dont
les cieux sont couronnés : les Pléiades, les
Hyades, le géant Orion, l'Ourse qu'on nomme
aussi le Chariot et qui tourne toujours aux
mêmes lieux, en regardant Orion, la seule
des constellations qui ne se baigne pas dans
l'Océan. »
Puis le reste de la surface, ainsi que la
bordure du bouclier fameux, est couvert
par la représentation des sujets les plus di-
vers, empruntés à la guerre, à l'agriculture.
C'est tout un poème que la description de ce
bouclier, chef-d'œuvre de la ciselure, colorié
par l'émail en fusion, et qui semble avoir été
fabriqué pour fournir au chantre.de l'Iliade ses
pages les plus splendides.
Le bouclier d'Hercule fait en quelque sorte
le pendant de celui du fils de Thétis; ce fut
aussi Vulcain qui le forgea, et la vie du héros
est toute retracée sur ce bouclier superbe, au
centre duquel étincelle un dragon monstrueux
dont les yeux jettent des flammes, dont la
gueule s'entr'ouvre béante pour laisser voir une
redoutable rangée de dents éblouissantes et
menaçantes. Douze serpents s'enlacent sur le
métal ciselé ; les flots bleus de l'Océan lui ser-
vent de ceinture, et les Lapithes et les Cen-
taures s'y livrent un combat acharné, tandis
qu'à leurs côtés de jeunes époux, le front cou-
ronné des fleurs de l'hvménée, se regardent
amoureusement, et qu'ailleurs le sombre ta-
bleau des Parques inspire la terreur et l'effroi.
Le bouclier d'Enée termine cette trilogie
fameuse. Quelle diversité de scènes, que de
sujets curieux représentés sur le métal bril-
lant!
Illic res Italas Romanorumque triumphos,
Eaud vatumignarus venturigue inscius œvi
y
Fecerat Ignipotens; illic genus omne futures
Stirpis ab Ascanio, pugnataque in ordine bella.
Fecerat et viridi fetam Mavortis in antro
Procubuisse lupam ;
(Enéide, 1. VIII, v. 626 et suiv.)
Le Nil et TEuphrate y roulent leurs ondes
argentées, les Gaulois et les Saliens, Porsenna
et Manlius, Caton et Catilina, la louve de Mars
et la postérité d'Ascagne, tels sont les princi-
paux tableaux que le vers harmonieux de-
Virgile s'est plu a retracer à la louange d'Au-
guste.
A ces trois boucliers, que nous connaissons
par les magnifiques descriptions de trois poètes
illustres, nous pouvons joindre le bouclier de
Scipion, qui, péché dans le Rhône en 1656,
orne aujourd'hui le cabinet des antiques de la
Bibliothèque impériale. Les savants à qui fut
soumise cette curieuse trouvaille crurent y
reconnaître un bouclier votif, qui aurait été
fabriqué à Rome l'an 210 av. J.-C. et que Sci-
pion aurait perdu dans le Rhône lorsqu'il r e -
venait d'Espagne en Italie. Scipion y serait
représenté au moment où il rend à Allucius sa
fiancée, dont il avait respecté l'honneur, et le
prince celtibérien lui en aurait fait hommago
par reconnaissance. Mais d'autres savants dou-
tent que ce disque d'argent, pesant 42 marcs,
soit un bouclier; ils pensent que c'était un
simple plateau, où un artiste du n« siècle do
notre ère avait ciselé l'histoire de Briséis,
rendue à Achille par Agamemnon.
Bouclier d'Hercule (LE), petit poëme at-
tribué à Hésiode. C'est le récit du combat
d'Hercule contre Cycnus, précédé d'un préam-
bule sur la naissance du héros, et coupé par
1060 BOUD • BOUD BOUD BOUD
une description poétique de son bouclier, qui
semble une imitation de celle du bouclier d'A-
chille au XVIIIe chant de Y Iliade. Les anciens
mêmes ont élevé des doutes sur l'authenticité
de ce troisième morceau. Il est certain, vu son
ampleur, qu'il n'a pas été fait pour le récit où
il est intercalé. La description du bouclier
d'Hercule ne peut provenir que de quelque
grande épopée'qui ne nous est point parvenue,
ou d'un plus grand ensemble poétique. Quoi
qu'il en soit, le Bouclier d'ffercule n'est pas
un centon, une pièce sans originalité et sans
valeur. Il y a du mouvement, de l'énergie; le
style n'est dénué ni de souplesse ni d'éclat.
« Ce lambeau d'épopée, dit M. Bîgnan, tra-
ducteur, est rempli sans doute de brillantes
images, de traits vigoureux, de nobles pen-
sées; mais plusieurs vers sont textuellement
empruntés de XIliade, et l'on reconnaît dans
la couleur générale du style un caractère évi-
dent d'imitation. La poésie en est souvent
abondante et large, comme dans Homère ; elle
n'est plus serrée et pleine/comme dans Hé-
siode. » La traduction de M. Bignan fait par-
tie de la grande collection du Panthéon lit-
téraire. '
BOUCONBOUCON à quelqu'un. Prendre, avaler le BOO-
CON. D'Effiat se détourne, va à l'armoire,
l'ouvre, jette son BOUCON; puis, en entendant
quelquun, s'arme de l'autre pot d'eau com-
mune. (St-Sim.) Il "Vieux et familier,
BOUCLUSBOUCLUS s. m. (bou-kluss — rad. boucler).
'Ouvrage qui est destiné à couper les commu-
nications de l'ennemi, il Vieux mot.
— Bot. Conceptacle à surface large et apla-
tie, qui se développe au bord du thalle de
certains lichens, il Nom vulgaire de l'agaric
à pied court.
BOUCON
BOUCON s. m. (bou-kon — de l'Haï, boc-
cône
y
bouchée, formé de bocca, bouche).
Mets ou breuvage empoisonné : Donner le
BOUCQUEAU
BOUCQUEAU (Jean-Baptiste), juriscon-
sulte belge, né à. Wavre dans le Brabant,
mort en 1802, était avocat à Bruxelles. Il s'est
surtout fait connaître par un livre des plus
bizarres, qu'il dédia à Bonaparte et à Pie V11,
et qui a pour titre : Essai sur l'application du
chapitre vu du prophète Daniel à la Révolu-
tion française, un motif nouveau de crédibilité,
fourni par la Révolution française sur la divi-
nité de l'Ecriture sainte (Bruxelles, 1802, in-8°).
BOUCQUE
BOUCQUE s. f. (bou-ke— lat. bucca, mémo
sens). Ancienne forme du mot BOUCHE.
BOUCQUEMON
BOUCQUEMON s. m. (bou-ke-mon). Race
de bœufs qui tire son nom d'un bourg voisin
de Saverne (Bas-Rhin) : Les caractères du
BOUCQUEMONBOUCQUEMON sont : robe rouge vif, tête blanche,
cornes dirigées en bas, peau peu épaisse, poil
fin. La race du BOUCQUEMON est remarquable
par. ses qualités laitières et sa disposition à
l'engraissement.
BOUCQUETBOUCQUET (Victor), peintre flamand, né à
Furnes en 1619, mort en 1677. Plusieurs de
ses compositions se trouvent à Loo ; mais celle
qui passe pour la meilleure est le Jugement de
Cambyse, tnbleau qui décore la salle d'au-
dience de l'hôtel de ville de Nieuport.
B O U C Q U E T I N E s. f. (bou-ke-ti-ne). Bot.
•iyn. de BOUCAGE.
BOUCRAIE
BOUCRAIE s. f. (bou-krè). Ornith. Nom
vulgaire de l'engoulevent. Il On dit aussi
BOUCHERAIE.
BOUDABOUDA s. m. (bou-da). Nom des sorciers
chez les Abyssins.
BOUDANT
BOUDANT (bou-dan) part. prés, du v. Bou-
der : Surtout sacrifiez aux Grâces, et ne
croyez pas vous rendre plus aimable en BOU-
DANT. (J.-J. Rouss.) Elle se retira en BOUDANT,
et éteignit sa lampe avec colère. (Lamart.)
BOUDANT,
BOUDANT, ANTE adj. (bou-dan — rad.
bouder). Qui boude : Enfant BOUDANT. Femme
BOUDANTE. Après cinquante ans, il n'y a plus
de cour, et les femmes les plus accréditées dans
la bourgeoisie régnante, ou dans l'aristocratie
BOUDANTE,BOUDANTE, ne parviendraient pas à faire donner
un débit de tabac dans le moindre bourg.
(H. Beyle.)
BOUDDHA. C'est le nom sacré du fondateur
du bouddhisme, de même que le mot Christ
est celui de Jésus. Bouddha signilie littérale-
ment, en sanscrit, le savant, l'éclairé, celui
qui est arrivé à la possession de la bodhi, ou
science parfaite; ce n'est pas un nom propre ;
s* c'est un titre ascétique; aussi doit-il être pré-
cédé de- l'article : il faut dire le Bouddha, et
non Bouddha. Ce titre, du reste, ne s'applique
pas à un seul personnage; il désigne un cer-
tain nombre d'êtres privilégiés quil'ont obtenu
ou qui doivent l'obtenir par une longue suite
de bonnes œuvres accomplies sous la forme
humaine. Il faut donc distinguer des Bouddhas
qui appartiennent à la seule croyance, et qu'a
imaginés le bouddhisme, le Bouddha qui ap-
partient à l'histoire et qui a fondé le boud-
dhisme. Ce dernier s'appelait de son nom per-
sonnel Siddhartha, de son nom de-famille Çakia
et Gaoutama, parce qu'il était de la famille des
Çakyas et de la race des Gotamides. Lorsque
le désir d'atteindre la perfection morale l'eut
déterminé à se retirer dans la solitude, il reçut
le surnom de mount, qui signifie le solitairej
comme le jiovoç grec, et celui de çramana, qui
signifie Xascète : de là les noms de- Ço/cua-
mouni (le solitaire de la famille des Çakyas) et
de Çramana-Gaoutama (l'ascète de la race des
Gotamides), par lesquels il est ordinairement
désUçué.
A quelle époque parut le Bouddha Çakya-
mouni? Les traditions ne sont pas d'accord
sur ce point; celle des Chinois ou des boud-
dhistes du nord placent sa vie au xie siècle
avant notre è r e ; celle des Singhalais ou des
bouddhistes du sud, seulement vers le vie ou
le vue siècle. De ces deux opinions, la vé-
ritable, selon Eugène Burnouf, est celle des
Singhalais. «Je démontrerai,dit l'éminent au-
teur de XIntroduction à l'histoire du bouddhisme
indien, les incohérences de ce système étranger
à l'Inde, qui donne au fondateur du bouddhisme
quatre siècles d'antiquité de plus que ne lui en
reconnaissent les Singhalais, dont les annales
indiennes, conservées avec un soin et une ré-
gularité remarquables depuis le ivc siècle en-
viron avant notre ère, nous offrent les seuls
renseignements originaux et authentiques que
nous possédions jusqu'ici sur l'origine et l'his-
toire du bouddhisme. » Sur la patrie du Boud-
dha, l'accord des traditions est complet ; toutes
le font naître en une ville de l'Inde centrale,
dans la caste des Kshattriyas ou guerriers ;
toutes le présentent comme un fils de roi, qui,
à vingt-neuf ans, quitta furtivement le palais
de son père, pour embrasser la vie d'ascète,
pour élaborer, puis prêcher la doctrine boud-
dhique.
— Histoire du Bouddha. Deux soutras boud
dhiques, le Latita vistara et le Lotus de la
bonne loi, traduits en français, le premier par
M. Eoucaux, lu second par Eugène Burnouf,
contiennent l'histoire du Bouddha, mais cou-
verte d'une couche épaisse de légendes. M. Bar-
thélémy Saint-Hilaire, en son intéressant ou-
vrage le Bouddha et sa religion, a dégagé des
détails fabuleux où les événements réels sont
noyés un récit sinon rigoureusement histo-
rique, au moins vraisemblable. Nous en don-
nerons ici la substance.
Ce fut vers la fin du vnie siècle avant notre
ère que naquit le Bbuddha, dans la ville de
Kapilavastou (ville de Kapila), capitale d'un
royaume de ce nom dans l'Inde centrale, au
F
ied des montagnes du Népaul, et au nord de
Oude actuel. Son père Çouddhodana, de la
famille des Çakyas, et issu de la race des Go-
tamides, était roi de la contrée. Sa mère, Maya-
dévi, était fille du roi Souprabouddha, et sa
beauté était tellement extraordinaire qu'on lui
avait donné ce surnom de Maya ou Xillusion,
parce que son corps, ainsi que le dit le Lalita
vistara, semblait être le produit d'une illusion
ravissante. Les vertus et les talents de Maya
Dévi surpassaient encore sa beauté, et elle
réunissait les qualités les plus rares et les plus
hautes de l'intelligence et de la piété. Çoud-
dhodana était digne d'une telle compagne, et,
« roi de la Loi, il commandait selon la Loi.
Dans le pays des Çakyas, pas un prince n'était
honoré et respecté autant que lui de toutes les
classes de ses sujets, depuis ses conseillers et
les gens de sa cour jusqu'aux chefs de maison
et aux marchands. » Maya Dévi mourut sept
jours après avoir donné naissance a Siddhartha,
« afin qu'elle n'eût pas ensuite, dit la légende,
le cœur brisé de voir son fils la quitter pour
aller errer en .religieux et en mendiant. » L'or-
phelin fut confié aux soins de sa tante mater-
nelle Radjapati Gaoutami, qui était aussi une
des femmes de son père, et qui devait être, au
temps de la prédication du Bouddha, une de
ses adhérentes les plus dévouées. Dès son
enfance, il fit pressentir les hautes destinées
qui l'attendaient. Conduit « aux écoles d'écri-
ture, » il s'y montrait plus habile que ses maî-
tres; un deux, Viçvamitra, sous la direction
duquel il était plus spécialement placé, déclara
bientôt qu'il n avait plus rien à lui apprendre.
Au milieu des compagnons de son âge, l'enfant
ne prenait point part à leurs jeux; sotivent il
se retirait a l'écart pour se livrer à la médi-
• tation.
Devenu jeune homme et pressé de se marier
par sa famille, il y consentit, ne mettant à son
union qu'une seule condition : « La femme
qu'on lui offrirait ne serait point une créature
vulgaire et sans retenue; peu lui importait
d'ailleurs quelle serait sa caste ; il la prendrait
parmi les vaioyas et les coudras aussi bien que
parmi les brahmanes et les kshattriyas, pourvu
qu'elle fût douée des qualités qu'il désirait
dans sa compagne. » La liste de ces qualités
était longue; il les trouva réunies dans la
belle Gopa, qui fut déclarée la première de
ses épouses. Aussi indépendante que son mari
des usages et des préjugés de la société brah-
manique, la belle Gopa se montra digne du
jeune prince dont le cœur, sans se laisser
éblouir ni par la famille ni par la race, ne se
plaisait qu'aux qualités vraies et a la moralité, »
en prenant, dès ce moment, malgré sa famille,
l'habitude de ne jamais se voiler. « Assis, de-
bout ou marchant, disait-elle, les gens respec-
tables , quoique découverts, sont toujours
beaux. Le diamant précieux et brillant brille
encore davantage au sommet d'un étendard.
Les femmes qui, maîtrisant leurs passions et
domptant leurs sens, satisfaites de leur mari,
ne pensent jamais à un autre, peuvent paraître
sans voile, comme le soleil et la lune. Le su-
prême et magnanime Rishi, ainsi que la foule
des autres dieux , connaît ma pensée, mes
mœurs, mes qualités, ma retenue et ma modes-
tie. Pourquoi donc me voiierais-je le visage?»
Quelque heureuse que fût cette union, elle
ne pouvait détourner Siddhartha des graves
pensées qui fermentaient en son esprit. Il se
disait souvent avec mélancolie : • Les trois
mondes, le monde des dieux, celui des Asouras
et celui des hommes, sont brûlés par les dou-
leurs de la vieillesse et de la maladie; ils sont
dévorés par le feu de la mort et privés de
guide. La vie d'une créature est pareille à
l'éclair des cieux. Comme le torrent qui des-
cend de la montagne, elle coule avec une irré-
sistible vitesse. Par le fait de l'existence, du
désir et de l'ignorance, les créatures dans le
séjour des hommes et des dieux sont dans la
voie des trois maux. Les ignorants roulent en
ce monde, de même que tourne la roue d'un
potier. Les qualités du désir, toujours accom-
pagnées de crainte et de misère, sont les ra-
cines des douleurs. Elles sont plus redoutables
que le tranchant de l'épée ou la feuille de
1 arbre vénéneux. Comme une image réfléchie,
comme un écho, comme un éblouissement ou
le vertige de la danse, comme un son> e, comme
un discours vain et futile, comm^ i& magie et
le mirage, elles sont remplies Je faussetés ;
elles sont vides comme l'écume et la bulle
d'eau. La maladie ravit aux êtres leur lustre
et fait décliner les sens, le corps et les forces ;
elle amène la fin des richesses et des biens.
Elle amène le temps de la mort et de la trans-
migration. La créature la plus agréable et la
plus aimée disparaît pour toujours ; elle ne re-
vient plus à nos yeux, pareille à la feuille et
aux fruits tombés de l'arbre dans le courant du
fleuve. Tout composé est périssable; ce qui
est composé n'est jamais stable ; c'est le vase
d'argile, que brise le moindre choc. Tout com-
posé est tour à tour effet et cause. La sub-
stance, sans être durable, n'a pas cependant
d'interruption; nul être n'existe qui ne vienne
d'un autre; et de là, la perpétuité apparente
des substances. Mais le sage ne s'y laisse
point tromper. En y réfléchissant, il s'aperçoit
que tout composé, toute agrégation n'est que
le vide, qui seul est immuable. Les êtres que
nos sens nous révèlent sont vides au dedans ;
ils sont vides au dehors. Aucun d'eux n'a la
fixité qui est la marque véritable de la Loi. u
Puis, touché de compassion pour le monde et
plein de foi en lui-même : « Cette loi, se di-
sait-il, qui doit sauver tous les êtres, je l'ai
comprise; je dois la faire comprendre aux
dieux et aux hommes. Après avoir atteint
l'intelligence suprême (#od/u),je rassemblerai
' les êtres vivants ;je leur montrerai la porte la
plus sûre de l'immortalité. Les retirant de l'o-
céan de la création, je les établirai dans la
terre de la patience: hors des pensées nées du
trouble des sens, je les établirai dans le repos.
En faisant voir la clarté de la Loi aux créa-
tures obscurcies par les ténèbres d'une igno-
rance profonde, je leur donnerai l'œil qui voit
clairementles choses; jeleur donnerai le beau
rayon de la pure sagesse, l'œil de la Loi, sans
tache et sans corruption. »
Ces réflexions poursuivaient Siddhartha
jusque dans ses songes; et une nuit, un des
dieux du Toushita, le séjour de la joie, Hri-
déva, dieu de la modestie, lui apparut et l'en-
couragea par ces douces paroles a accomplir
les desseins qu'il nourrissait : « Pour celui qui
a la pensée d'apparaître dans le monde, dit le
dieu, c'est aujourd'hui le temps et l'heure. Celui
qui n'est pas délivré ne peut délivrer ; l'aveugle
ne peut montrer la route; mais celui qui est
libre peut délivrer; celui qui a ses yeux peut
montrer la route aux autres qui l'ignorent.
Aux êtres quels qu'ils soient, brûlés par le désir,
attachés à leurs maisons, à leurs richesses, à
leurs fils, à leurs femmes, fais désirer, après
les avoir instruits, d'aller dans le monde errer
en religieux. »
Tout ce qu'il voyait lui rappelait sa pensée
et le confirmait dans sa résolution. Un jour
qu'avec une suite nombreuse il sortait par la
porte orientale de la ville, pour se rendre au
jardin de plaisance de Lumbini, il rencontra
sur sa route un homme vieux, cassé, décrépit,
couvert de rides, articulant à peine des sons
rauques et désagréables, <• Quel est cet homme ?
dit avec intention le prince à son cocher. Il
est de petite taille et sans force; ses chairs et
son sang sont desséchés; ses muscles sont
collés à sa peau, sa tête est blanchie, ses
dents sont branlantes, son corps est amaigri;
appuyé sur un bâton, il marene avec peme,
trébuchant à chaque pas. Est-ce la condition
f
iarticulière de sa famille? ou bien est-ce la
oi de toutes les créatures du monde? — Sei-
gneur, répondit le cocher, cet homme est ac-
cablé par la vieillesse, tous ses sens sont af-
faiblis, la souffrance a détruit sa force; et il
est dédaigné par ses proches; il est sans ap-
pui; inhabile aux aifaires, on l'abandonne,
comme le bois mort dans la forêt. Mais ce n'est
pas la condition particulière de sa famille. En
toute créature, la jeunesse est vaincue par la
vieillesse; votre père, votre mère,la foule de
vos parents et de vos alliés finiront par la
vieillesse aussi ; il n'y a pas d'autre issue pour
les créatures. —Ainsi donc, reprit le prince,
la créature ignorante et faible, au jugement
mauvais, est hère de la jeunesse qui l'enivre,
et elle ne voit pas la vieillesse qui l'attend.
; Pour moi, je m'en vais. Cocher, détourne
i promptement mon char. Moi qui suis aussi la
I demeure future de la vieillesse, qu'ai-je à
I faire avec le plaisir et la joie? » Et le jeune
' prince rentra dans la ville sans aller à Lum-
bini.
Une autre fois, il se dirigeait avec une suite
nombreuse, par la porte du midi, au jardin de
E
laisance, quand il aperçut sur le chemin un
omme atteint de maladie, brûlé de la fièvre,
le corps tout amaigri et tout souillé, respirant
avec peine, et paraissant obsédé de la frayeur
du mal et des approches de la mort. Après
s'être adressé à son cocher, et en avoir reçu
la réponse qu'il en attendait : « La santé, dit
le jeune prince, est donc comme le jeu d'un
rêve, et la crainte du mal a donc cette forme
insupportable ! Quel est l'homme sage qui,
après avoir vu ce qu'elle est, pourra désor-
mais avoir l'idée de la joie et du plaisir? » Le
prince détourna son char
;
rentra dans la ville,
sans vouloir aller plus loin.
Une autre fois encore, il se rendait, par la
porte de l'ouest, au jardin do plaisance, quand
sur la route il vit un homme mort, placé dans
une bière et recouvert d'une toile. Les parents
l'entouraient, se lamentant avec de longs gé-
missements. Le prince, prenant encore l e co-
cher k témoin de ce douloureux spectacle,
s'écria : • Ah.1 malheur à la jeunesse, que la
vieillesse doit détruire 1 Ah! malheur à la santé,
que détruisent tant de maladies 1 Ah! malheur
a la vie, où l'homme reste si peu de jours! S'il
n'y avait ni vieillesse, ni maladie, ni mortl Si
la vieillesse, la maladie, la mort étaient pour
toujours enchaînées! n Puis, trahissant pour
la première fois sa pensée, le jeune prince
ajouta : « Retournons en arrière; je songerai
à accomplir la délivrance. »
Une quatrième rencontre vint le décider. II
sortait par la porte du nord pour se rendre au
jardin de plaisance, quand il vit un religieux
mendiant (ohi/eshou), dont la contenance grave
et digne indiquait la sérénité intérieure. « Quel
est cet homme, demanda le prince. — Seigneur,
répondit le cocher, cet homme est un de ceux
qu on nomme bhikshousjil a renoncé à toutes
les joies du désir, et il mène une vie très-
austère ; il s'efforce de se dompter lui-même
et s'est fait religieux. Sans passion, sans en-
vie, il s'en va cherchant des aumônes. " —
« Cela est bon et bien dit, reprit Siddhartha.
L'entrée en religion a toujours été louée par
les sages ; elle sera mon recours et le recours
des autres créatures ; elle deviendra pour nous
un fruit de vie, de bonheur et d'immortalité. •>
Sa résolution de renoncer à son rang pour
remplir ce qu'il croyait sa mission était défini-
tivement arrêtée.
Rempli de respect et de soumission pour
son père, il alla le trouver et lui dit : « Sei-
f
neur, voici que le temps de mon apparition
ans le monde est arrivé; n'y faites point ob-
stacle et n'en soyez point chagrin. Souffrez, à
roi, ainsi que votre famille et votre peuple,
souffrez que je m'éloigne. — Que faut-il, ù
mon fils, lui répondit le roi, les yeux remplis
de larmes; que faut-il pour te faire changer
de dessein? Dis-moi le don que tu désires, je
te le ferai. Moi-même, ce palais, ces servi-
teurs, ce royaume; prends tout.— Seigneur,
répondit Siddhartha d'une voix douce, j^e dé-
sire quatre choses, accordez-les-moi. Si vous
pouvez me les donner, je resterai près de
vous, et vous me verrez toujours dans cette
demeure
?
que je ne quitterai pas. Que la vieil-
lesse, seigneur, ne s'empare jamais de moi;
que je reste toujours en possession de la jeu-
nesse aux belles couleurs; que la maladie,
sans aucun pouvoir sur mon corps, ne m'atta-
que jamais; que ma vie soit sans bornes et
sans déclin. • — Le roi, en écoutant ces paro-
les, fut accablé de douleur. « 0 mon entant,
s'écria-t-il, ce que tu demandes est impossible,
et je n'y puis rien. Les rishis eux-mêmes, au
milieu du Kalpa où ils ont vécu, n'ont jamais
échappé à la crainte de la vieillesse, de la
maladie et de la mort, ni au déclin. — Si je
ne puis éviter la crainte de la vieillesse, de la
maladie et de la mort, ni le déclin, reprit le
jeune homme; si vous ne pouvez, seigneur,
m'accorder les quatre choses principales,
veuillez du moins, ô roi, m'en accorder une
autre, qui n'est pas moins importante ; faites
qu'en disparaissant d'ici-bas je ne sois plus
sujet aux vicissitudes de la transmigration. »
Le roi Çouddhodana, comprenant qu'il était
inutile d'employer la persuasion et la prière
pour combattre le dessein de son fils, mit des
gardes aux portes du palais et de la ville pour
empêcher sa fuite. Mais toutes ces précautions
furent vaines. Siddhartha parvint à tromper
la vigilance des gardiens et put s'échapper la
nuit de Kapilavastou, sans que personne l'eût
aperçu. • Je ne rentrerai pas, dît-il en jetant
un regard sur le palais et la ville qu'il aban-
donnait, je ne rentrerai pas dans la ville de
Kapila, avant d'avoir obtenu la cessation de
la naissance et de la mort; je n'y rentrerai
pas avant d'avoir obtenu la demeure suprêmo
exempte de vieillesse et de mort, ainsi que
l'intelligence pure. » Libre des liens de la nais-
sance , il se dépouilla de tout ce qui lui rap-
pelait sa caste et son rang. Il se coupa les
cheveux et les jeta au vent : un religieux no
pouvait plus porter la chevelure d'un guerrier.
Il échangea ses vêtements de soie de Bénarès
avec un chasseur qui en avait de tout usés en
peau de cerf de couleur jaune. Il fréquenta
quelque temps les écoles des plus sages brah-
manes , celle d'Arata Talama dans la grande
ville de Vaicali, celle de Roudraka à Radja-
gripa, capitale du Maghada. Mais l'enseigne-
ment brahmanique ne put le satisfaire. Il n'y
trouvait point <• la voie qui conduit à l'indiffé-
rence pour les objets du monde, qui conduit
à l'affranchissement de la passion, qui conduit
à, la fin des vicissitudes de l'être, qui conduit à
l'état de çramana, qui conduit au nirvana. »
Il se retira alors en un village nommé Ouroul-
viva, où il passa six années dans la solitude,
se livrant aux austérités les plus rudes, sup-
portant la faim, la soif, le froid, le chaud, la
pluie, ne mangeant qu'un grain de sésame
par jour. Au bout de ce temps, il s'aperçut q*i©
BOUD
BOUD
BOUD
BOUD 1061
les mortifications, au lieu d'éclairer l'esprit,
l'obscurcissaient, et que l'ascétisme brahma-
nique,dont il imitait.les excès, n'était point la
voie qui mène à l'intelligence accomplie ; il
résolut de cesser ces pratiques, reprit une
nourriture abondante, que lui apportait une
jeune fille du village nommée Soudjata, et
recouvra en peu de temps sa force et sa beauté.
Ouroulviva est illustre dans les fastes du
bouddhisme par cette longue retraite de Ça-
kya-mouni. C'est là qu'il acheva, selon toute
apparence, de formuler sa doctrine et de fixer
les règles de la discipline qu'il comptait pro-
poser à ses disciples. D'Ouroulviva, il se ren-
dit dans un endroit non moins célèbre, celui
où il se sentit enfin en possession de la di-
gnité de Bouddha. Cet endroit est appelé Bo-
dhimanda, c'est-à-dire le siège de l'intelli-
gence. La tradition raconte qu'il s'assit là,
sur un tapis de gazon, les. jambes croisées, le
corps droit et tourné à l'Orient, au pied d'un
arbre appelé Bodhidrouma (l'arbre de l'intel-
ligence), et fit vœu de ne pas se lever avant
d avoir obtenu l'intelligence suprême. Il resta
assis tout un jour et toute une nuit sans mou-
vement, et ce fut à la dernière veille, au mo-
ment du lever de l'aurore, que^ s'étant revêtu
de la qualité de Bouddha parfaitement accom-
pli, il atteignit la triple science : il tenait en-
lin le secret des destinées et du salut universel ;
il avait trouvé l'absolu; une religion nouvelle
était fondée. Siddhartha avait alors trente-
six ans. L'arbre sous lequel il s'assit à Bodhi-
manda était un figuier de l'espèce appelée
pippala;et la vénération des fidèles ne tarda
pas à entourer cet arbre d'un culte fervent,
qui dura de longs siècles. Dans l'année 632
de notre ère, c'est-à-dire douze cents ans
après la mort du Bouddha, Hiouen-Thsang,
le pèlerin chinois, vit encore le Bodhidrouma,
ou l'arbre qui passait pour l'être. Le tronc
était d'un blanc jaune;' les feuilles étaient
vertes et luisantes ; d'après ce qu'en dit un
voyageur, elles ne tombaient ni en automne
ni en hiver, mais se détachaient tout d'un
coup , le jour anniversaire du nirvana du
Bouddha, pour renaître plus belles qu'au-
paravant. Tous les ans, les rois, les ministres
et les magistrats se rassemblaient à pareil
jour au-dessous de cet arbre, l'arrosaient avec
du lait, allumaient des lampes, répandaient
des fleurs, et se retiraient après avoir recueilli
les feuilles qui étaient tombées.
Le Bouddha était désormais certain d'avoir
la pleine possession de la vérité. Un moment
il se demanda s'il devait la communiquer aux
hommes, au risque de la voir mal accueillie et
de l'exposer à leurs insultes , et s'il n'était
pas plus prudent de jouir seul de la lumière,
et de fermer la main sur le secret de la déli-
vrance éternelle. Son grand cœur n'hésita
. p a s longtemps. «Tous les êtres, se dît-il,
qu'ils soient infimes, médiocres ou élevés,
qu'Us soient très-bons, moyens ou très-mau-
vais , peuvent être rangés en trois classes :
un tiers est dans le faux et y restera; un tiers
est dans le vrai ; un tiers est dans l'incertitude.
Ainsi un homme, au bord d'un étang, voit des
lotus qui ne sont pas sortis de l'eau, d'autres
qui sont au niveau de l'eau, d'autres enfin
qui sont élevés au-dessus de l'eau. Que j'en-
seigne ou que je n'enseigne pas la loi, cette
partie des êtres qui est certainement dans le
taux ne la connaîtra pas; que j'enseigne ou
que je n'enseigne pas la loi, cette partie des
, êtres qui est certainement dans le vrai là
connaîtra ; mais cette partie des êtres qui est
dans l'incertitude, si j'enseigne la loi, la con-
naîtra; si je n'enseigne pas la loi, elle ne la
connaîtra pas. » Le Bouddha se sentit alors
« pris d'une grande pitié pour cet assemblage
d'êtres plongés dans l'incertitude;» et ce fut
une pensée de compassion qui le décida. Il
allait enfin ouvrir aux êtres depuis longtemps
égarés dans leurs pensées mauvaises la porte
de l'immortalité, en leur révélant les quatre
vérités sublimes.
Quelles étaient ces vérités? Elles se ratta-
chaient à la doctrine alors régnante de la
transmigration des âmes, qui faisait du sort
de chaque existence le résultat des faits ac-
complis dans une vie précédente. Les voici :
1° La douleur est inséparable de l'exis-
tence ;
2o La naissance en ce monde a pour cause
les passions d'une existence précédente;
3° La suppression des passions est la seule
voie pour échapper aux existences ulté-
rieures, à la loi de la transmigration,, et par
conséquent à la douleur, en un mot pour arri-
ver au* nirvana :
40 H faut écarter les obstacles qui s'oppo-
sent à cette suppression, à cette extinction
des désirs et des passions.
Le quatrième point, comme le remarque avec
raison M. AlbrechtWeber, était le plus impor-
tant, quant à l'application pratique ; c'est par là
que le Bouddha et ses sectateurs parvinrent à
supprimer-xomplétement les lois et les pres-
criptions au> moyen desquelles les brahmanes
enchaînaient tout le monde; c'est pour ac-
complir ce quatrième point qu'il fallait une
enîière liberté de mouvement pour tous. Les
obstacles qui empêchaient d'arriver à la sup-
pression de la passion, tout ce qui rappelle-
rait à rhoTnme sa personnalité, on doit mettre
tout cela de côté, et l'écarter pour les autres
comme pour soi. Nul ne doit faire à autrui
aucun tort qui puisse l'arrêter dans sa marche
vers la perfection, c'est-à-dire vers la sup-
ression de la passion. Bonfé, compassion,
ouceur, charité, amour et tolérance, telles
sont les conditions imposées par le Bouddha
à ses partisans, non-seulement entre eux,
mais h l'égard de tout le monde. Le renonce-
ment aux désirs les plus chers, aux nécessités
les plus urgentes, à la vie elle-même, quand
le prochain en a besoin, sont les meilleures
preuves qu'on a supprimé en soi les passions,
et qu'on est sur la vraie route du perfection-
nement final.
Entre la possession paisible et solitaire de
la vérité absolue, de la Bodhi et les périls de
l'apostolat, Çakya-mouni avait généreuse-
ment choisi les périls de l'apostolat: il était
résolu à tout braver pour propager les bien-
faits de sa doctrine. Par une admirable infi-
délité à cette doctrine, il avait conservé dans
son cœur, et voulait allumer dans tous les
cœurs, un désir, une passion : le désir, la pas-
sion du salut universel. Dès lors on le vit
aller d'un lieu à un autre, prêchant partout
dans la langue populaire, ouvrant à tous, rois
et esclaves, brahmanes et tschandalas, purs
et impurs, compatriotes et étrangers, hommes
et femmes, l'accès des vérités qui devaient
les rendre heureux. Les barrières de caste,
de classe et de nation sont renversées; tous
sont égaux devant le but à atteindre, devant
le Nirvana ; la voie du salut est la même pour
tous. « De même qu'il n'y a pas de différence
entre le corps d'un prince et celui d'un men-
diant, de même il n'y a pas de différence entre
leurs âmes. Chacun est capable de connaître
la vérité et de s'en servir.pour sa délivrance;
il suffit de le vouloir. » « Ma loi, ajoutait-il,
est une loi de grâce pour tous. » Ananda, son
disciple favori, après une marche fatigante,
rencontre une jeune fille qui puisait de l'eau
aune fontaine, et il lui demande à boire. La
jeune fille, craignant de le souiller, l'avertit
qu'elle est née dans la caste Matanga, et qu'il
ne lui est pas permis d'approcher un religieux.
« Ma sœur, répond Ananda, je ne m'enquiers
point de ta caste ni de ta famille ; je te de-
mande seulement de l'eau, si tu peux m'en
donner. Touchée d'une bonté si rare, Prakriti
(c^est lenom de la jeune fille) s'éprend d'amour
pour Ananda, qui se soustrait difficilement à
ses charmes. Elle se résout alors à prier Ça-
kya-mouni lui-même de favoriser ses vœux,
et va l'attendre sous un arbre, près de la
porte de la ville par laquelle il devait sortir
après avoir mendié son repas du jour. Il sort
en effet, et apprend de la jeune fille sa pas-
sion pour Ananda, ainsi que l'intention où elle
est de le suivre. Profitant de cette disposition
pour convertir Prakriti, le Bouddha, par une
série de questions qu'elle peut prendre dans
le sens de son amour, mais qu'il fait sciem-
ment dans un sens tout religieux, finit par
ouvrir ses yeux à la lumière, et par lui inspi-
rer le désir d'embrasser la vie ascétique.
C'est ainsi qu'il lui demande si elle veut sui-
vre Ananda, l'imiter dans sa conduite, porter
les mêmes vêtements que lui, c'est-à-dire le
vêtement des personnes religieuses. La jeune
fille répond affirmativement; Çakya-mouni
exige le consentement formel de ses parents,
qui viennent l'accorder. Alors, distinguant
enfin le véritable objet de son amour, Pra-
kriti reconnaît son erreur, et déclare qu'elle
est décidée à entrer dans la vie religieuse. Le
Bouddha, pour la préparer à recevoir sa loi,
emploie la formule sacrée Dharanj, qui puri-
fie l'homme de tous ses péchés et des souil-
lures qu'il a contractées dans la série des
existences antérieures auxquelles l'avait con-
damné la loi de la transmigration.
Toutes les conversions opérées par Çakya-
mouni étaient faites par ces mêmes moyens
de persuasion et de bonté. En peu de temps elles
se multiplièrent. Bien qu'elle s'attaquât à la
base même du pouvoir brahmanique, la nou-
velle doctrine gagna parmi les brahmanes des
partisans que séduisit sa clarté etsa simplicité,
comparée avec l'étude si longue, si difficile et
si fatigante des védas. Elle attira aussi beau-
coup de princes et de rois, qui saisirent cette
occasion de se délivrer de la tutelie oppres-
sive des brahmanes. Dans certaines parties
de l'Inde, les indigènes, quoique soumis à la
civilisation brahmanique, étaient restés dans
une certaine indépendance, et naturellement
ils ne demandèrent pas mieux que d'échapper
à la hiérarchie religieuse; mais ce fut surtout
dans les classes inférieures que le Bouddha
trouva la masse de ses prosélytes. Tous les mal-
heureux, tousles opprimés se tournèrent vers
lui, comme vers leur libérateur. « La différence
de l'enseignement bouddhique comparé avec
celui des brahmanes, dit Eugène Burnouf, est
tout entière dans la prédication, laquelle avait
pour effet de mettre à la portée de-tous des
vérités qui étaient auparavant le partage des
castes privilégiées. Elle donne au bouddhisme
un caractère de simplicité et, sous le rapport
littéraire, de médiocrité, qui le distingue de la
manière la plus profonde du brahmanisme.
Elle explique comment Çakya-mouni fut en-
traîné à recevoir au nombre de ses auditeurs
des hommes que repoussaient les classes les
plus élevées de la société. Elle rend compte
de ses succès, c'est-à-dire de la facilité avec
laquelle se répandit sa doctrine et se multi-
plièrent ses disciples. Enfin, elle donne le se-
cret des modifications capitales que la pro-
pagation du bouddhisme devait apporter à la
constitution brahmanique, et des persécutions
que la crainte d'un changement ne pouvait
manquer d'attirer sur les bouddhistes, du jour
où ils seraient devenus assez forts pour mettre
en péril un système politique principalement
fondé sur l'existence et la perpétuité des
castes. Ces faits sont si intimement liés entre
eux, qu'il suffit que le premier se soit produit
pour que les autres se soient, avec le temps,
développés d'une manière presque néces-
saire. » Eugène Burnouf prend ici l'effet pour
la cause. Sans doute, qui dit prédication dit
popularisation, vulgarisation, simplification;
une religion que l'on prêche est une religion
que l'on s'efforce de rendre accessible à tous;
mais pourquoi le fondateur du bouddhisme et
ses disciples se sont-ils livrés à la prédication,
et non à un enseignement d'école? Précisé-
ment parce qu'ils s'adressaient à tous les
hommes, sans distinction de classe, et qu'ils
n'entendaient pas faire du salut un privilège.
Ce n'est pas par son mode d'enseignement
que Çakya-mouni fut entraîné à recevoir au
nombre de ses auditeurs des hommes que re-
poussaient les classes les plus élevées de la
société; c'est parce que son prosélytisme ne
faisait aucune acception de personnes qu'il
fut conduit à adopter la prédication pour
mode d'enseignement. Ce n'est pas la prédi-
cation qui explique le caractère universaliste
et égalitaire du prosélytisme bouddhique ;
c'est le caractère universaliste et égalitaire
de ce prosélytisme qui explique la prédica-
tion.
Né d'une compassion qui embrassait tous
les êtres, ce prosélytisme ne devait pas plus
connaître les limites géographiques que les
barrières ethnologiques et politiques. Le
Bouddha fit un devoir à ses partisans d'aller,
• en missionnaires, répandre au loin sa doctrine.
Les légendes offrent plus d'un témoignage
vraiment touchant de l'esprit qu'il savait leur
inspirer. Pourna était le fils d'une esclave
affranchie, que son maître, sur ses pressantes
instances, avait honorée de sa couche pour la
rendre libre. Elevé dans la maison pater-
nelle, il s'était distingué de bonne heure par
son intelligence et son activité. Il avait fait,
dans un commerce lucratif, sa fortune et celle
de sa famille. Il était devenu le chef de la
corporation des marchands. Dans un des fré-
quents voyages sur mer qu'il faisait pour son
négoce, il a pour compagnons des marchands
de Çravasti, qui, à la nuit et à l'aurore, lisent
à haute voix des prières, des hymnes saints :
c'étaient les soutras et les propres paroles du
Bouddha. Ravi de ces accents si nouveaux
pour lui, Pourna est à peine revenu qu'il se
rend à Çravasti;. et que, se faisant présenter
à Çakya-mouni, il embrasse la foi dont son
cœur a été touché. Il entre dans la vie reli-
gieuse; et le Bouddha, « à qui l'on ne peut
faire un plus doux présent que de lui amener
un homme à convertir, » ne dédaigne pas
d'ordonner et d'instruire lui-même le néo-
phyte. Il lui apprend en quelques mots que la
loi tout entière consiste dans le renoncement;
et Pourna, mort désormais au monde, veut
aller vivre et se fixer chez une tribu voisine,
qu'il doit gagner à la religion du Bouddha,
mais dont les mœurs farouches pourraient
effrayer un courage moins résolu. Çakya-
mouni cherche à le détourner de ce dessein
périlleux :
a Les hommes du Çronaparanta, où tu veux
fixer ton séjour, lui dit-il, sont emportés,
cruels, colères, furieux et insolents. Lorsque
• ces hommes, o Pourna, t'adresseront en face
des paroles méchantes, grossières et inso-
lentes; quand ils se mettront en colère contre
toi et t'injurieront, que penseras-tu?
» —Si les hommes du Çronaparanta, répond
Pourna, m'adressent en face des paroles mé-
chantes, grossières et insolentes, s'ils se met-
tent en colère contré moi et m'injurient, voici
ce que je penserai : Ce sont certainement des
hommes bons, que les Çronaparantakas ; ce
sont des hommes doux, eux qui ne me frap-
pent ni de-la main ni à coups de pierres.
» — Mais si les hommes du "Çronaparanta
te frappent de la main et à coups de pierres,
qu'en penseras-tu ?
» — Je penserai qu'ils sont bons et doux,
F
uisqu'ils ne me frappent ni du bâton ni de
épée.
» — Mais s'ils te frappent du bâton et de
l'épée, qu'en penseras-tu?
» — Je penserai qu'ils sont bons et doux,
puisqu'ils ne me privent pas complètement
de la vie.
» — Mais s'ils te privent de la vie, qu'en
penseras-tu?
•» — Je penserai que les hommes du Çro-
naparanta sont bons et doux, de me délivrer
avec si peu de douleur de ce corps misérable.
» — C'est bien, Pourna, luùditle Bouddha;
tu peux, avec la perfection de patience dont
tu es doué, fixer ton séjour dans le pays des
Çronaparantakas. Va donc, ô Pourna; déli-
vré, délivre; parvenu à 1 autre rive, fais-y
parvenir les autres; consolé, console; arrivé
au Nirvana complet, fais que les autres y ar-
rivent comme toi. »
Pourna se rendit en efFet dans la redouta-
ble contrée, dont il réussit, par sa douCeur, à
convertir les habitants; et cet exemple fait
comprendre le succès des missions bouddhi-
ques.
C'est à Bénarès que le Bouddha prêcha
pour la première fois, ou, comme s'exprime
le mysticisme bouddhique, « qu'il fit tourner
pour la première fois la roue de la loi. «Il
ne paraît pas avoir prolongé longtemps son
séjour dans cette ville, car la plus grande
f
tartie des soutras nous le montrent soit dans
e-Ma.gadha à Radjagriha, soitdans le Koçala
à Çravasti. C'est dans ces deux contrées, dont
les rois Bimbisara et Prasénadjit avaient dès
l'origine embrassé sa loi, qu'il passa presque
tout le reste de sa vie, respecté , protégé, ho-
noré. Ce fut le berceau du bouddhisme. Du
reste, sur la phase apostolique de Çakya-
mouni, nous n'avons que très-peu de détails,
le Lalita vistara ne nous conduisant que jus-
qu'à l'époque de ses premières prédications.
Nous savons seulement que ses principales
résidences furent, dans le Magadha, Kalan-
taka et Nélanda, et, dans le Koçala, Djeta-
vana; que, à six ou sept lieues de Çravasti, il
revit, après douze ans d'absence, son père
Çouddhodana, qu'il convertit à sa doctrine ;
que les Çakyas et les habitants de Kapila-
vastou adoptèrent le bouddhisme, àl'imitation
de leur roi ; que sa tante Maha Pradjapati fut
la première femme à laquelle il permit d'em-
brasser la vie religieuse ; que cet exemple fut
suivi par la belle Gopa et par les deux autres
femmes de Siddhartha, Yaçodhara et Outpa-
lavarna. Nous savons aussi que, malgré la
protection royale et l'enthousiasme populaire,
il eut à soutenir les luttes les plus vives et
les plus persévérantes contre les brahmanes,
vis-ii-vis desquels il n'usait pas plus de ména-
gements dans ses critiques que Jésus ne de-
vait en user plus tard vis-à-vis des pharisiens.
Une légende, intitulée Pratihayya Soutra,
nous montre les brahmanes vaincus par le
Bouddha, en présence de Prasénadjit, dans une
sorte de tournoi, dont le roi et le peuple
sont les juges. Dans une autre légende, on
voit les brahmanes faire promettre au peu-
ple de la petite ville de Bhadramkara, qu'ils
dominent a leur gré, de ne point recevoir le
Bouddha qui s'approche. On convient d'une
amende contre quiconque oserait se rendre
auprès de lui, et le peuple consent à tout ce
que veulent les brahmanes; mais une brah-
mine de Kapilavastou, mariée dans le pays,
enfreint la défense. Elle sort pendant la nuit,
escalade les murs avec une échelle, et va se
jeter aux pieds du Bouddha pour entendre la
loi ; elle sait se faire suivre bientôt d'un des
. plus riches habitants de la ville, appelé Men-
dhaka, qui harangue le peuple et l'entraîne
en un instant auprès du libérateur, que les
brahmanes voulaient humilier et proscrire.
« Les choses allaient encore quelquefois plus
loin, dit M. Barthélémy Saint-Hilaire, et, au-
tant qu'on en peut juger par les traditions de
Fa-Hien et Hiouen-Thsang, le Bouddha dut
être assez Souvent menacéJlans sa personne
et jusque dans sa vie. Il n'y a rien en ceci
d'étonnant, et, s'il est quelque chose qui
puisse nous surprendre, c'est que le Bouddha
n'ait point succombé aux embûches dont il
fut certainement entouré. »
Quoi qu'il en soit, le Bouddha ne se présente
pas dans l'histoire des religions avec l'auréole
du martyre. Toutes les légendes s'accordent à
placer le lieu de sa mort a Kouçinagai-a, dans
le royaume de ce nom. A l'âge de quatre-
vingts ans, il revenait de Radjagriha, dans le
Magadha, accompagné d'Ananda, son cousin,
et d'un grand nombre de disciples. Arrivé sur
le bord méridional du Gange et sur le point de
le passer, il se tint debout sur une grande
pierre carrée, regarda son compagnon avec
émotion et lui dit : « C'est pour la dernière
fois que je contemple de loin la ville de Rad-
jagriha. » Après avoir traversé le Gange, il
visita la ville de Vaiçali, dans laquelle il or-
donna lui-même plusieurs religieux. Il était à
une demi-lieue tout au plus, au nord-est de la
ville de Kouçinagara, dans le pays des Mallas
et près de la rivière Atchiravati, quand il se
sentit atteint de défaillance. Il s'arrêta dans
une forêt, sous un cala (shorea robusta), et y
mourut. Le Doul-va thibétain raconte en grands
détails les funérailles qui lui furent faites.
Elles eurent toute la solennité de celles qu'on
réservait alors aux monarques souverains ap-
pelés Ttchakravartins. Le corps du Bouddha
tut brûlé huit jours après sa mort. Ses reli-
ques furent divisées en huit parts , parmi
lesquelles on n'oublia pas celle des Çakyas de
Kapilavastou.
Quelle que soit l'opinion que l'on se fasse du
bouddhisme, il est impossible de méconnaître
la grandeur et la beauté morale de Çakya-
mouni. a Sauf le Christ, dit M. Barthélémy
Saint-Hilaire, il n'est point, parmi .les fonda-
teurs de religions, défigure plus pure ni plus
touchante que celle du Bouddha. Sa vie n'a
point de tache. Son constant héroïsme égale
sa conviction ; et si la théorie qu'il préconise
est fausse, les exemples personnels qu'il
donne sont irréprochables. Il est le modèle
achevé de toutes les vertus qu'il prêche ; son
abnégation, sa charité, son inaltérable dou-
ceur, ne se démentent point un seul instant.
— Légende du Bouddha. La légende ne pou-
vait manquer de s'emparer de la vie de Çakya-
mouni. Elle nous le montre d'abord à l'état de
Bodhisattva (Bouddha commencé), dans le
ciel Toushita, entouré des hommages des
dieux. II a amassé des mérites infinis par sa
charité, ses dévouements, ses pénitences dans
la suite infinie de ses vies antérieures ; mais,
pour devenir Bouddha accompli et pour déli-
vrer tous les êtres vivants, il faut qu'il des-
cende encore une fois dans le monde, qu'il
entre dans le sein d'une femme. Cette femme
doit posséder les trente-deux espèces de qua-
lités, et être exempte de tous les défauts-dea
femmes. Seule, la reine Mayadévi réunit
1062
BOUD
toutes ces perfections; c'est donc elle qui
donnera naissance au Bodhisattva, « car aucune
autre femme n'est capable de porter ce pre-
mier des hommes. » Avant de quitter le ciel, le
futur Bouddha laisse à sa place, aux dieux
qui sont désolés de son départ, le Bodhisattva
Maitreya, qu'il sacre en lui mettant, de sa
main, sa tiare et son diadème sur la tête. C'est
Maitreya qui doit lui succéder en qualité de
Bouddha, quand le monde perverti aura perdu
tout souvenir de la prédication de Çakya-
mouni.
Il descend ensuite dans le sein deMayadévi,
comme un rayon lumineux de cinq couleurs,
sans qu'elle ait eu commerce avec un homme.
Sa présence est annoncée par des signes ex-
traordinaires. Le palais de Çouddhodana se
nettoie de lui-même ; tous les oiseaux de l'Hi-
nmvat y accourent avec des chants d'allé-
gresse ; les jardins se couvrent de fleurs; les
étangs se remplissent de lotus; les instruments
de musique rendent d'eux-mêmes des sons
mélodieux ; les écrins de pierres précieuses
s'ouvrent spontanément pour montrer leurs
trésors; le palais est illuminé d'une splendeur
surnaturelle, qui efface celle du soleil et de la
lune. Dans le sein de Mayadévi, le Bodhisattva
se tient constamment du côté droit, et assis les
jambes croisées. Indra, le roi des dieux, et
Brahma, le maître des créatures, viennent te
recevoir à sa naissance, le baigner et le laver
de leurs mains. Quand l'enfant est présenté
au temple par son père, toutes les images des
dieux se lèvent de leurs places pour aller sa-
luer ses pieds vénérables et le proclamer
Soayambhou, l'être existant par lui-même,
celui qui est le premier besoin du monde.
Comme le Christ, le Bouddha a sa tentation
du démon. Il soutient, dans sa retraite d'Ou-
roulviva, les assauts de Mara, dieu de l'amour,
du péché et de la mort, et sort victorieux de
cette lutte. « Chère créature, lui dit Mara, il
faut vivre ; c'est en vivant que tu pratiqueras
la loi. Tout ce qu'où fait durant la vie doit
être fait sans douleur. Tu es maigre ; tes cou-
leurs ont pâli ; tu marches vers la mort. Quel-
que grands que soient tes mérites, que résul-
tera-t-il du renoncement? La voie du renon-
cement, c'est la souffrance. » Siddhartha lui
répond : « La lin inévitable de la vie étant la
mort, je ne cherche point à éviter la mort.
J'ai la résolution, le courage et la sagesse:
et je ne vois personne dans le monde qui
puisse m'ébranler. Démon, bientôt je triom-
pherai de toi. Les désirs sont tes premiers
soldats; les ennuis sont les seconds; les troi-
sièmes sont la faim et la soif; les passions
sont les quatrièmes; l'indolence et le sommeil
sont les cinquièmes; les craintes, sont les
sixièmes ; les doutes que tu inspires sont
les septièmes ; la colère et l'hypocrisie sont les
huitièmes ; l'ambition, les flatteries, les res-
pects, la fausse renommée, la louange de soi-
même et le blâme des autres, voilà tes noirs
alliés, les soldats du démon brûlant. Tes sol-
dats subjuguent les dieux ainsi que les hom-
mes; mais je les détruirai par la sagesse. »
Mara, humilié, appelle à son secours, contre
cette sagesse inébranlable, ses tils et ses
tilles, la force et la beauté. Le Bouddha ré-
siste à la force et à la beauté. Il n'est point
effrayé, a car il considère tous les éléments
comme une illusion et un rêve. » Il n'est point
séduit « car les corps les plus charmants ne
lui semblent qu'une bulle d'eau et un fan-
tôme. » C'est vainement que les fils du démon
lui lancent des projectiles de toutes sortes, et
jusqu'à des montagnes; c'est vainement que
les filles du démon, les belles Apsaras, lui
montrent les trente-deux espèces de magies
des femmes. La défaite du démon est com-
plète et définitive; déchu de sa splendeur, il
se frappe la poitrine et se dit dans son déses-
poir : « Mon empire est passé. »
— Noms divers du Bouddha. Nous avons
déjà fait connaître plusieurs noms du Boud-
dha : Siddhartha , Çakya-mouni, Çramana-
Gaoutama. Les ouvrages bouddhiques le dé-
signent en outre assez souvent sous ceux de
Tathagata, Sougata, Baghavat, Bodhisattva,
Arhat.
Tathagata, un des titres les plus élevés
qu'on donne au Bouddha, et qu'il paraît s'être
donné lui-môme, signifie : o Celui qui est allé
comme ses prédécesseurs, celui qui a par-
couru sa carrière religieuse de la même ma-
nière que les Bouddhas antérieurs. » Par ce
titre, la pluralité des Bouddhas se trouve af-
firmée; Çakya-mouni n'est pas seul de son
espèce; il n'est pas le sauveur unique, comme
le Christ ; il faut noter qu'il n'est pas Bouddha
par essence, mais qu'il l'est devenu; la plura-
lité des Bouddhas sort de là très-naturelle-
ment; car, si le fils de Mayadévi a pu deve-
nir Bouddha, on ne voit pas pourquoi d'autres
n'auraient pu ou ne pourraient le devenir éga-
lement.
Sougata, ouïe bienvenu, signifie simplement
que, dans la croyance bouddhique, Çakya-
mouni est venu pour sauver le monde et faire
le bonheur des créatures.
Baghavat, qui signifie le bienheureux, est le
nom par lequel le Bouddha est le plus ordi-
nairement désigné dans les soutras du Népaul.
C'était un titre assez fréquemment appliqué
aux grands personnages dans la langue du
brahmanisme ; dans celle du bouddhisme, il est
à peu près exclusivement réservé au Bouddha
ou bien au personnage qui, sans être encore
Bouddha, est sur le point de le devenir.
Bodhisattva a la même étymologie que
BOUÎ)
Bouddha, Il signifie littéralement H Celui qui a
l'essence de la bodhi, ou de l'omniscience. »
Un Bodhisattva est un Bouddha commencé ;
un Bouddha est un Bodhisattva achevé. L'ac-
quisition de l'intelligence suprême fait le Bo-
dhisattva ; pour faire un Bouddha, il faut en
outre l'application de cette intelligence à l'in-
struction des créatures et au salut de l'uni-
vers.
Arhat signifie vénérable. Moins élevé que
tous ceux qui précèdent, ce titre est celui que
prennent les religieux bouddhistes du degré
supérieur. Quand il s'applique au Bouddha, on
le complète et on le relève en disant : « Le vé-
nérable du monde, ou le vénérable du siècle.
Ajoutons que le nom de Bouddha est devenu
Fo en Chine, et Phot chez les Siamois ; Fo et
Phot viennent, comme Bouddha, de la racine
sanscrite boudk, connaître (bodhi, connais-
sance). « Fo, dit l'encyclopédiste chinois Ma-
Touan-Lin, est un mot étranger qui signifie :
la connaissance absolue, l'intelligence pure,
\'intelligent par excellence. » Çramana-Gaou-
tama est devenu, dans le royaume de Siam,
Çamana-Khodom (de là le nom de religion
samanéenne donné au bouddhisme). Çakya est
devenu, au Japon, Chaca ou Xaca.
— Portrait du Bouddha. «Les bouddhistes,
dit M. Barthélémy Saint-Hilaire, ne se sont
pas contentés de faire du Bouddha un idéal
de vertu, de science, de sainteté, de puissance
surnaturelle ; ils en ont fait un idéal de beauté
physique. » Çakya-mouni, en sa qualité de
Bouddha, possédait, dit le Lolita vistara, a les
trente-deux signes caractéristiques, et les
quatre-vingts marques secondaires du grand
homme,» signes et marques constituant la
beauté parfaite. Eugène Burnouf considère ces
signes comme reproduisant le type indien
dans ses traits les plus généraux, et spéciale-
ment dans ceux qui sont l'objet ordinaire des
louanges des poètes. Nous en citerons un cer-
tain nombre : une protubérance auj sommet
de la tête ; des cheveux bouclés tournant vers
la droite, d'un noir foncé à reflets changeants ;
le front large et uni ; des cils semblables à
ceux de la génisse ; les yeux' souriants, allon-
gés, d'un noir foncé; les dents, au nombre de
quarante, égales, serrées et parfaitement
blanches ; la langue large et mince ; les
épaules parfaitement arrondies; l'entre-deux
des épaules couvert; des bras descendant
jusqu'aux genoux; les doigts arrondis et effi-
lés; les ongles bombés, tirani sur la couleur
du cuivre rouge, et lisses; la rotule large et
développée: les doigts des pieds longs ; le
cou-de-pied saillant; les pieds et les mains
doux et délicats; le nez proéminent; les sour-
cils égaux, réunis, réguliers, noirs; les joues
pleines et égales, etc., etc. Quelques-uns de
ces signes ont donné naissance à des super-
stitions qui tiennent une grande place dans le
bouddhisme. Ainsi, comme le Bouddha avait,
dit-on, sous la plante des pieds, une figure de
roue, les bouddhistes n'ont pas manqué de re-
connaître en divers lieux 1 empreinte de son
pied.
BOUDDHIQUE
BOUDDHIQUE adj. (bou-di-ke— do Boud-
dha, n. pr.). Qui a rapport au Bouddha ou au
bouddhisme : L'ère BOUDDHIQUE est fixée par
la grande majorité des critiques à l'an 543
avant notre ère. (A. Maury.)
B O U D D H I S M E s. m. (bou-diss-me — de
Bouddha, n. pr.). Religion du Bouddha : Le
BOUDDHISME,BOUDDHISME, qui naquit plusieurs siècles avant
notre ère, se répandit de bonne heure dans le
Céleste-Empire. (Reynaud.)
r - Encycl. I. — DES DOCUMENTS QUE NOUS
POSSÉDONS '.SUR LE BOUDDHISME, a Le boud-
dhisme, dit M. Albrecht Weber, constitue un
des phénomènes les plus remarquables de
l'histoire universelle, par cela seul que, après
plus de deux mille ans d'existence,.il est en-
core aujourd'hui la religion du cinquième au
moins, et peut-être du quart, de l'humanité vi-
vante. » M. Barthélémy Saint-Hilaire porte à
trois cents millions le nombre de ses secta-
teurs. Prêchée dans l'Inde vers la fin du vuo
ou au commencement du vie siècle av. J.-Ch.
par le prince Çakya-mouni, surnommé le Boud-
dha (v. ce mot), cette religion se répandit
d'abord dans la presqu'île indienne, dont elle
devait être plus tard entièrement bannie, puis
se propagea au dehors dans toutes les direc-
tions, et Fut adoptée par la Chine et le Japon,
les îles de Ceylan et de Java, la Cochincnine
et le Laos, le Birman et le Pégu, le Népaul
et le Thibet, la Mongolie et laTartarie. Malgré
son immense extension, le bouddhisme n'est
réellement connu eu Europe q.ue depuis trente
ans à peine. Jusque-là on était réduit aux ren-
seignements des voyageurs sur l'état actuel
de cette religion, et sur les traditions quis'y
rapportent dans les pays où elle est professée ;
sur son origine et sa constitution primitive, on
ne pouvait former que de vagues et douteuses
conjectures. Le bouddhisme n'est entré dans
la science positive des religions que du jour
où ses livres sacrés ont été découverts.
Les noms des investigateurs auxquels est
due cette découverte méritent d'être rappelés.
Le premier en date est M. Brian Hough^on
Hodgson, résident anglais à Kathmandou, ca-
pitale du Népaul. Lié avec des prêtres boud-
dhistes, il gagna leur confiance, et il apprit
bientôt que l'on conservait dans les couvents
du pays des livres sanscrits qui passaient pour
renfermer la doctrine canonique du Bouddha.
Ces livres contenaient les discours et la bio-
graphie du Bouddha, les règles de la disci-
BOÙÎ)
f
iline qu'il avait imposée à ses religieux, et
a métaphysique de toute cette doctrine. Ils
avaient été introduits dans le Népaul vers le
second siècle de l'ère chrétienne, à ce que rap-
portait la tradition ; ils venaient du Magadha
de l'autre côté du Gange ; et cinq ou six siè-
cles plus tard, pénétrant du Népaul dans le
Thibet, ils y avaient été traduits quand le Thi-
bet avait embrassé la foi bouddhique. M. Hodg-
son s'en procura des exemplaires, et il en fit
don aux sociétés savantes qui pouvaient le
mieux en profiter, à la Société asiatique de
Calcutta, à celle de Londres et à celle de Pa-
ris. Ainsi, c'est à M. Hodgson que le monde
savant dut la connaissance de ces originaux
sanscrits (de 1824 à 183-4).
Presque dans le même temps, un jeune Hon-
grois, Csoma de Kôrôs, pénétrait au Thibet,
en apprenait la langue, qu'aucun Européen
n'avait possédée avant lui, et pouvait analy-
ser deux grands recueils de littérature thibé-
taine, \eIiahgyour et le Bstangyour, composés
de plus de trois cents volumes dans lesquels
on retrouvait la traduction fidèle de la plu-
part des originaux sanscrits découverts par
M. Hodgson au Népaul.
D'un autre côté M. Schmidt, de Saint-Pé-
tersbourg, constatait que les traductions thib'é-
taines des livres sanscrits bouddhiques avaient
été traduites à leur tour en mongol, et que,
de même que la foi bouddhique avait passé,
avec les livres qui la contiennent, de l'Inde au
Népaul, et du Népaul au Thibet, de même elle
avait passé du Thibet en Mongolie.
A l'autre extrémité de l'Inde, dans l'île de
Ceylan, M. Georges Turnour retrouva une
rédaction presque semblable des livres cano-
niques. Il reconnut que les prêtres singhalais
possédaient une collection régulière et dès
longtemps fixée des écritures bouddhiques,
en langue pâli, dialecte du sanscrit, et que
cette collection avait été importée dans 1 île
de Ceylan, sous le règne d'un roi de l'Inde
protecteur du bouddhisme, l'an 31S av. J.-C.
Ces livres pâlis reproduisent, sous des formes
presque identiques, les livres les plus impor-
tants du Magadha et du Népaul. M. Turnour
publia en outre un ouvrage pâli, lé Mahavamça,
où sont consignées les annales de l'île de Cey-
lan convertie au bouddhisme.
Aux témoignages précédents les sinologues
venaient joindre ceux de la Chine. La Chine
avait traduit, comme le Thibet et laMongolie,
les écritures bouddhiques, dès les premiers
siècles de l'ère chrétienne. De plus, elle of-
frait les récits des pèlerins qui, à plusieurs
époques, s'étaient rendus dans l'Inde, soit
pour y chercher les livres sacrés et les rap-
porter dans le Céleste Empire, soit pour visi-
ter les lieux sanctifiés jadis par la présence
et les actes du Bouddha. Deux de ces récits,
celui de Fa-Hien et celui de Hiouen-Thsang,
ont été traduits dans notre langue, le premier
par Abel Rémusat en 1836, et le second par
M. Stanislas Julien.
Toutes ces informations sur le bouddhisme
ont été confirmées par la découverte d'inscrip-
tions nombreuses en diverses parties de l'Inde.
M. James Prinsep, un des secrétaires de lu
Société asiatique du Bengale, sut déchiffrer
ces inscriptions gravées sur des rochers, des
colonnes, des pierres, par ordre d'un roi
nommé Piyadasi, au III siècle avant J . - C ,
pour inculquer aux peuples, en termes partout
identiques, les préceptes de la morale boud-
dhique.
Enfin, nous avons, par des témoignages
grecs, la preuve que, sous les successeurs
d'Alexandre le Grand, le bouddhisme existait
dans l'Inde. Comme le fait remarquer M. Bar-
thélémy Saint-Hilaire, Mégasthène, qui pé-
nétra jusqu'à Patalipoutra, l a Palibothra des
Grecs, à la cour du roi Tehandragoupta, indi-
que certainement les bouddhistes dans les Sar-
manai ou Garmanai, dont il fait une secte de
philosophes opposés aux brahmanes, et qui
s'abstiennent de vin et vivent dans le plus
chaste célibat. Dans ce nom de Sarmanai, il
est facile de reconnaître celui de Çrainanas,
que se sont donné spécialement les bouddhis-
tes. Mégasthène nous apprend que «les Sar-
manes ont avec eux des femmes qui partici-
pent à leur philosophie, et qui, comme les
hommes, sont vouées au célibat; » que a ces
philosophes, pleins de frugalité, vivent des
aliments qu'on leur donne et que personne ne
leur refuse. » N'est-ce pas là, dit M. Barthé-
lémy Saint-Hilaire, une description fidèle des
moeurs particulières aux bouddhistes, mœurs
que les brahmanes n'ont jamais partagées ?
On voit sur quelles bases s'appuie la con-
naissance que nous avons aujourd'hui du boud-
dhisme. Documents grecs, indiens, thibétains,
sin^haliens, chinois, mongols, s'accordentpour
établir que la prédication bouddhique s'est
bien réellement adressée aux populations de
l'Inde six siècles avant l'ère chrétienne. Des
livres sacrés qui renferment cette prédication,
il en est déjà deux que nous possédons dans
notre langue. L'un est le Lotus de la bonne
loi, traduit du sanscrit par Eugène Burnouf,
qui, explorant le premier parmi nous les ma-
nuscrits envoyés à Paris par M. Hodgson, en
a tiré son admirable Introduction à l histoire
du bouddhisme indien. L'autre est le Lalita
vistara, traduit du thibétain et collationné sur
l'original sanscrit par Ph.-Ed. Foucaux, et
contenant la biographie du Bouddha.
I I . — DU FONDATEUR DU BOUDDHISME. V .
BOUDDHA.
BOUD
III. — DE I / E G U S Ë ET DE L'ECRITURE BOUD-
DHIQUES. L'institution d'une communauté de
religieux sortis de toutes les castes, telle fut
l'œuvre originale et capitale de Çakya-mouni.
« Avant lui, dit M. Taine, il y avait des ermi-
tes et des ascètes; le premier, il réunit les
solitaires, et, appelant à lui tous les hommes
de bonne volonté, sans distinction de caste ou
de race, il composa un ordre mendiant dont
les membres renonçaient à la propriété et à
la famille. «Çakya-mouni réunit les solitaires,
en ce sens qu'il établit un lien moral entre eux,
le lien d'une foi commune, d'une espérance
commune, d'un but commun, d'un commun
prosélytisme; le lien matériel de l'habitation
et de la vie communes n'existait certainement
f
>as dans l'origine ; mais il dut sortir naturel-
ement et promptement du lien moral. La
communauté bouddhique existait en germe
dans l'ascétisme bouddhique; ce qui était
nouveau dans l'œuvre de Çalcya-mouni, ce n'é-
tait pas l'ascétisme en lui-même, c'était l'as-
cétisme proposé, enseigné, prêché à tous et
partout comme idéal de vie, comme voie de
salut; c'était l'ascétisme uni au prosélytisme,
à l'apostolat ; c'était le renoncement uni à la
charité, à la fraternité; cette union de l'ascé-
tisme et du prosélytisme était évidemment in-
compatible avec l'isolement des ascètes, avec
la vie érémitique-* elle appelait une institution
monastique régulière.
Tout concourait à favoriser le développe-
ment de cette institution. Pendant la belle
saison, les ascètes pouvaient vivre isolés dans
les forêts, dans les lieux ouverts, dans lus ci-
metières ; ils pouvaient se faire une loi rigou-
reuse de « ressembler à l'animal des bois, qui
n'a point de demeure fixe, mange aujourd'hui
en cet endroit, demain en cet autre, et s'étend
pour dormir là où il se trouve. » Mais la sai-
son des pluies les obligeait de rentrer dans les
bourgades, dans les villes pour y chercher
momentanément un abri; à la vie en plein air,
à la vie errante devait succéder forcément,
pendant une partie de l'année, la vie séden-
taire. Cette nécessité de retraites fixes, où les
religieux venaient chaque année se réunir à
la même époque, dut naturellement resserrer
le lien qui les rattachait les uns aux autres.
L'ascétisme dut cesser d'être érémitique, pré-
cisément parce qu'il cessait d'être exception-
nel, parce qu'il devenait une institution, parce
qu'il prenait un caractère social et universa-
liste, parce qu'il entendait être pratiqué et de-
vait se rendre praticable en toute saison et en
tout climat, non-seulement par les hommes,
mais encore par les femmes. En outre, le be-
soin de se garantir de la malveillance des
brahmanes et de résister à leurs attaques dut
exercer de bonne heure une grande influence
sur l'organisation des religieux bouddhistes,
o Ce besom, dit Eugène Burnouf, leur fit sentir
le besoin de s'unir entre eux et de former une '
association qui pouvait très - aisément se
changer en une institution monastique. Là se
trouve la véritable différence qui distingue
les religieux bouddhistes des ascètes plus an-
ciens, tels que les Vanaprasthas. Ces derniers
qui, loin de faire opposition à la religion po-
pulaire, étaient au contraire autorisés par la
loi de Manou, n'avaient pas besoin de créer
des associations religieuses^régulièrement or-
ganisées. S'ils rassemblaient autour d'eux
quelques disciples, il en résultait des rencon-
tres accidentelles qui ne survivaient pas au
maître. Mais l'isolement dans lequel s'étaient
placés les bouddistes au sein de la société in-
dienne ne pouvait manquer de leur faire sen-
tir les avantages de la vie commune, et, une
fois ces avantages appréciés, il n'était pas
difficile d'en assurer la conservation en don-
nant au chef de l'association un successeur
qui continuât l'œuvre de celui qui l'avait fon-
dée. »
Pas d'association sans hiérarchie : celle qui
s'établit dans les réunions des religieux boud-
dhistes, des Bhikshous, était fondée sur l'an-
cienneté et le mérite. Les légendes nous
montrent les Bhikshous prenant rang dans
l'assemblée suivant l'âge ; les premiers y re-
cevaient le nom de Sthaviras, vieillards ou
anciens. Parmi les anciens, il y avait les an-
ciens des anciens (Sthavirah sthaviranam). Se-
lon toute apparence, le mérite, c'est-à-dire le
savoir et la sainteté devaient se joindre au
privilège de l'ancienneté pour assurer à un
religieux une supériorité incontestable. Les
religieux étaient désignés sous le nom géné-
ral de Bhikshous (mendiants) et de Çramanas
(ascètes); ces titres étaient des dénominations
absolues en quelque sorte. Relativement aux
autres membres de la société indienne, ils se
nommaient quelquefois Aryas (honorables), et
relativement à leur maître, à Çakya-mouni,
Cravakas (auditeurs). Parmi les Cravakas,on
distinguait les Maha Cravakas (grands audi-
teurs); cette qualification leur était donnée
en considération de leur mérite. Le titre d'Aî*-
hat (vénérable) désignait un religieux très-
supérieur aux autres Bhikshous, et par son
savoir, et par ses facultés surnaturelles.
« Au fond, dit Eugène Burnouf, et sauf les
synonymies et les nuances légères, il n'y avait
dans rassemblée des auditeurs de Çakya-
mouni que deux drdres, les Bhikshous ou les
religieux ordinaires, et les Arhats ou les reli-
gieux supérieurs. Le fondateur du bouddhisme
avait lui-même deux de ces titres* : celui de
simple ascète, Çramana, qui est presque syno-
nyme de Bhikshou, et celui d'Arhat. » On
verra au mot LAMAÏSME le développement
spécialque prit l'Eglise bouddhique au Thibet.
BOUD
BOUT)
BOUD
BOUD 1063
La communauté l'Eglise bouddhique a pré-
cédé la rédaction de l'Ecriture bouddhique, de
même que la communauté, l'Eglise chrétienne
a précédé la rédaction du Nouveau Testa-
ment. Comme le Christ, le Bouddha n'a rien
écrit. Les écritures canoniques du bouddhisme,
telles que nous les avons et que les reçurent,
en les traduisant, tous les peuples soumis à
cette religion, furent, suivant M. Barthélémy
Saint-Hilaire, l'œuvre successive de trois con-
ciles, œuvre achevée deux siècles au moins
avant notre ère. « Le Bouddha mort, dit
M. Barthélémy Saint-Hilaire, les religieux ou
Bhikshous se réunirent en concile, sous la
protection du roi Adjatacatrou, et les plus in-
fluents d'entre eux, Kacyapa, Ananda et Ou-
pali rédigèrent les ouvrages qui devaient for-
mer désormais le canon orthodoxe. Kacyapa,
qui avait dirigé comme président du con-
cile toutes les délibérations, se chargea de
la métaphysique ou Abhidharma; Ananda,
cousin du Bouddha, rédigea > ses prédications
ou soutras ; et Oupali compila tout ce qui se
rapportait a la discipline ou Vinayà. VAbhi-
dharma, les Soutras et le Vinaya composent
ce que les bouddhistes appellent la Triple
corbeille (Tripita/ca). Ce premier concile fut
suivi de deux autres, dont la date n'est pas
aussi certaine, et dont l'un se tint sous le roi
Açoka, qui étendît sa domination sur toute la
presqu'île indienne dans le me siècle avant
notre ère. C'est des trois conciles qu'est
sortie la rédaction des ouvrages bouddhi-
ques, tels qu'ils sont parvenus jusqu'à nous.»
M. Barthélémy Saint-Hilaire, qui fait remon-
ter aux disciples et successeurs immédiats du
Bouddha la rédaction des Ecritures bouddhi-
ques, et la distribution de ces écritures en
trois classes, ressemble fort aux critiques
orthodoxes qui attribuent le quatrième Evan-
gile à l'apôtre saint Jean, et qui prétendent
que le canon du Nouveau Testament a été
fixé au 1er siècle. M. Barthélémy Saint-Hi-
laire a vraiment la foi trop facile en matière
d'authenticité ; il semble qu'à ses yeux les in-
stitutions et les doctrines soient des créations
complètes dès leur origine; il n'accorde pas
un rôle suffisant à la force intérieure par la-
quelle elles se développent, se complètent et
se transforment, au travail spontané, et pour
ainsi dire vital d'élaboration, qui, comme d'un
germe un arbre, fait avec le temps, de quel-
ques maximes et discours d'un sage forte-
ment convaincu et fortement ému, sortir un
vaste corps de spéculations et de disciplines. Il
y a dans l'histoire des religions deux épocjues,
l'une où elles deviennent, où elles vivent,
l'autre où elles sont, où elles durent. M. Bar-
thélémy Saint-Hilaire, ne distinguant pas ces
deux époques, s'épargne ce travail difficile et
délicat qui consiste à démêler les phases suc-
cessives de la première, à y établir une chro-
nologie relative d'après la succession logique
et nécessaire des idées et des faits, et à resti-
tuer au temps la part qui lui revient dans l'é-
tablissement des religions, et que la légende
et la croyance ne manquent jamais de lui en-
lever. Nous allons voir que l'opinion de M. Bar-
thélémy Saint-Hilaire, en ce qui concerne les
Ecritures bouddhiques, est loin d'être partagée
par tous les orientalistes.
Il y a deux rédactions des livres canoniques
de la religion de Çakya-mouni ; l'une en san-
scrit, qu'a découverte M. Hodgson dans les mo-
nastères du Népaul ; l'autre en pâli,que possè-
dent les prêtres de Ceylan. De ces deux ré-
dactions quelle est celle qui est originale?
Quelle est celle qui a été une simple copie?
M. Albrecht Weber pense qu'elles sont toutes
deux originales, et qu'elles ont été faites in-
dépendamment l'une de l'autre, l'une, au nord
de l'Inde, sous unroiscythe nommé Kanishka,
qui régnait à Kachmir environ quarante ans
av. J . - C , l'autre au sud de l'Inde, à Ceylan,
environ quatre-vingts ans avant notre ère.
« Les deux rédactions du nord et du sud,
ajoute M. Weber, diffèrent assez fortement
l'une de l'autre quant aux expressions et à la
disposition extérieure ; mais elles s'accordent
d'une manière à peu près complète quant au
sens, ce qui est une garantie très-forte pour
la fidélité de la tradition orale gui avait tout
conservé jusque-là.., 11 ne peut donc y avoir
de doutes sur l'authenticité relative des points
dans lesquels les deux rédactions s'accordent.,.
On ne peut nier davantage que, surtout dans
les paraboles et les comparaisons, les propres
paroles du Bouddha n'aient été conservées,
mêlées seulement à un interminable fatras
d'adjonctions étrangères. » On doit noter ici
que l'uniformité d'une tradition orale n'en ga-
rantit nullement la fidélité, la véracité. Sortie
de l'imagination religieuse, qui suit toujours
dans son travail une certaine direction, fixée,
déterminée, circonscrite dans sa forme par la
croyance, propagée par la prédication, la plus
absurde des légendes peut à la rigueur circu-
ler, se répandre, se conserver invariable, ab-
solument comme le plus fidèle et le plus exact
des récits historiques. Ceci dit en passant,
nous ferons remarquer combien cette affirma-
tion de M. Weber, que la tradition orale a seule
conservé les discours et les enseignements du
Bouddha et de ses disciples jusqu'à l'année 80
av. J.-C.,c'est-à-dire pendant près de 500 ans,
est en contradiction avec le passage de
M. Barthélémy Saint-Hilaire, cité plus haut.
Mais voyons si l'histoire des conciles, telle
qu'elle nous est donnée par M. Barthélémy
Saint-Hilaire lui-même, d'après, les annales
singhalaises, nous les montre rédigeant les
ouvrages bouddhiques.
H y a sept jours à peine que le Bouddha est
entré dans le Nirvana, lorsque le grand Ka-
cyapa convoque cinq cents religieux qu'il a
choisis parmi les plus vertueux et les plus sa-
vants. C'est à Radjagriha qu'on se réunit,
dans le mois d'asala, et au premier quartier
de la lune. Sur la demande des religieux, le
roi Adjatacatrou leur fait construire une vaste
salle"à l'entrée de la caverne Sattapani, au-
près de la montagne Vebbara, et l'assemblée
peut presque immédiatement commencer ses
délibérations. Sur un trône placé au nord et
regardant le sud, le président siège pour diri-
f
er les travaux. Une chaire posée au centire
e la salle et regardant l'est doit servir aux
orateurs que le président interroge. Le reste
des Arhats, sans avoir de sièges particuliers,
se rangent selon leur âge sur les bancs desti-
nés à les recevoir. La première discussion a
lieu le second jour du second mois du varsha.
Les disciples les plus chers et les plus émi-
nents du Bouddha comparaissent. Ananda,
son cousin et son compagnon inséparable du-
rant de longues années, et Oupali, un de ses
adhérents les plus illustres, montent en chaire.
Oupali est interrogé le premier par le grand
prêtre Kacyapa sur la discipline ou le Vinaya.
Les Sthaviras répètent en chantant les répon-
ses d'Oupali, et c'est ainsi qu'ils apprennent
par cœur le Vinaya. Après Oupali, Ananda,
guidé comme lui par le président, expose le
Dharma ou la Loi. L'assemblée répète éga-
lement les paroles d'Ananda et apprend le
Dharma de la même manière qu'elle vient
Rapprendre le Vinaya. Ces exercices pieux
ne durent pas moins de sept mois, et, après
ce temps, ces « bienfaiteurs de l'humanité »
se séparent, persuadés qu'ils ont assuré pour
cinq mille ans entiers la domination et la
splendeur de la foi bouddhique ; et a la terre,
toute joyeuse d'avoir reçu de si éclatantes lu-
mières, se balança six fois sur les plus pro-
fonds abîmes de l'océan. »
Voilà l'histoire du premier concile, telle
'qu'elle est racontée par Mahanama, l'auteur
du Mahavamsa. Où voit-on en tout cela que
les chefs de ce concile aient écrit quelque
chose ? C'est tout le contraire qui paraît clai-
rement. Ananda et Oupali sont interrogés, ils
répondent, ils exposent la doctrine aux I)ra-
vakas (auditeurs), qui répètent en chantant
leurs paroles, et qui, de cette manière, les
fixent dans leur mémoire. Evidemment le
premier concile ignore l'écriture, et il a re-
cours aux procédés alors employés, selon
toute apparence, dans les écoles philosophi-
ques de l'Inde, pour assurer la transmission
d'un enseignement qui ne pouvait être qu'oral.
Le second concile se tient à Vaiçali, dans
la dixième année du règne de Kalaçoka, cent
ans après le Nirvana. Une hérésie s'est formée
à Vadji; et de là elle s'est étendue sur une
grande partie des provinces du nord. Les
mœurs des religieux se sont relâchées ; la dis-
cipline a perdu presque toute sa sévérité. Les
hérétiques ont su mettre le roi Kalaçoka
dans leurs intérêts ; et ils sont sur le point de
l'emporter, lorsque trois religieux, Java, Sam-
bhoutta et Révata s'unissent pour combattre
ces funestes doctrines. Par l'entremise de la
prêtresse Anandi, sœur de Kalaçoka, ils par-
viennent à changer les résolutions du monar-
que, qui consent à se prononcer pour la vraie
foi dans l'assemblée de Vaiçali. Révata, qui
semble avoir joué dans ce nouveau concile le
même rôle que Kacyapa dans le premier, a
l'habileté de concentrer les délibérations entre
huit religieux qu'il a choisis lui-même, quatre
de la province Pâtchina, et quatre de la pro-
vince Péthega. Retirés à Valoukaramavihara,
ils préparent les décisions de l'assemblée, qui
se réunit aujvihara voisin de Mahavana. Sur
leurs propositions, elle consolide toutes les
règles ébranlées de la discipline ; et dix mille
prêtres, qui avaient prêté à l'hérésie une
oreille trop facile, sont dégradés. Révata avait
été l'âme de cette assemblée réformatrice,
dont les membres étaient au nombre de sept
cents, et dont les travaux s'étaient prolongés
pendant huit mois, conduits comme l'avaient
été les précédents.
Un schisme avait rendu nécessaire le se-
cond concile; dix-huit schismes font convo-
quer le troisième sous le règne d'Açoka, de-
venu maître de tout le Djamboudvipa, deux
cent dix-huit ans après la mort du Bouddha
(325 av. J.-C). La religion, déchirée par des
divisions intestines, risquait de périr. Le culte
était interrompu presque partout depuis sept
années ; il était urgent d'aviser. Le troisième
concile se tient à Patalipoutra, et un religieux
nommé Tisia y exerce la même autorité que
Kacyapa et Révata avaient exercée dans le
premier et le second concile. Soixante mille
prêtres hérétiques sont dégradés dans l'Inde
entière, et les cérémonies au culte orthodoxe
sont partout rétablies. Cette troisième assem-
blée de la loi avait duré neuf mois.
Nous voyous bien que, dans le premier et
le second siècle du bouddhisme, des divisions
nombreuses s'introduisent dans l'Eglise, aux-
quelles le second et le troisième concile vien-
nent porter remède. Ces divisions s'expliquent
précisément et avec facilité par l'incertitude
et, si l'on peut ainsi dire, par la fluidité de la
tradition orale, par la diversité des commen-
taires dont les préceptes, oralement transmis,
sont l'objet, par l'absence d'une ligne de dé-
marcation précise que seule l'écriture pour-
rait établir entre ces commentaires et ces
préceptes. C'est précisément parce que l'écri-
1
ture n'a encore rien distingué, rien fixé, rien
consolidé ; parce que le développement de la
religion nouvelle, se faisant dans une sorte de
nuit, se fait sans limites, en tous sens et d'une
manière désordonnée, que l'autorité conci-
liaire, la loi vivante, est obligée, en l'absence
du Bouddha, d'intervenir. Remarquez que le
second et le troisième concile n'invoquent pas
de documents écrits; évidemment, ils n'en
connaissent pas, et rien n'indique qu'ils aient
songé à en laisser aux conciles futurs. Le se-
cond concile procède absolument comme le
premier, et, selon toute apparence, le troi-
sième comme le second. Ou donc M. Barthé-
lémy Saint-Hilaire a-t-il vu que les trois con-
ciles de Radjagriha, de Vaiçali et de Patali-
poutra aient rédigé les Ecritures bouddhiques ?
« Je suis convaincu, dit M. Vassilief, que
l'écriture fut encore inconnue dans l'Inde pen-
dant plusieurs siècles après l'apparition du
Bouddha. Toutes les dispositions du Vinaya
confirment cette idée qu'elle n'existait pas,
à la naissance du bouddhisme, dans les con-
trées qui ont accueilli cette religion. Les pre-
miers soutras disent constamment qu'on les
oublie et qu'il faut les apprendre par cœur;
ceux qui entourent le Bouddha s'appellent
Cravakas, c'est-à-dire auditeurs; les précep-
tes du Vinaya se récitent de mémoire ; dans
les légendes sur la vie du Bouddha, nulle part
on ne parle d'un seul monument écrit; le pre-
mier et le second concile s'occupent unique-
ment de questions verbales sur la foi. » M. Vas-
silief ajoute que les plus anciennes inscriptions
trouvées dans l'Inde sont celles d'Açoka, et
que, très-probablement, c'est sous le règne de
ce prince que l'écriture fut introduite dans
l'Inde par les bouddhistes qui, en s'étendant à
l'ouest de Magadha, purent les premiers faire
. connaissance avec l'écriture grecque à Bae-
tra. De cette absence de l'écriture dans les
premiers siècles du bouddhisme, M. Vassilief
conclut qu'il est difficile de percer les ténè-
bres qui enveloppent l'histoire du Bouddha et
de ses premiers successeurs ; que, s'il est pos-
sible de marquer des époques relatives dans
cette histoire, c'est en se fondant moins sur
des témoignages que sur des raisons intrinsè-
ques; que les auteurs des livres bouddhiques,
préoccupés de leur croyance et du dévelop-
pement qu'elle avait pris à l'époque où ils
écrivaient, ont dû tout naturellement transfi-
gurer et dénaturer les événements, les per-
sonnages et les idées du bouddhisme primitif;
que, par exemple, rAbhidharma est le produit
d'une psychologie trop subtile et trop amou-
reuse d'abstractions pour appartenir à la pri-
mitive Eglise bouddhique.
Il faut remarquer, du reste, qu'Eugène
Burnouf n'a pas retrouvé dans les originaux
sanscrits du Népaul la Triple corbeille (Tripi-
taka), avec cette division régulière et tran-
chée en Soutras, Vinaya et Abhidharma, qui
est aujourd'hui universellement admise dans
l'Inde, auThibet et à la Chine, et que M. Bar-
thélémy Saint-Hilaire fait remonter au pre-
mier concile. A la vérité, plusieurs traités
appelés Soutras dans la collection thibétaine
sont aussi désignés par cette même dénomi-
nation dans la népaulaise: mais la division du
Vinaya ne s'y voit pas ; elle y est remplacée
par des textes de peu d'étendue appelés Ava-
danas, c'est-à-dire légendes ou récits légen-
daires; lesquels, dans un mode de classifica-
tion plus détaillé qu'a exposé M. Hodgson,
traitent proprement du fruit des œuvres, et
par leur objet se rapprochent jusqu'à un cer-
tain point du Vinaya, qui prescrit les ceuvres.
Quant à la métaphysique ou Abhidharma, elle
ne paraît ni dans les textes du Népaul que l'on
possède à Paris, ni dans les listes générales
et plus complètes que M. Hodgson en a don-
nées. Cependant le sujet embrassé sous ce
titre n'est pas omis dans cette collection, car
E. Burnouf l'y a retrouvé dans un traité inti-
tulé Pradjna Paramita, la Perfection de la
sagesse ou la Sagesse transcendante. « D'après
ces comparaisons, dit M. Biot, la collection
népaulaise se présenterait, non comme man-
quant d'aucune partie essentielle des doctrines
bouhhiques, mais comme les contenant sous
des divisions moins systématiquement définies
que celles qui leur sont données dans des tra-
ductions générales faites pour des peuples
étrangers à l'Inde, sans doute après que leur
ensemble eut été plus complètement formé. »
n N'est-ce pas là, ajoute avec raison M. Biot,
un caractère qui décèle l'antériorité relative
des textes qui composent cette collection? »
Les Soutras de la collection népaulaise sont
divisés en Soutras simples et Soutras déve-
loppés. Eugène Burnouf a parfaitement mon-
tré qu'on ne doit pas confondre dans un en-
semble systématique les notions, les faits, les
récits qui se trouvent rapportés dans les uns
et dans les autres : que les Soutras développés
témoignent, par les circonstances merveil-
leuses et singulières des récits qu'ils contien-
nent, par la nature des idées qu'ils expri-
ment , et par le style dans lequel ils sont
écrits, que leur composition est de beaucoup
postérieure à celle des Soutras simples ; que
c'est dans ces derniers seulement qu'il faut
chercher le bouddhisme primitif. Mais laissons
le célèbre critique parler lui-même : «Je
prends, dit-il, comme exemple, un soutra dé-
veloppé, tel que le Gandaviaha, un des livres
qui sont au Népaul l'objet d'une vénération
particulière.* Puis je propose à un lecteur
versé dans la connaissance du sanscrit, et
doué, en outre, d'une patience robuste, de lire
les cinquante premiers feuillets de ce traité,
et de dire ensuite s'il lui semble qu'un tel ou-
vrage soit un livre primitif, un livre ancien,
un de ces livres par lesquels les religions se
fondent, un code sacré, en un mot; s'il y re-
connaît le caractère d'une doctrine qui n'en
est encore qu'à ses premiers débuts, s'il y
saisit la trace du prosélytisme, s'il y rencontre
les luttes d'une croyance nouvelle contre un
ordre d'idées antérieur, s'il y découvre la
société au milieu de laquelle s'essaye la pré-
dication. Ou je me trompe fort, ou, après une
telle lecture, celui dont j'invoque le témoi-
gnage n'aura trouvé dans ce livre que les dé-
veloppements d'une doctrine complète, triom-
phante et qui se croit sans rivale; autre
chose que les paisibles et rêveuses concep-
tions de la vie des cloîtres, autre chose que
les vagues images d'une existence idéale qui
s'écoule avec calme dans les régions de la
perfection absolue, loin de l'agitation bruyante
et passionnée du monde. Or, tous les soutras
de grand développement présentent des traits
pareils, diversifiés seulement par quelques
détails qui les rapprochent plus ou moins des
réalités. » On reconnaît ici la véritable mé-
thode de la science des religions.
Quant aux livres qui correspondent à l'Aô-
hidharma de la Triple corbeille, tels que la
Pradjna Paramita, on doit, selon l'auteur-de
Y Introduction à l'histoire au bouddhisme in-
dien, leur assigner une date beaucoup plus
récente que celle des soutras. « Il y a, dit-il,
entre les soutras, comme source de la méta-
physique bouddhique, et la Pradjna ou les
livres qui en dépendent, l'intervalle de plu-
* sieurs siècles, et la différence qui sépare une
doctrine qui n'en est qu'à ses premiers débuts
d'une philosophie qui a atteint à ses derniers
développements.» Enfin, la collection népau-
laise renferme une autre classe de livres, les
Tantras, dont la rédaction est évidemment
plus moderne encore..Ce sont les plus éloi-
gnés du bouddhisme primitif. Ils nous présen-
tent un bouddhisme dénaturé et corrompu par
des éléments étrangers, empruntés aux super-
stitions populaires et surtout aux cultes de
Vichnou et de Çiva.
IV. — DES DOCTRINES BOUDDHIQUES. « La
doctrine de Çakya-mouni, dit Eugène Bur-
nouf, reposait sur une opinion admise comme
un fait, et sur une espérance présentée comme
une certitude. Cette opinion, c'est que le
monde visible est dans un perpétuel change-
ment ; que la mort succède à la vie et la vie
à la mort; que l'homme, comme tout ce qui
l'entoure, roule dans le cercle éternel de la
transmigration ; qu'il passe successivement
par toutes les formes de la vie, depuis les plus
élémentaires jusqu'aux plus parfaites; que la
place qu'il occupe dans la vaste échelle des
êtres vivants dépend du mérite des actions
cna'il accomplit en ce monde ; et qu'ainsi
1 homme vertueux doit, après cette vie, re-
naître avec un corps divin, et le coupable
avec un corps de damné ; que les récompenses
du ciel et les punitions de l'enfer n'ont qu'une
durée limitée, comme tout ce qui est dans le
monde; que le temps épuise le mérite des ac-
tions vertueuses tout comme il efface la
faute des mauvaises; et que la loi fatale du
changement ramène sur la terre et le dieu et
le damné, pour les mettre de nouveau l'un et
l'autre à l'épreuve, et leur faire parcourir une
suite nouvelle de transformations. L'espé-
rance que Çakya - mouni apportait aux
hommes, c'était la possibilité d'échapper à la
loi de la transmigration, en entrant après la
mort dans ce qu'il appelait le Nirvana, c'est-
à-dire Y anéantissement. Un signe précurseur
annonçait dès cette vie l'homme prédestiné à
cette délivrance ; c'était la possession d'une
science illimitée qui lui donnait la vue nette
du monde tel qu'il est, c'est-à-dire la connais-
sance des lois physiques et morales; et pour
tout dire, en un mot, c'était la pratique des six
perfections transcendantes : celle de l'aumône,
celle de la pureté, celle de la science, celle
de l'énergie, celle de la patience et celle de
la charité. L'autorité sur laquelle le religieux
de la race de Çakya appuyait son enseigne-
ment était toute personnelle; elle se formait
de deux éléments, l'un réel, l'autre idéal. Le
premier était la régularité et la sainteté de sa
conduite, dont la chasteté, la patience et la
charité forment les traits principaux. Le se-
cond était la prétention qu'il avait d'être
Bouddha, c'est-à-dire éclairé, et comme tel,
de posséder une puissance et une science sur-
humaines. Avec sa puissance, il opérait des
miracles; avec sa science, il se représentait
sous une forme claire et complète le passé et
l'avenir. Par là, il pouvait raconter tout ce
que chaque homme avait fait dans ses exi-
stences antérieures, et il affirmait ainsi qu'un
grand nombre d'êtres avaient jadis atteint
comme lui, par la pratique des mêmes vertus,
à la dignité de Bouddha. Il se présentait enfin
aux hommes comme leur sauveur, et il leur
promettait que sa mort n'anéantirait pas sa
doctrine; mais que cette doctrine devait durer
après lui un grand nombre de siècles, et quand
son action salutaire aurait cessé, il viendrait
au monde un nouveau Bouddha qu'il annon-
çait par son nom, et qu'avant de descendre
sur la terre il avait, disent les légendes, sacré
lui-même dans le ciel en qualité de Bouddha
futur Il est évident que l'opinion philoso-
phique par laquelle Çakya-mouni justifiait sa
mission était partagée par toutes les classes
de la société indienne ; brahmanes, kshat-
tryias, vaiçyas et coudras, tous croyaient
également à la fatalité de la transmigration,
1064 BOUD
BOUD
BOUD
BOUD
à la répartition des récompenses et des peines,
à la nécessité et en même temps à la difficulté
d'échapper d'une manière définitive aux con-
ditions perpétuellement changeantes d'une
existence toute relative. Jusque-là le solitaire
de la race de Çakya n'était pas en apposition
avec la société brahmanique. Kshattryia par
la naissance, il était devenu ascète comme
quelques autres. C'est en se plaçant sous la
tutelle des brahmanes qu'il était entré dans
la vie religieuse. Le Lolita vistara nous le
montre en effet se rendant, au sortir de la
maison paternelle, auprès des plus célèbres
brahmanes, pour puisera leur école la science
u'il cherche. [1 conservait même, dans un
es noms qu'il portait, la trace du lien essen-
tiellement religieux qui rattachait sa famille
à la caste brahmanique ; il se nommait le
Çramana Gaoutama, ou l'ascète gautamide,
sans doute parce que Gaoutama était le nom
de famille sacerdotal de la race militaire des
Çakyas, qui, en qualité de kshattryias, n'a-
vaient pas d'ancêtre, ni de saint tutélaire à la
manière des brahmanes, mais qui avaient pu
prendre, ainsi que la loi indienne l'autorise,
le nom de l'ancien sage à la race duquel
appartenait leur directeur spirituel. Philo-
sophe et moraliste, il croyait à la plupart
des vérités admises par les brahmanes; mais
il se séparait d'eux du moment qu'il s'agissait
de tirer la conséquence de ces vérités et de dé-
terminer les conditions du salut, but des efforts
de l'homme, puisqu'il substituait l'anéantisse-
ment et le vide au Brahma unique dans la
substance duquel ses adversaires faisaient ,
rentrer le monde et l'homme. •
Nous avons tenu à citer ce passage, malgré
son étendue, afin de présenter tout d'abord
au lecteur, par la plume autorisée du philolo-
gue illustre qui a posé les bases de toutes les
recherches sur le bouddhisme, un exposé gé-
néral et sommaire de^a doctrine de Çakya-
mouni, et de ses rapports avec les idées ré-
gnantes au sein du brahmanisme. On y voit
que tout, dans le bouddhisme, roule sur deux
idées fondamentales, l'idée de la transmigra-
tion, <\ui n'est que l'idée d'épreuve et d'expia-
tion indéfiniment étendue et devenue l'unique
signification de toute existence, et l'idée du
nirvana conçue comme récompense suprême,
comme fin suprême des épreuves et des ex-
piations, comme issue définitive hors du cercle
t'atal et indéfini des existences. Nous revien-
drons plus loin sur l'interprétation que donne
Burnouf du Nirvana bouddhique.
— Théorie des Quatre véritét sublimes. A la
base des doctrines bouddhiques, nous trouvons
la théorie des quatre vérités sublimes. Elle
est connue de tous les bouddhistes sans ex-
ception; elle est adoptée au sud et à l'est, aussi
bien qu'au nord, à Ceylan, au Birman, au
l
J
égu, à Siam, à la Chine, tout comme au Né-
paul et au Thibet. Elle appartient certainement
au bouddhisme primitif et peut être attribuée
à Çakya-mouni. La première de ces quatre
vérités, c'est que la douleur est inséparable
de l'existence, parce que l'existence comporte
la vieillesse, la maladie et la mort. La se-
conde, c'est que la douleur est fille du désir
jar lequel nous nous attachons aux objets, à
a jeunesse, à la santé, a la vie, des fautes
que le désir nous a fait commettre dans les
existences précédentes , et des fautes qu'il
nous fait commettre dans l'existence actuelle.
La troisième vérité, propre à consoler des
deux autres, c'est que l'existence et la dou-
leur peuvent cesser par le Nirvana. Enfin, la
quatrième, c'est que, pour atteindre à la cessa-
tion de la douleur, au Nirvana, il faut détruire
en soi le désir, se détacher de soi-même, se
renoncer à soi-même, et écarter tous les ob-
stacles qui s'opposent à l'extinction du désir,
à la pratique du renoncement.
Les deux premières vérités sont la douleur
et la cause de la douleur; les deux dernières
sont le salut et la voie ou méthode du salut. La
voie ou méthode du salut a huit parties; et ce
sont autant de conditions que l'homme doit
remplir pour assurer sa délivrance éternelle.
Voici les huit parties de la méthode. La pre-
mière, selon le langage bouddhique, est la
vue droite, c'est-à-dire la foi et l'orthodoxie;
la seconaej c'est le jugement droit, qui dissipe
toutes les incertitudes et tous les doutes; la
troisième, c'est le langage droit, c'est-à-dire
la véracité parfaite, qui a horreur du mensonge
et qui le fuit toujours sous quelque forme qu'il
se présente ; la quatrième condition du salut,
c'est de se proposer dans tout ce qu'on fait'
une fin droite qui règle la conduite et la rend
honnête; la cinquième, c'est de ne demander
sa subsistance qu'à une profession droite, non
entachée de péché, en d'autres termes à la
profession religieuse ; la sixième, c'est l'appli-
cation droite de l'esprit à tous les préceptes
de la Loi; la septième est la mémoire droite,
qui garantit de toute obscurité et de toute
erreur le souvenir des actions passées ; et la
dernière enfin, c'est la méditation droite, qui
conduit dès ici-bas l'intelligence à une quié-
tude voisine du Nirvana.
Les quatre vérités sublimes sont celles
que Siddhartha comprit enfin à Bodhimanda,
sous l'arbre de VintelUgence ou Bodhidrouma
(V. BOUDDHA) après six ans de méditations et
d'austérités; "ce sont celles qu'il enseigna tout
d'abord quand il fit tourner pour ta première
fois la roue de la Loi à Bénarès. C'est parce
qu'il les a comprises qu'il est devenu Bouddha.
Dans sa lutte contre les brahmanes du Koçala,
eu présence de Prasénadjit, lorsque ses adver-
saires défaits s'enfuient, dit la légende, en
criant : « Nous nous réfugions dans la mon-
tagne; nous cherchons un asile auprès des
arbres, des eaux et des ermitages, » il leur
adresse ces paroles de dédain et d'adieu
• Beaucoup d hommes chassés par la crainte
cherchent un asile dans les montagnes et dans
les bois, dans les ermitages et auprès des ar-
bres consacrés. Mais ce n'est pas le plus sûr
des asiles ; ce n'est pas le plus sûr des refuges.
Celui, au contraire, qui cherche un refuge au-
près du Bouddha, de la Loi et de l'Assemblée
(le Bouddha, la Loi et l'Assemblée forment
pour les bouddhistes la Triple perle, Triratna),
quand il voit avec l'œil de la sagesse les quatre
vérités sublimes, qui sont : la douleur, la cause
de la douleur, l'anéantissement de la douleur
et le chemin qui y conduit, la voie formée de
huit parties, sublime, salutaire, qui mène au
Nirvana; celui-là connaît le plus certain des
asiles, le plus assuré des refuges. Dès qu'il y
est parvenu, il est délivré de toutes les dou-
leurs, D Nous ferons remarquer, en passant,
que cette formule, le Bouddha, la Loi et
I Assemblée ou l'Eglise, suppose logiquement
l'existence d'une Eglise bouddhique chargée de
conserver et d'interpréter une loi dont l'au-
teur n'est plus ; elle est donc postérieure au
Bouddha, et n'a certainement pas été pronon-
cée par lui. Ce n'est qu'après la mort de
Çakya-mouni que la Loi et l'Eglise ont pu
constituer deux termes distincts du Bouddha
et unis au Bouddha dans les respects et les
hommages des fidèles.
La théorie des quatre vérités peut être con-
sidérée comme la source et le résumé de toute
la doctrine bouddhique. On en a réduit l'ex-
pression en un distique sacramentel que tous
les bouddhistes savent par cœur, que les re-
ligieux répètent sans cesse, et qui est inscrit
sur le piédestal de la plupart des statues du
Bouddha.
— Morale et discipline. Les trois premières
vérités qui constatent le fait de la douleur, qui
en déterminent la cause et qui en montrent la
fin, contiennent en germe la métaphysique
bouddhique. La morale bouddhique est en
germe dans la quatrième vérité. Nous com-
mencerons par la morale.
Les cinq préceptes fondamentaux de la mo-
rale bouddhique sont : Ne point tuer, ne point
voler, ne point commettre d'adultère, ne point
mentir et ne point s'enivrer. A ces préceptes
s'ajoutent cinq autres prescriptions : S'abstenir
de repas pris hors de saison ; s'abstenir de la
vue des danses et des représentations théâ-
trales, chants, instruments de musique, etc. ;
s'abstenir de porter aucune parure et de se
parfumer; s'abstenir d'avoir un grand lit;
enfin s'abstenir de recevoir de l'or ou de l'ar-
gent. Ce sont là les dix aversions ou répu-
gnances (veramanis) que doivent ressentir tous
ceux qui ont foi au Bouddha. C'est le déca-
logue du bouddhisme. « Les cinq premières
règles, dit M. Barthélémy SainHÎilaire, sont
obligatoires pour tout le monde sans excep-
tion; mais on peut croire que les cinq autres
regardent plus particulièrement les religieux,
qui ont d'ailleurs un code spécial. On com-
prend que les règles, même les plus générales,
prennent pour eux un caractère de sévérité
qu'elles ne peuvent pas avoir pour les simples
laïques ; c'est ainsi que les religieux ne doi-
vent pas seulement s'abstenir de l'adultère;
il faut, en outre, qu'ils gardent la plus inflexible
chasteté. »
Ici se présentent la question de la distinc-
tion et des rapports de la morale et de la dis-
cipline dans le bouddhisme, et celle de la divi-
sion des bouddhistes en religieux et en laïques.
A Le Bouddha, dit M. Weber, ne pouvait
méconnaître que tout le monde n'était pas ca-
pable d'atteindre à ce qu'il avait posé comme
but du perfectionnement final; il fit un pas
décisif pour l'avenir de sa religion, en divisant
ses sectateurs en deux parties, les religieux
et les laïques. Les premiers seuls avaient à
suivre les prescriptions indiquées pour attein-
dre à la délivrance finale; les autres devaient
seulement exercer les vertus pratiques a,ui
les mettraient en état, pour une prochaine
existence, de travailler directement à l'œuvre
de la délivrance. Mais chacun était libre de
décider s'il se sentait assez de force pour y
travailler tout de suite ; l'entrée de l'état re-
ligieux, pourvu qu'on en remplît les condi-
tions de capacité, était ouverte à tout le
monde... A la masse de ses sectateurs il ne
demandait que pour les cas extrêmes l'abandon
de leurs propriétés et de leurs intérêts per-
sonnels et la charité sans limites; mais du
cercle étroit des religieux il exigeait un dé-
vouement perpétuel, un renoncement absolu. •
II est probable que la distinction de deux es-
pèces de fidèles, les laïques et les religieux,
et de deux espèces de règles, les unes obliga-
toires pour tous les fidèles, les autres impo-
sées aux seuls religieux, n'appartient pas au
mélancolique fondateur du bouddhisme. Elle
a pu se trouver en germe dans quelques con-
tradictions que présentaient ses enseigne-
ments; mais il est au moins douteux qu'avec
sa conception de la douleur et de la cause de
la douleur, du salut et de la méthode du salut,
il ait prêché autre chose que le renoncement
absolu. Ce qui est certain, c'est que la dis-
tinction dont il s'agit a dû se produire de bonne
heure, et précisément en raison des progrès
de la religion nouvelle. Le caractère essentiel
de l'œuvre du Bouddha, nous l'avons dit plus
haut, c'est l'ascétisme enseigné et prêche a
tous comme unique idéal de vie, comme unique
voie de salut. Nulle religion n'a assigné d'une
manière aussi absolue ce but à son prosély-
tisme; aussi s'est-elle immédiatement réali-
sée en une organisation monastique ; l'Eglise
bouddhique a été dès l'origine un ordre de
moines ; elle ne pouvait être autre chose. C'est
le propre de toute religion prosélytique, à sa
naissance, de se poser dans 1 absolu, de nïer le
monde, les liens traditionnels, les réalités so-
ciales, d'être révolutionnaire en ce sens qu'elle
fait effort pour rompre la continuité historique,
et de faire dériver la morale et la discipline
unies et confondues, de l'idée de perfection, de
l'idéal qu'elle apporte au monde. La religion
bouddhique a du, moins que toute autre, en
raison de son point de départ, faire exception
à cette loi: mais un tel effort ne peut jamais
réussir qu à moitié. Le caractère absolu de
ces religions les a faites universelles ; leur ca-
ractère universaliste ne tarde pas à les faire
retomber dans le relatif, à les faire compter
avec la réalité. Pour être universelles, il faut
bien qu'elles se rendent praticables. L'ascé-
tisme et le communisme ne peuvent s'univer-
saliser; l'humanité ne se laisse pas enfermer
dans un couvent; pour entretenir la mendicité
au sommet, le travail est nécessaire à la base ;
il faut le chêne pour porter le gui : de là le
laïcisme, de là la nécessité d'une morale géné-
rale, vulgaire, pratique, distincte de la morale
des parfaits, delà discipline.
Voyons ce qu'est la discipline bouddhique.
Le religieux bouddhiste, le bhikshou, nous
l'avons dît, est condamné au célibat; il ne
doit avoir ni femme ni enfants. » Plus grand
est le danger pour ceux qui sont attachés à une
femme, à un enfant, à une fortune, à une
maison,que pourceux qui sontenprison, dans
les fers et dans les chaînes. Car ceux-ci peu-
vent être délivrés de leur prison par un heu-
reux hasard, tandis que les autres sont comme
dans la gueule d'un tigre. » De toutes les ra-
cines du mal, l'appétit du sexe est la plus
profonde, t S'il y avait eu dans l'homme une
autre passion aussi violente, personne n'au-
rait pu atteindre à la délivrance. O religieux,
ne regardez pas les femmes. Si vous rencon-
trez une femme, ne la regardez pas; prenez
farde et ne lui parlez pas. Si vous lui parlez,
ites-vous intérieurement : Je suis un reli-
gieux dans ce monde corrompu, je dois être
comme un lotus sans tache... Vous devez re*
garder une vieille femme comme votre mère,
une femme un peu plus âgée que vous comme
votre sœur aînée, une femme plus jeune que
vous comme votre sœur cadette. » Et ici les
prescriptions se multiplient : ne pas toucher
de la main, même une petite fille, ne pas
entrer dans un bateau où rame une femme,
ne pas recevoir l'aumône des mains d'une
femme. Le bhikshou doit être vêtu ; la nudité
complète que les brahmanes admettaient chez
leurs ascètes, désignés, comme on sait, par
les Grecs, sous le nom de gymnosophistes
(raisonneurs nus), est proscrite chez les boud-
dhistes comme contraire à la pudeur. Mais
le religieux ne doit se vêtir que de haillons
ramassés dans les cimetières, sur les tas d'or-
dures et sur les routes. Il n'aura que trois de
ces misérables vêtements, et il devra les
coudre de ses mains. 11 ne pourra posséder
que huit objets : les trois pièces du vêtement
dont nous venons de parler, sa ceinture, son
vase à aumône, son pot à l'eau , un rasoir et
une aiguille à coudre. Il ne vivra que d'aumô-
nes; il ira les chercher de maison en maison,
mais dans le plus inviolable silence, en se mon-
trant simplement avec'son vase, sans tousser,
sans faire aucun bruit par sa présence, sans
dire qu'il a faim, sans rien demander par
signe, geste ou parole. Il n'a pas même le
droit de demander un remède s il est malade,
et il pèche s'il reçoit plus qu'il ne lui faut pour
un repus. Il se gardera de prendre des ali-
ments, môme les plus simples Iriandises, après
midi. Quant au logement, la règle prescrivait
de n'en avoir pas d'autre que les uois, et de
ne pas chercher un autre abri que le feuillage
des arbres ; mais cette règle dut plier vite, la
nécessité et les conditions de la vie cénobiti-
que,bientôt substituée àl'érémitisme, ne per-
mettant pas de la maintenir dans sa rigueur
primitive. Ajoutons que le religieux doit dor-
mir assis et non couché ; qu'il doit aller, de
temps en temps, au moins une fois par mois,
dans les cimetières pour méditer sur l'insta-
bilité des choses humaines ; que la vénération
fiour ses supérieurs, l'amour de la paix et de
a concorde sont au nombre de ses principales
obligations, et que, s'il introduit la division
parmi ses frères, il commet un des cinq grands
péchés mortels.
Six vertus sont considérées comme fonda-
mentales, et, à ce titre, imposées à tous, laï-
ques et religieux : la chanté, la pureté, la
patience, le courage, la contemplation, et la
science. Ce sont là les six vertus transcen-
dantes {paramitas) « qui font passer l'homme
à l'autre rive, » ainsi que l'indique l'étymolo-
gie du mot par lequel on les désigne. Le fi-
dèle qui les observe n'est pas encore arrivé
au Nirvana; il n'est encore qu'à l'entrée du
chemin qui y mène; mais « il a quitté ces ri-
vages ténébreux de l'existence où l'on s'i-
gnore. »
La charité, telle que la comprend le boud-
dhisme, est illimitée ; elle s'adresse à toutes les
créatures sans exception ; elle impose, à l'oc-
casion, les sacrifices les plus douloureux et
les plus extrêmes. Il y a telle légende où le
Bouddha donne son corps en pâture à une ti-
gresse affamée qui n'avait plus la force d'al-
laiter ses petits. Dans une autre, c'est un
néophyte qui se jette à la mer pour apai-
ser la tempête qui menace le vaisseau de
ses compagnons, et qu'a suscitée la colère du
roi Nagas. C'est surtout par la charité qu'il
inspire, que le bouddhisme, au point de vue
moral, se sépare du brahmanisme. Dans les
deux religions, l'idée de sainteté domine et
absorbe la pensée, appelle aux mortifications
rigoureuses, condamne la passion, le corps et
la vie. Mais la sainteté brahmanique est
égoïste, la sainteté bouddhique est animée
par la charité. Dans les deux religions, l'as-
cétisme aboutit à la glorification du suicide,
dont le but est religieux. Mais l'ascète du
brahmanisme ne s'immole que pour se déli-
vrer de ce qu'il regarde comme le mal; le
sacrifice que s'impose l'ascète bouddhiste est
toujours dans l'intérêt de l'humanité.
A côté des six vertus transcendantes, il en
est d'autres qui, pour être de moindre impor-
tance, n'en doivent pas moins être religieuse-
ment pratiquées. Ainsi, non-seulement il ne
faut pas mentir, mais de plus il faut évitei
la médisance, la grossièreté de langage, et
même les discours vains et frivoles. « Le lan-
gage doux, agréable aux oreilles, affectueux,
allant au cœur, poli, gracieux pour les au-
tres, » est celui que le religieux doit em-
ployer.
Une autre vertu recommandée avec in-
stance, et dont le Bouddha s'est montré le
modèle, c'est l'humilité. Lorsque le roi Prasé-
na'ljit, provoqué par les brahmanes, engage
Çakya-mouni, qu il protège, à imposer, par
des miracles, silence à ses ennemis, le Boud-
dha, tout en consentant à ce que le roi lui de-
mande, lui répond : « Grand roi, je n'ensei-
gne pas la Loi à mes auditeurs eu leur disant :
Allez, ô religieux, et devant les brahmanes
et les maîtres de maison, opérez, à l'aide d'une
puissance surnaturelle, des miracles supé-
rieurs à tout ce que l'homme peut faire ; mais
je leur dis, en leur enseignant la Loi : Vivez,
ô religieux, en cachant vos bonnes œuvres et
en montrant vos péchés. • Ne croit-on pas lire
dans l'Evangile cette recommandation de J é -
sus à ses disciples : « Lorsque vous ferez
l'aumône, que votre main gauche ne sache
point ce que fait votre main droite. »
Montrez vos péchés: de cette parole,proba-
blement, et de textes semblables, est sortie
une institution remarquable qui appartientaux-
premiers temps de l'Eglise bouddhique, qui s'est
longtemps conservée dans le bouddhisme in-
dien, etqui subsiste encore au Thibet : celle de
la confession. Deux fois par mois, à la nou-
velle et à la pleine lune, chaque religieux de-
vait confesser ses fautes devant l'assemblée
des Bhikshous. Quant aux laïques, nous sa-
vons, par les édits religieux du roi Piyadasi,
qu'il leur était recommandé de se confesser
tous les trois ans, ou au moins tous les cinq
ans. Eugène Burnouf nous explique d'une
manière remarquable l'origine delà confession
dans le bouddhisme : « La loi fatale de la
transmigration, dit-il, attache, on le sait, des
récompenses aux bonnes actions et des pei-
nes aux mauvaises; elle établit même la com-
pensation des unes par les autres, en offrant
au coupable le moyen de se relever par la pra-
tique de la vertu. Là est l'origine de l'expia-
tion, qui tient tant de place dans la loi brah-
manique; le pécheur, en effet, outre l'intérêt
de sa réhabilitation présente, devait désirer
de recueillir dans l'autre vie les fruits de son
repentir. Cette théorie est passée dans le
bouddhisme, qui l'a reçue toute faite, avec tant
d'autres éléments constitutifs de la société in-
dienne; mais elle y a pris une forme particu-
lière, qui en a sensiblement modifié l'applica-
tion pratique. Les bouddhistes ont continué
de croire, avec les brahmanes, à la compen-
sation des mauvaises actions par les bonnes,
car ils admettaient avec eux que les unes
étaient fatalementpunies, et les autres fatale-
ment récompensées. Mais comme, d'une autre
part, ils ne croyaient plus à l'efficacité morale
des tortures et des supplices par lesquels, se-
lon les brahmanes, le coupable pouvait effa-
cer son crime, l'expiation se trouve naturelle-
ment réduite à son principe, c'est-à-dire au
sentiment du repentir, et la seule forme qu'ello
reçut dans la pratique fut celle de l'aveu ou
de la confession... Une légende nous raconte
l'histoire d'un religieux qui, injurié par un au-
tre, lui dit : « A cause de cetto faute, con-
fesse que tu as péché; et par là cette action
sera diminuée, elle sera détruite, elle sera
pardonnée. » L'aveu de la faute, accompagné
au repentir, en était la véritable expiation,
tant pour cette vie que pour l'autre... « De cet
aveu fait à celui qu on avait blessé, de cette
confession purement individuelle à 1 aveu pu-
blic, fait devant l'assemblée des Bhikshous,
qui sont les gardiens et les dépositaires de la
Loi, on comprend que la transition devait être
facile. •
Cette théorie de la confession bouddhique
nous permet de saisir la différence qui la sé-
pare de la confession catholique. Dans le
bouddhisme, la récompense est fatale, la peine
est fatale ; l'effacement du péché, le pardon,
est la conséquence fatale de l'expiation, dont
la confession n'est (ju'un mode, qu'une forme.
Montrez vos péchés; confesse cette faute, et
elle sera détruite : voilà l'origine de la con-
fession bouddhique; on n'y voit qu'un seul
terme, le coupable qui expie en faisant l'hum-
ble et pénible aveu de son péché. Dans la
BOUD BOÙD BOÛB
BOÙD 1065
confession catholique, il y a deux termes .
un coupable qui s'accuse de sa faute en im-
plorant et pour obtenir son pardon ; un juge
qui accorde ou refuse le pardon demandé. Le
pardon ne s'^y confond pas avec le repentir ;
il en est distinct; c'est une grâce, c'est-à-dire
un acte de la liberté de Dieu, et de la liberté
du représentant de Dieu. Tout ce que vous
lierez et délierez sur la terre sera lie et délie'
dans le ciel. Les péchés seront remis à ceux à
gui vous les remettrez, et ils seront retenus à
ceux à gui vous les retiendrez : voilà l'origine
de la confession catholique. C'est l'exercice
d'une autorité. Ne dit-on pas : le tribunal de
la pénitence?
Tout en plaçant la perfection morale dans
l'ascétisme, le renoncement, le célibat, le
bouddhisme n'a pas méconnu les devoirs de
la piété filiale. Le Bouddha s'adresse ainsi
aux religieux qui l'écoutent à Djétavana :
• Brahma, ô religieux 1 est avec les familles
dans lesquelles le père et la mère sont parfai-
tement honorés, parfaitement vénérés, parfai-
tement servis. Pourquoi cela? C'est que, d'a-
près la Loi, un père et une mère sont pour
un fils de famille Brahmalui-même. «Ailleurs,
il est écrit que « quand même un enfant pren-
drait son père sur une épaule et sa mère sur
-Tautre, et les' porterait ainsi pendant cent
ans, il ferait moins pour eux qu ils n'ont fait
pour lui. • Comment le fils peut-il reconnaître
dignement les bienfaits de ses parents? C'est
en les établissant dans la perfection de la foi,
s'ils ne l'ont pas; en leur- donnant la perfection
de la pureté, s'ils ont de mauvaises mœurs ;
celle de la libéralité, s'ils sont avares; celle
de la science, s'ils sont ignorants.
Nous venons d'exposer les préceptes de la
morale bouddhique. Deux légendes intéres-
santes que nous empruntons à l'ouvrage do
M. Barthélémy Saint-Hilaire : le.Bouddha et
sa religion, montrent cette morale en action
et permettent d'en bien saisir l'esprit.
Kounala, fils du roi Açoka, est à Taksha-
çila, où son père l'a envoyé pour gouverner
cette partie de ses Etats, et où il s'est fait
adorer de tous ses sujets, quand un ordre
royal arrive, qui prescrit de lui arracher les
deux yeux. Cet ordre cruel est envoyé par la
reine Rishya-Rakshita, une des femmes d'A-
çoka, qui abuse du sceau de l'Etat pour tirer
vengeance des dédains du jeune prince pour
les avances criminelles qu'elle lui a faites.
Les habitants de Takshaçila ne veulent pas
exécuter eux-mêmes cet ordre, qui leur sem-
ble inique. On s'adresse vainement à des
tchandulas, qui répondent : a Nous n'avons
pas le courage d'être ses bourreaux. • Le jeune
prince se soumet à son triste sort: et quand
il s'est présenté enfin un homme lépreux et
difforme qui se. charge d'accomplir ce que
tout le monde suppose la volonté du roi,
Kounala, se rappelant les leçons de ses maî-
tres les Sthaviras,se dit : « C'est parce qu'ils
prévoyaient ce malheur que les sages qui con-
naissent la vérité me disaient naguère :«Vois,
ce monde tout entier est périssable; personne
n'y reste dans une situation permanente. «Oui,
ce furent pour moi des amis vertueux, re-
cherchant mon avantage et voulant mon
bonheur, que ces sages magnanimes, exempts
de passion, qui m'ont enseigné cette Loi. Quand
je considère la fragilité de toutes choses, et
f)ue je réfléchis aux conseils de mes maîtres,
je ne tremble plus à l'idée de ce supplice ; car
je sais que mes yeux sont quelque chose de
périssable. Qu'on me les arrache donc, puis-
qu'ainsi le veut le roi. J'ai retiré de mes yeux
ce qu'ils pouvaient me donner de meilleur,
puisque j ai v u , grâce à eux, que les objets
sont tous périssables ici-bas. » Puis, s'adres-
sant à l'homme qui s'était offert pour bour-
reau : « Allons, dit-il, arrache d'abord un œil
et mets-le moi dans la main. » L'homme rem-
plit cet odieux office, malgré les lamentations
et les cris de la foule; et le prince, prenant
son œil, qui est dans sa main : « Pourquoi ne
vois-tu plus les formes, dit-il, comme tu fai-
sais tout à l'heure, vil globe de chair? Com-
bien ils s'ab'usent, et qu'ils sont à plaindre,
les insensés qui s'attachent à toi, en disant :
C'est moi ! » Le second œil est arraché comme
le premier. En ce moment Kounala, « qui ve-
nait de perdre les yeux de la chair, mais en
qui ceux de la science s'étaient purifiés, »
prononça ces paroles : « L'œil de la chair
vient de m'être arraché, mais j'ai acquis les
yeux parfaits et irréprochables de la sagesse.
Si je suis délaissé par le roi, je deviens le fils
du roi magnanime de la Loi, dont je suis
nommé l'enfant. Si je- suis déchu de la gran-
deur suprême, qui entraîne à sa suite tant de
chagrins et de douleurs, j'ai acquis la souve-
raineté de la Loi qui détruit la douleur et le
chagrin. • La magnanimité de Kounala n'est
pas moins grande que sa résignation. Quand,
bientôt après, il apprend qu'il est victime des
intrigues dé Rishya-Rakshita, il s'écrie : « Ah!
puisse-t-elle conserver le bonheur, la vie et
la puissance, la reine Rishya-Rakshita, pour
avoir employé ce moyen, qui m'assure un si
grand avantage 1 • Lorsque, plus tard, le roi
connaît ce qui s'est passé, et dans sa juste
fureur veut faire périr la reine, coupable de
tant de maux, Kounala intercède pour elle
et ne rejette que sur lui seul le malheur qui
l'a frappé, et qu'il avait mérité sans' doute
par quelque faute commise dans une existence
antérieure.
Passons à la seconde légende.
11 y avait à Mathoura une courtisane célè-
bre par ses charmes, nommée Vasavadatta.
Un jour que sa servante révenait d'acheter
des parfums chez un jeune marchand appelé
Oupagoupta, elle lui dit : « Ma chère, il pa-
raît que ce jeune homme te plaît beaucoup,
puisque tu achètes toujours chez lui. — Fille
de mon maître, répondit la servante, Oupa-
f
oupta, le fils du marchand, qui est doué de
eauté, de talent et de douceur, passe sa vie
à observer la Loi. » Ces paroles éveillèrent
dans Vasavadatta de la passion pour Oupa-
goupta, et, quelques jours après, elle lui en-
voya sa servante pour lui dire : • Mon inten-
tion est d'aller te trouver; je veux me livrer
à l'amour avec toi. » La servante s'acquitta
de la commission; mais le jeune homme la
chargea de répondre à sa maîtresse : « Ma
sœur, il n'est pas temps pour toi de me voir. »
La courtisane s'imagina qu'Oupagoupta la
refusait parce qu'il ne pouvait pas donner le
prix qu'elle fixait d'ordinaire à ses faveurs.
Elle lui envoya donc la servante pour lui dire :
« Je ne demande pas au fils de mon maître
un seul kurshapana; je veux, seulement me
livrer à l'amour avec lui. » Mais Oupagoupta
lui fit répondre encore : • Ma sœur, il n'est
pas temps pour toi de me voir. • A quelque
temps de là, Vasavadatta, pour se vendre à
un riche marchand qui la convoitait, assas-
sina un de ses amants, dont elle craignait la
jalousie. Le crime ayant été découvert, le roi
de Mathoura donna l'ordre qu'on coupât les
mains, les pieds, les oreilles et le nez à la
courtisane, et qu'on l'abandonnât ainsi muti-
lée dans le cimetière. Apprenant que ce sup-
plice venait d'être infiigé à Vasavadatta, Ou-
pagoupta se dit : * Quand son corps était
couvert de belles parures et de riches orne-
ments, le mieux était de ne pas le voir, pour
ceux qui aspirent à l'affranchissement et qui
veulent échapper à la loi de la renaissance.
Mais aujourd'hui que, mutilée par le glaive,
elle a perdu son orgueil, son amour et sa
joie, il est temps de la voir. » Alors Oupa-
goupta se rend au cimetière avec une démar-
che recueillie. Vasavadatta le voyant debout
devant elle lui dit : « Fils de mon maître,
quand mon corps était doux comme la fleur
du lotus, qu'il était orné de parure et de vê-
tements précieux, qu'il avait tout ce qui peut
attirer les regards, j'ai été assez malheureuse
pour ne point te voir. Aujourd'hui, pourquoi
viens-tu en ce lieu contempler un corps dont
on ne peut supporter la vue, qu'ont aban-
donné tes jeux, le plaisir, la joie et la beauté,
qui n'inspire que l'épouvante, et qui est souillé
de sang et de boue? — Ma sœur, lui répond
Oupagoupta, je ne suis pas venu naguère au-
près de toi, attiré par l'amour du plaisir; mais
je viens aujourd'hui pour connaître la vérita-
ble nature des misérables objets des jouis-
sances de l'homme. » Puis il console Vasava-
datta par l'enseignement de la Loi ; et ses
discours, portant le calme dans l'âme de l'in-
fortunée, elle meurt en faisant un acte de foi
au Bouddha.
On connaît maintenant la morale bouddhi-
que. Oupagoupta, Kounala, voilà les types
qu'elle offre à notre admiration. Doit-on voir
en ces types des fictions ou des produits réels
et historiques du bouddhisme? La question
est de peu d'importance. Il suffit qu'ils repré-
sentent la conception bouddhique de la vertu,
de la sainteté, de l'héroïsme ; qu'ils représen-
tent l'homme selon le cœur du bouddhisme.
C'est la nature de cette vertu, de cette sain-
teté, de cet, héroïsme^ qu'il convient d'exa-
miner.
— Examen comparatif de la morale boud~
dkique et de la morale chrétienne. Entre la
morale bouddhique et la morale chrétienne,
réduite à ses éléments propres, il y a, comme
on a pu le voir, des analogies frappantes. Ces
analogies portent sur les points suivants : les
vertus bouddhiques et les-vertus chrétiennes
sont exclusivement privées, j'allais dire fé-
minines ; le bouddhisme et le christianisme
ignorent les vertus viriles, les vertus mili-
taires, politiques, sociales; ils ont fait des
saints; ils n'ont jamais fait de citoyens : ils
ont arraché l'homme à, l'esprit de famille, à
l'esprit de caste et à l'esprit de patrie, en lui
parlant de son salut individuel et ultravital
et du salut universel; ils ont répandu dans le
monde, et pour ainsi dire vulgarisé, la sain-
teté et la charité, aux dépens du courage mili-
taire et de l'énergie civique ; ainsi ont-ils pu
prêcher à l'homme et à la femme le même
idéal de vie et la même méthode de salut, et
proclamer l'égalité morale et religieuse des
deux sexes, par cette raison impossible à mé-
connaître, qu'ils ont tendu à supprimer le rôle
social de la force en supprimant l'action, et à
dépouiller l'homme de sa virilité ; enfin, uni-
quement préoccupés d'une perfection chimé-
rique, ils ont plané dans un vol sublime, in-
terrompu souvent par de lourdes et honteuses
chuteSj au-dessus du droit et de la justice, et
n'ont rien donné à l'humanité sous ce rapport.
On explique ces analogies par la similitude
des milieux et des circonstances dans lesquels
le bouddhisme et le christianisme ont paru. Les
deux religions, les deux morales, sont nées
du désespoir, au sein de sociétés abattues,
abaissées, courbées sous un joug qu'il pa-
raissait impossible de secouer. Dans un tel
état social, qui était celui de l'Inde brah-
manique à l'époque de Çakya-mouni et du
monde gréco-romain à l'époque de Jésus,
la réaction de la conscience contre l'in-
justice régnante et invincible ne pouvait
| prendre d'autre forme que celle de l'amour et
. dn sacrifice. « Il semble, au premier abord,
dit M. Ch. Renouvier, que la réaction de l'é-
nergie morale dans les sociétés livrées à la
force et au mensonge, parvenues au dernier
degré de l'abaissement, devrait • se produire
par un retour à la justice et à la liberté ; mais
il n'en est rien : sous la pression de pouvoirs
si bien établis qu'ils font corps avec l'appa-
rente nécessité des choses, et si indestructi-
bles que les mêmes passions qui les renver-
sent quelquefois les relèvent aussitôt, les
hommes ont désespéré de la justice et ne re-
trouvent la liberté que dans les profondeurs
de la conscience isolée du monde. C'est alors
f
iar le cœur, et non par la raison, que la mora-
ité renaît. Elle renaît de ses cendres, et la
! loi qui la ramène est celle qui lie les extrêmes
| dans la passion humaine et les fait sortir l'un
j de l'autre, au grand étonnement des observa-
teurs superficiels. On voit la force gouverner
les événements : on se voue à la passivité.
! On voit la vie emportée sur les hauteurs so-
I ciales par une activité sans frein et qui ne
j produit rien de durable, usée dans les bas-
fonds par les misérables soucis de l'existence
I à soutenir: on embrasse la vie contemplative.
On plaint la triste multitude empressée à la
recherche de plaisirs qui se fondent en amer-
tume : on renonce au plaisir, on renonce à la
sensation même et au sentiment de soi, s'il
était possible. On se dit : tout est mensonge,
et l'injustice règne; je renoncerai à la parole
comme à l'acte, et j'ignorerai l'in;ustice, et
j'ignorerai jusqu'à la justice. Enfin, le souve-
rain principe du mal étant évidemment de se
faire centre de tout, et de sacrifier, autant
qu'on le peut, tous les autres à soi, le souve-
rain principe dû bien sera de se perdre dans
le tout et de se sacrifier soi-même. Le don de
soi, le sacrifice de soi paraît alors le dernier
mot de la moralité. »
M. Taine, en un brillant et éloquent ta-
bleau, nous fait assister à cette réaction de
l'amour contre les abus de la force, qui s'est
produite deux fois, dans l'Inde et dans l'Occi-
dent, à cinq siècles de distance, et qui nous a
donné le bouddhisme et le christianisme.
« Dans la société brahmanique, dit-il, le des-
potisme est partout ; de toutes parts, l'action
est barrée et la volonté brisée. Dans lénerve-
ment général, les royautés militaires se sont
changées en tyrannies arbitraires, et les sup-
f
tlices, les exactions, les dévastations, toutes
es misères des gouvernements orientaux ont
commencé. Les barrières des castes sont in-
franchissables, et chacun est lié à son état
comme par une chaîne de fer. Bien plus, tous
les moments et toutes les parties de la vie
sont réglés, et il n'y a plus dans l'homme un
seul mouvement qui soit libre. La tyrannie
ecclésiastique, bien plus étroite que la tyran-
nie laïque, n'a rien laissé chez lui qu'elle n'ait
lié et garrotté... Rien de plus approprié que
le bouddhisme à l'état des âmes sous cette
double tyrannie. Ce qu'il y a de plus voisin
de l'abattement profond, c'est le renoncement
à soi-même. L'indignation, les convoitises, tous
les âpres désirs, militants ou absorbants, se
s'ont affaissés; on peut marcher sur l'homme
sans le mettre en colère; il ne songe plus
à se relever; à force d'être tombé, il trouve
naturel d'être à terre ; quand on lui parle de
lui, il lui semble que c'est d'un étranger; il
ne tient plus à lui-même ; les objets beaux et
brillants le laissent inerte; sa sensibilité est
usée ; il est tout prêt à recevoir le précepte
de l'abnégation infinie... Arrivé à cet état,
l'homme semble dénaturé, pareil à une pierre,
capable de tout souffrir, mais incapable de
rien aimer. C'est justement dans ce renonce-
ment parfait que la charité trouve sa racine j
car la délivrance à laquelle aspire Çakya-mouni
n'est pas seulement la sienne, c'est encore
celle de toute créature... Dans son idée de la
souffrance, il y a l'idée de te. souffrance des
autres; au fond de sa tristesse, il y a la com-
passion. La voilà, la parole unique, la bonne
nouvelle qui relèvera et consolera tant de
misérables ; c'est elle qu'attendaient tous
ces cœurs défaillants ou désespérés. Au
fond de l'extrême douleur et dans 1 abîme sans
issue, quand l'énergie et l'àpreté des passions
viriles ont été brisées, quand l'âme délicate
et l'organisation nerveuse, à force de froisse-
ments, sont tombées dans la résignation et
ont renoncé à la résistance; quand les larmes
à force de couler sont taries, quand un faible
et triste sourire erre languissamment sur les
lèvres pâlies ; lorsque, à force de souffrir,
l'homme a cessé de penser à sa souffrance,
quand il se détend et se déprend de lui-même,
alors souvent, comme un murmure, s'élève
dans son cœur une petite voix douce et tou-
chante ; et ses bras, qui n'ont plus de vigueur
pour combattre,'retrouvent un dernier reste
de farce pour se tendre vers les malheureux
qui pleurent à côté de lui...
» Cinq siècles plus tard, parmi les frères
occidentaux des conquérants de l'Inde, parut,
après une élaboration presque semblable, une
rénovation presque semblable, et de tous les
événements de l'histoire, cette concordance
est le plus grand... Pendant quinze cents ans,
les mœurs et la morale virile avaient régné sur
les bords de la Méditerranée comme dans la
péninsule de l'Indoustan. L'homme fort et
armé avait conquis la terre, défriché le sol,
établi des cités, détruit ou asservi les races
inférieures, construit des épopées, des mythes,
des sciences, des morales, des philosophies,
et s'était contemplé orgueilleusement lui-même
dans la légende de ses héros et de ses dieux.
Il avait conçu comme le bien suprême le dé-
veloppement de ses facultés et l'accroisse-
ment de sa puissance. Si le brahmane avait
voulu devenir un dieu dans le ciel,le Grec et
le Romain avaient voulu devenir des dieux
sur la terre, et leur œuvre, comme la sienne,
s'était défaite par l'exagération du senti-
ment qui la faisait. Le noble athlète grec
était devenu un dilettante et un sophiste, et
les belles cités, heurtées les unes contre les
autres, s'étaient affaiblies jusqu'à tomber sous
la main des barbares qui les entouraient.
L'énergique citoyen romain était devenu le
soldat, puis le sujet de ses capitaines, et le
grand empire qu'il avait étendu sur tant de
peuples s'était changé en une machine d'op-
pression régulière dans laquelle, avec les au-
tres, H demeurait pris. La servitude, après
avoir usé les races inférieures, usait les races
nobles, et la force, intronisée avec, la monar-
chie militaire, se dressait au milieu de toutes
ces vies captives, comme une muraille d'ai-
rain contre laquelle nul effort ne prévalait.
On ne pouvait plus dire à l'homme d'agir et
d'être fort, de se défendre et d'oser, de repous-
ser violemment la violence. Il était dans le
piège, et l'ancien héroïsme, des races militan-
tes et fières n'avait plus d'emploi... Il fallait
toucher un nouveau ressort d'action, le même
que dans l'Inde, et, de même que dans l'Inde,
la morale fit volte-face. * On te frappe : ne
rends pas, selon la loi antique, blessure pour
blessure. Cette loi, qui depuis quinze cents
ans gouverne les hommes, n'a fait d'eux que
des combattants, des vainqueurs et des vain-
cus. Ce n'est pas assez de renoncer a la co-
lère et à la vengeance, de mépriser l'injure
et de subir froidement l'injustice. Tends les
bras tendrement vers.celui qui t'a frappé.
Tends l'autre joue, laisse-le prendre ton bien,
donne-lui ce qu'il n'a pas pris encore; aime-
le, c'est ton irère ; par-dessus les royaumes
visibles, il y a le royaume de Dieu, cité idéale
où il n'y a qu'abnégation et tendresse, où tous
n'ont qu'un cœur, celui du père commun qui
vous aime et vous unit. «Voilà le grand senti-
ment qui, dans notre continent, a renouvelé la
volonté humaine. Il est plus borné, il ne s'é-
tend pas aux animaux, comme dans l'Inde; il
est moins méthaphysique et ne s'appuie pas
sur l'idée du néant universel, comme dans
l'Inde ; mais il est plus mesuré et plus sain
que dans l'Inde ; il laisse une plus grande part
à l'action et à l'espérance, il ne conduit pas
au quiétisme inerte, à la résignation morne ;
il convient à des esprits plus pratiques, à des
âmes moins malades, à des imaginations plus
sobres. Il est européen et non asiatique. »
Nous avons signalé les analogies qui exis-
tent entre la morale bouddhique et la morale
chrétienne, et, donnant la parole à MM. Re-
nouvier et Taine, montré comment, selon ces
penseurs, la rénovation de la conscience, ac-
complie Jeux fois dans les mêmes conditions
et par le même ressort moral, par le même
sentiment, a dû naturellement aboutir deux
fois à peu près au même résultat. Il nous reste
à pénétrer les différences que voilent ces ana-
logies. Cest, dirons-nous d'abord, une théo-
rie beaucoup trop simple et trop générale que
celle qui prétend tirer du milieu social et du
moment historique l'explication de toutes les
créations intellectuelles, morales, religieuses.
Le milieu social et le moment historique ex-
pliquent l'expansion et le succès d'une doc-
trine; ils n'en expliquent pas la conception,
l'invention. Il faut rendre à l'individualité ce
qui lui appartient. Mais, dira M. Taine, l'indi-
vidualité elle-même est le résultat du milieu
intellectuel; Çakya-mouni est le produit du
panthéisme brahmanique, de la théorie du mal
régnante dans l'Inde et de l'idée de la trans-
migration ; Jésus est le produit du mono-
théisme judaïque et de 1 idée messianique.
Nous accordons que cela est vrai dans une
certaine mesure ; mais en ajoutant aussitôt
que tout, dans l'individualité, ne vient pas du
milieu intellectuel, que le principal facteur do
l'individualité, c'est la liberté, qui n'est conte-
nue et qu'on ne peut faire rentrer dans aucun
antécédent; la liberté, principe de toute idée
comme de toute réalisation nouvelle, principe
du génie comme de l'héroïsme, principe de toute
réaction contre le passé et le présent, contre
la tradition et l'opinion.. Grands hommes si-
gnifie hommes libres. Les grands hommes
sont des révolutionnaires, des initiateurs, et
non des représentants fournis par les circon-
stances à des idées dont le jour était amené
par une évolutiqn nécessaire.
La morale bouddhique est née d'une mélan-
colie profonde , d'une incurable tristesse ,
d'un pessimisme absolu. Sa physionomie est
bien en rapport avec le caractère de Çakya-
mouni, tel qu'il nous apparaît dans les légen-
des; caractère trop vrai, trop vivant, pour
être un fiction. C'est bien la morale établie
par un prince poursuivi, absorbé par l'idée
fixe du néant de la jeunesse, de la santé et de
la vie (V. BOUDDHA), et qui, lassé et désabusé
des plaisirs faciles et des désirs promptement
satisfaits, en vient, par une réaction qui est
dans la nature, à nier le plaisir comme un
mensonge, età condamner le désir comme un
»mal. A cette négation et à cette condamnation
son esprit a pu, sans doute, être conduit par la
spéculation brahmanique, qui lui montrait l'o-
rigine du mal liée à l'origine du monde, la dé-
chéance liée à l'existence, l'expiation liée à la
vie; mais il est clair que c'est là une vérité
qu'il a sentie dans son cœur par l'expérience,
et non simplement déduite par le raisonne- "
i l .
134
1066 BOUD
BO.UD
BOUD BOUD
ment; elle n'est pas restée dans la sphère de
l'intelligence et de la certitude logique ; elle a
conquis, dominé l'âme tout entière; elle est
devenue cette conviction émue et passionnée,
cette foi absolue qui transporte les montagnes,
c'est-à-dire qui ignore l'obstacle et fait l'im-
possible.
La douleur est le fond réel de la vie et de
toute vie concevable: le désir est le fond réel
du mal et de tout mal : telles sont les prémis-
ses de la morale bouddhique. Avec de telles
prémisses, on comprend que cette morale ne
pouvait être que négative. Les commande-
ments du bouddhisme ne sont que des néga-
tions, des aversions ; toutes les vertus qu'il
prêche consistent dans l'extinction de quelque
espèce de désirs; le bonheur qu'il promet est
négatif, c'est la cessation de la douleur; le sa-
lut qu'il fait espérer et qu'il invite à poursui-
vre est négatif, c'est la fin de la vie présente
et des vies successives, c'est le Nirvana.
Voilà, une première distinction, et une distinc-
tion essentielle, entre la inorale bouddhique et
la morale chrétienne-, dans la morale bouddhi-
que, la conception du mal est seule positive;
celle du bien est négative. En voici une autre,
non moins importante : là morale bouddhique
confond l'idée du mal moral avec celle du mal
physique, et par suite celle du bien moral avec
celle du bien physique, celle du devoir avec
celle de l'intérêt. Pour'Çakya-mouni, le but
n'est pas d'éviter et de détester le vice : ce
n'est que. le moyen ; le but est d'atteindre
au Nirvana, c'est-à-dire d'échapper, en sup-
primant en soi le désir, à la douleur, à la
maladie, à la vieillesse, à la mort et à la
transmigration. Quand Oupagoupta résiste
aux séductions de la belle Vasavadatta, ce
n'est pas en se disant que la continence est
un devoir, c'est-à-dire une fin en soi, une
fin qui s'impose comme loi souveraine à
l'homme raisonnable j c'est en pensant qu'il est
mieux, pour ceux qui aspirent k l'affranchis-
sement et qui veulent échapper à la loi de la
renaissance, de ne point aller voir cette
femme. Ainsi il calcule son salut, et, comme
il craint de le risquer en succombant, il s'ab-
stient, non par vertu, mais par intérêt. Cette
confusion du mal physique et du mal moral
nous paraît tenir au lien fatal qu'établit dans
l'esprit entre l'un et Vautre la croyance à la
transmigration. D'après cette croyance, le
mal physique s'attache au mal moral comme
l'ombre au corps ; il en est non-seulement la
conséquence nécessaire, mais encore l'expres-
sion certaine, le signe infaillible, si bien que
les deux idées, ne pouvant se séparer, finis-
sent par n'en plus faire qu'une seule. A la
suite de cette proposition : Tout démérite en-
traîne nécessairement une douleur, s'est glis-
sée celle-ci : Toute douleur révèle nécessaire-
ment un démérite, un péché, est nécessairement
une peine, une expiation. Il en résulte que les
deux idées de mal physique et de mal moral
sont également faussées. Qu'est-ce que c'est
qu'une peine, une expiation qui n'est pas ac-
compagnée de la conscience, de la mémoire
du démérite expié? Qu'est-ce que c'est qu'un
démérite qu'on expie sans le savoir?'
Mais, va-t-on dire, la morale chrétienne
ne confond-elle pas, elle aussi, le devoir avec
l'intérêt? Ne fait-elle pas, elle aussi, de la pra-
tique du bien un simple moyen du bonheur, du
salut? Nous répondons qu'en théorie, elle est
loin d'encourir ce reproche au même titre que
le bouddhisme, malgré l'appui solide et pré-
cieux, au point de vue pratique, qu'elle trouve
dans les idées de récompense et de peine, de
damnation et de salut, de paradis et d'enfer.
Son erreur est de considérer tous les devoirs
comme des moyens relativement au devoir
unique de faire la volonté du Père céleste,
d'aimer et de servir Dieu. Quant à ce devoir
unique, il est juste de dire qu'elle en fait vé-
ritablement une fin en soi, et par conséquent
qu'elle ne fausse pas l'idée du bien moral con-
sidéré d'une manière générale et abstraite.
La résignation, la patience courageuse, la
continence, l'humilité et la charité sont des
vertus dans le bouddhisme comme dans le
christianisme; mais,issues de principes diffé-
rents, elles n'ont pas le même caractère dans
les deux religions. La résignation et la pa-
tience bouddhiques naissent de l'indifférence et
de l'insensibilité qbtenues par la suppression
du désir ; la résignation et la patience chré-
tiennes, de la soumission à la volonté de
Dieu, qui permet que la souffrance atteigne
ses enfants pour leur amendement ou leur
perfectionnement. La continence bouddhique
n'est qu'une forme particulière du détache-
ment; si le bouddhiste combat l'appétit sexuel,
c'est à titre de désir, non de désir coupa-
ble; s'il le condamne plus que les autres dé-
sirs, c'est qu'il le juge plus violent et plus
intense; s'il repousse la jouissance volup-
tueuse, c'est comme vaine et mensongère,
non comme illégitime et indigne. • Ma sœur, dit
Oupagoupta à Vasavadatta mutilée, sanglante,
mourante, je ne suis pas venu naguère auprès
de toi, attiré par l'amour du plaisir ; mais je
viens aujourd'hui pour connaître la véritable
nature des misérables objets des jouissances
de l'homme. » La continence chrétienne re-
pose sur le devoir de soumettre la chair à
l'esprit, de respecter en soi et en autrui l'i-
mage de Dieu, le caractère d'enfant de Dieu,
de ne pas souiller cette image, do ne pas ef-
facer ce caractère en se livrant à une pas-
sion qui nous rapproche des animaux. Le
bouddhiste est humble, parce qu'au fond do
soi-même, comme de tuut le reste, il ne voit
que le néant et le vide, parce qu'il a sup-
primé en soi le désir de se grandir, comme
tout autre désir. Le chrétien est humble, parce
qu'il ne se reconnaît ni force propre, ni valeur
propre, ni mérite propre, et qu'il rapporte à la
grâce de Dieu tout ce qu'il y a de bon en lui.
On voit que les vertus bouddhiques ne sont
que des applications d'un même principe né-
f
atif, l'extinction du désir et de la passion ;
es conséquences, des cas particuliers de l'as-
cétisme. Chaque vertu chrétienne a, au con-
traire, son caractère spécial, son individualité.
Nous arrivons à la comparaison de la cha-
rité bouddhique et de la charité chrétienne.
D'abord la charité bouddhique, telle qu'on
peut la déduire logiquement du système, ne
peut être que passive. Elle consiste dans l'a-
bandon de soi plutôt que dans le don de soi.
Cette charité-là ne mérite réellement pas le
nom de charité ; elle détruit le moi, elle ne le
sacrifie pas ; elle a le même principe que les
autres vertus bouddhiques : résignation, con-
tinence, humilité. Le bouddhisme, il est vrai,
est allé plus loin, jusqu'à la charité active;
mais, il faut le dire, c'est en sortant de son
principe, en le dépassant. « Arrivé à cet état
(l'extinction du désir), l'homme, dit M. Taine,
semble dénaturé, pareil à une pierre, capable
de tout souffrir, mais incapable de rien aimer.
C'est justement dans ce renoncement parfait
que la chanté trouve sa racine. » Cette der-
nière phrase contient une erreur : la charité
active, l'amour ne saurait naître de l'indiffé-
rence, de l'insensibilité. Qui dit détachement
parfait, dit détachement de toutes choses et
de toutes personnes. Dans ce nihilisme pas-
sionnel périssent également et du même coup
l'égoïsme et l'altruisme. Nous en avons la
preuve dans la doctrine du philosophe chinois
Lao-tseu, la doctrine du Tao, presque contem-
poraine du bouddhisme. La morale de Lao-
tseu, comme celle de Çakya-mouni, condamne
le désir ; mais, de cette condamnation du dé-
sir, Lao-tseu tire cette conséquence, que « le
saint homme doit se renfermer dans le non-
agir, le silence, l'indifférence, l'absence d'af-
fections », nullement qu'il doit se préoccuper
du salut du inonde. La compassion active et
ardente, source du prosélytisme bouddhique,
était logiquement étrangère au système de
morale qui faisait l'objet de ce prosélytisme.
C'est par une inconséquence qui l'honore,
mais par une inconséquence réelle, que Çakya-
mouni, dans la guerre qu'il déclarait "à tous
les désirs, à toutes les passions, conserva
dans son cœur et voulut allumer dans tous
les cœurs le désir, la passion de la délivrance
universelle ; c'est grâce à cette inconséquence
qu'il fonda une religion. La compassion géné-
reuse du Bouddha est si peu contenue dans
sa doctrine, qu'après être parvenu à la science
parfaite à Bodhimanda, sous l'arbre Bodhi-
drouma, il se demande un moment lequel est
le plus sage de fermer la main sur la vérité
qu il possède, ou de l'ouvrir pour la commu-
niquer aux hommes, au risque de s'exposer à
leurs insultes. Le sentiment de compassion .qui
lui fait prendre le second parti est, qu'on le
remarque bien, tout spontané, et ne lui appa- '
ralt nullement comme un devoir. V. BounouA.
Vous aimerez Dieu par-dessus toutes choses
t
et vos semblables comme vous-mêmes pour l'a-
mour de Dieu : voilà la charité chrétienne ;
elle se pose comme un commandement; elle
se ramène au principe unique de tous les de-
voirs dans une religion monothéiste. M. Taine
trouve qu'elle est plus bornée que la charité
bouddhique, en ce qu'elle ne s'étend pas aux
animaux ; qu'elle est moins métaphysique, en
ce qu'elle ne s'appuie pas sur l'idée du néant
universel. Mais c'est précisément l'absence
de ces deux caractères qui ne permet pas
de lui comparée la charité bouddhique. L'é-
tendue de la charité bouddhique vient de la loi
de transmigration, qui la fausse, en faisant
l'homme et l'animal semblables et égaux de-
vant elle, et qui, en la faussant, la rend non-
seulement étrangère, mais contraire à toute
notion de justice;-qui, en un mot, lui ôte sa di-
gnité, et par là même son énergie et son effi-
cacité pratique. Quant à l'idée du néant uni-
versel , elle ne peut produire, nous l'avons
déjà dit, que l'indifférence torpide, l'insensibi-
lité, la passivité, l'inertie, le non-agir et le non-
aimer; elle est logiquement incompatible avec
la charité active, avec l'amour; nous avons
vu qu'en fait, la charité bouddhique était sor-
tie du grand cœur de Çakya-mouni, et qu'elle
n'avait nulle base métaphysique dans son
système. 11 est inutile a'ajouter que l'idée
chrétienne de la paternité divine donne un
tout'autre appui à la fraternité humaine que
le nihilisme bouddhique.
On sait que la charité chrétienne s'élève au
pardon des offenses. En est-il de même de la
charité bouddhique? M. Barthélémy Saint-Hi-
laire le croit. « Quoique le Bouddha, dit-il,
n'ait pas fait du pardon des offenses un de ses
préceptes étroits, sa doctrine tout entière
mène à cette tolérance mutuelle dont les hom-
mes en société ont tant besoin. La croyance
même de la transmigration l'aidait singulière-
ment. Devant une insulte, un outrage,une vio-
lence, le premier sentiment du bouddhiste
n'est pas de s'emporter. Il ne s'indigne pas,
attendu qu'il ne croit pas à l'injustice. 11 se
dit que, dans une existence antérieure, il a
commis tel péché qui, dans celle-ci, lui attire
et lui mérite tel châtiment. Il ne s'en prend
qu'à lui seul du malheur qui le frappe, et, au
lieu d'accuser son ennemi ou son oppresseur,
il n'accuse que lui-même. Loin de penser à se
venger, il ne voit qu'une leçon dans les maux
•qu'il endure; et son unique soin, c'est d'éviter
désormais la faute qui les a rendus néces-
saires, et qui, en se renouvelant, renouvelle-
rait aussi la punition qui a déjà dû la suivre.
Quand le jeune prince Kounala est soumis à
un supplice aussi douloureux qu'inique, il par-
donne a la marâtre qui le poursuit, il pardonne
à un père abusé, et il
n
© pense qu'aux fautes
f
lassées par lesquelles il a provoqué contre
ui-même tant de désastres et d'afflictions. »
Supporter n'est pas la même chose que par-
donner ; le bouddhiste ne songe pas à se ven-
ger, il supporte sans s'indigner l'injustice dont
H est victime; le chrétien pardonne; il y a là
une distinction importante à faire. Ici encore
la vertu du bouddhiste est négative et pas-
sive; dans le pardon chrétien, il y a quelque
chose de positif et d'actif. Pardonner une of-
fense, c'est la constater, c'est reconnaître que
le coupable a besoin de ce pardon; c'est, en
un certain sens, affirmer la justice tout en la
subordonnant à une vertu jugée supérieure,
tout en refusant de l'invoquer au profit de sa
passion ou de son intérêt. Dans la morale
bouddhique, je vois la résignation absolue à
l'injustice, nullement le pardon des offenses.
Cette idée de pardon est étrangère au boud-
dhisme ; la croyance à la transmigration en
éloigne, au lieu d'y conduire. « Le bouddhiste
ne s indigne pas, dit naïvement M. Barthélémy
Saint-Hilaire, attendu qu'il ne croit pas à l'in-
justice. » S'il ne croit pas à l'injustice, — et la
loi de la transmigration, en lui présentant le
mal qu'il endure comme le châtiment de ses
fautes passées, ne lui permet pas d'y croire,—
s'il ne s'en prend qu'à lui seul du malheur qui
le frappe, il est clair que l'idée de pardonner
ne lui peut venir à l'esprit. Lors donc que
M. Barthélémy Saint-Hilaire nous montre le
prince Kounala, victime d'un ordre cruel, par-
donnant à la marâtre qui le poursuit, pardon-
nant à un père abusé, il se sert de termes
inexacts. Le prince Kounala ne peut pardon-
ner, précisément parce qu'il ne peut accuser,
parce que la loi de transmigration ne lui laisse
pas la conscience, le sentiment intime de son
innocence.
— Influence sociale de la morale et de la dis-
cipline bouddhiques. Toute religion prosélyti-
que et universaliste est égalitaire. Appelant
tous les hommes à la même perfection et au
même bonheur, elle tend à abaisser devant la
nouvelle et commune conscience qu'elle leur
apporte les barrières traditionnelles qui sépa-
raient les familles, les conditions, les races,
les peuples. Elle y tend par la place qu'elle
fait à la charité et à l'humilité dans sa morale ;
elle y tend par une organisation sacerdotale
qui repousse l'hérédité des fonctions reli-
gieuses. C'est ainsi que l'on a pu représenter
le bouddhisme comme ayant, dans la, mesure de
son triomphe et de ses progrès, détruit le sys-
tème des castes en Asie, le christianisme
comme ayant conduit à l'abolition de l'escla-
vage en Europe. La vérité est que ni le boud-
dhisme ni le christianisme n'ont jamais con-
damné directement : le premier, la division de
la société en castes ; le second, l'esclavage. Ils
ne le pouvaient, parce qu'en réalité ils n'ap-
portaient pas à la conscience une nouvelle
conception de la justice qui pût servir de base
à cette condamnation. Ils s'occupaient des con-
ditions de la sainteté et des degrés de la perfec-
tion, des moyens par lesquels on arrive au
Nirvana, des mérites par lesquels on gagne le
ciel; nullement du droit strict, nullement des
rapports juridiques qui doivent exister sur la
terre. Le christianisme a commandé à l'homme
. d'aimer l'homme comme son frère ; il ne lui a
pas interdit de posséder ce frère comme une
chose ; il a ajourné l'égalité du maître et de
l'esclave à l'autre vie. Le bouddhisme a vu et
accepté dans les castes la conséquence fatale
de la loi fatale delà transmigration ; il a pro-
fessé que le seul moyen d'échapper à la con-
séquence était d'échapper à la loi par le Nir-
vana, c'est-à-dire par la fin des renaissances.
Personne mieux qu'Eugène Burnouf n'a
saisi le sens, la portée et les limites de l'action
du bouddhisme sur le système des castes. <• Les
castes, dit le savant philologue, paraissent,
dans tous les Soutras, comme un fait établi
contre lequel Çakya-mouni ne fait pas une
seule objection. Cela est si vrai que, quand un
homme attaché au service d'un prince voulait
embrasser la vie religieuse, ÇaKya-rnouni ne
le recevait qu'après que le prince y avait
donné son assentiment... Çakya-mouni admet-
tait la hiérarchie des castes; il l'expliquait
même, comme faisaientles brahmanes, par la
théorie des peines et des récompenses: et
chaque fois qu'il instruisait un homme d une
condition vile, il ne manquait pas d'attribuer
la bassesse de sa naissance aux actions cou-
pables que cet homme avait commises dans
une vie antérieure. Convertir un homme quel
qu'il fût, c'était donc pour Çakya-mouni lui
donner le moyen d'échapper a la loi de trans-
migration; c'était le relever du vice de sa
naissance, absolument et relativement ; absolu-
ment, en le mettant sur la voie d'atteindre un
jour à l'anéantissement définitif où, comme le
disent les textes, cesse la loi de la renaissance ;
relativement) en en faisant un religieux comme
Çakya-mouni lui-même, qui venait prendre
rang, suivant son âge, dans rassemblée des
auditeurs du Bouddha. Çakya-mouni ouvrait
donc indistinctement à toutes les castes la voie
du salut, que la naissance fermait auparavant
au plus grand nombre ; et il les rendait égales
entre elles et devant lui, en leu; conférant
l'investiture religieuse. Sous ce dernier rap-
port, il allait plus loin que les philosophes Ka-
pila et Patandjali, qui avaient commencé une
œuvre h peu près semblable à celle qu'accom-
plirent plus tard les bouddhistes. En attaquant
comme inutiles les œuvres ordonnées par le
Véda, et en leur substituant la pratique d'un
ascétisme tout individuel, Kapila avait mis à
la portée de tous, en principe du moins, sinon
en réalité, le titre d'ascète, qui jusqu'alors
était le complément et le privilège à peu près
exclusif de la vie du brahmane. Çakya-mouni
fit plus; il sut'donner à des philosophes isolés
l'organisation d'un corps religieux. Là se
trouve l'explication de ces deux faits, la faci-
lité avec laquelle a dû, dans le principe, se
ropager le bouddhisme, et l'opposition que le
ranmanisme a naturellement faite à ses pro-
rès. Les brahmanes n'avaient pas d'objection
lui adresser, tant qu'il se bornait à travail-
ler en philosophe à la délivrance future de
l'homme, à lui assurer l'affranchissement que
je nommais tout à l'heure absolu ; mais ils ne
pouvaient admettre lapossibilité de cet affran-
chissement relatif, qui ne tendait à rien moins
qu'à détruire, dans un temps donné, la subor-
dination des castes en ce qui touchait la reli-
gion. Voilà comment Çakya-mouni attaquait
dans sa base le système indien, et pourquoi il
devait arriver un moment où les brahmanes,
placés à la tête de ce système, sentiraient le
besoin de proscrire une doctrine dont les con-
séquences ne pouvaient leur échapper On
voit maintenant, si je ne me trompe, comment
il faut entendre ce célèbre axiome d'histoire
orientale, que le bouddhisme a effacé toute dis-
tinction de caste. Les écrivains qui ont répété
cette assertion l'ont vue vérifiée par la consti-
tution des peuples chez qui règne aujourd'hui
le bouddhisme. Cette vérification rencontre
cependant une exception capitale, à laquelle on
n'a pas fait une attention suffisante; car, si la
distinction des castes est inconnue aux na-
tions bouddhistes du Thibet, du Birman et de
Siam, elle n'en est pas moins très-solidement
établie chez le peuple qui a le premier adopté
le bouddhisme, chez les Sînghalais Com-
ment le principe de la distinction des castes
s'est-il concilié avec l'esprit de la doctrine du
Bouddha, c'est-à-dire quelle concession l'un
a-t-il faite à l'autre ? Voici comment doivent
s'être passées les choses, à en juger du moins
par les effets. Le sacerdoce a cessé d'être hé-
réditaire, et le monopole des choses religieuses
est sorti des mains d'une caste privilégiée. Le
corps chargé d'enseigner la loi a cessé de se
perpétuer par la naissance ; il a été remplacé
f
iar une assemblée de religieux voués au cé-
ibat, qui se recrutent indistinctement dans
toutes les classes. Le religieux bouddhiste,
enfin, qui tient tout de l'enseignement et d'une
sorte d investiture, a remplacé le brahmane,
qui ne devait rien qu'à sa naissance, c'est-à-
dire à la noblesse de son origine. Voilà, sans
contredit, un changement fondamental, et c'en
est assez pour expliquer l'opposition que les
brahmanes ont faite à la propagation et à
l'application des principes du Bouddhisme.
C'est qu'en effet les brahmanes disparais-
saient dans le nouvel ordre de choses créé par
Çakya-mouni. Du moment que la naissance ne
suffisait plus pour les placer au-dessus des au-
tres castes ; du moment que, pour exercer une
action religieuse sur le peuple, il leur fallait
se soumettre à un noviciat, recevoir une in-
vestiture qui ne leur donnait pas plus de droits
qu'au dernier des esclaves, et se placer dans
une hiérarchie fondée sur l'âge et le savoir,
à côté des hommes les plus méprisés, les
brahmanes n'existaient plus de fait. Au con-
traire , l'existence des autres castes n'était
nullement compromise par le bouddhisme.
Fondées sur une division du travail que per-
pétuait la naissance, elles pouvaient subsister
sous la protection du sacerdoce bouddhique,
auquel elles fournissaient toutes indistincte-
ment des religieux et des ascètes. Autant les
brahmanes devaient ressentir d'aversion pour
la doctrine de Çakya-mouni, autant les hom-
mes des classes inférieures devaient l'accueil-
lir avec empressement et faveur ; car, si cette
doctrine abaissait les premiers, elle relevait
les seconds, et elle assurait dès cette vie au
pauvre et à l'esclave ce que le brahmanisme
ne lui promettait même pas pour l'autre, l'a-
vantage de se voir, sous le rapport religieux,
l'égal de son maître. Les observations précé-
dentes expliquent suffisamment le fait remar-
quable de la coexistence des castes indiennes
et du bouddhisme sur le sol de Ceylan. Il n'est
f
ias besoin de supposer, comme l'a fait Guil-
aume de Humboldt, que la distinction des
castes a exercé sur le caractère des Singha-
lais une action moins profonde que sur celui
des Indiens du continent; car on ne manque-
rait pas de preuves pour établir que la caste
militaire est aussi jalouse à Ceylan o,u'ailleurs
des privilèges qu'elle doit à la naissance, et
les rois singhalais ont montré, eh plus d'une
occasion, qu ils comprenaient peu les principes
d'égalité auxquels le sacerdoce bouddhique
doit son existence et dont il s'attache à con-
server le dépôt. Il y a plus :1a caste militaire,
celle des Kshattriyas, est toujours dans les
listes singhalaises nommée la première, avant
même celles des brahmanes. Là se reconnaît
l'infiuçnce du bouddhisme, qui, en enlevant à la
caste brahmanique la supériorité qu'elle tenait
de la naissance, a naturellement laissé le
champ libre à la caste militaire. Mais cette
influence, qui a pu favoriser le déplacement
des grandes divisions de la société telle que
BOUD BOUD
BOUD
BOUD 1067
l'avaient organisée les brahmanes, n'a pas
anéanti ces divisions, ni détruit entièrement
l'esprit sur lequel elles reposent. Les castes
ont continué de subsister; seulement, les divi-
sions qui en sont l'effet sont devenues pure-
ment politiques, de-religieuses qu'elles étaient
auparavant. L'exemple de l'île de Ceylan per-
met de supposer que le phénomène de la
coexistence du bouddhisme et des castes s'est
également produit dans l'Inde à des époques
anciennes, et la lecture des Soutras confirme
pleinement cette supposition. »
Ainsi, ce que le bouddhisme niait directement,
c'était la caste brahmanique ; et il niait la caste
brahmanique en lui ôtant sa raison d'être, sa
mission, sa fonction sociale, et en transpor-
tant cette mission, cette fonction à une as-
semblée de religieux sortis de toutes les cas-
tes : de là l'abaissement relatif des brahmanes,
et l'élévation relative des kshattriyas; les
premiers avaient perdu le privilège d'ensei-
gner^fc de garder la loi; les seconds n'étaient
nullement atteints dans celui qu'ils avaient de
protéger la société ; tout naturellement, les
premiers devaient perdre leur primauté dans
la hiérarchie sociale, et les seconds se placer
au premier rang. Considéré au point de vue
purement politique, le bouddhisme apparaît
comme la revanche de la caste militaire, au-
trefois vaincue et en partie exterminée par
celle des brahmanes. Notons que le fondateur
du bouddhisme est un kshattryia. C'est un
kshattryia qui bat les brahmanes avec leurs
propres armes, c'est-à-dire en se faisant as-
cète comme les plus parfaits et les plus sages
d'entre eux, et qui leur ravit le sceptre de la
sainteté et de la science. Notons encore que
la caste brahmanique se trouve découronnée
par son propre idéal de la sainteté conduit à
ses légitimes conséquences. L'ascétisme donne
• lé célibat, qui nie la sainteté héréditaire, et
par là même le privilège de la naissance, en
ce qui concerne l'autorité religieuse. Sevrés
des plaisirs charnels, astreints au célibat, les
saints ne peuvent faire souche ; la sainteté ne
vient donc pas de la naissance ; elle doit donc
s'acquérir; elle est donc individuelle. Essen-
tiellement acquise et individuelle, elle est hors
des castes et au-dessus des castes ; elle peut
tenter l'ambition et solliciter l'effort d'un
kshattryia comme d'un brahmane. Or c'est
cette chose individuelle, étrangère et supé-
rieure au principe des castes, qui doit régner
en matière religieuse : tout le bouddhisme est là.
L'action exercée par le bouddhisme sur les
peuples qui l'ont accueilli consiste surtout dans
l'adoucissement des mœurs, et la pacification
sociale. Dans la Mongolie, au Thibet, à Ceylan,
partout où elle a pris l'empire, la religion du
Bouddha a fait prédominer les affections bien-
veillantes sur les passions violentes et des-
tructives. On connaît Gengiskhan et Tamer-
lan, leur férocité et leurs dévastations, les
pyramides construites.avec des têtes humaines,
les tours maçonnées avec des corps d'hommes
et du mortier. Aujourd'hui les meurtres et le
pillage sont aussi rares en Mongolie que dans
l'Europe civilisée; et ce remarquable change-
ment ne peut être attribué qu'au bouddhisme.
a Ce sont les apôtres du bouddhisme, dit Abel
Rémusat, qui les premiers ont osé parler de
morale et de devoirs aux farouches conqué-
rants qui venaient d'envahir et de dévaster
l'Asie. Au temps de Gengis, une égale.férocité
distinguait les nations de race turque et celles
de race mongole, que la force avait momenta-
nément réunies sous ses lois. Les premières
sont toutes restées attachées à l'islamisme, et
le fanatisme d'un culte intolérant n'a fait que
renforcer leurs habitudes turbulentes et leur
disposition au carnage et à la rapine. Au con-
traire, les nations mongoles ont successivement
embrassé la religion bouddhique, et le chan-
gement qui s'est opéré dans leurs mœurs n'a
pas d'autre cause. Aussi pacifiques mainte-
nant qu'ils étaient autrefois remuants et in-
m
dociles, ils se livrent exclusivement au soin
" des troupeaux. nLesïhibétains, que leur triste
et stérile climat retenait dans une barbarie
révoltante, qui mangeaient leurs morts, qu'on
pouvait comparer aux loups affamés des neiges
sont devenus un peuple doux, lettré et presque
cultivé. Les rancunes atroces, les emporte-
ments sanguinaires, la violence effrénée des
Siamois se sont tempérés à tel point, qu'à
Bangkok, une ville dé 400,000 habitants, il n'y
a presque jamais de rixes, qu'un meurtre y est
un événement extraordinaire, et que souvent
il n'en arrive pas un en tout un an. « Si l'on
ramassait, dit M. Taine, comme autant de
gouttes d'eau dans un vase, tout ce qu'il y a
maintenant de bienveillance et d'humanité
dans la vie civile et domestique de l'Asie, c'est
le bon fleuve bouddhique qui en fournirait la
meilleure part. »
Un trait caractéristique et frappant de cette
douceur de mœurs dans les sociétés boud-
dhiques, c'est la tolérance religieuse. Le roi
Piyadasi, l'ardent promoteur, le Constantin
de la nouvelle doctrine, Piyadasi, malgré sa
foi profonde au Bouddha, malgré son zèle et
sa vigilance à inculquer à ses sujets les pré-
ceptes de la morale bouddhique, protège et
défend les croyances différentes de la sienne
contre toutes les attaques, et, dans de curieux
édits, ordonne à toutes les sectes le respect
mutuel et la concorde. « Piyadasi, le roi chéri
des Dévas, honore toutes les croyances et les
ascètes de toutes les croyances... Il ne faut
jamais blâmer la croyance des autres; c'est
ainsi qu'on ne fera de tort à personne. U y a
même des circonstances où Ton doit honorer
en autrui la croyance que l'on ne partage pas. i
En agissant de cette manière, on fortifie sa
propre croyance et l'on sert celle d'autrui.
L'homme, quel qu'il soit, qui par dévotion à sa
propre croyance l'exalte et attaque la croyance
des autres, en disant : Mettons notre foi en
lumière, ne fait que nuire gravement à la
croyance qu'il professe. Puissent les disciples
de chaque doctrine être riches en sagesse et
heureux par la vertu ! •
De cette tolérance qu'il constate chez les
peuples bouddhistes, et qui les rapproche des
sociétés modernes, M. Barthélémy Saint-Hi-
laire ne peut trouver l'explication. « Est-ce à
la raison de ces peuples, dit-il, qu'il faut faire
honneur de cette vertu, qui est encore bien
rare chez les nations les plus éclairées ? Ce
n'est pas à croire; et le véritable esprit dé
tolérance, si mal pratiqué de nos jours dans la
plupart des pays civilisés, suppose tant de lu-
mières et tant de justice, quil est peu pro-
bable que les peuples bouddhistes aient été si
instruits sur ce point délicat, quand ils étaient
si profondément ignorants sur tant d'autres?
Est-ce à leur indifférence? C'est encore moins
soutenable ; car leur ferveur religieuse éclate
dans la multitude même des monuments de
tout genre qu'ils ont consacrés à leurs croyan-
ces... Bornon3-nous donc à constater ce fait,
sans, chercher à l'expliquer. »,Ce fait est d'au-
tant plus étonnant que l'intolérance systéma-
tique paraît liée au caractère prosélytique, '
universaliste et absolu des religions. Il est bien
difficile de se résigner à en ignorer le sens.
Pourquoi le compelle intrare a-t-il fait défaut
dans le bouddhisme? D'où vient la différence
que présentent, sous ce rapport, les sociétés
bouddhiques et les sociétés chrétiennes? M. Ch.
Renouvier l'attribue surtout à la différence du
développementextérieur et empirique des deux
religions. « Naturelle à l'homme, dit-il, l'into-
lérance ne nous frappe excessivement que
dans les sociétés où 1 ardeur de la conscience
et la foi supramondaine ont été à la fois pous-
sées très-loin. Il a fallu, en outre, un plein
triomphe de l'idée longtemps humiliée, et des
institutions traditionnelles capables de s'em-
ployer au gouvernement des âmes. Des deux
religions que j'ai nommées (le christianisme
et le bouddhisme), l'une, celle oui renonça le
plus énergiquement au monde, le bouddhisme,
fut vaincu et banni des lieux où il était né.
Tout le temps qu'il y demeura, il eut à compter
avec des croyances antérieures et indestruc-
tibles, que lui-même il consacrait en grande
partie. Ailleurs, il en trouva d'autres, et de
très-résistantes. Là où il put s'établir et régner
seul ou à peu près, il essaya sans doute, mais
ne parvint pas à affaiblir les pouvoirs poli-
tiques. Aussi, tout en devenant théocratique,
à sa manière, en formant des"sociétés conven-
tuelles, il resta tolérant. L'autre religion, servie
par l'anarchie de la foi et des idées autour
d'elle, bientôt par l'anarchie sociale, c a r l'a-
vénement de peuples neufs, par l'état peu
avancé de leur, développement intellectuel et
moral, enfin par des traditions administratives
offrant des moyens efficaces de police, et par
des habitudes d'élaboration philosophique émi-
nemment propres à la construction d'un dogme
et d'une morale subtils et achevés, put se
proposer d'absorber et de réglementer un
monde autrefois maudit. »
Nous croyons, quant à nous, que la solution
de la question dont il s'agit doit être cherchée
surtout dans la différence des principes des
deux religions. La tolérance bouddhique ne
résulte ni de la justice, ni de l'indifférence
religieuse, ni de ces deux causes réunies,
comme la tolérance moderne. Elle tient à la
nature et aux caractères essentiels de la foi
et de la morale bouddhiques. Le bouddhisme
est né du panthéisme brahmanique, dont il a
gardé certaines croyances fondamentales, no-
tamment la loi de la transmigration. Or l'in-
tolérance systématique a été, on peut le dire,
ignorée des religions polythéistes et pan-
théistes ; elle n'a fleuri qu'au sein des religions
monothéistes. C'est que les premières ont à
leur base une mythologie et une métaphysique
bien plutôt qu'une théologie proprement dite;
c'est que le sentiment du divin prend dans lés
secondes un caractère particulier d'intensité,
parce qu'il s'y concentre e t y devient exclusif.
Ce sentiment, qu'on peut appeler monothéiste,
s'accompagne naturellement d'une énergique
répulsion pour le mal moral, lequel apparaît à
la conscience sous une forme unique, celle de
désobéissance. Monothéisme et monarchisme
divin, c'e^t la même chose. L'idée du Dieu
unique, séparé du monde et créateur du monde,
contient 1 idée de la souveraineté divine, et
celle-ci domine la morale et la transforme en
un gouvernement divin de la conscience, en
une théocratie spirituelle. Là se trouve la
racine de l'intolérance et du fanatisme : on
doit aimer tous les enfants du père céleste;
mais il est bien de punir les sujets rebelles du
Dieu souverain, et de préserver de suggestions
mauvaises les sujets fidèles. Exagérant le rôle
de la liberté et la portée de la responsabilité
humaine dans l'erreur et l'ignorance, les reli-
gions monothéistes confondent le mal intel-
lectuel avec le mal moral, et voient dans, la
foi une obéissance, un devoir ; dans la perte
de la foi, une révolte, un crime. La foi boud-
dhique ne vient pas d'une révélation divine,
mais d'une science qui, pour être absolue,
n'en est pas moins humaine. Le surnaturel
bouddhique ne vient pas de la puissance di-
vine commandant à la nature, mais d'une force
qui, pour être extraordinaire, n'en est pas
I moins supposée inhérente à des qualités hu-
maines. Le prosélytisme bouddhique, malgré
son caractère universaliste, a son origine, non
dans un ordre divin, mais dans un mouvement
tout humain de compassion. Nous avons vu
que les vertus bouddhiques consistent dans la
suppression des désirs et dans la disposition
à tout supporter de la part d'autrui ; et que le
but de ces vertus, le Nirvana, n'est pas d'é-
viter la damnation, c'est-à-dire la peine éter-
nelle et absolue, mais d'échapper à la succes-
sion indéfinie des récompenses et des peines
temporaires et relatives. Enfin le bouddhisme,
ne taisant entrer dans son idéal du péché au-
cune idée d'offense à Dieu,'ne saurait connaître
le zèle de la maison du Seigneur ni la haine
théologique {odium theologicum).
— Métaphysique bouddhique. Trois théories
constituent la métaphysique du bouddhisme :
la théorie de la transmigration empruntée au
brahmanisme, celle de l'enchaînement mutuel
des causes, et celle du Nirvana. Nous ne di-
rons rien ici de la transmigration, dont nous
. avons déjà parlé, et sur laquelle, d'ailleurs,
nous aurons à revenir au mot BRAHMANISME.
Nous nous occuperons seulement des deux
autres théories.
— Théorie de • l'enchaînement mutuel des
causes. Le bouddhisme n'admet pas à l'ori-
gine des choses de cause première, de cause
fixe, absolue. Douze conditions, tour à tour
effets et causes les unes des autres, s'enchaî-
nent mutuellement pour produire la vie. La
mort, précédée de la vieillesse (djaramarana),
n'aurait pas lieu sans la naissance; la mort
est donc un effet dont la naissance est la
cause. La naissance (djàti) ne serait pas sans
l'existence; elle est un effet de l'existence qui
l'a précédée. Il ne s'agit point ici de l'exis-
tence dans son acception générale, c'est
l'existence avec toutes les modifications qu'y
ont apportées les épreuves antérieures ; c'est
l'état moral de l'être, selon les actions qu'il a
successivement accumulées, vertueuses et
vicieuses. .Inexistence (bhava) a pour cause
l'attachement (oupaduna). Sans l'attachement
aux choses, l'être ne renaîtrait pas, ne pren-
drait pas un certain état moral qui le conduit
à renaître. Uattachement, cause de l'existence,
n'est lui-même qu'un effet; ce qui le cause,
c'est le désir, la soif de l'être {trishna). Le
désir est cet insatiable besoin de rechercher
ce qui plaît et de fuir ce qui est désagréable.
Il a pour cause la sensation {vedana), qui nous
fait connaître les choses, en nous faisant per-
cevoir leurs qualités. La sensation, cause du
désir, a pour cause le contact (sparça) • il faut
que les choses nous touchent soit à l'extérieur,
soit à l'intérieur, pour que nous les sentions.
Le contact,cause de la sensation, est l'effet, à
son tour, des six sièges des qualités sensibles
ou des six sens. Ces sièges des qualités sensi-
bles (shadayatanas) sont la vue, l'ouïe, l'odo-
rat, le goût, le toucher, et le cœur (manas).
Ce dernier est le siège du sentiment, de ce
qu'on peut appeler le sens intime , ce qui
prouve que la psychologie bouddhique n'est
pas sensualiste, comme on l'a dit souvent. Les
six sièges des sens ont pour cause le nom et
la -forme (namaroupa en un seul mot, comme
plus haut djaramarana, la vieillesse et la
mort). Sans le nom, sans la forme, les objets
seraient indistincts. La forme qu'ils revêtent
leur permet d'entrer en contact avec nos sens
extérieurs ; le nom qui les désigne les rappelle
au manas, à l'esprit. iLe nom et la forme ont
pour cause la connaissance ou conscience (vid-
jnana),qui se représente les objets, les distin-
gue et les nomme. La conscience est la dixième
cause ; elle a sa source dans les concepts
(samskaras), sorte de miroir à travers lequel
l'imagination voitle monde. Enfin, la douzième
et dernière cause, c'est l'ignorance {avidya),
non pas l'ignorance ordinaire, mais cette er-
reur fondamentale par laquelle nous attri-
buons aux choses la durée, la permanence et
la réalité. Là est l'illusion primitive, là est
l'origine de l'existence et de tous les maux.
Selon toute apparence, la théorie des douze
causes de l'existence a été élaborée par les
philosophes bouddhistes postérieurs à Çakya-
mouni; mais il est juste de dire qu'elle se
déduit logiquement de la théorie des quatre
vérités et des maximes que les Soutras les
plus anciens prêtent au Bouddha. On ne peut
guère douter, par exemple, qu'il n'ait admis
les axiomes suivants: «Tout phénomène est
vide ; Aucun phénomène n'a de substance
propre; Au dedans le vide, au dehors le vide;
Tout composé est périssable et, comme l'éclair
dans le ciel, il ne dure pas longtemps. » D'autre
part, cette idée, ce sentiment du vide univer-
sel, de l'illusion universelle, dérive des croyan-
ces brahmaniques; et rien ne montre mieux,
pour le dire en passant, l'origine indienne, au-
trefois contestée, du bouddhisme. *Le nihi-
lisme est le fils légitime du panthéisme. Le
panthéisme enlève la réalité aux phénomènes,
aux phénomènes représentatifs et personnels
comme aux autres, pour la transporter à la
substance unique, universelle, immobile et
indéterminée, et cela, parce qu'à ses yeux
tous les phénomènes ne sont qu'une série de
transformations. Le nihilisme fait un pas de
plus : il dépouille de la réalité la substance
elle-même ; et en vérité, ce pas n'est point dif-
ficile k faire. Cet être réel, permanent, inva-
riable, que vous trouvez sous les transforma-
tions multiples et incessantes qui constituent
les êtres divers, vous ne pouvez lui donner
que des> attributs négatifs : c'est l'amorphe et
l'incolore éternel. Entre cet être-là et le néant,
Hegel vous le dira, il serait bien difficile de
saisir une différence. Faire reposer le devenir,
c'est-à-dire ce, jeu de couleurs et de formes
vacillantes qu'on appelle le monde, sur l'être
immobile du brahmanisme, ou sur le néant
immobile du bouddhisme, cela revient absolu-
ment au même pour les destinées personnelles ;
ce n'est pas la réalité de la substance qui im-
porte, cest la réalité de la personne; or la
réalité de la personne est également mécon-
nue et sacrifiée dans les deux systèmes.
— Théorie du Nirvana. Le Nirvana est, on
le sait, le but suprême auquel tend le Bouddha;
c'est la délivrance à laquelle il convie toutes
les créatures ; c'est la récompense qu'il pro-
met à la science et à la vertu ; en un mot,
c'est le salut éternel. Mais en quoi consiste ce
salut éternel? Est-ce un dernier mode d'exis-
tence? Est-ce l'anéantissement absolu? Si l'on
s'adresse à l'étyinologie du mot, elle apprend
assez peu de chose ; il se compose de nir, qui
exprime la négation, et du radical va. qui si-
gnifie souffler. Le Nirvana est donc 1 extinc-
tion, c'est-à-dire l'état d'une chose qu'on ne
peut plus éteindre en soufflant dessus. D'a-
bord, ce qui n'est pas douteux, c'est que le
Nirvana est quelque chose d'opposé au relatif,
au provisoire, au passager, au composé, à
ce mal qu'on appelle la vie, au mouvement, à
la danse sans fin de l'universelle métamor-
phose, au cauchemar des épreuves toujours à
recommencer, des déchéances toujours possi-
bles, et des expiations cruelles toujours à
craindre. Le Nirvana est donc quelque chose
d'absolu, de définitif, de permanent, de simple,
et n'a rien de commun avec l'immortalité,
telle que l'idée de la transmigration la présen-
tait à l'esprit indien. Mais ne pourrait-il con-
tenir une autre" conception de l'immortalité
•voilée sous des formules négatives, et par là
séparée plus nettement de la conception vul-
gaire? On peut, au premier abord, taire cette
hypothèse, qui semble jusqu'à un certain point
autorisée par l'obscurité quelles soutras lais-
sent planer sur l'idée du Nirvana. Ainsi com-
pris, le Nirvana serait l'existence absolue,
simple et permanente, terminant la doulou-
reuse série du devenir; il ressemblerait fort
au repos éternel (reçuies œterna), au. sé-
jour de paix et de lumière que l'Eglise catho-
lique demande à Dieu pour ses morts, dans
les prières des funérailles. Telle est l'inter-
prétation de M. Obry ; et M. Foucaux n'en
paraît pas éloigné. Il est difficile, cependant,
de l'adopter, si l'on songe à l'origine pan-
théiste du bouddhisme. Le Nirvana, conçu
comme l'apothéose de la personnalité humaine,
ce serait une anomalie dans l'ensemble des
doctrines bouddhiques. La théorie de la trans-
migration, celle des quatre vérités sublimes,
celle des douze causes de l'existence, aboutis-
sent très-logiquement au nirvana néant. Nous
croyons donc que, sur cette question, on doit
s'en tenir à l'opinion d'Eugène Burnouf, sui-
vant lequel le Nirvana est l'anéantissement
complet du principe pensant. Cette opinion est
d'ailleurs celle de MM. Turnour, Schmidt, Al-
brecht Weber, Spence Hardy, Barthélémy
Saint-Hilaire, etc. Il n'est pas inutile de faire
remarquer que les arguments philosophiques"
sur lesquels on s'appuie pour la défendre ne
sont pas toujours bien solides. Ainsi, M. Bar-
thélémy Saint-Hilaire soutient énergiquement
que le Nirvana ne peut être que le néant ab-
solu, par cette raison que le bouddhisme ne
connaît ni Dieu, ni l'âme, comme si la réalité
de la personne humaine et la perpétuité des
destinées personnelles ne pouvaient être con-
çues indépendamment de toute idée sur la
cause Dieu et sur la substance âme. Ce n'est
pas parce qu'il refuse la substantialité à
l'âme que le bouddhisme conclut au néant ;
c'est parce que, fidèle à son origine, il ne voit
dans la personnalité qu'une apparence, une
illusion passagère. L'assertion, d'ailleurs, est
malheureuse. Une philosophie dont la base est
la loi de transmigration ne peut être accusée
sérieusement d'ignorer l'âme. C'est parmi les
systèmes panthéistes, non parmi les systèmes
matérialistes, que le bouddhisme doit être
classé. Quant à l'athéisme bouddhique, il faut
s'entendre. Il est très-vrai que le bouddhisme
ignore le Dieu unique, séparé du monde, le
Dieu des religions monothéistes et de la phi-
losophie cartésienne ; mais il ne l'ignore pas
plus que le brahmanisme. Il est très-vrai en-
core que le bouddhisme substitue à la sub-
stance unique, universelle et indéterminée du
brahmanisme, le vide, le néant universel;
mais le changement, nous l'avons vu, est de
mince importance. Il est très-vrai, enfin, que
le bouddhisme subordonne les dieux du pan-
théon brahmanique au Bouddha, qui reste ce-
pendant un homme; mais la loi de la transmi-
gration à laquelle ces dieux sontsoumis comme
les nommes ne laisse subsister, pas plus au sein
du brahmanisme que du bouddhisme, aucune
différence essentielle entre les uns et les au-
tres , et l'homme qui a trouvé le secret d'é-
chapper à cette loi souveraine s'élève natu-
rellement au-dessus de tels dieux.
V. — D U CULTE BOUDDHIQUE. V. LAMAÏSME.
VI. — BIBLIOGRAPHIE, Parmi les ouvrages
que l'on peut consulter pour l'étude du' boud-
dhisme, nous citerons :
The history and doctrine of budhism {Histoire
et doctrine du bouddhisme), par Upham (Lon-
dres, 1829,in-4o);
Epi tome of the history of Ceylan {Abrégé
1068 BOUD
de l'histoire de Ceylan), par Turnour (1836,
in-s°).
Foe Koue Ri ou Mémoires de Fo-Hien sur
les royaumes du Bouddha, traduits en français
par Abel Rémusat(l836,in-4<>).
Introduction à l'histoire du bouddhisme in-
dien, par Eugène Burnouf (t. 1er, in-4o,1844).
Ce premier volume contient l'étude des docu-
ments bouddhiques duNépaul. Le second, qui
n'a pas été publié, devait contenir l'étude des
documents singhaiais.
Le lotus de la bonne loi, traduit en français
par Eugène Burnouf (1852),avec un commen-
taire et- vingt et un mémoires relatifs au boud-
dhisme. ,
Le Lalita vistara, traduit en français par
M. Foucaux (Paris, 1847).
Le Bouddha et sa religion par M. Barthé-
lémy Saint-Hilaire (Paris, 1859); troisième
édition, augmentée d'une étude sur le Nirvana
(1866).
Du Nirvana bouddhique, par M. Obry (Pa-
ris, 1S63).
Doctrines des bouddhistes sur le Nirvana
(Paris, 18G4).
Le Bouddhisme, ses dogmes, sen histoire et
sa' littérature
y
par M. Vassilief, traduit en
français par La Comme (Paris, 1865).
Die. religion des Buddha (la Beligion du
Bouddha), par M. Koeppen {Berlin, 1859).
B O U D D H I S T E s. et adj. (bou-di-ste — de
Bouddha, n. pr.). Adorateur du Bouddha,
sectateur du bouddhisme : J'ai peine à croire
qu'on puisse (aire un Français d'un BOUD-
DHISTE. (X. Saintine.) L'humanité a été tour à
tour fétichiste, idolâtre, chrétienne et BOUD-
DHISTE, juive et mahométane, déiste et pan-
théiste. (Proudh.) il Qui appartient,qui a rap-
port au bouddhisme ou à ses adhérents :
L'Eglise BOUDDHISTE entretenait encore, à
cette époque, des rapports amicaux avec celle
de Brahma. (V. Jacquem.) Une agitation
BOUDÉ,
BOUDÉ, ÉB (bou-dé) part. pass. du v. Bou-
der : Etre BOUDÉ par son meilleur ami.
B O U D E L A I R E s. m. (bou-de-lè-re). Sabre
à deux tranchants. Il V. BAUDELAIRE, qui était
plus usité.
BOUDER
BOUDER v. n. ou intr. (bou-dé — du
wallon boder, enfler, parce que le gonflement
des joues indique le mécontentement). Té-
moigner, laisser voir du dépit, de la mau-
vaise humeur, par son silence, par ses actions,
par l'expression de sa physionomie : Un enfant
qui
BOUDDHISTEBOUDDHISTE formidable s'ensuivit, mais elle
fut bientôt réprimée par le gouvernement an-
glais. (F. Normand.)
BOUDE,BOUDE, qui a le défaut de BOUDER. La reine
• n'a pas baisé Monsieur, qui en BOUDE. (M"»e de
Sév.) Timon était un fou mécontent qui BOU-
DAIT contre tout l<; genre humain. (J.-J. Rouss.)
Les femmes BOUDENT aussi bien que les enfants,
mats non pas comme les enfants. (M
mu
Guizot.)
11 s'est apprivoisé pas à jpas, jour par jour ;
11 boude à mon départ, il saute & mnn retour.
LAMARTINS.
— Loc. fam. Ne pas bouder, Ne pas crain-
dre ; faire vivement et résolument une chose :
Ce n'est pas toi qui me feras BOUDER. En voilà
un qui ne BOUDK pas au feu ! C'est un homme
ui ne BOUDE pas devant la besogne. Il Ne pas
ouder à table, S'y comporter en homme de
bon appétit, en bon convive. Il Bouder contre
son ventre, Se priver par dépit d'un mets,
e t , par e x t . , de toute.autre chose qui fait
envie, qui ferait plaisir:
Damon, ce gourmand parasite,
Avec moi vient de se brouiller;
Déjà depuis un jour entier
Je n'ai point reçu sa visite.
Mais il reviendra, je l'attends,
Chez moi dans peu je veux qu'il rentre;
On ne saurait bouder longtemps.
Quand on boude contre son ventre. ***
— Jeux. Aux dominos, Ne pas jouer à son
tour, parce qu'on n'a pas ie dé qu'exige la
pose de l'adversaire : Je n'ai plus de cinq, je
BOUDE. Dans certairies parties, au lieu de BOU-
DER, on pêche, c'est-à-dire on puise datis les
dominos qui forment le talon, jusqu'à ce qu'on
en ait trouvé un qu'on puisse placer, il Nom
d'une pénitence très-usitée dans les jeux
dits innocents. Après avoir fait connaître
à la personne qui tient les gages le nom
de la dame pour laquelle il boude, le pé-
nitent se retire dans un coin du salon;
lusieurs dames s'avancent à la fois pour
embrasser, mais il leur tourne le dos, jus-
qu'à ce que celle qu'il a choisie vienne lui
offrir un Daiser, qu'il accepte avec empresse-
ment. Si c'est une dame qui boudo .• les
hommes se présentent en foule, et la bou-
deuse agit comme le boudeur.
—'Techn. Se dit d'un four, plus particu-
lièrement d'un alandier, quand la braise qui
s'y est aecumulée en gêne ou en arrête le
tirage : Ces alandiers BOUDENT, il faut les
débraiser.
— Hortic. Ne pas profiter, ne pas fructi-
fier, en parlant des jeunes arbres : Un poirier
qui BOUDE.
— v. a. ou t r . Montrer du dépit, de la fâ-
cherie à : Une femme qui BOUDE son mari.
' Votre Majesté a peut-être cru que je la BOU-
DAIS. (Volt.) Les grands sont comme les femmes:
il ne faut les BOUDER qu'autant qu'on est cer-
tain d'être aimé d'eux. (A. d'Houdetot.) Je
sais enfin pourquoi, depuis hier, ma sœur
vous BOUDAIT. (Scribe.) On se sépare violem-
BOUD
ment du pouvoir, on l'attaque, on le BOUDE;
puis la lassitude survient : le succès réconcilie
à sa cause. (Chateaub.) Vous me BOUDEZ,
quand je devrais me fâcher. (Balz.) On trouve
je ne sais quel charme à BOUDER la personne
qu'on aime. (E. de Pradel.) Quand elle ne reste
pas sur ses terres, puissamment enracinée au
sol, l'aristocratie ne peut pas BOUDER longtemps
le pouvoir. (L. Enault.)
— Fig. Montrer du dépit au sujet de : Un
homme de mérite et de cœur peut BOUDER la
gloire : il se sent trop fier pour solliciter sa
justice. (Beauchêne.) Voilàpourtant un journal
qui vient dire que le Siècle BOUDK le suffrage
universel. (E. de la Bédollièrc.)
Il se fait un plaisir violent et rageur
De haïr ce qu'il aime et de bouder son cœur.
E . AUGIER.
Plus que jamais il t'aime;
C'est ton tour maintenant de le bouder lui-même.
A. CHÉNIER.
Se bouder v. pr. Se {montrer fâché, dépité
l'un contre l'autre : Deux amis qui SE BOU-
DENT. Les gens de cour s'étranglent, mais ils.
ne SE BOUDENT jamais. (L. Gozlan.) Bonaparte
et Talleyrand avaient trop de goût l'un pour
l'autre et trop besoin de se rapprocher, pour
SE BOUDER mutuellement. (Thiers.)
On s'évite, on se boude, on bâille, on parle bas.
GRESSET.
- B O U D E R I E s. f. (bou-de-rî — rad. bouder).
Action de bouder; état d'une personne qui
boude : 5a BOUDERIE l'a pris ce matin. Votre
BOUDERIEBOUDERIE est-elle passée? Ce sont des BOUDE-
RIES continuelles de sa part. (Acad.) La BOU-
DERIE est l'arme des âmes faibles et timides.
(La Bruy.) Cette affaire avait plus l'air d'une
BOUDERIEBOUDERIE que d'une rupture. (J.-J. Rouss.) La
BOUDERIEBOUDERIE est une des formes de l'humeur.
(Mme Guizot.) La BOUDERIE est un effort de ta
faiblesse pour se faire obéir, là où elle n'a
pas le pouvoir de commander. (Mme Guizot.)
Il y a maintenant soixante législateurs sor-
tants dont on ne sait que faire; ceux qui ne
sont point placés vont porter leur BOUDERIE
dans les départements. (Napol. 1er.) Elle bouda,
mais comme boudent les femmes qui veule?it les
bénéfices d'une BOUDERIE. (Balz.) Les BOUDE-
RIES n'attristent que les femmes aimées. (Balz.)
L'aigreur naît à la longue de la BOUDERIE.
(E. de Pradel.) La BOUDKRIE peut exister en
amitié comme en amour. (E. de Pradel.) M. de
Chateaubriand passa environ quarante-deux
ans sur quarante-quatre dans l'opposition et la
.BOUDERIE. (Ste-Beuve.)
— Syn. Bouderie, fâcherie, humeur. La
bouderie est l'expression d'un mécontente-
ment dont la cause est souvent légère, et qui
se manifeste par de petits moyens, comme un
silence obstiné, l'affectation de se tenir à
l'écart ou de paraître indifférent; ce n'est
quelquefois qu'un manège de coquetterie, et
alors il n'y a plus de mécontentement réel, il
n'y en a qu'un faux semblant. La fâcherie et
l'humeur sont le mécontentement lui-même, tou-
jours réel, mais tenant à de petites causes; il y
a du dépit dans la fâcherie, il y a de l'amer-
tume dans l'humeur; la première se dissipe
souvent d'elle-même, la seconde tient plus
du caractère, elle suppose une irritabilité sou-
vent pénible pour ceux qui ont a la supporter.
Un enfant boude; une femme blessée dans
ses caprices se fâche; un vieillard prend de
\'humeur.
BODDETBODDET (Antoine), imprimeur-libraire et
publiciste, né à Lyon, mort à Paris en 1780.
Il fournit beaucoup d'articles au Journal éco-
nomique, dont il était l'imprimeur, et fonda, en
1745, un autre journal, intitulé les Affiches de
Paris, avis divers. Il publia aussi le Recueil
des sceaux du moyen âge (1779, in-4*>). — Son
frère, Claude BOUDKT, chanoine régulier de
Saint-Antoine, à Lyon, fut aussi un des colla-
borateurs du Journal économique, et publia
divers ouvrages, entre autres la Vie de M. Ros-
sillon de Bernex
t
évêque de Genève (1751,
2 vol. in-12).
BOUDET
BOUDET (Jean-Pierre), pharmacien et chi-
miste, né à Reims en 1748, mort à-Paris en
1829. Il occupa dans sa ville natale une chaire
de chimie appliquée aux arts: fut chargé, en
1793, sur la recommandation de Berthollet, de
l'extraction des salpêtres dans les départe-
ments de l'Est, et de la fabrication de la poudre
à canon, puis attaché à la commission des
sciences et des artB-.de l'expédition d'Egypte;
il rendit dans ce pays les plus grands services,
et, quoique dépourvu d'instruments, sut r e -
former l'approvisionnement des pharmacies
épuisées de l'armée et de la marine. De retour
en France, il fut nommé pharmacien en chef
de l'hôpital de la Charité, place qu'il'quitta a
diverses reprises, pour être attaché au ser-
vice des armées. On a de lui un Mémoire sur
le phosphore (1815) ; une Notice sur l'art de la
verrerie, né en Egypte (1824), et divers mor-
ceaux insérés dans les journaux de pharmacie.
BODDET
BODDET (Félix-Henri), pharmacien et chi-
miste français, petit-neveu du précédent. Il
fut nommé, en 1856, membre de l'Académie
de médecine, section de pharmacie, et il a été
pendant plusieurs années professeur à la Fa-
culté. Ses principaux ouvrages sont : Notice
historique sur Jean-Pierre Boudet (1829); De
l'action de l'acide hyponttrique sur les huiles
(1832); Essai critique et expérimental sur le
sang (1833); Hydrotimétrie et Instruction sur
I l'emploi de Vhydrotimètre (1855).
1
BOUDETBOUDET (Jean), général, comte de l'Em-
BOUD
pire, né à Bordeaux en 1769, mort en 1809.
Il se distingua à l'armée des Pyrénées et à
Toulon, fut envoyé pour reconquérir les An-
tilles, que les Anglais nous avaient enlevées,
reprit la Guadeloupe après une série d'actions
brillantes, fît partie de l'armée de Hollande
en 1798, repoussa les Anglais & Castricum,
commanda l'avant-garde de réserve de l'armée
d'Italie et contribua à la victoire de Marengo.
En 1802, il fit partie de l'expédition contre
Saint-Domingue et s'empara de P o r t - a u -
Prince , combattit encore en Allemagne, et se
couvrit de gloire à EsslingetàGross-Aspern,
où il tint tête à 30,000 hommes avec une
poignée de soldats. Il mourut de ses glo-
rieuses fatigues, devant Budwitz. Son nom
est gravé sur l'arc de l'Etoile.
BOUDET
BOUDET (Charles-Ernest), médecin fran-
çais, né vers le commencement du siècle. Il a
été chef de clinique de la Faculté de méde-
cine, et a publié, entre autres ouvrages : Mé-
moire sur l'hémorragie des méninges (1837);
Histoire d'une épidémie du croup observée à
l'hôpital des Enfants (1842) ; Recherches sur la
gangrène du poumon et sur la gangrène spon-
tanée chez l'enfant (1843).
BOUDET
BOUDET (Paul), homme d'Etat, né à Laval
(Mayenne) en 1800, d'une famille protestante,
fit ses études de droit, devint avocat à Paris
en 1821 et prit une part active au mouvement
politique et libéral qui eut lieu pendant la
Restauration. Député de 1834 à 1848, il fit
constamment partie de la majorité ministé-
rielle, fut nommé secrétaire général du mi-
nistère de la justice (1839) et conseiller d'Etat,
enfin représentant de la Mayenne à la Consti-
tuante de 1848, où il vota, avec la droite.
Réélu par l'assemblée au conseil d'Etat, il y
fut maintenu après le 2 décembre, et appelé
au ministère de l'intérieur le 23 juin 1863, en
remplacement de M. de Persigny, poste qu'il
occupa jusqu'au 28 mars 1865. Le même jour,
il fut nommé sénateur.
L'auteur du Dictionnaire des contemporains
termine la biographie de M. Boudet par ces
mots : a San administration (son court passage
au ministère de l'intérieur) n'amena pas dans
le régime de la presse les adoucissements que
l'on paraissait attendre. » Attendre, pourquoi?
Voilà un conséquent qui est veuf de son anté-
cédent. Hâtons-nous d'ajouter que ce défaut
de logique est très-rare chez le rhétoricien
M. Vapereau, et disons aussi que l'expression
dubitative paraissait peut à la rigueur passer
pour une circonstance atténuante. Cette cri-
tique, peu réussie, comme on le voit, est à
peu près la seule que se soit permise M. Va-
pereau dans le cours de ses dix-huit cents
pages. C'est une réponse éloquente à tous
ceux qui ont reproché à son ouvrage le défaut
de critique : Trahit sua quemque voluptas.
BOUDEUR,BOUDEUR, EUSE adj. (bou-deur, eu-ze —
rad. bouder). Qui boude souvent, qui a l'ha-
bitude de bouder : Un enfant BOUDEUR. Une
femme BOUDEUSE. La femme BOUDEUSE ou maus-
sade fait tache en société. (M
me
Monmarson).
Il Qui annonce la bouderie, qui est propre
aux personnes qui boudent : Air BOUDEUR.
Mine BOUDEUSE. Humeur BOUDEUSE. Ne sa-
chant plus quelle contenance tenir, je me tai-
sais, j'avais l'air BOUDEUR. (J.-J. Rouss.)
L'enfant, privé de la seule récréation qui lui
fût possible dans ce salon, avait déjà pris un
petit air BOUDEUR. (Scribe.) Le jeune homme
n'insista plus auprès de son oncle, et, d'un pas
BOUDEUR,BOUDEUR, se retira dans sa chambre. (J. San-
deau.)
C'eBt la fille du Nord, rêveuse et caressante.
Aux petits airs boudeurs, a la grâce indolente.
H. CANTEL.
— Substahtiv. Personne qui boude, qui a
l'habitude de bouder : Un petit BOUDEUR. Une
BOUDEUSEBOUDEUSE éternelle. Les BOUDEURS se corri-
gent d'eux-mêmes, quand on ne les regarde
pas. (Dider.) Il voulait attendre encore quel-
que temps, espérant toujours que la belle BOU-
DEUSE allait pardonner. (A. de Musset.) Eh
bien! gros
BOUDEUR,BOUDEUR, tu m'évites partout, même
dans ma maison/ (Balz.)
Jadis Caton enfant fut un boudeur sublime
C. DÉLAVIONS
Quant h moi, les boudeurs sont mon aversion.
Et je n'en veux jamais souffrir dans ma maison.
GRESSET.
La, même lieu raS&emble et l'aimable boudeuse,
Et la jeune éventée, et la vieille joueuse.
DELUXE.
BOUDEWYNSBOUDEWYNS ( M i c h e l ) , médecin flamand,
né à Anvers, mort en 1681. Il fut professeur
d'anatomie et de chirurgie dans sa ville na-
tale. On lui doit : Est-ne decimestris partus
perfectissimus? (1642, in-4o); Oratio de sancto
Luca evangelista et medico (1660) ; Ventila-
brum medico-theologicum, quo omnes casus tum
medicos cum œgrosaliosqueconcernentes even-
tilantur, etc. (1666, in-4°). Il concourut aussi
a la rédaction du code pharmaceutique d'An-
vers.
BOUDEWYNS
BOUDEWYNS (Antoine-François), peintre
et graveur flamand. V. BAUDOUIN.
BOUDHA,
BOUDHA, BOUDHISME, BOUDHIQUE.
V. BOUDDHA, BOUDDHISME, BOUDDHIQUE.
BOUDIERBOUDIER DE V1LLER.MET (Pierre-Joseph),
" écrivain français, né en 1716, mort au com-
mencement du xixe siècle. Il fut avocat au
parlement de Paris, et il publia un assez
grand nombre d'ouvrages, dont les principaux
sont : Apologie de la frivolité ( 1740 ) j Ré-
BOUD
flexions sur quelques vérités importantes atta-
?
uées dans plusieurs écrits de ce temps (1752);
Andrométrie, ou Examen philosophique de
l'Homme (1753) ; Y Ami des femmes ou la Mo-
rale du sexe (1758) ; VAmi des Muses (1758);
Y Irréligion dévoilée, ou la Philosophie de l'hon-
nête homme (1774); Pensées philosophiques
sur la nature j l'homme et la religion (1785).
Il fonda aussi, avec Soret, le journal YAvant-
coureur, auquel il donna d'abord pour titre la
Feuille nécessaire.
BOUDINBOUDIN s. m. (bou-dain. — Ce mot paraît
avoir la même origine que boyau, et venir
d'un primitif celtique qui, en basse latinité ,
se rendait par botulus, botellus, bodellus. Le
vieux fr. avait bédille, signifiant le cordon
ombilical, et budine, nombril : Le suppliant
frappa sa bisague av. ventre d'icellui prestre,
entre l'aine et la budine (1475). C'est de ce
mot quo les Anglais ont tiré leur pudding,
boudin). Mets préparé avec du sang et» de la
graisse de porc, assaisonnés et mis dans un
boyau : Faire du BOUDIN. Manger du BOUDIN.
Envoyer du BOUDIN à ses amis. Nous sommes
juifs comme vous, ne mangeant point de co-
chon, pas de BOUDIN. (Volt.) Il On dit aussi
boudin noir : Le BOUDIN NOIR est un aliment
indigeste, et qui prend quelquefois", surtout
quand il est fumé et vieux, des propriétés vé-
néneuses. (Bouillet.) n Mets préparé de la
même manière avec du sang, mais qui con-
tient des viandes de divers animaux : BOU-
DIN de chevreuil, de Heure , de lapereau ,
d'écrevisses, de foie gras. Il Bouditi blanc, Bou-
din fait avec du lait et un hachis de blancs
de volaille.
— Par anal. Objet long et cylindrique : Un
BOUDINBOUDIN de grosse toile, il Boucle de cheveux
roulée on spirale : On portait autrefois des
perruques à BOUDINS. (Acad.)
Pour tout éclat, une énorme perruque
D'un long boudin cache leur vicillo nuque.
VOLTAIRE.
— Petite valise, petit portemanteau do
forme cylindrique, que l'on met sur la croupo
d'un cheval, et qui affecte la formo d'un gros
boudin.
— Trivial. Intestins :
Il dit : aussitôt vingt épées
Dans ses boudins furent trempées.
JJenriade travestie.
— Eau de boudin, Eau dans laquelle on a
lavé des boyaux à boudin, et qui n'est d'au-
cune utilité, il S'en aller en eau de boudin,
Echouer, manquer, aller à néant : Cette en-
treprise, cette affaire .S'EN VA EN EAU DE BOU-
DIN. Votre fortune S'EN IRA EN EAU DE BOUDIN.
— Loc. fam. Faire du boudin, Verser, faire
couler du sang : Ne ^irritez pas davantage,
il FERAIT DU BOUDIN, il Faire un boudin, Ma-
rier un gentilhomme avec .une riche rotu-
rière, parce que l'un soutient la maison,
l'autre fournit la graisse, l'argent pour l'en-
tretenir. Vieille locution, il Souffleur de bou-
din, Homme qui a les joues rebondies comme
s'il les avait gonflées en soufflant dans un
boyau à boudin.
— Envoyer de son boudin à quelqu'un.Fah'Q
présent d'une chose à quelqu un. Se dit par
allusion à l'habitude que l'on a dans les
campagnes d'envoyer du boudin à ses
amis quand on a tué un porc. L'application
de ce proverbe est le plus souvent ironique,
et signifie Jouer un mauvais tour à quel-
qu'un, lui envoyer un plat de son métier, il
Nous mangerons du boudin, la grosse bête est
à terre, Se dit vulgairement quand une per-
sonne qui a beaucoup d'embonpoint vient à
tomber par terre. Il Ce n'est pas pour toi que
le boudin grille, Se dit pour faire entendre à
une personne qu'une autre qu'elle profitera
des bénéfices d une affaire.
— Techn. Saillie en forme de rebord ar-
rondi, n Saillie qui entoure en dedans la
jante d'une voiture de chemin de fer, et la.
maintient entre les rails, il Partie extérieure
du champignon des rails d'un chemin de fer.
Il Double anneau de cuir qui passe dans une
mortaise de l'attelle du collier, où elle est
maintenue par un bâtonnet de bois, appelé
riquet, et qui sert à retenir les traits des
chevaux de devant ou la mancelle du limo-
nier, il Nom vulgaire du caoutchouc des Indes
orientales, à cause de la forme sous laquelle
il arrive généralement en Europe. Pour faire
le
BOUDINBOUDIN , les indigènes de Java recueillent
les lanières de caoutchouc, telles qu'elles se
sont écoulées des bourgeons des arbres ou des
fentes pratiquées sur le tronc de ceux-ci, et
les pelotonnent grossièrement. ( Maigne. ) il
Boue épaisse et compacte qui sort d'un tuyau
que l'on dégorge avec la sonde. H Ressort à
boudin, Ressort en fil de fer tordu en spi-
rale, affectant la forme allongée du boudin.
— Archit. Nom donné à diverses moulures
rondes, et particulièrement au gros cordon
de la base d'une colonne. On dit aussi TORE.
Il Bouvet d'ébéniste, qui sert à pousser des
moulures rondes appelées aussi BOUDINS.
— Art. milit. Mèche pour mettre le feu à
une mine. Il On dit plus ordinairement SAU-
CISSON.
— Mar. Sorte de filet saillant, qui entouro
un navire à la hauteur du second pont, n
Bourrelet circulaire sur lequel on appuie les
pièces de vaisselle, pour les maintenir contre
le roulis.
— Comm. Petit rouleau de t a b a c
— Agric. Corde do foin seo ou presque son
BOUD
que l'on fait sur le pré : Mettre le foin en
BOUDINS.
— Bot. Boudin noir. Espèce de bolet co-
mestible, que l'on trouve dans l'Inde. U On
l'appelle aussi TRIPAN.
— Annél. Boudin de mer, Nom vulgaire
d'une annèlide voisine des néréides.
— Tous nos lecteurs connaissent le conte
charmant de Perrault, de ce conteur naïf et
délicieux qui, s'il était né à Bagdad, aurait
certainement émerveillé le sultan dont par-
lent les Mille et une nuits. Ce conte, intitulé
les Souhaits ridicules, a été plusieurs fois
traduit en vers, et c'est une de ces traduc-
tions que nous allons donner ici. Un bout de
boudin en est le héros, et c'est à ce titre qu'il
figure ici.
Il était une fois un pauvre bûcheron,
Qui, las de sa pénible vie,
Ay_ait, disait-il, grande envie
D'aller se reposer aux bords de l'Achéron ;
Représentant, dans sa douleur profonde,
Que, depuis qu'il était au monde.
Le ciel cruel n'avait jamais
Voulu remplir un seul de ses souhaits.
Un jour que, dans le bois, il se mit ft se plaindre,
A lui, la foudre en main, Jupiter apparut;
On aurait peine a bien dépeindre
La peur que le bonhomme en eut.
• Je ne veux rien, dit-il en se jetant par terre •
Point de souhaits, point de tonnerre,
Seigneur, demeurons but & but.
— Cesse d'avoir aucune crainte:
Je viens, dit Jupiter, touché de ta complainte,
Y mettre fin, et pour jamais;
Ecoute donc. Je te promets.
Moi qui du monde entier suis le souverain maître,
D'exaucer pleinement les trois premiers souhaits
Que tu voudras former sur quoi- que ce puisse être.
Vois ce qui peut te rendre heureux;
Vois ce qui peut te satisfaire;
Et comme ton bonheur dépend tout de tes vœux,
Songes-y bien avant que de les .faire. •
A ces mots, Jupiter dans le ciel remonta;
Et le gai bûcheron, embrassant sa falourde,
Pour retourner chez lui, sur son dos la jeta.
Cette charge jamais ne lui parut moins lourde.
• 11 ne faut pas, disait-il en trottant,
Dans tout ceci rien faire a la légère :
H faut, te cas est important.
En prendre avis de notre ménagère.
Ça, dit-il en entrant sous son toit de fougère,
Faisons, Fanchon, grand feu, grand'chère,
Nous serons riches à jamais ;
Et nous n'avons qu'à faire des souhaits. •
Là-dessus tout-au long le fait il lui raconte.
A ce récit, l'épouse, vive et prompte,
Forma dans son esprit mille vastes projets ;
Mais considérant l'importance
De s'y conduire avec prudence :
• Biaise, mon cher ami, airelle à son époux,
Ne gâtons rien par notre impatience;
Examinons bien, entre nous.
Ce qu'il faut faire en pareille occurrence.
Remettons à demain notre premier souhait;
Et consultons notre chevet.
— Je l'entends bien ainsi, dit le bonhomme Biaise :
Mais va tirer du vin'derrière ces fagots. •
A son retour, il but, et goûtant à son aise.
Près d'un grand feu, les douceurs du repos,
11 dit en s'appuyant sur le dos de sa chaise :
« Pendant que nous avons une si bonne braise,
Qu'une aune de boudin viendrait bien à propos! •
A peine acheva-t-il de prononcer ces mots.
Que sa femme aperçut, grandement étonnée,
Un boudin fort long qui, partant
D'un des coins de la cheminée,
S'approchait d'elle en serpentant.
Elle fit un cri dans l'instant;
Mais jugeant que cette aventure
Avait pour cause le souhait
Que, par bêtise toute pure.
Son homme imprudent avait fait.
Il n'est point de pouille et d'injure
Que, de dépit et de courroux,
Elle- ne dit au pauvre époux.
• Quand on peut, disait-elle, obtenir un empire,
De l'or, des perles, des rubis.
Des diamants, de beaux habits,
Est-ce alors du boudin qu'il faut que l'on désire?
—Eh bien ! j'ai tort, dit-il ; j'ai mal placé mon choix,
J'ai commis une faute énorme :
Je ferai mieux une autre fois.
— Bon, bon! dit-elle, attendez-moi sous l'orme :
Pour faire un tel souhait, il faut être bien bœuf. •
L'époux, plus d'une fois emporté de colère,
Pensa faire tout bas le souhait d'être veuf :
Et peut-être, entre nous, ne pouvait-il mieux faire.
• Les hommes, disait-il, pour souffrir sont bien nés !
Peste soit du boudin, et du boudin encore!
Plût à Dieu, maudite pécore.
Qu'il te pendit au bout du nez! •
La prière aussitôt du ciel fut écoulée :
Et dès que le mari la parole lâcha,
Au nez de l'épouse irritée
L'aune de boudin s'attacha.
Ce prodige imprévu grandement le fâcha :
Fanchon était jolie; elle avait bonne grâce;
Et, pour dire sans fard la vérité du fait.
Cet ornement en cette place,
Ne faisait pas un bon effet
1
.
Si ce n'est qu'en pendant sur le bas du visage,
11 l'empêchait de parler aisément;
Pour un époux merveilleux avantage,
Et si grand qu'il pensa, dans cet heureux moment,
Ne souhaiterai en davantage!
* Je pourrais bien, disait-il à part soi,
Après un malheur si funeste.
Avec le souhait qui me reste
Tout d'un plein saut me faire-roi.
Rien n'égale, il est vrai, la grandeur souveraine;
Mais encore faut-il songer
Comment serait faite la reine.
Et dans quelle douleur ce serait la plonger
De l'aller placer sur un trône
Avec un nez plus long qu'une aune!
Il faut l'écouter sur cela.
Et qu'elle-même elle soit la maltresse
De devenir une grande princesse,
En conservant l'horrible nez qu'elle a.
Ou de demeurer bûcheronne
Avec un nez comme une autre personne,
Et tel qu'elle l'avait avant ce'malheur-là. •
La chose bien examinée.
Quoiqu'elle 6Ûtd'un sceptre et la force et l'effet,
Et que, quand on est couro née,
On a toujours le nez bien fait;
Comme au désir de plaire il n'est rien qui ne cède.
Elle aima mieux garder son bavolet,
Que 4'ôtre reine et d'être laide.
BOUD
Ainsi le bûcheron ne changea point d'état.
Ne devint point grand potentat,
D'écus ne remplit point sa bourse ;
Trop heureux d'employer son souhait qui restait
(Faible bonheur, pauvre ressource),
A remettre sa femme en l'état qu'elle était.
Bien est donc vrai qu'aux hommes misérables,
Aveugles, imprudents, inquiets, variables,
Pas n'appartient de faire des souhaits,
Et que peu d'entre eux sont capables
De bien user des dons que le ciel leur a faits.
BOUDINBOUDIN (J.-A.), c o n v e n t i o n n e l . Il v o t a l a
réclusion de Louis X V I et son bannissement
à la paix. Il n e p a r u t g u è r e à la tribune q u e
lorsqu'on discuta la mise en accusation de
Carrier. Peu de temps après, il demanda une
amnistie pour tous les délits politiques com-
mis à l'intérieur; mais il conseillait en même
temps des mesures sévères contre les émi-
grés. Il fit deux fois partie du comité de sûreté
générale, et entra au conseil des Cinq-Cents;
il donna sa démission en 1797, et ne joua plus
depuis aucun rôle politique.
BOUDIN
BOUDIN (N.), baron DE ROVILLE, général
français. Chef de bataillon en 1799, il était
du nombre des 1,500 braves qui, sous le gé-
néral Monnier, résistèrent pendant six mois à
10,000 Autrichiens. U fut nommé général de
brigade en 1813, fut blessé l'année suivante à
Montmirail, et continua- de servir sous la
Restauration, qui le mit à la tête d'un dépar-
tement et lui conféra le grade de grand offi-
cier de la Légion d'honneur.
BOUDIN
BOUDIN (Jean-Christiern-Marc-Françoîs-
Joseph), médecin français, né en 1806. U est
médecin en chef de l'hôpital militaire du
Roule. En 1859, il suivit l'armée d'Italie comme
médecin en chef du 1
e r
corps. Outre une col-
laboration active aux Annales d'hygiène et
aux Mémoires de médecine, de chirurgie et de
pharmacie militaires, il a donné des travaux
d'un haut intérêt : Essai de géographie médi-
cale(l&4Z) ; Etudes de géologie médicale (1845);
Etudes de géographie médicale (1846) ; Sur le
recrutement des armées (1849); Histoire phy-
sique et médicale de la foudre (1854) ; Système
des ambulances des armées françaises et an-
glaises (1855), etc.
BOUDINADE
BOUDINADE s. f. (bou-di-na-de — rad.
boudin). Art culîn. Quartier d'agneau farci de
boudins blancs et de boudins noirs, cuit à la
broche et servi sur une sauce hachée.
BOUD
BOUD IN AGE s. m . (bou-di-na-je — rad.
boudiner). Techn. Action de boudiner le fil de
lin ou de soie.
BOUDINE
BOUDINE s. f. (bou-di-ne — rad. boudin).
Ventre, entrailles, lî Nombril, il Vieux mot.
— Techn. Espèce de bosse circulaire que
présentent les feuilles de verre obtenues par
le procédé des plats ou plateaux, il Verre
à boudiné, Verre fabrique par ce procédé;
c'est le crown-glass ou verre en couronne des
Anglais.
BOUDINÉ,
BOUDINÉ, ÉE (bou-di-né) part. pass. du
v. Boudiner : Lin BOUDINÉ.
BOUDINÉEBOUDINÉE s. f. (bou-di-né — rad. boudin).
Plat de boudin, il Régal qui se compose sur-
tout de boudin et de viande de porc, et que
l'on donne à ses amis, à l'occasion d'un porc
que l'on a tué : Un paysan qui se trouvait dans
ce cas, et qu'un peu de ladrerie portait à ne
pas suivre l'usage, alla consulter un autre pay-
san, le meilleur de ses amis: « Parbleu/ dit
celui-ci, vous voilà bien embarrassé.' Dites
qu'on vous a volé votre cochon. — C'est ce que
j'ai envie de faire, » dit le vilain. La nuit sui-
vante, celui qui avait si bien conseillé alla lui-
même faire le vol : • Savez-vous bien, mon
pauvre ami, lui dit le lendemain l'homme volé,
que ce que vous m'avez engagé, hier au soir, de
dire à tout le monde, m'est effectivement arrivé?
On m'a enlevé mon cochon, et cela n'est pas du
tout une plaisanterie. — Bon! dit le voleur
conseiller, dites toujours de même; cela fera
que vous ne donnerez pas la BOUDINÉE. »
— Econ. rur. Action de faire le boudin et
de préparer les parties qui restent après
qu'on a salé le corps et les jambons d'un porc
pour les conserver.
BOUDINER
BOUDINER v. a. ou tr. (bou-di-né — rad.
boudin). Techn. Tordre légèrement le fil de
lin ou de soie, avant de le mettre sur la bo-
bine : BOUDINER du lin, de la soie.
BOUDINIER,BOUDINIER, 1ÈRE s. (bou-di-nié, iè-re
rad. boudin). Personne qui fait ou vend du
boudin, u Peu usité.
BOUDINIÈRE
BOUDINIÈRE s. f. (bou-di-niè-re — rad.
boudin). Econ. domest. Espèce d'entonnoir
court et très-évasé, avec lequel on remplit des
boyaux pour faire des boudins ou des sau-
cisses."
BOUDINOIR
BOUDINOIR s. m. (bou-di-noir — rad. bou-
diner). Techn. Appareil qui sert à boudiner
le fil.
BOUDINURE
BOUDINURE s. f. (bou-di-nu-re — rad.
boudin). Mar. Petit cordage dont on enve-
loppe certaines parties des câbles pour les
protéger.
BOUDJAK,
BOUDJAK, nom sous lequel les Turcs dési-
gnent la Bessarabie^ Ce mot signifie littérale-
ment angle, coin, dans la langue ottomane, et
est parfaitement approprié à cette contrée, qui
forme en effet une espèce d'angle limité par
l'embouchure du Dniester, et du Dnieper.
BOUDJEPOUR,
BOUDJEPOUR, ville de l'Indoustan anglais,
province de Bahar, sur la rive doite du Gange,
entre Bénarès et Patna, et à 80 kilom. O. de
cette dernière ville. Elle appartenait autrefois
BOUD
à un rajah très - puissant; aujourd'hui elle
tombe en ruine.
BOUDJOUs. m. (mot arabe). Métrol. Unité
monétaire de l'Algérie, qui valait 1 fr. 86. il
PI. BOUDJOUS.
— liial bouâjou (boudjou royal), Monnaie
réelle d'Alger, qui valait 1 fr. 88 cent, il liebia
boudjou, Autre monnaie algérienne, qui va-
lait un quart de boudjou, ou 47 cent, u Temin
boudjou. Autre monnaie du même pays, va-
lant un huitième de boudjou,ou 23 cent. 50. il
Zoudi boudjou, Double boudjou, 3 fr. 72 cent.
BOUDOIR
BOUDOIR s. m. (bou-doir — rad. bouder)-
Sorte de cabinet coquettement orné, à l'usage
particulier des darnes, qui s'y retirent pour,
être seules et n'y admettent que les per-
sonnes les plus intimes : Un charmant BOU-
DOIR. Les nations finissent dans les BOUDOIRS,
elles recommencent dans les i amps.(l)Q Bonald.)
Pas un bourgeois qui n'eût son BOUDOIR à la
Du Burry ou son salon à la Choisenl! (Scribe.)
Les
BOUDOIRSBOUDOIRS ne sont restas de mode que chez
les femmes galantes.(Bo\taYd.) Les BOUDOIRS ne
.sont pas antérieurs au xvnie siècle. (Dezobry.)
J'aime un boudoir étroit qu'un petit jour éclaire.
DEMOUSTIER.
Dans un boudoir on s'aime mieux,
Plus intimement on s'accueille.
DEMOUSTIER.
Votre boudoir est-il tout peuplé de rocailles.
Et de festons mignards au plafond suspendus?
H. CANTEL.
Ah! puissiez-vous, disciple de Chaulîeu,
• Dans les boudoirs, tombeaux de la sagesse,
Au demi-jour, près de votre maîtresse,
Etre pris pour un demi-dieu!
DE CBOIST.
De vos boudoirs l'enceinte parfumée,
Ces longs tapis étendus sous vos pas,
Ne valent pas la chaumière enfumée
Qu'embelliront de modestes appas.
MILLEVOTB.
Je sais un vieux boudoir, plein de roses fanées,
Où git tout un-fouilis de modes surannées.
Où les pastels plaintifs et les pâles Boucher
Hument le vieux parfum d'un flacon débouché.
BAUDELAIRE.
— Par ext. Pièce décorée avec un luxe élé-
gant : Ce n'est pas une chambre à coucher,
c'est un BOUDOIR. Le banquier était dans un
cabinet des plus coquets, BOUDOIR de finance,
où resplendissait l'or et l acajou. (Scribe.)
— Epithètes. Elégant, charmant, joli, ma-
gnifique, gracieux, délicieux, enchanté, en-
chanteur, magique, riche, galant, voluptueux,
embaumé, parfumé, enivrant, amoureux, mys-
térieux, obscur, sombre, retiré, solitaire. .
Boudoir orieuiai (LE), tableau de Deca.mps.
Un Turc décrépit, coiffé d'un gigantesque tur-
ban, est accroupi, les jambes croisées, sur
un divan ; il tient à la main le long tuyau
d'une pipe dont le foyer repose à terre. A
droite, une belle jeune femme, à demi cou-
chée sur un tapis moelleux, et ayant pour
tout vêtement une jupe de gaze qui dessine
ses formes charmantes, s'appuie à l'épaule du
vieillard et semble lui murmurer à l'oreille
de douces paroles d'amour. La jeunesse de
cette odalisque, la grâce exquise, la souplesse
passionnée et l'abandon voluptueux de sa
pose contrastent avec l'air maussade et l'im-
passibilité du vieux Turc, qui daigne cepen-
dant jeter dé côté un regard satisfait à l'ado-
rable créature. Il était impossible de mieux
rendre le mystère et les langueurs énervantes
du harem,: aucun bruit ne pénètre dans ce
boudoir ouaté, capitonné; aucun rayon de
soleil ne vient en égayer la solitude, et l'air
qu'on y respire est tout imprégné de parfums
enivrants. Ce tableau a fait partie de la col-
lection de Mlle périn; il a été lithographie
par M. Garnier, dans la Galerie pittoresque.
BOUDONBOUDON (Henri-Marie), écrivain ascétique
et prédicateur français, né à La Fère (Aisne)
en 1624, mort en 1702. Il eut pour marraine
Henriette-Marie de Bourbon, fille de Henri IV.
Dès la plus tendre enfance,
!
il avait montré de
grandes dispositions à la piété: il entra dans
la carrière ecclésiastique, devint archidiacre
d'Evreux, se dévoua a prêcher des missions
dans les provinces et composa un grand nom-
bre d'ouvrages édifiants, parmi lesquels nous
citerons seulement : la Vie cachée avec Jésus
en Dieu (1676); la Science et la pratique du
chrétien (1680); Vie de saint Taurin, évêque
d'Evreux (1694); Vie de Marie-Angélique de
la Providence ; le Chrétien inconnu ou Idée de
la vraie grandeur du chrétien ; la Science sacrée
du catéchisme, etc.
BOUDOT
BOUDOT (Paul), théologien et prélat, né
vers 1571 à Morteau (Franche-Comté), mort
à Arras en 1635. Il fut successivement archi-
diacre d'Arras et de Cambrai, prédicateur de
l'archiduc Albert, évêque de Saint-Omer, puis
d'Arras. On lui doit, entre autres ouvrages :
Summa theologica divi Thomœ A quinatis recen-
sita; Catechismus sive summa doctrinœ chris-
tianœpro diœcesi Atrebatensi ; Traité du sacre-
ment de pénitence (1601) j Harangue funèbre de
l'empereur Rodolphe II, prononcée à Bruxelles
(1612), etc.
BOUDOT,
BOUDOT, famille d'imprimeurs, dont les
membres les plus connus sont: Jean BOUDOT,
mort en 1706, qui publia, en 1704, un Diction-
naire latin - français qui fut longtemps en
usage dans nos écoles, et Jean BOUDOT, son
fils (1685-1754), imprimeur-libraire, biblio-
graphe distingué, auquel on doit des catalo-
gues raisonnes fort estimés.
BODPOT
BODPOT (Pierre-Jeanl, historien et biblio-
BOUE
1069
graphe français, né à Paris en 1689, mort en
1771. Il entra dans les ordres, exerça les fonc-
tions de censeur royal, et fut attaché à la
Bibliothèque du roi, dont il rédigea le cata-
logue avec l'abbé Sallier. On lui doit aussi un
Essai historique sur l'Aquitaine (1755), et un
Examen des objections faites à l'Abrégé chro-
nologique de l'nistoire de France (1765). '
BOUDOUSQUEs. f. (bou-dou-ske). Econ. rur.
Dans le midi de la France, Marc <^ui reste
dans la presse, lorsque la cire des gâteaux à
miel en a coulé par l'effet de la compression.
BOUDOUSQUIÉ
BOUDOUSQUIÉ (Pierre-Alain),homme po-
lique français, né à Cahors en 1791. Après
avoir suivi quelque temps la carrière militaire
sous l'Empire, il fit ses études de droit, devint
avocat à Paris et prit une part énergique à la
révolution de 1830. Dupont de l'Eure le nomma
procureur du roi à Cahors; mais dès 1832
M. Boudousquié donna sa démission; il fut
ensuite élu, en 1834, député de Cahors. Depuis
cette époque jusqu'en 1848, il appartint au
parti de l'opposition, protesta de son vote
contre les lois de septembre et les lois d'apa-
nage, se prononça pour la réforme parlemen-
taire, et c'est grâce à son initiative que fut
rendue la loi du 16 juin 1837 en faveur des
sous-officiers et soldats amputés. Depuis 1848,
M. Boudousquié n'a joué qu'un rôle politique
effacé. On a de lui un Traité d'assurance contre
l'incendie (1829).
BOUDROUMBOUDROUM ou BODROUN, l'ancienne Ha-
liearnasse, ville de la Turquie d'Asie, dans
l'Anatolie,à 150 kilom. S. de Smyrne, avec un
petit port sur l'Archipel, vis-à-vis l'Ile de Cos ;
11,000 hab. Boudroum, bâti sur 1-emplacement
d'Halicarnasse, présente de nombreuses ruines
de l'antique cité dorienne. Le château actuel,
élevé en 1402 par lés chevaliers de Rhodes,
fut construit sur l'emplacement du célèbre
mausolée d'Artémise, et porte sur ses murs
une foule de sculptures prises aux monuments
de l'antique Halicarnasse. V. ce mot.
BOUDRIÈRE
BOUDRIÈRE s. f. (bou-dri-è-re). Agric.
Nom vulgaire de la carie du froment, u On
dit aussi BOUDRINE.
BOUDRY,
BOUDRY, ville de Suisse, canton et à
Il kilom. S.-O. de Neuchatei, sur la Reuss,
près de son embouchure dans le lac de Neu-
chatel; 1,378 hab. Récolte de vins rouges es-
timés ; exploitation de gypse ; patrie de Marat.
BOUE
BOUE s. f. (boû. — Bescberelle rapproche
tout simplement boue du celtique boz
}
gras;
Diez du cymrique bova et do l'anglais bog,
boue. D'autre part, on peut le rattacher à
une racine germanique, e t , si nous nous
guidons sur l'analogie, nous devons nous
ranger à cette opinion ; car, comme le fait
judicieusement remarquer M. Delâtre, la
série des mots désignant les immondices :
boue, bouse, vase, crotte, marais, tourbe, gâ-
chis, fange, est tout entière germanique.
L'ancienne tonne de boue, dans le vieux fran-
çais, est boe; M. Delâtre lui donne comme
corollaire le mot bousse ou bouse, que l'on
prend maintenant dans l'acception beaucoup
plus restreinte de bouse de vache. Une re-
marque que nous avons faite pourrait justi-
fier jusqu'à un certain point cette opinion,
c'est que souvent le même mot désigne la
boue et les excréments ; ainsi, nous disons
crotte dans ces'deux sens, et en allemand
koth et dreck se prennent aussi dans cette
double acception. Bouse ou bousse serait alors
la forme primitive et se rattacherait à
l'ancien haut allemand buzzi. bourbe, boue,
que M. Delâtre rapporte à la racine bodd,
mouiller, baigner. Nous aurions alors dans
cette hypothèse le groupe étymologique
complet : écla-boussure, éclat de bousse ou
de crotte; bouse, fiente de bœuf ou de vache ;
bousiller, maçonner avec du chaume et de
la terre détrempée, du torchis, travailler
mal ; boue, fange ; boueux, bouer, etc. M. De-
lâtre rapproche encore l'allemand moderne
pfuetze et l'italien pozza, bourbier). Fange,
pâte sale formée de diverses matières dé-
layées ou détrempées dans l'eau : La BOUK
des rues, des chemins, des fossés, des égouts.
Tomber dans la BOUE. Piétiner dans la BOUE.
Avoir ses babils couverts de BOUE. Le comédien,
couché dans son carrosse, jette de la BOUE au
visage de Corneille, qui est à pied. (La Bruy.)
.0 Paris.' ville de bruit, de fumée et de BOUE!
je cherche la paix, la vertu, le bonheur : je ne
serai jamais assez loin de toi. (J.-J. Rouss.)
En général, les BOUES des villes forment un "
excellent engrais, que ne doivent pas négliger
les cultivateurs. (Math, de Dombasle.) On
emploie jusqu'à 86,400 kilogr. de BOUE pour
la fumure d'un hectare de terre. (Payen.)
Le Tibre aura tari dans ses rives de BOUE,
que le Colisée le dominera encore. (Lamart.)
La
BOUEBOUE de Paris a cela de particulier qu'elle
contient une forte dose de fer, qui provient de
l'usure des fers des chevaux, des cercles des
roues, etc. ; aussi, lorsqu'on lève les pavés, tes
trouue-t-on d'un noir d'encre; c'est ce qui rend
cette
BOUEBOUE si tachante. (Bouillet.)
Un ftacre, me couvrant d'un déluge de boue,
Contre le mur voisin m'écrase de sa roue.
BOILEAU.
Comment sortir? les roues
S'enfoncent dans les boues
Presque jusqu'à l'essieu.
Tu. GAUTIER.
. . . Aux plus clairs endroits, et pour trop regarder
Le lac d'argent paisible au cours insaisissable.
On découvre sous l'eau de la boue et du sable.
SAINTE-BEUVE.
1070 BOUE
BOUE BOUE
BOUE
M Terre délayée : Cette maison est construite
avec de la BOUE, sans sable ni chaux.-En Hol-
lande , le sol n'est qu'une BOUE qui fond.
(H. Taine.)
— Par anal. Dépôt épais d'une matière
quelconque : Cet encrier est plein de BOUE. Ce
n'est pas du vin que l'on nous sert, c'est de la
BOUE. Il Pus épais : Son abcès crevé, il n'en
sortit que de la BOUE.
— Poét. Nature terrestre, corporelle; objet
vil, méprisable : Notre corps est une BOUE
puante. La terre est ce monceau de BOUE que
nous habitons. Tous les hommes sont faits de ta
même BOUE. Qu'est-ce que le fils de l'homme,
si ce n'est du fumier, de la BOUE? (BOSS.) L'au-
teur de notre être avait d'abord animé notre
BOUEBOUE d'un souffle d'immortalité. (Mass.) Re-
gardez comme de la BOUE tous les avantages
de la terre. (Mass.) On n'admire pas longtemps
un peu de BOUE sensitive, dût ce peu de BOUE
être composé d'esprit et de matière. (Chateaub.)
Il n'est pas facile d'être clair, en parlant de la
plus incompréhensible des révélations, dernier
rayon de la foi qui ait, dit-on, rayonné sur
notre tas de BOUE. (Balz.)
La terre sur son sein ne voit que potentats.
Qui partagent sa boue en superbes Etats.
IJ. RACINE.
Atomes tourmentés sur cet amas de bouc,
Que la mort engloutit et dont le sort se joue,
Mais atomes pensants
VOLTAIRE.
— Fig. Corruption, nature vicieuse et cor-
rompue : Ame de BOUE. La BOUE du vice.
Tomber dans la BOUE des passions. Il y a des
âmes sales, pétries de BOUE et d'ordure, éprises
du gain et de l'tntérêt, comme tes belles âmes
le sont de la gloire et de la vertu. (La Bruy.)
On trouve des âmes de BOUE où la nature avait
d'abord placé des âmes grandes et bien nées.
(Mass.) On fléchit souvent le genou devant des
idoles qui ne sont que de la BOUE dorée. (Boiste.)
il Outrages, calomnie, infamie dont on cherche
à couvrir quelqu'un : Traîner quelqu'un dans
la
BOUE,BOUE, le couvrir de BOUE. Est-ce que cette
BOUEBOUE dont on me couvre ne vous éclabousse pas?
(V. Hugo.) Les gens déshonorés essayent de
faire jaillir sur'les plus nobles personnes la
BOUEBOUE dans laquelle ils se noient. (Balz.) il Etat
d'objection, de honte ou de profonde misère :
Tirer Quelqu'un de la BOUE. Retomber dans la
BOUEBOUE d'où l'on était sorti. Rien de plus ordi-
naire que l'ingratitude des parvenus envers
ceux qui les ont tirés de la BOUE. (Lav.)
La mort nous le ravit; la fortune s'en joue;
Aujourd'hui sur le trône, et demain dans la boue.
CORNEILLE.
. . . La fortune a sa roue
Attache mille ambitieux,
Les précipite dans la boue
Ou les élevé jusqu'aux cieux.
BÉRANOER.
— Fait de boue et de crachat, Mal con-
struit, sans solidité : Voilà une maison FAITE
DE BOUE ET DE CRACHAT, il Râtir sur la boue
t
Fonder sur des illusions, sur une base qui
n'est pas solide : C'est BÂTIR SUR LA BOUE que
d'appuyer les fondements de sa fortune sur
l'affection passagère d'une vile populace. (Ver-
tot.) il On dit plus souvent BÂTIR SUR LE SABLE.
— Prov. Ne pas faire plus de cas d'une
chose que de la boue de ses souliers, N'en faire
aucun cas, avoir pour elle un profond mépris.
Il Le soleil ne salit point ses rayons, quoiqu'ils
tombent sur la boue, Le contact d'un homme
de bien avec des hommes méprisables ne le
rend pas digne de mépris.
— Fin. Roues et lanternes, Taxe spéciale
qu'on payait autrefois pour l'enlèvement des
boues et l'éclairage des lanternes : J'ai payé
mes BOUES ET LANTERNES.
— Géol. Terres noires délayées, contenant
des lignites et des troncs de conifères, n .Volcans
de boue, Cratères qui vomissent des terres et
des sables détrempés dans l'eau.
— Alchim. Matière amenée à l'apparence
de la poix fondue.
— Méd. Roues minérales ou simplement
boues, Boues imprégnées des mêmes sub-
stances et jouissant des mêmes propriétés
que certaines eaux minérales, et que Ton
rencontre dans le voisinage de ces eaux : Les
BOUESBOUES de Saint-Amand, de Ragnères, de Rar-
botan. Prescrire les BOUES à un malade.
^- Art vétér. La boue souffle au poil, Se dit
lorsque, le cheval étant blessé au pied, la sup-
puration s'établit vers la couronne.
— Techn. Roue d'émeri, Matière pâteuse
qu'on recueille sous les meules des ouvriers
lapidaires, et qu'on emploie à polir le marbre,
à cause des poudres très-dures qu'elle contient.
— Econ. r u r / Nom que l'on donne dans
l'Artois à une cave placée au-dessous d'une
autre, et dans laquelle on conserve la bière.
— Syn. Boue, bourbe, crotte, fange, li-
mon, vn»e. La boue, la fange et la crotte se
forment ou se trouvent sur la terre; la bourbe,
le limon et la vase sont dans l'eau. La boite
est proprement la terre détrempée par la
pluie et qui couvre les chemins et les rues ;la
fange est plus liquide, c'est une sorte de bouil-
lie sale et infecte; la crotte est la boue s'at-
tachant à la chaussure, aux vêtements. Au
figuré, boue marque la bassesse, la misère;
fange exprime quelque chose de plus vil en-
core, et crotte, qui est du style familier, ne
marque guère que la pauvreté. Rourbe et vase
désignent la terre liquide quise trouve au fond
de l'eau ; le limon est la terre molle qu'entraî-
nent les eaux courantes. Au fi&uré
a
vase ne
s'emploie presque jamais, bourbe se confond
à peu près avec boue, et limon désigne sou-
vent une terre molle considérée comme la ma-
tière dont s'est servi le Créateur pour former
les corps des animaux.
— Homonymes. Bout, substantif et 3^ pers.
du verbe bouillir.
— Epithètes. Epais.se, noire, fangeuse,
vile, sale, infecte, immonde.
— Encycl. Nous ne dirons rien ici des me-
sures que réclame la salubrité pour l'enlève-
ment des boues dans les rues des villes, sur
les places, et en général, dans tous les lieux
livrés à la circulation publique : nous avons
traité cette question au mot BALAYAGE. Mais
l'industrie humaine tire parti de tout, et les
boues des villes sont loin d'être sans valeur
pour l'agriculture: affermées à des industriels
qui se chargent de les faire ramasser tous
les matins dans de nombreux tombereaux, et
exposées pendant quelque temps à l'influence
de l'air, elles deviennent un excellent engrais
et sont revendues assez cher aux cultivateurs
qui en fument leurs terres. Les boues prove-
nant du curage des mares, des étangs, des
canaux sont moins riches en substances ani-
males, mais peuvent pourtant être utilisées de
la même manière. Depuis que l'usage s'est ré-
pandu de remplacer le pavé par le macadam
dans les principales voies publiques de nos
grandes villes, les boues ont perdu une partie
de leur valeur; car celles qu on ramasse dans
les voies macadamisées ne sont guère que du
sable délayé, presque entièrement privé de
propriétés fertilisantes. En mêlant un peu de
chaux aux boues, on en forme un compost
très-propre à améliorer les terres légères, et
on en augmente beaucoup la valeur.
Pour enlever les taches de boue sur les
étoffes, un simple lavage est ordinairement
suffisant. Si ce moyen reste inefficace, on frotte
la partie salie après l'avoir trempée dans de
l'eau tiède où l'on a délayé un jaune d'œuf, ou
bien on se sert de crème de tartre en poudre.
— Rouesminéralcs. Parmi les eaux minérales
auxquelles on a recours pour laguérison d'un
grand nombre de maladies, il en est qui sont
boueuses et que l'on désigne sous le nom de
boues; on se baigne dans ces boues, on les
prend en boisson, comme si elles étaient lim-
pides, et l'on croit généralement que leur dé-
faut de limpidité ne fait que les rendre plus
efficaces. Les boues minérales les plus con-
nues en France sont celles de Saint-Amand,
de Bourbonne, de Barbotan, de Néris, de
Dax, etc. On en trouve aussi beaucoup en Al-
lemagne. Quand on est resté une heure, ou
quelquefois davantage, le corps entièrement
plongé dans ces boues, il faut prendre, pour
se laver, un autre bain, dit bain de propreté.
On pourrait assimHer aux boues minérales
celles qui sont lancées au dehors par certaines
cavités volcaniques, connues sous le nom de
salses; mais nous ne savons si ces boues ont
jamais été employées comme ayant des pro-
priétés curatives.
— Anecdotes. Le précepteur de Tibère,
pour exprimer la bassesse d'âme et les in-
stincts sanguinaires de son élève, disait que
c'était de la boue pétrie avec du sang.
» *
Le brave général Lamarque caractérisait
très-sévèrement et très-justement les années
de paix de la Restauration en disant: « C'est
une halte dans la boue. »
Un Gascon disait : o La boue de Paris a deux
grands inconvénients; le premier, c'est de
faire des taches noires sur les bas blancs, et
le second, de faire des taches blanches, sur
les bas noirs. »
Un jeune seigneur, très-fier de sa généalo-
gie, se plaisait à établir une ligne de démar-
cation entre ceux qu'il appelait des vilains et
les gens de la noblesse. Un paysan lui répon-
dit un jour: « Pardié! monsieur, vous croyez
donc que nous autres avons été pétris avec
de la boue, et vous avec de la tefre à porce-
laine ! »
Le pape Benoît XIV, voulant un jour punir
la négligence du prélat chargé d'entretenir la
propreté dans les rues de Rome, se rendit
dans une des rues les plus malpropres et les
plus étroites de cette capitale. Il savait que le
cardinal devait la traverser; il l'y attendit.
L'usage était que, passant devant Sa Sainteté,
on descendît de voiture pour recevoir, à ge-
noux, la bénédiction. Le souverain pontife la
lui fit attendre pendant une demi-heure, dans
un gros tas de boue.
On raconte que le maréchal de Saxe, dont
on connaît la force herculéenne, parcourant
à pied les rues de Londres, fut heurté, puis
gravement insulté par un boueur. Il marcha
sur lui, le saisit par les cheveux et le bas de
son vêtement, et le fit pirouetter en l'air de
manière à opérer sa descente au milieu de son
tombereau, rempli jusqu'au bord d'une boue
liquide. On ajoute que le peuple de Londres,
enchanté de cette boxe d'un nouveau genre,
porta le maréchal en triomphe jusque dans
son hôtel.
Un prédicateur s'écriait en chaire, dans la
chaleur d'une improvisation sur les plaisirs
mondains : "Mes frères, jeunesse, fraîcheur,
beauté, tout cela n'est que de la boue. » Un
jeune homme qui se trouvait assis à côté
d'une charmante personne, se pencha vers
elle et lui dit, sous forme de protestation, en
la dévorant du regard: «Ah! mademoiselle,
il faut avouer qu'il y a de bien jolie boue. »
BOUE,
BOUE, ÉE (bou-é) part. pass. du v. Bouer:
Monnaies BOUÉES.
BOUE
BOUE s. f. (boû — du gr. bous, bœuf).
Agric. Boue de terre, Terrain qu'une paire de
bœufs peut labourer en un jour.
BOUE
BOUE (Ami), géologue français contempo-
rain. Il a publié, entre autres ouvrages : Mé-
moires géologiques et paléontologiques (Paris,
1832) ; Résumé des progrès des sciences géolo-
giques pendant l'année 1833 (Paris, 1835) ;
Guide du géologue voyageur (1835); Esquisse
géologique de la Turquie (1840) ; la Turquie
d'Europe (1840).
BOUÉE,
BOUÉE, s. f. (bou-é — du bas lat. boja,
chaîne). Mar. Corps flottant destiné à servir
de signal, comme pour indiquer la position
d'une ancre, une passe, etc. : Aujourd'hui les
BOUÉE'SBOUÉE'S sont généra lement en fer. Les unes sepla-
ceut à quarante ou cinquante lieues d'une terre
inconnue, et deviennent un indice certain pour
le pilote qui tes découvre, flottant sur l'onde
comme les BOUÉES d'une ancre. (Chateaub.)
— Rouée de sauvetage, Plateau de liège ou
de bois qu'on porte sur les navires, pour les
jeter aux hommes en danger de périr à la
mer : Aussitôt, on se hâte de lui jeter les
BOUÉESBOUÉES de sauvetage et ce qu'on trouve sur le
pont. (X. Marmier.) H Rouée de ber, Celle qui
est attachée au ber, qu'elle sert à relever
après la mise à l'eau.
— Argot marit. Bâtiment mauvais mar-
cheur, les bouées étant destinées à rester en
place. Il Etre au vent de sa bouée, Etre dans
une situation favorable, prospère, avoir ce
qu'on désire, il Etre à labri de sa bouée,
N'avoir aucune espèce d'abri, être à la merci
du vent : Dans cette rade, les navires SONT A
L'ABRI DE LEURS BOUÉES.
— Moll. Espèce de cérite, qui constitue au-,
jourd'hui le genre télescope.
— Encycl. Tout corps flottant retenu par
un cordage ou orin au-dessus d'un objet quel-
conque qui gît au fond de l'eau est appelé
bouée par les marins. Quand on mouille une
ancre, elle a toujours sa bouée, afin que, si le
câble auquel elle est attachée venait à se
rompre, on pût connaître la place qu'elle oc-
cupe et la relever. Les bers dont on se sert
pour lancer à l'eau un navire ont aussi leur
bouée. Quîind on embarque ou débarque un
objet précieux, on y frappe un orin garni d'une
P
etite bouée, et, si l'objet vient à tomber à
eau, on le repêche facilement en tirant sur
l'orin. D'autres bouées servent à marquer la
position d'un banc, d'un rocher, d'un écueil
quelconque, ou les limites entre lesquelles
doivent passer les navires pour traverser un
chenal. Les bouées sont souvent faites d'un
morceau de liège ou de bois de sapin ; souvent
aussi elles sont composées de deux cônes
creux de tôle soudés à leur base, ou bien c'est
simplement un baril vide.
La bouée dite de sauvetage est faite avec
des planches de liège; elle porte un mâtereau
et un petit pavillon, afin qu'on puisse l'aper-
cevoir de loin; elle est garnie de bouts de
cordage à nœuds qui traînent dans l'eau et
auxquels l'homme qu'on veut secourir peut
s'accrocher. Dès qu'un homme tombe à la
mer, on lance vers lui la bouée de sauvetage,
et on met à l'eau un canot ou une barque
pour aller à son secours le plus tôt possible.
Pour la nuit, on a des bouées munies d'un
ressort à détente qui, à une certaine distance,
fait partir une pièce d'artifice dont la clarté
sert de fanal au malheureux. Les Anglais ont
des bouées de sauvetage composées d'une tige
ayant une grosse boule de liège à chaque
bout. Enfin M. Lemétheyer a inventé la
bouée quaternaire, composée de quatre bouées
reliées entre elles et offrant ainsi quatre
points d'appui divergents. Cette invention est
surtout utile dans les ports, dans les bassins;
M. Lemétheyer était capitaine de port au Ha-
vre quand il s'en est servi pour la première
fois.
On distingue encore la bouée de meule, la
bouée de sonde et une foule d'autres bouées,
dont on trouvera la description dans les ou-
vrages spéciaux.
BOUELLE,
BOUELLE, petit village de la Seine-Infé-
rieure, arrond., cant. et à 4 kilom. de Neuf-
chàtel-en-Bray, est remarquable par son an-
tique château, véritable manoir féodal, qui
fut bâti par les Celtes. Ceux-ci lui donnèrent
le nom de Bulles, dont plus tard on fit Bouelle,
parce qu'il fut élevé dans un lieu humide ;
bulles, en celtique, signifiant lieux humides.
Ce castel fut détruit dans les guerres contre
les Normands ; cependant il restait encore une
tourelle, qui fut jetée à bas en 1S15 ; mais sur
les ruines du vieux manoir on édifia, vers la
fin du xvie siècle, un nouveau château de
Bouelle, qui, de nos jours, a conservé plu-
sieurs vestiges de tours et de bastions.
ROUELLES, ou BOUILLES,ou BOUVELLES
(Charles DE), en latin Boviiius, philologue et
savant français, né à Sancourt (Picardie), vers
1470, mort vers 1553. Il obtint un canonicat à
Saint-Quentin, puis aNoyon, où il professait en
outre la théulogie. Il s'occupa toute sa vie a
étudier les sciences et les langues. Il publia
d'abord, en latin, un livre où il traitait d'une
foule de questions diverses, aujourd'hui sans
intérêt ; puis il fit paraître d'autres ouvrages,
recherchés encore actuellement des biblio-
philes : Proverbiorum vulgarium lîbri très (Pa-
ris, 1531, in-8°); Liber de differentia vulga-
riorum linguarum et gallici sermonis varietate
(Paris, 1533, in-4o). On attribue aussi au
même auteur le Livre de l'art et science de
géométrie (Paris, 1511), qui est le premier
traité de géométrie publié en français, et qui
avait d'abord paru en latin.
B O U E M E N T s. m. (boû-man — de bouer).
Techn. Action de bouer : Le BOUEMENT des
pièces de monnaie, il Assemblage de menuise-
rie qui se fait à mortaises et carrément pour
le champ des pièces, à onglet pour les mou-
lures.
BOUER
BOUER v. a. ou tr. (bou-é — rad. bouard).
Techn. Frapper avec le bouard des flans dis-
posés en pile, opération aujourd'hui aban-
donnée.
— Encycl. Ce terme d'ancien monnayage
exprimait la façon qu'on donnait aux flans en
les frappant avec un marteau nommé bouard
ou bouer, après en avoir superposé un certuin
nombre les uns sur les autres, afin de les
aplanir, les joindre, les coupler, pour les faire
couler plus aisément au compte et à la main.
L'ordonnance prescrivait de bouer trois fois
les flans, avant de les remettre au blanchi-
ment. Aujourd'hui, l'ouvrier monnayeur se
contente de redresser à l'aide d'un marteau
les flans gondolés ou soufflés qui ne passe-
raient pas dans le main-poseur de sa presse.
BOUER
BOUER s. m. (bou-èr). Mar. Sorte de ca-
not, ou plutôt traîneau h un, deux ou trois
mâts, portant sous sa quille deux lames de
fer semblables à celles des patins, une troi-
sième sous son gouvernail, et qui est parti-
culièrement usité sur le golfe de Finlande •
C'est surtout lorsque sont commencées les courses
en
BOUERSBOUERS que la rade de Cronstadt présente
le tableau le plus animé. (Ancelot.)
— Techn. Marteau qui servait à bouer les
flans, it On disait aussi BOUARD.
BOUERE,
BOUERE, comm. du département de la
Mayenne, arrond. de Château-Gontier; pop.
aggl. 757 hab.'— pop. tôt. 2,040 hab. Le ter-
ritoire de cette commune et celui de Grez-en-
Bouôre formaient, dans l'ancienne province
de l'Anjou, un petit pays qui portait aussi
le nom de Bouère.
BOUERE
BOUERE (Amand-Modeste GAZEAU, comte
DE LA), général vendéen. En 1793, il fut un
des premiers chefs que se donnèrent les in-
surgés de la Vendée. Il combattit sous les
ordres de Henri de Là Rochejacquelein, fut
membre du conseil que présidait Stofflet, et
reçut une blessure ,au combat de la Châtai-
gneraie. Il souscrivit ensuite au traité qui mit
fin à la guerre civile, et obtint plus tard du
gouvernement impérial l'emploi de receveur
général du département d'Eure-et-Loir. — La
comtesse de BOUÈRE, sa femme, avait partagé
avec lui tous les dangers de la guerre civile.
Elle fut arrêtée par une brigade de gendar-
mes républicains au moment où elle allait
faire ses couches au milieu d'une forêt; mais
la Vendéenne Bordereau, connue sous le nom
de Langevin, la délivra, aidée seulement de
trois cavaliers, et lui sauva probablement la
vie.
BOUES,
BOUES, petite rivière de France, prend sa
source dans le canton de Tournay (Hautes-
Pyrénées), entre dans le départ, du Gers,
baigne le pied des collines d'Artarac, et se
jette dans 1 Arros, après un cours de 60 kil,
BOUET
BOUET (Charles), seigneur de la Noue. V.
LA NOUE.
BOUETEBOUETE s. f. (bouô-te). Trou, creux, ou-
verture, il Vieux mot.
BOUETER
BOUETER v. n. ou intr. (bou-e-tô — rad.
bouette ou boitte). Pêch. Employer à la pêche
une sorte de hachis fait de maquereaux sa-
lés et d'œufs de morue, que l'on jette à la
surface do l'eau pour y attirer les sardines.
BOUETTE
BOUETTE s. f. (bou-è-tc). Pêch. V. BOITTE.
BOUETTE
BOUETTE DE BLEMUR (Jacqueline). V.
BLEMUR.
BOUETBOUET - WILLAUMEZ ( Louis - Edouard ,
comte), marin français, né en 1808, gagna
tous ses grades par trente ans d'honorables
services. Elève de l'école navale en 1S23,
il était lieutenant de vaisseau en 1835, et,après
avoir pris part au bombardement de Mogador,
il reçut la mission de relever les côtes de
l'Afrique depuis le Sénégal jusqu'àl'équateur.
Capitaine de vaisseau en 1844, il devint gou-
verneur du Sénégal (1844-1847), fut élevé au
grade de contre-amiral en 1854, et prit part
aux opérations maritimes de l'expédition de
Crimée. Depuis lors, M. Bouet-Willaumez a
été préfet maritime a Cherbourg et à Toulon,
et a été promu au grade de vice-amiral (ISCO).
Il a publié divers écrits : Description nautique
des côtes comprises entre le Sénégal et l'équa-
teur (1849, in-8°) ; Campagne aux côtes occi-
dentales d'Afrique (1850) ; la Flotte ei tes co-
I lonies en 1852 ; Batailles de terre et de mer
(1855).
]
BOUEURBOUEUR s. m. (bou-eur— rad. boue).
• Charretier ou autre ouvrier chargé de l'en-
I lèvcment dés boues :
BOUP
BOUF
BOUF
BOUF 1071
Le boueur matinal, dont le balai de houx,
Nous fait, quand nous dormons, notre pavé plus doux.
BARTHÉLÉMY.
— Officier municipal qui était autrefois
chargé à Paris de veiller au curage des ports.
BOUEUX,
BOUEUX, E U S E adj. (bou-eu, eu-ze — rad.
boue). L
J
lein de boue, ou sali de boue : Un
chemin BOUEUX. Des souliers BOUEUX. Les ma-
gistrats ne sauraient apporter trop de soin à
•prévenir les amas BOUEUX et leurs funestes ef-
fets. (Payen.) Qu'il -prenne à sa gauche la rue
des Sept- Voies, rue obscure et BOUEUSE, OÙ les
balayeurs et le gaz n'ont pas encore pénétré.
(Scribe.)
— Par ext. Pâteux, peu net et en quelque
sorte sa.», en parlant des estampes, des ca-
ractères imprimés et de l'écriture manu-
scrite : Impression BOUEUSE, caractères BOUEUX,
écriture BOUEUSE.
— Fig. Impur, souillé de vices :
Paris n'est maintenant qu'une sentine impure, '
Un égout sordide et boueux.
BARBIER.
— Techn. Mal fini, mal ragréé, mal pro-
filé; offrant une surface irrégulière et qu'on
dirait couverte d'une couche de boue, en par-
lant des ouvrages de maçonnerie ou de me-
nuiserie : Ce mur est BOUEUX. Ce panneau est
BOUEUX. Cette moulure est BOUEUSE.
— Mar. Ancre boueuse, ou ancre de toue,
La plus petite des ancres d'un navire.
B O U F F s. m. (bouf). Art culin. Espèce do
gâteau allemand, qui est fait avec des œufs,
du sucre, du beurre, de la farine, des raisins
de Corinthe et de Malaga, et du j us de citron.
BOUFFANT
BOUFFANT (bou-fan) part. prés, du v.
Bouffer : Le grand écuyer se releva le nez de
dessus la table, regarda la compagnie, toujours
BOUFFANT. (St-Simon.)
BOUFFANT,
BOUFFANT, ANTE adj. (bou-fan — rad.
bouffer). Qui bouffe, qui est comme gonflé :
Manche BOUFFANTE. Robe BOUFFANTE. Ces deux
charmantes figures, renfermées sous le jupon
BOUFFANT, me rappelèrent les enfants de Léda.
(B. de St-P.) Le service est fait par de petits
nègres tout nus, à l'exception d'une housse
BOUFFANTE de soie ponceau. (Th. Gaut.) Ar-
rêtons-nous à cet heiduque d'Arokszallas, si
fièrement campé et si pittoresque avec sa cra-
vate et ses manches BOUFFANTES, sa veste à
brandebourgs blancs, etc. (Th. Gaut.) Les
femmes ne portaient plus de paniers alors, mais
des jupes fort BOUFFANTES par derrière. (Mi-
cheiet.)
— Antonymes. Collant, étriqué.
BOUFFANT
BOUFFANT s. m. (bou-fan —rad. bouffer).
Partie bouffante d'une manche : Une manche
à BOUFFANTS. Une robe à BOUFFANTS.
BOUFFANTEBOUFFANTE s. f. (bou-fan-te — rad. bouf-
fer). Vêtement bouffe, ou appareil qui sert à
faire bouffer les vêtements, u Guimpe gau-
frée que les dames portaient autrefois, il
Larges rubans gaufrés et bouffants, dont on
ornait la chaussure : Mais quel est ce jeune
dandy qui s'avance, avec une raie au milieu de
la tète et des .souliers à BOUFFANTES de ru-
ban? (***). » Petit panier qui servait à faire
bouffer les jupes : La crinoline est une exagé-
ration des BOUFFANTES.
BOUFFARDE
BOUFFARDE s. f. (bou-far-de — rad. de
bouffer.) Pop. Pipe, et spécialement grosse
pipe dont se servent les gens du peuple :
Le dévorant brûlot, la bouffarde grossière.
BARTHÉLÉMY.
Nous faisons notre orgueil d'une immonde bouffarde.
BARTHÉLÉMY.
BOUFFARDERBOUFFARDER v. n. ou intr. (bou-far-dé
— rad. bouffarde). Pop. Fumer, et plus spé-
cialement lumer une bouffarde : Il AURA,
comme on le prétend, BOUFFARDE avec le bou-
langer. (Balz.) n Peu usité.
BOUFFARICK
BOUFFARICK ou BOUFARICK, ville d'Al-
gérie, province et à 34 kilom. S.-O. d'Alger,
à i l kilom. N. de Blidah, au centrede la Mé-
tidja, sur la route d'Alger à Blidah et Oran;
3,900 hab., dont 1,500 Européens. Poste mili-
taire important, territoire très-fertile en cé-
réales, fruits, cotons et tabacs ; belles prairies,
riches plantations de mûriers. Bouffarick fut
occupé en 1832 par le général d'Erlon, qui y
établit un camp retranché ; c'était, à cette
époque, « un humide bocage, entouré de marais
aux exhalaisons malsaines. » Les premiers co-
lons qui s'y établirent furent tous enlevés par
les fièvres. De nouveaux colons vinrent ce-
Ï
tendant achever l'œuvre de leurs devanciers :
es terres furent profondément fouillées, le sol
se couvrit de nombreuses plantations, des
routes furent ouvertes, l'eau circula partout,
et la commune de Bouffarick est aujourd'hui
l'une des plus salubres et des plus fertiles de
l'Algérie.
BOUFFE
BOUFFE adj. (bou-fe — de l'ital. bu/fa,
plaisanterie, invention bouffonne). Bouffon :
Chanteur BOUFFE. Les âmes grandes peuvent
seules sentir la noblesse gui anime ces airs
BOUFFES. (Balz.) / / nous semble que bien des
morceaux d'Othello ne seraient pas déplacés
dans un opéra BOUFFE. (Tb. Gaut.)
— s. m. Chanteur qui remplit un rôle bouf-
fon : C'était un assez bon musicien;il remplis-
sait les râles de BOUFFE dans l'opéra-comique.
(E. Sue.)
Bouffa et le Tailleur (LE),.opéra-comique en
un acte, paroles de Gouffé et Villiers, musique
de Gaveaux, représenté au théâtre Mon-
tansier le 19 juin 1804. Cette bluette est en-
core amusante après soixante ans de date;
aussi a-t-elle reparu à plusieurs reprises à
l'Opéra-Comique, et n*a-t-elle jamais quitté le
répertoire de province. On y retrouve la
gaieté tempérée et spirituelle de ce chanson-
nier délicat, qui ne buvait que de l'eau, tout
en célébrant joyeusement et en bons vers le
jus de la treille. Les saillies du dialogue con-
servent leur effet, parce qu'elles sont à leur
lace et de bon aloi. Les situations ont été
ien comprises et bien traitées par le musi-
cien. Gaveaux avait un sentiment de l'art
très-vif. Il avait fait de bonnes études litté-
raires et musicales, et, avant l'apparition d'El-
leviou et de Martin, c'était le meilleur chan-
teur de l'Opéra-Comique.
Il est fâcheux qu'il ait éparpillé ses inspi-
rations mélodiques sur un aussi grand nombre
d'ouvrages , car elles ont du naturel et de la
grâce; plusieurs de ses romances sont deve-
nues populaires. Dans le Bouffe et le Tailleur,
nous rappellerons particulièrement la scène
dans laquelle l'acteur chante un duo à lui
seul, s'asseyant et se relevant pour faire la
demande et la réponse :
Monsieur; vous avez une fille.
— Parbleu ! monsieur, je le sais bien.
— Monsieur, je la trouve gentille.
— Cela, monsieur, ne vous lait rien.
Et la romance dont les paroles et la musique
sont si bien dans le vrai caractère de la co-
médie à ariettes :
Conservez bien la paix du cœur,
Disent les mamans aux fillettes ;
Sans la paix, adieu le bonheur ;
Craignez mille peines secrètes.
On tremble, on se promet longtemps
De rester dans l'indifférence,
Et puis on arrive à douze ans,
Et le cœur bat sans qu'on y pense.
On comprend la pensée du second couplet:
Et puis on arrive à seize ans,
Et l'amour vient sans qu'on y pense.
Et on devine aussi que cette morale sévère
sera un peu corrigée à la conclusion, par
cette morale plus douce enseignée aux fil-
lettes :
Si l'on n'aime pas au printemps,
L'hiver viendra sans qu'on y pense.
Ces petits ouvrages, entendus de loin en
loin, reposent l'esprit des efforts trop bruyants
du répertoire comique moderne.
BOUFFE
BOUFFE s. f. (bou-fe — rad. bouffer). E n -
flure , vanité : II n'a pas.la BOUFFE des gou-
verneurs. (M
m e
de Sév.) n Ce mot a vieilli.
— A signifié autrefois Enflure, bouffissure.
— En Provence, Plaisanterie bouffonne,
menterie grossière : Dire des BOUFFES.
B O U F F E ' S. m. (bou-fe). Mamm. Croise-
ment du grand épagneul et du barbet, va-
riété de chien à poil long, fin et frisé : Les
chiens à long poil, que l'on appelle BOUFFES,
viennent du grand épagneul et du barbet.
(Buff.)
—Ichthyol. Nom vulgaire de la raie bouclée.
B O U F F É , É E (bou-fé) part, pass^ du v.
Bouffer : Joues BOUFFÉES.
— Gonflé, bouffi : Ma blonde et belle gar-
diennepressait mes mainsBOUFFÉES et brûlantes
dans ses fraîches et longues mains. (Chateaub.)
I! Inusité.
BOUFFÉ
BOUFFÉ (Marie), acteur français, né à Pa-
ris le 4 septembre 1800, est fils d un peintre en
bâtiments, qui lui fit d'abord apprendre l'état
de bijoutier. Il n'embrassa qu'avec répu-
gnance cette carrière, et, dès l'âge de quinze
ans, il s'échappait bien souvent de la boutique
de son patron pour aller se glisser dans les
. coulisses des petits théâtres, ou il obtenait ses
entrées d'autant plus facilement que son'père
en était le peintre décorateur. Bientôt Bouffé
débuta à la salle Doyen, ce berceau de plu-
sieurs de nos grands artistes. Il signa ensuite,
en 1822, un engagement au théâtre du Pano-
rama-Dramatique, aux appointements de trois
cents francs par an. Il obtint des succès tels,
dans l'emploi des jeunes comiques , que ce
chiffre dérisoire fut graduellement élevé jus-
qu'à douze cents francs, pour arriver enfin à
trois mille. Après la fermeture du Panorama-
Dramatique, Bouffé débuta au théâtre de la
Gaîté, le 28 février 1824, par le rôle de Ratine
dans le Cousin Ratine ou le Repas de Noce,
vaudeville en un acte. Le jeune artiste obtint
un succès complet, et le public lui fit bisser
le couplet suivant, qu'il chantait admirable-
ment :
Quand tout à fait ma bourse est dégarnie,
En m'accrochant de leur char fastueux,
De nos Crésus j'entends la voix qui crie :
Sois philosophe, et tu seras heureux.
Mon estomac, d'une telle apostrophe,
Avec raison se trouve chagriné ;
. A jeun, héïasï si l'on est philosophe.
On l'est bien plus quand on a bien dîné.
Il fixa sérieusement l'attention "dans la reprise
du Pauvre berger, où il remplit le rôle créé
par Bertin au Panorama, et dans le Pauvre
de VHôtel-Dieu.
Bouffé débuta au théâtre des Nouveautés
le 25 mai 1827, dans le Débutant, vaudeville
de M. Etienne Arago. 11 réussit d'emblée.
Entre autres créatiotfs que ce théâtre lui con-
fia, celles du Futur de la grand'maman, du
Mariage impossible, du Marchand de la rue
Saint-Dents, de Caleb, de Pierre le couvreur,
et de Sir Jack, établirent définitivement sa
réputation. Après quelques représentations
brillantes données à Londres, Bouffé débuta
au théâtre du Gymnase, le 16 mars 1831, dans'
la Peiision bourgeoise et la Maison en loterie.
Le succès fut complet. Pendant un an, cepen-
dant, M. Poirson n'avait donné à- Bouffé que
des appointements dérisoires et des rôles insi
gnifiants; mais, en 1832, après le succès du
Bouffon du prince, le directeur améliora le
sort de cet artiste favori du public. Il n'est
donc pas exact, ainsi que l'affirme M. Vape-
reau , que Bouffé n'ait obtenu pendant trois
années que des demi-succès, mêlés à beaucoup
d'échecs. La période de 1831 à 1834 comprend,
entre autres créations, celles du Bouffon du
prince, de Dom Miguel (qui ne dut pas sa
chute au manque de talent de l'artiste); des
Vieux péchés, etc. «Bouffé se releva, en
1831, dans Michel Perrin,» ajoute M. Vapereau.
Or la pièce dont il parle n'a été représentée
que le 19 février 1834. Bouffé créa aussi, avec
un grand succès, la Fille de l'Avare, Pauvre
Jacques, le Gamin de Paris, le Muet d'Ingou-
ville, pièce à laquelle il avait collaboré ;
Clermont (rôle d'aveugle qui fit couler autant
de larmes que Valérie) ; les Enfants de troupe;
Y Abbé galant ; Candinot, roi de Rouen; le Père
Turlututu, etc.
La popularité de Bouffé grdndissaitjtoujours;
cependant M. Poirson ayant refusé de re-
nouveler son traité avec la commission des
Auteurs dramatiques, le Gymnase fut mis en
• interdit. Il fallut renoncer à jouer toutes ces
pièces auxquelles Bouffé avait imprimé son
cachet. Les pièces nouvelles , œuvres d'au-
teurs inconnus et peu habiles encore, pour la
plupart, au métier de la scène, n'offraient plus
à notre artiste que de rares occasions de dé-
ployer son talent. Cette situation lui devint
intolérable, à ce point que, pour y mettre fin,
et après avoir créé le rôle de Jacquart d'une
manière parfaite, il sacrifia tout son avoir,
paya io0,QO0 fr. de dédit pour dix-sept mois
qu'il lui restait encore à passer au Gymnase,
et entra au théâtre des Variétés (1845), ou
il reprit tous ses anciens rôles avec son suc-
cès d'autrefois.
Après un long,repos, Bouffé reparut dans
Pauvre Jacques, au théâtre de la Porte-Saint-
Martin (1854), et y reçut l'accueil brillant que
méritait son talent. Il joua encore aux Varié-
tés l'Abbé galant et le Chevalier de Grignon,
et parut au Vaudeville dans Michel Perrin.
Revenu aux Variétés en 1857, il y créa Jean
le Toqué, et reprit les meilleurs rôles de son
répertoire , notamment les Enfants de troupe,
où il se montra, comme toujours, habile à
exciter le rire ou les larmes, selon la situation.
Le 17 novembre I8fi4, Bouffé donna sa repré-,
sentation de retraite au théâtre de l'Opéra,
mis à sa disposition d'une manière tout excep-
tionnelle par Napoléon III, qui, pendant l'été
de 1847, avait eu, à Londres, 1 occasion d'ap-
précier l'homme aussi bien que l'artiste. Le
public s'empressa de répondre a l'appel de son
acteur de prédilection, et cette soirée de véri-
table triomphe, dont le produit dépassa
25,000 fr., ne sortira jamais de la mémoire ni
du cœur du vieux comédien. Bouffé est sorti
de sa paisible demeure d'Auteuil, pour donner,
en 1866, au théâtre du Gymnase, quelques re-
présentations de la Fille de l'Avare. Le sou-
venir d'un passé glorieux ajoutait au prestige
de cette résurrection, et le public s'est mon-
tré attentif et respectueux. Bouffé était, par
excellence, l'acteur.du drame-vaudeville. On
lui a reproché de s'être d'abord laissé dominer
par le souvenir de la manière de Potier ; mais
c'est une loi presque sans exception, que cha-
que artiste, avant d'arriver à l'originalité, co-
pie à son insu son chef d'emploi le plus bril-
lant. Or Bouffé , on en conviendra, n avait pas
mal choisi son modèle, o La nature était loin
d'avoir fait beaucoup pour Bouffé, observe
un critique, car la petite taille, la complexion
maladive et la voix fluette de Bouffé sem-
blaient autant d'obstacles insurmontables pour
produire de l'effet au théâtre. Mais, par son
rare talent, à force d'étude et de peine,
Bouffé est parvenu à changer en qualités ses
défauts mêmes. Il n'est pas possible de mettre
plus de vérité et de naturel dans tant de ca-
ractères différents. Ce n'est pas Bouffé qui
pose devant le public, c'est un vieux prêtre
bien naïf, ou un gamin de Paris jouant à la
toupie; tout à l'heure, on avait devant les
yeux un enfant de quinze ans, et voici que,
l'instant d'après, on le trouve changé en un
vieillard chancelant, et, dansées transforma-
tions admirables, jamais on n'aperçoit l'art du
comédien : c'est la nature, toujours la bonne,
la vraie, la simple nature. Du reste, on admire
encore plus le Bouffé du théâtre, lorsqu'on
rencontre par hasard le Bouffé de la ville. Ce
n'est plus la même figure, et vous ne recon-
naîtriez jamais l'artiste vif, alerte et plein de
feu dans cet homme de chétive apparence, au
visage maigre et jaune, aux yeux éteints, et
qui se promène tristement aux rayons du so-
leil, pour lui demander un peu de chaleur, un
peu de santé. Il est un soleil qui rend immé-
diatement la force et l'énergie à Bouffé, c'est
le lustre d'une salle de spectacle : quand il se
trouve en présence du public, l'artiste se sent
électrisé; ses mains, qui étaient tremblantes
naguère, sont fortes maintenant; son cœur bat
avec énergie, ses yeux lancent la flamme j
mais, hélas 1 la toile est à peine tombée, et les
bravos retentissent encore, que Bouffé , le
grand artiste, redevient le pauvre malade de
toutàl'heure, et, le front baigné de sueur, les
jambes chancelantes, U peut a peine regagner
sa loge, appuyé sur les bras de ses amis ! »
B O U F F É E s. f. (bou-fé. — Ce mot vient du
verbe bouffer, qui, primitivement, avait le
sens de souffler, d'où bouffi, bouffissure, etc.
L'origine de ce mot est germanique; en alle-
mand; buffen et puffen, souffler, gonfler; en
hollandais, puffen et poffen ; en anglais, to
puff, même sens. Le français bouffer a formé
l'italien buffare, souffler; buffo, une bouffée;
* de buffare, l'italien a fait buffone et buffo, que
le français lui a repris sous la forme de bouf-
fon et de bouffe. Quel rapport peut-il y avoir
entre buffare, souffler, et buffone, un bouffon ?
Voltaire prétendait que c était parce qu'un
bon pitre doit avoir un visage plein et rond
et des joues rebondies. Mais l'hypothèse sui-
vante est beaucoup plus ingénieuse, et, chose
rare, beaucoup plus vraisemblable; le rôle
principal du baladin, représentant le type
du bouffon dans les farces italiennes,, consiste
à recevoir force soufflets. Cette tradition s'est
encore conservée intacte chez les bobèches de
nos foires. Or, pour recevoir impunément la
claque et la faire sonner bruyamment, à la
grande joie du public, le baladin avait cou-
tume d'enfler sa joue en soufflant, buffare,
d'où lui vient son nom de buffone; cela est
tellement vrai,'que notre mot français soufflet
a exactement la môme origine et dérive di-
rectement du verbe souffler. Anciennement
on disait un bouffet pour un soufflet. Par une
coïncidence curieuse, l'anglais a donné au
mot puff une acception identique, en l'em-
ployant à désigner ces réclames impudentes
dont l'Amérique semble avoir accaparé le
monopole; de la réclame à la parade, il n'y a
pas loin. Le verbe pouffer, pouffer de rire,
doit être rattaché à la racine bouffer, et sem-
ble avoir été emprunté directement à l'alle-
mand. L'espagnol a transcrit purement et
simplement le mot français, bufou). Courant
de fluide qui dure peu, qui ne fait, pour
ainsi dire, que passer : BOUFFÉE de vent. Le
vent souffle par BOUFFÉES. Des BOUFFÉES de
parfums s'élèvent du sein des prairies et des
forêts, avec les concerts des oiseaux. (B. de
St-P.) J'abritai ma lampe de terre contre les
BOUFFÉESBOUFFÉES du vent, pour qu'elle ne s'éteignit
pas. (Lamart.) Le printemps s'annonçait par
des
BOUFFÉESBOUFFÉES de chaleur. (H. Beyle.) Au
même instant, une BOUFFÉE de brise apporte
un bruit confus de oris et de voix. (E. Sue.)
Elle me remit son bouquet, dont le parfum
monta vers moi par BOUFFÉES. (E. Sue.)
Et chaque vent qui passe apporte par bouffées
L'enivrante senteur des herbes en monceaux.
AUTRAN.
Il Souffle passager qui sort de la bouche ou
des poumons, exhalaison partie de l'estomac :
Des
BOUFFÉESBOUFFÉES de tabac, de vin. C'est cela,
répondit le vieillard, en lâchant une BOUFFÉE
de tabac. (Balz.)
— Par ext. Accès subit et passager, arri-
vée soudaine et rapide : La davelée attaque
les troupeaux par BOUFFÉES. Le choléra, cette
année, ne s'est montré que par BOUFFÉES. Ma
tante a une BOUFFÉE de fièvre. (M^e de Sév.)
Oh! les concerts charmants, les notes étouffées
Que l'on eent bourdonner et venir par bouffées!
ROU-AND et Du BOYS.
— Fig. Explosion, manifestation vive et
rapide : Vous étiez dans les BOUFFÉES d'élo-
?
-uence que donne l'émotion de la douleur.
Mme de Sév.) Je nepuis oublier cette BOUFFÉE
de philosophie que vous me vîntes souffler ici
la veille démon départ. (M
mc
de Sév.) Michel
était à la fois enivré et honteux de ces BOUF-
FÉES de vanité qui lui montaient.au visage.
(G. Sand.) Il sentit de grandes ambitions fer-
menter en lui, monter par BOUFFÉES et tomber
tout à coup, sous le poids du découragement.
(G. Sand.) Cette BOUFFÉE de mauvaise humeur
exhalée, le baron reprit un peu de calme. (Alex.
Dum.) -
— N'agir que par bouffées, Agir capricieu-
sement, par intervalles et sans règle.
— Méd. Bouffées de chaleur, Sentiment do
chaleur subit et passager : Je me sens au vi-
sage des BOUFFÉES de chaleur.
BOUFFEMENTBOUFFEMENT s. m. (bou-fe-man — rad.
bouffer). Souffle, haleine. Il Vieux mot.
BOUFFER
BOUFFER v. n. ou intr. fbou-fé — rad.
bouffée). Se gonfler, s'enfler; être enflé, gon-
flé comme une vessie qu'on aurait remplie
de vent : Cette étoffe BOUFFE trop..Le pain
commence à BOUFFER dans le four. Le plâtre
A BOUFFÉ sur ce mur.
— Hortic. Grossir d'un côté plus que de
l'autre,' en parlant des' fruits : Ces pêches
BOUFFENT.
— v. a. ou tr. Gonfler en soufflant, en par-
lant des animaux qu'on veut écorcher :
BOUFFER
BOUFFER un veau, un mouton.
— Pop. Bâfrer, manger avidement : IL
BOUFFE
BOUFFE comme un loup à jeun. Il A. BOUFFÉ
son-diner en un clin d'œil.
— Pêch. Syn. de BOUILLER.
Se bouffer v. pr. Etre bouffé, gonflé par
soufflement : Les animaux de boucherie doivent
SE BOUFFER avant d'être écorchés.
BOUFFESBOUFFES s. m. pi. (bou-fe — rad. bouffe).
Nom que, dans le grand monde, on donno
ordinairement au Théâtre-Italien, à Paris :
Les
BOUFFESBOUFFES ont donné une pièce nouvelle.
Nous atlons aux BOUFFES ce soir. Je ne don-
nerai que trois bals dans l'hiver, et nous n'au-
1072 BOUF
ËOUF
BOUP
BOUF
rons point de loge aux BOUFFES, la première
année. (Scribe.) Elle a des principes, elle fait
maigre, elle communie, et va très-parée aux
bals, aux BOUFFES, à l'Opéra. (Balz.)
.
BOUFFES-PARISIENSBOUFFES-PARISIENS (théâtre des). Ce
théâtre de genre, qui, pour la charge, est en
musique ce que le Palais-Royal est en litté-
rature, s'est ouvert le 5 juillet 1855 dans une
petite salle d'été, située au carré Marigny des
Champs-Elysées. Le privilège en avait été
accordé à M. Jacques Olïenbach, qui, non •
content d'être à la fois le fondateur et le di-
recteur de cette bonbonnière lyrique, en vou-
lut être aussi le pourvoyeur le plus infatiga-
ble. M. Jacques Offenbach, chef d'orchestre
au Théâtre-Français, s'était déjà fait connaî-
tre a titre de violoncelliste. Comme compo-
siteur, on-citait de lui de faciles inspirations,
fort gaies pour la plupart, sur les Fables de
La Fontaine, telles que la Cigale et la Fourmi,
le Corbeau, le Rat, la Laitière, le Savetier,etc.
Les salons avaient adopté ces broderies lé-
gères, dont le succès poussa l'auteur à s'es-
sayer dans un genre où il n'a pas encore
rencontré de rival pour la fécondité et la
constante.réussite. De petites opérettes, ou
plutôt des bouffonneries musicales, car l'ex-
f
iression est désormais consacrée, écrites par
ui pour la plupart, composèrent un joyeux
répertoire, qui amena la foule : les Deux Aveu-
gles, avec Berthelier et Pradeau, dans les
rôles de Giraffier et de Patachon, eurent un
succès de fou rire, qui suffit à établir la répu-
tation de la petite salle des Bouffes-Parisiens.
Le Violoneux, saynète lyrique, et quelques
pantomimes firent avec beaucoup de bonheur
tous les frais de la saison d'été. L'hiver venu,
M. Offenbach installa sa troupe dans l'ancien
local du théâtre Comte, passage Choiseul, et
donna de l'extension au genre qu'il avait
adopté. Un prologue en vers, de Méry, En-
trez, messieurs, mesdames, avait ouvert la
salle du carré Marigny; un autre prologue,
également en vers, du même poëte, et intitulé
Après l'été, ouvrit, le 29 décembre 1855, la
salle du passage Choiseul. On y avait joint :
les Statues de l'alcade, pantomime de M. Ju-
lian, musique de M. Pilati ; Sur un volcan,
opérette de Méry, musique de M. l*épine j
Ba-ta-clan, chinoiserie musicale de M. Lu-
dovic Halévy, musique de M. Offenbach. Ba-
ta-clan eut une vogue inouïe-, jamais l'extra-
vagance n'avait remporté pareille victoire ;
la muse du maestro fut proclamée reine du
genre par le public tout particulier qui l'avait
adoptée. Les admirateurs de Ba-ta-clan (v. ce
mot), dilettantes après boire pour la plupart,
gandins en bonne fortune, petites dames et
gros messieurs, ont les oreilles ainsi faites qu'il
faut qu'on les leur écorche pour qu'ils soient
heureux. Un public, qui n'est ni le inonde, ni
le demi-monde, ni le quart de monde, vint se
repaître de cette triviale folie de carnaval,
exécutée par des acteurs enragés et grima-
çants. L'étonnant succès de cette chinoiserie
musicale, qu'il serait plus vrai d'appeler une
chaudronnerie musicale, eut une influence
décisive sur le genre de pièces à adopter dans
ces régions voisines de la Bourse, où maître
Offenbach avait fait carillonner ses croches
et ses doubles croches. L'opérette ou petit
opéra-comique, ou farce, la burletta, comme
disent les Italiens, fut déclarée insuffisante,
et l'on en vint peu à peu aux exhibitions les
plus court-vêtues : Tromb-Alcasar, le Pos-
tillon en gage, la Rose de Saint-Ftour, la
Bonne d'enfants (1856). Croquefcr (février
1857), préludèrent a cette étrange accumula-
tion de bêtises préméditées qu-'on nomme Or-
phée aux enfers (deux actes et quatre tableaux,
paroles de M. Hector Crémieux, musique de
M. Offenbach, 21 octobre 1858). Cette bur-
lesque production, un des plus durables suc-
cès dramatiques de ces dernières années,
eut trois cents représentations successives !
Plusieurs reprises données plus tard n'ont
pas fatigué la patience à toute épreuve
des nombreux amateurs du hoquet musical.
L'excentrique partition, exécutée par d'assez
jolies paires de jambes, avec le débraillé le
plus mythologique, a porté haut la gloire de
son auteur, et donné le pas à toute une école
qui semble avoir pris à tâche de reproduire
en musique les cris divers des animaux les
plus sauvages. Cette école, qui prétend que
beugler c'est chanter, compte déjà de beaux
états de service, et l'on ne sait, en vérité, si
elle a dit son dernier mot en produisant la
Femme à barbe et M
l l c
Thérésa.
Cependant, et comme pour se faire par-
donner les péchés de son archet, M. Offen-
bach avait ressuscité Y Imprésario- de Mozart
et Bruschino de Rossini; mais ce Bruschino,
un bijou, una burletta échappée des mains
immortelles de Rossini en 1813, ayant été exé-
cutée le 28 décembre 1857 dans ce petit tem-
ple voué à toutes les audaces, s'y vit écrasée
par la triomphante bacchanale d'Orphée aux
enfers. Les Pantins de violette, dernière œuvre
lyrique d'Adolphe Adam, avaient eu meilleur
accueil, çrâce peut-être à une actrice en fa-
veur, qui avait fait ses premières armes à,
Paris, au carré Marigny, dans le Violoneux,
M"e Schneider.
Voila donc le succès des Bouffes-Parisiens
bien établi, succès se continuant dans la salle
d'été du carré Marigny après la fermeture de
la salle d'hiver, et revenant fidèlement, dès
les premiers soirs de septembre, faire la for-
tune de l'administration au passage Choiseul.
Quelques acteurs de talent, trop aimés pour
leurs défauts peut-être, ce qui les porte à les
exagérer encore, composaient alors une troupe
fort convenable. Plusieurs s'étaient révélés
. au public parisien en même temps que leur
directeur. De ce nombre étaient Berthelier,
Pradeau, Mlle Schneider, Mlle Tautin, aux-
quels vinrent se joindre Bâche, Désiré, etc.
Voilà donc, disions-nous, le succès des Bouffes-
Parisiens bien établi. Hélas I ce succès devait
bientôt décroître, et décroître d'une manière
fort sensible, en dépit des nombreuses ré-
clames répandues dans les journaux littéraires,
où se cuisinent amicalement les réputations
d'un jour. Les publicistes à un sou et deux
sous la feuille sont peu exigeants en fait d'art,
et ils prirent volontiers le maestro Offenbach
J
tour un novateur ; ils ne lui mesurèrent pas
eur admiration quotidienne, et le gâtèrent
encore, ce que nous n'aurions pas cru possi-
ble. Le directeur des Bouffes s'entendait assez
bien, d'ailleurs, à occuper l'attention des lec-
teurs d'estaminets; et mille canards ingénieux,
mille faits divers piquants sont là pour attes-
ter les nombreuses ressources d'une organi-
sation qui n'est pas exclusivement musi-
cale. Des fêtes et des bals annoncés à grand
fracas étaient donnés au besoin à cette joyeuse
petite compagnie de voltigeurs de la plume et
du crayon, qui s'adjuge en plein Paris, avec
une confiance surprenante et une naïveté
souvent comique, le droit exclusif de faire la
pluie et le beau temps au pays de la renom-
mée. Ces combattants, armés à la légère, ont,
en général, dans leur boîte à poudre, plus
d'esprit que de logique — il serait injuste de
contester ce côté brillant de leur répertoire —
et ils aiment assez qu'on croie au sacerdoce
qu'ils prétendent exercer. Ces aimables ponti-
fes du premier-Paris ont la reconnaissance fa-
cile, et rien ne les attache plus à un homme de
talent que la façon civile dont cet homme de
talent accepte leu* suzeraineté. Et puis, comme
ils sont de grands enfants, malgré l'apparence
rébarbative qu'ils affectent, ils aiment les
enfantillages. Or M. Offenbach sait mieux
que personne que tout âge a ses hochets.
Nous avons sous les yeux le programme
illustré d'un Grand bal donné par M. Offen-
bach, le 13 mars 1858, où, sous prétexte d'é-
tablir, un soir durant, une Compagnie d'as-
surances mutuelles contre l'ennui, le « gérant
responsable : S. E. M. Jacques Offenbach
fixe, avec l'aide de son comité de surveil-
lance, un ordre du jour rédigé dans un style
qui ne le cède en rien à celui d'Orphée aux
enfers. Pour donner une idée du goût ex-
cellent qui a présidé à la rédaction, nous
nous permettrons (que le lecteur nous le
pardonne) un court extrait : « Les dames
ne souriront qu'aux célibataires, qui devront
s'en réjouir et le témoigner par des gestes
où les convenances et la passion se dispute-
ront le pas, mais où néanmoins la passion
devra succomber. Les personnes qui ont la
funeste habitude de manger de l'ail sont priées
de s'en abstenir quatre jours avant cette pe-
tite fête... Les danses les plus inconvenantes
sont de rigueur ; ceux qui s'y livreront seront
flanqués à la porte, avec les honneurs dus à
leur rang. Sans exiger précisément que l'on
observe scrupuleusement l'étiquette des cours
du Nord, le maître de la maison prie les mes-
sieurs de ne pas mettre leurs doigts dans le
nez de leurs danseuses, à moins qu'elles n'en
fassent la demande par écrit... Un buffet sera
magnifiquement servi pendant toute la nuit...
dans toutes les gares des chemins de fer...
Les mets, aussi rares que variés, seront por-
tés par des esclaves devant chacun des con-
vives; les fromages s'y rendrontd'eux-mêmes.
Les prix des consommations sont modérés :
Dieu veuille que les consommateurs le soient
aussi ! Si une dame se trouve mal, MM. les
docteurs M... et G... s'empresseront de la
trouver bien. Tous les instruments de cuivre
ont été étamés et sortent des manufactures
de porcelaine de Sax. Nota. S'il se trouvait
quelque personne à qui cette affiche déplût,
on la ficherait à la porte, l'auteur n'ayant per-
mis à sa plume de faire que ce qu'une honnête
plume doit. » Ces drôleries, soigneusement
répétées dans les petits journaux, furent trou-
vées plus ou moins spirituelles sans doute par
le public, qui commence à se lasser de cette
ridicule habitude qu'ont les gazetiers en belle
humeur et les musiciens en rupture de gamme
de lui faire part des moindres événements de
leur vie; mais elles contribuèrent certaine-
ment à augmenter la popularité de M. Offen-
bach, dont on fit une sorte de personnage bi-
zarre et fantasque, à qui on attribua même le
mauvais œil; de telle sorte que la salle du
passage Choiseul devint un jour trop étroite
pour contenir la foule, curieuse d'entendre et
do voir les choses de haulte graisse qui s'y
servaient. Il fallut songer à l'agrandir : on
l'agrandit donc; mais quand on eut augmenté
le nombre des places, il se trouva que les
spectateurs se montrèrent moins nombreux
qu'auparavant. Bref, on apprit un beau jour
que M. Offenbach, créateur au genre en hon-
neur dans l'endroit, quittait la direction.
Pourquoi cette retraite? La muse débraillée
du maestro, après avoir peu à peu dépravé le
goût du public, ne suffisait-elle plus aux ap-
pétits immodérés de ses admirateurs d'autre-
fois? Quoi qu'il en soit, à dater de ce moment '
on vit les Bouffes-Parisiens passer par des
phases diverses, subir des gênes cruelles et
afficher d'étonnantes prospérités. Un des suc-
cesseurs de M. Offenbach, dans la direction,
essaya les pièces à femmes moins vêtues en-
core que dans Orphée aux enfers, donna des
farces même indignes d'un champ de foire.
Il se ruina, tout en forçant la dose des mail-
lots couleur de chair.
Repeint, doré, décoré à neuf, et miracu-
leusement agrandi, le théâtre des Bouffes-
Parisiens se rouvrit en janvier 1864, après
avoir prolongé un peu plus que de coutume
ses vacances annuelles. Le parterre supprimé
avait fait place nette à l'orchestre pourvu de
stalles confortables; la scène s'était élargie,
les loges s'étaient exhaussées de deux rangs;
les baignoires se développaient en demi-cercle
autour de l'orchestre; la coupole, figurant un
vélum qui se rattache à une treille par des
cordages d'or, était peinte à souhait pour le
plaisir des yeux ; des girandoles suspendues
aux chapiteaux remplaçaient heureusement le
lustre, et répandaient sur la salle une lumière
de fête; la muse.des Bouffes-Parisiens ne
pouvait souhaiter un boudoir plus séduisant.
La soirée d'ouverture commença par un pro-
logue, dans lequel on se moquait à tire-larigot
de ia Tradition, personnifiée par un chevalier
de l'ancien régime, coiffé d'ailes de pigeon et
poudré à blanc, ce qui faisait dire quelques
jours plus tard à M. Paul de Saint-Victor,
dans la Presse : « C'est un programme comme
un autre, pourvu que les Bouffes ne rempla-
cent point par une queue rouge les ailes de
pigeon. Ils ont réparé leur salle, ils devraient
aussi nettoyer leur genre. Moins d'argot et
moins de cascades ; moins de lazzi et de coq-
à-l'àne. On voudrait voir sortir de leur réper-
toire ces facéties saugrenues, folles à lier,
bêtes à manger des pois gris et des étoupes
enflammées, dont la gaieté frénétique donne
l'idée de l'aliénation. »
Les Bouffes-Parisiens, placés en des mains
malhabiles, périclitaient d'une manière ef-
frayante. Des pièces ordurières, des exhibi-
tions honteuses de baladines effrontées et
cyniques chassèrent les spectateurs. Vite la
direction changea de programme, et le théâtre
passa de la licence dégoûtante à la morale
ennuyeuse : trop de sagesse après trop d'or-
gie. Le public bâilla, à se désarticuler la mâ-
choire. Alors, retombant dans ses premiers
errements, et s'y jetant à corps perdu, jouant
le tout pour le tout, la direction lâcha la
chanson du Sapeur. M
l l e
Thérésa, la diva des
cafés-concerts, daigna venir chanter, chaque
soir, entre onze heures et minuit, moyennant
une bagatelle, un rien, un méchant chiffon de
papier joseph grand format. On écrivit exprès
pour elle C'est pour ce soir et le Bœuf Apis...
Ce fut le coup de grâce, et l'on ne regretta
pas, comme les années précédentes, que le
théâtre restât fermé pendant les mois d'été.
Telle était la situation des Bouffes-Parisiens
à la clôture "de 1865. Nous le répétons, on
avait essayé de tout : les Géorgiennes, opéra-
bouffe en trois actes, de M. Offenbach, avec
Pradeau, Léonce, Désiré, M«ie Ugalde ; le
Manoir de la Renardière, avec Clarisse Miroy
et Irma Marié. On avait repris les Pantins de
violette, d'Adolphe Adam; on avait repris les
Petits prodiges, un succès de l'année 1857,
symphonie fantastique destinée à montrer la
troupe entière, sans distinction d'emploi, de
taille ni de sexe, travestie en bébés coiffés de
bourrelets, ornés de tabliers et suçant des
sucres d'orge ; on avait repris Passé minuit,
avec Arnal égaré en ce lieu de perdition.
Qu'avait-on donné encore? Mesdames de la
halte; Y Homme entre deux âges; Georgette
t
de M. Gevaiirt; la Chanson de Fortunio, une
perle de l'ancien répertoire des Bouffes, avec
Bâche, et M. Choufleury, un autre triomphe
du même acteur; puis le Serpent à plumes,
paroles du caricaturiste Cham ; la Revue pour
rien ou Roland à Ronge- Veau, revue-parodie
en huit tableaux de 1 opéra de Roland à Ron-
cevaux, musique de Hervé; Jupiter et Léda,
d'une musicienne très-inattendue , Mlle Su-
zaniîe Lagier, exécuté par deux douzaines de
demoiselles aussi peu habillées que le permet-
tent les règlements de police. N'oublions pas
l'inévitable Lischen et Fritzchen, conversation
alsacienne, le seul vrai succès de cette pé-
riode peu fortunée ; un certain Jérôme Pointu,
hélas I moins heureux que le Jérôme Pointu
de 1781 ; les Deux Clarinettes ; un Congrès de
modistes ; les Petits du premier, repris du
théâtre Saint - Germain ; une Vengeance de
Pierrot, qui ne put venger la défaite du théâ-
tre... quoi encore? le Baptême du p'tit ébé-
nisse, avec Berthelier, et enfin Thérésa! 11 La
saison était complète.
- Vint l'hiver de 1865, et M. Offenbach reprit
en mains les ficelles de ses pantins. De toutes
parts on applaudit; le succès reviendra, di-
sait-on. Les Bouffes remontèrent donc quel-
ques-unes de leurs meilleures pièces d'au-
trefois : Monsieur et Madame Denis; la Chatte
métamorphosée en femme, et Croquefer ou te
Dernier des Paladins, en attendant les nou-
veautés annoncées. Dans une sorte de fan-
taisie musicale, composée de tous les morceaux
saillants du répertoire et intitulée les Refrains
des Bouffes, on rappela à la foule les beaux
soirs du théâtre qu'il s'agissait de galvaniser :
Orphée aux enfers, le Pont des Soupirs, For-
tvnio, les Bavards, les Deux Aveugles, Tromb-
Alcazar, Ba-ta-clan, etc. Enfin, lo il décem-
bre 1SG5 parut un opéra nouveau, en,.trois
actes, dû au maître de l'endroit, et destiné a
faire sensation, les Bergers,, joué par Berthe-
lier, Désiré, Gourdon, Tacova, M«ies Berthe-
lier-Frasey (qui mourut presque subitement
après quelques représentations), Tautin, Irma
Marié, Zuhna Bouffa, et tout un essaim de
femmes légères... de costume. Les Bergers
n'obtinrent pas le succès qu'on en attendait,
et l'on en revint à des reprises : Orphée aux
enfers apparut encore sur 1 affiche. M. Jacques
Offenbach abandonna de nouveau la direction
des Bouffe s-Parisien s, qui n'eurent plus qu'une
existence fort précaire pendant les derniers
jours de la saison 1865-1866. Un procès de-
vant le tribunal de commerce, intenté à
MM. Hanappier et C
c
, alors directeurs des
Bouffes, et rapporté dans la Presse du 4 juin
1866, a révélé au public un fait de nature à
laisser supposer les embarras financiers des
successeurs de M. Offenbach. Un comique,
modestement appointé à raison de 150 fr. par
mois, réclamait le payement d'un arriéré li-
quidé par le tribunal à 285 fr., et l'admini-
stration se laissait condamner ; mais il est
écrit que les Bouffes sont un lieu où les plus
étranges choses sont permises. En effet, à .
partir du 1er juin 1866, et pour toute la saison
chaude, un poète, M. Arthur Ponroy, voulant
en appeler au public de l'indifférence de la
Comédie-Française à son endroit, prit à bail
la salle des Bouffes-Parisiens, et y installa
une troupe de son choix, qui devait repré-
senter ses propres ouvrages. Evoquer l'Olympe
dans la salle où retentissaient encore les éclats
de rire d'Orphée aux enfers était une entre-
prise héroïque, mais l'auteur du Vieux Consul
croit au récit de Théramène comme à l'Evan-
gile. Il a donc bravement exhibé une pièce
effroyablement attardée, intitulée le Présent
de noces, pièce où il s'agit de la jeunesse d'Ho-
mère et dans laquelle Mlle Karoly avait un
rôle. L'épreuve n'ayant pas été heureuse, la
pièce ne tarda- pas à disparaître de l'affiche.
Les Bouffes-Parisiens s'élèvent à deux pas du
boulevard des Italiens, au cœur du Paris qui
convient au genre léger et croustillant qu'on
y cultive. Avec de bons acteurs et des pièces,
non pas insensées et grossières, mais spiri-
tuelles et quelque peu littéraires, on y ramè-
nera sans cloute, une bonne musique aidant,
un public fidèle et facile à satisfaire.
BOUFFETTE
BOUFFETTE s. f. (bou-fè-te—rad. bouffer).
Petite houppe de fils ou de rubans bouffes
qu'on emploie pour ornement : Il manque à
ce bonnet une BOUFFETTE de rubans bleus. Il
faudra coudre des BOUFFETTES à ce harnais.
— Mar. Troisième voile du grand mât des
galères, il On l'appelait aussi BOUFFLETTK.
BOUFFEY
BOUFFEY (Louis-Dominique-Amable), mé-
decin français, né h Villers-Bocnge en 1748,
mort en 1820. Il exerça longtemps la méde-
cine à Argentan et fut membre du Corps lé-
f^islatif de 1808 à 1815. Outre un mémoire sur
es causes des maladies, qui fut couronné par
l'Académie de Nancy, on doit à Bouffey :
Essai sur les fièvres intermittentes (1789);
Recherches sur l'influence de l'air dans le dé-
veloppement, le caractère et le traitement des
maladies (1799) ; Observations sur te danger
des crapauds employés comme topique dans les
cancers ulcérés, insérées dans le Journal de
médecine.
BOUFFI,BOUFFI, IE (bou-fi) part. pas. du v. Bouf-
fir. Gonflé, enfle : Un visage BOUFFI. Un homme
BOUFFI. Le propriétaire est un vieux petit mon-
sieur excessivement BOUFFI , avec de gros yeux
ronds et un vaste menton double. (Baudelaire.)
Cette jeune fille, encore toute BOUFFIE de som-
meil, se détirait au grand air. (Alex. Dumas.)
© chérubins à la face bouffie.
Réveillez donc les morts peu diligents.
EÉ RANGER.
Je trouve en cc monde.
Où la graisse abonde,
Vénus toute ronde
Et l'Amour bouffi.
BÉRANOBR.
— Fig. Plein, rempli, tout occupé, fier,
par allusion à une vessie bouffie par l'air
dont elle est pleine. Ne se prend alors qu'en
mauvaise part : BOUFFI d'orgueil, de colère.
BOUFFIBOUFFI de ses succès, de prétention. La no-
blesse, qui menait le roi, revenait BOUFFIE de
sa victoire de Rosbecque. (Michelet.)
Je prétends soulever les lecteurs détrompés
Contre un auteur bouffi de succès usurpés.
GILBERT.
Le bel air que celui de redresseur d'abus,
Toujours bouffi d'orgueil et rouge de colère!
V. Huoo.
lt Creux, vide, ampoulé, en parlant des œu-
vres de l'esprit : Style BOUFFI , éloquence
BOUFFIE,BOUFFIE, langage BOUFFI.
Il a des mots hargneux, bouffis et relevas.
RÉGNIER.
On aurait beau montrer ses vers tournés sans art
Ou bouffis de grands mots qui se choquent entre eux.
G I L B E R T .
— Comm. Hareng bouffi, Sorte de hareng
saur.
— Syn. B o n f û , j o u f f l u , mnfflé OU roafflu.
Bouffi et mafflé ou mafflu se disent quand le
visage tout entier est grog, plein, large ; mais
bouffi semble indiquer que cet état n'est pas
naturel, qu'il est le signe d'une mauvaise santé
ou d'une certaine irritation intérieure, tandis
que les deux autres mots marquent seulement
quelque chose de désagréable à la vue. Joufflu
signifie proprement qui a de grosses joues, et
il se prend souvent en bonne part : on peint
ordinairement les anges sous les traits d'en-
fants joufflus. Mafflé et mafflu sont aujour-
d'hui peu usités.-
— Syn. BouTS, boursoufla, enflé, gonflé.
Bouffi exprime un embonpoint de mauvaise
BOUF
BOUF BOUF
BOUF 1073
nature qui laisse les chairs flasques et molles.
Boursouflé marque un grossissement excessif,
au dedans duquel il n'y a que du vent ou des
gaz. Enflé marque proprement un grossisse-
ment superficiel, produit par quelque chose
qui est venu du dehors à l'intérieur : les pi-
geons enflent leur jabot en aspirant l'air exté-
rieur; la piqûre du serpent détermine une
enflure locale. Dans un sens plus général
T
enflé peut se dire d'un grossissement quel-
conque auquel on ne rattache aucune, idée
accessoire. Enfin, gro;i/?e explique l'état d'un
corps qui s'étend également dans tous les
sens, en vertu d'une eause intérieure : le ser-
pent irrité se gonfle de son propre venin ; la
pâte se gonfle en fermentant. Au figuré, les
mêmes différences subsistent : un homme est
gonflé d'orgueil quand cela vient de l'idée
avantageuse qu'il a de lui-même; un général
peut être enflé de sa victoire, parce qu'ici la
cause est extérieure; bouffi marque la pléni-
tude de l'orgueil, et boursouflé indique le vide
des prétentions, le peu de fondement des rai-
sons sur lesquelles elles reposent. Le stylé
est enflé quand il manque de naturel, bouffi
quand il cherche à en-imposer par des expres-
sions pompeuses, boursouflé quand les pensées
sont creuses et vides.
BOUFFIR,
BOUFFIR, v. a. ou t r . (bou-fir — rad.
bouffée). Enfler, gonfler, rendre enflé : L'hy-
dropisie lui A ROUFFI tout le corps. (Acad.) Ce
peintre BOUFFIT tous ses visages.
L'un bouffit son contour d'un bourrelet énorme.
BARTHÉLÉMY.
. — v. n, ou intr. Devenir bouffi. Son visage
BOUFFITBOUFFIT à vue d'ceil. Son corps A BOUFFI en
trois jours.
Se bouffir v. pr. S'enfler, devenir bouffi :
Son visage S'EST BOUFFI à vue d'œil. En même
temps que la brebis S'EST BOUFFIE d'une ma-
nière superflue et s'est parée d'une belle toi-
son, elle a perdu sa force, son agilité, sa
grandeur et ses armes. (Buff.)
• — Fig. Etre plein, tout occupé, tout fier :
La vanité française SK BOUFFIT aussi de la su-
périorité que 'Bonaparte nous donna sur le
reste de l'Europe. (Chateaub.)
BOUFFISSANT
BOUFFISSANT (bou-fi-san) part. prés, du
v. Bouffir : Tout en BOUFFISSANT ses grosses
joues, pour souffler le /"eu, Cadet s'arrête,
comme pour prêter l'oreille. (G. Sand.)
B O U F F I S S U R E s. f. (bou-fi-su-re — rad.
bouffir). Etat de ce qui est bouffi.
— Enflure morbide des chairs: Lamorsure
de la vipère détermine la BOUFFISSURE. (Bar-
thél.) n Etat des chairs enflées, molles et dé-
colorées : Cet embonpoint, cette BOUFFISSURE
que lui reprochait M. de .Custine, à l'âge de
vingt ans, ont disparu, (K. MornanxL)
— Fig. Vanité : La BOUFFISSURE de l'esprit
est aussi incurable que l'hydropisie. il Carac-
tère de ce qui est ampoulé, enflure de l'ex-
pression et du style : Je préfère à ces vaines
BOTJFFissuRES le simple squelette de la pensée.
(B. de S.-P.) Je trouve aussi, dans ce dernier
ouvrage, moins d'incorrection, tnoins de redon-
dance, moins de BOUFFISSURE." (Grimm.) Par-
don si j'ai répondu légèrement à tant de BOUF-
FISSURE. (Beaumarch.) Les mauvais écrivains
de Rome sentaient bien qu'il était plus aisé
d'éviter la BOUFFISSURE des orateurs de l'Asie
que d'atteindre à l'éloquente simplicité de Ré-
mosthène. (La Harpe.)
BOUFFLERS
BOUFFLERS ou BOUFLERS,nom d'une an-
cienne et noble famille de Picardie. L'histoire
a conservé le nom de Bernard de BOUFFLERS,
qui vivait en 1133. — Guillaume de BOUFFLERS
suivit Charles d'Anjou en 1266, quand ce prince
alla occuper le trône de Naples et de Sicile.—
Aléaume de BOUFFLERS combattit à Mons-en-
Puelle, sous Philippe le Bel, en 1304. D'au-
tres BOUFFLERS figurèrent ensuite dans la plu-
part des guerres que présente notre histoire ;
nous donnerons les principaux : — Pierre de
BOUFFLERS,
BOUFFLERS, fils d'Aléaume de Boufflers, qui fut
fait- prisonnier à la bataille d'Azincourt, fit
partie des députés qui conclurent la paix en-
tre Charles VII et \e duc de Bourgogne (1435).
Il accompagna le dauphin dans son expédition
contre les Anglais, qui assiégeaient Dieppe,
et suivit le roi lorsqu il entreprit de conquérir
la Normandie. — Adrien de BOUFFLERS se si-
E
nala par sa bravoure sous le règne de
ouïs XII, et assista à la bataille de Pavie
(1525). — Louis de BOUFFLERS, né en 1534,
mort en 1553, était guidon dans les'gendar-
mes du duc a'EnghÀen. Il se distinguait par
une force et une agilité extraordinaires. Il traî-
nait un cheval par la queue et le portait sur
ses épaules ; il rompait avec les mains un fer
à cheval ; à la course, il ne se laissait pas dé-
passer par les meilleurs chevaux, et, armé de
toutes pièces, il sautait à cheval sans toucher
l'étrier. 11 fut tué à dix-neuf ans d'un coup
d'arquebuse, au siège de Pont-sur-Yonne..—
Son frère, Adrien de BOUFFLERS, né' en 1530,
mort en 1622, se battit" à Saint-Denis et à
Moncontour, devint gentilhomme de la cham-
bre de Henri III, qui le nomma grand bailli
de Beauvais, fut député aux états de Blois et
resta constamment attaché à la cause royale.
Il composa et publia un Choix de plusieurs
histoires et autres choses mémorables (1608),
et un Traité sur les œuvres admirables de
Dieu (1621).
BOUFFLERS
BOUFFLERS (Louis-François, duc DE), ma-
réchal de France, né en 1644, mort en 1711. Il
portait le nom de chevalier de Boufflers lors-
que, en 1662, il entra comme cadet dans lô re~
il»
giment des gardes. Il fit son éducation mili-
taire sous les ordres de généraux tels que Cré-
qui, Condé, Turenne, Luxembourg etCatiuat.
Après s'être battu en Afrique (1664), il prit part
à la campagne de Flandre (l667), à celle de Hol-
lande (1678), fut nommé brigadier de dragons
en 1673 , concourut à la victoire. d'Entsheim-
(1674), devint lieutenant général en 1681, et-
reçut un commandement lors de la formation
t
de la ligue d'Augsbourg. Après avoir pris en '
1688 Worms, Oppenheim et Mayence, i) dé-
cida le gain de la bataille de Fleurus (1690),
fut blessé à Mons, se signala lors de la ba-
taille de Steinkerque, et fut successivement
nommé colonel des'gardes françaises (1692),
maréchal de France (1693) et duc de Bouf-
flers en 1695. Cette même année, il défendit
Namur assiégé par le roi Guillaume, soutint
quatre assauts et ne rendit la place qu'après
une héroïque défense. Envoyé dans les Pays-
Bas par Louis XIV, en 1701, il battit les Hol-
landais à Eckeren. Après la défaite d'Oude-
xiarde, qui ouvrait la frontière a l'ennemi,
Boufflers se jeta dans Lille, devant laquelle
le prince Eugène vint mettre le siège. Pen-
dant quatre mois, il soutint tous les efforts de
l'ennemi. Presque sans vivres et sans muni-
tions, il ne consentit à capituler que sur un
ordre exprès de Louis XIV, et le prince Eu-
gène accepta toutes ses conditions (1708).
Cette belle défense, qui le couvrit de gloire,
lui valut le iitre de pair de France et le gou-
vernement de Lille avec survivance. L'année
suivante, il partit pour l'armée de Flandre,
servit sous les ordres du maréchal de Villars,
bien que celui-ci appartînt a une promotion
plus récente, et refusa d'accepter le comman-
dement, t Eh bien ! monsieur, lui dit Villars,
qui n'avait pu vaincre ses refus, je vais don-
ner pour mot d'ordre votre nom et celui de la
ville qui vous a immortalisé : Louis-François
et Lille, i Lors de la. désastreuse bataille de
Malplaquet (1709), Villars ayant été blesse,
Boufflers, chargé du salut de l'armée, opéra
la retraite en si Don ordre, qu'il sauva l'artille-
rie, rapporta trente drapeaux pris à l'ennemi,
et ne laissa entre ses mains qu'un nombre in-
signifiant de prisonniers. A partir de cette épo-
que, le maréchal de Boufflers se retira à Fon-
tainebleau, où il termina sa vie. Généreux,
désintéressé, modeste, François de Boufflers
ne fut pas un grand homme de guerre ; mais,
dans sa carrière si bien remplie, il fit toujours
preuve d'autant de bravoure que de patrio-
tisme.
BOUFFLERS
BOUFFLERS (Joseph-Marie, duc DE), né en
1706,- mort en 1747, était fils du précédent.
Nommé gouverneur de Flandre en 1711, colo-
nel d'infanterie en 1720, et maréchal de camp
en 1740, il servit en Bavière et en Bohême,
prit part a la célèbre retraite du maréchal de
Belle-Isle, et eut une part glorieuse à la ba-
taille de Dettirigen (1743). Son neveu, le
comte de Boufflers, âgé seulement de dix ans
et demi, y trouva la mort, après avoir fait
preuve d un courage héroïque, tout a fait au-
dessus de son âge. * Un coup de canon lui
cassa la jambe, dit Voltaire; il reçut le coup,
se vit couper la jambe et mourut avec un égal
sang-froid. • En 1743, Joseph de Bouffiers
contribua à la prise de Menin et d'Ypres, puis
il assista aux batailles deFontenoi etdeRau-
coux. Envoyé par Louis XV au secours de
Gênes menacée par les impériaux, il battit le
comte de Schullembourg, et mourut dans
cette ville de la petite vérole. En mémoire
des services qu'il lui avait rendus, la répu-
blique de Gênes inscrivit parmi les nobles de
l'Etat le nom de Boufflers et celui de sa fa-
mille.
BOUFFLERS
BOUFFLERS (Marie-Françoise-Catherine
DE BEAUVAU-CRAON, marquise DE). Elle joua
un grand rôle à la cour que le roi Stanislas,
devenu duc de Lorraine, tenait à Lunéville,
et acquit la réputation d'une des femmes les
plus spirituelles de son temps ; mais elle avait
encore d'autres qualités, qui la firent surnom-
mer la Dame de Volupté. Elle-même, à ce
qu'il paraît, n'en disconvenait pas; car, en
véritable épicurienne, elle composa sa propre
êpitaphe :
Ci-gît, dans une paix profonde,
Cette Darne de Volupté
Qui, pour plus grande sûreté.
Fît son paradis de ce monde.
- • Courte et bonne », avait dit. avec la même
onction la digne fille du Régent.
Voltaire eut avec la marquise de Boufflers
des relations de société, et, en lui envoyant sa
•Henriade, il lui adressa les vers suivants :
Vos yeux sont beaux, votre Ame encor plus belle,
Et, sans prétendre a rien, vous triomphez de tous.
Si vous eussiez vécu du temps de QfcbrieUe,
Je ne sais pas ce qu'on eût dit de vous,
Mais on n'aurait point parlé d'elle,.
. Elle mourut à Paris en 1787. On eût dit
que l'approche de 89 faisait peur à toutes
ces races dégénérées.
. BOUFFLERS (Catherine-Stanislas, marquis
DE), fils de la précédente, poète français, né à
Lunéville le 30 avril 1738, mort à Paris le
30 janvier 1815: Ce très-aimable et très-spiri-
tuel rimeur porta longtemps le titre de che-
valier , sous lequel il se fit connaître dans le
monde des lettres et des salons. Fils de la cé-
lèbre et charmante marquise qui fut l'ornement
de la cour de Stanislas ; à Nancy, il eut pour
précepteur le bon abbé Porquet, qu'il a aimé
et raillé fort agréablement toute sa vie., et qui
fut grand bailli de Lorraine et membre de l'A-
cadémie française. On a des vers légers de
cet ecclésiastique, qui, probablement, incul-
qua à son élève le goût de la poésie. L'élève
devait surpasser de beaucoup le maître. On
avait destiné Boufflers à l'Eglise, et, ^râce à
sa naissance, il eût certainement atteint aux
plus hautes dignités ; mais il déclara avec une
rare et louable franchise que son amour des
plaisirs mondains s'accordait mal avec les de-
voirs d'une austère profession. Le jeune gen-
tilhomme refusa donc d'entrer dans" les or-"
dres; mais, en sa qualité de chevalier de
Malte, il posséda un bénéfice qui lui donnait
le droit bizarre d'assister à l'office.en surplis
et en uniforme, et lui permettait d'être tout à
la fois prieur et capitaine de hussards. Cette
double condition s'accordait merveilleusement
avec son goût pour les voyages et les aven-
tures. Il fit une petite excursion sur les rives '
du lac Léman, dans le pays de Vaud, s'amusa
à peindre des pastels à Vevay, tout en ca-
chant sa condition, et alla visiter Voltaire à
Ferney. Nous devons a ce petit voyage des
épîtres vives et agréables, pleines de verve,
d'esprit et d'humour, intitulées : Voyage en
Suisse (1770). On peut lés placer parmi les
modèles du genre, et elles sont sans contredit
supérieures à celles de Chapelle et de Bachau-
mont. Ce fut en qualité de capitaine de hus-
sards que le chevalier de Bouffiers fit la cam-
pagne de Hanovre. De retour de l'armée;* il
se livra entièrement à son goût effréné pour
les plaisirs. A la passion des femmes il joi-
gnait celle des chevaux, etdevint le plus er-
rant des chevaliers. Aussi le comte de Très- "
san le rencontrant un jour sur une grande
route, lui dit spirituellement : «Chevalier, je
suis ravi de vous trouver chez vous. •
En 1772, il fut nommé colonel d'un régi-
ment de hussards, et, après avoir assisté au
combat d'Ouessant, il fut successivement
nommé brigadier d'infanterie (1780) et maré-
chal de camp (1784). En 1785, le maréchal de
Castries le fit nommer gouverneur du Sénégal
et de Gorée. Cette nomination fut regardée
comme une disgrâce, causée parla publication
d'une chanson sur la reine Marie-Antoinette
et l'abbesse de Remiremont. Il est vraisem-
blable que les dettes qu'il avait contractées
dans, sa vie de dissipation furent une des cau-
ses qui le déterminèrent à accepter ce poste.
Il resta trois ans au Sénégal. Pendant ce
temps, • il surprit par sa bonté les Européens
et les nègres, dit M. de Sabran ; il étonna
aussi le gouvernement français par les re's-
sources qu'il y découvrit et les facilités qu'il
y établit pour le commerce. Son départ du Sé-
négal fut une calamité, et jusqu'à plus de deux
lieues de la côte, il entendit le cri du regret
• universel. » Cédant à la nostalgie, et vaincu
aussi par un climat meurtrier, il revint en
France en 1788, et se remit de plus belle à
faire des vers pour VAlmanach dés Muses et
d'autres collections du même genre. On re-
trouvait en lui les grâces de sa mère, et on
admirait les nuances ingénieuses d'une gaieté
quelquefois un peu libre, mais toujours sédui-
sante. Ses poésies légères, et un peu aussi
ses succès de cour et de salon, lui ouvrirent
les portes de l'Académie dans cette même an-
née 1788.
L'année suivante, il fut envovê aux états
f
énéraux, où il se montra ami du progrès et
es institutions nouvelles. Ce fut lui qui fit
rendre, en 1791, le décret qui assure aux in-
venteurs, par brevet, la propriété de leurs
découvertes. Il'appartenait, avec MM. de Vi-
rieu et La Rochefoucauld, à ce petit groupe de
philosophes de cour qui furent bientôt dépas-
sés par le mouvement, et qui s'épuisèrent en
efforts infructueux pour le faire rétrograder.
Cependant il n'émigra qu'après le 10 août,
obtint du roi de Prusse de vastes concessions
en Pologne pour un essai de colonie ^n fa-
veur des émigrés, fut nommé membre de l'A-
cadémie de Berlin et épousa M
m e
de Sabran.
De retour en France en 1800, il se fit, sans
aucun profit pour sa fortune, le courtisan de
Napoléon et de sa famille. Ses vers mêmes,
ses gracieux badinages rimes, étaient accueil-
lis froidement par une société qui n'était plus
la sienne, et il finit par se retirer désabusé
dans ses terres, pour y cultiver ses blés, qu'il
nommait se* dernières poésies.
Se trouvant, en 1804, chez M"" de Staël, qui
lui demanda pourquoi il n'était pas de l'Aca-
démie (reconstituée), il lui répondit par ce
quatrain :
Je vois l'Académie où vous Êtes présente ;
Si vous m'y recevez, mon sort est assez beau.
Nous aurons à nous deux de l'esprit pour quarante,
Vous comme quatre, et moi comme zéro.
• Peu de jours après, il était appelé à faire
{
>artie de l'Institut. Il y prononça (1805) l'é-
oge du maréchal de Beauvau, morceau re-
marquable, semé de traits d'esprit, -de pen-
sées philosophiques, et plein de sentiment. Il
fit en 18Q6, mais avec moins de succès, le pa-
négyrique de l'abbé Barthélémy.
Après avoir raconté sa vie, il nous resterait
à juger son caractère et son esprit; mais on
nous saura gré d'abandonner ce soin à des
plumes plus compétentes... ou plus légères
que la notre. « M. de Boufflers, dit le prince de
Ligne, a été successivement abbé, militaire,
écrivain, administrateur, député, philosophe,
et de tous ces états il ne s'est trouvé déplacé
que dans le premier. H a toujours pensé en
courant. On voudrait pouvoir ramasser toutes
les idées qu'il a perdues sur les grands che-
mins, avec son temps et son argent. Il a de .
l'enfance dans le rire et de la gaucherie dans
le maintien. Il est impossible d'être meilleur
ni plus spirituel; mais son esprit n'a pas tou-
jours de la bonté, et quelquefois aussi sa
bonté pourrait manquer d'esprit. »
. On attribue à Rivarol ce court et piquant
portrait de Boufflers : « Abbé libertin, mili-
taire philosophe, diplomate chansonnier, émi-
gré patriote, républicain courtisan. • — « C'est
Voisenon le Grand, » a dit de lui Saint-Lam-
bert.. En effet, il y a dans Boufflers la frivolité
de Voisenon, avec une plus forte dose d'es-
prit et de gaieté aimable. Il avait de l'esprit,
de la grâce et de la facilité ; mais ses poésies,
malgré les traits charmants qu'on y rencontre,
abondent en fadeurs insipides et ne sont plus
lues aujourd'hui. Il était cependant disciple et
ami de Voltaire, qui le récompensa de son ad-
miration par quelques-unes de ces charman-
tes flatteries en vers qui n'étaient, sous sa
plume, que des formules de politesse affec-
tueuse.
Le chevalier- de Bonnard adressa a Bouf-
flers une jolie épltre, qui commence ainsi :
Tes voyages et tes bons mots.
Tes jolis vers et tes chevaux
Sont cités par toute la France ;
On sait par cœur ces riens charmants
Que tu produis avec aisance ;
Tes pastels frais et ressemblants
Peuvent se passer d'indulgence...
Enfin, pour compléter le portrait, il-ne nous
reste qu'a laisser parler Bouffiers lui-même.
La lettre suivante, où il raconte sa visite a
Voltaire, donnera une idée de cet esprit quel-
quefois gracieux et fin, souvent maniéré :
' « Enfin, me voici chez le roi de Garbe, car
jusqu'à présent j'ai voyagé comme la fiancée.
Ce n'est qu'en le voyant que je me suis re-
proché le temps que j'ai passé sans le voir.
11 m'a reçu'comme votre fils, et il m'a fait
une partie des amitiés qu'il voudrait vous
faire. Il se souvient de vous comme s'il venait
de vous voir, et il vous aime eommè s'il vous
voyait. Vous ne pouvez point vous faire d'i-
dée de là dépense et du bien qu'il fait. Il est
le roi et le père du pays qu'il habite; il fait le
bonheur de; ce qui l'entoure, et il est aussi bon
père de famille que bon poète. Si on le parta-
f
eait en deux, et que je visse d'un côté
homme que j'ai lu, et de l'autre celui que.
j'entends, j e ne sais auquel j e courrais. Ses
imprimeurs auront beau faire, il sera toujours
la meilleure édition de ses livres... »
' Le morceau qui suit est d'un autre genre;
mais il est d'autant plus précieux qu'il peint,
en même temps que le talent facile du poète,
les mœurs et le langage non moins faciles de
son époque : • Voici, dit Boufflers, dans son
.Voyage en Suisse, un- impromptu que j'aifait
dernièrement. J'arrivai chez une belle dame,
crotté et. mouillé; elle me proposa de me
faire donner des souliers de son mari :
De votre mari, belle Iris,
Je n'accepte point la chaussure;
Si je lui donne une coiffure,
Je veux la lui donner gratis.
On sait l'histoire de Loth, racontée sans fa-
çon par notre poète en quatre petits' vers ':
Il but,
H'devint tendre,
Et puis il fut
* Son gendre.
Mais il est juste d'ajouter que le chevalier
n'a pas toujours été licencieux de pensée ni
d'expression, témoin sa fable intitulée : le
Rat bibliothécaire.
' Outre ses Lettres sur son Voyage en Suisse,
on a de lui des contes en prose, dont le plus
connu est Aline, reine de Colconde (1761); le
Cœur, poème erotique (1763); Poésies et piè-
ces fugitives (1782) ; le Derviche, conte orien-
tal (1810, 8 vol. in-8°) ; un traité médiocre du
Libre arbitre (1808, iû-8°) ; Essai sur les gens
de lettres (l8ll,'in-8°); des discours, des élo-
ges, des rapports à l'Assemblée nationale, etc.
Ses Œuvres complètes ont été publiées en
1817,. 4 vol. iïi-18, et plusieurs fois rééditées.
Une des meilleures éditions est celle qui a été
donnée par M. Arsène Houssaye.
Boufflers repose auprès de 1 abbé Delille, et
l'on a écrit, sur lacolonne qui porte son nom, ce
mot, qui est réellement de lui, et qui rappelle
si bien l'aménité de ses mœurs et le calme
de sa pensée : Mes amis, croyez que je dors.
Terminons par cette charmante anecdote,
qui peint fidèlement des mœurs plus que légè-
res, et que Boufflers racontait très-agréable-
ment : On jouait beaucoup, quelques années
avant la Révolution, chez M*»e l a duchesse
"de Poitiers, où le monde élégant se réunis-
sait assez habituellement. Le comte de Cana-
ples y venait souvent, et un peu, à ce que di-
saient les langues médisantes, parce que la
belle M^o de Luz, Jeune femme mariée de-
"puis peu, s'y trouvait tous les soirs. Le comte
se plaignit un jour du malheur qu'il avait de
dormir la bouche ouverte, ce qui le réveillait
trois ou quatre fois par nuit, et de'la manière
la plus désagréable. Un médecin allemand,
dont l'esprit était fort coûté par cette noble
société, lui dit : t Monsieur le comte, je vais
vous guérir avec une simple carte àjouer; le
soir, avant de vous endormir, vous la roule-
rez et vous la placerez comme un tuyau de
pipe entre vos lèvres. Soyez assuré de l'effi-
cacité de ce simple remède. » On venait de
finir une partie et le jeu de cartes était en-
•core sur.la table, M
m e
de Poitiers s'appro-
chant de M. de Canaples, .lui dit : « Tenez,
135
1074 BOUF
BOUF
BOUF
BOUF
comte, prenez ce valet de cœur, c'est, lui qui
vous guérira cette nuit. » Le lendemain soir,
la même société, y compris Mme de Luz, était
réunie autour de la table, quand le baron de
Luz arriva tout essoufflé de Versailles. Il ra-
conta les nouvelles du jour, puis ajouta :
« C'est merveille qu'aujourd'hui je sois ici de
si bonne heure ; hier je ne suis rentré qu'à cinq
heures du matin. A propos, madame la du-
chesse, vous donnez des vices à ma femme;
elle devient une joueuse effrénée, devinez ce
que j'ai trouvé dans son lit, ce matin : un va-
let de cœur l » Et le baron tira de sa poche et
montra à la société stupéfaite le valet de
cœur de la veille, très-artistement roulé en
tuyau de pipe. Le baron de Luz commençait
à remarquer le singulier effet que produisait
son histoire sur les auditeurs, lorsque la du-
chesse de Poitiers eut la présence d'esprit de
le prendre à part et de le retenir assez long-
temps à causer des affaires de Versailles,
pour donner à Mme de Luz et au reste de la
société le temps de se remettre.
BOUFFLETBOUFFLET s. m. (bou-flè). Fauconn. In-
jection d'eau froide qu'on lançait à la tête des
oiseaux de proie pour les dompter.
B O U F F L E T T E s. f. (bou-flè-te, — rad. bouf-
fer). Ane. mar. Troisième voile du grand mât
d'une galère. Il On trouve aussi BOUFFETTE.
B O U F F O I R s. m. (bou-foir — rad. bouffer).
Chalumeau dont les bouchers se servent pour
bouffer, pour gonfler, en les soufflant, les ani-
maux qu ils veulent écorcher.
BOUFFLERS-ROOVREL
BOUFFLERS-ROOVREL (Marie-Charlotte-
Hippolyte, comtesse DE), femme célèbre dans
le monde littéraire du xvme siècle, née à Pa-
ris en 1724, morte vers 1800. Elle était fille du
comte de Camper-Saugeon, et fut d'abord at-
tachée à la duchesse d'Orléans en qualité de
dame de compagnie. Devenue veuve en 1764,
elle entretint une liaison étroite avec le prince
de Conti. Elle ouvrit au Temple, propriété du
prince, des salons qui rivalisèrent avec ceux,
de M"ie D
u
Deffand et de Mlle Lespinasse.
Ils étaient fréquentés par tous les hommes de
lettres en renom, et c'est là que Jean-Jacques
Rousseau se rendait de préférence. La com-
tesse unissait l'esprit et le jugement à la grâce
la plus parfaite. Il est beaucoup question d'elle
dans toutes les chroniques du xvme siècle,
depuis les Confessions de Rousseau jusqu'aux
Caractères et Portraits du duc de Lévis. Pen-
dant plus de seize ans, elle fut en correspon-
dance avec J.-J. Rousseau, et s'efforça d'écar-
ter tout ce qui pouvait exciter ses accès de
misanthropie. Le voyant irrité un jour des sot-
tises qu'on débitait autour de lui, et sur le
oint de les réfuter sérieusement : « Tais-toi,
ean-Jacques, lui dit-elle, ils ne t'entendront
pas. » Elle fit également tous ses efforts pour
.réconcilier le philosophe avec David Hume,
mais elle n'y put parvenir. M
m
c de Bouffiers
était ambitieuse et aimait à se produire, a Elle
s'est faite victime de la considération, disait
àce sujet MUe Lespinasse, et, à force de courir
après elle, elle en perd. » Dans la société du
Temple, elle avait reçu le surnom de Minerve
savante. Le chevalier de Bouffiers fait allu-
sion à ce titre dans les vers suivants ;
Pour nous éclairer tous sans déplaire à personne,
La savante Minerve a pris vos traita charmants ;
En vous voyant, je le soupçonne;
J'en suis sûr quand je vous entends.
BOUFFONSBOUFFONS dans l'acception historique de ce
moi. (M«»e E. de Gir.) Jl n'est pus de rôle plus
difficile à faire supporter dans le monde que
celui de BOUFFON. (Boitard.) Le véritable BOUF-
FON improvise et n'imite jamais. (Boitard.) Le
BOUFFON,
BOUFFON, ONNE s. (bou-fon, o-nc —
-*nême étymologieque bouffée). Celui ou celle
q[ui fait profession d'égayer les autres par
ses plaisanteries : Il y a des hommes nés BOUF-
FONS ; won point BOUFFONS de théâtre, mais
BOUFFONBOUFFON est un homme gui préfère la vanité à
la dignité. (Boitard.)
Les bouffons sont hardis comme des philosophes.
DE BANVILLE.
L'office de bouffon a des prérogatives ;
Mais souvent on rabat leurs Hures tentatives.
MOLIÈRE.
En vain, par sa grimace, un bouffon odieux
A table nous fait rire et divertit nos yeux.
BOILEAU.
O galté facile !
Où sont tes joyeux bouffons,
Vénus de Sicile?
DE BANVILLE.
— Se dit particulièrement d'un personnage
grotesque que les rois entretenaient autre-
fois auprès d'eux, p
t
our s'amuser de ses facé-
ties : Quand les princes sortent de leurs misé-
rables étiquettes, ce n'est jamais en faveur
d'un homme de mérite, mais d'une fille ou d'un
BOUFFON. (Chamfort.) Pour oser dire la vérité
aux rois, il faut être leur favori ou leur BOUF-
FON. (Amelot.) Les monarques auraient trouvé
difficile de passer leur temps sans un BOUFFON
pour les faire rire. (Baudelaire.)
Du bouffon favori la grotesque ballade
Ne distrait plus le front de ce cruel malade.
BAUDELAIRE.
— P a r anal. Plastron, individu qui sert de
but habituel aux moqueries des autres : Ce
monsieur est le BOUFFON de la société.
— Par ext. Ecrivain qui affectionne les
plaisanteries triviales : liabetais, quand il est
bon
y
est le premier des bons BOUFFONS ; mais il
ne faut pas qu'il y ait deux hommes de ce métier
dans une nation. (Volt.) Oui
t
Rebelais est un
BOUFFON,BOUFFON, mais un BOUFFON unique, un BOUF- J
FON homérique. (Ste-Beuve.)
— Théâtre. Acteur spécialement chargé j
des rôles d'un bas comique : Le Vaudeville
vient de trouver un excellent BOUFFON.
— Adjectiv. Qui tient du bouffon; qui af-
fectionne la grosse plaisanterie ; qui prête au
gros rire : Personnage BOUFFON. Mine BOUF-
FONNE. Esprit BOUFFON. Joie BOUFFONNE. Style
BOUFFON. Scène BOUFFONNE. Loin de s'offenser
de ce trait BOUFFON, il entre de bonne grâce
dans la plaisanterie. (Le Sage.) Le mariage
est, de toutes les choses tes plus sérieuses, la
chose la plus BOUFFONNE. (Beaumarch.) Les
choses les plus BOUFFONNES ont parfois des
résultats sérieux. (G. Sand.) Verner a fait du
père Cavalcanti une charge frés-BOUFFONNE et
très-désopilante. (Th. Gaut.)
Aux accents insolents d'une bouffonne joie,
La sagesse, l'esprit, l'honneur furent en proie.
BOILEAU.
Ces égrillards iraient, d'humeur bouffonne,
Pincer au lit le diable et ses Buppôts.
BÉRANGER.
— Opéra bouffon, Se disait autrefois pour
opéra bouffe :
Ils voulurent enfin tout voir et tout connaître
Les boulevards, la foire et l'opéra bouffon.
VOLTAIRE.
— s. m. Ce qui est bouffon, ce qui excite le
gros rire : Le BOUFFON n'est pas toujours
dans le style burlesque. (Volt.)
La cour
Dédaigna de ces vers l'extravagance aisée.
Distingua ie naïf du plat et du bouffon.
BOILEAU.
— Encycl. 11 y a toujours eu et il y aura
toujours des bouffons. La foule des hommes
aime qu'on l'amuse, et elle s'est toujours em-
pressée d'accourir à l'appel des sauteurs, des
saltimbanques, des charlatans. Toutes les
peuplades sauvages ont leurs bouffons, qui
sont en même temps sorciers et charlatans.
De temps immémorial, les jongleurs indiens
jouirent d'une réputation d'habileté que nos
plus habiles prestidigitateurs n'ont jamais pu
égaler. Dans Homère, Thersite est le bouffon
de l'armée, qu'il amuse par ses lazzi et ses
pasquinades. Dans l'antiquité grecque et ro-
maine, les bouffons, qui étaient appelés morions,
jouèrent un grand rôle. Les Athéniens ne dé-
daignaient pas d'entendre les bouffons les plus
vils sur le théâtre où se jouaient les tragédies
de Sophocle et d'Euripide. Un jour, ily en eut
un qui imita le cri de diverses espèces d'ani-
maux, aux applaudissements de toute la foule.
« Parbleu 1 s écria un paysan qui était présent,
je me charge bien de faire mieux que lui; u et,
comme on l'accusait de présomption, il donna
rendez-vous à l'assemblée pour le lendemain.
En effet, lelendemain,àrheure dite,le paysan
était sur le théâtre à côté du bouffon. Il com-
mença par faire entendre le cri d un petit co-
chon qui vient de naître. Le public resta
muet, quelques-uns même se mirent à siffler ;
mais à peine le bouffon eut-il à son tour fait
entendre le même cri, que l'assemblée se leva,
déclarant qu'il l'avait emporté de beaucoup
sur le paysan. « Voyez ! rit alors ce dernier en
levant sa robe et en montrant un petit cochon
qu'il y avait caché, ce n'est pas moi que
vous sifflez, c'est la nature. • Des peintures
trouvées à Pompéi confirment le témoignage
de Martial, de Sénèque, de Suétone et de tous
les auteurs comiques, et attestent le cas que
les Romains faisaient des bouffons.
A mesure que les mœurs se corrompent,
que l'amour du luxe fait de nouveaux progrès,
le goût pour les bouffonneries, pour les mon-
struosités physiques, morales et intellectuelles
s'accroît de jour en jour. Les nains et les
naines, les géants, les hermaphrodites de-
viennent des objets fort a la mode,'des curio-
sités aussi indispensables que le furent, à une
certaine époque, les magots chinois pour nos
cheminées. Le trafic en devint si grand à
Rome qu'il fallut un marché spécial pour ce
genre de marchandises, et l e s profits en
étaient si considérables que les Orientaux
s'étaient adonnés à la fabrication des monstres
et des nains. Par un procédé identique à ce-
lui des Chinois, qui écrasent le pied des filles,
ils arrivaient a produire des créatures rachi-
tiques et difformes, dont ils fournissaient le
marché de Rome. On a retrouvé à Pompéi
des vases étrusques dont les Romains se ser-
vaient pour boire, et qui ont la forme de ces
créatures disgraciées de la nature, qui ser-
vaient de jouet et de souffre-douleurs à une
société blasée. Les empereurs étaient les pre-
miers à partager ces goûts étranges. Auguste
fit voir publiquement un jeune garçon, nommé
Licinius, qui n'avait que deux pieds de haut
et ne pesait que 17 livres, mais qui, par un
bizarre contraste, était doué d'une voix de
Stentor. Le même empereur possédait un bouf-
fon nommé Galba, dont la réputation était
très-grande, à en croire l'épigramme sui-
vante de Martial : « Si le vieux Galba, que la
faveur d'Auguste a rendu si heureux, pouvait
revenir des champs de l'Elysée, celui qui
entendrait Oapitolinus et Galba lutter de plai-
santeries dirait avec raison à Galba : Tais-
toi, grosse bétel » Sextius Caballus, Capito-
linus, Cécilius se firent un nom parmi les
bouffons de leur temps : mais, pour quelques-
uns d'intelligents et d'adroits, combien de
stupides et de malhabiles I C'est à un de ces
derniers que Martial adresse les vers sui-
vants , qui peignent les mœurs de ses con-
temporains ;
• Tu penses être, Cécilius, un personnage
amusant: crois-moi, il n'en est rien. Qu'es-tu
donc? un plat bouffon. Tu ressembles à ces
malheureux qui parcourent les quartiers au
delà du Tibre , échangeant des allumettes
contre des verres cassés ; à ces hommes aux-
quels la foule oisive achète des pois bouillis ;
a ces charlatans qui font des tours avec des
t
vipères, et à leurs valets; à ces enfants cras-
"seux qui suivent les marchands de salaisons;
à ces cuisiniers à voix rauque qui colportent
des saucisses fumantes dans les mauvais ca-
barets ; à ces pauvres improvisateurs qui
courent par la ville ; à ces entremetteurs de
débauche venus de Gades; à ces vieux liber-
tins fatigants par leur loquacité. Cesse donc
enfin, Cécilius, de te croire tel que tu le pa-
rais à toi seul, toi qui, par tes trivialités,
pourrais l'emporter sur Galba et sur Sextius
Caballus lui-même. U n'est pas donné à tout le
monde d'avoir du nez. Celui qui plaisante
avec une sotte effronterie n'est pas un Sextius,
mais un Caballus (mauvais cheval). »
Martial ne parle plus ici de ces malheureux
qui excitent le rire par leurs difformités phy-
siques, mais "le ceux qui se font bouffons de
société, rôle qui était celui de presque tous
ces nombreux parasites attachés à chaque
Romain un peu riche, et dont Juvénal, dans
sa cinquième satire, nous a retracé les infor-
tunes et le misérable sort. Le peuple aussi
avait ses bouffons, qui l'amusaient dans les
carrefours et sur la place plublique, sans
compter ceux qui paraissaient sur les théâtres.
La politique des empereurs avait soin d'occu-
per ainsi les esprits, pour les détourner des
choses sérieuses et des affaires de l'Etat. Au-
guste, voulant faire cesser le mécontentement
du peuple, qu'avaient excité plusieurs lois
fort sévères contre les célibataires et les bri-
gues dans les comices, n'eut qu'à rappeler
Pylade, dont l'exil avait eu pour cause les
troubles qu'excitait sa rivalité avec Bathylle,
tous deux mimes fort célèbres. Pylade vint
remercier l'empereur, qui lui reprocha de
troubler la tranquillité publique. « César, ré-
pondit le comédien, tu devrais, au contraire,
t'applaudir de ce que le peuple s'occupe tant
de nous.» Pendant toute la durée de l'empire,
les bouffons eurent une grande vogue à Rome,
mais il ne leur était permis que d'amuser par
de grosses platitudes; ceux qui voulurent
montrer de 1 esprit, comme le rirent plus tard
les fous à la cour des rois de France, n'eurent
pas lieu de s'en applaudir. Dans une grande
fête donnée par Gallieh, pour célébrer la
dixième année de son "règne, on vit figurer
des hommes déguisés en Goths, en Sarmates,
en Perses et en Francs. Quelques bouffons
s'étant mêlés aux prétendus Perses, et les
examinant avec une curiosité affectée, on
leur demanda ce qu'ils cherchaient. « Nous
cherchons le père du prince, » répondirent-ils.
C'était une allusion àValérien, père de Gai-
lien,
x
qui avait été fait prisonnier par les
Perses, et que celui-ci n avait pas tenté de
délivrer, se réjouissant au contraire de son
malheur. Gallien trouva la plaisanterie mau-
vaise, et ordonna que-les bouffons fussent
tous brûlés vifs. Le temps n'était plus où les
soldats de César pouvaient chanter autour de
son char triomphal les épigrammes faites
contre lui.
Le monde païen avait légué les bouffons au
monde chrétien, et, dans le Digeste, dans
Salvius, dans Isidore de Séville et autres his-
toriens de l'époque, on suit facilement leur
trace. Dès le ve siècle, on leur donne le nom
de jongleurs. Un historien de Louis le Débon-
naire parle des bouffons, des mimes, des jon-
leurs qui amusaient le peuple dans les jours
e réjouissance, et qui étaient même admis
devant l'empereur lorsqu'il était à table. Plus
tard, une partie des jongleurs devinrent mé-
nestrels, et allèrent de château en château,
récitant les chansons de gestes et les romans
d'aventures; mais le plus grand nombre resta
sur la place publique, pour amuser la foule
par des bouffonneries et des lazzi. Nous pour-
rions donner ici une pièce assez curieuse et
que nous avons en ce moment sous les yeux,
qui figure parmi les. œuvres des poètes du
xnie siècle. On y verrait que les saltimban-
ques de tous les temps se ressemblent, que
ceux d'aujourd'hui répètent ce que disaient
ceux d'autrefois. La seule différence, c'est
qu'on ne trouve pas dans les discours de ceux-
ci la licence que permettaient les mœurs du
xne siècle, licence qui nous met dans la pénible
obligation de répondre prudemment au lec-
teur qui insisterait pour connaître ces détails :
.l'ai du bon tabac dans ma tabatière,
J'ai du bon tabac, tu n'en auras pas.
Les àouffoTis survécurent aux ménestrels et
aux chantres d'amour : quand Rodolphe de
Hapsbourg chassa les ménestrels de sa cour,
il garda son fidèle bouffon Piaf Cappadox.
L'usage des bouffons s'était introduit chez les
seigneurs et les rois du moyen âge, comme
jadis chez les Romains ; chaque château avait
le sien, et leur importance devint alors très-
grande. En Allemagne, on les voit prendre
part aux conspirations, aux guerres, aux
fêtes de cette époque chevaleresque, et sou-
vent surpasser en courage les plus illustres
chevaliers. Kurz van den Rosen, l'un des
fous de Maxîmilien,pénètre dans la prison de
son maître et le sauve, comme le ménestrel
Blondel avait aidé à la délivrance de Richard
Cœur de Lion. C'est cet incident qui a suggéré
à "Walter Scott son épisode de Wamba dans
le roman tflvanhoé. Il ne faut donc pas s éton-
ner si le chapelain faisait l'oraison funèbre de
ces grands officiers de la plaisanterie^ qui in-
ventaient de si bons contes, de si drolatiques
aventures, pour dérider le front du seigneur
châtelain. On conserve dans les bibliothèques
d'outre-Rhin l'oraison funèbre de Hans Miesko,
bouffon poméranien, auquel le savant Cradélius
attribue à peu près toutes les vertus. En
France, leur rôle est moins guerrier; mais
leur personnalité n'en est peut-être que plus
saillante. Caillette, Chicot, Triboulet, l'An-
gely sont les principaux dont l'histoire a gardé
le nom. Le plus connu de tous est Triboulet,
sur lequel Victor Hugo a fait son drame : le
Hoi s'amuse. On peut y joindre Guérin, bouf-
fon de Marguerite, reine de Navarre, qui,
après avoir joui d'une grande faveur tant que
vécf'it cette princesse, mourut ensuite de mi-
sère. — Quoiqu'il n'y ait plus de bouffons offi-
ciels, la race n'en est pas éteinte; les bouffons
de bonne volonté subsisteront toujours. Ce
sont ces plaisants de société, mystificateurs,
ventriloques, faiseurs d'impromptus préparés
longtemps à l'avance, qu'on invite par ma-
nière de divertissement. Ils sont moins nom-
breux que les parasites romains, parce qu'ils
trouvent moins de tables disposées à les re-
cevoir; ils sont peut-être plus civilement
traités, parce que le progrès des mœurs le
veut ainsi; mais ils ne sont guère moins mé-
prisés, ni moins méprisables.
Le théâtre est peut-être le lieu où la bouf-
fonnerie choque le moins la raison la plus sé-
vère. Là, elle peut fournir l'occasion de faire
entendre des vérités utiles, et de les expri-
mer de la manière la plus piquante ; les
acteurs qui ont créé ou joué les rôles d'Arle-
quin, de Pierrot, de Scapin, etc., ont pu con-
quérir une juste célébrité. Là mission de la
comédie est d'instruire en amusant; celle de
l'acteur comique est de représenter au natu-
rel tous les vices, tous les ridicules, dans une
action passagère, que les spectateurs savent
n'être qu'une fiction; ni l'auteur ni l'acteur
ne perdent pour cela leur personnalité, et,
après s'être montrés bouffons pendant quel-
ques heures, ils redeviennent sérieux et dignes
dans la vie ordinaire.
Enfin, il n'est pas jusqu'à la littérature qui
n'ait eu ses bouffons, et quelquefois ses bouf-
fons de génie. Rabelais, qui vivait dans un
temps ou, pour dire la vérité, il fallait être
protégé par la marotte et le bonnet à grelots,
tut obligé de revêtir de la forme bouffonne la
satire qu'il voulait faire contre les nombreux
abus de son temps. Il ne manqua pas d'imita-
teurs, et le genre bouffon fut à la mode, comme
le genre burlesque devait -d'être au commen-
cement du siècle suivant.
BOUFFONNANT
BOUFFONNANT (bou-fo-nan) part. prés,
du verbe Bouffonner : En BOUFFONNANT et en
alléguant les fables, les courtisans persuadent
tout de bon au prince qu'il n'est point obligé à
saparole. (Balz.)
B O U F F O N N E M E N T adv. (bou-fo-ne-man
— rad. bouffon). D'une façon bouffonne :
Etre BOUKFONNEMENT vêtu. C est une escobar-
derie d'étiquette assez jésuitique, et qu'éluda
BOUFFONNKMENTBOUFFONNKMENT un envoyé de Perse. (Th.
Gaut.) il L'Académie n'a pas donné droit de
cité à co mot, ni les autres dictionnaires
après elle; ce ne peut être qu'un oubli.
BOUFFONNER
BOUFFONNER v. n. ou intr. (bou-fo-nô —
rad. bouffon). Faire le bouffon; faire ou dire
des bouffonneries : La comédie se plaît à
BOUFFONNERBOUFFONNER sur un théâtre. (D'Ablanc.) Dans
les livres de Platon, Socrate BOUFFONNE pres-
que toujours. (J.-L. de Balz.) Bautru et Na-
gent BOUFFONNAIENT et représentaient, pour
plaire à la reine, la nourrice du vieux Brous-
sel, qui animait te peuple à la sédition. (De
Retz.) Corbacque! ne BOUFFONNE pas! dit Bri-
sailles en courant vers le village. (Ars. flous.)
BOUFFONNERIE
BOUFFONNERIE s. f. (bou-fo-ne-rî — rad.
bouffonner). Caractère de ce qui est bouffon;
chose bouffonne; plaisanterie bouffonne : On
est étonné de voir naître et éclore le bon sens
du sein de la BOUFFONNERIE. (La Bruy.) La
chaire semblait disputer, ou de BOUFFONNERIE
avec le théâtre, ou de sécheresse avec l'école.
(Mass.) La BOUFFONNERIE est une exagération
au comique et du plaisant. (Marmontci). Une
BOUFFONNERIEBOUFFONNERIE répétée perd tout son piquant,
et devient tout simplement une bêtise. (Boi-
tard.) Ce qu'il y a de plus exécrable au monde,
ce sont les BOUFFONNERIES d'un tyran. (Le-
montey.) La BOUFFONNERIE, dans les temps
difficiles, est le passe-port de l'esprit et de la
raison. (St-Marc-Girard.) On a attribué au
duc de Jloquelaure de grossières BOUFFONNE-
RIES indignes de tut. (L.-J. Larcher.) Telle
BOUFFONNERIE,BOUFFONNERIE, soutenue du geste, de l accent,
parait la plus plaisante du monde, qui devient
froide SGVS la plume. (Th. Gaut.)
— Syn. Bouffonnerie , facétie , plalsnuie-
rio. De ces trois mots, le dernier est le seul
qui ne présente dans sa signification aucune
idée de blâme ; une plaisanterie a pour but de
plaire, d'amuser, de fairq rire; elle peut être
fine, décente, vive, réellement amusante. La
facétie, déjà moins délicate sur les conve-
nances, tient à faire beaucoup rire; elle est
très-comique, spirituelle encore, mais plus
décolletée. La bouffonnerie est une plaisanterie
grossière ; elle tient de la farce, et est parfai-
tement à sa place sur les tréteaux de la foire.
BOUFFONNESQUE
BOUFFONNESQUE adj. (bou-fo-nè-ske —
rad. bouffon). Qui est bouffon, qui a le carac-
BOUG
1ère de la bouffonneries : Le cadavre d'Hélio-
gabale fut jeté dans le Tibre, afin que lui et
ses ordonnances BOUFFONNESQUËS s'en allassent
par le même moyen à vau-l'eau. (Est. Pasq.)
Il Vieux mot auquel on préfère aujourd'hui
l'adjectif BOUFFON.
B O U F F O N N E U R s. m. (bou-fo-neur — rad.
lùouffon). Se disait autrefois pour BOUFION.
B O U F F R O N s. m. (bou-fron). Moll. Nom
vulgaire de la seiche.
B O U F F R O N E S. f. (bou-fro-ne). Hortic.
Variété de petite figue aplatie, noire en de-
hors, rouge en dedans.
BOUFFIT,
BOUFFIT, UE adj. (bou-fu — rad. bouffer).
Bouffant : Etoffe BOUFFUE. il Vieux mot.
— s. m. Etoffe bouffante, habit bouffant:
Porter du BOUFFO. il Vieux mot. A
BOUFLERS. V. BOUFFLERS. •
BOUG,BOUG, BUG ou BOG, rivière d'Europe,
prend sa source dans le gouvernement de
Lemberg, près de Harbazow, coule du S.-E.
au N.-O., entre dans la Pologne russe et se
jette dans la Vistule à Modlin, à 25 kilora. N.-
O. de Varsovie, après un cours de 700 kilom.,
dont 480 sont navigables. Ses affluents prin-
cipaux sont le Moukhavetz, la Narew et la
Wkra.
BOUG,
BOUG, YHypanis des anciens, rivière de la
Russie d'Europe, dont le lit, quoique large et
profond, est peu propre à la navigation, à
cause des rapides et des bancs de sable. Elle
prend sa source à 8 kilom. S.-O. de Staro-
Gonstantinof, dans le gouvernement de Vol-
hynie, baigne Vinnitsa, Olviopol, Nicolaïef,
et, après un cours de 580 kilom., se jette dans
le Dnieper, près de son embouchure au-des-
sous de Kherson.
BOUGA,
BOUGA, nom que les Toungouses non con-
vertis au christianisme donnent à l'Etre su-
prême. Voici comment une de leurs traditions
explique la création de l'humanité pi
eut créé le ciel et la terre, il prit du fer de
l'Orient, du feu du Midi, de l'eau de l'Ouest,
et de la terre du Nord, pour en faire un
homme et une femme, dont les os et la chair
étaient de la terre, le cœur du fer, le sang de
Tenu , et la chaleur vitale du feu. Bientôt,
le genre humain s'étant multiplié, Bouninga,
l'esprit des ténèbres, en réclama la moitié
pour sa part; mais l'Esprit créateur refusa
de mettre les vivants en sa puissance. Toute-
fois, il lui promit de lui abandonner, après
leur mort, les hommes vicieux, afin qu'il pût
leur faire subir toutes sortes de maux et de
tourments, dans l'empire de la mort et de la
souffrance, qui est au centre de la terre.
BOUGAINVILLE,
BOUGAINVILLE, île de l'Océanie, dans la
Mélanésie, l'une des plus grandes de l'archi-
pel Salomon,au S.-E. delà Nouvelle-Irlande,
par fio ]
a
t. S-, et 153° long. E. Cette île,
haute, 'montagneuse, couverte d'arbres et de
plantations, fut découverte par le navigateur
Bougainville le 30 juin 1768. Il Ce même na-
vigateur a donné aussi son nom au détroit
qui sépare l'île de Bougainville et l'île Choi-
seul, située au S.-E. de la première.
BOUGAINVILLE
BOUGAINVILLE (Jean-Pierre), littérateur
et antiquaire, né à Paris en 1722, mort à Lo-
ches en 1763. Il était secrétaire de l'Académie
des inscriptions et membre de l'Académie
française. Le recueil de l'Académie contient
de lui des dissertations intéressantes ; il a
en outre donné : Droits des métropoles grec-
ques sur leurs colonies (1745, in-12) ; une tra-
duction de YAnti-Lucrèce, du cardinal de P o -
lignac (1749, 2 vol. in-8°), et un Parallèle de
l'expédition d'Alexandre dans les Indes avec la
conquête des mêmes contrées par Thomas Kou-
likhan (1752, in-8<>).
BOUGAINVILLE
BOUGAINVILLE (Louis-Antoine DE), cé-
lèbre navigateur, né à Paris en 1729, mort en
1814. Il fit d'excellentes études, surtout dans
les langues anciennes et les sciences exactes,
et publia, jeune encore, la première partie de
son Traité du calcul intégral (173-1-1756, 2 vol.
in-4°), où il posa les premiers fondements de
sa réputation de savant, avant d'entrer dans
cette carrière militaire, qu'il devait parcourir
avec tant d'éclat. Destiné au barreau, il étu-
dia le droit, et se fit même recevoir avocat,
par pure condescendance pour les désirs de
sa famille. Mais il céda bientôt a la vocation
qui l'entraînait, et entra en 1753, comme aide-
mtijor, dans le bataillon de Picardie. L'année
suivante, il devint aide de camp de Chevert,
puis secrétaire d'ambassade à Londres, où il
fut reçu membre de la Société royale, suivit
Montcalm au Canada en 1756, parvint au
grade de colonel, et se distingua par des traits
d'une brillante valeur. Après la paix dé" 1763,
son génie ardent ne lui permettait pas de
se consumer dans l'inaction, et il résolut
d'entrer dans le service de mer. H obtint,
avec le grade de capitaine, l'autorisation de
fonder une colonie aux îles australes que
nous nommons Malouines, et les Anglais Falk-
land. Aidé par les armateurs de Saint-Malo,
qui de tout temps ont favorisé, les entreprises
maritimes aventureuses et hardies, il partit
avec une flottille, et fonda ses établissements,
malgré la jalousie des Espagnols, auxquels il
eut le chagrin de les voir livrer trois ans plus
tard par le gouvernement français. En 1766,
il partit enfin pour cette expédition scientifi-
que autour du monde qui a illustré son nom
et est restée son plus beau titre de gloire
comme navigateur. On sait qu'il explora ou
BOUG
découvrit pendant ce voyage, où il eut à
vaincre des difficultés de toute nature, l'ar-
chipel Dangereux, les îles de Taïti, Tehaï, Lan-
ciers, Croker, Melville, Hamoa, qu'il nomma
des Navigateurs, les Grandes Cyclades, Bou-
deuses, Commersonj etc. Il revint en France
en 1769, après avoir enrichi la géographie
d'un grand nombre de découvertes, et publia
en 1771 la relation de son Voyage autour du
monde, qui eut un prodigieux succès. La dé-
couverte de Taïti surtout, et les observations
sur les mœurs de ses habitants, à une époque
où on était si préoccupé de l'état de nature, •
excitèrent au plus haut point l'intérêt public.
La relation de Bougainville est écrite avec
clarté, enjouement et précision; on y trouve
une infinité de détails curieux et intéressants
sur les pays qu'il avait parcourus et sur les
moeurs de leurs habitants, observations dont
les navigateurs ont depuis confirmé la jus-
tesse. Ses cartes, sans avoir l'exactitude et
la perfection de celles qu'on a dressées de-
puis, n'en'fournirent pas moins des documents
précieux pour' la géographie de ces contrées
qu'on ignorait presque absolument alors. Pen-
dant la guerre d'Amérique, il eut un com-
mandement dans l'armée navale du comte de
Grasse, et combattit avec la plus grande dis-
tinction dans toutes les affaires où les forces
françaises se trouvèrent engagées. Il fut
nommé chef d'escadre en 1779, puis maréchal
de camp dans les armées de terre. Il avait
projeté un nouveau voyage de découverte au
ÇÔIe nord; mais le ministre de Brienne lui re-
iusa le commandement qu'il sollicitait, en lui
objectant que la pénurie du trésor ne per-
mettait pas de lui accorder cette faveur.
« Monsieur, lui répondit Bougainville piqué,
croyez-vous donc que ceci soit pour moi une
abbaye? «Dans une autre circonstance, en
1756, envoyé par Montcalm pour solliciter
des renforts pour le Canada, qui allait nous
échapper, il n'obtint que des refus du mi-
nistre, surchargé d'embarras à l'intérieur,
et qui lui répondit avec insouciance : « Ma
foi ! quand la maison brûle, on ne s'oc-
cupe pas des écuries. — On ne dira pas du
moins, monsieur, reprit Bougainville, que
vous parlez comme un cheval. » En 1790, il
reçut le commandement de la flotte de Brest;
mais n'ayant pu apaiser les troubles oui
s'étaient manifestés dans cette armée navale,
il donna sa démission, entra quelques armées
plus tard à l'Institut et au bureau des longi-
tudes, et fut nommé sénateur, puis comte par
l'empereur.
BOUGAINVILLÉE
BOUGAINVILLÉE s. f. (bou-gain-vil-lé — de
Bougainville, n. pr.). Bot. Genre d'arbris-
seaux, de la famille des nyetaginées, com-
Frenant deux espèces qui croissent dans
Amérique tropicale, et que l'on cultive
dans nos serres, à cause de la beauté et de
l'éclat de leurs fleurs.
— Zooph. Genre d'acalèphes, plus connu
sous le nomd'HippocRÈNE.
BOUGANÈSE
BOUGANÈSE s. (bou-ga-nè-ze). Dans l'Inde,
Enfant d'un indigène et d'une négresse : Un
BOUGANÈSE. Une BOUGANÈSE.
BOCGARONI,BOCGARONI, cap de la côte d'Algérie, dans
la province de Constantine, entre Philippe-
ville et Bougie, par 4" 8' long. E., et 37« -,'
lat. N. C'est le point le plus septentrional
de toute la côte d'Afrique; ce cap se compose *
de sept caps secondaires, ce qui lui a valu
son nom indigène de Seba rous (les Sept-Caps).
BOUGEBOUGE s. m. (bou-je. — Ce mot français
a deux sens bien distincts et qui, cependant,
devaient primitivement se confondre en un
seul. Le premier a à peu près disparu de la
langue moderne ; c'est celui de sac à mettre
de l'argent, bourse ; le diminutif bougette doit
y être rattaché., jd. Delàtre en rapproche le
mot anglais budget, qui a été emprunté par
le français. Ce mot bouge paraît nous appar-
tenir exclusivement et être un des plus an-
ciens mots de notre langue, puisque la forme
latine bulga, à laquelle il se rapporte, était,
à ce que nous apprend Varron , tout simple-
ment la transcription d'un terme gaulois. Il
désignait toute sorte d'enveloppes de cuir,,
gousset, bourse. Ce vocable était donc cel-
tique; ce qui semble confirmer l'assertion de
Varron, cest qu'en effet, on retrouve en
gaélique le mot bolg avec la même significa-
tion. Le second sens de bouge a mieux résisté
aux variations de l'usage: c'est celui de mau-
vais lieuj il doit être ramené, pour cette
valeur spéciale, àlaforme collatérale italienne
bolgia, qui veut dire à la fois une bourse et
une demeure étroite, un réduit obscur; la
transition entre ces deux significations n'est
pas difficile à établir, et l'on arrive sans peine
a voir comment bolgia et bouge ont pu être
employés à la longue pour désigner un loge-
ment étroit et malpropre. M. Delàtre relie à
bouge le verbe bouger, se mouvoir dans son
bouge ou, dans l'endroit où l'on est: nous
avouons cependant que cette filiation étymo-
logique nous semble très-obscure. M. Delàtre
fait remarquer, à propos du*mot italien bolgia,
que Dante l e donne aux différentes parties de
son enfer. A la même famille doit encore être
rapporté le terme germanique balg, qui veut
dire en allemand, peau, gousse, dépouille, ce
?
.ui le rattache encore plus étroitement à
ulga, en dehors des affinités phonétiques.
Do balg est évidemment venu, par inétathèse
de a et de l, le mot français blague, sorte de i
petit sac à renfermer le tabac; quant au sens [
figuré de ce mot, ayant la valeur de bourde, \
BOUG
de mensonge, il est assez difficile d'en retrou-
ver l'origine; peut-êtrCj cependant, pour-
rait-on y reconnaître l'assimilation métapho-
rique qui a présidé à la création de notre
proverbe populaire : Faire accroire que les
vessies sont des lanternes. Quoi qu'il en soit
7
le mot allemand a été également emprunte
par les Espagnols, qui y ont ajouté une ter-
minaison nationale et en ont fait balija; ce
mot ainsi transformé a été repris de nouveau
par le groupe nord-est des langues néo-
latines, qui l'ont modifié à leur tour. L'ita-
lien a changé le b-initial en v et en a fait
valigia, d'où le français a tiré à son tour va-
lise, sac de voyage. Ce n'est pas tout : l'alle-
mand, qui avait livré aux langues néo-latines
ce vocable sous la forme primitive de balg,
le leur a repris après sa métamorphose et
lui a fait subir de nouvelles modifications :
valigia est devenu felleisen, mot qui signifie
valise et qui paraît avoir été altère systéma-
tiquement pour y faire entrer, par voie arti-
ficielle, deux radicaux germaniques : fell,
peau, fourrure, et eisen, fer, dont la juxta-
position ne donne, du reste, aucun sens rai-
sonnable. Au même groupe étymologique
doit encore être rapporté le suédois balje,
cuve, baquet, qui a donné naissance au fran-
çais baille, demi-futaille en forme de baquet,
en usage dans la marine ; on sait qu'en
effet, un grand nombre de mots employés
dans notre langue maritime sont d'origine
suédoise. Si maintenant nous voulons re-
monter plus haut que cette série des étymo-
logies secondaires et tertiaires, si nous vou-
lons connaître le lien qui réunit la forme
celtique bulga ou bolg à la forme germani-
que balg, il faut que nous quittions le terrain
de la philologie classique, _pour entrer dans
Je vaste domaine de la linguistique indo-
européenne. C'est le sanscrit qui nous fournit
la transition demandée ; nous voyons, en
effet, dans cette langue que le mot vataka
signifie écorce; ce sens primitif rend parfai-
tement compte des sens dérivés de" sac, enve-
loppe; ce peut être le nom même de la ma-
tière employée appliqué à l'objet qui en est
composé, ce peut être aussi une simple assi-
milation d'analogie. En effet, l'écorcé, c'est
ce qui couvre, enveloppe le tronc; dans les
langues germaniques, cette relation est mar-
quée d'une façon frappante ; le mot bark, qui,
dans plusieurs d'entre elles, signifie écorce
— et dont, entre parenthèses, nous avons fait
en français barque — so rattache à un verbe,
bergen
}
qui veut dire cacher, couvrir. Le mot
sanscrit valaka correspond, sous le rapport
phonétique, avec l'exactitude la plus mathé-
matique, à balg et à bolg ; le changement du
v on b est basé sur une loi foncièrement orga-
nique : la substitution des labiales; quant
aux modifications des voyelles, elles n'offrent
aucune difficulté). Cabinet servant de dé-
charge : Elle a logé sa fille de chambre dans •
un BOUGE.
Elle fuit, et de pleurs inondant son visage,
Seule, pour s'enfermer vole au cinquième étage;
Mais, d'un bouye prochain accourant à ce bruit,
Sa servante Alison la rattrape et la suit.
BOII,EAU.
— Par ext. Taudis, logement étroit, misé-
rable et malpropre : Ces hôtelleries étaient
des
BOUGEBOUGE infâme. (L. Gozlan.) Il aura décou-
vert quelque infâme BOUGE, où on l'escroque.
(F. Soulié.) J'ai constaté que, dans une des
principales villes de France (Lille), plus de
trente mille personnes vivent dans des BOUGES.
(Wolowski.) L'association porte la lumière
jusque dans ces misérables BOUGES, où ferment
tent la jalousie et la haine; elle étouffe les
révolutions dans leur foyer. (Ed. Laboulaye.)
Nous sommes sous le toit du gitano, un BOUGE
suspect, moitié taudis, moitié caverne. (Th.
Gaut.)
Je suis content de mon bouge, et les dieux
• Dans mon taudis m'ont fait un sort tranquille.
VOLTAIRE,
C'est dans un bouge obscur, c'est a de pâles filles
Que Paquita redit ses chants.
BALZAC.
Moi, le premier de France, en être le dernier!
J'y changerais mon sort au sort du braconnier;
Ce manant est au moins maître et roi dans son bouge.
V. HUGO.
Le vin sait revêtir le plus sordide bouge
D'un luxe miraculeux,
Et fait surgir plus d'un portique fabuleux
Dans l'or de sa vapeur rouge.
BAUDELAIRE.
— A signifié BOUGETTE, petit sac de voyage.
— Techn. Partie la plus renflée d'un ton-
neau : Les dimensions des futailles sont réglées
de manière que la longueur intérieure, le dia-
mètre intérieur du BOUGE et le diamètre inté-
rieur dès fonds soient, dans toutes les pièces,
comme les nombres 21, 18 et 16. (Legoarant.)
li Partie bombée d'une pièce do charpente. Il
Partie renflée du chandelier, qui commence
à la poignée et se tefmine au pied. Il Renfle-
ment du moyeu d'une roue. Il Outil d'orfèvre,
qui sert à travailler les parties que le mar-
teau ne peut atteindre.
— Mar. Partie des bauxetbarrots courbée
dans le sens de la longueur.
—- Comm. Etamine blanche et claire, qui
était en usage pour la confection des chemises
de certains religieux.
— Econ. rur. Petite cuve à transporter le
raisin dans le pressoir.
BOUG 1075
— Conchyî. Cauris, coquillage qui sert de
monnaie dans les Indes.
BOUGESBOUGES dangereux, infestés de voleurs ou
hantés par les mauvais esprits. (F. Michel.)
Je ne resterai pas une minute de plus dans ce
BOUGE
BOUGE s. f. (bou-je). Art mïlit. anc. Sorte
de massue dont la tête était chargée de
plomb, et que l'on appelait aussi PLOMBÉE.
On s'en servait pour assommer les blessés.
— Hortic. Mauvaise poire que l'on mange
au mois d'octobre, et qui s'appelle aussi
POIRE DU LÉGAT.
BOUGEAGEBOUGEAGE s. m. (bou-ja-je— rad.bouger).
Eaux et for. Action de bouger.
BOUGEANT
BOUGEANT (Guillaume-Hyacinthe), histo-
rien et littérateur, né à Quimper en 1690,
mort à Paris en 1743. Il entra jeune chez les
jésuites, et professa successivement les hu-
manités et l'éloquence dans plusieurs de leurs
maisons. Un petit ouvrage qu'il publia en 1739,
Amusement philosophique sur le langage des
bêtes, badinage tiré d'une fable indienne, le
lit exiler par ses supérieurs à La Flèche. Son
nom se recommande surtout par Y Histoire des
guerres et des négociations qui précédèrent le
traité de Westphalie (1727, 2 vol. in-i2),et
par YBistoire du traité de Westphalie (1744 ,
3 vol. in-40), ouvrages qui le placèrent parmi
nos meilleurs historiens, et dont on estime
surtout la partie qui se rapporte aux événe-
ments militaires. On à encore du père Bou-
geant quelques écrits, entre autres trois comé-
dies spirituelles en prose contre les jansénistes,
adversaires de la bulle Unigenitus : la Femme
docteur ou la Théologie en quenouille (1730) ;
le Saint déniché ou la Banqueroute des mira-
cles (1732); les Quakers français ou les Nou-
veaux trembleurs (1732). Citons encore de lui:
Observations curieuses sur toutes les parties de
la physique, tirées des meilleurs écrivains (nid,
4 vol. in-12)- Voyage merveilleux du prince
Fanférédin dans la Bomanie (1735, in-12), ou-
vrage dans lequel on trouve une ingénieuse
critique du livre de Lenglet-Dufresnoy sur
Y Usage des Bomans.
BOUGENIER,BOUGENIER, peintre français, né à Valen-
ciennes au commencement du siècle, mort
en 1866. Quoique élève de Gros, il ne pro-
duisit que des œuvres médiocres. 11 n'en a pas
moins été un des hommes les plus connus du
monde artistique. Les dimensions de son nez
étaient proverbiales à Paris, et le Nez de
Bougenier, charbonné sur les murs de cette
capitale, par la main hardie d'un rapin, fit
bientôt pendant à Crédeville voleur-: on le
trouva d'un bout de l'Europe à l'autre, et
jusque sur les pyramides d'Egypte. Il n'yapas
bien longtemps encore que le profil de ce nez
F
hénoménal se voyait, à Paris, sur la frise de
entablement de la maison égyptienne de la
place du Caire. Cette célébrité était telle, que
notre Hyacinthe du Palais-Royal et un de nos
critiques les plus distingués, que le Grand
Dictionnaire ne nommera pas, parce qu'il a
l'honneur de le compter au nombre de ses
collaborateurs, en séchaient sur pied. Il était
temps que Bougenier mourût : son nez leur
faisait ombre.
BOUGEOIRBOUGEOIR s. m. (bou-joir — rad. bougie).
Chandelier portatif, t r è s - b a s de forme et
muni d'une poignée ou d'un anneau pour le
saisir : Le roi faisait tenir, tous les soirs, à
son coucher, le BOUGEOIR par un courtisan
I qu'il voulait distinguer. (St-Sim.)
1 Hier, madame, au coucher, tout le monde a pu voir
, Monsieur de Montarcy qui tenait le bougeoir.
BOUILHET.
. — Liturg. Insigne épiscopal, espèce de
chandelier pprtatif qu'on tient auprès de
Tévêque quand il,lit quelque chose pendant
l'office : Lorsque le pape accorde à certains
chapitres le privilège de se servir des ornements
pontificaux, l'usage du BOUGEOIR n'y est jamais
compris. (L'abbe Guillois.)
— Encycl. Liturg. Il est expressément dé-
fendu aux chanoines, et même aux vicaires
généraux, à plus forte raison aux curés, de se
faire accompagner à l'autel par un prêtre ou
un clerc avec un bougeoir; ils doivent se
servir d'un flambeau ordinaire. Le bougeoir
est le symbole* de la lumière que le pontife
répand sur les fidèles par sa science et par
ses discours. Il lui rappelle qu'il doit briller
comme un flambeau par la sainteté de sa vie,
il lui rappelle encore qu'il ne doit pas s'en
rapporter à ses propres lumières et qu'il a
besoin de celles d autrui ; c'est pour cela que
le pape, qui est réputé infaillible , ne se sert
pas de bougeoir.
Bougeoir ( l e ) , comédie en un acte, en
prose, par Clément Caraguel, représentée
sur le théâtre de I'Odéon, en mai 1852. C'est,
dit M. Théophile Gautier, le papotage d'une
conversation délicate, jouée dans un bon fau-
teuil, autour d'une tasse de thé. La science de
la vie, la raison droite, l'aplomb consommé y
figurent sous les traits d une jeune femme.
Vous apercevez un amoureux douillet, transi,
traînant sa déclaration entre ses doigts, avec
l'embarras d'une ingénuité rougissante.- Sur-
vient le mari. 11 sort du club, où il a gagné ou
perdu quelques louis, blasé, fatigué, les yeux
gros de sommeil: il entre, et trouve sa femme
en négligé galant. La chambre est si chaude,
le feu si clair, les rideaux si bien tirés, l'atmo-
sphère si allanguie, qu'il se sent pris d'un
regain d'amour. On devine le reste, ou appro-
chant : le mari s'étale sur le divan, tracasse
les meubles et entame d'interminables his-
toires. Il faut cependant dégager l'amoureux
blotti dans la chambre à coucher. Le mari y
prête des mains complaisantes. Un mouchoir
1076 BOtJG
BOUG
BOUG
BOUG
posé sur les yeux, il parie de gagner l'appar-
tement de sa femme et de rapporter un flacon
désigné. En effet, notre homme s'embarque
à l'aveuglette, sans qu'on lui crie aucun casse-
cou. L'amoureux s'esquive, un peu mat et
très-effarouché. Il fuira par la porte secrète.
On lui remet une clef et un bougeoir, qu'il
gardera en souvenir de cette nuit blanche. Le
mari rapporte en triomphe le flacon, et chacun
se félicite d'en être quitte à si bon marché.
Cette façon de proverbe, dans la manière
d'Alfred de Musset, est restée au répertoire
de l'Odéon. Comme dans toutes les compo-
sitions de ce genre-, le canevas est frêle,
presque nul même; mais il est brodé de mots
spirituels qui suffisent à expliquer le succès
dont jouit, encore aujourd'hui, le Bougeoir,
toutes les ibis que l'Odéon le reprend.
BOUGEON,BOUGEON, ONNE S. (bOQ-jOIl — O-ne). V .
BOUGILLON.
B O U G E O T T E s. f. (bou-jo-te — dimin. de
bouge). Nom donné aux cavités, aux petites
retraites ménagées dans le mur d'un pigeon-
nier, pour que les pigeons puissent y faire
leurs nids.
BOUGER
BOUGER v. n. ou intr. (bou-jé — du prov.
boulegar, même sens, tiré peut-être du lat.
bullicare, fréquentatif de bullire, bouillir. —
Prend un e après le g, devant a et o : Je
bougeai
t
nous
bougeons). Se remuer, chan-
ger de place ou s^giter sur place : BOUGER
continuellement. Ne pas BOUGER. Ne BOUGEZ
pas. Je n'Ai pas BOUGÉ de la maison. Il ne
BOUGBBOUGB plus, il est mort. Comme un fidèle soldat
ne quitte sa garnison que par congé et com-
mandement de son capitaine, ainsi l'homme de
bien, étant posé en ce monde en telle station
gu'il plaît à Dieu, ne doit en BOUGER pour en
partir que par la licence de son chef. (Arayot.)
L'armée ennemie s'avançait au petit pas, et la
nôtre ne BOUGEAIT pas. (D Ablanc.) M. de La
liochefoucauld ne BOUGE plus de Versailles,
(Mme de Sév.) Depuis que vous êtes parti, Je
n'Ai pas BOUGÉ de ce oeau séjour où je suis.
S
Mme de Sév.) Les étoiles ne BOUGENT pas.
Buff.) Ne BOUGEZ pas. monsieur; le roi a
esoin de vous. (Chateaub.)
J'essayais de bouger et DO le pouvais pas.
PONSARD.
Ces gens sont-ils sortis? —Non, personne ne bouge.
— S'ils viennent, ils seront frottés.
MOLIÈRE.
... Mesurant les cieux, sans bouger d'ici-bas,
11 connaît l'univers, et ne se connaît pas.
LA FONTAIMB.
Du coin d'où le soir je ne bouge.
J'ai vu le petit homme rouge.
BÉHANaER.
Fortune, qui nous fais passer devant les yeux
Des dignités, des biens que jusqu'au bout du monde
On suit, sans que l'effet aux promesses réponde.
Désormais je ne "bouge, et ferai cent fois mieux.
LA FONTAINE.
— P a r ext. Faire une démonstration hos-
tile : Les mécontents n'osèrent pas BOUGER.
(Acad.)
— Fig. Progresser : Les sciences spécula-
tives TÏ'ONT pas BOUGÉ. (Ch. Nod.) Il Ne s'em-
ploie dans ce sens qu'avec la négation.
— v. a. ou t r . Oter de sa place, transporter
à une autre place : Il ne faut rien BOUGER.
Cet enfant BOUGE tout de sa place, il Cette ac-
ception très-ancienne du verbe, et fort usitée
encore dans la conversation, est repoussée
par les grammairiens ; n'est-ce pas là un abus
de pouvoir? Les grammairiens oublient quel-
quefois qu'ils sont des légistes et non des
législateurs, qu'ils sont faits pour constater
et expliquer les règles, non pour les établir.
— Techn. Couvrir de terre, en parlant du
bois dont on va faire du charbon.
Se bouger v. pr. Se remuer, quitter la
place où l'on est : Eh bien! personne ne SB
BOUGE?
BOUGE?
Et personne, monsieur, qui se veuille bouger.
Pour retenir des gens qui se vont égorger.
MOLIÈRE.
il On a reproché cet exemple à Molière et
contesté le verbe réfléchi se bouger; si le
verbe actif n'est pas français, le verbe réflé-
chi ne saurait l'être; mais là est la question.
- BODGEBEL (Joseph), prêtre de l'Oratoire
et écrivain français, né à Aix en 1680 , mort
à Paris en 1753. Il montra beaucoup de dé-
vouement pendant la peste de Marseille
t
et
vint ensuite résider dans la maison de Saint-
Honoré, à Paris. On lui doit : Mémoires pour
servir à l'histoire de plusieurs hommes illus-
tres de Provence (Paris, 1752) ; Idée géogra-
phique et historique de la France, pour l'in-
struction de ta jeunesse (1747, 2 vol.); Vie de
Gassendi (1737); Lettre sur Pierre Puget,
sculpteur, peintre et architecte (1752).
BOUGERON. Mar. V. BOUJÀRON.
EOUGERONNER v. n. ou intr. (bou-je-ro-
né — rad. bougre). Commettre le crime de
sodomie, n Vieux mot. On disait aussi BOUGI-
RONNER.
BOUGESBOUGES (Thomas), religieux augustin et
historien, né à Toulouse en 1867, mort à Paris
en 1741. Il enseigna d'abord la théologie, puis
il se livra à des recherches historiques. Ses
principaux ouvrages sont : Dissertation sur les
soixante-dix semaines de Daniel (1702); His-
toire du saint suaire de N.-S. Jésus-Christ,
gardé dans l'église des Augvstins de Carcas-
sonnç (1714); Histoire ecclésiastique et civile
de la ville et diocèse de Carcassonne, avec les
pièces justificatives (1741, in-4t>). On lui doit
aussi une édition avec notes du Journal de
# e n r t / K , p a r P . del'Estoile (1741, 4v. in-8o),
édition qui a été attribuée par erreur à Len-
glet-Dufresnoy.
BOCGET
BOCGET (Jean), orientaliste, né à Saumur
en 1692, mort à Rome en 1775. Lorsqu'il était
enfant de chœur chez les oratoriens, qui lui
enseignaient le latin, il commit une espiègle-
rie, et la crainte d'être puni lui fit prendre la
fuite. Il monta derrière une chaise de poste
qui le conduisit à Tours. Cette chaise était oc-
cupée par le comte Albani, grand seigneur ro-
main , q u i , charmé de "ingénuité de ses
réponses, l'emmena à Rome et le fit élever avec
ses enfants. Plus tard, Jean Bouget entra
dans un séminaire, où il apprit l'hébreu. Dès
qu'il eut reçu les ordres, on lui confia une
chaire d'hébreu au collège de la Propagande.
Benoît XIV le nomma son camérier secret, et
lui témoigna toujours une grande bienveil-
lance. On doit à Jean Bouget : Grammaticœ
hebraicœ rudimenta (Rome, 1717), et Lexicon
hebraicum et chaldaico-biblicum (Rome , 1737,
8 vol. in-fol.)
BOUGETTE
BOUGETTE s. f. (bou-jè-te — d'un primitif
celt. bolga, bourse, petit sac de cuir; se r e -
trouve dans tous les idiomes néo-celtiques :
en gallois bolgan; en breton boulgan; écoss.
builg; irl. bolg. En passant du celtique dans
l'ancien français, bolga est devenu bouge,
bougette : Et lui mist-on une bonne BOUGETTE
à l'arçon de sa selle, pour mettre sa cotte d'ar-
mes. (Commines.) Voici un exemple plus mo-
derne :
On peut se passer de mouchettes;
Mais de pincettes, non : je prétends m'en donner.
Et comme dans sa poche on porte des lunettes,
Ainsi pour l'avenir je me fais une loi
De porter partout avec moi
Des pincettes dans mes bougette».
LE P . DO CERCEAU.
Le mot bouge- fut transporté par les Nor-
mands , de France en Angleterre, où il de-
vint, par métonymie, budget. C'est ce mot,
ou plutôt cette nouvelle signification que
nous avons empruntée aux Anglais). Petit sac
de cuir qu'on portait autrefois en voyage, et
dans lequel on serrait ordinairement son a r -
gent : Trésor-des-Fèves descendit de son équi-
page, le ramassa précieusement et le laissa
couler dans une BOUGETTE de cuir qu'elle avait
à sa ceinture, pour y serrer les'échantillons de
ses fèves. (Ch. Nod.)
Mettre nostre argent en bougette,
Mieulx vault rafresenir la gorgette.
(Apocalypse, édit. de 1551.)
Pour avoir fermé tes bougettes.
Aux gueux qu'on appelle poètes.
SCARRON.
BOUGHOUÉ,BOUGHOUÉ, ÉE (bou-gou-é) part. pass. du
v. Se Boughouer: un Hottentot BOUGHOUÉ.
BOUGHOUER
BOUGHOUER (SB) v. pr. (bou-gou-é). Se
frotter le corps de graisse, pour se garantir
contre la piqûre des insectes, ainsi que le
pratiquent les Hottentots.
BOUGIE
BOUGIE s. f. (bou-jî — du nom de la ville
de Bougie, où elles furent d'abord fabri-
quées). Chandelle fabriquée avec de la cire
ou avec une matière fusible quelconque
ordinaire autre que le suif : BOUGIE stéa-
rique. BOUGIE de blanc de baleine. BOUGIE de
cire. Un homme qui vit sans réflexion ne re-
garde le soleil, qui l'éclairé pendant le jour, que
comme ta BOUGIE qui Véclàire pendant la nuit.
(Fén.) On ne voyait pas leurs ancêtres s'éclai-
rer avec des BOUGIES. (La Bruy.) Une BOUGIE
brûlait sur une table de marbre, dans un flam-
beau de vermeil. (Le Sage.) L'absence diminue
les médiocres passions et augmente les grandes,
comme le vent éteint les BOUGIES et allume le
feu. (La Rochef.) Une valse rapide, dans un
salon éclairé de mille BOUGIES . jette dans les
cœurs une ivresse gui éclipse la timidité. (H.
Beyle.)
Après que les ruches sans miel
N'eurent plus que la cire, on fit mainte bougie.
LA FONTAINE.
— Aux bougies ou à la bougie, A la lueur
des bougies, de la bougie : Les plus belles ga-
gnent à être vues AUX BOUGIES, il Figj. A une
lumière, sous une inspiration artificielle:
Virgile fait de la poésie au soleil, mais Vol-
taire fait de la poésie À. LA BOUGIE. (Rivarol.)
— Comm. Bougie à la cuiller, Bougie que
l'on fabrique en coulant diverses couches de
cire le long de la mèche, et polissant ensuite
la masse peu régulière qui en résulte. Il Bou-
gie bâtarde, Chandelle de suif entourée d'une
couche de cire, il Bougie filée, Simple mèche
couverte d'une légère couche de cire, n Pain
de bougie, Bougie semblable à la précédente,
roulée sur elle-même, et communément appe-
lée RAT DE CAVE, et quelquefois QUEUE DE RAT.
— Chir. Appareil de forme cylindrique,
qu'on introduit comme une sonde dans le ca-
nal de l'urètre, soit pour le dilater, soit pour
Î
introduire quelque substance médicamen-
euse : BOUGIE creuse. BOUGIE élastique. BOU-
GIE fondante : Il y avait à Paris un chirurgien
célèbre nommé Darau, qui mit à la mode l'u-
sage des BOUGIES pour les maladies de l'urètre.
Comme on parlait de lui dans une société, une
dame demanda quel était ce Darau. — • C'est,
madame, lui répondit un plaisant, un homme
gui prend nos vessies pour des lanternes. • Il
Bougie armée, Bougie qui porte une substance
caustique, destinée à agir sur le canal de l'u-
rètre.
r - Phys. Bougie philosophique, Nom que
l'on donnait autrefois à un petit bec de gaz
hydrogène allumé, n On disait plus souvent
LAMPIÏ PHILOSOPHIQUE.
— Encycl. Techn. C'est au vuio siècle que
les Vénitiens introduisirent en Europe l'usage
d'employer la cire comme moyen d'éclairage;
il paraît qu'ils empruntèrent cet usage aux
Arabes. Les chandelles de cire furent nom-
mées bougies, parce qu'on tirait de Bougie
la plus grande partie de la cire avec laquelle
on les fabriquait. Il existe deux procédés de
fabrication : on les fait à la cuiller ou au
moule. Dans le premier procédé, les mèches
étant suspendues verticalement au-dessus
d'un bain de cire fondue, on prend cette cire
dans une cuiller pour la verser le long des
mèches, et l'on répète cette opération jusqu'à
ce que les bougies aient atteint la grosseur
convenable : on les roule ensuite sur une table
de noyer poli, en les pressant, au moyen d'une
planche triangulaire du même bois, afin de leur
donner une forme régulière. P a r l'autre pro-
cédé, la cire fondue est coulée dans des cy-
lindres de métal-, après que les mèches ont été
tendues dans l'axe de ces cylindres. Pour fa-
briquer les espèces de bougies appelées RATS
DB CAVE, on j)loage une mèche très-longue
dans la cire fondue, puis on fait passer cette
mèche, chargée de cire, dans une filière qui
enlève l'excès d'épaisseur, et enfin on la roule
sur elle-même en lui donnant la forme que
l'on veut.
Les bougies dites diaphanes se font avec du
blanc de baleine, mélangé avec une certaine
proportion de cire. Elles sont remarquables
par leur transparence, et elles donnent, en
brûlant, une lumière très-vive. On les colore
souvent en jaune, en rose ou en bleu, en ajou-
tant à la matière en fusion du carmin, du
chromate de plomb ou du bleu de Prusse.
— Bougies stéariques. Les suifs qui con-
viennent le mieux à la fabrication de la bougie
stéarigue sont ceux que l'on obtient de la
fonte des graisses de bœuf et de mouton. Les
bougies fines se fabriquent avec le suif de
mouton, qui contient le plus d'acides solides,
et qui se travaille le mieux : pour les bougies
communes, on utilise celui de bœuf, qui a l'a-
vantage de coûter moins cher.
Les différentes opérations en usage pour la
fabrication des bougies stéariques peuvent se
classer dans l'ordre suivant :
lo Saponification. Elle a pour objet de com-
biner les acides gras avec une certaine quan-
tité de chaux, et d'obtenir du stéréate, du
margarate, ou de l'oléate de chaux, en élimi-
nant la glycérine, qui, mise en liberté, se dis-
sout dans l'eau qui sert à déterminer la com-
binaison. Cette opération se fait dans une
grande cuve de bois légèrement conique, dans •
laquelle on jette le suif avec une certaine
quantité d'eau; ce mélange est chauffé à la
vapeur, au moyen d'un serpentin en plomb
placé dans le fond de la cuve, et percé d'une
infinité de trous, pour laisser passer la vapeur,
afin d'aider à la fonte du suif. Lorsque ce der-
nier est fondu, on ajoute une certaine quantité
de chaux délayée, et l'on agite fortement toute
cette masse, de façon à bien effectuer la sa-
ponification et à économiser l'acide sulfurique.
Au bout de six à huit heures, on soutire la
f
iartie liquide, qui entraîne avec elle la disso-
ution de glycérine, et l'on retire de la cuve,
pour le soumettre a la pulvérisation, le dépôt
solide qui, sous forme de savon de chaux
très-dur, se compose de stéarate, de marga-
rate et d'oléate de chaux.
20 Pulvérisation. La matière, ainsi préparée
et déposée sur le plancher des cuves, est pul-
vérisée avec un fort rouleau de fonte, que l'on
promène alternativement sur elle, où au moyen
de deux cylindres cannelés, refroidis conti-
nuellement par un courant d'eau, pour empê-
cher le savon de s'échauffen, sous leur pres-
sion.
3<> Décomposition. Les produits broyés et
réduits en poudre sont jetés dans des cuves,
qui ont la même forme et la même capacité
que la première, et dans lesquelles s'opère la
décomposition par l'acide sulfurique étendu
d'eau, dont l'équivalent doit correspondre à la
quantité de chaux employée, soit 167 kilogr.
à 66 degrés d'acide pour 100 kilogr. de chaux ;
dans la pratique, on augmente cette donnée
de 15 à 20 pour 100, et on l'étend de vingt fois
son volume d'eau. Lorsque cette décomposi-
tion, qui dure environ trois heures, est termi-
née, le sulfate de chaux se précipite au fond
de la cuve, et les acides surnagent sur le li-
quide.
40 Lavage des acides. Pour effectuer cette
opération, les acides sont amenés dans de nou-
velles cuves, où ils sont lavés d'abord avec de
l'eau légèrement acidulée, et ensuite avec de
l'eau pure.
5° Moulage et cristallisation des acides gras.
Les trois acides stéarique, margarique et oléi-
que étant privés d'acide sulfurique et de chaux,
sont coulés, pour former des plateaux solides,
dans une suite de moules en ter-blanc, ayant
la forme d'un prisme rectangulaire de 70 à
75 centimètres de.longueur, sur 16 à 18 centi-
mètres de largeur, et environ 5 centimètres de
profondeur.
6° Pressage à froid. Lorsque les plateaux
sont formés, on les enveloppe d'une serge de
laine, et on les soumet à une pression d'envi-
ron 200,000 kilogr., au moyen d'une presse
hydraulique verticale , pour faire écouler b.
froid une grande partie de l'acide oléique.
70 Pressage à chaud. Pour débarrasser com-
plètement les tourteaux de ce dernier acide,
on les entoure d'une seconde étendelle en crin,
et on leur fait subir une pression de 400 a
500 mille kilogr., au moyen d'une nouvelle
presse hydraulique horizontale, chauffée par 1
M
vapeur a une haute température. L'acide oléi
que qui s'écoule, soit de la presse à froid, soit
de la presse à chaud, se rend dans une bâche,
d'où on le soutire dans de vases plats; le re-
froidissement laisse alors déposer l'acide stéa-
rique , entraîné par l'effet de la température
élevée à laquelle on l'avait soumis.
8° Epuration des acides solides. Les pains,
qui ne sont composés que des acides stéarique
et margarique, sont d'une blancheur éclatante;
après les avoir retirés de la presse, on les
porte dans une nouvelle cuve, pour être épu-
rés par l'acide sulfurique très-étendu d'eau.
Ce lavage a surtout pour objet de débarras-
ser l e s acides gras des dernières traces de
chaux qu'ils peuvent contenir. Après cette
opération, on les dégage de l'acide lui-même
par des lavages successifs à l'eau pure, et on
obtient alors des pains propres à. la confection
de la bougie.
90 Fonte et moulage des acides solides blancs.
Pour opérer la fonte, on jette les pains dans
une chaudière en cuivre plaquée en argent a
l'intérieur, pour éviter la coloration des
matières. Cet appareil, construit à double
fond, est chauffé par la vapeur à une tempé-
rature qui ne dépasse pas 100 degrés. Pour
rendre moins friaoles les bougies et les stalac-
tites qui se forment sur elles, on ajoute, au
moment de la fonte, environ 10 pour 100 d'a-
cide sulfurique. Lorsque la matière commence
à se cristalliser dans la chaudière, on la verse
dans des tubes légèrement coniques, compo-
sés d'un tiers d'étain et de-deux tiers de plomb,
et préalablement chauffés au bain-mane ; les
mèches sont fixées à la partie supérieure de
ces moules au moyen d'une grosse épingle, et
à la partie inférieure par une petite cheville do
bois qui les serre contre les parois de l'orifice.
Pour éviter la nécessité de moucher continuel-
lement la bougie, les mèches sont tressées et
nattées soigneusement, au moyen d'un petit
métier spécial, et plongées dans une dissolution
d'acide borique. Après le refroidissement des
moules, on enlève les masselottes, et on les
coupe toutes à la même longueur, au moyen
d'une petite scie circulaire animée d'une très-
grande vitesse.
100 Blanchissage des bougies. Afin que les
bougies puissent acquérir toute la blancheur
désirable, on les expose quelquefois à l'air, à
la lumière et à l'humidité.
110 Polissage des bougies. Cette opération se
fait généralement à la main, en frottant vive-
ment les bougies avec un morceau de drap
humecté d'alcool ou d'ammoniaque. Depuis
quelques années seulement, on emploie, pour
faire ce travail, une machine qui se compose
d'un frottoir en bois garni de plusieurs épais-
seurs de drap ou de flanelle, pour former une
sorte de coussin assez comprimé ; on lui im-
prime un mouvement de va-et-vient dans le
sens suivant lequel les bougies viennent se
présenter en descendant d'un plan incliné qui
marche lentement.
Tout récemment M. Jones, de Londres, a
décomposé le savon obtenu avec l'huile de
coco, pour retirer de la distillation les acides
stéarique et margarique. La saponification de
cette huile s'opère comme précédemment, en
la saturant avec de la vapeur et en la soumet-
tant à l'action d'un lait de chaux et d'acide
sulfurique étendu d'eau ; les matières concrètes
que l'on obtient après certaines épurations sont
employées à la fabrication de la bougie stéa-
rigue.
— Chir. 11 faut distinguer deux espèces de
bougies chirurgicales : les unes ne servent
qu'a la dilatation du canal de l'urètre, les au-
tres servent à y introduire des substances mé-
dicamenteuses ou cautérisantes. Les bougies
employées à la dilatation du canal de l'urètre
sont composées de matières fort diverses, les
unes molles, ou plutôt demi-molles, les autres
dures. Les bougies de cire, les plus communes
et les plus simples, sont faites d'une bande-
lette de linge hn et serré, imprégné de cire et
roulé entre deux marbres en forme de petit
cylindre; les bougies emplastiqucs sont fabri-
quées de la même manière, mais la cire y est
remplacée par un emplâtre ; les bougies dites en
gomme élastique sont composées d'un tissu
enduit d'une substance assez flexible, dans la
composition de laquelle entrent le caoutchouc,
le sucein, l'essence de térébenthine et l'huile de
lin épaissie. Les bougies rigides sont généra-
lement faites de métal, d'ivoire ramolli ou de
baleine ; on en a fait aussi avec des tiges de
diverses plantes, du parchemin, de la peau
de souris roulée sur du fil d'archal, de la
corne. Enfin, il existe encore des bougies de
cordes à bo3'aux. Les bougies sont pleines (ce
sont les plus employées) ou creuses, et, dans
ce dernier cas, elles peuvent admettre dans
l'intérieur un mandrin qui sert à les introduire
comme des sondes; cependant, elles diffèrent
toujours des sondes en ce qu'elles n'ont une
ouverture qu'a une seule extrémité, celle qui
doit pénétrer dans la vessie. Les bougies sont
encore coniques, ou fusiformeSj c'est-à-dire
pourvues d'un renflement au milieu, ou sim-
plement cylindriques. Ces dernières sont les
plys employées ; mais, pour faciliter leur intro-
duction, elles sont souvent munies d'un ren-
flement olivaire à la pointe. La longueur des
bougies est celle des sondes de courte dimen-
sion, 19 à 17 centimètres ; leur diamètre varie
BOUG
de un demi-millimètre à 9 millimètres. Elles
sont graduées comme les sondes.
Les bougies médicamenteuses, qui ont joui
dans le temps d'une très-grande réputation,
étaient faites de substances grasses, mucila-
gineuses ou emplastiques, dans lesquelles on
incorporait des médicaments fort divers ; quel-
quefois ce n'était qu'un mélange bizarre de
toutes sortes de drogues étranges. Toutes ces
inutilités sont aujourd'hui tombées dans un
juste oubli, et des anciennes coutumes il n'est
resté que la bougie caustique ou armée. C'est
une bougie qui sert à porter à l'intérieur du
canal de l'urètre une petite quantité de sub-
stance caustique dont elle est imprégnée, ou
bien un morceau de nitrate d'argent. Elle est
même peu usitée de'nos jours, et on lui pré-
fère ordinairement le porte-caustique urétral.
L'usage des bougies s'introduisit dans la pra-
tique chirurgicale à une époque très-reculée.
Rhazès, médecin arabe qui vivait au ix.e siè-
cle, se servait déjà de bougies métalliques. On
se proposait, par l'emploi de ces instruments,
de remédier à diverses maladies du canal de
l'urètre, et particulièrement aux rétrécisse-
ments. Comme c'était une opinion générale-
ment admise que ces rétrécissements étaient
dus au développement intérieur de petites
fongosités charnues appelées caroncules, on
fut amené à composer les bougies dont on se
servait de substances fondantes, caustiques,
astringentes, calmantes, etc., et les succès
réels qu'on obtint ainsi encouragèrent ces er-
rements. Aujourd'hui, il est reconnu que les
résultats favorables de cette méthode ne peu-
vent être attribués qu'à la dilatation opérée
sur le canal au point rétréci, et l'on considère
l'emploi des bougies molles comme le meilleur
moyen à employer contre les rétrécissements.
Leur introduction ne cause pas de douleur
très-sensible ; elles s'accommodent aux cour-
bures du canal, ne l'irritent pas et permettent
enfin d'opérer graduellement une dilatation
douce et soutenue. On se sert quelquefois de
bougies exploratrices; elles sont enduites de
cire à modeler, et, rapportant ainsi l'empreinte
du rétrécissement, elles fournissent des indi-
cations sur le siège qu'il affecte,-sur le degré
de resserrement et sur l'étendue de la partie
rétrécie. Ces indications permettent ultérieu-
rement de cautériser le point malade à l'aide
de bougies armées ou du porte-caustique uré-
tral ; niais il est préférable, dans la plupart des .
cas, d'employer la dilatation temporaire. Ce
procédé, préconisé par M. Civiale, consiste à
traiter les rétrécissements par l'introduction
de bougies graduées, de, plus en plus grosses,
insinuées dans la lumière de la partie rétrécie,
et à les y laisser séjourner, suivant les cas, de
deux à trois minutes jusqu'à une demi-heure.
Les bougies qu'on préfère sont les bougies eu
cire, à cause de leur simplicité, ou les bougies
en gomme élastique, à cause de leur flexibi-
lité. Les bougies en cordes à boyaux se dila-
tent elles-mêmes dans l'intérieur du canal et
seraient préférées aux autres, si elles n'étaient
pas très-difficiles à introduire.
BOUGIE,
BOUGIE, ville de l'Algérie, dans la province
de Constantine, à 177 Kilom. E. d'Alger, sur
la côte occidentale du golfe de même nom,
près du cap Carbon; 2,000 hab., dont 1.300 Eu-
ropéens. Place forte, port spacieux et sûr, dé-
fendu par les forts d'Abd-el-Kader, de la
Gouraya et par la Casbah, ou citadelle con-
struite par les Espagnols. Commerce impor-
tant d'huiles, céréales, figues, raisins secs,-
citrons, oranges, étoffes et tissus indigènes,
cire, miel, tabac, cuir, bêtes à corne et à laine,
armes fabriquées en Kabylie, etc. Le terri-
toire de Bougie, quoique marécageux, est fer-
tile en orangers, figuiers et oliviers; les mon-
tagnes voisines , boisées et très-peuplées ,
contiennent une trentaine de tribus kabyles,
parmi lesquelles on compte celle des Merzaia,
très-fidèle à la France.
Cette ville, adossée au revers d'une haute
montagne, avec ses maisons perdues dans des
massifs d'orangers, de grenadiers et de ca-
roubiers, a un aspect des plus pittoresques ;
elle occupe l'emplacement de l'ancienne colo-
nie romaine de Saldas, qui fut, avant Carthage,
la capitale de l'empire éphémère des Van-
dales; puis, soumise par les Arabes en 708,
elle aecepta les dynasties successives qui oc-
cupèrent l'Afrique. Ce fut l'époque de la plus
grande prospérité de Bougie; elle comptait
jusqu'à 20,000 maisons. En 1509, les Espagnols
s'en emparèrent, et Charles-Quint la fortifia
en 1541. Après le départ des Espagnols, livrée
aux compagnies turques des deys d'Alger, ex-
posée aux coups des Kabyles , elle déclina
rapidement, et, quand le général Trézel s'en
empara, en 1833, elle ne présentait plus qu'un
amas de ruines. Bougie, chef-lieu d'un cercle
de la subdivision de Sétif, a été érigée en
commune en 1854. — C'est là, dit-on, que fut
inventée la bougie.
BOUGIE,
BOUGIE, ÉE (bou-ji-c) part. pass. du v.
Bougier : Taffetas .BOUGIE.
B O U G I E R v. a. ou t r . (bou-ji-é — rad.
bougie). Passer de la cire fondue sur le bord
d'une pièce d'étoffe, pour empêcher qu'elle
ne s'effile : BOUGIER du drap, au taffetas.
BOUGIÈREBOUGIÈRE OU BUGUIÈRE S. î. (bou-jl-è-
ro). Pêch. Sorte de filet très-délié.
BOUGILLON,
BOUGILLON, ONNE adj. et s. (bou-ji-llon ;
Il mil. — rad. bouger). Personne remuante,
qui aime à bouger, qui est sans cesse en
mouvement : Cest un BOUGILI-ON insupporta- '
BOUG
ble. Il On dit communément à Lyon BOUGEON,
ONNE, et ce dernier mot nous semble plus
heureux, plus expressif que l'autre.
BOUGIVAL,bourg de France (Seine-et-Oise),
arrond. et à 6 kil. N. de Versailles, à 18 kil,
de Paris, sur la rive gauche de la Seine;
pop. aggl. 1,815 hab. — pop. tôt. 2,104 hab.
Carrières de pierres, fours à chaux, fabriques
de blanc dit de Bougival, et d'acier damassé.
Bougival possède plusieurs belles maisons de
campagne et une église dont le chœur date
du xii" siècle; le clocher est du style roman,
et les fonts baptismaux sont de l'époque de la
Renaissance"; cette église renferme le tom-
beau de R. Sualerh, le constructeur de l'an-
cienne machine de Marly.
Dans ses Mystères de Paris, Eugène Sue
a enveloppé ce charmant village d'un parfum
de poésie : c'est là qu'il transplante Fleur de
Marie, c'est dans cette terre vierge que se
purifie cette jeune plante, qui s'est étiolée au
milieu des fanges de la rue aux Fèves.
BOUGLET
BOUGLET (Pierre), jurisconsulte français
du xvue siècle. Il était avocat au parlement
de Paris, et publia : Explication des articles
et chefs du crime de lèse-majesté, extraits des
anciennes ordonnances (1622, in-8°), et Praxis
criminis persequendi (1624).
BOUGtON, bourg de France (Lot-et-Ga-
ronne),ch.-l. de cant., arrond. et à 18 kilom.
S.-O. de Marmande ; pop. aggl. 180 hab.
— pop. tôt. 901 hab. Minoteries, briqueteries;
église du xvic siècle.
BOUGON,
BOUGON, O N N E s. (bou-gon, o-ne — étym.
douteuse; du vieux fr. bougonneur ou boujon-
neur, mot qui désignait un inspecteur chargé
de faire observer certains règlements, et de
marquer les draps de bonne qualité d'une
marque appelée boujon, double fonction qui
lut fournissait souvent l'occasion de blâmer,
de réprimander, de bougonner; suivant Sohee-
ler, de bucca, bouche). Pop. Celui ou celle qui
aime à gronder, qui en a l'habitude : C'est un
BOUGON,BOUGON, une BOUCONNE. Quel vieux BOUGON !
' — Ane. art milit. Syn. de BONCON.
— Adjectiv. Pêch. Harengs bougons, Ha-
rengs mutilés, en partie dévorés, quand on
les retire de l'eau.
BOUGON,
BOUGON, personnage qui a joué un certain
rôle pendant la Révolution- Il était procureur
général syndic du département du Calvados,
lorsque la révolution des 31 maî-2 juin 1793
amena à Caen les fugitifs girondins. Il se pro-
nonça énergiquement eh leur faveur, les aida
à organiser la guerre civile, et fut mis hors la
loi après la déroute du parti à Vernon. Après
avoir vécu quelque temps caché en Bretagne, •
il se joignit à l'armée vendéenne lors de son
expédition d'outre-Loire, fut arrêté en décem-
bre avec le prince de Talmont, après la dé-
faite du Mans, et enfin fusillé à Laval;
BOUGONNANT
BOUGONNANT (bou-go-nan) part. prés,
du v. Bougonner.
BOUGONNER
BOUGONNER v. n. ou intr. (bou-go-né —
rad. bougon). Fam. Gronder, murmurer entre
les dents : Elle BOUGONNE dans un coin. Le-
quel de vous a vu se lever dans l'infini, apai-
sant tout au-dessous d'elle, regardant les flots
comme une femme, l'étoile Vénus, la grande
coquette de l'abîme, la CéHmène de l'Océan?
L'Océan, voilà un rude Alceste; eh bien, il a
beau
BOUGONNER,BOUGONNER, Vénus paraît, il faut qu'il
sourie. (V. Hugo.)
— v. a. ou tr. Gronder, réprimander :
Rentrons; il est trop tard, et ma femme me
BOUGONNERA.
BOUGONNEURBOUGONNEUR OU BOUJONNEUR S. m.
(bou-go-neur, bou-jo-ncur). Ane. coût. Maî-
tre juré, inspecteur de la draperie.
BOUGOUINC
BOUGOUINC (Simon) poëte et prosateur
français du xvie. siècle. Il était valet de cham-
bre de Louis XII, et ses ouvrages sont curieux
ftar la beauté de l'impression autant que par
eur ancienneté. Nous citerons : Y Homme
juste et l'homme mondain, avec le jugement de
l'âme dévote (Paris, 1508); 1''Espinette du jeune
prince conquérant le royaume de Bonne-Re-
nommée, en ryme françoise (1508 et 1514,
in-fol.).
BOUGOULMA
BOUGOULMA ou, BUGULMA, ville de la
Russie d'Europe, dans le gouvernement d'Oren-
bourg, sur la petite rivière qui porte le même
nom, à 188 kilom. O. d'Oufa; 2,170 hab. Ville
bien bâtie et assez commerçante, chef-lieu du
district de son nom.
BOUGRAINE
BOUGRAINE (bou-grè-ne). Bot. V. Bu-
GRANE.
BOUGRANBOUGRAN s. m. (bou-gran). Comm. Toile
forte et gommée que les tailleurs introdui-
sent entre l'étoffe et la doublure, pour don-
ner de la fermeté aux. habits : Le collet de
son habit, ample, lourd et doublé de BOUGRAN,
lui montait jusqu'à l'occiput. (V. Hugo.)
BOUGRANÉ,
BOUGRANÉ, ÉE (bou-gra-né) part. pass.
du v. Bougraner. Techn. : Toile BOUGRANÉE.
BOUGRANER
BOUGRANER v. a. ou tr. (bou-gra-né —
rad. bougran). Techn. Apprêter à la manière
du bougran, en parlant des toiles : BOUGRA-
NER de la toile.
BOUGRANIÈREBOUGRANIÈRE s. f. ( bou-gra-niè-ro —
rad. bougraner). Techn. Nom que l'on donnait
autrefois aux lingères, dans leurs lettres de
maîtrise, à cause du bougran qu'elles em-
ployaient dans leurs ouvrages.
BOUGRASSER
BOUGRASSER v. tr. et intr. (bou-gra-sé).
Mot usité à Lyon, et qui signifie s'occuper à
ËOUG
des vétilles, travailler à des niaiseries, gâ-
cher : Il ne travaille pas, il ne fait que BOU-
GRASSER. Tout Cela EST BOUGRASSÉ.
BOUGRE,BOUGRE, ESSE s. (bou-gre, è-se — de
Bulgare, parce que certains hérétiques bul-
gares étaient accusés de se livrer à la sodo-
mie). Sodomite. il On a écrit aussi BOULGRE,
— Par ext. Méchant garnement, mauvais
drôle : Si je déplais aux fous de jansénistes,
j'aurai pour moi ces BOUGRES de révérends pè-
res. (Volt.)
Le bougre avait juré de m'amuser six mois ;
11 s'est trompé de deux
LA FONTAINE.
Il Gaillard, luron : C'est un bon BOUGRE I un
fameux
BOUGREBOUGRE l Ce BOUGRE-tà n'est pas en-
dormi/ Jamais compliment, dit-on, ne fit plus
de plaisir à Rourdaloue que ce qu'il entendit
dire de lui à une poissarde qui le voyait pas-
ser, sortant de Notre-Dame, précédé et suivi
d'une foule de monde qui venait de l'entendre;
« Ce BouGRK-Zà, dit-elle, remue tout Paris
quand il prêche. » (Dict. hist.)
Le dieu, qui vit la triste enluminure
Et l'oripeau du poëte glace",
Se prit à dire, en style moins pincé :
Ce bougrc-lb. n'aime pas la nature. LEBRUN.
— Interjectiv. Sorte de juron trivial :
BOUGREBOUGRE ! que cela me cuit î Je le crois BOUGRE
bien, n Substantiv. : Cet enfant dit des BOUGRE
comme s'il avait de la barbe. Il lâcha un BOU-
GRE qui fit frémir tout l'auditoire.
— Rem. Ce mot, considéré comme malhon-
nête, s'écrit rarement en entier, et ne figure
le plus souvent que par salcttre initiale. Quel-
quefois même on le lit sous cette forme, en
prononçant bé ou be : Tais-loi, B {bougre),
ou je te claque. Il est malhonnête de lâcher
ainsi des B à tout propos.
Les 6, les /voltigeaientsur son bec.
GRESSET.
BOUGREMENTBOUGREMENT adv. (bou-gre-man — rad.
bougre). Très-fam..Diablement, étrangement,
extrêmement : Tu es BOUGREMENT mauvais.
Elle est
BOUGREMENTBOUGREMENT jolie. Il a BOUGREMENT
bien fait.
BOUGRERIEBOUGRERIE s. f. (bou-gre-rî — rad. bou-
gre). Hérésie des Bulgares ou Bougres, n On
dit aussi BOUGRIE.
— Sodomie : / / y avait simple absolution du
péché de
BOUGRERIE,BOUGRERIE, avec dispense et la clau-
sule inhibitoire ; il en coûtait 36 tournois et
9 ducats. (L. Lalanne.)
BOUGRON
BOUGRON (Louis-Victor), statuaire fran-
çais contemporain, né à Paris vers 1802, eut
pour maître Charles Dupaty et débuta au
Salon de 1824 par une statue à'Othryadas, qui
lui valut une médaille de 2
e
classe. Parmi les
ouvrages qu'il a exposés depuis, nous cite-
rons : Sainte Apolline (pour l'église de Saint-
Laurent à Paris) et Achille s'armant pour
venger Patrocle (Salon de 1827) ; Pépin le
Bref et le lion (1831), un des bons ouvrages
de l'auteur ; Chilpéric et Frédégonde (groupe) ;
une Baigneuse, la Ville de Montpellier, mo-
dèle en plâtre d'une figure destinée à l'arc de
l'Etoile (1833): l'Assassinat de Kléber, groupe
f 1834 et 1837); le génie funèbre du Suicide
(1836), « de la rhétorique en marbre, » a dit
un critique, « une vaine amplification de col-
lège ; p la Vierge et l'Enfant (1839), modèle en
plâtre d'un groupe exécuté en argent pour
l'église de Saint-Christophe, à Tourcoing;
Féneton, ligure d'un style sec et maniéré
(1845); l'Entente cordiale, médaillon (1852).
Depuis cette dernière date, M. Bougron n a
plus rien exposé; il a quitté Paris vers 1839,
pour aller habiter Lille, et il s'est ensuite fixé
à. Arras. On lui doit encore plusieurs bustes
de personnages historiques, entre autres ceux
de du Couédic (commande de la Liste civile) ;
de Ch. Dupaty, du maréchal de Villars (com-
mande du ministère de l'intérieur); de Jeanne
de Constantinople (1842) ; du maréchal d'Es-
trées, du duc de La Rochefoucauld -Li an -
court, etc.
BOUGUE
BOUGUE s. f. (bou-ghe). En Normandie,
Sables mouvants des bords do la mer : Les
BOUGUESBOUGUES de Quéneville.
BOUGTJENA1S,bourg et commune de France
(Loire-Inférieure), cant. de Bouaye, arrond.
et à 18 kilom. S.-O. de Nantes, sur la rive
gauche de la Loire; pop. aggl. 399 hab. —
pop. tôt. 3,877 hab. L'église, ancienne dépen-
dance du couvent des Couets, est surmontée
d'un beau clocher, dont la flèche, qui s'aper-
çoit de très-loin, domine un horizon magnifi-
que. Aux environs, château d'Aux ; tumulus.
BOUGUER
BOUGUER (Pierre), hydrographe et mathé-
maticien français, membre de l'Académie des
sciences de Paris, de la Société royale de
Londres, etc., né en 1698 au Croisic (Breta-
gne), mort en 1758; fut choisi, en 1731, avec
Godin et La Condamine, pour aller au Pérou
déterminer la figure de l a terre, tandis que
Maupertuis, Clairaut, Camus et Lemonnier se
rendaient, de leur côté, en Laponie avec une
mission analogue. Il a laissé un grand nombre
d'écrits, qui l'ont rangé parmi les premiers
géomètres hydrographes de son siècle : Mé-
moire sur la mâture des vaisseaux (1727, in-4°),
couronné par l'Académie ; Méthoae d'observer
sur mer la hauteur des astres (1729) ; Traité
du navire, de sa construction et de ses mouve-
ments (1746, in-4o); Traité d'optique (17G0,
in-4o); Manière d'observer en mer la déclinai-
son de la boussole (i73l) ; Traité de la naviga-
É0UG 1077
tion (1753), etc. On lui doit l'invention de
l'héliomètre, instrument à l'aide duquel on
mesure de petits angles avec une grande pré-
cision, et qui servit a Bessel pour déterminer
la distance presque incommensurable d'une
étoile fixe à la terre.
BODGUEREAU
BODGUEREAU (Adolphe-Williams), peintre
français contemporain, né à La Rochelle le
30 novembre 1825, eut pour maître M. Picot,
et débuta, au Salon de 1849, par un portrait
et un tableau représentant l'Egalité dans la
mort. L'année suivante, il exposa une Scène
tirée de l'Enfer de Dante (Gianni Schicci dé-
vorant Capocchio ) , et remporta le premier
grand prix de peinture au concours de l'Ecole
des beaux-arts. Il se livra en Italie à de s é -
rieuses études, d'après les chefs-d'œuvre de
la Renaissance et d'après les peintures anti-
ques de Pompéi et d'Herculanum. Parmi les
envois qu'il fit, comme pensionnaire de la
villa Mediei, on remarqua une Idylle, exposée
en 1853 et qui a été gravée par Danguin, et
surtout le Triomphe au martyre (le corps de
sainte.Cécile apporté dans les catacombes),
composition d'un sentiment élevé et d'une
belle ordonnance, qui a pris place au musée
du Luxembourg après avoir figuré à l'Expo-
sition universelle de 1855. A la suite de cette
dernière exposition, à laquelle il avait encore
envoyé un portrait et un gracieux tableau,
l'Amour fraternel (gravé par Bertinot),,
M. Bouguereau obtint une médaille de
2c classe. Ses tableaux du Salon de 1857 le
mirent tout à fait en vue et lui valurent une
médaille de ire classe. Neuf de ces tableaux,
exécutés à la cire et destinés à la décoration
de l'hôtel de M. F. Bartholony, attirèrent par-
ticulièrement l'attention; en voici les titres ,
l'Amour, l'Amitié, la Fortune (gravés tous *
trois dans l'Artiste), le Printemps, l'Eté, la
Danse, Arion sur un cheval marin, Bacchante
sur une panthère, les Quatre Heures du jour.
Ces sujets, habilement conçus et traités avec
une grande recherche de style, étaient d'heu-
reuses réminiscences des décorations pom-
péiennes. M. Bouguereau fit preuve aussi
d'un dessin élégant et pur, d'une exécution
sobre et forte, dans une scène biblique qui
figura au même Salon, le Retour de Tobie
(aujourd'hui au musée de Dijon). En revan-
che , le tableau représentant Napoléon III
visitant les inondés de Tarascon (commande
du ministère d'Etat, appartenant au musée de
Marseille), ouvrage d'une exécution pénible,
heurtée, montra que l'artiste n'était pas fami-,
liarisé avec les costumes et les habitudes
modernes. M. Bouguereau a exposé depuis,
en 1859, l'Amour blessé, figure d'un modelé
très-élégant, et le Jour des Morts, composi-
tion touchante (au musée de Bordeaux) ; en
1861, la Première discorde (appartenant au
cercle de Limoges), toile importante à laquelle
il ne manque qu'un peu plus d'éclat et de vé-
rité dans le coloris ; le Retour des champs (à
M. Bertherand, Amiens), « idylle traduite avec
le plus pur sentiment de l'antiquité,» a dit
M. Th. Gautier; Faune et Bacchante, la Paix et
un portrait; en 1863, une Sainte Famille, les
Remords et une Bacchante lutinant une chèvre
• (musée de Bordeaux); en 1864, une Baigneuse
(musée de Gand), et le Sommeil (à M
m
« Pa-
turle) ; en 1865, une Famille indigente et le
portrait de Mme Bartholony ; en 1866, les Pre-
mières caresses et la Convoitise, scènes de la
vie de famille , d'un sentiment charmant.
M. Bouguereau a peint un grand nombre
d'autres tableaux, parmi lesquels il nous suf-
fira de citer : Phitomèle et Progné .(palais du
Luxembourg), la Prière, l'Invocation, Sapho
( ces trois derniers ouvrages gravés par
M. Tbirion), l'Age d'or (gravé par M. Anne-
douche). Il a exécuté aussi plusieurs pein-
tures décoratives, notamment chez M. Mont-
lun, à. La Rochelle ; chez MM. F. Bartholony,
Bartholony fils et Emile Péreire, à Paris ;
dans l'église Sainte - Clotilde ( chapelle de
Saint-Louis) et dans l'église de Saint-Augus-
tin (chapelle de Saint-Pierre et de Saint-Paul,
et chapelle de Saint-Jean-Baptiste). 11 s'oc-
cupe actuellement (octobre 1866) d'un travail
important, la décoration de la salle des con-
certs au Grand-Théâtre de Bordeaux. Cet ar-
tiste, jeune encore et dont la carrière est déjà
•si laborieusement et si brillamment remplie,
est sans contredit l'un des peintres les plus
estimables de notre école contemporaine. Il a
été nommé chevalier de la Légion d'honneur
en 1859.
BOCGUERET
BOCGUERET (Edouard),industriel et homme
politique français, né a Qurgy-la-Ville (Côte-
d'OrJen 1819. Il fut, sous le règne de Louis-
Philippe, un des chefs les plus influents du
parti radical dans spn département, où il oc-
cupait une grande position par sa fortune et
comme directeur de la Société des maîtres de
forges de Châtillon-sur-Seine. Nommé, en 1848,
membre de l'Assemblée constituante, il siégea
et vota avec la gauche républicaine, se pro-
nonça contre la politique de l'Elysée, et ne fut
pas réélu à l'Assemblée législative. M. Bou-
gueret est membre du conseil général.de la
Côte-d'Or.
BOUGUÉRIE
BOUGUÉRIE s. f. (bou-ghé-rî — ÙQBouguer,
n. pr.). Bot. Genre de plantes, de la famille
des plantaginécs, comprenant uno seule es-
pèce, qui croît sur les Andes.
BOUGUIÈRE
BOUGUIÈRE s. f. (bou-ghiè-re). Pêch
Filet en fils très-déliés, il On l'appelle aussi
BOUGIÛREBOUGIÛRE e t BUGUIÈRE.
I
BOUGUISBOUGUIS s. m. (bou-ghiss). Linguist.
1078
BOUG
Idiome parlé parles Bouguis, petite peuplade
de l'île Célèbes.
BOUGY
BOUGY (signal de), vaste plateau, sur l'une
des sommités du Jura, et d'où l'on jouit d'une
vue incomparable sur le lac de Genève. Le
Signal, placé à peu près au centre de la courbe
formée par la rive septentrionale du lac de
Genève, permet de l'embrasser d'un seul re-
gard dans toute son étendue. Rien ne saurait
rendre la grandeur et la mnjesté de ce spec-
tacle, unique dans le monde : les vignobles,
les vergers, les villes, les villages se groupent
et se pressent sur les flancs de ces collines,
qui vont peu à peu s'élevantj jusqu'à ce
qu'elles touchent a ces Alpes gigantesques,
au-dessus desquelles s'élève le colossal som-
met du mont Blanc-, tandis que, dans le fond
de cet immense amphithéâtre , le lac aux
flots bleus dort paisible comme un miroir d'a-
cier. Le célèbre voyageur Tavernier, qui
avait parcouru l'Asie et l'Europe, disait que le
panorama de Constantinople pouvait seul être
comparé à celui-là, et que fa beauté du paysage
du pays de Vaud n'était égalée en Arménie
que par un certain endroit situé autour d'un
lac. Le Signal de Bougy, qui domine la petite
ville de Rolïe, est élevé de 1,580 pieds au-
dessus du lac, et bien supérieur, pour la vue
qu'il offre, à celui qui est au-dessus de Lau-
sanne; tout près, se trouve Aubonne, où le
fils du glorieux. Duquesne érigea en l'hon-
neur de son père un cénotaphe, à défaut de
tombeau pour abriter sa dépouille mortelle,
?
ue lui avait refusée la France, où Louis XIV
aisait régner l'intolérance.
BOUH
BOUH s. m. (boû — onomat. du cri de
l'oiseau). Ornith. Nom vulgaire d'un hibou
d'Egypte.
BOUGY
BOUGY (Alfred-James-Louis-Joseph DE),
littérateur français, né à Grenoble le 5 décem-
bre 1816, descend d'une famille protestante
* originaire du Nord, et que les guerres de r e -
ligion avaient dispersée. Le père de M. de
Bougy était banquier; il voulut lancer son
fils dans la finance. Celui-ci refusa de céder
aux désirs de ses parents et dut quitter la
maison paternelle. Il se fit soldat et passa
deux années au service, et il commença en-
suite l'étude du droit, puis alla s'établir à Lau-
sanne, où il donna pour vivre des leçons de
français, de littérature et de violon. Sur cette
terre suisse, il renoua la vieille tradition de
sa famille en se faisant protestant. La mort
de son père lui ayant permis de se livrer à
son penchant pour les lettres, il vint à Paris
en 1840, et s'essaya par quelques feuilletons.
Entré, en 1842, comme surnuméraire à la bi-
bliothèque Sainte-Geneviève, il y devint em-
ployé en 1844, et passa, en 1849, comme bi-
bliothécaire à celle de la Sorbonne, où il est
encore (1866). En 1853, il fut chargé par le
ministre Fortoul de deux missions scientifi-
ques et littéraires, ayant pour but, la pre-
mière, d'aller explorer les petites républiques
d'Andorre et de Saint-Marin ; la seconde,
d'aller recueillir les inscriptions romaines de
la Suisse française et de la Savoie, pour le
grand recueil épigraphique de M. Léon Re-
nier, de l'Institut. M. de Bougy a publié les
résultats de ses deux missions, notamment en
ce qui concerne les deux petites républiques,-
dans la Liberté de pensée, la Revue française,
VAthenœum français, l'Illustration et \& Revue
de Paris. Il en a fait plus tard l'objet d'une
publication en volume. Le conseil souverain
de la république de Saint-Marin a récompensé
ses divers travaux en lui décernant le diplôme
et la croix de chevalier de son ordre. En
186G, il a été aussi nommé par le roi d'Italie
chevalier de l'ordre des Saints-Maurice-et-
Lazare.
On a de M. Alfred de Bougy, dont les pro-
ductions diverses se distinguent surtout par
le soin du style et la préoccupation artistique :
le Tour dit Léman (et non la Tour du Léman
comme on s'obstine à l'écrire) ; Voyage pitto-
resque, artistique, littéraire et philosophique
sur les rives du lac de Genève (Paris, 1846, grand
in-8o) ; Histoire de la bibliothèque Sainte-
Geneviève et des édifices qui l'entourent (1847,
in-8") ; Turlupiuades à l'encontre des pédago-
gues- et des cuistres de l'école du Bon sens
(1849, in-12), petit pamphlet littéraire contre
M. Ponsard et ses fanatiques preneurs: la
Luizina, roman (1852, in-12); 2e édition illus-
trée et intitulée la Vengeance du bravo (1864,
in-4o) -, Fragments inédits de Jean-Jacques
Rousseau, tirés de la bibliothèque de Neuf-
chatel, en Suisse, suivis des résidences de Jean-
Jacques (1853, in-12) ; Evian et ses environs
(Genève, 1852); Voyage dans la Suisse fran-
çaise et le Chaulais; Opuscules posthumes de
Jean-Jacques Rousseau et Lettres inédites de
Madame de Warens (1860, in-12); cet ouvrage
contient une 2e édition du Tour du Léman,
refondue et augmentée, et aussi une 2^ édi-
tion également augmentée des Fragments de
Jean-Jacques Rousseau; le Supplice du bour-
reau, petit roman psychologique contre la
peine de mort, dédié à Victor Hugo (1864,
in-12); les Sœurs de Champanges, roman rus-
tique (1865, 'm-4°, illustré); Légende, histoire
et tableau de Saint-Marin, république du mont
Titan, avec une préface de George Sand
(1865, in-12); Légende, histoire et tableau de
la république d'Andorre (1865, in-12), etc.
Il a en outre édité ou annoté les Confessions
de Jean-Jacques Rousseau ; Un million de ri-
pies gauloises, fleur de la poésie drolatique et
badine depuis le xve siècle (1858, in-32) ;
Chansons complètes et poésies diverses de Dé-
saugiers (1858, in-32). On annonce de lui,
comme devant bientôt paraître, le Livre des
devises et des cris de guerre de la noblesse
BOUH
française, édition in-4<> de grand luxe. On doit
encore à M. de Bougy un assez grand nombre
de romans, nouvelles, poésies, articles de
genre et de critique, biographies, etc., publiés
dans divers recueils et journaux. Il a colla-
boré à Y Encyclopédie nouvelle et à la Nouvelle
biographie universelle. En 1865, il a été ap-
pelé à faire partie de la commission chargée
de préparer la revision des statuts de la So-
ciété des gens de lettres, dont il est membre.
BOUHAUREAU
BOUHAUREAU s. m. (bou-o-ro). Ornith.
Ancien nom du canard.
BOUHOT
BOUHOT (Etienne), peintre français," né à
Bard-les-Epoisses (Côte-d'Or) en 1780, mort
en 1860 à Semur, où il s'était fixé vers 1835,
et où il était directeur de l'école municipale
de dessin. Il peignit un nombre considérable
de vues architecturales, qui figurèrent aux
salons de 1810 à 1859. Il nous suffira de citer :
la Vue de la cour du château de Fontainebleau
(musée de Lyon) ; la Vue intérieure de l'arche
Marion , à' Paris (musée de Cherbourg) ; le
Porche de Saint-Germain-ll'Auxerrois (musée
de Rouen) ; la Grande salle du palais des
Thermes (musée de Dijon). Les ouvrages de
Bouhot obtinrent un grand succès, principa-
lement à l'époque de la Restauration : ils se
distinguent par une touche délicate et pré-
cieuse, mais le coloris en est sec et froia, et
les figures qui les animent sont sans carac-
tère déterminé.
BOUHIER
BOUHIER (Jean), président à mortier au
?
iarlement de Dijon et membre de l'Académie
rançaise, né à Dijon en 1673, mort dans la
même ville en 1746. Il descendait d'une fa-
mille de robe qui avait déjà donné au parle-
ment de Bourgogne sept générations de con-
seillers. 11 montra de bonne heure de grandes
dispositions pour l'étude, et aux connaissances
classiques ordinaires il joignit celle de plu-
sieurs langues, comme 1 italien, l'espagnol et
l'hébreu. Après avoir fait son droit à Orléans,
il fut reçu conseiller à l'âge de dix-neuf ans,
et devint président à trente.
Peu d'hommes ont montré des aptitudes
aussi diverses que le président Bouhier. « Ju-
risprudence, philologie, critique, langues sa-
vantes et étrangères, histoire ancienne et
moderne^ histoire littéraire, traductions., élo-
quence, il remua tout, il embrassa tout ; il fit
ses preuves dans tous les genres, et dans la
plupart il composa des œuvres remarquables.»
C'est d'Alembert qui a tracé de lui cet éloge.
Voltaire lui écrivait : Te veneror et tuus esse
velim. Sa réputation était telle que l'Acadé-
mie, faisant fléchir en sa faveur les règle-
ments qui astreignaient à la résidence à Paris
tous ses membres autres que les évêques,
l'appela dans son sein en 1727. Il y fut reçu
par son collègue, le président Hénault, et ce
fut précisément Voltaire qui lui succéda en
1746.
Examinons les titres qu'avait Jean Bouhièr
à l'admiration de ses contemporains. Si nous
n'y rencontrons aucune œuvre capitale, nous
y verrons du moins des marques visibles du
« talent presque universel i que l'abbé d'Olivet
reconnaissait chez l'aimable président. Ses
Œuvres de jurisprudence, qui ont été réunies
dans une édition (Dijon, 1787, 2 vol. in-fol.),
renferment un Traité de la dissolution du
mariage pour cause d'impuissance (1735); un
Traité de la succession des mères (1726), et la
Coutume générale du duché de Bourgogne
(1717, in-4»). Ce dernier ouvrage est recher-
ché. Sur la critique historique et littéraire, il
a laissé : De pnscis Grœcorum et Latinorum
litteris dissertatio (1708, in-fol.) ; Remarques
critiques sur le texte du traité de Cicéron de
Natura deorum (1721, 3 vol. in-12); Remar-
ques critiques sur le texte des Catilinaires
(1727) ; Lettres pour et contre sur la fameuse
question : a Si les solitaires appelés Thérapeutes,
dont a parlé Philon le Juif, étaient chrétiens »
(1712). En biographie, nous trouvons : des
Mémoires sur Ta vie et les ouvrages de Mon-
taigne, imprimés en tète des Essais; en ar-
chéologie, une Explication de quelques mar-
bres antiques (1733, in-40). On lui doit encore :
une Traduction du III^ et du Ve livre des
Tusculanes (1737) ; une imitation en vers fran-
çais du Poème de Pétrone sur la guerre civile
( 1737), du Pervigilium Veneris, et de fragments
de Virgile; enfin, un petit recueil de poésies
légères (1742).
Ce n'est pas tout : il écrivit dans le Journal
de Trévoux et dans le Mercure. Bibliophile
éclairé, il augmenta, dans des proportions
considérables, la bibliothèque déjà fort riche
que lui avaient léguée ses pères. Cette col-
lection jouissait d une telle célébrité, qu'en
1722 le roi ordonna qu'un exemplaire de cha-
que livre sortant de l'imprimerie royale serait
envoyé à son savant propriétaire. Cette bi-
bliothèque passa, après Bouhier, au président
de Bourbonne, son petit-fils, et fut vendue
ensuite à l'abbaye de Clairvaux. Elle forme
aujourd'hui des fonds importants dans trois de
nos établissements publics.
Si l'on ajoute à ces travaux si divers la cor-
respondance que Jean Bouhier entretenait
avec tous les savants de l'époque, les devoirs
que lui imposait sa charge et ceux, plus agréa-
bles mais non moins assidus, qu'il remplissait
envers la société polie de Paris et de Dijon, on
conviendra que c'étaitl à une vie bien remplie.
En 1728, obligé par de violentes attaques
BOUH
de goutte de résigner ses fonctions, le prési-
dent Bouhier consacra tous ses soins à la
petite Académie qu'il avait fondée dans son
hôtel de la rue Saint-Fiacre, et qui comptait
parmi ses membres MM. de La Bastie, Bazin,
Cocquard, des Forêts, Léauté, Michault, l'abbé
Joly, le P . Hennin, jésuite, et le P. Oudin.
Dix jours avant sa mort, il présidait la der-
nière séance. Averti par le P . Oudin que sa
fin était proche, il ne voulut pas avoir d'autre
confesseur que son ami. On rapporte qu'il
garda sa connaissance jusqu'au dernier mo-
ment, et qu'il répondit à quelqu'un qui lui
adressait la parole : « Chut! j'épie la mort/ »
C'était le mot d'un philosophe à qui la tombe
inspirait plus de curiosité que d'épouvante. Il
avait, peu de jours avant, composé sa propre
épïtaphe :
Qui tristem coluit Themidem, mitesque Camœnai,
Conditur hoc Janus marmore Dohcrius.
Janus est ici un jeu de mots qui, tout en rap-
pelant le vrai prénom de Bouhier, Joànnes,
fait allusion au double caractère qu'il s'est
donné dans son épitaphe.
On a imprimé tout récemment, pour la pre-
mière fois, sous le titre de Souvenirs de Jean
Bouhier, un recueil d'anecdotes restées jus-
qu'ici manuscrites, et faisant partie du fonds
Bouhier à la Bibliothèque impériale. Le pré-
sident avait coutume de consigner chaque
jour sur une sorte de registre les choses amu-
santes qu'il entendait raconter. Bien que, — ou
peut-être parce que — ancien élève des jésuites
et frère de l'éveque de Dijon, il aimait assez à
médire du clergé. En outre, il vivait à une
époque où la liberté du langage tenait lieu de
toutes les autres libertés. Il ne faut donc pas
s'étonner si l'on trouve dans ce curieux petit
livre certaines plaisanteries sur le clergé et
des mots que notre rigorisme de fraîche date
n'admettrait qu'entourés de voiles. Plusieurs
de ces anecdotes étaient connues ; presque
toutes sont spirituelles et bien tournées. En
voici quelques-unes des plus courtes :
• On ne finit point sur les naïvetés du
comte de Roussy. Etant à l'année, un jeudi
au soir, son cuisinier vint lui dire qu'il n'avait
qu'un agneau à lui donner pour son souper,
mais que c'était dommage de le tuer, parce
que le comte étant seul, et ne le pouvant
manger tout entier, le reste ne se pourrait
f
arder jusqu'au dimanche. — Eh bien, répon-
it le comte, te voilà bien embarrassé ! il n'en
faut tuer que la moitié. • On voit que le type
prétendu moderne de Calino existait déjà au
xvnie siècle.
« L'éveque du Puy, qui est de la maison de
Béthune, a un très-çrand nez. Un jour, le duc
de Roquelaure,' qui n'en a presque point,
plaisantait fort sur le nez de cet évêque.
Enfin, le prélat s'en lassant : « Hé 1 monsieur,
» lui dit-il, laissez mon nezl croyez-vous qu'il
» ait été fait aux dépens du vôtre ?»
« Louis XIV ne portait jamais de manchon,
même quand il allait à la chasse, au plus fort
de l'hiver. Deux paysans l'y ayant rencontré
en cette saison, et l'un d'eux paraissant étonné
de ce que Sa Majesté ne précautionnait pas
mieux ses mains contre le froid : » N'en sois
B pas surpris, dit l'autre ; c'est que le roi a tou-
» jours ses mains dans nos poches. »
Parmi les anecdotes gaillardes, nous choi-
sissons cette dernière, comme une de celles
oui le sont au moindre degré : « Le maréchal
de Villeroy étant allé à Lyon en 1714, au
sujet d'une petite sédition qui y était arrivée,
ce ne furent pendant son séjour en cette vUle
que fêtes et réjouissances. Une dame de
Paris, qui apprit que celles de Lyon s'empres-
saient fort à lui plaire, écrivant à l'une d'elles,
lui demanda à laquelle le -maréchal avait
donné le mouchoir. La vieille demoiselle Bé-
raud, fort connue par les chansons de Cou-
langes, et qui a été autrefois fort des amies
du maréchal, ayant vu cette lettre, dit à la
dame qui l'avait reçue : « Mandez à votre
» amiequeM. le maréchal ne se mouche plus. »
N'est-ce pas plaisir de retrouver, sous la
plume d'un grave magistrat, le vieil esprit
français, avec toute sa malice et sa bonne
humeur?
Revenons maintenant sur les œuvres du
président Bouhier, pour signaler ce qu'il y a
de curieux dans son Traité de la dissolution
du mariage pour cause d'impuissance. La ma-
tière est libre, et, comme dirait Rabelais, c'est
de haulte graisse; mais ici, il faut que le lec-
• teur ne perde pas un instant de vue que le
Grand Dictionnaire s'est engagé à tout dé-
crire, à tout dépeindre, à tout sonder. Titre,
plan, méthode oblige: nous sommes avant
tout anatomiste, dans le sens moral du mot.
Nous n'écrivons pas pour le plaisir d'écrire,
d'amuser et de scandaliser; nous remplissons
un devoir : voilà tout ; et si, par prudence,
par lassitude, par dégoût, il nous prenait un
jour l'envie de saupoudrer la vérité, de capi-
tuler avec l'histoire, les épigraphes imprimées
à la première page de cet ouvrage seraient là
pour nous crier d'une voix impérieuse : Mar-
chai marche I
Outre que les magistrats ne craignaient pas
ce genre d'affaires appelées les causes grasses,
une autre raison décida l'auteur à composer
cet opuscule : c'était la rivalité qui existait
entre les divers parlements, dont chacun avait
sa jurisprudence particulière, à laquelle il
tenait fort, et qu'il cherchait à faire prévaloir.
En 1677, le parlement de Paris avait ordonné
l'abolition du congrès dans les procès en im-
BOUH
Î
Puissance ; il eût peut-être mieux valu abolir
es procès de cette nature eux-mêmes, mais
l'opinion publique n'était pas encore assez
avancée pour demander une telle réforme ; et
puis ces causes, comme matière ecclésiastique,
relevaient plus encore des officialitès que des
parlements, devant lesquels elles ne venaient
qu'en appel. Bouhier, c'est lui-même qui le dit
dans sa conclusion, ne composa son traité que
pour démontrer l'absurdité d'abolir un genre de
preuve, qui souvent était la seule concluante,
malgré les abus qu'elle pouvait entraîner. Ces
deux graves questions au congrès et de l'im-
puissance seront discutées à leur place ; nous
ne voulons ici que donner une idée de l'ou-
vrage et des recherches curieuses qu'il ren-
ferme. »
Le président commence par justifier les
femmes qui intentent à leurs maris un sem-
blable procès, e t , dans ses raisonnements,
la religion ne tient pas moins de place que le
droit et la morale. Aidé de maintes citations
des canons et des Pères de l'Eglise, il prouve
que la femme ne peut rester sans péché avec
un mari impuissant, à moins de n avoir avec
lui que des rapports fraternels, ce qui sera
bien difficile ; car saint Basile, dans son Traité
de la virginité, affirme que ce sont les eunu-
ques et les impuissants qui désirent le plus
l approche des femmes, et, d'un autre côté, le
canoniste Sainte-Beuve déclare que les attou-
chements impudiques entre mari et femme, sans
aucun rapport à l'usage naturel au mariage,
sont péché. « Que fera donc une femme ver-
tueuse dans cette triste situation ? Si elle
souffre les approches de son prétendu mari, la
voilà criminelle; si elle lui résiste, elle s'ex-
pose à ses emportements et à sa fureur. Faut-il
qu'elle se résigne à être éternellement mal-
heureuse en ce monde et en l'autre ? » Aussi,
conclut l'auteur, un procès semblable ne l'ex-
pose pas plus au reproche d'incontinence,
qu'un second mariage n'y expose une veuve,
ou un premier mariage une vierge. D'ailleurs,
c'est l'Eglise qui l'a ordonné dans ses décré-
tâtes, et l'auteur des Conférences ecclésiasti-
ques sur le mariage dit « qu'en cette occasion
la femme, non-seulement peut, sans blesser
sa conscience, demander la dissolution du
mariage, mais qu'il y a même des femmes
qu'un confesseur y doit obliger. «Car, d'un
côté, l'Eglise est comme le droit romain, elle
n'admet le mariage que procreandi causa; de
l'autre, elle connaît la faiblesse de la chair,
elle sait que la plupart des femmes ne res-
semblent point à l'Armande des Femmes sa-
vantes, et qu'elles n'éprouvent pas, comme
elle, une répulsion invincible pour le mariage
et tout ce qui s'ensuit. On peut dire, il est
vrai, que toute femme devrait reculer en son-
geant aux épreuves qu'elle aura à subir, et
dont la première est la visite de sa personne,
pour bien prouver que ce n'est pas sa confor-
mation vicieuse qui est cause de l'impuissance
dont elle se plaint ; mais le savant président
a réponse à tout, et là-dessus il écrit la cu-
rieuse page suivante : « La visite de la femme,
contre laquelle on se récrie tant, et qu'on re-
garde comme une flétrissure, était sans doute
envisagée d'un œil bien différent par les chré-
tiens des premiers siècles. On en peut juger
par la manière dont ils ont parlé d'une an-
cienne tradition sur une pareille épreuve,
qu'on prétendait avoir été jundiquement'fatte
à la personne de la plus sainte des vierges.
Les lois de l'Eglise ont prescrit cette formalité
dans le cas où une religieuse est accusée d'un
commerce criminel avec quelque homme, ou
quand une femme mariée demande d'être
reçue religieuse avant que son mariage soit
consommé. » Il est vrai qu'un évêque de
Chartres, qui vivait au xn« siècle, a traité
d'impudence et d'effronterie la plainte d'im-
puissance formée par une femme contre son
mari; et « qu'un avocat ayant été consulté
par une femme sur un tel cas, et la voyant
affirmer avec confiance qu'elle était encore
viergej la couvrit de confusion en lui deman-
dant ou elle avait appris comment on cessait
de l'être, et sur quoi elle pouvait s'assurer
qu'ayant passé tant de nuits entre les bras
d'un époux, elle n'eût pas perdu cette fleur,
qu'elle croyait avoir encore; mais ce trait,
qui pouvait se souffrir dans la bouche d'un
plaisant, ne convenait pas dans celle d'un
homme grave et réfléchi. Il eût été aisé de
lui fermer la bouche par ces paroles de saint
Basile: Nulle vierge nest assez enfant,pourvu
qu'elle soit nubile de corps, pour ignorer tout
ce qui regarde sa nature, de quel flanc elle est
sortie, etc. » Comme on le voit, le président
Bouhier est très-versé dans les matières ca-
noniques et dans les écrits des Pères de l'E-
glise, qui parlaient de ces matières avec une
complète liberté.
Après ces notions générales d'une érudition
amusante et variée, il passe aux procédures
en'usage dans les affaires d'impuissance. La
première épreuve est la visite de l'homme et
celle de la femme, visite qu'il justifie par l'ha-
bitude constante de l'Eglise, par 1 autorité
des décrets, des canons, des P è r e s , de
3
ui ces affaires relevèrent uniquement pen-
ant de longs siècles, et par l'usage qu'en fait
la législation des autres pays. « Sans cela,
dit-il, que feraient d'honnêtes filles, qui ont eu
le malheur d'être ravies contre leur gré, et
qui demandent à prouver la consommation du
rapt par l'inspection de leurs personnes?
Qu'auraient fait enfin ces deux demoiselles do
Paris, chez qui s'étaient tenues en 1560 di-
verses assemblées de calvinistes, dans lea-
BOUH
quelles on les accusa de s'être abandonnées à
la lubricité de quelques hommes de leur secte ?
Toute l'animosité du parti contraire ne put
empêcher qu'elles n'obtinssent du parlement
la permission de se justifier par cette épreuve ;
et, par la même raison, la cour, suivant arrêt
du 20 août 1604, confirma la visite qu'une
fiancée avait demandé qu'on fît de sa per-
sonne, pour prouver la fausseté de ce qu'avait
dit son fiancé, qu'il avait eu avec elle des
habitudes criminelles. »
Voilà des mœurs judiciaires qui sont bien
loin de nous. Après ces premières enquêtes,
lorsqu'on n'a reconnu aucune trace d'impuis-
sance chez l'homme, ni de stérilité chez la
femme, on leur ordonne une cohabitation de j
trois ans, pendant laquelle on espère que ces- |
seront les griefs dont se plaint la femme. On
trouve un reste de cette coutume dans cer- j
tains cantons de la Suisse, où naguère deux :
époux qui demandaient le divorce devaient
préalablement passer huit jours enfermés dans
une chambre ou ne se trouvaient qu'une seule
chaise et qu'un seul lit.
Mais il faut tout prévoir, et le président
ajoute : « Le seul inconvénient de la cohabi-
tation est d'obliger une femme de retourner
avec son mari, qu'elle a cruellement otfensé
par son accusation ; car il semble que ce soit
l'exposer à un ressentiment, dont il paraît
difficile qu'elle évite les funestes effets. D'ail-
leurs, comme cette épreuve n'est ordonnée -
que pour parvenir, s'il se peut, à la consom-
mation du mariage, la règle est de visiter
ensuite'la femme, pour reconnaître si elle est
encore fille. Or, dit agréablement un homme
d'esprit, c'est la rendre responsable de la
garde d'un jovau dont elle n'est pas maîtresse ;
car, ajoute-t-îl, que n'inspirent point, à un im-
puissant la rage, l'intérêt, le point d'honneur,
quand la pièce de conviction de son impuis-
sance est à sa merci? La femme peut, en
effet, perdre cette pièce de plus d'une ma-
nière, sans néanmoins pour cela être devenue
femme. Cela se comprend aisément, sans qu'il
soit nécessaire d'entrer dans aucun détail. Il
est donc dangereux de remettre une femme
en de telles mains. Ce danger est grand sans
doute, mais on peut bien croire que les cano-
nistes ne l'ont pas laissé sans remède. Celui
dont ils se servent est d'ordonner que la
femme sera séquestrée, si elle le requiert,
chez quelqu'une de ses parentes ou amies,
non suspectes, où le mari aura la liberté de
la voir et de coucher avec elle, quand il lui
plaira. Cela se trouve dans quelques décisions
de la rote, et s'est pratiqué plusieurs fois en
France. » Comme on le voit, ce sujet avait
été étudié à fond, on n'avait rien laissé au
hasard. Ceux qui ont feuilleté les ouvrages
des canonistes savent jusqu'où va leur imagi-
nation quand ils traitent de semblables ma-
tières.
Si aucun de ces moyens n'a réussi, et que
le mari demande le congrès pour prouver que
c'est à tort qu'on l'accuse d'impuissance, le
droit en usage dans toute l'Europe catholique
voulait qu'on lui accordât sa demande. A l'ar-
ticle congrès, nous verrons comment on avait
été amené à admettre une preuve de ce
genre, et les incidents burlesques qui en ré-
sultaient souvent. Nous nous contenterons ici
de citer Bouhier, racontant de quelle manière
cette épreuve avait lieu de son temps.
On ne peut nier que la pudeur ne soit alar-
mée au seul nom de congrès. L'idée que s'en
forment la plupart des gens augmente encore
l'horreur qu'on en a naturellement. Ils se
figurent que les mariés sont exposés à cette
épreuve en présence de témoins, à la manière
des anciens cyniques ; et, sur cela, on ferme
les oreilles à tout ce qui peut servir de justi-
fication à cette procédure. Cependant le con-
grès ne se fait pas tout à fait de la sorte. Le
mari et la femme y sont dans un lit bien
fermé. A la vérité, il reste dans la chambre
des matrones, pour servir de témoin, en cas
qu'il arrive quelque altercation entre eux ; mais
tout se nasse d'ailleurs entre quatre rideaux.
Quand il s'est écoulé un temps suffisant, et
que le mari juge à propos d'appeler les ex-
perts choisis, la femme est visitée par les
matrones, afin de reconnaître, suivant les rè-
gles de leur art, les vestiges de la consom-
mation, si elle s'est faite. Les médecins et les
chirurgiens qui, pendant le congrès, étaient
dans une chambre voisine, assistent aussi, en
cas de besoin, à cette reconnaissance. Ainsi
le congrès, par rapport aux témoins qui s'y
trouvent, n'est proprement qu'une nouvelle
inspection de la femme, faite dans un temps
où l'on peut mieux juger de son état et où il
est impossible d'être trompé. Il n'est donc pas
plus odieux que la première visite.
La Révolution abolit les procès pour cause
d'impuissance, et, par conséquent, le congrès.
A Rome, où tout est régi par le droit canon,
on en voit encore des exemples, et l'on peut
rapprocher du livre du président Bouhier la
spirituelle anecdote racontée par son ami de
Brosses, dans son Voyage en Italie.
« Le troisième procès est d'une grande con-
séquence : il s'agit de la Doria, duchesse de
Turvi, fille unique du riche Doria le Génois.
On dit que c'^est son père qui la pousse à pour-
suivre cette affaire, et qui, au désespoir de
ce qu'elle n'a point d'enfants, la voudrait ma-
rier a un autre Doria de ses parents. Mais le
vieux bonhomme a beau faire, jamais posté-
rité ne sortira de sa fille; c'est moi qui en suis
caution. Il y a je ne sais combien d'années
BOUH
qu'elle est mariée ; elle a sa quarantaine ,
4
avec cela un vrai remède contre l'amour.
Elle est venue elle-même solliciter son procès :
imprudence signalée! car son visage est une
pitce justificative en faveur de son mari. On
me la montra l'autre jour dans une grande
assemblée, chez le cardinal Acquaviva; je ne
pus ra'empêcher de dire que ce procès pou-
vait se juger sur l'étiquette du sac. Cependant
le pauvre époux a 1 affaire fort à cœur, a.
cause des beaux yeux de sa cassette.
BOUHOURDISBOUHOURDIS et BOUHOURDEIS.
BOUHOURBOUHOUR OU BOUHOURTs. m. (bou-OUr).
Joute, tournoi. Il Vieux mot. On a dit aussi
BOUHIERBOUHIER DE L'ÉCLUSE (Robert-Constant),
homme politique français, né aux Sables-
d'OIonne le 18 octobre 1799. d'une ancienne
famille, qui compte au nombre de ses mem-
bres le président Jean Bouhier, de l'Académie
française, et Bouhier de Beaumarchais, tré-
sorier de l'épargne de Henri IV, intendant et
chevalier de son ordre du Saint-Esprit. Vo-
lontaire royal en 1815, il servit pendant quel-
que temps, vint suivre à Paris les cours, de
droit, se fit recevoir avocat en 1820, et fut
nommé substitut du procureur du roi à Man-
tes, d'où il passa à Chartres en 1824. Après
la révolution de juillet 1830, M. Bouhier de
l'Ecluse refusa le serment à Louis-Philippe;
il se fit inscrire au barreau de Paris et plaida
dans un grand nombre de procès politiques,
où se déploya son zèle pour la légitimité. Les
événements de 1848 le portèrent à la Consti-
tuante comme représentant de la Vendée ; il
y siégea à l'extrême droite, mais il garda une
entière indépendance de votes et se sépara
même de son parti sur diverses questions im-
portantes. Il vota pour la diminution de l'im-
pôt du sel, pour l'abolition de la peine de
mort, pour le fameux amendement Grévy,
qui tendait à déléguer le pouvoir exécutif à
un citoyen nommé par l'assemblée ; contre
l'établissement de deux chambres, contre le
bannissement de la famille d'Orléans et la
mise en accusation de Caussidière, tout en
admettant les poursuites contre Louis Blanc;
il se prononça encore contre le maintien de
l'état de siège pendant la discussion de la
constitution, manifestant en revanche le fond
de ses opinions en votant contre l'ensemble
de cette constitution, qui consacrait la Répu-
blique. A la Constituante, M. Bouhier de
l'Ecluse fit, en outre, diverses propositions,
une entre autres, à l'effet de venir au secours
des artistes en leur allouant 300,000 fr., ce
qui fut adopté et exécuté. Il présenta aussi
un projet de loi pour la création d'une banque
nationale foncière ; un autre pour le mariage
gratuit des indigents, qui fut voté, et plusieurs
amendements sur la constitution, la loi sur
les ateliers nationaux, etc.
Réélu à la Législative, il accusa plus nette-
ment que jamais ses principes monarchiques,
sans cesser toutefois d'émettre des votes in-
dépendants. Il s'opposa énergiquement à la
mutilation du suffrage universel (loi du 31 mai),
repoussa le douaire accordé à la duchesse
d'Orléans, la dotation demandée pour le pré-
sident de la République, et combattit la poli-
tique de l'Elysée. Lors des débats irritants
de la révision de la constitution, il déposa
une proposition ayant pour but de revenir à
la royauté dite légitime, au moyen d'un appel
au suffrage universel agissant dans sa plus
entière liberté, après la cessation des pouvoirs
du président. La majorité, hostile à la Répu-
blique, mais obstinément attachée à la loi du
31 mai, ne permit pas même à l'orateur de dé-
velopper sa proposition.
Après le coup d'Etat du 2 décembre,
M. Bouhier de l'Ecluse, au milieu de l'absten-
tion de son parti, posa de nouveau sa candi-
dature dans la Vendée; il fut envoyé par l'ar-
rondissement des Sables-d'Olonne au Corps
législatif. Un des trois députés élus en dehors
des présentations faites par le pouvoir, il prit
le premier la parole devant la Chambre et
déclara qu'il y venait siéger parce que le ser-
ment à la République, qu on lui demandait, « le
laissait entièrement libre, libre pour son passé,
libre pour l'avenir, et lui conservait la faculté
de faire toujours ce qu'il croirait être le plus
grand intérêt de la France ; car la constitu-
tion plaçait au-dessus de tout la volonté na-
tionale. • Au Corps législatif, il prit souvent
la parole et défendit successivement la liberté
individuelle, la liberté de la presse, les droits
des écrivains, le suffrage universel ; il pro-
testa vivement contre la loi sur les délits de
la presse commis à l'étranger, qu'il qualifia de
loi draconienne; il demanda qu'on appelât
Musée des souverains (nom qui lui a été donné
depuis) le musée des objets ayant appartenu
à l'ancienne monarchie française et à l'Em-
pire, et que la commission proposait d'appeler
Musée impérial et royal ; enfin, il émit la pen-
, sée d'établir un chemin de fer de Bordeaux à
1
Lyon et Cette, et de relier ainsi l'Océan a la
Méditerranée;, sans supprimer le canal du
Midi ou l'abandonner à une compagnie, comme
on le proposait. Lors du vote pour l'empire
héréditaire, il déposa une protestation d'un
avocat de Metz contre les votes dans un arron-
dissement de la Moselle, et protesta en son
nom personnel contre toutes les opérations, en
j invoquant « les droits du comte de Chambord. »
A la session suivante, un serment à l'empe-
reur ayant été demandé aux députés, il se
refusa à le prêter en invoquant ses droits ac-
quis et la puissance du vote universel qui l'a-
vait fait député. Par suite, il fut déclaré dé-
missionnaire, et les portes du Palais législatif
lui furent fermées. Depuis lors, M. Bouhier
de l'Ecluse s'est retiré à la campagne, pour
BOUH
s'y livrer à l'agriculture et aux lettres. îl a.
quitté, en 1853, sa place au barreau de Paris.
On doit à M, Bouhier de l'Ecluse : Bu céli-
bat sacerdotal dans l'Eglise catholique et du
mariage des prêtres en France (1831, in-8°
broché); De tadoption par les prêtres (1840, j
in-8°); ces deux écrits ont été réunis sous ce
titre : De l'état des prêtres en France, etc.
(1842, in-8°). Il a publié en outre : la Paix
(1859, brochure); le Pape et l'Italie (1860);
Lettre à M. Baroche, ministre des cultes, à
l'occasion de l'Encyclique (l'86l), ouvrages qui
lui ont valu un bref du pape. Citons encore
un roman historique : Marianne l'Olonaise,
chronique sablaise (1866, in-8o). Il est aussi
l'auteur d'une comédie de mœurs intitulée les
Femmes d'affaires, et de divers travaux restés
inédits, parmi lesquels Un génie mazzinien
serait une satire assez vive de certains faits
de l'époque actuelle, observés, bien entendu,
du sommet politique où se place l'ex-repré-
sentant des Sables-d'Olonne, le hardi et fidèle
champion de la légitimité, non pas sans doute
de cette légitimité qui n'a rien-appris, rien
oublié. La vie si honorablement remplie de
M. Bouhier de l'Ecluse prouve assez qu'il
n'est point de la famille de ces Epiménides
politiques qui, après avoir dormi un quart de
siècle, se réveillent en niant aveuglément les
changements accomplis. Aussi ne saurait-on,
à quelque opinion qu'on appartienne, lui ap-
pliquer, sans beaucoup d'injustice, la phrase
originale et caractéristique par laquelle M. de
Talleyrand jugeait les Bourbons de la Res-
tauration : le descendant du trésorier de
l'épargne de Henri IV a montré, par son atti-
tude aux assemblées républicaines, que son
admiration pour le passé ne l'empêchait pas
de comprendre l'avenir : ses votes en faveur
de la liberté en-font foi. Ce sera son éternel
honneur et son droit incontestable à l'estime
des honnêtes gens de tous les partis.
BOUHOURDERBOUHOURDER v. n. ou intr. (bou-our-dé
— rad. boukour). Jouter, combattre dans un-
tournoi, n Vieux mot.
BOUHOURS
BOUHOURS (Dominique), jésuite, littéra-
teur, né à Paris en 1628, mort en 1702. Il
professa les humanités dans diverses mai-
sons de son ordre, et fut successivement
chargé de l'éducation des princes de Lon-
gueville et du marquis de Seignelay, fils de
Colbert. Religieux bel esprit, prêtre mondain,
il s'attira les railleries des puritains de Port-
Royal; critique minutieux, puriste exagéré, il
eut de nombreuses querelles littéraires, no-
tamment avec Ménage et Maimbourg, et on lui |
reprocha le clinquant et la recherche de son
style. On ne peut* cependant lui contester le ;
mérite d'avoir utilement servi la langue et le
goût. M
ilie
de Se vigne disait de lui : « L'es-
prit lui sort de tous les côtés. » On a rapporté
qu'au moment de sa mort il avait dit : \J e vais ou
je vas mourir, l'un et l'autre se dit ou se disent.»
Mais cette anecdote a sans doute été imagi-
née pour caractériser sa minutie et ses re-
cherches de purisme. Ses principaux écrits
sont : Entretiens d'Arts te et d'Eugène (1671),
critique ingénieuse et enjouée, qui fut vive-
ment attaquée par Barbier d'Aucour; Doutes
sur la langue française proposés à MM. de
l'Académie (1674); Nouvelles remarques sur
la langue française (1675); Manière de bien
penser dans les ouvrages d'esprit (1687); Pen-
sées ingénieuses des anciens et des modernes
(1691), etc. Cet ouvrage donna lieu à cette
épigramme de M
ul(i
Deshoulières :
Père Bouhours, dans vos Pensées,
La plupart fort embarrassées,
A moi vous n'avez point pensé.
Dans cette liste triomphante
Des célèbres auteurs que votre lyre chante,
Je ne vois point mon nom placé.
Mais aussi dans le même rôle
Vous avez oublié Pascal,
Qui pourtant ne pensait pas mal.
Un tel compagnon me console.
Citons encore de Bouhours : Pensées ingé-
nieuses de l'Eglise (1700) ; Histoire de Pierre
d'Aubusson grand maître de lihodes (1676) ;
Opuscules sur divers sujets (1684) ; Recueil de
vers choisis (1693) ; Sentiments des jésuites tou-
chant le péché philosophique (1690) ; Nouveau
Testament traduit en français selon la Vulgate
(1697, % vol.), etc.
BOUHUENTIR
BOUHUENTIR v. a. ou tr. (bou-u-an-tir).
Accorder, il Vieux mot. , *
BOUÏ,
BOUÏ, ville de Russie d'Europe, dans le
gouvernement et à 72 kilom. N. de Kostroma,
au confluent de la Visksa et de la Kostroma,
ch.-l. de district; 2,000 hab. Corroieries, com-
merce de pelleteries.
BOUI-BOUI
BOUI-BOUI OU BOUIG-BOUIG S. m. (boui-
boui). Néol. Très-ïam. Petit théâtre en plein
vent ou baraque de saltimbanques : Aussi,
chaque soir, des files de voitures attendent'
elles devant ces tréteaux sans prétention, qu'on
nomme des BOUIGS-BOUIGS, un nom peu acadé-
mique, mais qui finira par prendre sa place au
dictionnaire. (Th. Gaut.) Le BOUIG-BOUIG, s'il
faut en croire les érudits, signifie, en argot
dramatique de bas lieu, le petit théâtre à qua-
tre sous. (Th. Gaut.) n Théâtre du dernier
ordre : Nous ne voulons pas parler ici des
cinq ou six ménétriers qui raclent le soir des
ponts-neufs de vaudeville dans quelque BODI- 1
BOTJÏ 1079
l BOTÏI de la banlieue. (Alb. Vizentini.) Il PI. des
BOUIS-BOUIS.
BOUIDESBOUIDES ou DAÏLA.M1TES, dynastie per-
sane dont le nom vient de Bouiah, pêcheur de
Daïlem. Un de ses fils, Imad-Eddaula, fut le
fondateur de la dynastie, qui se divisa en
deux branches, Jont l'une régna sur l'Irak-
Adjémi de 932 à 1029, et Vautre sur le Fars,
ou Perse proprement dite, de 933 à 1055.
BOUIGE
BOUIGE s. f. (boui-je). Agric. Terrain in-
culte dont on pioche le gazon, les bruyères
ou autres produits spontanés, qu'on forme
en petits tas, pour y mettre le feu et en r é -
pandre la cendre, afin de fertiliser le sol
s
C'est le terrain soumis à l'écobuage.
BOUILHET
BOUILHET (Louis), poSte et auteur dra-
matique français, né a Cany (Seine-Infé-
rieure), le 27 mai 1822. Il est d'origine béar-
naise par ses deux grands-pères, dont l'un,
directeur des hôpitaux militaires, est mort à
l'armée; l'autre, avocat du barreau de Pau,
s'était acquis dans les lettres une certaine ré-
putation. C'est à ce dernier, en effet, que Vol-
taire adressait, vers 1770, ces aimables stan-
ces,, assez peu connues pour trouver place
ici:
L'amour, les plaisirs et l'ivresse
Respirent dans vos heureux chants;
C'est parmi la vive jeunesse
Qu'Apollon se plut en tout temps.
Les Muses, ainsi que les belles.
Dédaignent les vœux d'un vieillard:
En vain j'irais même après elles.
Et vous les fixez d'un regard.
Elles cessent de me sourire,
Vos accords ont dû les charmer.
Eh bien ! je vous cède ma lyre :
Vos doigts sont faits pour l'animer.
Le père de M. Louis Bouilhet fut lui-même
directeur principal des hôpitaux militaires
dans l'expédition de Russie.
L'institution où Louis Bouilhet fit ses pre-
mières études était située près du Havre, sur
la côte d'Ingouville. Des fenêtres du dortoir,
l'écolier voyait s'engoulfrer la Seine dans les
profondeurs de la Manche. La mer emplis-
sait de grands bruits ce sommeil déjà rêveur
peut-être. Qui sait si la pensée du jeune poëto
ne s'est pas élargie peu à peu au specta-
cle grandiose alors déroulé devant elle? Qui
sait si les fortes impressions de l'enfant n'ont
pas, dans son esprit, déposé les premiers sé-
diments des inquiétudes philosophiques qui
devaient plus tard doubler toutes les pensées
de l'homme?
Cependant le jeune homme .grandissait. Le
moment vint de chercher ailleurs de plus
larges enseignements. Bouilhet quitta donc
Ingouville pour entrer, en sixième, au col-
lège de Rouen. Là se trouvait, à son arrivée,
Gustave Flauhert; là se nouèrent les premiers
liens qui devaient, entre ces deux intelligences
— attirées d'ailleurs l'une vers l'autre par tant
d'affinités secrètes — se serrer tous les jours
davantage en montant dans la vie.
Le nouveau venu se fit vite remarquer dans
sa classe. Et dès lors il chemina, de succès en
succès, à travers le programme universitaire,
jusqu'au prix d'honneur de rhétorique.
Au sortir du collège, lesté de fortes études
et caressant déjà tout bas ses aspirations lit-
téraires, il dut, pour obéir à sa famille, pren-
dre ses inscriptions a l'école de médecine de
Rouen. Pendant cinq ans il en suivit sérieu-
sement les cours, et fut deux ans interne à
l'hotel-Dieu sous la direction de l'illustre chi-
rurgien Flaubert, le père même de son ami
Gustave. — Par quels motifs Louis Bouilhet
abandonna-t-il tout à coup cette carrière com-
mencée? Nous ne savons; toujours est-il que
nous le retrouvons peu après professeur de
lettres, et professeur très-estimé des Rouen-
nais.
Dès cette époque, notre poète avait déjà
tous ses cartons bourrés de vers. D'autres se
seraient passé la fantaisie — pleine de tant
de séductions à cet âge — d'écouler le trop-
plein de leurs tiroirs dans quelques-uns des
innombrables canaux dont le journalisme
draine le sol de la publicité. Ses rimes, lues
entre amis, avaient tait grand bruit dans Lan-
derneau. Chacun le poussait à l'imprimerie. U
résista comme toutes les organisations d'ar-
tiste vraiment robustes, il eut ce courage de
ne pas se reconnaître tel qu'il se voulait. Au
lieu de caresser son amour-propre de tous
les triomphes de salon auxquels il eût si faci-
lement atteint, il attendit. Toute l'énergie et
toute la fougue de sa jeunesse se concentrè-
rent, obscures et patientes, dans de nouveaux
travaux, bien personnels cette fois. Peu à peu
les matériaux laborieusement cherchés prirent
une forme dans sa pensée. Deux poëmes s'é-
laboraient.
La Rome antique, arrière-goût de ses études
classiques, devint l'objet de ses premières pré-
dilections. Aux vagues lueurs entrevues de
cette civilisation morte, sa jeune imagination
s'exalta. Il descendit dans toutes les obscu-
rités de l'histoire pour soulever du doigt,
un à un, tous les plis de la toge romaine; et
ce fut alors qu'il écrivit Melœnis, qui parut
en 1852 dans la deuxième Bévue de Paris, que
dirigeaient MM, -Maxime Ducamp, Laurent
Pichat, Cormenin et Théophile Gautier. Toute
la presse salua l'aurore du nouveau poète.
. La dédicace de Melœnis porte le nom de
M. Gustave Flaubert, comme celle de Madame
Bovary—une première œuvre aussi!—portera
1080 BOUI BOUI .
BOUI BOUI
un peu plus tard celui de M. Louis Bouilhet.
Nous parlions tout à l'heure de deux poèmes
en préparation. En effet, à côté de sa pas-
sion pour l'antique, M. Louis Bouilhet avait
Suisé dans ses études médicales, et peut-être
ans ses ressouvenirs du dortoir d'Ingouville,
un goût très-vif pour la nature et ses grandes
manifestations, goût qui se fit surtout sentir
dans le deuxième poëme que, deux années
plus tard, publia encore la Revue de Paris .•
nous voulons parler des Fossiles.
A la suite du succès de son conte romain,
M. Louis Bouilhet avait quitté Rouen pour
venir habiter Paris. Dès lors, les esquisses
matérielles de la vie, et par-dessus tout le
besoin ordinaire à tout esprit supérieur de
tenter des voies nouvelles, tout le poussa
vers le théâtre.
Il y débuta par un grand drame en cinq
actes et en vers .* Madame de Montarcy, joué
E
our la première fois à l'Odéon, le 6 novem-
re 1856. — C'était comme la restitution d'une
langue depuis longtemps perdue pour la
scène. L'ampleur et la sonorité du vers, la
magnificence de l'expression et l'énergie de
la pensée enlevèrent tout d'abord — et de
haute lutte — un succès d'autant plus brillant
que le public attendait moins d'un débutant.
11 y avait tant à louer dans cette pièce, et
ces louanges portaient sur des qualités si
rares et si hautes, que les plus durs aristar-
?
ues ne songèrent pas même à chercher les
aiblesses du draine proprement dit : on s'a-
bandonna au plaisir d admirer sans restriction
et d'applaudir sans réserve.
Ce grand coup frappé, M. Louis Bouilhet,
conscient désormais de sa force, abandonna
Paris et vint isoler ses recueillements dans
le calme d'une petite ville, Mantes-sur-Seine,
qu'il habite encore aujourd'hui.
Voici la liste des pièces qu'il a, depuis, suc-
cessivement fait jouer, avec des chances di-
verses, et dont nous nous réservons de don-
ner plus tard l'analyse et l'appréciation.
Hélène Peyron, drame en vers (Odéon
11 novembre 1858); — l'Oncle Million, co-
médie en vers (Odéon, 6 décembre 18G0); —
DolorèSy drame en vers (Théâtre-Français,
22 septembre 1862); — Faustine, drame en
prose (Porte-Saint-Martin, 20 février 1864);
— la Conjuration d'Amboise, drame en vers
(Odéon, 29 octobre 1866).
Le journal Y Audience, dont nous avons
raconté précédemment l'excentrique histoire,
avait en outre — et dès 1857 —publié de
M. Louis Bouilhet, une comédie en trois actes
et en prose, intitulée : le Cœur à droite. —
Enfin, quand nous aurons signalé une comédie
en cinq actes et en prose, le Sexe faible,
écrite de 1864 à 1865 et encore inédite, nous
en aurons fini avec l'œuvre dramatique ac-
tuel de M. Louis Bouilhet.
En dehors de ses travaux pour le théâtre,
l'auteur de Melœnis a donne en 1858, après
Hélène Peyron, un volume de vers sous ce
titre : Festons et Astragales. On trouve réunis
dans ce recueil, outre les Fossiles, la plupart
des morceaux édités par la Bévue de Paris.
Ajoutons à cette nomenclature de nombreuses
pièces détachées, publiées par la Jievue con'
temporaine, la Revue fantaisiste, et en dernier
lieu par la troisième Revue de Paris, où parut
notamment le poème intitulé l'Amour noir.
Chevalier de la Légion d'honneur depuis
1859, l'auteur d'Hélène Peyron avait été, la
même année, nommé membre de la commis-
sion des auteurs dramatiques instituée, sous
la présidence de M. Foula, ministre d'Etat, à
renet de reviser les statuts de la Comédie-
Française. Seul, M. Louis Bouilhet, sans se
préoccuper du tarif des droits d'auteur en
usage alors à ce théâtre
?
demanda que le
mode de réception des pièces fût modifié.
M. Ed. Thierry, le secrétaire, porta la motion
au rapport, etla commission... passaoutre. On
se sépara sur une de ces demi-mesures qui n'a-
boutissent à rien. Les droits d'auteur furent
augmentés d'un tiers ; mais les comédiens res-
tèrent, comme devant, juges et parties dans
une question où ils'devraient avoir tout au
F
lus voix délibérative : c'est-à-dire dans
appréciation des œuvres présentées. Etmain-
tenant que nous en avons fini avec la nomen-
clature, essayons de déterminer, par quelques
lignes rapides, les caractères généraux du
talent de M. Louis Bouilhet.
L'auteur de Melœnis, des Fossiles et des
Festons nous paraît se rattacher directement
aux traditions de la Renaissance. C'est au
même sentiment profond de la nature qu'il
doit de s'être isolé de toute école philosophi-
que, de toute prédilection religieuse, de tout
ce qui est. la mode ou l'opinion du moment,
pour se frayer un libre chemin à l'écart des
foules moutonnières. — Toutefois, s'il s'est
affranchi des milieux absorbants, ce n'est pas
à dire qu'il soit resté étranger aux idées phi-
losophiques et aux préoccupations modernes.
L'organftation poétique est chez lui si com-
plète, qu'il traite avec un bonheur-égal les su-
jets les plus divers; la souplesse de son talent
se plie a toutes les fantaisies de l'artiste.
Moitié lyrique, moitié élégiaque, son vers est
éminemment descriptif; mais ses descriptions
unt cela de particulier qu'il ne les fait pas,
comme M. Th. Gautier, dans un parti pris de
couleur. On reconnaît bien vite qu'en lui le
poëte a été sous le charme d'un sentiment in-
time et profondément ému ; partout il est si
naturellement pittoresque qu'il ne peut se dé-
fendre de l'être même dans son théâtre, au
beau milieu du drame et jusqu'en plein pa-
thétique. De là le reproche qu'on lui a fait,
après VOncle Million, de n'être pas doué de
l'aptitude dramatique. Chez lui pourtant se
rencontre une vue ferme et droite de l'huma-
nité. — N'est-ce pas déjà un acheminement
vers le théâtre? Or, les autres qualités qui lui
sont propres viennent accroître .encore et
merveilleusement escorter celle-là :1a moin-
dre de ses œuvres témoigne d'une science de
composition peu commune ; il n'est pas une
de ses images qui ne soit de la plus vive
clarté et de la plus stricte justesse. C'est
d'ailleurs surtout par ce parti pris de rectitude
et par ce besoin de précision stricte' qu'il s'é-
carte des errements du romantisme, auquel
il n'emprunte en somme que les haines vigou-
reuses du banal et son robuste mépris du
convenu. Telles sont, résumées à la hâte, les
rares qualités du poëte qui nous occupe. Nous
ferons plus tard ressortir ses défauts au fur
et à mesure que l'analyse de son œuvre en
mettra tous les détails en relief. Quant à pré-
sent, il nous suffit d'avoir dégagé de la foule
cette physionomie sympathique a tous égards.
Venu à une heure néfaste pour la poésie,
M. Louis Bouilhet aurait pu, comme tant
d'autres, forcer à composition sa conscience
d'artiste, et, de concessions en concessions,
descendre jusqu'à ces triomphes banals et lu-
cratifs dont il avait tant d'exemples sous les
yeux. Il n'en a rien fait. Sans s'inquiéter de
savoir si la fortune le suivrait ou non, il a
marché résolument dans sa voie choisie. Il
n'est pas une de ses œuvres où l'on puisse
découvrir l'ombre d'une capitulation de con-
science. Ce seul titre, alors même qu'il ne
serait pas appuyé par un talent hors ligne, suf-
firait, ce nous semble, pour donner à M. Bouil-
het un rang honorable dans les lettres con-
temporaines.
Il passe à travers les alinéas de cet article un
souffle d'admiration qui pourrait faire croire
au lecteur que nous considérons M. Louis
Bouilhet comme l'écrivain, comme le poëte
de génie du siècle. Ce n'est pas là le fond de
notre pensée. D'abord les génies sont deve-
nus très-rares aujourd'hui, et quand, par ha-
sard, quelque phénix de ce genre vient à sur-
gir, il y a, dans notre xix
e
siècle, un je ne
sais quoi de dissolvant qui attaque le fruit
dans son germe. Pour être un homme de gé-
nie , il faut être un homme complet ; or,
M. Louis Bouilhet est un poëte d'une haute
valeur assurément; mais possède-t-il le génie
dramatique au même degré que le génie poé-
tique? La scène, qui ne vit que de grands
mouvements s'enchaînant naturellement les
uns aux autres
}
est-elle son terrain ? En
un mot, chez lui, le charpentier, le drama-
turge, est-il à la hauteur du versificateur, du
ciseleur? Nous ne le pensons pas, et, chaque
fois que nous sortons de la salle où Y aléa d un
de ses drames vient de se décider pour la
première fois, nous nous disons involontaire-
ment et sans intention de parti pris : Voilà
encore un magnifique -prétexte à poésie.
BOUILLABAISSE,
BOUILLABAISSE, BOUILLE-ABAISSE OU
BOUILLE-À-BAISSE s. f. (bou-lla-bè-se ;
Il mil. — de bouillir et abaisser, parce que le
plat doit être retiré du feu après, quelques
bouillons). Art culin. Soupe de poisson affec-
tionnée par les Provençaux : Andréa sembla
prendre son parti, et déboucha bravement les
bouteilles et attaqua la BOUILLABAISSE et la
morue gratinée à lail et à l'huile. (Alex. Dum.)
Il y aura longtemps encore à VEstaque, ce joli
village où les pêcheurs habitent des maisons
blanches avec des contrevents verts, des BOUILLA-
BAISSES et des oursins. (Ad. Carie.)
Pour le vendredi maigre, un jour, certaine abbesse
D'un couvent marseillais créa la bouille-à-baisse.
MÉRT.
On parcourt
La carte, et ce grand nom vous arrête tout court:
Bouille-à-baisse! On ressent des extases intimes.
Car ce plat n'est coté que soixante centimes.
MÉRT.
— Rem. Les écrivains, même ceux qui sont
originaires de la Provence, s'obstinent à faire
ce mot féminin; pourquoi? Il appartient à
•une langue qui ne s'écrit pas, et il est mas-
culin dans cette langue. Nous croyons qu'il
faudrait lui restituer son vrai genre; mais
l'autorité des exemples que nous avons' cités
nous entraîne malgré nous. Rappelons, pour
preuve, qu'il a été publié à Marseille, le lieu
de naissance du bouillabaise, un journal qui
avait pour titre : lou BouillabaUso, et non la
Bouillabaïsso.
— Encycl. La bouillabaisse est une sorte de
soupe au poisson, dans la confection de laquelle
Marseille s'enorgueillit avec quelque raison de
sa supériorité. Nous croyons devoir en indi-
quer ici la recette exacte et prise aux sources
'mêmes. Le fond de la bouillabaisse est formé
d'un poisson un peu gros, tel que le loup (bar)
ou la rascasse, auquel on ajoute plusieurs petits
poissons coupes par morceaux, et choisis parmi
les
r
espèces qui fréquentent les roches sur les
.côtes de la Méditerranée. On met le tout dans
une casserole avec des oignons, quelques
gousses d'ail, du persil, du laurier, du fenouil,
force poivre et sel, safran (une forte pincée),
une tomate coupée en tranches et une bonne
cuillerée d'huile d'olive. On mêle à froid toutes
xes parties constitutives de la bouillabaisse,
en les faisant sauter dans la casserole jusqu'à
ce que toutes aient pris la couleur du .safran.
On ajoute ensuite de l'eau, seulement de ma-
nière à couvrir le poisson, et l'on pose la cas-
serole sur un feu très-vif. Lorsque ce mélange
a bouilli de cinq à dix minutes, on le verse
dans un grand plat sur des tranches de pain
préparées à l'avance.
En Provence, la prédilection pour ce plat
national est poussée jusqu'à la fureur. Les mo-
dernes troubadours de la Provence ont à
l'envi chanté ce mets exquis; mais aucun,
peut-être, n'a atteint la perfection de cette
.boutade que nous devons à la plume humo-
ristique du pofîte anglais Thackeray. Nous
donnons ici la traduction de cet hymne com-
posé en l'honneur de la bouillabaisse, et nous
regrettons que ce morceau piquant n'ait pas
encore inspiré la verve d'un de nos poètes
marseillais :
BALLADEBALLADE DE LA DOUILLABA1SSB.
Il est une rue dans Paris bien connue.
Pour laquelle notre langue n'a point de rime :
Rue Neuue-deS'Petits-Champs, tel est son nom,
TJie new street of the Little Fields;
Et dans cette rue un restaurant ni riche ni doré,
MaÎB cependant bien confortable,
Où j'allais souvent, dans ma jeunesse,
Manger un bol de bouillabaisse.
II
Cette bouillabaisse est un noble mets,
Une sorte de soupe, à la fois potage et boisson,
Un hochepot de toutes sortes de poissons,
Que ne valent point ceux de Greenwich;
[safran,
Des herbes aromatiques, du piment, des moules, du
Des soles, des oignons, des gardons, des vaudoises,
Vous mangez de tout cela dans la bouillabaisse .
Que l'on sert à la taverne de Terré.
III
Ah! vraiment, c'est un riche et savoureux ragoût
Et je pense que de véritables philosophes,
Amoureux des beautés de la nature.
Doivent aimer une telle victuaille, une telle boisson.
Et cordeliers et bénédictins
Doivent lui jeter des regards de convoitise,
Et, les jours maigres, s'estimer bienheureux
Lorsqu'on leur sert la bouillabaisse.
IV
Je serais étonné si la maison existait toujours;
Ma foi, elle y est encore, avec son réverbère devant;
L'accorte et fraîche écaillère
Ouvre encore des huîtres à la porte;
Mais Terré, est-il encore de ce monde?
Je me rappelle sa singulière grimace.
Lorsque, souriant, il venait a votre table
Savoir si vous trouviez bonne sa bouillabaisse.
V
J'entre; rien n'est changé, rien n'a vieilli :
""• Comment va monsieur Terré, garçon, je vous prie?»
Le garçon me considéra en haussant les épaules.
• Monsieur est mort i l y a longtemps.
— C'est le lot commun de notre pauvre humanité,
Et le pauvre Terré n'a fait qu'accomplir son sort.
— Que veut monsieur pour son dîner?
— Est-ce que vous faites encore de la bouillabaisse ?
VI
— Oh! oui, monsieur, toujours, répond le garçon.
Quel vin monsieur désire-t-il?
— Du bon. — Le meilleur que je pourrai, monsieur.
Nous avons un certain chambertin, cachet jaune...
— Ainsi ce pauvre Terré est décédé, dis-je.
Prenant ma place ordinaire dans le coin;
H est parti festoyant et buvant
Le bourgogne et la bouillabaisse. •
VII
Voici mon vieux coin accoutumé;
La table est toujours dans l'angle;
Ah ! plus d'une belle année s'est évanouie
Depuis que je ne me suis assis sur cette chaise.
Lorsque je vous vis pour la première fois, cari luoghi,
A peine un peu de barbe estompait mes joues;
Maintenant c'est un grison, un vieux fantôme
Qui vient s'asseoir ici pour manger une bouillabaisse.
VIII
Où êtes-vous, mes vieux camarades,'
Jadis assis avec mol autour de cette table?
Allons, garçon, vite un vénérable flacon,
Que je leur porte un toast avec ce vieux vin.
Ma mémçire me rappelle aisément
Et leurs voix joyeuses et leurs bonnes figures.
Ils prenaient place autour de cette table,
Et fêtaient tour à tour le vin et la bouillabaisse.
IX
Hélas 1 que ces heureux jours ont passé vite!
Je me souviens d'un temps qui n'est plus,
Bien que je sois assis où j'étais autrefois,
A la même place, mais non pas seul alors.
Une délicieuse créature se tenait a mes cotés,
Sa chère petite figure me regardait toujours,
["qu'à moi.
Sa douce voix me parlait, Bon sourire ne s'adressait
Aucun d'eux n'est plus là pour choquer mon verre.
X
Je bois, puisque le Destin le veut ainsi.
Allons, maintenant que j'ai chanté mes souvenirs.
Remplissons ma coupe solitaire, et vidons-la
A la mémoire de ce cher vieux temps.
Que ce vin soit le bienvenu, quel qu'en soit le cachet.
Asseyons-nous et rendons grâces.
D'un cœur reconnaissant, quel que soit le repas.
Hourra! voici la fumante bouillabaisse.
Voilà une ballade qui fait venir l'eau à la
bouche ; mais... elle est d'un Anglais. Si j'avais
I l'honneur d'être Marseillais et que j'eusse dans
mon jeune âge mangé la bouillabaisse an lieu
de ma prosaïque bouillie bourguignonne, de-
main , pas plus tard, je ferais la chanson,
l'hymne de la bouillabaisse, et puisque Thacke-
ray a jugé à propos de tirer dix strophes de
sa veine anglaise, j'en composerais onze.
Non, non, jamais en France,
Jamais l'Anglais ne régnera.
Demandez donc, MM. les Marseillais, de-
mandez à Pierre Dupont si nous avons besoin
des pipeaux de la perfide Albion pour chanter
nos vins de Bordeaux et de Bourgogne,
Dont ils n'ont point en Angleterre.
BOUILLAISONBOUILLAISON s. f. (bou-llè-zon — rad.
bouillir). Econ. rur. Fermentation du cidro.
BOUILLAGEBOUILLAGE s. m. (bou-lla-je i II mil.—rad.
bouillir). Techn. Opération qui consiste à
faire bouillir : On fait de nouveau sécher tous
les morceaux de baleine, pour leur restituer la
dureté et l'élasticité qu'ils ont perdues par le
BOUILLAGE. (Payen.)
BOUILLAMMENT
BOUILLAMMENT adv. (bou-lla-man — rad.
bouillant). D'une manière bouillante, ardem-
ment, il Vieux mot.
BOUILLANT
BOUILLANT (bou-llan ; Il mil.) part. prés.
du v. Bouillir : Des légumes BOUILLANT à
petit feu.
BOUILLANTBOUILLANT (bou-llan ; Il mil.) part. prés.
. du v. Bouiller : C'est en BOUILLANT l'eau qu'on
empêche le poisson de voir les filets.
BOUILLANT,BOUILLANT, ANTE adj. (bou-llan, an-te;
Il mil. — de bouillir). Qui bout, qui est en
ébullition : De l'eau BOUILLANTE. De l'huile
BOUILLANTE. Du vin BOUILLANT. Saint Jean,
sorti de l'huile BOUILLANTE, fut relégué dans
l'île de Patmos. (Boss.)
— Par exagér. Très-chaud : Prendre son café
BOUILLANT. Il faut envelopper le bonhomme
d'un sinapisme BOUILLANT. (Balz.)
— Fig. Ardent, emporté : Un caractère
BOUILLANT. Il accoutumait, par son exemple^
à la patience dans le travail, sa nation accusée
jusqu'alors de n'avoir qu'un couraqe BOUILLANT
que la fatigue épuise bientôt. (Volt.) Les cœurs
vifs sont BOUILLANTS, emportés, mais tout s'é-
vapore au dehors. (J.-J. Rouss.) Tous les jours
il entretenait de ses grands desseins cette jeu-
nesse
BOUILLANTEBOUILLANTE qui s'attachait à ses pas, et
dont il gouvernait les volontés. (Barthel.) Ce
fut alors que le jeune et BOUILLANT officier eut
besoin de toute sa force pour résister au désir
de violer son serment. (Alex. Dum.) Le carac-
tère des Anglaises est plus BOUILLANT que le
nôtre. (G. Sand.) Le BOUILLANT abbé pensait
involontairement au sire de Joinville s'embar-
quant à Aiguës-Mortes avec saint Louis.
(J. Sandeau.)
La bouillante jeunesse est facile à séduire.
VOLTAIRE.
. . . . . . . . . Une chaleur guerrière
Emporte loin du bord le bouillant Lesdiguière.
UOILEAU.
"Le jeune homme, toujours bouillant dans sesjcaprices,
Est prompt à recevoir l'impression des vices.
BOILEAU.
Il S'emploie souvent avec un complément qui
exprime la cause particulière de l'ardeur, de
l'animation, do la vivacité : Etre BOUILLANT
de colère, d'impatience, de désirs.
Et déjà tout bouillant de vin et de colère.
BOILEAU.
— Qui a quelque chose de vif, de chaud,
d'animé, en parlant du langage : Un style
BOUILLANT.
— Art culin. Pâtés bouillants, Nom que
l'on donnait autrefois aux petits pâtés chauds.
— s. m. Vitic. Variété do raisin.
— Antonymes. Froid, tiède.
BOUILLANTE,
BOUILLANTE, bourg de la Guadeloupe, sur
la côte occidentale de l'île, à 12 kilom. N.-O.
de la Basse-Terre, à l'embouchure de la rivière
qui porte le même nom ; 2,000 hab. Culture de
la canne à sucre, café, coton, manioc. Le sol,
à quelques pieds de profondeur, est brûlant et
laisse exhaler des vapeurs sulfureuses très-
prononcées.
BOUILLARD
BOUILLARD s. m. fbou-llar; Il mil.). Mar.
Nuage qui amène do la pluie : D'épais HOUIL-
LARns'nous annonçaient fa pluie. (Bony.)
— Ornith. Nom vulgaire du chevalier à
pieds rouges.
— Bot. Nom vulgaire du bouleau commun :
Nous nous plaçâmes tous trois à l'ombre d'un
BOUILLARD. (Balz.)
BOUILLARDBOUILLARD (Jacques), dessinateur et gra-
veur français, né en 174-1, travaillait à Pari
et mourut en 1806. Il a gravé,, à l'eau-forte et
au burin : Moïse foulant aux pieds la couronne
de Pharaon, d'après Poussin ; Suzanne au bain,
d'après le chevalier d'Arpino: Sainte Cécile
t
d'après Mignard ; Vénus et l'Amour, d'après
Annibal Carrache; l'Amour taillant son arc,
d'après le Parmesan; Polyphile présenté à
Eleuthéritide, d'après Eust. Le Sueur j Phi'
lippe II et sa maîtresse et Mercure enseignant
à lire à l'Amour, d'après le Titien; quelques
portraits, etc.
BOU1LLARC.UF.S, bourg et commune de
France (Gard), canton, arrond. et à 7 kilom.
E. de Nîmes; pop. aggl. 1,974 hab. — pop. tôt.
2,818 hab. Fontaine d eau légèrement purga-
tive.
BOU1LLART (Jacques),bénédictin delà con-
grégation de Saint-Maur, né à Meulan en 1669
BOUI
mort à P a r i s e n 1726. Il e s t c o n n u s u r t o u t p a r
son Histoire de l'abbaye royale de Saint-Ger-
mam-des-Prés justifiée par des titres authen-
tiques ( P a r i s , 1724 in-fol.). Il d o n n a aussi u n e
s a v a n t e édition d u Martyrologe d ' U s u a r d ,
d'après le m a n u s c r i t a u t o g r a p h e d e l'abbaye
de Saint-Germain-des-Pj*és.
BOUILLAUD
BOUILLAUD (Jean-Baptiste), médeciu f r a n -
çais, n é à A n g o u l ê m e en 1796. R e ç u d o c t e u r
à P a r i s en 1823 e t disciple d e B r o u s s a i s , il a
p o r t é peut-être un p e u loin l'esprit de s y s t è m e
et a b u s é n o t a m m e n t de la s a i g n é e ; mais il
n ' e n reste p a s moins, p a r s e s o u v r a g e s e t p a r
son e n s e i g n e m e n t , a u p r e m i e r r a n g d e s m é -
decins c o n t e m p o r a i n s . I l professe l a clinique
médicale à l'hôpital de-la C h a r i t é . E n 1848, il
r e m p l a ç a Orfîla c o m m e doyen de l a faculté,
mais il d u t se r e t i r e r d e v a n t d e s inimitiés a r -
dentes e t n o m b r e u s e s . D e 1842 à 1846, il a v a i t
r e p r é s e n t é la ville d'Angoulême à l a C h a m b r e
des d é p u t é s , où il siégeait a u côté g a u c h e . On
estime s u r t o u t , p a r m i s e s n o m b r e u x o u v r a g e s :
Traité clinique et physiologique de l'encépha-
lite et de ses suites (1825, i n - 8 ° ) ; Traité cli-
nique et expérimental des fièvres prétendues
essentielles fois, in-8<>)-, Traité pratique, théo-
rique et statistique du choléra-morbus de Paris
(1832); Traité clinique des maladies du cœur
(1835. in-8°) ; Essai sur la philosophie médi-
cale (1836); Clinique médicale de l'hôpital de
la Charité (1837, 3 vol. in-8°) ; Sur l'introduc-
tion de l'air dans les veines (1838); Traité cli-
nique du rhumatisme articulaire (1840, in-8°);
Sur le siège du sens du langage articulé(1839-
1848); Traité de nosographie médicale (1846,
5 vol. in-8°), o u v r a g e capital ; Leçons cliniques
sur les maladies du cœur et des gros vaisseaux
(1853, i n - 8 ° ) ; Du diagnostic et de la curabilité
du cancer (1854); De l'influence des doctrines
sur la thérapeutique (1859). On doit a u docteur
E . Aubertin la publication d e Recherches cli-
niques sur les maladies du cœur d'après les le-
çons du docteur Bouillaud, précédées de considé-
rations de philosophie médicale sur levitalisme,
l'organicisme et la nomenclature médicale, p a r
le d o c t e u r Bouillaud (1855).
BOUILLAUD,
BOUILLAUD, ou p l u t ô t B O B L U À t J ( I s m a ë l ) .
V. BOULLIAU..
BOUILLE
BOUILLE s. f. ( b o u - î l e ; IlmW. — E t y m . i n -
c e r t a i n e ; p e u t - ê t r e d e bouillir, p a r c e q u o c e t t e
p e r c h e p r o d u i t d a n s l'eau u n e s o r t e d ' é b u l l i -
t i o n , y p r o d u i t d e s bouillons). P ê c h . L o n g u e
p e r c h e a r m é e d'une t ê t e e n b o i s ou d ' u n m o r -
ceau d e v i e u x c u i r , d o n t on s e s e r t p o u r
t r o u b l e r e t a g i t e r l'eau, afin q u e l e poisson
se j e t t e d a n s le filet.
— A g t i c . H o t t e d e b o i s l é g e r q u i s e r t , d a n s
le J u r a e t l a H a u t e - S a ô n e , à t r a n s p o r t e r la
v e n d a n g e .
— C o m m . M e s u r e d e c h a r b o n d e bois ou de
b r a i s e , il R o g n o n d e c h a r b o n d e t e r r e .
— A n e . coût. M a r q u e q u ' o n m e t t a i t a u t r e -
fois a u x pièces d e d r a p vérifiées, il D r o i t q u ' o n
payait d a n s l e Roussïllon p o u r faire m a r q u e r
es étoffes.
BOUILLE
BOUILLE (LA), b o u r g de F r a n c e ( S e i n e - I n -
f é r i e u r e ) , c a n t . de G r a n d - C o u r o n n e , a r r o n d .
et à 19 kilom. S.-O. de R o u e n , s u r l a rive
g a u c h e d e ' l a S e i n e ; 652 h a b . P e t i t p o r t ;
p i e r r e à b â t i r . L e village e s t dominé p a r les
r u i n e s d ' u n ancien c h â t e a u , qui, s u i v a n t les
chroniques de N o r m a n d i e , a é t é habité p a r
R o h e r t le Diable ; c e c h â t e a u fut e n partie dé-
moli p a r J e a n sans T e r r e . D a n s l e s e n v i r o n s ,
on r e m a r q u e les c a r r i è r e s d e C a u m o n t e t l a
g r o t t e J a c q u e l i n e , dont les parois s o n t t a p i s -
s é e s d e stalactites qui affectent l e s formes l e s
plus b i z a r r e s .
BOUILLE,
BOUILLE, É E (bou-Ué; Il mil.) p a r t . p a s s .
d u v . B o u i l l e r : Eau B O U I L L É E .
BOUILLEBOUILLE ( F r a n ç o i s - C l a u d e - A m o u r , m a r -
quis D E ) , g é n é r a l français, n é k Clusel (Au-
v e r g n e ) , e n 1739, d'une famille a n c i e n n e ,
m o r t à L o n d r e s e n 1800. Il a v a i t s e r v i d a n s la
g u e r r e de S e p t a n s , g o u v e r n é l a Guadeloupe
et pris p a r t à la g u e r r e d e l ' i n d é p e n d a n c e
américaine. A l'époque d e l a R é v o l u t i o n , il
était g o u v e r n e u r des T r o i s - E v ê c h é s , d e l'Al-
sace e t de l a F r a n c h e - C o m t é , e t g é n é r a l en
chef de l ' a r m é e de M e u s e , S a r r e e t Moselle.
C'est e n cette qualité qu'il r é p r i m a a v e c u n e
énergie cruelle l'insurrection d e N a n c y (1790).
L a f a v e u r de Louis X V I lui fut d è s lors a c -
quise, e t il e n t r a e n c o r r e s p o n d a n c e s e c r è t e
a v e c le m o n a r q u e pour favoriser son é v a s i o n .
Lors de l a fuite de V a r e n n e s , il a v a i t é c h e -
lonné des d é t a c h e m e n t s s u r la r o u t e de Châlons
à M o n t m é d y , mais il d u t l u i - m ê m e s'enfuir à
l ' é t r a n g e r a p r è s l e m a u v a i s s u c c è s de cette
t e n t a t i v e (1791). Il écrivit d e L u x e m b o u r g u n e
l e t t r e pleine d e folles m e n a c e s à l'Assemblée
n a t i o n a l e , i n t r i g u a a u p r è s d e s rois é t r a n g e r s
p o u r les e n g a g e r a u n e i n v a s i o n , qu'il s'of-
frait à guider lui-même, p o r t a les a r m e s con-
t r e s a p a t r i e dans l'armée de Condé, puis dans
celle d u d u c d'York, e t finit p a r s e réfugier
en A n g l e t e r r e (1794). Il a laissé d e s Mémoi-
res sur la Révolution française (1801), é c r i t s
a v e c p a r t i a l i t é , m a i s c e p e n d a n t a v e c u n e b o n n e
foi r e l a t i v e .
BOUILLE
BOUILLE (Louis-Joseph-Amour, m a r q u i s DE),
fils du p r é c é d e n t , n é à S a i n t - P i e r r e de la Marti-
nique e n 1769, m o r t en 1850. I l fut c h a r g é ,
comme aide de c a m p d e son p è r e , d e l a n é g o -
ciation e t de la c o r r e s p o n d a n c e e n chiffres c o n -
cernant l a fuite de Louis X V I , e t a laissé à
ce sujet un Mémoire intéressant.' E m i g r é a v e c
son p è r e , il combattit c o n t r e l a F r a n c e d a n s
le
BOUI
les r a n g s d e s a r m é e s é t r a n g è r e s , r e n t r a e n
1802, p r i t d u s e r v i c e d a n s n o s a r m é e s en
1800, fit l a g u e r r e d ' E s p a g n e c o m m e chef
d ' é t a t - m a j o r d u g é n é r a l S é b a s t i a n i , e t s e
d i s t i n g u a a u x batailles d e C i u d a d - R e a l e t d'AÎ-
m a n a c i d . A l a r e n t r é e d e s B o u r b o n s , il fut
n o m m é l i e u t e n a n t g é n é r a l e n n o n - a c t i v i t é . Il
e s t a u t e u r d e s c o m m e n t a i r e s s u r le Traité du
prince, de M a c h i a v e l , e t s u r Y Anti-Machiavel
d e F r é d é r i c II ; d ' u n e Vie privée et militaire
du prince Henri de Prusse (1809, in-8°) ; d e
Pensées et réflexions morales et politiques dé-
diées à mon fils (1826).
BOUILLE
BOUILLE (François-Marie-Michel, comte
D E ) , p a r e n t du p r é c é d e n t , n é e n 1779. Il éroï-
g r a a v e c s a famille, s e r v i t dans l ' a r m é e a n -
glaise a u x Antilles e t a u C a n a d a , r e v i n t e n -
suite se fixer a u p r è s des Bourbons exilés, e t fut
c h a r g é de d i v e r s e s missions p a r L o u i s X V I I I .
S o u s la R e s t a u r a t i o n , il d e v i n t aide de c a m p
du comte d'Artois, g o u v e r n e u r de la M a r t i n i -
q u e d e 1825 à 1827, enfin p a i r d e F r a n c e .
A p r è s 1830, il d e m e u r a fidèle a u m a l h e u r , s u i -
vit de n o u v e a u les princes d é c h u s dans l'exil, e t
présida a l'éducation du d u c de B o r d e a u x . Il
est m o r t e n 1853. C'est lui qui é t a i t l'auteur
du Chant français, h y m n e national d e la R e s -
t a u r a t i o n et d o n t l e refrain était : Vive le roi!
vive la France!
BOUILLEAUBOUILLEAU s. m . ( b o u - U o ; Il m i l . — r a d .
bouillir), M a r . a n c . Seau d a n s l e q u e l on m e t -
t a i t a u t r e f o i s l a s o u p e d e s forçats.
B O U I L L E - C H A R M A Y s. m . ( b o u - l l e - c h a r -
m è ; II. mil.) C o m m . Etoffe d e soie d e s I n d e s .
B O U I L L E - C O T O N I S S. m . ( b o u - l î e - " k o - t o -
n i s s ; Il m i l . ) . C o m m . S o r t e de s a t i n dos
I n d e s .
BOUILLER,
BOUILLER, v . a. ou t r . ( b o u - l l é : « m i l . —
r a d . bouille). T r o u b l e r avec la b o u i l l e , e n p a r -
l a n t d e l'eau : B O U I L L E R l'eau. Pêcher à
BOUILLER.
— C o m m . M a r q u e r de l a b o u i l l e , e n p a r -
l a n t du d r a p ; B O U I L L E R du drap.
B O U I L L E R I E s. f. ( b o u - l l e - r i ; Il m i l . —
r a d . bouiller.) T e c h n . Distillerie d ' e a u - d e -
vie.
BOUILLEROT
BOUILLEROT ( L o u i s - J o s e p h ) , p r ê t r e e t
écrivain français, n é à T r o y e s e n 1743, m o r t
v e r s 1816. Il devint c u r é de R o m i l l y - s u r -
Seine, e t fit imprimer un g r a n d n o m b r e de
Discours : c o n t r e le duel, pour les p r e m i è r e s
communions, pour le m a r i a g e , s u r les moyens
d'établir la paix e t le b o n h e u r de l a F r a n c e ,
sur la liberté d e s c u l t e s , pour l a bénédiction
d'un d r a p e a u . On lui doit aussi : Pensées sur
les écrivains et tes gens de lettres (1799).
BOUILLEROT
BOUILLEROT (Alphonse), conventionnel. Il
é t a i t président du district de B e r n a y ( E u r e ) ,
q u a n d il fut e n v o y é a l a C o n v e n t i o n , où il
v o t a la m o r t de Louis X V I s a n s sursis ni a p -
pel. E n 1794,. il fut n o m m é d i r e c t e u r d e 1 é-
cole de M a r s , puis c h a r g é d'une mission d a n s
les d é p a r t e m e n t s . P l u s t a r d , il fut é l u a u
conseil d e s Anciens. A l a R e s t a u r a t i o n , il se
vit obligé de se r e t i r e r e n A l l e m a g n e .
BOU1LLET ( J e a n ) , médecin français, n é à
S e r v i a n en 1690, m o r t en 1777.11 fonda l'Aca-
démie de Béziers, de c o n c e r t a v e c de M a i r a n ,
fut p e n d a n t d e l o n g u e s a n n é e s s e c r é t a i r e d e
cette Académie e t c h a r g é d e la publication de
ses p r e m i e r s m é m o i r e s . P a r m i s e s n o m b r e u x
o u v r a g e s , on p e u t citer : Lettre à Penna au
sujet de larhubarbe (1725) ; Sur la manière de
traiter la petite vérole (1733); Eléments de la
médecine pratique, tirés des écrits d'Hippo-
crate et de quelques autres médecins anciens
et modernes (1744-1746, 2 v o l . in-4°); Obser-
vations sur l'anasarque, les hydropisies de poi-
trine et du péricarde (1765, in-4<>) ; Sur la cause
de la pesanteur (1720) ; Avis et remède contre
la peste ( l 7 2 l ) . Bouillet r é d i g e a aussi plusieurs
articles pour Y Encyclopédie, e t des mémoires
e n v o y é s à l'Académie d e s sciences de P a r i s ,
dont il était m e m b r e c o r r e s p o n d a n t .
BOUILLET
BOUILLET ( J e a n - B a p t i s t e ) , géologue e t
m i n é r a l o g i s t e f r a n ç a i s , n é à Cluny ( S a ô n e -
et-Loire) e n 1799. P a r m i ses n o m b r e u x t r a -
v a u x , l a p l u p a r t relatifs à la géologie de l'Au-
v e r g n e , on cite s u r t o u t : Vues et coupes des
principales formations géologiques du dépar-
tement du Puy-de-Dôme (1828-1831) ; Topo-
graphie minéralogique du département du
Puy-de-Dôme (1829, in-8o) ; Coup d'œil sur
la structure géologique et minéralogique du
groupe du Mont-Dore (1831): Itinéraire miné-
ralogique et historique de Clermont-Ferrand
à Aurillac (1832); Description scientifique de
la haute Auvergne (1835, in-8°) ; Catalogue
des espèces et variétés de mollusques terres-
tres et fluviatiles de la haute et basse Auver-
gne (1837) -, Tablettes historiques de l'Auver-
gne, etc. A y a n t s é j o u r n é à C l e r m o n t , Bouillet a
t o r m é u n e r i c h e collection d e m i n é r a u x d e
l ' A u v e r g n e , de fossiles e t de coquillages flu-
viatiles.
-BOUILLET (Marie - N i c o l a s ) , qualifié d e
P h i l o s o p h e f r a n ç a i s p a r le Dictionnaire des
BOUI
contemporains d e M . V a p e r e a u , titre qui n e
nous paraît convenir q u ' à d e s hommes tels
q u e D e s c a r t e s , M a l e b r a n c h e , V o l t a i r e , R o u s -
s e a u , d'Alembert, Diderot, ft M. Cousin p e u t -
ê t r e , e t à b e a u c o u p d ' a u t r e s e n c o r e , mais qui
nous semble u n e e x a g é r a t i o n d'expression, a p -
pliqué à u n professeur de philosophie. R e c -
tifions d o n c : p r o f e s s e u r , historien e t l e x i c o -
g r a p h e français, n é le 5 m a i 1798, à P a r i s ,
d'une h o n o r a b l e famille d ' a r m u r i e r s originaire
de S a i n t - E t i e n n e , m o r t le 28 d é c e m b r e 1864.
Destiné à l ' e n s e i g n e m e n t , le j e u n e Bouillet rit
de fortes é t u d e s à S a i n t e - B a r b e e t à l'Ecole
n o r m a l e . D'abord professeur s u p p l é a n t de
philosophie a u collège d e R o u e n (de c e qu'on en-
tend p a r philosophie dans l ' U n i v e r s i t é ) , puis à
P a r i s aUx c o l l é g e s d e S a i n t e - B a r b e , d e C h a r l e -
m a g n e e t d e H e n r i I V , il d e v i n t s u c c e s s i v e -
m e n t p r o v i s e u r du collège Bourbon (1840) e t
m e m b r e du conseil royal d e l'instruction p u -
blique (1845), fut m i s e n disponibilité en 1848,
puis n o m m é en 1850 conseiller h o n o r a i r e de
l'Université, e t , l ' a n n é e s u i v a n t e , i n s p e c t e u r
de l'académie de P a r i s . Connu d é j à p a r de
n o m b r e u x t r a v a u x , M. Bouillet a s u r t o u t p o -
pularisé son n o m p a r son Dictionnaire uni-
versel d'histoire et de géographie, publié e n
1842, e t qui compte aujourd'hui plus de v i n g t
éditions. C e t o u v r a g e comprend la biographie
(moins les p e r s o n n a g e s v i v a n t s ) , la m y t h o l o -
gie et l a g é o g r a p h i e . Cette d e r n i è r e p a r t i e ,
qui fut j u g é e tout à fait insuffisante d è s la
p r e m i è r e édition, e s t r e s t é e telle dans les sui-
v a n t e s . Cet o u v r a g e e s t une compilation assez
bien faite, m a l g r é s e s l a c u n e s e t s e s e r r e u r s ,
mais qui n e mérite c e r t e s p a s l a vogue e t
l'autorité q u e l u i o n t données l a h a u t e p o s i -
tion de son a u t e u r d a n s l'enseignement, l ' a p -
probation spéciale de l'Université, celle de
l ' a r c h e v ê q u e de P a r i s , enfin l'appui d e s g r a n -
des corporations laïques e t ecclésiastiques q u i
.disposent d e l'enseignement public. L ' a p p r o -
bation du s a i n t - s i é g e m a n q u a i t seule à toutes
les estampilles officielles dont é t a i t r e v ê t u
l ' o u v r a g e , qui m ê m e a v a i t é t é mis à Yindex
pour quelques p a s s a g e s q u i a v a i e n t déplu.
Mais 1 a u t e u r se h â t a de r e m a n i e r son œ u v r e ,
et obtint, p a r s a docilité, l a l e v é e d e l'inter-
dit. On comprend c e q u e p e u t ê t r e u n t r a v a i l
accompli d a n s d e s conditions telles q u e la
vérité de l'histoire e t l'indépendance de l'écri-
vain doivent plier d e v a n t c e r t a i n e s c o n v e -
n a n c e s , c e r t a i n e s conventions a c a d é m i q u e s e t
a u t r e s . L e s notices qui le composent sont r é -
s u m é e s a v e c u n e habileté littéraire i n c o n t e s -
t a b l e , a v e c sobriété e t précision ; m a i s elles
sont superficielles, incolores, s o u v e n t i n e x a c -
tes, e t r é d i g é e s d a n s un esprit s y s t é m a t i q u e -
ment r é t r o g r a d e et a v e c l a plus affligeante
partialité.
E n 1826, M. Bouillet a v a i t publié déjà, sous le
titre de : Dictionnaire classique de l'antiquité
sacrée et profane (2 vol. in-8°), un o u v r a g e qui
peut ê t r e c o n s i d é r è j u s t e m e n t comme le p r e -
mier jalon de la g r a n d e publication de 1842. L ' i -
dée m è r e des deux v o l u m e s de 1826, M. Bouillet
la d e v a i t a u Classical Dictionary de L e m -
p r i è r e , à l'aide duquel c e s deux volumes o n t
été compilés. L e l i v r e d e L e m p r i è r e , e n effet,
n ' a pas seulement servi de modèle à M. Bouillet,
il a fourni le fond m ê m e de l ' œ u v r e , qui a é t é
s e u l e m e n t accommodé à la française. E n c o u -
r a g é p a r l'énorme s u c c è s du Dictionnaire d'his-
toire et de géographie, M. Bouillet a publié,
en 1854, u n Dictionnaire universel des scien-
ces, des lettres et des arts, rudimentaire comme
le p r é c é d e n t , e t n e d e v a n t son s u c c è s , bien
moindre d'ailleurs, qu'au besoin qu'on a d ' a -
voir sous la m a i n c e t t e s o r t e d e collection de
notions c o u r a n t e s , de dates et de faits u s u e l s .
Ce d e r n i e r o u v r a g e , fait a v e c u n e prudence
r e m a r q u a b l e e t u n e circonspection v r a i m e n t
e x e m p l a i r e , n ' a point, c o m m e l'autre, excité à
son apparition, p a r ses hardiesses philosophi-
ques e t r é v o l u t i o n n a i r e s , les m ê m e s c o l è r e s ,
soulevé les m ê m e s scrupules e t les mêmes"
objections; il n ' a point é t é enfin, pour comble
de b o n h e u r , mis à l'index, e t n ' a point c o n -
t r a i n t l'auteur à faire v o y a g e à R o m e . L ' u n
des principaux collaborateurs qui l'ont aidé
d a n s c e s deux volumineuses compilations e s t
le professeur L e g o u e z . P a r m i les a u t r e s
t r a v a u x du laborieux conseiller de l'Uni-
v e r s i t é , il faut citer encore de nombreux a r -
ticles dans Y Encyclopédie moderne, l e Dic-
tionnaire de la conversation, le Supplément de
la biographie Michaud, e t c . ; des éditions a n -
notées d e s œ u v r e s philosophiques de Cicéron
et de S é n è q u e , u n e édition d e s Œuvres de
Bacon, enfin u n e traduction t r è s - r e m a r q u a b l e
des Ennéades de P l o t i n .
Mais l'histoire de l a transformation du Dic-
tionnaire historique est t r o p édifiante pour n e
pas ê t r e r a c o n t é e ici. C'est l'Opinion natio-
nale, 10 février 1866, qui v a s e c h a r g e r d e
cette besogne :
« N o t r e confrère le Siècle publie u n long e t
curieux parallèle e n t r e l e s éditions successi-
v e s d u Dictionnaire d'histoire et de géogra-
phie de Bouillet. Ce livre, qui e s t fort r é p a n d u ,
a subi, e n effet, bien d e s corrections, depuis
vingt-cinq a n s qu'il existe. L e Siècle e n s i -
g n a l e q u e l q u e s - u n e s , q u e n o u s r e p r o d u i s o n s ,
p o u r l'édification d u public.
• O n lit, p a r e x e m p l e , à l'article CALAS :
Edition dt 1842. Edition de iSô9.
Devint In victime du Devint In victime de
fanatisme religieux, funestes préventions.
» L a notice qui c o n c e r n e le t r o p fameux c a r -
BOUI
1081
dînai DUBOIS a v a r i é ainsi qu'il suit d'une é d i -
tion a l'autre :
Edition de 1842.
D'un esprit vif, péné-
trant et astucieux, il
s'appliqua à la fois a
cultiver l'intelligence du
jeune duc et à servir en
secret son goût pour le
plaisir.
Edition de 1839.
D'un esprit, vif, péné-
trant et adroit..., il s'ap-
pliqua a cultiver l'intel-
ligence du jeune d u c ,
mais sans combattre son
goût pour le plaisi:.
» S u r le p a p e J E A N X I I , on lit :
Edition de 1842. Edition de 181S9.
Il livra au bras sécu-
lier, etc.
Il fit brûler vif l'évo-
que deiCahors, qu'il ac-
cusait d'avoir voulu l'em-
poisonner.
• E t s u r J E A N H U S S :
Edition de 18-52. Edition de J839
11 fut, malgré son sauf-
conduit, livré au bras
séculier.
Il fut, selon les lois du
temps, etc.
» L'article s u r m a d a m e DE MAINTENON a été
singulièrement adouci :
Edition de 1842. Edition de 1839.
On lui reproche... d'a-
voir appuyé des mesures
impolitiques.
On lui reproche d'a-
voir fait régner îa bigo-
terie à ta cour, et surtout
d'avoir contribué à la
révocation de l'êdit de
Nantes.
» Au m o t INDULGENCES , on a s u p p r i m é
•cette p h r a s e , qui existait dans l'édition de
1842 :
Mais plus tard les indulgences furent vendues
à haut prix, ce qui donna lieu aux plus grandi
abus...
» Ainsi q u e l a s u i v a n t e :
L'abus fut porté a son comble sous Jules II et
Léon X.
» A u m o t GRÉGOIRE V I I I , on a supprimé c e
qui suit :
Ce pape fit célébrer d'odieuses réjouissances ft
l'occasion du massacre de la Saint-Barthélémy.
• Au m o t I N Q U I S I T I O N , o n a s u p p r i m é l e s
p h r a s e s q u e voici :
Elle ne tarda pas à se répandre sur toute la Pé-
ninsule, et porta dans toutes les provinces la terreur
et la dépopulation Ce tribunal affreux couvrit
bientôt VEspagne de bûchers En moins de qua-
torze ans, ii fit le procès à yhts de 80,000 person-
nes On a calcule que, depuis l'institution du saint-
office ou de la nouvelle inquisition, l'Espagne avait
perdu dans les supplices plus de cinq millions de ses
sujets.
» Voici encore quelques-unes d e s principales
v a r i a t i o n s e n t r e les d e u x éditions mises e n
r e g a r d :
SIXTE IV.
Edition de 1849. Edilion de 1859.
Prit une part active au
complot desPazzi et a la
guerre qui en fut la
suite, persécuta les Co-
lonna et causa ainsi dans
Rome une guerre civile.
Prit part aux événe-
ments qui suivirent à
Florence la conspiration
des Pazzi et y rétablit la
paix après deux ans de
négociations.
SAINT DOMINIQUE.
Opéra un grand nom-
bre de conversions et en-
flammaparsonéloromce
l'ardeur des soldats;
mais on t'accusa d'avoir
quelquefois poussé trop
loin Tardeur de son zèle.
On lui reproche sa
haine pour le christia-
nisme •, mais on doit con-
tenir que jamais elle ne
le porta à aucune vio-
lence contre les chrétiens.
Opéra un grand nom-
bre de conversions par la
seule persuasion ; il ne
prit aucune part d la
guerre, ne voulant d'au-
tres armes que la prédi-
cation, la prière et les
bons exemples.
JULIEN L'APOSTAT.
Ennemi juré des chré-
tiens, il prit contre eux
les mesures les plus vexa-
toircs : s'il n'ordonna pas
une persécution san-
glante, il leur retira tons
leurs privilèges, leur dé-
fendit d'enseigner les bel-
les-lettres, dépouilla leurs
églises, etc.
EUGÈNE IV.
Traversa de tout son
pouvoir le concile de
Bâle, qui travaillait à la
réunion des Eglises d'O-
rient et d'Occident.
Réalisa un moment l'u-
nion des Grecs et des La-
tins.
MONTESQUIEU.
H respecta la religion.
Dans ses Lettres per-
sanes, il n'épargne pas
les choses saintes. h'Es-
prit des lois, bien que
respectueux pour la reli-
gion, respire le déisme ;
aussi ces deux livres sont-
ils condamnés.
JEAN XII (pape).
Il mourut d'un excès I II mourut d'une courte
de débauche. | maladie.
PAUL V (pape).
Il se signala par un [ II canonisa,saint Char-
népotisme effréné. | les Borromée.
VITALIEN (pape).
On lui reproche d'à- Il maintint la disci-
voir penché en secret pline ecclésiastique et
pour l'hérésie des mono- mourut en odeur de sain-
théistes, teté.
VAUDOIS (secte religieuse).
Ils voulaient la réfor- I Ils invectivaient contre
me de la discipline et des les prêtres,
mœurs du clergé. I
AUTO-DA-FÉ.
La cour assistait à ces
affreux spectacles, et U)ic
foule de moines cou-
vraient les cris des vic-
times par des chants sa-
crés.
La cour assistait h ces
affreux spectacles, que le
peuple recherchait avec
avidité.
136
108?
BOUI
BRMBO (le cardinal).
U fut l'amant de Lu- I 11 savait unir les plai-
crôce Borgia. | sirs aux affaires.
LUCRÈCE BORGIA.
Célèbre par sa beauté
et ses dérèglements.
Célèbre par sa beauté"
et .par son esprit.
XIMENÈS (le cardinal),
Il était fanatique et | Il était sévère, mais
cruel. ' I juste.
» Mais voici une de ces corrections où la
complaisance de la nouvelle édition atteint
jusqu'à l'odieux. Il s'agit du jeune et infor-
tuné chevalier de LABARRE, brûlé à dix-huit
ans, pour n'avoir pas salué une procession.
Ce crime judiciaire fut commis à Abbeville,
en 1777, il n'y a pas encore cent ans. Un
matin, un crucifix placé sur un pont fut trouvé
mutilé. On ne put découvrir l'auteur de cet
acte de vandalisme; Labarre, accusé sans
preuves, fut arrêté, condamné et mis à mort;
il n'avait pas dix-neuf ans.
» Voici, sur ce sujet, les deux versions du
Dictionnaire Bouillet :
Le parlement de Paris,
usant d'indulgence, lui
accorda d'être décapité
avant d'être jeté sur le
bûcher. Voltaire, dans un
écrit publié sous le nom
de Casen , a justement
flétri cet acte d'intolé-
rance.
Le parlement de Paris,
usant d'indulgence, lui
accorda d'être décapité
avant d'être jeté sur le
bûcher ; mais il ordonna
en m&tne temps de brâler
avec son corps le Diction-
naire philosophique de
Voltaire, source princi-
pale de son impiété.
n Nous nous abstenons de toute réflexion.
Mais nous ne quitterons pas la plume sans
remercier M. Paul Parfait, l'auteur de l'ar-
ticle du Siècle, d'avoir appelé sur ce point
l'attention publique.
• Nous ne lui avons emprunté que les prin-
cipales de ses citations. Toutefois, il est une
observation qui nous parait manquer à son
travail, dont elle devrait faire la conclusion.
» Cette observation, la voici :
» Le Dictionnaire d'histoire etde géographie
de Bouillet porte sur la première page diver-
ses approbations :
» îo Celle du conseil de l'instruction publi-
que, qui est datée du 22 juillet 1842, et qui par
conséquent se rapporte à l'édition première,
non expurgée. Cette approbation est suivie
de deux circulaires du ministre de l'instruc-
tion publique, c'était alors M. Villemain, qui
recommande itérativement le Dictionnaire de
M. Bouillet aux proviseurs et aux recteurs;
avant les corrections ûi-dessus signalées,
bien entendu ;
« 2° Vient ensuite une approbation de l'ar-
chevêque de Paris, M. Sibour, en date du
28 décembre 1849;
n 3° Enfin le décret de la Sacrée Congréga-
tion de l'Index, en latin, portant approbation
du saint-siége, clôt la page. Il est daté du
22 décembre 1854.
» Au-dessus du Permittitur, on lit ces mots,
en français, et en caractères italiques ;
a Dictionnaire universel, etc., corrigé d'après
» les observations de la Sacrée Congrégation de
» l'Index.
• Ces approbations successives expliquent
les variations d'un livre que l'auteur avait pu
d'abord se flatter d'avoir écrit selon sa con-
science. Elles sont aussi une page d'histoire,
une page instructive de la triste histoire de
notre temps.
» Son dictionnaire mis à l'index, condamné
par le clergé, partant interdit dans toutes les
écoles du gouvernement et autres, il ne res-
tait à l'auteur qu'à se soumettre ou à sa-
crifier un succès qui était une fortune. Notre
époque n'est pas pour les partis héroïques.
I/auteur se soumit. E t des milliers de lecteurs
français ont aujourd'hui entre les mains un
chef-d'œuvre de replâtrage. La vérité s'y
trouve masquée de déguisements dont l'audace
étonnerait, si l'on n'avait sur la première
page le nom de l'auteur véritable : la Sacrée
Congrégation de l'Index, qui les a indiqués et
exiges. »
BOUILLET
BOUILLET { J e a n - H e n r i - N i c o l a s ) , médecin
français, n é à Béziers e n 1729, fils du p r é c é -
dent. On lui d o i t , e n t r e a u t r e s o u v r a g e s :
Mémoires sur l'hydropisie de poitrine et sur
les hydropisies du péricarde, du médiastin
et de la plèvre (1788, in-4°) ; Mémoire sur les
pleuropéripneumonies épidémiques de Béziers
(1759).
BOUILLEURBOUILLEUR s. m. (bou-lleur, Il mil. —
rad. bouillir). Techn. Distillateur d'eau-de-
vie.
— Itfccan. Annexe de la chaudière à vapeur,
dans laquelle l'eau entre en ébullition : Les
BOUILLEURBOUILLEUR s. m. (bou-lleur, Il rail. —
rad. bouille). Pêch. Celui qui se sert de la
bouille pour troubler l'eau.
BOUILLEURSBOUILLEURS communiquent avec la chaudière
par un ou deux tuyaux verticaux. (Laboulaye.)
—Adjectiv. Tubes bouilleurs, Tubes placés
dans une chaudière de machine à vapeur et
qui. constituant la seule communication entre
le foyer .et la cheminée, reçoivent seuls La
chaleur et chauffent l'eau sur une surface qui
se trouve ainsi considérablement accrue :
Les TUBES BOUILLEURS, inventés dans ces der-
niers temps, sont des tubes multiples commu-
niquant entre eux, et qu'on a substitués aux
grandes chaudières, afin d'obtenir un contact
plus étendu de la surface de l'eau avec la
flamme. (P. Ratier.)
BOUILLIBOUILLI S. m. (bou-Uï, Il mil. — rad.
bouillir). Art culin. Viande cuite dans une
quantité d'eau considérable, et qui a servi à
mire du bouillon : BOUILLI de bœuf. BOUILLI
de mouton. L'évéque de Chatons se conten-
tait de son BOUILLI, avec deux petites et gros-
sières entrées. (St-Sim.) Le B'OUILLI est de la
chair moins son jus. (Brill.-Sav.) Du BOUILLI!
BOUI
Personne ne se sert de cette expression; on
demande du bœuf, et point du BOUILLI. (Ber-
choux.) Il vous a, sans doute, ordonné force
rôti? — Non, monsieur, rien que du BOUILLI.
— Eht oui, BOUILLI, rôti, même chose. (Mol.)
Denserade, au lit de la mort et sentant sa fin
prochaine, entendait son médecin recommander
à sa gouvernante de lui donner du BOUILLI.
u Pourquoi du BOUILLI, dit-il alors, puisque je
suis frit ? »
— Antonyme. Rôti.
— Homonyme. Bouillie.
BOUILLIBOUILLI I E (bou-lli, Il mil) part. pass.
du v. Bouillir : Bœuf BOUILLI. Viande BOUIL-
LIE. Légumes BOUILLIS. Il faut, pour subjuguer
et apprivoiser le jeune bœuf, le caresser, lui
donner de temps en temps de l'orge BOUILLIE
et des fèves concassées. (Buff.) On tient pour
règle générale, en administration, que le bœuf
BOUILLIBOUILLI a perdu lamoitié de son poids. (Brill.-
Sav.) Le bœuf BOUILLI ne doit jamais paraître
dans un grand diner. (Boitard.).
— Se dit, dans les manufactures de tabac,
de tout tabac fermenté en noir, mais non
carbonisé.
— Techn. Cuir bouilli, Cuir de vache durci
par le bouillage.
— Fam. Visage de cuir bouilli, Visage à
peau basanée, rude et sèche comme du cuir.
BOUILLIEBOUILLIE s. f. (bou-llî, II mil — rad.
bouilli?*). Art culin. Farine bouillie dans du
lait ou de l'eau, jusqu'à consistance de pâte
plus ou moins épaisse : A Paris, la BOUILLIE
remplace presque, pour les petits enfants, le
lait de la nourrice. La BOUILLIE n'est pas une
nourriture fort saine. (J.-J. Rouss.)
— Par anal. Pâte ayant la consistance or-
dinaire de la bouillie : La boue formait, au
milieu du chemin, une BOUILLIE épaisse.
— Loc. fam. Etre comme de la bouillie,
Manquer complètement d'énergie ou de cou-
rage :
Près do d é l i e il est ainsi que la bouillie.
MOLIÈRE.
[| Faire de la bouillie pour les chats
?
Perdre
son temps, comme quelqu'un qui préparerait
un mets et le laisserait ensuite manger par
les chats' :
Tandis qu'au temple de Thémis
On opinait sans rien conclure,
Un chat vient sur les fleurs de lia
Etaler aussi sa fourrure.
• Oh! oh! dit un des magistrats,
Ce chat prend-il la compagnie
Pour conseil tenu par les rats?
— Non, reprit son voisin tout bas;
C'est qu'il a flairé la bouillie
Que l'on fait ici pour les chats. •
BACHAUMONT.
U S'en aller en bouillie, Se dit de la viande
qui est trop cuite et n'a plus la fermeté con-
venable.
— Dans les environs de Calais, Boisson ai-
grelette que l'on obtient en faisant fermenter
de la farine dans de l'eau.
— Techn. Pâte de chiffons préparéo pour
la confection du papier et du carton.
— Homonyme. Bouilli.
— Encycl. Après le pain, la forme sous la-
quelle on mange le plus communément les
farineux, c'est la bouillie; il y a même des
pays'où ce dernier aliment est le plus usité.
On peut établir comme une règle générale que
le grain le plus propre à la boulangerie est
celui qui fournit la bouillie la plus lourde et
la plus visqueuse. Le froment, qui sert à pré-
parer le meilleur pain, donne la bouillie la
moins saine ; pour la rendre moins indigeste,
il faut la tenir quelque temps sur le feu, jus-
qu'à ce qu'elle n'exhale plus l'odeur de colle
de farine qui lui est particulière. Le sarrasin,
le maïs, l'orge, le riz et même l'avoine four-
nissent des bouillies délicates. Celle que l'on
prépare avec le maïs est la plus estimée et la
plus généralement répandue en Europe. Elle
porte différents noms : au midi de l'Europe,
on l'appelle polenta; miliasse ou cruchade,
dans nos départements de l'Ouest; enfin gaude
dans la Bourgogne et la Franche-Comté.
«Pour préparer la polenta, dit Parmentier,
on met de 1 eau dans un chaudron, et, dès
qu'elle bout, on prend la farine de maïs, qu'on
verse peu à peu et qu'on remue sans disconti-
nuer. Lorsque la totalité est employée, elle ne
tarde pas a prendre de la consistance, et à
adhérer au fond ; alors il faut l'agiter dans tous
les sens. Quinze ou vingt minutes après, on
verse cette bouillie sur une table couverte
d'une nappe, autour de laquelle toute la fa-
mille se rassemble pour rrianger la polenta :
cette manière simple de la préparer est celle
du peuple. On l'étalé dans les boutiques, sur
des tables, et on la vend à la livre. Les gens
riches ont trouvé le moyen de faire avec cette
bouillie des mets de luxe et de fantaisie; ils y
emploient souvent pour excipient de l'ail, du
lait d'amandes, et, pour assaisonnement, du
sucre, de l'eau de fleurs d'oranger, des écor-
ces de citron et de bigarades. Quand la po-
lenta est ainsi préparée, on la coupe encore
par tranches très-minces, de l'épaisseur de
deux lignes; on étend ces tranches dans une
casserole, en mettant du fromage de Parme-
san et du beurre à chaque couche, et, par-
dessus du poivre, du girofle et de la cannelle
en poudre. »
La préparation de la miliasse ou cruchade
est à peu près la même que celle de la polenta;
elle a seulement un peu moins de consistance,
BOUI
de sorte qu'il faut la servir dans des assiettes
et la manger avec la cuiller. La miliasse qu'on
a l'intention de garder est mise dans des cor-
beilles garnies de toile, et saupoudrée de fa-
rine ; le lendemain on la coupe par tranches
plus ou moins épaisses; on mange ainsi ces
tranches, ou bien, on les fait chauffer sur un
gril, ce qui leur donne une espèce de croûte
et augmente leur saveur.
Les gaudes se préparent d'une façon un peu
différente. Le grain doit toujours être torréfié
dans un four, avant d'être réduit en farine.
Cette farine est mise ensuite dans un chau-
dron et mélangée avec du lait dans la propor-
tion de un kilogramme de farine pour chaque
litre de lait. On fait bouillir le tout, générale-
ment pendant une demi-heure. Les gaudes
étaient jadis un mets recherché; on les servait
sur les tables des riches comme sur celles des
pauvres. Elles étaient en si grand honneur
parmi les domestiques qu'une de leurs condi-
tions, avant de s'engager, était qu'on leur
donnerait des gaudes à déjeuner.
On s'est élevé avec raison contre l'usage de
la bouillie pour les enfants. Telle qu'elle est
habituellement préparée par des nourrices,
c'est un aliment très-indigeste, surtout lors-
qu'elle est faite avec de la farine de froment
et qu'elle n'est pas assez cuite. Les panades
un peu claires, les soupes au lait, les potages
légers conviennent bien mieux à ces petits
êtres dont les organes sont encore si faibles
et si délicats.
Tous les médecins ne partagent pas l'opi-
nion que nous venons d'exprimer sur la bouil-
lie de froment. Plusieurs pensent qu'elle est
la meilleure de toutes au point de vue de l'a-
limentation des enfants; mais ils veulent que
cette bouillie ait un degré de cuisson conve-
nable, et ils disent qu'elle ne convient pas aux
enfants dont le tempérament est lymphatique
ou qui sont élevés dans les grandes villes, dans
les lieux humides, dans les habitations où le
soleil pénètre peu; quant aux enfants vigou-
reux, élevés à la campagne, on peut, selon
ces médecins, les nourrir sans inconvénient
de bouillie de froment cuite à point.
Bouillie d o l a c o m t e s s e B c r i b c , COnte p a r
Alexandre Dumas. Bien des lecteurs s'étonne-
ront en voyant un conte d'enfant signé du nom
de notre amusant romancier, et craindront de
l'entendre bégayer la bouche pleine de cette
bouillie. Qu'ils se rassurent; qu'ils ouvrent le
livre, et, dès la première page, l'eau leur en
viendra a la bouche, tout comme aux petits
enfants, et ils se rappelleront le mot de La
Fontaine : « Si Peau d'âne m'était conté, j ' y
prendrais un plaisir extrême. » L'excursion
d'Alexandre Dumas dans les champs de la
jeunesse a produit un petit chef-d'œuvre. Mo-
rale, instruction, récréation, telle est la devise
dont l'auteur s'est inspiré pour raconter une de
ces légendes que la vieille Allemagne s'est
plu à attacher a tous ces antiques châteaux,
dont le temps, comme dit le poëte, a endetté
les créneaux dans le Rhin. La comtesse Berthe
du Rosenberg, après avoir offert une bouillie
au mil à tous les serviteurs qui avaient tra-
vaillé à la reconstruction de son château, obli-
gea, par un acte, ses descendants à donner
tous les ans à leurs vassaux une bouillie en
souvenir d'elle. Le château est pris par les
ennemis, et nous assistons aux mésaventures
du général Dominik, qui, ayant refusé d'obéir
à la coutume, voit le miracle des noces de
Cana se renouveler pour lui, mais au rebours ;
son vin se change en eau. Les alouettes qu'il
va manger s'envolent et vont tomber toutes
rôties dans la bouche des paysans, d'où le
proverbe : « Il croit que les alouettes vont lui
tomber toutes rôties dans le bec. » Mais ses
tribulations ne sont rien auprès de celles du
chevalier Hans de Wartburg, qui a voulu
tourner en ridicule l'institution de la comtesse
Berthe. Provoqué en duel par le çénie protec-
teur du château, ce chevalier géant, malgré
sa jactance et sa grande épée, est obligé de
demander grâce à deux genoux à son adver-
saire, un petit nain de six pouces, armé seu-
lement d'un fouet. Le vainqueur le renvoie
habillé en vieille femme, avec une quenouille
enchantée, qui lui tape sur les doigts chaque
fois qu'il veut mentir. Pendant ce temps, le
chevalier Torakl, petit-fils de Berthe, coura-
geux, pieux et vertueux, apaise les génies et
devient l'époux de sa cousine, devant laquelle
Hans de Wartburg n'ose plus se présenter.
L'auteur, pour mieux, faire pénétrer les
germes de la vertu dans l'âme des enfants, a
personnifié le courage, l'obéissance et la mo-
destie d'un côté ; de l'autre, la lâcheté, l'insou-
mission et la vanité, qui sont récompensées
selon leurs œuvres. Le conte est ingénieux,
spirituel, simplement raconté, et ne s'élève
jamais au-dessus de la portée d'un enfant.
Lorsqu'on répète qu'Alexandre Dumas n'est
qu'un grand enfant, il semble que l'on songe à
la Bouillie de la comtesse Berthe. L'écri-
vain s'est baissé pour tendre la main aux en-
fants, et, plus heureux que Hans de Wart-
burg
1
, il ne reçoit de ces petits nains que des
remerciements et des baisers. Ils seraient pres-
que tentés de lui offrir la moitié de leur tar-
tine, tant il a su se familiariser avec eux ï
BOUILLIER
BOUILLIER (Francisque), philosophe fran-
çais, né a Lyon en 1813. Elève de l'Ecole
normale, il fut reçu le premier à l'agrégation
de philosophie (1837), et, après avoir passé son
doctorat (1839), il fut appelé à la chaire de
I philosophie de la Faculté de Lyon. Doyen de
BOUI
cette Faculté depuis 1841, correspondant de
l'Institut et membre de l'Académie de Lyon,
M. Bouillier a été nommé en 1865 inspecteur
général. Il a donné une Histoire du cartésia-
nisme, qui a été couronnée par l'Académie des
sciences morales et politiques en 1841, et qu'il
a développée dans Histoire et critique du car-
tésianisme (1842). On a encore de lui: Théorie
de la raison impersonnelle (1845, in-8°); His-
toire de laphilosophie cartésienne (1854,2 vol.
in-8°), le plus important de ses ouvrages; Du
principe vital et de l'âme pensante ou Examen
des diverses doctrines spéciales et psychologi-
ques (1862, in-8°), livre dans lequel il a repris
avec un remarquable talent de dialecticien la
thèse de Stahl, et où U se déclare partisan de
l'animisme. Outre des traductions de la Reli-
gion dans les limites de la raison, de Kant
(1S42, in-12), et de la Méthode pour arriver à
la vie bienheureuse, de Fiente (1845, in-8°),
M. Bouillier a publié divers articles dans la
Liberté de penser et dans le Dictionnaire des
sciences philosophiques.
BOUILLIRBOUILLIR l'eau avant d'y plonger la viande.
(Cruveilhier). u Entrer en fermentation : Le •
vin
BOUILLIRBOUILLIR v. n. ou intr. (bou-llir, Il mil.
— lat. bullire, même sens. — Je bous, tu
bous, il bout, nous bouillons, vous bouillez, ils
bouillent; je bouillais, nous bouillions; je
bouillis, nous bouillîmes ; je bouillirai, nous
bouillirons; je bouillirais, nous bouillirions;
bous, bouillons, bouillez; que je bouille, que
noxts bouillions; que je bouillisse, que nous
bouillissiom ; bouillant ; bouilli). S'agiter en
bouillons, en petites bulles, par l'effet de la
chaleur, en parlant des liquides ou de toute
matière liquéfiée : Faire HOUILUR de l'eau.
Mettre de Veau BOUILLIR. L'eau bout à 100 de-
grés, l'èlher à 35. L'eau BOUT dans le vide à
toutes les températures. Une nation en révolu-
tion est comme l'airain quiuouTet se régénère
dans le creuset. (Danton.) / / faut avoir le
soin, quand on veut préparer une viande succu-
lente, savoureuse et nourrissante, de faire
BOUTBOUT dans la cuve.
Du frêle arbuste où bout la noble sève
La moindre fleur parfume au loin les airs.
_ BÉRANOER.
— Par ext. Cuire dans un liquide qui bout :
La viande BOUT. Le bœuf commençait à BOUIL-
LIR. Les Arabes et les Indiens emploient les
durs noyaux du fruit du palmier, après les
avoir fait BOUILLIR, à la nourriture de leurs
chameaux. (B. de St-P.) il Contenir un li-
quide qui bout : La marmite BOUT. La cuve
BOUILLAIT. Je les suivais partout et leur servais
d'assistant, en attendant que j'eusse assez
d'expérience pour contribuer à faire BOUILLIR
leur marmite, qui ne se renversait jamais. (Le
Sage.) A chaque coin d'une grande cheminée,
BOUILLAIENT,BOUILLAIENT, sur deux réchauds, deuxr casse-
roles d'où s'exhalait une double odeur de gibe-
lotte et de matelote, qui réjouissait l'odorat.
(Alex. Dum.) Une grosse chaudière de cuivre
y
BOUILLAITBOUILLAIT jour et nuit. (V. Hugo.)
— Par exagér. Etre brûlant, être très-
chaud : J'ai la fièvre, la tète me BOUT.
— Fig. Etre animé, emporté, tourmenté :
BOUILLIR
BOUILLIR de colère, d'impatience. Quand je vis
ce friponneau de gendarme offrir son bras, je
me sentis BOUILLIR. (E. About.) Le sang ne me
BOUTBOUT que pour les vers. (Volt )
Il trépigne d'ardeur, il bout d'impatience.
DELILLE-
Vous vous ddmenez fort, mon oncle; qu'avez-vous?
— Qu'est-ce que j'ai? moi? Rien. Que puis-je avoir?
[Je bous.
E . AUOIER.
Elle est charmante! elle est charmante! elle est
[charmante!
Mon cœur bout, ma main Urûle et ma tête fermente.
E. AUOIEK..
— Loc. fam. Faire bouillir le sang, faire
bouillir la cervelle, faire bouillir, Animer, im-
patienter, irriter : C'est à FAIRE BOUILLIR LE
SANG dans les veines. Cela me FAIT BOUILLIR.
Voilà de ces idées qui FONT BOUILLIR LA CER-
VELLE. (Beaumarch.) Je vous admire, toi et
ton sang-froid... Une pareille attaque me
FERAIT BOUILLIR LE SANG dans les veines.
(Scribe.)
— Faire bouillir le pot ou la marmite, Con-
tribuer à faire vivre : J'ai reçu une petite
gratification, cela FERA BOUILLIR LE POT.
— Prov. Il n'est bon ni à rôtir ni à bouillir,
Il n'est bon à rien, comme une viande qui ne
peut être accommodée d'aucune manière, il
Si la mer bouillait, il y aurait bien des pois-
sons de cuits, 11 ne faut pas chercher à pré-
voir tous les accidents possibles et les mal-
heurs qu'ils entraîneraient avec eux : Ah! si,
si, si si LA MER BOUILLAIT, IL Y AURAIT
BIEN
BIEN DES POISSONS BE CUITS.
— v. a. ou t r . Laisser plongé dans l'eau
bouillante : Il fit un effort surnaturel, un ef-
fort de faux-monnayeur qu'on va BOUILLIR, et
qui tâche de s'échapper. (V. Hugo.)
— Fam. Bouillir du lait à quelqu'un, Faire
quelque chose qui lui soit agréable
7
qui soit
de son goût, comme une tasse de lait chaud :
Vanter ta voix de ce chanteur, c'est lui BOUIL-
LIR DU LAIT. Colbert mort, et Pelletier contrô-
leur général de la façon de M. de Louvois, le
roi lui donne ordre de chasser Desmarets et de
lui faire une honte publique : c'était BOUILLIR
DU LAIT à une créature de Louvois. (St-Sim.)
Il Le traiter en enfant : Allons, à mon âge, il
n'est plus besoin de me BOUILLIR DU LAIT; par-
lez sérieusement.
BOUILLITOIREBOUILLITOIRE s. m. et f. (bou-lli-toi-re.
BOUI
BOUT
BOUT
BOUI 1083
Il mil — rad. bouillir). Techn. Botiillage,
dans un liquide spécial, des métaux qu'on
veut blanchir, et particulièrement des flans
de monnaie que Ton veut décrasser, il Nom
générique des liqueurs dans lesquelles on
plonge les objets de cuivre que l'on veut ar-
"genter par le procédé de l'argenture au
pouce : Les BOUILLITOIRES s'obtiennent en ren-
dant le chlorure d'argent soluble dans l'eau,
au moyen de chlorures alcalins et de sel am-
moniac. (J. Girardin.)
BOUILLOIR
BOUILLOIR s. m. (bou-lloir, Il mil — rad.
bouillir). Vase dans lequel on opère le bouil-
litoire.
BOUILLOIRE
BOUILLOIRE s. f. (bou-lloi-re, Il mil —
rad. bouillir). Vase de métal destiné à pré-
parer l'eau chaude nécessaire aux usages du
ménage : J'ai essayé de faire du café dans une
POUILLOIRB à haute pression. (Brili.-Sav.) Au-
près d'un bon feu bien flambant, devant lequel
frémissait une immense BOUILLOIRE d'eau
chaude, destinée à parfaire le punch, le thé ou
le café, ils causaient longuement de voyages.
(E. Sue.) Elle mit une BOUILLOIRE devant le
feu, tout en préparant le vulnéraire qu'elle
avait annoncé. (F. Soulié.)
BOUILLON
BOUILLON s. m. (bou-llon, II mil — rad.
bouillir). Bulle gazeuse qui se forme dans un
liquide et qui vient éclater à la surface : Cette
eau s'échauffe, et l'on commence à y remarquer
quelques légers BOUILLONS. Retirez ce liquida
après quelques BOUILLONS. L'air enfermé sous
les vagues y produit une multitude de BOUIL-
LONS.
— Par ext. Flot do liquide bouillonnant :
Là, on n'entendait jamais que le chant des oi-
seaux ou le bruit d un ruisseau qui tombait à
gros
BOUILLONSBOUILLONS pleins d'écume. (Fén.)
Le sang à gros bouillons sort de sa bouche impure.
. . . . . . . . Mes yeux ont vu son sang
Sortir à gros bouillons de son généreux flanc.
CORNEILLE.
Sur la plaine liquide
S'élève à gros bouillons une montagne humide.
RACINE.
Son sang, a gros bouillons, de son corps élancé,
Vengeait le sang français par ses ordres versé.
VOLTAIRE. •
— Fig. Accès, effervescence d'une passion
quelconque : Les BOUILLONS de l'âge, de la
colère, de la passion : Toi qui connais tant de
remèdes, n'en as-tu point quelqu'un pour gué-
rir cette fougue, ce BOUILLON de sang? (Fén.)
J'ai ressenti les BOUILLONS du patriotisme, jus-
qu'au plus violent emportement. (Mirab.)
... D'un sang un peu chaud modérant les bouillons,
N'oublions pas tous deux devant qui nous parlons.
MOLIÈRE.
Ses esprits ont calmé leurs bouillons trop ardenls,
Sa prudence est active et ses transports prudents,
DELILLB.
Le jeune homme, inquiet, ardent, plein de courage,
A peine se sentit des bouillons d'un tel âge,
Qu'il soupira pour le plaisir.
LA FONTAINE.
Il Vie, mouvement, animation : On saisit bien,
dans cette phrase impétueuse et un peu tumul-
tueuse, le BOUILLON de la source jaillissante.
(Ste-Beuve.)
— Cost. Plis bouffants d'une étoffe : Les ru-
bans y formaient des BOUILLONS pressés.
— Archit. hydraul. Bouillon d'eau, Jet
d'eau peu élevé et abondant : On avait ter-
miné Vallée par un BOUILLON D'EAU.
— Techn. Bulle de gaz emprisonnée dans
une masse de verre : Les BOUILLONS, qu'on
appelle aussi BULLES , sont l'imperfection la
plus ordinaire du verre;ils proviennent le plus
souvent d'un mauvais affinage, ou, si l'on veut,
de ce que le verre n'a pas été porté à une fu-
sion bien complète et assez soutenue. (Male-
peyre.) il Bulle d'air enfermée dans un corps
quelconque solidifié : Cette fonte est pleine de
BOUILLONBOUILLON de tortue. BOUILLON aux herbes. On
joint au BOUILLON des légumes ou des racines,
pour en relever le goût. (Brill.-Sav.) Le gruau
d'avoine en BOUILLON est un excellent aliment.
(Maquel.) Le grand Corneille, au lit de mort,
n'a pas de quoi se procurer du BOUILLON.
(Fourier.) Un provincial, nouvellement arrivé à
Paris, entre dans un restaurant et se fait ser-
vir un BOUILLON gras. En posant le bol sur la
table, le garçon en répand une partie sur l'ha-
bit neuf du consommateur. «Maladroit! s'écrie
celui-ci. — Monsieur, répondit froidement le
garçon, notre BOUILLON ne tache pas.*
Un apprenti serviteur de l'Eglise
Tres-versé dans l'art de Vergo,
Se présentant pour avoir la prêtrise,
A toutes questions lâchait un distinguo.
L'évêque, fatigué de sa vaine science,
Alors lui demanda, croyant qu'il dirait non,
Si l'on pouvait en certaine occurrence
Baptiser avec du bouillon?
• Monseigneur, répondit le diseur de bréviaire,
J'y trouve encore une distinction :
Avec votre bouillon, cela ne peut se faire;
Mais je croirais le baptême fort bon
Fait avec le bouillon de votre séminaire. »
n Certaine quantité du même aliment, que
l'on prend ordinairement en une fois : Pren-
dre un BOUILLON. Demander un BOUILLON.
L'une chauffe un bouillon* l'autre apprête un remède.
BOILEAU.
Qui lui porte un bouillon trop doux ou trop salé
D'auprès de sa personne est sûr d'être exilé.
BOURSAULT.
il Régime alimentaire exclusivement com-
posé du même aliment : Etre au BOUILLON.
Etre mis au BOUILLON. 5e mettre au BOUILLON.
— Bouillon coupé. Bouillon affaibli par
l'addition d'un autre liquide.
— Fam. Grande pluie, et, en général,
grande quantité d'eau : Le temps se couvre,
il y aura du BOUILLON.
— Loc. fam. Boire un bouillon, Eprouver un
échec, faire quelque mauvaise affaire : Il a
BOUILLONS,BOUILLONS, il Petite éminence, comme empré-
sentent quelquefois les poteries composées, et
qui provient de ce que des bulles de gaz se
trouvent enfermées entre la pâte et la gla-
çure : Les BOUILLONS sont des accidents qui se
produisent dans plusieurs circonstances, et
tiennent à diverses causes. (Salvétat.) Il Fil
métallique écaché et tourné en rond, n Can-
netille plate et luisante, à l'usage des passe-
mentiers, n Dégraissage des laines que l'on se
propose de teindre. Il Bain de mordant, em-
ployé dans les opérations de garançage. il
Donner un bouillon, Amener, par une passe,
l'étoffe à l'état de tissu mordancé.
— Chir. Petite excroissance en forme de
bouton, au milieu d'un ulcère.
— Art vôtér. Excroissance charnue qui so
forme soit à la fourchette ou à côté, soit dans
une plaie.
— Pêch. Banc de harengs, parce qu'on le
distingue aux bouillons qu'il produit.
— Aliment liquide, qu'on obtient en faisant
bouillir dans l'eau de la viande ou des légu-
mes, mais plus spécialement de la viande de
bœuf : BOUILLON gras. BOUILLON maigre.
BUBU UN fameux BOUILLON, H S'emploie souvent
seul, sans être accompagné du mot boire : Il
brisa convulsivement le cachet, et, à sa grande
surprise, lut un refus net, en style d'éditeur
mécontent, qui appelle chat un chat, et un suc-
cès manqué un BOUILLON. (G. Sand.) Le métier
est rude à la Bourse, sans parler des soucis et
des BOUILLONS. ( F. Mornand.) Il Bouillon
d'onze heures^ Breuvage empoisonné : Il a
pris, on lui a donné un BOUILLON D'ONZE HEU-
RES, il Bouillon pointu, Lavement, à cause de
la forme de l'appareil d'introduction :
Le meilleur looeh et le meilleur topique,
C'est un bouillon pointu. FESTEAU.
— Bouillon du sabbat, Nom donné, dans les
livres de sorcellerie, au bouillon que les sor-
cières boivent au sabbat, et qui leur donne
le pouvoir de prédire l'avenir, de voler dans
les airs et de Taire des sortilèges. Voici com-
ment elles préparent ce bouillon, qui a des
propriétés si merveilleuses: elles font bouillir
des enfants noirs et de la chair de pendus,
elles y joignent des poudres magiques, du
millet noir, des grenouilles; puis elles ava-
lent la potion, en disant : « J'ai bu du t y m -
panon, et me voilà professe en sorcellerie. »
Après ces paroles magiques, toutes les forces
cachées de la nature sont soumises à leurs
ordres.
— Ane. coût. Quart bouillon, Sel que l'on
obtenait, en Normandie, en faisant bouillir
dans l'eau des sables du rivage, et dont un
quart était prélevé pour les greniers du Toi.
Il Pays de quart bouillon. Dans le langage de
l'administration, Contrée de la basse Nor-
mandie où l'on se livrait à cette industrie.
— Techn. Evaporation de l'eau salée, par
des appareils de chauffage, dans le but d'en
précipiter le sel. H Sel de bouillon, Le sel ob-
tenu par ce procédé.
— Méd. Bouillons médicinaux, Bouillons
préparés d'une façon particulière et admi-
nistrés comme remèdes.
— Hortic. Engrais liquide qui sert à arro-
ser les plantes dont on veut activer la végé-
tation, et qui se compose de crottin de mou-
ton infusé dans une petite quantité d'eau.
Voici, à propos du mot bouillon, une anec-
dote charmante que nos lecteurs liront avec
plaisir, et que le chancelier Letellier aimait à
raconter dans sa vieillesse, toutes les fois
qu'il parlait de François de Lorraine, duc de
Guise, surnommé le Balafré. Il disait la tenir
de son grand-père, qui la lui avait souvent
racontée. « M. de Guise avait épousé une
princesse de Clèvesveuve du prince de Por-
céan. Elle était belle, vivait dans une cour
fort élégante, et on l'accusait de n'être pas
insensible à la passion de Saint-Mégrin. Un
jour que la reine Catherine de Médicis don-
nait une fête où toutes les dames devaient
être servies par des jeunes gens de la cour,
qui portaient leurs livrées, M. de Guise pria
sa femme de n'y point aller, en l'assurant
qu'il était persuadé de sa vertu, mais que le
monde parlant d'elle et de Saint-Mégrin, il
fallait le faire taire. Mme de Guise lui dit
qu'elle ne pouvait pas désobéir à la reine, qui
lui avait dit d'y aller, et de fait elle y alla.
La fête dura jusqu'à six heures du matin,
qu'elle revint chez elle ; mais, à peine était-elle
couchée, qu'elle vit entrer dans sa chambre
M. de Guise, suivi d'un seul maître-d'hôtel,
qui portait un bouillon. Il ferma la porte
?
s'ap-
procha du Ht, et d'un ton sévère lui dit :
a Madame, vous ne voulûtes pas faire hier
» au soir ce que j e souhaitais; vous le ferez
D présentement 1 Les divertissements vous ont
» échauffée, il faut prendre ce bouillon-c\. »
Mm
e
de Guise se mit à pleurer, et demanda
un confesseur, ne doutant point que ce ne fût
du poison. Elle était seule, M. de Guise par-
lait en maître ; il fallut obéir. Dès que le bouil-
lon fut avalé, il la laissa enfermée dans sa
chambre. Trois heures après, Vêtant venu re-
trouver : t Madame, lui dit-il, vous avez passé
» une nuit assez désagréable, et j'en suis
n cause... Jugez de toutes celles que vous
» m'avez fait passer plus désagréablement
» encore 1 Mais rassurez-vous, vous en serez
» quitte pour la peur. Je veux, bien croire que
» j'en suis quitte à aussi bon marché. Mais
» ne nous en faisons plus l'un à l'autre, je
» vous en prie, n
— Epithètes. Gros, épais, pressés, agités,
écumeux,écumants, impétueux, retentissants,
rapides, blanchissants.
— Encycl. L'étude du bouillon appartient à
la fois : à l'art culinaire, qui nous enseigne le
mode de préparation qui lui convient; à la
chimie, qui nous apprend sa composition et
nous explique comment les éléments nutritifs
de la viande s'incorporent à ce liquide ; à la
physiologie et à l'hygiène, qui nous font con-
naître le mode d'action de cette .substance
alimentaire sur l'économie animale; enfin, à
la thérapeutique, qui considère le bouillon
comme un aliment réparateur et en véhicule
de diverses substances médicamenteuses.
— Préparation du bouillon. La préparation
du bouillon est vulgairement connue. Le bouil-
ton de viande se fait de la manière suivante: on
dépose dans une marmite remplie d'eau froide
une certaine quantité deviande proportionnée
à la force qu on veut donner au bouillon; on
porte le liquide à l'ébullition, et l'on maintient
cette ébuliition jusqu'à ce que la viande soit
cuite. On se sert, pour cette préparation, de
diverses viandes : le bœuf, le veau, le porc,
le mouton, le pigeon, les volailles de basse-
cour et le gibier de plume, le cheval, le cor-
beau , la tortue, et divers poissons. La
nécessité a même forcé les hommes à em-
ployer à cet usage des viandes empruntées
aux espèces animales les plus inférieures,
aux mollusques particulièrement. Le bouillon
maigre se fait avec les légumes des potagers,
auxquels on associe du beurre. Les viandes
peuvent être employées seules ou mêlées à
d'autres viandes ou à des légumes ; ces bouil-
lons mixtes sont toujours préférables au goût,
mais, parmi ceux-ci, le oouillon gras ordi-
naire, ou bouillon de bœuf, est le plus com-
mun et le plus estimé. On emploie à sa pré-
paration la viande de bœuf, saine et fraîche,
quelquefois associée à celle du porc, du veau,
de la volaille, etc.; la proportion est de trois
livres de viande pour quatre litres d'eau. On
ajoute ordinairement des os, ainsi que des
herbes et racines potagères communes :
choux, carottes, navets, panais, poireaux, etc. ;
divers condiments, tels que le sel marin, le
laurier, les clous de girofle; une substance
colorante, l'oignon brûlé ou le caramel, et
enfin, on prolonge l'ébullition, à feu doux,
P
endant sept à huit heures. Un bouillon de
ceuf, préparé dans ces conditions, constitue
la préparation culinaire la plus communément
servie sur nos tables sous le nom de pot-au-
feu. Si l'on pousse l'ébullition jusqu'à réduc-
tion au tiers du liquide, on obtient le con- •
sommé; dans cette préparation, on ajoute
souvent une poule demi-rôtie, ce qui donne
F
lus de saveur au bouillon, et dispense de
emploi de la matière colorante. Enfin, si l'on
fait cuire les viandes à l'abri de toute eva-
poration et à une température très-élevée,
dans l'autoclave (v. ce mot), on obtient un
bouillon qui a dissous une plus grande quan-
tité de substances nutritives, et a pu même
dépouiller les os de la plus grande partie de
leur gélatine. Dans la préparation ordinaire,
la viande doit être placée dans l'eau froide;
celle-ci doit être amenée lentement à l'ébul-
lition, laquelle doit être modérée pendant
toute la durée de la préparation, pour des
raisons que l'on exposera plus bas.
On trouve depuis quelque temps dans le
commerce des tablettes de bouillon solides,
et les industriels qui les vendent prétendent
qu'il suffit d'en faire dissoudre une certaine
quantité dans l'eau chaude pour se procurer
instantanément d'excellent bouillon. Nous n'en
avons jamais goûté, et jusqu'à ce qu'une
expérience personnelle ait détruit nos doutes,
nous préférerons toujours le bouillon qu'on fait
par la méthode ordinaire, dût-on nous accuser
de nous laisser influencer par une vieille rou-
tine. Ces tablettes sont sans doute préparées
à l'aide de l'autoclave, et contiennent un peu
de suc de viande et de la gélatine en excès.
Or l'on connaît le succès de ces philanthropes
économes, qui avaient inventé le bouillon d'os.
Ce bouillon, assurément, n'était pas malfai-
sant j il jouissait même d'un goût agréable.
Aussi lesdits philanthropes se frottaient-ils
joyeusement les mains : ils avaient trouvé le
moyen de fournir aux indigents... sans bourse
délier, d'excellent bouillon. Cet excellent bouil-
lon n'avait, hélas! qu'un inconvénient : il
manquait absolument de tout principe nutritif.
Il a fallu revenir à l'ancienne méthode. Quel
dommage ! C'est le cas de rappeler l'adage si
connu : que pour faire un civet, il faut pren-
dre un lièvre.
— Caractères du bouillon. Préparé confor-
mément aux règles ordinaires et générale-
ment suivies par les bonnes ménagères, le
bouillon se présente sous l'aspect d'un liquide
plus dense que l'eau, d'une légère coloration
jaune roussàtre (alors même qu'on n'y a pas
ajouté de substance colorante), ou de cou-
leur plus foncée s'il a été caramélisé, de sa-
veur très-agréable et en même temps salée,
d'une odeur caractéristique qui réjouit a l'a-
vance l'estomac des affamés, de même qu'elle
provoque les dégoûts de certains malades
auxquels répugne la nourriture. A la surface
du liquide, on voit nager une quantité plus ou
moins grande de globules gras; ce sont les
yeux du bouillon. A la chimie, maintenant,
d'expliquer la composition complexe de ce li-
quide alimentaire.
Le bouillon n'est autre chose qu'une décoc-
tion de viande; c'est un liquide qui doit con-
tenir tous les principes solubles on séparables
que peuvent céder, àla température de l'ébul-
lition, la chair des animaux et les légumes
potagers. La viande, ou chair musculaire des
animaux, est composée en presque totalité
de fibrine musculaire; c'est l'élément fon-
damental de la fibre des muscle». On y
trouve encore des vaisseaux plus ou moins
remplis de sang, du tissu cellulaire, et du
tissu adipeux ou substance grasse enfermée
dans ses aréoles. Autour de ces éléments so-
lides règne constamment un liquide com-
plexe, qui baigne la fibre musculaire. Ce li-
quide est composé d'eau, tenant en dissolu-
tion des principes immédiats azotés, dont les
plus connus sont la créatine, la créatinine,
l'acide inosique et l'acide lactique. Ajoutons
encore la potasse, la soude et la magnésie,
unies en proportions variables aux acides
lactique et inosique. La composition des os
est moins complexe : ils sont formés d'une
substance animale azotée, l'osséine, et d'une
notable proportion de sels minéraux insolu-
bles. Les légumes potagers, enfin, sont exclu-
sivement composés d'une substanoe fonda-
mentale, la cellulose, qui renferme dans les
mailles de son tissu diverses matières en
partie solubles, telles que l'albumine végétale
et les matières extractives. Comment agit
l'eau bouillante sur ces divers principes?
Les ménagères, sans se rendre compte des
phénomènes chimiques qui accompagnent la
préparation du bouillon de viande, n'ignorent
cependant pas les règles que la pratique et
l'expérience ont sanctionnées, et s'y confor-
ment scrupuleusement, à peine d'échouer
dans leur opération. Elles savent, par exem-
F
le, qu'il importe de placer la viande dans
eau froide, et d'amener lentement cette eau
à l'ébullition j si elles agissaient différemment,
si elles plaçaient, par exemple, la viande dans
l'eau déjà bouillante, l'albumine se coagule-
rait instantanément, et, fermant toutes les
issues, empêcherait les principes solubles de
sortir au dehors. Dans une bonne prépara-
tion, au contraire, l'albumine du sang et l'hé-
matosine, qui en est le principe colorant, et
qui, au premier moment, communique à l'eau
une teinte rouge, se coagulent avec lenteur,
au fur et à mesure que la température s'élève,
forment un coagulum à mailles serrées, qui
s'élève lentement par sa légèreté spécifique
et entraîne toutes les impuretés qui adhé-
raient à la viande. Dans ce coagulum, le lec-
teur reconnaît facilement l'écume dont on
a soin de débarrasser le pot à mesure que la
préparation s'avance.
Cependant les principes azotés se dissol-
vent et donnent au bouillon sa saveur, sa cou-
leur et son arôme. Le tissu cellulaire de la
chair se dissout aussi en partie, à l'état de gé-
latine, tandis qu'une autre partie reste em-
prisonnée dans les fibres de la vîande, mais
ramollie, gélatineuse et contribuant à conser-
ver au résidu une certaine mollesse, qu'il per-
drait promptement sans cela. Il en est de
même de la substance grasse; une partie seu-
lement est entraînée mécaniquement par le
mouvement tumultueux de l'ébullition et la
chaleur du liquide; le reste se maintient dans
des interstices celluleux et demeure attaché
à la viande. En somme, ce que dissout le li-
quide, c'est une matière azotée albuniinoTde,
sapide, odorante, colorée, et que Thénard
avait appelée autrefois osmazôme. Le mot
osmazôme a, depuis, été rejeté de la science;
les chimistes n'y voient qu'un mélange com-
plexe, contenant à l a fois la créatine, la créa-
tinine, les inosates et lactates alcalins, une
portion dissoute de gélatine et d'albumine.
Telle est l'action de l'eau bouillante sur la
viande : elle en dissout une partie et laisse
pour résidu la fibrine insoluble.
Quant aux os, une très-petite portion seu-
lement de l'osséine a été dissoute à l'état de
gélatine. De leur côté, les légumes ont cédé
à l'eau un peu d'albumine végétale, diverses
substances solubles, les matières gommeu-
ses, le sucre, et des substances aromatiques
volatiles, qui se dissipent en partie pendant
l'ébullition. Joignons à ces matières quel-
ques substances encore mal définies, em-
pruntées soit à la viande, soit aux légumes,
et qui modifient l'odeur ou la saveur du bouil-
lon; joignons-y l'ammoniaque, qui paraît pro-
venir d un commencement de décomposition
des substances azotées ; enfin, un principe
soufré, qui pourrait aussi prendre naissance
dans une décomposition partielle des sub-
stances azotées sulfurées, et nous aurons une
idée complète de la composition du bouillon.
Quant au résidu, ce sont les os et les légu-
mes, très-imparfaitement privés de leurs pro-
duits solubles, et enfin le bouilli, c'est-à-dire
la viande privée d'une partie de ses principes
solubles, réduite à 20 pour 100 de son poids
environ, et constituant une substance alimen-
taire assez riche encore en principes nutritifs
pour être employée dans l'alimentation ordi-
naire. Sa composition diffèrecependantde celle
de la viande crue tout autant que de la viande
frite, rôtie, etc. C'est-un mélange de fibrine
coagulée, de tissu cellulaire gélatinisé, d'élaïne,
de stéarine et de la matière grasse cérébrale.
Toutes ces matières sont, d'ailleurtf, rendues
1084 BOUT BOUT BOU1 BOUI
plus sapides par la proportion de bouillon qui
imprègne leur tissu.
— Bouillon considéré comme substance ali-
mentaire. Si nous considérons le bouillon de
viande comme substance alimentaire, nous
comprendrons facilement la prédilection dont
il est l'objet dans l'alimentation journalière,
et la préférence qu'il mérite dans celle des
convalescents, des personnes dont l'estomac
est faible et délicat ou des malades même.
M. Chevreul, après avoir obtenu 4 litres de
bouillon avec les substances suivantes :
kil. gr.
Bœuf l 433
Os 0 430
Sel marin o 040
Eau 6 000
Légumes 0 331
a trouvé la densité de ce bouillon égale h
1,013e ; puis, en ayant soumis l litre à l'ana-
lyse, il a obtenu ;
gr. cent.
Eau 985 60
Matières organiques. . . . 16 917
Sels solubles il 263
En résumé, le bouillon contient environ
un douzième de son poids de substances so-
lubles,non compris les matières suspendues
au sein du liquide. Ces proportions, variables
du reste avec le degré de concentration du
bouillon, nous montrent que ce liquide est tout
à fait apte à nous offrir, sous un volume res-
treint, un degré élevé de nutritivité. En ou-
tre de ce premier avantage, l'état liquide des
substances dissoutes constitue la condition la
plus favorable'à l'action des sucs digestifs
de l'estomac et de l'intestin, de sorte que le
bouillon est un aliment à la fois très-nutritif
et très-digestible. Ainsi s'expliquent les phé-
nomènes surprenants auxquels donne lieu
l'administration d'une simple tasse de bouillon
à un malheureux mourant d'inanition; c'est
le spectacle d'une véritable résurrection au-
quel on assiste, et rien ne saurait donner une
meilleure idée de l'efficacité nutritive et de
la rapidité d'absorption qui appartiennent au
bouillon de viande. Malgré cette expérience
décisive et presque journalière, quelques mé-
decins contestent les qualités nutritives du
bouillon, quelques peuples même répugnent
à en user, et les Anglais, notamment, nous
qualifient dédaigneusement de buveurs d'eau
chaude, comme si l'eau chaude pouvait être
dédaignée par des buveurs de thé ! Mais lais-
sons de coté les questions de susceptibilité
nationale, qui n'ont que faire ici, et revenons
au bouillon.
Le bouillon ne contient que des substances
grasses et des substances albuminoïdes; les
substances amylacées n'y sont représentées
que par quelques substances gommeuses ou
sucrées, empruntées en grande partie aux
légumes potagers. L'usage est donc d'asso-
cier le bouillon à diverses matières féculen-
tes, comme le pain, les pâtes, le vermicelle,
la semoule, le tapioca, etc., et d'en faire
ainsi un aliment complet. V. ALIMENT.
— Bouillon d'os ou bouillon à la Darcet.
Darcet s'était proposé la solution de ce pro-
blème : fabriquer des bouillons riches en prin-
cipes nutritifs, mais empruntés à des substan-
ces de faible valeur. La conséquence en était
de réaliser une économie très-notable dans
les hôpitaux, et de pouvoir consacrer les
viandes de boucherie a la confection de rô-
tis, mets plus appétissants et plus riches que
le bouilli en substances nutritives. Pour pré -
parer le bouillon de Darcet, on traitait des
os par l'acide chlorhydrique, afin de dissoudre
les parties salines; on lavait ensuite la sub-
stance animale qui demeurait comme résidu,
et on la faisait cuire avec une faible quantité
de viande. Cette substance animale des os
n'est autre chose que l'osséine ; elle se sépare
en effet de la substance osseuse par l'action
des acides dilués, et, sous l'action de l'eau
bouillante, se transforme en gélatine soluble
dans l'eau, et fournissant ainsi un bouillon
gélatineux. Darcet a proposé également
d'employer les solutions gélatineuses qu'on
obtient en faisant agir la vapeur d'eau sur les
os de bœuf ; enfin, on a également employé
l'autoclave à cette fabrication; mais tous ces
bouillons économiques n'ont pas réalisé les
espérances qu'ils avaient fait concevoir.
La question, toutefois, n'est pas encore en-
tièrement vidée aujourd'hui. La gélatine est-
elle, oui ou non, une substance nutritive ?
Quelques physiologistes, entre autres Donné
et Magendie, lui dénièrent toute propriété ali-
mentaire. Donnée seule, à titre d'aliment, à
des animaux carnivores, elle laissait dépé-
rir ceux-ci, et, agissant plutôt à la façon d un
médicament que d'un aliment, elle passait
presque tout entière dans les urines et les
déjections fécales. Cependant, les expérien-
ces furent reprises par Edwards et Balzac, et,
plus, récemment, par Bischof et Voït. Ces
expérimentateurs établirent ce fait, que la
gélatine n'est pas entièrement privée de pro-
priétés nutritives. Employée seule dans 1 ali-
mentation, elle conduit, il est vrai, à l'inani-
tion, mais c'est le cas de toute substance
azotée em ploy ée seule ; associée, au con-
traire, à une certaine quantité de viande, elle
est, en grande partie du moins, absorbée et
transformée par l'acte digestif, à l'instar des
autres substances albuminoïdes.
— Bouillon économique. Cette question du
bouillon économique trouve peut-être une solu-
tion satisfaisante dans la préparation suivante :
MM. Lefèvre et Vincent, ayant fait hacher
500 grammes de viande cuite, qui avait déjà
servi à fabriquer un premier bouillon, ont
soumis cette viande à la coction pendant deux
heures, avec deux litres d'eau, 100 grammes
de carottes et un peu d'oignon ; ils ont obtenu
ainsi 800 grammes d'excellent bouillon. Le
résidu était, bien entendu, de la viande ré-
duite à l'état de charpie et impropre a tout
usage alimentaire ultérieur; on avait tiré
de la viande toute la substance nutritive
qu'elle était en état de donner.
— Bouillons médicinaux. Les bouillons sont
employés en médecine à titre d'aliments re-
constituants; mais on emploie, sous le nom
de bouillons médicinaux
ï
des préparations
ordinairement moins nutritives que le bouil-
lon de bœuf. Ce sont souvent des viandes
blanches qui sont employées à faire ces bouil-
lons : le veau, le poulet, les écrevisses, les
colimaçons. lisse préparent par décoction à
feu nu, ou quelquefois au bain-marie; cepen-
dant, si on y ajoute des herbes médicinales
ou autres substances végétales, fraîches ou
sèches, celles-ci doiventêtre traitées par infu-
sion. Le bouillon de bœuf est l'élément le plus
essentiel du régime des convalescents ; mais
il importe de savoir que les bouillons trop lé-
gers sont moins facilement digérés et plus
lourds en raison de la proportion d'eau trop
considérable qu'ils renferment. Les dyspepti-
ques supportent ordinairement le bouillon, en
petite quantité, avec plus de facilité que d'au- •
très aliments, et beaucoup de ces malades
sont réduits à en faire leur nourriture exclu-
sive pendant un certain laps de temps. Le
bouillon par infusion, ou thé de bœuf, est une
préparation très-usitée en Angleterre, et dont
les mauvais estomacs s'accommodent assez fa-
cilement. On fait le thé de bœuf en laissant in-
fuser de petits morceaux de viande de bœuf,
bien dépouillée des tendons, aponévroses et
matières grasses, dans une certaine quantité
d'eau bouillante. L'infusion refroidie est dé-
cantée et servie aux malades. On verse quel-
quefois, pour aider à la macération, quelques
gouttes d'acide chlorhydrique sur la viande,
après l'avoir hachée. Le bouil&n de veau con-
tient peu de substance nutritive et fatigue
rapidement l'estomac. Il s'emploie plutôt
comme tisane, sous le nom d'eau de veau. Le
bouillon de poulet est bien moins nutritif que
le bouillon de viande de bœuf, mais il est
très-digestible et convient parfaitement aux
estomacs faibles et délicats, aux convales-
cents et aux petits enfants que l'on commence
à alimenter. Le bouillon pectoral est un bouil-
lon de poulet avec raisins secs, amandes dou-
ces, salep, dattes, jujube et cerfeuil. On le
fait prendre aux malades atteints de bron-
chites et d'inflammation du poumon. Les bouil-
lons de mou de veau, de chou rouge, de coli-
maçons, de tortue, de grenouille, sont employés
dans les mêmes cas. Le bouillon de Nauche
appartient à la même catégorie ; il se fait
avec la cervelle de veau, le chou rouge, le
navet, la carotte et le cresson, et s'admini-
stre en boisson dans la journée, coupé avec
du lait ou du sirop de gomme. Le bouillon
d'herbes est très-communément employé avec
l'eau de veau, comme adjuvant des prépara-
tions purgatives et laxati'ves. Il se fait avec
de l'oseille, de la laitue, de la poirée, du cer-
feuil, que l'on fait cuire avec une certaine
quantité d'eau; on y ajoute ensuite du beurre
et du sel. Le bouillon de vipères, le bouillon
d'écrevisses et le bouillon de cloportes sont des
préparations appartenant aux anciennes phar-
macopées et tombées aujourd'hui en désué-
tude.
BOUILLON
BOUILLON [Bullio et Bullionum), ville
de Belgique, eh.-l. de cant.
?
prov. de Luxem-
bourg, arrond. et à 30 kilom. S.-O. de Neuf-
château, sur la Semo}', dans une gorge des
Ardennes; 4,500 hab. Place forte défendue
par un château fort, ancien château des ducs
de Bouillon, qui servit de prison d'Etat sous
le premier Empire. Tanneries, huileries, fabri-
ques de draps; commerce de bétail, de tan et
de ferronnerie. Cette ville était, au xie siècle,
le ch.-l. d'une seigneurie, démembrement du
comté de Boulogne. Le chef de la première croi-
sade, Godefroy, fils d'Eustache de Boulogne,
portait le titre de duc de Bouillon, en sa qua-
lité d'héritier de son oncle, qui avait eu ce
duché en apanage ; mais il le vendit, en 1095,
à l'évêque de Liège, afin de subvenir aux frais
de son .expédition d'Orient. Au xvc siècle, les
seigneurs de LaMarck, princes de Sedan, s'en
emparèrent; maïs ils furent contraints par
Charles-Quint de remettre Bouillon aux évê-
ques de Liège. En 1552, Henri II s'en rendit
maître, et, par le traité de Cateau-Cambrésis,
il le remit à la maison de La Tour-d'Auvergne,
qui y avait acquis des droits par le mariage
de Henri de La Tour-d'Auvergne, père de Tu-
renne, avec l'héritière de la maison de La
Marck. Mazarin se retira au château de Bouil-
lon,en 1631. LouisXIVpritcettevilleen 1676,
et, après la paix de Nimègue, rendit aux
descendants de Turenne le duché de Bouillon,
qui fut possédé par cette famille jusqu'à la
Révolution. En 1814, le territoire de Bouillon
fut donné aux Pays-Bas.
BOUILLON
BOUILLON (Robert DE LA MARCK, duc DE),
maréchal de France, né vers 1520, mort en
1556. Descendant du fameux de La MARCK.,
surnommé le Sanglier des Ardennes, il se rît
d'abord connaître sous le nom de seigneur
de Fleuranges et reçut le surnom de Jeu»*
Aventureux. Grâce à son mariage avec une
fille de Diane de Poitiers, il eut tout crédit à
la cour, et fut nommé en peu de temps capi-
taine de cent-lances, capitaine de ceut-suisses
de la garde, maréchal de France et membre
du conseil royal. Après la prise de Metz en
1552, il obtint du roi des troupes pour reprendre
le duché de Bouillon, dont Charles-Quint
s'était depuis longtemps emparé et qu'il avait
ajouté aux domaines de l'évêque de Liège.
Son expédition réussit pleinement. Robert,
désigné depuis cette époque sous le nom de
maréchal de Bouillon
?
fut mis au nombre des
ducs français par le roi, qui lui donna en même
temps la lieutenance générale de Normandie.
Mais, dès l'année suivante (1553), la fortune,
qui jusqu'alors avait comblé le duc de Bouillon
de ses faveurs, l'abandonna. Chargé de dé-
fendre la ville d'Hesdin attaquée par les im-
périaux, qui avaient à leur tête Philibert, duc
de Savoie, Robert de Bouillon fit preuve
d'une rare intrépidité, et, pendant un siège
meurtrier, ne cessa de payer de sa personne.
Toutefois, il lui fallut capituler, car il fut
instruit qu'une mine pratiquée par les assié-
geants allait faire sauter la ville. Pendant
qu'il était en pourparlers pour rendre Hesdin,
les impériaux firent jouer la mine, et ses
effets furent tellement destructeurs, que la
ville engloutit soùs ses ruines une partie de
ses défenseurs et de ses habitants. Le duc de
Bouillon, fait prisonnier, fut jeté dans un
cachot, traité avec la dernière rigueur, et,
en 1556 seulement, on consentitàlui rendre la
liberté, moyennant une rançon de 100,000 ôcus.
Ne pouvant trouver une pareille somme sans
vendre une partie de ses domaines, le duc de
Bouillon obtint de sortir de prison, mais à la
condition que sa femme et sa fille serviraient
d'otages pendant son absence. Il revint en
France, où il mourut presque aussitôt d'un
poison violent qu'on lui avait fait prendre.
BOUILLON
BOUILLON (Henri DE LA TOUR-D'AUVER-
GNE, duc DE), maréchal de France, né en 1555,
mort en 1623. Elevé par son grand-père, le
connétable de Montmorency, il fut d'abord
connu sous le nom de vicomte de Turenne. Il
n'avait pas dix-huit ans, lorsque Charles IX
lui donna une compagnie de trente lances,
avec laquelle il prit part au siège de La Ro-
chelle; puis il embrassa le calvinisme, s'at-
tacha au duc d'Anjou, se rangea bientôt après
dans le parti du duc d'Alençon et des mécon-
tents, qui le nommèrent lieutenant général en
Guyenne, et se déclara pour Henri, roi de
Navarre, en 1576. Homme de guerre et diplo-
mate, il se bat, négocie, prend part aux con-
férences des protestants, défend Montauban
contre le maréchal de Montmorency, défait le
duc de Mercœur, se conduit brillamment à la
bataille de Coutras, est nommé lieutenant
général de la Guyenne et du haut Languedoc
(1589), et, lors de l'avènement de Henri IV, il
reçoit de celui-ci le titre de premier gentil-
homme de la chambre. Jusqu'alors ardent
calviniste, il est le premier à engager le roi à
abjurer, à lui conseiller de s'emparer de Paris,
puis il se rend successivement à Londres, en
Allemagne et en Hollande, dû H entame des
négociations avec les princes protestants, et
d'où il revient avec une armée.
En 1591, il épouse Charlotte de La Marck,
" qui lui apporte en dot le titre et le duché de
Bouillon, s'empare de Stenay, et reçoit peu de
temps après le bâton de maréchal (1592). Sa
femme étant morte en lui laissant tous ses biens,
Henri de Bouillon se remaria bientôt avec Elisa-
beth, fille de Guillaume d'Orange. Mis à la tête
de l'armée royale en Normandie (1593), il battit
le grand maréchal de Lorraine, n'eut pas
moins de succès dans divers engagements en
Picardie et en Champagne, fut chargé, en
1596, d'une nouvelle mission près d'Elisabeth,
et conclut avec l'Angleterre un traité d'al-
liance contre l'Espagne. Il prit également part
au mariage de Marie de Médicis avec Henri ï V;
mais, compromis dans la conjuration deBiron,
il se retira à Sedan, refusa de venir rendre
compte de sa conduite (1603), et passa dans le
Palatinat pour être plus en sûreté. Toutefois,
grâce à l'entremise de Jacques 1er d'Angle-
terre et de Marie de Médicis, le duc de Bouil-
lon fit sa paix avec Henri IV.
Après l'assassinat de ce prince, Henri de
Bouillon mena plus que jamais une vie d'agi-
tation et d'intrigues. Il fit partie du conseil de
régence, devint un des principaux chefs du
parti calviniste, contribua à l'élévation du
maréchal d'Ancre et à la disgrâce de Sully,
I et se prononça à plusieurs reprises tantôt
J pour, tantôt contre Ja reine mère, selon que
! son ambition trouvait avantage à se rappro-
cher de la cour ou à seconder les mécontents.
Négociateur habile, il fut envoyé en Angle-
terre (1612) en qualité d'ambassadeur extraor-
dinaire, et parvint à conclure le mariage de la
princesse d'Angleterre avec son neveu l'élec-
teur palatin, qu'il réussit plus tard à faire
élire roi de Bohême. Homme de guerre reniar-
3
uable, il fut mis, en 1615, à la tête de l'armée
es princes révoltés, s'empara d'Epernay et
de Méry-sur-Seine, et fut déclaré rebelle et
criminel de lèse-majesté ; mais la paix ne tarda
pas à être faite. Il revint alors à la cour, et
engagea fortement .Louis XIII à se rappro-
cher de la reine mère. Lorsque l'assemblée de
La Rochelle décida une prise d'armes générale,
en 1621, elle nomma pour généralissime le duc
de Bouillon, qui refusa et mourut deux ans
après. Joignant à de brillantes qualités un
esprit inquiet, ambitieux et turbulent, Henri
de Bouillon ne joua dans l'Etat, faute d'unité
de vues et de conduite, qu'un rôle secondaire.
Il était très-instruit, aimait et encourageait les
sciences et les savants. Il fonda dans Sedan
une Académie, ainsi qu'une riche bibliothèque,
et donna des pensions à Pierre Dumoulin, à
Ferry, à Cappel, etc. Enfin il a laissé des
Mémoires, dont la première partie a été pu-
bliée à Paris (1666, in-12). De son mariage
avec la princesse d'Orange, il avait eu deux
fils, dont l'un prit le titre de duc de Bouillon,
et dont l'autre fut le grand Turenne.
BOUILLON
BOUILLON (Frédéric-Maurice DE LA TOUR-
d'AuviiRGNE, duc DE ) , né à Sedan en 1605,
mort en 1652, était fils aîné du précédent. Il
eut pour précepteur, ainsi que son frère Tu-
renne, le savant calviniste Tilénius, et il avait
à peine dix-sept ans lorsqu'il devint, par suite
de la mort de son père, duc de Bouillon et
prince de Sedan. Ce fut en Hollande, sous les
ordres de son oncle le prince d'Orange, qu'il
fit ses premières armes. Lors du siège de
Bois-le-Duc, en 1629, il réussit par un hardi
coup de main à battre et à faire prisonnier le
chef d'un corps d'Espagnols qui venait ravi-
tailler la place. Il ne se distingua pas moins,
en 1632, au siège de Maéstricnt, dont il fut
nommé gouverneur, et, deux ans plus tard, il
empêcha cette ville de tomber aux mains des
Espagnols. Bouillon entra, en 1635, au service
de la France avec le grade de maréchal de
camp, et prit part au siège de Bréda,en 1637.
En 1641, de concert avec le comte de Sois-
sons, il résolut de faire tomber Richelieu du
pouvoir, se joignit aux Espagnols et combattit
les Français, qu'il culbuta et mit en déroute à
la bataille de la Marfée; mais, après cette
victoire, il se vit abandonné par les Espagnols,'
se retira à Sedan et fit sa paix avec le roi.
Devenu lieutenant général en 1642, il prit le
commandement de l'armée française en Italie ;
mais, compromis dans le complot de Cinq-
Mars, il fut arrêté, emprisonné à Lyon
;
et
peut-être eût-il subi le dernier supplice, si sa
femme, comprenant l'étendue du péril, n'était
accourue à Sedan et n'avait déclaré qu'elle
livrerait cette ville aux Espagnols si son mari
n'était rendu à la liberté. Cette menace eut le
résultat attendu. Richelieu fit sortir de prison
son ennemi, qui, en 1644, quitta la France,
passa en Italie, abjura le protestantisme et
reçut le commandement des troupes du pape.
De retour en Franco en 1649, le duc de Bouil-
lon se déclara contre Mazarin, et se jeta dans
le parti de la Fronde, qu'avait embrassé son
frère Turenne. Sa femme et sa sœur furent
mises à la Bastille; il fut lui-même déclaré
rebelle et ennemi de l'Etat; ses biens furent
confisqués par arrêt (1G50), et il se vit con-
traint de'faire sa soumission l'année suivante;
mais, pour rentrer en grâce, il dut céder au
roi les principautés de Sedan et de Raucourt,
en échange desquelles Louis XIV lui donna
les duchés-pairies d'Albret et de Château-
Thierry, les comtés d'Evreux et d'Auvergne,
les vicomtes de Breteuil, de Conches, etc. Peu
de temps après, le duc de Bouillon, qui, selon
l'expression du cardinal de Retz, était « d'un
sens profond et d'une valeur éprouvée,» finit
ses jours à Pontoise. On a de lui des Mé-
moires, qui ont été publiés avec ceux d'Agrippa
d'Aubigné (Amsterdam, 1731, 2 vol. in-12).
BOUILLON
BOUILLON (DE), poète français, mort en
1662. II fut secrétaire du cabinet et des finan-
ces de Gaston d'Orléans. On a publié après
BOUI
sa mort ses Œuvres, contenant '.-{'Histoire de
Joconde, le Mari commode, Y Oiseau de pas-
sage , la Mort de Daphnis, Y Amour déguise >
des Portraits, des Mascarades, etc. (Paris,
1633). Cette même année parut le conte de
La Fontaine, intitulé Joconde, et imité de
l'Arioste, comme Y Histoire de Joconde de
Bouillon. Les beaux esprits du temps se pro-
noncèrent, les uns pour l'imitation de La Fon-
taine, d'autres pour celle de Bouillon. Boi-
leau prit part à la discussion, et composa à ce
sujet sa célèbre Dissertation critique, où l'on
trouve ce jugement sur notre poète : a Bouil-
lon est un auteur sec et aride; toutes ses
expressions sont rudes et forcées ; il ne dit
jamais rien qui ne puisse être mieux dit, et,
oien qu'il bronche à chaque ligne, son ouvrage
est moins à blâmer pour les fautes qui y sont
que pour l'esprit et le génie qui n'y sont pas. »
BOUILLON
BOUILLON (Emmanuel-Théodose DE LA
TOUR-D'AUVERGNE, cardinal DE), né en 1644,
mort en 1725, était fils du précédent et neveu
de Turenne. Il entra dans les ordres sous le
nom d'abàé-duc d'Albrel, devint chanoine de
Liège en 1658, et, grâce a. son oncle, il obtint
la faveur de Louis XIV, qui lui donna de
riches bénéfices, lui fit avoir le chapeau de
cardinal, en 1669; et le nomma son grand au-
mônier. Son excessive fierté, ses hauteurs,
ses prétentions sans mesure.lui firentde nom-
breux ennemis, entre autres Louvois. Ayant
demandé pour son neveu le titre de dauphin
d'Auvergne et une partie de ce comté que
possédait le duc d'Orléans, il vit sa demande
repoussée, en ressentit un vif mécontente-
ment, et ne craignit pas de le montrer à
Louis XIV par d'irrespectueuses brusqueries,
que celui-ci lui pardonna. Malheureusement
pour lui, Louvois présenta au roi une lettre
du cardinal, qu'il avait fait saisir et qui con-
tenait une satire amère, non-seulement du
gouvernement, mais encore de la conduite et
du caractère de Louis XPV. Celui-ci, profon-
dément irrité, bannit de la cour le grand au-
mônier, qui tenta vainement, en 1694, de se
faire nommer prince-évêque de Liège. De-
venu ambassadeur de FranceàRome,eni698,
il fut chargé de poursuivre la condamnation
de Fénelon dans l'affaire du quiétisme; mais
il tint une conduite tout opposée à ses instruc-
tions, fut rappelé, refusa de rentrer en France,
sous le prétexte que, comme doyen du sacré
collège, H devait rester à Rome. Le roi or-
donna de mettre la saisie sur ses biens. Le
cardinal, forcé de faire amende honorable et
d'obéir, passa quelque temps dans l'abbaye de
Tournus, entra en correspondance avec les
ennemis de l'Etat, quittade nouveaulaFra"nce
en 1710, fut décrété de prise de corps par le
parlement, et, après avoir erré plusieurs
années à l'étranger, il obtint la levée du
séquestre qui frappait ses revenus. Il termina
sa vie h Rome. Ce fut le cardinal de Bouillon
qui fit composer par Baluze Y Histoire générale
de la maison d'Auvergne (1708, 2 vol. in-fol.).
BOUILLON
BOUILLON (Godefroy DE). V. GODEFROV.
BOUILLON
BOUILLON (Marie-Anne MANCINI).V.MAN-
CINI.
BOUILLONBOUILLON (Rose),nom obscur,nom ignoré,
nom méconnu des historiens, qui, occupés
d'embrasser, de saisir l'ensemble des événe-
ments, laissent aux mémoires, aux chroniques,
le soin de s'occuper des détails, des épisodes...
Nom d'une épouse dévouée, d'une femme har-
die, courageuse; nom d'une héroïne, auquel
il faut accorder quelques lignes, un souvenir.
Rose Bouillon était mariée à Julien Houri,
lorsque son mari, au nom de la patrie en
danger (c'était en 1793), fut obligé de laisser
vide sa place au foyer domestique, de quitter
sa femme, ses jeunes enfants. Il part; on l'en-
régimente dans le 6e bataillon de la Haute-
Saône; on lui donne un fusil, des cartouches;
on lui ordonne d'exposer sa vie, si chère aux
siens. '
Cependant, au hameau, sa femme est triste,
préoccupée, rêveuse ; elle se demande si elle
aurait du laisser s'en aller seul celui qui lui a
donné son nom, dont elle est aimée et qu'elle
aime... Mais les petits enfants! il faudrait les
laisser aussi? et, sans père ni mère, que
deviendraient-ils? qui les bercerait?
Un jour, le tambour qui bat vient la sur-
prendre au milieu de ses réflexions ; elle va
sur le seuil de sa porte et voit la foule passer
devant elle, pressée et courant vers la place
du village. Un commissaire de la Convention y
inscrit les noms de ceux qui veulent aller aux
frontières défendre la République.
Enivrée par le bruit, affolée d enthousiasme,
Rose Bouillon se présente; malgré son sexe,
elle est admise ; à quelques jours de là, soldat
au 6e bataillon de la Haute-Saône, elle est
près de son mari. Les yeux pleins de larmes,
mais le cœur plein de feu, — chez la femmo
ces extrêmes ne sont point incompatibles, —
elle était partie confiant sa chère couvée aux
ailes protectrices de ses voisines.
Et valeureuse, intrépide devant l'ennemi,
autant que bonne, douce et dévouée sous le
toit de la famille; on la vit, chaque fois que
l'occasion lui en fut donnée, affrontant le
danger, même le recherchant, A l'affaire de
Limback, son mari fut tué près d'elle; refou-
lant au fond de son cœur les larmes qui mon-
taient à ses yeux, elle continua de se battre
vaillamment, témérairement, follement, et,
par l'exemple de son courage, contribua puis-
samment au succès de nos armes. N'étant plus
ni épouse ni mère, elle restait citoyenne, et
ce titre en vaut bien un autre.
Mais Rose Bouillon n'avait plus rien à faire
à l'armée; elle quitta l'habit militaire et alla
retrouver ceux qui lui restaient et qui l'atten-
daient, lui tendant leurs petits bras.
La Convention, au sein de laquelle toutes
les grandes actions avaient un écho, vota
un remerciement à la jeune veuve; en outre,
elle lui fit remettre le brevet d'une pension
de 300 livres, et un de 150 pour chacun de ses
enfants.
«Allons, allons. Grand Dictionnaire, quel
style nous donnes-tu là? On dirait vraiment
que tu trempes ta plume dans l'encrier de
AI. ou plutôt de M'oe Michelet. — Parbleu,
lecteur, je ne m'en défends pas; c'est lyrique,
fiévreux ; cela va par bond,s; mais ici il s'agit
de la femme, et non de ces politiques froids,
de ces philosophes sentencieux qui ne savent
être profonds qu'en se montrant gourmés :
quand La Fontaine dépeint l'ours, prend-il le
même style que lorsqu'il nous parle du ca-
bri?... Il doit en être ainsi chaque fois que
la biographie rencontre sur sa route un de
ces êtres pétillants, mobiles , insaisissables ,
devant lesquels la photographie échoue, et,
malgré cela, ou plutôt à cause de cela, char-
mants. »
BOUILLON-LAGBANGE
BOUILLON-LAGBANGE ( Edme-Jean-Bap-
tiste), chimiste et médecin français, né à Paris
en 17ti4, mort vers 1840. II professa la chimie
dans plusieurs établissements scientifiques de
premier ordre et fut nommé, en 1806, médecin
de l'impératrice Joséphine, puis directeur de
l'Ecole de pharmacie sous la Restauration. On
lui doit plusieurs perfectionnements dans les
procédés mis en usage par Achard pour l'ex-
traction du sucre de la betterave, et l'analyse
d'un grand nombre de substances employées
en médecine. Parmi ses ouvrages les plus
estimés, on cite : un Cours d'étude pharma-
ceutique {1795,4 vol. in-8°); un Manuel du
pharmacien (1808, in-8
0
) ; un Manuel de.chimie
(1812, 3 vol. in-8°) ; Dispensaire pharmaco-
chimique (1813); l'Art de composer facilement
et à peu de frais les liqueurs de *aôte(i825),etc.
BOUILLON-BLANC
BOUILLON-BLANC s. ni. Bot. Plante du
genre molène, qui croît en abondance dans
les lieux incultes de l'Europe, et dont les
fleurs jaunes, adoucissantes et pectorales,
sont employées en infusions dans les bron-
chites et les affections catarrhales. Son nom
vulgaire est BONHOMME.
BOUILLON
BOUILLON (Pierre), peintre et graveur
français, né à Thiviers (Dordogne) en 177G,
mort à Paris en 1831. Il fut élèT3deMonsiau,
et remporta le premier grand prix de peinture
en 1797 : le sujet du concours était la Mort de
Caton dlltique. Il exposa : en 1804, la Piété
conjugale; en 1819, 1 Enfant et la Fortune,
Jésus ressuscitant le fils de là veuve de Naïm
(tableau qui est au Louvre et qui fut payé
5,000 fr. ); en 1822, la Clémence d'Auguste
(commande du gouvernement pour la salle du
conseil d'Etat), la Mort de la reine Elisabeth
d'Angleterre, Aréthusepoursuivie par Alphée;
en 1824, le portrait de Lamennais. Ces divers
ouvrages se firent remarquer par la délica-
tesse et en même temps par la fermeté de
l'exécution ; mais la couleur en était terne et
froide. Ce fut surtout comme dessinateur et
BCUI
comme aquafortiste que se distingua Pierre
Bouillon ; il a attaché son nom à l'important
recueil intitulé : Musée des Antiques (3 vol.
f
randin-fol.), pour lequel il a gravé 191 pièces,
'après les statues, les bustes et les bas-
reliefs antiques les plus célèbres. Il était pro-
fesseur de dessin au collège Louis-le-Grand.
BOUILLONNANT
BOUILLONNANT ( b o u - l l o - n a n : Il mil.)
part. prés, du v. Bouillonner : La rivière
coule en BOUILLONNANT sur un lit de roche.
(B. de St-P.) Au-dessous de l'arche la plus
rapprochée de l'île, l'eau roulait en BOUILLON-
NANT. (Al. Karr.)
L'eau sur le feu bouillonnant à grand bruit.
VOLTAIRE.
B O U I L L O N N A N T , ANTE adj. (bou-llo-nan,
an-to — rad. bouillonner). Qui bouillonne : De
l'eau BOUILLONNANTE. Du Sang BOUILLONNANT.
Aux sables bouillonnants l'onde livre la guerre.
DELILLE.
Ses sanglots, ses soupirs arrêtent son haleine,
Son sang tout bouillonnant peut circuler à peine.
MARMONTEL.
— Fig. Qui s'emporte, qui est en effer-
vescence : Brest était un des foyers les plus
BOUILLONNANTSBOUILLONNANTS du jacobinisme. (Lamart.)
BOUILLONNÉ,
BOUILLONNÉ, ÉE (bou-llo-né; II mil.)
part. pass. du v. Bouillonner. Orne de bouil-
lons, disposé en bouillons, en parlant d'un
habit ou d'une étoffe : Cette robe était bordée
d'un ruban blanc BOUILLONNÉ de distance en
distance. (Th. Gaut.) Henriette avait une robe
BOUILLONNÉEBOUILLONNÉE en tulle blanc qui lui allait à
ravir. (L.-J. Larcher.)
— Zooph. Eponge bouillonnée, Eponge à ex-
pansions foliacées, irrégulières, contournées.
BOUILLONNEMENT
BOUILLONNEMENT s. m. (bou-llo-ne-
niau; Il mil. — rad. bouillonner). Agitation,
effervescence d'un liquide qui uouillonne :'
BOUILLONNEMENTBOUILLONNEMENT de l eau. BOUILLONNEMENT
du sang. S'arrêtant au bord d'une source qui
jaillit au pied de cet arbre, elles écoutent le
bruit que forme le BOUILLONNEMENT de ses
ondes fugitives. (Barthél.) Notre oreille était
encore frappée du BOUILLONNEMENT des vagues.
(Chateaub.) Le mendiant se laissa retomber,
et au bout d'un instant, il se fit dans sa poitrine
comme un BOUILLONNEMENT sonore. (G. Sand.)
— Fig. Agitation, effervescence des pas-
sions : J'aurais pu augurer le mouvement et le
fracas de l'ouvrage qui devait me faire un nom,
au
BOUILLONNEMENTBOUILLONNEMENT de mes esprits et aux pal-
pitations de ma muse. (Chateaub.) Le comte
d'Artois n'avait que le BOUILLONNEMENT et la
jactance de la jeunesse. (Lamart.) Avec un
profond BOUILLONNEMENT du sang au fond du
cœur, il paraissait froid et indifférent à la
surface. (Lamart.) M. Guizot et M. Thiers
sont les deux hommes les plus éminents que le
BOUILLONNEMENTBOUILLONNEMENT de Juillet ait fait monter à
la surface des affaires. (Cormon.)
Et moi, moi, je sentais, à bouillonnements sourds.
De mon cœur à mon front, qu'un feu sinistre éclaire,
Monter toute ma haine et toute ma colère.
V. HUGO.
BOUILLONNERBOUILLONNER v. n. ou intr. (bou-llo-né;
Il mil. — rad. bouillon). Produire des bouil-
lons, se former en bouillons, en parlant des
liquides : Tu ne juges pas le vin qui BOUIL-
LONNE, ne juge pas un homme en colère.
(Pythagore.) On voyait des sources BOUILLON-
NER et sortir de la terre. (J.-J. Rouss.)
Le repas achevé, des guirlandes couronnent
Cent vases où déjà des vins exquis bouillonnent.
DELILLE.
Entend-on d'un torrent les ondes bouillonner.
Le vers, tumultueux, en roulant doit tonner.
DELILLE.
Que l'airain écume et bouillonne,
Que mille dards en soient formés.
J.-B. ROUSSEAU.
L'airain bouillonne à flots ; chauffeur, ouvre la porte,
Et laisse passer le hautain.
A. BARBIER.
C'est la. houille oui fait bouillonner les chaudières,
Rougir les hauts fourneaux tout chargés de matières.
A. BARBIER.
— Fig. S'agiter, fermenter, être en effer-
vescence : Bien des routines révolutionnaires
subsistent encoreparmi nous, là même où l'esprit
révolutionnaire ne BOUILLONNE plus. (Guizot.)
Depuis trois quarts de siècle, deux mots puis-
sants, liberté, égalité, sont le ferment qui
soulève et fait BOUILLONNER notre société fran-
çaise , je pourrais dire toute la société euro-
BOUI
péenne. (Gui20t.) La douleur se calme au cœur,
à mesure que les alexandrins BOUILLONNENT
dans sa tête. (Balz.) N'est-ce pas une erreur de
croire que le temps ne soit rapide que pour les
cœurs en proie aux vastes projets qui troublent
la vie et la font BOUILLONNER? (Balz.) Marcel
était hors de lui ; il s'était monté avec le rôle,
et sentait BOUILLONNER une rage profonde et
vraie dans son âme. (E. Sue.) Tandis que je
cause avec vous, mon cœur BOUILLONNE. Je
médite de nôtres vengeances. (H. Castille.)
Saint Georges a posé le pied tour à tour sur
deux cratères, celui de Saint-Domingue et_
celui de Paris; dans tous les deux, la révolu-
tion'BOUILLOKN kir. (Rog. de Beauv.)
Ma sottise trop pleine a besoin de couler;
J'en sens les flots épais bouillonner dans ma tète.
PONSARD.
Ah! quand l'amour jaloux bouillonne dans nos têtes.
Quand notre cœur se gonfle et s'emplit de tempêtes.
Qu'importe ce que peut un nuage des airs
Nous jeter en passant de tempCte et d'éclairs !
V. HUGO.
Si chaque jour les vers de ces maîtres fameux
Font bouillonner ton sang et dresser tes cheveux,
Si tu sens chaque jour, animé de leur âme,
Ce besoin de créer, ces transports, cette flamme.
Travaille. .
A. CHÉNIER.
Il Avoir de l'entraînement, de l'animation, de
la vivacité : Le style de La Harpe ne BOUIL-
LONNE pas. (Dider.)
— v. a. ou t r . Faire des bouillons à : BOUIL-
LONNER une robe, des rubans.
BOUILLOTBOUILLOT s. m. (bou-llo; II mil.). Bot.
Nom vulgaire de la camomille.
BOUILLOTTANT
BOUILLOTTANT (bou-llo-tan ; Il mil.) part,
prés, du v. Bouillottor.
BOUILLOTTE
BOUILLOTTE s. f. (bou-llo-te; Il mil.). Jeu
de cartes d'origine française, qui a été in-
venté, à la fin du dernier siècle, dans Tes
salons du palais du Luxembourg, alors oc-
cupé par le Directoire : Vous avez bien d'au-
tres affaires: la hausse, la baisse, les faillites,
la BOUILLOTTE. (P.-L. Cour.) Nous sortions
tous les deux de chez l'ordonnateur en chef, où
nous avions fait une BOUILLOTTE assez animée.
(Balz.) Je connais des gens qui font le plus
grand cas de la BOUILLOTTE ; il est certain que
de tous les jeux qui se rapprochent le plus des
jeux de pur hasard, c'est celui où l'intelligence
du joueur conserve le plus d'empire, et, comme
en jouant à la BOUILLOTTE on peut encore
causer un peu et se permettre d'être gai, je ne
lui ferai pas son procès. (P. Boiteau.)
— Techn. Nom des pétales repliés ou bom-
bés qui, dans la fabrication des fleurs artifi-
cielles, se placent au centre de la rose et
parmi les étamines.
— Econ. dom. Syn. de BOUILLOIRE.
— Encycl. La bouillotte se jouait primitive-
ment à cinq personnes, et l'on connaît le mot
de Mme Talhen, qui, parlant des cinq direc-
teurs et sortant des salons du Luxembourg,
disait: • Ils sont lk-haut cinq rois qui suent
sang et eau pour faire un brelan de valets. »
Aujourd'hui, elle se joue ordinairement à
quatre, avec un jeu de piquet dont on a retiré
les valets, les dix et les sept, ce qui réduit le
jeu à vingt cartes. Pour la célérité et l'ordre
de la partie, on prend deux jeux de couleurs
différentes. Après chaque coup, le joueur qui
est vis-à-vis du donneur ramasse les cartes
qui viennent de servir, les mêle et les place
sous la main du joueur qui se trouve à sa
gauche, et qui deviendra donneur au coup
suivant. Cette opération s'appelle faire le mé-
nage. On tire les places au sort. A cet effet, on
extrait d'un des jeux un as, un roi, une dame
et un neuf, et on dépose ces quatre cartes
au hasard autour de la table. Les joueurs
tirent ensuite quatre autres cartes de même
valeur que les premières, et chacun se place
là où se trouve la carte semblable à celle qu'il
a tirée. C'est celui qui a le roi qui donne les
cartes le premier.
Les places étant déterminées, on règle le
taux de la cave et le prix du jeu. La -cave
est la somme que chaque joueur doit mettre
devant lui, soit en argent, soit en jetons.
Toutefois, il est d'usage de ne commencer une
partie qu'avec des jetons. Le prix du jeu,
qu'on appelle aussi la passe, la façon ou la
police, est le minimum de l'enjeu primitif de
chaque coup. Il se compose d'un jeton que
chaque joueur met devant lui : c'est le point de
départ des enchères ou relances des joueurs.
Il ne s'agit donc, pour établir le prix du jeu,
que de fixer la valeur des jetons. Cette va-
leur une fois convenue, les joueurs, en échange
des jetons qu'ils ont devant eux sur la table,
déposent dans un petit panier ou sous le
flambeau une somme équivalente en argent,
pour en retirer, à la fin de la partie, ce que
les jetons qui se trouveront dans leur cave
représenteront en espèces. Il est de règle que
la partie commence à caves égales. Tant
qu'elle dure, aucun joueur ne peut rien ôter
de sa "cave. Il lui est également interdit d'y
rien ajouter, tant qu'il a quelque chose devant
lui, ne serait-ce qu'un jeton-, mais, aussitôt
qu'il est décavé, c'est-à-dire qu'il a perdu en-
tièrement sa cave, il a le droit de se recaver
de telle somme qu'il juge à propos, à moins
qu'on n'ait déterminé 'd'avance, pour toute
nouvelle cave, un maximum qu'il n'est point
permis de dépasser. Cependant un joueur
n'est pas décavé quand il a mis son dernier
jeton a la passe : if peut même ouvrir le jeu;
mais s'il gagne un coup, il ne gagne que les
jetons de la passe, et ceux qui perdent contre
BOUI
1085
lui n'ont rien à lui payer. Le joueur qui se
trouve dans ce cas est dit être tapissier, être
au tapis ou jouer le tapis.
Par suite des suppressions indiquées plus
haut, le jeu ne se composé que des a s , des
rois, des dames, des neuf et des huit. L'as vaut
onze points, chaque figure dix, les neuf et les
huit le nombre de points qu'ils représentent,
absolument comme au piquet. Après avoir fait
couper par son voisin de gauche, le donneur
distribue trois cartes, une par une, à chaque
joueur, en commençant par la droite et en se
servant le dernier ; puis, il retourne la trei-
zième et la met en évidence sur le talon, qu'il
place à sa droite. Toute carte qui, pendant la
distribution, est vue d'un autre joueur que
celui auquel elle est destinée, oblige à recom-
mencer la donne. Avant chaque coup, le don-
neur ajoute un jeton au jeu.
•
t
Les cartes une fois distribuées, c'est au
joueur placé à la droite du donneur à parler
le premier. Après avoir examiné ses cartes, il
annonce s'il voit le jeu simplement, c'est-à-dire
s'il l'ouvre tel qu'il est, ou bien s'il l'ouvre de
tant de jetons en plus, c'est-à-dire s'il le
double, le triple, le quadruple, etc., ou enfin
s'il passe. Le deuxième joueur, si le jeu est
ouvert, dit qu'il tient ou qu'il passe; s'il n'est
pas ouvert par le premier, il peut l'ouvrir. Le
troisième joueur et le quatrième disent aussi
qu'ils tiennent, passent ou ouvrent, suivant ce
qu'ont déjà dit leurs devanciers. Si tous les
joueurs ont passé, le coup est nul; celui qui
était premier en cartes fait une nouvelle dis-
tribution, et met un jeton sur le jeu. Alors la
passe est double , et, pour voir le jeu simple-
mont, il faut s'engager d'au moins deux jetons.
Si un seul des joueurs a vu le jeu, il prend le
jeton, et l'on passe au coup suivant. Tout
joueur a le droit de passer au premier tour
et de revenir au second, si, dans ce premier
tour, le jeu a été ouvert car un des joueurs
qui n'ont parlé qu'après lui. En conséquence,
si le joueur qui a ouvert le jeu au premier
tour est le deuxième, le droit de revenir ap-
partient exclusivement au premier en car-
tes, tandis qu'il appartient au premier et au
deuxième, ou au premier, au deuxième et au
troisième, selon que l'ouverture du jeu a été
faite par le troisième oxx par le quatrième.
Quand le premier joueur a ouvert le jeu sim-
plement, ou de tant de jetons en plus, au pre-
mier tour, et que l'un des trois joueurs seule-
ment a tenu, ce tenant peut, au deuxième tour,
ou relancer, c'est-à-dire jouer une plus forte
somme, ou abattre, c'est-à-dire compter le
coup en ne jouant que ce qui est engagé, ce
qui s'appelle tenir sans plus. Quand deux
joueurs, le deuxième et le troisième, par
exemple, ont tenu le jeu que le premier a
ouvert, le deuxième peut, ou relancer ou
passer parole au troisième, c'est-à-dire lui
transmettre le droit de relance, mais il lui est
interdit d'abattre. S'il relance, le troisième
est libre de . tenir ou de- filer, c'est-à-dire
d'abandonner le coup en payant la somme
pour laquelle il s'était engagé. Si ce troisième
joueur file, la lutte n'existe plus qu'entre le
premier joueur et le deuxième. Le premier
peut également tenir la relance du deuxième,
ou le relancer lui-même. S'il prend ce dernier
parti, le deuxième est encore maître de suren-
chérir, et ils ont le droit de continuer ainsi
jusqu'à concurrence de leurs caves, quand
elles ne sont pas d'égale valeur. Mais si, au
lieu de filer au deuxième tour de parole, le
troisième joueur a tenu la relance du second,
le premier joueur commence le troisième tour
de parole en disant qu'il tient aussi cette re-
lance ou qu'il file ; car il ne peut abattre tant
que le troisième engagé n'a pas lui-même usé
du droit de relancer ou de passer parole. Le
premier joueur ayant, dans ce troisième tour
de parole, tenu la relance du second, le droit
de relancer ou de passer parole appartient
donc au troisième joueur, en vertu de ce prin-
cipe que c'est toujours au joueur le plus près
de la droite de celui qui a fait de l'argent dans
un tour de parole, à relancer ou à passer pa-
role dans le tour suivant. Si nous supposons
donc un coup dans lequel les quatre joueurs
ayant tous beau jeu, et voulant tous user indé-
finiment du droit de relance, sans passer pa-
role, auront progressivement, de tour en tour,
engagé leur argent jusqu'à la totalité des
caves de chacun, nous verrons: « 1° le pre-
mier joueur ouvrir le jeu au premier tour
de parole; 2° le second joueur relancer au
deuxième tour ; 3° le troisième joueur relancer
au troisième tour; 4° le quatrième joueur re-
lancer au quatrième tour ; 5° le premier joueur
relancer au cinquième tour, et ainsi de suite,
tant que la limite des caves ne sera pas
atteinte, en d'autres termes, jusqu'à concur-
rence du va-tout.
Le droit d'abattre les cartes embarrasse
souvent les joueurs, même ceux qui sont expé-
rimentés. Il est donc utile de savoir quand on
peut en user. Lorsque deux joueurs seulement
sont engagés dans un coup, l'un d'eux est
toujours libre d'abattre son jeu, c'est-à-dire
de terminer le coup en acceptant la relance
de l'autre. Quand il y a trois engagés, un
joueur ne peut abattre ses cartes, qu'autant
qu'il est dernier à tenir, et que celui qui le
précède à.renoncé à son droit de relancer, en
lui passant parole; sans cette conditionnes
relances ne s'arrêtent que lorsque chacun a
engagé le montant de sa cave. Toutefois, si
l'un des trois joueurs a une cave inférieure à
celle de ses adversaires, il perd nécessaire-
ment son droit de relance aussitôt qu'il n'a
1086
BOUI
pas assez d'argent devant lui pour suren-
chérir, et cela sans qu'il ait passé parole.
Dans ce cas, les deux autres joueurs peuvent
encore se relancer réciproquement et abattre
à leur volonté, comme s'ils n'étaient que deux
engagés. Lorsque les joueurs sont au nombre
de quatre, il faut qu'il y en ait deux qui aient
cédé leur droit de parler dans le tour, pour
que celui qui est le dernier à tenir puisse
abattre. Toutes les fois qu'un Joueur juge à
propos d'abattre son jeu, les trois autres sont
tenus d'en faire autant. On examine alors s'il
y a brelan dans le coup, et, s'il n'y est pas, on
compte le point.
Le brelan est la réunion de trois cartes sem-
blables , comme trois a s , trois rois, etc. ; il
l'emporte sur le point. Quand il y a plusieurs
brelans, celui qui est composé des plus fortes
cartes est le gagnant. Ainsi le brelan d'as est
supérieur au brelan de rois, le brelan de rois
au brelan de dames, le brelan de dames au
brelan de neuf, et le brelan de neuf au brelan
de huit. Mais le brelan carré les enlève tous,
et ce brelan a lieu quand un joueur, ayant déjà
.en main les trois cartes d'un brelan, quelles
?
u'elles soient, la quatrième carte semblable
orme la retourne. Indépendamment de la
somme que lui rapporte le coup, celui qui a
brelan reçoit de chacun des autres joueurs un
jeton, si c est un brelan simple, et deux jetons,
si c'est un brelan carré. S'il y a deux brelans
à la fois, ceux qui les possèdent ne se payent
rien réciproquement, mais les deux autres
joueurs payent chacun les deux brelans. S'il
y en a trois, l'unique joueur qui n'en possède
pas paye les trois autres. Il résulte de ces
différentes règles que le joueur qui, ayant
brelan en main, perd le montant de sa cave
contre un brelan supérieur, n'est pas pour cela
décavé, puisqu'il lui reste les jetons de son
brelan. 11 est bon de faire remarquer que
lorsqu'une maldonne a lieu et que, suivant
l'usage, on a continué la distribution des car-
tes, s'il y a brelan, ce brelan se paye comme
si le coup était bon.
On a vu plus haut que, lorsque personne n'a
brelan, on compte le point. Chacun des joueurs
qui s'est engagé dans un coup cherche alors à
faire le jeu, c'est-à-dire à former le nombre
le plus fort possible, avec des cartes de même
couleur dans le jeu de, ses voisins retirés. Le
point se compose donc de toutes les cartes
qui se trouvent parmi celles qui ont été distri-
buées entre les joueurs, et il ne peut être infé-
rieur à vingt-sept, ni supérieur à quarante-
huit. 11 appartient à celui qui a la plus forte
carte de cette couleur, c'est-à-dire la carte
?
ui appelle. Si, par exemple, la distribution a
ait sortir les cinq cœurs, le point, qui est alors
de quarante-huit, revient au joueur qui a l'as
de cœur entre les mains. Il en serait de même
avec une carte inférieure, si aucune autre
carte en cœur, supérieure à celle-là, ne se trou-
vait dans le jeu des adversaires. Enfin, quand
on a dans son jeu le roi d'une couleur et que
l'as de cette couleur est la retourne, c'est
comme si l'on avait cet as entre les mains.
On le compterait encore en n'ayant qu'une
carte inférieure de ladite couleur, pourvu
qu'aucune carte supérieure ne se trouvât dans
le jeu des autres joueurs. A égalité de points
entre deux joueurs, c'est le premier en cartes
qui l'emporte. La couleur gagnante est celle
des cartes qui composent Te point supérieur
appartenant au joueur qui s'est engagé dans
un coup, le point le plus fort ne comptant pas
quand le joueur qui le possède exclusivement
s'abstient de jouer le coup, ou renonce dans
le cours de la lutte. L'usage a introduit cette
règle, qu'une couleur qui gagne ne peut perdre
en même temps. Il résulte de cette règle que
le même point fait souvent gagner deux
joueurs à la fois, et voici comment. Lorsque,
dans un coup, trois joueurs sont engagés, et
que le premier n'a pas une cave assez forte
Î
)our suivre les deux autres dans leurs re-
anpes, ceux-ci ont à se disputer entre eux
un excédant d'enjeu. Or, si le premier en
cartes réunit un point de quarante en cœur,
par exemple, il gagne à chacun de ses adver-
saires le montant de ce qu'il a pu jouer contre
eux : le cœur est alors la couleur gagnante.
Maintenant, si le second joueur trouve à son
tour quarante en pique, et le troisième qua-
rante en carreau, iL semble naturel que, vu
l'égalité de point, le second l'emporte par pri-
mauté sur le troisième; mais c'est le contraire
qui arrive. En effet, une des trois cartes que
ce dernier a en main est un des cœurs qui ont
formé le point du premier, et le privilège de
la primauté appartient à la couleur gagnante,
qui est en cœur. Pour que le second joueur
eût gagné le coup, il aurait fallu que le pre-
mier filât. Cet avantage éventuel est réservé
à celui qui, par sa position, se trouve dernier
en cartes, afin de balancer la primauté, et le
principe dominant du jeu est qu'il ne peut y
avoir qu'une couleur gagnante.
Les règles du jeu attribuent au premier en
cartes un privilège dont il faut dire quelques
mots : c'est que, avant le commencement de
chaque coup, ce joueur peut se carrer, c'est-
à-dire doubler le montant de la passe : de là
le nom de carré qu'on lui donne ordinairement.
Au moyen de la carre, le jeu se trouve ouvert
sans que personne ait vu ses cartes, et le droit
de parler le premier appartient au deuxième
joueur. Le carré jouit de plusieurs avantages;
Quelles que soient ses cartes, si les autres
joueurs passent, il reste maître de l'enjeu; si
au contraire ils s'engagent, ils sont forcés de
surenchérir à l'enjeu de la carre
?
et le carré
BOUI
peut alors, s'il a beau jeu, les relancer de la
somme que bon lui semble ; ou bien, s'il a
mauvais jeu et qu'il veuille se retirer du coup,
il est quitte pour abandonner les jetons de sa
carre. Néanmoins, le privilège du carré peut
être acheté par le deuxième joueur , en dou-
blant de nouveau l'enjeu, ce qui s'appelle
contre-carrer ; mais le carré a le droit do re-
prendre ses avantages primitifs en rachetant
sa carre, c'est-à-dire en exposant une somme
de jetons égale à celle de l'enjeu déjà qua-
druplé. S'il ne juge pas à propos d'user de son
droit de rachat, le troisième joueur peut à
son tour se tri-carrer, n doublant la contre-
carre, et, dans ce cas, c'est à lui qu'appar-
tiennent les avantages qu'avait acquis le
deuxième joueur, si toutefois celui-ci ne ra-
chète pas lui-même sa contre-carre en expo-
sant le double de jetons dont se compose
l'enjeu. Enfin, le quatrième joueur est libre
de se quadri-carrer, en doublant lui-même
la tri-carre, quand le contre-carré n'a pas
acheté sa contre-carre; et alors encore le
troisième joueur a le droit de racheter sa tri-
carre en doublant de nouveau les jetons. La
progression de l'enjeu par le moyen de la
carre, de la contre-carre, etc., n'est limitée
que par l'épuisement des caves, en sorte que
deux joueurs peuvent ainsi engager d'avance,
dans un seul coup, tout l'argent qu'ils ont
devant eux. On comprend, du reste, combien
cette manière de jouer est hasardeuse, puisque
la carre et les divers rachats doivent être
réglés avant qu'aucune carte ait été vue par
les joueurs.
Pour la durée des parties et le renouvelle-
ment des joueurs, on a généralement recours
à ce qu'on appelle la liquidation à la demi-
heure. Cette expression signifie qu'à l'expira-
tion de chaque demi-heure on suspend le jeu.
Chacun règle alors ses comptes et retire son
argent, après quoi on tire de nouveau les
F
laces, on fait de nouvelles caves égales, et
on procède à une seconde partie. Toutefois,
quoique la durée de chaque partie soit limitée
à la demi-heure, tout joueur, soit qu'il perde,
soit qu'il gagne, est libre de se retirer dans
l'intervalle d'un coup au coup suivant; mais
la politesse exige que l'on n'agisse ainsi que
dans le cas de ïorce majeure, et même alors
seulement que quelqu'un, en prenant votre
place, vous permet de vous en aller sans
désorganiser la partie. Celui qui se retire
avant la fin de la partie avec un gros bénéfice
est dit : faire charlemagne.
Outre la bouillotte ordinaire, il y a encore
ce qu'on appelle les bouillottes de convention,
dans lesquelles les joueurs modifient plus ou
moins les règles d'usage. Ainsi, dans la bouil-
lotte au décavé, tout joueur qui a perdu la
totalité de sa ca^ve est tenu de se retirer pour
faire place à un rentrant. Dans la bouillotte
sans brelans, on ne tient compte que du point;
c'est celle que l'on joue pour les grosses par-
ties. Dans la bouillotte au brelan de mistigri,
on compte, outre les brelans ordinaires, le
brelan de mistigri, c'est-à-dire la dame de
trèfle accompagnée de deux cartes de même
valeur et de même couleur ; ce brelan se paye
comme le brelan simple. A tous ces brelans,
on ajoute, dans la bouillotte Saint-James, le
brelan de ce nom, c'est-à-dire le valet de
trèfle accompagné de deux cartes de même
valeur et de même couleur. Ce brelan se paye
deux jetons s'il est simple, et le double s'il
est carré. Le brelan carré ordinaire se paye
également quatre jetons , mais il est supérieur
au brelan Saint-James. Il existe encore la
bouillotte à la carre forcée, dont le nom indi-
que suffisamment la nature.
BOOILLY,BOOILLY, bourg de France (Aube), ch.-l.
de cant., arrond. et à 14 kilom. S.-O. de
Troyes; pop. aggl.803hab.—pop. tôt. 807hab.
Territoire fertile en vins estimés; belle église
gothique nouvellement restaurée.
BOUIIXOTTERBOUIIXOTTER v. a. ou tr. (bou-llo-té,
Il mouill. — rad. bouillir). Diminutif de
bouillir : La casserole était remplie d'un li-
quide jaunâtre qui BOUÏLLOTTAIT sur un feu de
braise peu ardent.
BOUILLY
BOUILLY (Jean-Nicolas), littérateur et au-
teur dramatique français, né à la Couldraye,
près de Tours, en 1763, mort à Paris en 1842.
Après avoir étudié le droit à l'université
d'Orléans, il fut reçu avocat au parlement de
Paris; mais, au moment où Bouilly commen-
çait son stage, le parlement, en pleine dis-
grâce, se réfugia à Troyes, au grand désespoir
de l'orateur en herbe. Bouilly se lia alors avec
Mirabeau et Barnave, et devint un libéral
sincère, à ce qu'il croyait, à ce qu'il disait du
moins ; car, possédant déjà, à un degré fort
prononcé, la science de l'équilibre, sa hbre pa-
triotique ne l'empêcha pas de donner à l'Opéra-
Comique, en 1790, Pierre le Grand, dont nous
parlerons plus bas. La royauté perdant tout
prestige, l'habile Bouilly se hâta de composer,
en 1791, Jean-Jacques Rousseau à ses derniers
moments. Le public de la Comédie-Italienne
applaudit. L'année suivante, Bouilly retourna
dans sa ville natale, où il remplit les fonctions
d'administrateur du département d'Indre-et-
Loire, déjuge au tribunal civil et d'accusateur
public. C est par allusion à ces tristes fonc-
tions que, quelqu'un ayant dit un jour dans un
foyer de théâtre que Bouilly connaissait bien
la scène, le vicomte de Ségur riposta par cette
sanglante épigramme : «Jen conviens ; cepen-
dant il connaît bien mieux la Loire, P Après
la chute de Robespierre, Bouilly fut rappelé
BOUI
à Paris, et fit partie de la commission de l'in-
struction publique. 11 contribua beaucoup,
ainsi que ses collègues, Parny, La Chabeaus-
sière, etc., à l'organisation des écoles pri-
maires, accepta la place de sous-chef dans le
bureau de morale et d'esprit public au mi-
nistère de la police générale, et-donna sa
démission en 1799.
La littérature dramatique, à laquelle il se
consacra alors, lui valut d'honorables succès.
Se trouvant désormais à l'abri de ces défail-
lances que le besoin de vivre explique sans
les excuser, Bouilly changea pourtant en-
core une fois d'opinion, et écrivit les Contes
aux enfants de France, plate flagornerie roya-
liste. Disons, pour les excuser, si une lâcheté
peut être excusable, que ces contes renferment
une morale pure et des fictions ingénieuses;
qu'ils ont le mérite de ne pas effrayer l'imagi-
nation. Leur côté faible est une affectation de
sensiblerie qui a valu à Bouilly le surnom de
poète lacrymal.
Notre jugement sur Bouilly serait entaché
de sévérité si, après avoir infligé à ses fai-
blesses d'homme politique le blâme qu'elles
méritent, nous n'accordions à son caractère
d'homme privé les éloges qui lui reviennent.
Bouilly, méprisable citoyen, fut un homme de
mœurs pures et un ami parfaitement sûr; si
les qualités peuvent pallier les défauts, voilà
les siennes : c'est au lecteur à le juger. Il n'est
pas besoin d'autre renseignement. Cependant,
comme lui-même en a fourni d'autres au di-
recteur du Biographe, notre devoir est de le
laisser parler : tant pis pour lui si l'air bon-
homme qu'il affecte de s'y donner paraît
empreint de quelque hypocrisie. Voici sa let-
tre en réponse à une demande de rensei-
gnements qu'on lui faisait pour écrire' sa
biographie : « J'ai résisté dans ma vie à de
brillantes séductions, que m'offraient de puis-
sants personnages qui avaient essayé de m'at-
tacher auprès d'eux. Je suis un vieil indépen-
dant qui ne connaît que son paisible foyer, et
ce droit si précieux et si rare d'agir comme il
me plaît, de placer mes affections où bon me
semble et de laisser errer mon imagination à
sa guise; enfin de me nicher à mi-côte parmi
les réputations littéraires, et là de cueillir de
simples fleurs des champs, que je n'échange-
rais pas contre les plus brillants lauriers... »
Et plus loin : ... « Voilà, monsieur, quel est le
vieil homme qui se met à nu devant vous. Il
n'est pas, vous le voyez, du nombre de ceux-là
qui se sont hissés jusqu'au sommet du Par-
nasse; il n'a cherché qu'un petit coin, déli-
cieusementombragé, où, soit erreur soit raison,
il se regarde comme un des heureux de la
terre. Ainsi que mon ancien ami Ducis, grand
et noble modèle à suivre en fait d'indépen-
dance, je puis dire sans crainte d'être démenti :
De moi toujours je fus propriétaire.
J'achèverai ma marche à petites journées,
avec ma vieille allure, et peut-être rencon-
trerai-je sur mon chemin quelque jeune femme
qui me saluera comme son vieux conteur, et
soutiendra mes pas chancelants, et, lorsque
je me serai pour toujours endormi, plus d'une
jeune fille viendra laisser tomber sur ma tombe
, une fleur de sa couronne virginale en disant :
« Il fut notre fidèle ami. » Cet hommage vaut
bien les inscriptions en lettres d'or, ornées de
riches écussons, et je pourrai, du fond de mon
tombeau, répondre avec Virgile :
0 mihi tum quam molliter ossa quieseant!•
Voici maintenant le catalogue des œuvres
théâtrales de Bouilly ; on y trouvera peut-être
une réponse assez piquante à la lettre que
l'on vient de lire, si Ion veut seulement en
remarquer quelques dates : Pierre le Grand,
comédie-lyrique en quatre actes
?
musique de
Grétry (Opéra-Comique, 13 janvier 1790). Un
couplet, ou l'on faisait l'éloge du roi, fut bissé,
à la demande du parterre, et la reine Marie-
Antoinette fit présent à l'auteur d'une tabatière
ornée de son portrait et de celui du roi. Plus
tard, Bouilly offrait cette tabatière à la Société
des jacobins de Tours ; Jean-Jacques Rousseau
à ses derniers moments, comédie-lyrique en un
acte et en prose (Comédie-Italienne, 1791). A
la seconde représentation, le buste de Jean-
Jacques Rousseau fut couronné sur le théâtre,
tandis que l'orchestre jouait l'ouverture du
Devin duvillage; la Famille américaine, opéra-
comique en un acte, musique de Dalayrac
(Opéra-Comique, 20 février 1796); le Jeune
Henri, opéra-comique en deux actes, musique
de Méhul (Opéra-Comique, l^r
m
ai 1797).
L'admirable musique de Méhul fut applaudie
| à tout rompre ; le pitoyable livret de Bouilly,
I perpétuelle allusion à l'éducation du Dauphin,
I fut sifflé avec un ensemble admirable, distinc-
| tion délicate dont le parterre a donné d'autres
i exemples ; René Descartes, comédie en deux
actes et en prose (théâtre de la Nation, 1797),
œuvre estimable qui n'obtint pas tout le succès
qu'elle méritait. Cette pièce a été traduite en
allemand la même année ; la Mort de Turenne,
mélodrame en trois actes, avec Cuvelier
(1797) ; Lêonore ou l'Amour conjugal, fait his-
torique en deux actes et en prose, musique de
Gaveaux (théâtre Feydeau, 17 février 1798).
Grand succès. Beethoven s'est inspiré de ce
poôme, dont il a tiré son opéra de Fidelio ;
l'Abbé de l'Epée, comédie historique en cinq
actes et en prose (Comédie-Française, 14 dé-
cembre 1799; ; les Deux Journées, comédie ly-
rique en trois actes et en prose, musique de
Cherubini (théâtre Feydeau, 15 janvier 1800) ;
Zoé ou la Pauvre petite, comédie lyrique en
BOUI
un acte, musique de Plantade (Opéra-Comique,
19 juin 1800) : Florian, comédie en un acte et
en prose, mêlée de vaudevilles, avec Pain
(Vaudeville, 1800); Téniers, comédie en un
acte et en prose, mêlée de vaudevilles, avec
Joseph Pain (Vaudeville, 1800); Une Folie,
opéra-comique en deux actes et en prose, mu-
sique de Méhul (Opéra-Comique, 4 avril 1802) -,
Berquin ou l'Ami des enfants, comédie en un
acte et en prose, mêlée de vaudevilles (Vau-
deville, 1802); Héléna, opéra-comique en trois
actes, avec Reverony Saint-Cyr, musique de
Méhul (Opéra-Comique, 1er mars 1803) ; Fan-
chon la vielleuse, comédie lyrique en treu
actes, avec Pain (Vaudeville, 1803) ; le Désastre
de Lisbonne,, drame héroïque en trois actes et
en prose (Porte-Saint-Martin, 1804); \ Intrigue
aux fenêtres, opéra-comique en un acte et en
prose, avec Dupaty, musique de Nicolo (Opéra-
Comique, 24 février 1805) ; Madame de Sévigné,
comédie en trois actes et en prose (Comédie-
Française, 6 juin 1805) ; les Français dans le
Tyrol, fait historique en un acte et en prose -
(Comédie-Française, 1806); Agnès Sorel, co?
médie en trois actes et en prose, mêlée do
vaudevilles, avec Dupaty (Vaudeville, 1800);
Cimarosa, opéra-comique en deux actes et en
prose, musique de Nicolo (Opéra-Comique,
28 juin 180S); Haine aux femmes, comédie-
vaudeville en un acte, avec Joseph Pain
(Vaudeville, 1808), Succès de vogue. "_a pièce,
reprise au Gymnase, produisit un eefet tout
contraire; plus d'un spectateur s'étonna, à
vingt ans de distance, de trouver si fade l'ou-
vrage qui l'avait charmé; Françoise de Foix,
opéra-comique en trois actes et en prose, avec
Dupaty, musique de Berton (Opéra-Comique,
28 janvier 1809). La partition est digne à tous
égards de l'auteur d'Aline et de Montano et
Stéphanie ; le Petit courrier ou Comment les
femmes se vengent, comédie en deux actes et
en prose, mêlée de vaudevilles, avec Moreau
(Vaudeville, 1809); la Vieillesse de Piron, co-
médie en un acte et en prose, mêlée de vau-
devilles (1810); la Belle au bois dormant,
féerie-vaudeville en deux actes, avec Du-
mersan (Vaudeville, 1811); Robert le Diable,
vaudeville en deux actes, avec Dumersan
(1812); le Séjour militaire, opéra-comique en
un acte, avec Dupaty, musique de M. Auber
(Opéra-Comique, 27 février 1813). C'est la
pièce de début du célèbre compositeur; le
Prince en goguette ou la Faute et la leçon,
comédie en deux actes et en prose, mêlée de
couplets, avec Désaugiers (1817); la Manie
des romans, comédie ; les Jeux f oraux, opéra
en trois actes, musique de Léopold Aimon
(Opéra, 16 novembre 1818); Valentine de Mi-
lan, drame lyrique en trois actes, musique
posthume de Méhul (Opéra-Comique, 28 no-
vembre 1822). La partition avait été terminée
par M. Daussoigne; les Deux Nuits, opéra-
comique en trois actes, avec Scribe, musique
de Boieldieu (Opéra-Comique, 10 mai 1829).
Nous donnons maintenant la liste des autres
œuvres de Bouilly : la Rentrée de Sicard à
l'institution nationale des sourds-muets, nou-
velle en prose (1800, in-8°); Causeries d'un
vieillard (IS01, in-12); Contes à ma fille (1809);
Conseils à ma fille (1811, 2 vol. in-12) ; les In-
demnités des gens de lettres ou les Encourage-
ments de la jeunesse (1814, in-12); Grétry en
famille ou Anecdotes littéraires et musicales
relatives à ce célèbre compositeur, rédigées
par A. Grétry neveu, précédées de son oraison
funèbre par Bouilly (1815, in-12); les Jeunes
femmes (1819, 2 vol. in-12); les Mères de fa-
mille (1823, 2 vol. in-12); Contes offerts aux
enfants deFrance(première partie, 1824,in-12 ;
deuxième partie, 1825, in-12); la Réunion des
trois écoles, à-propos en vers (1825), imprimé
à la suite du discours que M. Belle prononça
à la Société académique des enfants d Apollon ;
Contes à mes petites amies ou Trois mois en
Touraine (1827, in-12); le Portefeuille de la
jeunesse ou la Morale de l'histoire enseignée
par exemples (Paris, 1829-1831, 20 vol. in-18);
les Adieux du vieux conteur (1835, in-12);
Mes récapitulations (1836, 2 vol. in-12); Ex-
plication des douze écussons qui représentent
les emblèmes et les symboles des douze grades
philosophiques du rite écossais, dit ancien, et
accepté par l'ill.'. F.'.,représentant du G.', M.',
de l ordre maçr. eh* France... (1837, in-4°) ; les
Jeunes élèves (1S4I, in-18) ; une Notice sur
Cherubini et une pièce de vers (1842, in-8°);
Nouvelles causeries d'un vieillard (1838, in-12) ;
la Discrétion 0846. in-32) ; Petits contes d'une
mère à ses enfants (1846, in-12). Bouilly a écrit
aussi dans les Annales de la jeunesse (1817 et
années suivantes).
Le nom de Bouilly, à cause du çenre parti-
culier de littérature qu'il a cultivé, est en
quelque sorte passé en proverbe, et si l'on n'a
pas ajouté quelques syllabes à son nom pour
en faire un pendant de berquinade, c'est sans
doute parce que le mot de Bouilly ne s'y prê-
tait pas.
BOUINBOUIN s. m. (bon-ain). Techn, Poignée
d'écheveaux de soie.
BOUIN,BOUIN, petite île de France (Vendée),
arrond. et à 58 kilom. N. des Sables, au fond
de la baie de Bourgneuf ; elle n'est séparée du
continent au S. et à l'E. que par un canal
très-étroit nommé le Daix, qui, en se rétrécis-
sant de jour en jour, a permis de joindre au
moyen d une chaussée l'île au continent. Cette
île a une circonférence de 24 kilom. et une
superficie de 300 hectares. Céréales et four-
rages; marais salants très-productifs, à l'aide
de quatre canaux qui traversent l'île et faci-
BOUJ
litent l'écoulement des eaux. Au centre se
trouve le village de Bouin, avec un petit port
pour le cabotage ; 2,844 hab.
BOUIN (Jean-Théodose), religieux et astro-
nome français, né à Paris en 1715, mort vers
1795. Il était chanoine régulier de la congré-
gation de France. Ayant connu Pingre à
Rome, il se livra, à sou exemple, à l'étude de
l'astronomie, et devint membre associé de
l'Académie de cette ville. Devenu plus tard
prieur à Saint-Lô, il établit un observatoire
dans les tours de son abbaye, et fit, sur le
mouvement des planètes et des comètes, une
foule d'observations curieuses, qui furent in-
sérées dans le recueil des Savants étrangers,
et communiquées à l'Académie des sciences
de Paris.
BOUINOTTE s. î. (bou-i-no-te). Lucarne
éclairant le grenier.
BOUINSK, ville de la Russie d'Europe,
ch.-l. du district de même nom, dans 1G gou-
vernement et à 60 kilom. N.-O. de Simbirsk,
sur la Karla; 3,100 hab., presque tousTartares.
BOUIOUK-DÉREH. V. BUIUKDÉRÉ.
BOUIOUK-OUZEN, rivière de Crimée. V,
T d l E R N A Ï A .
BOUIS s. m. (boui — lat. buxus, même
sens). Bot. Ancienne forme du mot BUIS, en-
core usitée en Provence. H Nom vulgaire, aux
Antilles, de deux espèces de caïmitiers.
— Techn. Façon donnée aux vieux cha-
peaux, il Instrument de cordonnier, plus sou-
vent appelé BUIS. V. ce mot.
BOUIS (le baron DE), écrivain français, né
en Champagne à la fin du xvue siècle. Il a
laissé, entre autres écrits: le Parterre géogra-
phique et historique ou Nouvelle manière d'étu-
dier l'histoire et la géographie (Paris, 1737);
Méthode récréative pour apprendre à lire aux
enfants sans qu'ils y pensent (1773).
B O U I S S E s. f. (boui-se). Techn. V. BUISSE.
BOUISSON (Etienne-Frédéric), chirurgien
français, né en 1813 à Mauguis (Hérault), fut
appelé à Bordeaux par un parent qui lui fit
faire de brillantes études. Ses écrits témoi-
gnent d'un véritable goût littéraire, spéciale-
ment l'ouvrage intitulé : la Médecine et les
poêles latins. Elève de la faculté de Mont-
pellier, il eut pour maître Delpech. Il fut reçu
docteur en médecine en 1835, à la suite d'une
thèse traitant des Lésions organiques du cœur.
Chef des travaux anatomiques dès 1834, et
reçu premier agrégé en 1836, il obtint toutes
ses places au concours, et fut successivement
professeur de physiologie à la faculté de
Strasbourg (1837), professeur de pathologie
chirurgicale à celle de Montpellier (1840), nro-
fesseur de clinique chirurgicale a la même
école, en remplacement de Lallemand (1845),
et chirurgien en chef de l'hôpital civil et mi-
litaire de Saint-Eloi (1845). En 1851, il échoua
au concours pour la chaire de Marjolm, va-
cante à la faculté de Paris. M. Bouisson, qui
est un praticien fort répandu dans Je midi de
la France, a pris part à un grand nombre de
publications médicales. Il a collaboré à la
plupart des journaux de médecine de Paris,
ainsi qu'au Journal de la Société de médecine
de Montpellier, à la Gazette médicale de Paris
et aux Annales de chirurgie. En 1858, il a fondé
le Montpellier médical. Ses principaux écrits
ont pour titre : Parallèle de Delpech et de Du-
puytren (1841); Le la Bible, etc. (Montpellier,
1843, in-8°), traduit en allemand par le doc-
teur Platner (Vienne, 1845) ; Traité théorique
et pratique de la méthode anesthésique (Paris,
1850, in-8°), traduit en italien et couronné du
prix Montyon pur l'Académie des sciences ;
Des vices de conformation de l'anus et du rec-
tum (1851); Tribut à la chirurgie, collection de
mémoires sur cette science (Montpellier, 1858-
18G0,1 vol. in-4«, avec planches). M. Bouisson
est membre de plusieurs sociétés savantes,
nationales et étrangères. Depuis 1859, il est
associé de l'Académie impériale de médecine
de Paris. Il a été nommé chevalier de la Lé-
gion d'honneur en 1849.
BOUJARON s. m. (bou-ja-ron). Métrol.
Mesure pour les liquides, en usage dans la
marine et valant un seizième de pinte, il
Contenu de la même mesure : Il grignota
son biscuit, but deux BOUJARONS de vin, parce
qu'il en vola un à un des matelots. (E. Sue.)
— Mar. Sorte de vêtement léger, que por-
tent certains marins de l'Inde. Il On rappelle
îlUSSi BOUGERON.
BOUJON s. m. (bou-jon). A signifié Trait,
flèche, dard.
— Comm. Poinçon autrefois employé pour
plomber les draps. Il Marque que les manu-
facturiers de Beauvais mettaient aux étoffes
de leur fabrique, il S'est dit autrefois pour
JURANDE.
BOUJONNÉ, ÉE (bou-jo-né) part. pass. du
v. Boujonner : Drap BOUJONNE.
BOUJONNER v. a. ou tr. (bou-jo-né—rad.
boujon). Comm. Marquer, plomber avec le
boujon ; BOUJONNER des draps, il Vieux mot.
BOUJONNEUR s. m. (bou-jo-neur — rad.
boujonner). Comm. Inspecteur de la draperie,
vérificateur des boujons. il Juré du corps des
drapiers et sergettiers, dans certaines pro-
vinces. On a dit aussi BOUGONNEUR, U Vieux
mot.
BOUJU DE BEAULIEU (Théophraste), théo-
logien français du xvie et du xvii« siècle. Il
60Û&
était fils de Jacques Bouju, président au par-
lement de Bourgogne, qui s était fait connaî-
tre par la publication d'un poème latin, inti-
tulé Turnella, et imprimé à Angers en 1578.
L'abbé Bouju de Beaulieu devint aumônier du
roi et publia les livres suivants : deux Avis,
l'un sur le livre de Richet, De la puissance
ecclésiastique ; l'autre sur un livre intitulé :
Commentaire de l'autorité de quelque concile
général que ce soit (Paris, 1613); Défense de
la hiérarchie de l'Eglise et du pape contre les
faussetés 'de Simon Vigor (Paris, 1615).
BOUKIIA,
BOUKIIA, petite île de l'Océanie, dans l'ar-
chipel de Salomon, au N.-O. de l'île Bougain-
ville, par 152» 15'long. E.,et 5<> lat. S. Haute,
bien boisée, elle est habitée par une race
d'hommes intelligents, dont le type tient le
milieu entre les Malais et les nègres d'Afrique.
BOUKHARA
BOUKHARA , ville d'Asie, cap. de la Grande
Boukharie ou tlsbekistan, à 190 kilom. O.de
Samarkand, au confluent du Waskan et du
Zer-Afchan, par 39" 48' lat.'N. et 62" 6' long. E.,
dans une plaine déserte et aride, qui confine a
la grande steppe de Boukharie. Elle est en-
tourée par un retranchement de terre fort
élevé, dans lequel sont pratiquées douze por-
tes. L'intérieur ressemble à celui de toutes les
villes tartares : les rues sont peu larges, les
places rares; les maisons, construites en bri-
ques crues, ont des portes étroites, et les fe-
nêtres ne donnent pas sur la rue. Eversmann
compte dans Boukhara 360 mosquées, 260
écoles plus ou moins importantes, un nom-
bre considérable de bains, de khans, de bazars
et autres monuments publics, enfin une popu-
lation qu'on a évaluée à environ 200,000 hab.,
mais qu'il faut réduire à environ 80,000.
Cette ville importante peut être considérée
comme le centre commercial du Turkestan
tout entier ; elle est le rendez-vous de toutes
les caravanes qui sillonnent l'intérieur de
l'Asie, avec des chargements de musc, d'é-
pices, de parfums, de pelleteries, de produits
européens, de clous, de miroirs, de cuirs de
Russie, de métaux, de pierres précieuses, de
bijoux, de couleurs, etc. Ses relations s'é-
tendent en Russie par la voie de Kiva sur
l'Oxus, en Chine par Kaschkar, et dans l'Inde
par Caboul et Cachemire. Tout le commerce
en articles d'Europe passe par les mains des
Russes , et la valeur annuelle de ce com-
merce est estimée à cinq millions de francs.
Quant à l'industrie propre de la ville de Bouk-
hara , elle consiste principalement dans le
travail de la soie, du coton et du cuir, dans la
confection des couteaux et d'objets en cuivre,
dans la fabrication des armes, la préparation
des peaux, etc. L'eau est rare et malsaine;
le climat est extrêmement sec, et la ville est
presque toujours enveloppée d'un nuage de
poussière. Un faubourg de Boukhara est ha-
bité tout entier par des juifs, dont on fait re-
monter l'installation dans cette ville à l'épo-
que de la captivité de Babylone. Boukhara
est appelée Medjikend ou le Temple des
idoles, par Massoudi; Blikend,ou la Ville des
caravanes, par Ehnacin ; Boumheket, ou la
Résidence, par Ebn Haukal, et enfin Bou-
khara, ou la Ville dessavants, par Aboul Gazi.
Boukhara joua un grand rôle dans l'histoire
politique de l'Asie centrale. La dynastie des
Samanides y établit sa capitale (896-998), et
c'est à partir de ce moment que la ville jouit
d'une véritable prospérité, un moment com-
promise par l'attaque et la victoire de Gen-
gis-Khan. Mise à sac , elle se releva pour-
tant de cette terrible épreuve, et, au xiue siècle,
nous la retrouvons partageant avec Samar-
kand le titre de capitale de la civilisation
musulmane dans ces parages. C'est à Bou-
khara que naquit Avicenne, comme l'indique
son surnom à'El Bokhari. Aujourd'hui, Bouk-
hara est un peu déchue de sa splendeur
passée; mais si elle a perdu quelque chose de
sa réputation de ville savante et lettrée, elle
a conservé son ancienne prépondérance com-
merciale ; cependant elle est encore renommée
aujourd'hui pour ses écoles de médecine et
de théologie, que fréquentent environ dix
mille étudiants venus de toutes les extrémités
de l'Asie;
BOUKHARES,
BOUKHARES, peuple tartare de l'Asie cen-
trale. Les Boukhares sont d'origine turque ou
tartare, ainsi que le prouve leur langue; mais
ils contiennent en assez grande proportion
d'autres éléments étrangers. Les plus an-
ciennes traditions historiques nous les repré-
sentent comme les habitants primitifs de ces
contrées. A l'époque de l'invasion de Gengis-
Khan, ils se soumirent paisiblement aux vain-
queurs, qu'ils surpassaient cependant en apti-
tude pour le travail de la terre et le commerce ;
aussi leurs conquérants les désignaient - ils
sous le nom d'hommes instruits [the learned
men, d'après l'expression de W. Jones). Ritter
leur attribue une origine indoue, mais cette
assertion est détruite par l'application des
lois philologiques.
Les Boukhares sont de taille moyenne, bien
Ï
troportionnés ; leur face est large et ouverte;
eurs yeux et leurs cheveux sont entièrement
noirs. Les femmes sont généralement d'un
aspect agréable ; leur peau est plus blanche
que celle des hommes. Plusieurs voyageurs
qui ont eu occasion de voir les Boukhares les
peignent comme une race intelligente et paci-
fique. Quelques autres voyageurs, et entre
autres Eversmann, en font un moins beau
portrait, et comptent, parmi les traits carac-
téristiques de leur tempérament, l'avarice,
l'astuce, la bassesse et la lâcheté. Le costume
BOÙK
des Boukhares est simple : à la maison, ils
portent des chemises et des caleçons de co-
ton, avec un cafetan ou une veste. Leur coif-
fure consiste en un bonnet fourré ou un tur-
ban. Les femmes sont vêtues d'une loneue
>
robe de soie ou de coton, et portent leurs che-*
veux nattés en longues tresses. Souvent elles
se teignent les ongles avec du henné, à la
mode arabe. Les Boukhares sont grands fu-
meurs, et, malgré la défense de leur religion,
grands amateurs de vin et de liqueurs fortes.
L'usage de l'opium est peu répandu chez eux.
Leurs maisons sont bâties à la manière tar-
tare, avec des briques, des pierres, deJa terre
glaise, etc. La polygamie y est en vigueur,
comme chez tous les peuples musulmans. Les
Boukhares observent avec fidélité les pres-
criptions religieuses de l'islamisme. L'usage
de l'écriture est généralement répandu , et
on lit assidûment le Coran. Les principales
occupations des Boukhares consistent dans la
culture des champs, des jardins, le travail
de la soie, le commerce surtout. Ils entre-
tiennent des relations actives avec les cara-
vanes-d'Astrakhan, de Hérat, de Caboul, de
Cachemire, etc. Ils sont ordinairement gou-
vernés par des khans particuliers, qu'ils choi-
sissent eux-mêmes et qui relèvent de l'empe-
reur de Chine. On a porté le nombre des
Boukhares à deux millions. Eversmann l'éva-
value à cinq cent mille pour le Turkestan.
Hors du Turkestan, il est difficile d'arriver à
une évaluation, même approximativement
juste, à cause de la dissémination des tribus
boukhares sur d'immenses étendues de steppes
incultes.
BOUKHARIE
BOUKHARIE (GRANDE) ou KHANAT DE
BOUKHARA, vaste territoire de l'Asie cen-
trale, situé au delà de l'Amou, l'Oxus des an-
ciens, dans la contrée appelée autrefois Sog-
diane et Transoxiane, et nommée de nos jours,
par quelques auteurs, Pays des Usbeks ou Us-
oekistan. La Grande Boukharie a subi de nom-
breuses modifications dans son organisation
et dans ses limites, qui sont encore peu arrê-
tées ; néanmoins on peut la considérer comme
comprise entre 35° et 41° de lat. N. et 610-68"
de long. E. ; elle est bornée, au N., par les
steppes des Kirghiz et le khanat de Khokand ;
à 1Ë., par la'Petite Boukharie; au S., par
l'Afghanistan, et, à l'O-, par l'Amou, qui la
sépare du khanat de Khi va. Dans sa plus
grande étendue, du nord au sud , elle pa-
raît avoir 110 myriam., et 88 myriam. de
l'est • à l'ouest ; superficie approximative
600,000 kilom. carrés; la population, en par-
tie nomade, est évaluée à 2,500,000 hab., di-
visés en un grand nombre de nations : les
aborigènes, qui portent le nom de Tadjiks;
les Usbeks, qui sont la nation dominante ; les
Arabes, les Persans, presque tous esclaves ;
les Bohémiens, établis dans les villes et s'oc-
cupant de trafic, de médecine ou de divina-
tion; quelques Kirghiz, qui errent dans les
steppes ; des juifs, des Indous, etc. Capitale
Boukhara.
— Orographie et hydrographie. La partie
orientale de cette contrée est entrecoupée par
plusieurs chaînes de hautes montagnes, con-
tre-forts avancés du grand plateau asiatique,
dont quelques sommets, souvent couverts de
neige, s'élèvent à 3,000 m.; la partie méridio-
nale s'appuie à l'Hindou-Kho et à l'escarpe-
ment septentrional -du plateau de la Perse.
Dans tout le reste de son étendue, le sol, uni-
formément plat et bas, présente presque par-
tout des steppes arides et sablonneux, r é -
sultats de l'absence ' d'eaux courantes. La
Grande Boukharie est entièrement située dans
le bassin de l'Aral ; ses principaux fleuves
sont : l'Amou-Daria ou Djihoun, qui reçoit le
Zourh'ab et le Balk ; le Sir-Daria ou Sihoun ;
le Zer-Afchan, ancienne Sogd, rivière la plus
considérable qui arrose l'intérieur du pays,
où l'on rencontre quelques lacs, dont le plus
important est le lac Denghîz, d'une longueur
de 40 kilom.
— Climat. Le climat de la Grande Boukha-
rie est généralement salubre; les saisons y
sont très-régulières. Les étés sont très-chauds,
I et les hivers assez froids pour qu'on voie quel-
I quefois les rivières prises par les glaces. Les
BOUK 1087
nluies commencent dès les premiers jours de
lévrier et se continuent en mars- Tout verdit
et fleurit presque subitement peu de jours
après. Bientôt la chaleur devient accablante,
et l'atmosphère n'est que rarement rafraîchie
par des orages; la belle saison se prolonge
jusqu'en octobre, où régnent de grands vents
du N. et du N.-O., qui apportent des brouil-
lards de sable dont l'air est littéralement ob-
scurci. En novembre et décembre, surviennent
de petites gelées et un peu de neige \ janvier
est le mois le plus rigoureux; le thermomètre
descend quelquefois jusqu'à — 8°, et la neige
couvre la terre pendant quinze jours.
—Productions. Ce pays,généralement aride,
est entrecoupé de vallées très-fertiles, qui
s'avancent même jusqu'au milieu des sables,
où elles forment de riches oasis ; la vallée de
la Sogd, entre autres, qui donna son nom à
l'ancienne Sogdiane, est d'une rare fertilité.
Dans toutes ces vallées, la végétation est belle
et abondante, mais elle consiste surtout en
plantes et en arbrisseaux-, les grands arbres
sont rares dans le pays, excepté le saule et
le peuplier. Les plantes les plus particulières
• à cette contrée sont : l'assa-fœtida, la rhu-
barbe, le galenia a f ricana
y
herbe du désert,
qui fournit à la fois aux chameaux une nour-
riture qu'ils préfèrent à toute autre, et à
l'homme une espèce de manne qui sert d'ali-
ment; une variété d'indigotier sur lequel vit
un insecte de la nature de la cochenille. On y
cultive en outre le riz, le froment, l'orge, le
millet, les fèves, diverses variétés de sésame
dont on fait de l'huile, le maïs, le tabac, le
cotonnier, la vigne, d'excellents melons d'eau
et le mûrier pour l'élève des vers à soie ;
l'écorce de cet arbre sert en outre à. faire un
papier très-estimé en Orient. La Boukharie
abonde en fleurs qui offrent peu de variétés,
et en fruits tels que : pêches, abricots, pru-
nes, pommes, poires, coings, figues et gre-
nades. La partie occidentale n'a pas de forets ;
on n'y brûle que des broussailles, apportées
des déserts voisins,.et du fumier sec. Quant
au bois de construction, il vient du territoire
de Samarkand, et des montagnes de l'est et
du sud. Ces montagnes renferment quelques
mines de métaux non exploitées, d'alun, de
soufre et de pierres précieuses, entre autres
de lapis-lazuli, grenat et rubis. Quelques ri-
vières, l'Amou et le Zer-Afchan, charrient de
j l'or avec leur sable. Entourée de déserts et
I de peuples nomades, cette contrée est riche
| en bestiaux; mais les bœufs n'y sont pas aussi
I forts que ceux du Kirghiz. On y élève deux
> races de moutons à laine très-frisée et à queue
traînante, des chèvres dont le poil passe pour
égaler celui du Cachemire, des chevaux grands,
bien faits, vifs et pleins de feu; des ânes, des
mulets, des dromadaires et des chameaux.
Enfin, pour compléter la faune de ce pays,
nous devons citer le cerf, l'antilope, l'ours, le
loup, le renard, le chacal et l'autruche ; on y
rencontre peu de reptiles et d'insectes veni-
meux ou destructeurs, excepté les sauterelles,
qui causent quelquefois des ravages considé-
rables.
— Divisions, mœurs, gouvernement, reli-
gion, etc. Toute la Grande Boukharie se divise
en trois parties principales : deux au nord de
l'Amou", le khanat de Boukharie proprement
dit, et le Miankal ou khanat de Samarkand
réuni depuis longtemps à celui de Boukhara ;
et une au sud de l'Amou, le khanat de Balk,
plutôt tributaire que sujet de la Grande Bou-
kharie. C'est dans le khanat de Samarkand, à
Chersabès, que naquit le fameux Tamerlan.
La nation boukhare est divisée en deux classes
principales : les Usbeks, conquérants et domi-
j nateurs du pays, et les Tadjiks, qu'on regarde
;
comme descendants des anciens Sogdiens. Les
i premiers, partagés en un grand nombre de
tribus, essentiellement guerriers, rappellent
i par leur physionomie les Tartares et les Kal-
.' mouks. Les seconds ont généralement la taille
1
ramassée, les traits européens et le teint
* moins brun que les Persans ; ils sont actifs,
| laborieux, doux, instruits et civilisés, mais
intéressés, pusillanimes et sans patriotisme.
Les femmes boukhares sont belles et co-
quettes ; mais elles se défigurent par un
anneau qui traverse leurs narines. Deux.
langues sont presque exclusivement parlées
par les populations du khanat : l'usbek ou
turki, et le persan, qui est la langue des Tad-
jiks; la religion dominante est l'islamisme,
et le rite celui des sunnites. Le pays est gou-
verné par des souverains héréditaires, qui ont
porté le titre de khans jusqu'aux premières
années de ce siècle, où le chef a pris celui de
Emir-al-Moumenin, ou Prince des croyants.
L'armée, composée uniquement d'UsbekSj est
forte d'environ 25,000 hommes, dont environ
20,000 cavaliers.
Le commerce de la Boukharie est relative-
ment considérable ; il se fait par caravanes,
qui se rendent dans l'Inde, d'où elles appor-
tent des cachemires, du sucre, de l'indigo et
des produits de l'industrie anglaise ; en Chine,
où elles achètent : porcelaine, musc, cristaux,
soieries, thé, etc. Chargées de ces produits et
de ceux de l'Afghanistan, elles se dirigent
vers Khiva, et de là aux établissements russes
de la Caspienne, à Orenbourg et jusque sur
le Volga, où elles échangent leurs marchan-
dises contre les objets manufacturés de la
Russie : draps, mousselines, velours et autres
tissus. Les Boukhariens ont une industrie
assez développée, dont les principaux articles
sont : les fils et les tissus de coton, les tissus
1088
BOUL
de poil de chameau et de chèvre, les cuirs,
maroquins, sabres, armes à feu, excellente
coutellerie et quincaillerie.
— Histoire. Avant là conquête d'Alexandre
le Grand, la Boukharie faisait partie, sous le
nom de Sogdiane, du vaste empire d'Iran ou
de Perse : plus tard, elle fut enlevée aux rois
grecs de la Bactriane par les Turcs occiden-
taux, qui en furent dépossédés par les Arabes
musulmans, vers 710 de notre ère, sous le kha-
lifat de "Walid 1er. Un siècle plus tard, elle fut
gouvernée par les Samanides, et ce fut l'épo-
que de sa plus grande prospérité. Vers 1220,
elle fut conquise par Gengis-Khan, et com-
prise quatre ans après dans l'empire de Dja-
gatar, le second des quatre fils entre lesquels
il partagea ses Etats. Cet empire fit partie
vers 1370 de celui deTamerlan, et les descen-
dants de ce conquérant y régnèrent jusqu'à
l'arrivée des Usbeks en 1498. Ceux-ci en sont
encore les maîtres; mais, en diverses circon-
stances, leur gouvernement a subi des révo-
lutions et des divisions. La Boukharie est la
route de l'Inde ; aussi les Russes, dont on con-
naît les projets sur l'Asie centpale, se sont
constamment efforcés d'établir leur influence
dans cette contrée. Depuis Catherine II, qui
fonda à Boukhara un des plus beaux collèges
de cette ville, jusqu'au czar Nicolas, qui, en
1854, fit une vaine tentative pour étendre son
vaste empire du côté du Thibet, tous les sou-
verains moscovites ont caressé l'idée de ren-
dre le souverain de Boukhara tributaire de la
Russie.
BOUKHARIE
BOUKHARIE (PETITE), ou province chi-
noise de Thian-Schan-Nanlu, autrement ap-
pelée TUKKKSTAN. V. ces mots.
BOUKHAREST,
BOUKHAREST, ville des Principautés-Unies.
V. BUKAREST.
BOUKIIAB.1, nom que l'on donne dans le
Maroc à la garde impériale noire. L'organi-
sation de cette garde remonte a Moulay-ls-
maïl, quatrième prince de la dynastie actuel-
lement régnante. A l'origine, cette garde fut
composée de nègres achetés au Soudan, et
elle forma un corps spécial assez semblable
aux fameuses milices des janissaires et des
mameluks. Son nom de Boukhari lui vient
du commentateur du Coran qu'Ismaïl lui
donna pour patron religieux. Les chefs de
cette milice acquirent bientôt dans l'empire
une position prépondérante, et leur rôle res-
semble assez à celui des préfets du prétoire,
au temps de la décadence de Rome. D'escla-
ves de l'empereur, ils sont devenus en peu do
temps les maîtres de l'empire, et tout en pre-
nant le souverain dans la famille des chérit's,
loi d'Etat qu'ils n'oseraient transgresser, à
chaque changement de règne ils accordent le
trône au plus fort et dernier enchérisseur.
Leur nombre, qui a été de 180,000, est au-
jourd'hui fort réduit. Selon M. Narcisse Cotte,
auteur d'un ouvrage intitulé le Maroc con-
temporain, c'est a peine s'il en reste une
quinzaine de mille.
BOUL
BOUL s. m. (boul). Comm. Poinçon dont
on se sert à Smyrne pour marquer les toiles.
BOULA
BOULA s. m. (bou-la — altér. de bolet).
Bot. Nom vulgaire de quelques champignons
du genre bolet.
BOULAF
BOULAF s. m. (bou-laf). Masse, bâton de
commandement des généraux polonais, for-
mée d'une boule à l'extrémité d'un manche
courbe.
BOULAIE
BOULAIE s. î. (bou-lô — rad. bouleau).
Lieu planté de bouleaux.
— Ane. coût. Gros bâton dont les sergents
se servaient, au xve siècle, pour écarter la
foule dans les cérémonies publiques.
BOULAGE
BOULAGE s. m. (bou-la-je — rad. bouillir).
Linge que les blanchisseurs mettent à bouillir
dans une môme chaudière en une seule fois.
— Techn. Formation du sirop par la cuis-
son des betteraves destinées à la fabrication
du sucre, tt Action de bouler les pétales et les
corolles d'une fleur artificielle ; résultat de
cette action.
— Econ. rur. Opération qui consiste à
S
lacer des boules a l'extrémité des cornes
es bœufs, pour rendre moins dangereux les
coups qu'ils pourraient donner, il On dit aussi
UOULfcTAGE.
— Encycl. Econ. rur. Lorsqu'un bœuf ou
une vache a l'habitude de donner de la tête,
on a soin, afin d'empêcher les accidents qu'ils
pourraient occasionner, ou tout au moins pour
en diminuer la gravité, de leur appliquer de
petites boules à l'extrémité des cornes. Cette
opération a reçu, dans ces dernières années, le
nom de boulage ou bouletage. Le mot est récent,
mais la pratique est déjà ancienne. On la
trouve établie de temps immémorial en An-
gleterre, dans le West-Highland et dans le
comté de Kerry; en France, dans le départe-
ment d'Ilîe-et-Vilaine.
Le boulage ne présente aucune difficulté.
On l'exécute au moyen de boules en cuivre,
en fer ou en bois. Les boules de métal sont
rondes ou ovales, et de la grosseur d'un œuf
ou d'une pomme d'api ; elles se fixent à frot-
tement ou au moyen d'un rivet. Celles de
bois, usitées spécialement dans le départe-
ment d'Ille-et-Vilaine, sont percées d'un "trou
conique, dans lequel on enferme à frottement
l'extrémité de la corne. Pour les maintenir en
place, on fait en sens inverse, à la partie
moyenne, un second trou qui traverse départ
en part la boule et la corne. Une cheville en
fer ou en bois, rivée ou carrelée à l'aide d'un
petit coin, donne à l'appareil une solidité suf-
fisante pour résister a tous les efforts de
l'animal.
COULAGE (Thomas-Pascal), jurisconsulte
français, né à Orléans en 1769, mort en 1820.
Il fut d'abord avocat b. Auxerre, puis à
Troyes et enfin à Paris. 11 fut ensuite nommé
professeur de droit dans cette dernière ville.
Ses ouvrages de jurisprudence sont : Conclu-
sions sur les lois des Douze Tables (1805) • Prin-
cipes de jurisprudence française pour servir à
l'intelligence du Code civil (l8l*>, 2 vol. in-8°) ;
Introduction à l'histoire du droit français et à
l'étude du droit naturel (1821). On lui doit en
outre un ouvrage intitulé Des Mystères d'Isis,
et les Otages de Louis XVI et de toute sa fa-
mille (l8l4).«Dans sa jeunesse, il s'était lui-
même offert comme l'un des otages qui de-
mandèrent, au prix de leur liberté, celle de
l'infortuné monarque.
BOULAINGIER
BOULAINGIER s. m. (bou-lain-jié). Ane.
forme du mot BOULANGER.
BOULAINVILLIERSBOULAINVILLIERS (Henri, comte DE), his-
torien, né àSaint-Saire (Seine-Inférieure), en
1658, mort en 1722. H suivit quelque temps la
carrière des armes, et l'abandonna bientôt
BOUL
pour s'occuper du rétablissement des affaires
de sa famille. En examinant les titres de ses
ancêtres, il fut entraîné à étudier l'histoire
de son pays, et dirigea surtout ses recherches
vers la nature des institutions politiques du
-moyen âge,et l'origine des anciennes familles
du royaume. Le système qu'il développa dans
ses écrits, dont la plupart sont restés manu-
scrits, ne rencontra qu un très-petit nombre de
partisans. Il voyait dans le gouvernement, ou
plutôt l'anarchie féodale, le chef-d'œuvre de
l'esprit humain; tout progrès, soit de l'autorité
royale, soit des libertés civiles ou municipales
des roturiers, était pour lui une usurpation
au détriment des droits de la noblesse, seule
héritière des Francs, conquérants delà Gaule.
Cette théorie eut un succès d'étonnement et
de scandale parmi les publicistes et les histo-
riens, habitués à considérer la royauté, éman-
cipatrice du tiers état, comme la source de
tout droit et la base de l'organisation politi-
que dans la vieille France comme dans la
nouvelle. Quelque absurdes que fussent les
conclusions de Boulainvilliers, il n'en avait
pas moins répandu des lumières nouvelles sur
l'origine et le développement des institutions
féodales; il n'en avait pas moins entrevu, l'un
des premiers, que les chefs des grandes fa-
milles, héritiers présumés des conquérants
francs, avaient pendant des siècles possédé les
différentes parties du pays conquis dans une
entière indépendance de la royauté, si faible
alors qu'on l'aperçoit à peine ; et qu'enfin
l'organisation politique des temps féodaux
était une république fédérative et aristocra-
tique bien plutôt qu'une monarchie. Cet esprit
original, qui alliait la singularité à une cer-
taine profondeur de vues, à la fois rétrograde
et novateur, érudit et superstitieux, partagea
sa vie entre les études les plus diverses: his-
toire , astrologie judiciaire, métaphysique,
critique religieuse, recherches de statistique
et plans de réforme. Par une contradiction
assez curieuse, cet admirateur du régime
féodal se montre parfois, dans les mémoires
qu'il présenta au Régent pour la réforme de
l'Etat, imbu des idées saines et patriotiques
procédant de Vauban et de Colbert; il est très-
favorable au commerce, veut substituer la
taille proportionnelle à la taille arbitraire,
supprimer cette armée de percepteurs et de
collecteurs qui dévoraient la France, et il in-
siste sur la convocation des états généraux.
Boulainvilliers n'a publié lui-même aucun
de ses ouvrages; les plus importants, sous le
rapport de ses théories historiques, sont ; His-
toire de l'ancien gouvernement de France, avec
quatorze lettres historiques sur les parlements
ot les états généraux (La Haye, 1727); Etat
de la France (Londres, 1727, 3 vol. in-fol.);
Recherches sur l'ancienne noblesse de France ;
Histoire de la pairie de France et du parle-
ment de Paris (1753)
?
ainsi qu'un grand nom-
bre de travaux restes manuscrits. On a en-
core de lui une Vie de Mahomet inachevée
(1730), sans critique, d'ailleurs, et où il se
montre favorable au prophète de l'islamisme;
un Essai de métaphysique (l"3l), dans les
principes de Spinosa, etc. ; Mémoires présentés
au duc d'Orléans, régent de France, contenant
les moyens de rendre ce royaume très-puissant
et d'augmenter considérablement les revenus
du roi et du peuple (La Haye, 1727, 2 vol.);
Histoire des Arabes (1731, 2 vol.), etc.
B O U L A I S E adj. (bou-lè-ze). Agric. Se dit,
dans le département du Cher, d'une terre
argileuse ot peu productive.
BOULAKOMBA,
BOULAKOMBA, ville de l'Océanie, dans la
Malaisie néerlandaise, ch.-l. du territoire hol-
landais de son nom, à l'extrémité S.-E. de
l'île Célèbes, et a l'embouchure de Kaligon-
gang, à 24 kilom. de Bontain. Bon port dé-
fendu par le fort Carolina ; fabriques de toiles ;
comptoir hollandais.
BOULAK,
BOULAK, ville de la basse Egypte, sur l'a
rive droite du Nil, à 2 kilom. N.-O. de l'en-
trée du Caire, dont elle est un des faubourgs
et un des ports. Les jardins et le palais de
Mehemet-Ali séparent seuls ce faubourg de la
ville ; 5,000 hab. C'est au port de Boulak que
s'arrêtent toutes les barques qui remontent le
Nil depuis Alexandrie ou le Delta ; ce port
offre de l'animation, mais le fleuve, resserré
par l'île basse appelée Gésihet-Boulak, ne
présente pas un aspect aussi majestueux qu'au
nord de' la ville, ou il se laisse voir dans toute
sa largeur. Boulak possède une imprimerie
fondée en 1822 par Mehemet-Ali, un observa-
toire et le musée égyptien, où notre compa-
triote M. Mariette réunit toutes les antiquités
de l'Egypte. Boulak fut incendiée en 1799 par
les Français, et reconstruite quelques années
plus tard par le régénérateur de l'Egypte.
BOULAMA
BOULAMA ou BULAMA
;
petite Ile de la côte
occidentale d'Afrique, faisant partie de l'Ar-
chipel des Bissagos, sur la côte de la Séné-
gambie, près de l'embouchure du Rio-Grande.
Longueur, 34 kilom. sur 18 de large; le sol
fertile produit surtout du riz, du café, de l'in-
digo et du coton ; mais le climat est insalubre,
surtout pour les Européens.
BOULANGÉ,
BOULANGÉ, ÉE (bou-lan-jé) part. pass.
du v. Boulanger -• Ce pain est mal BOULANGÉ.
BOULANGÉ
BOULANGÉ (Louis), paysagiste français
contemporain, né àVarzy (Marne), le 13 mai
1812, élève de Delacroix et de M. Paris. 11 a
exposé pour son début, en 1845, deux Inté-
rieurs de forêt, et il n'a cessé depuis cette
époque de traiter des sujets analogues, imé-
BOUL
rieurs ou lisières de bois, plaines ou vallons
boisés. Il rend avec beaucoup d'habileté tous
les détails des dessous de bois, les différentes
variétés de feuillages, les mousses et les li-
chens qui brodent capricieusement le tronc
des grands arbres. Sa touche est large et
ferme, sa couleur solide et brillante; mais il
ne varie pas assez ses effets, et les figurines
qu'il place dans ses tableaux sont lourdement
touchées. Il a exposé à presque tous les Sa-
lons qui ont eu "lieu de 1845 à nos jours, et a
obtenu une médaille de 3^ classe en 1859.
C'est d'ordinaire dans la forêt de Fontaine-
bleau, dans les Ardennes, en Alsace ou en
Champagne qu'il puise les motifs de ses com-
positions.
BOULANGER,
BOULANGER, ÈRE s. (bou-lan-jé, è-re —
rad. boule, à cause de la forme ronde qu'af-
fecte quelquefois le pain. Etym. douteuse).
Celui ou celle qui fabrique ou qui vend du
pain : Pourquoi un Français ne payerait-il pas
son prêtre, comme son BOULANGER? (Beyle.)
La profession de BOULANGER était inconnue des
plus anciens peuples : chaque ménage faisait
son pain. (Bouillet.)
— s. m. Argot. Nom donné au diable, sans
doute parce qu'il fait cuire les damnés dans
l'enfer, comme le boulanger fait cuire le pain
dans le four.
— Administr. milit. Boulanger militaire,
Celui qui est attaché à l'armée comme ou-
vrier d'administration. H Boulanger civil ou
de garnison, Celui qui, sans être attaché à
l'armée, a soumissionné la fourniture d'une
certaine quantité de pain.
— s. f. Sœur converse qui fait le pain, dans
une communauté de femmes.
— Encycl. V. BOULANGERIE.
B o u l a n g è r e a d e s écua ( L A ) . C e t t e c h a n s o n ,
singulièrement grivoise, date, paraît-il, du
temps de la Régence. Elle est généralement
attribuée à Gallet, chansonnier de cette épo-
que. Tout le monde sait que c'est sur l'air de
la Boulangère que se danse une ronde qui finit
gaiement les bals de noce bourgeoise. Le pre-
mier couplet seul est très-populaire, et Von
trouve la chanson insérée tout au long pour
la première fois dans un recueil publié à Pa-
ris en 1851. Quelques érudits prétendent que
la chanson qui va suivre n'est qu'une faible
imitation de la Gentille boulangère, de Bouf-
flers. Cela est possible j celle deBoufflers,
sans aucun doute, est bien supérieure; mais
lu popularité de la Boulangère a des écus s'ex-
plique encore par sa gaieté de bon aloi, et sa
musique, à coup sûr, ne méritait pas d'être
oubliée. On a cru voir dans cette œuvre une
allusion satirique a quelque.femme en vogue
de l'époque, mais rien ne prouve que cette
hypothèse soit fondée, et aucun nom n'a ja-
mais, que nous sachions, été mis en avant.
vu, j'ai vu la bou-lan-gà - - re.
DEUXIEME COUPLET.
• D'où te viennent tous ces écua,
Charmante boulangère?
— Us me'viennent d'un gros Crésus
Dont je fais bien l'affaire,
Vois-tu,
Dont je fais bien l'affaire.
TROISIÈME COUPLET.
A mon four aussi sont venus
De galants militaires;
Mais je préfère les Crésus
A tous les gens de guerre,
"Vois-tu,
A tous les gens de guerre.
QUATRIÈME COUPLET.
Des petits maîtres sont venus
En me disant : « Ma chère,
» Vous êtes plus belF que Vénus ; •
Je n'ies écoutais guère,
Vois-tu,
Je n'ies écoutais guère.
CINQUIÈME COUPLET.
Des abbés coquets sont venus;
Ils m'offraient, pour me plaire,
Des fleurettes au lieu d'écus,
Je les envoyais faire,
Vois-tu,
Je les envoyais faire....
SIXIÈME COUPLET.
— Moi, je ne suis pas un Crésus,
Abbé ni militaire,
Mais mes talents sont bien connus,
Boulanger de Cythôre,
Vois-tu,
Boulanger de Cythère.
BOUL
SEPTIÈME COUPLET.
Je pétrirai, le jour venu,
Notre pâte légère,
Et la nuit au four assidu
J'enfournerai, ma chère.
Vois-tu,
J'enfournerai, ma chère.
HUITIÈME COUPLET.
— Eh bien; épouse ma vertu,
Travaill' de bonn' manière,
Et tu ne seras pas c . . .
Avec la boulangère
Aux écus,
Avec la boulangère.»
Boulangère a des écus (L\), drame en cinq
actes et sept tableaux, de M. Jules de Préma-
ray, représenté pour la première fois à Paris,
sur le théâtre de la Porte-Saint-Martin, le
24 novembre 1855. La boulangère dont il s'a-
git n'est pas celle de la chanson; elle a des
écus, il est vrai, beaucoup d'écus, mats on no
peut dire qu'ils ne lui coûtent guère. Excellente
femme, toute ronde et tout aimable, elle a
pour les siens une affection qui se traduit au-
trement que par des paroles. C'est ainsi
qu'elle donne un demi-million à son frère, un
pauvre diable de sculpteur, afin qu'il puisse
devenir le mari de Mlle Mathilde. Cet acte de
générosité acquiert d'autant plus de prix à nos
veux que M
m
« Mignolet (ainsi se nomme la
boulangère) fait croire au jeune artiste que ces
500,000 fr. viennent d'un héritage inespéré :
qu'il ne lui en ait donc pas d'obligation ; il l'o-
bligera même en les acceptant au plus vite.
On ne peut pousser plus loin la délicatesse, et
cette boulangère vous a des façons de procé-
der qui dépiteraient certes une princesse de
sang royal. Voilà donc notre sculpteur en
possession d'un assez joli capital. Il va sans
doute songer plus que jamais à son art et cou-
vrir de gloire le nom de Jean Raymond, que
son brave père lui a donné en naissant. Point.
Il n'a pas plus tôt palpé le demi-million de sa
sœur, qu'il se voue à la finance. Quittant l'a-
telier où sa muse, assise sur un bloc de terre
flaise, grelottait tout en lui faisant les yeux
oux, il ouvre boutique et devient banquier.
L'amour, qui indiquait autrefois la route du
Parnasse, conduit tout prosaïquement au-
jourd'hui les poètes'a la Bourse; on ne fait
plus d'élégies, on n'adresse plus de madrigaux
a Chloris, on ne met plus dans la corbeille
d'Agnès un sonnet a rimes riches; on em-
prunte à trois pour cent, on trafique sur
l'Union des gaz, le Grand-Central ou les Pe-
tites-Voitures, et l'on glisse sous la couronne
de fleurs d'oranger de bons et solides Crédits
mobiliers faisant prime. Les écus de la bou-
langère ont ouvert les yeux à Raymond et lui
ont appris toutes ces jolies choses. Le cours
de la Bourse est devenu son bréviaire; il
comprend que Y Art d'aimer n'est plus, a
l'heure présente, qu'une curiosité bibliogra-
phique qu'il faut faire relier en veau, soigneu-
sement enfouir dans les profondeurs de sa bi-
bliothèque et ne jamais ouvrir, sous peine
d'être perdu sans retonr dans l'esprit des jeu-
nes filles à marier. U veut donc créer à celle
qu'il épouse, à Mathilde, une atmosphère
d'actions de la Banque de France, faire ruis-
seler dans ses opulents cheveux, sur son cou
virginal, des rivières de diamants; le nid nup-
tial sera encombré de meubles, de tapis et
d'objets aussi inutiles que luxueux. M. Théo-
phile Gautier affirme que l'amour est un joyau
qui doit être richement serti... O poCte amou-
reux de la forme, du clinquant et du luxe, est-
ce donc dans le vieux sèvres bleu tendre que
retentissent les plus suaves baisers? Est-ce
donc dans le boule que se blottissent les seules
amours enviables?
Cependant Raymond voit chaque jour sa
fortune s'accroître ; d'heureuses spéculations
font de lui un homme riche, un homme que
l'on regarde, un de ces hommes dont la posi-
tion excite toutes les convoitises. Il est père,
et sa petite fille, belle et charmante, met le
comble à sa félicité. Mathilde, de son côté,
est-elle aussi heureuse? Hélus, non. Son r e -
gard est inquiet, son front se voile tristement
à de certaines heures ; sa tête se penche vers
la terre, et une larme furtive glisse parfois a
travers ses jolis doigts ornés de brillants. Son
maintien est grave; elle semble vaguement
tourmentée, et le remords s'assied parfois au
coin du feu entre elle et son mari. La pauvre
femme s'imagine avoir été, pendant le som-
meil provoqué par un narcotique, la victime
d'un piège odieux ; un misérable, Stéphen Ber-
thal, son cousin, l'a poursuivie de ses assi-
duités, et, las d'être repoussé, n'a pas craint
de recourir au crime pour satisfaire sa brutale
J
iassion. « Armé de ce secret comme d'un sty-
et empoisonné qu'il tient appuyé sur le cœur
de Mathilde, écrit M. Théophile Gautier, il
rentre dans la maison de banque de Jean
Raymond, d'où il avait été renvoyé pour quel-
que légèreté envers la caisse, et s'y conduit
comme s'il portait le pantalon de tricot gris,
les bottes à cœur et la lévite raisin de Corin-
the des traîtres de l'ancien mélodrame. » Ma-
thilde, voulant à tout prix se débarrasser de
ce personnage désagréable, dont l'étrange
amour est implacable comme la haine, engage
une parure de diamants dont le prix servira à
faire une pacotille h Stéphen. Ce gredin, qui
travaille de préférence sur les jeunes femmes
inexpérimentées, ira tenter fortune en Cali-
fornie, où il ne manquera pas de trouver de
nombreux confrères es filouteries. Malheureu-
BOUL
sèment, Raymond, qui, malgré son amour,
commence à trouver les allures de sa femme
quelque peu suspectes, suit Mathilde et la
trouve chez un usurier, le père Replumasse,
• un nom qui exhale un acre parfum de bric-à-
-. brac, un nom à enchâsser dans un roman de
Balzac en regard de celui de Gobseck. Grâce
toutefois à la présence d'esprit de Mme Mi-
gnolet, notre boulangère, Mathilde se tire de
ce pas difficile à la satisfaction générale.
Mme Mignolet rachète l'écrin, qu'elle: replace
elle-même dans le petit meuble de bois de
rose où Mathilde serre ses bijoux. Raymond
ne tarde pas cependant à voir que la fortune
s'en va souvent plus vite encore qu'elle n'est
venue. Un matin, il s'éveille ruiné par une
faillite, et demande l'écrin, ressource su-
prême; mais le misérable Stéphen ne se con-
tente pas de voler aux femmes leur honneur,
il leur prend aussi leurs pierreries et leurs
bijoux. C'est ainsi que, par un domestique, son
complice, il a fait enlever les diamants de
Mathilde ; au lieu des pierres précieuses, le
mari trouve un billet de Stéphen qui eiige un
dernier rendez-vous de la jeune femme. Di-
sons tout de suite que les diamants ne sont
pas parvenus à leur adresse; la petite fille
les a trouvés dans les poches du domestique
infidèle, où elle cherchait des bonbons. La
friandise sert parfois à quelque chose. Stéphen
pousse l'audace jusquà se présenter chez
Raymond- ce dernier lui tire un coup de pis-
tolet qui l'effleure sans l'atteindre, et reçoit
une balle dans l'épaule. On croit le pauvre
Raymond en danger de mort; mais il guérit
bientôt ; il guérit, et c'est pour faire souffrir
Mathilde, qu'il croit coupable, de son dédain
et de ses sarcasmes. Muet, froid et cruel avec
elle, il voit couler ses larmes et n'en a pas pi-
tié. Revenu des grandeurs du trois pour cent,
il a repris son ciseau, et, dans un bloc de
marbre, il sculpte mystérieusement le tom-
beau de ses illusions perdues, sur lequel est
couchée une triste et douloureuse figure qui
ressemble à Mathilde. Pauvre Jean Raymond l
lorsque sa peine est trop vive, il court à. Pa-
ris (car depuis sa ruine il habite non loin du
moulin de sa sœur la boulangère). Morne et
hagard, il se glisse dans quelque cabaret bor-
gne, il s'égare dans quelque tripot clandestin,
s'abrutit d'absinthe, et, l'œil avide, la main
fiévreuse, jette à tout hasard sur le tapis vert
ses maigres écus, produit de son travail. Sté-
phen Bertal est revenu de Californie; il est
riche. Un soir, les deux hommes se rencon-
trent dans une maison suspecte, et Raymond,
qui de prime abord ne reconnaît pas son en-
nemi, perd 16,000 fr. contre lui sur un coup
de lansquenet. L'énormité de la perte dégrise
Raymond, et il saute à la gorge de Stéphen
pour l'étrangler. Stéphen a quelque peine à
se défendre. « Quarl vous m'aurez payé les
16,000 fr. que vous me devez, nous nous bat-
trons, » dit-il. Pour acquitter sa dette et pou-
voir se venger, le statuaire vend son œuvre,
le tombeau même auquel il travaillait avec
E
assion, à un industriel que les sujets lugu-
res n'effarouchent point, il paraît. La ren-
. contre va donc avoir lieu, et Dieu seul sait
?
uel en serait le résultat, si Stéphen' n'était
ort à propos pris dans un piège qu'il avait
fort habilement préparé. Au moment d'attirer
Mathilde dans un guet-apens infâme, il est
démasqué par un mitron de Mme Mignolet,
gaillard perspicace qui répond au nom de
Pierre Sarrazin. Ce Pierre Sarrazin avait, une
nuit, aperçu un inconnu qui essayait d'escala-
der les fenêtres de la chambre où Mathilde
reposait; il s'était précipité sur le visiteur
nocturne et avait engagé une lutte avec ce-
lui-ci, qui cependant était parvenu à prendre
la fuite, quoique grièvement blessé par le
mitron. Bref,, l'innocence de Mme Raymond
est démontrée, quoique un peu tardivement
pour son repos et celui de son mari, et Sté-
phen Bertal rend lui-même hommage à la
vertu de Mathilde en se brûlant la cervelle.
Que ne l'a-t-il fait plus tôt? pourrait-on s'é-
crier; mais alors le drame s'effondrait dès
le premier acte, faute de solives et de ciment.
« A travers cette action, dit le critique dra-
matique du Moniteur, M. Théophile Gautier,
que nous avons cité plus haut, à travers cette
action, M. Jules de Prémaray a fait fourmil-
ler tout un monde de figures grimaçantes et
de caricatures épisodiques : ce sont des reven-
deuses à la toilette, des marchands de bric-à-
brac, des courtiers marrons, des lorettes, des
grecs. Il promène son drame du Jardin d'Hi-
ver aux enfers clandestins, et l'abandonne à
chaque instant pour se livrer à quelque sail-
lie aristophanesque, à quelque éloquente dia-
tribe. Sa pièce en contient trois bien distinc-
tes : la Boulangère a des écus, Mathilde et
Raymond, le Monde interlope. Tout cela s'en-
lace et se croise comme une natte à trois brins,
dont chaque ruban reparaît à son tour; il y a
de l'intérêt quelquefois, de l'esprit partout, du
'style souvent. » Après une quarantaine de
représentations, la Boulangère a des écus dis-
parut de l'affiche de la
v
Porte-Saint-Martin.
Acteurs qui ont créé la Boulangère a des
écus: MM. Munie,.Jean Raymond; Alfred
Baron, Stéphen Bertal; M«>es Page, Ma-
thilde; Delphine Baron, la boulangère, etc.
BOULANGER
BOULANGER v. n. ou intr. (bou-lan-jé —
de boulanger, subst. ; prend un e muet devant
l'a et l'o : Je boulangeai, nous boulangeons).
Faire du pain : La petite Madelon refuse
25 écus de Jean Bedout, encore elle ne sait ni
BOULANGER ni traire. (P.-L. Courier.)
BOUL
— v. a. ou tr. Pétrir et faire cuire, en par-
lant du pain : La grande Nanon, son unique
servante, quoiqu'elle ne fût plus jeune, BOU-
LANGEAIT elle-même, tous les samedis, le pain
de la maison. (Balz.)
BOULANGER
BOULANGER (Jean), dessinateur et gra-
veur français, né à Troyes vers 1610, mort à
Paris, dans un âge avancé. Suivant le célè-
bre amateur Mariette, « les gravures de Bou-
langer sont terminées avec tant de soin, et il
y règne une si grande propreté qu'il n'y a
guère d'estampes qui se fassent regarder avec
plus de plaisir, » Mariette ajoute : « Ce gra-
veur donnait toute son application à arranger
ses tailles avec égalité, de manière que l'ac-
cord des ombres et demi-teintes produisît une
couleur douce et agréable. Dans' cette vue,
sans se mettre en peine du temps qu'il lui en
coûterait, il imagina d'exprimer les ombres
des chairs au moyen d'une infinité de points
mis auprès l'un de l'autre, comme on le pra-
tique dans la peinture en miniature, au lieu
qu'on les avait jusqu'alors représentées avec
des tailles, c'est-à-dire des traits. Cette nou-
velle manière (à laquelle on a donné le nom
de pointillé') lui réussit assez, -et elle a été
suivie depuis par plusieurs autres graveurs
qui,' comme lui, se sont uniquement étudiés à
graver avec une extrême propreté. » Jean
Boulanger a gravé, entre autres pièces : la
Vierge aux ceillets, d'après Raphaël; VAn-
nonciation, la Vierge, Y Enfant Jésus et saint
Jean, d'après le Guide; la Vierge de Passau,
d'après Andréa Solario; diverses Madones,
d'après Simone Cantarini, le Baroche, An.
Carrache, Simon Vouet, P . Mignard, N. Coy-
pel, J. Blanchard, J. Stella; divers autres
sujets religieux, d'après Séb. Bourdon, Ch.
Le Brun, Cl. Le Febvre, Nie. Mignard, A.
Solario, Ph. de Champagne, frère Luc, Et.
Villequin, Cl. Mellan, Fr. Chauveau, etc. ;les
portraits d'un grand nombre de personnages
de son temps, princes, cardinaux, prélats,
prêtres, moines, religieuses, etc.
BOULANGER
BOULANGER (Nicolas-Antoine), écrivain
du xvme siècle, né à Paris en 1722, mort en'
1759. Il fut ingénieur des ponts et chaussées,
apprit les langues orientales, et fut conduit à
étudier les révolutions du globe par les ob-
servations qu'il fit dans les fouilles qu'il était
chargé de diriger. Toutefois, ce ne fut pas au
point de vue de la géologie qu'il considéra ces
phénomènes, mais uniquement dans leurs rap-
ports avec les révolutions humaines. Frappé
des grands cataclysmes de la nature et de la
tradition du déluge universel, il vit, dans les
terreurs que ces fléaux avaient produites parmi
les hommes, l'origine des superstitions et des
idées religieuses. L'Ecriture, l'histoire même,
ne renfermaient pour lui que des symboles as-
tronomiques. Il retrouve dans les usages de
l'antiquité, dans les religions, dans les prédic-
tions apocalyptiques, dans les idées de la fin du
monde, des preuves à. l'appui de ses deux in-
terprétations de tous les faits, symboles as-
tronomiques et terreur du déluge. Il n'a rien
publié de ses ouvrages, sinon quelques articles
dans Y Encyclopédie. Son Antiquité dévoilée
(1766), et ses Recherches sur l'origine du des-
potisme oriental (1761), ont été publiées par le
baron d'Holbach, qui les a probablement rema-
niées et où il a mis l'empreinte de son esprit an-
tireligieux. On a encore imprimé sous le nom de
Boulanger des écrits qui ne sont pas de lui,
entre autres : le Christianisme dévoilé, qui a
pour auteur Damiïaville. Les œuvres de Bou-
langer ont été réunies en 1792 (8 vol. in-8°).
BOULANGER
BOULANGER (Marie-Julie HALLIGNER ,
dame), cantatrice française, née à Paris en
1786, morte dans la même ville en 1850. Admise
au Conservatoire le 20 mars 1800, dans la
classe de chant de Plantade, elle reçut ensuite
des leçons de Garât. Elle débuta au théâtre de
l'Opéra-Comique le 16 mars 1811, dans l'Ami'
de la maison et le Concert interrompu, avec
un tel succès que l'administration de ce théâ-
tre prolongea ses débuts pendant un an.
Mme Boulanger joignait à la beauté de l'or-
gane une extrême facilité de vocalisation, et
un jeu rempli à la fois de délicatesse et de
verve comique. Aussi les intentions fixées par
elle dans certains rôles de son répertoire, no-
tamment dans les rôles de Lisette des Evéne-
ments imprévus et de Julie des Rendez-vous
bourgeois, sont devenues des traditions à l'O-
péra-Comique. Mme Boulanger, qui avait au-
tant d'esprit que de talent, eut le bon goût
d'abandonner, en 1835, les rôles trop jeunes
pour son âge, ce qui ne l'empêcha pas d'ob-
tenir, dansl'emploi des caractères, un succès
qui rappelait aux vieux habitués le temps de
la bonne mère Gonthier. On s'imagine trop
aisément, au théâtre, que les rôles de duègne
ne sont qu'un pis-aller; une comédienne de
talent n'est pas de cet avis ; elle sait que la
victoire chèrement achetée n'en est que plus
glorieuse pour celle qui la remporte. M
m c
Bou-
langer quitta le théâtre en 1845. Voici la liste
des rôles principaux qu'elle a créés dans di-
vers opéras : Lucie, dans la Promesse de ma-
riage, de Benincorî ; Nanette, dans le Petit
chaperon rouge ; Lucifer, dans la Clochette,
opéra d'Hérold: Lucette, dans la Bergère
châtelaine, d'Auber; Rose, dans Emma, d Au-
bert; Nyn-Dia, dans le Paradis de Maho-
met, de Kreutzer et Kreubé; Cicily, dans
Leicester, d'Auber; Zerbine du Muletier,
d'Hérold; Carline, dans le Concert à la cour,
d'Auber; Mme Bertrand, dans le Maçon,
d'Auber; Jenny, dans la Dame blanche; Su-
zette, dans Marie, d'Hérold ; Zerbine, dans Fio-
BOUL
relia, d'Auber ; Catherine, dans Loup~Garou
t
de M
l l e
Bertin; Paméla, de Fra Diavolo;
Ritta, de Zampa, d'Hérold; Mme Barneck,
dans Y Ambassadrice ; Jacinthe, dans le Do-
mino noir ; la comtesse, de Ilégine, d'A. Adam;
la signora Bochetta
?
dans Polichinelle, de
Montfort; lady Pekinbrook, dans la- Reine
d'un iour, d'Adam ; Manuela, dans Guitarero
d'Halévy; la comtesse, de Mina, d'Ambroise
Thomas; la marquise de "Volmerange, dans
Cagliostro, d'Adam, etc., etc.
BOULANGER
BOULANGER (Ernest-Henri-Alexandre),
compositeur français, fils de la précédente,
né à Paris le -16 septembre 1815. Admis au
Conservatoire en 1830, il y suivit les cours
de Valentin Alkan pour le piano, d'Halévy
pour le contre-point, et de Lesueur pour la
composition dramatique. En 1835, il remporta
le premier grand prix de composition musi-
cale et se rendit en Italie. De retour à Paris,
M. Boulanger, après avoir subi les dégoûts
qui abreuvent tous les jeunes lauréats, obtint
de Scribe un potime en un acte : le Diable à
l'école. Cet ouvrage, représenté au théâtre de
l'Opéra-Comique, le 17 janvier 1842, obtint un
fort joli succès, et c'était justice. « M. Bou-
langer a la mélodie facile, disait un journal
de l'époque. Son instrumentation et sa fac-
ture dénotent une main exercée. » On r e -
marqua l'ouverture, l'air de Roger (qui n'avait
pas dédaigné de prêter son appui au débu-
tant) et le trio final. Voici la.hste des autres
opéras de M. Ernest Boulanger : les Deux Ber-
gères, opéra-comique en un acte (Opéra-Co-
mique, 1843); Une voix, opéra-comique en un
acte, de Bayard et Charles Potron (Opéra-"
Comique, 20 mai 1845) ; cette Voix était celle
de Mme Casimir, une cantatrice émérite, dont
le talent assura a ce petit acte un très-agréable
succès; —la Cachette, opéra
s
-comique en trois
actes (Opéra-Comique, 1847)
S
; les Sabots de la
^marquise, opéra-comique en un acte, de Jules
Barbier et Michel Carré (Opéra-Comique,
29 septembre 1854), œuvre pleine de grâce et
de verve. Les couplets : A vous je m'intéresse
sont restés populaires. Les vaudevillistes en
ont fait un de' leurs timbres favoris. Les char-
mantes mélodies de cet opéra, où la science
s'allie dans une juste mesure à l'imagination,
représentent les seuls progrès enviables dans le
genre éminemment français de l'Opéra-Comi-
que. La musique a le bon goût de se borner à
être l'auxiliaire des paroles; elle n'ambitionne
que la vérité et trouve le succès;—YEventail,
opéra-comique en un acte (Opéra-Comique,
1861), marivaudage à l'eau de rose, qui n'é-
tait guère de nature à inspirer un composi-
teur; le Docteur Magnus, opéra en un acte,
de MM. Cormon et Michel Carré (Opéra,
9 mars 1864). Il est étrange qu'après avoir
obtenu deux succès réels à l'Opéra-Comique,
M. Boulanger, en désespoir de cause, ait été
forcé de porter à l'Opéra une oeuvre qui ne
convenait à cette scène sous aucun rapport.
La pièce, lourdement interprétée, fut jouée
onze fois.
BOULANGER
BOULANGER (Louis), peintre français, né
à "Verceil (Piémont) en 1806, mort à Dijon en
1867. Il se forma sous la direction de Lethière
et d'A. Devéria, et exposa pour son début, au
Salon de 1827, un Mazeppa (aujourd'hui au
musée de Rouen), tableau plein d'énergie
et de mouvement, exécuté dans la chaude
éclosion du romantisme et auquel le jury dé-
cerna, sans doute par mégarde, une médaille
de 2e classe. Cet ouvrage plaça immédiate-
ment M. Boulanger au premier rang de la
jeune école et lui valut les sympathies, les
encouragements, les louanges les plus chaudes
et les plus exagérées des écrivains de la
pléiade romantique. Victor Hugo le prit sous
son patronage et lui dédia quelques-unes de
ses plus belles poésies. En retour, l'artiste
s'inspira souvent du poëte et commenta ses
œuvres avec le crayon et le pinceau. Au
reste, les faveurs du gouvernement ne lui fi-
rent pas défaut. Il exposa, en 1833, Y Assassi-
nat de Louis d'Orléans par le duc de Bour-
gogne, commande du ministère des travaux
publics, et, en 1835, le Cantique de Judith,
commande du ministère de l'intérieur. A dire
vrai, ces ouvrages ne sont pas de ses meil-
leurs. Le favori du romantisme devait se sen-
tir mal à l'aise dans la peinture officielle. Il
retrouva toute sa verve pour peindre des su-
jets puisés dans les livres de ses amis et dans
ceux des poètes et des romanciers des autres
âges, dans Virgile, Dante, le Tasse, l'A-
rioste, Shakspeare, Cervantes, Le Sage, La
Fontaine, "Walter Scott, etc. Artiste d'une
inépuisable imagination et d'une main infati-
gable, il a pris part à toutes les expositions
qui ont eu lieu de 1827 à 1866, excepté à
celles de 1838, 1842, 1847, 1848 et 1864. Parmi
ses nombreuses productions, nous nous con-
tenterons de citer : Benaud dans les jardins
d'Armide, la Mort et le bûcheron et les Mule-
tiers espagnols (Salon de 1833); une série de
brillantes aquarelles représentant des scènes
tirées de Notre-Dame de Paris, de Béatrix
de Cenci, de Lucrèce Borgia, d'Othello, du
Roi Lear (Salons de 1833 et de 1834); les
Noces de Gamache, composition ingénieuse et
vivante (Salon de 1835) ; le Triomphe de Pé-
trarque, a poétique et splendide apothéose du
génie, » suivant l'expression de Gustave Plan-
che, peinture savante, harmonieuse, exécutée
dans un style décoratif pour la galerie du
marquis de Custine , et qui eut le double
avantage d'inspirer à Victor Hugo une de ses
meilleures pièces et de valoir à l'artiste une '
BOUL
1089
médaille de l
r e
classe: les Trois amours poé-
tiques (la Béatrix, de Dante ; la Laure, de Pé-
trarque, et Orsolina, aimée de l'Arioste), a es-
pèce de Parnasse romantique, a dit Th. Gau-
tier, œuvre élégante, pleine de goût, de talent
i et de distinction, » qui fut exposée en 1840, et
pour laquelle M. Boulanger reçut la croix de
. la Légion d'honneur ; les Bergers de Virgile et
des Baigneuses (1845); la Douleur d'Hécube,
commande du ministère de l'intérieur, Ugo-
lin et ses fils (1S5S); le Roi Lear et son fou
(1853); Saint Jérôme et les Romains fugitifs,
la seule grande composition que l'artiste ait
!. envoyée a l'exposition universelle de 1855, où
! ses admirateurs ont regretté avec raison de
ne pas retrouver quelques-unes de ses œu-
vres antérieures; les Gentilshommes de la
sierra'; le Guitarero; la Fête au château de
Lirias, et Roméo achetant du poison (1857);
Don Quichotte et le chevrier, Othello, Mac-
beth, le Message (1859) ; la Rêverie de Velléda
et la Ronde du sabbat (1861 ); Vive la joie! su-
jet tiré de Notre-Dame de Paris, etun Concert
picaresque (1866). M. Louis Boulanger a exé-
cuté en outre un certain nombre de peintures
religieuses : Saint Marc (1831); Notre-Dame
de pitié (1844); une Sainte Famille (1845);
Mater dolorosa (1857) ; Y Apparition du Christ
aux saintes femmes (1859); une autre Sdinte
Famille, commande du ministèred'Etat(l865).
On lui doit aussi une foule de très-beaux por-
traits et notamment ceux de divers écrivains
contemporains : V. Hugo, Balzac, Alexandre
Dumas père (en costume de Circassien),
Alexandre Dumas fils, A. Maquet, Granier de
Cassagnac, etc. Voilà sans doute une car-
rière laborieusement et brillamment remplie,
et l'on pourrait croire que M. Louis Boulan-
ger jouit paisiblement aujourd'hui d'une ré-
putation incontestée ; mais, hélas I notre géné-
ration oublie vite: c'est là son moindre défaut.
Après avoir été fêté, prôné, chanté à outrance,
il y a quelque vingt ans, le triomphateur des
luttes romantiques a passé à peu près inaperçu
aux expositions récentes. Sa verve assurément
s'est refroidie, son pinceau n'a plus de ces
emportements qui faisaient jadis la joie de la
pléiade; son intempérance s'est changée en
sobriété ; mais on retrouve encore dans quel-
ques-unes de ses œuvres, surtout dans ses
portraits, le vaillant coloriste d'autrefois. Et
d'ailleurs, ne convient-il pas de le juger seu-
lement sur les productions de sa première ma-
nière, qui suffisent pour lui assigner une place
honorable parmi les maîtres de l'école con-
temporaine ? — Depuis 1860, M. Louis Bou-
langer dirige l'école des beaux-arts de Dijon :
faut-il s'étonner que, devenu professeur, il
ait cru devoir adopter un dessin moins^ hardi
et mettre une sourdine à sa palette?
BOULANGER
BOULANGER (Clément), peintre français,
né à Paris en 1806, mort à Magnésie, sur les
bords du Méandre, en 1842. Il eut pour maître
M. Ingres et débuta, au Salon de 1831, par
les ouvrages suivants : Adieux de François /er
à sa maîtresse, Institution de l'ordre de la
Toison-d'Or, Mazaniello. Il exposa depuis, -
entre autres ouvrages : en 1833, Nicolas
Poussin s'enrôlant.par misère,et la Procession
du Corpus Domini à Rome, • peinture décôra-
tive
7
dit M. F . Lenormand, remarquable par
la vivacité du ton, l'art de faire saillir les figu-
res en pleine lumière, la gaieté de l'aspect; »
en 1834, le Baptême de Louis XIII (commande
de la liste civile), composition un peu con-
fuse, mais offrant quelques parties d un beau
"coloris ; en 1835, le Génie des arts préférant la
misère aux grandeurs pour conserver son in-
dépendance, tableau qui, suivant M. Al. de
Saint-Chéron, fait plus d'honneur aux pen-
sées de désintéressement de l'artiste qu'à son
talent; en 1837, la Procession de la Gargouille
à Rouen, et Jocelyn à la grotte des Aigles; en
1838, \ Enfant prodigue ; en 1839, la Fontaine
de Jouvence; en 1840, Sainte Geneviève (com-
mande du ministère de l'intérieur), Sixte-
Quint recevant ses parents, les Vendanges du
Médoc (au musée de Bordeaux); en 1842, le
Mal des ardents. C'est par erreur que quel-
ques biographes, entre autres Gabet et Guyot
de Fère, ont attribué h cet artiste le Ma-
zeppa de son homonyme Louis Boulanger. —
Mme Marie-Elisabeth BOULANGER, née BLAVOT,
femme de M. Clément Boulanger, a exposé,
de 1830 à 1842, des tableaux de genre à l'huile
et à l'aquarelle; devenue veuve, elle a épousé
M. Cave et a continué, sous le nom de son se-
cond mari, à prendre part aux expositions de
1845 à 1855. V. CAVB.
BOULANGER'(Francois-Louis-Florimond),
architecte français, né a Paris en 1807. Après
avoir suivi les cours de l'Ecole des beaux-
arts, il obtint, en 1836, le grand prix d'archi-
tecture partagé avec J. Clerget. De l'Italie,
où ce premier succès lui permit d'aller conti-
nuer ses études, il envoya en France une
Restauration de la maison du Faune à Pom-
péi, puis les Thermes de Dioctétien. Plus tard,
il partit pour la Grèce et s'occupa depuis do
littérature.
BOULANGER
BOULANGER (Gustave-Rodolphe-Clarence),
peintre français contemporain, né à Paris en
1824, élève de Paul Delaroche et de M. Jolli-
vet, exposa, en 1848, un portrait et deux pe-
tites scènes ethnographiques : un Café maure
et des Indiens jouant avec des panthères. L'an-
née suivante, il envoya au Salon UDÔ compo-
sition mythologique, Acis et Galatéd, et rem-
porta le premier grand prix de Rome. Il
profita de son séjour en Italie pour faire de
sérieuses études archéologiques. De retour,
137
1090 BOUL BOUL
BOUL BOUL
en France, il exposa au Salon de 1857 des ta-
bleaux de genres et de mérites fort divers :
Jules César arrive au Rubicon, grande com-
position académique, timide dans sa préten-
tion et d'une couleur plate et terne; une Ré-
pétition dans la maison du poète tragique à
Pompéi, restitution assez habtfe de l'archi-
tecture civile et du mobilier de l'époque ro-
maine-; les Choassa ou Eclaireurs arabes,
œuvre remarquable par la simplicité de la
mise en scène et par la vérité des types.
C'est à ce dernier genre de composition qu ap-
partiennent les meilleurs ouvrages exposés
depuis par tyl. Gustave Boulanger : les Rahias.
ou Pâtres arabes (Salon de 1859) ; les Kabyles
en déroute (1863); les Cavaliers sahariens
(1864); Djeïdet rahia (1865). «M. Boulanger
a le sentiment, sinon la couleur de l'Afrique,
a dit M. Paul de Saint-Victor; il la peint fai-
blement, mais il l'exprime avec poésie. » Dans
la peinture des intérieurs pompéiens, il a ob-
tenu des succès qui nous semblent de moins
bon aloi : il plaît aux érudits par la netteté
et l'exactitude de ses indications archéologi-
ques; mais les figures dont il anime ses ta-
bleaux n'ont rien d'antique, témoin la Lucrèce
théâtrale, et la Lesbie, du quartier-Bréda,
3
u'il a exposées en 1859. Nous ne parlons pas
e 'la répétition du Joueur de flûte et de la
Femme de Diomède, dans l'atrium de la mai-
son pompéienne' du prince Napoléon, qui a
figuré au Salon de 1861 : ce tableau, ou des
personnages de notre temps, costumés à la
romaine, posent au milieu d'une architecture
agréable, est une fantaisie qui ne pouvait
prétendre qu'à un succès d'actualité. Quant à
la Cella fngidaria, où de jolies femmes en-
tièrement nues prennent les attitudes les plus
diverses et les plus contournées pour mieux
étaler leurs charmes, c'est là de ia peinture
aphrodisiaque qui n'a rien à envier aux gri-
voiseries de Baudouin et de Fragonard : aussi
ce tableau a-f-il été l'un des plus regardés du
Salon de 1864. Comme peintre de sujets my-
thologiques ou historiques, M. Gustave Bou-
langer manque des qualités qui font les maî-
tres : il n'a ni l'élévation des idées, ni le style,
ni la science de la composition. Son Hercule
aux pieds d'Ompkale, du Salon de 1861, est
certainement une de ses plus mauvaises pro-
ductions. Le Jules César marchant en tête de
la X*> légion, qui a paru au Salon de 1863,
vaut mieux que le Passage du Rubicon, la
scène, traitée dans de petites proportions, n'est
pas dépourvue de grandeur et de poésie;
mais l'exécution est des plus sèches. Ce dé-
faut, résultant d'un excès de précision dans
les détails, se retrouve dans le dernier ou-
vrage exposé par l'artiste : Catherine l
TC
dis-
cutant le traité de Pruth (Salon de 1866).
M. G. Boulanger a remporté des médailles de
2c classe, en 1857, 1859 et 1863; il a été
nommé chevalier de la Légion d'honneur en
1865.
BOULANGERIEBOULANGERIE s. f. (bou-lan-je-rî — rad.
boulanger). Fabrication et commerce du pain :
L'antiquité n'avait pas la BOULANGERIE déli-
cieuse de Paris. (De Cussy.) n Fond de bou-
langer : Vendre sa BOULANGERIE.
— Lieu où se fabrique le pain, celui où on
le vend, celui où on le tient dans les commu-
nautés : Ouvrir une BOULANGERIE. Le collège
renfermait une chapelle, un théâtre, une infir-
merie, une BOULANGERIE, des jardins, des
cours d'eau. (Balz.)
— Encycl. Historique. Nous pouvons con-
naître l'origine de la boulangerie chez les Ro-
mains, par le passage suivant de Pline le na-
turaliste : « Il n'y a pas eu de boulangerie à
Rome avant la guerre de Persée, c'est-à-dire
pendant 5S0 ans depuis la fondation de cette
ville. Chacun faisait sot-même son pain : c'é-
tait l'ouvrage des femmes,.comme ce l'est en-
core chez beaucoup de nations. Plaute, dans
sa comédie intitulée : Aulularia, emploie le
mot artopta (boulangère), et les savants dis-
putent si ce vers appartient à Plaute, puisqu'il
est constant, selon Ateius Capiton, qu'alors,
dans les maisons opulentes, c'étaient les cuisi-
niers qui faisaient le pain, et qu'on appelait
pistores (boulangers) ceux qui pilaient,le blé.
Toutefois, on n'avait pas encore d'esclaves qui
(fussent cuisiniers; on allait en louer au marché.
Les Gaulois ont inventé le tamis de crin ; les
Espagnols, les sacs et les bluteaux de lin; les
Egyptiens, ceux de papyrus et de jonc. » Les
maisons romaines avaient, en effet, une salle
spéciale appelée pistrine, dans laquelle on
pilait le blé après l'avoir préalablement tor-
réfié, comme nous le faisons pour notre café.
Bientôt ce mot ne fut plus vrai ; l'usage de la
meule remplaça celui du pilon, et des décou-
vertes faites à Pompéi nous ont appris d'une
manière positive la façon de faire le pain à
l'époque où cette ville fut engloutie. Dans la
rue d'Herculamvm, une maison déterrée en
L810 porte le nom de four public, et "elle est
voisine d'une autre qui avait été appelée la
boulangerie; dans toutes deux, on avait trouvé
des amphores pleines de blé et de farine, des
vases pour l'eau et des moulins de diverses
grandeurs. Ces moulins consistaient en deux
pierres de lave : l'inférieure était solidement
établie sur le sol, elle était conique et s'adap-
tait a un cône creusé dans la pierre supé-
rieure. Celle-ci, qui avait la forme d'un sablier,
était étranglée au milieu, et présentait deux
cavités coniques à chacune de ses extrémités.
La cavité supérieure recevait le grain, qui,
en passant à travers quatre trous pratiqués à
la partie la plus étroite de la pierre, était
écrasé entre la pierre inférieure et la pierre
supérieure. Pour diminuer le frot+ement, cette
dernière portait sur un pivot de fer placé au
sommet de la pierre inférieure. Une tige en fer
permettait de rapprocher ou d'écarter les deux
pierres. La pierre supérieure était cerclée au
milieu et recevait des leviers de bois, au moyen
desquels elle était mise en mouvement. Quel-
quefois c'était un âne qui était attelé à ces
morceaux de bois; on le faisait tourner sans
cesse, comme dans un manège, tout autour
du moulin, et pour cela on avait grand soin
de lui mettre devant les yeux des plaques de
cuir qui l'empêchaient de voir. Dans une
des pièces de la maison du four public, à
Pompéi, on a trouvé un squelette d'âne. Sur
une muraille on avait vu dessiné un âne tour-
nant la meule, avec cette inscription, gravée
peut-être par un esclave qui avait fini sa
peine :
Labora, aselle, quomodo laboravi, et proderit tibi.
c'est-à-dire : « Travaille, ânon, comme j'ai
travaillent cela te fera dubien. » C'étaient en
effet des esclaves qui, la plupart du temps,
étaient condamnés à ces travaux pénibles,
qu'on leur imposait comme châtiment ; c'était
même une des peines qu'ils redoutaient le
plus. L'usage d'employer des hommes au lieu
d'animaux, pour faire tourner ces moulins si
incommodes et si peu perfectionnés , subsista
longtemps encore, comme on peut le voir dans
l'anecdote suivante, arrivée à la fin du ive siè-
cle. Les entrepreneurs de la fabrication du
pain pour le peuple, ne sachant comment se
procurer des bras pour tourner les meules, éta-
blirent à côté de leurs vastes manutentions,
des cabarets où les femwies attiraient les pas-
sants, quij par une trappe, tombaient dans
des souterrains où ils restaient captifs. Un
soldat qui s'était laissé prendre parvint à s'é-
chapper et alla en instruire l'empereur, qui
détruisit cette tour de Nesle. Il y avait aussi
des moulins à eau, mais ils étaient moins
nombreux, quoique l'industrie hydraulique eût
pris une grande extension chez les Romains.
C'étaient également des esclaves qui, les jam-
bes entravées dans des anneaux de fer char-
gés de chaînes, pétrissaient la pâte et fai-
saient eufre le pain.
L'industrie des boulangers devait être assez
compliquée, à en juger par les diverses sor-
tes de pain en usage chez les Romains, et que
Pline énumère ainsi : o II est inutile, ce me
semble, d'entrer ici dans de longs détails sur
les différentes sortes de pain; disons seule-
ment qu'ils portent divers noms, suivant les
mets avec lesquels on les mange, tels sont
les pains appelés ostrearii, qu'on sert avec
les huîtres ; ou suivant qu'ils sont propres à
flatter le goût, comme ceux qu'on appelle
artolagani ; ou selon la promptitude qu'on met
à les faire, comme ceux qu'on nomme speus-
tici; ou enfin, selon la manière dont on les
fait cuire, comme les pains cuits au four, ou
dans une tourtière. Depuis peu, on a introduit
du pays des Parthes la recette pour faire le
pain dit aquatique, parce qu'en le pétrissant
on étend la pâte avec beaucoup d'eau. Il est
très-spongieux et très-léger. D autres le nom-
ment parthique. Le meilleur pain est fait de
fleur de farine, de siligo; mais elle doit être
blutée très-fine. Quelquefois on pétrit la pâte
avec des œufs et du lait; d'autres fois, on y
ajoute du beurre ; ce dernier raffinement est
du aux nations qui, dans les loisirs de la paix,
ont tourné toute leur attention du côté de la
pâtisserie. Le pain d'alica, qui fut inventé
dans le Picenum, conserve toujours sa répu-
tation. On fait tremper l'alica pendant neuf
jours; le dixième, on la pétrit avec du jus de
raisins secs, on l'étend eu long, et on la met
cuire au four, dans des pots de terre qui s'y
rompent facilement. Ce pain se mange tou-
jours trempé, le plus souvent dans du lait
miellé. »
Quoi qu'il en soit, il est certain que, quel-
ques années avant l'ère chrétienne, on comp-
tait dans la ville de Rome plus de 300 bou-
langers (pistores, de pinsere, piler, parce que
ceux qui convertissaient le grain en farine se
chargeaient de transformer Ta farine en pain).
Cette profession fut encouragée par les em-
pereurs, qui la regardèrent comme une des
plus utiles de l'Etat, et presque comme un i
service public. Les pistores furent formés en
corporation, et de grands privilèges leur fu-
rent attribués. Dispensés des charges qui pe-
saient sur les autres citoyens, et notamment
de la tutelle et de la curatelle, ils devaient
veiller à ce que l'alimentation publique fût
toujours assurée. Ils recevaient le blé des gre-
niers publics, et ne pouvaient vendre le pain
au-dessus du prix fixé par les magistrats. Les
enfants des pistores étaient obligés de suivre
la carrière paternelle ; ils faisaientde droit par-
tie des corporations, dont étaient sévèrement
exclus les esclaves.
En France, l'exercice public de la profes-
sion de boulanger est de peu antérieur au rè-
gne de Charlemagne. Il paraît résulter des do-
cuments mérovingiens et carlovingiens que,
pendant plusieurs siècles, la transformation I
de la farine en pain a été considérée comme j
une opération domestique, que chacun accom- ,
plissait chez soi. Peu a peu, cette profession I
prit faveur : beaucoup de particuliers trouvè-
rent plus économique d'acheter du pain tout
fait que de le confectionner chez eux.
Voici ce que dit M. Depping de l'industrie
de la boulangerie au xme siècle, dans une pré-
face du Livre des métiers d'Etienne Boileau :
« Dans le'temps où la ville avait été confinée
dans l'île de la Cité, un marché approvisionné
par la Beauce avait suffi aux habitants ; un
Four appartenant à l'évêque, et établi sur la
rive droite de la Seine, cuisait leur pain. De-
f
uis que Philippe-Auguste avait compris dans
enceinte les bourgs voisins de Paris, et de-
puis que la population et l'importance de la
ville s'étaient considérablement accrues, cette
simplicité rustique était abandonnée; les
champeauxou halles, étant devenus le marché
principal, attiraient les grains de la Brie, delà
Picardie et d'autres provinces, tandis que ce-
lui de la Cité conservait le nom de marché
de la Beauce. Une classe de bourgeois, celle
des blâtiers, trouvait une occupation suffi-
sante dans le commerce des grains. Le pré-
vôt des marchands gardait, au nom du roi,
les étalons des mesures, et les mesureurs j u -
rés, nommés par le corps des marchands,
étaient institués pour la garantie des ventes.
Les moulins pour moudre les grains étaient
amarrés sous le Grand Pont de Paris. Enfin,
les talemeliers ou boulangers, qui achetaient
du grand panetier du roi le droit d'exercer
leur métier, cuisaient le pain dans des fours
qui n'étaient plus, comme autrefois, des fours
banaux ou seigneuriaux. Cependant les ab-
bayes de Saint-Germain, de Saint-Marcel, de
Saint-Martin, continuaient chacune d'avoir un
four banal, et forçaient les habitants d'y faire
cuire leur pain. Cela ne fut plus praticable
quand la population de leurs terres se con-
fondit avec celle de la ville. Quelques abbés
eurent néanmoins beaucoup de peine à re-
noncer à leur ancien droit féodal.
» Les talemeliers ou boulangers, après
quatre ans d'apprentissage, pouvaient ODte-
nir la maîtrise, en payant, comme il vient d'être
dit, une somme d'argent au grand panetier ou
à son délégué, qui avait le titre de maître des
talemeliers , et en se soumettant à l'impôt
hebdomadaire qui pesait sur les boulangers.
Il n'y avait que cette profession qui eût un
cérémonial particulier pour la maîtrise, du
moins autant que nous le savons par les r e -
gistres de la ville. Le récipiendaire portait
dans la maison du maître des talemeliers un pot
rempli de noix etdenieules (espèce de dragées
ou de pâtisseries), et jetait le pot contre le
mur, après quoi les maîtres et les valets ou
compagnons du métier entraient et recevaient
à boire de la part du chef du métier. Il se
pourrait que cet usaçe fût d'une grande anti-
quité, et remontât bien haut dans les fastes
de la talemelerie en France, ou même en Gaule.
Dans la suite, il tomba en désuétude. Cepen-
dant les boulangers de Paris n'en perdirent
pas le souvenir, et lorsque, au xvue siècle,
ils proposèrent un règlement à l'autorité pu-
blique, ils n'omirent pas le pot d'installation
des temps féodaux, en l'accommodant toute-
fois au progrès de la civilisation. Ils deman-
dèrent, en conséquence, que le candidat à la
maîtrise présentât à l'avenir un vase avec une
branche de romarin, à laquelle seraient atta-
chés des pois sucrés, des oranges et d'autres
fruits. Mais le temps où l'on recevait l'inves-
titure par le pot était entièrement passé ; l'u-
sage féodal ne put être rétabli, et la maî-
trise continua d être accordée sans la céré-
monie du pot, des nieules et du romarin. Ce
qui dura plus longtemps, ce fut la juridiction
du grand panetier sur les boulangers. Malgré
le conflit entre la prévôté de Paris et la
f
randepaneterie, cette juridiction subsista pen-
ant des siècles, et sida charge de grand pa-
netier n'eût été supprimée, peut-être la bou-
langerie y fût-elle restée soumise jusqu'à la
Révolution de 1789.
» Il était interdit aux talemeliers de Paris
de cuire les dimanches et les jours de fête,
en sorte que pendant plus de soixante jours
par an les fours chômaient, et la population
était privée de pain frais. C'était probablement
pour cette raison que, le samedi, lç marché au
gros pain se tenait aux halles, accessibles
aussi bien aux marchands forains qu'aux ta-
lemeliers de Paris. Quoique, sous le règne de
Louis IX, les talemeliers aient obtenu un statut
très-détaillé, plus détaillé même que celui
d'aucune autre profession, on ne leur pres-
crivit pourtant rien sur la qualité et le poids
du pain. Ce ne fut que longtemps après, qu'on
futobligé, pour obvier aux plaintes du peuple,
de régler le poids et les qualités des diverses
sortes de pain; auparavant, on suivait sans
doute les vieux usages et la routine ; on avait
des pains de deux deniers, d'un denier et
même d'une obole. La pâtisserie était encore
dans l'enfance. La première corporation de
pâtissiers que l'on voit se former au xme siè-
cle à Paris est celle des oubliers ou oublayers,
qui faisaient des gaufres, des nieules et les
feuilles légères appelées oublies. On criait cel-
les-ci dans les rues de Paris, comme on crie
aujourd'hui les plaisirs. Le roi avait son ou-
blier d'office; c'était, à ce qu'il parait, un
personnage assez considérable des cuisines
royales, puisque, dans la maison de Louis IX,
dont l'état nous a été conservé, il lui est ac-
cordé un cheval et une ration de fourrage, o
Nos chansonniers se sont exercés plus
d'une fois sur les boulangers, et plus souvent
sur les boulangères ; tout le monde connaît la
fameuse ronde la Boulangère a des écus (voir
ce mot plus haut). Les trouvères, de leur
côté, n'ont pas oublié ces importants indus-
triels, mais ils les ont chantés à un point de
vue un peu différent. Dans le Dict des boulen-
guiers, on compare l'industrie de la boulan-
gerie a toutes les autres, et l'on montre s a .
supériorité, comme nourrissant le genre hu-
main et faisant gagner le ciel par l'aumône.
L'auteur était peut-être un pauvre gueux qui
plaidait pour son saint, c'est-à-dire pour son
estomac. La pièce, selon l'usage .du temps,
se termine par un sermon et par le souhait
de la vie éternelle à ceux qui la liront, et
surtout mettront en pratique ses enseigne-
ments. Les vers suivants contiennent les di-
verses opérations de la fabrication du pain,
opérations qui ressemblent fort à celles d'au-
jourd'hui :
Or, vous dirai qui en auront :
Cil qui les couches estendront,
Guillaume qui buletera,
Jehans qui le saachera,
Jofroi et Raoul son cousin,
Cîl pestriront bien par matin.
Li boulenguiers le pain fera
Et li forniers l'enfornera.
Tortel aura et son fornage.
— Législation. La boulangerie, en France,
a été réglementée dès qu'elle s'y est montrée
comme industrie publique. Dès les commence-
ments, on a cru, non sans raison à cette épo-
que, que l'alimentation publique était inté-
ressée à la réglementation sévère de cette
profession. Réunis en confréries ou corpora-
tions dès le règne de Philippe-Auguste, les
boulangers furent de bonne heure investis,
dans le but de rendre la surveillance plus fa-
cile, d'un monopole exclusif : un édit de 1217
interdit à tous autres qu'aux boulangers de
vendre du pain à Pontoise, et l'on ne put
exercer cette profession sans acheter une au-
torisation : « Nuz ne peut être talemelier de-
dans la banlieue de Paris, se il n'achate le
mestier du roy. » Telle est le premier article
des statuts recueillis dans les Registres des
métiers (1260), qu'Etienne Boileau a conser-
vés. Les boulangers de Paris furent assujettis
en 1305 à des règlements, renouvelés ou ag-
I gravés en 1419, en 1573, en 1635 et en 1783.
« Cette réglementation, écrit Dalloz (Réper-
toire alphab., tome VI, p. 358), se pouvait ré>
, duire à huit points : 1° la distinction des bou-
langers en quatre classes ; ceux qui ont leur
demeure dans les villes, les boulangers des
faubourgs et banlieues, les privilégiés, les fo-
rains ; 2° la discipline qui devait être obser-
vée en chacune de ces classes, et les règle-
ments qui avaient établi entre elles les bornes
de leur commerce; 3° la juridiction du grand
panetier de France sur les boulangers de Pa-
ris, abolie sous Louis XIV; 4° l'achat des
, blés ou farines dont ils avaient besoin pour
leur commerce; 5° la façon, la qualité et le
prix du pain ; 6° l'établissement et la disci-
pline des marchés où le pain devait être ex-
Eosé en vente; 1° les droits que payaient les
oulangers de Paris; 8° l'incompatibilité de
certaines professions avec celle de boulan-
ger. » Les boulangers ne pouvaient être me-
sureurs de grains, ni meuniers (ord.fév. 1415),
ni marchands de grains (arrêt du Pari. 1476),
et cela sous des peines sévères.
En lisant ces règlements édictés sous l'an-
cienne monarchie, on voit combien le pouvoir
souverain tend de plus en plus à se substituer
à l'individu, et dans quels détails cette régle-
mentation ne craint pas d'entrer pour mieux
assurer la fidélité du débit et l'alimentation
publique. Un jugement rendu en 1666 déclara
l'emploi de la levure de bière nuisible à la
santé, et mit fin à un procès fort comique, dit
Procès du pain mollet, dont M. Edouard
Fournier a entretenu, il y a dix ans, les lec-
teurs de la Revue française.
Les corporations de boulangers furent abo-
lies par 1 édit de février 1776, rétablies au
mois d'août de la même année, et définitive-
ment supprimées comme toutes les autres le
2 mars 1791. Ces corporations exigeaient un
apprentissage de cinq années et quatre an-
nées de compagnonnage, avant de permettre
à un ouvrier d'exercer comme maître. Celui
qui n'était pas fils de maître devait produire
un chef-d'œuvre, et payer, outre 40 livres
pour le brevet, une somme déterminée pour
la maîtrise.
A Paris, la vente du pain, avant même le
siècle dernier, se faisait dans quinze marchés,
qui attiraient 500 ou 600 boulangers de la ville
et des faubourgs, et 900 ou 1,000 de Gonesse,
Corbeil ou Saint-Germain-en-Laye. En de-
hors des maîtres privilégiés qui avaient le mo-
nopole de la vente dans ces marchés, un cer-
tain nombre de boulangers avaient le droit
d'exercer le métier sans être pourvus de la
maîtrise; c'étaient ceux qui habitaient les en-
clos du Temple, de Saint-Jean-de-Latran, de
la Châtre, etc.
La Révolution de 1789
;
qui détruisit tant
d'abus, se montra sur ce point d'une circonspec-
tion outrée. L'Assemblée constituante, qui n'a-
vait pas osé appliquer le principe de la liberté
industrielle et commerciale à la boucherie, fut
encore plus timide pour la boulangerie. C'est en
vertu des lois des 14 août 1789, 16 août 1790 et
2 mars 1791, qu'ont été rendus tous les décrets,
ordonnances et règlements généraux ayant
pour objet de limiter le nombre des boulangers,
ae les placer sous l'autorité des syndicats^ de
les soumettre aux formalités des autorisat.ons
préalables pour la fondation et la fermeture
BOUL
de leurs établissements, de leur imposer des
réserves de farines ou de grains, des dépôts
de garantie ou des cautionnements en argent,
de régler la fabrication, le transport ou la
taxe du pain, etc. A Paris et dans cent
soixante-cinq villes, cette réglementation a
eu jusqu'à ces derniers temps la sanction de
l'intervention de l'Etat. Par le décret du
22 juin 1863, l'Etat a commencé à se dégager
de toute participation aux restrictions qui pè-
sent sur cette industrie, et inauguré ce qu'on
est convenu d'appeler la liberté de la boulan-
gerie. Des mesures qui sont du res'sort du
pouvoir législatif doivent compléter ce nou-
veau régime. Les restrictions apportées à
l'exercice de la profession de boulanger ont
toujours été d'une exécution difficile. La plu-
part du temps, il a fallu reculer devant 1 ap-
plication des sanctions pénales de cette régle-
mentation, notamment devant la confiscation
des approvisionnements, l'emprisonnement
des boulangers et même la limitation de leur
nombre. Cependant, cette limitation s^est éta-
blie de fait, directement ou indirectement,
dans la plupart des villes réglementées.
Légalement parlant, la boulangerie, par-
tout ailleurs qu'à Paris et dans les cent
soixante-cinq villes réglementées, n'eût dû'
être soumise à aucune autre restriction que
celle qui résultait de la faculté accordée aux
autorités municipales de taxer le pain; mais,
dans beaucoup de localités, les maires, se
fondant sur les dispositions des lois qui leur
confèrent l'inspection sur la fidélité du débit et
la salubrité des denrées livrées à la consom-
mation, et le soin de prévenir par des précau-
tions convenables les iléaux calamiteux, au
nombre desquels figurent les disettes, ont sou-
mis le commerce de la boulangerie à des con-
ditions très-restrictives. Souvent, à l'imita-
tion de ce que le gouvernement avait fait
pour un certain nombre de villes, ils ont im-
posé à ceux qui veulent s'établir l'obligation
d'obtenir une permission de l'autorité munici-
pale, et sont arrivés ainsi à limiter le nombre
des boulangers. D'autres ont expressément
établi cette limitation, et quelques-uns ont
soumis les boulangers à l'obligation d'avoir
un approvisionnement. Enfin, dans les locali-
tés où aucune réglementation spéciale n'a été
établie par l'autorité supérieure ou appliquée
par l'autorité locale, le commerce de la bou-
langerie est encore presque partout assujetti à
la taxe.
Par le décret du 22 juin 1863, le gouverne-
ment a pris l'initiative de la liberté, et voici
par quelles considérations il s'est dirigé : Dé-
F
agée de toutes ses dispositions secondaires,
organisation de la boulangerie se résume en
quatre grandes questions : ïo les approvision-
nements de réserve ; 2° la limitation du nom-
bre des boulangers; 3° l'institution a Parts du
service de la caisse de la boulangerie, et le
système de compensation ; 4<> la taxe du pain.
La mesure des approvisionnements de ré-
serve avait, à son origine, été imposée par
des vues d'ordre et de sûreté générale ; elle
avait eu pour but de prévenir, ou tout au
moins d'atténuer considérablement les disettes
ou les chertés excessives. Le gouvernement
et l'administration avaient, à cet effet, con-
stitué pour la ville de Paris des réserves de
grains et de farines. Cette opération, ayant
toujours abouti à des pertes sérieuses et à des
résultats fâcheux, avait dû être abandonnée.
L'action directe du gouvernement et de l'ad-
ministration ainsi écartée, on avait ensuite
obligé les boulangers à constituer eux-mêmes
l'approvisionnement de réserve destiné à sub-
venir à leur fabrication journalière pendant
un temps déterminé. On pensait que cet ap-
provisionnement se trouverait ainsi dans les
meilleures conditions de conservation pos-
sible ; on croyait que ces réserves acquises en
temps de bas prix et utilisées en temps de
cherté ne constitueraient jamais une charge
sérieuse pour les boulangers. On comptait
aussi que ces approvisionnements auraient
f
rour effet d'empêcher efficacement les spécu-
ations à la hausse. Mais on reconnut bientôt
que la libre initiative du commerce pouvait,
bien mieux que toute intervention admini-
strative, subvenirpartout aux exigences de la
consommation. On s'aperçut que la présence
de ces réserves dans les magasins, loin d'exer-
cer une influence utile sur le commerce, avait
pour résultat de l'inquiéter, et d'erftraver ses
opérations. On reconnut aussi que ces appro-
visionnements entraînaient, en perte d'inté-
rêts, en chances de détérioration, en frais in-
cessants de manipulation et de maganisage,
des charges qui, en définitive, se traduisaient
par une augmentation du prix du pain.
La limitation du nombre des boulangers,
imaginée pour assurer a ces industriels une
clientèle suffisamment nombreuse, une fabri-
cation toujours légale et des bénéfices cer-
tains, a été enfin reconnue comme une déroga-
tion flagrante aux principes de liberté com-
merciale résultant de notre législation, comme
la négation du droit reconnu à tout citoyen
d'exercer librement son commerce ou son in-
dustrie, moyennant le payement des impôts"
légalement établis en pareille matière. ,11 a
été aussi reconnu que ce monopole ne réali-
sait aucun des avantages qu'on en avait atten-
dus. Le prix du pain était toujours aussi élevé
à Paris que dans les autres capitales. Cette
cherté relative du pain à Paris était le résul-
tat forcé du monopole lui-même. En donnant
aux boulangers un privilège, en leur garan-
tissant un débit assuré, le monopole attribue
BOUL
à leurs établissements une valeur vénale con-
sidérable, et il faut que les boulangers se com-
pensent aux dépens du public des sacrifices
que leur impose rachat de ces établissements.
Le monopole avait encore pour conséquence
de mettre en grande partie le commerce de la
boulangerie entre les mains de personnes
n'ayant d'autre aptitude que la possession du
capital nécessaire à l'acquisition du privilège,
et ne se soutenant qu'en vertu du pouvoir
qu'ils avaient de conserver, malgré leur in-
capacité réelle, une clientèle plus ou inoins
considérable. Ce même régime empêchait la
formation de grands établissements dirigés
par des hommes possédant à un de^ré éminent
les aptitudes de la profession, ainsi que la
concurrence de ces petits boulangers qui, par-
tout ailleurs, pourvoient, par leur activité per-
sonnelle, aux besoins de toutes les classes de
consommateurs. L'établissement de grandes
manutentions à appareils mécaniques rencon-
trait aussi là des obstacles insurmontables.
Quant aux services de la caisse de la bou-
langerie, et de la compensation organisée par
l'administration, à la suite de la mauvaise ré-
colte de 1853, le gouvernement a reconnu que
les combinaisons destinées à donner, en temps
de cherté, du pain à prix réduit aux consomma-
teurs, sans imposer de lourds sacrifices aux
finances municipales, n'avaient en somme
abouti qu'à imposer à la ville de Paris un
surcroît de dépenses de 70 millions de francs,
dont 53 millions seulement avaient été em-
ployés à des réductions dans le prix du pain..
On avait, en outre, été obligé, pour assurer
l'exécution pratique de ces combinaisons,
d'interdire la circulation du pain sur les li-
mites des départements voisins de la Seine,
souvent même dans des communes dont les
habitations se confondent, et de s'exposer
ainsi à des plaintes très-vives et à des récla-
mations très-légitimes.
A l'égard de la taxe du pain, tout en con-
cédant qu'elle était une conséquence forcée
du monopole, le gouvernement reconnaissait
également que cette taxe avait eu pour résultat
d entraver toute amélioration, tout progrès
dans la fabrication, et de placer tous les bou-
langers sous un niveau uniforme, qu'ils n'a-
vaient aucun intérêt à élever. K Dans le sys-
tème de la liberté, au contraire, la taxe du
Îiain n'aurait plus, disait-il, de raison d'être;
a lutte de tous les intérêts produirait immé-
diatement une concurrence, dont les effets
pourraient se produire par la diminution du
prix, la variété des produits et l'amélioration
de la qualité. » Ces deux dernières prévisions
tendent chaque jour à se réaliser de plus en
plus. On a vu également que l'ordre public,
cause de toute la réglementation du passe, a
aussi beaucoup à gagner à la liberté. Le libre
accroissement du nombre des boulangeries écar-
tera tout danger d'une entente préjudiciable
aux intérêts du public; on peut raisonnable-
ment espérer que les populations s'habitue-
ront bien vite à ne voir dans les variations
du prix du pain que les conséquences de faits
commerciaux et de lois naturelles, sur les-
^
uelles les gouvernements n'ont aucune action.
•a. liberté aurait aussi pour effet de dégager
les administrations municipales de la respon-
sabilité qui pèse sur elles, et des embarras que
leur occasionne l'établissement d'un tarif,
qu'aucune autorité n'a jamais pu régler sans
soulever des récriminations incessantes.
Tout le rôle de l'autorité publique doit se
borner à ce qui" est strictement nécessaire
pour assurer la fidélité du débit et la salubrité
des produits mis en vente. Néanmoins, la taxe
résultant d'un article de la loi du 19 juillet
1791, le gouvernement n'a pas cru devoir
obliger les administrations à y renoncer. Tout
ce qu'il a pu faire, c'est d'inviter les maires à
y substituer le régime de la taxe officieuse,
déjà adoptée à Bruxelles. Ainsi l'autorité con-
tinue à prescrire aux boulangers, dans un in-
térêt d'ordre public, d'afficher ostensiblement
le prix qu'il leur convient de fixer chaque
jour. Un relevé de ces indications est ensuite
régulièrement fait, et on publie, à des épo-
ques périodiques, les noms des boulangers
qui vendent au-dessous du cours, tel qu'il au-
rait été fixé par la continuation du régime de
la taxe officielle. On attend les résultats de ce
nouveau système, pour proposer au Corps lé-
gislatif une loi abrogeant définitivement toute
la réglementation dont l'article 30 de la loi du
19 juillet 1791 est la base. Parmi les mesures
qui ont paru les plus propres a faire produire
de bons effets au décret du 22 juin 1863, nous
citerons l'admission libre des boulangers fo-
rains sur les marchés urbains, prescrite ,par
une circulaire de M. Béhic, ministre du com-
merce (3 août 1863).
La liberté de la boulangerie peut avoir
d'excellents résultats sur 1 alimentation des
populations agricoles : nous trouvons cette
opinion exprimée fort nettement dans un dis-
cours récent (10 mars 1866) d'un membre de
la majorité du Corps législatif, M. le baron
de Benoist ; nous la reproduisons textuelle-
ment d'après le Moniteur du i l mars : « Nous
avons la liberté de la boulangerie, évidem-
ment. On sait cependant qu'elle n'est pas dé-
finitivement établie ; cette liberté n'a pas
donné tous les résultats qu'on en attendait ;
mais faites attention à ceci : c'est que la bou-
langerie était autrefois dans une situation vé-
ritablement déplorable; je ne connais pas de
boulanger qui ait fait fortune sous le régime
de la taxe ; j'en connais beaucoup qui ont fait
faillite. (Interruption.) L'administration mu-
BOUL
nicipale était, & cet égard, dans une situation
très-difficile : quand le pain était cher, elle
était sollicitée par le cri des populations à
abaisser le prix du pain. Elle ne savait com-
ment faire. Elle était souvent entraînée à
trop baisser le prix du pain, au détriment des
boulangers. Il faut que la liberté règne dans
l'agriculture française; et d'ailleurs, quand la
boulangerie pénètre dans nos campagnes, —
elle n'y a pas encore assez pénétré, — elle
rend un immense service. Quand même, dans
les campagnes, nous payerions le pain un peu
plus cher qu'à la ville, il y aurait encore un
immense avantage à le prendre chez le bou-
langer : là, au moins, nos populations agri-
coles auraient du pain frais tous le^s jours, au
lieu d'avoir du pain moisi qu'elles gardent un
mois chez elles. Elles préfèrent, dans l'intérêt
de leur santé, avoir du pain frais à 1 ou 2
centimes de plus la livre, que du pain moisi à
1 ou 2 centimes plus bas. Voilà pourquoi il
faut favoriser l'établissement de la boulange-
rie dans les campagnes; il y aura en môme
temps une amélioration notable au point de
vue de la santé. »
— Droit pénal. Les boulangers, sous le ré-
gime de la taxe officielle,, ne pouvaient ven-
dre au-dessus du cours sans encourir l'amende
de 11 à 15 fr., et même la prison (art. 479,
§ 6 du C. pén.J. L'infraction aux règlements
que les administrations, soit préfectorales,
soit municipales, ont le droit de faire pour as-
surer la fidélité du débit et la salubrité publi-
que, est punie d'une amende de 1 à'5 fr. (C.
pén., art. 471, § 15). Les boulangers, dans
certains départements, sont astreints à peser
le pain qu'ils livrent, et commettent une con-
travention quand ils négligent d'obéir à cette
rescription, qui a pour but de les obliger à
onner à leurs pratiques la quantité réclamée
par celles-ci. Il est évident qu'ils doivent
fournir, non pas un pain ayant la forme indi-
cative d'un poids quelconque, et pesant 10,
15, 25, 50 et même parfois 100 grammes de
moins, mais une quantité de pain d'un poids
égal à celui qu'indique sa forme. En agissant
autrement, les boulangers se rendent coupa-
bles de tromperie sur la quantité des choses
livrées, par des indications frauduleuses ten-
dant à faire croire à un pesage antérieur et
exact, délit prévu par la loi du 27 mars 1851,
et puni sévèrement par l'art. 423 du Code
pénal.
BOULANGER-DE-CAMP,BOULANGER-DE-CAMP, s. m. (bou-lan-
jé-de-kan — du nom de Boulanger, l'inven-
teur, et de Campo, ville d'Espagne qui a
fourni la première laine employée a cette fa-
brication). Comm. Sorte de serge qui sa fa-
briquait autrefois dans le Poitou,
BOULANGÉRITE
BOULANGÉRITE s. f. (bou-lan-jé-ri-te —
de Boulanger, nom d'homme). Miner. Sulfure
double de plomb et d'antimoine.,
— Encycl. La boulangérite contient, sur
.100 parties : antimoine 24,12, plomb 57,79,
soufre 18,09. Elle se présente en masses ba-
cillaires , et même . quelquefois amorphes ,
légèrement fibreuses ou granulaires. Jamais
on ne l'a observée à l'état de cristaux, e t ,
comme elle est opaque, il n'y a pas moyen de
déterminer à quel système cristallin elle ap-
partient. Ce minéral offre une couleur voisine
de celle du plomb, et possède un éclat submé-
tallique. Sa dureté est exprimée par le nom-
bre 3, et sa densité est égale à 5,8. Il a été
découvert en France, à Molières (Gard), par
M. Boulanger, dont il porte le nom. Depuis,
on l'a retrouvée à Bottino, en Toscane; à
Oberlahr, dans le comté de Sayn-Altenkir-
chen ; à Nasatïêld, dans la Laponie suédoise,
et à Nertschinsk, en Sibérie. On a rapporté à
la boulangérite plusieurs minéraux dont on
avait voulu faire d'abord des espèces dis-
tinctes : tels sont le plumbosiib de M. Breit-
haupt, et Vembrilhite du même minéralogiste.
BOULAR
BOULAR s. m. (bou-lar). Ornith. Nom
vulgaire de la mésange à longue queue.
BOULARD
BOULARD (S.), imprimeur, libraire et écri-
vain français, né à Paris vers 1750, mort vers
1809. Il avait acquis une connaissance très-
étendue des livres rares et de leur prix; il ré-
digea les catalogues de plusieurs bibliothè-
ques importantes: il publia ensuite le Manuel
de l'imprimeur (1791) ; le Traité élémentaire de
bibliographie (1804-1806, in-8°), ouvrages d'une
grande utilité pour les bibliophiles. On lui doit
aussi : la Vie et les aventures de Ferdinand
Vertamond et de Maurice, son oncle (1792,
3 vol. in-12) ; le Jioman de Merlin l'enchanteur,
remis en bon français et dans un meilleur ordre
(1797, 3 vol.); les Enfants du bonheur, ou les
Amours de Ferdinand et de Mimi (1798) ; Re-
nard, ou le Procès des animaux (1803), etc.
BOULARD
BOULARD (Catherine-François), architecte
et ingénieur français, né à Lyon, mort en
1794. Lorsque sa ville natale fut assiégée en
1793, il dirigea les travaux de fortification
entrepris pour sa défense, et, l'année suivante,
il fut condamné à mort par le tribunal révolu-
tionnaire. On lui doit trois mémoires : le pre-
mier, Sur la forme et la nature des*jantes pour
les roues de voitures (1781) ; le second, Sur les
moyens de garantir les canaux et leurs écluses
de tout atterrissement (I77â) ; le troisième, sur
la question : Quelle serait la voiture de trans-
port la plus forte, la plus légère, la plus rou-
lante et la moins capable de dégrader les che-
mins. Ce dernier mémoire fut couronné par
l'Académie de La Rochelle. - „
I
BOULARDBOULARD (Antoine-Marie-Henri), littéra-
l teur et célèbre bibliophile, né à Paris en 1754,
{ mort en 1825, a été notaire jusqu'en 1808, maire
J du X
e
arrondissement et député au Corps légis-
i latif sous l'Empire. Exécuteur testamentaire de
j La Harpe, c'est par ses soins que fut publiée la
I partie du Cours de littérature relative à la 1
BOUL 1091
philosophie du xvme siècle. On lui doit des
traductions et divers opuscules; mais ce qui
l'a surtout fait connaître, c'est sa passion pour
les livres. lien avait rempli tous les étages de
sa maison, et à sa mort, sa bibliothèque com-
prenait près de 500,000 volumes. Aussi était-il
la providence des marchands de livres : les
vieux bouquinistes de Paris se rappellent en-
core le nom du Père Boulard, avec un atten-
drissement mêlé de respect. Le catalogue de sa
bibliothèque a paru après sa mort en plusieurs
volumes, bien que le plus grand nombre des
livres, a cause de leur minime valeur, aient
été vendus en lots, selon l'expression consa-
crée. Outre quelques opuscules, Boulard a
publié : Essai d'un nouveau cours de langue al-
lemande (1798, in-so); Essai de traductions
interlinéaires en cinq langues (1802) ,et plusieurs
traductions d'ouvrages anglais estimés.
BOULAY,
BOULAY, ville de France (Moselle), chef-
lieu de canton, arrond. et à 25 kilom. N.-E.
de Metz; pop. aggl., 2,903 hab. ; pop. totale,
2,968 hab. Fabrique de produits chimiques, de
cuirs vernis, arçons militaires; tuileries, blan-
chisseries de toiles, fours à chaux, draps et
couvertures de laine. Restes du vieux château
et de l'enceinte.
BOULARD
BOULARD (Michel), tapissier français dont
le nom mérite d'être conservé à cause de l'u-
sage généreux qu'il fit des richesses acquises
par son industrie. Né à Paris en 1761, il per-
dit, dès l'âge de deux ans et demi, son père ,
qui mourut à l'Hôtel-Dieu, et il fut élevé à
I hospice de la Pitié. Il apprit ensuite la pro-
fession de tapissier, et devint très-habile dans
son état. A vingt ans, Marie-Antoinette l'at-
tacha à son service ; sous l'Empire, il fut le ta-
pissier de la cour et des plus hauts person-
nages. Il avait amassé une fortune considérable,
dont une grande partie fut consacrée, d'après
ses dernières volontés, à des œuvres de bien-
faisance. L'hospice Saint-Michel, situé dans
l'avenue de Saint-Mandé, et destiné à entre-
tenir douze vieillards, fut élevé avec le mil-
lion qu'il avait légué pour cet usage ; 25,000 fr.
furent versés dans la caisse de l'Hôtel-Dieu,
en reconnaissance des soins qu'y avait reçus
son père, et d'autres sommes importantes fu-
rent employées à secourir les pauvres et les or
phelins.
BOULAT1GNIER (Sébastien-Joseph), homme
politique et administrateur, né à Valognes
(Manche) en 1805. Il était, avant la révolution
de Février, maître des requêtes au conseil
d'Etat, et connu déjà par d'estimables écrits
de droit et d'économie politique, notamment
De la fortune publique en France et de son ad-
ministration (Paris, 1838-1841, 3 vol. in-8°),
en collaboration avec M. Macarel. Elu repré-
sentant de la Manche à l'Assemblée consti-
tuante, il fit partie du comité des finances,
fut nommé par l'Assemblée membre du con-
seil d'Etat. Au 2 décembre, il signa, avec
dix-sept de ses collègues , une protestation
discrète contre le coup d'Etat, ce qui ne l'em-
pêcha point d'être compris dans la réorgani-
sation de ce corps. Plus tard, il fut nommé
par l'empereur membre de la commission mu-
nicipale de Paris.
BOULAY
BOULAY (Edmond nu)
;
historien et généa-
logiste français, né à Reims, mort vers 15G0.
II fut héraut d armes des ducs de Lorraine.
Parmi ses ouvrages, nous citerons : les Gé-
néalogies des princes de Lorraine (Metz, 1547) ;
le Combat de la chair et de l'esprit, en ryme
françoise et par personnaiges (1549, in-8<>); le
Catholique enterrement du cardinal Claude de
Lorraine, évêque de Metz (1550), etc.
BOULAY
BOULAY (César EGASSE DU), en latin Bu-
iœu«, historiographe de l'Université, né à
Saint-Ellier (Mayenne), mort en 1678. Il entra
dans les ordres et professa d'abord les huma-
nités à Poitiers, puis la rhétorique au collège
de Navarre, En 1661, il fut élu recteur de
l'Université, puis obtint la charge importante
de greffier, qu'il remplit avec beaucoup de
zèle. On lui doit : De patronis quatuor na-
tionum Unioersitatis (1662) ; De Decanatu na-
tionis gallicœ (1662); Remarques sur la dignité,
rang, préséance, autorité et juridiction du rec-
teur de l'Université de Paris (1668); Recueil
des privilèges de l'Université de Paris (1694,
in-40) ; Historia Universitatis (1665, 6 vol.
in-fol.), et d'autres ouvrages sur les antiquités
romaines, sur la rhétorique, etc. — Son irère,
Pierre EGASSE DU BOULÂT-, professeur d'huma-
nités au collège de Navarre, publia ; Gemmœ
poetarum, ex Ovidio, Catullo, Propertio, Ti-
bullo (1662, in-12).
BOULAY
BOULAY (Jacques), agronome français,
mort vers 1730, était chanoine à Orléans. On
a de lui : Manière de bien cultiver la vigne, de
faire la vendange et le vin, etc. (1712), traité
pratique, écrit avec une verve piquante qu'on
trouve rarement dans les ouvrages tech-
niques.
BOULAY
BOULAY ( D U ) , canoniste français du
xvui« siècle. Il est l'auteur d'une Histoire du
droit public ecclésiastique français (Londres,
1740, in-40), qui fut attribuée d'ahord au mar-
quis d'Argenson, et qui fit du bruit lors de son
apparition.
BOULAY
BOULAY DE LA MEURTHE (Antoine-Jac-
ques-Claude-Joseph), magistrat et homme
politique, né à Chaumousey (Vosges) en 1761,
mort à Paris "en 1840. Il était avocat à Paris
lors de la Révolution, et s'enrôla comme vo-
lontaire en 1792 , devint accusateur public à
Nancy après le 9 thermidor, puis député au
1092 BOUL BOUL
BOUL BOUL
conseil des Cinq-Cents, où sa modération lui
acquit une influence assez considérable. Il
prit une part active à la révolution du 18 bru-
maire, se rallia dès lors à la fortune de Bona-
parte, qu'il sembla toujours confondre depuis
avec la cause de la Révolution, vota cepen-
dant contre l'établissement de l'Empire, mais
n'en continua pas moins à servir Napoléon
avec un dévouement qui n'avait rien de la ser-
vilité du temps. Président de la section de lé-
gislation au Conseil d'Etat, il prit part à la
rédaction du Code civil, fixa la jurisprudence
des acquisitions de biens nationaux, entra au
conseil de régence, fut ministre d'Etat pen-
dant les Cent-Jours, et proscrit quelques an-
nées pendant la seconde Restauration. Dans
le Mémorial, Napoléon le qualifie à* honnête
homme et de grand travailleur, Boulay de la
Meurthe a publié quelques travaux historiques
sur la révolution anglaise : Essai sur les causes
qui, en 1649, amenèrent en Angleterre l'éta-
blissement de la république (Paris, an VIII), et
Tableau politique des règnes de Charles II et
de Jacques II, derniers rois de la maison des
Stuarts (1818, 2 vol. in-8°). Il a écrit, dans
l'ouvrage intitulé Bourrienne et ses erreurs
(1830, 2 vol.), le chapitre qui a pour titre Ob-
servations sur le Dix-nuit brumaire de M. de
Bourrienne. Enfin, il a laissé des Mémoires, en-
core inédits, à l'exception d'un fragment publié
sous le titre de Théorie constitutionnelle de
Sieyès (1836).
Boulay de la Meurtho (BUSTE DE), par David
d'Angers. Ce portrait, un des plus beaux qu'ait
exécutés notre grand sculpteur, a été exposé
en 1833. Voici 1 appréciation qu'en a faite, à
cette époque, Gustave Planche:«On aperçoit
bien, dans ce portrait, ce qui se trouve rare-
ment dans les marbres modernes : la différence
des saillies musculaires et des saillies- os-
seuses. Les plans du visage et du front sont
nombreux, fouillés et vivants. C'est aussi bien
que les bustes antiques, quoique plus com-
plexe ; aussi harmonieux, quoique plus savant.
Nous devons regretter, devant un pareil ou-
vrage, que Bonaparte et Byron n aient pas
posé pour David. » La beauté de ce portrait
résulte, en effet, de l'art savant avec lequel
David a su mettre en relief les traits distinc-
tifs e t , pour ainsi dire, le caractère de son
modèle. M. Ch. Lenormant, tout en applau-
dissant « à cette manière d'agrandir le modèle
de tout ce que l'imagination lui prête de puis-
sant et d'original, » trouve que o le travail du
ciseau, quoique conduit avec une habileté mer-
veilleuse, a, dans quelques parties, et surtout
dans le front, de la dureté et presque de la
prétention.»
BOULAY
BOULAY DE LA MEURTHE (Henri-Georges),
fils du précédent, né à "Nancy en 1797, mort à
Paris en 1858. 11 embrassa la carrière du bar-
reau , prit part à la révolution de Juillet, et
devintsuccessivement, sous Louis-Philippe, co-
lonel de la Xl^e légion de la garde nationale de
Paris, membre du conseil général de la Seine,
député de la Meurthe, puis des Vosges, etc.
Héritier des traditions napoléoniennes de sa
famille, il demanda inutilement le rappel des
lois de bannissement portées contre les Bona-
parte. Il s'était, au reste, sincèrement rallié
au gouvernement de Juillet, comme il se ral-
lia plus tard à la république. Représentant à
la Constituante de 1848, il se fit peu remar-
quer, fut nommé vice-président de la républi-
que, sur la présentation de Louis Bonaparte,
et devint sénateur après le coup d'Etat du
2 décembre. Comme homme politique et comme
fonctionnaire municipal, Boulay de la Meurthe
n'a joué qu'un rôle effacé; mais il eut la part
la plus honorable à la propagation de l'instruc-
tion primaire. On peut dire que ce fut une des
rincipales occupations de sa vie. Président
onoraire de la Société pour l'instruction élé-
mentaire et l'un de ses bienfaiteurs, il a co-
opéré à l'œuvre de cette utile association par
tous les moyens en son pouvoir, et par un pa-
tronage efficace et actif. • Personne, a dit
M. Dumas, n'a examiné la marche de l'instruc-
tion primaire, tant en France qu'à, l'étranger,
tant dans les écoles publiques que dans les
écoles privées, avec autant de soin et de dis-
cernement. Ses rapports sont pleins de faits
bien recueillis et de vues dignes d'être médi-
tées. • Nommé membre de la commission char-
gée de dépouiller la correspondance de l'em-
pereur Napoléon 1er, M. Boulay de la Meurthe
se consacra à ce travail avec passion. Aucune
démarche ne lui coûtait, a dit encore M. Du-
mas, pour obtenir des familles communication
des documents en leur possession, et chaque
nouvelle pièce était pour lui un sujet de joie,
comme si la gloire de Napoléon 1er eût pu en
être augmentée.
BOULAY
BOULAY DE LA MEURTHE (François-
Joseph, baron), frère du précédent, né à
Paris en 1800. Il embrassa la carrière admi-
nistrative, et, après avoir été secrétaire gêné-*
rai du ministère de l'agriculture et du com-
merce, il fut nommé, en 1837, conseiller d'Etat.
Maintenu, en 1848, dans cette fonction par
l'Assemblée constituante, il devint président
du comité de.l'intérieur en 1855, et a été ap-
pelé à siéger au Sénat en 1857.
BOULAY-PATY
BOULAY-PATY (Pierre-Sébastien), juris-
consulte et magistrat, né en 1763 à Abbaretz
(Loire-Inférieure), mort en 1830. Il était avo-
cat à Nantes lors de la Révolution, dont il
embrassa les principes, et il remplit suc-
cessivement plusieurs fonctions publiques,
entre autres celles de commissaire civil et cri-
minel, puis d'administrateur de la Loire-Infé-
rieure. Il défendit courageusemeut Paimbœuf
contre les Vendéens, résista aux violences de
Carrier, et fut nommé représentant du peuple
aux Cinq-Cents, en 1798. Ecarté un moment
par le gouvernement consulaire, par suite de
son opposition au coup d'Etat du 18 brumaire,
il fut nommé en 1811 conseiller à la cour im-
périale de Rennes, place qu'il a conservée sous
tous les régimes jusqu'à sa mort. Boulay-Paty
était fort versé dans la jurisprudence mari-
time, et il a publié sur cette matière des ou-
vrages estimés : Cours de droit • commercial
maritime (Rennes, 1821); Traité des faillites
et banqueroutes, 1825, etc.
BOULAY-PATY
BOULAY-PATY (Evariste-Cyprien-Félix),
poste français, fils du précédent, né à Donges
(Ille-et-Vilainel en 1804, mort en 1864. Avant
achevé ses études de droit en 1824 , il aban-
donna presque aussitôt la carrière du barreau
pour se livrer à ses goûts littéraires, et se
rendit à Paris. Il débuta par une pièce de
vers, le Charme, et par des Poésies sur les
Grecs (1825) ; fut présenté au duc d'Orléans,
qui l'attacha à son secrétariat (1829), et de-
vint, l'année suivante, bibliothécaire du Palais-
'Royal. Boulay-Paty est surtout connu par
ses succès poétiques dans les concours d'Aca-
démie. Ses poèmes de YArc-de-Triomphe de
l'Etoile, du Monument de Molière (1844); ses
Sonnets de la vie humaine (1851), lui ont mé-
rité des prix et des médailles de l'Académie
française. Les Académies de province l'ont
également chargé de couronnes. Il a publié
en outre divers recueils : Dithyrambes (1825) ;
Odes nationales (1830) ; des poésies erotiques
(1834), sous le pseudonyme a'Elie Mariaker;
des Odes nouvelles (1844), etc. Ses poésies sont
correctes et d'un sentiment élevé , mais elles
manquent en général d'originalité et d'inspira-
tion.
BOULBÈNE
BOULBÈNE s. f. (boul-bè-ne). Agric. Terre
argilo-sablonneuse.
— Boulbène forte, Celle qui contient beau-
coup d'argile, il Boulbène douce, Celle où la
quantité d'argile est peu considérable.
BOULBOUL
BOULBOUL s. m. (boul-boul). Nom vulgaire
de là huppe, li Pie-grièche d'Afrique.
-
BOULDIR,BOULDIR, île de l'Amérique russe, faisant
partie du groupe des Aléoutiennes, dans la
mer de Behring, par 52° 40' lat. N. et 173° 47'
long. E. Elle a environ 80 kilom. de circuit et
est entourée de nombreux récifs.
BOULDURE
BOULDURE s. f. (boul-du-re). Tcchn. Fosse
pratiquée sous la roue d'un moulin à eau.
BOULE
BOULE s. f. (bou-le — lat. bulla, même
sens; sans doute formé, comme tous les mots
de la même famille, par onomatopée). Objet
arrondi en forme de sphère: Une BOULE de
bois, de cuivre. Une BOULE de neige. Se rouler
en BOULE. Dans l'hiver, les loirs gisent en
BOULEBOULE dans les trous des murs exposés au
midi. (Buff.) Le châle tenait par une aiguille
cassée, convertie en épingle au moyen d'une
BOULEBOULE de cire à cacheter. (Balz.) Pouracchaa
mille têtes, mille yeux, mille pieds ; il a pétri
la terre de ses six doigts et en a fait une BOULE,
au-dessus de laquelle il domine. (A. Maury.)
Le mensonge est comme les BOULES de neige,
qui grossissent en roulant des montagnes, s'ar-
rêtent et se réduisent à rien, (Boiste.) Plu-
sieurs des trilobites pouvaient se rouler en
BOULEBOULE 1 Bonne BOULE, n'est-ce pas? Figure
respectable. (L. Reybaud.) n Cervelle, cabo-
che ; Tiens l c'est vrai! oh! décidément je perds
la BOULE. (Rosier.) A-t-il la BOULE dure, celui-
là! (E. Sue.) J'ai fait cent abonnements, et, vu
l'épaisseur de ces BOULES 'campagnardes, c'est
un miracle. (Balz.) Ah! ça! ce gaillard-là est
capable d'en perdre la BOULE. (E. Sue.) il —
Signe conventionnel d'adoption ou de rejet,
dans certaines assemblées parlementaires et
dans certaines commissions d'examen de
candidats : Déposer sa BOULE dans l'urne. Lors
de l'invasion des trois cents dans ta Chambre
des députés, un membre de la droite disait à
M. de Corbière: «Où diable avez-vous été re-
cruter de pareilles gens? Pas un orateur, pas
une tête. — Mon cher ami, nous n'avons pas
besoin de têtes, nous n'avons besoin que de
BOULES. » Il Boute blanche. Celle qui exprime
l'adoption dans un vote, la note bien dans un
examen :
Payez moins de journaux et moins de boules blanches.
Et de nos monuments faites ôter les planches.
ANCELOT.
Il Boule noire, Celle qui exprime le rejet :
Mézerai, dans les élections pour l'Académie,
mettait toujours une BOULE NOIRE, et, quand
on lui en demandait la raison, il répondait
que c'était pour prouver la liberté de l Acadé-
mie dans ses élections, li La boule noire lut
tombe toujours, 11 a mauvaise chance ; rienne
lui réussit, n Boule rouge, Celle qui, dans un
examen, exprime une note intermédiaire en-
tre bien et mal.
— Loc. fam. La boule, cette boule, notre
boule, La terre, qui est ronde comme une
boule :~La BOULE tourne, tourne; mais qui la
fait tourner?
Jeté sur cette boule.
Laid, chétif et souffrant,
Etouffé par la foule,
Faute d'être assez grand,
Une plainte touchante
De ma bouche sortit.
BÉRANGER*
Il Laisser rouler la boule, proprement Laisser
tourner la terre, et, par ext., Laisser faire,
laisser aller les choses, ne s'inquiéter de
rien.
;
' — Boule de neige, Chose qui grossit conti-
nuellement, comme une boule de neige que
, l'on fait rouler : Entraîné par une excessive
ambition, il n'a fait que grossir la BOULE DE
NEIGE de ses dettes. (Balz.) La dette, faisant la
BOULEBOULE comme nos hérissons. (Figuier.) La
jeune femme cachait à demi une belle main
blanche sous les longues soies d'un épagneul,
qui dormait en BOULE sur ses genoux. (J. San-
deau.)
— Fam. Tête humaine : Quelle BOULE ! A-t-il
une
BOULEBOULE DE NEIGE, menaçait d'écraser l'emprun-
teur. (Balz.)
Mais j'ai voulu, mais j'ai travaillé, mais j'eus soin
De mettre chaque jour mon épargne en un coin.
C'était prudence ; car, sans rien qui me protège,
J'ai, petit à petit, fait la boule de neige.
ROLLAND et Du BOTS.
Il Etre rond, arrondir, ou mieux S'arrondir
comme une boule, Etre gros et court, grossir,
prendre de l'embonpoint: J'ARRONDIS COMME
UNE BOULE; je continue à profiter. (Dider.)
— Jeux. Sphère de bois dont on se sert
pour jouer, et que l'on jette le plus souvent
en tâchant de la placer le plus près possible
d'un but qui est ordinairement mobile : Jeu
de BOULES. Jouer à la BOULE. Le jeu de gros-
ses
BOULESBOULES est fort ancien, et tl était jadis
très-répandu dans toute la France; la fureur
en devint telle, que Charles V dut l'interdire,
parce qu'il détournait, dit-il, les jeunes gens
. du métier des armes. (Bacholet.) Il Avoir la
boule, Avoir l'avantage de jeter sa boule
avant les autres : A moi; J'AI LA BOULE, et,
fig., Avoir l'avantage, la prééminence, la
priorité, il A boule vue, Sans calculer son
coup, avec une hâte extrême: Jouer A BOULE
VUE, et. fig., Agir au hasard, inconsidérément,
sans réflexion, il Venir à l'appui de la boule,
Chercher à pousser avec sa boule celle de son
partenaire, et, fig., Aider à la réussite d'une
affaire : Ne craignez rien ; JE VIENDRAI À L'AP-
PUI DE LA BOULE, il Pied à boule, au jeu do
quille, Tenez pied, jouez de la boule, et non
de plus près, et, fiç., De pied ferme, avec
constance et persévérance : Je me suis mis à
assiéger les bureaux de la guerre, et j'ai tenu
PIED À
BOULEBOULE jusqu'à ce que l'on m'ait expédié
votre brevet. (Duval.) Il Faire tenir pied à
boule, Obliger a l'assiduité.
— Archit. Boule d'amortissement, Surfaco
sphérique qui termine certaines décorations.
— Grav. Tête de la bouterolle, que l'on en-
duit de poudre de diamant, et avec laquelle
on frotte ensuite les pierres fines pour les
user.
— Techn. Outil d'opticien pour travailler
les verres concaves, il Masse à planer, à l'usage
des orfèvres, il Instrument de fourbisseur qui
sert à placer les pommeaux d'épées sur la
soie des lames. On l'appelle aussi CHASSE-
POMMEAU, il Enclume d'acier sur laquelle les
i chaudronniers font les enfonçurcs. il Rouleau
; de carrier pour faire glisser les blocs sur le
terrain, n Boule pyrométrique, Petite masse
< sphérique, faite d'une terre réfractaire addi-
; tionnée d'un oxyde métallique colorant, dont
:
la coloration ne se développe qu'à une tem-
pérature :'déterminée. On emploie des ma-
tières de ce genre, dans certaines fabriques
de poteries, pour connaître le degré de cha-
leur dos fours et fourneaux, et on les préparo
de telle sorte que la coloration ne se montre
qu'au moment convenable pour l'enfourne-
ment des pièces que l'on veut faire cuire, n
Boule pyrophile, pyrogène ou igniphore, Pré-
paration destinée à faciliter l'allumage du
feu, et qui se fait en enduisant d'une forte
couche de résine, soit une pomme de pin,
soit une poignée de copeaux ou de quelque
autre matière ligneuse, il Boule de mercure,
Globule formé d'un amalgame d'ôtain et do
mercure, dont on se servait autrefois pour cla-_
rifier l'eau, il Boule-de-chien, Outil en forme
de boule, dont on se sert pour limer le chien
d'un fusil ou d'un pistolet, n La boule se forme,
Se dit, chez les verriers, pour exprimer que !
le verre commence à s'enfler par l'action du j
soufflage. Il Outil consistant en une tige de i
fer enchâssée dans un manche de bois et ter-
minée par une boule de fer poli, dont se ser-
vent les fleuristes artificiels pour bouler,
c'est-à-dire pour creuser ou gaufrer les co-
rolles et les pétales. Une collection ou jeu
déboules en contient ordinairement unedou- .
zaine, dont la plus petite se nomme boule
d'épingle, parce qu'elle n'est pas plus grosse
que la tête d'une épingle, il Boule fulminante,
Syn. de GRAIN D'AMORCE.
— Ane. Art milit. Massue.
— Art vétér. Boule de licol, Petite sphère
lourde, que l'on suspend au bout d'une longe,
afin que, celle-ci restant toujours tendue par
le poids, l'animal ne soit pas exposé à s'y
enchevêtrer.
— Pharm. Boules de Mars, d'acier ou de
Nancy, on de Molsheim, Boules vulnéraires
composées d'un tartrate de fer et de potasse.
il Eau de Boule, Boules de Mars dissoutes
dans l'eau-de-vie.
— Art culin. Boule à riz, Boule creuse de
fer-blanc ou de toile métallique, dans la-
quelle on enferme le riz ou les pâtes que l'on
veut faire cuire dans la marmite même où
l'on fait le bouillon.
— Astr. Boule horaire, Boule que l'on fait
tomber pour marquer le moment précis du
passage du soleil au méridien du lieu, et in-
diquer ainsi le midi vrai de ce lieu.
— Bot. Boule de neige, Nom vulgaire
d'une variété d'obier. H On donne aussi ce
nom à une variété toute blanche de l'agaric
champêtre ou champignon de couches, n Aca-
cia boule, Espèce d'acacia dont la tète est ar-
rondie.
— Hortic. Arbrisseau taillé en forme do
boule : Une BOULE de myrte.
— Encycl. Le jeu de boules est un jeu
d'adresse dont il existe deux sortes : le jeu des
grosses boules, ou jeu de boules proprement
dit, et le jeu du cochonnet.
Le jeu des grosses boules se joue ordinaire-
ment dans une allée de jardin encaissée de
manière que les boules, une fois lancées, ne
puissent dévier ni à droite ni gauche. A l'une
des extrémités de cette allée, on creuse un
petit fossé, appelé noyon, en avant duquel,
à une distance de 0 m. 75 ou 0 m. 80, on
place sur le sol une marque visible, mais non
saillante, qui doit servir de but. Après avoir
tiré au sort l'ordre dans lequel on jouera, les
joueurs, armés chacun de deux boules, se
postent a l'extrémité opposée de l'allée. Le
premier lance une de ses boules, le second
en fait autant, et l'on continue ainsi jusqu'au
dernier, après quoi le premier envoie sa se-
conde boule, puis le deuxième, etc., chacun
s'efïbrçant de placer ses boules le plus près
possible du but, et d'en chasser celles de ses
adversaires. Toute boule qui, poussée avec
trop de force, va tomber dans le noyon, est
morte, et par conséquent ne compte plus. Il
en est de même de celle qui, étant postée à
quelque distance du but, est débusquée et
jetée dans ce fossé. Quand toutes les boules
ont été jouées, celui dont les boules sont le
plus près du but marque un point pour cha-
cune, et la partie est gagnée par le joueur qui
réussit le premier à compter le nombre do
points dont on est convenu avant de commen-
cer. Le jeu des grosses boules était autrefeis
très-répandu dans toute la France; il n'est
plus guère en faveur aujourd'hui que dans
quelques départements.
Le jeu du cochonnet se joue sur un terrain
quelconque, mais toujours vaste et uni. Si les
joueurs ne sont que deux ou trois, chacun
agit pour son propre compte; s'ils sont plus
nombreux, ils forment plusieurs sociétés ou
compagnies composées chacune de deux as-
sociés. Dans tous les cas, ils ont le même
nombre de boules, qui est ordinairement do
deux ou de trois, et ils règlent leur rang de la
même manière que ci-dessus. Le premier à
jouer lance dans la direction qui lui convient,
et à une trentaine de pas, une petite boule
que l'on nomme le cochonnet, et qui doit ser-
vir de but. Cela fait, il roule une de ses boules
ordinaires de façon à la faire arrêter le plus
près possible de ce but. Le second joueur
vient ensuite : il cherche à placer sa boule
plus près que celle de son adversaire; s'il y
réussit, il cède le tour au troisième joueur;
s'il n'y réussit pas, il roule sa ieuxième boule,
et même sa troisième, si son second coup n'a
pas été plus heureux que le premier. Quand
toutes les boules sont placées, chaque joueur
compte un nombre de points égal a celui de
ses boules qui sont plus rapprochées du co-
chonnet que celles de ses adversaires, et l'on
passe au coup suivant. En général, une par-
tie complète se compose de trois inanches, et
la victoire appartient au joueur si la partie
est individuelle, ou aux joueurs s'il y a des
associés, qui ont gagné deux manches. Le jeu
du cochonnet n'est pas moins ancien que le
précédent. Le grand mérite, à ce jeu, consiste
a débusquer la boule que l'adversaire a placée
entre la vôtre et le cochonnet, ou à reculer
le cochonnet lui-même, afin de le rapprocher
d'une boule qui, dans un coup précédent, l'a
dépassé; mais ces grands coups ne peuvent
être exécutés que par les joueurs très-exercés,
parce qu'ils exigent une grande justesse de
coup d'œil, et que les boutes, devant être lan-
cées avec une certaine vigueur, il faut savoir
en être maître afin d'éviter les accidents.
— Archéol. Les dames romaines avaient in-
venté un raffinement, que l'usage des gants
rend inutile aux coquettes de nos jours .* pour
conserver la fraîcheur à leurs mains, pour
leur donner une blancheur qui a toujours été
fort appréciée, elles faisaient usage découles
d'ambre, de cristal, d'ivoire. Ces boules fai-
saient partie des, objets nécessaires à la toi-
lette d'une Romaine, objets si nombreux que
l'ensemble s'appelait le monde d'une femme
(mu7idus mulieoris). Au moyen âge, au con-
traire, on se servait de boules pour réchauf-
fer la main. A l'intérieur, se trouvait un sys-
tème fort ingénieux, qui maintenait constam-
ment en équilibre, dans quelque sens que l'on
tournât la boule, le charbon ardent que l'on y
mettait. Ce&boules étaient d'un usage si gé-
néral, que les prêtres eux-mêmes s'en ser-
vaient à l'autel, quand ils avaient froid. Dans
le Trésor de Saint-Pierre de Rome se voient
deux boules semblables : l'une est historiée
dans le goût du xiue siècle, l'autre est semée
de fleurons duxve. — Un passage des Carac-
tères de La Bruyère indique l'emploi, à son
époque, de boules de cire blanche, que les da-
mes sur le retour tenaient dans la bouche
pour dissimuler la perte de leurs dents et don-
ner aux joues l'appétissante rondeur de la
jeunesse. Mue de Sévigné parle aussi de ce
BOUL BOUL
BOUL
BOUL 1093
singulier usage, heureusement tombé en dé-
suétude, et rendu d'ailleurs inutile par l'in-
vention des dents • osanores et les râteliers
William Rogers.
— Astr. La boule horaire est attachée à un
mât placé sur les édifices ou sur des tours.
Elle Deut glisser ou tomber jusqu'à mi-hau-
teur du mât, où elle est arrêtée dans sa des-
cente par des bâtons en croix. Cinq minutes
avant la chute, la boule est élevée jusqu'au
sommet de la tige; lorsque le soleil se pré-
sente au méridien du lieu, une communica- *
tion électrique, transmise de l'Observatoire,
fait aussitôt descendre la boule. Un tel appa-
reil ne peut évidemment servir que de chro-
nomètre local et quotidien. Greenwîch pos-
sède un appareil de ce genre, scrupuleuse-
ment consulté par les marins anglais. En
France, les cadrans solaires à lentilles et à ca-
non ont le même usage que la boule horaire.
BOULE
BOULE (André-Charles), célèbre ébéniste,
né à Paris en 1642, mort en 1732. Il éleva l'é-
bênisterie à la hauteur d'un art, et acquit une
grande réputation par ses meubles enrichis
de bronzes, de mosaïques, d'ornements d'or,
de cuivre, d'écaillé, d
v
ivoire, etc., et qui sont
fort recherchés aujourd'hui sous-le nom de
meubles de Boule. Par un heureux choix de
différents bois de l'Inde et du Brésil, qu'il dispo-
sait avec une grande intelligence, et par l'em-
ploi du cuivre et de l'ivoire, qu'il découpait en
véritable artiste, il savait imiter sur ses meu-
bles toutes les variétés d'animaux, de fleurs
et de fruits; il parvint même à représenter
des sujets d'histoire, des batailles, des chas-
ses, des paysages, etc. Louis XIV, qui avait
su apprécier son mérite, lui donna un loge-
ment au Louvre et le nomma graveur ordi-
naire des sceaux royaux (1672). Outre cette
dernière qualification, Boule reçut, dans le
brevet qui lui fut délivré, les titres <• d'archi-
tecte, peintre, sculpteur en mosaïque, artiste
ébéniste, ciseleur, marqueteur, inventeur de
chiffres. » Il réunissait, en effet,-toutes ces
qualités, qui lui permirent de porter à un haut
degré de perfection artistique les meubles, -
pendules, écrans, armes, écritoîres, etc., qui
sortaient de ses ateliers. 11 travailla pour Ver-
sailles et pour les autres résidences royales,
et reçut de mombreuses commandes de divers
souverains étrangers.
BOULEBOULE se vendent à des prix exorbitants.
On dit plus souvent Meuble de BOULE.
— Par ext. Meuble incrusté d'écaillé,
d'or ou de cuivre, à l'imitation de ceux de
Boule : Elle venait de s'asseoir devant une ta-
ble et une écritoire de BOULE, ornés de ciselu-
res et d'incrustations en or. (Scribe.) La salle
à manger était dans le genre dit Louis XIV,
avec la pendule de BOULE, les buffets de cuivre
et d'écaillé. (Balzac.) Une horloge de BOULE
étincelait au milieu d'un panneau , entre deux
statuettes échappées à quelque' démolition ab-
batiale. (Balzac.) Il plaça les lettres dans un
coffre de BOULE, et donna l'ordre à son fidèle
Dominique de porter ce présent à cette nou-
velle Ariane. (Rog. de Beauv.)
BOULE
BOULE (Gabriel), historien français, né à
Marseille au xvne siècle. Appartenant à la
religion protestante, il exerça-longtemps le
ministère évangélique, puis embrassa le ca-
tholicisme, et fut nommé historiographe et
conseiller du roi. Ses principaux écrits sont :
Essais de l'histoire générale des protestants
(Paris, 1646, in-8«); Observations sur Nyons
en Dauphiné (1647).
BOULEBOULE s. m. (bou-le — de Boule, n. pr.).
Comm. Meuble sorti des ateliers de Boule :
Les
BOULÉ
BOULÉ s. m. (bou-lé— rad. boule). Techn.
Certain degré de cuisson du sirop, dans les
sucreries. Il Petit boulé, Degré de cuisson qui-
se reconnaît lorsque, ayant plongé une écu- -
moire dans la bassine et soufflé à tra-
vers les trous, la matière se forme en petits
globules sur la face opposée, n Grand boulé,
Degré de cuisson plus avancé, dans lequel,
en agitant l'écumoire, après l'avoir plongée
dans la bassine, les globules se détachent et
s'envolent..
— Ornith. Nom vulgaire du pluvier à col-
lier.
BOULÉ,
BOULÉ, ÉE (bou-lé) part. pass. du v. Bou-
ler : Pain BOULÉ. Les corolles vraiment mono-
pétales sont seulement BOUGÉES sur les bords.
BOULÉBOULÉ ( Louis-Auguste-Désiré) . auteur
dramatique français, né le 1er septembre 1799,
mort en 1865. Il collabora, à partir de 1S30,
avec MM. Chabot deBouin, Cormon, Charles
Desnoyers, Lajariette, Ch. Potier, Raimbaut,
à un assez grand nombre de drames apparte-
nant au genre sombre, et dont quelques-uns
ont joui, sur les différents théâtres des bou-
levards, d'une certaine vogue. Nous citerons
entre'autres : les Vingt mille francs (1832);
le Facteur ou la Justice des hommes (1835) ;
joué plus de cent fois à l'Ambigu-Comique;
la Tache de sang (1835); YHonneur de ma
mère (1837); Denise et Paula (1840); Paul et
Virginie (1841); Jeanne (1844); les Ruines de
Vaudemont (1845); les Œuvres du démon
(1854). Il avait été secrétaire du théâtre des
Variétés.
BOULEAU
BOULEAU s. m. (bou-lo. — Le nom du bou-
leau, dans les langues romanes, dérive du
mot latin betula, différemment modifié. L'i-
talien, très-voisin de la forme latine, dit
bedello; dans le dialecte de Crémone beddol;
le catalan, bedoltf; l'espagnol, aàedul, avec
un a prosthétique. La forme française, dont
nous avons à nous occuper plus particulière-
ment ici, présente une double dérivation;
bouleau est un diminutif d'une forme primi-
tive boule, qu'on retrouve du reste avec Ja
même signification dans les patois de Picar-
die et de Champagne. C'est cette forme
boule qui correspond directement au latin
betula. Le t de betula étant tombé, il est
resté beula, avec l'accent tonique sur Vu
(prononcez ou) ; Ve n'a pas tarde à tomber
devant cet ou accentué, et l'a final s'est
décoloré comme de coutume en e muet.
Toute l'opération peut donc se représenter
par cette formule d'équations successives :
Betula = beula = beaula = boula = boule.
De boule on a formé, comme nous l'avons
déjà dit, à l'aide de procédés propres à notre
langue, le diminutif bouleau. Quelle est main-
tenant l'origine du mot betula ou betulla
(les deux orthographes sont usitées)? Au pre-
mier coup d'œil, ce mot ne présente pas une
physionomie latine; mais ce n'est qu'une
simple présomption, et il nous faut des preu-
ves plus positives pour nous prononcer sur
sa nationalité. Pline l'Ancien parle en ces
termes, dans son Histoire naturelle, du bou-
leau, arbor GALLICA lentissima : arbre très-
flexible, originaire de la Gaule. Si donc les
anciens regardaient^ à tort ou à raison, le
bouleau comme originaire de la Gaule, il est
vraisemblable d'admettre que le nom même
du bouleau a quelque rapport avec cette ori-
gine. Cette hypothèse est confirmée par l'exa-
men des faits. Effectivement,'_les noms du bou-
leau dans les langues celtiques présentent
avec le betula latin un remarquable accord.
L'irlandais l'appelle beth, beith, le cymrique
bedto et bedwen, le comique bedho, l'armoricain
bézô. Quelle est maintenant la racine commune
à laquelle doivent être rapportés tous ces
dérivés? Nous l'ignorons; on a bien essayé
de rapprocher l'un des noms sanscrits du
bouleau pittata, couleur de bile, j a u n e ;
mais ce rapprochement est extrêmement
douteux, pour ne pas dire complètement
controuvé. Il existe dans les langues indo-
européennes un autre groupe de mots dé-
signant le bouleau, et dont la connaissance
présente quelques faits intéressants. L'alle-
mand moderne birke, bouleau, se rapporte à
cette souche, ainsi que l'ancien allemand
pircha, l'anglo-saxon beore et birce, le Scan-
dinave biork et birki, le lithuanien bérzas, le
russe bcréza, le polonais brzoza, etc. Ici le
sanscrit nous fournit la clef de ce groupe
étymologique dans le mot bhurdja, bouleau.
De très-bonne heure, on avait saisi les analo-
gies qui relient tous ces vocables, et Kla-
proth l'avait déjà signalée. M. Pictet, dans
ses Origines indo-européennes, a complète-
ment éclaici cette question. Voici l'explica-
tion qu'il donne de cette série de mots. L'é-
tymoîogie de bhurdja, dit-il, est obscure en
sanscrit, et c'est peut-être ici un des cas
rares où les langues de l'Occident viennent
expliquer un mot incompris dans l'antique
idiome de l'Inde. Le nom germanique du
bouleau se lie évidemment à celui de l'ecorce,
en Scandinave borkr, en anglais bark, et ce
dernier dérive d'une racine verbale qui si-
gnifie rompre, décliner, diviser, gothique
brikan, anglo-saxon brecan, Scandinave brâka,
ancien allemand prechan, etc. Ainsi l'on
avait donc caractérisé le bouleau par son
écorce. On s'explique parfaitement qu'on ait
ainsi localisé l'idée du bouleau dans celle de ses
parties qui offrait le plus d'utilité à l'indus-
trie primitive des races anciennes, et encore
aujourd'hui à celle des peuples non civili-
sés. Il suffit, pour s'en assurer, de lire ce que
dit un lexicographe : « On fabrique un assez
bon papier avec les diverses enveloppes de
son ecorce. Les Groénlandais , les Kamtcha-
dales, etc., couvrent leurs cabanes avec cette
écorce, s'en nourrissent quand elle est nou-
velle, s'en font des chaussures quand elle est
vieille, et elle possède encore des vertus es-
sentiellement fébrifuges. De l'ecorce du bou-
leau à canot ou 'de Virginie, qui est presque
incorruptible, on fait de grands canots ou
pirogues, qui durent fort longtemps. Quoi
d'étonnant qu'un pareil arbre ait été dési-
gné à l'origine par le nom pittoresque et
exact en même temps d'arbre à écorce?). Bot.
Genre d'arbres, type de la famille des bétu-
linées, comprenant une quarantaine d'espè-
ces, qui croissent dans les régions septen-
trionales ou montagneuses des deux conti-
nents : Le BOULEAU laisse flotter son feuillage
dans les airs, comme une longue chevelure.
(Chateaub.) Le BOULEAU allonge sa taille ser-
rée dans un étui de satin blanc. (G. Sand.)
Dans les prés les fleurs sont écloses,
Sur le bouleau chante un pinson.
EM. RlCHEBOURG.
—Encycl. Le genre bouleau, qui, avec le
genre aune, constitue la famille des bétuli-
nées, renferme une quarantaine d'espèces
répandues en Europe, dans l'Asie boréale et
centrale, et surtout dans l'Amérique du
nord. Ce sont des arbres ou des arbrisseaux
qui se distinguent par les caractères sui-
vants : fleurs monoïques, les mâles en chatons
frêles, allongés, pendants, étamines au nom-
re de six à douze ; chatons femelles oblongs,
compactes; nucule monosperme, surmontée
de deux styles persistants. Le bouleau se plaît
dans les contrées hyperboréennes ; on le
trouve encore à l'état d'arbre en Norvège,
vers le 7ie degré de. latitude, et en Russie,
vers le 6&o. Cependant, plus il s'avance vers
le nord, au delà de cette limite, moins il s'é-
lève ; il devient noueux, rabougri, ses feuilles
sont très-petites ; enfin, vers le 72e degré, il
cesse de croître. Dans le sud de l'Europe, on
ne le rencontre guère en deçà du 47
e
degré.
Sur les montagnes, il s'arrête à l'état nain, à
peu de distance des neiges perpétuelles.
Parmi les espèces du bouleau, on remar-
que surtout le bouleau blanc. C'est un arbre
dont la hauteur moyenne varie, suivant
les climats, entre 15 et 20 mètres. L'éeorce
présente trois aspects différents : à trois ou
quatre ans, elle est brune et lisse; peu de
temps après, elle devient blanche; enfin, vers
l'âge de vingt ans, elle prend une teinte noi-
râtre et se crevasse, surtout au pied de l'ar-
bre, où il se produit des gerçures de plus en
plus prononcées.
Les feuilles du bouleau se distinguent par
leur petitesse et leur légèreté ; elles donnent peu
de couvert au sol, et se décomposent rapide-
ment. Elles ont un goût amer, qui déplaît
aux bestiaux et au gibier; cependant, lors-
qu'elles sont sèches, les moutons les mangent
avec plaisir à l'étable, et les chèvres môme
ne les rejettent pas. Les racines du bouleau
sont peu développées. Coupées une première
fois à fleur de terre, elles donnent de nom-
breux rejets; mais le nombre de ces rejets
diminue sensiblement à la seconde coupe, et,
à la troisième, il n'en reste presque plus. Les
fleurs paraissent en même temps que les
feuilles ; elles produisent des fruits qui sont
renfermés dans de petits cônes pendants et
recouverts d'une écaille, à laquelle ils adhè-
rent assez fortement. On récolte la graine en
cueillant les chatons à la main, ou en cou-
pant les rameaux garnis de cônes quelques
jours avant l'époque présumée de la dissémi-
nation.
Le bouleau aime les terrains frais et sablo-
argileux ; il réussit moins bien dans les sols
compactes ; les terres calcaires, humides ou
marécageuses lui sont particulièrement con-
traires. Il végète bien au milieu des bruyères
et sur les fonds les moins fertiles, surtout
dans les contrées boréales. En Russie, il
forme souvent à lui seul d'immenses forêts,
qui présentent toutes les apparences d'une
belle et luxuriante végétation. En France, et
généralement dans les climats tempérés, il ne
vient bien que mélangé avec d'autres essen-
ces, et tous les essais qui ont été faits pour
l'élever seul n'ont donné que de mauvais ré-
sultats.
Le bois de bouleau est blanc, nuancé de
rouge. Il se polit aisément, mais résiste peu
aux variations atmosphériques ; aussi ne l'em-
ploie-t-on que bien rarement dans les con-
. structions. « On peut présumer, dit M. A. Fré-
zard, qu'il n'en sera pas toujours ainsi; car
on a reconnu que le bouleau s'injectait aussi
bien que le peuplier avec le sulfate de cui-
vre. Il est utilisé par les menuisiers, les char-
rons, les tourneurs et les ébénistes, qui tirent
parti du bois madré de sa souche et des
broussins de sa tige. Lorsque le bouleau a les
dimensions voulues, on en fait des sabots, et,
dans quelques contrées, cette industrie a une
certaine importance. » C'est un des meilleurs
bois de chauffage ; il donne une flamme claire
et très-égale ; on le recherche surtout pour
les fours et les usines. Le charbon qu'on en
obtient est aussi très-estimé pour la fabrica-
tion des poudres. Les habitants des~ contrées
froides utilisent le bois de bouleau pour con-
struire leurs cabanes, et creusent dans le tronc
des vieux sujets des canots d'une seule pièce.
Dans ces régions désolées, où il acquiert plus
de dureté et de solidité que sous nos climats,
il remplace pour beaucoup d'usagés le chêne
et le hêtre.
L'ecorce du bouleau est employée dans le
Nord pour le tannage. On en retire, par la
distillation, un goudron qui donne au cuir de
Russie sa qualité supérieure et son odeur ca-
ractéristique. Quelquefois elle sert à l'alimen-
tation de l'homme lui-même. La sève est ex-
cessivement abondante et très-sucrée; on en
fait une boisson fermentée et un sirop qui
remplace le sucre dans les usages domesti-
ques. Cette sève est agréable à boire et passe
pour être vulnéraire, détersive, bonne contre
la gale, le scorbut, la pierre, les coliques né-
phrétiques. Elle sert de plus à enlever les ta-
ches qui affectent le derme du visage et à
imiter le vin de Champagne. Les Finlandais
emploient les feuilles en guise de thé. Les
Russes et les Suédois les font infuser, encore
vertes, dans une liqueur spiritueuse, et re-
gardent cette infusion comme un remède sûr
dans les cas de rhumatismes chroniques. Chez
ces mêmes peuples, les feuilles de bouleau sont
aussi utilisées pour la nourriture des trou-
peaux et des volailles. Enfin, elles fournissent
à la teinture des laines une belle couleur
jaune.
(
D|après Haller, on retire des chatons
une cire analogue à celle que distillent les
baies du myrica.
Le bouleau se multiplie rarement par voie de
semis; presque .toujours on le reproduit par
voie de plantation. Si l'on voulait se servir de
la première de ces méthodes, on aurait soin
de répandre la graine en automne, parce
qu'elle se conserve difficilement. Il faut se
f
arder de l'enterrer trop profondément ou
'ameublir le sol outre mesure. Les planta-
tions se font avec déjeunes arbres de trois à
cinq ans, que l'on trouve abondamment dans
les forêts. On les incise à environ 10 centi-
mètres du collet de la racine. La préparation
du sol et la mise du plant en terre n exigent
que peu de soins. "On se contente le plus sou-
vent d'arracher les genêts, les bruyères et les
ronces qui couvrent l'espace où l'on veut
créer la boulaie: un homme armé d'une bêche
soulève ensuite la terre de distance en dis-
tance, et une femme ou un enfant glisse le
plant sous la terre soulevée, que l'on presse
seulement avec le pied. Dans nos contrées,
on traite généralement le bouleau-en taillis,
que l'on exploite tous les douze ou quinze ans.
Il n'y a point de profit à attendre davantage,
car, au delà de cette limite, le bouleau croît
très-lentement.
L'espèce qui nous a occupés jusqu'ici pré-
sente deux variétés d'ornement : le bouleau
pleureur et le bouleau à feuilles panachées.
Parmi les autres espèces, nous citerons : lo le
bouleau merisier, plus élevé que le bouleau
blanc, et dont les feuilles ressemblent à celles
du cerisier sauvage. L'ecorce et les bour-
geons ont un goût d'amande assez prononcé.
Le bois, assez dur, d'une odeur agréable, est
employé , en Amérique, pour l'ébénisterie ;
2o le bouleaunoirà canot ou à papier, indigène
dans l'Amérique du Nord comme le précédent.
Cette espèce atteint quelquefois plus de 30 mè-
tres de haut. Elle fournit un bois dur, com-
pacte et une écorce très-solide, qui peut être
utilisée dans la fabrication du papier, et aussi
f
iour construire des pirogues remarquables par
eur longue durée et leur extrême légèreté;
3° le bouleau nain, arbrisseau de trois pieds au
plus, que l'on trouve sur les montagnes et dans
-
*
les régions les plus septentrionales de l'Europe ;
4° le bouleau rouge, qui s'élève jusqu'à 20 mè-
tres et qui croît en abondance dans les parties
méridionales des Etats-Unis; 5° le bouleau
pubescent, dont les jeunes pousses sont recou-
vertes d'une matière séreuse ; 6° le bouleau
jaune, dont l'ecorce est employée pour le tan-
nage.
BOULEDOGUEBOULEDOGUE ne mange pas sa victime; il l'é-
touffera pour plaire aux spectateurs.
t
(È. Sue.)
Les combats de chameaux sont beaucoup plus
féroces que ceux de taureaux, de béliers, de
BOULEDOGUE
BOULEDOGUE s. m. (bou-le-do-ghe — de
bull-dog, même sens^ formé de bull, taureau,
et dog, chien, chien a garder, à dompter les
taureaux). Variété de dogue plus petite et
plus féroce que le grand dogue.: La nature a
mis antipathie morale et physique entre le chien
et le chat, entre le BOULEDOGUE et la tigresse.
(Toussenel.) Les BOULEDOGUES ont les incisives
usées, et quelquefois perdues, à trois ou quatre
ans. (Lecoq.) L'ours privé qu'on lâche sur le
BOULEDOGUESBOULEDOGUES ou de coqs. (G. Sand.)
— Par anal. Homme brutal, qui a la féro-
cité d'un bouledogue : C'est un BOULEDOGUE.
BOULE-D'OR
BOULE-D'OR s. f. Bot. Nom d'une des deux
• espèces de trolle, plante de la famille des
renonculacées.
BOULÉE
BOULÉE s. f. (bou-lé— rad. boule). Techn.
Résidu de suif, qu'on recueille sur le fond
d'une poêle et qu on roule ordinairement en
boule, tl Ratissure des caques de harengs.
— En Bourgogne, Raisins attachés en
boule, et destinés à être offerts en présent.
BOULÉE. V. BOULLÉE.
BOULEJONBOULEJON s. m. (bou-le-ion). Pêch. Filet
à prendre des sardines, employé par les pê-
cheurs de Cette.
B O U L E M E N T s. m. (bou-le-man — rad.
boule). Mouvement d'une boule qui rouie, il
Vieux mot.
BOULEN. BOOLEN ou BOLEYN (Anne DE),
reine d'Angleterre, née en 1500, morte en 1536,
était fille de Jeanne Clinston et de Thomas
de Boulen, simple chevalier d'abord, plus tard
trésorier du cabinet. Il est, parmi les mo-
dernes, peu de noms historiques qui aient donné
lieu à des discussions plus passionnées et plus
mêlées d'incertitudes que celui d'Anne de
Boulen. On ne sait pas au juste en quel temps
naquit, en quel temps sortit d'Angleterre et y
retourna cette femme, qui parvint, d'une ma-
nière si éclatante à la royauté. La même in-
certitude règne au sujet de la moralité de cette
demoiselle d honneur. Quelques-uns, et Bayle
est du nombre, affirment que les langues les
moins bienveillantes pourraient dire d'elle
tout le mal possible, sans crainte darriver
jamais jusqu'à la calomnie; d'autres poussent
la confiance jusqu'à prétendre qu'Anne, à la
cour de France, comme à la cour d'Angle-
terre, fut un ange de vertu; mais ce dernier
point sera suffisamment éclairci par l'histoire
de sa vie.
Lorsque la princesse Marie, fille de Hen-
ri VII, épousa, à l'âge de seize ans, le vieux
roi Louis XII, elle emmena avec elle en
France plusieurs jeunes filles de son âge ; de ce
nombre était Anne de Boulen, alors âgée de
quinze ans. On sait quelles folies le vieux roi
fit pour sa jeune épouse ; le château de Blois,
qu'il venait" de construire, retentissait jour
et nuit du bruit des fêtes. Le roi en mourut.
C'est durant cette courte période de plaisirs
et d'ivresse qu'Anne s'initia à la galanterie et
aux intrigues des cours.
] Elle revint à Londres en 1525 ou 1527. Elle
I était alors dans tout l'éclat dé la beauté et de
I la première jeunesse, et elle avait, pour faire
valoir cette beauté, appris en France, nous
venons de lïTdire, le grand art de la coquet-
terie. De plus elle avait acquis, à la cour de
Blois, une science politique précoce.
Ce fut à la campagne, au milieu d'une fête,
?
;ue Henri VIII rencontra pour la première
ois la fille d'honneur de Marie. Le roi aimait
1094 BOUL
à causer de la cour de France, de ce joyeux
pays qui lui semblait un éden auprès de la
brumeuse Angleterre. Les vives reparties et
les gais récits de la jeune fille, qui en savait
long sur cette cour, qui regrettait la France
autant que lui, le remplirent d'étonnement et
le charmèrent si bien, qu'il devint passionné-
ment amoureux de la belle Anne.
A sou retour à Whitehall, Henri VIII raconta
cette rencontre au cardinal Wolsey, son ami
et son confident. Wolsey, heureux de voir le
commencement d'un intrigue qui pouvait éloi-
gner le roi des affaires, que lui-même dirigeait
et voulait diriger seul, se mit à l'œuvre pour
faire arriver l'aventure à bonne fin. Pour cela,
il s'en ouvrit sans façon a Thomas Boulen lui-
même et le créa lord. Plus tard, celui-ci devint
vicomte de Roehefort et secrétaire du cabinet
du roi, tandis qu'il faisait donner à sa fille le
titre de demoiselle d'honneur de la reine. Ca-
therine eut le pressentiment des infortunes
3ue cette intrigue lui préparait ; mais elle fit
e vains efforts pour arrêter les progrès de la
favorite dans l'esprit du roi.
Cependant Anne, qui avait appris à, la cour
de Louis XII les secrets de la galanterie la
plus raffinée, l'art de refuser, le « doux nenni »,
comme dit Marot, tint à distance son royal
amant; puis, quand elle le vit à sa merci, elle
exigea son divorce avec la reine. Suivant
d'autres, elle avait eu déjà du roi deux en-
fants qui ne vécurent pas. Quoi qu'il en soit,
Henri -VIII, de plus en plus amoureux, de
plus en plus enlacé par cette jeune Anglaise
toute pleine de l'esprit français, se décida à
divorcer et à faire de sa maîtresse une reine.
C'était une entreprise grave qu'un divorce,
sans motif réel, avec une fille de la maison
d'Autriche. Le roi ayant chargé Wolsey des
négociations près de la cour de Rome, Anne
chercha à capter l'amitié du négociateur, oui
pourtant était moins puissant qu'elle. Elle lui
écrivit une longue lettre suivie d'une apostille
flatteuse de la main du roi.
A cette époque, la peste ravageait Lon-
dres; Henri, naturellement égoïste, confia
toute l'autorité au cardinal, laissa sans souci
la reine et toute la cour au milieu de la ville
décimée par le fléau, et se retira dans une
ravissante solitude, ou il s'abandonna tout en-
tier à son nouvel amour. Sans doute, Henri
espérait que le fléau emporterait la reine
et Le délivrerait du prochain conflit qui ne
pouvait manquer d'éclater entre lui et la cour
de Rome; il n'en fut rien. La tante de Charles-
Quint échappa au fléau, au grand déplaisir
de son époux, et réclama comme toujours, avec
fierté, ses droits de reine et d'épouse légitime.
Le pape, en ce moment sous la dépendance
de l'empereur, qui le tenait enfermé dans
Rome même et l'avait fait prisonnier au châ-
teau Saint-Ange, essaya de ménager les deux
partis et d'éterniser le conflit. Le vieux car-
dinal Campegge, qui était goutteux, fut en-
voyé à Londres en qualité de légat; il mit
neuf mois à faire le voyage. Wolsey, sur qui
reposait toute la responsabilité de la conclu-
sion du divorce, se trouvait, lui aussi, pris en-
tre les deux partis; Anne de Boulen le har-
celait de ses lettres, le rendant responsable
d'un retard qui pouvait la perdre ; la reine
Catherine l'accablait de sa haine et de son
mépris, Wolsey fut victime de sa politique à
double face et de son jeu trop savant. Le lé-
gat ayant quitté Londres sans rien conclure,
et repris sa" marche lente vers Rome, pour y
porter des contre-proposition s, Henri éclata.
Il enleva à Wolsey ses dignités, lui confisqua
ses palais et ses meubles, évalués à un million
sterling, et le réduisit à la portion congrue,
c'estrà-dire au revenu de son archevêché.
Anne de Boulen, en bonne personne, lui écri-
vit dans sa retraite une lettre de reproches,
pleine de modération. Le roi voulait en finir.
Il dépêcha au pane Clément des ambassadeurs
chargés de l'ultimatum. Ils le trouvèrent à
son retour du sapre de Charles-Quint. Une
convention relative à la reine Catherine avait
été arrêtée entre le pape et l'empereur ; l'am-
bassade échoua. Le roi, furieux, convoqua en
synode national tout le clergé anglican, de-
vant lequel, en dépit du saint-père, il fit plai-
der ses avocats contre ceux de la reine.
Tandis que l'assemblée du clergé était réu-
nie, le roi convoqua le parlement, lui commu-
niqua toutes les pièces du procès avec Rome,
et s'abrita derrière les privilèges du royaume,
violés par le saint-père. Le clergé délibérait
sur le projet de nommer Henri VIII chef et
protecteur de l'Eglise d'Angleterre. Vaine-
ment les dignitaires ecclésiastiques envoyés
au synode par le diocèse d'York protestèrent
dans un mémoire courageux adressé au roi
lui-même ; Henri les déféra au parlement et
fut nommé chef de l'Eglise d'Angleterre.
Condamnée, la reine Catherine déclara
qu'elle n'avait point cessé d'être reine, et que
seul le saint-père pouvait la dégager des
liens qui l'unissaient à son époux. Henri, de
son côté, prétendait en appeler à un concile
général, dont il savait la réunion à peu près
impossible. Une séparation définitive devait
enfin avoir lieu ; elle fut consommée à Wind-
sor. « Vous pouvez, dit. le roi à Catherine,
vous retirer en tel lieu de mes Etats que vous
voudrez, vous y serez traitée avec honneur.
— Sire, répondit-elle, je ne pourrais y être
traitée qu'en reine, car je ne cesse pas d'être
l'épouse du roi: » Catherine choisit More pour
ïe lieu de sa résidence.
La cour de Rome se saisit alors directe-
BOUL
ment et activement de cette grave affaire.
Le roi fut cité devant le consistoire des car-
dinaux. Henri, qui n'avait pas dédaigné d'é-
crire lui-même contre Luther, témoigna hypo-
critement d'un certain respect pour la cour
de Rome et pour sa procédure. Il députa vers
le consistoire deux de ses agents, le docteur
Bonnet et le chevalier de Karnes, qui divisè-
rent si bien le consistoire qu'on ne put arri-
ver à rien.
Pendant ce temps, Anne, aussi habile que
jolie, courtisait à la fois l'Eglise et le parle-
ment, faisait entrevoir à tous le temps de son
ouvoir légitime comme un véritable âge
'or. Aux uns elle promettait des charges,
aux autres des bénéfices. Tous désiraient la
voir assise sur le trône
?
et déclaraient que le
divorce ferait à la fois le bien de l'Eglise
et celui de l'Etat. Une opposition peu nom-
breuse, mais violente, s'était élevée au par-
lement contre la favorite -, le roi ordonna une
séance royale. Dominé par sa maîtresse, com-
plètement aveuglé par la violence de sa pas-
sion, il se rendit en grande pompe au parle-
ment ; il se plaignit de l'intervention de certains
membres de la chambre des lords et de celle
des'communes dans une question purement
religieuse et complètement étrangère au par-
lement ; il déclara que, toute sa vie, il n'avait
connu d'autre mobile que le bien de l'Etat ;
que ce n'était pas à l'âge de Quarante et un
ans qu'il pouvait songer h troubler le royaume
pour satisfaire seulement les plaisirs qui sont
le partage de' la jeunesse. Il déclara enfin
qu'il voulait le divorce, parce que c'était l'in-
térêt dii royaume.
Cependant le roi hésitait encore. Le sa-
crifice de son épouse légitime lui avait peu
coûté, mais une rupture avec Rome pouvait
troubler profondément l'Angleterre et com-
pliquer ses amours de questions non-seule-
ment religieuses, mais encore politiques. Les
négociations avec le pape recommencèrent...
Pendant ce temps, Henri devenait de plus en
plus amoureux; il nommait sa maîtresse mar-
quise de Pembroke, lui donnait un palais, lui
formait une véritable cour, lui allouait une
somme considérable pour ses dépenses an-
nuelles. François I
e r
, dans une entrevue à
Boulogne, contribua à vaincre les dernières
hésitations du roi d'Angleterre ; il complimenta
la favorite et lui fit remettre, par un de ses
gentilshommes, un diamant du plus grand
prix. Henri épousa secrètement sa maîtresse
(1532); le mariage fut célébré par le chape-
lain George Day, à qui cette circonstance
valut plus tard l'évêché de Chichester. Deux
mois après, Anne était enceinte ; le roi en fut
ivre de joie.
A quelque temps de l à , Henri réunit enfin
un synode général présidé par l'archevêque
de Cantorbéry, Crammer, et se fit prêter le
serment que les prélats avaient prêté au saint-
père; il ht annuler, pour vice de forme, son
mariage avec Catherine, et reconnaître Anne
de Boulen comme reine d'Angleterre.
Lorsque Crammer se rendit à More pour si-
gnifier à la reine Catherine la décision du
synode, elle refusa de le recevoir, et lui fit
répondre qu'elle ne connaissait d'autre tribu-
nal que celui de Rome. Le roi envoya dans
toutes les cours des ambassadeurs chargés
d'expliquer sa conduite ; mais, pendant qu'il
faisait signifier à l'ex-reine qu'elle n'eût à
prendre d'autre titre que celui de princesse
douairière, Crammer était, excommunié, et
l'empereur, pour venger l'honneur de la mai-
son d'Autriche, cherchait à former une ligue
contre l'Angleterre. Henri, pour toute ré-
ponse, somma Catherine de renoncer à son
titre de reine sous peine de déshérence de sa
fille Marie, puis il fit publier son nouveau
mariage à son de trompe. Anne de Boulen fut
couronnée à Westminster, avec une pompe
inouïe, et installée à Whitehall le 1er juin 1533.
Le bruit de la grossesse d'Anne de Boulen
s'étant répandu après son mariage seulement,
le peuple conçut pour elle une grande estime,
croyant que jusqu'à l'instant du mariage ses
amours avec le roi avaient été toutes chevale-
resques et platoniques. Le 8 septembre 1533,
elle accoucha d'une fille, qui fut tenue sur les
fonts du baptême par le duc et la duchesse
de Norfolk. Cette enfant reçut le nom d'Eli-
sabeth : de grandes destinées lui étaient ré-
servées.
Malgré tous ces événements, Henri ne pou-
vait se résoudre à une rupture définitive, su-
prême, entre le saint-siége et l'Eglise angli-
cane, et résistait aux suggestions des réformés,
qui voulaient l'entraîner dans leur mouvement
religieux. Sur ces entrefaites, le pape Clé-
ment mourut et fut remplacé par Alexandre
Farnèse. Le nouveau pape ordonna au roi
d'Angleterre d'expulser Anne de Boulen; sur
son refus, il le déclara frappé d'excommuni-
cation majeure et déchu de la couronne ; a p -
pela sa noblesse aux armes, et chargea l'em-
pereur, protecteur de l'Eglise, de l'exécution
de cette sentence. La violence de Farnèse
porta bientôt ses fruits : le parlement, aussitôt
assemblé, transféra au roi toute l'autorité
qui appartenait au pape en Angleterre.
Ainsi fut consommé d'une façon irrémédia-
ble le divorce entre la grande communauté
catholique et l'Eglise anglicane. Le roi, poussé
a bout, confisqua tous les biens ecclésiasti-
ques, et fit pendre sans pitié tous ceux qui
s'opposaient au nouvel ordre des choses. Il
tourna ensuite son ressentiment contre Ca-
I therine; il déclara q ne la princesse Marie,
BOUL
'issue de son premier mariage, était inhabile
à lui succéder, et qu'Elisabeth était sa seule
héritière. Tous les grands corps de l'Etat vin-
rent saluer de ce titre l'enfant encore au ber-
ceau. Ce dernier coup acheva la reine Cathe-
rine, déjà malade; elle mourut, et fut enterrée
sans pompe dans la cathédrale de Petersbo-
rough.
Anne ne jouit pas longtemps de son triom-
phe ; le roi avait distingué dans l'entourage
de la reine une jeune fille d'une rare beauté,
nommée Jeanne Seymour ; il en devint éper-
dument amoureux. Un jour, Anne de Boulen
fut brutalement arrêtée et conduite, sous
bonne escorte, à la Tour de Londres. L'accu-
sation portée contre la malheureuse Anne
était monstrueuse, invraisemblable : elle s'é-
tait, disait-on, livrée à d'indignes débauches
avec quatre gentilshommes,dont r*unétaitson
frère. Le roi, pour informer l'affaire, créa un
tribunal extraordinaire sous la présidence de
son beau-frère le duc de Suffblk. Anne n'op-
posa que des dénégations à ses juges, choisis
et gagnés d'avance par le roi : elle fut con-
damnée à mort. « Pendant sa détention, dit
Burnet dans son Histoire de la rëformation
d'Angleterre, on la vit jouer des personnages
bien différents; elle passait alternativement
du rire aux larmes, de la dévotion au déses-
poir le plus affreux. Quand les juges qui
étaient venus l'examiner furent partis, elle se
mit à genoux, et, fondant en larmes, cria plu-
sieurs fois : « Seigneur Jésus, ayez pitié de
a moi ! », et, au même instant, on la vit écla-
ter de rire. Quelques instants avant que l'exé-
cuteur vînt la prendre, elle porta la main à
son cou, faisant remarquer qu'il était fort pe-
tit, et qu'il serait tranché facilement. Dès ce
moment, toute faiblesse disparut, et l'on peut
dire que jamais femme plus belle et plus cou-
rageuse ne monta sur l'échafaud. D une voix
calme et sonore, elle parla au peuple ; puis,
après avoir sollicité les prières des assistants,
et rangé sa robe avec un mouvement d'admi-
rable pudeur, elle posa sa tête sur le billot,
et elle attendit le coup fatal. Deux fois le
bourreau essaya de lever la hache, deux fois
ses bras défaillirent, car Anne le regardait.
• Oh ! milord, dit-il à Thomas Cromwell, si elle
» me regarde toujours, je ne pourrai jamais
• frapper. » Il fallut qu'Anne détournât sa
tête charmante, pour que le bourreau reprît
du cœur et accomplît sa fatale mission. »
Les écrivains catholiques ont chargé la mé-
moire d'Anne de Boulen, auteur ou occasion
du schisme d'Angleterre, des plus graves accu-
sations. Nous avons quelque peine à ne pas les
trouver entachées d exagération. Il ne nous
paraît pas bien prouvé que son impudeur, à la
cour de France, l'ait fait surnommer la haque-
née d'Angleterre ; nous ne croyons guère non
plus qu'on l'y ait appelée la mule du roi;
mais on peut, avec Bossuet, dont il faut admi-
rer ici le langage digne et prudent, l'accuser
d'un enjouement immodéré, de libertés indis-
crètes et d'une conduite irrégulière et licen-
cieuse, fruit naturel de l'éducation qu'elle
avait reçue.
On voit au musée royal de Naples un por-
trait d'Anne de Boulen. Elle a laissé des
lettres, récemment recueillies, et dans les-
quelles se trouvent quelques renseignements
curieux. L'une d'elles nous apprend qu'Anne
déjeunait avec une demi-livre de lard et un
quart de bière. Que diront de cela nos petites
maîtresses? Quelques années avant sa mort,
Henri VIII eut l'impudence de faire valoir
ses droits sur l'héritage de la famille de la
victime et sur l'ancienne habitation du négo-
ciant Geoffroy Boulen.
Durant tout le cours de son long règne,
Elisabeth, digne fille de ce prince profondé-
ment hypocrite, ne tenta pas une seule fois
de réhabiliter la mémoire de sa mère.
BOULENGER
BOULENGER (Jules-César), jésuite et his-
torien, né à Loudun en 1558, mort à Cahors
en 1628. Il était fils de Pierre Boulenger, à qui
l'on doit quelques livres de grammaire qui
eurent du succès. Après être entré chez les
jésuites, il s'occupa de l'enseignement et de
recherches historiques. Ses principaux ou-
vrages sont : De spoliis bellicis, trophœis, ar-
cubus triumphalibus (Paris, 1601 ) ; De insignibus
gentilitiis aucum Lûtharingorum (1617, in-fol.) ;
De imperatore et imnerio romano, magistra-
tibus, officiis (1618, in-fol.) ; Historiarum sui
temporis libri XIII (1619, in-fol.).
BOULENGER
BOULENGER ( Nicolas-François-Joseph ) ,
historien et littérateur français, né à Hes-
din vers 1765, mort au commencement du
xixe siècle. Il était fils d'un magistrat et d'une
nièce de l'abbé Prévost. Après avoir été em-
ployé dans une administration militaire, il s'a-
donna à l'instruction publique et publia : des
Voyages historiques en Belgique ; des Eléments
d'histoire universelle ; un Recueil de contes
r
et
d'historiettes ; une édition du Dictionnaire de
VAcadémie (Francfort, 1799) ; un Dictionnaire
français-latin à l'usage des commençants', etc.
BOULENOIS,
BOULENOIS, OISE s. et adj. Syn. irrégu-
lier de BOULONAIS.
BOULERBOULER v. n. ou int. (bou-lé — rad. boule).
Enfler son jabot, l'arrondir en boule, en par-
lant du pigeon,
i — Rouler comme une boule : Le tigre BOULA
I comme un lièvre et expira aussitôt. (Alex,
I Dum.)
— Se gonfler, en parlanf du pain dans lf
I four ou des semences prêtes à germer.
BOUL
— Jeux. Mesurer la distance des boules au
but, dans un coup douteux.
— A signifié Mentir.
— v. a. ou t r . Pop. Renverser, faire rouler
par terre comme une boule.
— A signifié Tromper.
— Pêch. Agiter, troubler avec la bouille ou
bouloir : BOULER les eaux d'un étang. Syn.
de BOUILLEK.
— v. a. ou tr. Techn. Gaufrer à la boule,
,en parlant des fleurs artificielles, il v. pr. Être
gaufré à la boule : Les corolles polypétales SK
BOULENTBOULENT en dedans.
BOULERAIEBOULERAIE s. f. (bou-lc-rè — rad. bou-
leau.) Lieu planté de bouleaux, il On dit aussi
BOULAIK.
BOULEREAUBOULEREAU s^ m. (bou-le-ro). Ichthyol.
Espèce de goujon, n On l'appelle aussi BOU-
LERON.
B O U L E R R E s. m. (bou-lè-re). Homme fin,
adroit, rusé. Il Vieux mot.
BOULES
BOULES s. m. (bou-le — de Boules, n. pr.l.
Art milit. Usité dans la locution Boite de
Boules, Boîte dont on se sert pour mettre,
sans danger, le feu à une saucisse de mines.
B O U L É S I E s. f. (bou-lé-zï). Bot. Geure do
plantes ombellifères du Pérou.
BOULET
BOULET s. m. (bou-lè — rad. boule). Masse
le plus souvent spbérique, ordinairement
de fer, dont on se sert pour charger les ca-
nons : Le BOULET qui doit me tuer n'est pas
encore fondu. (Napol.) On n'est point apte à
régner sur des Français sans avoir entendu
siffler le BOULET. (Chateaub.) La dernière rai-
son des rois, le BOULET; la dernière raison des
peuples, le pavé. (V. Hugo.) La grave respon-
sabilité qui pesait sur Ganteaume lui causait
un trouble involontaire, que jamais les BOULETS
n'avaient produit dans son intrépide cœur.
(Thiers.) Tout BOULET de canon tiré coûte
quinze francs. (Proudh.) En 1666, on inventa des
BOULETSBOULETS s'ouvrant à la sortie du canon, et pré-
sentant quatre lames tranchantes. (Bachefet.)
Un énorme boulet, qu'on lance avec fracas,
Doit mirer un peu haut pour arriver plus bas.
VOLTAIRE.
— Par anal. Grosse masse arrondie servant
de projectile de guerre : Les anciens peuples
de la Belgique employaient des BOULETS de
houille qu'ils chauffaient au rouge, et qu'ils
lançaient au visage de leurs ennemis, à l'aide
d'une espèce de gantelet de métal. (De Chesnol.)
— Peine infamante qui consistait en ce que
ceux qui y étaient condamnés traînaient un
boulet attaché à une chaîne : Il a été condamné
au BOULET. Il a eu ses cinq ans de BOULET. 77 est
mort prisonnier, plus désespéré et plus misé-
rable que les forçats qui traînent leur BOULET
au bagne de Toulon. (Alex. Dum.)
— Fig. Embarras, lien qui nous prive de
la liberté d'action : L'alliance-contractée avec
Borne, en des jours nébuleux, est un BOULET
au pied du gouvernement. (Toussenel.) La di-
gestion est le BOULET rivé aux pas du génie.
(Raspail.) n Attaque,choc brusque etsoudain:
Le pamphlet est le sarcasme à l'état de BOULET
de canon. (Balz.)
— Boulet de 24, de 36, etc., Boulet qui pèse
24, 36, etc., livres. C'est de cette façon qu'on
désigne ordinairement le calibre des pou-
lets : Le choc de la baleine est égal à celui de
soixante BOULETS DE 48. (Lacép.) Il Boulet
rouge, Boulet incendiaire chauffe au rouge,
avant son introduction dans le canon : Les
Vénitiens tirèrent à BOULETS ROUGES sur les
Propylées et le temple de Minerve. (Chateaub.)
C'est au siège de Stralsund (1075), qu'eut lieu
le premier emploi certain des BOULETS RQUGKS ;
c'est à l'évêque Vangalen qu'on attribue cet
.affreux moyen de destruction. (Bouillet.) il At-
taque dirigée avec acharnement : Il tira sur
mot à BOULETS ROUGES. Il faut tirer à BOULETS
ROUGES sur les abus, il Boulets rames, à chaîne,
à branche ou barrés, Paire de boulets unis par
une chaîne ou par une barre de fer. Il Boulet à
deux têtes.Dcux moitiés de boulet unies par une
chaîne ou une barre de fer. il Boulet creux. Syn.
d'oBus. |] Boulet incendiaire. V. BALLE À FEU.
— Loc. fam. Etre brutal comme un boulet de
canon, Etre d'une brutalité, d'une brusquerio
excessive et qui rappelle l'arrivée inattendue,
brusque et violente d'un boulet de canon, n
Traîner le boulet, un boulet, son boulet, Mener
une vie misérable et pénible, être chargé
d'une tâche dont on est accablé et dont on ne
peut se débarrasser : Nous autres, anciens,
nous nous sommes usés à TRAÎNER LE BOULET
dans les galères de la Restauration. (Béran-
ger.) Malgré tant de révolutions, nous TRAÎ-
NONS aupied LE BOULET de lavieille monarchie.
(Ed. Laboulaye.) La France et le continent
TRAÎNENT volontairement au pied LES BOULETS
de leurs canons. (E. de Gir.) La Pologne est
une révolution vivante attachée à la Russie, et
qu'elle TRAÎNE comme SON BOULET de punition.
(St-Marc Girard.) Il y a des'êtres innocents,
nés sous une étoile fâcheuse, qui TRAÎNENT
après eux LE BOULET d'un nom grotesque. (Th.
Gaut.)
Il mourut sur un noir rocher,
Traînant comme un boulet l'image de la France
Sous le bâton de l'étranger.
A. BARBIER.
Je m'appartiens à peine,
Que voulez-vous? il est mon boulet, je le traîne.
Il m'a sauvé la vie et me le fait payer...
C'est son droit, je ne puis que l'en remercier.
C. DOUCET.
U Se dit, par plaisanterie, d'un homme con-
BOUL * BOUL BOUL. BOUL 1005
intérêt particulier, et que l'artillerie est natu-
rellement amenée à tourner ses études de ce
côté. Nous dirons, pour ceux de nos lecteurs
qui pourraient ne pas le savoir, que le nom de
Shrapnel appartenait à un officier d'artillerie
anglais, et qu'on l'a donné à un projectile de
son invention. L'idée de Shrapnel consiste à
remplir de balles de plomb un projectile creux
très-mince, à mettre avec les balles la petite
quantité de poudre nécessaire pour briser l'en-
veloppe, et à fermer, avec la fusée. Le pro-
jectile étant lancé, la fusée communique le feu
à la charge du projectile; pendant le trajet,
l'enveloppe se brise et les balles continuent
leur mouvementavec la vitesse acquise, for-
mant une gerbe dont l'action s'étend sur un
assez grand espace. » (Favé, Des nouvelles
carabines et de leur emploi.)
Les boulets creux à percussion sont des bou-
lets qui éclatent au moment de leur chute ou
de leur pénétration. Ils sont munis à cet effet,
à l'œil, d'un mécanisme percutant, qui com-
munique le feu à la charge intérieure, dès
qu'ils touchent le but. On a fait des essais de
ce genre à Brest, en septembre 1838.
Avant d'arriver aux boulets proprement dits,
en usage de nos jours, nous allons encore
passer en revue différentes espèces de projec-
tiles, qui ont été ou sont encore employés :
Le boulet messager, ou boulet perdu, ou cour-
rier volanty était un boulet creux, doublé en
plomb, dont on se servait pour donner des
• ordres, -ou des nouvelles dans un camp, ou
dans une place assiégée^
Le boulet roulant n'était pas ensaboté.
Le boulet sourd se lance avec une faible
charge de poudre, et est employé surtout dans
le tir à ricochet.
Le boulet à pointe servait pour tirer sur des
blockhaus ou sur des vaisseaux. C'était une
espèce de boulet à feu, véritable bombe, auquel
ou vissait un cône de métal.
Le boulet de l'éléphant, en usage vers la fin
du xvie siècle, était le projectile du plus gros
mortier, qu'on appelait alors éléphant.
Les boulets rames ou enchaînés sont deux
boulets enchaînés ensemble, dont on fait usage
principalement sur mer, pour couper les mâts
des vaisseaux. Ces projectiles n étaient pas
encore beaucoup employés en France à la fin
du xvie siècle, car nous lisons dans l'ouvrage
de l'Empereur, Etude sur le passé et l'avenir
de l'artillerie, continué sur ses notes par le
G
énéral Favé : a On fait quelquefois usage des
oulets rames; il y en avait de tous les ca-
libres-, leur emploi était considéré comme
avantageux pour un jour de bataille, aussi
bien que pour l'assaut ou la défense d'une
brèche, parce qu'il pouvait -balayer une plus
grande étendue ; mais les armées françaises
en devaient rarement faire usage en,campagne,
car nous n'en avons pas trouvé dans les états
d'approvisionnement que nous avons "consul-
tés. » Nous empruntons au même ouvrage les
cinq figures suivantes, représentantdes boulets
rames et autres projectiles du même genre, fi-
gures qui n'ont besoin d'aucune explication,
et se comprennent d'elles-mêmes. (V. fig. 1,
Fig. 1.
iHà— » _ ^
Fig. 2.
Fig. 4.
(1672), ont renversé les palissades qui défen-
daient la place avec des boulets à deux têtes.
Le boulet barré ne différait guère des précé-
dents ; il se composait de deux boulets réunis
par une barre de fer.
« Le boulet rouge n'est autre chose qu'un
boulet qu'on fait rougir sur un gril de fer fait
exprès, et qu'on porte dans le canon avec des
tenailles, ou on le laisse tomber immédiate-
ment sur le fourrage ou le gazon qui couvre
la poudre. On met ensuite très-promptement
le feu à la pièce afin que le boulet ne le mette
pas lui-même, ce qui diminuerait beaucoup son
action. » (Leblond, Traité d'artillerie.) On se
sert aussi, pour chauffer ce projectile, de fours
à réverbère en maçonnerie ou en terre, et,
pour le charger, de casques et de.«cuillers.
«... Le gril ou four à boulets rouges est placé
à trois pieds au plus du revêtement intérieur,
vis-à-vis son merlon, au lieu d'une pièce ; il est
ainsi à l'abri des boulets et des accidents du
feu... Le tir à boulets rouges a lieu avec des
pièces en bronze du calibre de 12, au plus de
18 ; le boulet doit être au rouge cerise. « (Gén.
Montholon, Mémoires de Napoléon /
e r
. ) Saint-
Remy prétend, au contraire, que les calibres
des boulets rouges sont ceux de 8, et de 4,
parce que les boulets d'un plus fort calibre
seraient d'un service plus difficile. On a aban-
donné ces engins destructeurs à bord de nos
vaisseaux. Le plus souvent, ils étaient aussi
redoutables pour les navires qui les em-
ployaient, que pour ceux contre lesquels ils
étaient employés. Les fours a boulets furent
démolis sur tous les bâtiments de l'Etat, du-
rant les dernières années du premier empire.
Où et quand apparurent les boulets rouges?
Dans la relation du siège de Mézières (i52i),
Mézeray écrit : « Ce n'étoient que canonnades,
que boulets enflammés. » Veut-il parler de
boulets rouges ou de grenades? On croit que
ce genre de projectiles servit à Mathian pour
incendier Moscou (1611). Feuquières et beau-
coup d'autres auteurs prétendent que le boulet
rouge vient de Prusse ; que le premier essai en
fut fait en Poméranie, et date du siège de la
ville de Stralsund (1675) par le marquis de
Brandebourg. Enfin, quelques écrivains attri-
buent cet horrible moyen de réduire les places
par l'incendie à l'évèque Vangalen
;
que des
cruautés sans nombre ont rendu digne d'un
tel honneur.
En 1694, 12,000 boulets rouges furent lancés
par Louis XIV sur la ville de Bruxelles. A
partir de cette époque, la guerre à boulets
rouges tomba un moment en désuétude, et re-
prit bientôt au siège d'Ostende en 17Q6. Il n'y
a pas encore un siècle (1792), les Autrichiens
ont incendié la ville de Lille au moyen de ces
terribles projectiles.
Les boulets froids et les boulets rouges s'en-
foncent dans le bois aux mêmes profondeurs,
toutes choses égales d'ailleurs. Ces derniers
conservent leur propriété incendiaire^ même
lorsqu'ils ont touché l'eau plusieurs fois en ri-
cochant.
, Les boulets en usage de nos jours dans l'ar- /
tillerie sont ceux des calibres de 30, 24, 16 et
12. On a supprimé les calibres de 8, 6 et 4. Les
boulets de la marine sont des calibres de 50,
36, 30, 24, 18, 12, 8 et 1. Ces projectiles sont
en fonte, coulés en sable; le moulage en co-
quille n'est plus usité. Ils sont lancés par les
canons et les caronades. Une fois le boulet
refroidi, après sa sortie du moule en sable,
renfermé dans un double châssis composé d'un
demi-châssis mâle et d'un demi-chàssis fe-
melle, Yébarbeur gratte le sable qui l'enve-
loppe, casse les jets, enlève la coulée et les
coutures avec un tranche-à-froid, et le rebat
avec le marteau à main. Le lissage succède à
Vébarbage. Cette opération s'exécute dans un
tonneau en fonte, qui tourne sur son axe avec
une vitesse de quinze tours à la minute. Les
boulets sont ensuite rebattus de nouveau pour
leur donner un poli suffisant. Avant d être
admis, les boulets sont soumis à deux visites :
la première après le lissage, et la deuxième,
définitive, après le rebattage. Les projectiles
doivent passer sans difficulté et dans tous les
sens dans une grande lunette., et ne doivent
Î
iasser dans aucun sens à travers une deuxième
unette plus petite, appelée petite lunette. On
leur fait alors traverser un cylindre de bronze
de même section que la grande lunette, et dans
lequel ils doivent pouvoir glisser. Toutes ces
expériences ont pour but de s'assurer que les
boulets ont bien le diamètre réglementaire et
pourront faire un bon service. Les projectiles
reçus sont marqués à froid d'un poinçon, et em-
pilés par calibres dans des lieux aérés, chaque
pile portant une étiquette qui indique le calibre
des boulets qu'elle contient. Pour être employés,
les boulets sont ensabotés et fixés à leur car-
touche.
damné à donner le bras à une femme : Un
pauvre mari condamné à TRAÎNER SON BOULET.
— Art vétér. Articulation du canon avec le
paturon : Le BOULET est formé par Vextrémité
inférieure de l'os du canon, l'extrémité supé-
rieure de celui du paturon et les grands sésa-
moïdes : il est entouré de ligaments et de ten-
dons. (J.-H. Magne.)
— Pêch. Boulets, Espèce de petite truble"
qui a la forme d'une poche.
— Mécan. Soupape à boulet. V. SOUPAPE.
— Bot. Fruit du couroupite, qui a la gros-
seur et la forme d'un boulet, n On l'appelle
aUSSi BOUIJJT DE CANON.
— Homonymes. Boulaie, et boulais, boulait,
boulaient (du v. Bouler).
— tpithétes. Rapide,,foudroyant, sifflant,
roulant, bondissant, tonnant, enflammé, brû-
lant, redoutable, terrible, inévitable, destruc-
teur, fatal, meurtrier, homicide, mortel.
— Encycl. Artill. Le boulet est un projec-
tile sphérique, lancé dans l'origine par toute
espèce de bouche à feu, et réservé maintenant
aux canons lisses et aux caronades. Dans les
premiers temps de l'artillerie, les boulets n'é-
taient pas en métal. Ils" furent successivement
appelés bedaines, molières, pierres à canon ; ils
étaient taillés à peu près ronds, en pierre, en
grès ou en marbre. On les tirait au moyen de
machines à poudre, ou de machines névroba-
listiques, telles que les acquéraux, les bombar-
des, les mangonneaux, les ribaudequins, les
sarres, etc., etc. Les ouvriers chargés de leur
taille se nommaient des artillers, des maçons
canonniers ou des tailleurs de boulets. « En
1368, dit Napoléon III dans son Passé et avenir
de l'artillerie, un boulet de pierre lancé du
haut de la tour Notre-Dame d'Orléans tua le
-. comte de Salisbury sur la rive opposée de la
Loire. Dans les premières années du xve siè-
cle, on entoura parfois les boulets de pierre
avec des liens de fer, pour leur donner plus de
solidité, et les empêcher de se briser par le
choc contre les murailles... En 1451, un cha-
riot attelé de six chevaux conduisait, de Namur
à Luxembourg trois grosses pierres de bom-
barde, pesant chacune environ 900 livres,
pour éprouver une bombarde pesant 36,000 li-
vres, que le duc de Bourgogne avait fait con-
fectionner à Luxembourg et qui avait reçu le
nom de cette petite ville. » Dans la dernière
moitié du xvuc siècle, « de gros boulets de
pierre, dit le même auteur, pesant 400 à 600 li-
vres étaient demeurés en usage dans l'artillerie
allemande; on les lançait avec des mortiers. •
La milice turque n'a pas encore abandonné les
boulets de pierre. Ce sont les projectiles des
gros canons appelés pierriers par quelque"s
auteurs, canons destinés~à la défense du Châ-
teau-Neuf d'Europe, élevé sur l'Hellespont.
Ces boulets pèsent de 500 à 900 livres. Il existe
une pièce nommée canon à vis, qui lance un
projectile de 1,100 livres. En 1831, les Darda-
nelles étaient encore défendues par trois batte-
ries, dont les projectiles de pierre avaient
2 pieds de diamètre. Indépendamment de ces
boulets de pierre qui sont Venus jusqu'à nous,
comme on le voit, on se servait aussi de bou-
lets de plomb et de boulets de fer. « En 1368, dit
l'auteur déjà cité, la ville de Lille faisait ache-
ter à Tournay 23 canons qui coûtaient 23 livres
6 sous. Ces canons lançaient des boulets de
f
tlomb pesant en moyenne un peu plus d'une
ivre... Pendantla deuxième moitié du xive siè-
cle, les grosses bouches à feu projettent des
boulets de fer ou des boulets de pierre. On est
parvenu à fabriquer en fer forgé des bombardes
qui lancent des boulets de pierre pesant jusqu'à
450 livres. Suivant Diego Ufano, le plus gros
boulet de plomb pesait de 4 à 5 kil. Le canon
des troupes légères du système Gribeauval
lançait un boulet de plomb d'un demi-kil. Au-
jourd'hui, on n'emploie le plomb que pour les
petites armes et contre des êtres animés. Daru
prétend que les français ont remplacé les pro-
jectiles de pierre par des boulets de fer, et que
cette innovation s'est faite sous le règne de
Louis XI, vers le commencement du xve siècle.
Quelques écrivains affirment, d'autre part,
que la date de l'invention des boulets en fer
est exactement 1470. Gribeauval ensabota le
boulet. « Le boulet, dit Napoléon III, relié par
des bandelettes en fer-blanc à un sabot en bois,
fut attaché au sachet en serge contenant la
charge, et la cartouche à boulet fut adoptée
par Gribeauval, à l'exclusion de l'usage anté-
rieur de conduire sur les champs de bataille
les projectiles et la poudre sur des voitures
séparées. »
On s'est aussi servi de boulets creux, espèces
d'obus ensabotés et lancés par des canons. On
les voit employés pour la première fois au
siège de Saint-Boniface, en Corse. Ils étaient
en pierre ou en bronze, formés de deux hé-
misphères réunis par une charnière, un cercle
de fer et des clavettes. Au xvie siècle, on les
coule d'une seule pièce, d'abord en métal de
cloche, et ensuite en bronze. Sous Louis XIV,
les boulets creux avaient parfois une forme
oblongue. Ils étaient armés d'un fort culot, et
leur vide était rempli de poudre et de balles
de plomb. Au siège d'Ostende (1602), Renaud-
ville, ingénieur français, lança force boulets
creux. Suivant Andreossi, les expériences sur
ces projectiles auraient été faites a Philisbourg
en 1658, à Strasbourg vers 1750, à Auxonne
en 1784 et en 1786. Des boulets creux d'une
invention peu ancienne ont reçu le nom de
shrapnels. « Nous pensons que les shrapnels
acquièrent, dans l'état actuel des choses, un
Fig. 5.
Le boulet à branche était la réunion de deux
boulets liés l'un à l'autre par une barre de fer
de 5 à 6 pouces de long.
Le boulet à deux têtes se composait de deux
boulets tangents et coulés d'une pièce. Suivant
Cotty, on a nommé quelquefois ange ce pro-
jectile double (1822). D'après Trincano, un
boulet à deux têtes est formé par deux demi-
boulets, fixés aux extrémités d'une barre de
fer. Les Hollandais, au siège de Maastricht
lift. - " ^ .
P i g . 6.
Le sabot est en bois (fig. 6.), creusé en
sphère, et a une rainure à la partie inférieure.
Le boulet est introduit dans le sabot" et est
assujetti au moyen de deux bandelettes de fer-
blanc croisées et clouées à leurs extrémités
dans la rainure. La cartouche, c'est la charge
contenue dans un sachet, sac en serge de laine
ou en tissu de bourre de soie, formée d'un
rectangle et d'un culot. Après ïensabotage du
boulet, on passe au montage des cartouches.
On introduit le projectile ensaboté dans le
sachet, la base du sabot d'aplomb sur la
poudre, la bande de couture entre deux ban-
delettes. On fait monter la serge comme si on
voulait coiffer le boulet, et on fait une pre-
mière ligature dans la rainure avec un nœud
d'artificier. On rabat la serge, et une seconde
ligature au-dessous de la base du sabot finit
de donner de la solidité au-système, (fig. 7.)
Pig. 7.
Les boulets seront tôt ou tard remplacés par
les projectiles oblongs des^îanons rayés. Les
canons lisses disparaîtront, et avec eux les
engins qu'ils lancent. Cette substitution, qui a
déjà commencé, ne tardera pas à être com-
plète. V. OBUS.
— Art vétér. On désigne sous le nom de
boulet la région extérieure des membres du
cheval, située entre le canon et le paturon,
et qui a pour base l'articulation de l'os prin-
cipal du métacarpe ou du métatarse avec le
premier phalangien-et les deux grands sêsa-
moïdes. Ce nom lui vient du léger relief sphé-
roïdal que forment, sous la peau, les extré-
mités renflées des os qui constituent ces arti-
culations. C'est à partir du boulet que le poids
du corps cesse de tendre verticalement vers
le sol et se trouve reporté en avant par l'obli-
quité du paturon. Cette disposition, en amor-
tissant le choc, doit nécessairement reporter
toute l'action perdue sur l'articulation du bou-
v
let, qui ne peut résister à un tel effort; que par
une grande solidité et par l'action élastique
du ligament suspenseur, jointe à l'action con-
tractile des muscles fléchisseurs du pied,
dont les tendons glissent dans la coulisse sé-
samoïdienne. Soit par suite de la conforma-
tion naturelle de l'animal, soit par suite d'u-
sure, le boulet peut être placé plus ou moins
en avant ou en arrière. Souvent les cordes
ligamenteuses de la face postérieure du boulet
se raccourcissent, par suite d'un tiraillement
exercé sur elles par un travail pénible. Alors
le boulet se porte en avant, et le cheval est
dit droit sur ses boulets, boulé, bouleté, sui-
vant les degrés du redressement. Le cheval
droit sur ses boulets a perdu la souplesse do
ses allures; le choc du membre sur le sol
réagit sans affaiblissement sur tous ses rayons,
et l'animal est bientôt ruiné. Si le cheval est
bouleté, le membre perd tout à fait sasoliditéj
et la chute est sans cesse imminente: ce qui
fait la gravité de ces défauts, c'est qu au lieu
de pouvoir se guérir, ils ne peuvent qu'aug-
menter. ^
Le boulet peut, mais plus rarement que le
genou, être couronné, et ce défaut doit ap-
peler un examen plus attentif du membre
dans le repos et dans l'action. Une plaie, une
simple usure du poil à la face interne du bou-
let, indique que le cheval se coupe, c'est-à-
dire que, dans la marche, il s'attrape fré-
quemment avec le pied du membre opposé.
On doit rechercher si le cheval se coupe par
défaut d'aplomb ou par suite d'un défaut dans
la ferrure. L'étendue de la plaie ou de la ci-
catrice et la présence de callosités sont un
indice de la gravité du défaut. Il est de jeunes
chevaux qui se coupent; mais, chez eux, l'âge
peut faire disparaître ce défaut dû à la fai-
blesse ou à la maladresse de ces jeunes ani-
maux.
Les tumeurs osseuses qui peuvent se faire
remarquer au boulet portent le nom d'osselets,
et sont très-nuisibles, en gênant le jeu des
tendons. On remarque quelquefois à la partie
inférieure du boulet, le plus souvent en haut,
entre l'extrémité inférieure du canon et du
tendon, des tumeurs synoviales qui portent le
nom de molettes (v. ce mot). Ces tumeurs
dues, comme toutes les dilatations de ce
genre, à la fatigue ou à des efforts, offrent un .
volume variable, et ne produisent ordinaire-
ment la boiterie que lorsqu'elles sont très-
développées; on les trouve aux deux faces du
boulet.
Le boulet du bœuf est épais et moins distinct
que celui du cheval, à cause de la largeur du
paturon.
BOULET
BOULET (Jean-Baptiste-Etienne), pédago-
gue et jurisconsulte français, né à Metz en
1804. Après, s'être fait recevoir avocat, il pu-
blia, très-jeune encore, ïe Ferrière moderne
ou Dictionnaire des termes de droit et de pra- ^
tique (1824, 2 vol. in-s°), puis une traduction
des Institutes de Gains. Plus tard, il se mit à
la tête d'une institution libre, et composa des
ouvrages destinés à l'enseignement : un Cours
1096
BOUL
d'éfudes préparatoires (1840, 7 vol.) ; des Ma-
nuels pratiques, etc. Il avait fondé la Revue
du Nord en 1835, et en 1852 il fit paraître une
brochure. Sur l'affranchissement des commu-
nes (1852).
BOULETÉ,
BOULETÉ, ÉE adj. (bou-le-tô — rad. bou-
let). Art vétér. Qui a le boulet déplacé et
porté en avant, en parlant d'un cheval :
Cheval BOULETÉ. Cavale BOULETÉE. Si le cht-
val est BOULETÉ, le membre n'a plus de solidité.
(Lecoq.)
B O U L E T T E s. f. ( bou-lè-te — dim. de
boule). Petite.boule : Une BOULETTE d'ivoire.
11 sait celui qui rit, qui cause, qui sommeille,
Qui néglige sa tâche, et quel doigt polisson
D'une adroite boulette a visé son menton.
DELILLE.
— Pop. Sottise, bévue grossière : Quelle
BOULET
BOULET AGE s. m. (bou-le-ta-^je — rad.
boulet). Econ. rur. Art vétér. Opération qui
consiste à mettre des boules à l'extrémité
des cornes des bœufs, pour rendre leurs at-
taques moins dangereuses, il "V. BOULAGE.
B O U L E T A N s. m. (bou-le-tan). Navig.
fluv. Pièce de bois courbe.
BOULETTEBOULETTE 1 Vous allez faire une BOULETTE.
J'ai lâché quelque BOULETTE. (Frémy.)
— Particul. Petite boule de viande empoi-
sonnée, destinée à'ia destruction de quelque
animal malfaisant.: Il y a des BOULETTES
dans la ratière; je-vous dirai demain si la
souris s'empoisonnera. (Balz.)
— Art culin. Petite boule de hachis ou de
mie de pain.
— Bot. Nom vulgaire de deux échinopes
qui ont leurs fleurs en boule.
BOULETURE
BOULETURE s. f. (bou-le-tu-re — rad.
bouleté). Déviation du ooulet, état d'un che-
val bouleté.
— Encycl. La bouleture est le redressement
et la déviation en avant des rayons osseux
qui forment l'articulation du boulet. Les che-
vaux chez lesquels cette déviation se fait ob-
. server sont dits bouletés. La bouleture se ca-
ractérise par certains phénomènes objectifs
ou rationnels particuliers. Au premier degré,
le redressement des rayons articulaires est
tel, que l'angle du boulet n'existe plus. Au
deuxième degré,les rayons articulaires se ren-
contrent sous un angle très-obtus, dont le
sommet est antérieur et l'ouverture posté-
rieure; le boulet fait en conséquence saillie
en avant. Enfin, dans un troisième degré, la
première phalange forme avec le rayon du
canon un angle beaucoup plus fermé en ar-
rière, au point qu'une perpendiculaire abaissée
de la face antérieure du boulet tomberait au
niveau du bord antérieur de la pince, et quel-
quefois même au delà. Cette affection, due à
là rétractilité des ^ordes tendineuses qui lon-
§
ent en arrière les rayons articulaires, est
éterminée par les efforts énergiques et sou-
vent répétés de la locomotion, et par toutes
les caus' s susceptibles de mettre obstacle à
là répartition régulière du poids du corps sur
les phalanges et sur les tendons qui leur sont
annexés comme appareils de suspension, telles
que : l'hydarthrose ancienne du boulet, les
blessures, les ruptures, les contusions des
tendons, les périostoses phalangiennes, les
bleimes persistantes, les resserrements du sa-
bot, la maladie naviculaire, les névrqmes,
les seimes, les javarts (v. ces mots), e'tc. Il
existe aussi certaines conditions prédisposan-
tes qui favorisent plus ou moins le développe-
ment de cette affection. Ainsi, les chevaux à
paturons courts sont prédisposés à se bouleter,
parce que la première phalange est peu obli-
que en arrière, et qu'il suffit d'une faible ré-
traction des tendons pour la rendre verticale.
Cependant, la disposition contraire joue aussi
son rôle comme influence prédisposante; car
ayant' pour eifet de faire supporter la plus
grande partie du poids du corps par les ten-
dons, elle peut être considérée comme la
cause première de leurs distensions et des
rétractions qui en sont la conséquence. La
ferrure mal pratiquée peut aussi avoir une
t
rande influence sur le développement de la
ouleture. Cette affection est toujours grave,
quelle qu'en soit la cause, en raison de l'im-
portance de l'articulation du boulet. Cepen-
dant, les boulelures idiopathiques sont plus
faciles à guérir que celles qui dépendent d une
périostose, d'une seime,d'un resserrement du
sabot, etc. Deux indications sont essentielles
dans le traitement de cette affection . tacher
de la prévenir, en évitant, autant que possiblej
de laisser agir sur les animaux les causes qui
la font naître, et y remédier, lorsqu'elle s'est
produite, par des applications vésicantes ré-
pétées coup sur coup, autant du moins que le
permettra l'état de la peau. L'animal devra
être laissé en liberté, afin qu'il puisse prendre
sans empêchement les attitudes que son in-
stinct lui commandera. Quand l'engorgement «
des tendons est très-volumineux, dur et r é -
sistant, il faut recourir à la cautérisation en
raies ou en points, en continuant son action
par les vésicatoires. Par des soins persistants,
on peut espérer d'obtenir de bons résultats de
ce traitement; mais la maladie est souvent
rebelle} et, quoi que l'on fasse, elle tend à
s'exagérer de plus en plus. Enfin, au'troisième
degré de la bouleture, l'art n'a plus qu'une
ressource, la ténotomie, qui interrompt les
tendons dans leur continuité, et fait dispa-
raître l'obstacle au redressement des phalan-
ges. V. TÉNOTOMIE.
BOUL
BOULEUR,
BOULEUR, EUSE s. (bou-leur, eu-ze).
Argot de théâtre. Acteur, actrice qui précipite
ses paroles, qui se hâte d'arriver à la fin de
son rôle : L'acteur Maillard manquait de ten-
dresse; il précipitait ses paroles avec une hâte
extrême, en homme qui semble pressé d'en finir.
C'était ce que les comédiens appellent, dans
leur argot, un BOULEUR. (Franc. Sarcey.)
BOULEURBOULEUR s. m. (bou-leur — rad. bouler).
Pêch. Syn. de BOUILLEUR.
.— A signifié Homme adroit, rusé.
BOULEUTE
BOULEUTE s. m. (bou-leu-te — du gr. bou-
leutês, même sens; formé de boulé, conseil,
sénat). Antiq. gr. Aréopagite d'Athènes, il
Sous l'empire romain, Decurion ou sénateur
• d'un mumeipe de la Grèce.
!
BOULEUTÉRIONBOULEUTÉRION s. m. (bou-leu-té-ri-onn
| — rad. bouleute)'. Antiq. gr. tribunal, lieu
où les juges d'une ville rendaient la justice.
\ il Lieu où s'assemblait le conseil des ma-
gistrats d'une ville municipale. Il On écrit
aUSSi BOULEUTÉRIUM.
BOULEUTICONBOULEUTICON s. m. (bou-leu-ti-konn —
rad. bouleute). Antiq. gr. Partie d'un théâtre
I grec réservée aux vieillards et aux magis-
> trats.
I
BOULEUXBOULEUX s. m. (bou-leu — rad. boule, à
cause de la forme ramassée et comme sphé-
rique de l'animal). Cheval court et trapu,
propre aux travaux de fatigue.
' — Fam. En parlant d'un homme, Personne
laborieuse et âpre à la tâche, mais d'une in-
telligence un peu lourde : C est un bon BOU-
LEUX.
,
BOULEVARDBOULEVARD s. m. (bou-le-var. — L'ori-
• gino de ce- mot est germanique. Boulevart
, ou boulevard désignait primitivement, dans
• les villes fortes, un rempart construit avec
i de gros madriers et de la terre. Ce sens nous
donne l'explication de l'expression tudesquo
I à laquelle boulevard doit son origine, et qui
se compose des deux mots bole, poutre,
grosse pièce de bois, et voerk, ouvrage; ces
deux radicaux, surtout le dernier, se sont
conservés dans les idiomes germaniques avec
leur sens propre ; le mot composé se retrouve
dans le danois et le suédois bolverk , dans
; l'allemand bollwerk, dans l'anglais bulwark,
dans le hollandais àolwerk,'eic, qui ont tous
le sens de boulevard). Fortif. Terre-plein
\ d'un rempart; espace occupé par une cour-
tine ou un bastion.
— Par anal. Place forte qui protège une
contrée contre l'invasion étrangère : Gibral-
tar devrait être le BOULEVARD de la Méditer-
ranée contre l'Angleterre. Belgrade est le BOU-
LEVARD de l'empire turc contre l'Autriche,
c'est la clef de la Serbie. (St-Marc Gir.) Il
Objet qui sert de rempart contre les atta-
ques dune nature "quelconque : Les monta-
gnes de Norvège sont des BOULEVARDS admi-"
râbles qui couvrent les pays du Nord. (Mon-
tesq.)
— Fig. Sauvegarde, protection : C'est une
loi regardée, en Angleterre, comme le BOULE-
VARD de la liberté de la nation. (Volt.) Le
trône constitutionnel est le véritable BOULEVARD
des libertés publiques. (Louis-Philippe.) L'op-
position constitutionnelle est plus utile encore
au pouvoir, dont elle est le BOULEVARD, qu'à
la liberté, dont elle porte le drapeau. (E. de
Gir.) il Dans la plupart des grandes villes,
Promenade publique, grande voie de com-
munication plantée d'arbres : Les, BOULEVARDS
de Strasbourg, de Sébastopol, de Saint-Ger-
main, d Parts. Quelques grandes villes de pro-
vince sont dotées de BOULEVARDS qui ne le cè-
dent en rien à ceux de Paris.
— Absol. Le boulevard, les boulevards,
Large et magnifique voie de communication
qui s'étend, à Paris, depuis la Madeleine
jusqu'à la Bastille. Les théâtres des BOULE-
VARDS. Faire une promenade sur les BOULE-
VARDS. Sous prétexte de faire son droit, il
passait son temps à se promener'aux Tuileries
et au BOULEVARD. (A. de Muss.)
Que ma gloire s'étende -
Bu Louvre aux boulevjirds.
BÊRANOER.
— Par plaisant. Boulevard du Crime, Nom
que l'on donne au boulevard du Temple., à
Paris, où étaient récemment encore les théâ-
tres que défrayaient de sombres mélodrames,
tout gonflés des excès du crime et des larmes
de la vertu.
— Rem. La forme boulevart
t
citée encore
par l'Académie et par les dictionnaires qui
sont venus après elle, est une forme.très-an-
cienne, qui n'est plus usitée que sur les coins
de maisons de la capitale. La municipalité
parisienne paraît même s'être amendée pour
les boulevards nouvellement percés.
— Syn. Boulevard, rempart. Au propre, le
boulevard n'était que le terre-plein d'un rem-
part, mais on ne l'emploie plus guère dans ce
sens, et au figuré, on lui fait signifier queloue
chose de plus fort, de plus considérable qu un
simple rempart. Tout objet qui sertmomenta-
némentd'abri est un rempart contre l'ennemi
dont on craint les coups; on applique le nom
de boulevard atout ce qui offre une protection
puissante et durable contre des attaques tou-
jours à craindre; il faut une ligne de places
fortes, une vaste forêt, une chaîne de monta-
gnes pour former le boulevard d'un pays.
Dans un autre sens plus moderne, un boule-
vard est une promenade établie sur l'empla-
BOUL
cément d'une ancienne fortification, ou même
une rue plus large, plus belle et plus longue
que les rues ordinaires.
— Encycl. Les boulevards de Paris peu-
vent être considérés comme la promenade du
monde entier; c'est là que, de tous les points
du globe, viennent se rencontrer les touristes
de toutes les nations. On a chassé l'éléphant
à Ceylan avec un Indien, et on le retrouve sur
le boulevard des Italiens ; on a partagé le
couscoussou de l'Arabe dans le désert, et,
%
un
soir, qu'on est assis devant le café Riche, on
aperçoit soudain à ses côtés le fils de Maho-
met prenant une glace avec un Russe arrivé
de la veille.
Le boulevard, c'est la grande artère de Pa-
ris, c'est une ville dans la grande ville. Louis
Lurine, ce charmant esprit, trop tôt enlevé
aux lettres, l'a décrit ainsi : « Un homme, un
prince, pourrait se faire volontiers, en un pa-
reil lieu, le prisonnier de lui-même; c'est là
une vaste et admirable hôtellerie, dont les
splendides ressources doivent suffire à tous
les besoins, à tous les désirs, à tous les capri-
ces : des cafés et des restaurants, des biblio-
thèques, des bains somptueux, des vêtements
à la mode, des bijoux, des fleurs, des specta-
cles, de jolies femmes, des chevaux, des voi-
tures, tout le bien-être, toutes les joies, toutes
les délices de la fantaisie qui sait vivre. Pour
-un étranger qui marche au hasard, à bâtons
rompus, sans ami et sans guide, les boulevards
ressemblent à un miroir immense^qui tournoie
à la lumière , c'est une gerbe de feu éblouis-
sante qu'il faut s'habituer à contempler en
face, à la manière des aiglons quand ils regar-
dent le soleil.»
Jetons donc un coup d'oeil rapide sur cette
magnifique promenade, sans rivale dans l'uni-
vers entier, et esquissons en peu de mots la
physionomie des différents boulevards de Pa-
ris, après les avoir considérés dans leur en-
semble.
L'origine des boulevards remonte à l'éta-
blissement des fossés creusés autour de Paris
en 153G, dans le but de repousser les attaques
des Anglais, qui ravageaient la Picardie et
menaçaient ia capitale. Les premiers arbies y
furent plantés en 1608; mais qu'il y a loin de
la froide ceinture entourant ce fossé au bou-
levard où tout Paris a passé, où tout Paris
passera! En 1634, un traité avait été conclu
entre le conseil du roi et Barbier et Froger,
pour l'établissement du rempart depuis la
porte Saint-Denis jusqu'à la porte Saint-Hc-
noré, et, dix ans auparavant, une déclaration
du roi avait été rendue, portant défense de
baslir au delà des faubourgs, sous peine du
fouet. Une ordonnance de Louis XV raviva
cette défense, et jusqu'en 1839, on put en lire
un extrait sur une pierre gravée aux armes
de France, qui se trouvait scellée dans la fa-
çade d'une maison qui fait l'angle de la rue et
du boulevard Poissonnière. Cette inscription
n'existe plus; l'enseigne d'un bonnetier dont
les magasins sont à cette place l'a remplacée;
on y lit : Aux limites de la ville de Paris.
Ce ne fut que vers le milieu du xvme siècle
que les boulevards prirent la physionomie
d'une promenade publique. Ils ne furent d'a-
bord fréquentés que par quelques passants
revenant de la porte Saint-Bernard, qui trou-
vaient ce chemin plus agréable que celui des
rues. Bientôt on prit l'habitude d'y venir; les
oisifs et les vieillards, les femmes et les en-
fants, charmés d'y éviter l'encombrement des
rues, s'y rendirent assidûment, et le com-
merce, a son tour, suivit la foule et chercha
à in retenir dans ces parages, en ouvrant çà
et là des établissements publics et des bouti-
ques, qui devaient plus tard se transformer en
élégants magasins, tout ruisselants de doru-
res et de lumières.
Toutefois, ce n'est guère que depuis une
centaine d'années que les boulevards inté-
rieurs de Paris sont devenus la partie la plus
vivante de la grande ville ; au fur et à mesure
qu'elle s'élargissait et qu'elle peuplait ses fau-
bourgs, le boulevard devenait un centre com-
mun vers lequel les habitants des deux zones
qu'il séparait, se trouvaient sans cesse attirés.
Si même on se reporte à cinquante ans en ar-
rière, on peut dire que le vrai boulevard ne
commençait qu'au faubourg du Temple, pour
finir à la rue Basse-'du-Rempart; le reste
était silencieux, mal fréquenté et d'un aspect
assez triste. Mais cela ne doit pas nous em-
pêcher de parcourir la promenade tout entière,
pour en décrire toutes les parties.
Notre point de départ sera donc le boule-
vard Bourdon. Avant 1789, ce boulevard ne
prenait naissance qu'à l'entrée de la rue Saint-
Antoine, et les premiers objets qui frappaient
le regard de l'étranger arrivant à Paris étalent
la Bastille et la belle maison de Beaumar-
chais; singulier rapprochement] Depuis la
destruction de la tyrannique forteresse, le bou-
levard commence à la Seine, et, sur les débris
de l'Arsenal se sont élevés les greniers d'a-
bondance, la .vie à la place de la mort. Le
point d'intersection de ce boulevard avec le bou-
r
levard Beaumarchais est occupé par une c o - '
lonne que surmonte le génie de la Liberté.
Elles ont vu le feu de la guerre civile, les
premières maisons du boulevard Beaumar-
chais; elles venaient d'être achevées quand
les balles de juin 1848 les criblèrent! C était
là qu'autrefois demeurait Cagliostro; Ninon
de Lenclos fut sa voisine. Aujourd'hui., rien
n'attire sur le boulevard Beaumarchais, plus
calme et plus tranquille que son voisin, le
BOUL
boulevard du Temple* bien qu'il possède un
théâtre, plus souvent fermé qu'ouvert, il est
vrai. Ce théâtre, que les plaisants appellent le
premier théâtre de Paris... lorsquon arrive
par le faubourg Saint-Antoine, a cependant
quelque peu contribué à peupler le boulevard
Beaumarchais, qui resta longtemps désert.
Le boulevard des Filles-du-Calvaire n'est
qu'un trait d'union entre celui que nous ve-
nons de quitter et le boulevard du Temple,
qui fut longtemps le rendez-vous des désœu-
vrés, des gamins de Paris, de toute cette po-
pulation amie du bruit, du mouvement, du
plaisir à bon marché. Hélas I que reste-t-il au-
jourd'hui de ce fameux boulevard? Le souvenir
de ce qu'il fut. En 1769, Audinot, acteur con-
gédié de la troupe des Italiens, avait fait bâ-
tir sur ce boulevard une salle où tous les co-
médiens étaient de bois. Tout Paris y courut,
et ce fut à partir de ce moment le lieu de ren-
dez-vous de tous les flâneurs et de tous les
badauds. « Lorsque le_décret de 1791, dit l'au-
teur des Spectacles populaires, proclamant la
liberté des théâtres, eut laissé le champ libre
à tous les entrepreneurs de spectacles, le bou-
levard du Temple ne fut plus d'un bout à l'au-
tre qu'une vaste parade, et, dès midi, le flâ-
neur égaré dans ces parages était assourdi du
fracas des cymbales, des tambours et des cla-
rinettes. A peine une représentation était-elle
finie, qu'une autre commençait à dix pas plus
loin ; souvent une douzaine de paillasses à la
fols débitaient leurs lazzi et leurs calembre-
daines, au centre d'une douzaine d'auditoires,
dont les rires se répondaient en échos. Le
théâtre en plein air n eut jamais un plus vaste
champ et de plus beaux jours. Par malheur,
la parade elle-même ne tarda pas à se res-
sentir de la licence du temps; la Révolution
déteignit sur les tréteaux de Taconnet. » Sous
l'empire, le boulevard du Temple était resté
à l'état de foire permanente, et les promeneurs
y affluaient. Booêche et son camarade Gali-
mafré y débutèrent, d'abord à la porte du
théâtre des Pygmées, puis devant l'ancien
théâtre des Délassements-Comiques. Durant
de longues années, Bobèche y fut proclamé
le roi de la parade; c'était à qui irait applau-
dir le fameux farceur qui, ne se bornant pas
toujours aux ridicules de la rue, discourait quel-
quefois sur les affaires du temps. C'est ainsi
qu'en un moment de crise commerciale, sous
1 Empire, ma foi, on l'entendit s'écrier : « On
prétend que le commerce ne va pas 1 j'avais
trois chemises, j'en ai déjà vendu deux, o Et
Nicolet aussi attira la foule à son théâtre, qui
faisait marcher le public de surprise en sur-
prise. Et Taconnet! le Molière du boulevard
du Temple ! Puis c'était le Cirque de Fnuiconi,
avec ses chevaux et ses pièces militaires.
Mais depuis le singe'de Nicolet, les bêtes, sa-
vantes ou non, l'ont toujours emporté sur les
bipèdes; le cerf Coco et l'éléphant Djeck y
firent merveille.
Le boulevard du Temple fut, sans contredit,
le plus bruyant, le plus joyeux, le plus popu-
laire de Paris. Ce n étaient que cafés, restau-
rants et spectacles. Le Lazari, le P'tit-Laz,
selon l'expression abréviative du titi du bou-
levard, y coudoyait les Funambules, qui se
trouvaient à côté de la Gaité, proche voisine
des Folies-Dramatiques, accotées à la salle du
Cirque ; et enfin le Théâtre-Historique, devenu
plus tard Théâtre-Lyrique, était contigu à
cette joyeuse maison que l'expropriation a
jetée bas, et dans laquelle ont dansé les trois
quarts des jeunes mariées des quartiers avoisi-
nants... Nous avons nommé Deftieux, dont les
fenêtres, illuminées chaque nuit, laissaient
apercevoir les silhouettes des danseurs de tout
âge. Le soir, des queues formidables se for-
maient à la porte de chaque théâtre; c'étaient
des cris, des glapissements et des poussées
qui nécessitaient continuellement l'interven-
tion du garde municipal et du sergent de ville,
spectateurs bronzés de ce tohubohu quotidien.
Marchandes d'oranges et de sucre d'orge, bou-
quetières ambulantes, marchandes de pommes
et de gâteaux populaires, et vous, secoura-
bles marchands de coco, qu'êtes-vous devenus
depuis le jour où l'édilité parisienne fit jeter
bas théâtres, restaurants et cafés, pour ouvrir
cette grande voie déserte qui s'appelle le bou-
levard du Prince-Eugène, du faubourg du
Temple jusqu'à la place du Trône?
Un jour pourtant, des cris d'effroi, des gé-
missements plaintifs se firent entendre sur ce
boulevard, si gai d'ordinaire j le soleil de juil-
let l'éclairait; la garde nationale et la ligne
formaient la haie sur le passage du roi Louis-
Philippe, lorsque soudain l'éclair et le bruit
d'une décharge meurtrière vinrent jeter l'ef-
froi au milieu de la {ouïe. Un maréchal de
France tombe mortellement atteint, dei
femmes et des enfants gisent sans vie, et ce
jour-là, ce boulevard justifia son nom de bou-
levard du Crime, que la tradition parisienne
lui avait donné par allusion aux drames qui
se jouaient sur ses théâtres.
Deux salles de spectacle ont survécu, pla-
cées sur le côté gauche du boulevard : le
Théâtre-Déiazet et la salle Robin. Le café
Turc, transformé, métamorphosé, n'a plus rien
qui rappelle son ancienne popularité.
Poursuivons donc notre promenade , et,
après avoir jeté un coup d'œil sur le Château-
d Eau et son marché aux fleurs, constatons
que déjà la physionomie du public qui passe
sur le boulevard Saint-Martin n'est plus la
même que celle des gens qu'on rencontre sur
les boulevards déjà parcourus. Là-bas, la cas-
BOUL
BOUL
BOUL
BOUL 1097
quette et le pejit bonnet dominaient ; ici, c'est
une population affairée, principalement com-
posée de commerçants, qui marchent sans
avoir le temps de jeter un coup d'œil aux
vieilles et hautes maisons du boulevard, mai-
sons encombrées de magasins du haut en bas,
magasins d'orfèvrerie et de bijouterie desti-
nées à l'exportation. Au coin des rues de
Bondy et de Lancry se trouvait jadis un théâ-
tre qui eut sa phase brillante, sous le titre de
Variétés amusantes. Vis-à-vis de ce théâtre dis-
paru, on construisit l'Ambigu-Comique, où fut
jouée IS Closerie des genêts, le meilleur drame
du boulevard, et un peu plus loin apparaît une
salle bâtie provisoirement en 1781, et qui sub-
siste encore sous le nom de théâtre de la
Porte-Saint-Martin. On l'a dit bien souvent:
il n'y a que le provisoire qui dure en France.
Passons la porte Saint-Martin, arc de triom-
phe érigé en 1674, à la gloire de Louis XIV,
par le corps municipal, monument que le Pa-
risien adore sans trop savoir pourquoi. Don-
nons un souvenir au père Coupe-Toujours, le
marchand de galette, qui fut une célébrité, et
jetons un regard sur ce large nouveau boule-
vard, qui, à droite, nous montre la gare du
chemin de fer de Strasbourg, et, a gauche,
développe à nos yeux une si longue perspec-
tive : c'est le boulevard de Sébastopol, au-
quel succède le boulevard du Palais, puis sur
la rive gauche le boulevard Saint-Michel,
constituant ainsi une voie splcndide, utile,
admirable, mais, qui ne ressemble en au-
cune façon à la ligne des boulevards que nous
suivons : on passe sur les nouveaux bou-
levards, on ne se promène que sur les anciens.
Saluons la porte Saint-Denis, en latin Ludo-
vico Magno, disent les bonnes femmes du quar-
tier. A quelques pas de là était le théâtre de
la Trinité, où l'on joua, depuis 1402 jusqu'en
1539, les Mystères, qui furent le début de l'art
dramatique en France. Les abords de la porte
Saint-Denis ont été longtemps le lieu de réu-
nion choisi pour les rassemblements populaires
sous le gouvernement de Louis-Philippe et
sous la seconde République ; dès que 1 agita-
tion de la rue se manifestait, on était sûr que
des groupes nombreux stationnaient à la porte
Saint-Denis, vers laquelle chacun se portait
instinctivement. Vers le milieu de 1 année
1848, l'autorité fit là une razzia de badauds
ui mit fin à ce club en plein vent. Un cordon
e troupes cerna le rassemblement, composé
de plus de mille personnes, et l'emmena tel
quel à la Préfecture de police.
Le boulevard Bonne-Nouvelle conduit assez
rapidement au boulevard Poissonnière, et le
Gymnase-Dramatique lui donne une physio-
nomie assez animée. Cette région moyenne,
qui va de la porte Saint-Denis au faubourg
Montmartre, participe à la fois de la rue Saint-
Denis et de la rue Vivienne; elle commence
par les boutiquiers pour aboutir aux bour-
siers.
Du Palais Bonne-Nouvelle au restaurant
Brébant, qui se trouve à l'angle du boulevard
Poissonnière et du faubourg Montmartre,
nous sommes dans le monde des affaires : dé-
marche, allure, costume, tout va changer. Le
boulevard Montmartre appartient au monde'
des promeneurs. Ce fut dans le passage des
Panoramas, sur le boulevard Montmartre,
que, en 1817, fut fait dans ce quartier le pre-
mier essai d'éclairage au gaz. Des maisons
de construction élégante bordent les deux cô-
tés de ce boulevard ; les enseignes miroitent
jusqu'au sixième étage; les cafés se touchent,
les magasins séduisent le promeneur par
l'exhibition des plus riches objets, et le théâtre
des Variétés, avec son répertoire amusant,
prolonge jusqu'à minuit le séjour de la foule,
qui se répand de ce boulevard sur le boulevard
des Italiens, le boulevard de Gand, comme on
disait en 1815, un boulevard qui a gardé quel-
que souvenir des Anglais qui le fréquentèrent
à cette époque; car on y rencontre des sport-
men, membres du Jockey-Club, qui font courir
sur le turf, connaissent à fond le stud-book
et le high-life. On donne souvent le nom de
gandins aux élégants oisifs qui se promènent
sur ce boulevard.
Au coin de la rue Laffitte se trouvait autre-
fois le café Hardy, le premier lieu de rendez-
vous des agioteurs, après la chute des assi-
gnats, le premier café où l'on ait eu des dé-
jeuners à la fourchette. Le restaurant de la
Maison Dorée, qui lui a succédé, le café Riche,
Toi'toni, le café Anglais, l'Opéra-Comique, un
petit théâtre informe, les Fantaisies parisien-
nes, donnent à ce tronçon des grands boule-
vards de Paris une animation toute particu-
lière.
Voici la description que fait de ce boulevard
sans rival l'auteur de Paris illustré : « De
nombreux clubs étendent leurs somptueux
salons, les voitures de luxe disputent le pavé
aux fiacres et aux omnibus. Dès qu'il fait un
peu de soleil, une foule d'oisifs sortent de ia
rue Laffitte, de la rue de la Chaussée-d'An-
tin, de toutes les rues environnantes, et re-
montent le boulevard du côté du café de P a -
ris. A certains moments, la circulation devient
firesque impossible; de riches banquiers, des
lommes de lettres célèbres, des comédiens,
des artistes, des viveurs s'y croisent à chaque
pas ; des dames bien mises s'asseyent sur des
chaises et se donnent le plaisir d'être beau-
coup regardées et un peu foulées. »
Cette description convient encore au boule-
vard des Italiens; ajoutons cependant que,
depuis quelques années,, le nombre considéra-
il.
ble de femmes légères qui se promènent sur
ce boulevard, dans le courant de la soirée,
augmente sans cesse, et que ce lieu semble
appelé à remplacer les anciennes galeries de
bois d u Palais - Royal, où les courtisanes
avaient droit de cité. Les bains Chinois, au-
jourd'hui disparus, ont été une des curiosités
de ce boulevard, et ils ne méritaient guère la
réputation dont ils jouissaient. Le pavillon
de Hanovre est un des derniers vestiges qui
restent de l'hôtel de Richelieu.
»Le boulevard des Capucines appartient à
l'histoire. On se rappelle que ce fut du jardin
de l'hôtel des Capucines que partit le premier
coup de pistolet, qui devait métamorphoser
l'émeute de février 1848 en révolution. L'hô-
tel et le jardin ont fait place à d'élégantes con-
structions, et le côté opposé, démoli pour l'é-
tablissement du Grand Hôtel et la reconstruc-
tion de l'Opéra, est devenu le centre d'un
nouveau quartier, créé par l'initiative d'une
volonté suprême.
Le boulevard de la Madeleine et le premier
tronçon du boulevard Malesherbes terminent la
série des anciens boulevards de Paris. Que de
choses n'a-t-on pas vues sur les boulevards !
que d'événements s'y sont passés 1 Laissons
la parole à l'auteur des Bues de Paris : • J'ai
vu passer sur les boulevards les convois de
Louis XVIII, de La Fayette, de Casimir Pé-
rier, du général Lamarque et du duc d'Or-
léans. J'y ai vu défiler les mascarades du car-
naval, les pèlerins frivoles qui s'en allaient à
Longchamps, à pied, à cheval ou en voiture,
les cortèges de toutes sortes qui assistaient a
des cérémonies religieuses, civiles et militai-
r e s
> J*y-ai vu tour à tour les vainqueurs de la
Bastilïe, et Louis XVI que l'on conduisait à
l'échafaud, et Marat que l'on se préparait à
jeter dans l'égout de la rue Montmartre, et
Mirabeau qui rentrait pour y mourir dans sa
maison de la rue Caumartm, et les rois étran-
gers qui ramenaient les Bourbons et les émi-
grés de Coblentz, et les royalistes de Gand,
et Charles X qui se montrait au peuple, et la
révolution de 1830 qui commençait à pour-
suivre la garde royale à coups de pierres, parce
qu'elle n'avait pas encore de fusils. »
A tous ces souvenirs que rappellent les bou-
levards, on pourrait en ajouter beaucoup d'au-
tres : la maison de jeu de Krascati, la cou-
lisse de la Bourse au seuil du passage de l'O-
péra, le Cadran-Bleu, le Jockey-Club, tout
cela appartient aux boulevards, ainsi que les
revues monarchiques, les barricades révolu-
tionnaires et la magnifique rentrée des trou-
pes qui avaient promené nos aigles victorieu-
ses sous les murs de Sébastopol et plus tard
dans les plaines de Solferino... Faire l'histoire
complète des boulevards, ce serait écrire le
récit des événements les plus importants qui
se sont passés à Paris depuis cent ans; mais
telle n'était pas notre tâche : il nous suffisait
de faire connaître les diverses physionomies
de cette promenade, unique dans le monde
entier.
De nouveaux boulevards s'ajoutent chaque
jour à ceux que nous venons de parcourir :
c'est d'abord le magnifique boulevard Males-
herbes, avec son beau parc, le boulevard de
Neuilly, le boulevard de l'Etoile, et nombre
d'autres qui traversent la ville dans tous les
sens, et qui deviendront sans doute célèbres à
leur tour dans l'histoire de Paris, mais qui,
à cette heure, ne sont encore que des pages
blanches sur lesquelles l'avenir écrira ses
annales. *
B O U L E V A R D É , ÉE adj. (bou-le-var-dé).
Comm. Se disait autrefois des toiles mi-blan-
ches d-Alençon : Toiles BOULEVARDÉES.
BOULEVERSANT,BOULEVERSANT, ANTE adj. (bou-le-vèr-
san, an-te — rad. bouleverser). Qui boule-
verse, qui cause une sorte do désordre mo-
ral : / / n'y en avait qu'une qui produisît sur
moi ces agitations BOULEVERSANTES , qu'on
sent mieux à dix-huit ans qu'on ne peut les
exprimer à quarante-cinq. (Ch. Nod.)
BOULEVARI
BOULEVARI s. m. (bou-le-va-ri). Pop.
Désordre, bruit tumultueux, il On dit mieux
HOURVARI.
B O U L E V A R T s. m. (bou-le-var). Ancienne
orthographe du mot BOULEVARD. \\ On a dit
• aUSSi BOULEVERT.
B O U L E V E R S A N T ( bou-le-vèr-san ) part,
prés, du v. Bouleverser: On ne peut creuser
des fondations qu'en BOULEVERSANT le terrain;
c'est ce qui rend les révolutions nécessaires.
BOULEVERSÉ,
BOULEVERSÉ, ÉE (bou-le-vèr-se) part,
pass. du v. Bouleverser. Agité violemment,
mis en désordre : Il n'est plus permis de dou-
ter que notre globe n'ait été plusieurs fois
BOULEVERSÉ par d'effroyables révolutions.
(Arago.) Dans un instant, la mer fut BOULE-
VERSÉE de telle sorte que la surface n'offrait
qu'une nappe d'écume. (Chateaub.)
— Fig. Complètement dérangé, violem-
ment troublé : Le plan de Napoléon se trouva
tout
BOULEVERSÉBOULEVERSÉ par un événement imprévu.
(De Pradt.) Jl était pâle, abattu; ses traits
BOULEVERSÉS étaient ceux d'un coupable.
(Scribe.) Une âme que je croyais si belle, être
BOULEVERSÉE par l'espoir de deux millions!
(H. Beyle.)
BOULEVERSEMENT
BOULEVERSEMENT s. m. (bou-le-vèr-se-
man — rad. bouleverser). Agitation violente
et désordre qui en résulte : L'état actuel de
la terre est résulté d'un BOULEVERSEMENT gé-
néral. La terre est dans un état de BOOLEVER-
SEMENT évident.
— Par ext. Grand désordre : Ma biblio-
thèque est dans un tel état de BOULEVERSEMENT
gué je ne saurais y trouver le livre que vous
me demandez.
— Fig. Dérangement complet, trouble vio-
lent*. Peut-être ma tranquillité me rendra ta
santé, que les agitations et les BOULEVERSE-
MENTS de mon âme pourraient bien m'avoir
ôtêe. (Volt.) Après les BOULEVERSEMENTS poli-
tiques viennent les BOULEVERSEMENTS dans les
mœurs. (Balz.) La France n'aurait pas pu con-
server le centre de l'Allemagne et les trois
quarts de l'Autriche sans amener du BOULE-
VERSEMENT en Europe. ( Thiers.) H Altération
des traits du visage, produit par une vive
émotion : Le BOULEVERSEMENT des traits du
vieux serviteur révélait une douleur et une
émotion récentes. (Ad. Paul.)
B O U L E V E R S E R v. a. ou t r . (bou-ïe-vèr-
sé; de boule, et du lat. versare, retourner).
Agiter violemment; mettre en complet dé-
sordre : BOULEVERSER un terrain. BOULEVER-
SER les meubles d'une maison. La baleine BOU-
LEVERSE la mer de sa large queue et de ses
grands ailerons. (B. de St-P.) Des vents im-
pétueux
BOULEVERSAIENTBOULEVERSAIENT la surface de la mer.
(Barthélémy.) Le vent, la foudre, tes torrents
débordés
BOULEVERSEBOULEVERSE toutes les notions de l'égalité
et de la justice. (Proudh.) Avec dix bouteilles
d'encre, dix rames de papier et sa forte vo-
lonté, Luther A BOULEVERSÉ le monde (Balz.)
On peut faire une révolution complète dans les
idées sans être obligé de BOULEVERSER la langue
pour les exprimer. (Thiers.)
On a bouleversé le monde avec des mots.
A., DE MUSSET.
— Fig. Emouvoir violemment : Il y a mille
choses que je vous écrirais, si je ne craignais
de vous
BOULEVERSENTBOULEVERSENT et emportent sa ca-
bane, son champ et ses troupeaux. {G. Sand.)
La nature renouvelle et BOULEVERSE tout ;
mais elle n'abat que pour construire; elle ne
tue que pour vivifier. (Virey.)
Elle-mfime, tonnant du milieu des nuages,
Bouleversa les mers, déchaîna les orage3.
DE LILLE.
L'ange fuit, et son vol a bouleversé l'air;
L'éclair, dans un ciel noir, poursuit, croise l'éclair.
GILBERT.
— Par ext. Troubler violemment; mettre
dans un désordre complet: L'art de BOULE-
VERSER les Etats est d'ébranler les coutumes
établies. {Pascal.) Il faudrait BOULEVERSER la
terre entière, si on voulait la mettre sous l'empire
des philosophes. (Volt.) Quoi! vous avez une
nation pour levier, la raison pourpoint d'appui,
et vous n'avez pas encore BOULEVERSÉ le monde !
(Danton.) Qui BOULEVERSE les fortunes BOU-
LEVERSE les mœurs. (Chateaub.) La religion
chrétienne établit en dogme l'égalité morale,
la seule qu'on puisse prêcher sans BOULEVER-
SER lemonde. (Chateaub.) Laissez vingt-quatre
heures à une Parisienne aux abois, ELLE BOULE-
VERSERAIT un ministère! (Balz.) La concur-
rence
BOULEVERSERBOULEVERSER totalement. (De Fonta-
nes.) Le spectacle des misères humaines navre
l'âme; celui des vices et des crimes humains la
BOULEVERSE. (Guizot.) L'orage de la passion
BOULEVERSAITBOULEVERSAIT cette jeune tête. (G. Sand.) Une
parole qui affecte légèrement l'oreille peut
BOULEVERSERBOULEVERSER l'âme. (L'abbé Bautain.) Vous
savez à quel point les entraînements du jeu
BOULEVERSENT,BOULEVERSENT, les sens et grisent la raison.
(Ad. Paul.) u Produire dans les traits du vi-
sage un grand trouble résultant d'une pro-
fonde émotion : La peur BOULEVERSAIT tous
les visages.
•— Absol. : Non, messieurs, on ne veut pas
sincèrement l'ordre et la justice ; on ne veut que
brouiller et HOULEVERSER. (Mirab.) BOULE-
VERSER, ce n'est pas toujours innover; mais in-
nover, ce n'est pas toujours BOULEVERSER. (E.
de Gir.)
Se bouleverser v. pr. Etre bouleversé : On
dirait que le monde entier doit SE BOULEVER-
SER, oupour nous ménager un plaisir, ou pour
nous sauver la plus légère peine. (Mass.)
— Fig. Se troubler très-vivement: Ne
vous BOULEVERSEZ donc pas. Il n'y a pas là
de quoi SE BOULEVERSER.
BOULEVERTBOULEVERT (bou-le-vèr). Ancienne forme
d u m o t BOULEVARD.
BOULEVERTBOULEVERT s. m. (bou-le-vèr — de boule
et vert). Bot. Nom vulgaire d'un champignon
comestible, du genre bolet.
BOULEVUE
BOULEVUE OU BOULE VUE. V. BOULE.
BOULEZ
BOULEZ s.^m. (bou-lèz). Bot. Nom vul-
gaire d'un champignon comestible, l'amanite
franche.
BOCLGÀÏUNE
BOCLGÀÏUNE (Thaddée), littérateur russe.
V. BULGARIN.
BOULGAK1S (DÉMÉTRIUS), homme d'Etat
grec. V. BULGARIS.
BOULGEBOULGE s. m. (boul-je). Ancienne ortho-
graphe du mot BOUGE.
BOULGOURLOUBOULGOURLOU (mont), montagne de l'Asie
Mineure, située à 3 kilom. E. de Scutari, sur la
rive orientale du Bosphore ; du sommetdu Boul-
gourlou, on découvre un des plus beaux panora-
mas du monde : au sud, la mer de Marmara;
au nord, la côte de l'Asie, jusqu'à l'entrée de
la mer Noire : et, du côté de 1 occident, Scu-
tari, le Bosphore et Constantinople avec son
port splendide et ses nombreuses villas. A
peu. de dUtauce de cette montagne, vers la
S.-E., on rencontre un village turc qui porte
le même nom, et près duquel on voit un palais
de la sultane Validé.
Le mont Boulgourlou est un lieu de prome-
nade et de plaisir pour les habitants de Con-
stantinople, et, aux jours de fête, rien n'est
plus curieux que d'en voir les pentes arides
gravies par une population si diverse et si bi-
garrée. « Les voitures se croisaient et se sui-
vaient, dit M. Théophile Gautier en racontant
son ascension à ce sommet difficile; les ara-
bas, au pas mesuré de leurs bœufs, traînaient
des sociétés de six ou huit femmes ; les talikas
en contenaient quatre, assises en face l'une de
l'autre, les jambes croisées sur des carreaux,
toutes extrêmement parées, la tête étoilée de
diamants et de joyaux quon voyait luire à
travers la mousseline de leurs ,voiles. Quel-
?
uefois filait, dans un brougham moderne, la
avorite d'un pacha. Sur le sommet de la
montagne étaient installés des çawadjis avec
leurs fourneaux portatifs ; des vendeurs d'eau
et de sorbets, des marchands de sucreries et
de pâtisseries, accompagnement obligé de
toute fête turque. Rien n'était plus gai à l'œil
que ces femmes vêtues de rose, de vert, de
bleu, de lilas, émaillant l'herbe de fleurs, et
respirant le frais à l'ombre des platanes et
des sycomores. De jeunes Grecques couron-
nées de leur diadème de cheveux, s'étaient
prises par la main, .et tournaient sur un air
doux et vague. Les Turcs les regardaient
assez dédaigneusement, ne comprenant pas
qu'on se donne du mouvement pour s'amuser,
ni surtout qu'on danse soi-même. » Voilà le
cadre, il est assez curieux ; voyons mainte-
nant le tableau, tracé de main de maître :
a Je continuai à grimper jusqu'à une touffe de
sept arbres qui couronne la montagne comme
un panache; de là on domine tout Te parcours
du Bosphore : on découvre la mer de Mar-
mara, tachetée par les lies des Princes, un
radieux et merveilleux spectacle. Vu de cette
hauteur, le Bosphore, reluisant par places en-
tre ses rives brunes, présente l'aspect d'une
succession de lacs; les courbures des berges
et les promontoires qui avancent dans les
eaux semblent l'étrangler et le fermer de
distance en distance. Les ondulations des
collines, dont est bordé ce fleuve marin, sont
d'une suavité incomparable ; la ligne serpen-
tine qui se déploie sur le torse d'une belle
femme couchée, et faisant ressortir sa han-
che, n'a pas une grâce plus voluptueuse et
plus molle. Une lumière argentée, tendre et
claire comme un plafond de Paul Véronèse,
baigne de ses vagues transparentes cet im-
mense paysage. Au couchant, Constantinople
avec sa dentelle de minarets sur la rive de
l'Europe; à l'orient, une vaste plaine, rayée
par un chemin conduisant aux profondeurs
mystérieuses de l'Asie; au nord,l'embouchure
de la mer Noire et les régions cimmériennes ;
au sud, le mont Olympe, la Bithynie,laTroade
et, dans le lointain de "la pensée qui perce
l'horizon, la Grèce et ses archipels. Mais ce
qui attirait le plus mes regards, c'était cette
grande campagne déserte et nue, où mon ima-
gination s'élançait à la suite des caravanes,,
rêvant de bizarres aventures et d'émouvantes •
rencontres. • Comparez le Boulgourlou avec
le Broken, cette âpre et nuageuse sommité de
l'Allemagne, où les étudiants se rendent par
partie de plaisir, comme les.Turcs à Boulgour-
lou, et vous aurez la différence des deux pays
et des deux civilisations. La seule chose qui
puisse se comparer à la montagne asiatique,
soit pour la beauté du spectacle, soit pour
l'animation et la riante bigarrure de la foule,
ce sont les environs de Naples un jour de fêta
religieuse. Le golfe parthénopéen n'est pas in-
férieur au Bosphore pour la beauté de son ciel
et de ses eaux ; si ce n'est qu'elles ne sont
pas voilées, les Napolitaines se rapprochent
beaucoup des femmes turques par leur
amour du plaisir et leur caractère supersti-
tieux. »
BOULI
BOULI s. m. (bou-li). Vase dans lequel les
Siamois préparent leur thé.
BOUL1BANÉ, ville de l'Afrique occidentale,
dans la Sénégambie, à 47 kilom. S. de Bakel,
capitale du royaume de Bondou; 2,500 hab.
Boulibané est entourée de murailles de terre;
les rues, très-irrégulières, sont bordées do
maisons, ou plutôt de huttes, agglomérées
sans ordre.
BOULIG
BOULIG s. m. (bou-lik). Pêche en grand,
que les Espagnols font avec un filet formé de
deux ailes aboutissant à un manche.
BOULICHE
BOULICHE s. f. (bou-li-che). Mar. Grand
vase de terre, dans lequel on conserve le vin
à bord des vaisseaux.
BOULIÈCHE
BOULIÈCHE s. f. (bou-li-è-che). Pêch.
Grande seine en usage sur les côtes de la Mé-
diterranée : Certai?ies BOULIÈCHES ont jus-
qu'à 195 brasses de longueur, et sont chargées
de 70 kilogrammes de plomb.
BOULIERBOULIER s. m. (bou-lié — rad. boule).
Instrument en usage dans les salles d'asile et
les écoles prim&ires, pour enseigner aux en-
fants les premiers éléments de l'arithmétique,
et qui se compose d'un tableau portant dix
tringles de fer, auxquelles sont enfilées des
boules, u On dit aussi BOULIER COMPTEUR.
V. ABAQUE.
— Archit. Nom des tranchées ou fentes
que l'ouvrier piseur pratique sur la portion
du mur qu'il vient de construire, et dansles-
Î 3 P
1098 BOUL
BOUL
BOUL
BOUL
quelles il place les lançonniers destinés à
Supporter les banches du moule, afin de pou-
voir continuer son ouvrage.
— Filet employé sur les étangs d'eau sa-
lée. If On écrit aussi BOULLIKR.
— Econ. domest. Sorte de pot de terre.
BOULIGNI
BOULIGNI (le chevalier DE), diplomate es-
pagnol, appartenant à une famille de commer-
çants français qui, originaires de Marseille,
étaient venus se fixer à Alicante, Le comte
Florida-Blanca le chargea d'abord d'une
mission diplomatique avec la Porte (1779).
Ensuite le chevalier de Bouligni résida long-
temps à Constantinople en qualité de ministre
plénipotentiaire. Il eut pour successeur son
fils, qui eut l'occasion de rendre bien des ser-
vices aux Français résidant en Turquie, alla
ensuite à La Haye remplir les fonctions de
ministre d'Espagne, puis fut envoyé en Suède,
et mourut à son arrivée à Stockholm, en
1825.
BOULIGON
BOULIGON s. m. (bou-li-gon). Pêch. Filet
à mailles étroites.
BOULIGOULE
BOULIGOULE S. f. (bou-li-gOU-le). Bot.
Nom donné en Provence à l'agaric du pani-
caut, champignon comestible, il On dit mieux
BAKIGOULK.
B O U L I M I A Q U E s. etadj. (bou-Ii-mi-a-ke).
V . BOULIMIQUE.
BOUMMIEBOUMMIE s. f. (bou-li-mî —gr. bouîimia,
môme sens; forme de bous, bœuf, et limos,
faim). i
J
athol.Faim insatiable, et produisant,
lorsqu'elle n'est pas satisfaite, des espèces de
défaillances : Toutes les BOULIMIES sont l'effet
d'une gastro-entérite chronique. (Broussais.)
La
BOULIMIEBOULIMIE accompagne quelquefois la gros-
sesse. (Focillon.)
— Encycl. La boulimie, appelée aussi quel-
quefois polyphagie, polyorexie, est le besoin
excessif qu'éprouvent certains individus de
prendre souvent des aliments, et en quantité
plus considérable que dans l'état de santé.
Sous les noms de cynorexie (faim canine),
lycorexie (faim de loup), on désigne certaines
variétés de boulimie : dans l'une, la nourriture
est prise avec voracité jusqu'à ce que l'esto-
mac, fatigué de ce poids anormal, s en débar-
rasse par le vomissement; dans l'autre, les
substances alimentaires sont rendues presque
aussitôt par les selles.
Les exemples de faim canine ne sont pas
aussi rares qu'on pourrait le croire, et un mé-
decin de notre connaissance a vu un infirmier
qui, malgré la double ration qu'on lui accor-
dait, dévorait tout ce qui pouvait lui tomber
sous la main, jusqu'aux cataplasmes de farine
de lin. M. Leroux, l'ancien doyen de la Fa-
culté, était pris quelquefois de fringales si
fortes qu'il arrachait, dit-il, les feuilles des
plantes pour les dévorer, et qu'un jour il
absorba en quelques heures neuf livres de
pain sans en être incommodé. Le fameux Ta-
rare, mentionné par Percy et Laurent dans le
dictionnaire de médecine, était un bateleur
doué d'un appétit excessif, et qui avalait in-
distinctement tous les aliments qu'on voulait
bien lui procurer. Ayant parié de manger
dans sa journée un quartier de bœuf du poids
de son corps, il ga«;na son pari et n'en fut
même pas incommodé. 11 dévorait les chats,
les lapins et les volailles vivantes, et, deux
heures après, rejetait les plumes et le poil a la
manière des oiseaux de proie. Il mourut en
1708 à l'hospice de Versailles, et, à l'autopsie,
on découvrit une conformation très-singulière
du tube digestif. L'estomac formait une poche
immense, qui pouvait contenir un seau d'ali-
ments, et se dégorgeait dans un intestin grêle
tellement dilaté qu'il formait comme un se-
cond estomac; le reste de l'intestin n'avait
point de circonvolutions, et ne formait qu'une
sorte de S de faible longueur, étendu du py-
lore à l'anus. Tarare pouvait donc ingérer
une énorme quantité de nourriture; son ven-
tre alors, fiasque et ridé, dont la peau pou-
vait faire le tour de son corps, se tendait
comme un ballon, et ce boulimiaque étrange,
après ses monstrueux repas, était pris d'une
somnolence invincible, et s'assoupissait pour
digérer lourdement, à la façon du boa.
Un garçon employé an Jardin des Plantes
de Paris, nommé Bijou, était également doué
d'une voracité excessive. Il se jetait sur toute
espèce d'aliments, sur les bêtes fauves qui
mouraient à la ménagerie, sur les -animaux
destinés à l'équarrissage, et en dévorait des
quantités prodigieuses. Il vécut cependant
jusqu'à un âge avancé, et l'autopsie de son
cadavre révéla l'existence d'une conformation
anatomique de son intestin assez semblable à
celle qu'on avait observée chez Tarare.
Les causes de la boulimie sont très-variées;
on la voit survenir durant la convalescence
des maladies aiguës, après un exercice forcé,
et elle est quelquefois la conséquence de
l'usage abusif des épices et des substances
stimulantes; le plus souvent, elle paraît dé-
pendre d'une conformation particulière de
l'estomac, des intestins ou des voies biliaires,
comme nous l'avons vu chez quelques-uns des
boulimiaques dont nous avons parlé. Mais la
boulimie, qui constitue parfois une véritable
névrose de l'estomac, peut aussi n'être que le
résultat d'autres maladies, telles que l'hysté-
rie, la chlorose, la gastralgie, les affections
vermineuses, la folie, etc.
Les boulimiaques sont ordinairement mai-
gres, surtout quand les digestions sont suivies
de vomissements ou de diarrhée. Lorsque ces
accidents ne se produisent pas, l'embonpoint
est borné à la région abdominale.
Le pronostic varie suivant la cause qui a
produit la boulimie; celle qui est due à un
vice de conformation est au-dessus des res-
sources de l'art. Dans tous les cas, quand elle
persiste longtemps, elle est grave; l'intelli-
gence s'obscurcit, le moindre travail devient
une fatigue, et, comme le dit le docteur Bla-
che, le malade ne vit plus, pour ainsi dire, que
pour manger.
La boulimie cesse souvent d'elle-même;
telle est celle qui survient à la suite et dans
le cours des fièvres intermittentes ; c'est donc
uniquement en dirigeant convenablement le
régime, en le proportionnant aux exercices
que fait le malade, que l'on parvient à guérir
cette maladie. Si elle est sous la dépendance
d'une autre affection, c'est contre celle-ci que
devront être dirigés tous les efforts du méde-
cin ; ainsi les anthelminthiques seront employés
contre la boulimie vermineuse; les ferrugi-
neux, les sédatifs, les antispasmodiques contre
la chlorose ou l'hystérie concomitantes; enfin
l'irritabilité de l'estomac sera combattue avec
succès par la glace et les opiacés.
Dans la marine de l'Etat, on appelle bouli-
mique ou boulimiaque tout matelot doué d'un
bon appétit, et auquel la ration ordinaire du
bord ne suffit pas. Tous les mois, le chirur-
gien-major dresse une liste des hommes de
l'équipage qui se trouvent dans ce cas, et cha-
que jour on accorde à chacun de ces nommes
un supplément de biscuit; leur nombre est
quelquefois très-considérable sous certaines
latitudes.
BOULIMIQUE,
BOULIMIQUE, adj. (bou-li-mi-ke — rad.
boulimie). Pathol. Qui a rapport à la bouli-
mie : Les gastrites BOULIMIQUES dépendent
souvent de l'abus des ingesta stimulants.
(Broussais.)
— Substantiv. Personne atteinte de la bou-
limie : Un BOULIMIQUE. Une BOULIMIQUE, H On
dit aussi BOULIMIAQUE.
B O U L I N s. m. (bou-lain — de boule, à cause
de sa forme arrondie). Pot de terre qui sert
de retraite aux pigeons : Il y a des pigeons
qui préfèrent les trous poudreux des vieilles
murailles aux BOULINS les plus propres de nos
colombiers. (Buff.) Il Trou pratiqué dans un
pigeonnier pour donner passage aux pigeons.
— Constr. Trou laissé dans un mur par un
support d'échafaudage, il Par ext. Les pièces
de bois qui soutiennent les pièces décha-
faudage.
BOULINAGE
BOULINAGE s. m. (bou-li-na-je — rad.
bouline). Mar. Marche du navire qui va à la
bouline, qui avance obliquement sous le vent.
BOULINANT
BOULINANT (bou-li-nant) part. prés, du
v. Bouliner : Naviguer en BOULINANT.
— Fam. Il va boulinant, Il marche lourde^
ment, en se penchant alternativement sur
chaque jambe et imitant le roulis d'un n a -
vire, il Cette locution a vieilli.
B O U L I N E s. f. (bou-li-ne — de bug, bow,
bog, qui, en danois, en anglais, en allemand,
en hollandais, etc., signifient l'avant, la proue ;
et de Une, corde). Mar. Corde destinée à
maintenir la voile et à lui donner l'obliquité
nécessaire selon la direction du vent.
— Bouline franche, Orientation de la voile
quand on navigue au plus près, il Grosse bou-
line, Orientation entre la direction oblique
et le vent largue. Il Bouline de revers; Bouline
qui est momentanément sous le vent. [| Vent
de bouline, proprement. Vent qui exige l'em-
ploi de la bouline, vent qui oblique de cinq
aires sur la route. Il Faire un coup de bouline,
Naviguer sous un vent de bouline, il Rouster
les boulines, Les serrer pour bien ouvrir les
voiles au vent. Il Aller à la bouline, Utiliser
un vent oblique à la route
?
en orientant la
voile, au moyen de la bouline : Certains oi-
seaux ont l'art ^'ALLER, comme les vaisseaux, À
LA BOULINE, quand le vent ne leur est pas favo-
rable. (Fén.) Il Aller à la grosse bouline, Uti-
liser un vent oblique de plus de cinq aires
sur la route. Il Courir la bouline, Passer entre
deux haies de matelots qui vous frappent à
coups de corde; peine disciplinaire abolie
depuis 1848 : Je fus condamné à COURIR LA
BOULINE
BOULINE et à dix ans de galères, par-dessus le
marché. (F. Soulié.)
BOULINE,
BOULINE, ÉE fbou-li-né) part. pass. du
v. Bouliner. Attaché, maintenu avec la bou-
line : Voile BOULlNÉE.
BOULINER
BOULINER v. a. ou t r . (bou-li-né — rad.
bouline). Mar. Haler avec la bouline : BOU-
LINER une voile.
— v. n. ou int. Aller à la bouline : Nous
BOULINONS. Le navire BOULINE.
— Fam. Marcher en piétinant :Vavaisserré
la bride à Cocotte, qui, ne demandant pas mieux,
s'était mise à BOULINER. (Aug. Humbert.)
— A signifié Commettre un vol dans un
camp.
B O U L I N E T T E s. f. (bou-li-nè-te —dimin. de
bouline). Bouline du petit hunier, orienté au
plus près.
BOULINEUR
BOULINEUR S. m. (bou-li-neur — rad. bou-
liner). Voleur qui exerçait son industrie dans
un camp. H Vieux mot.
B O U L I N G R I N s. m. (bou-lain-grain — de
l'angl. bowl, boule, et green, vert). Parterre
de gazon pour l'ornement d'un jardin : Passer
le rouleau sur un BOULINGRIN. Le rez-de-chaussée
est de plain-pied avec une large allée sablée
}
donnant sur un BOULINGRIN. (Balz.)
Nous changeons nos prés en jardins.
En parterres nos champs fertiles,
Nos arbres fruitiers en stériles,
Et nos vergers en boulingrins.
LA PARE.
— Encycl. Les boulingrins étaient autrefois
l'un des éléments les plus indispensables de
tous les jardins symétriques dits à la française.
Ce genre d'ornement est aujourd'hui passé de
mode : cependant nous en avons un équivalent
dans les petits gazons des squares de nos
grandes villes. Ces derniers nécessitent les
mêmes soins et doivent avoir les mêmes qua-
lités que les- anciens boulingrins. Ces soins
consistent dans des sarclages, des fauchages,
des roulages et des arrosements multipliés.
Quant aux qualités, elles se réduisent à deux
principales : le gazon doit être très-fin et en
même temps très-serré. La plante qui convient
le mieux, toutes les fois que l'on peut disposer
d'une grande quantité d'eau, est le ray-grass
anglais semé à la dose énorme de 2 et sou-
vent même 3 kilogr. par are. Dans les terres
moins riches,, ou peu arrosables, on se sert
avec avantage d'un mélange que les Anglais
appellent lawn-grass, et qui est composé de
six sortes de plantes : ray-grass vivaee, cre-
telle, pâturin des bois, pâturin des prés,
fétuque durette et flouve.
BOULINGUE
BOULINGUE s. f. (bou-lain-ghe — rad. bou-
line). Mar. Petite voile du haut du mât.
BOULINIER
BOULINIER s. m. (bou-li-nié — rad. bou-
line). Mar. Marcher à la bouline, en parlant
d'un navire : Bon BOULINIER. Mauvais BOU-
LINIER.
BOULIS,BOULIS, Spartiate célèbre par son dévoue-
ment à sa patrie, et qu'on peut mettre à côté
des Decius et des Curtius. Voici à quelle occa-
sion il se signala, et ce qu'en dit Hérodote :
« Quand Xerxès fut sur le point de fondre sur
la Grèce avec ses trois millions de barbares,
il envoya dans toutes les villes des hérauts
pour demander la terre et l'eau, c'est-à-dire
leur soumission. Toutefois il n'en dépêcha ni
à Athènes ni à Sparte. Darius leur en avait
envoyé précédemment pour ce même sujet;
mais les Athéniens les avaient jetés dans le
Barathre, profond fossé où l'on précipitait
les criminels , et les Lacédémoniens dans
le puits du Céadas, leur disant de prendre de
la terre et de l'eau, et de les porter à leur roi.
Voilà pourquoi Xerxès n'envoya pas de hé-
rauts dans ces deux villes, craignant de leur
voir éprouver le même sort. • Selon Hérodote,
les Lacédémoniens furent punis de cette vio-
lation du droit des gens, et voici comment il
rapporte le fait : « La colère de Talthybius,'
qui avait été le héraut d'Agamemnon, s'appe-
santit sur les Lacédémoniens. Il y a à Sparte
un lieu qui lui est consacré, et l'on voit aussi
de ses descendants dans cette ville ; on les
appelle Talthybiades ; la république les charge
par honneur de toutes les ambassades. Depuis
cette époque, les entrailles des victimes ces-
sèrent à Sparte d'être favorables. Cela dura
longtemps ; mais enfin les Lacédémoniens,
affligés de ce malheur, firent demander par
des hérauts, dans de fréquentes assemblées
tenues à ce sujet, s'il n'y avait point quelque
Lacédémonien qui voulût mourir pour le salut
de Sparte. Alors Sperthiès, fils d Anériste, et
Boulis, fils de Nicolaos, tous deux Spartiates
d'une naissance distinguée, et des plus riches
de la ville, s'offrirent d'eux-mêmes à la peine
que voudrait leur imposer Xerxès, fils de Da-
rius, pour le meurtre des hérauts commis à
Sparte. Les Lacédémoniens les envoyèrent
donc aux Mèdes, comme à une mort certaine.
Leur intrépidité et le langage qu'ils tinrent
en cette circonstance ont droit à notre admi-
ration. Etant partis pour Suse, ils arrivèrent
chez Hydarnès, Perse de naissance et gouver-
neur de la cote d'Asie. Ce seigneur leur fit
toute sorte d'accueil, et, pendant le repas, il
leur dit : « Lacédémoniens, pourquoi donc
» avez-vous tant d'éloignement pour l'amitié
» du roi? Vous voyez par l'état de ma fortune
» qu'il sait honorer le mérite; comme il a une
» haute opinion de votre courage, il vous don-
» nerait à chacun un gouvernement dans la
» Grèce, si vous vouliez le reconnaître pour
» votre souverain. — Hydarnès, lui répon-
» dirent-ils, les raisons de ce conseil ne sont
a pas les mêmes pour vous et pour nous : vous
» nous conseillez cet état parce que vous en
» avez l'expérience, et que vous ne connaissez
s pas l'autre. Vous savez être esclave, mais
» vous n'avez jamais goûté la liberté, et vous
» en ignorez les douceurs. En effet, si jamais
» vous l'aviez éprouvée, vous nous conseille-
n riez de combattre pour elle, non-seulement
» avec des piques, mais encore avec des
» haches. • Telle fut la réponse qu'ils firent à
Hydarnès. Ayant été admis, à leur arrivée à
Suse, à l'audience du roi, les gardes leur or-
donnèrent de se prosterner et de l'adorer, et
même ils leur firent violence; mais ils pro-
testèrent qu'ils n'en feraient rien, quand même
on les pousserait par force vers la terre; qu'ils
n'avaient pas l'habitude d'adorer un homme,
et qu'ils n'étaient point venus dans ce dessein
à la cour de Perse. Après s'être défendus de
la sorte, ils adressèrent la parole à Xerxès en
ces termes : « Roi des Mèdes, les Lacédémo-
» niens nous ont envoyés pour expier par
» notre mort ceile des hérauts qui ont péri à
» Sparte, B Xerxès, faisant, àce discours, écla-
ter sa grandeur d'âme, répondii qu'il ne ressem-
blerait point aux Lacédémoniens qui avaient
violé le droit des gens en mettant à mort
des hérauts; qu'il ne ferait point ce qu'il leur
reprochait; qu'en faisant mourir à son tour
leurs hérauts, ce serait les justifier. Cette con-
duite des Spartiates fit cesser la colère de
Talthybius, malgré "le retour de Sperthiès et
de Boulis à Sparte. »
, Comme on le voit, le roi de Perse était
quelquefois moins barbare que ceux qui lui
donnaient ce nom.
BOULJANUS,
BOULJANUS, dieu adoré à Nantes, flans un
temple qui fut détruit par ordre de Constantin.
BOULLAM
BOULLAM s. m. (bou-lamm). Linguist.
Langue parlée par les Boullams
;
peuple afri-
cain qui habite les côtes de la Sencgambie et
quelques-unes des îles environnantes.
— Encycl. La propagande religieuse s'est
beaucoup occupée du boullam, et les Anglais,
particulièrement, ont publié un certain nombre
de livres destinés à en faciliter l'étude. Toutes
nos consonnes, à l'exception du z, se retrou-
vent en boullam. Il existe un son nasal très-
prononcé, que l'on transcrit ngh. Les substan-
tifs ne possèdent pas de forme distinctive pour
les genres. Ils dérivent des verbes, au moyen
de terminaisons telles que no, etc. Le pluriel
s'exprime au moyen des préfixes ah pour les
f
>ersonnes,ets ou si pour les animaux. Lorsque
e substantif%st accompagné d'un adjectif ou
d'un adverbe, ce préfixe se change en suffixe.
Les cas se marquent à l'aide de prépositions
telles que ho pour le génitif, ko pour le datif,
halli pour les cas obliques en général. Il
existe un article défini tré, qui se place après
le substantif. Les pronoms personnels et re-
latifs affectent différentes formes, suivant
qu'ils se rapportent à des personnes, à des
animaux ou à des choses. La forme radicale
du verbe est généralement monosyllabique, et
commence toujours par une consonne; elle ne
subit aucun changement au milieu des varia-
tions nécessitées par les temps et les modes.
Le présent s'effectue en faisant précéder sim-
plement le verbe des pronoms personnels ;
l'imparfait en le faisant suivre de ri; les
autres temps et modes s'expriment à l'aide
d'autres particules analogues, kung, hun, lo,
no, etc. L'infinitif est toujours précédé de la
préposition halli. L'action d'un verbe transitif
sur un complément direct se marque par les
particules ah, eh, oh. Pour rendre négatif un
verbe intransitif, on se sert des syllabes hn,
ehn, kehn ou keh, suivant l'euphonie, et pour
le rendre transitif, de la lettre i. Le passif se
forme en ajoutant au verbe primitif la parti-
cule peh. Il y a à la fois des prépositions et
des postpositions. Outre les adverbes et les
conjonctions ordinaires, qui jouent le même
rôle que dans nos langues, on remarque l'exis-
tence d'un certain nombre de particules explé-
tives et redondantes, qui n'ont aucun sens par
elles-mêmes, et dont les plus fréquemment
employées sont eh, a, o, k, n, etc.
BOULLANGER
BOULLANGER (André), dit lo Petii père
Audré, moine augustin, prédicateur, né à
Paris en 1577, mort en 1657. Il prêcha pendant
cinquante ans avec un immense succès. Venu
après les Menot et les Maillard, avant les
grands prédicateurs du règne de Louis XIV,
il rappela bien plus les premiers qu'il ne fit
pressentir les seconds. Son éloquence était
simple et naïve, et souvent mêlée de traits
plaisants et même de trivialités. C'est ainsi
qu'il compara, dit-on, les quatre docteurs do
I Eglise latine aux quatre rois du jeu de cartes :
saint Augustin était le roi de cœur, par sa
grande charité; saint Ambroise le roi de trèfle,
f
>ar les fleurs de son éloquence; saint Jérôme
e roi de pique, par son style mordant, et
saint Grégoire le Grand le roi de carreau, par
son peu d'élévation. Il ne reste de lui qu un
morceau fort médiocre, l'Oraison funèbre de
Marie de Lorraine (1627).
BOULLANGER
BOULLANGER (Baudouin), conventionnel
français, né à Liège, mort en 1794. Il exerça
d'abord la profession de joaillier à Paris. Il
se fit remarquer par l'ardeur de ses opi-
nions au club des Jacobins, puis à celui des
Cordeliers. Dans la journée qui décida le
triomphe de la montagne sur les girondins, il
commandait la section de la Halle aux blés.
II fut ensuite désigné pour remplacer Santerro
dans le commandement en chef de la garde
nationale; mais celle-ci ne voulut pas l'ac-
cepter pour chef. Alors on le nomma général,
sous les ordres de Ronsin. Deux fois accusé
comme montrant un zèle équivoque, il fut dé-
fendu par Robespierre, et, quand celui-ci suc-
comba.fBoullanger fit tous ses efforts pour sou-
lever les sections; trois jours après, il fut
condamné à mort et guillotiné.
BOULLAULT
BOULLAULT (M.-J.), auteur dramatique
français, mort au commencement du xixe siè-
cle. Celles de ses compositions dramatiques
dont on garde encore quelque souvenir sont:
la Mort de Cadet Roussel (1798); l'Auteur dans
son ménage (1799); Bélisaire, mélodrame (1802);
les Provinciaux vengés (1802).
j
BOULLAYBOULLAY (Pierre-Franeois-GuiUaume),
pharmacien français, né à Coen en 1777.
\ Après avoir étudié la pharmacie et la chimie
; à Paris, où il devint préparateur du cours de
chimie de Vauquelin, il se fit recevoir au col-
lège de pharmacie en 1799, et fonda dans la
capitale une officine qui acquit sous sa direc-
tion une grande importance. En 18l8,M.Boul-
lay se fit recevoir docteur es sciences, en
soutenant une dissertation sur les éthers,
BOUL
remarquable par les faits nouveaux qu'elle
contenait, et il fut nommé, en 1820, membre
de l'Académie de médecine. Fondateur et l'un
des principaux rédacteurs du Bulletin de phar-
macie, M. Boullay a rédigé de nombreux mé-
moires, insérés pour la plupart dans les Bul-
letins de l'Académie de médecine. C'est à lui
qu'on doit la découverte du principe actif et
•vénéneux de la coque du Levant, connu sous
le nom de picrotoxine. Il est le premier qui ait
réussi à transformer l'alcool en éther par le
moyen de l'acide phosphorique, et qui ait
formé de l'éther arsénique.
BOULLAY
BOULLAY (Charles-Félix MAILLET D U ) ,
architecte français, né en 1795. Il étudia
d'abord sous Percier et Leclère. En 1820, il
remporta à Paris le prix départemental. Il fut
ensuite nommé architecte de la Seine-Infé-
rieure, et fit d'importants travaux de restau-
ration à l'hôtel de ville, à l'église Saint-Paul
et à celle de Saint-Ouen de Rouen.
BOULLAY
BOULLAY (Félix-Polydore), pharmacien
et chimiste, né à Paris en 1806, mort en 1835.
Il fut l'élève et le collaborateur de M. Dumas.
Les recueils scientifiques contiennent de nom-
breux travaux de lui sur les éthers, le volume
des atomes, les iodures doubles, l'aconit, etc.
BOULLÉE
BOULLÉE ou BOULÉE (Etienne-Louis),
architecte, né à Paris en 1728, mort en 1799.
Il réagit contre le style Louis XV, et accom-
plit dans l'architecture la même réforme que
David dans la peinture, par un retour heureux
à l'élégante simplicité de l'antique. Il a con-
struit un nombre considérable d'hôtete de la
Chaussée-d'Antin, et de maisons'de plaisance
des environs de Paris. On cite surtout l'hôtel
Brunoy aux Champs-Elysées. Il a laissé beau-
coup de projets et de plans, d'après lesquels
se sont formés ses élèves, dont les plus cé-
lèbres sont Chalgrin et Brongniart.
BOULLENGER
BOULLENGER DE RIVERY (Claude-Fran-
çois-Félix), littérateur français, né à Amiens
en 1725, mort en 1758. Il fut lieutenant parti-
culier au bailliage d'Amiens, et devint membre
de l'Académie de cette ville. Il est auteur des
ouvrages suivants : Momus philosophe, co-
médie en vers; Apologie de l'Esprit des lois,.
ou Réponse aux observations de M. de La Porte ;
Lettres d'une Société, ou Remarques sur quel-
ques ouvrages nouveaux; Recherches histori-
ques et critiques sur quelques anciens spectacles,
et particulièrement sur les mimes et panto-
mimes; Fables et contes ; Daphnis et Amalthée,
pastorale.
BOULLÉE
BOULLÉE ( Aimé-Auguste), historien et
biographe français, né à Bourg (Ain) en 1795,
entra dans la magistrature en 1821, et vit se
fermer pour lui la carrière du ministère pu-
blic par la révolution de 1830. Il s'adonna dès
lors presque exclusivement aux travaux histo-
riques, et publia successivement à Lyon et à
Paris, qu'il vint habiter en 1851, les ouvrages
suivants : Vie de Démosthène avec des notes
(1834); Histoire de la vie et des ouvrages du
chancelier d'Aguesseau (1835, 2 vol. in-8°, et
1848, in-12) ; Histoire de France -pendant la
dernière année de la Restauration (1839,2 vol,
in-8°) ; Histoire des états généraux de France,
depuis 1302 jusqu'à 1626, ouvrage mentionné
honorablement par l'Institut et'adopté par
l'Université (1845, 2 vol. in-8<>) ; Etudes bio-
graphiques sur Louis-Philippe d'Orléans, der-
nier roi des Français (1849, in-S°) ; Etude sur
Clarisse Harlowê (1853, in-8<>) ; Essai sur la
vie et tes ouvrages de E. Portalis (ï859,in-8°).
M. Boullée a publié, en outre, un grand nom-
bre d'articles dans la Biographie universelle
de Michaud, dans la Biographie générale de
Didot, dans \'Encyclopédie des gens du monde
et dans le Dictionnaire de la conversation. Ses
principales notices biographiques ont été pu-
bliées séparément, sous le titre de Biographies
contemporaines (Paris, 1863,2 vol. in-8°). Parmi
les noms qui figurent dans cet ouvrage, nous
citerons ceux du général La Fayette, de Vil-
lèle, de Polignac, de Peyronnet, de Dupont de
Nemours, de Portalis, des maréchaux Victor
et Valée, etc.
BOULLEM1ER (Charles), historien français,
né à Dijon en 1725, mort en 1803. Au sortir
du collège, il s'engagea et fit la campagne
de 1742 en Bohême. Il entra ensuite au sémi-
naire et reçut les ordres. Se contentant d'un
modeste bénéfice, il se livra aux recherches
historiques, et devint membre de l'Académie
de Dijon. On doit a l'abbé Boullemier : un
Mémoire sur la vie et les ouvrages d'Etienne
. Tabourot des Accords; un autre sur Jean des
Degrés; des Notices sur Hugues Aubriot, le
chancelier de Bourgogne, sur Bollin et sur
Olivier de la Marche ; des Remarques critiques
sur un passage de César, concernant la religion
des Gaulois, insérées dans le Magasin encyclo-
pédique, etc.
BOULLENOIS
BOULLENOIS ou BOULENOIS (Louis), ju-
risconsulte français, né à Paris en 1680, mort
en 1762. Il fut avocat au parlement, et se fit
constamment remarquer par ses vertus, non
moins que par ses lumières. Son Traité de la
personnalité et de la rivalité des lois, cou-
tumes et statuts (1766, 2 vol, in-4o), est le plus
important de ses ouvrages. On lui doit encore :
Questions sur les démissions de biens (1727) ;
Dissertations sur les questions qui naissent de la
contrariété des lois et des coutumes (1732), etc.
BOULLETIS
BOULLETIS s. m. (bou-le-ti).V.BouLTEis.
BOULL1AU (Ismaël), astronome français,
né à Loudun en 1605, mort à Paris en 1694,
BOUL
était fils d'un astronome qui portait aussi le
prénom d'Ismaël. Il est le premier qui ait
donné une explication plausible du change-
ment de lumière dans quelques étoiles, en l'at-
tribuant à une révolution sur leur axe, qui
nous montre successivement des parties ob-
scures ou lumineuses. On doit rappeler aussi
la constance avec laquelle il a défendu le
mouvement de la terre, qui avait encore de
nombreux adversaires, même parmi les astro-
nomes. Il a laissé divers ouvrages, dont les
principaux sont : De natura lucis (1638) ; PAt-
lolaus,seu De vero systemate mundi (1639);
Astronomiaphilolaica (1645); De Lineis spira-
libus démonstrations (1657); Ad astronomns
monita duo (1657), etc. C'est dans ce dernier
livre qu'il émet ses vues sur l'éclat variable
de certaines étoiles.
BOULLIER
BOULLIER s. m. (bou-lié). Autre ortho-
graphe du mot BOULIER.
BOULLIER
BOULLIER ( David - Renaud ) , théologien
protestant, d'origine française, né à Utrecht
en 1699, mort à Londres en 1759. Il exerça
le ministère évangélique à Amsterdam et à
Londres. Boullier est connu par des ouvrages
diffus et obscurs contre les philosophes : Dé-
fense des Pensées de Pascal contre la critique
de Voltaire (1721); Essai philosophique sur
l'âme des bêtes (1727); Lettres critiques sur les
Lettres philosophiques de Voltaire ( 1754 ) ;
Discours philosophiques sur les causes finales,
sur l'inertie de la matière, sur la liberté des
actions humaines (1769), etc. — Son fils, comme
lui ministre protestant, est auteur de quel-
ques sermons et de Réflexions sur l'éloquence
extérieure.
BOULLIETTEBOULLIETTE (l'abbé), grammairien fran-
çais, né en Bourgogne vers 1720. Il était cha-
noine d'Auxerre, et il chercha les moyens de
rendre uniforme, dans toutes les provinces, la
f
irononciation des mots de notre langue. On
ui doit un Traité des sons de la langue fran-
çaise et des caractères qui les représentent
(Paris, 1760), suivi d'un Traité de la manière
d'enseigner à lire.
BOULLIOTBOULLIOT (Jean-Baptiste-Joseph), bio-
graphe, né à Philippeville en 1750, mort à
Saint-Germain-en-Laye en 1833. Entré dans
l'ordre des prémontrés, il professa la théologie
dans plusieurs de leurs maisons, prêta serment
à la constitution civile du clergé, et devint l'un
des vicaires généraux de Gobel, évêque de
Paris; abjura comme lui en 1793, dans le sein
de la Convention,'et obtint, après le con-
cordat, une cure près de Saint-Germain-en-
Laye. Il est l'auteur de la Biographie arden-
naise (Paris, 1830, 2 vol.), l'une des plus
importantes collections de biographies locales,
remarquable surtout par l'exactitude minu-
tieuse des renseignements, ainsi que par ses
excellentes indications bibliographiques.
BOULLONGNE,
BOULLONGNE, BOULONGNE, BOLLOGNE
ou
BOULOGNEBOULOGNE (les), célèbre famille d'ar-
tistes français, que quelques auteurs disent
originaire de la ville de Bologne, en Italie,
assertion qui ne s'appuie sur aucune preuve.
Un archéologue, M. Anatole d'Auvergne, a
exhumé des documents d'où il résulte qu'une
famille de Boulongne, dont le véritable nom
patronymique était RASSET, s'était fixée àCou-
lommiers et y comptait encore des rejetons,
il y a quelques années. Selon M. d'Auvergne,
ce serait de cette même tige que seraient
sortis les artistes qui ont illustré le nom de
Boullongne ou Boulogne, au xvue et au
xvnie siècle. Le chef de cette famille fut:
BOULLONGNE
BOULLONGNE ou BOULOGNE (Louis), le
Père ou le Vieux, peintre et graveur français,
né à Paris en 1609, mort dans la même ville
en 1674. Il eut ptur maître Jacques Blanchard.
Son premier ouvrage fut un Christ en croix,
que le président Boulanger, prévôt des mar-
chands, lui avait commandé pour une des
salles de l'Hôtel de ville. 11 s'acquitta si heu-
reusement de cette tâche, que les échevins
lui accordèrent une pension pour qu'il pût
aller achever ses études en Italie. Il se lia à
Rome avec Sébastien Bourdon, et, à son
exemple, il chercha à se perfectionner en
dessinant les chefs-d'œuvre de l'antiquité, et
en copiant les plus beaux tableaux des maîtres
italiens. De retour à Paris, il obtint de la bien-
veillance des échevins un logement à l'Hôtel
de ville, et se vit bientôt accablé de travaux.
En 1646, 1648 et 1657, la corporation des
orfèvres le chargea d'exécuter le tableau
votif qu'elle était dans l'usage- d'offrir à la
cathédrale, le premier jour de mai; Louis
peignit successivement : les Enfants de Sceva,
prince des prêtres, 'invoquant le nom de Jésus
pour conjurer le démon; le Martyre de saint
Simon et la Décollation de ..saint Paul. Il fit
beaucoup d'autres peintures pour les églises,
et pour la décoration des hôtels de plusieurs
grands seigneurs. Il fut chargé par Colbert de
refaire, dans la grande galerie du Louvre, la
partie commencée par Poussin et qui avait
été brûlée ; il travailla aussi, au palais de Ver-
sailles, dans rattique du midi que l'on démolit
plus tard. Il fut du nombre des dix artistes
qui, sous le titre d'académiciens, s'adjoigni-
rent, en 1648, aux dix anciens qui avaient
fondé l'Académie de peinture. Nommé pro-
fesseur, en 1656, il offrit par la suite à la
compagnie un tableau représentant la Cha-
rité romaine. Les œuvres de cet artiste sont
peu nombreuses dans les galeries publiques;
il n'y en a point au Louvre. Celles que l'on
connaît sont d'un coloris assez harmonieux et
d'un dessin assez correct, mais elles sont
BOUL
tout à fait dépourvues de vigueur et de style.
Louis Boullongne fut surtout un habile co-
piste ; il fit, pour le fameux banquier Jabach
et pour d'autres amateurs, des reproductions
de plusieurs chefs-d'œuvre de l'école ita-
lienne. Il aggravé à l'eau-forte Vénus et les
Amours, d'après le Titien ; VEnlèvement d'Hé-
. lène, d'après le Guide, et un certain nombre
de sujets de sa composition , notamment une
série de 26 planches numérotées, pour un
recueil intitulé le Livre de portraiture (1648).
BOULLONGNE
BOULLONGNE ou BOULOGNE (Geneviève
et Madeleine), filles du précédent. Elles aidè-
rent leur père dans ses travaux et furent
reçues toutes deux de l'Académie, le 7 dé-
cembre 1669. Elles peignirent, pour leur ré-
ception, un tableau représentant un groupe
de figures, avec un fond d'architecture et des
trophées d'instruments de musique. Gene-
viève, la plus âgée des deux sœurs, était née
en 1645; elle épousa le sculpteur Jacques
Clérion
?
et mourut à Aix en Provence, en 1708.
Madeleine, née en 1646, mourut K Paris en
1710, sans avoir été mariée. Elle peignit dans
l'appartement de la reine, à Versailles, des
dessus de porte représentant des instruments
propres aux arts.
BOULLONGNE
BOULLONGNE ou BOULOGNE (Bon), l'Aîné,
peintre et graveur français, frère des précé-
dentes,né à Paris en 1649, mort dans la même
ville en 1717. Il se forma sous la direction de
son père, et dut à la faveur de Colbert d'aller
terminer ses études en Italie, aux frais de
l'Etat, sans avoir fait de tableau pour le con-
cours des grands prix de l'Académie. Après
un séjour de cinq années à Rome, il alla étu-
dier à Bologne même les œuvres de l'école
bolonaise, qui étaient alors regardées comme
les grands modèles de l'art. Revenu à Paris,
il fut reçu à l'Académie le 27 novembre 1677,
à l'âge de vingt-huit ans; son tableau de
réception, que l'on conserve au Louvre, repré-
sente le Combat d'Hercule contre les Cen-
taures. Nommé professeur adjoint en 01684 ,
il devint professeur le 6 décembre 1692. Les
commandes lui arrivèrent en foule. Il tra-
vailla d'abord, sous la direction de Lebrun,
aux peintures du grand escalier de Versailles,
qui depuis ont été détruites, et fut ensuite
chargé de peindre, dans la chapelle du palais,
les voûtes des tribunes et le plafond qui est
au-dessus de l'orgue. Il fit aussi plusieurs
compositions mythologiques pour les apparte-
ments de la^lénagerie et de Trianon ; on voit
encore trois tableaux de lui dans cette der-
nière résidence : Vénus et Adonis, Vénus et
Mercure, la Nature et les Eléments. Mais
l'œuvre la plus importante qui nous reste de
Bon Boulogne est la décoration des chapelles
de Saint-Jérôme et de Saint-Ambroise, aux
Invalides; il a peint à fresque, sur les mu-
railles et les coupoles de ces chapelles, les
principaux traits de la vie des deux Pères de
l'Eglise et leur Gloire. Il exécuta beaucoup
d'autres peintures pour diverses églises et
communautés religieuses de Paris et de la
province. Peu d'artistes ont été plus laborieux
et plus économes de leur temps : « Sa cou-
tume, dit d'Argenville, était de souper à six
heures du soir, de se coucher à sept et de se
lever à quatre heures du matin. Les pares-
seux, disait-il, sont des hommes morts. Il
allait lui-même réveiller ses disciples qui de-
meuraient dans sa maison, leur disant, pour
leur reprocher qu'ils ne se levaient pas assez
matin, que, selon son calcul, ils ne jouissaient
que de la moitié de la vie, et qu'il y avait
quatre heures que le soleil était levé pour lui. «
Il était, du reste, plein de bonté pour ses
élèves, et ne négligea aucune occasion de
leur être utile. Il avait l'esprit vif, gai, plein
de saillies. On rapporte que, pendant son
séjour en Italie, se voyant poursuivi en justice
par un tailleur, pour le payement d'un habit,
il imagina de peindre de mémoire le portrait
de son créancier, et de le porter aux juges
devant lesquels il avait été assigné : • Je re-
connais, leur dit-il, que je suis le débiteur de
cet homme, mais il est bien juste aussi qu'il
me paye son portrait. » La ressemblance était
si frappante que, malgré les protestations du
tailleur, les juges crurent l'artiste sur parole
et décidèrent dans le sens de sa réclamation.
Bon Boulogne n'avait eu, d'ailleurs, d'autre
intention que celle de gagner du temps; il
attendait de l'argent de ses parents; dès qu'il
l'eut reçu, il satisfit pleinement l'ouvrier.
Parmi les tableaux de cet artiste que l'on
rencontre dans les musées, nous citerons :
l'Annonciation, Saint Benoit ressuscitant un
enfant, et Hercule combattant contre les Cen-
taures, au Louvre ; Jésus lavant les pieds à ses
a-nôtres, au musée de Dijon ; le Triomphe
a'Amphitrite, l'Enlèvement de Proserpine,
lo tra>isformée en vache, Galatée sur les
eaux, au musée de Tours; le Portrait d'un
fils légitimé de Louis XIV, au musée de Bor-
deaux ; Daphné fuyant Apollon, Pan et Syrinx,
au musée d'Orléans ; Sainte Catherine en ex-
tase, au musée Rath, à Genève; le Mariage
de sainte Catherine, Hippomène et Atalante,
Mars et Vénus, au musée de l'Ermitage, à
Saint-Pétersbourg, etc. L'imitation des pein-
tres italiens de la décadence se trahit dans
ces divers ouvrages ; la composition est géné-
ralement bien entendue, mais les têtes man-
quent de style, les draperies sentent leponsif;
les gestes et les attitudes sont presque tou-
jours conventionnels. Comme l'a dit M. Char-
les Blanc, Bon Boulogne fut surtout « un pra-
ticien habile, plein de facilité et quelquefois
BOUL
1099
plein de feu, exercé à toutes les conventions
du métier, sachant de l'art tout ce qu'on en
peut apprendre. Son dessin était assez correct,
mais dépourvu de caractère ; sa couleur, sans
finesse, mais sans crudité; sa touche, agréable
et froide. » Il fut, sans contredit, l'artiste le
plus habile de sa famille. Il fit des pastiches
des grands maîtres, qui trompèrent les plus
fins connaisseurs. On a de lui trois gravures à
l'eau-forte et au burin, où l'on retrouve le
même goût pittoresque, la même habileté pra-
tique : Saint Bruno, Saint Jean dans le désert,
et une pièce satirique représentant l'auteur du
Mercure galant fouetté par les Muses; cet
auteur, paraît-il, s'était moqué des artistes et
des poètes de son temps.
BOULLONGNE
BOULLONGNE ou BOULOGNE (Louis D E ) ,
le Jeune, peintre français, frère du précé-
dent, né a Paris en 1654, mort dans la même
ville en 1733. En 1672, n'ayant encore que
dix-huit ans, il remporta le premier grand prix
de peinture (le sujet du concours était le
Passage du Rhin), mais il ne partit pour
Rome qu'en 1675, à l'époque où son frère
quittait cette ville. Aussitôt arrivé, il se mit
en devoir de copier, pour la manufacture des
Gobelins, les grandes fresques de Raphaël,
l'Ecole d'Athènes, la Dispute du Saint-Sacre-
ment , le Parnasse, l'Incendie du Bourg.
Après un séjour de cinq ans à Rome, il se
rendit à Venise, et de là en Lombardie. De
retour en France en 1680, il fut chargé par
Colbert de peindre divers tableaux pour les
appartements de Versailles, et il exécuta en
cette même année, pour la confrérie des orfè-
vres, le tableau votif de mai, représentant le
Centenier priant Jésus de sauver son serviteur.
L'année suivante, il fut reçu académicien et
donna, pour son morceau de réception, Au-
guste fermant le temple de Janus (aujourd'hui,
au musée d'Amiens). Il fut élu successivement
professeur en 1693, recteur adjoint en 1715,
recteur en 1717, et directeur en 1722. A cette
dernière date, l'Académie des inscriptions et
belles-lettres le choisit pour dessiner les mé-
dailles du roi, et lui conféra le privilège per-
manent d'assister à ses séances. D'un autre
côté, les faveurs royales ne lui faisaient pas
défaut; Louis XIV, qui lui avait accordé, dès
ses premiers succès, une pension de 500 livres,
la porta à 1,200 en 1714 ; a son tour,Louis XV
lui donna le cordon de Saint-Michel, en 1722,
et lui octroya deux ans plus tard le titre de
premier peintre
î
bientôt suivi de lettres de
noblesse pour lui et ses descendants. Comblé
d'honneurs et de richesses, Louis de Boul-
longne mena jusqu'à la fin une vie très-occu-
pée; il exécuta un nombre considérable d'ou-
vrages pour diverses églises et communautés
religieuses, pour les résidences royales et les
hôtels des particuliers. L'église de Notre-
Dame, les Chartreux, le couvent des reli-
gieuses de la Conception, celui des Pères do
la place des Victoires, les salles de l'Académie,
l'Hôtel de ville, la chapelle de Versailles, les
palais de Marly, de Meudon, de Chantilly, de
la Ménagerie, de Fontainebleau, furent dé-
corés de tableaux dus à cet infatigable artiste.
En 1702, il fut choisi pour peindre à fresque
une des six chapelles à coupole qui accompa-
gnent le dôme des Invalides; il y représenta
les principaux traits de la vie de saint Au-
gustin. Dans la décoration de cette chapelle,
comme dans la plupart de ses autres compo-
sitions religieuses ou mythologiques, Louis de
Boullongne déploya les qualités les plus aima-
bles, beaucoup d élégance et de délicatesse,
des expressions gracieuses, une couleur lé-
gère et fondue; mais il n'eut ni la fermeté de
dessin, ni la largeur de touche, ni l'élévation
des idées, ni le sentiment du style, qui font les
grands artistes. « En général, a dit M. Charles
Blanc, ses peintures sont sans originalité, et
partant sans émotion véritable et sans cha-
leur... Ses figures d'hommes sont empruntées
à Lebrun; celles de femmes rappellent tantôt
le type affadi de Mignard, tantôt les modèles
d'Antoine Coypel, mais avec une grâce moins
recherchée et une expression sans grimace.
Quant à ses draperies, elles sont aussi peu
originales que ses figures ; le Dominiquin, le
Guide, et généralement les maîtres de l'école
bolonaise en font tous les frais. Du style, on
n'en trouve point chez lui, s'il faut entendre
par style le choix des formes idéales, la subli-
mité des airs de tête, l'art d'éviter ce que la
nature présente de banal, d'inélégant ou de
pauvre... Ses héros et ses dieux ont une phy-
sionomie toute moderne; on reconnaît à ses
vierges, à ses déesses un certain air français
qui jure singulièrement avec leur présence
dans le paradis ou dans l'Olympe. Ce qu'il pei-
gnait le mieux, c'étaient les enfants. Il en
savait les formes, il en sentait la grâce et il
en exprimait très-bien la morbidesse, mais
toujours en rappelant l'école bolonaise... »
Le Louvre ne possède pas de tableaux de
Louis de Boullongne. Dans les musées de pro-
vince, on remarque : Saint Augustin sacré
évêque d'Hippone et le Baptême de saint Au-
gustin, à Dijon ; les Vendeurs chassés du tem-
ple, à Rouen; la Résurrection de Lazare, h
Orléans; la I
Diane, la Poésie, l'Architecture, à Tours,etc.
Le musée de Berlin a un tableau signé L. Bou-
logne, 1698, et qui représente le Printemps,
l'Eté et l'Automne. « Louis de Boullongne, dit
l'abbé de Fontenay, avait un caractère noble,
doux, liant, qui lui fit trouver des amis sin-
cères jusque dans ses rivaux. Son air éta
Il 00 BOUL
ËOUL
BOUL
BOUL
prévenant, affable, et toute sa figure annon-
çait les qualités de son âme. II ne cessa d'être
uni à son frère par la plus étroite amitié. »
BOULOGNE,
BOULOGNE, petite rivière de France, prend
sa source au nord de la forêt des Essarts, près
du village des Baraques, arrond. de Napoléon-
Vendée (Vendée), baigne Boulogne, Grand-
Luc, Roche-Servière, entre dans le départe-
ment de la Loire-Inférieure et tombe dans le
lac de Grand-Lieu, près de Saint-Philibert,
après un cours de 60 kilom, ; navigable sur
8 kilom.
BOULOGNE,
BOULOGNE, bourg de France (Haute-Ga-
ronne), cb.-l. de cant., arrond. et à 25 kilom.
N.-O.de Saint-Gaudens; pop. aggl. 1,268 hab.
— pop. tôt. 2,003 hab. Commerce de grains,
châtaignes, fil de lin, clouterie ; belle église
du xivc siècle, restaurée sous François 1er.
BOULOGNE-SUR-MER,
BOULOGNE-SUR-MER, ville maritime de
France (Pas-de-Calais), ch.-l. d'arrond. et de
cant., sur la Manche, a l'embouchure de la
Liane, à 110 kilom. N.-O. d'Arras, à 210 kilom.
N.-O. de Paris, et h 272 kilom. par le chemin
de fer du Nord ; pop. aggl. 35,349 hab. — pop.
tôt. 36,265 hab. L'arrond. de Boulogne com-
prend 6 cantons, 101 communes, 132,038 hab.
Tribunaux de l " instance et de commerce,
collège communal, écoles navale et d'hydro-
graphie, musée, jardin botanique très-riche,
théâtre, bibliothèque de 32,000 volumes; bel
établissement de bains de mer j place de guerre
de 20 classe; port de mer d'un accès difficile,
formé de deux larges bassins, où l'on arme
pour les voyages de long cours, le grand et
le petit cabotage, et pour la pêche de la
morue. Le mouvement de la navigation de ce
port, en 1861, se résume par les chiffres sui-
vants : à l'entrée, 1,696 navires à voiles ou à
vapeur; a la sortie, 11,712 navires; ensem-
ble, 510,167 tonneaux. En outre, c'est le port
du continent le plus fréquemment choisi par les
voyageurs qui vont de France en Angleterre,
et vice versa; le nombre des passagers s'élève
annuellement à 100,000. Fabriques de grès et
de faïence, raffineries de sel et de sucre,
verreries, tuileries, scieries, filatures de lin,
hauts fourneaux et fonderies de fonte; fabri-
ques de plumes métalliques, ciment, etc.;
élève de chevaux. Le commerce consiste prin-
cipalement en genièvre, thé, vins, eaux-de-
vie, dentelles, toiles fines, bois et chanvre
du Nord, etc.
Boulogne, construite sur la pente d'un
monticule qui domine la rive droite de la .
Liane, est divisée en deux parties : la basse
et la haute ville. Celle-ci, qui domine le mon-
ticule, propre, mais mal bâtie, est environnée
de remparts flanqués de tours rondes et plan-
tés d'arbres qui forment de charmantes pro-
menades; un château fort couronne cette
partie de la ville. Au pied de la haute ville,
s'étend la ville basse, bien construite, percée
de rues régulières et bordées de trottoirs.
C'est la partie de Boulogne la plus commer-
çante et la plus peuplée ; trois ponts y tra- •
versent la Liane et réunissent la ville à son i
faubourg de Capécure, où s'élèvent les vastes
constructions du chemin de fer. Parmi les
édifices remarquables de Boulogne, nous cite-
rons : l'hôtel de ville, construit en 1734, res-
taure en 1854, et que domine un beffroi de
* 47 mètres, monument du xii» siècle; le châ-
teau fort construit en 1231; l'église Saint-
Joseph; l'ancien palais épiscopal, occupé par
le maréchal Ney, a l'époque du camp de Bou-
logne j la nouvelle église Notre-Dame, con-
struction moderne, qui a remplacé l'ancienne
église où une image miraculeuse de la Vierge
attirait de nombreux pèlerins ; la colonne Na-
poléon, fondée en 1804
7
pour consacrer le sou-
venir de la première distribution des croix de
la Légion d'honneur, et terminée sous le règne
de Louis-Philippe. 'Enfin, sur le sommet de la
falaise qui domine le port, on voit les ruines
de la tour d'Ordre, bâtie, en l'an 40, par l'em-
pereur Caligula. On cite encore le château,
sorte de citadelle de forme octogone, entou-
rée de fossés et située à l'est des remparts •
de la ville. Il fut bâti en 1251 par Simon de
Villiers, d'après les ordres de Philippe Hure-
pel, comte de Boulogne. On admire sa porte
d'entrée flanquée de deux tours, et surtout la
construction d'un de ses souterrains, que
viennent visiter tous les archéologues. Ce
souterrain était le dépôt d'armes et de muni-
tions du château; plus tard, il devint une pri-
son militaire. Ce château a pris surtout une
importance historique depuis que le prince
Louis-Napoléon, aujourd'hui empereur, y fut
enfermé en 1840.
La fondation de Boulogne date du icr siècle
de l'ère chrétienne. Caligula, ayant fait con-
struire un phare dans le fort Bononia, situé
sur cette côte, près de l'embouchure de l'Elna
(la Liane), attira sur ces points les habitants
de Gesoriacum, bourg qui existait non loin
de là, et fonda ainsi au pied du fort Bononia
la ville actuelle. Cette cité, qui devint plus
tard la capitale du Boulonais, soutint plusieurs
sièges, et plusieurs fois fut prise et saccagée.
Constance Chlore s'en empara en 292 sur
Carausius, qui s'en était rendu maître ; en 888,
les Normands, l'ayant emportée d'assaut, pas-
sèrent tous les habitants au fil de l'épée, et
démolirent les édifices et les remparts ; mais
en 912 elle fut rebâtie, et résista, en 1347, à
tous les efforts d'Edouard III, roi d'Angle-
terre. Sous Henri VIII, malgré l'héroïque
résistance de son maire Eurvin,'elle tomba •
au pouvoir des Anglais en 1544 ; elle fut ra- i
chetée peu après par Henri II, fils de Fran- \
çois 1er,
e
t prise encore en 1553 par Charles-
Quint. Cette ville présente plusieurs autres
souvenirs historiques. C'est près de Boulogne
que César prépara son embarquement pour la
Grande-Bretagne, et que Napoléon I
e r
avait
projeté le sien. Enfin, c'est à Boulogne qu'en
1840, le prince Louis-Napoléon tenta le coup
de main qui le conduisit prisonnier au fort de
Ham. Patrie deDaunou et de M. Sainte-Beuve.
La ville de Boulogne, avec le territoire qui en
dépendait, avait autrefois le titre de comté. Ce
comté, au ixe siècle, appartenait aux comtes
de Flandre, et donna son nom a une branche
de cette famille, dont est sorti, entre autres,
Godefroy de Bouillon, roi de Jérusalem. La
ligne mâle de cette branche s'éteignit vers le
milieu du xnc siècle, en la personne d'Eusta-
che III, frère de Godefroy de Bouillon, lequel
ne laissa qu'une fille, Mathilde, mariée à
Etienne de Blois, plus tard roi d'Angleterre.
Les deux fils d'Etienne étant morts sans pos-
térité , le comté de Boulogne passa à leur
sœur Marie, qui avait épousé Mathieu de
Flandre, dont elle eut, entre autres, une fille,
Ide, mariée en troisièmes noces à Renaud de
Dammartin. De ce troisième mariage vint une
fille, Mahaud, comtesse de Boulogne, mariée
en 1216 à Philippe, fils de Philippe-Auguste
et d'Agnès de Méranie, dont il ne vint qu'une
fille, Jeanne de Boulogne, mariée à Gaucher
de Châtillon, morte sans postérité en 1251. Le
comté de Boulogne revint alors à la postérité
de Mahaud, seconde fille de Mathieu de Flandre
et de Marie de Boulogne, c'est-à-dire à la
maison de Brabant, dont un des représentants
le céda, en 1267, à son cousin Robert VI,
comte d'Auvergne, moyennant 40,000 livres.
De la maison d'Auvergne, il passa dans la
maison de Bourgogne, par le mariage de
Jeanne, comtesse d'Auvergne et de Boulogne,
avec Philippe, duc de Bourgogne, au milieu
du xive siècle. Jeanne, petite-fille des deux
précédents, légua les deux comtés d'Auvergne
et de Boulogne à Marie de Montgascon ; mais
à sa mort, en 1422, le duc de Bourgogne,
Philippe le Bon, s'empara du comté de Bou-
logne, et fit sanctionner cette usurpation par
le traité d'Arras en 1435. D'abord restitué à
la maison de La Tour-d'Auvergne par Louis XI,
après la mort de Charles le Téméraire, û\fut
définitivement réuni à la couronne en 1478,
après dédommagement au comte d'Auvergne.
Boulogne (CAMP DE). Les esprits légers
ou prévenus, qui n'ont vu qu'une extrava-
ance dans le hardi projet du premier consul
'opérer une descente en Angleterre, ne se
sont pas rendu compte des incalculables res-
sources que ce prodigieux génie puisait en
lui-même. Sans doute, l'entreprise était péril-
leuse; mais lorsqu'on analyse froidement l'im-
mensité des moyens mis en œuvre pour la
faire réussir, la profondeur et la variété des
prévisions calculées par le vainqueur de Ma-
rengo, l'esprit demeure confondu d'étonne-
ment et ne voit plus que la possibilité, la cer-
titude du succès. Au reste, ce qui le prouve
mieux que tous les raisonnements, c'est l'épou-
vante portée à Londres par la nouvelle de la
formation du camp de Boulogne : ce sont les
énormes sacrifices que s'imposa alors l'Angle-
terre pour conjurer l'orage qui s'amoncelait
en face de ses côtes, et pour le rejeter sur le
continent.
Devant la mauvaise foi et les exigences ar-
rogantes de l'Angleterre, Bonaparte, désespé-
rant d'amener cette nation a une paix honorable
pour les deux pays, résolut de 1 y contraindre
par la force dos armes, non plus en frappant
ses alliés, mais directement, en portant la
guerre sur son propre sol. Il savait que, du
moment où il aurait mis le pied sur la terre
ferme, l'Angleterre était à lui; mais il fallait
y transporter plus de 120,000 soldats, et nous
n'avions que quelques vaisseaux en mauvais
état, des équipages inexpérimentés et des
officiers découragés d'avance, à la seule pensée
d'avoir h. se mesurer contre le redoutable Nel-
son. En ennemie prévoyante, l'Angleterre
avait av'denient saisi l'occasion de l'affaire de
Quiberon, pour y envoyer à une mort cer-
taine l'élite de nos officiers maritimes du règne
de Louis XVI. On n'improvise pas 50 vaisseaux
de ligne en quelques mois ; il fallut donc re-
venir à un autre mode de transport. A la voix
puissante de Bonaparte, près de 2,000 cha-
loupes canonnières sortirent des chantiers et
de toutes les rivières afftuentes sur les côtes
septentrionales de France, de Belgique et de
Hollande. De plus, une flottille hollandaise,
commandée par le brave amiral Verhuell, se
préparait à sortir de l'Escaut pour se joindre
a la flottille française. La rade de Boulogne
fut assignée comme lieu de réunion; sur les
côtes voisines se pressèrent les intrépides ba-
taillons qui avaient vaincu l'Allemagne et
l'Italie. Chaque jour les soldats étaient exercés
à manœuvrer les chaloupes canonnières; cha-
que jour ils s'habituaient a y combattre, à s'y
embarquer avec célérité, a en sortir avec
vitesse. L'Angleterre s'alarma bientôt de l'im-
mense armement qui menaçait ses côtes, et
elle trahit toute l'étendue de sa frayeur en
confiant à Nelson lui-même le soin de détruire
la flottille française, en même temps qu'elle
hérissait ses côtes de redoutes, de retranche-
ments et d'innombrables batteries.
Le 9 septembre 1801, Nelson se présenta
devant Boulogne avec 30 bâtiments de guerre
de toutes grandeurs. Une division de la flot-
tille était mouillée à 1,000 mètres de l'entrée
du port; Nelson la fit aussitôt couvrir de
bombes et de boulets ; mais cette avant-garde
résista vaillamment, et, après un feu terrible,
mais qui ne nous causa aucun dommage,
l'amiral anglais s'éloigna avec l'humiliation
de n'avoir même pu forcer cette division à
rentrer dans le port; mais il jura, furieux, de
revenir bientôt et de détruire de fond en
comble l'armement français. Il reparut en
effet quelques jours après (14 septembre), avec
des renforts et de nouvelles munitions, ac-
compagné d'un grand nombre de frégates, de
péniches, de bricks et de- chaloupes canon-
nières. Le brave amiral Latouche-Tréville,
qui commandait la flottille, se prépara à rece-
voir résolument l'attaque terrible, imminente,
dont, il était menacé. Au milieu de la nuit, un
feu effroyable commença sur les vaisseaux
anglais ; leurs bâtiments légers s'approchèrent
et leurs plus intrépides marins s'élancèrent à.
l'abordage; mais iis furent tous tués, blessés
ou faits prisonniers. La résistance fut hé-
roïque. Nelson, ayant voulu exécuter sa ma-
nœuvre favorite, donna à l'une de ses divi-
sions l'ordre de tourner le front de notre ligne,
en passant entre celle-ci et la côte; mais la
division anglaise se trouva foudroyée par les
batteries de terre et le feu des chaloupes.
L'intrépide capitaine Pévrieux, qui comman-
dait la canonnière Y Etna, fut assailli à la fois
par six péniches anglaises et les mit en fuite,
après avoir tué de sa main plusieurs matelots.
Reconnaissant l'impossibilité de forcer la ligne
française, Nelson donna une seconde fois
Tordre dé battre en retraite, l'âme profondé-
ment blessée du double échec qu'il venait
d'essuyer, tandis que nos marins et nos sol-
dats se sentaient tout joyeux et tout fiers
d'avoir tenu tête au plus grand homme de
mer de l'Angleterre.
Après la rupture de la paix d'Amiens, les
événements intérieurs absorbèrent toute l'at-
tention du premier consul. La conspiration de
Georges Cadoudal, le procès qui s'ensuivit
et d'autres incidents politiques remplirent tout
l'hiver de 1803 a 1804, et suspendirent la
grande entreprise commencée contre l'Angle-
terre; mais Bonaparte n'en perdit pas un in-
stant la pensée. Les expériences continuelles
que l'on faisait a Boulogne, les améliorations
successives qu'on apportait à chaque partie
du matériel, 1 attestaient suffisamment. L'exé-
cution était arrêtée pour le milieu de l'été 1804.
Tout ce qui concernait les bateaux plats était
achevé; mais la flottille batave se faisait en-
core attendre, et les escadres de Brest et de
Toulon, dont le concours à l'entreprise était
'ugé indispensable, n'avaient pas complété
eur armement. Quelquefois Bonaparte, quit-
tant inopinément la capitale, accourait a Bou-
logne, et imprimait par sa présence un nouvel
élan aux travaux. Un jour, il se fit conduire
sur une péniche dans la rade ; une frégate
anglaise avait ouvert un feu très-vif sur les
chaloupes et sur la côte. Il remarque que les
bombes d'une batterie voisine sont loin d'attein-
dre l'ennemi. Aussitôt il met pied à terre, et, se
rappelant son * métier d'artilleur, » il s'ap-
proche de cette batterie, calcule la distance
et ordonne une augmentation de charge. Le
bombardier hésite, craignant que le mortier
ne vole en éclats; Bonaparte voit son inquié-
tude; il pointe alors lui-même la pièce, saisit
la mèche enflammée et l'approche de la lu-
mière. Le coup part, et la bombe va s'abattre
sur le grand mât de la frégate anglaise, qu'elle
fait voler en éclats.
L'amiral Verhuell, stimulant le zèle do ses
équipages et changeant en confiance l'incré-
dulité qu'avait d'abord éveillée dans l'esprit
de ses marins un si gigantesque projet, ache-
vait enfin, au printemps de 1804, de concen-
trer ses bâtiments à Ostende, Dunkerque et
Calais, après avoir livré aux Anglais de bril-
lants combats entre Ostende et l'Escaut. L'ex-
pédition était merveilleusement préparée; les
marins, les soldats étaient remplis d'enthou-
siasme. Cependant le chef qui allait exercer
le commandement suprême sur la flottille
n'était pas encore nommé, et c'était la plus
grande préoccupation de l'empereur (le pre-
mier consul venait de prendre la couronne).
Il avait alors à Brest une flotte de 18 vaisseaux,
qui allait bientôt s'élever à 21, une autre de 5
a Rochefort, une de 5 au Ferrol, l vaisseau
en relâche à Cadix, enfin 8 vaisseaux à Tou-
lon, qui allaient être portés à 10. Au moyen
de ces forces diverses, il fallait contenir l'ami-
ral anglais Cornwallis, qui bloquait Brest avec
15 ou 18 vaisseaux, et Rochefort avec 4 ou 5;
une division anglaise qui bloquait le Ferrol ;
enfin Nelson, avec son escadre, qui croisait
aux îles d'Hyères pour observer Toulon. La
pensée de Napoléon était de dérober une de
ses flottes, et de la porter par une marche im-
prévue dans la Manche, afin d'y être, pendant
quelques jours, supérieur aux Anglais. En
conséquence, il imagina de confier la flotte de
Toulon au plus hardi de ses amiraux, à La-
touche-Tréville, qui, avec 10 vaisseaux et
quelques frégates, devait agir de manière à
inspirer à Nelson la crainte d'une nouvelle
expédition d'Egypte, l'attirer à sa suite vers
la Sicile, se diriger vers le détroit de Gibraltar,
puis s'enfoncer dans le golfe de Gascogne,
afin d'y rallier la division française de Roche-
fort, et enfin profiter du premier souffle de
veut favorable pour se porter dans la Manchej
en passant entre la croisière anglaise qui
f
ardait les avenues de l'Irlande, et la flotte
e l'amiral Cornwallis qui bloquait Brest. Tout
fut calculé pour que cette opération pût être
exécutée en juillet, ou au plus tard au mois
d'août. L'amiral Ganteaume, dont l'empereur
connaissait le dévouement, fut nommé au com-
mandement de l'escadre de Brest, destinée h
jeter des troupes en Irlande. Villeneuve com-
mandait à. Rochefort, et Gourdon au Ferrol.
Ces divers amiraux, excités, électrisés pur la
volonté puissunte de l'empereur, pressaient
les travaux et les armements avec une infa-
tigable activité, afin d'être prêts à concourir,
dans la mesure de leur commandement,-au
vaste projet qui allait enfin recevoir son exé-
cution. Toutes ces dispositions avaient été
admirablement concertées, et Napoléon en
avait conçu le plus légitime espoir. Il écrivait
à Latouche-Tréville, en lui envoyant la croix
de grand officier de la Lésion d'honneur :
« Soyons maîtres du détroit six heures seule-
ment, et nous sommes maîtres du monde. »
Il partit alors pour Boulogne, afin d'y in-
specter la flottille, les forts, les ouvrages qu'il
avait ordonnés, les campements, et d'assister
aux expériences de tir. Les deux armées de
terre et de mer l'accueillirent avec enthou-
siasme, et saluèrent sa présence par des accla-
mations unanimes. «Neuf cents coups de canon
tirés par les forts et la ligne d'embossage, et
retentissant de Calais jusqu'à Douvres, appri-
rent aux Anglais la présence de l'homme qui,
depuis dix-liuit mois, troublait si profondé-
ment la sécurité accoutumée de leur île. » Il
alla voir manœuvrer, à portée de canon de
l'escadre anglaise, plusieurs divisions de la
flottille, dont l'amiral Bruix, qui venait d'en
être nommé commandant en chef, vantait sans
cesse les progrès. En se retrouvant avec ces
grenadiers, dont il avait tant de fois éprouvé
le courage, il sentit redoubler sa confiance, et
ne douta plus d'aller bientôt conquérir à Lon-
dres le sceptre de la terre et des mers.
Cependant, on était arrivé aux premiers
jouis du mois d'août, et Napoléon reconnut
qu'il ne pouvait être entièrement prêt qu'au
mois de septembre. En attendant, il voulut
donner à l'armée une grande fête, propre k
électriser davantage encore les troupes, en
distribuant lui-même les premières décora-
tions de la Légion d'honneur, qui venait d'être
instituée. Cette cérémonie, célébrée le jour
anniversaire de sa naissance, au bord de
l'Océan et en présence des escadres anglaises,
offrit un spectacle magnifique, dont les con-
temporains ont gardé un long souvenir. Au
centre d'un immense amphithéâtre, calculé do
manière à pouvoir y placer toute 1 armée, fut
élevé un trône pour 1 empereur; à droite et à
gauche, des gradins avaient été disposés pour
recevoir les grands dignitaires, les minis-
tres", les maréchaux. En face, s'étendaient
100,000 hommes, presque tous vétérans de
la République, qui, les yeux fixés sur Napo-
léon, attendaient le prix de leurs exploits. Les
croix, par une noble et héroïque allusion,
étaient déposées dans les casques et les bou-
cliers de Duguesclin et de Bayard, et les offi-
ciers ainsi que les soldats appelés k les re-
cevoir, sortis des rangs, s'étaient avancés
jusqu'au pied du trône impérial. Napoléon,
debout, leur lut la formule si belle du serment
de la Légion d'honneur, puis tous ensemble,
au bruit des fanfares et des détonations do
l'artillerie, levèrent la main en disant : Nous
LU JURONS!...
Ces scènes grandioses, dont Napoléon pos-
sédait à un si haut degré le magique instinct,
ne s'effacent jamais de l'esprit de ceux qui en
ont été les témoins. La presse britannique,
injurieuse et arrogante, se raillait de Napo-
léon, de ses préparatifs et de tout cet appareil
militaire; mais,sous ses plaisanteries forcées,
on entendait les éclats de rire convulsifs du
railleur tremblant de ce dont il paraît rire.
L'agitation était extrême en Angleterre, l'in-
quiétude profonde et universelle. Toutes les
forces anglaises de l'intérieur se bornaient h.
170,000 soldats et à 150,000 volontaires, dis-
persés en Angleterre et en Irlande, sur tous
les points du rivage où le danger pouvait se
faire craindre. Qu eussent-ils fait, même deux
fois plus nombreux, contre les 150,000 Fran-
çais, soldats accomplis, que Napoléon pouvait
jeter de l'autre côté du détroit et concentrer
en une seule masse? Aussi restait-il assez
indifférent devant ces préparatifs militaires,
qui le faisaient sourire beaucoup plus sincère-
ment que lés chaloupes ne faisaient rire les
journalistes anglais. La seule force réelle de
l'Angleterre consistait dans sa formidable ma-
rine; mais eelle-ci était dispersée sur toutes
les mers, et, dans l'incertitude où était l'Ami-
- rauté des véritables projets de Napoléon, elle ne
pouvait nulle part se concentrer assez rapide-
ment pour les faire avorter.
C'est sur ces entrefaites que le brave et
infortuné Latouche-Tréville, dévoré par une
sourde maladie, succomba le 20 août dans le
port de Toulon, à la veille de mettre à la voile.
Cette triste circonstance ajournait forcément
l'expédition. Napoléon s'adressa aussitôt au
ministre de la marine, Decrès, pour qu'il eût
à lui proposer un amiral capable de succéder
au commandement de Tréville. Entraîné par
un sentiment d'ancienne amitié, le ministre
mit en avant Villeneuve, dont le nom est
resté attaché à une si malheureuse célébrité.
Cet amiral avait de l'esprit, de la bravoure, la
connaissance pratique de son état; mais il
était dépourvu de toute fermeté de caractère.
Marin intrépide, prêt à affronter tous les pé-
rils, il laissait paralyser toutes les ressources
de son esprit par une double faiblesse : l'appré-
hension qu'excitait en lui la responsabilité du
commanaementetcetteidéefataled'infériorite
BOUL
BOUL
BOUL
BOUL 1101
qui ne sert qu'à engendrer la démoralisation,
Le coup d'œil pénétrant de Napoléon l'avait
bien jugé; mais les protestations rassurantes
du ministre firent un instant évanouir ses
inquiétudes. Cependant ses préventions de-
vaient bientôt se justifier. L empereur avait
modifié son plan, en ce sens que les amiraux
Missiessy et Villeneuve devaient sortir de
Rochefort et de Toulon, afin d'entraîner les
Anglais à leur poursuite dans les mers d'Amé-
rique, pour permettre à Ganteaume d'aller
jeter 15,000 hommes sur les côtes d'Irlande,
puis de revenir dans la Manche protéger le
départ de la flottille. Missiessy accomplit sa mis-
sion ; mais Villeneuve, après quelques avaries,
rentra dans le port de Toulon, profondément
découragé par cet essai infructueux. Bientôt
une perte nouvelle, celle de l'amiral Bruix,si
remarquable par son caractère, son expérience
et la portée de son esprit, vint porter un der-
nier coup au succès futur de l'expédition ; il
ne restait plus que des hommes dévoués, mais
incapables d'élever l'énergie de leur volonté
à la hauteur des projets de Napoléon. L'em-
pereur songea un moment a diriger l'expédi-
tion sur l'Inde, pensant qu'enlever ce vaste
empire aux Anglais serait un résultat magni-
fique, qui pourrait le consoler de l'ajournement
de ses desseins directs sur l'Angleterre. Néan-
moins, l'entreprise de Boulogne l'emportaj le
plan fut arrêté dès les premiers jours de mars
(1805), et les ordres expédiés en conséquence.
Ils consistaient encore à attirer les Anglais
dans les Indes et les Antilles, où l'escadre de
l'amiral Missiessy éveillait déjà leurs inquié-
tudes, puis à revenir brusquement dans les
mers d'Europe, avec une réunion de forces
supérieure à toute flotte anglaise. L'amiral
Villeneuve devait partir au premier vent favo-
rable, passer le détroit, toucher à Cadix, y
rallier l'amiral espagnol Gravina avec son
escadre, puis voguer vers la Martinique, se
joindre à Missiessy et attendre Ganteaume,
qui avait ordre de profiter du premier coup
de vent d'équinoxe qui écarterait les Anglais,
pour sortir de Brest avec 21 vaisseaux.
Cette réunion générale présenterait une force
énorme de 50 à 60 vaisseaux, dont la concen-
tration ne s'était jamais vue dans aucun-temps
et sur aucune mer. Cette combinaison gigan-
tesque s'appuyait néanmoins sur des prévi-
sions si profondément calculées, que le mi-
nistre Decrès lui - même convenait qu'elle
offrait les plus grandes chances de succès.
Les flottes, devant partir sur la fin de mars,
employer le mois d'avril à se rendre à la
Martinique, le mois de mai à se réunir, le mois
de juin à revenir, se trouveraient dans la
Manche vers les premiers jours de juillet.
Pendant ce temps, Napoléon se rendait en
Italie pour y passer des revues, donner des
fêtes, cacher ses projets sous les apparences
d'une vie somptueuse; puis, au moment fixé,
il partirait secrètement en poste, se rendrait
en cinq jours de Milan à Boulogne, et, tandis
qu'on le croirait eneore-au delà des Alpes, il
frapperait sur l'Angleterre le coup dont il la
menaçait depuis si longtemps.
Ce proje', grandiose échoua par la fatalité
des circonstances. L'amiral Villeneuve, après
avoir réussi à sortir de Toulon, avait rallié à
Cadix la division espagnole de Gravina et
s'était dirigé vers la Martinique; mais, par un
hasard presque inouï dans la saison, Gan-
teaume, qui devait le rejoindre, n'avait pu
trouver un seul jour pour sortir de Brest. Il
ne s'était jamais vu, de mémoire d'homme,
que l'équinoxe ne se fût point manifesté par
quelque coup de vent. 11 fallut donc que Na-
poléon modifiât encore une fois son plan. Vil-
leneuve reçut l'ordre de revenir en Europe
avec Gravina, de débloquer le Ferrol où il
devait trouver 12 vaisseaux, de rallier à Ro-
chefort Missiessy, probablement revenu des
Antilles, de se présenter devant Brest pour
ouvrir la mer à Ganteaume, ce qui porterait
à 56 vaisseaux la somme totale de ses forces,
et enfin d'entrer dans la Manche avec cette
escadre, la plus formidable qui eût jamais paru
sur l'Océan. Cette fois encore, la fortune se
refusa impitoyablement à la réalisation de ce
dessein ; mais ce ne fut plus la faute des cir-
constances : c'est Villeneuve seul qui, par ses
irrésolutions, disons le mot, par sa pusillani-
mité, fit avorter la grande expédition. En
remontant vers le Ferrol, le 22 juillet 1805, il
rencontra l'amiral anglais Calder, qui s'avan-
çait à la tête de 15 vaisseaux pour lui barrer
le chemin. Villeneuve, qui avait 20 vaisseaux,
lui livra bataille et le força à la retraite. Ce
succès aurait dû ranimer son courage ; mais
comme, en se retirant, les Anglais avaient em-
mené 2 vaisseaux, il se crut déshonoré et
tomba dans un état d'abattement voisin du
désespoir, tandis que tous ses équipages étaient
remplis d'ardeur. A la Corogne, où il se rendit
ensuite, il trouva les ordres pressants de Na-
poléon et des paroles encourageantes, au lieu
du blâme sévère qu'il redoutait; mais rien ne
put relever son énergie. Sans cesse poursuivi
par le fantôme menaçant de Nelson, il ne
songea qu'à l'éviter. Il n'avait cependant rien
à craindre pour sa réputation et sa responsa-
bilité en accomplissant sa mission, car Napo-
léon ne cessait de lui écrire : • Faites-vous
battre, même détruire, pourvu que, par vos
efforts, la porte de Brest s'ouvre a la flotte de
Ganteaume. » C'est du 15 au 20 août que l'em-
pereur fut en proie à la plus vive attente. Des
signaux préparés sur les points les plus élevés
de la côte devaient lui apprendre si la flotte
française apparaissait à l'horizon. Toutes les
troupes étaient embarquées, avec les chevaux,
l'artillerie et tout le matériel. On n'attendait
plus que Villeneuve pour lever l'ancre. Que
faisait alors ce malheureux amiral? Tandis
que Napoléon était dévoré d'impatience sur la
plage de Boulogne, il avait fait voile vers
Cadix, tournant ainsi le dos au but de sa mis-
sion, qui était de débloquer Brest.
11 est impossible de se figurer à quelles
explosions de colère se livra Napoléon, lors-
quil lui fallut renoncer à l'espoir de voir
arriver sa flotte dans le détroit. Il n'avait plus
que quelques jours devant lui pour opérer sa
descente en Angleterre, soit à cause de la
saison, qui allait devenir moins favorable, soit
parce qu'une troisième coalition, nouée par
l'Angleterre, allait l'appeler sur le conti-
nent, où il entendait déjà gronder sourdement
l'orage. « Il se livra, dit M. Thiers, à une
longue diatribe sur la faiblesse, sur l'incapa-
cité de tout ce qui l'entourait, se dit trahi par
la lâcheté des hommes, déplora la ruine du
plan le plus beau, le plus sur qu'il eût conçu
de sa vie, et montra dans toute son amertume
la douleur du génie abandonné par la fortune.
Tout à coup, révenu de cet emportement, il se
calma d'une manière soudaine, et, reportant
son esprit avec une surprenante facilité de
ces routes fermées de l'Océan vers les routes
ouvertes du continent, il dicta pendant plu-
sieurs heures de suite, avec une présence
d'esprit, une précision de détail extraordi-
naires, le plan de l'immortelle campagne de
1805. Il n'y avait plus trace d'irritation ni
dans sa voix ni sur son visage. Chez lui, les
grandes conceptions de l'esprit avaient dis-
sipé les douleurs de l'àme. Au lieu d'attaquer
l'Angleterre par la voie directe, il allait la
combattre par la longue et sinueuse route du
continent, et il allait trouver sur cette route
une incomparable grandeur, avant d'y trouver
sa ruine. »
Boulogne (AFFAIRE DE), nom sous lequel on
désigne ordinairement la seconde tentative
armée du prince Louis Bonapart.e pour ren-
verser le gouvernement de Louis-Philippe.
L'échec de Strasbourg ne l'avait point dé-
couragé; soit que, suivant le précepte de son
auteur favori, Machiavel, il fut décidé atout
entreprendre plutôt que de se laisser oublier,
soit que ceux qui l'entouraient cherchassent
à entretenir ses espérances, soit enfin que
l'indulgence avec laquelle l'avait traité le
gouvernement qu'il avait attaqué l'eût rendu
plus téméraire, il résolut de recommencer au
nord l'entreprise hardie qui avait avorté à
l'est. Réfugié en Angleterre, il suivait d'un
regard anxieux la marche des événements
qui se déroulaient en Europe; il voyait la
France, que l'on représentait comme avilie,
parce qu'elle refusait de se jeter dans les
aventures, s'agiter toute frémissante en face
des hautains mépris de l'Angleterre. Par une
imprudence sans exemple, les ministres de
Louis-Philippe venaient de réveiller les tra-
ditions impériales en décidant la translation
des cendres de Napoléon aux Invalides et
l'envoi du duc de Joinville à Sainte-Hélène.
Toutefois, le prince s'exagérait singulière-
ment ses chances de succès; il était loin
d'avoir pour lui la bourgeoisie, qui règle ses
opinions sur les fluctuations de son comptoir,
et qui, par conséquent, est toujours hostile
aux changements politiques; il comptait sur
l'armée, qui ne le connaissait point et que la
discipline enchaînait au drapeau; et il négli-
geait la seule classe où vivaient encore dans
toute leur puissance les souvenirs de l'empire,
c'est-à-dire le peuple : il l'a bien reconnu de-
puis. Il était entré en communication avec
les chefs du parti républicain ; mais ceux-ci
avaient bien vite reconnu que, si l'auteur
des Idées napoléoniennes les acceptait comme
auxiliaires, il n'entendait nullement identifier
sa cause et ses principes avec les leurs.
M. Degeorge, rédacteur du Progrès du Pas-
de-Calais^ eut à Londres, avec le prince, une
entrevue où les deux programmes furent net-
tement expliqués. Le journaliste démocrate,
voyant que la cause qu'il défendait n'avait
rien à gagner à une substitution de gouver-
nement, termina la conversaiion par ces pa-
roles : « Puisqu'il en est ainsi, nous vous re-
cevrons à coups de fusil. » Le prince sourit,
lui serra affectueusement la main et lui ex-
f
irima le regret de n'avoir pu s'entendre avec
a démocratie.
Il faut croire, cependant, qu'il avait un
plus grand nombre d'afridés, et que la con-
spiration avait de plus fortes racines que le
procès ne l'a révélé. Il est certain que le gé-
néral Duehant, commandant de Vincennes,
avait promis de livrer le fort confié à sa
garde; le général Magnan, commandant de
la division du Nord, figurait de son côté sur
la liste des fidèles impérialistes, et l'on est en
droit de supposer que les régiments formant
sa division avaient été travaillés; car, aus-
sitôt après l'événement, ils furent disséminés
dans les garnisons du Midi. Enfin, le colonel
Hu.-son, qui commandait le 42e régiment de
ligne, en garnison à Calais, avait promis de
se réunir avec ses soldats aux conjurés, dès
que ceux-ci auraient opéré leur débarque-
ment. De Boulogne, on se porterait rapide-
ment sur Calais, puis sur Lille; on marche-
rait sur la capitale avec toute la division du
Nord, tandis que les adhérents de Paris s'em-
pareraient à l'improviste des Tuileries.
Il y avait dans ces calculs une apparence
de justesse bien capable d'enflammer d'impa-
tientes ardeurs, sans parler d'autres motifs
qui devaient encourager le prince et lui faire
précipiter sa tentative. Ainsi, après s'être vu,
pour ainsi dire, dédaigné des ho mm» s officiels,
il en avait été subitement recherché, presque
courtisé. Après avoir follement défié la France,
les hommes d'Etat anglais n'étaient pas fâchés
de créer des embarras à son gouvernement.
Ainsi lord Melbourne avait reçu le prince en
audience; lord Palmerston lui avait fait une
secrète visite, dans laquelle il lui laissa peut-
être entrevoir des espérances que sa haine
pour Louis-Philippe le poussait à faire miroi-
ter aux yeux d'un prétendant, mais qu'il ne
songeait guère à réaliser. Des promesses,
soit; mais des effets, c'est autre chose. Il y a
loin de la coupe aux lèvres; on croirait que
ce proverbe a été fait a l'usage des hommes
d'Etat en général, et des hommes d'Etat an-
glais en particulier. Enfin, le bruit courait
dans le monde diplomatique que M. de Bru-
now, l'ambassadeur de Russie, avait fait aussi
sa visite d'encouragement. Certes, ni le mi-
nistère anglais ni l'ambassadeur de Nicolas ne
désiraient une restauration napoléonienne ;
mais on trouvait ce moyen excellent pour
distraire les esprits de la question d'Orient,
détourner les colères de Louis-Philippe et
affaiblir son gouvernement en y jetant de
nouvelles inquietudes.Toutefois.ee n'est point
de ce côté que l'affaire se révèle sous son as-
pect le plus original, à en croire, du inoins,
certains historiens. Ceux-ci affirment que le
gouvernement français lui-même aurait, par
1 intermédiaire d'agents secrets, agi sur le
prince pour le pousser à l'entreprise, afin de
pouvoir mettre la main sur un compétiteur
dangereux. M. Thiers lui-même aurait prêté
la main à cette intrigue; mais ceci est loin
d'être prouvé. Il paraît cependant que l'am-
bassadeur français à Londres était instruit
de tout; qu'il recevait les déclarations les plus
exactes et les [dus détaillées, sans même avoir
à les payer, * Je n'ai pas besoin d'argent,
écrivait-il; les révélations viennent me trou-
ver. » Mais si le gouvernement français eut
vent de l'entreprise, il était bien mal rensei-
gné sur l'époque et le lieu du débarquement;
car il ne prit aucune précaution pour y parer,
et les résistances que rencontra le prince
Louis furent instantanées, individuelles; rien
n'était prévu, aucun ordre n'avait été donné.
Si donc on peut croire que le prince fut, sans
le savoir, l'instrument de la diplomatie étran-
gère, rien ne montre que les ministres de
Louis-Philippe l'aient fait tomber dans un
piège, comme on les en a accusés.
Le premier noyau des conjurés se composa
naturellement du personnel qui avait déjà
figuré à Strasbourg. Parmi les nouveaux, un
des plus actifs fut M. Forestier, commis né-
gociant, qui, en 1839, était entré en relation
avec M. Fialin de Persigny. Plein de zèle et
d'enthousiasme pour la cause napoléonienne,
il distribuait à Paris des brochures bonapar-
tistes dans les casernes, les cabarets ; échauf-
fait les anciens souvenirs chez les vieux mi-
litaires, surveillait tous les détails, ne négli-
geait aucun préparatif. Ce fut lui qui acheta
les uniformes que les conjurés endossèrent
au moment du débarquement. Un autre affilié,
M. Aladenize, lieutenant au 42^ régiment de
ligne, détaché en garnison àSaint-Omor, fai-
sait de la propagande im pénaliste avec autant
d'activité et de dévouement. A Lille, l'homme
le plus important du complot était M. Le Duff
do Mésonan, ancien chef d'escadron d'état-
major mis à la retraite en 1838, et qui nour-
rissait d'aigres ressentiments contre le gou-
vernement de Louis-Philippe. Ce fut dans
cette ville qu'il se rencontra plusieurs fois
avec le général Magnan, qu'il gagna à la
cause du prince Louis Bonaparte. Les conju-
rés crurent alors que l'heure d'agir avait
sonné. Il y avait néanmoins des dissentiments
parmi eux : les rédacteurs du Capitole, jour-
nal impérialiste, et tous ceux qui suivaient en
France le cours des événements voulaient
qu'on ajournât l'exécution du complot à la
mort de Louis-Philippe, ou tout au moins à
une brouille complète de M. Thiers avec la
dynastie; m-ùs à Londres on était impatient,
et l'on résolut de courir les risques d'une so-
lution immédiate. Ce fut la côte de Boulogne
que l'on choisit comme lieu de débarquement,
tant à cause de la proximité que parce qu'on
s'y reliait directement avec la division du
Nord au moyen de la garnison, formée du
42° de ligne, régiment auquel, comme nous
l'avons dit, appartenait le lieutenant Alade-
nize. Arrivés à Boulogne, les conjurés de-
vaient enlever le détachement du 42e, se por-
ter sur la ville haute, s'emparer du château,
contenant cinq mille fusils ; appeler le peuple
aux armes, puis se porter rapidement sur les
grandes places du Nord, où l'on comptait sur
de puissantes intelligences.
Dans le courant de juillet (1840), le prince
fit affréter un bâti ment à vapeur, YEdinburgh-
Castle, appartenant à la compagnie des pa-
quebots à vapeur de Londres, affrètement qui
eut lieu par l'intermédiaire de M. Nupello,
négociant de la Cité, totalement étranger à
la conspiration. Le 4 août, les armes, les mu-
nitions, les bagages furent transportés à
bord, et, le 5 au matin, le prince s'embarqua
avec ses compagnons. Quand on se fut éloi-
gné des côtes, le prince donna ses instruc-
tions, distribua des armes et annonça que le
moment de l'exécution était arrivé. On revê-
tit les uniformes, on chargea les armes, et
chacun se tint prêt pour le débarquement, qui
i eut lieu vers quatre heures du matin sur la
' côte de Wimereux, à une lieue environ de
Boulogne. Le prince avait aussi apporté un
aigle vivant, dressé à tourner en cercle au-
tour de lui; on a dit qu'il obtenait ce résultat
en plaçant tout bonnement un morceau de
j lard sous son chapeau. Les bonapartistes
comptaient beaucoup sur cet aigle apprivoisé
pour émerveiller les masses : c'était se fier
I un peu trop à la bêtise humaine. Quatre hom-
• mes seulement, parmi lesquels se trouvait le'
' lieutenant Aladenize, les attendaient sur la
| plage. A peine débarqués, les conjurés virent
; accourir une brigade de douaniers qui, ne
j pouvant se rendre compte de ce rassemble-
1 ment, ne savaient s'ils avaient devant eux
; des contrebandiers ou des naufragés. Envi-
, ronnés de toutes parts, ils durent se joindre
. au cortège, malgré la résistance de leur chef,.
qui alléguait la fatigue, a 11 n'y a pas de fa-
i tigue qui tienne, s'écria M. de Mésonan, il
fuit marcher. » Et on les entraîna jusqu'à la
ville. Les conjurés s'avançaient autour d'un
drapeau tricolore, surmonté d'une aigle, et
sur lequel étaient inscrites les grandes vic-
toires de l'empire. Lorsqu'ils furent arrivés
au poste de la Grande-Rue, composé de quel-
ques soldats du 42e commandés par le sergent
Morange, M. de Mésonan et le lieutenant
Aladenize s'avancèrent vers les soldats, qui
avaient pris les armes à la vue de cette
étrange troupe, et essayèrent inutilement de
les faire entrer dans le mouvement. Ce triste
début ne les découragea point, et ils se por-
tèrent vers la caserne du 428. Il était cinq
heures du matin, et les officiers n'étaient pas
encore arrivés. Aladenize pénètre dans la
caserne, fait lever les soldats, les range en
bataille , leur annonce que Louis-Philippe a
cessé de régner et les exhorte à reconnaître
le neveu de l'empereur. En ce moment, le
prince pénètre dans les cours avec son cor-
tège; Aladenize le présente aux soldats, qui
commencent à se laisser ébranler, et des cris
de Vice l'empereur! se font entendre. Mais la
scène change brusquement de face. Le capi-
taine Col-Puygellier et les sous-lieutenants
de Moussion et Ragon, qui ont été prévenus,
accourent pour maintenir les soldats dans le
devoir. Alors eut lieu une scène tumultueuse.
Le capitaine Col-Puygellier avait mis l'épée
à la main; les conjurés s'emparent aussitôt
de son bras. Cependant il oppose une résis-
tance opiniâtre et éclate en reproches contre
ceux qui le retiennent. Sa voix est couverte
par les cris de Vioe le prince Louis! * Où est-
il donc? s'écrie-t-il alors. — Me voilà, capi-
taine, répond la prince en s'avançant; soyez
des nôtres, et vous aurez tout ce que vous
voudrez. — Prince Louis ou non, reprend
l'intrépide capitaine, je ne vous connais pas ;
je ne vois en vous qu'un conspirateur... Qu'on
évacue la caserne I » En s'exprimant ainsi, il
continuait ses efforts pour se dégager, to;it
en criant avec force : « Assassinez-moi, mais
je ferai mon devoir. » Enfin, les éclats de
cette lutte bruyante ont éveillé l'attention de
deux compagnies du 42C; les sous-officiers
accourent et arrachent Col - Puygellier aux
conjurés, qui font un mouvement en arrière.
Bientôt ils' reviennent en rangs serrés, le
prince Louis en tête; c'est une tentative su-
prême et désespérée. Le capitaine Col-Puy-
gellier s'avance au-devant de lui, le somme
de se retirer et le menace, en cas de refus,
de faire usage de la force. C'est alors que le
prince Louis, levant sur l'héroïque capitaine
un pistolet armé, l'ajusta précipitamment;
Col-Puygellier se détourna, et la balle attei-
gnit un grenadier on pleine figure.
Les conjurés n'avaient pas prévu une ré-
sistance aussi opiniâtre et surtout un échec
au premier poste qu'ils essayeraient d'enle-
ver; ce coup de pistolet devint le signal de
leur retraite. Les principaux compagnons du
prince, jugeant l'entreprise avortée, le sup-
plièrent de gagner le bateau à vapeur qui-
l'attendait en rude. Il le pouvait presque sans
• obstacle; mais il avait encore quelque esp'oir
et il insista pour marcher sur la ville haute.
Le sous-préfet, averti à son tour, accourait
seul au-devant des conjurés; il les somma de
se séparer et, pour toute réponse, reçut dans
la poitrine tin coup de l'aigle qui surmontait
le drapeau. Il s'éloigne précipitamment et fait
battre le rappel dans les rues, tandis que le
maire ordonne au capitaine du port de s'em-
parer du paquebot. Les conjurés arrivent ce-
pendant aux portes de la ville haute ; mais
ils les trouvent fermées et s'efforcent en
vain de les briser à coups de hache. Ils se diri-
gent alors vers la colonne élevée àla mémoire
de la grande armée. Lombard, qui portait le
drapeau, veut aller le planter sur le sommet;
mais bientôt la force armée arrive de toutes
parts, grenadiers du 42e, gardes nationaux et
citoyens. Toute résistance devient inutile; le
prince est obligé de mettre bas les armes et
de se rendre avec ceux qui l'entouraient; le
reste se disperse et fuit dans toutes les direc-
tions, à l'exception d.e Lombard, qui fut pris
dans l'intérieur même de la colonne.
Les fugitifs, arrivés à la côte, ne trouvè-
rent ni leur bâtiment ni aucune embarcation ;
ils .se jetèrent alors sur un bateau de sauve-
tage, après s'être débarrassés de leurs armes,
et s'efforcèrent de le pousser au large. Des
coups de fusil partirent en ce moment des
rangs de la garde nationale : le colonel Voisin
fut blessé, le sous-intendânt Faure fut tué, et
le poids de son corps, dans sa chute, fit cha-
virer le frêle esquif, qui jeta dans la mer
1102 BOUB
BOUL
BOUL
BOUL
tous ceux qui le montaient. Ce fat une scène
émouvante et terrible. Les gardes nationaux,
réunis sur le rîvags, criblèrent de balles ces
malheureux conjurés, qui se débattaient dans
l'eau sans défense et sans abri, et qui durent
revenir à terre pour ne pas périr au milieu
des flots. Tandis que le prince et le colonel
Vaudrey étaient conduits au château, on ar-
rêtait dans les rues de Boulogne le général
Montholon et le colonel Parquin, ainsi que les
principaux conjurés. Le nombre total des ar-
restations fut de cinquante-trois.
Tout d'abord on ne vit que le côté grotesque
de l'affaire et sa mise en scène ridicule, n Le
petit chapeau, l'épée d'Ansterlitz, l'aigle ap-
privoisé, dit M. Taxile Delord, servirent de
point de mire aux plaisanteries des journaux ;
mviis un général a demi gagné, un régiment
presque embauché, une maison militaire réu-
nie autour de M. Louis Bonaparte, attestaient
que la mise en scène burlesque de cette con-
spiration cachait un fond sérieux.» C'était bien
là ce qui inquiétait l'entourage du roi-citoyen,
et les journaux qui prenaient le mot d'ordre
dans les antichambres des ministères s'effor-
cèrent de e»«hei* leur trouble sou.s une foule de
phrases à effet. 11 en avait été de même à Stras-
bourg, et la facilité des officiers à se laisser
entraîner, l'indécision des soldats étaient de
nature k provoquer bien des réflexions.
Dès que les détails furent connus à Paris,
il y eut dans la presse officielle un concert
d'indignations et de malédictions contre le
prince. Voici en quels termes le Constitution-
nel, qui depuis , s'exprimait sur l'affaire de
Boulogne : a Le fils de la reine Hortense avait
• été insensé à Strasbourg; aujourd'hui, il est
» odieux. Sa monomanie de prétendant faisait
» hausser les épaules; elle indignera aujour-
» d'htii tous les cœurs honnêtes.
i> Que nous veut-il ce jeune homme, et que
» nous est-il? Le peuple français entoure de
» ses respects et de son amour la mémoire de
» son empereur; est-ce à dire que tout ce qui
n s'appelle Bonaparte a le droit de venir trou-
» bler le repos de la France? Monsieur Louis
» s'est mis en tête qu'il avait des droits k la
» couronne. Sur cette prétention, que 33 mil-
» lions de Français pourraient s'arroger aussi
» bien que lui,ii ramasse quelques mécontents
» et s'attaque k la France moine. 11 se croit
» héroïque, et il n'est que tristement ridicule;
» il se dit patriote, et H sert, bien pauvrement,
» il est vrai, la cause des plus mortels enne-
•> mis de son pays.
» Dans tout cela, il n'y a pas même de coù-
i rage. Kn nos temps, ou l'humanité a la voix
• si haute, il y a peu de dangers de mort pour
»> les prétendants (7 août)....
» Les détails dç l'entreprise insensée tentée
» par Louis Bonaparte prouvent que nous
» l'avons qualifiée ce matin comme elle le rnô-
<> ritait. Dans cette misérable affaire, l'odieux
» le dispute au ridicule. Le chef de cette sotte
a conspiration excite tout à la fois l'indigna-
it tion et la pitié. La parodie se mêle au meur-
» tre, et, tout couvert qu'il est de sang, Louis
» Bonaparte aura la honte de n'être qu'un cri-
» ininel grotesque. La misérable équipée du
i prince Louis a soulevé dans le public'plus
» de dégoût que de colère. Si un brave soldat
» n'avait pas été victime de son dévouement,
« on n'aurait guère que des rires de pitié pour
» cet extravagant jeune homme qui croit nous
i» rendre Napoléon, parce qu'il fait des pro-
» clamations hyperboliques etqn'il traîne après
» lui un aigle vivant. Mais c'est une folie cruelle
« que celle qui verse le sang des Français. La
» société doit être vengée. Puisque le précé-
» dent de Strasbourg n'a pas suffi, il faut
» qu'une sévère leçon soit donnée aux aveu-
li turiers coureurs de trônes, et qu'on leur ap-
» prenne une fois pour toutes que la couronne
» de France n'est pas vacante. Aujourd'hui
» nous en avons fini, grâce au ciel, avec une
» factipn ridicule, et un prétendant au moins
» est à jamnis tombé sous les sifflets du pays, o
C'est toujours un crime de tenter d'allumer
une guerre civile au milieu d'un pays qui,
sans être pleinement satisfait de son état po-
litique, ne songe pas à renverser ceux qui
tiennent le pouvoir, au prix de tous les maux
qu'entraîne une tentative inopportune de ré-
volution. Les républicains ne manquèrent pas
d'exprimer aussi leur indignation contre le
prince Louis Bonaparte; mais ils le firent en
d'autres termes et cherchèrent, en outre, k
faire retomber la responsabilité de son échauf-
fonrée sur la classe bourgeoise, sur ceux
mêmes qui soutenaient le gouvernement de
Louis-Philippe. « Si M. Louis Bonaparte, dit
•> lo National, avait triomphé à Boulogne, si
» la fortune l'avait conduit jusqu'à Paris, c'est
» notre parti qu'il aurait trouvé en armes sur
» la place publique, et c'est alors que nous lui
» aurions demandé de quel droit il venait pro-
» poser à la France l'échange d'une couronne
» contre une couronne, d'une dynastie contre
» une dynastie. Mais alors aussi, c'est contre
» nous, assurément, que se serait retour-
» née cette race perverse qui ne salue que
» la victoire, qui n'adore que la force, qui
n place sous toutes ses idolâtries l'idolâtrie
a de son bien-être; race sans cœur et sans
e foi, qui aurait été la première à se pros-
» terner devant un Napoléon empereur et
«maître, qui rit aujourd'hui, qui raille et
u insulte un prétendant déchu et perdu à
» jamais. Pour insulter ainsi, il faudrait
n pourtant n'avoir aucun reproche k se faire.
» Mais qui donc a inspiré k ce prétendant la
» folie de ses entreprises? On l'avait traité
» en prince, et l'on s'étonne qu'il se soit cru des
i droits de prince 1 On l'avait mis au-dessus de
n la loi, et l'on s'étonne qu'il n'ait pas respecté
• les lois! On a été jusqu'à, menacer de la guerre
» une nation voisine par rapport k lui, et l'on
» ne veut pas qu'il se soit cru puissant et dan-
» gereux ! On a ramené tous les souvenirs qui
» se rattachent au nom qu'il porte, et l'on ne
» veut pas qu'il ait songé k revendiquer l'héri-
o tage, lorsqu' un ministre avait proclamé sa
B légitimité 1... B
On sait le reste : le prince Louis fut jugé
par la Chambre des pairs et défendu par la
voix éloquente de M. Berryer, assisté de
M. Marie. Quand il parla lui-même, il s'atta-
cha généreusement k concentrer sur lui seul
la responsabilité entière de l'événement, et il
terminait sa propre défense par ces fières et
nobles paroles :
• Quant k mon entreprise, je le répète, je
B n'ai point eu de complices. Seul j'ai tout ré-
» solu ; personne n'a connu k l'avance ni mes
« projets, ni mes ressources, ni mes espérances.
» Si je suis coupable envers quelqu'un, c'est
» envers mes amis seuls. Toutefois, qu'ils ne
» m'accusent pas d'avoir abusé légèrement de
» courages et de dévouements comme les
» leurs. Ils comprendront les motifs d'honneur
» et de prudence qui ne me permettent pas
B de révéler k eux-mêmes combien étaient
» étendues et puissantes mes raisons d'espérer
» un succès.
» Un dernier mot, messieurs. Je représente
» devant vous un principe, une cause, une dé-
» faite. Le principe, c'est la souveraineté du
B peuple ; la cause, celle de l'empire ; la défaite,
» Waterloo. Le principe, vous 1 avez reconnu;
» la cause, vous l'avez servie ; la défaite, vous
» voulez la venger. Non, il n'y a pas de désac-
» cord entre vous et moi, et je ne veux pas
B croire que je puisse être dévoué k porter la
B peine des défections d'autrui.
» Représentant d'une cause politique, je ne
» puis accepter comme juge de mes volontés et
» de mes actes une juridiction politique. Vos
» formes n'abusent personne. Dans la lutte qui
» s'ouvre, il n'y aqu un vainqueuret un vaincu.
B Si vous êtes les hommes du vainqueur, je n'ai
• pas de justice k attendre de vous, et je ne
» veux pas de votre générosité. »
Une des circonstances les plus curieuses de
ce grand procès fut la méfiance, justifiée ou
non, que le général Magnan et M. Fialin de
Persigny inspiraient à tous les conjurés. Dans
la persuasion où ils étaient d'avoir été trahis,
ils promenaient leurs soupçons de l'un à l'autre,
les arrêtant parfois en même temps sur ces
deux personnages, dont l'attitude, d'ailleurs,
semblait quelque peu embarrassée. Ajoutons
que le prince jugeait ces soupçons mal fondés.
On connaît l'issue du procès : par arrêt du
6 octobre, le prince fut condamné k une prison
perpétuelle; ses compagnons k des peines di-
verses, suivant l'importance de chacun et la
part qu'il avait prise au complot.
Pour de plus amples détails, nous renvoyons
le lecteur k l'excellente suite que M. Elias
Regnault a donnée à l'Histoire de dix ans de
M. Louis Blanc. C'est dans cet ouvrage que
nous avons puisé la plupart des renseigne-
ments qui nous ont servi pour la rédaction de
cet article.
BOULOGNE-SUÏl-SEINE, ville de France
(Seine), arrond. et k 14 kilom. S.-O. de Saint-
Denis, à 8 kilom. 0. de Paris, sur la rive
droite de la Seine; pop. aggl. 13,606 hab. —
pop. tôt. 13,944 hab. Cette localité, agréable-
ment située entre le bois qui porte son nom et
la Seine, s'appelait, sous les premiers rois ca-
pétiens, Meiius-lès-Saint-Cloud. Du Breuil,
dans son Théâtre des antiquités de Paris, nous
apprend qu'en 1319 Philippe V, dit le Long,
« donna permission aux citoyens de sa bonne
ville de Paris et aultres, qui avoient été en
pèlerinage visiter l'église Nostre-Dame de
Boulogne-sur-la-Mer, de faire bastir et con-
struire une église au village de Menus-lez-
Saint-Cloud, et en icelle instituer et ordonner
une confrairie entre eux. B La nouvelle église,
érigée en paroisse en 1343, devint un but de
pèlerinage pour tous les habitants de la con-
trée. En 1429, un prédicateur, le frère Richard,
cordelier, y opéra de véritables prodiges par
son éloquence. Le Journal de Charles VIT
rapporte que les Parisiens accoururent en
foule pour l'entendre, et à leur retour * brus-
loient tables de jeu et tabliers, cartes, billes
et billards, murelis et toutes choses sembla-
bles; et les damoiselles, tous les atours de
leur tête, comme bourreaux, touffeaux, pièces
de cuir ou de baleine, qu'elles mettoient en
leurs chaperons pour estre plus roides; les
demoiselles laissèrent leurs cornes et leurs
queues, et grand foison de leurs pompes, B
L'église où s'étaient opérées de si merveil-
leuses conversions attendit pendant cinq siècles
son achèvement. Comme celle de Boutogne-
sur-Mer, elle devait offrir une nef flanquée de
transsepts rectangulaires; mais, faute de res-
sources suffisantes, on ne put construire ces
transsepts. Il appartenait k notre époque de
voir terminer cet intéressant monument. Des
crédits ont été alloués k cet effet par l'Etat,
en IS60, et la direction des travaux de restau-
ration et d'achèvement de l'édifice a été con-
fiée k M. E. Millet. Actuellement, l'église de
I Boulogne est pourvue des deux transsepts pro-
j jetés jadis, et sa nef s'est augmentée d'une
travée. Les vieilles masures qui l'emprison-
l liaient au nord et oui servaient de sacristie
ont été démolies, et sur leur emplacement on
a établi un jardin. Toutes les parties basses
des éperons du cheeur, ainsi que l'intérieur du
sanctuaire et les croisées k meneaux, ont été
restaurées ou reconstruites. Il en a été de même
des chéneaux et gargouilles qui surmontent
les éperons de la balustrade en pierre formant
couronnement. Du centre du transsept s'élève
un clocher octogone, avec un étage k jour dé-
coré de pilastres et surmonté d'une flèche en
charpente entièrement recouverte de plomb.
L'ancien porche méridional, du xvie siècle, a
été remplacé par un petit porche plus en har-
monie avec le style de l'édifice. Enfin, le tym-
pan de la porte principale de la façade ouest
a été décoré d'un bas-relief dû au ciseau de
M. Pascal et représentant la légende de Notre-
Dame de Boulogne-sur-Mer, c'est-à-dire la
Vierge débarquant avec deux anges.
BOULOGNE
BOULOGNE (Etienne-Antoine nE), prélat
français né à Avignon en 1747, mort à Paris
en 1825. Ordonné prêtre en 1771, il acquit
Quelque réputation par ses succès dans la pré-
dication et dans les concours académiques,
vint k Paris en 1774, encourut l'inimitié de
Christophe de Beaumont, l'irascible arche-
vêque de Paris, qui le frappa d'interdiction.
Quelque temps après, il remporta le prix pour
Y[Çloge du Dauphin (l778), prononça devant
les académiciens le panégyrique de saint
Louis, prêcha à la cour en 1783, fut attaché
successivement à divers évéchés
1
, pourvu
d'une abbaye, et nommé, en 1789, député ec-
clésiastique de la paroisse Saint-Sulpice à
l'assemblée du bailliage de Paris. Il refusa le
serment à la constitution civile du clergé, se
cacha pendant la Terreur, et devint, sous
l'Empire, chapelain de Napoléon, puis évêque
de Troyes; mais l'opposition qu'il fit à quel-
ques volontés de l'Empereur lui attira des
persécutions, et il fut deux fois enfermé dans
le donjon de Vincennes. Louis XVIII le nomma
archevêque de Vienne et pair de France. On
le compte parmi les bons prédicateurs moder-
nes , malgré les adulations dont ses sermons
et ses discours sont parsemés. Ses œuvres ont
été publiées en 1827. Il a aussi prêté sa plume
aux journaux royalistes et à un grand nombre
de recueils religieux.
BOULOGNEBOULOGNE (bois de), promenade habituelle
du Paris élégant, une des principales et des
plus fréquentées. Il a pendant longtemps été
désigné sous le nom de forêt de Itouvray, k
cause des chênes rouvres qui y poussaient en
toute liberté, abritant quelques nuttes de bû-
cherons et de charbonniers. Des bourgeois de
Paris , revenant d'un pèlerinage à Boulogne-
sur-Mer, obtinrent la permission d'édifier sur
les bords de la Seine une église pareille
k celle qu'ils avaient visitée. En l'année
1319, le jour de la Purification, le roi de
France, Philippe V, dit le Long , posa la pre-
mière pierre de Notre-Dame de Boulogne, au
hameau de Menus-lez-Saint-Cloud, qui devint
le village de Boulogne-sur-Seine. En 1320 , la
forêt de Rouvray abdiqua son ancien nom, et,
se plaçant sous l'invocation de la nouvelle
église, s'appela bois de Notre-Dame de Bou-
logne. En 1417, le bois de Notre-Dame de
Boulogne, qu'on appelait aussi bois de Saint-
Cloud , adopta définitivement la dénomination
de bois de Boulogne. Toutefois, nous voyons
encore, beaucoup plus tard, Olivier le Daim ,
barbier et ministre de Louis XI, prendre les
titres de capitaine du pont de Saint-Cloud et
garde général de la garenne de Rouvray.
Lors de la Révolution,Te bois de Boulogne ne
présentait guère à la vue des promeneurs que
des arbres décrépits, craquant sous le poids
des ans. Napoléon 1er le dota de plantations nou-
velles et d'avenues, et en fit une des promenades
les plus agréables des environs de Paris j
mais, en 1815, lors de l'invasion étrangère, les
soldats de Wellington et les cosaques d'A-
lexandre, campés sous ses ombrages, le rava-
gèrent et lo mutilèrent. En 1840, la con-
struction de l'enceinte fortifiée en diminua
l'étendue : il ne compta plus que 765 hectares
de superficie et 13,760 m. de tour. Enfin, en
1852, il a été distrait du régime forestier et
concédé k la ville de Paris, qui l'a fait dispo-
ser en superbe parc à l'anglaise. Resserré du
côté d'Autcuil, agrandi du côté de Long-
champs, le bois de Boulogne embrasse main-
tenant plus de 900 hectares. 11 est enclos de
murs et fermé par onze grilles, savoir : deux
au nord, la porte Maillot et la porte de
Neuilly ; quatre à l'ouest, les portes de Saint-
James , de Madrid, de Bagatelle et de Long-
champs; deux à l'extrémité méridionale, celle
de Boulogne et celle des Princes ; les trois
dernières font communiquer le bois avec les
villages d'Auteuil et de Passy et avec le fau-
bourg de Chaillot : celle qui donne sur Passy
s*appelle la Muette. — Les voitures pénètrent
dans le bois de Boulogne, dont l'entrée est
gratuite, et plusieurs omnibus y aboutissent
de l'intérieur de Paris. Il a sur nos jardins
publics cet immense avantage qu'on le trouve
ouvert k toute heure du jour et de la nuit.
Pourquoi faut-il que la vie galante y ait éta-
bli son centre d'action ? Mais n'anticipons
pas ; finissons-en avec le sérieux, avant d'en-
trer dans le domaine du plaisant.
Le bois de Boulogne a donc été considéra-
blement embelli depuis que la ville de Paris
en a pris possession. Un simple jardinier, qui,
sans éducation première, dessinait sur le ter-
rain les jardins paysagers les plus pittores-
ques, M. Warée, créa le premier ces amélio-
rations importantes. C'est sur ses indications
qu'une rivière, dont les eaux entourent des
îles verdoyantes, a été creusée. Les chaussées
principales ont été macadamisées et bordées
de gazon. Des routes spacieuses, de larges ave-
nues, dont plusieurs sont éclairées au gaz sur
une longueur de plus de 1,000 m., aboutissent
maintenant à des sites ravissants , k des lacs,
à des chalets, à deux cascades artificielles, à
des restaurants, à des cafés, à des jeux et à des
divertissements de toutes sortes. Une enceinte
nouvelle a été tracée. Par suite, le bois se
trouve limité , k l'est, par les fortifications ; k
l'ouest, par la rive droite de la Seine, depuis
la ville de Boulogne jusqu'à Neuilly; enfin, au
nord et au sud, par deux vastes boulevards ,
défendus au moyen d'un saut-de-loup , et qui
s'étendent, des fortifications à la Seine, sur
une longueur de plus de 8 kilom. Ces deux
boulevards sont bordés d'une grille élégante,
d'un modèle uniforme, au delà de laquelle
s'élève tout un monde de villas et de gracieux
cottages.
Dans le bois de Boulogne se voyait autrefois
le château de Madrid , attribué au roi Fran-
çois I
e r
, qui l'aurait construit en souvenir et
sur les dessins de celui où Charles-Quint le
tint captif après la défaite de Pavie. ïl s'y
rendait fréquemment et s'y plaisait beaucoup.
Henri Iï et Charles IX le réduisirent aux pro-
portions galantes d'une retraite mystérieuse.
Henri III le consacra k des plaisirs singuliers,
y fêta ses mignons et y fit élever des lions,
des ours et d'autres bêtes féroces, qu'il aimait
a voir aux prises avec des taureaux. Mais,
une nuit, ce dépravé sanguinaire rêva que ces
animaux voulaient le dévorer ; le lendemain,
il donna l'ordre de les tuer et de les remplacer
par des meutes de petits chiens. C'est au châ-
teau de Madrid que Jean Hindret établit, en
1656, les premières fabriques de bas au mé-
tier. Ce lieu de plaisance, dont les principales
parties furent détruites sous Louis XV, n'est
plus qu'un restaurant, rendez-vous de la so-
ciété élégante de Paris. Non loin de là est
Bagatelle, charmante demeure que le comte
d'Artois fit construire en soixante - quatre
jours, et qui porta aussi le nom de Folie-d'Ar-
tois. On lisait, au-dessus de sa porte, ces trois
mots en guise d'épigraphe: Parva sed opta.
Bagatelle servit k des fêtes publiques sous la
Révolution. Le duc de Bordeaux y fut élevé ,
et elle est aujourd'hui la propriété du marquis
de Hertfort.
Le château de la Muette, qui fait également
partie du bois de Boulogne, était dans l'ori-
gine un rendez-vous de chasse, où Charles IX,
le héros de la Saint-Barthélémy, venait tirer
le cerf et le sanglier, en attendant qu'il se
donnât le royal plaisir de chasser au nugue»
not, du haut du balcon du Louvre. Marguerite
de Valois, première femme de Henri IV,l'offrit
au jeune roi Louis XIII, en 1610. La Muette
était devenue la propriété d'un sieur Fleuriau
d'Amenonville,lorsque la duchesse de Berry,
cette aimable fille du régent qui mourut dans
une orgie, l'acheta en échange du château de
Madrid. Lorsque les plaisirs de toutes sortes
eurent tué la duchesse, en 1719, la Muetto
resta au domaine royal ; réparé, augmenté
d'un étage , agrandi par ses jardins aux dé-
pens du bois de Boulogne, ce galant réduit,
qui avait donné asile aux excès et aux scan-
dales de la Régence , reçut, quelques années
plus tard, à son arrivée en France, Marie-»
Antoinette, qui, la veille de son mariage, y
passa la nuit. Le couple royal l'habita les pre-
miers mois qui suivirent l'avènement de
Louis XVI au trône, et c'est de la Muette que
fut daté l'acte par lequel ce roi renonçait à
son droit de joyeux avènement. La première
ascension aérostatique qu'on ait vue h Paris
fut entreprise par Pilâtre des Roziers et le
marquis d'Arlandes, le 21 octobre 1783, k une
heure cinquante-quatre minutes de l'après-
midi, dans les jardins de la Muette, Ce fut
dans ces mêmes jardins que la commune de
Paris offrit, le 14 juillet 1790, aux fédérés, un
banquet de 15,000 couverts. L'année d'après,
une partie de la Muette fut vendue comme
bien national ; l'autre demeura la propriété de
l'Etat, puis de la couronne, jusqu'en 1803,
f époque à laquelle elle fut aliénée. Le fameux
i facteur d'instruments de musique , Sébastien
| Erard,futlongtemps propriétaire de la Muette,
j où il avait rassemblé une galert? précieuse do
tableaux. Après sa mort, le docteur Guériny
installa un établissement orthopédique.
Continuons notre promenade. l'evant la
Muette est le Ranelagh , bal champêtre long-
temps en vogue et qui fut le berceau du can-
can , rendez-vous des Madeleines les plus en
vogue et les moins repentantes, dont la devise
est : « Sans danser peut-on vivre un jour?»
La plus timide d'entre ces belles pécheresses
vous chantera :
J'ai le front pur et l'âme d'une sainte;
Je tiens fort bien ma plac\ dans un festin...
J'ai le défaut de boire un peu d'absinthe,
Et n'mets jamais un' goutt' d'eau dans mon vin.
L'inventeur de ce genre d'établissement, qui
comporte la promenade dans lps bosquets, les
concerts, la danse et les feux d'artifice, était
un lord d'Irlande. Celui qui importa chez nous
la noble création du lord se nommait Morisan.
Il était protégé par le prince de Soubîse, gou-
verneur du château de la Muette et grand
çruyer ; mais le grand maître des eaux et
lorêts de la généralité de Paris, siégeant k la
table de marbre du Palais-de-Justice, lit fer-
mer le Ranelagh, qui avait ouvert ses portes
le 25 juillet 1774. Les juges dont était prési-
dent ce personnage, qui n'aimait pas la danse,
reçurent l'opposition du procureur général dû
roi aux actes de permission donnés par le
prince de Soubise. * Nous permettons , dit un
arrêt du 3 juillet 1779 , de faire assigner aux
délais de l'ordonnance, en la cour, Morisan et
Renard, et cependant, par provision , ordon-
nons que , dans le jour de la signification du
présent arrêt, lesdits Morisan et Renard seront
tenus, chacun en droit soi, de faire abattre et
démolir les cheminées, fours et fourneaux par
eux construits dans le bois de Boulogne ; tai-
sons aussi défense par provision, auxdits Mori-
san et Renard, de récidiver d'allumer dans leurs
loges, enceintes , Ranelagh et baraques, au-
cuns feux, sous peine de galères. Au surplus,
faisons défense de continuer aucuns ouvrages,
k peine d'être, les contrevenants, ouvriers et
voituriers, emprisonnés sur-le-champ. » Le
Ranelagh triompha de ses ennemis, et prosr
péra pendant de longues années. Il était célèbre
surtoutsous la Restauration, et ses bals de nuit
seuls sont restés en vogue de notre temps.
Si jadis la mère y conduisait sa fille, à présent
l'ingénue qui s'y égare dans le doux espoir
d'un prince russe dépose ses parents au ves-
. tiaire, par mesure de prudence. Là, plus d'une
dame du lac vient achever le rêve commencé
aux alentours de la Cascade, rêve émaillé de
cachemires et de huitrressorts ; lk encore, plus
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d'une biche (c'est le nom de ces dames) vient
sourire aux vieux cerfs de la finance et aux
jeunes daims de la fashion.
La vogue du Ranelagh a beaucoup souffert
de la création du Pré-Catelan. Qu'était-ce , il
y a dix ans, que le Pré-Catelan? Un amas de
sable et de cailloux , une lande effondrée , ra-
boteuse et marécageuse, mesurant quatre
hectares, qui furent concédés, le 27 mars 1856,
à. M. Nestor Roqueplan , pour une période de
quarante années, à la condition d'y faire un
établissement public. M. Ernest Ber se char-
gea de mettre en valeur ces quatre hectares.
Le 12 avril, les terrassiers se mettaient à
l'œuvre, et on transportait deux cent cinquante
mille tombereaux de terre végétale et de terre
de bruyère pour les premiers travaux de ni-
vellement et de remblai. Des légions de jar-
diniers, sous la direction de M. Barïllet-Des-
ehamps, jardinier en chef du bois de Boulogne,
improvisèrent un Eden sur cette terre désolée.
En trois mois, et moyennant 400,000 francs,
le miracle fut accompli. Huit mille arbres, des
essences les plus rares et du plus beau feuil-
lage , se trouvèrent plantés en un clin d'œil ;
de toutes parts se groupèrent d'immenses cor-
beilles de fleurs, de vertes pelouses, des mas-
sifs, des constructions légères et charmantes,
kiosques, chalets, pavillons, cafés, cabinet de
lecture, restaurant, théâtres de prestidigita-
tion, de marionnettes, un théâtre des fleurs,
muni de herses à gaz, de dessous, de trucs et
de machines comme un spectacle de féeries,
décoré de plantes nouvelles venues à grands
frais de Belgique et de Hollande, enfin un
aquarium de pisciculture. Ajoutons que la
concession , qui n'était d'abord que de quatre
hectares, s'étendit à plus de cent mille mètres.
Tous les dimanches, à trois heures, le concert
Musard attire la foule au Pré-Catelan.
L'origine de ce nom de Pré-Catelan doit
être rappelée. Devant l'établissement lyrique,
à l'ancien carrefour de la Croix-Catelan, s'é-
lève une petite pyramide qui rappelle une
lugubre histoire. Arnauld de Catelan, trouba-
dour provençal, le charme et la gloire de la
cour de Béatrix de Savoie, avait été envoyé
au roi Philippe le Bel. Le roi, qui était alors
dans son manoir de Passy, chargea une es-
corte d'aller au-devant du poëte ; mais le bruit
s'était répandu que Catelan apportait, de la
part de la comtesse, de l'or et des bijoux, et
il fut tué par ceux qui avaient mission de le
protéger. On ne trouva sur lui que des par-
fums et des liqueurs. Les gens de l'escorte
vinrent dire qu ils n'avaient pas rencontré le
troubadour. Des recherches, ordonnées par le
roi, firent découvrir le cadavre dans les brous-
sailles; mais on supposa que les assassins ap-
partenaient aux bandes qui infestaient la forêt.
La vérité ne tarda pas à être connue. Le ca-
pitaine de l'escorte se présente àquelque temps
de là devant le roi, les cheveux embaumés
d'une essence inconnue à la cour de France,
et dont l'origine provençale se trahissait. Une
perquisition amena la découverte d'une foule
d'objets provenant d'Arnauld de Catelan. Les
coupables furent brûlés vifs, et Philippe le Bel
éleva à la mémoire de la victime la pyramide
qui existe toujours.
Le bois de Boulogne offre encore à la curio-
sité publique le Jardin zoologique d'acclimata-
tion, où se promènent des zèbres et des lamas ;
puis les glacières de la ville de Paris, où se
recueillent, chaque hiver, environ trente mil-
lions de kilogrammes de glace. A ses portes ,
sur l'avenue deSaint-Cloud, est l'Hippodrome,
magnifique spectacle équestre, ouvert quatre
fois par semaine, de 3 à 5 heures de l'après-
midi. Construit d'abord au rond-point de l'E-
toile, un incendie le détruisit le 27 juillet 1S-J6.
A l'extrémité sud-ouest et dans l'enceinte
même du bois de Boulogne, entre Boulogne et
le pont de Suresnes, s'étend la plaine de i -ong-
champs, achetée en 1854. Il a fallu des travaux
considérables pour la réunir au bois et y créer
un vaste hippodrome, répondant à toutes les
exigences pour les courses du gouvernement
et celles de la Société d'encouragement. La
plaine^était coupée par un bras de la Seine,
inutir à la navigation ; un mur de clôture et
un mamelon élevé, au sommet duquel appa-
raissait l'ancien cimetière de Boulogne , la
séparaient du bois. Le mur a été jeté bas; le
mamelon a fourni 220,000 mètres cubes de dé-
blais, qui ont servi à niveler la plaine et à
combler le bras du fleuve. Certaines parties de
ce vaste fossé, ayant été réservées, forment à
présent trois pièces d'eau reliées entre elles
par un petit ruisseau qui, après avoir serpenté
dans la plaine, où il baigne le pied d'un ancien
moulin à vent, va aboutir à la porte de Long-
champs. L'hippodrome contient deux pistes de
30 mètres de largeur ; l'une, tracée dans la
plaine, a 2,000 mètres de longueur; l'autre,
qui se développe en partie sur le plateau en
pente douce , reliant la plaine au bois, est de
4,000 mètres. Dévastes et élégantes tribunes,
adossées 6, la Seine en face du bois, ont été
construites en 1850 ; elles peuvent donner ac-
cès à 5,000 personnes. Douze kilomètres de
route de 20 mètres de largeur ont été disposés
autour des pistes et sur les rives de la Seine.
La route qui côtoie le fleuve se prolonge par
un boulevard en dehors du bois jusqu'au pont
âe Saint-Cloud. Deux cent mille pieds d'arbres
et d'arbustes ont été, en 1855, jetés dans la
plaine, en massifs isolés, ménageant des per-
spectives sur le mont Vaiérien, Saint-Cloud,
Aieudon, le viaduc du chemin de fer de Ver-
sailles, le pont de Suresnes, Neuilly et le clo-
cher de Boulogne. Une cascade, qui n'a pas
moins de 14 mètres de hauteur sur 64 de lar-
geur , se dresse à l'ancienne porte de Long-
champs, et est alimentée par le trop-plein des
lacs et les ruisseaux du bois. Quant à la plaine
située entre le pont de Suresnes et Neuilly,
elle ne fut attaquée qu'en 1856; un champ
d'entraînement, complément indispensable du
magnifique hippodrome, fut établi à cette
époque dans cette nouvelle partie du bois.
Le bois de Boulogne est, chaque année, le
but de la promenade célèbre de Longchamps.
Cefutaucommencementdu règne de LouisXV
que se régularisèrent ces pèlerinages fameux
de la haute société de Paris à 1 abbaye de
Longchamps, pendant les trois derniers jours
de la semaine sainte, pèlerinages qui, comme
tant d'autres, eurent pour but la galanterie,
l'ostentation ruineuse et cette dévotion com-
mode que les gens du monde pratiquent au
grand profit du haut clergé. Le monastère de
Longchamps, qui aura son article spécial dans
ce Dictionnaire (V. LONGCHAMPS), abbaye de
religieuses de l'ordre de Saint-François, fondé
vers le milieu du xm® siècle par Isabelle,
sœur de saint Louis, a compté des prin-
cesses parmi ses religieuses; mais Henri IV
s'étant avisé d'y aller prendre une maîtresse ,
Catherine de Verdun, à laquelle il donna un
prieuré et dont il protégea le frère, la disci-
pline en fut singulièrement compromise. Les
nonnes de Longchamps ne tardèrent pas à se
livrer à toutes sortes de scandales. Elles portè-
rent des «vêtements immodestes » et leurs par-
loirs furent ouverts « aux premiers venus ».
Les relations avec la capitale devinrent de plus
en plus fréquentes, et les Parisiens préludaient
par des promenades partielles à la grande pro-
menade périodique. Une célèbre actrice de l'O-
péra, M
l
'e Le Maure, fit, en 1729, retentir de
ses notes brillantes les voûtes de l'église de
Longchamps, et tout Paris vint l'entendre. Les
religieuses, formées à ses leçons, chantèrent
Ténèbres pendant la semaine sainte, et le suc-
cès fut tel, que l'abbesse se mit en quête de
belles voix et en demanda aux chœurs de l'O-
péra. Les dryades du Triomphe de l'Amour se
transformèrent en vierges du Seigneur, et
l'on accourut comme au spectacle : on assiégea
les portes, on escalada les galeries, on se hissa
sur les tombeaux, sur les autels, on se glissa
un peu partout, et il y eut plus d'une fois er-
reur sur la qualité des vierges chantantes,
plus d'une fois confusion entre celles qui l'é-
taient toute l'année et celles qui ne l'étaient
?ue trois jours l'an, tant il est vrai que l'habit
ait le moine. L'effroyable cohue dura plu-
sieurs années. Certain mercredi saint, le flot
mondain trouva portes closes par ordre de
M. de Beaumont, archevêque de Paris. Le
pèlerinage annuel n'en continua pas moins,
l'habitude était prise ; mais on tourna l'église
au lieu d'y entrer : c'était une inauguration
des promenades, une fête publique du prin-
temps, un salut donné en grande pompe aux
premiers rayons du soleil, aux feuilles nou-
velles et aux modes à venir. On y accourut de
Paris, de Saint-Germain et de Versailles, à
pied, à cheval et en voiture, les dames eu
grande toilette, les officiers de la maison du
roi en brillant uniforme, la finance avec ses
dorures, ses diamants et son opulence de
fraîche date, les filles d'Opéra dans leur luxe
insolent, les beautés à la mode, les impures,
comme on les appelait, se pavanant dans leur
effronterie acclamée. Dès le mercredi saint le
défilé commence : carrosses somptueux, car-
rosses de remise, calèches, fiacres, cabriolets,
chaises à porteurs, vinaigrettes, encombrent les
allées des Champs-Elysées et du bois de Bou-
logne ; lès cavaliers font piaffer leurs élégantes
"montures et menacent d'écraser les piétons,
qui nomment tout haut les maîtresses avouées
des princes et des ducs. Allez , rois d'un jour
et reines d'une heure, qui ferrez d'argent vos
fringants chevaux et dorez vos laquais , pen-
dant que le peuple souffre et geint; allez, so-
ciété prodigue, société désordonnée, société
en putréfaction, allez à Longchamps, où vous
guette la ruine, au retour vous trouverez la
Révolution qui s'apprête à venger vos mépris,
vos duretés et vos scandales.
De 1750 à 1760, Longchamps atteignit son
apogée. Une certaine solennité y présidait, et
le sceptre de la mode n'y était pas encore
laissé aux mains des courtisanes. Cela vint
vite, grâce aux fermiers généraux et aux
grands seigneurs, qui se disputèrent au poids
• de l'or des filles sans nom, sans esprit, sans
cœur, parfois sans beauté, ramassées dans la
boue et, comme par une sorte de dépravation
raffinée, hissées de la borne abjecte au trône
triomphal. Ainsi les Mémoires secrets nous
disent qu'à la promenade de mars 1768, favo-
risée par un temps admirable, « les princes, les
grands du royaume » se montrèrent « dans les
équipages les plus lestes et les plus magnifi-
ques ; » Bachaumont, qui ne songe guère à
critiquer, ajoute : « Les filles y ont brillé à
leur ordinaire; mais M^e Guimard, la belle
damnée, comme l'appelle M. Marjnontel, a at-
tiré tous les regards par un char d'une élé-
gance exquise , très-digne de contenir les
grâces de la moderne Terpsichoie. Ce qui a
surtout fixé l'attention du public, ce sont les
armes parlantes qu'a adoptées cette courti-
sane célèbre : au milieu de l'écusson se voit
un marc d'or , d'où sort un guy de chêne. Les
Grâces servent de supports, et les Amours
couronnent le cartouche. Tout est ingénieux
dans cet emblème. * Bachaumont est bien de
son temps ; il ne s'aperçoit pas que ce blason
révèle un lucre honteux, il oublie l'impudence
de l'aveu pour ne songer qu'à l'esprit de l'ef-
frontée ballerine, qui d'ailleurs vivait sur une
bonne feuille, comme disait Sophie Arnould,
la feuille des bénéfices, ayant parmi ses
amants un évêque, M. de Jarente. La chan-
teuse Duthé succéda à la Guimard dans le
rôle de beauté à la mode. En avril 1771, elle
apparaît à Longchamps dans un équipage doré,
traîné par six chevaux comme celui d'une
princesse du sang. Deux jours de suite elle
excite l'admiration; elle se croit sans rivale ;
mais, le troisième jour, un équipage également
doré, également traîné par six chevaux, vint
f
aloper à côté du sien. Une obscure petite
lie , au museau de Chinoise, MU" Cléophile,
danseuse en double de l'Opéra, venait opposer
carrosse contre carrosse et faire assaut avec
la beauté fade et régulière de la Duthé. L'am-
bassadeur d'Espagne, le duc d'Aranda, s'était
donné le noble plaisir d'équiper ainsi la petite
Cléophile, cette jolie pécheresse qu'un mal
horrible, que le ténor Lainez appelait anti-
social, allait bientôt tuer. Un an après, la
Duthé fut huée et sifftée; elle était alors la
maîtresse du comte d'Artois, marié depuis peu
à Marie-Thérèse de Savoie. Ainsi, à Long-
champs comme partout, les reines éprouvent
l'inconstance du public. Cette fois, les Pari-
siens prenaient parti pour la comtesse délais-
sée , malgré le mot de M. de Bièvre , qui, in-
struit des visites du comte d'Artois chez la
courtisane, avait dit : « Las de biscuits de
Savoie, il vient prendre du thé. »
L'affluence de comédiennes et de femmes
équivoques offrait un spectacle si scandaleux,
qu'orutenta, en 1776, de fermer les portes du
bois durant la semaine sainte ; mais cette
tentative avorta. En 1777, l'héroïne de Long-
champs fut la tragédienne Raucourt, la proté-
gée de Marie-Antoinette, en dépit d'une vie
licencieuse et désordonnée. La promenade de
1730 fut des plus brillantes, malgré le froid.
La file des équipages allait sans interruption
depuis la place Louis XV jusqu'à la porte
Maillot, entre deux haies de soldats du guet.
Les voitures circulaient plus librement dans
le bois, dont la garde était confiée à la maré-
chaussée. On signala comme des merveilles
deux carrosses de porcelaine. L'un, occupé
par la duchesse de Valentinois, avait pour
attelage quatre chevaux gris pommelé, dont
les harnais étaient de soie cramoisie, brodée
en argent ; h. second appartenait à MUe Beau-
pré, figurante de l'Opéra; il était enrichi de
peintures représentant les amours de Diane
et d'Endymion. Toute l'admiration se porta
sur le second véhicule, que traînaient quatre
chevaux isabelles, harnachés de velours bleu
foncé, rehaussé d'une élégante et somptueuse
broderie en or. Le quatrain suivant, œuvre
d'un poëte qui passait, fut remis respectueu-
sement à la duchesse éclipsée :
Belle Valentinois, laissez sous la remise
Ce carrosse fragile, avec raison vanté;
La vertu d'opéra doit, en toute entreprise,
L'emporter en fragilité.
Le char de la Beaupré, dont le prince de
Montbarrey avait fait les frais, reparut l'année
suivante avec un prince du sang, le duc de
Chartres , pour écuyer cavalcadour : « Ce qui,
dit la chronique, n'augmenta pas pour lui la
vénération publique. » Le Longchamps de
178] brilla peu, malgré la présence du comte
et de la comtesse d'Artois, du duc et de la
duchesse de Bourbon. Il y eut pendant quel-
ques années diminution progressive dans le
luxe et le nombre des équipages. Pourtant les
modes atteignaient un degré d'extravagance
qui aurait du augmenter encore les splendeurs
et les folies de leur fête annuelle. Les étoffes
opéra-brûlé, entrailles de petit-maitre, soupir
étouffé, cuisse de nymphe émue, ventre de puce
en fièvre de lait, faisaient alors les délices du
beau monde ;les hommes se coiffaient à Y oi-
seau royal, au cabriolet, à la liamponneau, à
l'hérisson ; les femmes se coiffaient à l'enfant,
pour plaire à la reine, qui venait de perdre ses
cheveux à la suite d'une couche, et les pouffs
disaient leur dernier mot; on allait voir pa-
raître les gigantesques bonnets à la Belle-
Boule, à la é'Estaing, au ballon à la Montgol-
fier, au Port-Mahon, au compte rendu, aux
relevailles de la reine, les chapeaux à la caisse
d'escompte , chapeaux sans fond, comme leur
marraine. Les carrosses massifs avaient été
remplacés par les wiskys ou garricks. Il en pa-
rut un au Longchamps de 1786, qui fit merveille.
Cette année-là, les- demoiselles Adeline et
Deschamps, de la Comédie-Italienne, furent
acclamées. La première avait reçu de
M. Weynnerange, intendant des postes et re-
lais, un présent de mille louis pour son Long-
champs. La seconde est nommée par Delille,
dans une Epitre sur le luxe :
Cette beauté vénale, émule de Deschamps,
Des débris de vingt ducs scandalise Longchamps.
Cette Deschamps, qui se vantait d'avoir, à
trente ans, dévoré deux millions, était montée
à un degré d'opulence qui lui fit adopter le
luxe insolent de border les bourrelets îe sa
chaise percée de dentelles d'Angleterre, et
d'orner de strass les harnais de ses chevaux.
Dix années qu'elle passa à Saint-Lazare ven-
gèrent son mari de ses désordres.
Une modification essentielle, introduite au
Longchamps de 1787, lui rendit un moment
son primitif éclat. On renonça à suivre la
route inégale et sablonneuse de l'abbaye, pour
adopter 1 allée qui va de la Muette à Madrid.
Depuis longtemps on n'avait vu tant de
monde tant de voitures aussi belles et aussi
bizarres; les wiskys y brillaient surtout; beau-
coup de petits-maîtres, beaucoup de dames
avaient fait faire une voiture différente pour
chaque jour. Un wisky, plus bizarre et plus
galant que les autres, accapara la curiosité ;
ce wisky était surmonté d'une Folie avec sa
marotte : dedans étaient quatre marionnettes,
deux de chaque sexe, saluant à droite et à
gauche sans cesse; tout cela était mené par
un ànon joliment harnaché, et un jockey diri-
geait l'animal. On lisait sur la voiture : « D'où
viens-je? Où vais-je? Où suis-je? » Le marquis
de Villette passa pour être l'auteur de cette
ingénieuse critique, que l'on appela \o.Parodie
de Longchamps. La Révolution interrompit
Longchamps, que les vainqueurs de thermidor
devaient ressusciter. Avril 1797 vit la jeunesse
dorée prendre ses ébats à Longchamps, le jour
du ci-devant mercredi saint. Une ioule élé-
gante et badine vint y chercher un parfum
d'ancien régime; mais il y eut encore peu de
voitures, et l'on ne distingua qu'un seul équi-
page à quatre chevaux conduit par des laquais
vêtus à l'anglaise. Le jeudi, les équipages se
montrèrent plus nombreux, allant et venant
sur deux lignes parallèles. La citoyenne Tal-
lien, la citoyenne Récamier; deux comédien-
nes, la citoyenne Lange, qui devait épouser un
carrossier, et la citoyenne Mézeray, qui devait
aller tomber, pour ne plus se relever, à deux
pas de l'égout de Montmartre et mourir folle,
après avoir captivé un instant le maître de
l'Europe, bien d'autres sirènes et bien d'autres
nymphes eurent les honneurs de la journée.
Le vendredi, on compta deux mille voitures, et
les mêmes héroïnes reparurent avec des toi-
lettes différentes. Franconi avait réuni ses mu-
siciens dans une vaste gondole, qu'escortaient
une foule d'écuyers ; il donna un concert am-
bulant aux promeneurs, depuis la place
Louis XV jusqu'à Bagatelle. Des troupes à
pied et à cheval ^ des agents de police s'éche-
lonnaient sur toute la route, car le gouverne-
ment était averti qu'une grande conspiration
se préparait et que l'on devait profiter de
Longchamps pour prendre le chemin de la Ré-
volte. Les Parisiens raillaient les nouveaux
enrichis, insolents et superbes. Les merveilleux
de l'an VIII figurèrent a Longchamps en habit
gros bleu, brodé en soie bleu de ciel, à collet
triplement juponné, avec cravate nouée'sur le
côté gauche, gilet à la débâcle, et demi-che-
mise de batiste. Les couleurs chamois, serin
et violet dominaient dans les ajustements des
dames. La coiffure en vogue était le fichu en
marmotte sur un chapeau de paille. En 1800 ,
Longchamps mêle à sa fête le spectacle d'une
revue. « Les promeneurs étaient nombreux,
dit M. Alfred Deberle dans Dupuytren, de frin-
gants équipages emportaient les oisifs dans le
tourbillon des Champs-Elysées; des cavaliers
lancés à bride abattue fendaient l'air déjà
E
arfumé des douces émanations du printemps.
,es incroyables, en habits carrés et coiffés en
caniches, lorgnaient effrontément de tous
côtés ; quelques merveilleuses en costume grec
essayaient de lutter de grâce contre les ca-
prices de la mode. Des jeunes gens, ayant les
cheveux coupés à la Titus ou à la Caracalla,
escortaient de jeunes femmes aux perruques
blondes, frisottées à la Bérénice ou a la sacri-
fiée, qui portaient majestueusement sur le bras
les plis relevés de leur robe de linon traînante. »
Les préoccupations du jour étaient moins à la
mode qu'à la guerre, on s'entretenait du premier
consul. On l'avait vu le matin même passer
en revue les régiments qui traversaient Paris
pour se rendre aux frontières. Les noms de
Masséna et de Moreau, ceux de Bonaparte et
de Cambacérès circulaient de bouche en bou-
che. Le temps n'était pas loin où les coquettes
allaient porter du linon sur la chemise au mois
de mars, même au mois de janvier, laissant la
robe , collée aux cuisses, dessiner les formes
(non pas celles de la taille seulement) drapées
dans une simple mousseline bien claire et sans
apprêt appliquée comme un linge mouillé sur
la peau. Les femmes en vinrent à paraître
presque nues à Longchamps; après avoir ac-
commodé leurs cheveux au sentiment, elles
eurent sur le sommet de la tète des houppes
appelées tempérament, ce qui fit dire : • Nos
femmes ont quitté le sentiment; elles n'ont
plus que du tempérament. » Les élégants bril-
laient dans les dîners au bois de Boulogne; la
pelouse du Ranelagh était en faveur. Luce de
Lancival nous a laissé un tableau de Long-
champs en l'an X :
Célèbre qui voudra les plaisirs de Longchamps,
Pour moi, je choisis mieux le'sujet de mes chants,
Mon pinceau se refuse à la caricature.
J'abandonne à Callot la grotesque figure
Du dédaigneux Mondor, brillant fils du hasard,
Pompeusement assis au même char
Dont naguère il ouvrait et fermait la portière.
Ce fat, tout rayonnant de son luxe éphémère
Et qui, pour trois louis s'estime trop heureux
De louer un coursier qui sera vendu deux;
Et nos'Vénus, sortant de l'écume de l'onde, [monde,
Qui prennent le grand ton pour le ton du grand
Et pensent anoblir leurs vulgaires appas,
En affichant le prix que les paye un Midas.
Ce qui déplaît à voir n'est point aimable a peindre,
Et Longchamps me déplaît, à parler sans rien feindre.
Tout Paris à. Longchamps vole. Qu'y trouve-t-on?
Maint badaud à cheval, en fiacre, en phaéton.
Maint piéton vomissant mainte injure grossière,
IJeaucoupde bruit,d'ennui, derhumeet de poussière.
La résurrection de Longchamps, que nous
devons au Consulat surtout, que remit en
honneur l'Empire, que la Restauration a niai-
1104 BOUL
sèment continuée et que nous continuons plus
niaisement encore, n a pas été interrompue,
même lorsque les chevaux des cosaques ron-
geaient les arbres des Champs-Elysées et que
Tes dames du grand monde s égaraient au bois
de Boulogne avec nos amis les ennemis.
Toutefois, les splendeurs de la semaine
sainte ont pâli. Grâce aux embellissements du
bois de Boulogne et à la multiplication des
voitures, les Champs-Elysées et le bois sont
devenus, dans ces dernières années, une sorte
de Longchamps perpétuel. La promenade
brillante qui durait trois jours dure mainte-
nant toute l'année ; aussi, quand revient la
date tant célébrée autrefois, la promenade do
Longchamps, du mercredi saint au vendredi
saint, ressemble, k peu de chose près, à celle
des autres jours de l'année. Quelques fiacres
de plus, voilà tout ; ajoutez quelques indus-
triels qui affichent leurs noms et leurs adres-
ses sur des véhicules bariolés, quelques escla-
ves de la routine grelottant de froid et d'ennui
sous leurs grotesques costumes de carnaval.
Longchamps passe maintenant sans produire
de variations appréciables dans les modes, et
ce n'est plus là que les tailleurs, les couturières
et les modistes viennent s'inspirer des goûts
nouveaux. Il y a peut-être bien encore des
provinciaux qui attendent la mode de Long-
champs pour se commander un pantalon; mais
leur déception est énorme lorsqu'un chroni-
queur bien informé leur apprend, par la voie
du journal, que le chapeau se met toujours sur
la tête et l'habit par-dessus le gilet, que les pan-
talons d'aujourd hui ressemblent k s'y mépren-
dre à ceux de l'an dernier, avec cette seule dif-
férence qu'ils sont plus neufs. Nous qui n'habi-
tons point Carpentras ni la Cannebière, nous
n'avons plus d'illusions à nous faire : Long-
champs se meurt, Longchamps est mort, Long-
champs n'est plus qu'un souvenir et qu'un fan-
tôme ! La signification spéciale de l'institution
est perdue. D'ailleurs, trois jours, pour le Paris
nouveau, ne suffisaient plus à la glorification
des parvenus et des courtisanes ; les plates
vanités et le vice triomphant ont voulu que
la fête durât du 1
e r
janvier au 31 décembre.
Aller au bois est aussi indispensable au
dandysme parisien, que la promenade à Long-
champs au beau monde d'autrefois. Dès les
premières invitations du printemps, le gala
des voitures et des cavaliers commence donc
son défilé dans l'avenue des Champs-Elysées
jusqu'au bois de Boulogne. Quel empresse-
ment! quelle foule, à pied, à cheval, en voi-
ture ! Certains jours, le spectacle est féerique I
tous les heureux, tous les comblés, tous les
repus de la veille, défilent là en quelques
heures; la cour y montre aussi ses splen-
deurs , mais en tenue simple et digne, comme
pour donner une leçon aux Phrynés de chry-
socale.
Aux puissances du jour fait cortège tout
ce que Paris a de riche, de jeune, d'amoureux,
de beau, toutes les parures et toutes les souil-
lures, toutes les hontes qui s'étalent, tous les
fronts qui se vendent, toutes les turpitudes qui
s'achètent. L'altière Laïs, toute couverte de
diamants, vole dans un brillant équipage,
écrasant de son faste la grande dame dont elle
dévore la dot, couchant en joue les hommes
en place et les financiers. Les filles d'Opéra,
les danseuses, les actrices, les biches en acti-
vité et les cocottes en demi-solde, s'élancent
Ïiimpantes, rayonnantes, le bouquet au sein,
a jupe étalée, le sourire aux lèvres, faisant
envie à la bourgeoise demi-décente qui pare
l'adultère de couleurs trompeuses, et qui
usurpe l'estime dont elle est indigne ; faisant
envie à la fillette éblouie , suspendue au bras
du piéton et qu'une nuance sépare encore de
la courtisane ; faisant envie à la modiste éprise
du luxe et du plaisir, et qui n'attend qu'une
occasion de quitter Arthur pour un prince en
off QÏ pour devenir une dame du lac accomplie.
Il est des métamorphoses surprenantes parmi
ces femmes emportées par le tourbillon mon-
dain et qui, comme des nuées de sauterelles,
vont s'abattre sur le bois de Boulogne ; elles
montent et descendent, selon que le hasard
leur amène des imbéciles plus ou moins riches.
Le caprice, l'engouement, des rapports incon-
nus, hideux le plus souvent, font que la petite
fille dédaignée la veille, et qu'on ne regardait
pas, est préférée k toutes ses compagnes. Elle
roule tout à coup en voiture à l a Daumont
dans cette même avenue où ses regards solli-
citaient vainement, hier encore, des adorateurs
de passage. Le commis, l'étudiant, qui lui
donnait pour régal une côtelette dans sa man-
sarde, la voit passer triomphante et n'en peut
croire ses yeux. L'autre, qui hier menait elle-
même, aux applaudissements de ses adora-
teurs, sa victorta ou son panier, retombe au-
jourd'hui dans la misère; après avoir mené
un train de duchesse, elle devient, dans son
abjection, le lot du laquais qui la servait na-
guère. Autour de ces créatures qui apparais-
sent, brillent et s'éclipsent dans une atmo-
sphère de poudre de riz, de truffes et d'absinthe,
autour de ces échappées de caboulot devenues
beautés à la mode, autour de ces héroïnes de
petits théâtres qui font prime sur" la place et
de ces bayadères du Château des Fleurs qui
plument fa poule aux œufs d'or en levant la
jambe à hauteur de l'œil, autour de toutes ces
drôlesses et de toutes ces princesses, filles de
portiers et danseuses légères, dames aux ca-
mellias et pinceuses de cancan, femmes à barbe
et filles de marbre, ou de plâtre, ou de boue,
vertus à vingt francs et vertus à cent mille
francs, autour de ces phalènes maquillées et
BOUL
musquées, autour de ces papillons de jour et
de nuit que le Champagne enivre, que les
chiffons affolent, que l'or attire, que le gaz
brûle, que l'hôpital réclame, que le ruisseau
attend, oourdonne tout un essaim de jeunes
hommes dont la destinée ressemble beaucoup
à la leur. Les voyez-vous parader à cheval,
prêtant l'oreille à l'argot de ces tapageuses et
de ces noceuses? Certains les envient; ne
sont-ils pas brillants, jeunes , fêtés? D'autres
les méprisent, ces gandins et ces cocodès, stu-
pides rejetons des muscadins et des merveil-
leux, millionnaires éphémères qui croquent en
six mois la fortune paternelle. Biches et gan-
dins , cocottes et cocodès sont bien faits pour
s'entr'aider à culbuter dans l'égout que cache
la splendide végétation du bois. La hnance et
la Bourse envoient aussi d'assez gros contin-
gents à la promenade du Paris moderne.
Mondor y vient toujours montrer son ventre
et son ennui, et plus d'une M
m e
Angot y fait
ruisseler ses diamants et piaffer ses quatre
chevaux. La foule est d'ailleurs mêlée, depuis
le sénateur dont la calèche miroite au soleil,
jusqu'au petit rentier qui se pavane avec sa
maisonnée dans un cabriolet de remise ; depuis
le poète qui, à l'écart, cherche une rime re-
belle , jusqu'au brillant sportman qui passe
comme un trait dans un nuage de poussière ;
depuis le jockey qui tient fièrement en laisse
quelque cheval de race jusqu'au valet emmi-
touflé dans sa lévite à fourrures et qui pro-
mène gravement sous son bras quelque chien
de bonne maison. Bien des caricatures seraient
à esquisser çà et là, de nombreux ridicules
seraient k peindre-, mais qui de vous nèfles a
vus ? qui de vous ne les a devinés ? Il y a, par
exemple , dans cette foule qui passe bruyam-
ment, certaine classe de cavaliers intermittents
qui, voués à l'omnibus toute la semaine, mon-
tent k cheval le dimanche; ceux-lk veulent
aussi aller au bois. Les cavaliers dominicaux
veulent k tout prix éblouir les actrices des
Délassements-Comiques; à cet effet, ils ne
manquent point, en arrivant près de ces
dames, de donner à leur monture de louage un
petit nom de familiarité : « Allons, Casta-
gnette... ; allons, Ténébreux... « Il y a encore
le petit monsieur qui tripote tous les jours à
la Bourse sur la mort, la fuite ou l'abdication
des monarques étrangers. Le dimanche venu,
il loue un coupé, homme et bêtes, à trois francs
l'heure ; le cocher endosse pour la circonstance
une redingote à rotonde et met à son chapeau
un galon de trois doigts surmonté d'une co-
carde jaune, et en cet équipage on roule vers
la porte Maillot. Le cocher est baptisé John
et reçoit une haute paye de dix francs pour
appeler son maître monsieur le comte devant
les cocottes de haut style; en doublant la
somme, monsieur le comte devient monsieur le
duc. Cette innocente supercherie est assez
fréquente pour faire supposer qu'elle engendre
des félicités inouïes. Le sexe faible a d'ailleurs
à sa disposition les mêmes ressources, et il en
use. Promenez-vous au bois de Boulogne,
écoutez les conversations au café, au restau-
rant, au spectacle, et vous reviendrez k Paris
surpris, étonné qu il y ait encore au soleil tant
de barons et de baronnes, de comtes et de
comtesses après une révolution qui, dit-on, a
supprimé tous les titres. A vrai dire, le bois
de Boulogne est l'endroit par excellence où la
vie ennuyée, fiévreuse, incertaine, se montre
fardée, insolente et radieuse. Tout y est fac-
tice, disposé en trompe-l'œil, tout y est éphé-
mère, tout y est peint, et il semble que les
arbres mêmes aient reçu une couche de vernis;
l'illusion et le mensonge y régnent. Salon
champêtre où l'on se rend sans se connaître,
où l'on se connaît sans se parler, et où l'on se
parle sans se rien dire, le bois de Boulogne
est le passe-temps obligé des désœuvrés et
des inutiles. Ceux dont les facultés intellec-
tuelles sont entièrement dans les jambes de
leur cheval y réussissent k merveille, et im-
pressionnent notamment les vicomtesses de
ruolz errantes aux alentours de la Cascade
et les dames du lac en quête d'un Roméo fidèle
et surtout généreux. C'est là que la haute pro-
stitution vient narguer le siècle et s'afficher;
c'est là que se cotent les denrées de la galan-
terie.
Il est encore un autre bois, le bois de Vin-
cennes, que fréquente, aux jours de courses,
la bicherie dorée et nauséabonde: nous en di-
rons sans doute quelques mots à 1 ordre alpha-
bétique. Mais là, ces petites dames se trouvent
moins dans leur élément ; pour arriver k Cy-
thère, il leur faut traverser le faubourg An-
toine, où l'on rencontre ces braves et vigoureux
ouvriers—se promenant en menuisiers,leur5cie
sous le bras — qui, d'une voix de Stentor, crient
à ces dames du lac : « Et du pain I — As-tu fini ?
— La Morgue n'a pas faim. — Et ta sœur? »
Ces rudes paroles sonnent moins agréablement
k leurs oreilles que les chùâmante, adoâble,
paôle d'honneu, que leur susurrent les incoya-
blés dégénérés du bois de Boulogne. Et puis,
en traversant le dur faubourg, elles sont quel-
â
uefois exposées, elles le savent bien, à frôler
e la roue de leur rapide voiture les haillons
des vieux parents quelles ont abandonnés, ou
ceux d'une jeune sœur restée sage et pauvre.
A quoi bon courir la chance de rencontres si
peu agréables? Aussi, on le comprend, la co-
cotte déserte bravement cette promenade, et
nous l'en félicitons (le bois de Vincennes).
. Boulogne ( L E BOIS D S ) , comédie en un
I acte, de Legrand et Dominique, suivie d'un
I divertissement, représentée a la foire Saint-
BOUL
Laurent, le 24 juillet 1723. Cette pièce, qui
n'est qu une fantaisie, atteste que nos aïeux
recherchaient volontiers le bois de Boulogne
lorsqu'ils voulaient prendre leurs ébats loin
des regards indiscrets. A défaut de cascades,
de lacs, de champ de course et de restaurants
renommés , ils y trouvaient tout l'assaisonne-
ment des plaisirs champêtres. Le fond de la
pièce n'a rien de particulier. Pantalon et le
docteur, par l'entremise d'une vieille tante
qu'ils ont gagnée, engagent les deux nièces de
cette charitable personne à se trouver au bois
de Boulogne, ou une collation sur l'herbe les
attend. Arlequin et Trivelin, valets de Lélio
et de Mario, amants privilégiés de ces demoi-
selles , concertent avec ces dernières et leurs
maltre3 un bon tour pour désabuser la vieille
tante, trop entichée des deux vieux céladons.
Ce bon tour n'est autre que celui qui se re-
trouve dans une foule de farces de cette épo-
que, notamment dans les Vendanges de Su-
resnes et Monsieur de Pourceaugnac. Quant au
dénoûment, il est aisé à prévoir: les vieillards
sont trompés comme toujours, et à leur nez et
à leur barbe, leurs jeunes rivaux sont heureux
et vainqueurs. Nous ne rappelons cette bluette
que comme un renseignement ajouté à l'article
qui précède.
BOULOGNE
BOULOGNE (Bon). V. BOULLONGNE.
BOULOIBE,
BOULOIBE, petite ville de France (Sarthe),
ch.-l. de canton, arrond. et à 18 kiloni. N.-O.
de Saint-Calais ; pop. aggl. 887 hab.— pop.
tôt. 2,215 hab. Récolte de céréales, châtai-
gnes, fruits, chanvre, etc. Fabriques de toiles,
extraction de grès, élève de quelques pou-
lains. Antique château, jadis considérable,
ruiné en grande partie par un incendie en
1681.
BOULOIR
BOULOIR s. m. (bou-loir). Constr. Instru-
ment dont les maçons se servent pour re-
muer la chaux qu ils éteignent, et pour pé-
trir lé mortier.
— Techn. Instrument de tanneur pour re-
muer les peaux, n Vase en cuivre dans lequel
l'orfèvre déroche, c'est-à-dire nettoie son ou-
vrage.
— Pêch. Syn. de BOUILLE.
BOULON
BOULON s. m. (bou-lon). Techn. Pièce de
fer terminée par une tête à l'un de ses bouts,
et serrée à 1 autre par une clavette ou un
écrou, servant généralement à maintenir
deux pièces au contact, n Ornement en saillie
et de forme semi-globulaire que l'on place,
soit isolément, soit par groupes, sur les
meubles, vases et ustensiles. H Vieux et inus.
(1 Ancien nom des boutons ou clous saillants
que l'on fixe sur le plat des riches reliures,
pour les préserver, tout en les ornant, des
détériorations dues au frottement: Autrefois,
chez les princes, les BOULONS des manuscrits
précieux portaient ordinairement les armes du
propriétaire gravées, niellées ou émailtées. Il
Cylindre qui sert de noyau pour la confec-
tion des tuyaux de plomb, il Axe d'une pou-
lie, il Outil de cordonnier, pour rabattre les
chevilles de fer. il Pièce d'un métier de tisse-
rand.
— Typogr. Nom donné à deux chevilles de
fer, qui traversent le sommier et le chapi-
teau de la presse, et servent à faire monter
et descendre le sommier.
— Constr. Chacune des verges de fer qui
j maintiennent les marches d'un escalier et
les préservent de l'écartement.
! — Chem. de fer. Boulons d'attelage, Ceux
I oui passent dans les barres d'attelage, u
| Boulons de rails, Ceux qui passent dans les
i coins qui servent à maintenir les rails en
| place. Il Boulons d'éclisses, Ceux qui ont pour
objet de fixer les éclisses. n Boulons de sus-
pension, Ceux au moyen desquels on attache
les ressorts des véhicules.
I — Artill. Pièce de fer qui réunit et main-
j tient les flasques d'un affût de canon, u Bou-
i Ion tourillon, Boulon passé dans le support
[ d'une caronade.
BOUL
— Argot. Vol au boulon, Vol qui se prati-
que en introduisant par les trous de boulons
des devantures des lingeries un fil do fer
courbé en crochet, pour saisir et amener des
pièces de dentelle.
BOULOIS
BOULOIS s. m. (bou-loi). Art milit. Mor-
ceau d'amadou qui communique lo feu au
saucisson d'une mine.
BOULONAIS,
BOULONAIS, AISE s. et adi. (bou-lo-nè, è-
ze). Géogr. Habitant de Bouiogne-sur-Mer;
qui appartient à cette ville ou à ses habi-
tants : Les BOULONAIS. La population BOULO-
NAISE: Le cheval BOULONAIS est tout à fait l'op-
posé du cheval anglais : c'est l'ouvrier robuste
à côté de l'élégant dandy. (F. Pillon.) il On dit
aussi BOULENOIS, OISE.
— Encycl. Art vétér. Cheval boulonais.
Parmi les races de chevaux de gros trait, la
plus importante est sans contredit la race bou-
lonaise. Non-seulement elle occupe la Somme,
le Pas-de-Calais, la Seine-Inférieure et le
Nord, mais on la trouve encore répandue
dans la plupart des départements voisins, et
partout ou il y a de rudes travaux, exigeant
chez les moteurs animés une grande puis-
sance. Le foyer le plus pur de cette race est
aux environs de Boulogne, de Montreuil, de
Béthune, de Saint-Côme et dans la partie
occidentale du département du Nord. D ordi-
naire, les pouliches seules sont conservées
dans le pays; vers l'âge de six à huit mois,
les poulains sont vendus aux éleveurs des
arrondissements de Saint-Pol, d'Arras, de
Péronne, d'Amiens et d'Abbeville. Quelques-
uns traversent la Somme et sont élevés dans
le Vimeux, le pays de Caux, près du Havre
et de Montdidier. Les poulains élevés dans le
Vimeux et le pays de Caux sont connus dans
le commerce sous le nom de chevaux du bon
pays, parce qu'ils ont été nourris avec les
grains et les bons fourrages que produisent
la partie septentrionale de la Seine-Inférieure,
la partie occidentale de la Somme et le dé-
partement de l'Eure. Ceux qui vont dans les
vallées de l'Aisne et de l'Oise, moins bien ali-
mentés, presque exclusivement nourris de foin,
sont appelés chevaux du mauvais pays. Toute-
fois cette distinction, déjà ancienne, est à
peu près inusitée aujourd'hui, parce que les
progrès de l'agriculture ont fait disparaître
les différences, pour ainsi dire accidentelles,
qui l'avaient rendue nécessaire.
Le cheval boulonais nous offre l'un des types
les mieux caractérisés de nos races cheva-
lines françaises. La tête est forte, un peu
épaisse; le chanfrein droit; les yeux petits;
l'encolure très-fournie, élégamment contour-
née, garnie d'une crinière double, touffue et
assez courte ; le poitrail musculeux et très-
large; le garrot épais, quoique élevé; le dos
un peu ensellé, mais avec des lombes larges
et courts; la croupe avalée, double et forte-
ment charnue. Les membres sont générale-
ment très-amples et très-musculeux dans les
fiarties supérieures ; il y a de la force dans
es articulations du genou et dans les rayons
inférieurs garnis de cordes tendineuses très-
prononcées; la tailleattemtfacilementl m. 68;
le manteau est gris, gris-pommelé, rouan vi-
neux ou bai.
Les chevaux boulonais sont d'un naturel
très-docile. Leur croissance est extrêmement
rapide : à dix-huit mois, on peut déjà les uti-
liser aux travaux de l'agriculture; kcinq ans,
ils atteignent tout leur développement. Bien
soignés, ils sont d'une force prodigieuse, et,
malgré leur poids énorme, ils ont de la légè-
reté dans les allures. La race boulonaise n'a
pas toujours été une race de gros trait; au
moyen âge, elle fournissait des chevaux de
guerre très-estîmés. Telle qu'elle est de nos
jours, ce n'est pas encore une race parfaite;
mais il serait facile de lui donner ce qui lui
manque, k savoir, plus de régularité dans les
formes et plus de résistance à la fatigue avec
moins de besoins. D'après M. Eug. Gayot,
pour arriver à ce résultat, il suffirait de ver-
ser quelques gouttes de sang pur dans les
veines de la race; mais il faudrait qu'elles
fussent versées directement, sans l'intermé-
diaire d'une troisième race, o Nous ne voulons
pas ici, dit-il, de l'anglo-normand, par exem-
ple, qui a une structure trop éloignée du che-
val de gros trait; nous ne voulons d'aucun
demi-sang quelconque; nous employons le che-
val pur lui-même. Marié à la bouloîiaise, il
donne un produit de demi-sang qui n'est pas
le résultat cherché; l'opération n'est pas com-
plète à la première génération, mais elle offre
un point de départ extrêmement précieux, et
qu'il faut conserver à l'œuvre entreprise. Le
premier mâle issu de cet accouplement (nous
supposons qu'en dehors de la question do
sang il réunisse toutes les conditions voulues
pour faire un bon père), le premier mâle,
disons-nous, accouplera d'une manière utile
des poulinières boulonaises, dont les filles re-
cevront plus tard avec avantage, soit un pre-
mier métis bien réussi, soit un produit ayant
encore moins de sang que le fils d'un pur
sang. La pouliche née d'un premier mariage,
devenant mère à son tour, ne sera pas livréo
à un étalon pur, mais k un métis plus ou
moins éloigné du demi-sang, ou même à un
pur boulonais, si l'influence paternelle a été
trop active et extérieurement par trop domi-
nante. Le point où il conviendra de s arrêter
est d'autant plus facile à déterminer qu'il ne
faut rien perdre, du côté de l'étoffe, de la
corpulence de la race. On peut remettre
l'étotfe en s'éloignant du sang, sauf à revenir
à celui-ci, tant qu'il n'affine pas les produits
au delà de ce que l'expérience dit être utile. »
Le métissage ainsi entendu peut rendre as-
BOUL
sûrement plus de services que la sélection et
les croisements. Par la sélection, en effet, on
ne pourra que conserver à la race les quali-
tés qui la distinguent ; jamais on ne lui com-
muniquera celles qui lui manquent. Les croi-
sements seraient funestes, ou tout au moins
dangereux; au lieu de relever la race, tout
en lui conservant les caractères qui la pla-
cent au premier rang- de nos races françaises
de gros trait, ils ne pourraient que la détruire.
Le métissage, au contraire, aura pour r é -
sultat d'améliorer le cheval boulonais et quant
aux formes, et quant aux qualités fondamen-
tales; d'accroître la puissance matérielle en
même temps que l'harmonie ; de fortifier la
vitalité; enfin de remplacer la constitution
lymphatique par le tempérament musculo-
sanguin. Nous aurons ainsi, non pas un type
nouveau, mais bien le type actuel rendu plus
parfait. I)ès lors, la sélection pourra être uti-
lement employée comme moyen de conserva-
tion ; dès lors aussi, les mâles de la nouvelle
famille seront aptes à régénérer, dans les for-
mes et dans le sang, d'autres races de gros
trait, grossières et molles, sur lesquelles la
sélection ne peut rien ou presque rien, à rai-
son de l'abaissement général et du défaut de
mérite des meilleurs individus, qui ne dépas-
sent pas le niveau de la médiocrité.
BOULONAIS,
BOULONAIS, appelé aussi Comte'de Bou-
logne, petit pays de France, dans l'ancienne
province de Picardie, compris entre le Calai-
sis et le comté de Guines au N., l'Artois à
l'E., le Pontbieu au S., et l'Océan à l'O.
Les villes principales étaient : Boulogne,
chef-lieu ; Etaples et Ambleteuse. Bien que
—•ofermé dans les limites de la Picardie, il
iorma jusqu'en 1790 un gouvernement dis-
tinct, et, depuis cette époque, il compose la
plus grande partie de l'arrondissement de
Boulogne, dans le Pas-de-Calais. Le Boulo-
nais appartint, sous les Romains, à la Deuxième
Belgique, puis au royaume de Neustrie. Dès
le x« siècle, il eut des comtes particuliers,
parmi lesquels Eustache III, frère aîné de
Godefroy de Bouillon ; le dernier de ces comtes
fut Bertrand de la Tour-d'Auvergne, qui fut
dépossédé par Philippe, duc de Bourgogne;
celui-ci conserva ce fief en vertu du traité
d'Arras (1435). A la mort de Charles le Té-
méraire, Louis XI s'empara du comté do.
Boulogne, le rendit à Bertrand II, comte
d'Auvergne, qui le céda à la couronne l'année
suivante, en échange du duché de Laura-
guais; mais le Boulonais relevait de l'Artois;
Louis XI, pour l'affranchir de cette suzerai-
neté, transporta l'hommage de ce comté à la
Vierge de Boulogne, qu'il déclara seule sou-
veraine du comté; il promit en même temps
de se reconnaître le vassal de la reine du
ciel par l'offrande d'un cœur d'or du poids de
treize marcs. Depuis cette époque, jusques et
_y compris Louis XV, tous les rois de France
firent acte de vasselage envers l'image de
l'église de Boulogne.
BOULONGEON
BOULONGEON s. m. (bou-lon-jon). Comm.
Etoffe trop grossière pour être employée
dans la fabrication du papier.
BOULONGNE. V. BOULLONGNE.
B O U L O N N É , ÉB (bou-lo-né) part. pass. du
v. Boulonner. Retenu par des boulons : Les
volets étaient ôtés le matin, remis et mainte-
nus le soir avec des bandes de fer BOULONNÉES.
(Balz.) / / eût préféré voir le magasin complè-
tement fermé, et la porte garnie de ses bonnes
barres de fer fortement BOULONNÉES à l'inté-
rieur. (E. Sue.)
— Orné de boulons, c'est-à-dire de clous ou
boutons saillants: Coupe d ' a r d u BOULONNÉE.
Livre à reliure BOULONNÉE, U Vieux en ce
sens.
B O U L O N N E R v. a. ou t r . (bou-lo-né—rad.
boulon). Techn. Maintenir à i'aido d'un bou-
lon : BOULONNER une' porte. BOULONNER des
volets.
BOULONNERIEBOULONNERIE s. f. (bou-lo-ne-rî — rad.
boulon). Techn. Partie de la serrurerie qui a
pour objet la confection des boulons, il Partie
de la grosse quincaillerie qui concerne la
vente des boulons.
B O U L O N N I E R S. m. (bou-lo-nié — rad.
boulon). Techn. Ouvrierqui fabrique des bou-
lons.
B O U L O N N I È R E s. f. (bou-lo-niè-re — rad.
boulon). Techn. Sorte de tarière, parce que
c'est avec une tarière qu'on fait, dans les
poutres, la place du boulon.
BOULOTTERBOULOTTER v.n.(bou-lo-té — rad. boule).
Pop. Vivoter; vivre doucettement, sans su-
perflu, sans gêne et sans ambition : Moi, JE
BOULOTTERAI, protégé par vous, jusqu'à ma
retraite. (Balz.)
— Aller tout doucettement dans un sens
favorable, prospérer lentement, mais d'une
façon continue ; Ça BOULOTTE. Cela continue
à BOULOTTER. Grâce à ces gens-là
t
ça BOU-
LOTTE. (Balz.)
BOUM
— S'emploie transitiv., surtout dans cette
expression: Boulotter l'existence: Il BOULOT-
TAIT L'EXISTENCE sans souci de la veille, sans
chagrin du lendemain. (***.)
BOULOT,
BOULOT, OTTE adj. (bou-lo, o-te — rad.
boule). Pop. Gros et rond, rappelant la forme
d'une boule : Le voyageur intéressé est un bi-
pède intéressant, ordinairement petit, un peu
BOULOT, un peu ventru, mais en résumé bon
garçon. (R. Perrin.) C'est que moi je préfère
les petites, un peu BOULOTTES, et les blondes,
un peu... carotte. (Cormon.)
— Substantiv. Personne boulotte : C'est
un gros BOULOT. C'est une petite BOULOTTE
trapue.
BOULOU
BOULOU (LE), bourg de France (Pj'rénées-
Orientales), arrond., canton et à 9 kilom.
N.-E. de Ceret, sur la rive gauche du Tech,
que l'on traverse sur un beau pont suspendu
1,207 hab. Eaux thermales ferrugineuses,
d'une température de 17° environ. Eglise des
xe et xi
e
siècles, ayant appartenu aux tem-
pliers ; le portail en marbre blanc, orné de bas-
reliefs, est surtout di^ne d'attention. Ruines de
murailles flanquées de tours; anciennes con-
structions attribuées aux Arabes. Aux envi-
rons, sur la colline du Pui^-Scingli, on voit
les vestiges d'une redoute, théâtre de combats
sanglants entre les Français et les Espagnols
pendant les guerres de la Révolution ; un peu
plus loin, au S.-E., ruines et chapelle de
Sainte-Marguerite.
BOULOUR
BOULOUR s. m. (bou-lour). Nav. Gros na-
vire de pirates, dans l'archipel des Moluques.
B O U L T E A U S. m. (boul-to — rad. boule).
Hort. Arbre taillé en boule.
BOULTEIS
BOULTEIS s. m. (boul-tèss). Ane. art mi-
lit. Genre de combat entre chevaliers, il On
trouve aussi BOULLETIS.
BOULTER
BOULTER (Hugues), prélat anglican, né en
1671, mort en 1742. Il accompagna George I "
en Hanovre, et remplit près de lui les fonc-
tions de chapelain. Il fut ensuite nommé à
l'évêché de Bristol, puis à l'archevêché d'Ar-
magh, en Irlande. Ce malheureureux pays
souffrait alors tous les maux des discordes
civiles et de la misère, et le nouvel archevê-
que s'appliqua a. les adoucir avec un zèle et
une charité sans bornes. Lorsque la famine
était imminente, il envoya dans les provinces
une grande quantité de blé, nourrit à ses
frais une multitude de pauvres, fonda des hos-
pices, et il soutint de son crédit tous les pro-
jets utiles aux malheureux. Quoiqu'il fût très-
savant, il n'a laissé que des Sermons et des
Lettres pastorales (Oxford, 1769, 2 vol.).
BOULTON
BOULTON (Mathieu), industriel anglais, né
en 1728 àBirmingham, mort en 1809. Il succéda
à son père dans la direction d'une importante
fabrique de quincaillerie, trouva des procédés
nouveaux pour la fabrication de l'acier, et
fonda en 1760, à Soho, une manufacture de
quincaillerie, devenue célèbre. En 1767, il com-
mença à faire usage de la vapeur. Deux ans
plus tard, il s'associa avec le célèbre James
Watt, qui apporta des perfectionnements
considérables dans ce moteur nouveau. Les
succès qu'obtinrent les deux associés dans la
fabrication des machines à vapeur les enga-
gèrent à employer une machine de ce genre
pour faire mouvoir un moulin destiné à la
confection des médailles et des monnaies.
Bientôt après, les pièces d'argent et de cuivre
de la Compagnie des Indes, de celle de Sierra-
Leone, etc., se fabriquèrent à Soho. Non
loin de là, à Smethwîck, Boulton établit une
fonderie, où étaient coulées les pièces dont se
composent les machines à vapeur, et qui de-
vint bientôt-fameuse par la perfection de ses
produits. Il fut chargé par Paul 1er d'envoyer
à Saint-Pétersbourg tous les engins néces-
saires pour élever deux ateliers de monnaie.
Enfin, en 1773, il réussit, au moyen d'un pro-
cédé mécaniqne, à graver avec une remar-
quable perfection des tableaux coloriés. Les
Sociétés royales de Londres et d'Edimbourg
s'associèrent Boulton, qui, par ses recherches
et son généreux patronage, a rendu les plus
éminents services à l'industrie mécanique.
BOULTON
BOULTON (Edmond), antiquaire. V. BOLTON.
BOULUE
BOULUE s.f. (bou-lù — rad. boule). Techn.
Usité dans la locution Bouteille boulue, Bou-
teille de cuir de vache ou de bœuf bouillie
dans la cire neuve.
BOULURE
BOULURE s. f. (bou-lu-re. — Ne serait-ce
pas une corruption de BOUTURE?). Hortic.
Rejeton qui pousse sur la racine d'un arbre.
BOUM!
BOUM! Interj. (boumm). Onomatopée qui
sert à exprimer le bruit causé par un choc
subit, une explosion soudaine, quand ce bruit
est sourd et grave, comme un coup de canon
•entendu dans le lointain, ou mieux le son
d'un tam-tam, d'une grosse caisse sur la-
quelle on a frappé avec la main fermée ou la
baguette tamponnée : Je m'arrêtai tout court
en haut, tandis que lui roulait en bas. Pata-
tras!
BOUMBOUM ! BOUM ! (Alex. Dumas.) J'entends :
BOUM!BOUM! BOUM! Ah! je dis, voilà le fusil anglais
qui parle; il riposte. (Mérimée.) Au café de
la Rotonde, au Palais-Royal, les garçons, après
avoir transmis les ordres à l'office, avaient
coutume de crier : BOUM I
BOU-MAZA
BOU-MAZA s. f. (bou-ma-za). Econ. agr.
Variété de poule.
BOU-MAZA,
BOU-MAZA, chef arabe, né vers 1820, entre
Tlemcenet Mascara. En 1845, pendantqu'Abd-
el-Kader était réfugié au Maroc, ce fanati-
que, se donnant comme un envoyé de Dieu,
souleva tout le Dahra contre la domination
française, soutint la lutte avec des alterna-
tives de succès et de revers, et, se voyant en-
fin à bout de ressources et menacé en outre
par l'Emir, qui voyait en lui un rival bien
plus qu'un auxiliaire, il se rendit au colonel
Saint-Arnaud. Il fut amené à Paris et splen-
didement traité, s'évada pendant la révolution
de Février, fut repris à Brest, et rendu plus
BOUN
tard à la liberté par le président Louis Napo-
léon. Depuis 1854, il est entré dans les troupes
ottomanes.
BOU-MERZOUG,
BOU-MERZOUG, rivière d'Algérie, province
de Constantine, naît d'un rocher situé à 30 ki-
lom. S. de Constantine, et va se jeter dans le
Rummel, un peu au-dessus de cette ville.
BOUNDOUK,
BOUNDOUK, mot qui se rencontre fréquem-
ment, sous diverses formes, dans les récits de
voyages et les contes orientaux. Boundouk
n'est autre chose qu'une altération du nom de
Venise, que les Turcs appellent Venedik et les
Arabes Boundouk. Ce mot se rencontre dans
des sens bien différents, mais qui tous s'ex-
pliquent par l'origine dont il provient. Ainsi,
en Egypte, Boundouk signifie aussi bien un
fusil quune pièce d'or. C'est qu'en effet les
Vénitiens, qui, au moyen âge, possédaient le
monopole presque exclusif du commerce de la
Méditerranée, avaient fait connaître aux Ara-
bes d'Egypte les mousquets et les sequins. La
charge d'al-boundoukdar ;(mot hybride, formé
de l'article arabe préfixe al, le, et de la parti-
cule suffixe persane dar, qui tient, qui &', et
du mot boundouk) était un poste fort recher-
ché à la cour du sultan, et ordinairement oc-
cupé par un mamelouk tcherkese (circas-
sien). Le mot Boundouk signifie par extension
en arabe, noisette et balle de fusil {glans mis-
sile).
BOUNABERDI,
BOUNABERDI, nom de Bonaparte dans la
bouche des Arabes d'Egypte, qui l'ont ainsi
désigné par une corruption naturelle de son
nom. On sait que les Arabes n'ont pas dans
leur langue la labiale p.
BOUNAR-BASCH1, village de la Turquie
d'Asie, dans l'Anatolie, à 40 kilom. N;-0. d'A-
dramiti, sur le Scamandre. A l kilom. de ce
village, sur un plateau élevé, on trouve de
nombreux débris de constructions antiques,
fragments de colonnes, bas-reliefs, vases et
statues; on pense généralement que ce fut là
que s'élevait la ville de Priam. Bounar-Baschi
est renommé pour ses nombreuses sources
d'eaux tièdes (14°) qui jaillissent avec une
grande violence et vont se jeter dans le Sca-
mandre, au moyen de deux canaux. V. TROIK.
BOUNDEIIECII. V. BUNDEHBCH.
BOUND1, ville de l'Indoustan anglais, capi-
tale du petit Etat de son nom, dans l'ancienne
province de Radjpoutana, à 300 kilom. S.-O.
d'Agra, par 25« 28' lat. N. et 73<> 8' long. K.
Cette ville, entourée d'une enceinte de murs
en pi?rre, percée de rues larges et bien bâ-
ties, est remarquable par son antiquité, ses
temples nombreux, ses magnifiques fontaines,
et son palais, construit sur un rocher qui do-
mine la ville, et couronné de créneaux et de
tourelles d'un très-bel effet, il La principauté
de Boundi, d'une superficie de 5,750 kilom. c.
presque entièrement enclavée dans le Kotah,
habitée par des Indous de la tribu de Ilara,
renferme les passages les plus importants qui,
dans cette direction , font communiquer le
nord de l'indoustan avec ses parties méridio-
nales ; il est gouverné par un radjah, soumis
depuis 1818 à la protection britannique.
BOUNDOUK,BOUNDOUK, ville de la Turquie d'Asie,
dans l'Anatolie, à 90 kilom. N. de Sataliéh,
près de la rive méridionale du lac de même
nom.rBelle ville, bien bâtie, bien pavée et bien
arrosée: industrie assez active, comprenant
surtout la labrication des cuirs, maroquins et
toiles: territoire très-fertile. Il Le lac qui
porte le même nom, situé au nord de la ville,
est salé ; il mesure 28 kilom. de long, sur 10 de
large, et présente un grand nombre de baies
et de petits caps dont le sol, bien cultivé,
forme avec les nombreux villages qui bordent
ses rives un tableau des plus réjouissants.
BOUNE
BOUNE s. f. (bou-ne). Ancienne forme du
mot BORNE, u A signifié aussi colline, émi-
nence.
BOUNIEU
BOUNIEU (Michel-Honoré), peintre et gra-
veur français, né à Marseille en 1740, mort à
Paris en 1814. Il se forma sous la direction de
Pierre, fut agréé à l'Académie en 1770, con-
servateur des estampes à la Bibliothèque na-
tionale, de 1792 a 1794, et professeur de des-
sin h 1 Ecole des ponts et chaussées, de 1794
à 1814. Parmi les ouvrages qu'il envoya
aux divers Salons, on cite : Neptune et Am-
phitrite, Jupiter et lo, Pluton et Proserpine,
les Arts libéraux, la Laitière, la Ravaudeuse
y
la Vue du mont Valérien, la Vue de Chaillot,
Pan lié par des nymphes, la Naissance de
Henri IV, le Retour de la bataille d'Ivry, le
Supplice d'une vestale, Jeunes filles en prière
(musée de Valenciennes), l'Amour conduit
par la Folie, Antiope, etc. Un tableau de cet
artiste, représentant Adam et Eve chassés du
Paradis, fut aolieté par le czar Paul I
e r
.
Diderot a porté sur Bounieu le jugement sui-
vant, qui ne pèche pas par excès d'indulgence :
• Sa manière est maigre, son style pauvre, sa
composition insipide, sa couleur fade et noire,
ses tableaux sans génie, quoiqu'il s'épuise sur
la nature. » Bounieu a gravé en manière noire
plusieurs de ses tableaux : le Déluge, le Sup-
plice d'une vestale, Adam et Eve chassés du
Paradis, la Naissance de Henri IV, l'Amour
conduit par la Folie, Sainte Cécile, etc. —
Emilie BOUNIEU, dame RAVEAU, fille du précé-
dent, née à Paris en 1785, a exposé, aux Sa-
lons de 1800 à 1812, des sujets mythologiques
et des scènes de genre.
4
BOUNINEBOUNINE (Anne), femme de lettres russe.
Ses œuvres ont paru à Saint-Pétersbourg en
BOUQ
1105
1821; on y remarque surtout de belles odes.
Elle a aussi donné une traduction en vers
russes de l'Art poétique de Boileau.
B O U N I T E s. m. (bou-ni-te). Hist. reliç.
Membre do la secte mahométane des carami-
tes, de l'école des sophosites.
BOUNSIO,
BOUNSIO, déesse japonaise qui pondit a la
fois cinq cents œufs, d'autres disent trois
mille, d'où il sortit le même nombre de jeunes
gens.
IIOUNYN ou BOUNIN (Gabriel), écrivain
français, né à Châteauroux dans le xvie siè-
cle. Il fut d'abord bailli dans sa ville natale,
puis il devint maître des requêtes et conseiller
du duc d'Alençon. Il a laissé : une traduction
des Economiques d'Aristote; la Sultane, tra-
gédie suivie d'une pastorale à quatre person-
nages ; une Ode sur la Médée de Jean de la
Peruse; les Joies et allégresses pour le bien-
veignement et entrée du prince François en ta
ville de Bourges; une Tragédie sur la défaite
de la Piaffe et la Picquorée, et bannissement
de Mars à l'introduction de paix et sainte jus-
tice, une Satire au roi contre les républicains,
avec Y Alcctryomachie ou jouste des coqs, et
autres poésies françaises et latines.
BOOPÈRE
BOOPÈRE ( L E ) , bourg et commune de
France (Vendée), cant. de Pouzouges, ar-
rond. et a 43 kilom. N. de Fontenay-le-Comte ;
pop. aggl. H4 hab. — pop. tôt. 2,752 hab.
Eglise fortifiée; aux environs, mine d'anti-
moine, source minérale.
BOUPHONE
BOUPHONE s. f. (bou-fo-ne — du gr. bous,
bœuf; phoneuô, je tue). Bot. Genre de plantes
monocotylédoneSj de la famille des narcis-
sées, formé aux dépens des amaryllis, et com-
prenant des espèces dont les bulbes sont vé-
néneux. Il doit être réuni, comme simplo
section, au genre brunswigie.
BOUPHONE
BOUPHONE S. ni. V. BUPHONE.
BOUPHONIES
BOUPHONIES S. f. pi. V.'BOPHONIES.
BOUQUE,
BOUQUE, ÉE (bou-ké) part. pass. du v.
Bouquer : Un objet BOUQUÉ par force*
BOUQUE
BOUQUE s.f. ( b o u - k e — d u lat. bucca,
bouche). Mar. Passe étroite, canal, détroit.
• Il Vieux mot.
— Pêch. Passage en entonnoir, qui sépare
les chambres des bonrdigues.
— Techn. Dans les usines de l'Ariége, Panne
d'un marteau.
BOUQUENON,BOUQUENON, ville de France. V. SAAR-
UNION.
B O U Q U E R -v. a. ou t r . (bou-ké — du lat.
bucca, bouche). Baiser de force, sans le vou-
loir, en résistant : BOOQUEZ cela, bambin.
— v. n. ou intr. Faire bouquer, Contrain-
dre à baiser : .T'AI FAIT BOUQUER le singe, il
Fig. Contraindre à céder, à faire une chose
déplaisante : /'AI FAIT BOUQUER les Guises et
les Châtillons, les connétables et les chance'
tiers, les rois de Navarre et les .princes de
Condé,'et je vous ai tenu tète, petit prestolet!
(Cath. de Médicis à Amyot.) ./"AI FAIT BOU-
QUER messieurs du domaine, je l'emporterai,
car j'ai raison. (Volt.)
Ils m'ont fait cent chicanes,
Au procès qu'ils nous ont sottement intenté,
Moi seul j'ai fait bouquer toute la faculté.
REGNARD.
— Véner. Faire bouquer, Contraindre à
quitter son terrier : FAIRE BOUQUER le renard,
le blaireau, le lapin.
— Dans le langage des marins, Craindre
d'entreprendre une chose.
BOUQUERAN
BOUQUERAN s. m. (bou-ke-ran — rad.
bouc). Comm. Ancienne forme du mot BOU-
GRAN, Etoffe que l'on croyait être faite do
poil de chèvre.
' BOUQUET s. m. (bou-kè — même étym.
que bois). Faisceau de fleurs, soit disposées
naturellement sur la plante, soit reunies
après avoir été cueillies : BOUQUET de roses,
de violettes. Des fleurs disposées en BOUQUET.
La princesse de Lamballe ne pouvait supporter
l'odeur ni même la vue d'un BOUQUET de vio
lettes. (Mariés.) Un BOUQUET sied bien à la
beauté. (Sterne.)
Son sein brille, couvert de bouquets odorants.
BÉRANOER.
... Nous assemblons, pour lui plaire.
Dans ses vallons et dans ses bois,
Les fleurs dont Horace aulrefois
Faisait des bouquets pour Glyccre.
VOLTAIRB.
— Par ext. Cadeau offert à une personne
le jour de sa fête, et ordinairement accompa-
gné d'un bouquet qui n'en est que l'acces-
soire.
— Par anal. Touffe d'objets réunis en fais-
ceau : BOUQUET de cerises. BOUQUET de barbe.
BOUQUETBOUQUET de persil. La queue du bubale est
garnie d'un BOUQUET de crins à son extrémité.
(Buff.)
— Se dit particulièrement d'un faisceau do
paille orné de rubans, que l'on attache au
cou ou à la queue des chevaux mis en vente.
-î- Touffe d'arbres affectant la forme d'un
bouquet gigantesque : Rien de plus délicieux
que ces champs d'or et de pourpre qui alter~
nent avec de magnifiques BOUQUETS de verdure.
(J.-J. Rouss.) On voit çà et là quelques BOU-
QUETS d'oliviers sauvages. (Chateaub.)
— Particul. et par allusion au parfum des
fleurs, Parfum qu exhale le vin : Ce vin a du
BOUQUET. Pas de force! pas d'éclat! pas de
BOUQUET/BOUQUET/ c'est un bordeaux de troisième qua-
139
1106 BOUQ
llté et d'une mauvaise année. ( L , Gozlan.)
Parfait, il est parfait ton bordeaux, dit Tho-
mas en savourant, avec une sensualité peut-
être politique, le BOUQUET de ce vin couleur de
rubis. (E. Sue.) Le fumet de la gelinotte, com-
paré à celui d'un faisan, c'est le BOUQUET du
kaut-brion mis en regard de celui du vou-
geot. (Toussenel.) Le style de liegnard est
comme le bon vin qu'il versait à ses hâtes, dans
sa maison d'auprès de Montmartre, ou dans
son château de Grillon : il a le corps et le BOU-
QUET. (Ste-Beuve.)
. . . J'aime à voir, dans un verre qui brille,
Un vin qui porte au nez un bouquet qui pétille.
BOILEAU.
Béni sois-tu, vin détestable.
Pour moi, tu n'es point redoutable,
Bien qu'au maître de ce banquet
Des flatteurs vantent ton bouquet.
B E RANGER.
— Fig. Ce qui est exquis, délicat, recher-
ché : Ce recueil de poésies est un délicieux
BOUQUETBOUQUET A UNE DAME LE JOUR DE BA FÊTE.
Ces fleurs s'en vont trouver l'objet charmant
Sur qui d'amour tout le bonheur je fonde;
Si ce bouquet donné d'amour profonde,
C'est te donner toute la terre ronde,
Comme l'a dit très-bien maître Clément,
Jouis, Iris, de l'empire du monde,
Dont tu faisais déjà tout l'ornement :
Car bouquet onc plus amoureusement
Ne fut donné depuis le doux moment
Qu'on vit sortir l'autre Vénus de l'onde.
A UNE DAME NOMMÉE DUNE.
Etre Phébus bien souvent je désire ;
Non pour connaître herbes divinement,
Car la douleur que mon cœur veut occire
Ne se guérit par herbe aucunement;
Non pour avoir ma place au firmament,
Car en la terre habite mon plaisir;
Non pour son arc encontre Amour saisir,
Car à mon roi ne veux être rebelle;
Etre Phébus seulement j'ai désir
Pour être aimé de Diane la belle.
A CHLOÉ.
Puisque tu veux que nous rompions,
Et que, prenant chacun le nôtre.
De bonne foi nous nous rendions
Ce que nous avons l'un de l'autre;
Je veux, avant tous mes bijoux,
Reprendre ces baisers si doux
Que je te donnais a centaines ;
Puis il ne tiendra pas à moi
Que, de ta part, tu ne reprennes
Tous ceux que j'ai reçus de toi.
A UNE DAME CHATELAINE.
Dans nos hameaux, il est une bergère
Qui soumet tout au pouvoir de ses lois :
Ses grâces orneraient Cythère ;
Le rossignol est jaloux de sa voix.
J'ignore si son cœur est tendre ;
Heureux qui pourrait l'enflammer!
Mais qui ne voudra pas aimer
Ne doit ni la voir ni l'entendre.
— Epithétes. Assorti, émaillé, bigarré, va-
rié, nuancé, touffu, joli, charmant, délicieux,
odorant, odoriférant, suave, embaumé, par-
fumé, galant, amoureux.
— Encycl. Art vétér. Le bouquet (noir
museau, faux museau, poutère, barbouquet,
bouquin^ bique) est une maladie pustuleuse,
particulière aux moutons et aux chèvres, et
caractérisée par des croûtes brunâtres, for-
mant à la face une espèce de masque. On ne
trouve, dans la pathologie humaine, aucune
maladie pustuleuse qui puisse être rapprochée
du bouquet des petits ruminants; c'est pour-
quoi il faut décrire cette affection sous le nom
consacré en art vétérinaire.
Les causes de cette maladie sont : le par-
cage des moutons dans des bergeries mal te-
nues, infectes; la nature irritante des plantes
Sue broutent ces animaux, et surtout l'usage
u sarrasin en fleur. Au début de la maladie,
la peau des lèvres, et même celle de la face,
des yeux et des oreilles, est rouge et chaude.
Bientôt se montrent des pustules assez larges,
plates, isolées ou réunies, qui laissent ensuite
suinter une matière purulente à travers l'épi-
derme fendillé. Cette matière purulente, en
se desséchant, forme des croûtes brunes, sè-
ches, adhérentes, que l'on n'enlève qu'en pro-
duisant beaucoup de douleur, et en faisant
saigner la peau, qui est ulcérée superficielle-
ment. Les croûtes arrachées se réforment
promptement. Ordinairement ces croûtes se
réunissent, recouvrent la face d'une espèce
de masque brun, d'une étendue plus ou moins
grande, auquel la maladie doit son nom de
noir museau. Ces symptômes locaux sont ac-
compagnés d'inflammation de la muqueuse
des yeux
f
de la bouche, du nez; d'une abon-
dante salivation. La préhension et la mastica-
tion des aliments sont difficiles; la muqueuse
des lèvres, des gencives, du nez, se couvre
d'ulcères, et les animaux éprouvent une fiè-
vre intense. Lorsque la maladie décroît, les
croûtes tombent, la peau est dénudée de poils,
l'épiderme nouveau se forme. Cette maladie,
en général, dure de quinze jours à trois se-
maines, et comme la plupart des bêtes d'un
même troupeau sont d'ordinaire successive-
ment affectées, il s'ensuit que la maladie peut
durer six semaines ou deux mois.
Dans certains'eas, on se borne à soustraire
les animaux aux causes qui paraissent occa-
sionner la maladie, et elle finit presque tou-
jours par guérir spontanément; mais comme
les souffrances que les animaux ressentent et
la difficulté qu'ils éprouvent dans la préhen-
sion des aliments amènent l'amaigrissement,
il importe de les nourrir avec des herbes
tendres, des soupes, des farineux, et de laver
la bouche plusieurs fois par jour avec de l'eau
d'orge miellée et vinaigrée. Enfin, avec des
onctions de lait ou d'huile douce, on peut
calmer l'inflammation et activer la desquam-
mation des croûtes préalablement enduites
d'huile de lin ou de suie délayée avec du vi-
naigre, pour en hâter la dessiccation.
— Jeux. Faire un bouquet est une pénitence
que l'on impose quelquefois dans les jeux de
salon. Le pénitent choisit trois fleurs, qu'il
désigne au conducteur du jeu. Celui-ci en
prend note, et écrit à côté de chacune d'elles
BOUQ
le nom d'une personne de la société. Cela fait,
il demande au pénitent ce qu'il entend faire
des fleurs qu'il a choisies. Le pénitent en in-
dique aussitôt l'emploi, et le conducteur l'ex-
plique aux trois personnes qu'il a notées, et
qui se montrent plus ou moins flattées de la ma-
nière dont on les accommode. Un exemple ren-
dra sensible la marche de cette pénitence. Le
conducteur du jeu : Monsieur X, choisissez vos
trois fleurs. — Le pénitent : Je choisis le souci,
la violette et la rose. — Le conducteur : Que
faites'vous du souci? — Le pénitent : Je le
foule aux pieds. — Le conducteur : Et de la
violette? — Le pénitent : Je la mets au feu. —
Le conducteur : Et de la rose? — Le pénitent :
Je la chiffonne. — Le conducteur : Vous avez
foulé aux pieds Mme A..., mis au feu M'ie P...
et chiffonné Mme S...
On procède souvent d'une autre manière.
Le pénitent choisit trois fleurs emblématiques,
les lie avec un ruban dont la couleur est éga-
lement emblématique, les place dans un vase,
désigne une devise pour ce vase, et nomme
la personne à laquelle il destine ce bouquet.
Dans ce système, un jeune homme peut com-
poser ainsi son bouquet : « Je choisis une rose,
une pensée et un œillet (la rose est le symbole
de la beauté, la pensée celui de l'esprit, et
l'œillet celui de la candeur virginale) ; j'atta-
che'ces fleurs avec un brin de lierre (sym-
bole de la constance) ; je les dépose dans un
vase d'or sur lequel je grave : A la beauté que
parent les vertus, et j'en fais hommage a
Mlle x . . . » On voit que ces pénitences sont
des moyens assez ingénieux de ne pas s'amu-
ser en société.
— Jeu des douze bouquets. C'est un petit
jeu de société auquel peuvent prendre part
un certain nombre de personnes. On apporte
douze bouquets au milieu d'une compagnie de
daines; mais celles-ci sont treize, et le maî-
tre du j e u , quoique décidé dans le choix de
celle a qui U n'en donnera p a s , veut ce-
S
endant avoir l'air de remettre la chose au
asard. A cet effet, il prie les treize dames de
se placer comme elles l'entendent. Il compte
alors depuis un jusqu'à neuf, en partant de la
troisième dame au-dessus de celle qu'il veut
exclure : il fait sortir du cercle cette neu*-
vième, et lui donne un bouquet, puis il conti-
nue le cercle, toujours en comptant depuis un
jusqu'à neuf, en donnant un bouquet à chaque
neuvième qui sort. S'il n'y avait que douze
daines auxquelles on voulût distribuer onze
bouquets, il faudrait commencer par la dame
qui précède celle que l'on a l'intention d'ex-
clure. Ce jeu peut être appliqué dans une
foule d'autres circonstances ; dans tous les
cas, c'est une méthode savante, et renouvelée
de nous ne savons quel capitaine de vaisseau,
d'être désagréable a une des dames qui com-
posent la société.
Bouquet de bal (LE) , romance de Scribe,
musique de M
m
e Duchambge. Les mélodies
de Mme Duchambge, composées sous la Res-
tauration, eurent une popularité à laquelle
contribua pour une grande part l'admirable
talent d'Adolphe Nourrit, qui avait adopté ces
gracieuses productions, pleines de distinction
et d'une émotion contenue. « J'ai composé
mes romances avec mes larmes, » disait
M
m e
Duchambge; et, en effet, dans toutes
ses œuvres, on entend comme la plainte d'un
cœur brisé ou douloureusement affecté. Le
Bouquet de bal offre encore cette particula-
rité, que les paroles sont une des rares pro-
ductions de ce genre échappées à la plume de
Scribe.
Vous par-tez, bril - lante et pa -
Ë B p ^ ^ ^
- ré - e Pour le bal où j e n'i-rai
vous? hé-las!Qu'a-lors ce bou-quetvousrap-
i
- pel - le Un a - mant ab - sent et fi
- quet du moins y se - ra.
BOUQ
DEUXIÈME COUPLET.
Vous partez, ci moi je demeure
Avec mon amour et ma foi !
A vous, moi je pense à toute heure;
Vous, à minuit pensez a moi!
Presse alors cette fleur jolie
Sur ton cœur, seul bien que j'envie.
Et si j e ne suis pas là,
Mon bouquet du moins y sera.
TROISIEME COUPLET.
Regarde-le, quand, avec grâce,
Mes rivaux viendront te vanter;
Regarde-le... Si leur audace
A valser voulait t'inviter,
Que ce bouquet, ma seule offrande.
Et vous sépare et me défende ;
Et si je ne suis pas la,
Mon bouquet du moins y sera.
QUATRIÈME COUPLET.
Elle partit, fraîche et brillante;
Et les Boupirs de mille amants,
Du bal la musique enivrante
Bientôt égarèrent ses sens.
Eflleurant a. peine la terre,
Elle valsait, vive et légère.
Quand soudain minuit sonna...
Et le bouquet n'était plus l à !
B o u q u e t d e l ' i n f a n t e (LE), Opéra-COmiqilO
en trois a c t e s , paroles de MM. P l a n a r d e t de
Leuven, musique de M. Adrien Boieldieu, re-
présenté à l'Opéra-Comique, le 27 avril 1847.
Le livret n'est pas heureusement imaginé.
Don Fabio de Sylva, gentilhomme portugais
exilé et dépouillé de ses biens par le roi do
Portugal, veut se venger. Il organise un
complot qui est découvert. Il est condamné a
mort; et la sentence va recevoir son exécu-
tion, lorsqu'on apprend que le roi accorde la
grâce du coupable. C'est le bouquet de Tin-
tante tombant sur la scène qui est le symbole
de l'amnistie royale.
La musique n'a guère relevé un si mauvais
f
ioeme. On a pu cependant apprécier les qua-
ités qui distinguent M. Adrien Boieldieu. Hé-
ritier d'un nom illustre, il a su en perpétuer
jusqu'à un certain point la gloire- Déjà, dans
son opéra de Marguerite, on avait remarqué
des mélodies élégantes; dans le Bouquet de
l'infante, les morceaux sont plus développés
et l'instrumentation plus riche. Nous signale-
rons, au premier acte, un charmant nocturne
à quatre voix ; la romance : Vous voyez bien
?
u'il est mon père, chantée par M
| l e
Lavoye;
air de Pascales ; et, dans le reste de la par-
tition, le trio avec chœurs, l'air de Ginetta et
la romance de Fabio : Ah! le plus beau jour
de ma vie sera mon dernier jour ! qui est d'un
sentiment noble et d'une expression touchante.
Audran, Macker, et M
l l e
Lavoye ont créé les
rôles de cet ouvrage. Voir l'art. BOIELDIEU, où
cette pièce est analysée plus longuement
qu'ici.
BOUQUETSBOUQUETS DE MAI ou cochonnets. (A. Dufour.)
— Bot. Mode d'inflorescence dans lequel
les pédoncules partis du même point portent
les fleurs sensiblement à la même hauteur :
Les fleurs de la primevère, du jonc fleuri, etc.
sont disposées en BOUQUETS. On dit plus ordi-
nairement SERTULE, et souvent ce mode d'în-
iloroscenco est confondu avec l'ombelle, u
Bouquet parfait ou Bouquet tout /azï,CEilletdu
poëte ou œillet barbu, plante dont la fleur est
disposée en bouquet.
— Littér. Bouquet à Chloris, à Iris, à
Philis, etc., Petite pièce de poésie, rondeau
ou madrigal, que l'on offre à une dame le jour
BOUQ
de sa fête, le plus souvent accompagnée d'un
bouquet. Clément Marot, l'abbé de Chauliëu,
Dorât excellaient dans ce genre, qui, depuis,
a été un peu discrédité. En voici quatre, qui
sont de Chauliëu, de Marot, de Furetière et
de La Popelinière :
BOUQUETBOUQUET de fleurs.
— Bouquet-sachet, Genre de bouquet artifi-
ciel de création récente, dont chaque fleur
contient le parfum qui lui est propre, et qui
est destiné à remplacer les anciens sachets
d'odeur : Les BOUQUETS-SACHETS se font de la
?
rosseur d'un petit bouquet de violettes; pour
eur exécution, on réunit plusieurs liges de lai-
ton, au bout desquelles on ajoute de la ouate,
que l'on parfume d'essence et qu'on, recouvre de
soie, puis on forme les /leurs avec du petit ru-
ban et on entoure le bouquet de feuilles. (J.
Desrez.) Il Bouquet de mariée, Bouquet de
fleurs d'oranger que les jeunes filles por-
tent ordinairement le jour de leur mariage.
Il Donner le bouquet
x
Rendre le bouquet,
Faire, rendre une invitation à dîner, parce
que ces invitations étaient autrefois accompa-
gnées d'un bouquet, il Avoir le bouquet sur l'o-
reille, Etre en vente et, par plaisanterie, être
à marier, en parlant des filles. Se dit par al-
lusion au bouquet de paille que l'on met aux
chevaux à vendre : Cette maison A I,K BOU-
QUET SUR L'OREILLE. Cette fille A LE BOUQUET
SUR L'OREILLE. Il Faire porter le bouquet à SOÎI
mari, Lui être infidèle.
— Pyrotech. Pièce finale d'un feu d'artifice,
composée ordinairement d'un grand nombre
de fusées qui partent à la fois. On forme les
bouquets en disposant sur des échafaudages
un grand nombre de caisses ouvertes par le
haut, chacune contenant cent quarante fusées
volantes et communiquant avec les autres
au moyen de mèches convenablement dispo-
sées : de cette manière, elles prennent feu
toutes en même temps et produisent une
sorte d'éruption volcanique. On dit quelque-
fois GIRANDE. ]] Fig. Couronnement, conclu-
sion : Ce discours a clos la session, c'est le
BOUQUET. J'ai écrit mon dernier et meilleur
chapitre; j'ai mon BOUQUET.
— Archit. Touffe de feuillages épanouis ou
fermés, qui termine les ogives en accolade,
les frontons aigus, les pinacles, les clochetons
et les pyramides de 1 époque ogivale : Dans
les monuments du xvic siècle, le BOUQUET est
quelquefois remplacé par un acrotère destiné
à porter une statuette.
— Mar. Réunion-de poulies qu'on établit
au bas des basses voiles sur certains navires.
il Pièces de bois qui unissent les côtés d'un
bateau avec les deux courbes de devant.
— Pêch. Sorte de crevette, la plus grosse
de toutes, et qui est comme la fleur, le bou-
quet des crevettes.
— Typogr. Feuille tirée par bouquets,
Feuille où les caractères ont été imprimés
inégalement, et qui n'est bien venue que par
places.
— Techn. Outil du relieur, qui sert à in-
cruster des ornements également appelés
bouquets.
— Art culin. Paquet de certaines herbes
odorantes qu'on introduit dans les ragoûts
pour en relever la saveur, il Bouquet garni,
Celui qui se compose de persil, de ciboule,
d'ail, de thym et de laurier.
— Jeux. Sorte de pénitence particulière à
certains jeux de salon.
— Anat. Bouguet anatomique, Faisceau de
muscles et de ligaments qui s'insèrent à l'a-
pophyse styloïde de l'os frontal.
— Pathol. Petite croûte qui se forme quel-
quefois sur la joue, près des lèvres : Enm'em-
brassant, il m'a fait gagner son BOUQUET.
— Art vétôr. Sorte de dartre qui attaque
le museau, les lèvres, la bouche interne des
chevreaux, des agneaux et des brebis, il On
dit aussi MUSKAU NOIR.
— Hortic. Bouquets de mai, Bourgeons dont
on provoque le développement en pinçant les
rameaux : Sur les points des rameaux où l'on
a opéré le pincement, on ne tarde pas à voir
apparaître de courtes ramifications, appelées
BOUQUET
BOUQUET (dom Martin), célèbre bénédic-
tin de Saint-Maur, né à Amiens en 16S5 ,
mort en 1754. U était bibliothécaire de l'ah-
baye de Saint-Germain-des-Prés, et renonça
à cette place afin de se consacrer entièrement
à ses études et à ses travaux. Après avoir
aidé Montfaucon dans toutes ses recherches,
il s'occupa lui-même de préparer une nou-
velle édition de l'historien Josèphe; mais,
ayant appris que Havercamp en préparait
également une, il lui envoya généreusement
tous ses matériaux. Désigné par le supérieur
général de sa congrégation pour exécuter le
projet, dès longtemps conçu par Colbert et
repris par d'Aguesseau, de publier une nou-
velle collection des historiens des Gaules et
de la France, il entreprit ce vaste travail,
que Mabillon avait jugé au-dessus de ses
forces, et commença en 1738 la publication
des Berum gallicarum et francicarum scrip-
tores, dont il mit au jour huit volumes. Il
avait entrepris le neuvième, qui comprenait
les monuments de la race carlovingienno,
lorsqu'il mourut. Ce recueil précieux, base de
notre histoire nationale, fut continué par les
bénédictins Haudiquier, Poirier, Précieux,
Housseau, etc. L'Académie des inscriptions
s'est chargée de le terminer.
BOUQUET
BOUQUET (Mme), femme célèbre de la Ré-
volution et belle-sœur de Guadet. Elle ha-
bitait une maison de campagne près do
Bordeaux, lorsque, lo 2 juin 1793, proscrit et
traqué, le célèbre conventionnel alla frapper
à sa porte. Bientôt il y fut suivi par do
Salles son ami, puis par Buzot et Pétion.
« Qu'ils viennent tous, » s'écriait la généreuse
femme, oubliant qu'en cette époque bien
grande, mais bien sombre et fatalement cruelle,
durant cette affreuse tourmente révolution-
naire, il y avait danger de mort pour qui
donnait l'hospitalité à un condamné.
Pendant près d'un mois, elle les cacha dans
un souterrain dépendant de son hospitalière
maison, pourvoyant à tous leurs besoins,
pleine do pitié pour les infortunés qui étaient
BOUQ BOUQ
BOUQ
BOUQ 1107
hors la loi, pleine de sollicitude, de dévoue-
ment et de fermeté puisée dans le devoir. Et
quand l'un d'eux voulait lui parler du danger
qu'elle courait, de la récompense terrible
qu'elle devait attendre de sa générosité : * N'ai-
je pas assez vécu, répondait-elle, puisque je
vous ai sauvés? Le bonheur de consoler des
malheureux n'est-il pas assez grand pour ren-
dre indifférent aux dangers qui peuvent en
être la suite ? Et la mort n'est-elle pas tout
ce qu'on peut envier de plus doux, lorsqu'on
a fait tout le bien possible?» Cependant un
traître la dénonça comme recelant des giron-
dins ; alors craignant non pour elle, mais pour
ses hôtes, elle les fit évader. Il était trop tard;
Pétion, Salles et Buzot avaient eu le temps
de fuir; mais Guadet fut arrêté; avec lui
toute sa famille, et l'énergique et sainte
femme qui avait donné asile a ceux que tous
abandonnaient et repoussaient.
Quand, traînée devant le tribunal, les juges
lui reprochèrent d'avoir désobéi à la loi en
recelant des proscrits, elle fut indignée en
son âme pure et grande, et ne put se conte-
nir : « Monstres, s'écria-t-elle, tigres altérés
de sang, oui, si l'humanité, si les cris de la
nature, si les liens de la famille sont des
crimes, nous méritous tous la mort. »
Lorsque fut prononcé l'arrêt qui la condam-
nait a mourir, elle voulut s'élancer vers le pré-
sident. Quand le bourreau lui coupa les che-
veux, elle essaya de se débarrasser de ses
liens, se montra indignée, violente, furieuse.
Mais ayant détourné la tête, elle vit le père
de Guadet, qui, le front dans ses mains, sem-
blait anéanti j elle ne songea plus qu'à lui ; et
c est en prodiguant des consolaiions'qu'alla à
l'échafaud cette héroïque et noble femme,
dont le nom est quelquefois écrit BOURQUEY.
BOUQUET
BOUQUET (C.-Jean-Claude), mathémati-
cien français, né en 1818. Elève de^l'Ecole
normale, il a professé successivement à Mar-
seille, à la faculté des sciences de Lyon, et
au lycée Bonaparte depuis 1852. Outre sa
thèse de doctorat, Sur le calcul des varia-
tions (1841) et divers mémoires intéressants,
il a donné, en collaboration avec M. Briot,les
Leçons nouvelles de géométrie analytique, ex-
cellent ouvrage d'enseignement, et des re-
cherches Sur l'étude des fonctions définies par
4*s équation» différentielles.
BOUQUET
BOUQUET (Pierre), jurisconsulte français,
neveu du précédent, mort à Paris en 1781. Il
exerça la profession d'avocat et publia plu-
sieurs ouvrages, parmi lesquels nous citerons :
le Droit public de France éclairci par les mo-
numents de l'antiquité (Paris, 1726): Lettres
provinciales ou Examen impartial de l'origine,
de la constitution et des révolutions de la mo-
narchie française (Paris, 1772, 2 vol.); Ta-
bleau historique, généalogique et chronologi-
que des trois cours souveraines de France
(1772).
BOUQUET
BOUQUET (Michel), peintre français con-
temporain, né à Lorient en 1809, élève de
M. Gudin, commença à peindre des marines
et débuta, au Salon de 1835, par une Vue prise
à Lorient. Il s'adonna ensuite à la peinture du
paysage proprement dit, choisissant de préfé-
rence ses vues en Bretagne, et il remporta
une médaille de 3
e
classe en 1830. Après cette
exposition, il se "décida, comme beaucoup
d'autres jeunes artistes de son temps qu'a-
vaient séduits les œuvres de Decamps et de
Marïlhat, à faire un voyage en Orient, Il vi-
sita successivement la Sicile, la Grèce, l'Asie
Mineure, Constantinople, la Moldo-Valachie,
la Hongrie, l'Algérie
t
et rapporta de ces di-
vers pays des croquis d'après lesquels il a
exécuté des tableaux à l'huile et des pastels
qui ont été très-remarques ; il nous suffira de
citer : la Petite mosquée d'Ourlac (près de
Emyrne) et la Vue de Monreale, en Sicile
(Salon de 1841) ; la Vue de la rade de Smyrne ;
un Souvenir du cap Sunium et un effet de So-
leil couchant sur les hauteurs du Bosphore,
trois pastels du plus brillant coloris, exposés
en 1844; la Vue deJassy (1845); les Portes-de-
Fer eu Algérie (1846) ; une Vue prise aux en-
virons de Païenne et les Bords du Danube,
pastel (1847); le Soir dans les steppes de la
Moldo-Valachie (1848); une Eue de Nicomédie
(1857). M. Bouquet a parcouru aussi l'Ecosse,
dont il a exposé des vues au pastel d'une
faîcheur exquise (1850). Il n'avait pas renoncé,
. d'ailleurs, à représenter les sites de sa pro-
vince natale; en 1845, il fut chargé par le
ministre de l'intérieur de peindre la Vue de
Lorient) et, de 1853 à 1856, u n'a guère exposé
que des paysages bretons ou normands. Il a ob-
tenu des médailles de 2« classe en 1847 et en
1848. Doué d'une facilité peu commune, il
réussit particulièrement à saisir les impres-
sions fugitives de la nature, les accidents
éphémères de lumière et d'ombre. A dire vrai,
il dbauche plutôt qu'il n'achève; aussi cer-
taines parties de ses paysages manquent-
elles de fermeté ; mais il rend bien la transpa-
rence des eaux, la légèreté des ciels, la fraî-
cheur de la verdure. Coloriste brillant, mais
sans profondeur, il s'est surtout distingué
comme pastelliste. Il a publié aussi d'intéres-
sants recueils de lithographies, entre autres
un album de douze planches représentant des
vues prises dans les Principautés danubiennes
(Paris, 1840) et deux ouvrages sur l'Ecosse,
dont l'un {The Tourist's Ramble in the High-
lands) a paru à Londres en 1850, et l'autre à
Paris en 1852. Il a adressé en outre à l'Illus-
tration plusieurs dessins et quatre lettres sur
l'Ecosse. Depuis quelques années, il se livre
à peu près exclusivement à des travaux de
céramique : il exécute, sur faïence cuite au
grand leu de four et peinte sur émail, des
paysages, marines et décorations diverses.
Les résultats auxquels il est parvenu dans cet
art difficile sont des plus remarquables. Plu-
sieurs de ces faïences ont figuré avec succès
aux Salons de 1863, 1864, 1865 et 1866, et aux
expositions des beaux-arts appliqués à l'indus-
trie. Parmi les salons aristocratiques qui ont
admis ce genre de décoration, nous citerons
celui du duc de Montebello, à Paris.
BOUQUETÉ,BOUQUETÉ, ÉE adj. (bou-ke-té — rad.
bouquet). Néol. Parsemé d objets disposes en
bouquet : Sur les reliefs perpendiculaires du
paysage, des pentes rases, ou BOUQUETÉES de
cépées de hêtres. (Chateaub.)
BOUQUETIER
BOUQUETIER s. m. (bou-ke-tié — rad.
bouquet). Vase à mettre des fleurs.
— Bot. Espèce de bigaradier.
BOUQUETIÈRE
BOUQUETIÈRE s. f. (bou-ke-tiè-re — rad.
bouquet). Femme qui fait ou vend des bou-
quets de fleurs naturelles.
Bouquetière d e s I n u o c e n d (**A), drame en
cinq actes et onze tableaux, de MM. Anicet
Bourgeois et Ferdinand Dugué, représenté
pour la première fois à Paris sur le théâtre
de l'Ambigu-Comique , le 15 janvier 1862.
Trouverait-on dans l'histoire de France un
règne plus honteux que la régence de Marie
de Médicis? La Fronde est une Iliade auprès
de la Batrachomyomachie féodale qui s'agite
autour de cette lourde pécore. Les princes se
battent pour de l'argent, les grands conspirent
pour des places à la cour ; la soumission se
vend et s'achète pendant qu'un raffiné politi-
que, Concini, sorte de valet fripon, vole, in-
trigue, fait tous les métiers. Le drame qui
nous occupe raconte à sa manière la grandeur
et les décadences de ce cavalier servant de la
reine. La Bouquetière des Innocents, Margot,
est une filleule de Henri IV, une brave fille qui
enrage de ressembler trait pour trait à la Ga-
ligaï, laquelle est soupçonnée par le peuple
de conspirer, avec son mari Concini, la mort
du roi. Le roi, malgré mille avis divers, a
cédé aux obsessions de Marie de Médicis, et
a consenti à la faire couronner et sacrer dans
l'église de Saint-Denis. Le lendemain de la
cérémonie, les forts et les dames de la halle
veulent aller au Louvre complimenter le roi
et la reine. Ils choisissent Margot pour parler
au nom de la députation. La filleule du roi
emmène avec elle un fripier, son fiancé, qui
porte un nom fameux, lo surnom même du
peuple de France, Jacques Bonhomme, et un
jeune peintre qu'elle protège et qui s'appelle
Henriot. Ce dernier est un des nombreux bâ-
tards semés un peu partout par Henri IV, qui,
dans la pièce, nous paraît un peu mélanco-
lique pour un diable à quatre. Mais en route,
les forts rossent les laquais de Léonora Ga-
ligaï; si bien que la reine, apprenant l'insulte
faite à sa favorite, refuse de recevoir l'hom-
mage des halles et demande vengeance au roi
pour M
m e
Concini. Henri IV traite l'incident
fort légèrement, ne veut point s'y arrêter et
accueille avec bonté Margot et ses compa-
gnes. Il embrasse sa filleule, accorde une dot
à Jacques Bonhomme et interroge Henriot.
Reconnaissant en celui-ci un entant de ses
amours, il le présente au dauphin et le lui re-
commande. Henriot jure d'être toujours pour
le dauphin un serviteur dévoué, après quoi
Henri IV annonce qu'il va rendre visite à Sully
malade. Rue de la Ferronnerie, il est frappé à
mort par le couteau de Ravaillaç. Le grand
chancelier, devant Marie de Médicis et la
cour, proclame le dauphin roi de France.
Louis XIII est acclamé par tous les assistants.
Le drame impute au sigisbée de l'indigne
femme de Henri IV la mort de ce dernier ;
c'est Concini qui lance Ravaillaç sur le roi,
qui le style au meurtre ; il est le seul complice
de l'assassin derrière lequel l'histoire, moins
exclusive, nous montre les jésuites, les agents
de l'Espagne, de l'Autriche et de Rome, le
duc d'Epernon, le marquis de Verneuil, la Du
Tillet, maîtresse du duc d'Epernon, les Concini
et Marie de Médicis.
Jacques Bonhomme, le fripier que nous
avons vu tout à l'heure accompagner Margot
chez le roi, a vendu le matin même des habits
à Ravaillaç : il pourrait parler; Concini le fait
enfermer. Jacques Bonhomme devient fou, on
le rend alors à sa Margot, qui, à force de soins,
le rappelle à la santé et à la raison. Le jeune
peintre Henriot, de son côté, songe à venger
la mort du roi. Initié à un complot qui a pour
but de renverser les Concini, partageant l'in-
dignation que les faveurs dont sont comblés
ces aventuriers provoque dans le peuple, il
doit assister à une réunion de bourgeois et
d'artisans, le soir même, au cimetière des In-
nocents. Henriot propose à Jacques Bon-
homme de s'y rendre aussi. Jacques Bon-
homme accepte; mais le nom du cimetière lui
rappelle une certaine moitié de médaille qu'il
a cachée sous la troisième marche de la croix.
Cette moitié de médaille joue un rôle impor-
tant dans la pièce; un homme masqué qui ac-
compagnait Ravaillaç, et qui n'était autre que
Concini, l'a perdue dans la boutique de Jac-
ques Bonhomme, qui l'a ramassée, se doutant
bien, les auteurs ne nous disent pas pourquoi,
qu'elle devait avoir dans l'avenir son utilité.
En effet, il paraît que tout le monde à la cour
connaîtrait immédiatement le nom du com-
plice de Ravaillaç, si, par malheur ou par
bonheur, Jacques Bonhomme montrait sa
trouvaille. La Concini, qui sait cela, désap-
prouve donc avec beaucoup de raison la mise
en liberté du fripier. Elle a fait épier la fian-
cée de ce dernier, elle a entendu ses propos et
surpris le secret de Jacques Bonhomme. Pen-
dant que, par son ordre," on enferme soigneu-
sement Margot à l'hôtel Concini, Leonora Ga-
ligaï s'enveloppe dans une des mantes de la
I bouquetière ; elle compte, grâce à sa ressem-
blance extraordinaire avec la fiancée de Jac-
1
ques Bonhomme, pouvoir pénétrer dans le ci-
[ metière et s'emparer de la précieuse moitié
de médaille. Quand elle arrive au cimetière,
Jacques s'y trouve déjà. La nuit est complète.
Le fripier, agenouillé près de la croix, fouille
les crevasses de la troisième marche; sa
main rencontre celle de la Concini qui essaye
alors de se faire passer pour Margot; mais
Jacques Bonhomme ne s'y trompe pas. Il la
saisit en appelant les conjurés. La Concini le
poignarde, et les soldats de son mari, créé
récemment maréchal d'Ancre, accourent pour
la protéger contre le peuple, qui serait exter-
miné , sans l'intervention des gardes du roi
commandés par Vitry.
Jacques Bonhomme, qui a la vie dure, a
repris ses sens ; il s'est traîné jusqu'à la croix
et a retrouvé la moitié de médaille, qu'il a
confiée à Henriot. Enfin le vieux Vitry (qui
par parenthèse n'existait plus, et qui se trou-
vait remplacé par son fils; mais les auteurs
n'y regardent pas de si près), le vieux Vitry
offre au roi Louis XIII de le débarrasser de
l'odieux maréchal d'Ancre. Le roi hésite,
mais il a gardé une moitié de médaille trou-
vée sur l'assassin de Henri IV; or cette moi-
tié se rapporte parfaitement avec celle qu'a
trouvée Jacques Bonhomme, et que le jeune
Henriot lui montre tout justement. Le perspi-
cace Louis XIII en conclut, nous ne savons
trop par quelle subite déduction, que Concini
a été complice du meurtre de son père. Il
n'hésite plus à le faire assassiner par Vitry.
Le peuple, quand il apprend la mort du fa-
vori, se livre à une joie insensée. Il s'empare
du cadavre et va le brûler devant la statue
de Henri IV, en signe d'expiation; puis il
court assiéger la Galigaï dans son hôtel. La
pièce se termine par une promenade triom-
phale du roi, le jour même où la maréchale
d'Ancre est condamnée comme sorcière à être
décapitée, puis brûlée en place de Grève. Le
cortège royal est précédé joyeusement par la
noce de Jacques Bonhomme, qui est guéri, et
de Margot, qui est délivrée. « Au milieu de
cet assemblage incohérent de scènes histori-
ques et de scènes fabuleuses, dit M. de Bié-
ville, deux situations vraiment saisissantes et
très-habilement mises en action se distin-
guent : la rencontre de Leonora et de Jac-
ques Bonhomme au pied de la croix, et l'exé-
cution de Concini sur le grand escalier du
Louvre. Quant à la ressemblance de la maré-
chale d'Ancre et de Margot, elle n'a d'autre
raison que celle de pouvoir faire jouer les
deux rôles jpar la même actrice. Ce double
rôle a servi pour la rentrée de M«>e Marie
Laurent à l'Ambigu. » Nous avons vu que ce
n'est plus, comme dans l'histoire, par Luynes,
que Concini, véritable scapin de cour, est
renversé, mais par la bouquetière Margot et
le peintre Henriot, une filleule et un bâtard
de Henri IV. « Cette histoire, écrit M. Paul
de Saint-Victor, cette histoire machinée et
enluminée fait un drame intéressant, à tout
prendre. L'attention ne languit pas, les ta-
bleaux se suivent sans se ressembler. Une
mise en scène presque pathétique est celle de
l'assassinat du maréchal, transporté sur le
grand escalier du Louvre. » — Acteurs qui
ont créé la Bouquetière des Innocents :
Mme Marie Laurent, Margot et Galigaï;
Mlle Jane Essler, LouisXIII; MM. Faille,
Concini; Orner, Henri IV; Charles Pérey,
Jacques Bonhomme, etc.
Bouquetière (LA), opéra en un acte, paroles
de M. Hippolyte Lucas, musique d'Adolphe
Adam, représenté à Paris sur le théâtre de
l'Opéra, le 31 mai 1847. Le vicomte de Cour-
tenay achète tous les jours, au prix d'un écu
de six livres, un bouquet à Nanette. Le vi
r
comte est un charmant mauvais sujet qui se
ruine au jeu, si bien qu'il n'a plus d'autre res-
t
source que d'aller s'engager chez un raco-
* leur. N'ayant plus le moyen d'acheter un ré-
giment, il le gagnera. En chemin, il rencontre
la jolie bouquetière. Nanette lui offre le bou-
quet quotidien ; mais comment le payerait-il?
tout son avoir se borne à vingt sous... Le vi-
comte donne à Nanette un billet de loterie,
puis il lui fait ses adieux en déposant un bai-
ser sur les joues de la jeune fille. Nanette est
émue et n écoute que d'une oreille distraite
M. l'inspecteur du marché, qui a bien envie
de lui décocher une déclaration, mais en est
toujours empêché au moment décisif par
quelque incident grotesque.
Le vicomte revient, portant à son chapeau
les rubans des nouveaux enrôlés, s'appretant
à payer à ses nouveaux camarades la bienve-
nue d'usage. Nanette se sent triste en son-
geant qu'un si joli garçon peut revenir de
la guerre boiteux, estropié, et même ne pas
revenir du tout. Heureusement, la fortune se
montre favorable. Avec le billet que le vi-
comte lui a donné en payement, Nanette ga-
gne vingt mille écus! Elle court vite racheter
la liberté de M. de Courtenay, et veut rendre
à sa pratique le surplus de la somme. Le vi-
comte refuse ; d'ailleurs que pourrait-il faire
de vingt mille écus, lui qui a contracté la vi-
cieuse habitude d'en manger deux cent mille
par an ? Heureusement encore, il vient de mou-
rir aux Indes, fort à point, un vieux bonhomme
riche comme plusieurs Crésus, qui n'a d'autre
héritier que le vicomte de Courtenay. Donc
M. de Courtenay devenu riche épouse Na-
nette, et forme le projet d'être sage. Quant à
M. l'inspecteur, il reste décidément garçon, et
la toile tombe.
L'ouverture est le morceau le mieux réussi
de l'opéra. On y trouve des idées fraîches, le
rhythme et cette netteté rapide oui ont valu à
Adolphe Adam sa popularité de bon aloi; on
y trouve aussi un charmant motif qui se re-
produit plus tard dans l'ouvrage. Citons les
couplets et la cavatine de Nanette, le trio de
basse, ténor et soprano, le chœur des nouveaux
enrôlés, l'entrée et la marche de la loterie.
En voilà plus qu'il n'en faut pour composer,
à propos d'une bouquetière, un bouquet musi-
cal tout parfumé de mélodie. Le livret est na-
turellement peu compliqué, vu le manque
d'espace ; mais les vers en sont bons et ne
ressemblent pas à ces bouts-rimés ridicules
dont le public se contente d'ordinaire. Acteurs
qui ont créé la Bouquetière : MU
e
Nau, Na-
nette ; Ponchard, le vicomte de Courtenay, etc.
— La décoration, qui représente l'ancien quai
aux Fleurs, est d'une grande finesse de ton,
et fait le plus grand honneur à MM. Cambon
et Thierry.
BOUQUETINE
BOUQUETINE s. f. (bou-ke-ti-ne ). Bot.
Nom que l'on donne au boucage dans cer-
taines contrées.
BOOQUETOUTs. m. (bou-ke-tou—rad. bou-
quet, parce qu'il sert à la pêche de la crevette
oououet; ou mieux de bouquer, pour boucher,
et de tout, parce que le filet a des mailles
très-étroites et ne laisse pas passer les plus
petits poissons). Pêch. Sorte de filet en forme
de poche, monté carrément sur un morceau
de fer emmanché, il On dit aussi BOUQUETON
e t BOUQUETORT.
B O U Q U E T T E s. f. (bou-kè-te). Agric. Nom
vulgaire du sarrasin dans les départements
du Nord.
BOUQCIER
BOUQCIER (Gabriel), conventionnel, né
dans le Périgord vers 1750, mort en 1811.
Envoyé à la Convention par le département
de la Dordogne, il s'y fit remarquer par l'exal- ».
tation de ses opinions révolutionnaires. Nommé
membre du comité d'instruction publique, il
demanda qu'on privât de leurs droits politi-
ques les jeunes gens qui auraient atteint leur
vingt-et-untème année sans avoir appris ou
exercé un art ou une science utile, qu'on sup-
primât les écoles consacrées à l'enseignement
des lois, et qu'on interdît sévèrement toute
espèce de paraphrase, interprétation, glose
ou commentaire sur les décrets de la Conven-
tion;.mais il proposa la restauration du mu-
sée, en excluant toutefois les tableaux qui
pouvaient rappeler des souvenirs monarchi-
ques. Il composa, en collaboration avec Mo-
line, une espèce d'opéra révolutionnaire, qui
fut joué sur les principaux théâtres du temps,
et qui avait pour titre : Béunion du 10 août,
ou Y Inauguration de la République française,
sans-culottide en cinq actes. Bouquier ne fi-
gura dans aucune des assemblées politiques
qui succédèrent à. la Convention.
BOUQUETIN
BOUQUETIN s. m. (bou-ke-tain — di-
min. de bouc). Mamm. Espèce de chèvre
sauvage, qui vit sur les montagnes de l'Eu-
rope et de l'Asie : Le BOUQUETIN femelle a les
cornes beaucoup plus petites que celles du
mâle. (Buff.) Corneille est comme les BOUQUE-
TINS et les chamois de nos montagnes, gui bon-
dissent sur un rocher escarpé et descendent
dans des précipices. (Volt.) Il V. CHÈVRE.
— Encycl. On donne le nom de bouquetin à
f
dusieurs espèces de chèvres. Il y a d'abord
e bouquetin des Alpes, qu'on appelle encore
bouquetin commun ou bouquetin ibex; puis le
bouquetin de Sibérie, celui du Caucase, celui
des Pyrénées, le bouquetin d'Egypte, le bou-
quetin Walie et le bouquetin Jharal.
—Bouquetin des Alpes. Ses caractères spé-
cifiques peuvent se résumer ainsi : molaires
au nomore de six à chaque mâchoire ; cornes
des mâles très-fortes, presque noires, sillon-
nées de deux arêtes longitudinales et de côtes
saillantes transversales ; cornes des femelles
triangulaires et plus petites ; .pelage d'un gris
fauve aux parties supérieures du corps, et
d'un blanc sale aux parties inférieures, avec
une bande noire qui s'étend tout le long^du
dos jusqu'au bout de la queue; barbe noire et
rude chez les mâles seulement. Dans cette
espèce, le mâle et la femelle diffèrent consi-
dérablement; ainsi, tandis que les cornes des
premiers atteignent souvent 1 m. de longueur,
celles de la femelle ont à peine 0 m. 15. La
femelle n'a jamais de barbe; déplus, elle est,
dit-on, d'un tiers plus petite que le mâle. La
hauteur moyenne de ce dernier est de 0 m. 87';
son poids atteint quelquefois plus de 140 ki-
logr. Le bouquetin a presque les mêmes mœurs
que le chamois, mais son habitat est en-
core plus élevé : on ne peut guère le ren-
contrer 'que dans la région des neiges éter-
nelles. Il est encore plus agile que le chamois.
On le voit fréquemment gravir, au moyen des
moindres aspérités, des parois presque per-
pendiculaires ; il franchit d'un bond des dis-
tances vraiment prodigieuses, en mesurant
son élan avec une précision qui tient du pro-
dige. Lorsque, pour fuir un danger, il se pré-
cipite d'une'grande hauteur, c'est toujours la
tête en avant; il ne tombe pas précisément
sur ses cornes, comme le croient les chas-
seurs, mais celles-ci frappent le sol presque
aussitôt que ses pieds de devant, et il leur
arrive parfois d'être brisées par le choc. Sa
force est aussi très-remarquable. Si l'on en
croit Gaston Phœbus, à l'époque du rut, c'est-
à-dire au mois de janvier, il court sur les
passants, qu'il attaque à coups de tête comme
le bélier, et les heurte si rudement qu'il peut
casser la cuisse ou la jambe d'un homme. Les
organes de la vue, de l'ouïe et de l'odorat
sont parfaits chez le bouquetin. Il est toujours
sur ses gardes; aussi sa chasse est-elle très-
pénible et très-dangereuse. Il faut le suivre
au travers des glaciers et des précipices ;
s'ouvent même, lorsqu'il est pressé, il s'élance
sur le chasseur, l'accule contre un rocher, l'y
serre à l'étouffer ou le culbute dans un abîme.
Les chiens sont inutiles ; tout dépend de l'a-
dresse du tireur. C'est en août et septembre
qu'on chasse le bouquetin. Les chasseurs se
réunissent d'ordinaire au nombre de deux ou
trois ; ils visitent les rochers où il se tient
pendant le jour, ou cherchent à le surprendre
quand la rigueur du froid et le manque de
nourriture le forcent à gagner les forêts. Pris
jeune, le bouquetin s'apprivoise aisément. Ac-
couplé avec la chèvre domestique, il produit
dés métis doués eux-mêmes de la faculté de
se reproduire. Son sang passait jadis, en mé-
decine, pour un spécifique souverain contre la
pleurésie, la péripneumonie et diverses autres
maladies. C'est encore un remède populaire
très-usité dans la Savoie et le Piémont sep-
tentrional. Le bouquetin était répandu autre-
fois dans toute la chaîne alpine, depuis le
mont Blanc jusqu'au mont Eisenhartz, en
Styrie. Peut-être même, ainsi que le fait sup-
poser un passage de Varron, habitait-il aussi
une partie de la chaîne des Apennins. De nos
jours, il est confiné dans un petit canton des
Alpes piémontaises, et la race semble devoir
s'éteindre dans un avenir assez prochain.
•— Bouquetin de Sibérie. Cette chèvre, que
M. Boitard rapproche du bouquetin de l'Hi-
malaya, pourrait bien n'être qu'une simple
variété de Y ibex des Alpes. La distribution
géographique du bouquetin de Sibérie n'est
pas encore bien déterminée. On sait seule-
ment qu'il existe sur divers points de la
grande chaîne de montagnes qui sépare la
Sibérie de la Tartarie orientale, principale-
ment vers les sources du Jeniser. Les petits
1108 BOUO
BÔUQ
BOUQ
BOUQ
naissent au mois de mai. Lorsque les monta-
gnards de l'Asie réussissent à s'en emparer,
ils les apprivoisent et s'en servent pour régé-
nérer leurs troupeaux de chèvres. Les métis
provenant de ces croisements sont féconds et
très-estimés.
— Bouquetin du Caucase. Il a de grandes
cornes triangulaires, obtuses et noueuses,
comme celles du bouquetin des Alpes. On
compte huit molaires de chaque càtè h la mâ-
choire supérieure, et sept 'a l'inférieure. Le
chanfrein est droit, large, de niveau avec le
front, qui est aussi remarquablement large.
Le pelage, d'un brun fauve en dessus, est
blanchâtre en dessous, avec une ligne dorsale
(
brune et une bande blanche sur les canons ;
' la tête est grise ; le nez, la poitrine et les
pieds sont noirs. Les formes générales du
corps sont plus trapues dans cette espèce
que dans les précédentes. La femelle met bas
en avril. Les petits sont très-farouches; les
habitants du Caucase prétendent qu'il est im-
possible de les apprivoiser. Le bouquetin du
Caucase est un gibier très-estimé; il habite,
tomme l'indique son nom, dans la chaîne du
Caucase, surtout près des sources du Tereck
et du Kouban, dans le pays des Ossètes et
dans la Kakhétie. On le trouve sur les points
les plus élevés des montagnes de formation
primitive, tandis que l'œgagre, habitant des
mêmes contrées, se tient sur les montagnes
calcaires, qui sont moins élevées. On rapporte
à l'espèce du bouquetin du Caucase le bouc
sauvage de l'île de Crète, dont parle Belon.
—Bouquetin des Pyrénées. Ses cornes ressem-
blent beaucoup à celles de notre bouc domes-
tique. Son pelage est d'un brun cendré en
dessus, d'un blanc sale en dessous. Il a une
raie noire sur le dos, et une autre sur les
flancs, de la même couleur. Les côtés de la
tête sont bruns. La poitrine, les jambeSj le
dessus de la queue, la barbe des vieux maies
sont d'un noir très-intense. Chez les femelles
et les jeunes mâles, les teintes sont en géné-
ral moins foncées. Ce bouquetin, encore peu
connu, ne figure comme espèce distincte que
dans les publications les plus récentes. Il pa-
raît n'exister que dans les Pyrénées et sur
quelques points de la péninsule espagnole.
— Bouquetin d'Egypte ou du Sinaï. Cette
espèce, désignée quelquefois sous le nom de
bedden, présente cinq molaires de chaque
côté aux deux mâchoires. Les cornes sont
plus grêles quenelles du bouquetin des Alpes,
mais elles sont encore plus longues. Le pe-
lage est d'un fauve mêlé de brun, avec des
taches blanches aux talons et aux poignets.
Une raie noirâtre règne le long de 1 épine
dorsale, depuis le dessous de la nuque jusqu'à
la naissance de la queue. Cette bande un peu
saillante forme une sorte de crinière dont les
poils ont 0 m. 60 à 0 m. 65 de long, et même
davantage vers le garrot. Les poils du dos et
des flancs ont à leur base un duvet cendré, et,
vers le milieu, ils présentent un aplatisse-
ment marqué. Cet animal habite surtout les
contrées voisines de la mer Rouée. En Afri-
3
ue, il s'avance vers le sud jusqu au 24e degré
e latitude.
— Bouquetin Waîie. Cetteespèceabeaucoup
d'analogie avec le bouquetin des Alpes; mais
son nez est plus busqué, et il porte a la partie
moyenne du front une éminence elliptique
toute particulière. Le pelage est d'un beau
brun châtain en dessus, d'un blanc sale en
dessous. Ces deux couleurs se fondent insen-
siblement l'une dans l'autre au bas des flancs,
au lieu d'avoir une ligne de démarcation bien
tranchée comme dans les autres espèces. Le
nez, une tache en forme de virgule qui se
trouve sur la joue, les côtés du cou, le devant
de l'épaule et la partie moyenne des flancs,
sont a'un brun terre d'ombre. Le bouquetin
Walie habite les plus hauts sommets des mon-
tagnes de l'Abyssinie. On le trouve principa-
lement sur les cimes neigeuses des provinces
de Simen et de Godjam.
— Bouquetin Jharal. Tout en ayant les
mœurs et les habitudes des chèvres, le bou-
quetin Jharal s'en distingue par diverses par-
ticularités, surtout par la forme de la tête, la
hauteur des jambes et du garrot, l'exiguïté
relative de la croupe et l'absence de la barbe
dans les deux sexes.'La partie caractéristique
de cet animal est la tête, qui est épaisse à la
base et fine vers le museau. Le chanfrein est
droit; les narines sont courtes, larges et sépa-
rées par un espace nu et humide. Les cornes,
notablement plus courtes que la tête et com-
primées latéralement, portent une crête sail-
lante, qui règne tout le long de la convexité.
Le cou est muni d'une crinière assez longue,
?
ui retombe de chaque côté. Le ventre est
auve ; les membres sont de la même couleur,
avec une bande noire qui descend des joues,
en s'élargissant, jusque sur les sabots. Le de-
vant et les côtés de la tête, ainsi que le dos,
sont d'un brun noirâtre; une tache longitudi-
nale d'un fauve pâle s étend de chaque côté
du chanfrein; une autre de la même couleur,
mais plus petite, se trouve placée au-devant
de chaque œil. Les lèvres et le menton sont
grisâtres; le bout de la queue, les oreilles,
une tache à la lèvre inférieure prè3 de la
commissure, et l'entre-deux des narines, sont
noirs. On s'accorde généralement à circon-
scrire la patrie du jharal dans la partie du
versant austral de l'Himalaya, qui forme la
province de Kachar.
Il existe encore d'autres espèces de bouque-
tins, mais elles sont trop peu connues pour
qu'il soit possible d'en donner une description
exacte et détaillée. V. CHÈVRE.
BOUQUINSBOUQUINS exclusivement scientifiques, pour la
vulgarisation de la science. (E. Texier.)
Quand j'ai huit jourB cuve* mon ambroisie,
Laa de bouquins et de poudre moisie,
Je reprends goût au nectar généreux.
SAINTE-BEUVE.
— Encycl. Au début de cet article, nous
avons cherché à établir l'étymologie.du mot
bouquin. Dans ses Récréations philologiques,
M, Géuin, savant très-fantaisiste, donne une
origine qui lui paraît plus vraisemblable. « La
demi-relmre, dit-il, est une invention de notre .
siècle économe ; au temps jadis, on ne faisait
que de belles et bonnes reliures pleines, en
veau, basane, maroquin; c'est qu'alors le.s
livres en valaient la peine et étaient estimés.
Aujourd'hui, les relieurs font cent cartonnages
contre une seule reliure pleine, et par là seu-
lement on pourrait juger de la situation des
lettres dans l'opinion publique. Or, quand un
de ces anciens volumes, fatsant partie d'une
bibliothèque séculaire
?
était resté de longues
années immobile et privé d'air sur son rayon,
où la poussière combinée avec l'humidité avait
fini par l'encrasser, le pénétrer, le ronger
(sans compter les mites et autres malignes
bêtes), il contractait une odeur forte analogue
à celle d'un bouc ou bouquin {cornet à bou-
quin et non cornet à bouc) ; et de là est venu
qu'un volume moisi, cjui sentait le bouquin,
s'est appelé par abréviation un bouquin; car
notez que ce vieux livre rhabillé de neuf ne
s'appelle plus un bouquin, non plus qu'un vo-
lume d'impression récente, mais qui serait
gâté, déchiré, dépenaillé; il y faut la vieil-
lesse, la décomposition de la peau et l'odeur
qui s'ensuit.» Telle serait, suivant M. Génin,
1 origine vraie et première de bouquin; mais
bientôt ce mot a vu, comme tant d'autres, son
sens primitif altéré, on l'a donné aux livres
de rebut, qui, sales et déchirés, remplissent
sur les quais la boîte des étalagistes ; tandis
que le vrai bouquin, adopté par une classe de
collectionneurs riches et éclairés, est monté
en grade, et prend place aujourd'hui parmi
les livres rares et précieux. Les livres qui
subissent le pilori de l'étalage sont de deux
natures, les jeunes et les vieux; les uns
viennent là chassés de toutes les bibliothèques,
classiques usés, poésies erotiques, histoires
philosophiques et almanachs des Muses; les
autres, versés en masse dans ces boîtes car-
rées par la faillite ou le rabais, malheureux
naufragés qui cherchent un port et ne trou-
vent qu'une mort plus ignominieuse. Quelque-
fois pourtant ils ont un meilleur sort et trou-
vent des collectionneurs enragés dont ils font '
le bonheur.
Tel bijou, qui n'était chezBoulard qu'un bouquin.
Aujourd'hui, par mes soins vêtu de maroquin,
Triomphe au premier rang de ma modeste église,
Pauci sed elecli, telle est notre devise;
Mais ces amis de choix, pendant plus de vingt ans,
Ont flotté sur les quais, battus des quatre vents!
G. H. J.
Ce ne sont pas seulement les vieux livres
qu'on désigne sous le nom de bouquins; on
flétrit de la même épithète tous les ouvrages
qu'on ne lit pas, ouvrages en prose et en vers,
surtout en vers, qui, après avoir été impri-
més aux frais de leurs auteurs, n'ont peut-être
pas trouvé un seul acheteur chez le libraire
qui avait consenti à prêter son nom comme
éditeur. Les bouquins ne sont pas tous dans
les boîtes des étalagistes et sur les rayons des
libraires, nombre de bibliothèques publiques
et particulières en possèdent une grande
quantité ; mais c'est souvent avec les bouquins
que l'on commence à former un noyau de col-
lection, et d'ailleurs il en est des livres comme
des couleurs, il en faut pour tous les goûts,
et tel bouquin qui fera bâiller un homme dont
le goût littéraire est épuré sera considéré
comme un chef-d'œuvre par un maniaque.
Ajoutons aussi qu'il y a quelquefois de vieux
bouquins qui sont réellement plus utiles, qui
renferment plus de renseignements précieux
que tel livre richement habillé de maroquin
et ;doré sur tranche. Mais ce n'est là qu'une
exception, et bien que certains collection-
neurs aient pu quelquefois trouver une rareté
bibliographique dans le fouillis des librairies
de rebut, il est certain qu'en général on n'y
voit que des bouquins sans valeur, et le bou-
quiniste sait lui-même à quoi s'en tenir sur le
mérite de ses bouquins, dont le prix varie de
0 fr. 10 à 2 fr., rarement au delà. Les Aide
ou les Elzévirs ne pullulent pas dans ses
boîtes ; mais en revanche les essais poétiques,
les œuvres dépareillées des classiques , les
vieux annuaires du bureau des longitudes, les
romans passés de mode, y sont entassés pêle-
mêle, et tout cela se vend à la longue, parce
que le bon marché finit quelquefois par tenter
quelques-uns de ces oisifs qui se promènent
sans but et qui bouquinent pour passer le
temps.
BOUQUINSBOUQUINS d'ambre étaient à la portée de la
main. (Alex. Dum.) A Constantinople, les
BOUQUIN
BOUQUIN s. m. (bou-kain.—Dans les mots
que le français a empruntés aux idiomes ger-
maniques, et en particulier à l'allemand, on
remarque que le sens primitif a été modifié
dans notre langue de manière à donner à
ces termes une acception défavorable. Ainsi
l'allemand ross, noble coursier, est devenu
rosse; land, campagne, lande, terre incul-
te, etc. Le mot bouquin a suivi la même loi;
il dérive d'un mot germanique qui signifie
simplement livre, et qu'on retrouve dans
l'ancien haut allemand buok, buach, buah;
dans le gothique boks et bokos; dans l'alle-
mand buch ; dans l'anglo-saxon boec, boc ;
dans l'anglais book, forme qui se rapproche
le plus du français bouquin; dans l'islandais
et le suédois bolc ; dans le hollandais boeg, et
dans le danois bog et boog. Pourlecomplément
de cette étymologie, voir plus bas l'encyclo-
pédie). Vieux livre : Les vieillards ressemblent
aux BOUQUINS, qui contiennent d'excellentes
choses, quoique souvent poudreux, vermoulus
et mal reliés. (Clément XIV.) Cette boutique
est encombrée de BOUQUINS à tranches rouges,
qui doivent être d'excellentes éditions, d'hon-
nêtes et bons livres à faire envie aux biblio-
philes. (Th. Gaut.)
— Par ext. et en mauvaise part
7
Livre
sans valeur, ou même livre en général :
Laissez-moi là tous vos BOUQUINS et songez à
des affaires sérieuses. Le ciel fera plus que les
BOUQUIN
BOUQUIN s. m, (bou-kain — rad. bouc).
Vieux bouc : Un BOUQUIN puant,
— Fam. Satyre, monstre de la mythologie
grecque dont le bas du corps ressemblait à
un bouc :
Gageons que son brodequin
Nous cache un pied de bouquin.
BÉRANGER.
Il Vieux libertin, à cause de la lubricité des
satyres et des boucs :
Allez, bouquin puant, faire l'amour aux chèvres.
RACAN.
— Bout que l'on adapte au tuyau d'une
pipe, et qui est le plus souvent de corne ou
d'ambre : Pendant le Ramadan, on ne peut
pas même fumer, privation la plus pénible de
toutes, pour un peuple dont les lèvres ne quit-
tent guère le BOUQUIN d'ambre. (Th. Gaut.)
Des chibouques aux tuyaux de jasmin et aux
BOUQUINSBOUQUINS d'ambre sont l'objet d'un commerce
spécial et qui se rapproche de la joaillerie
pour la valeur de la matière et du travail.
(Th. Gaut.)
— Cornet à bouquin, Trompe recourbée qui
était primitivement et est encore quelquefois
une corne de bouc.
— Sentir le bouquin, Exhaler l'odeur des
boucs.
— Chass. Vieux lièvre; lièvre mâle ou la-
pin mâle.
— Art vétér. Syn. de BOUQUET.
BOUQUIN,BOUQUIN, théologien protestant. V. Bo-
QUIN.
BOUQUINAGEBOUQUINAGE s. m. (bou-ki-na-je— rad.
bouquin, dans le sens de vieux lièvre).Chass.
Saison des amours du lièvre et du lapin : On
nomme
BOUQUINAGBBOUQUINAGB le temps où les lièvres et
les lapins sont en amour. (E. Chapus.) L'épo-
que du BOUQUINAGE est très-favorable pour
l'affût. (E'. Chapus.)
BOUQUINBARBE
BOUQUINBARBE s. f. (bou-kain-bar-be —
de bouquin et de barbe). Bot. Nom vulgaire
d'un champignon comestible, la clavairoco-
rallcïde. il On donne aussi ce nom, dans le
Midi, au salsifis sauvage.
B O U Q U I N E R v. n. ou intr. (bou-ki-nc —
rad. bouquin). Fouiller dans les vieux livres;
chercher de vieux livres : Vous aimez les li-
vres et vos amis; ainsi je compte vous servir à
votre goût, en vous faisant exercer votre double
métier d'obliger et de BOUQUINER. (Volt.) Je
me trouvai à mon aise, et je pus BOUQUINER
commodément. (Boissonade.)
— Chass. Couvrir sa femelle, en parlant
du lièvre ou du lapin.
BOUQUINERIE
BOUQUINERIE s. f. (bou-ki-ne-rî — rad.
bouquiner). Amas de bouguins : Au lieu de
cette BOUQUINERIE, j'emplissais ma chambre
de fleurs. (J.-J. Rouss.) il Ramas de citations,
de passages de vieux livres, il Commerce de
vieux livres.
BOUQUINEUR
BOUQUINEUR S. m. (bou-ki-neur — rad.
bouquiner). Amateur de vieux livres ; celui
qui aime à bouquiner : On aurait tort de
confondre les bibliomanes avec les bibliophiles
et les BOUQUINEURS. (P. Lacroix.) Nous dé-,
daignons trop nos devanciers poicr nous abaisser
au modeste rôle de BOUQUINEURS de cartu-
laires. (Chateaub.)
Ainsi le bouquineur poursuit une trouvaille
Du pont de la Concorde au quai de la Ferraille.
BARTHÉLÉMY.
BOUQUINISTES,BOUQUINISTES, m. (bou-ki-ni-ste— rad.
bouquin). Individu qui fait le commerce des
bouquins : Le maître de langue fouille les
boutiques de BOUQUINISTES pour y découvrir
de belles œuvres classiques. (Champflcury.)
Les BOUQUINISTES des quais sont les plus fins
matois des négociants de Paris. (Rigault.) Les
BOUQUINISTESBOUQUINISTES à la mode sont en quelque sorte
patentés par les bibliomanes. (P. Lacroix.)
— Adjectiv : J'ai marchandé un elzévir chez
un libraire ^BOUQUINISTE. (Picard.)
• — Encycl. On distingue deux sortes de
bouquinistes : ceux qui ont une boutique, a
laquelle ils donnent souvent le nom de Li-
brairie ancienne et moderne, et ceux qui ex-
fiosent leurs bouquins dans des boîtes, sur
es parapets de nos quais, ou, en général,
sur l a voie publique. Quelques bouquinistes
de la première espèce ont eu une véritable
célébrité; le fameux Verbeyst, par exemple,
a été dans son temps le bouquiniste le plus
connu de l'Europe, et probablement des cinq
parties du monde ; il mourut à Bruxelles
en isi9. Il avait fondé dans cette ville un
établissement très-curieux dans son genre.
C'était une maison à plusieurs étages, aussi
grande et aussi haute qu'une église, dis-
posée pour contenir 300,000 volumes rangés
par ordre de matières dans des enfilades do
chambreSj qui recevaient le jour d'un seul
côté, le coté du soleil et du jardin de la mai-
son. Il était en relations d'affaires avec Paris,
Rome, Milan, Hambourg, Londres et Berlin.
Il correspondait avec Walter Scott, Charles
Nodier, Chateaubriand et les plus célèbres
bibliophiles, qui savaient que des trésors sans
prix étaient renfermés dans sa maison. Ja-
mais un livre moderne n'était entré chez lui ;
mais il s'était porté acquéreur de tous les
vieux livres que les bouleversements des
châteaux, des couvents, des palais avaient
rendus à la circulation; et tandis que les pro-
ductions de la librairie moderne baissaient
beaucoup de valeur par suite de la concur-
rence, ces vieux ouvrages, au contraire, en
acquéraient une énorme. Verbeyst, qui savait
le prix de sa collection, n'était pas ptessé de
s'en défaire, et n'était marchand qu'à ses
heures; souvent il refusa de se déranger pour
un pair d'Angleterre. Quelquefois, après avoir
refusé d'échanger un ouvrage contre son pe-
sant d'or, il l'envoyait en cadeau à l'amateur
qui le lui avait marchandé, quand celui-ci lui
convenait. C'est ainsi qu'il en usa avec Charles
Nodier. Le meilleur moyen de se faire bien
venir de lui était de vider en sa compagnie un
flacon d'excellent vin, et de lui tenir tête bra-
vement. En vrai Flamand, il aimait les francs
buveurs, et le prix du vin, quand il était vieux
et bon, diminuait le prix du volume loin de
l'augmenter. Ce bouquiniste fantasque et ori-
ginal laissa en mourant une fortune considé-
rable.
En général, les bouquinistes ne sont m ri-
ches ni lettrés ; cependant il arrive que, sous
le paletot usé), fripé du pauvre industriel,
se cache parfois un savant bibliophile, et
M. Henry Bruneel a publié, il y a vingt-cinq
ans, quelques pages charmantes sur un bou-
quiniste qui occupait une place au coin du
pont des Arts, tout en face de l'Institut. Un
étudiant vint lui marchander un livre, c'était
un Schi'evelius (Leyde, 1671), et il lui offrit
trente sous du bouquin :
« Un bouquinI murmura le vieillard, et une
sainte indignation se peignit sur ses traits.
Un bouquin! Cette édition des Variorum, pour
être moins recherchée que celle d'Amsterdam
de 1684 , ne mérite pas le dédain que vous af-
fectez pour elle, sans cependant qu'elle soit
comparable aux éditions aldines données à
Venise en 1501... »
Etonné d'entendre le bouquiniste parler de
la sorte, l'étudiant lui adressa quelques ques-
tions bibliographiques auxquelles le vieillard
répondit victorieusement, et, heureux de ren-
contrer un amateur chez le marchand, il lui
demanda son opinion sur la nouvelle édition
de Juvénal, que venait de donner M. Achain-
tre, le premier latiniste de l'époque ; et comme
le vieillard paraissait confus et embarrassé,
le jeune homme le pressa de s'expliquer :
« C'est que je suis Achaintre,» répondit-il
enfin.
Oui, Achaintre, l'excellent latiniste, vendait
en 1811 de vieux livres sur le quai et en face
de l'Institut! M. de Fontanes. alors grand
maître de l'Université, avait bien manifesté
l'intention de placer le pauvre homme quel-
que part, mais il était sourd, et cette infir-
mité, qui aurait dû redoubler l'intérêt que le
ministre avait d'abord paru éprouver pour
lui, fut cause qu'on l'oublia. Achaintre, au
BOUR BOUR BOUR
BOUR 1109
reste, était une exception ; la plupart des bou~
quinistes, qui ont pour rayons les parapets de
nos quais, sont Normands comme les mar-
chands de salade; ils connaissent mieux le
prix des pommes que celui des livres ; ils ne
jugent guère la valeur de leur marchandise
que d'après ceux qui la marchandent. Un bou-
quiniste un peu retors surprend dans vos yeux
le désir que vous avez de posséder un livre,
et il le taxe à proportion de l'intensité de ce
désir, intensité qu il a su lire dans un geste,
même dans une indifférence affectée. Le seul
Manuel du libraire qu'il étudie, c'est la phy-
sionomie des acheteurs; l'un sourit, l'autre
soupire; celui-ci fronce les sourcils, celui-là
pince les lèvres; un cinquième, plus exercé,
touchera vingt volumes avant de mettre la
main sur celui qu'il convoite : tous enfin se
trahissent d'une façon particulière qui n'é-
chappe pas à l'étalagiste, aussi fin, aussi as-
tucieux qu'un diplomate.
La clientèle ordinaire des bouquinistes se
compose de tous les oisifs qui se promènent
et qui s'arrêtent devant leur étalage pour
passer le temps. Mais ils ont aussi des clients
habituels : ce sont les bouquineurs, dont nous
avons déjà parlé sous le nom de bibliomanes.
Le bouquineur est un homme qui passe sa vie
à parcourir chaque jour les quatre coins de
Paris pour voir si, dans les boîtes des bouqui-
nistes, il ne rencontrera pas quelque trésor bi-
bliographique égaré là par mégarde.
Noire homme, le matin, commençait sa tournée
E t rapportait chez lui, plusieurs fois la journée,
Les produits de sa chasse empilés soua son bras,
Dans des poches exprès faites pour cet usage;
Gouffres traditionnels où les plus gros formats,
Les massifs in-quarto trouvaient libre passage.
G. H. J.
Tout le monde a connu, au moins de nomj
le bouquineur Boulard, qui de notaire s'était
fait acheteur délivres; il en achetait toujours,
au détail, en bloc, à la hotte, au tas, à la
charretée, et entassait le tout dans un hôtel
qu'il possédait.
L'âge n'avait en rien apaisé ses ardeurs,
Trente mille bouquins meublaient sa nécropole;
S'il n'eût fallu payer à Caron son obole,
Il eût cédé la place à ses envahisseurs.
On peut citer encore le fameux Parison, qui
fut nommé à bon titre le roi des bouquineurs.
Un jour, il lui arriva de trouver sur le quai,
pour 0 fr. 95, une édition de Jules César, de
Plantin (1570, in-8°), terminée par un por-
trait de cet empereur, tracé par la main de
Montaigne. Cette trouvaille fut vendue plus
tard 1,500 fr. Celui-là. n'avait pas perdu sa
journée.
Nous ne devons pas non plus oublier
M. C.-M. Pillet, qui poussait la rage des bou-
quins si loin, qu'il se privait de nourriture et
de vêtements pour pouvoir disposer de tout
ce qu'il possédait en faveur de ses chers bou-
quins. Lorsqu'il en eut tant amassé que son
logis en craquait, il mourut, et, suivant l'ex-
pression de ses dernières volontés, deux char-
gements complets de voitures de roulage por-
tèrent toute sa collection aux jésuites de
Chambéry. Enfin, Chardon de la Rochette,
Van Praet, Alexandre Barbier, le marquis de
Méjanes, Heber Tenurb, Quatremère, furent
aussi des bouquineurs infatigables.
Depuis quelques années, les bouquineurs
ont un organe spécial, édité par un libraire
faisant le commerce des vieux livres, et qui
a pour titre Bulletin du bouquiniste. C'est une
sorte de revue bimensuelle, divisée en deux
parties : la première est consacrée à des ar-
ticles bibliographiques, à des curiosités litté-
raires, etc. Elle est rédigée par des biblio-
philes de bonne volonté, parmi lesquels il suf-
fit de nommer MM. Paul Lacroix, Gustave
Brunet, G. Masson, Raymond Bordeaux, de
Barthélémy, etc., etc. ; la seconde partie n'est
autre chose qu'un catalogue, à prix marqués,
des livres mis en vente. Cette publication
compte environ dix années d'existence.
BOUR
BOUR s. m. Titre du souverain de l'Etat
de Saloum.
— Comm, Etoffe qui nous vient de la
Perse : Alep nous fournissait des toiles pein-
tes, des BOUIÏS et des étoffes de soie. (Chaptal.).
Il On dit aussi BOURME et BOURMIS.
BOURACAN
BOURACAN s. m. (bou-ra-Kan). Comm.
Sorte de camelot grossier. Les meilleurs BOU-
IÎACANS sont ceux de Valenciennes. (Bouillet.)
Il était vêtu d'un BOURACAN fort propre, de
couleur sombre. (E. Sue.)
BOURACAN
BOURACAN 1ER s. m. (bou-ra-ca-nié — rad.
bouracan). Techn. Ouvrier qui fabrique le bou-
racan.
BOURACHEs. f. (bou-ra-che). pêch. Nasse
d'osier ou do roseau, en forme de souricière,
il On dit aussi BOURAGNE, BOURAGUE et BOU-
RAQUE.
BOURACHERBOURACHER s. m. (bou-ra-ché—de bourre
de soie). Techn. Ouvrier, qui travaille à di-
verses étoffes de soie, et spécialement au ras
de Gênes.
BOURABOURA s. m. (bou-ra). Comm. Grosse
étoffe de laine, de bourre ou de poil.
BOU-RACHED,
BOU-RACHED, tribu algérienne d'origine
berbère, résidant dans le cercle de Milianah.
Sur la frontière des Ouled-Abbou, ils ont, dit
le docteur Camille Ricque, les mœurs kabyles,
tandis qu'Us vivent en Arabes au sud du
Djebel-Doui. La principale richesse du Bou-
Raûhed consiste en céréales, qui réussissent
fort bien dans les années qui ne sont pas plu-
vieuses. On trouve chez eux du miel, des
glands doux et toute espèce de fruits. Dans le
Djebel-Doui, on rencontre de belles essences
de bois, des lentisques et des thuyas. Superficie
14,000 hectares; 2,486 habitants.
B O U R A I S s. m. (bou-rè). Agric. Terrain
argileux, compacte et profond.
B O U R A N I s. m. (bou-ra-ni). Art culin.
Mets oriental, qui est une sorte de consommé
de volaille et d'orge mondé, réduit en bouillie
et parfumé avec diverses sortes d'herbes.
B O Û R A S A H A s. m. (bou-ra-sa-a). Bot. Ar-
buste grimpant de Madagascar, de la famille
des menispermes.
BOURASSÉ
BOURASSÉ (l'abbé Jean-Jacques), archéo-
logue français, né à Sainte-Maure (Indre-et-
Loire) en 1813. Après avoir été successivement
professeur au petit et au grand séminaire de
Tours, l'abbé Bourassé fut nommé, très-jeune
encore ,(1843), chanoine titulaire de l'église
métropolitaine. Le canonicat ne fut pas pour
le jeune chanoine une sinécure. C'est aux loi-
sirs qu'il lui fit que l'archéologie chrétienne doit
de nombreux et précieux travaux que le gou-
vernement arécompensés, en 1854, par la croix
de la Légion d'honneur. Ses principaux ou-
vrages sont : Archéologie chrétienne (Tours,
Maine, 1840, l vol. in-8°). Cet ouvrage en est à
sa septième édition ; Les plus belles Cathédrales
de France (Tours, 18G1, 1 vol. grand in-8°,
2e édition); Les plus belles Eglises du monde
(Tours; 1861, l vol. in-8<>); Résidences royales
et impériales de France (Tours, 1864, l vol.
grand in-8° ) ; Dictionnaire d'archéologie sa-
crée (Paris, Migne, 1851, 2 vol. in-4o); Dic-
tionnaire de discipline ecclésiastique, d'après
Thomassin (Paris, 1856, 2 vol. in-4<>); les
Enquestes de Posthumien , disciple de saint
Martin, d'après un manuscrit de la biblio-
thèque de Tours (1863, l vol. in-8«); la Tou-
raine, histoire et monuments, sous la direction
de l'abbé Bourassé (Tours, Marne, 1855),
splendide volume qui a figuré à l'exposition
universelle de 1855; la Terre sainte (Tours,
1860, l vol. in-8<>) ; enfin, un grand nombre de
brochures également publiées chez Marne : •
Monuments celtiques de Touraine (L842) ; Mo-
numents celtiques et asiatiques comparés (1842);
des notices archéologiques sur un grand nom-
bre d'églises, etc. Enfin, c'est M. rabbé Bou-
rassé qui a fourni le texte, traduit d'après la
Vulgate en collaboration avec M. l'abbé Jan-
vier, de la magnifique édition de la Bible sor-
tie récemment des presses de Marne, illustrée
par le brillant crayon de G. Doré. Au mot
BIBLE,
BIBLE, nous avons consacré une appréciation
spéciale à cette magnifique édition, sana
faire mention de la traduction nouvelle due à
la plume savante de M. l'abbé Bourassé ; c'est
une omission que nous sommes heureux de
pouvoir réparer à cette place.
BOURBEAU
BOURBEAU (Louis-Olivier), jurisconsulte
et représentant du peuple, né à Poitiers en
1811. Il se fit inscrire, jeune encore, au bar-
reau de Poitiers, et a été deux fois bâtonnier
de son ordre. En 1847, il fut nommé maire de
sa ville natale, et, l'année suivante, fut élu à
l'Assemblée constituante, où il vota avec le
parti démocratique modéré. Depuis 1841 , il
était professeur de droit à la faculté de Poi-
tiers, et il a publié les tomes V et "VI de la
Théorie de la procédure civile, commencée par
Boncenne.
BOURBAKI
BOURBAKI (Charles-Denis-Sôter), général
français, né d'une famille grecque, a Paris,
en 1816. Sous-lieutenant aux zouaves en 1836,
il a passé par tous les grades jusqu'à celui de
général de division, quil obtint en 1857. Il a
fait la campagne de Crimée, et s'est distingué
aux combats de l'Aima, d'Inkermann, et à 1 as-
saut de Sébastopol ; il a pris également part,
en 1859, à l'expédition d'Italie. Le général
Bourbaki passe pour un des plus-intrépides
et des plus brillants officiers généraux de
l'armée.
B O U R B E s. f. (bour-be—gr. borboros, même
sens). Boue noire et épaisse qui se dépose au
fond des eaux croupissantes : Une BOURBE
épaisse, noire, puante. Madame de Maintenon
se promenait autour de la pièce d'eau de
'Marly avec madame de Caylus. L'eau était
très-transparente, et on y voyait des carpes qui
paraissaient aussi tristes qu'elles étaient mai-
gres. Madame de Caylus le fit remarquer à
madame de Maintenon, qui répondit ; « Elles
sont comme moi ; elles regrettent leur BOURBE. »
— Fig. Impureté : La BOURBE du vice.
— La Bourbe, Hôpital de Paris pour les
femmes en couches, mot qui n'est plus usité.
Il On dit aujourd'hui la Maternité.
— MétroL. Monnaie de compte de Tunis,
valant aujourd'hui en centimes 0,598, et au-
trefois 1,105.
— Syn. Bourbe, bouc, croito, etc. V. BOUE.
BOURBETER
BOURBETER v. n. ou intr. (bour-be-té —
rad. bourbe). Ancienne forme du mot BAR-
BOTER.
B O U R B E U X , EUSE adj. (bour-beu, eu-ze
— rad. bourbe). Plein de bourbe; mêlé de
bourbe : Etang BOURBEUX. Eau BOURBEUSE. Le
torrent, formé par la fonte des neiges, roulait
à vingt pas de nous une eau BOURBEUSE. (J.-J
Rouss.) Le Tibre est BOURBEUX et étroit, mais
c'est le Tibre ! {h. Veuillot.)
— Fig. Impur : Elles ne connaissaient que
deux routes communes, ou le grand chemin de
la vertu, ou le BOURBEUX sentier de la courti'
sane. (Balz.)
— Tortue bourbeuse, Tortue qui vit habi-
tuellement dans la bourbe, il Substantiv. La
BOURBEUSE.
BOURBELIER
BOURBELIER S. m. (bour-be-lié — rad.
bourbe, à cause des habitudes du sanglier).
Véner. Poitrine de sanglier, il On disait au-
trefois BOURBELIÈRE, S. f.
BOURBIERBOURBIER S. m. (bour-bié — rad. bourbe).
Espace couvert d'une boue épaisse ot pro-
fonde : Les chariots demeuraient la plupart
enfoncés dans des BOURBIERS. (Vaugelas.)
Que fais-tu donc en ce bourbier.
Où je te vois vautré sans cesse?
Au pourceau disait le coursier.
— Ce que j'y fais? Parbleu, j'engraisse.
ARNAULT.
— Fig. Situation difficile et embarrassante
d'où il est difficile de se tirer : Cette naïveté
embarrassait le bonhomme; il faisait de vains
efforts pour se tirer de ce BOURBIER. (Volt.)
il doit débuter par revenir sur ses pas, se dé-
gager du
BOURBIERBOURBIER de six cent mille volumes
où sa
r
raison est enfoncée. (Fourier.) li Lieu
souillé par le vice : Les grandes villes sont de
• vrais BOURBIERS. La beauté est-elle donc si
commune,pour qu'on enpeuple les BOURBIERS?
(Michel chevalier.)
EnSn, pour nous, enSn, si la vie est une ombre
Et la terre un bourbier, ta mort n'est pas si sombre.
A. BARBIER.
Il Impureté, infamie : Le BOURBIER du vice,
du péché, de l'iniquité. Vous vous êtes vautré
dans le
BOURBIERBOURBIER des voluptés sensuelles. (P.
Lejeune.) Quoi! toute une génération s'accorde
à calomnier un innocent, à le couvrir de fange,
à le suffoquer, pour ainsi dire, dans le BOUR-
BIER
BIER de la diffamation? (J.-J. Rousseau.) Cette
femme, tout en devinant l'intelligence et la
grandeur sauvage enfouies dans le BOURBIER
du vice, détourna son regard avec effroi, avec
dégoût. (G. Sand.) La bonne chère, les vins
capiteux achèvent de plonger ~Wcnceslas dans
ce qu'il faut appeler le BOURBIER du plaisir.
(Balz.) n Etat infime, vil, méprisable :
Au fond de son bourbier je fais rentrer Fréron.
VOLTAIRE.
3e ne m'attendais pas qu'un crapaud du Parnasse,
Eût pu dans son bourbier s'enfler de tant d'audace.
VOLTAIRE.
BOURBILLONBOURBILLON s. m. (bour-bi-llon; Il mil.
— rad. bourbe). Flot de bourbe, grumeau do
boue : La Vrillière disait de lui que c'était une
bouteille d'encre qui tantôt ne donnait rien,
tantôt filait menu, tantôt laissait tomber de
gros BOURBILLONS. (St-Simon.)
— Pathol. Portion de tissu cellulaire gan-
grené, de couleur blanchâtre, qui occupe le
centre d'un furoncle ou d'un javart : Après la
sortie du
BOURBILLONBOURBILLON , on trouve au milieu du
furoncle la cavité dans laquelle il était ren-
fermé; elle ne tarde pas à disparaître. (J. Clo-
quet.)
BOURBON
BOURBON s. m. (bourbon). Techn. Nom
donné, dans les salines de la Lorraine, à de
fortes pièces de bois de sapin qui servent à
soutenir les poêles.
BOURBON
BOURBON (ÀLA) loc. adv. (bour-bon— n.
pr.) Usité dans la locution Nez à la Bourbon,
Nez proéminent et aquilin, comme l'ont gé-
néralement les membres de la famille des
Bourbons : Un nez À LA BOURBON accentuait
son visage. (E. Chapus.)
BOURBINCE,
BOURBINCE, rivière de France (Saône-et-
Loire), prend sa source près du Creuzot, dans
l'étang de Montchanain, arrond. d'Autun, re-
joint le canal du Centre, qu'elle suit jusqu'à
son embouchure dans la Loire, baigne Blanzy,
Palinges^etPanvy, et se jette dans l'Arroux,à
4 kilom."de l'embouchure de cette rivière dans
la Loire, à Digoin. Cours de 90 kilom.
BOURBlNE s. f. (bour-bi-ne — dim. de
bourbe). Métrol. Petite pièce de monnaie tu-
nisienne.
BOURBON
BOURBON (île). V. RÉUNION (île de la).
BOURBON
BOURBON (lac), lac de l'Amérique du Nord.
V. "WINIPEG.
BOURBON. La sirerie ou baronnie de Bour-
bon, fief immédiat de la couronne, était possé-
dée, vers la fin du ixe siècle, par Adhémar,
sire de Bourbon, qu'on croit issu de la famille
de Pépin le Bref. La postérité mâle d'Adhé-
mar s'éteignit au commencement du xmfsiècle,
en la personne d'Archambauû VU, sire de
Bourbon, qui avait épousé Alix de Bourgogne,
dont il n'eut qu'une fille, Mahaut de Bourbon.
Celle-ci, en épousant Guy de Dampierre, porta
la baronnie de Bourbon dans la maison de
Dampierre. Archambaud IX, sire de Bourbon,
petit-fils de Guy de Dampierre, dont on vient
de parler, mourut à la croisade de 1248, lais-
sant de son mariage avec Yolande de. Châ-
tillon, comtesse de Nevers, deux filles. L'aî-
née, Mahaut, héritière des comtés de Nevers,
d'Auxerre et de Tonnerre, épousa Eudes, fils
de Hugues IV, duc de Bourgogne, La cadette,
Agnès, hérita de la baronnie de Bourbon, et
la porta par mariage à Jean de Bourgogne,
baron de Charolais, autre fils de Hugues IV,
que nous venons de mentionner. De ce der-
nier mariage, il ne sortit qu'une fille, Béatrix
de Bourgogne, baronne de Bourbon, qui
épousa Robert de France, comte deClermont,
sixième fils du roi saint Louis. Cette union forma
la souche des différentes branches de Bourbon
qui se rattachent à la maison royale de
France. Robert de France, comte de Cler-
mont, baron de Bourbon et de Charolais, eut
pour successeur son fils Louis, surnommé le
Grand et le Boiteux, en faveur de qui la ba-
ronnie de Bourbon fut érigée en duché-pairie
par le roi Charles le Bel, en 1327. Louis 1er
duc de Bourbon, laissa deux fils : Pierre ; qui
a continué la ligne directe, et Jacques de
Bourbon, auteur de la branche de Bourbon-
La Marche (V. ci-dessous BOURBON-LA. MAR-
CHE). Pierre, premier du nom, duc de Bour-
bon , fils aîné de Louis le Boiteux, épousa
Isabelle de Valois, fille de Charles de France,
comte de Valois et d'Anjou, et fut tué à la ba-
taille de Poitiers, en 1356, ne laissant qu'un
fils, Louis II, dit le Bon, duc de Bourbon,
comte de Clermont et de Forez, l'un des ré-
gents du royaume, tuteur du roi Charles VI
pendant sa minorité et sa démence. Il eut pour
successeur son fils aîné Jean, premier du
nom, duc de Bourbon et d'Auvergne, fait pri-
sonnier à là bataille d'Azincourt, et mort en
Angleterre. Il avait épousé Marie de Berry,
duchesse d'Auvergne et de Montpensier, ma-
riage qui donna naissance à Charles, qui a
continué la filiation, et à Louis de Bourbon,
comte de Montpensier, dont le rameau finit
avec Charles , dit le connétable de Bourbon,
tué devant Rome en 1527. Charles, fils aîné
de Jean \**, épousa la fille de Jean sans Peur,
duc de Bourgogne, et joua un rôle considéra-
ble dans les troubles qui agitèrent le règne de
Charles VI. Il mourut en 1456, laissant un
grand nombre d'enfants. Jean I I , l'aîné, duc
de Bourbon et d'Auvergne, surnommé le
fléau des Anglais, connétable de France sous
la régence d'Anne de Beaujeu, mourut sans
laisser d'enfants de trois mariages successifs ;
.mais, ayant trois fils naturels, Mathieu de
Bourbon, dit le Grand Bâtard de Bourbon,
Charles de Bourbon, auteur des branches il-
légitimes de Bourbon-Lavedau, Bourbon-Ma-
lause et Bourbon-Bazian, et Hector de Bour-
bon , archevêque de Toulouse. Charles de
Bourbon, fils puîné de Charles, fut cardinal-
archevêque de Lyon et légat d'Avignon.
Pierre II, duc de Bourgogne et d'Auvergne,
troisième fils de Charles, épousa Anne de
France, fille aînée de Louis X I , et n'en eut
qu'une fille, Suzanne, qui fut mariée à Charles,
connétable de Bourbon, en qui finit, comme
nous l'avons vu, le rameau de Bourbon-Mont-
pensier. Louis de Bourbon, un des derniers
fils du duc Charles, fut prince-évêque de
Liège; il avait eu, avant son entrée dans les
ordres, plusieurs fils, dont l'aîné, marié à une
dame de Busset, a formé la ligne des comtes
de Bourbon-Busset. Isabelle de Bourbon, fille
du duc Charles, fut la seconde femme de
Charles le Téméraire, et donna le jour à Ma-
rie de Bourgogne, qui épousa l'archiduc Maxi-
milieu d'Autriche. Marguerite de Bourbon ,
sœur d'Isabelle, épousa Philippe II, duo de
Savoie, union de laquelle soutit Louise de Sa-
v
voie, duchesse d'Angoulème, mère du roi
François 1er,
BOURBON-CONDÉ. Louis de Bourbon,
prince de Condé, marquis de Conti, un des fils
de Charles de Bourbon, duc de Vendôme, et
de Françoise d'Alençon, fut tué au combat de
Jarnac, en 1569, ne laissant qu'un fils dont la
postérité se soit perpétuée, et qui porta le
nom de Henri, prince de Coudé, duc d'Enghien,
Henri eut pour fils et successeur Henri II,
prince de Condé, duc d'Enghien, ministre
d'Etat pendant la minorité de Louis XIV, mort
en 1646, laissant, de son mariage avec Char-
lotte-Marguerite de Montmorency, deux fils,
dont l'aîné a continué la filiation des Bour-
bon-Condé, et dont le puîné, Armand, prince
de Conti, généralissime des troupes de la
Fronde, a formé le rameau des Bourbon-
Conti, éteint, en 18U, en la personne de Louis-
François-Joseph, prince de Conti. Louis'II,
prince de Condé, duc de Bourbonnais, fils
aîné de Henri I I , mort en 1686, laissa Henri-
Jules, prince de Condé, lequel fut père de
Louis IIÏ , marié à une fille légitimée de
Louis XIV. De ce mariage sont issus trois
fils : Louis-Henri, qui a continué la filiation;
Charles, duc de Charolais, admis au conseil
de régence en 1720; Louis, comte de Cler-
mont. Louis-Henri, prince de Condé, fils aîné
de Louis II I, fut le chef de la régence pendant
la minorité de Louis XV, et mourut en 1740.
Son fils Louis-Joseph, prince de Condé, co-
lonel général dé Vinfanterie française, né en
173G, mourut en 1818, laissant Louis-Henri-
Joseph, prince de Condé, mort en 1830, le
dernier de sa branche; il n'avait eu qu'un fils,
Louis-Antoine-Henri, duc d'Enghien, fusillé,
par arrêt d'un conseil de guerre, dans les fos-
sés de Vincennes, en 1804.
BOURBON-LA. MARCHE. Jacques de Bour-
bon, comte de la Marche et de Ponthieu , fils
puîné de Louis I
e r
, duc de Bourbon, auteur de
cette branche, épousa en 1335 Jeanne de
Châtillon et eut pour successeur son second
fils Jean de Bourbon, comte delà Marche, de
Vendôme et de Castres, marié en 1364 à Ca-
therine de Vendôme. De ce mariage naqui-
rent, entre autres, Jacques de Bourbon, qui fut
un moment roi de Naples et qui mourut reli-
f
ieux cordelier, et Louis de Bourbon, comte
e Vendôme et de Chartres, continuateur de
la filiation. Ce dernier eut pour fils et succes-
seur Jean II de Bourbon, comte de Vendôme,
qui mourut en 1477, laissant : François, qui a
perpétué la ligne, et Louis de Bourbon, auteur
d'une seconde maison de Montpensier, éteinte
dans les mâles en 1608, en la personne de
Henri de Bourbon, duc de Montpensier, dont
1110
BOUR
la fille, Marie de Bourbon-Montpensïer, épousa
le duc d'Orléans, frère de Louis XIII. Fran-
çois 3e Bourbon, comte de Vendôme, fils
aîné de Jean I I , épousa en 1487 Marie de
Luxembourg, et eut pour fils aîné Charles de
Bourbon, duc de Vendôme, devenu chef de
nom et d'armes delà maison de Bourbon, de-
puis la mort du connétable de Bourbon en
1527. 11 avait épousé en 1513 Françoise, fille
de René, duc d'Alençon, et eut de ce mariage,
entre autres enfants, Antoine, qui continua la
ligne directe; Charles de Bourbon, cardinal-
archevêque de Lyon, légat d'Avignon, pro-.
clamé roi de France par les ligueurs, sous le
nom de Charles X ; Louis de Bourbon, prince
de Condé, auteur d'une branche dont il a été
question ci-de*ssus (V. BOURBON-CONDÉ).
Antoine de Bourbon, duc de Vendôme, fils
aîné de Charles, duc de Vendôme, et de Fran-
çoise d'Alençon, devint roi de Navarre par son
mariage, en 1548, avec Jeanne d'Albret, reine
de Navarre, princesse de Bôarn et comtesse
de Foix, fille unique et héritière de Henri
d'Albret, et de Marguerite de Valois. De
cette union naquit Henri de Bourbon, devenu
roi de France sous le nom de Henri IV, après
l'assassinat de Henri III. Il fit annuler son
premier mariage avec Marguerite de Valois,
fille de Henri II et de Catherine de Médicis,
et eut, de son second mariage avec Marie de
Médicis, le roi Louis XIIl, qui continua la
filiation, et Gaston-Jean-Baptiste duc d'Or-
léans, dont la tille, Mademoiselle, duchesse de
Monfcpensier, épousa le duc de Lauzun.
Louis XIII, né en 1601, mort en 1643, avait
épousé Anne d'Autriche, fille de Philippe II,
roi d'Espagne. De cette union sont sortis : le
roi Louis XIV, qui continue la filiation, et
Philippe, duc d'Orléans, auteur de la maison
d'Orléans (V. BOURBON-ORLÉANS), Louis XIV,
né en 1638, mort en 1715, avait épousé Marie-
Thérèse d'Autriche, fille unique de Philippe IV,
roi d'Espagne, dont vint Louis de France,
dauphin, marié à Marie-Anne-Christine-Vic-
toire de Bavière, mort en 1711, avant son
père, et laissant entre autres : Louis, dau-
phin, qui continue la filiation, et Philippe, duc
d'Anjou, souche des Bourbons d'Espagne
(V. BOURBONS D'ESPAGNE). Louis, qualifié duc
de Bourgogne et dauphin de France après la
mort de son père, ne lui survécut qu'une an-
née et mourut en 1712, également avant
Louis XIV, laissant, de son mariage avec Ma-
rie-Adélaïde de Savoie, Louis XV, qui épousa
Marie Leczinska, fille de Stanislas, roi de Po-
logne et duc de Lorraine, et qui mourut en
1774. Il avait eu de son mariage, outre un
grand nombre de filles, Louis, dauphin de
France, mort avant son père, en 1765, et qui,
de son second mariage avec Marie-Joséphine
de Saxe, eut le roi Louis XVI, marié à Marie-
Antoinette d'Autriche, et dont le fils mourut
au Temple, en 1795; Louis-Stanislas-Xavier,
devenu roi sous le nom de Louis XVIII, et
Charles-Philippe, roi, sous le nom de Charles X,
après ses deux frères. Louis XVIII n'eut pas
d enfants de son mariage avec Marie-Josê-
phine-Louise de Savoie. Charles X épousa
Marie-Thérèse de Savoie, sa belle-sœur, dont
vinrent Louis-Antoine, duc d'Angoulême,
mort sans enfants de son mariage avec Marie-
Thérèse-Charlotte , sa cousine, fille du roi
Louis XVI, et Charles-Ferdinand, duc de
Berry, marié a Marie-Caroline-Ferdinande-
Louise des Deux-Siciles, mort assassiné en
1820, et laissant un fils posthume, Henri-
Charles-Ferdinand-Dieudonné, duc de Bor-
deaux, vivant en-exil depuis 1830, sous le nom
de comte de Chambord, et gratifié par ses
partisans du nom de Henri V; une fille,
Louise-Marie-Thérèse, mariée au duc de
Parme.
BOURBONS
BOURBONS D'ESPAGNE. Cette branche se
rattache aux Bourbons de France par Phi-
lippe, duc d'Anjou, deuxième fils du grand
dauphin et petit-fils de Louis XIV, appelé au
trône d'Espagne en 1700 par le testament de
Charles II, roi d'Espagne, et couronné sous
le nom de Philippe V.
PHILIPPE V, roi de 1700 à 1746. ri eut de
Marie-Louise-Gabrielle de Savoie,ïsa première
femme :
îo Louis /cr^
n
é en 1703, couronné en 1723,
après l'abdioation momentanée de son père,
mort en 1724;
2» Philippe, infant, mort au berceau en
1709;
3° Philippe-Pierre-Gabriel, infant, né en
1712, mort en 1719;
40 Ferdinand, prince des Asturies, qui fut
roi sous le nom de Ferdinand VI.
De sa seconde femme, Elisabeth Farnèse de
Parme ;
10 Don Carlos, depuis Charles III;
20 François, mort au berceau en 1717 ;
30 Philippe, infant, tige des Bourbons de
Parme et Plaisance;
40 Louis-Antoine'Jacques, né en 1727, mort
en 1854 ;
50 Marie-Anne- Victoire, née en 1716, mariée
en 1729 à un prince du Brésil ;
G° Afarie-Thérèse-Antoinette-Raphaelle, née
en 1726, mariée en 1745 à Louis, dauphin de
France, morte en 1746 ;
70 Marie- Antoinette-Ferdinande, née en
1729, mariée en 1750 à Victor-Amédée, duc
de Savoie.
FERDINAND VI, roi de 1746 à 1759; mort
sans enfants.
BOUR
CHARLES III, roi de 1759 à 1788. Il eut de
Marie-Amélie de Saxe :
1° Philippe, exclu du trône à cause de ses
infirmités ;
20 Charles-Antoine, depuis Charles IV;
3° Ferdinand, tige des Bourbons de Naples
et de Sicile;
40 Gabriel-Antoine-François-Xavier, né en
1752, mort en 1786;
50 Antoine-Pascal, né en 1755;
6° Marie-Josèphe, née en 1744';
• 70 Marie-Louise, née en 1745, mariée à l'ar-
chiduc d'Autriche, depuis empereur sous le
nom de Léopold H.
CHARLES IV, roi en 1788, cessionnaire de
ses droits en 1808, en faveur de Napoléon 1er.
11 eut de Marie-Louise de Parme :
10 Ferdinand-Marie, depuis Ferdinand VII;
2° Charles-Marie-Isidore, dit Don Carlos,
né en 1788, père de quatre fils, dont un, le
comte de Montemolin, est aujourd'hui préten-
dant à la couronne;
3° Francois-de-Paule-Antoine-Marie, né en
1794 ;
40 Chariot te-Joachime, née en 1775, mariée
à l'infant de Portugal, depuis Jean X I ;
5° Marie-Louise-Joséphine, née en 1782,
mariée a Louis, duc de Parme, roi d'Etrurie ;
60 Marié-Isabelle, née en 1789, mariée à
François 1er de Naples.
FERDINAND VII, fils du précédent, roi de
1814 à 1832, eut de Marie-Christine de Naples
Isabelle II, aujourd'hui régnante, en vertu
du testament de son père; et Marie-Ferdi-
nande-Louise, mariée en 1846 au duc de
Montpensier, le plus jeune des fils de Louis-
Philippe 1er.
BOURBONS
BOURBONS DE NAPLES ET SICILE. Cette
branche est issue des Bourbons d'Espagne,
par Ferdinand / « , troisième fils de Charles III,
roi d'Espagne et des Deux-Siciles. Ferdi-
nand succéda à. son père, en 1759, au trône
des Deux-Siciles. Dépossédé par Napoléon en
1806, rétabli en 1815, il mourut en 1825, lais-
sant de son mariage avec Marie-Caroline-
Louise d'Autriche, entre autres enfants, Fran-
çois, qui a continué la ligne j Marie-Amélie,
qui épousa en 1809 Louis-Philippe d'Orléans,
depuis roi des Français, et Léopold-Jean-Jo-
seph, connu sous le nom de prince de Salerne,
dont la fille a épousé le duc d'Aumale, qua-
trième fils du roi Louis-Philippe. François,
fils aîné de Ferdinand, régna [dans les Deux-
Siciles sous le nom de François 1er et mou-
rut en 1830, laissant de son second mariage
avec Marie-Isabelle, fille du roi d'Espagne
Charles IV, cinq fils : l'aîné, qui continue la
ligne ; Charles-Ferdinand, prince de Capoue ;
Léopold-Benjamin-Joseph, comte de Syra-
cuse ; Louis-Charles-Marie-Joseph, comte
d'Aquila ; et François-de-Paule-Louis-Em-
manuel, comte de Trapani. Ferdinand II, roi
des Deux-Siciles, fils aîné de François Icr
j
est mort en IS58, laissant de son premier
mariage avec Marie-Christine-Caroline-José-
phine, fille du roi de Sardaigne, un fils, roi
sous le nom de François II, et dépossédé à
la suite des événements de 1860, et plusieurs
autres fils de son second mariage avec Marie-
Thérèse-Isabelle, archiduchesse d'Autriche.
Cette famille comprend encore un grand
nombre de princes et princesses alliés à dif-
férentes maisons.
BOUBBONS
BOUBBONS DE PABAiE. Cette maison du-
cale se rattache aux Bourbons d'Espagne par
don Philippe, infant d'Espagne, second fils
de Philippe V, qui devint duc de Parme, de
Plaisance et de Guastalla, en vertu du traité
d'Aix-la-Chapelle, en 1748- Il épousa Louise-
Elisabeth, fille du roi Louis XV, et mourut en
1765, laissant pour successeur Ferdinand, duc
de Parme, etc., père de Louis, duc de Parme,
créé roi d'Etrurie en 1801, mort en 1803. Ce
dernier avait épousé une fille du roi d'Es-
pagne Charles IV, dont vint Charles-Louis,
roi d'Etrurie, dépossédé par Napoléon en
1807, devenu duc de Lucques en vertu du
traité de Vienne, en 1815, et rentré en pos-
session des Etats de Parme et de Plaisance
en 1847, à la mort de l'archiduchesse Marie-
Louise, veuve de l'empereur Napoléon 1er.
Charles-Louis avait épousé une fille de Victor-
Emmanuel 1er,
r o
i de Sardaigne, et en eut
un fils, en faveur de qui il abdiqua en 1849,
et qui régna sous le nom de Charles III. Ce
prince, qui avait épousé la sœur du duc de
Bordeaux, périt assassiné en 1857, laissant
pour fils aîné Robert, mineur et sous la tu-
telle de sa mère, lorsque la campagne d'Italie
de 1859 et ses conséquences réunirent Parme
et Plaisance au royaume d'Italie.
Cette grande maison de Bourbon, depuis le
comte de Clermont, a compté plus de six cents
personnages ayant joué dans le monde un rôle
plus ou moins considérable et brillant. Comme
maison royale, elle a éclipsé en splendeur
toutes les autres familles souveraines de l'Eu-
rope. Au xvine siècle^ elle occupait quatre
trônes ; mais la fin de ce siècle même a mar-
qué sa décadence; ses duchés d'Italie ont
été, en 1860, réunis au Piémont par un vote
solennel des habi'tants; enfin sa tranche de
Naples, dépouillée de la Sicile en mai 1860, a
vu ensuite ses Etats du continent annexés au
nouveau royaume d'Italie. Aujourd'hui, l'ex-
roi de Naples vit à Rome, d'où il essaye en-
core de fomenter la guerre civile. Ses chan-
ces de restauration paraissent diminuer d$,
jour en jour.
BOUR
Nous allons compléter les notices génêalo-
f
iques qui précèdent en donnant la biographie
e ceux d entre les membres de la maison de
Bourbon qui méritent une attention particu-
lière.
BOURBON
BOURBON (Louis 1er, comte de Clermont
et premier duc DE), fils du précédent, né en
1279, mort en 1341, devint seigneur de Bour-
bon du vivantde son père, en 1310. Il fit preuve
d'une éclatante valeur aux batailles de Fumes
(1297), de Courtray (1302), où il sauva l'armée
d'une complète destruction, de Mons-en-
Puelle (1304) ; fut nommé quatre ans plus tard
grand chambrier de France, et choisi en 1312
pour commander la croisade, décrétée par le
concile de Clermont. Faute de croisés, on dut
renoncer à cette entreprise, dont Louis de
Bourbon ne recueillit qu'un titre illusoire,
celui de roi de Thessalonique, qu'il avait
acheté du duc de Bourgogne, moyennant
40,000 écus. Sous Philippe le Long, le sire de
Bourbon vendit au roi le droit de battre mon-
naie dans le Bourbonnais et le Clermontois.
Sous le règne de Charles le Bel, il se signala
dans la guerre contre les Anglais, auxquels il
prit un grand nombre de villes, et, Je Bour-
bonnais ayant été érigé en duché-pairie, il
prit, à partir de ce moment (1327), le titre de
duc de Bourbon. Chargé par Philippe de Va-
lois d'une mission délicate près d'Edouard III,
roi d'Angleterre, il s'en acquitta avec une
grande habileté, et obtint que le monarque
anglais rendît hommage au roi de France
dans la cathédrale d'Amiens, en 1329. En ré-
compense de ce service, Philippe érigea le
comté de Clermont en duché-pairie. De 1338 à
1340, le duc de Bourbon fit avec Philippe do
Valois les guerres de Flandre et fut chargé,
comme plénipotentiaire, d'assister au congrès
d'Arras, qui eut. pour résultat la conclusion
d'une trêve de deux ans. Il mourut peu de
temps après.
BOURBON
BOURBON (Pierre 1er, deuxième duc DE),
né en 1310, mort en 1356, était fils du précé-
dent, auquel il succéda dans la charge de
grand chambrier, devenue héréditaire dans la
famille. Après avoir combattu en Bretagne
près du duc de Normandie, qui fut depuis le
roi Jean, il fut chargé, en qualité de lieute-
nant du roi, de marcher contre les Anglais,
qui venaient d'entrer dans le Périgord (1345).
Il leur prit plusieurs places et allait s'emparer
d'Aiguillon, lorsque Philippe de Valois lui or-
donna de lui amener ses troupes, qui lui
étaient nécessaires pour repousser Edouard,
en marche sur Paris. Pierre de Bourbon ac-
courut avec son frère Jacques, comte de la
Marche, harcela les Anglais et prit part à la
désastreuse bataille de Crécy, où il fut blessé
en combattant auprès du roi (1346). En 1349,
il maria sa fille aînée, Jeanne, avec Charles,
qui fut depuis Charles V, et sa seconde fille,
Blanche, épousa en 1354 Pierre le Cruel, roi
de Castille. Sous le règne du roi Jean, Pierre
de Bourbon ne fut pas étranger, dit-on, à
l'assassinat du connétable de la Cerda, favori
du roi (1354), ou tout au moins il applaudit au
crime de Charles le Mauvais. Bientôt après,
il fut chargé de négocier la paix entre le roi
de France et le roi de Navarre. Cette paix,
qui fut signée à Nantes en 1354, était tout à
1 avantage de ce dernier, ce qui fit accuser,
non sans raison, le négociateur de s'être laissé
séduire par l'artificieux Navarrois. La trêve
qui avait été conclue avec l'Angleterre de-
vant expirer l'année suivante, Pierre de Bour-
bon reçut la mission de se rendre a Avignon
pour y conclure une paix définitive sous les
auspices d'Innocent VI. Les négociations res-
tèrent sans résultat, et la guerre reprit son
cours. En 1356, le duc de Bourbon assistait à
la bataille de Poitiers, où il succomba en vou-
lant défendre le roi. Ruiné par ses prodiga-
lités, il avait été excommunié par le pape,
qui avait cru, par ce moyen, le contraindre à
payer ses créanciers. Son corps, transporté à
Poitiers, ne fut inhumé que lorsque son fils
eut pris l'engagement d'acquitter les dettes
paternelles.
BOURBON
BOURBON (Louis II, troisième duc DE), dit
le Bon et le Grand, né en 1337, mort en 1410,
était fils du précédent. Après avoir rendu les
derniers devoirs a son père, il alla, avec
ce qu'il avait d'hommes d armes, près du dau-
phin Charles, qui avait pris la régence du
royaume pendant la captivité de Jean I " , et
fut compris, en 1359, après le traité de Bréti-
gny, au nombre des otages livrés au roi d'An-
gleterre pour garantir le payement de la ran-
çon du roi de France. Louis resta à Londres
pendant huit années. Bien que sa courtoisie
BOUR
et les grâces de son esprit lui eussent fait
donner le surnom de roi d'honneur et de liesse,
Edouard refusa longtemps de lui accorder sa
liberté, même après avoir reçu sa rançon. Do
retour en France, il institua l'ordre de cheva-
lerie de l'Ecu d'or pour récompenser les che-
valiers et les barons de son duché, qui, pen-
dant sa longue absence, avaient protégé ses
domaines contre les déprédations des grandes
compagnies ; puis il fit, avec autant de succès
que d'ardeur, la guerre aux Anglais dans ]Q
Poitou et dans la Saintonge (1371-1372). S'étant
lié d'une étroite amitié avec Duguesclin, il
alla combattre avec lui le duc de Bretagne,
oui venait d'appeler.les Anglais (1373). La
duchesse tomba entre ses mains. « Ah ! beau
cousin, lui dit-elle, suis-je donc prisonnière?
— Nenni, madame, lui répondit-il, nous no
faisons pas la guerre aux dames. • Et il la
renvoya à son mari. Bientôt après, il se rendait
près du duc d'Anjou, prenait aux Anglais
Brives-la-Gaillarde, l'Agenois, le Condomois
et une partie de la Gascogne, et les expulsait
complètement de l'Auvergne (1374). Une
trêve ayant été conclue cette année même
entre la France et l'Angleterre, Louis do
Bourbon, sur l'invitation d'Henri Transta-
mare, se rendit en Espagne pour y combattro
les Maures. Ce projet ne se réalisa point, par
suite de la guerre qui éclata entre le Portugal
et la Castille. De retour en France, le duc de
Bourbon fit en Bretagne, avec Duguesclin,
une expédition qui échoua et amena la dis-
grâce du connétable. Celui-ci avait renvoyé
son épée au roi et se disposait à passer en
Castille, lorsque Louis de Bourbon intervint,
ramena l'esprit de Charles V à des sentiments
plus équitables, et obtint de Duguesclin qu'il
revînt sur sa détermination. Apres la mort du
roi, en 1380, Louis de Bourbon fut l'un des
quatre princes du sang chargés de la tutelle
de Charles VI, ainsi que de l'administration
du royaume, et il fut le seul qui s'acquitta de
cotte mission d'une manière louable et désin-
téressée. En 1382, il prit part à la bataille de
Rosebecq, dirigea le siège de Bourbourg, fit
l'année suivante une expédition glorieuse
contre les Maures d'Afrique, et, de retour en
France, il batailla de nouveau contre les An-
glais, à qui il enleva un grand nombre do
places en Poitou et en Saintonge. Il se rendit
alors près du roi; mais, profondément dégoûté
de la corruption qu'il vit régner à la cour, il
résolut de s'en éloigner, et entreprit en 1390
une nouvelle expédition contre les Maures et
les pirates de Tunis, à la tête d'une fiotte de
quatre-vingts vaisseaux. Bien que son armée
se trouvât bientôt décimée par un climat
meurtrier, il remporta plusieurs victoires, qui
forcèrent le bey de Tunis à faire un traité par
lequel il s'engageait à mettre en liberté tous
les esclaves chrétiens, à payer 10,000 besants
d'or pour frais de la guerre, et à ne plus in-
quiéter la navigation sur la Méditerranée. En
1392, Charles VI étant tombé en démence, le
duc d'Orléans, son frère, et Philippe de Bour-
gogne se disputèrent le pouvoir et jetèrent un
trouble profond dans le royaume par leur am-
bitieuse rivalité. Le duc de Bourbon tenta
vainement d'apaiser les querelles sanglantes
qui divisèVent de plus en plus les maisons de
Bourgogne et d'Orléans. Il se retira dans ses
domaines et mourut a Moulins. Aussi humain
que brave, d'un esprit élevé et véritablement
chevaleresque, Louis de Bourbon fut vivement
regretté de tous ceux qui déploraient l'état
d'anarchie profonde dans lequel se trouvait la
France. Si l'on en croit un contemporain, les
gens du peuple disaient, en voyant passer son
convoi : « Ah ! mort, tu nous as ôté en ce jour
notre soutien, celui qui nous gardoit et nous
défendoit de toutes oppressions. C'étoit notre
prince, notre confort, notre duc, le plus
prud'homme et de la meilleure vie et con-
science qu'on pût trouver. » Le duc de Bour-
bon ne s était pas borné a faire bâtir des cou-
vents et des hôpitaux
;
il avait fait fortifier et
paver à ses frais plusieurs villes du Bourbon-
nais et de l'Auvergne.
BOUBBON
BOUBBON (Robert de France, comte de
Clermont, seigneur DE), sixième fils de saint
Louis et de Marguerite de Provence, né en
1256, mort en 1317, est la tige de cette maison
de Bourbon, dont le dernier représentant
français est actuellement le duc de Bordeaux.
A l'âge de seize ans, Robert épousa une des
descendantes d'Archambaud Icr^ Béatrix, qui
lui apporta en dot la baronnie de Bourbon. Il
fut armé chevalier par le roi Philippe III, son
frère, en 1279, et tomba peu de temps après
en démence. Pendant quarante ans, il resta
presque constamment dans cet état
?
ne re-
couvrant que par intervalles sa lucidité d'es-
prit. C'est pendant un de ces moments que
Philippe le Bel l'employa dans une négociation
importante. Robert fut enterré aux Jacobins
de la rue Saint-Jacques à Paris, où l'on voyait
encore son tombeau avant 1793.
BOUBBON
BOUBBON (Jean 1er quatrième duc DE), né
en 1381, mort à Londres en 1434, était fils
aîné du précédent. Longtemps l'ami de Jean
sans Peur, il se déclara contre- lui, lorsque
celui-ci eut fait assassiner le duc d'Orléans, se
jeta dans le parti des Armagnacs, et fut un
des auteurs du honteux traité qui cédait à
Henri IV une partie de la France. Quelque
temps après, il se trouvait à Bourges, quand
Jean sans Peur vint attaquer cette ville. Il se
défendit avec tant d'habileté, que le Bourgui-
gnon leva le siège, et consentit à signer à
Auxerre un traité, qui avait pour but de réta-
blir la paix entre les deux partis. Cette paix
fut de courte durée, car bientôt après les Ar-
magnacs rentraient dans Paris et forçaient
les Bourguignons d'en sortir (1413). Les Pari-
siens ayant levé une armée pour exterminer
les brigands qui infestaient les environs, Jean
de Bourbon fut mis a sa tête et poussa les
opérations avec une telle vigueur, qu'il purgea
de ces bandes dévastatrices, non-seulement
l'Ile-de-France, mais encore l'Orléanais, la
Touraine, le Maine et l'Anjou, et prit en ter-
minant cette expédition la ville de Soubise,
qui était entre les mains des Anglais. En 1414,
il enleva aux Bourguignons Compiègne, Ba-
paume, alla rejoindre le roi et le connétable
d'Albret, qui assiégeaient Arras, s'empara du
commandement, malgré la présence du con-
nétable, conduisit fort mal les opérations du
siège, et fut envoyé en Guyenne pour y corn-
BOUE
BOUR BOUR BOUR 1111
battre les Anglais. Ami des plaisirs, passionné
pour les fêtes, la galanterie et les aventures,
il fit publier dans toute l'Europe un cartel
(1415), par lequel lui et seize autres cheva-
liers, portant les plus grands noms de France,
s'engageaient à garder pendant deux années,
à la jambe senestre, en 1 honneur de leur belle,
un fer de prisonnier pendant a une chaîne, a
moins qu'un même nombre de chevaliers ne
vînt les combattre à outrance et leur enlever
ces fers. Bientôt après, Jean de Bourbon était
fait prisonnier à la bataille d'Azincourt (1415)
et conduit en Angleterre, où il passa les dix-
huit dernières années de sa vie. Vainement il
paya, à trois reprises, sa rançon de 300,000
écusj Henri V ne voulut pas consentir à lui
rendre la liberté. "Voulant a tout prix quitter
l'Angleterre, il offrit, non-seulement de payer
une quatrième fois sa rançon, mais encore de
reconnaître Henri VI pour roi de France et
de lui abandonner les villes lés plus impor-
tantes qu'il possédait. Il conclut un traité en
ce sens ; mais son fils refusa de le ratifier, et
Jean de Bourbon mourut à Londres, sans avoir
pu revoir la France. .
BOURBON
BOURBON (Charles I
e r
, cinquième duc DE),
né en 1401, mort en 1456, était fils du précé-
dent. Connu sous le nom de comte de Cler-
înont, tant que vécut son père, il était fiancé
avec Catherine de France, lorsque Jean sans
Peur, l'ayant fait prisonnier à Paris (1408),
lui rendit la liberté à la condition qu'il épou-
sevait sa fille Agnès, encore enfant. Après
l'assassinat de Jean sans Peur sur le pont de
Montereau, Charles de Bourbon, se croyant
délié de ses engagements envers lui, renvoya
Agnès à son frère Philippe le Bon, et se ren-
dit près du dauphin, qui 1 envoya en Langue-
doc et en Guyenne avec le titre de lieutenant
général. Il montra une valeur devenue en
quelque sorte héréditaire dans sa famille,
mais en même temp3 une rigueur voisine de
la cruauté envers les garnisons des nombreuses
places dont il s'empara, notamment Aigues-
Mortes et Béziers. Après avoir pacifié ces
deux provinces, U fut nommé gouverneur du
Bourbonnais, du Nivernais, du Lyonnais, du
Beaujolais, du Maçonnais et du Forez, et s'ef-
força, comme dans le Languedoc, d'y faire
revivre l'agriculture, tombée dans le plus dé-
plorable état. Le mariage de sa sœur Bonne
d'Artois avec Philippe le Bon, en 1425, amena
un rapprochement entre lui et ce dernier, et
le détermina à renouer son union avec Agnès
de Bourgogne. Il n'en continua pas moins à
soutenir la cause de Charles VU contre les
Anglais, défendit Orléans en 1428, se conduisit
de la façon la plus brillante à la journée dite
des Harengs (1429), où, grâce à lui, une partie
de l'armée échappa à la destruction, et, après
avoir assisté au sacre du roi à Reims, il s em-
para de Saint-Denis, de Vincennes, etc., dont
il expulsa les Anglais. Lorsque son père mou-
rut, en 1434, il prit le titre de duc de Bourbon,
et s'efforça, mais vainement, de reconquérir
le comté de Clermont, dont Henri VI avait fait
don au célèbre Jean Talbot. Bientôt après, il
envahit les domaines de son beau-frère Phi-
lippe le Bon, duc de Bourgogne, contre lequel
il avait quelques griefs ; mais il ne tarda pas à
faire sa paix avec lui. C'est lors de leur ré-
conciliation à Nevers, que Charles de Bourbon
eut la pensée de rapprocher le duc de Bour-
gogne du roi de France. Les ouvertures qu'il
fit en ce sens amenèrent le célèbre congrès
d'Arras et la conclusion d'une paix (1435)
désastreuse pour l'Angleterre. Cinq ans après
avoir rendu ce grand service à la France, le
duc de Bourbon entrait dans le complot de la
Praguerie, qui avait pour but de mettre en
quelque sorte Charles VU en tutelle. Cette
tentative ayant échoué, Charles de Bourbon
fut obligé de se rendre à Cusset, en Auvergne,
et d'implorer à genoux la clémence royale.
Non-seulement il perdit les châteaux de Vin-
cennes, de Loches et de Corbeil, mais encore
il eut la douleur de voir son frère, le bâtard
Alexandre de Bourbon, mourir d'un ignomi-
nieux supplice. Il entra, Tannée suivante, dans
une ligue aussitôt dissipée que formée. Il n'en
maria pas moins son fils aîné avec la fille de
Charles VII, Jeanne de France, et se retira
dans ses domaines, où il termina sa vie.
BON,
BON, évêque de Liège, mort en 1482, ne se fit
connaître que par ses meeurs dissolues, et fut
assassiné par le comte de la Marck, sur-
nommé le Sanglier des Ardennes.
BOURBON
BOURBON (Charles, cardinal DE)-, diplomate
et homme de guerre, né en 1437, mort en 1488,
était fils du cinquième duc de Bourbon, Char-
les I
e r
. Nommé archevêque de Lyon à neuf
ans, légat à Avignon en 1465, et cardinal en
1477, il prit pour devise Ne peur ne espoir,
et fut mêlé à la plupart des affaires politiques
et militaires"de son temps. Bien qu'il fût entré
dans la ligue du bien public, U sut gagner la
faveur de Louis XI, qui le nomma gouverneur
de l ' I l e - d e - F r a n c e , et l'employa sur les
champs de bataille aussi bien que dans ses
conseils. Lorsque Edouard IV vint en France,
Louis XI lui présenta le cardinal de Bourbon,
dont les mœurs étaient fort relâchées, comme
un confesseur plein d'indulgence. A quoi le
roi d'Angleterre répondit qu'il connaissait le
cardinal comme un bon compagnon, Jean II
de Bourbon étant mort en 1488, le cardinal
Charles, Son frère, devint l'héritier naturel du
titre et des biens de la famille; mais Anne,
fille de Louis XI, qui avait épousé le sire de
Beaujeu, exigea du cardinal qu'il cédât à ce
dernier, son frère puîné, toute la succession
des Bourbons et se contentât de la seigneurie
du Beaujolais. — Son frère Louis DE BOUR-
BOURBONBOURBON (Louis, bâtard DE), fils de Char-
les 1er
}
duc de Bourbon, mort en 1488. Il
n'avait d'autre titre que celui de seigneur de
Cbâtillon, lorsque son frère, Jean II de Bour-
bon, le nomma maréchal et sénéchal du Bour-
bonnais, gouverneur de Verneuil, lieutenant
général pour tous ses domaines, et baron de
Roussillon en Dauphiné. Légitimé en 1463, il
épousa trois ans plus tard Jeanne, fille natu-
relle de Louis XI et de Marguerite Sassenaye,
fut chargé par le roi d'une mission en Angle-
terre et nommé, à son retour, amiral de
France (1466), gouverneur de Honneur, de
Granville, etc. En 1468, Louis de Bourbon
reçut le commandement de l'armée envoyée
contre François II, duc de Bretagne. Il opéra
avec un plein succès, et prit en 1472 une
large part à. la défaite et à la soumission du
comte d'Armagnac en Guyenne. Enfin, l'ami-
ral fut un des principaux négociateurs du
traité de Picquigny (1475), et reçut alors le
gouvernement de la Picardie bourguignonne.
BOURBON
BOURBON (Jean II, sixième duc DE), dit lo
Bon, fils de Charles I " , né vers 1426, mort en
1488. Comte de Clermont du vivant de son
père, il devint gendre de Charles VII, dont il
épousa la fille Jeanne, prit une part brillante
à la bataille de Formigny (1450), qui eut pour
résultat l'expulsion des Anglais de la Nor-
mandie, se rendit avec Dunois en Guyenne
l'année suivante, contribua à la prise de Bor-
deaux et à celle de Châtillon (1453), où mourut
le célèbre Talbot, et reçut le gouvernement
de la province, qui se trouvait entièrement
délivrée des Anglais. Devenu duc de Bourbon
en 1456, il fut nommé, l'année suivante, grand
chambellan de France ; mais Louis XI lui
ayant enlevé le gouvernement de la Guyenne,
il entra en 1461 dans la li";ue du bien publie,
à laquelle prirent part les plus grands vassaux
du royaume. Louis XI marcha contre lui, le
chassa du Bourbonnais, l'assiégea dans Riom
et signa à Moissac une trêve, qui bientôt
après fut rompue. La conquête de la Norman-
die, faite en moins de trois semaines par le
duc de Bourbon, décidaleroi à conclure avec
les princes révoltés le traité de Conflans (1464).
Le duc Jean se réconcilia avec lui et reçut,
outre une partie de l'Auvergne, la châtellenie
d'Usson et 100,000 écus, le gouvernement de
l'Orléanais, du Berry, du Limousin, du Péri-
gord, puis celui du Languedoc (1466). Nommé
chevalier de l'ordre de Saint-Michel en 1469,
il refusa de prendre part à une ligue formée
contre Louis XI, donna à celui-ci l'appui de
son épée dans la guerre qu'il fit au duc de
Bourgogne, s'empara de Château-Chinon et
(le Bar-sur-Seine, et se préparait à marcher
contre les Anglais, qui menaçaient la France
d'une nouvelle invasion, lorsque le traité de
Picquigny arrêta cette calamité. Après être
tombé en disgrâce à la fin du règne de
Louis X I , le duc de Bourbon fut nommé
connétable en 1483, après l'avènement de
Charles VIII. Il n'en fut pas moins tenu à
l'écart des affaires, et, après avoir pris part
à la levée de boucliers connue sous le nom de
guerre folle (1483), il se vit contraint par la
goutte à une complète inaction. Il mourut
sans laisser d'enfants.
BOURBON
BOURBON (Hector, bâtard DE), né en 1391,
mort en 1414, était fils de Louis II, duc de
Bourbon, et passait pour un des chevaliers
les plus accomplis de son temps. En 1414, il
prit part au siège de Soissons, que défendait
Enguerrand de Bournonville avec des soldats
bourguignons. Les Armagnacs ayant été com-
plètement battus dans une sortie que fit ce
dernier, le bâtard de Bourbon, sans prendre
le temps de se revêtir complètement de son
armure, courut rallie'r ses soldats, repoussa
l'ennemi jusqu'à une des portes de la ville et
tomba atteint à la gorge par une flèche. Il
expirait le lendemain, à peine âgé de vingt-
trois ans. Jean de Bourbon, son frère, qui
avait pour lui la plus vive affection, ressentit
la plus grande douleur de cette perte. Dès le
lendemain, il donna l'assaut, entra dans Sois-
sons, fit passer la garnison au fil de l'épée et
fit pendre le capitaine bourguignon.
BOURRON
BOURRON (Jean, bâtardDE), fils de Jean 1er,
duc de Bourbon, mourut en 1483. Il entra
dans les ordres, et devint un des prélats les
plus remarquables de son époque. Abbé de
Saint-Vaast d'Arras et archevêque de Lyon,
il se démit de ces deux dignités en faveur de
son neveu Charles de Bourbon, fut appelé à
la lieutenance générale du Bourbonnais, de
l'Auvergne et du Languedoc, et rendit d'érai-
nents services à Louis XI. Il enrichit la bi-
bliothèque de Cluny d'un grand nombre d'ou-
vrages et construisit des églises, ainsi que
plusieurs hôpitaux.
BOURBON
BOURBON (Jean, bâtard DE) fils de Pierre 1er,
deuxième duc de Bourbon, vivait dans la pre-
mière moitié du xiv© siècle. Il était seigneur de
Bruelles, de Bellenaux , de Rochefort, de
Croset, de Meillan, etc. Le comte de Poitiers,
Jean de France, le nomma son chambellan,
et, lorsqu'il fut roi sous le nom de Jean 1er,
lui donna le gouvernement du Bourbonnais et
la lieutenance générale du Languedoc. Pen-
dant les guerres qui eurent lieu dans cette
époque agitée, le bâtard de Bourbon se si-
gnala par sa valeur. Il prit part à la mal-
heureuse bataille de Poitiers (1336), où il fut
blessé et fait prisonnier, pendant que son
père y perdait la vie.
BOURBON
BOURBON (Mathieu, surnommé le Grand
bâtard DE), mort en 1505, était fils de Jean II,
duc de Bourbon. Seigneur de Bothéon et ba-
ron de la Roche-en-Renier, il se conduisit avec
distinction dans les guerres de la fin du règne
de Louis XI et pendant la régence d'Anne de
Beaujeu, notamment à Quesnoy, en 1477.
Charles VIII le nomma chambellan, con-
seiller, gouverneur de Guyenne et de Picar-
die, maréchal et sénéchal du Bourbonnais, et
le désigna comme le premier des neuf cheva-
liers qui devaient l'accompagner dans son ex-
pédition d'Italie. Lors de la bataille de For-
noue, Mathieu de Bourbon, emporté par l'ar-
deur de son cheval, fut jeté au milieu des
escadrons ennemis et fait prisonnier.
BOURBONBOURBON (Alexandre, bâtard DE), fils na-
turel de Jean 1er et frère du précédent, mort
en 1440, se signn'a par son éclatante valeur
en aidant Charles VII à reconquérir son
royaume, mais il se rendit encore plus fameux
en ravageant le pays à la tête de ses bandes
d'écorcheurs. Ne reconnaissant ni frein ni loi,
il se rendit odieux au peuple, sur lequel il ne
cessait d'exercer ses déprédations, puis il de-
vint un des principaux chefs de la Praguerie
y
et fit tous ses efforts pour entraîner le duc de
Bourbon à donner son appui au mouvement
insurrectionnel. Bien qu'il fût entré en révolte
ouverte, Alexandre de Bourbon n'hésita pas
à se rendre à Bar-sur-Aube, où se trouvait
Charles VII ; mais à, peine fut-il arrivé, qu'il
fut arrêté par ordre de ce dernier, condamné
à mort, cousu dans un sac de cuir, portant
cette inscription : Laissez passer la justice du
roi, et précipité dans l'Aube.
BOURBON
BOURBON (Jacques DE), surnommé le Bâ-
tard do Liège, chevalier de Malte et historien,
mort à. Paris en 1527. Fils naturel de Louis de
Bourbon, évêque de Liège, qui fut tué par
Guillaume de la Marck, il entra dans l'ordre de
Malte, obtint d'abord une commanderie, puis
la charge de grand prieur de France. Il publia
la Grande et merveilleuse et très-cruelle oppu-
gnation de la noble cité de Rhodes (Paris,
1525), dont une autre édition fut donnée en-
suite sous le titre de : Histoire et prise de la
noble et ancienne ville et cité de lihodes.
BOURBONBOURBON (Charles, duc DE)," comte de
Montpensier et de la Marche, si célèbre sous
le n o m de c o n n é t a b l e d e B o u r b o n , n é en 1490,
mort en 1527. Deuxième fils du comte de
Montpensier, il réunit successivement, par la
mort de son aîné, puis par son mariage avec
sa cousine Suzanne de Bourbon, les immenses
domaines des deux branches de la maison de
Bourbon, le Bourbonnais, la moitié de l'Au-
vergne, la Marche, le Beaujolais, etc. Il fit ses
premières armes à côté de Bayard, lors de la
révolte des Génois (1507), décida par son in-
trépidité froide et réfléchie la victoire d'Agna-
del, sauva la Bourgogne ouverte aux Suisses
par les revers de la Trémouille à Novare
(1513), et reçut l'épée de connétable des mains
de François 1
e r
. A Marignan (1515), il com-
battit avec une'furie de bravoure qui faillit
dix fois lui coûter la vie, et fut nommé peu de
jours après gouverneur de Milan et de la Lom-
bardie. Bientôt, cependant, des nuages ne tar-
dèrent pas à s'élever entre lui et François 1er,
soit à propos d'une rivalité pour M^e de Châ-
teaubriant, soit pour toute autre cause. On
P
rétend aussi que Bourbon ayant dédaigné
amour de Louise de Savoie, mère du roi,
cette princesse irritée n'épargna rien pour
ledoubler l'antipathie de son fils contre lui.
Dans la campagne des Pays-Bas, François
confia au'duc d'Alençon le commandement de
l'avant-garde, qui appartenait de droit au
connétable, et fit à. celui-ci un grand nombre
de passe-droits et d'affronts. Ces misérables
tracasseries de cour, qui eurent des suites si
funestes, n'étaient que le prélude de persécu-
tions plus cruelles encore, dont le motif prin-
cipal ou du moins l'un des motifs était sans
doute la crainte et l'envie qu'inspirait la puis-
sance de Charles de Bourbon, prince du sang,
possesseur des plus grands fiels du royaume,
dont la maison se composait de cinq cents
gentilshommes, et qui avait une influence
prépondérante sur l'armée, le parlement et la
cour, « Si j'avais un pareil sujet, avait dit
Henri VIII a François I
e r
, après le camp du
Drap d'or, je ne lui laisserais pas longtemps
la tête sur les épaules. » Les animosités s'en-
venimèrent de plus en plus. On veut aussi que
Louise de Savoie ait été poussée aux dernières
limites de la colère par le refus outrageant de
sa main, qu'elle aurait offerte au connétable.
Quoi qu'il en soit, elle éclata en réclamant
devant le parlement l'héritage bourbonnais,
comme fiefs féminins dont elle était la plus
proche héritière : c'était revenir sur une do-
nation formelle de Louis XII, sur la donation
de la femme et de la belle-mère de Charles de
Bourbon, et consommer la ruine de celui-ci.
Pendant que le procès se poursuivait, Charles,
exaspéré par ces persécutions, prêta l'oreille
aux propositions secrètes de Charles-Quint,
sollicita la main de sa sœur Eléonore, et lui
offrit son épée pour l'invasion et le démem-
brement de la France. Un traité fut signé;
mais au moment de se joindre aux troupes de
l'empereur, qui entraient par la Franche-
Comté pendant que les Anglais se préparaient
à envahir la Normandie, Charles, soupçonné
depuis longtemps et enfin poursuivi, dut s'en-
fuir secrètement et se jeter en fugitif dans les
rangs ennemis, au lieu d'y paraître en géné-
ral et en prince (1523). Nommé lieutenant gé-
néral par l'empereur, il passa en Italie, d où
il chassa bientôt les Français et Bonmvet.
C'est en les poursuivant, au passage de la
Sechia, qu'il reçut, confus et humilié, les re-
proches de Bayard mourant. Il n'en continua
pas moins à combattre contre sa patrie, en-
leva un grand nombre de villes en Provence,
échoua devant Marseille (1525), contribua à
la victoire de Pavie, se rendit ensuite en E s -
pagne, sans doute afin de-n'être pas oublié
dans le traité de Madrid, puis se jeta de nou-
veau en Italie, secrètement résolu à faire la
guerre pour son propre compte et à s'emparer
de la souveraineté du Milanais, qui lui avait
été promise. Méprisé comme transfuge par
les Espagnols, qui avaient profité de ses ser-
vices, joué par l'empereur, qui l'avait con-
stamment bercé de promesses, repoussé par
François I « , qui venait d'anéantir le traité de
Madrid, où était stipulée la restitution de ses
biens, il se jeta dans les partis désespérés,
commença à. agir en maître dans le Milanais,
sans attendre 1 investiture impériale, recruta
son armée de lansquenets et d'aventuriers
allemands, à qui il promit le pillage de l'Italie,
et qui jurèrent de le suivre partout, fût-ce à
tous les diables, et les conduisit enfin sous les
murs de Rome. Lui-même il planta la pre-
mière échelle et entraîna ses bandes a l'as-
saut; mais comme il gravissait les échelons,
il fut blessé mortellement par une arquebu-
sade, partie, dit-on, de la main du fameux
Benvenuto Cellini, et expira en emportant
dans la tombe le secret de ses desseins. On a
prétendu qu'il aspirait à se faire roi de Rome
et de Naples. Sa mort ne sauva point Rome,
qui fut pendant deux mois livrée à toutes les
horreurs du pillage et vit se renouveler les
scènes de dévastation et de massacre des
temps d'Alaric et de Genséric. Le cadavre du
connétable fut emporté par ses farouches
compagnons d'armes,
parlement, ses biens féodaux furent dévolus
a la couronne, ses autres biens confisqués, et
la porte de son hôtel fut peinte en jaune, cou-
leur des traîtres. Toutefois l'annulation d'une
partie de cette sentence fut imposée par
Charles-Quint dans le traité de Cambrai.
BOURBON
BOURBON (Louis, cardinal DE),né*en 1493,
mort en 1556, était le quatrième fils de Fran-
ois de Bourbon. Nommé à vin^t ans évêque
e Laon, il accompagna François 1er dans la
campagne du Milanais, fut successivement
promu cardinal (1516), archevêque de Sens, et
mis à la tête de la légation de Savoie. Lors-
qu'en 1527 François I
e r
, de retour de sa cap-
tivité, réunit une assemblée de notables, le
cardinal offrit au roi, au nom du clergé, la
somme de 1,300,000 livres, à titre de don.
Enfin, en 1552, Henri II ayant résolu d'aller
secourir les protestants d'Allemagne, nomma
Louis de Bourbon gouverneur de Paris et de
l'Ile-de-France.
BOURBON
BOURBON (Charles, cardinal DE), prince et
prélat, né en 1520, mort en 1590. U était frère
d'Antoine de Bourbon et oncle de Henri IV.
Archevêque de Rouen, légat d'Avignon, car-
dinal, pair de France, membre du conseil, il
se dévoua, malgré les intérêts de sa famille,
aux prétentions des Guises, montra une ani-
mosité violente contre les réformés, et servit
de prête-nom à la faction en se laissant dési-
gner comme héritier présomptif de la cou-
ronne, au mépris des droits de son neveu,
exclu par les ligueurs comme hérétique. Il si-
na le manifeste delà Ligue,sejoignitauduc
e Guise après la journée des barricades, fut
arrêté h. Blois par ordre de Henri III, et pro-
clamé roi par les ligueurs après le meurtre do
ce prince, sous le nom de Charles X. Les
actes de la Ligue furent publiés en son nom ;
on battit monnaie à son effigie, et il fut re-
connu par plusieurs parlements (1589). Toute-
fois, ce fantôme de roi était toujours prison-
nier à Fontenay-le-Comte, où il mourut en
1590. A ses derniers moments, il avait re-
connu Henri IV comme son souverain, mais
probablement dans l'intention de recouvrer sa
liberté. C'était d'ailleurs un vieillard qui
alliait des mœurs dépravées à une bigoterie
sans caractère religieux, et mêlée de supersti-
tions astrologiques.
BOURBON
BOURBON (Charlotte DE), fille de Louis do
Bourbon, duc de Montpensier, prince du sang
royal, épouse de Guillaume d'Orange, sur-
nommé le Taciturne, et l'une des femmes les
plus dévouées à la réforme, morte à Anvers
en 1582. Comme Louis de Bourbon ne se trou-
vait pas assez riche pour maintenir ses trois
filles au rang élevé de leur naissance, il fit
entrer Charlotte, à l'âge de treize ans, au mo-
nastère de Jouarre, avec le titre d'abbesse.
Ce fut malgré elle que Charlotte embrassa la
profession religieuse; mais la volonté de son
père était inflexible. Peut-être, d'ailleurs,
voulait-il soustraire ses enfants à l'influence
de Jacqueline de Longvic, sa femme, qui était
fort attachée à la réforme. La nouvelle ab-
besse ne put s'accoutumer au genre de vie des
monastères, n; surtout en accepter les petites
et puériles pratiques ; elle resta fidèle aux en-
seignements de sa mère. Sans attaquer de
front les doctrines de l'Eglise romaine, elle
instruisait ses religieuses des principales vé-
rités du christianisme et les amenait insensi-
blement à modifier leurs anciennes croyances,
en leur inspirant le désir de connaître à fond
les siennes. -On s'apereut
;
quoique un peu
tard, des dangers qu'offraient ses enseigne-
ments, et on allait peut-être prendre contre
elle des mesures de rigueur, lorsque le mo-
1112 BOUR
BOUR
BOUR
BOUR
uastère de Jouarre tomba au pouvoir des hu-
guenots.
Charlotte quitta Jouarre au commencement
de 1572. Apres un court séjour auprès de sa
sœur aînée, la duchesse de Bouillon, elle se
rendit à Heidelberg, où régnait alors l'élec-
teur Frédéric, qui l'accueillit et la traita
comme sa propre fille. En apprenant cette
fuite audacieuse, Louis de Bourbon entra en
fureur. L'électeur Frédéric chercha à l'apai-
ser dans une lettre datée du 15 mars 1572. Il
lui disait que sa fille était restée digne à tous
égards de sa tendresse paternelle, et qu'elle
ne s'était mise sous la protection de la cour
Palatine que parce qu'elle avait craint d'of-
fenser sa famille en manifestant des croyan-
ces qu'elle se serait fait un scrupule de dissi-
muler plus longtemps. Mais Louis de Bourbon
détestait trop ces nouvelles croyances reli-
gieuses pour se calmer en apprenant que sa
fille les professait.il répondit à l'électeur qu'il
ne pardonnerait jamais à sa fille, si elle ne
commençait par revenir immédiatement, et il
ajoutait, en s'adressant directement au véné-
rable électeur : « Vous serait-il donc bien ho-
norable de recueillir dans votre maison des
enftmts qui quittent leur père? N'est-il pas
lus digne de vous de leur conseiller avec
onté de rentrer au plus tôt dans leur devoir ? w
Charlotte, troublée par cette lettre si dure,
hésita longtemps avant de prendre une réso-
lution; mais elle se décida à rester auprès de
l'électeur, ayant tout à craindre de la colère
de son père et peu à espérer de sa bonté. Fré-
déric en avertit Louis de Bourbon et même
Charles IX, qui lui envoya deux ambassadeurs
pour essayer de fléchir la jeune princesse;
mais ce fut inutilement. Ils rapportèrent de
leur voyage ia conviction que Charlotte obéis-
sait à des motifs puissants, puisés dans sa con-
science, et que la protection de l'électeur était
celle d'un père rempli d'affection. Cet exil de
Charlotte excita l'intérêt général à la cour de
France, et des supplications furent adressées
de toutes parts au duc de Montpensiér et à
Charles IX. Lorsque, en 1573, les ambassa-
deurs de Pologne vinrent offrir au duc d'Anjou
le trône laissé vacant par la mort de Sigis-
inond, quelques-uns d'entre eux prièrent le
nouveau monarque de plaider auprès de Louis
de Bourbon la cause de la jeune protégée de
Frédéric; mais le futur Henri III répondit que
cela ne concernait nullement les affaires de
Pologne, et il s'en tint là. Trois ans après,
Charlotte se trouva en âge de prendre un
époux. « C'était, dit de Thou, une princesse
d une grande beauté et de beaucoup d'esprit. »
L'électeur cherchait un prince digne de son
aimable fille adoptive; il songea à Guillaume
d'Orange, veuf d'Anne d'Egmont, et remarié,
depuis 1561, avec la fille de Maurice, électeur
de Saxe, princesse dont l'inconduite troubla
profondément sa vie, et dont il avait dû se
séparer. On lui parla de Charlotte, on lui ra-
conta son émouvante histoire, on lui fit le ta-
bleau de ses grâces, de sa vertu, de sa gran-
deur d'âme, et il la fit demander en mariage
à la cour d'Heidelberg; mais il fallait obtenir
le consentemeut de Louis de Bourbon et peut-
être du roi de France. Charlotte avait accepté
avec joie la pensée de devenir l'épouse du
vaillant héros des Provinces-Unies. Henri III
donna son adhésion à ce mariage. Quant à
Louis de Bourbon, pouvait-il reiuser, quand
le roi avait consenti? Le protestantisme de
Guillaume d'Orange l'effrayait bien encore;
mais sa puissance et sa célébrité le flattaient
beaucoup; il consentit donc à ce mariage, et
il dota même richement sa fille.
Guillaume d'Orange apprit ces bonnes nou-
velles avec des transports de joie j il envoya
aussitôt des ambassadeurs à Heidelberg, parmi
lesquels était Marnix de Sainte-Aldegonde,
chargé d'amener la jeune fiancée du prince
.d'Orange. Quelques difficultés s'élevèrent du
côté de la maison de Saxe, humiliée de laré-
F
udiation d'Anne, dont nous avons rappelé
inconduite ; mais le prince d'Orange déclara
que son divorce était légal, et passa outre. Le
mariage fut célébré le 12 juin 1572.
La calomnie osa s'attaquer à la nouvelle
princesse d'Orange, mais Charlotte n'était pas
iemme à la redouter ; sa vie était un miroir
sans tache. Aussi le bonheur entra-t-il avec
elle dans la maison d'Orange.
Le roi d'Espagne Philippe II saisit l'occa-
sion de ce mariage pour donner cours à sa
haine contre Guillaume d'Orange, dont il mit
la tête à prix. Il promettait 25,000 couronnes
à quiconque le lui présenterait mort ou vif, et
il traitait ce prince d'hypocrite, de Caïn, de
Judas, etc., dénominations, comme on le sait,
familières aux inquisiteurs. II l'accusait enfin
de vivre criminellement avec une nonne infi-
dèle à ses vœux. Guillaume ne dédaigna pas de
répondre à ce diffamateur royal et repoussa
victorieusement ses attaques; mais déjà Phi-
lippe II avait trouvé un assassin pour se dé-
faire de son ennemi, comme il s'était défait de
sa femme et de son fils.
Ce fut un jeune homme de Biscave, nommé
Jean Jauregui, qui se chargea d'immoler le
prince d'Orange à la haine du sanguinaire
monarque espagnol. Suffisamment exhorté,
absous et lavé de son crime prochain par les
dominicains et les jésuites, Jauregui réussit à
s'approcher de Guillaume et déchargea sur
lui un pistolet à bout portant. La balle, entrée
sous l'oreille droite, traversa le palais, brisa
plusieurs dents et sortit par la joue gauche ;
les gardes et les seigneurs présents firent
aussitôt justice du misérable. Toutefois, les
sauvages espérances de Philippe furent trom-
pées : la mort ne s'ensuivit point. Guillaume
resta dix jours dans un état désespéré, une
hémorragie effrayante s'étant déclarée ; on
parvint néanmoins à l'arrêter, mais le sang
se répandit à l'intérieur et causa les plus gra-
ves désordres. Charlotte ne quitta pas un in-
stant le chevet de son noble époux ; elle de-
mandait constamment à Dieu de le sauver, de
le conserver à sa famille et à son peuple.
Enfin, lorsque Guillaume entra en convales-
cence, elle laissa déborder sa joie. « Dieu,
écrit-elle à son père, l'a miraculeusement
sauvé, quand nos cœurs n'avaient plus d'es-
pérance. Le sang n'a pas coulé depuis quinze
jours, la blessure se cicatrise d'heure en
heure... L'aspect de la blessure est si rassu-
rant que nous comptons maintenant sur la
guérison, avec l'aide de Dieu, que je prie du
fond d« mon cœur pour le prince... »
Un service solennel d'actions de grâces eut
lieu le 2 mai suivant dans l'église d'Anvers.
Guillaume assistait à la cérémonie à côté de
Charlotte. En rentrant de l'église, la princesse
se mit au lit; les larmes, les angoisses, les
alternatives d'espoir et d'abattement avaient
brisé son faible corps. Trois jours après, elle
rendait son dernier soupir, que recueillit la
femme de Duplessis-Mornay.
BOURBON
BOURBON (Catherine DE), princesse de Na-
varre, née à Paris en 1558, morte à Nancy en
1604, Fille d'Antoine, roi de Navarre, et de
Jeanne d'Albret, et sœur de Henri IV, elle
avait, comme ce dernier, l'esprit enjoué et
prompt aux vives saillies. Elle vivait encore
dans le célibat, à l'âge de quarante et un ans,
a
uand Henri IV lui donna pour époux le duc
e Bar, Henri de Lorraine. Cette union n'avait
rien qui l'attirât, car depuis longtemps elle
s'était attachée au comte deSoissons. Comme
son frère lui représentait que son rang ne lui
permettait d'épouser qu'un prince, la spiri-
tuelle princesse lui répondit en jouant sur les
mots : « C'est vrai pour la sœur du roi, mais
Catherine n'y trouve pas son compte (comte).»
Un jour, où on lui parlait d'un certain Fouquet
de la Varenne, qui, de ses cuisines, était passé
dans la maison du roi, avait obtenu le con-
trôle général des postes et s'était rapidement
enrichi : « Il a plus gagné à porter les poulets
de-mon frère qu'à piquer les miens, » répon-
dît-elle. Catherine de Bourbon, après l'aoju-
ration de Henri IV, n'en continua pas moins à
rester dans la religion réformée et à être en
relation avec les sommités du parti protes-
tant, notamment avec Théodore de Bèze, qui
correspondait avec elle. Elle s'adonna, surtout
dans les dernières années de sa vie, à la poé-
sie religieuse, y cherchant une consolation
contre ses tristesses et ses ennuis. Elle mourut
sans laisser d'enfants.
BOURBONBOURBON (Charles, c a r d i n a l D E ) , é g a l e -
m e n t Connu SOUS le nom de c u r d i n n l de B o u i -
bon-Coudé et de c a r d i n a l do V c n d f i u o , n é
vers 1560, mort en 1594, était fils de Louis [cr
de Bourbon, premier prince de Condé, et pe-
tit-neveu du cardinal du même nom, nommé
roi par les ligueurs sous le nom de Charles X.
Promu fort jeune à l'archevêché de Rouen, il
se mit, après la mort de Henri III, à la tête
du tiers-parti se signala par son activité, son
éloquence, son amour des lettres, mais en
même temps par sa sordide avarice, et n'hé-
sita point à se présenter comme compétiteur
de Henri IV au trône de France. Son ambi-
tieuse tentative avorta, et il fut attaqué d'une
maladie de langueur, qui le conduisit au tom-
beau , à peine âgé de trente-quatre ans.
Henri IV, étant venu le voir pendant sa ma-
ladie, lui dit avec ce ton de bonhomie gouail-
leuse qui lui était familier; «Prenez courage,
mon cousin ; il est vrai que vous n'êtes pas
encore roi, mais le serez possible après moi.»
noURBON-CONDÉ (Louis, duc DE), né en
1668, mort en 1710, était fils de Henri-Jules,
prince de Condé, et d'Anne de Bavière, et
petit-fils du grand Condé. « C'était, dit Saint-
Simon, un homme plus petit que les plus pe-
tits hommes, qui, sans être gras, était gros
de partout; la tète grosse à surprendre, et un
visage qui faisait peur. On disait qu'un nain
de M"»o la Princesse en était cause. Il était
d'un jaune livide, l'air presque toujours fu-
rieux; mais en tout temps si fier, si auda-
cieux, qu'on avait peine à s'accoutumer à
lui. Il avait de l'esprit, de la lecture, des
restes d'une excellente éducation, des grjloes
même et de la politesse, quand il voulait;
mais il voulait très-rarement... Ses mœurs
perverses lui parurent une vertu, et d'élran-
ges vengeances qu'il exerça plus d'une fuis,
un apanage de sa grandeur. Sa férocité était
extrême et se montrait en tout. • Violent, plein
d'audace et de ruse, il mena une vie des plus
désordonnées, fut grand maître de France,
gouverneur de Bourgogne et de Bresse, et il
se signala par une rare valeur aux sièges de
Philipsbourg, de Mons (1669) et de Namur
(1692), ainsi qu'aux batailles de Steînkerquc
et de Nerwinde. Il mourut subitement à Paris,
à l'âge de quarante-deux ans.
BOURBON
BOURBON (Louis-Henri, duc DE), prince de
Condé après la mort de son père, mais surtout
connu sous le titre de M. le Duc, né à Ver-
sailles en 1692, mort en 1740, était fils aîné du.
précédent. Nommé par le régent chef du con-
seil de régence et surintendant de l'éducation
du roi, il profita de sa haute position pour pui-
ser à pleines mains dans le trésor public et
pour réaliser des bénéfices énormes dans les
opérations de Law. Premier ministre en 1723,
il continua ses dilapidations, rendit un édit de
persécution contre les protestants, accorda
des privilèges exorbitants à la compagnie des
Indes, dans laquelle il avait des intérêts, et
montra enfin en toutes circonstances cette avi-
dité d'argent qui était un des traits caracté-
ristiques des Condé. Après avoir fait rompre
le mariage projeté entre l'infante d'Espagne
et Louis X v , il fit épouser à ce prince Marie
Leckzinska, mariage qui devait, dix ans plus
tard, apporter la Lorraine à la France, en
vertu du traité de Vienne, mais ce que rien
alors ne faisait pressentir. Ce prince lut d'ail-
leurs le ministre le plus inepte de ce règne
déplorable, et la France eut à souffrir de son
administration dans sa dignité comme dans
ses intérêts. Il subit complètement l'ascendant
de la marquise de Prie, sa maîtresse, qui n'é-
tait elle-même, sans s'en douter, que l'instru-
ment des frères Paris. L'administration de ces
financiers rapaces et à courtes vues, unique-
ment préoccupés d'inventer de nouveaux im-
pôts et d'accroître leur énorme fortune, pro-
voqua de la part du parlement des remon-
trances, dont on ne voulut pas tenir compte,
et finit par exciter un mécontentement géné-
ral. Le cardinal de Fleury, appelé au ministère,
fit exiler le duc de Bourbon dans sa terre de
Chantilly (1726), où il s'occupa de chimie et
de sciences naturelles. Il reparut à la cour en
1729, mais ne rentra jamais aux affaires.
BOURBON
BOURBON (Louis-Antoine-Jacques DE), in-
fant d'Espagne, né en 1727, mort en 1785.
Fils de Philippe V, il reçut de Clément XII, à
l'âge de huit ans, le chapeau de cardinal, et
fut nommé archevêque de Tolède. N'ayant
aucun goût pour l'état ecclésiastique, il s em-
pressa, dès que son père fut mort, de se dé-
mettre de son siège archiépiscopal et de ren-
voyer le chapeau. Comme s'il eût voulu pro-
tester contre le petit collet des clercs, qu'on
lui avait fait porter malgré lui, on ne le vit
plus qu'avec des collets énormes, lui descen-
dant jusqu'au milieu de la poitrine. Fort laid,
mais aimable, d'une humeur enjouée, simple
et généreux, l'infant cultiva avec passion les
sciences naturelles et la musique, et se maria,
en 1776, avec la fille d'un capitaine de cava-
lerie, Marie-Thérèse de Valabriga Bosas. Son
frère, Charles III, autorisa ce mariage; mais
à-Ja condition que la femme de l'ancien arche-
vêque porterait le nom de princesse de Chin-
chon, ne serait pas reçue à la cour, et que les
enfants issus de ce mariage n'auraient d'autre
titre que celui de leur mère. Don Louis ne put
en outre résider à Madrid et à Saint-Ilde-
phonse en même temps que la cour. Il mourut
laissant un fils et deux filles, dont l'une, Ma-
rie-Thérèse, devint la femme du célèbre Ma-
nuel Godoy, prince de la Paix.
BOURBON
BOURBON (Louis-Marie D E ) , prélat et
homme politique, fils du précédent, né à Ca-
dahalso en 1777, mort en 1823. Comte de
Chînchon du chef de sa mère, il entra dans
les ordres, fut nommé archevêque de Séville
en 1799, archevêque de Tolède l'année sui-
vante, sans abandonner son premier siège, et
fait presque aussitôt cardinal par Pie VII.
Lorsque son cousin, Charles IV, eut abdiqué
en faveur de Napoléon, Louis-Marie de Bour-
bon écrivit à Napoléon (1808) que : « le plus
fidèle de ses sujets, il mettait à ses pieds
l'hommage de son amour, de son respect et
de sa fidélité, » et, bientôt après, il prêtait ser-
inent au roi Joseph. Lors de l'insurrection de
1809, il fut nommé président de la régence de
Cadix. Il promulgua tous les décrets des cor-
tès, approuva la constitution de 1812, abolit
l'inquisition et expulsa (1813) le nonce Gra-
vina, qui s'était montré contraire à cette der-
nière mesure. Lorsque, en 1814,Ferdinand VII
revint en Espagne, le cardinal de Bourbon fut
chargé de l'attendre à la frontière et de rece-
voir son serment à la constitution ; mais Fer-
dinand, pour qui le mol de constitution était
des plus malsonnants, évita de le rencontrer,
et ne fut rejoint par lui qu'à Valence. A peine
arrivé à Madrid, le roi renvoya le cardinal à
Tolède et lui ôta les revenus ainsi que l'admi-
nistration du diocèse de Séville. Don Louis
vivait depuis six ans dans la retraite, lorsque
éclata Ha révolution de 1820. Comme il était
connu pour un partisan du gouvernement con-
stitutionnel, il fut nommé président de la junte
de gouvernement. Il publia alors une lettre
pastorale dans laquelle il préconisait le régime
de la monarchie parlementaire et tempérée, et
mourut peu de jours avant le rétablissement
de l'absolutisme royal.
BOURBON-CONTI
BOURBON-CONTI ( Amélie-Gabrielle-Sté-
phanie-Louise DE). C'est sous ce nom que se
rit connaître une aventurière qui se prétendait
fille du prince de Conti et de la duchesse de
Mazarin, et dont le véritable nom était Anne-
Louise-Françoise DELORME , femme BILLET.
Née à Paris en 1756, elle fut mariée, à Lons-
le-Saunier, à un procureur nommé Billet, dont
elle se sépara plus tard. Ce fut vers 1780
qu'elle commença à ébruiter dans le monde le
secret de sa prétendue naissance. Elle fatigua
la famille royale de ses réclamations, en a p -
pela même sans succès aux tribunaux, et obtint
quelques secours du comte de Provence (de-
puis Louis XVIII). En 1795, elle sollicita une
pension sur les biens de la maison de Conti.
La Convention, abusée, la mit en possession
d'une maison d'émigré, rue Cassette, à Paris.
Plus tard, elle obtint un débit de tabac, qu'elle
ouvrit à Orléans sous le nom de Bourbon-Conti.
Elle mourut oubliée en 1825, sans avoir pu
faire reconnaître ses droits par la Restaura-
tion. Elle avait publié (179S) des Mémoires
écrits sous sa dictée par Corentin-Royou, et
réfutés par Barruel-Beauvert dans son his-
toire tragi-comique de la soi-disant princesse
Stéphanie de Bourbon-Conti. Il faut dire qu'à
différentes .époques un certain nombre de per-
sonnes ont cru que ce personnage était réelle-
ment un enfant naturel du prince de Conti.
BOURBON
BOURBON (Louise-Marie-Thérèse-Bathilde
d'Orléans, princesse DE CONDÉ), femme du
dernier prince de Condé. V. ce nom.
BOURBON
BOURBON (Pierre II, huitième duc DE). V.
BEAUJHUBEAUJHU (sire DE).
BOURBONBOURBON (Antoine DE), roi de Navarre.
V. ANTOINE.
BOURBONBOURBON (Louis-Henri-Joseph, duc-DE).
V. CONDÉ.
BOURBONBOURBON (musée), fameux musée de Na-
ples , appelé aussi musée Bourbon , ou Gîi
Studj, et qui occupe le premier rang parmi les
collections de chefs-d'œuvre antiques. L'édi-
fice qui renferme ces collections fut bâti par
le duc d'Ossuna, qui y établit ses écuries; de-
puis, il subit diverses destinations. Le nombre-
des richesses artistiques qu'il renferme est in-
calculable, et, chaque jour, les fouilles exé-
cutées à Herculanum et à Pompéi viennent
l'accroître. Sa collection de marbres antiques
est remarquable, même auprès de celles du
Capitule et du Vatican. Parmi les morceaux
les plus rares, il faut citer : la Flore Farnèse
y
Y Apollon citharède, le beau vase de Scalpum
représentant la Naissance de Bacchus, chef-
d'œuvre qui servit longtemps aux mariniers
de Gaète a attacher leurs barques ; la fameuse
Vénus Callipyge; le groupe si renommé du
Taureau Farnèse ;puis l'Hercule Farnèse, que
Michel-Ange ne voulut jamais restaurer, trou-
vant que ce serait un sacriléj-e de toucher à
un pareil chef-d'œuvre. Quant aux btiitcs
d'empereurs et d'autres personnages, ils abon-
dent et apportent de précieux documents à
l'iconographie. La galerie des bronzes du
musée de Naples est sans rivale dans le inonde
entier, et presque tous ceux qu'elle renferme
sont des chefs-d'œuvre inimitables. Parmi les
plus remarquables, il faut citer : les Danseuses,
qui décoraient le proscenium du théâtre d'Her-
culanum ; une Femme dansant,regardée comme
la perle de la galerie ; une Femme ivre, d'une
perfection désespérante, et un buste de Sc-
nèque, où revit tout entier le précepteur de
Néron. Les peintures antiques, au nombre de
1,600 environ, n'ont pas seulement excité la
curiosité des antiquaires, mais aussi l'admira-
tion des artistes, qui sont venus souvent s'in-
spirer a leur aspect, ety chercher le secret de
la beauté du dessin et du style, du goût exquis
dans la composition. La plupart de ces fres-
ques ont été reconnues pour être des copies
des grands maîtres de l'antiquité. Parmi les
plus célèbres, il faut citer les Danseuses de
Pompéi; Briséis enlevée à A chiite ; Thésée, tuwU
le Centaure, peinture monochrome, qui a servi
de modèle àCanovapour composersongroupe,
et enfin le Sacrifice d'Iphigénie, si connu pur
l'ingénieuse idée du peintre, qui, ne sachant
de quelle expression animer la figure d'Aga-
memnon, le représenta la tête voilée. Une des
collections les plus curieuses que renferme le
musée Bourbon est sans contredit celle des
verres antiques; c'est la plus importante Cjue
l'on connaisse, et elle ne renferme pas moins
de 4,000 pièces. L'habileté des anciens dans
cette industrie était bien plus grande qu'on no
l'avait cru jusqu'ici : ils savaient assouplir le
verre, le colorer et même l'unir à l'argent. Les
bijoux faux ne datent pas d'aujourd'hui, et,
chez les anciens comme chez nous, on savait
imiter les pierres précieuses avec du verre ;
l'anecdote arrivée à l'empereur Gallien montre
bien que l'usage en était assez fréquent. On
sait qu'un marchand de verroteries, ayant
vendu des pierres fausses à l'impératrice, Gal-
lien le condamna à être mangé par les bêtes.
Quand le malheureux marchand fut au milieu
de l'amphithéâtre, au lieu de voir s'avancer
contre lui un lion ou un tigre, il vit un chapon,
ce qui fit éclater de rire toute l'assemblée : « Il a
trompé, on le trompe," dit l'empereur, qui s'était
contenté de se venger par une plaisanterie.
Des verres de fenêtres, trouvés clans la villa
de Diomède, b, Pompéi, prouvent que les an-
ciens l'employaient aux mêmes usages que
nous. La pièce la plus remarquable de cette
collection est une amphore de verre bleu,
couverte d'émail blanc, sur le fond duquel se
détachent de charmants bas-reliefs. La col-
lection des vases italo-grccs est aussi unique
dans son genre; elle comprend 3,300 pièces,
parmi lesquelles trois magnifiques vases de
Noie se recommandent à la curiosité et à
l'admiration ; le vase dit de Cassandre, et celui
de l'Incendie de Troie, sont surtout remar-
quables par la beauté de leurs peintures.
A côté des vases grecs s'étend la salle des
papyrus, qui contient 3,000 petits rouleaux
noirs, de 2 à 4 pouces de long sur 24 à 30 li-
gnes de diamètre. Ils sont tellement carbo •
nisés qu'on les prit d'abord pour des morceaux
de charbon et qu'on les dédaigna; ce ne fut
que plus tard qu'on s'aperçut qu'ils renfer-
maient des manuscrits. A force de soins et de
patience, on est parvenu à en dérouler un cer-
tain nombre sans qu'ils tombassent en pous-
sière. Les gemmes, les bijoux antiques abon-
dent lussi, et, dans cette collection des camées,
- la pièce la plus curieuse est la célèbre tazza
BOUR,
Farnèse, en sardoine orientale. C'est un mo-
nument unique pour la grandeur de la pierre
et la perfection du travail. C'est le seul camée
connu qui présente une grande composition
sur chaque face. Les bijoux et ornements de
dames, qui abondent, prouvent que la coquet-
terie des Romaines ne le cédait en rien a celle
de nos contemporaines, et que leurs joailliers
avaient plus de goût que les nôtres. On s'initie
à la vie, aux mœurs, aux usages des anciens,
en parcourant la curieuse salle des petits
bronzes, qui contient les ustensiles de tout
genre dont ils se servaient. Tout se trouve là :
fourneaux économiques, baignoires, lits de
table, pèse-liqueurs, bouilloires à thé, instru-
ments de chirurgie semblables aux nôtres, ob-
jets de toilette, billets de spectacle en ivoire,
jusqu'à des cymbales, des trompettes et des
clarinettes. A part quelques légères différences
de forme, tous ces objets ressemblent à ceux
dont nous nous servons; la seule chose qui les
distingue, c'est l'élégance et le fini de leur
travail; les plus vils instruments de cuisine
offrent des ornements qu'on ne trouverait pas
toujours dans nos objets de luxe. L'amour
du beau se trahissait ainsi jusque dans les
moindres détails. Une salle à part contient le
musée pornographique, réunion de peintures et
de bronzes obscènes. On a cent fois raison de
s'élever contre des œuvres de ce genre, quel-
que parfaite qu'en soit la forme-, mais on n'a
pas moins tort de condamner toute une civili-
sation sur les spécimens dus à quelques ima-
ginations licencieuses et dépravées. Ceux qui
rejettent la faute de ces libertés coupables sur
le paganisme oublient tron facilement que le
christianisme ne les a pas ignorées. Au temps
du pieux moyen âge, les pâtisseries servies
sur la table des seigneurs et des évoques n'a-
vaient pas une forme moins indécente que
celle des bronzes de Pompéi; François I
e r
,
dans sa cour, plutôt dépravée qu'élégante,
se servait de vases à boire dont le modèle se
trouve.au musée pornographique.
Nous n'avons donné qu'une faible idée des
richesses immenses accumulées dans le musée
Bourbon, richesses qui le placent au premier
rang, au point de vue artistique et historique.
La galerie de tableaux modernes qu'il ren-
ferme ne pourrait lutter contre celles des
autres villes d'Italie, malgré quelques toiles de
grands maîtres ; la bibliothèque du musée con-
tient environ 200,000 volumes et 3,000 ma-
nuscrits. Les plus curieux parmi ces derniers
sont : la Bible, annotée de la main d'Al-
phonse 1er d'Aragon; la seconde partie des
Lettres de saint Jérôme, et un Office de la
sainte Vierge, écrit de la main de Monterchi,
avec miniatures par Giulio Clovio. Vasari
prétend que Giulio mit neuf ans a illustrer ce
manuscrit, et qu'il n'y a pas de somme ca-
pable de le payer. Pendant tout le règne des
Bourbons, la librairie fut peu florissante à
Naples, malgré les impôts énormes dont étaient
frappés les livres étrangers, d'après ce singu-
lier raisonnement que, s'ils étaient mauvais,
il fallait les écarter, et que, s'ils étaient bons,
on ne pouvait les payer trop cher. On a pu-
blié, il y a quelques années, chez Firmin Di-
ilot, le Musée Bourbon, traduit de l'italien,
contenant la gravure au trait de toutes les
œuvres qui composent cette magnifique ga-
lerie. C'est une œuvre splendide, mais peu
répandue, en raison de son prix élevé, et
peut-être aussi à cause de la reproduction des
objets qui composent le musée pornogra-
phique, ce qui ne permet pas de laisser ce
livre s'égarer dans toutes les mains.
BOURBON
BOURBON (hôtel et théâtre du PETIT-), situé
près de l'ancien Louvre et sur l'emplacement
d'une partie du Louvre actuel. V. PUTLT-
BOUKBON.
BOUKUON
BOUKUON (ELYSÉE-). V. ELYSÉE.
BOURBON
BOURBON (PALAIS). V. PALAIS.
BOURBONBOURBON (Nicolas), dit l'Ancien, po-ite
latin moderne, né à Vandœuvre, près de Bar-
sur-Aube, en 1503, mort en 1550. Il était fils
d'un forgeron, et acquit une telle réputation
comme littérateur et nelléniste, que Margue-
rite de Navarre lui confia l'éducation de sa fille
Jeanne û'AVbret. On a de lui un recueil d'épi-
grammes sous le titre de Nugœ (1535), et d'au-
tres poésies latines dont Philippe Dubois a
donné une édition ad usum Delphini (1685). On
a aussi de lui Pœdologia, sive de puerorum
moribus libellus (1536), et Tabellœ etementariœ
pueris ingenuis pemecessariœ (1539), etc.
BOUKBON
BOUKBON (Nicolas), dit le Jeune, érudit,
poète latin, neveu du précédent, né à "Van-
dœuvre en 1574,' mort à Paris en 1644. Il pro-
fessa la rhétorique dans plusieurs collèges de
Paris,puis la langue grecque au Collège royal,
et entra à l'Académie française par la protec-
tion de Richelieu. En 1620, il se retira à l'Ora-
toire. Ses poésies latines ont été réunies sous
le titre de Poematia, en 1630. On regarde
comme ses chefs-d'œuvre l'ode sur les Gran-
deurs de Jésus-Christ, et surtout la belle im-
précation sur la mort de Henri IV : Dirœ in
parricidam.
BOURBON-LANCYBOURBON-LANCY [Borbonium Ansslmiwn),
ville de France (Saône-et-Loire), ch.-l. de
cant., arrond. et à 53 kilom. N.-O. de Cha-
rolles ; pop. aggl. 941 hab.— pop. tôt. 3,£53 hab.
Commerce de bestiaux, bois et charbon; tan-
neries, fours a chaux. Eaux thermales, chlo-
rurées sodiques et ferrugineuses, connues dès
l'époque romaine, fréquentées dans les temps
modernes, surtout depuis la fin du xvie siècle.
Elles émergent d'un terrain granitique par
BOUR
six sources principales. Leur température varie
de 4Qo à 56°. Ces eaux, qui augmentent la sé-
crétion du tube digestif et ont sur le système
lymphatique une action résolutive, sont em-
ployées en boisson, bains et douches. La plus
remarquable des sources de Bourbon-Lancy
est celle du Lymbe, dont le bassin a la forme
d'un cône renversé. On rencontre à Bourbon-
Lancy de nombreux vestiges de constructions
gallo-romaines, telles que corniches, bas -
reliefs, urnes, mosaïques, médailles qui accu-
sent 1 existence d'une ville antique et d'un
palais des thermes considérable. Sur le sommet
d'un rocher granitique, on voit les ruines d'un
château fort, construit sur l'emplacement d'un
fort romain. Dans l'intérieur de la ville, on
admire : l'église Saint~Nazaire, dont le sanc-
tuaire du xe siècle présente un grand intérêt
archéologique j le transsept et l'abside sont du
style byzantin, et la nef appartient, jusqu'à la
dernière travée, au style latin ; l'établissement
thermal, avec sa vaste piscine, autour de la-
quelle règne une belle galerie soutenue par
dix-sept colonnes, reliées entre elles par des
arceaux en plein cintre; enfin les bains de
César, un des thermes romains, qui sert ac-
tuellement aux bains réfrigérants.
BOURBON
BOURBON - L'ARCHAMBAULT , ville de
France (Allier), ch.-l. de cant., arrond. et a
26 kilom. O. de Moulins ; pop. aggl. 1,739 hab.
— pop. tôt. 3,292 hab. Eaux thermales ou
froides, chlorurées sodiques, iodo-bromurées
ou ferrugineuses, connues dès l'époque ro-
maine. Elles émergent, par deux sources, d'un
terrain granitique. Elles sont plus légères que
l'eau ordinaire distillée, lorsqu'elles sont chau-
des ; mais, froides, leur densité est de 1,3. Leur
température varie de 120 8 à 60°. L'établisse-
ment thermal a peu d'apparence ; il renferme
seize piscines et les pièces destinées aux dou-
ches ; l'hospice thermal, destiné aux indigents,
construit en 1774, contient quatre-vingts lits et
deux piscines. On remarque, en outre, à Bour-
bon-1'Archambault une belle église, monument
historique du xn
e
siècle; la tour de Quiquen-
grogne, bâtie par Louis I
e r
, et les ruines d'un
vieux château féodal, détruit par Pépin le
Bref en 789, reconstruit par Archambault ler
(
et berceau de la maison souveraine de Bour-
bon. De ce château, qui date du xm
e
siècle,
il ne reste plus que trois tours bien conservées.
Pendant notre grande Révolution, cette ville
prit le nom de Bourges-les-Bains.
BOURBON-VENDÉE,BOURBON-VENDÉE, ville de Franco. V. LA
ROCHE-SUR-YON.
BOUBBONDïR v. a. ou t r . (bour-bon-dir).
Battre, frapper. H Vieux mot.
BOURBONIENBOURBONIEN OU BOURBONNIEN, IENNE
adj. (bour-bo-ni-ain, i-è-ne — rad. Bourbon, n.
\>r.) Qui a rapport à la famille des Bourbons ;
qui est partisan de la famille des Bourbons :
Les cuivres ardents et les éclats BOURBONIENS
de la musique militaire étaient étouffés sous les
hourras. (Balz.) Ce que l'on est convenu d'ap-
peler le type BOURBONIEN, qui n'est pas sans
rapport avec celui de la race ovine, s'est perpé-
tué dans la race des Capets. (E, Sue.) Ce qui me
la faisait élire pour reine, c'est son indifférence
BOURBONIENNEBOURBONIENNE pour le favori tombé. (Balz.)
— Nez bourbonien, Nez arqué à la manière
du nez de plusieurs membres de la famille
de Bourbon, celui deiCharles X, par exemple.
BOURBONNAIS
BOURBONNAIS (Borbonensis Ager), an-
cienne province de France, bornée au N. par
le Berry et le' Nivernais, à l'B. par la Bour-
gogne et le Forez, au S. par l'Auvergne, et à.
l'O. par la Marche et le Berry. Capitale Mou-
lins ; villes principales Gannat, Montluçon, Vi-
chy et Bourbon- rArchambault. Superficie
790,000 hectares. Bordé au levant par la Loire,
au couchant par le Cher, qui s'y enclave dans
quelques endroits, ce pays est coupé par l'Al-
lier en deux parties inégales appelées le "haut
et le bas Bourbonnais. Le sol, fertile en vins,
grains, chanvre, fruits et pâturages, renferme
plusieurs mines de fer, de cuivre, de charbon
de terre, et quelques carrières de marbre. Les
eaux minérales abondent dans le Bourbonnais ;
la plupart jouissent d'une grande réputation,
entre autres celles de Bourbon-1'Archambault,
Néris et Vichy.
Lorsque César pénétra dans les Gaules, le
territoire qui forma depuis le Bourbonnais était
occupé par les Eduens, les Bituriges et les Ar-
vernes. Sous Honorius, il fut compris dans la
Première Aquitaine, à l'exception de la partie
située entre l'Allier et la Loire, qui dépendait
de la Première Lyonnaise. De la domination
romaine, le Bourbonnais passa sous celle des
Visigoths, puis sous celle des Francs, qui s'en
emparèrent après la victoire de Clovis sur
Alaric, en 507. Ce pays fit successivement
partie des royaumes d Orléans, d'Austrasie, et
du duché d'Aquitaine. Après la fin tragique du
fameux duc Waïfre (768),le Bourbonnais devint
une division politique spéciale et forma une
baronnie qui, en 1272, entra dans une branche
des capétiens par le mariage de Robert de Cler-
mont, fils de saint Louis, avec Béatrix, dernière
héritière de la maison de Bourbon. La baronnie
ou sirerie de Bourbon devint alors un fief im-
médiat de la couronne et fut élevée en duché-
pairie, en 1327, par Charles le Bel. Ce duché
fut séquestré en 1523, lors de la disgrâce du
connétable de Bourbon, et réuni à la couronne
par François I
e r
, en 1527. Enfin, en 1651, il
fut donné par Louis XIV au prince de Condé,
en échange du duché d'Albret, et depuis lors
le titre de duc de Bourbon s'est continué dans
cette branche jusqu'au dernierprince de Condé,
BOUR
mort en l830.Le Bourbonnais forme aujourd'hui
le département de l'Allier, et une partie de
ceux du Puy-de-Dôme, de la Creuse et du Cher.
Le Bourbonnais nourrit une race bovine et
une race ovine dont nous dirons quelques
mots en terminant. La première est de taille
moyenne, à corps long, mince ; à cornes gran-
des, bien contournées; a poil blanc, froment
ou jaune clair. Propre au travail, rustique et
de facile entretien, le bœuf bourbonnais s'en-
graisse facilement après un long travail et
fournit une viande de première qualité. La
race du Bourbonnais peut être améliorée par
elle-même; mais on préfère la transformer
par le croisement avec la race charolaise. Les
métis charolais-bourbonnais travaillent bien,
sont d'une belle conformation; mais les fe-
melles sont mauvaises laitières.
Le mouton bourbonnais est bas sur jambes,
à corps long, à tête fine un peu busquée, en
général sans cornes ; sa laine, un peu hérissée,
tonne des mèches assez rudes. Il est loin de
mériter la réputation qu'il avait autrefois pour
son lainage. Il se mêle aux moutons berri-
chons et à ceux du département du Puy-de-
Dôme. A Paris, il est connu sous le nom de
mouton auvergnat. Ces moutons sont vendus
dans le Berry, le Morvan et le Charolais ; ils
sont même conduits jusqu'aux bords de l'Océan.
Il serait à désirer qu'on pût élever la taille de
ces moutons sans en changer les formes, on
obtiendrait ainsi d'excellente viande en assez
grande quantité. Pour rendre leur lainage
meilleur, on pourrait les croiser avec quelques
variétés du berrichon ou de petits métis mé-
rinos élevés dans le Cher.
BOURBONNAIS,
BOURBONNAIS, AISE s. et adj. (bour-bo-
nè, è-ze— rad. Bourbonnais, nom d une pro-
vince française). Géogr. Habitant du Bour-
bonnais; qui appartient au Bourbonnais ou à
ses habitants : Les BOURBON NAIS. Lapopulatiori
BOURBONNAISE.
B O U R B O N N A I S E s. f. (bour-bo-nè-ze —
rad. Bourbonnais). Sorte de chanson accom-
pagnée d'une danse burlesque.
Et quand de rire un peu le public est bien aise, •
Il faut lui faire aussi chanter la Bourbonnaise. ***
— Bot. Plante du genre lychnide.
Bourbonnaise (LA BELLE). C'est à tort que
l'opinion générale-'a cru cette chanson spécia-
lement écrite contre Mme Dubarry. H est bien
vrai que celle-ci, dans les chansons et pam-
phlets du temps, est désignée sous le nom de la
Bourbonnaise (non pas a cause du lieu de sa
naissance, qui est Vaucouleurs, mais parce
qu'elle était maîtresse d'un Bourbon); mais les
couplets que nous reproduisons ici sont bien
antérieurs à M
ffi
e Dubarry. Us avaient, dit-on,
été inspirés par la chute d'une courtisane jadis
en vogue et tombée dans une profonde misère.
Quoi qu'il en soit, la malignité publique fit
à la maîtresse du Bien-aimé l'application de la
Belle Bourbonnaise. En vain, Vex-demoiselle
Vaubernier mit-elle toutes ses créatures en
campagne pour arrêter la vulgarisation de
cette œuvre et en détruire les exemplaires
imprimés. La police, aux ordres du duc de
Choiseul, ennemi personnel de M^e Dubarry,
laissait tranquillement le peuple pai 'sien fre-
donner la chanson qui troublait les nuits de la
royale courtisane. La chanson eut une vogue
immense à la cour comme à la ville. On en fit
des imitations, des caricatures, etles seigneurs
riaient à gorge déployée lorsque le fameux
grimacier, l'Italien Valonani, monté sur une
chaise, riait et pleurait si bien aux refrains :
Ha! ha! ha! ha! de la chanson de la Bourbon-
naise. En 1839, la chanson reparut tout à coup
au théâtre des Folies-Dramatiques, où l'acteur
Heuzey, en imitant le fameux grimacier, rendit
un instant la vogue a ces couplets.
Dans Pa-ris la grand' viMe, Gar-
fll - les, Ont tous le cœur de" - bi - le Et
^ (on pleure)
poussent des hé - las. Ah, ah, ah, ah, ah, ah.
ai - se. Elle est sur un gra - bat.
( on rit l
se, Elle est sur un gra - batl
BOUR 1113
DEUXIÈME COUPLET.
K'est-ce pas grand dommage
Qu'une fille aussi sage (bis)
Au printemps de son âge
Soit réduite au trépas
Ha! h a ! h a ! h a !
La veille d'un dimanche,
En tombant d'une brancha
Elle s'est démis la hanche,
Et s'est cassé le bras.
Ho! h a ! ha! ho! h a ! h a ! ibis)
Elle s'est démis la hanche
E t s'est cassé le bras.
TROISIÈME COUPLET»
Pour guérir cette fille
On chercha dans la ville (bis)
Un médecin habile,
Et l'on n'en trouva pas.
l i a ! ha! h a ! h a !
L'on mit tout en usage,
Médecine et herbage,
Bon bouillon et laitage.
Rien ne la soulagea.
Ho ! ha ! ha ! ho ! ha ! ha ! (bis)
• Bon bouillon et laitage
Rien ne la soulagea.
QUATRIÈME COUPLET.
Et la pauvre malade,
D'argent n'ayant pas garde (bis),
On tomba sur ses hardes,
Et rien ne lui resta.
Ha! ha! ha! h a !
En fermant la paupière
EU' finit sa carrière ;
Et, sans drap et sans bière.
En terre on l'emporta.
Ho! ha! ha! ho! h a ! ha! (bis)
Et sans drap et sans bière
En terre on l'emporta.
CINQUIÈME COUPLET.
Pour fair' sonner les cloches
On donna ses galoches (bis)^
Son jupon et ses -poches,
Son mouchoir et ses bas !
Ha ! ha ! ha ! ha !
Et de sa sœur Javotte
On lui donna la cotte,
Son manteau plein de crotte,
Avant qu'elle expirât
Ho ! ha ! ha ! ho ! ha ! ha ! (bis)
Son manteau plein de crotte
Avant qu'elle expirât!
SIXIÈME COUPLET.
La pauvre Bourbonnaise
Va dormir à son aise (bis).
Sans fauteuil et sans chaise.
Sans lit et sans sofa.
Ha ! ha ! ha ! ha !
Voilà qu'elle succombe !
Puisqu'elle est dans la tombe,
Qu'elle est dans l'autre monde,
Chantons son libéra.
Ho ! ha ! ha ! ho ! ha ! ha ! (61s)
Puisqu'elle est dans la tombe
Chantons son libéra!
B o u r b o n n a i s e ( LA NOUVELLE). L » Belle
Bourbonnaise appliquée à M
m e
Dubarry n'avait
plus paru à ses ennemis suffisamment person-
nelle. Cn fit alors circuler la Nouvelle Bour-
bonnaise, qui obtint la vogue de son aînée. Le
Bulletin des nouvelles de Paris, du 15 octobre
1768, s'exprime en ces termes au sujet de
cette chanson : t Depuis quelque temps, il
court une chanson intitulée la Nouvelle Bour-
bonnaise, qui se répand avec une rapidité peu
commune, quoique les paroles en soient tort
plates et l'an? on ne peut plus niais. Les gens
qui raffinent sur tout ont prétendu que c'était
un vaudeville satirique sur une certaine fille
de rien, parvenue à jouer un râle et à faire fi-
gure à la cour. »
On peut s'imaginer les larmes de rage que
versait la Dubarry, à chacun de ces coups de
fouet. Mais comment arrêter la marée mon-
tante du mépris public?
La Nouvelle Bourbonnaise n'a pas suivi à la
postérité la Belle Bourbonnaise, et nous ne la
consignons ici qu'à titre de document histo-
rique.
gué des Lou - ia chez uo mar - quia.
DEUXIEME COUPLET.
Pour apanage
Elle avait la beauté,
Elle avait la beauté
Pour apane^v.
Mais ce petit trésor
Lui vaut de l'or.
140
1114 BOUR
TROISIÈME COUPLET.
Etant servante
Chez un riche seigneur,
Elle Ht son bonheur;
Quoique servante,
Elle fit son bonheur
Par son humeur.
QUATRIÈME COUPLET.
Toujours facile
Aux discours d'un amant,
Ce seigneur la voyant
Toujours facile.
Prodiguait les présenta
De temps en temps.
CINQUIÈME COUPLET.
De bonnes rentes
Il lui fit un contrat;
Il lui fit un contrat
De bonnes rentes:
Elle est dans la maison
Sur le bon ton.
SIXIÈME COUPLET.
De paysanne,
Elle «st dame û. présent,
Elle est dame a présent,
Mais grosso dame ;
Porte des falbalas
Du haut en bas.
SEPTIÈME COUPLET.
En équipage
Elle roule grand train.
Elle roule grand train,
En équipage;
Et préfère Paris
A son pays.
HUITIÈME COUPLF.T.
Elle est allée
Sa faire voir en Cour
Se l'aire voir en cour
Elle est allée ;
On dit qu'elle a, ma foi.
Plu même au roi !
NEUVIÈME COUPU1T.
Filles gentilles,
Ne désespérez pas.
Quand on a des appas,
Filles gentilles.
On trouve tôt ou tard
Pareil hasard.
BOURBONNIEN
BOURBONNIEN , IENNE. V. BOURBONIEN.
B O U R B O N N I S T E s. m. (bour-bo-ni-ste —
rad. Bourbon). Partisan des Bourbons : Je
suis républicain par nature, monarchiste par
raison, et BOURBONNISTE par honneur. (Cha-
teaub.)
B O U R B O T T E s. f. ( b o u r - b o - t o — rad.
bourbe). Ichthyol. Syn. de BARBOTE.
BOCRBONNE-LES-BAINS,BOCRBONNE-LES-BAINS, villo do F r a n c o
(Haute-Marne), ch.-l. de canton, arrond.
et à 39 kilom. N.-E. de Langres, au som-
met et sur la pente d'une colline baignée
par l'Apance; pop. aggl. 3,828 hab. — pop.
tôt. 4,080 hab. Tuileries, platreries, coutelle-
ries. Eaux thermales, chlorurées sodiques et
bromo-iodurées, connues dès l'époque ro-
maine. Elles émergent.par trois sources, de
la partie moyenne du liais en traversant le
grès bigarré et affleurant le muschelkalk.
Leur température varie de 49° à 53°. On les
emploie en boisson, en bains, douches, va-
peurs et fomentations. Cette ville possède un
hôpital militaire fondé par Louis XV en 1732;
six à sept cents militaires y sont traités
annuellement aux frais de l'Etat. Eglise
du xii° siècle, ruines d'un château et d'un
prieuré; inscriptions et antiquités romaines.
Les eaux de Bourbonne, prises à l'intérieur,
sont résolutives, dépuratives, éliminatrices ;
elles impriment à l'économie une grande
absorption intestinale, une désassimilation
plus grande encore, et par contre-coup le
dégorgement des organes. Toniques, elles
produisent un état de santé général et de car-
nation meilleur; résultat prévu, car chacun
sait, par l'hygiène comparée, que les ani-
maux nourris avec du fourrage auquel on a
ajouté une certaine quantité do sel marin
sont mieux portants, et ont le poil plus lui-
sant et mieux fourni que ceux qui en sont pri-
vés. Les eaux de Bourbonne sont indiquées à
l'intérieur dans toutes les affections où les
bains et les douches forment la base du trai-
tement principal: mais, dans les maladies dia-
thésiques, quand la constitution a un besoin
pressant d'être transformée, tonifiée à l'excès,
l'eau minérale à l'intérieur est héroïque et
doit former la base de la médication ther-
male. Frappé des difficultés que plusieurs mé-
decins ont soulevées dans 1 administration à
l'intérieur de l'eau de Bourbonne, M. le doc-
teur Auguste Causard a cherché et trouvé,
croyons-nous, un moyen qui mettra, sinon
tout le monde d'accord, — les médecins no
sont jamais d'accord, — qui mettra du moins
les malades à même de boire* l'eau de Bour-
bonne avec plaisir et surtout avec fruit.
Les médecins n'usent pas assez de cette
mine de santé qui a nom Bourbonne. L'exploi-
tation de ses eaux thermo-minérales, par
exemple, est à peu près nulle, et pourtant
tout le monde convient de leur efficacité à
l'intérieur. Si on a de la répugnance à l'or-
donner ou à la prendre froide, mais naturelle,
ou réchauffée au bain-marie, qui empêchera
dorénavant de la prendre chargée d'acide
carbonique? Tel est le procédé imaginé par
M. Causard, procédé au moyen duquel la
vente de l'eau de Bourbonne, oui est insigni-
fiante aujourd'hui, peut devenir, nous ne di-
rons pas une branche sérieuse d'industrie, —
l'industrie n'a rien à faire ici, — mais un ex-
cellent moyen d'entretenir des relations d'éta-
blissement à malades, do faire connaître da-
vantage les eaux de Bourbonne, et de leur
donner un peu de cette importance qu'on ne
fait point assez ressortir, et qui cependant
BOUR
leur revient de droit. Il est plus que probable
que les forages artésiens qui sont entrepris
a Bourbonne conduiront à la découverte de
nouvelles sources ; car il est certain que toutes
les sources partent d'une nappe commune,
dont plusieurs filets vont se perdre dans les
couches profondes du sol, avec une tempéra-
ture d'autant plus élevée que l'eau se rap-
proche davantage de la source mère. Il est
bon de remarquer q u e , si les eaux miné-
rales et thermales de Bourbonne provien-
nent de la même nappe souterraine, elles
doivent traverser, avant d'arriver à leur point
d'émergence, des terrains d'une composition
chimique différente, qui leur communiquent,
par leurs parties solubles,une action distincte
sur les préparations de tournesol. En effet la
source de la Buvette est manifestement acide,
et celle du Puisard sensiblement alcaline.
La température des trois sources varie. On
peut la déterminer ainsi: source de la Buvette,
53° centigrades ; source de l'Hôpital civil,
490 centigrades; source de l'Hôpital militaire,
50° centigrades.
L'eau minérale de Bourbonne s'emploie à
l'intérieur et à l'extérieur; à l'intérieur, elle se
prescrit depuis un demi-verre jusqu'à huit
verres, le matin, àjeun, et ordinairement de
quart d'heure en quart d'heure ; à l'usage ex-
terne, elle est administrée en bains, douches et
fomentations.
Les eaux prises en boisson ont une action thé-
rapeutique marquée, surtoutdans les cas où il y
a appauvrissement du sang; par exemple, dans
les anémies consécutives aux maladies aiguës,
où la diète a été rigoureusement et longtemps
observée; dans celles qui accompagnent un
développement trop rapide chez les jeunes
gens; dans les anémies qui s'observent chez
les chlorotiques, dans les dyspepsies coïnci-
dant avec un embarras gastrique, les hyper-
trophies du foie et de la rate, les fièvres pa-
ludéennes, etc., etc.
L'usage extérieur est ordonné aux personnes
atteintes de rhumatismes, et dont le tempé-
rament n'est ni sanguin ni nerveux à l'excès,
que leurs douleurs soient superficielles ou pro-
fondes, affectent la peau, les muscles, les nerfs
ou leurs enveloppes, les ligaments ou le tissu
osseux lui-même. Il est employé avec un très-
grand succès par les personnes atteintes de
roideurs et de contractures articulaires, de
blessures, de plaies, de contusions, de frac-
tures ou de luxations produites par les armes
de guerre et les éclats d'obus. Dans tous ces
cas, ce sont de grands bains d'eau ou de va-
peur, des douches d'eau en arrosoir, ou des
douches ascendantes, des douches de vapeur,
qui devront être employées concurremment
avec le massage sous l'eau ou dans la vapeur
des parties insensibles, douloureuses, contrac-
turées, roides ou atrophiées. A l'hôpital mili-
taire, M. le docteur Navarre ajoute encore
l'électrisation au traitement qui vient d'être
indiqué, au moyen des procédés et des appa-
reils de M. le docteur Duchesne (de Boulogne).
Ordinairement, c'est sous la forme de bains de
pieds électriques. Dans certains cas exception-
nels, l'électrisation est appliquée aux douches.
L'opérateur fait tenir un excitateur dans la
maindusujet,pendantque l'autre est placé près
de l'ajutage de la douche. Enfin les eaux de
Bourbonne sont favorables dans certains en-
gorgements , certaines granulations , exco-
riations, ulcérations, même du col de la ma-
trice. Dans les maladies cutanées, elles ne
doivent point être employées de préférence à
d'autres, à moins qu'il ne soit parfaitement
acquis que ces affections sont intimement
liées à un tempérament lymphatique et sero-
fuleux.
Tous ces détails techniques, si sommaires
et si incomplets qu'ils soient, nous paraissent
suffisants pour donner une idée de l'efficacité
des thermes de Bourbonne. Si l'on veut avoir
une monographie complète de ces eaux, les
plus puissantes, à coup sûr, de l'est de la
France, on n'a qu'à consulter les ouvrages
des savants les plus autorisés : MM. Athénas,
Mialho, Figuier, Ballard, Cabrol, Tamisier,
Walferdin, etc.
De tous les établissements de l'Etat, l'éta-
blissement civil de Bourbonne est celui qui
laisse le olus à désirer comme aménagement;
mais ce fâcheux état de choses va cesser;
dans une récente visite qu'il a faite à Bour-
bonne, l'empereur, frappé du mauvais état et
de l'insuffisance des locaux, a donné des or-
dres formels pour que le génie civil ait à lui
soumettre des plans d'agrandissement et de
restauration, dont l'exécution placera l'éta-
blissement civil au rang des premiers thermes
de l'Europe. Actuellement, il contient soixante-
neuf baignoires, deux grandes piscines pou-
vant contenir trente-six personnes chacune,
et deux autres plus petites pouvant recevoir
chacune vingt baigneurs.
Quant à l'hôpital militaire, fondé par
Louis XV en 1732, c'est un magnifique éta-
blissement, où la médication hydro-minérale
est assez complète pour être employée comme
il convient dans les cas qui se présentent. Il
renferme quarante-six baignoires. Il peut r e -
cevoir cent officiers et quatre cents soldats.
Plus de cent cinquante officiers logés en ville
viennent également y prendre les eaux. Il
est placé sous la savante direction du méde-
cin principal Cabrol, un des praticiens mili-
taires les pius justement estimés.
La saison thermale dure ordinairement
vingt et un jours; on se repose pendant un
BOUR
temps plus ou moins long, et Von fait une
seconde saison de dix ou quinze jours. L'éta-
blissement thermal est ouvert du 15 mai au
15 octobre.
Les baigneurs trouvent peu de distractions
à Bourbonne, qui n'est fréquentée que par
les malades sérieux. Il ty a pourtant quelques
excursions agréables à faire dans les environs.
La ville a aussi de fort belles promenades,
qu'envieraient des cités d'une population bien
autrement importante. On y voit les ruines
d'un prieuré et d'un château fort.
Bourbonne est une ville fort ancienne; de
nombreuses antiquités romaines y ont été dé-
couvertes, entre autres une inscription qui
a été 'l'objet de savants commentaires de la
part des plus grands archéologues de notre
époque.
Cette inscription remonte certainement aux
temps les plus reculés de l'époque gallo-ro-
maine. C'est un ex-voto offert à Apollon Bor-
ron par un Romain, pour la santé de sa fille
Cocilla. Les recherches des savants sur la
nature de l'inscription ont donné un résul-
tat unanime ; mais il n'en a point été de
même de leurs diverses opinions sur le sens
des abréviations qu'on y remarque. Pourtant,
aujourd'hui, la majorité s'est rattachée à l'opi-
nion de M. Berger de Xivrey, qui a traité
très-consciencieusement cette question dans
un livre intitulé : Lettre à M. Mase, sur une
inscription romaine trouvée à Bourbonne-les-
Bains. Cet ouvrage a obtenu le suffrage aca-
démique.
BOURBOUIL
BOURBOUIL S. m. OU BOURBOUILLES S.
f. pi. (bour-boull, bour-bou-lle, Il mil.). Pa-
thol. Ampoule produite par la piqûre des ma-
ringouins, dans les Indes. 11 Eruption cutanée
qui se manifeste, sur les navires, dans cer-
tains parages très-ehauds et dans certaines
colonies indiennes : Les BOURHOUILLES sont
une maladie très-commune dans l'établissement
français de Karikal, surtout parmi les Euro-
péens, dans les premiers mois de leur arrivée.
(Focillon.)
BOURBOTTE
BOURBOTTE (Pierre), conventionnel, né
près d'Avallon en 1763, mort en 1795. Elu en
1792 par le département de l'Yonne, il vota la
mort du roi sans appel ni sursis, demanda la
mise en jugement de la reine, s'opposa à l'en-
quête sur les massacres de septembre ; fut
envoyé dans la Vendée ; donna, à la prise de
Saumur, des preuves d'une intrépidité héroï-
que, et remplit encore une mission semblable
à l'armée de Rhin-et-Moselle en 1794. Mon-
tagnard fougueux, il devint, après le 9 ther-
midor, l'un des chefs du parti populaire,
appuya de sa parole lemouvemontdu 1 " prai-
rial, fut arrêté avec Romme, Goujon, Sou-
brany, etc., se frappa comme eux d'un poi-
gnard après sa condamnation , et fut porté
mourant sur l'échafaud (18 juin 1795.)
BOURBOULE
BOURBOULE (LA), village de France (Puy-
de-Dôme), arrond. et à 45 kilom. S.-O. de
Clermont-Ferrand, sur la rive droite de la
Dordogne. Eaux thermales, sulfurées sodi-
ques, chlorurées sodiques, arsenicales, iodo-
oromurées et gazeuses, connues très-proba-
blement dès l'époque romaine; en 1460, un
hospice existait déjà près de la source. Elles
émergent par six sources principales, au pied
d'une montagne granitique, à travers un tuf
ponceux. Leur température varie de 31° 4 à
480 9.
B O U R B O U L E Z s, m. (bour-bou-lès). Agric.
Variété de raisin blanc, appelée aussi MOR-
NAIN.
BOURBOURG-CAMPÀGNE,bourgde France
(Nord), arrond. et à 20 kilom. S.-O. de Dun-
kerque; pop. aggl. 988 hab. — pop. tôt.
2,372 hab. Blanchisseries, distilleries, brasse-
ries,fours à chaux; récolte de blé, seigle, lin,
colza et betteraves.
BOURBOURG-VlLLE,vilIede France (Nord),
ch.-l. de canton, arrond. et à 18 kilom. S.-O.
de Dunkerque; pop. aggl. 2,489 hab. — pop.
tôt. 2,615 hab. Brasseries, teintureries, tan-
nerie et corroierie, huiles; commerce de lin,
beurre et bestiaux.
BOURBOURG
BOURBOURG (canal de), canal de France
(Nord), dans l'arrond. de Dunkerque, a son
origine dans l'Aa, vis-à-vis de Bourbourg, et
se termine à Dunkerque, où il s'unit au canal
de ce nom et à celui de Bergues; parcours de
23 kilom. du S.-O. au N.-E. A son importance
comme voie navigable, ce canal en ajoute une
plus grande comme moyen d'irrigation et de
dessèchement.
BOURBOURIEN,BOURBOURIEN, IENNE S. e t a d j . ( b o u r -
bou-ri-ain, i-è-ne). Géogr. Habitant de
Bourbourg ; qui appartient à Bourbourg ou
à ses habitants : Nos races percheronne et bre-
tonne, boulonaise et BOURBOURIENNE, méritent
bien qu'on ne les sacrifie pas au cheval anglais.
(F. Pillon.)
BOURBOUSSON
BOURBOUSSON ( Théophile - Eugène ) ,
homme politique français, né à Gigondas en
1811 , fut d'abord attaché comme médecin
à l'établissement des eaux, thermales de Vac-
BOUR
queyras, et se fit connaître par le libéra-
lisme de ses opinions. Nommé en 184S repré-
sentant du peuple par le département de vau-
cluse, il vota presque constamment avec la
droite, appuya la politique de l'Elysée, fut
réélu à 1 Assemblée législative, et se déclara
contre le président lors du conflit qui se
termina par le coup d'Etat du 2 décembre.
Depuis cette époque, M. Bourbousson a vécu
dans la retraite.
BOURBRE
BOURBRE ( l a ) , petite rivière de France
(Isère),"naît près du village de Burcin, arrond.
de la Tour-du-Pin, passe à Virieu , la Tour-
du-Pin, Bourgoin, la Verpillière, et se jette
dans le Rhône, à 3 kilom. en amont du con-
fluent de l'Ain, sur la rive opposée, après un
cours de 80 kilom. du S. au N.
BOURBR1AC, bourg de France (Côtes-du-
Nord), ch.-l. de canton, arrond.et à i l kilom,
S.-O. de Guingamp; pop. aggl. 605 hab. —
pop. tôt. 4,190 hab. Commerce de bestiaux,
chevaux, beurre et suif.
BOURCÉ,
BOURCÉ, ÉE (bour-sé) part. pass. du v.
Bourcer: Voile BOURCÉE.
B O U R G E R v. a. ou t r . (bour-sé — rad.
bourse, à cause delà forme renflée de la voile).
Mar. Carguer une voile en partie, pour gue
le vent arrière no soit pas masqué, et puisse
agir sur une autre voile située en avant. 11
Vieux mot.
BOURCET
BOURCET s. m. (bour-sè). Mar. Voile et
mât de misaine, sur les côtes de la Provence
et de la Manche. 11 On dit aussi VOILE À BOUR-
CET : Les VOILES À BOURCET se voient dehors
au chasse - marée, et les lougres en portent
aussi. (Do Chesnel.)
BOURCET
BOURCET (Pierre-Joseph), général et tac-
ticien français, né àYseaux en 1700, mort en
1780. Il fit les campagnes d'Italie et d'Alle-
magne, et parvint au grade de lieutenant gé-
néral. La cour le manda plusieurs fois pour
le consulter sur des plans de campagne. On a
de lui des Mémoires militaires sur les fron-
tières de la France, du Piémont, de la Savoie,
depuis l'embouchure du Var jusqu'au lac de
Genève (1761), et une Carte topographique du
haut Dauphiné. De plus, c'est avec des frag-
ments écrits par Bourcet qu'on a composé les
deux premiers volumes des Mémoires histo-
riques de la guerre que les Français ont sou-
tenue en Allemagne, etc. .(1757-1762, 3 vol.
in-8°).
B O U R C E T T E s. f. (bour-cô-te). Bot. Syn.
de MÂCHE.
BOURCHELLEBOURCHELLE s. f. (bour-chè-le). Pêch.
Entrée de la tour de dehors d'une bourdigue.
BOURCHENU
BOURCHENU (Jean-Pierre IMORET D E ) ,
marquis de Valbonnais, magistrat et histo-
rien français, né à Grenoble en 1651, mort en
1730. Il eut dans sa jeunesse la passion des
voyages, et il trouva le moyen d'aller visiter
beaucoup de pays malgré son père. Il revint
ensuite a des goûts plus sédentaires, entra
dans la magistrature , devint conseiller au
parlement de Grenoble, président de la cham-
bre des comptes et conseiller d'Etat. Mais il
eut toujours le goût de l'étude, et, quoiqu'il
ait eu le malheur de perdre la vue à cin-
quante ans , il ne cessa pas d'étudier et
d'écrire, en dictant à un secrétaire qu'il avait
toujours auprès de lui. L'Académie des in-
scriptions et belles-lettres l'admit en 1728 au
nombre de ses membres. Ses principaux ou-
vrages sont: Mémoires pour servir à l'histoire
du Dauphiné, sous les Dauphins- de la maison
de La Tour-du-Pin (1711, in-fol.); Histoire
abrégée de la donation du Dauphiné, avec la
chronologie des princes qui ont porté le nom
de Dauphins (n09) \ les Mémoires de Trévoux
contiennent en outre plusieurs de ses travaux.
BOURCHIER
BOURCHIER ( J e a n ) , connu aussi sous
le nom de lord BERNERS, administrateur et
écrivain anglais, né en 1469, mort a Ca-
lais en 1532. Henri VIII le nomma gou-
verneur de Calais et chancelier de l'échiquier.
Ce fut lui qui accompagna en France la prin-
cesse Marie, fiancée à Louis XII. 11 a laissé
une traduction en anglais de la Chronique do
Froîssart, un Traité sur les devoirs des habi-
tants de Calais, et June comédie ayant pour
titre : Ite in vineam, qui était, dit-on, souvent
représentée après vêpres, à Calais.
BOURCIER
BOURCIER (Jean-Léonard), baron DEMON-
TUREUX, magistrat lorrain, né à Verclize en
1049, mort en 1726. Après avoir rempli di-
verses fonctions, il fut appelé par le duc Léo-
pold pour remplir la charge de procureur gé-
néral près la cour de Lorraine. Plus tard, il fut
nommé premier président et conseiller d'Etat.
Il devint le législateur de ce pays, qui lui dut
le code qui a gardé le nom de Léopold (170] ),
et qui comprend la procédure civile, l'instruc-
tion criminelle et la police des eaux et forêts.
Bourcier fut un des membres du congrès
d'Utrecht (1711-1713), et s'y fit remarquer
par la loyauté de son caractère et par sa mo-
dération. Il fut également ministre plénipo-
tentiaire à La Haye et à Rome. Le duc de
Lorraine, qui avait en Bourcier la plus grande
confiance, et qui le consultait dans les occa-
sions importantes, le créa baron de Montu-
reux. On a de cet homme ôminent : un Acte
d'appel de l'exécution du bref de notre saint-
père le pape Clément Xf contre l'ordonnance
de Son Altesse Boyale du mois de juillet 1701
(Nancy, 1703), protestation éloquente et éner-
gique contre les empiétements du pouvoir pa-
pal, au sujet d'une censure prononcée par
BOUR
BOUR
BOUR
BOUR 1115
Clément XI contre plusieurs articles du code
Léopold ; Arrêts de la cour souveraine de Lor-
raine (Nancy, 1707-1722, 2 vol.); Dissertation
sur la nature et l'origine du duché de Lor-
raine (Nancy, 1721).
BOURC1ER (Jean-Louis), comte DE MONTU-
RKUX, fils du précédent, né a Luxembourg en
1687, mort en 1720. Il fut procureur général
près la cour souveraine de Lorraine, et con-
seiller d'Etat. Après avoir rempli d'impor-
tantes missions diplomatiques, le duc François
le fit venir à Vienne pour l'aider de ses con-
seils. On doit à Jean-Louis Bourcier: le Re-
cueil des édits, ordonnances, etc., du règne de
Léopold (1733); Histoire de Jean-Léonard,
baron de Bourcier (1740), et Instructions pour
mon fils aîné, qui prend le parti de la guerre
(1740, in-fol).
BOURCIER
BOURCIER (François-Antoine), général de
cavalerie, comte de l'Empire, né à la Petite-
Pierre, près de Phalsbourg en 17G0, mort en
1828. Aide de camp de Custine en 1792, il fut
nommé général de brigade l'année suivante,
général de division en 1794, se distingua à
Ingolstadt sous Moreau (1796), dans la cam-
pagne de Naples (1799), puis sur tous les
champs de bataille de l'Empire, notamment à
"Wagram. Enfin il réorganisa la cavalerie
après la retraite de Moscou, fut élu député
par le département de la Meurthe en 1816, et
vota avec les ministériels.
BOURDAIGNE
BOURDAIGNE s. f. (bour-dè-gne, gn mil).
Bot. Nom vulgaire de la bourdaine.
BOURDAILLE
BOURDAILLE (Michel), théologien français,
mort en 1694. Il fut docteur de Sorborme,
théologal, aumônier, et grand vicaire de La
Rochelle. Ses ouvrages sont : Défense de la
foi de l'Eglise touchant l'Eucharistie (1676) ;
Défense de la doctrine de l'Eglise touchant le
culte des saints (1677) j Explication du Canti-
que des cantiques (1689); Théologie morale de
l'Evangile (1691); Théologie morale de saint
Augustin (1687, in-12). Ce dernier ouvrage
fut vivement attaqué par Antoine Arnauld
dans deux lettres qu'il adressa à Le Féron.
BOURDAIN
BOURDAIN s. m. (bour-dain). H o r t i c Va-
riété de pêche tardive, appelée aussi BOOR-
DINE.
B O U R D A I N E s. f. (bour-dè-ne). Bot. Arbris-
seau de la famille des rhamnées,et du genre
nerprun, appelé quelquefois AUNE NOIR. La
bourdaine croît dans les parties humides des
bois ; son bois
;
blanc, léger, donne le char-
bon lo plus estimé pour la fabrication de la
poudre à canon, n On dit aussi BOURDAIGNE et
BOURGENE.
BOURDAINIERBOURDAINIER s. m. (bour-dè-nié — rad.
bourdaine). Ouvrier qui fait profession d'ex-
ploiter les bois de bourdaine nécessaires à la
Fabrication des poudres.
BOURDAIS1ÈRK (Jean BABOU DE LA), capi-
taine, s'engagea dans les troubles de la Ligue,
tua Cicé en duel aux états de Blois, et périt
en 1589, à la bataille d'Arqués. Il passait pour
le plus bel homme de son temps, et sa mort
fut célébrée par les poètes d'alors. Il Sa
sœur, Françoise BABOU DE LA BOURDAISIÈRE,
épousa Antoine d'Estrées, grand maître de
l'artillerie ; elle fut la mère de Gabrielle d'Es-
trées; et fut assassinée à Issoire, dans une
sédition qui s'éleva contre elle et contre le
marquis d'Allègre, son amant.
La beauté était héréditaire dans cette fa-
mille. Marie Gandin, sa mère, avait servi de
modèle pour, une statue de la Vierge, et
Léon X, qui la vit a Bologne, lui avait donné
un diamant, conservé précieusement dans la
maison de Sourdis sous le nom de diamant
Gourdin.
BOURDALÈSBOURDALÈS s. m. (bour-da-lèss). Vitic.
Syn. de BOURDELAS.
B O U R D A L O U s. m. ( b o u r - d a - l o u — d e
Bourdaloue, célèbre prédicateur qui portait
un de ces cordons). Tresse, cordon ou ruban
de chapeau, avec une boucle : Son tigre avait
un chapeau rond à BOURDALOU noir. (Balz.)
— Nom donné, à la fin du xvne siècle et
au commencement du xvme
?
à des vases de
nuit de forme ovale et de petites dimensions,
sur le fond desquels était peint un œil entoure
souvent de légendes grivoises. Ces vases fu-
rent ainsi appelés par allusion sans doute
aux confidences de toute sorte que recevait
forcément le fameux prédicateur jésuite Louis
Bourdaloue, en sa qualité de confesseur des
grandes dames de la cour. Dans ces dernières
années, on a cherché à remettre ces sortes
de vases à la mode ; mais une mesure de po-
lice les a fait disparaître. '
— Art milit. Bande de cuir verni dont le
shako est garni en dehors, à sa partie infé-
rieure.
BOURDALOU
BOURDALOU s. m. (bour-da-lou — du
prédicateur de ce nom). Etoffe commune et
f
)eu coûteuse que portaient les femmes, depuis
es prédications de Bourdaloue contre le luxe.
Il Inusité aujourd'hui.
BOURDALOUE
BOURDALOUE (Louis), jésuite, et l'un des
grands prédicateurs du règne de Louis XIV,
né à Bourges le 20 août 1632, mort à Paris le
13 mai 1704. Son père, conseiller au présidial, le
destinait aux charges de la magistrature, mais
ne put vaincre sa volonté bien arrêtée d'en-
trer dans les ordres. Engagé très-jeune dans
l'habile Société de Jésus, qui était constam-
ment à la recherche des talents naissants, il
fit dans la maison professe des études bril-
lantes, et fut ensuite chargé successivement
E
ar ses supérieurs de professer les humanités
i rhétorique, la philosophie et la théologie
morale. La prudente compagnie, voyant que
le talent du jeune néophyte se développait de
plus en plus dans cette espèce de noviciat, se
détermina à le lancer dans la carrière de la
prédication. Bourdaloue prêcha à Eu, puis à
Amiens, à Rennes et à Rouen. Son succès fut
d'autant plus grand que la pureté de son
style, sa clarté, sa raison pratique contras-
taient avec l'enflure et le mauvais goût des
sermonnaires du temps, surtout de ceux qui
paraissaient habituellement dans les chaires de
province. Il fut appelé à Paris en 1669, à l'épo-
que la plus brillante du règne de Louis XIV.
Bossuet, livré à d'autres travaux, descendait
de la chaire, et le nouveau prédicateur, sans
le faire oublier, y parut, sinon avec la même
grandeur, au moins avec le même éclat. Ses
- premiers sermons excitèrent un enthousiasme
dont on peut retrouver l'expression dans les
lettres de M
m e
de Sévigné. « Je n'ai jamais
rien" entendu de [plus étonnant que le père
Bourdaloue, * écrivait la célèbre épistolaire.
Et en d'autres endroits : « J'avais grande en-
vie de me jeter dans le Bourdaloue ; mais
l'impossibilité m'en a ôté le goût. Les laquais
y étaient dès le mercredi, et la presse était
à mourir... Le père Bourdaloue prêche, bon
Dieu! tout est au-dessous des louanges qu'il
mérite... Le père Bourdaloue fit un sermon le
jour de Notre-Dame, qui transporta tout le
monde : il était d'une force à faire trembler
les courtisans. Jamais un prédicateur évan-
gôlique n'a prêché si hautement ni si géné-
reusement les vérités chrétiennes... Enfin, ma
fille, cela fut porté au point de la plus haute
perfection, et certains endroits furent poussés
comme les aurait poussés l'apôtre saint Paul. »
L'année qui suivit son début dans les chaires
de Paris, Bourdaloue fut appelé à la cour
(1670). Il y prêcha devant le roi avec un tel '
succès, que Louis XIV ne se lassait pas de
l'entendre, disant qu'il « préférait ses redites
aux choses nouvelles d'un autre. »
Il prêcha les Avents de 1670, 1684, 1686,
1689, 1693, et les carêmes de 1672,1674,1675,
1680 et 1682. Chose inouïe, il fut appelé dix
fois à la cour, où le même prédicateur parais-
sait rarement trois fois. Aussi l'avait-on sur-
nommé le roi des prédicateurs, et le prédica-
teur des rois. Le maréchal de Grammont, assis-
tant à un de ses sermons devant toute la
cour, se leva transporté et par un mouvement
involontaire, en s'écriant: « Mordieul il a rai-
son ! » Cette naïve exclamation, ce cri du
cœur, loin de provoquer les sourires de. cette
cour frivole, produisit une impression pro-
fonde, tant il exprimait le sentiment de toute
l'assemblée. Après la révocation de l'édit de
Nantes, Bourdaloue fut envoyé en Langue-
doc pour catéchiser les protestants mal con-
vertis par les violences militaires, et il ob-
tint, dit-on, des succès multipliés. A son
retour à Paris, il fut pendant quelque temps
le confesseur de M
m
e de Maintenon, à qui il
ne ménageait pas les admonestations; mais
les exigences de cette dame, qui eût voulu
absorber tous ses instants, ne lui permirent
pas de conserver cette position.
La vie de Bourdaloue n'offre aucun évé-
nement saillant, que sa prédication et ses
vertus. Son caractère était en parfaite Jiar-
monie avec son talent. Modeste, bon, ver-
tueux, entièrement dévoué à son ministère
évang^élique, sévère pour lui-même, doux et
miséricordieux avec les humbles et les pé-
cheurs, étranger à l'esprit d'intrigue quon
reprochait à sa compagnie, il ne la servit que
par l'éclat qu'il répandit sur elle; et, par sa
morale austère, effaça en partie l'impression
produite par les terribles accusations de Pas-
cal contre la morale relâchée des jésuites.
Moraliste plutôt que théologien, il s'occupait
moins du dogme, pour lui hors de toute at-
teinte, que de ses conséquences morales ap-
pliquées à. la vie pratique. 11 avait formé avec
Bossuet une sorte de ligue pieuse pour la ré-
forme des mœurs d'une cour qui s'autorisait
de l'exemple du roi ; efforts qui devaient, quoi
qu'on en ait dit, rester impuissants, mais qui
n'en honorent pas moins les hommes austères
gui les ont tentés. Ils ne parvinrent pas à
faire cesser le scandale de la trigamie du roi
entre les trois reines : l'épouse, la maîtresse
régnante et l'ancienne maîtresse; mais du
moins une demi-victoire (bien contestable, il
est vrai) fut obtenue, par la retraite de MUe de
La Vallière aux Carmélites.
Dans les dernières années de sa vie, Bour-
daloue abandonna la chaire, dont sa santé
affaiblie ne lui permettait plus de supporter
les fatigues et les émotions, et il se consacra
presque entièrement aux assemblées de cha-
rité, aux hôpitaux et aux prisons. Cependant
il remonta une fois encore dans cette chaire
qu'il avait illustrée. Une abbesse de Paris lui
ayant demandé un sermon pour une prise
d habit, il consentit à prêcher, malgré son âge
et son état maladif. Le lendemain, son état
s'était aggravé, et, comme il ne cessait de
visiter ses pauvres et ses malades, son mal
prit des proportions telles, que bientôt tout
espoir fut perdu. Il vit approcher le dernier
moment avec le calme et la résignation qu'il
avait si souvent prêches aux moribonds qu'il
assistait, et il mourut pour ainsi dire debout,
car la veille encore il avait célébré la messe.
Pour un prêtre, c'était finir au champ d'hon-
neur. Il avait soixante-douze ans.
Dans cette société livrée àtoutes les ivresses
de l'orgueil et de la volupté, où l'exemple du
vice descendait du trône, au milieu de tant
de prélats et de prêtres indignes, Bourdaloue
se distingua par son caractère vraiment chré-
tien. Homme excellent et vertueux, tout dé-
voué h son ministère, simple, modeste et sans
ambition, malgré sa renommée éclatante, il
inspirait une fervente et respectueuse amitié
à tous ceux qui le connaissaient, et ses en-
vieux mêmes ne pouvaient lui refuser leur
vénération et leur sympathie. Devant le roi,
devant la cour, il conservait toute la liberté
de sa parole austère, et ne ménageait ni les
scandales ni les vices. « Chut! disait le prince
de Condé en le voyant monter en chaire;
voici l'ennemi ! » On ne pouvait faire un plus
bel éloge de l'énergique sincérité du prédica-
teur.
Les traits les plus caractéristiques de l'élo-
quence de ce grand sermonnaire sont la rai-
son exquise, le bon sens lumineux, une con-
naissance approfondie du cœur humain, comme
le témoignent ces analyses et ces peintures de
mœurs qui sont autant de chefs-d'œuvre; un
parfum d'honnêteté et de sincérité qu'on res-
pire dans chacune de ses paroles ; un esprit
de charité, pure émanation de la morale évan-
gél»
:
que dont son âme était pénétrée; une mé-
thode claire, exacte, rigoureuse, un peu sy-
métrique peut-être, si on la compare aux
grands élans de Bossuet; une dialectique ser-
rée ; une éloquence calme et sévère plutôt
qu'éclatante; un style simple, mais toujours
noble et soutenu; élevé, mais sans emphase;
enfin, un enseignement toujours approprié à
son auditoire, et une morale qui ne compose
ni avec le vice puissant, ni même avec les in-
stitutions sociales contraires à l'esprit de
l'Evangile.
« Bourdaloue, dit La Harpe, est concluant
dans ses raisonnements, sûr dans sa marche,
clair et instructif dans ses. résultats ; mais il
a peu de ce qu'on peut appeler les grandes
F
arties de Vorateur, qui sont le mouvement,
élocution, le sentiment. C'est un excellent
théologien, un savant catéchiste, plutôt qu'un
savant prédicateur. En portant toujours avec
lui la conviction, il laisse trop désirer cette
onction précieuse qui rend la conviction effi-
cace. »
Ce jugement paraîtra un peu sévère, et il
contient même quelques notes fausses ; mais
on sait que le célèbre critique n'était pas tou-
jours ni fort équitable ni très-bien informé, et
ajoutons ni très-bien servi par son jugement.
D'un autre côté, voici l'appréciation de Ch.-
Fr. de Lamoignon, le fils du premier prési-
dent :
« Bourdaloue bannit de la chaire ces pensées
frivoles, plus propres pour des discours aca-
démiques que pour instruire les peuples; il en
retrancha aussi ces longues dissertations de
théologie qui ennuient les auditeurs, et qui ne
servent qu'à remplir le vide des sermons;
il établit les vérités de la religion solidement,
et jamais personne n'a su comme lui tirer de
ces vérités des conséquences utiles aux audi-
teurs. »
« Ce que j'admire principalement en Bour-
daloue, dit l'abbé Maury (Essai sur l'élo-
quence), c'est que, dans un genre trop sou-
vent livré à la déclamation, il n'exagère
jamais les devoirs du christianisme, ne change
point en préceptes les simples conseils, et que
sa morale peut toujours être réduite en pra-
tique. Ce que j'admire surtout en lui, c'est l'art
avec lequel il fonde nos devoirs sur nos inté-
rêts, et ce secret précieux, que je ne vois
guère que dans ses sermons, de convertir les
détails de mœurs en preuves de son sujet;
c'est la simplicité d'un style nerveux et tou-
chant, naturel et noble, la connaissance la
plus profonde de la religion, l'usage admira-
ble qu'il fait de l'Ecriture et des Pères... »
Voltaire a placé Bourdaloue, dans le Temple
du goût, a côté de Pascal ; c'est là un rappro-
chement assez piquant. Fénelon, dans ses
Dialogues sur l'éloquence, l'a fort sévèrement
traité, comme orateur. Il est difficile de se
rendre compte des motifs qui ont entraîné
l'illustre prélat jusqu'à méconnaître un ora-
teur et un écrivain d'un talent si incontesta-
ble et si élevé.
Une chose assez remarquable, ce sont les
hardiesses qu'on rencontre parfois dans les
sermons de Bourdaloue, notamment dans ce-
lui Sur l'aumône. Il ne s'attaque pas seule-
ment au vice puissant, mais encore, comme
nous l'avons déjà remarqué, aux institu-
tions sociales qui lui paraissent contraires à
l'Evangile. On sent vibrer chez lui cette fibre
populaire qui manque à Bossuet, toujours, en-
clin à soutenir les grands, l'autorité et la hié-
rarchie établie. Ainsi Bourdaloue attaque sans
ménagement l'hérédité des emplois, et dans
l'intérêt même des héritiers indignes et du
salut de leur âme. L'idée de l'égalité sociale
-revient même assez souvent dans ses dis-
cours, et, chose étrange, il établit nettement
la théorie du communisme. « La communauté,
dit-il, que voulaient la nature et la raison, et
que la corruption humaine a rendue impossi-
ble... » il demande que les richesy reviennent,
en quelque façon, « en rétablissant, par
l'abandon de leur superflu, une espèce d'éga-
lité entre eux et les pauvres. Quand les biens
seront appliqués selon l'ordre de Dieu, toutes
les conditions deviendront à peu près sembla-
bles. » Entin, il traite d'actions également cri-
minelles la spoliation de la propriété et le
refus du riche de soulager le pauvre.
On dira que ce sont là des mouvements ora-
toires. Il n en est pas moins curieux de r e -
trouver de telles idées chez un prédicateur de
la cour de Louis XIV, et nous sommes heu-
reux de voir un homme de la valeur de Bour-
daloue soutenir ces idées qui sont aujourd'hui
la grande espérance de l'avenir.
On cite particulièrement, parmi les sermons
de Boudaloue, ceux qu'il a prononcés sur la
Conception, sur le Jugement dernier, sur le
Pardon des injures, et surtout le sermon sur
la Passion, qui est généralement regardé
comme le chef-d'œuvre de l'éloquence c'uré-
tienne, et dans lequel il démontre que la
mort de Jésus-Christ est le triomphe de sa
puissance.
Les œuvres de Bourdaloue ont été très-
souvent réimprimées. L'une des bonnes édi-
tions est celle de Lefèvre (Paris, 1833-1834).
Les Sermons inédits, publiés en 1S23, sont
apocryphes.
BOURDEBOURDE à mettre en avant, pour effrayer notre
comtesse. (Balz.)
Ils baillent pour raisons des chansons et des bouraes*
RÉGNIER.
Appelez-moi grand fourbe et grand donneur de
[bourdes.
CORNEILLE.
Quelle bourde! allons donc, la botte est sans parade.
E . AUGIER.
— Par ext. Niaiserie de très-mauvais goût.
— Mar. Mât employé à soutenir un navire
échoué, il Certaine voile en usage sur les ga-
lères, dans les temps calmes ou avec un vent
tempéré.
— Techn. Mélange de soude et de sel, em-
ployé dans la fabrication du verre et dans
celle du savon.
BOURDE
BOURDE (Guillaume-François-Joseph), ca-
pitaine de vaisseau, né à Plouer, près de Di-
nan, en 1*753, mort dans le commencement du
siècle suivant. 11 servit d'abord dans les In-
des orientales , puis sous l'amiral Villaret-
Joyeuse. La frégate la Sensible, qu'il com-
mandait en 1798, fut prise à l'abordage p a n e
navire anglais le Sea-Horse
}
et le capitaine,
ayant été suspendu de ses fonctions par le Di-
rectoire, demanda à être jugé j le conseil mi-
litaire déclara qu'il ne méritait aucun repro-
che, et on lui rendit son grade. En 1812, il
faisait partie de l'escadre commandée par l'a-
miral Missiessi. A la Restauration, il fut mis
à la retraite.
BOURDE
BOURDE s. f. (bour-de). Mensonge, inven-
tion, défaite ; Il se plaisait assez souveiit,
surtout avec moi, à placer quelques BOURDES
et quelques disparates dans les affaires les plus
sérieuses. (St.-Sim.) Voilà, certes, une bonne
BOURDE
BOURDE DE VILLEHUET ou DE LA V1L-
LEHUET (Jacques), marin français, né vers
1730 à Saint-Coulomb, près de Saint-Malo,
mort à Lorient en 1789. II fut capitaine de
vaisseau au service de la compagnie des In-
des. On lui doit : le Manœuvrier, ou Essai sur
la théorie et la pratique des mouvements du
navire et des évolutions navales (Paris, 1705);
Principes fondamentaux de l'arrimage des
vaisseaux, dont une nouvelle édition, donnée
en 1832 par Et. Willaumez, a pour titre : les
Exercices et manœuvres du canon à bord des
vaisseaux du roi, etc.; Manuel des marins, ou
Explication des termes de marine (1773).
BOURDEAU
BOURDEAU ( Pierre-Alpinien-Bertrand ),
magistrat et homme politique, né à Roche-
chouart en 1770. La Restauration le nomma
procureur général à Limoges, puis à Rennes.
Les électeurs de la Haute-Vienne l'envoyè-
rent à la Chambre des députés, et, en 1829, il
fut un instant garde des sceaux. Le gouver-
nement de Juillet le nomma ensuite pair de
France. Son nom est surtout connu par le
procès en diffamation qu'il intenta contre le
journal le ^ogressif et qui valut à cette pu-
blication une condamnation à 10,000 fr. de
dommages-in té rets. Le cautionnement se
trouvant insuffisant pour payer cette somme,
le pair de France diffamé eut la prétention
de la faire fournir par les rédacteurs en
chef, et ce système reçut le nom de juris-
prudence Bourdeau.
BOURDEAUX,BOURDEAUX, bourg de France (Drôme),
ch.-l. de cant., arrond. et à 57 kilom. S.-O. de
Die; pop. aggl. 874 hab. —pop. tôt. 1,376hab.
Fabriques d'étoffes de laine nommées ratine,
moulinage de soies grèges; commerce de cé-
réales, laines, bestiaux, truffes. Sur la colline
voisine, ruines féodales ; dans le bourg, mai-
sons anciennes de la Renaissance.
BOURDEC,
BOURDEC, chirurgien dentiste français,
qui vivait au xvm
e
siècle. II a écrit sur
son art quelques ouvrages, notamment Re-
cherches et observations sur l'art du dentiste
(Paris, 1758, 2 vol.); Soins pour la propreté
de la bouche et la conservation des dents (Pa-
ris, 1771).
BOURDEILLE
BOURDEILLE (Hélie DE), prélat français,
né au château de Bourdeille vers 1410, mort
en 1484. Il entra dans l'ordre de Saint-Fran-
çois, professa la théologie et se livra à l a pré-
dication. Il fut ensuite appelé à l'évêché de
Périgueux, puis à. l'évêché de Tours ; jouit
longtemps de la faveur de Louis X I ; puis,
ayant voulu intercéder en faveur du cardinal
de La Balue, encourut sa disgrâce et fut sur
le point d'être mis en jugement. Il reçut, en
1483, le chapeau de cardinal et ne jouit pas
1116 BOUR
BOUR
BOUR
BOUR
longtemps de cet honneur: On a de lui : Opus
pro pragpiaticœ sanctionis abrogatione (Rome,
i486) ; Defensorium concordatorum, et un
Traité sur la Pucelle d'Orléans, en latin.
ItOURDEILLB (André, vicomte DE), séné-
chal et gouverneur du Périgord, né vers 1519,
mort en 1582. 11 entra d'abord dans les pages
de François I
ftr
, prit part aux combats de Ma-
rolles et de Landrecies, se distingua au siège
de Metz, fut fait prisonnier à Hesdin et dut
ayer une forte rançon pour recouvrer sa fi-
erté. Il fut ensuite nommé sénéchal et gou-
verneur du Périgord et montra, dans ces
temps de troubles, une fermeté et une modé-
ration dignes des plus grands éloges. On a de
lui : Maximes et adois du maniement de la
guerre, et principalement du devoir et office
de maréchal de camp; Correspondance aoec
Charles IX, Catherine de Médicis et Henri III,
ouvrages publiés dans l'édition de Brantôme
(1740).
BOURDEILLEBOURDEILLE (Claude DE), comte de Mon-
irésor. V. MONTRÉSOR.
BOURDEILLES,BOURDEILLES, bourg de France (Dordo-
gne), arrond. et à 25 kilom. N.-E. de Péri-
gueux, sur la rive gauche de la Dronne;
1,481 hab. Patrie de Brantôme. Château féo-
dal de la fin du xne siècle, dominé par un
donjon octogonal d'une hardiesse et d'une
conservation remarquables ; dans la seconde
enceinte de cet ancien manoir s'élève le nou-
veau château, construit au xvic siècle, par
M'»e de Bourdeilles, belle-sœur de Brantôme;
belle égiise romane. Près du village, sur la
rive droite de la Dronne, on voit le Puy-de-
Fontas, gouffre profond d'où jaillit une ma-
gnifique nappe d'eau qui forme une rivière de
20 mètres de largeur, affluent de la Dronne à
150 mètres plus loin.
BOUIlDEH.LES (Pierre). V. BRANTÔME.
B O U R D E L A G E s. m. (bour-de-la-je). Féod.
Syn. de BOUDELAGE.
BOURDELASBOURDELAS s. m. (bour-de-la). Hortic.
Variété de raisin noir, à grains ovales. H On
l'appelle aussi BOURDALKS.
B O U R D E L I E R s. m. (bour-de-lié). Féod.
Syn. de BORDELIER.
BOUBDEL1N, nom d'une famille de savants,
dont trois furent membres de l'Académie des
sciences, et un autre de l'Académie des in-
scriptions et belles-lettres :
Claude BOURDELIN, né à Villefranche en
1621, mort en 1699, présenta à l'Académie des
sciences l'analyse de près de deux mille sub-
stances différentes. — Son fils, nommé aussi
CLAUDE, né à Senlisen 1667, mort en 1711, fut
premier médecin de la duchesse de Bourgo-
gne et présenta aussi de nombreux travaux a
rAcadémie des sciences. — François BOUR-
DEUN, frère du précédent, né à Senlis en 1668,
mort en 1717, remplit des fonctions diplomati-
ques et s'appliqua à l'étude des antiquités. Il
a laissé une Description de quelques anciens
monuments trouvés dans les pays étrangers,
insérée dans les mémoires de l'Académie des
inscriptions. — Louis-Claude BOURDELIN, fils
du précédent, né à Paris en 1695, mort en
1777, fut médecin des filles de Louis XV, pro-
fessa la chimie au Jardin du Roi et présenta
des mémoires à l'Académie des sciences, dont
il fut nommé membre en 1727. — L'abbé
BOURDELIN,
BOURDELIN, né à Lyon en 1725, aveugle jus-
qu'à l'âge de douze ans, se livra ensuite à
1 instruction de la jeunesse et publia de Nou-
veaux éléments de la langue latine ou Cours
de thèmes français-latins (1778,4 vol. in-12). Il
mourut en 1783.
BOURDELOT
BOURDELOT (Jean), érudit français, né à
Sens, mort à Paris en 1638. Il fut avocat au
S
arlement de Paris et maître des reouêtes
e Marie de Médicis. Il donna des éditions
de Lucien, û'Héliodore et de Pétrone. Ces édi-
tions furent longtemps regardées comme ex-
cellentes , ainsi que les commentaires dont
elles étaient accompagnées. M. Boissonade
dit que ces commentaires furent faits un peu
à la hâte, mais que cependant ils ne sont pas
indignes d'éloges. Jean Bourdelot a aussi ré-
d
:
^é un Traité de l'étymologie des mots fran-
çais; mais cet ouvrage ne fut pas imprimé.
BOURDELOT
BOURDELOT (l'abbé). V. MICHON.
BOURDER
BOURDER v. n. ou intr. (bour-dê — rad.
bourde). Dire des bourdes :
Dis-nous notre bonne aventure,
Mais dis-nous-la sans imposture,
Sans nous en donner à garder;
Tu te plais souvent à bourder.
SCARRON.
u Peu usité.
— A signifié Rester court en chaire.
— Dans les campagnes du centre et de
l'ouest de la France, ce mot signifie s'arrê-
ter, cesser de marcher, au propre et au fi-
guré : BOURDE là a le sens de : Arrête-toi là.
BOURDERIEBOURDERIE s. f. (bour-de-rî— rad. bourde).
Plaisanterie-, tromperie, il Vieux mot.
— Féod. Syn. de BORDAGB.
BOURDEURBOURDEUR s. m. {bour-deur — rad. bour-
der). Individu qui aime à conter des bour-
des.il Peu usité.
BOURDlG s. m. (bour-dik). Tournoi, il Vieux
mot.
BOURDIC
BOURDIC - VIOT ( Marie - Anne - Henriette
PAYAN DE I/ETANG DE), femme de lettres, née
a Dresde en 1746, morte à La Ramière, près
ile Bagnols, eu 1802. Bile fut mariée trois
fois : La première fois au marquis d'Antre-
mont, puis au baron de Bourdic, et enfin à
M. Viot, administrateur des domaines. Elle
connaissait plusieurs langues et lisait avec
passion les meilleurs poètes lutins, allemands,
italiens, anglais et français. Elle composait
elle-même des vers avec la plus grande faci-
lité, et l'on trouve dans les Almanachs des
Muses beaucoup de jolies pièces qui furent
imprimées sans son consentement, car elle ne
les composait que pour les lire à ses amis.
Cependant elle fit paraître-une Ode au si-
lence, que les meilleurs' portes lyriques pour-
raient avouer et où l'on remarque des pen-
sées sublimes. Ses éloges de Montaigne, du
Tasse, de Ninon de Lenclos sont aussi très-
remarquables.
BOURDIFAILLE,
BOURDIFAILLE, s', f. (bour-di-fa-Ue, Il
mil. ; du prov. bourdifar
t
manger avide-
ment). Action de dévorer rapidement, au
pr. et au fig. : Tel journal nous apprend ces
BOURDIFAILLESBOURDIFAILLES de millions. (Founer.) Il Se
dit à Lyon pour bombance, prodigalité, ex-
cès, désordre : C'est une BCURDIFAILLH. Tout
va dans cette maison à la BOURDIFAILLES
BOCRDIGNÉ
BOCRDIGNÉ (Jean DE), chroniqueur fran-
çais, né à Angers, mort en 1545 ou 1555. Il
fut chanoine d'Angers et on lui doit : Histoire
agrégative des annales et chroniques d'Anjou...
revues et additionnées par le viateur (1529,
in-fol.). On croit que ce nom de Viateur dési-
gne Jean Bouchet, qu'on appelle plus ordinai-
rement le Traverseur des voies périlleuses.
BOURDIGNÉBOURDIGNÉ ou BOÏIDIGNÉ (Charles DE),
frère du précédent, né a Angers au commen-
cement du xvic siècle. Il était prêtre, mais prê-
tre à la manière de Rabelais. On a de lui un
livre qui a pour titre : l;i Légende de maistre
Pierre Faifeu on les Gestes et dicts joyeux de
maistre Pierre Fai feu, écolier d'Angers. Cette
production plaisante rappelle assez les Repues
franches de Villon, elle est en vers et en qua-
rante-neuf chapitres relatant les tours d'espiè-
glerie (ou d'escroquerie) du héros, lequel ne vit
que d'expédients qui sentent plus ou moins la
hart. Cette facétie est fort spirituellement
écrite. Charles de Bourdigné en avait conçu
lui-môme une haute idée: à l'en croire,il faut
jeter au feu Homère, Virgile, etc.,pour lire son
Maistre Pierre Faifeu. Peut-être a - t - o n
pris au sérieux une plaisanterie sans consé-
quence.
Donnons quelques vers comme échantillon .
Faifeu va vendre à de naïfs paysans des
cornets de sciure de bois qu'il donno pour de
la poudre aux puces; mais, comme il a né-
gligé d'indiquer la recetio à ses clients, un
d'eux va le trouver pour lui demander la ma-
nière d'user de sa poudre.
A Faifeu va, sans faire autre attendue,
Luy demander la manière et la sorte
Qu'il faut user de la poudre qu'il porte.
Il luy respond, sans faire long caquet,
Que mettre faut les puces en paquet,
Puis les prendre chacune seule à, seule,
Et leur pousser la poudre dans la gueule :
Toutes mourront sans faire long séjour.
Lors chacun rit d'avoir en celuy jour
Tel passe-temps, et si bonne responce :
Mais tout soudain le galland fiât esponce
Avec l'argent qu'eut par son plaisant j e u ;
Et s'en alla sans leur dire adieu.
Bourdigné e s t , a p r è s S a i n t - G e l a i s , le p r e -
m i e r versificateur français qui a i t a l t e r n é les
rimes masculines et féminines. La Légende de
Pierre Faifeu a été publiée en 1526 et 1532, et
réimprimée en 1723.
BOURDIGUE
BOURDIGUE s. f. (bour-di-gue — du bas
lat. bordigala, même sens; rad. borda, logis).
Pôch. Haies de roseau disposées de façon à
• ce que les poissons qui s'introduisent entre
elles ne puissent avancer que dans une direc-
tion, et se trouvent pris dans une dernière
enceinte, il On dit aussi BORDIGUB.
BOURDILLON
BOURDILLON s. m. (bour-di-llon, Il mil.).
Techn. Merrain, bois refendu pour être mis
en douve.
HOU H D IN (Maurice), antipape, né dans le
Limousin, mort en 1122. Légat de Pascal U
auprès de l'empereur Henri V, il couronna ce
prince, malgré les défenses du saint-siége, et
par sa protection se lit élire pape sous le nom
de Grégoire VIII, pendant que le conclave
avait nommé Gélase II. Abandonné par son
protecteur, il fut renversé et mourut en pri-
son.
BOURDIN
BOURDIN (Gilles), érudit et jurisconsulte,
né à Paris en 1515, mort en 1570. Il fut avo-
cat général, puis procureur général (1558) au
parlement de Paris. On a de lui un bon com-
mentaire grec sur les Thesmophories d'Aris-
tophane, et Paraphrusis in constitutiones ré-
glas anno 1530 éditas, excellent commentaire
sur l'édit de 1539, traduit en français par Fon-
tanon, 1606.
BOURDIN
BOURDIN (Jacques), seigneur de Vilaines,
secrétaire d'Etat, puis secrétaire des finances
sous Henri II et ses deux successeurs, mort
en 1567. Ce fut lui qui rédigea les instructions
et mémoires adressés au concile de Trente
pour la défense de l'Eglise gallicane. Il prit
aussi une part active aux négociations ten-
dantes à conclure la paix avec l'Angleterre,
et à celles qui regardaient les affaires d'Alle-
magne. — Son fils, ou son petit-fils Nicolas
BOURDIN,
BOURDIN, mort en 1676, laissa quelques poé-
sies et un ouvrage d'astrologie intitulé : Re-
marques de J.-B. Morin sur le commentaire
du centiloque de Ptolémée, mis en lumière
pour servir de fanal aux esprits studieux de
l'astrologie (Paris, 1654).
B O U R D I N E s. f. (bour-di-ne). Conchyl. Es-
pèce de coquille univalve du genro halio-
tide.
— Hortic. Variété de pêche tardive.
— Art culin. Soupe au beurre et à l'ail.
BOURDIR
BOURDIR v. n. (bour-dir). Pop. S'arrêter
par suite d'une grande fatigue : Si vous allez
plus loin, ce cheval BOURDIRÀ.
BOURDOIS
BOURDOIS DE LA MOTTE (Edme-Joa-
chim), médecin français, né à Joignyen 1754,
mort vers 1830. Il fut médecin de l'hôpital de
la Charité, fut ensuite attaché au service du
comte de Provence (depuis Louis XVIII) et
de Mme Victoire, tante du roi. Pendant les
troubles révolutionnaires, il fut quelque temps
détenu à la Force, puis il suivit l'armée d'Ita-
lie. En 1807, il fut nommé médecin des épidé-
mies du département de la Seine, médecin du roi
de Rome en 1811.; sous la Restauration, il fut
également attache a la cour, et il devint mem-
bre de l'Académie de médecine en 1820. Il n'a
publié qu'une brochure intitulée: Dissertation
sur les effets de l'extrait de ratanhia dans les
hémorragies (Paris, 1808).
BOURDOISE
BOURDOISE (Adrien), prêtre français, né
dans le diocèse de Chartres en 1584, mort en
1655. Il eut des relations d'amitié avec saint
Vincent de Paul et avec l'abbé Olier, fonda-
teur du" séminaire de Saint-Sulpice. Il consa-
cra toute sa vie à remplir avec zèle les fonc-
tions de son ministère. (Je fut lui qui institua,
en 1618, la communauté des prêtres de Saint-
Nicolas-du-Chardonnet. On a ae lui un ouvrage
posthume intitulé : Idée d'un bon ecclésiasti-
que. Descourveaux a écrit sa vie, et Bouchard
en a donné une seconde édition abrégée en
1784.
BOURDON
BOURDON s. m. (bour-don). Long bâton
de pèlerin, orné à sa partie supérieure d'une
gourde ou d'une pièce tournée en forme de
pomme : Robert Guiscard et ses frères vont en
pèlerinage à Rome, le BOURDON à la main.
(Volt.) Quand les anciens pèlerins avaient ac-
compli le voyage de la Terre sainte, ils dépo-
saient leur BOURDON à Jérusalem, et prenaient
pour le retour un bâton de palmier. (Cha-
teaub.)
— Planter son bourdon, S'établir, se fixer .
C'est ici que je veux PLANTER MON BOURDON.
— Art mîlit. anc. Lance dont on se servait
dans les tournois, et qui avait une grosse
poignée creuse en forme de poire. Il Lance
d'environ cinq mètres de longueur, dont fut
d'abord armée la grosse cavalerie.
— Agric. Perche formée d'un arbre dépouillé
de son écorce.
— Blas. Meuble d'écu figurant un bourdon
de pèlerin.
— Bot. Bourdon de saint Jacques, Nom
vulgaire de la guimauve.
BOURDON
BOURDON s. m. (bour-don — mot formé
par onomatopée). Bourdonnement : Il écoute
un instant le BOURDON des applaudissements.
(St-Sim.)
— Mus. Basse continue de quelques instru-
ments, comme la cornemuse, la vielle, etc. tl
Quatrième corde d'un violon. Vieux en ce
sens, n Jeu d'orgues composé des plus gros
tuyaux, et donnant, par conséquent, les ions
les plus bas. il Très-grosse cloche : Le BOUR-
DON de Notre-Dame. H Faux-bourdon, Partie
de basse d'un morceau de plain-chant, trans-
formée- en une partie de haute-contre, ce qui
l'a fait appeler fausse basse ou faux-bourdon:
On chanta une belle messe en FAUX-BOURDON.
On chante principalement en FAUX-BOURDON
les psaumes des vêpres, le Magnificat, les ver-
sets de la préface, le Domine salvum, les ré-
pons de la bénédiction. (F. Clément.) il Se dit
aussi du ton de faux-bourdon : A bas! reprit
le petit Jehan en FAUX-BOURDON.
— Entomol. Genre d'insectes hyménoptè-
res, de la famille des mellifères, remarqua-
bles par leur corps très-gros et très-velu. Il
renferme un assez grand nombre d'espèces :
Aramis, chargé de butin comme le roi des
abeilles, ce gros BOURDON noir aux ornements
de pourpre et d'or, rentra dans son apparte-
ment silencieux et affairé. (Al. Dum.) Les
BOURDONS,BOURDONS, dans leur simplicité, ne sont pas
sans industrie, ils ont des mœurs et des vertus.
(Michelet.)
Quelques avides bourdons
Dans les ruches se glissèrent.
VOLTAIRE.
— Typogr. Omission d'un mot entier ou de
plusieurs mots. L'étymologie de ce mot est
douteuse. 11 peut venir de bourde, sottise ; de
bourdonnement, parce que le bruit expose à
commettre fréquemment des fautes, ou être
ainsi appelé d'un signe qui servait à 1 indiquer
autrefois et qui aurait eu quelque analogie
avec le bourdon des pèlerins.
— Techn. Chez les épingliers, Fil passé sur
un autre.
— Péch. Morceau de bois qui maintient
l'écartement d'une seine.
— Encycl. Entom. Les bourdons consti-
tuent, dans l'ordre des insectes hyménoptères
et dans la famille des mellifères, un genre
très-naturel; on les reconnaît facilement à
leur corps trapu, court, velu, couvert de poils
de couleurs tranchantes; ils ont une fausse
trompe plus courte que le corps ; des anten-
nes filiformes et fortement coudées ; les pattes
postérieures munies de brosses. On trouve
chez ces insectes, comme chez les abeilles,
des mâles, des femelles et des neutres; ces
deux derniers groupes sont munis d'un ai-
guillon. Les espèces dites bourdons des mous-
ses, des jardins et des pierres sont les plus
communes aux environs de Paris. Les bour-
dons vivent pour la plupart au milieu des jar-
dins et des bois ; ils forment des sociétés, bien
moins nombreuses, toutefois, que celles des
abeilles, car elles ne dépassent pas le chiffre
de trois cents individus. Leur nid se compose
de deux parties; on voit d'abord un chemin
incliné qui a quelquefois plus d'un demi-mètre
de profondeur; il conduit au nid proprement
dit, qui est une cavité, dont la voûte, en forme
de dôme, est formée de terre et de mousse
cardée que ces insectes y transportent brin à
brin. Voici comment ils s'y prennent pour car-
der cette mousse : plusieurs bourdons étant
placés à la suite l'un de l'autre, le premier
détache la mousse qui doit être travaillée et la
pousse à celui qui est derrière lui; le second
l'éparpillé, et, la faisant passer de ses pattes
de devant à celles de derrière, l'envoie ainsi
à un autre, et ainsi de suite iusqu'à ce qu'elle
arrive dans l'état voulu à sa destination. Après
avoir terminé la voûte du nid, les bourdons
couvrent le sol d'une couche de feuilles; ils
y déposent une masse de cire brute et irrégu-
lière. Là, sans interrompre les travaux, la fe-
melle pond un certain nombre d'œufs , qui
éclosent au bout de quatre ou cinq jours. Les
jeunes larves vivent du miel que leur four-
nissent les ouvrières ou neutres, et dont on
trouve des provisions dans de petits godets
creusés dans la masse de cire qui forme la
base du gâteau. On remarque d'ailleurs que
les ouvrières ouvrent de temps en temps les
cellules qui renferment les larves, pour a p -
porter à celles-ci de nouvelles provisions. Ar-
rivées à leur parfait développement, les lar-
ves se transforment en nympnes, en se filant
une coque. Les insectes en sortent en mai ou
juin, et se mettent aussitôt à partager les tra-
vaux de la famille. C'est à l'automne que la
population atteint son maximum. Aux pre-
miers froids, presque tous les bourdo)is péris-
sent; il reste seulement quelques mères, qui,
au printemps suivant, formeront de nouvelles
colonies.
BOURDON
BOURDON (Sébastien), peintre français, né
à Montpellier en 1616, mort à Paris en 1G7G.
Il vint dans cette dernière ville à l'âge de sept
ans, et entra comme élève dans l'atelier d'un
peintre médiocre nommé Barthélémy. Il n'a-
vait guère plus de quatorze ans lorsqu'il fut
envoyé dans un château voisin de Bordeaux
E
our y peindre une voûte à fresque, et ses
iographes assurent qu'il s'acquitta de cette
tâche avec un succès surprenant. Il se rendit
ensuite à Toulouse, mais n'ayant pu s'y pro-
curer du travail, il prit le parti de s'enrôler.
Heureusement, l'officier sous lequel il servait
reconnut qu'il avait trop de talent pour rester
soldat et u lui accorda son congé. Bourdon
résolut d'aller compléter ses études en Italie
Arrivé à Rome, et se trouvant sans ressour-
ces, il fut réduit à travailler pour un brocan-
teur, pour lequel il exécuta des pastiches des
maîtres alors en vogue, notamment de Pous-
sin, de Claude, d'Andréa Sacchi, de Casti-
glione, du Bamboche. Les exigences d'une
position aussi précaire ne lui permirent pas
de se livrer à des études approfondies. D'ail-
leurs, il ne fit h Rome qu'un séjour d'ussez
courte durée : un peintre, nommé de Rieux
(d'autres disent de Prieux), avec qui il avait
eu une querelle, l'ayant menacé de le dénon-
cer comme hérétique au saint office, Bour-
don, qui était en effet calviniste, s'empressa
de quitter les Etats du pape. Un Français,
M. Henelin, maître de la chambre aux de-
niers, qui se trouvait alors a Rome, l'emmena
avec lui à Paris. Revenu dans cette ville, Sé-
bastien fit la connaissance de Vouet et se mit
à peindre de petits tableaux de batailles, de
chasses et de paysages, qui furent recherchés,
des amateurs. En 1643, il fut chargé de poiu-
dre le tableau votif que la corporation des or-
fèvres était dans l'usage d'onrir, chaque an-
née, le premier jour de mai, à l'église de
Notre-Dame ; il prit pour sujet le Crucifiement
de saint Pierre. En 1G48, il fut un des douze
artistes qui fondèrent l'Académie royale do
peinture et exercèrent, les premiers, les fonc-
tions de professeurs. Après la révocation do
l'édit de Nantes, il se décida à passer on
Suède, où il devint premier peintre de la rehio
Christine (1652) ; mais, au bout de peu de
temps, il revint en France. Il y vit de nouveau
ses ouvrages fort estimés, et c'est alors qu'il
peignit le Christ mort et la Femme adultère,
pour la chambre des requêtes, ainsi qu'une
Descente de croix pour 1 église de Saint-Be-
noît. En 1655, il fut nomme recteur de l'Aca-
démie. Peu de temps après, il alla dans sa
ville natale, où il fit plusieurs tableaux pour
les églises et pour les particuliers. De retour
à Paris, il fut chargé, en 1663, de peindre
dans l'hôtel de M. Bretonvilliers, premier pré-
sident de la chambre des comptes, une gale-
rie de 20 toises de longueur, où il représenta
l'Histoire de Phaéton, vaste décoration oui lui
fut payée 10,000 francs et qui lui fitgrana hon-
neur. Son dernier ouvrage fut le plafond
d'une salle basse des Tuileries, représentant
la Déification d'Hercule.
Sébastien Bourdon apportait au travail une
"ardeur extraordinaire ; il lui arrivait parfois,
B0UR
BOUR BOUR
BOUR 1117
dit-on, de rester un mois entier sans sortir de
son atelier. U avait, à'aiUeuTS, une facilité qui
tenait du prodige, et il ne prenait pas toujours
la peine d'achever ses tableaux. « Ce qui peut
paraître très-surprenant, dit l'abbé de Fonte-
nay, c'est que les ouvrages qu'il finissait le
moins étaient souvent beaucoup meilleurs que
ceux qu'il voulait terminer davantage. Il n'est
possible de trouver la raison de cette singu-
larité que dans l'imagination vive et pétu-
lante de ce peintre, qui ne lui permettait pas
de revenir sur lui-même. Il jetait d'abord tout
son feu, et son premier objet était de plaire
aux yeux ; mais s'il fallait retoucher un ou-
vrage et lui donner cette perfection qui seule
a le droit de satisfaire les vrais connaisseurs,
c'était alors que son génie était éteint par le
travail, qui obscurcissait plutôt ses pre-
mières idées qu'il ne les rendait claires et
agréables. Il ne faut donc pas être surpris
s'il a souvent donné dans des bizarreries ou-
trées, qui sont peut-être piquantes, mais qui
tombent dans le sauvage pour peu qu'on les
examine. » Si l'on ajoute à cela que Sébastien
n'eut pas de manière bien arrêtée, qu'il se
borna presque toujours au rôle d'imitateur,
adoptant tour h tour le style de Poussin dans
Je paysage historique et les compositions r e -
ligieuses, celui de Castiglione dans les allé-
gories et dans les sujets empruntés à la Fable,
celui du LJamboche dans les scènes rustiques,
et celui du Bourguignon dans les batailles, on
comprendra que ce talent naturellement vi-
goureux, vif, spirituel, se soit montré si iné-
gal. A côté de pagres très-médiocres, on a de
lui des paysages d un grand caractère, de pe-
tites scènes très-mouvementées et de fort
beaux portraits. Il n'y a pas moins de dix-sept
de ses ouvrages au Louvre : le Crucifiement
de saint Pierre et la Descente de croix, dont
nous avons parlé ; la Décollation de saint Pro-
taiSy le Christ et les enfants, le Repos de la
sainte Famille, le Sacrifice de Noê, Jules
César devant le tombeau d'Alexandre, une
Jlalte de bohémiens, le portrait de Descartes,
celui du ministre Chamillart, deux portraits
de l'artiste lui-même, etc. Signalons, dunsles
autres musées : une Vue des environs de
Home, à Munich ; le Retour de l'arche, à la
National Gallery; des Soldats jouant aux car-
ies, à Cassel; Saint Paul et saint Barnabe à
Lystres, à Madrid ; le portrait d'une princesse
Farnèse, à Naples; le Repos de la sainte
Famille, à Florence; Alexandre au tombeau
d'Achille, Vénus et Enée, Persée et Andro-
mède, Laban cherchant ses idoles, une Mêlée
de cavalerie, etc., à Saint-Pétersbourg. Les
catalogues des musées de Lyon, Dijon, Ren-
nes, Grenoble, Montpellier, Rouen, Lille, Avi-
gnon ont enregistré divers ouvrages plus ou
moins authentiques de Sébastien Bourdon.
Ce maître a gravé à l'eau-forte et au burin
une quarantaine d'estampes, parmi lesquelles
on remarque : le Retour de Jacob, la Saluta-
tion angélique, le Songe de Joseph, la Visita-
tion, l'Annonce aux bergers, diverses Mado-
nes, plusieurs Sainte Famille, la Fuite en
Egypte (sujet répété quatre fois), le Repos en
Egypte, le Retour d'Egypte, les Œuvres de
miséricorde (suite de sept pièces), le Baptême
de l'eunuque, les Pauvres au repos, l'Enfant
qui boit, douze paysages bibliques, etc.
BOURDON
BOURDON (Louis-Gabriel), littérateur fran-
çais, né à Versailles en 1741, mort en 1795.'
Il occupait, avant la Révolution, la place de
secrétaire interprète aux affaires étrangères,
et il employa les loisirs que lui laissait cet
emploi à publier les ouvrages suivants : les
Mânes de Flore, élégie (1770) ; les Enfants du
pauvre diable, ou Mes échantillons (1776) ;
Lettres à Emma, en vers (1784): Voyage d'A-
mérique, dialogue en vers (1786), etc.
BOURDON
BOURDON (Louis-Pierre-Marie), mathé-
maticien, né à Alençon en 1779, mort en 1854.
11 fit ses études à l'Ecole polytechnique^ de-
vint examinateur en 1827, fut inspecteur des
études et membre du conseil de l'Université
en 1835. Bourdon n'était pas un homme de
génie, mais il exposait avec une remarquable
clarté, et il mérite une place parmi les vulga-
risateurs de la science. On a de lui les ouvra-
ges suivants, qui sont encore classiques, sur-
tout le premier: Eléments d'algèbre (1817,
in-8o); Lléments d'arithmétique (1821, in-8") ;
Application de l'algèbre à la géométrie (1824,
in-8°); Trigonométrie rectiligne et sphérique,
ouvrage rédigé conformément au nouveau
programme d enseignement dans les lycées
(1854, in-8(>).
BOURDON
BOURDON • (Jean-Baptiste-Isidore), méde-
cin français, né à Merry (Orne) en 1796. Il
fut reçu docteur à Paris en 1823 ; mais, avant
cette époque, il s'était déjà fait connaître par
des mémoires sur l'influence de la pesanteur
dans quelques phénomènes de la vie, sur le
mécanisme de la respiration, la circulation du
sang et le vomissement. Dès 1825, l'Acadé-
mie de médecine le reçut au nombre de ses
membres. Il se distingua par son zèle k soi-
gner les malades atteints du choléra en 1832
et en 1849, et il fut nommé médecin des épi-
démies pour le département de la Seine. 11 a
publié de nombreux ouvrages, parmi lesquels
nous citerons : Principes de la physiologie
médicale (1828, 2 vol. in-8°); Principes de la
physiologie comparée ou Histoire des phéno-
mènes de ta vie dans tous les êtres qui en sont
doués, depuis les plantes jusqu'aux animaux
les plus complexes (1830); la Physiognomonie
et la phrénologie (1842) : Lettres à Camille sur
la physiologie (1829) ; Illustres médecins et na-
turalistes des temps modernes (1844); Guide
aux eaux minérales de France et d'Allemagne
(1834); Précis d'hydrologie médicale ou les
Eaux minérales de la France (18G0). Outre
ces divers travaux, M. Isidore Bourdon a
fourni de nombreux articles au Dictionnaire
classique d'histoire naturelle, à la Revue mé-
dicale, au Dictionnaire de la conversation, etc.
BOURDON
BOURDON (Aimé), médecin français, né à
Cambrai en IG38, mort en 1706. 11 composa
pour l'instruction de son fils les deux ouvra-
ges suivants, qui eurent une certaine vogue :
Nouvelles tables anatomiques, où sont repré-
sentées toutes les parties du corps humain
(Paris, 1678, grand in-fol., 4e édit. en 1707);
Nouvelle description anatomique de toutes les
parties du corps humain et de leurs usages
(Paris, 1674).
BOURDON
BOURDON (François), industriel et homme
politique, né à Seurre (Côte-d'Or) en 1797.
Dès sa jeunesse, il proposa des modifications
dans la construction des bateaux à vapeur et
inventa un moulin à vapeur qui eut peu de
succès. Il alla ensuite en Amérique, où il
exerça la profession d'ingénieur. A son r e -
tour en France, il entra dans les fonderies du
Cveuzot comme chef d'atelier, et, en 1844, il
fut décoré sur la recommandation du jury des
récompenses nationales. Nommé représentant
en 1848, il vota avec les républicains modérés,
ne fut pas réélu pour l'Assemblée législative
et rentra dans l'industrie.
BOURDON
BOURDON DE LA CROSNIERE (Léonard-
Jean-Joseph) , désigné plus ordinairement
sous le nom de Léonard Bourdon, conven-
tionnel, né en 1753 dans le département de
l'Orne, mort vers 1815. A l'époque de la Ré-
volution, il était honorablement connu à P a -
ris comme chef d'une importante maison d'é-
ducation. Il se jeta avec ardeur dans les luttes
politiques et fut nommé député à la Conven-
tion par le département du Loiret. Membre de
la fraction la plus avancée de la Montagne, il
vota la mort du roi sans appel ni sursis, fit
décréter la formation d'une armée révolution-
naire dans chaque département, défendit les
hébertistes et contribua à la chute de Robes-
pierre au 9 thermidor. Dans les insurrections
de germinal et de prairial, il favorisa le parti
populaire, fut emprisonné un moment, puis
amnistié, et entra au conseil des Cinq-Cents.
Au milieu des orages de sa vie publique, il
n'avait cessé de s'occuper d'éducation ; il tonda,
en 1793, l'Ecole des élèves de la patrie, diri-
gea jusqu'à sa mort une maison d'instruction
et publia quelques écrits sur l'enseignement.
BOURDON
BOURDON DE S1GRA1S (Claude-Guillaume),
littérateur français, né près de Lons-le-Saunier
en 1715, mort en 1791. Il servit d'abord dans
l'armée, et, après avoir obtenu sa retraite, ne
s'occupa plus que d'étudier et d'écrire. Il de-
vint membre de l'Académie des inscriptions
et belles-lettres. On a de lui : Histoire des
rats pour servir à l'histoire universelle (1738),
plaisanterie dont Y Histoire des chats,de Mon-
crif, lui avait donné l'idée; Institutions mili-
taires deVégèce, traduit en français; trois volu-
mes de Considérations sur l'esprit militaire des
Gaulois (1774); sur celui des Germains (l78l),
sur celui des Francs et des Français (1786);
enfin une traduction du Dialogue sur tes ora-
teurs, attribué à Tacite.
BOURDON
BOURDON DE L'OISE" (François-Louis) ,
conventionnel, né près de Coinpiègne, d'une
famille de cultivateurs, mort à Sinnamari
(Guyane) en 1797. U suivit la carrière du
barreau, devint procureur au parlement de
Paris, embrassa avec la fougue d'un na-
turel impétueux la cause et les principes
de la Révolution, combattit au 10 août à
l'attaque des Tuileries, et fut envoyé à la
Convention par le département de l'Oise,
dont il prit le nom. Il marqua sa place à la
Montagne, vota la mort du roi sans appel ni
sursis, contribua à la chute des girondins, re-
procha à Grégoire de vouloir christianiser la
Révolution, mais se trouva bientôt en désac-
cord avec Robespierre, qui le fit exclure des
jacobins. Dès ce moment, il parut gagné à la
contre-révolution, se signala parmi les plus
fougueux thermidoriens, contribua "à la pro-
scription de Billaut-Varenne et de Collot-
d'Herbois, passa au conseil des Cinq-Cents,
et, s'enfonçant de plus en plus dans les voies
de la réaction, se rangea dans le parti cli-
chien et fut déporté au 18 fructidor. On l'a
accusé de s'être considérablement enrichi
dans des spéculations sur les assignats et les
biens nationaux. Il mourut peu après son ar-
rivée dans la Guyane.
BOURDONBOURDON (bal), nom sous lequel on dési-
gne une salle de bal située à Paris, boulevard
Bourdon, et qui est le rendez-vous d'une so-
ciété mêlée : ouvriers du faubourg Saint-An-
toine, juifs, bonnes d'enfants et militaires,
Comme des fleurs de pourpre en l'épaisseur des blés,
dirait-on avec Victor Hugo , si un tel lieu
n'excluait pas toute idée poétique.
BOURDONNAISBOURDONNAIS (DELA).V. LA BOURDONNAIS.
BOURDONNANTBOURDONNANT (bour-do-nan) part. prés,
du v. Bourdonner : D'un plein vol, charmée
d'un soleil meilleur, elle retournait à ses af-
faires ,
BOURDON
BOURDON DE VATRY (Marc-Antoine), ad-
ministrateur, frère du précédent, né à Saint-
Maur en 1761, mort à Paris en 1828. Avant la
Révolution, il avait occupé divers emplois
dans l'administration de la marine, devint
ministre de la marine à l'époque du Direc-
toire, tomba en disgrâce sous le Consulat, et
fut cependant nommé successivement ordon-
nateur général des mers du Nord, préfet ma-
ritime du Havre, préfet de Vaucluse, de Maine-
et-Loire, de l'Isère, directeur du personnel de
la marine, etc. Il rentra dans la retraite à la
seconde Restauration. Administrateur habile,
il a laissé partout des traces de son passage
et fait exécuter de grands travaux d'utilité
publique. L'Etat de Gênes lui doit des routes
et des ponts ; le lycée d'Avignon, les ponts
de la Durance et du Rhône, sont également
son ouvrage.
BOURDONNANT,BOURDONNANT, ANTE adj. (bour-do-nan,
ante —rad. bourdonner). Qui bourdonne : Un
essaim BOURDONNANT. Un vol BOURDONNANT.
Il ne saurait en être de même de ces BOUR-
DONNANTS discoureurs gui parlent, toujours
pour ne rien dire, gui s'étudient à polir aca-
démiquement de pompeuses et insignifiantes
périodes. ( Champagnac. ) Cachées dans les
nervures des ogives, les araignées guettent les
mouches BOURDONNANTES. (DU Camp.) Cette
multitude tumultueuse et BOURDONNANTE fit
tout à coup un silence immense. (Scribe.)
Les essaims bourdonnants voltigent à l'eniour.
DELILLE.
Les témoins déposaient qu'autour de ces rayons,
Des animaux ailés, bourdonnants, un peu longs,
De couleur fort tannée, et tels que les abeilles,
Avaient longtemps paru
LA FONTAINE.
— Fïg. Qui murmure, qui se plaint : La
classe
BOURDONNANTBOURDONNANT très-distinctement :
« Adieu, madame, et grand merci. »(MicheIct.)
Abandonnant les fleurs, de sonores abeilles
Viennent en bourdonnant, sur ses lèvres vermeilles
S'asseoir et déposer ce miel doux et flatteur.
A. CHÉNIER.
BOURDONNANTEBOURDONNANTE existe toujours; elle se
compose de journaux légitimistes et de quel-
ques évêques. (L.-N. Bonap.)
— s. f. Artill.Nom que l'on donnait autre-
fois à la bombarde du plus gros calibre.
BOURDONNASSE
BOURDONNASSE s. f. (bour-do-na-so —
rad. bourdon). Art milit. anc. Lance, bour-
don plus petit que le bourdon ordinaire : La
gendarmerie italienne se servait de BOURDON-
NASSES à la bataille de Fornoue. (De Ségur.)
BOURDONNAYE
BOURDONNAYE (DE LA). V. LA BOURDON-
NAYE.
BOURDONNÉ,BOURDONNÉ, ÉE adj. (bour-do-né). Blas.
Orné, comme un bourdon, d'une sphère ter-
minale : Croix BOURDONNÉE.
— Techn. Ridé, en parlant du papier : Pa-
pier BOURDONNÉ.
BOURDONNEMENTBOURDONNEMENT des abeilles! (Ch.
Nod.) Le BOURDONNEMENT des ruches et le cri
des innombrables troupeaux d'oies annoncent
infailliblement un village des Wendes. (M.-
Brun.) Çà et là des BOURDONNEMENTS de mou-
ches brillantes, quelques chants de colibris sau-
tillant , comme des écrins mouvants, de fleur
en fleur, sur les plates-bandes du sol. (Rog. de
Beauy.)
Une mouche survient et des chevaux s'approche ;
Prétend les animer par son bourdonnement.
LA FONTAINE.
— Par anal. Bruit sourd et confus de voix
humaines : J'entendais autour de moi un BOUR-
DONNEMENT .• Ah! ah! Monsieur est Persan.
(Montesq.) Le peuple faisait entendre les
BOURDONNEMENTSBOURDONNEMENTS des conversations ordinai-
res dans les lieux publics. (Lamart.) Le BOUR-
DONNEMENT confus des paroles humaines qu'il
lui semblait entendre auprès de son oreille le
réveillait en sursaut. (H. Beyle.)
— Fig. Désapprobation, réclamation : Ce
discours fut suivi d'un BOURDONNEMENT géné-
ral.
Ne t'abaisse pas pour entendre
Ces bourdonnements détracteurs.
LAMARTINE.
— Pathol. Sentiment de bruit sourd e t
semblable au bourdonnement d'un insecte,
produit par une certaine disposition de l'or-
gane deTouïe : D'Artagnan avait des BOUR-
DONNEMENTS perpétuels dans les oreilles.
(Alex. Dum.) Le BOURDONNEMENT d'oreilles
est un bruit tout à fait importun. (Chomel.) Il
Bourdonnement amphorique, Bruit sourd et
continu que l'oreille perçoit dans la poitrine
par l'auscultation, et qui ressemble au bour-
donnement d'une abeille enfermée dans un
vase.
— Épithètes. Confus, sourd, incertain, im-
perceptible, long, agréable, doux, joyeux,
tumultueux, irrité, menaçant, vain, conti-
nuel, incommode, fatigant.
— Encycî. Méd. Le bourdonnement ou bour-
bement, tintement d'oreilles, sifflement, con-
stitue un vice particulier, une hallucination
du sens de l'ouïe,désignée quelquefois sous le
l nom de paracousie. Le malade croit entendre
• le bruit particulier que ferait un bourdon en
volant près de son oreille ; ou bien c'est un tin-
tement, un sifflement, un bruit de cascade, le
bruit d'une machine, le bruit de la mer, le
, son d'une cloche, etc., etc. Ces hallucinations
i auditives sont extrêmement variées et se pro-
j duisent souvent avec un caractère spécial
qui rappelle la profession du malade : ainsi le
marin entendra le bruit des vagues et de la
tempête, le mécanicien entendra las grince-
ments et le cliquetis d'une machine, etc., etc.
Itard divisait les bourdonnements en deux
classes : les bourdonnements faux et les bour-
donnements vrais. Les premiers sont de véri-
tables hallucinations auditives, les autres r é -
sultent de la perception réelle de bruits anor-
maux qui se produisent intérieurement au
voisinage de l'oreille affectée. Ces derniers,
dans quelques circonstances sans doute fort
rares, ont pu se produire avec assez d'inten-
sité pour être entendus à distance par des
personnes étrangères. Suivant M. Triquet, la
distinction entre ces deux espèces de bour-
donnements n'est pas toujours facile à établir,
et il est préférable de partager les illusions
auditives en deux classes : 1° bourdonnements
qui sont dus h une maladie de l'appareil audi-
tif; 2° bourdonnements qui surviennent par le
fait d'une affection étrangère à l'oreille.
Les causes des anomalies acoustiques sont
très-nombreuses. Les bourdonnements de la
première espèce peuvent être occasionnés, en
premier lieu par un obstacle au courant de
l'air, suite d'une obstruction incomplète du
conduit auditif externe. Il suffit, en effet,
d'une accumulation de cérumen en un point
donné de ce conduit, d'une agglutination do
poils par la matière cérumineuse, de la pré-
sence d'un corps étranger, ou d'une produc-
tion anormale, telle qu'un polype ; il suffit, en-
fin, d'une oblitération partielle du tuyau au-
ditif pour provoquer le bourdonnement. L'air
chaud sortant de l'oreille et l'air froid y en-
trant produisent un double courant de sens
contraires , d'où résulte une collision des
molécules gazeuses contre les parois du con-
duit, et la production de vibrations sonores
perceptibles pour l'individu affecté. L'inflam-
mation de la membrane du tympan, l'inflam-
mation de la trompe d'Eustacheet de la caisse
du tympan ont aussi pour résultat de pro-
duire un bourdonnement. La raison en est fa-
cile à comprendre : la production des muco-
sités sur la muqueuse du canal amène ici une
obstruction partielle, e t , par conséquent,
un obstacle au libre passage de l'air. Il peut
arriver que les mucosités se produisent avec
assez d'abondance pour oblitérer entièrement
le conduit; dans ce cas, le bourdonnement
cesse, mais la surdité se manifeste.
Dans les surdités nerveuses, enfin, selon
Duvernay, le bourdonnement résulte de l'af-
flux sanguin plus considérable qui s'opère
dans les capillaires artériels du limaçon et des
conduits demi-circulaires. De cet afflux r é -
sulte, en effet, un ébranlement anormal du nerf
auditif, et ce nerf impressionné traduit cette
impression par une sensation auditive. Ce
phénomène est exactement comparable à ce-
lui qui se produit par les excitations artifi-
cielles du nerf optique. On sait que toute ex-
citation de la rétine produit une sensation
lumineuse ; de même, 1 excitation du nerf au-
ditif produit une sensation acoustique. Volta
s'est assuré, par expérience, que l'électricité
galvanique, agissant sur l'ouïe, donne lieu à la
production d'une hallucination auditive.
Quant aux particularités de timbre et de
hauteur des sons qui se produisent, il est im-
possible de les expliquer, à moins d'admettre
que les dernières ramifications du nerf audi-
tif, étagées sur la lame spirale du limaçon,
représentent un appareil dont chaque partie
peut subir une impression isolée, et que cette
impression est transmise au cerveau avec un
caractère propre qu'elle emprunte à la partie
qui l'a reçue. Lecat comparait les libres ner-
veuses inégales de la lame spirale du lima-
çon aux cordes inégales d'un clavecin, et re-
gardait ainsi l'oreille comme un appareil
acoustique, dont chaque partie pouvait vibrer
isolément, et répondre à un son particulier.
Cette théorie ingénieuse fut d'abord repoussée
par tous les physiologistes; mais elle est au-
jourd'hui soutenue de l'autorité supérieure de
plusieurs médecins recommandables. Les re-
marquables recherches et les expériences tou-
tes récentes de MM. Helmholtz etKœnig sem-
blent donner quelque valeur aux conjectures
de Lecat.
Les bourdonnements se produisent encore,
avons-nous dit, dans des cas étrangers aux
affections propres de l'oreille; mais ici, ce
sont ordinairement des perceptions sensoria-
les occasionnées par la production d'un bruit
au voisinage de V'oreille. Le bruit anormal n'est
plus perceptible seulement pour le malade, il
l'est aussi souvent pour une personne étrangère
qui applique l'oreille ou le stéthoscope près
de la région où il se produit. La chlorose, l'a-
némie, les pertes et les hémorragies consi-
dérables, l'hypocondrie, le début des fièvres
éruptives, la fièvre typhoïde, la congestion
cérébrale imminente, le voisinage d'un ané-
vrisme, sont les maladies qui occasionnent
le plus souvent un bourdonnement symptoma-
tique. Cependant, un bourdonnement nerveux
et purement idiopathique peut être occasionné
par une frayeur très-vive; dans ce cas, la
nature du bourdonnement rappelle quelque-
fois la nature de l'accident qui en a provoqué
le développement.
Le traitement de l'affection qui nous oc-
cupe repose entièrement sur la connaissance
des causes qui ont provoqué son" apparition.
Si le bourdonnement est regardé comme symp-
tomatique d'une maladie étrangère à l'oreille,
on s'appliquera à faire disparaître cette ma-
ladie. Un bourdonnement nerveux, occasionné
1118 BOUR BOUR
BOUR BOUR
car une grande et subite frayeur, est trcs-dlf-
hcilement curable ; on doit s'attacher cepen-
dant à faire disparaître la conséquence la plus
fâcheuse de cette désagréable infirmité ; nous
voulons parler de l'insomnie occasionnée par
la perpétuelle perception du bourdonnement.
On y réussit, paraît-il, en imposant au ma-
lade un bruit plus fort que celui qu'il croit en-
tendre, et qui étouffe, pour ainsi dire, le pre-
mier. La persistance de ce second bruit, loin
d'entraver le sommeil, le provoque et pro-
cure beaucoup de calme aux malades.
Le désagrément qui s'attache à ]a produc-
tion de sons anormaux dans l'oreille est tel-
lement considérable, qu'il n'est pas rare de
voir des malades implorer leur guérison au
prix des plus cruelles opérations. Lorsque les
bourdonnements sont dus à, des affections de
l'appareil auditif, on doit donc s'attache^ en
premier lieu, à faire disparaître ce symptôme
f
ténible. Suivant les indications, on a proposé
es injections avec des préparations stimulan-
tes, dans le conduit auditif externe; des in-
jections d'eau tiède, qui sont souvent très-
efficaces; des applications dérivatives, les
antiphlogistiques, les ventouses derrière l'o-
reille, les mouchetures des veines du pavil-
lon, la saignée de la jugulaire accompagnée
de douches froides sur la tête, etc. Mais le
moyen le plus efficace, ou tout au moins le
plus en faveur aujourd'hui,est lecathétérisme
dé la trompe d'Eustache, accompagné d'in-
jections liquides ou gazeuses dans la caisse du
tympan.
Guyot, maître de postes à Versailles et at-
teint de surdité, imagina le cathôtérisme de
la trompe en 1724, et se guérit radicalement.
Ce procédé, accueilli d'abord avec beaucoup
de réserve, est aujourd'hui accepté dans la
pratique et très en vogue, surtout en Allema-
gne. Les injections liquides dont on accom-
pagne cette opération méritent cependant
peu de confiance, et exposent à la stagnation
des liquides dans l'oreille moyenne *, au con-
traire, les insufflations d'air, proposées par
M. Deleau, efles insufflations de vapeurs, au
moyen de l'appareil de Krarner de Berlin, et
de celui de M. Bonnafout, sont d'une utilité
incontestable. Les vapeurs d'éther acétique,
d'éther sulfurique, d ammoniaque, d'essence
de menthe, de camphre, de benjoin, sont les
agents médicamenteux les plus communément
employés, et ceux dont l'usage a été le plus
souvent couronné de succès.
Bourdonnements, recueil d'articles publiés
dans le Siècle par Alphonse Karr. En venant
de relire, pour en rendre compte, cette série
de causeries avec le public, nous nous som-
mes demandé comment ces espèces de
chroniques, qui nous ont charmé lors de leur
apparition, ne supportent pas une seconde
lecture? C'est que 1 auteur n'a bourdonné que
pour bourdonner, comme le frelon, qui fait
beaucoup de bruit et jîeu de besogne, au lieu
d'imiter l'abeille, qui bâtit un édifice dont le
plan est arrêté d'avance, le dessin bien tracé,
les différents corps de bâtiments en parfaite
harmonie. Les Bourdonnements, au contraire,
sont formés d'un assemblage de traits con-
fus et discordants. Alphonse Karr ressemble
à un homme qui vide un sac, d'où tombent
pêle-mêle des objets de toute espèce, desti-
nés a tous les usages : des tablettes, des pin-
ceaux, des fleurs fanées et des nœuds de ru-
ban. Son âme laisse se répandre en désordre
des sentiments et des pensées de toute na-
ture. On voit se succéder, dans cet intermina-
ble tête-à-tête avec le public, les réflexions
politiques et religieuses, les personnalités, les
remarques de bon sens, les rêveries, et jus-
qu'aux caquetages. Les Bourdonnements ré-
vèlent un esprit fourvoyé. Alphonse Karr a
voulu morigéner son siècle, et chez lui le
pamphlet tourne à, la caricature. « Sa pétu-
lance d'écolier, dit M. Paul de Molènes, s'ac-
corde mal avec la tâche rude et sérieuse qu'il
a entreprise. Quand il attaque un homme
d'Etat, fronde le pouvoir ou la religion, il a
toujours l'air de se croire encore un écolier
occupé à tourmenter les bourgeois ou à cas-
ser les lanternes de la grande rue. » C'est un
enfant terrible, qui rirait de lui-même plutôt
que de ne se moquer de personne. Il a tait de
Tesprit pour faire de l'esprit. Les sentiments
qui pouvaient s'épanouir en lui, le pamphlet
les a frappés d'abord dans leur forme exté-
rieure, c'est-à-dire dans le langage, puis il a
lini par les altérer dans leur essence. Al-
phonse Karr est descendu jusqu'à bafouer le
patriotisme, et là où il attendait un senti-
ment, le lecteur désappointé ne trouve plus
qu'un mot. Compense-t-il au moins l'absence du
fond par le mérite de la forme? Hélas! non.
D'impardonnables négligences do langage;
des tours d'une familiarité choquante, un ton
de plaisanterie vulgaire, viennent trop sou-
vent se mêler à une fâcheuse manie de se
mettre en scène. Il est tourmenté du besoin
inquiet d'une singularité plus recherchée que
naturellement originale. Or, l'affectation est
à l'originalité ce que la fanfaronnade est au
courage ; si elle ne l'exclut pas, elle en fait tout
au moins douter. Au lieu de jeter une lumière
soudaine dans une discussion politique, reli-
gieuse ou littéraire, les Bourdonnements n'y
apportent qu'une plaisanterie.
En dépit de tous ces défauts, les Bourdonne-
ments ont obtenu un grand succès, qui dépend
de deux causes : d'abord, c'est uue faiblesse
inhérente à la nature humaine de prendre
plaisir à voir tourner les autres en ridicule;
en outre, Alphonse Karr pétille d'esprit, et,
en France, l'esprit fait tout passer. On n'a,
F
our s'en convaincre, qu'à lire la causerie sur
Immaculée conception, traitée en apologue.
Si 1 auteur des Bourdonnements s'était pru-
demment tenu dans le vague de quelques
observations d'un ordre élevé, il aurait pu
suppléer par l'intelligence de 1 ensemble aux
défauts des détails. Mais cela ne lui suffisait
pas. C'est dans ses plus secrètes particula-
rités qu'il a voulu nous faire connaître la vie
mondaine tout en protestant de son mépris
pour elle. De là est résulté une chronique
des plus étranges. • Quand on vit au fond
d'une vallée ou au bord de l'océan, selon la ju-
dicieuse remarque de M. de Molènes, il ne faut
pas se mettre à tenir un journal de ce qui se
passe dans les ruelles; car, outre le risque
d'écrire un mauvais journal, on court celui
de faire perdre à sa retraite toute sa dignité. »
En parlant sans cesse et avec une sorte d'or-
gueil des loisirs et des méditations de sa so-
litude, on attire sur sa tête cette belle et juste
sentence de Montaigne : • C'est une lasche
ambition de vouloir tirer gloire de son oisi-
veté et de sa cachette. Il faut faire comme les
animaux, qui effacent leurs traces à la porte
de leur tasnière. »
BOURDONNERBOURDONNER dans l'air. (A. Karr.) Un ruisseau
s'enguirlandait de dionées; une multitude d'é-
phémères BOURDONNAIENT à l'entour. (Cha-
teaub.) Règle générale, une guêpe qui vous
BOURDONNER
BOURDONNER v. n. ou intr. (bour-do-né
— rad. bourdon). Faire entendre, en parlant
des insectes et des petits oiseaux, un bruit
sourd e t continu, comme celui que produit
le bourdon : On n'entendait pas un insecte
BOURDONNEBOURDONNE à l'oreille, une femme qui vous ta-
quine et vous contredit, c'est à peu près la même
chose. (G. Sand.)
Ne souffrons pas qu'elle bourdonne.
Qu'elle bourdonne autour de nous.
BÉRANGER.
— Par anal. En parlant des personnes, Pro-
duire un murmure sourd, analogue au bour-
donnement des insectes : Il voit un peuple
qui cause, BOURDONNE, parle à l'oreille, éclate
de rire. (La Bruy.) une demi-douzaine de né-
grillons BOURDONNAIENT autour de la table.
(Rog. de Beauv.) Vois-tu cet essaim de dan-
seurs qui BOURDONNENT sous le lustre? (Balz.)
En entendant cet essaim bourdonner.
On eût à peine entendu Dieu tonner.
GRESSET.
— Par ext. Murmurer, donner des mar-
ques confuses de désapprobation : La vile
tourbe BOURDONNE et triomphe; le sage se tait,
cède et gémit tout bas. (J.-J. Rousseau.) Les
ducs n'avaient rien à perdre; ils laissèrent
BOURDONNERBOURDONNER et aboyer. (St-Sim.)
— Mettre en branle le battant d'une clo-
che, e t le faire frapper des deux côtés.
— Fig. S'évertuer, s'empresser, se donner
inutilement du mal, à l'exemple de la mou-
che du coche dans la fable de La Fontaine : Il
m'appartient bien de BOURDONNER, à moi, la
mouche du coche. (Volt.)
Chacun bourdonne autour de l'œuvre politique.
Chacun y veut mettre la main.
A. BARBIER.
— v. a. ou t r . Murmurer : Les Hottentots
BOURDONNEMENTBOURDONNEMENT s. m. (bour-do-ne-man
— rad. bourdonner). Bruit sourd produit par
le battement des ailes d'un grand nombre
d'insectes et de quelques petits oiseaux :
Préférez le BOURDONNEMENT des ruches à ce-
lui des assemblées populaires. (Pythagore.)()ue
j'aimais le pépiement des oiseaux sous la feuil-
lée et le
BOURDONNENTBOURDONNENT une sorte de grognement qui dé-
nonce l'abrutissement de la solitude. ( J .
Arago.) il Chanter à demi-voix : Que BOUR-
DONNEZ-VOUS là? Je BOURDONNE une vieille
chanson.
— Fam. Répéter à tout moment : / / faut
que je BOURDONNE mes peines comme la mou-
che. (Mme de Sév.) J'entends BOURDONNER à
mes oreilles des choses gui m'affligent. (M^e de
Simiane.)
— Poét. Célébrer en bourdonnant : / / est
un Bieu... L'insecte BOURDONNE ses louanges.
(Chateaub.)
De l'Etre universel, unique, . -
La splendeur dans mon cœur a lui.
Et yai bourdonné mon cantique
De joie et d'amour devant lui.
LAMARTINE.
— Typogr. Faire des bourdons ou omis-
sions de mots.
BOURDONNET
BOURDONNET s. m. (bour-do-nè — rad.
bourdon). Chir. Faisceau de charpie que l'on
introduit dans un ulcère ou une plaie, pour
en absorber le pus.
BOURDONNEUR,
BOURDONNEUR, EUSE adj.etn.m.(bour-
do-neur —rad. bourdon). Hist. nat. Se dit des
oiseaux mouches et des colibris, à cause du
bourdonnement qu'ils produisent en volant :
Les oiseaux BOURDONNEURS. Les BOURDON-
NEURS.
EOURDONNIER s. m. (bour-do-mé — rad.
bourdon). S'est dit autrefois pour pèlerin, à
cause du bourdon dont les pèlerins étaient
armés, tl Nom que les Albigeois donnèrent
par dérision aux croisés qui les combat-
taient, il On dit aussi BOURDONNEAU et BOUR-
DONNISTE. i
— Typogr. Ouvrier compositeur qui a cou-
tume de faire, par manque d'attention, beau-
coup de bourdons ou omissions de mots.
— Techn. Penture d'un gond renversé, li
Support de la poutre d'un moulin, il Partie
supérieure arrondie du chardonnet d'une
porte, n Dans ces trois cas, on dit également
BOURDONNIÊRE.
BOURDONNOROBOURDONNORO s. m . (bour-do-no-ro).
Pèch. Première chambre d'une madrague.
BOUBDOT
BOUBDOT DE R1CHE30URG ( Charles-
Antoine), jurisconsulte, né a Paris en 1685,
mort en 1735, était avocat au parlement de
Paris. Il est surtout connu comme éditeur
et annotateur de l'importante collection des
coutumes de France, le Nouveau coutumier
général (Paris, 1724, 4 vol. in-fol.), recueil
toujours estimé, malgré quelques imperfec-
tions.
BOCRDOT
BOCRDOT DE R1CHEBOURG (Claude-
Etienne), littérateur français, né h. Paris en
1699. Il suivit d'abord la carrière du barreau,
servit ensuite dans l'armée, et finit par s'oc-
cuper de littérature. La plupart de ses ou-
vrages ne portent pas son nom ; ce sont :
Evander et Fulvie, histoire tragique (1726) ;
Invention de la poudre, poëme en trois chants
(1732) ; Mémoires de Guillaume Nortingham,
ou le Faux lord Kington; Recherche de la re-
ligion; Histoire de la sainte Eglise de Vienne
(1751). Il fut aussi le premier rédacteur du
Journal économique, et composa le tome III
de Y Histoire générale de la marine, de Bois-
mêlé.
BOUUDOUAN
BOUUDOUAN ouBERDOAN, ville de l'In-
doustan anglais, présidence du Bengale, à
95 kilom. N.-O. de Calcutta, ch.-l. du district
de même nom, sur la Dummodah ; 54,000 hab.
Cette ville, reliée à Calcutta par un chemin
de fer, le premier qui ait été construit dans
l'Inde, était autrefois la capitale d'un Etat
indépendant, cédé aux Anglais en 1760; elle
est encore la résidence d'un radjah titulaire
qui n'exerce aucune autorité. Commerce d'in-
digo, coton, canne à sucre.
B O U R D O U L E N Q U E s. m. (bour-dou-lain-
ke). Hortic. Variété de raisin à grain noir et
rond.
BOURE,
BOURE, dieu Scandinave.
BOURÈCHE
BOURÈCHE s. f. (bou-rè-che). Mar. Bour-
relets qu'on fait de distance en distance sur
les cordages.
BOURELAGE
BOURELAGE s. m. (bou-re-la-je). Féod.
Dîme qui se percevaitj a l'exclusion de tout
autre droit, dans certaines paroisses du Poi-
tou.
B O U R E L L E M E N T adv. (bou-rè-le-man —
rad. bourrel, qui s'est dit pour bourreau).
Comme un bourreau, cruellement, il Vieux
mot.
BOCRET
BOCRET (Claude-Antoine), comédien fran-
çais, mort à, Paris en 1783. Il ne s'était encore
senti aucune vocation pour la carrière théâ-
trale, lorsqu'un incident bizarre le détermina
à se faire acteur. Vadé travaillait à sa pièce
de Niçoise, et cherchait un interprète qui pos-
sédâtle masque du rôle. Le hasard amenachez
lui le jeune Bouret. A son air et à sa voix de po-
lichinelle, Vadé s'écria : « Voila Nicaise tout
trouvé, » et il le fit recevoir à l'Opéra-Comi-
?
ue. Bouret débuta pendant la durée de la
oire Saint-Germain, en 1755, par le rôle
d'Alain dans la Chercheuse d'esprit, de Favart.
Le 7 février 1756, on jouait la pièce de Vadé.
« Cet acte a beaucoup réussi, dit le Mercure
de France. Bouret (Nicaise) paraissait être
fait pour le rôle, et il y mérita les applaudis-
sements qu'il reçut. » A dater de ce moment,
le protégé de Vadé devînt le niais à la mode,
ce qui ne l'empêcha pas d'exceller dans les
rôles de Crispin. La Comédie-Française, ou-
bliant ses anciens dédains à l'égard des his-
trions de la foire, engagea Bouret, dont le
début eut lieu le 2 décembre 1762, par les
rôles de Turcaret et de Crispin dans Crispin
rival de son maître; il y avait presque une
épigramme à l'adresse des sociétaires, dans le
choix fait par le nouveau venu. On se rappe-
lait encore à cette époque de quelle manière
les comédiens hauts sur pattes, comme on les
nommait à la foire, avaient traité Le Sage,
et Bouret, en homme d'esprit, se présentait
au public sous, le patronage du célèbre au-
teur de Gil Bios. Il se montra très-faible
dans le rôle du financier, mais il excita l'hila-
rité générale en jouant Crispin avec une verve
et une gaieté charmantes. Il aborda successi-
vement un grand nombre de rôles du haut
trottoir, entre autres ceux de Sosie dans Am-
phitryon ; de Crispin des Folies amoureuses;
de Crispin médecin; de Crispin, dans le Léga-
taire universel; d'Hector, dans le Joueur; de
Sbrigani dans Monsieur de Pourceaugnac ; du
Ménechme bourru, dans les Ménechmes ; de
Frontin, dans Y Impromptu de campagne, etc.
« On l'admit à l'essai dès que son début fut
terminé, dit Lemazurier. Dans le cours de
l'année suivante, il fut reçu aux grands ap-
pointements de 2,000 livres, et au nombre des
sociétaires en 1764. » Voici le jugement que
porte sur cet acteur un de ses contemporains :
« Bouret ioue supérieurement les ivrognes,
les rôles d'Alain et de Nicaise, et les Crispins.
Il est petit, mais bien fait ; son masque est
extrêmement comique, et son jeu des plus
naturels. Il a peu de voix, et son organe n'est
pas agréable dans le chant; cependant il a
tenu son coin dans nos intermèdes français. »
La Harpe, difficile d'ailleurs à contenter, pré-
tend que c'était un assez mauvais comédien.
M
l l e
Luzy, la camarade de l'artiste, rendait,
à ce qu'il paraît, plus de justice à Bouret; il
ne fut cependant pas satisfait de la manière
dont elle lui accordait son suffrage. On as-
sure qu'en parlant de lui en sa présence, et
assez naut pour qu'il pût l'entendre, elle con-
vint qu'il jouait fort bien les rôles de bête.
« Oui, mademoiselle, repartit Bouret, et
votre suffrage est bien flatteur pour moi ; vous
devez vous y connaître, monsieur votre père
en faisait. » On ajoute que ce mot était d au-
tant plus piquant qu'il frappait juste. Vers la
fin de la vie de Bouret, sa prononciation était
devenue si vicieuse qu on ne l'entendait plus.
La Comédie-Française fit une pension aux
deux enfants que laissait ce comédien.
BOURET,
BOURET, fermier général, aussi célèbre
f
iar sa grande fortune que par ses prodiga-
ités, et qui mourut insolvable, après avoir dé-
voré 42 millions en folies de tout genre. 11
était originaire de Mantes et fils d'un laquais.
Il commença sa fortune dans les voitures et sels
du royaume, et épousa la fille de Tellez d'A-
costa, lequel, de son côté, était entrepreneur
des vivres. A l'aide des rapacités et dilapi-
dations que se permettaient tous les financiers
de cette époque, et auxquelles les clameurs
de l'indignation publique ne pouvaient met-
tre de frein, sa fortune fut bientôt faite, et un
beau jour il s'éveilla fermier général. Toute-
fois, il faut lui rendre cette justice, qu'en plus
d'une occasion il montra une humanité incon-
nue aux autres traitants. Chargé de la four-
niture des blés en Provence, il approvisionna
cette partie de la France avec soin pendant
la disette de 1744, sans réaliser aucun béné-
fice et sans vouloir recevoir autre chose
qu'une médaille d'or, qui lui fut offerte par les
habitants, ce qui ne l'empêchait pas de mon-
trer en mainte occasion la vanité etl'insolence
du parvenu. Le poëte Robbé, à. qui il avait ac-
cordé une pension de 1,200 livres, et donné un
emploi, se plaignait un jour à lui de ce qu'on
lui avait refusé sa porte : « Parbleu 1 lui ré-
pondit Bouret, vous êtes un nigaud ; il fallait
dire que vous étiez à moi. — Je n'appartiens
à personne, répliqua le poBte; voici votre ar-
f
ent que je vous rapporte, et je ne veux plus
e votre emploi. » Un autre poËte ayant fait
une comédie intitulée la Confiance trahie, où
les financiers étaient assez maltraités, Bou-
ret, avec plusieurs autres fermiers généraux,
eut le crédit de faire empêcher la représenta-
tion par le lieutenant de police Sartines, plus
heureux en cela que ceux qui avaient voulu
bannir Turcaret de la scène. Le luxe, la ma-
gnificence de Bouret égalaient sa vanité.
Comme les postes étaient entre ses mains, il
avait organisé des relais qui, chaque matin,
lui apportaient le poisson frais de Dieppe, luxe
que les chemins de fer ont mis aujourd hui a
la portée du plus pauvre Parisien. Un jour, il
invita une dame à dîner ; celle-ci, condamnée
au lait, accepta sous la condition expresse
qu'il n'y aurait pas de petits pois, qui, à ce
moment, se vendaient au poids de l'or. En en-
trant dans la salle à manger, elle vit la vache
qui allait lui fournir du lait mangeant un bois-
seau de petits pois. Aussi ne fallait-il pas
s'étonner si les plus célèbres écrivains prodi-
guaient les louanges au riche financier. Vol-
taire, Marmontel, vantaient ses mérites, et
surtout sa splendide hospitalité. Mais il y avait
encore bien des gens qui ne se laissaient pas
éblouir, et qui protestaient contre l'insolence
du parvenu. Grimm raconte qu'on montrait
à Mme Geoffrin la superbe maison du fer-
mier général, et qu'on lui demanda : « A-
vez-vous rien vu de plus magnifique, de
meilleur goût? — Je n'y trouverais rien à
redire, répondit la spirituelle visiteuse, si
Bouret en était le frotteur. » Louis XV fut
moins difficile que M^e Geoffrin ; il vint visi-
ter le célèbre financier dans son pavillon du
Roi, situé dans la forêt de Rougeaux. En en-
trant, il aperçut un livre relié magnifiquement
et qui portait pour titre : le Vrai bonheur; il
était destiné à inscrire les jours où Bouret
recevrait la visite du roi. Ce livre, unique
dans son espèce, était naguère dans la bi-
bliothèque de Guilbert de Pixérécourt, le fa-
meux dramaturge. Il était composé de cin-
quante feuillets, avec un portrait de Bouret
en'tête. Un plan de la forêt de Rougeaux dé-
corait le frontispice de ce curieux volume.
Il y a néanmoins dans la vie de Bouret une
anecdote charmante. Jeune, il avait plu h
Mlle Gaussin
?
la célèbre actrice du Théâtre-
Français, qui accueillait si bien les jeunes
gens qui lui offraient leurs hommages, et ré-
pondait à ceux qui lui reprochaient sa trop
grande facilité : « Que voulez-vous? cela nous
coûte si peu et leur fait tant plaisir! » Un
iour, dans un de ces moments d'abandon dont
les plus forts ne savent pas se défendre, Bou-
ret donna à l'actrice un blanc-seing portant
sa signature. Devenu fermier général, il se
souvint de son imprudente promesse, et crai-
nait de voir sa créancière venir lui deman-
er pour le moins la moitié de sa fortune.
Mais, chose rare! au xvmc siècle comme à
toutes les époques, Mlle Gaussin était aussi
désintéressée que tendre. Elle lui renvoya son
billet, où elle avait tracé ces mots : J'aimerai
Gaussin toute ma vie. Le financier ne démentit
pas son caractère, e t , moins délicat que son
ancienne maîtresse, il lut envoya une écuelle
d'or pleine de doubles louis. Vivant sans cesse
au milieu des beaux esprits et des poètes,
notre financier se sentit pris du désir d'être
auteur, et publia les Poésies diverses du sieur
D*
1
* ; il ne dut pas manquer d'amis complai-
sants pour laver son linge sale, selon l'ex-
pression de Voltaire parlant de Frédéric le
Grand, ni même au besoin de poètes besoi-
gneux pour lui céder leurs œuvres ; chose qui
se fait souvent encore de nos jours, où les
gens de lettres ont cependant plus de respect
d'eux-mêmes et une position plus indépen-
dante qu'au siècle dernier. Le 10 avril 1777,
BOUR
BOUR
BOUR
BOUR 1119
Bouret fut trouvé mort dans son lit; on le
soupçonna d'avoir mis fin à ses jours pour
échapper à la misère et à la banqueroute.
BOURÈTES,
BOURÈTES, BOERUTES ou BOUBOCTS ,
peuplade mongole nomade de Sibérie, au
nombre d'environ 100,000 tètes; elle se sub-
divise en diverses tribus et habite le pays
situé au sud des Toungouses, sur les rives de
la Lena supérieure, du lac Baïkal et de l'An-
gara. Les Boudâtes ont la conformation phy-
sique des Kahnouks : taille ramassée et tra-
pue, membres bien découplés, visage lisse et
charnu, pommettes saillantes, sourcils étroits,
noirs et fortement arqués, ombrageant des
yeux très-rapprochés du nez, qui est camus et
aplati du haut; ils ont degrandes oreilles, des
dents très-blanches et peu de barbe. Ils sont
défiants, peu serviables, mais probes, loyaux,
bons cavaliers et excellents archers; Us peu-
vent mettre en campagne plus de 20,000 guer-
riers armés d'arcs. Cette force est au service
de la Russie, a laquelle ils se sont soumis en
1664. Ils choisissent eux-mêmes leurs princes
et leurs anciens, mais ce choix est soumis a
la sanction du gouverneur russe d'Irkoutsk.
L'été, ils habitent des huttes, dites iourtes,
recouvertes de cuir, et, pendant l'hiver, ils gar-
nissent ces huttes avec du feutre et s'habillent
de fourrures. Ils vivent des produits de leurs
bestiaux, de leur chasse et de leur industrie, et
excellent dans l'art de forger les métaux. Ils
professent une forme particulière du boud-~
dhisme, possèdent quelques notions de méde-
cine et regardent la femme comme un être
inférieur et impur, qu'ils éloignent de l'autel
des dieux domestiques,
COURETTE (Charlotte RENYER, dame CURÉ,
puis dame), femme poète et limonadière, née
à Paris en 1714, morte en 1784. Durant près
de quarante années, M
IO
Û Bourette vit venir
rue Croix-des-Petits-Champs, au café A llemand
qu'elle tenait de la succession de son premier
mari, tous les poëtes etbeaux esprits, et même
grands esprits et grands seigneurs de son
époque; chacun, tour à tour, vint s'accouder
devant elle : le duc de Penthièvre aussi bien
que Piron, le duc de Gesvre aussi bien que
Voltaire, que Sedaine, que Favart et bien
d'autres, pour débiter des madrigaux à ses
beaux yeux. Mais elle n'était pas belle seule-
ment, elle se piquait aussi de poésie et répon-
dait aux poëtes en leur langue. La Muse li-
monadière , c'est ainsi qu'on la nommait,
trônait derrière son comptoir comme Artémise
sur son lit; son café était célèbre autant que
l'avait été, au siècle précédent, la ruelle de la
Chambre bleue.
Mme Bourette a laissé plusieurs volumes de
vers et de prose ; ouvrons-les au hasard, rapi-
dement parcourons-les et voyons si de bon
aloi fut la réputation dont elle jouit si long-
temps.
En ce temps-là régnait en Prusse un prince
qui fut, entre tous les princes, ner^de sa nais-
sance et jaloux outre mesure de l'autorité que
cette naissance lui donnait, un prince absolu,
despote, tyran, et qui, par un singulier ca-
price, aima à jouer au libre penseur, au phi-
losophe, au républicain. 11 attira Voltaire à sa
cour, pour le chasser ensuite, il est vrai; il
correspondait avec Diderot, Helvétius, d'Hol-
bach, avec tous les encyclopédistes, et les en-
courageait. Dans le premier volume de la
Muse limonadière, je trouve une ode en prose
adressée au roi de Prusse, et j ' y lis les lignes
suivantes : « Roi des savants et des sages, je
suis née sur la rive de la Seine et loin des
bords fortunés de la Sprée, que tu embellis par
ta présence. Tu règnes sur les esprits; les
bornes de ton empire ne sont ni les neuves ni
les rivières; daigne recevoir aujourd'hui le
tribut de mon zèle et de mon admiration.
» Mais que suis-je,pour sacrifier sur tes au-
tels? Je ne compte parmi mes ancêtres que
des hommes sans nom; les dieux m'ont refusé
les honneurs- les titres, les dignités. Une voix
faible peut-elle chanter un roi? Oui, s'écrie la
Sagesse, tu peux chanter un roi philosophe,
qui foule aux pieds la chimère de la naissance
et qui pense avec moi qu'il n'est point d'autre
noblesse que la vertu... »
Et tout le long de cette ode même recherche,
même travail, même emphase, disons mieux :
même redondance, même mauvais goût, même
platitude.
Le roi de Prusse envoya un étui d'or à
î,ï
mG
Bourette. Est-ce une épigramme? La
poétesse ne le pensa pas, puisqu'elle le re-
mercia par les vers suivants :
Un étui, destiné pour en faire un cachet
Qui sert à sceller un secret,
N'était pas de ma compétence;
Car mon cœur est si satisfait
D'un présent de cette importance,
Qu'il ne saurait être muet,
Ni cacher les transports de sa reconnaissance.
Un j o u r , Voltaire lui fait p r é s e n t d'une tassa
de p o r c e l a i n e , e t M™
e
B o u r e t t e de tailler bien
v i t e s a p l u m e : " •
Législateur du goût, dieu de la poésie,
Je tiens de vous une coupe choisie,
Digne de recevoir le breuvage des dieux ;
Je voudrais, pour vous louer mieux,
Y, puiser les eaux d'Hippocrène ;
Mais voua seul les buvez, comme moi Feau de Seine.
Ayant à demander pour un de ses protégés
(car une telle puissance avait des protégés)
une place de médecin dans un hôpital, elle
écrit au duc de Penthièvre :
Grand prince, exauce ma prière,
Daigne envers moi te montrer libéral;
Ma demande n'est pas bien fière,
C'est une place à l'hôpital.
M
m e
Bourette a écrit aussi des comédies,
dont l'une, la Coquette punie, fut jouée au
Théâtre-Français en 1779. Il n'y aurait qu'un
simple intérêt de curiosité à analyser le talent
comique, si talent il y a, de M
m e
Bourette.
Nous n'irons donc pas plus avant, sachant
assez, par les extraits que nous venons de
donner, à quoi nous en tenir sur la poétesse du
café Allemand.
Il n'y a rien de vrai, en résumé; rien de
naturel, rien de féminin surtout dans le talent
de M
m e
Bourette; elle s'était frottée aux
poètes, mais les poëtes n'avaient laissé sur
elle de la poésie qu'une fausse couleur; tout
en elle est travaillé, cherché, verni, fardé,
f
)lat par le fond et par la forme, sans valeur
ittéraire en un mot. « Ce recueil de vers, dit
Grimm à Diderot dans sa Correspondance litté-
raire, vous divertira à force d'être mauvais et
ridicule. Notre Muse limonadière a chanté de-
puis les rois de France et de Perse jusqu'à
son porteur d'eau, ainsi que sa blanchisseuse.
Tous nos garçons beaux esprits y font leurs
vers; et M
m e
Bourette a fait imprimer en
même temps toutes les lettres qu'elle a reçues
dans sa vie. Elle dit, à propos d'une lettre d'un
M. Le Bœuf, qu'elle prouvait bien qu'il ne fal-
lait pas toujours juger des gens sur leur nom.
Cela vous fera juger de la finesse et du bon
goût de Mme Bourette. * Cependant une saillie,
un trait, un mot, un mot piquant, spirituel par-
fois, brille, miroite tout à coup au milieu de
cette composition de rhétoricien et étonne le
lecteur; et le lecteur se dit que quelqu'un des
poëtes dont nous parlions tout a l'heure, se
penchant sur l'épaule de la Muse limonadière
et regardant courir sa plume, lui a dicté ce
mot, cette saillie.
Ces éclairs d'esprit appartiendraient à
Mme Bourette, qu'ils ne suffiraient point, du
reste, à établir la haute réputation dont jouit
en son temps cette dame, et que, en vérité, il
convient de mettre sur le compte de ses beaux
yeux et sur celui de la complaisance, de la
galanterie des gentilshommes beaux .esprits
qui aimaient ces beaux yeux-là.
BOURGBOURG s. m. (bour. — Co mot est d'origino
allemande ot contient une des racines indo-
germaniques les plus fécondes. Le mot alle-
mand est burg, même sens qu'en français,
auquel on peut rattacher le mot berg, mon-
tagne ; ces.deux termes ont un sens commun,
celui d'un "objet élevé, qui sert aussi à pro-
téger et à couvrir (en allemand bergen). Berg,
dans le sens de montagne, nous ouvre toute
la série germanique proprement dite : l'alle-
mand gebùrge etgebirge, le mœso-gothiquo
bairg, le danois oierg, le cimbrique biarg,
l'anglo-saxon beorg
?
etc. La racine burg se
retrouve dans l'alémanique purgr, dans le
mœso-gothique bourgs, dans l'anglo-saxon
burg, bvrgh, burug, byng, dans l'anglais mo-
derne burgh et borough, dans le français bourg,
bourgeois, bourgmestre (burgmeister), etc.,
dans l'italien borgo et dans lespagnol àurgo.
Le sens primitif de burg a dû être d'abord
celui de ville fortifiée, et a dû primitivement
désigner le rempart qui protégeait la cité
antique. Comparons encore le grec purgos,
tour, et le nom do Pergame, qui, d'après cer-
tains scoliastes, signifie littéralement un lieu
élevé. En prenant le sens de bergen, cacher,
nous entrons dans une -troisième série d'idées :
le radical de bergen a donné naissance au
bark (écorce, ce qui protège le bois de l'arbre)
du gothique, de l'anglais, du danois, du bas-
allemand berk, de l'islandais borkur. De bark,
écorce, vient notre mot français;barque (pi-
rogue faite primitivement avec l'écorce de
certains arbres). Comme se rattachant plus
ou moins vraisemblablement à cotte racine
indo-germanique berg et burg, nous citerons
burgondes (premières populations germani-
ques qui soient devenues sédentaires); l'arabe
bordj, tour, qui semble être emprunté direc-
tement au grec purgos (voir plus hautj ; les
mots français berger, berge, auberge, héber-
ger, etc.-, l'italien et l'espagnol aloergo, de-
meure et auberge; l'italien bergolo, homme
grossier, pilier de cabaret, etc.). Gros village.
Se dit surtout de villages où se tiennent des
marchés : De tous côtés, nous remarquions des
villages bien bâtis, des BOURGS qui égalaient
des villes. (Fén.)
Ils habitaient un bourg plein de gens dont le cœur
Joignait aux duretés un sentiment moqueur.
LA FONTAINE.
— Bourg pourri. En Angleterre, Petit bourg
qui jouissait du droit d'envoyer un membre
au parlement et laissait facilement acheter
ses suffrages par un candidat : Il a été nommé
par un BOURG POURRI. Il Par anal. Localité
accusée chez nous de la même vénalité : 21
avait été élu par une espèce de BOURG POURRI,
un collège à peu d'électeurs. (Balz.)
— Syn. Bourg, bourgade. Le bourg renferme
une population plus nombreuse ; c'est presque
une ville. La bourgade pourra devenir un
bourg, elle est aussi grande que le bourg en
étendue, elle peut même être plus grande,
c'est une campagne où les habitations, sans
être encore groupées comme dans le bourg,
se rapprochent et se multiplient tous les jours.
— Encycl. Polit, et hist. En langage poli-
tique, les Anglais appellent bourg toute loca-
lité ayant le droit de se faire représenter au
parlement. Dans l'origine, c'était la couronne
qui déterminait l'exercice de ce privilège;
toutefois, il devint bientôt de tradition que les
bourgs qui en avaient une fois joui devaient
le conserver. En le conférant à de nouvelles
localités, la couronne se réglait ordinairement
sur l'importance que ces localités avaient ac-
quise durant l'intervalle d'un parlement à
l'autre. Mais cette faculté étant devenue un
moyen pour les partis au pouvoir de remplir
de leurs créatures la Chambre des communes,
la loi dut intervenir. La création de nouveaux
bourgs fut alors soumise à l'approbation préa-
lable du parlement, qui, en même temps, con-
serva le privilège de se faire représenter aux
localités qui en jouissaient.
Depuis deux cent cinquante ans, les mouve-
ments du commerce, de la navigation et de
l'industrie manufacturière ont amené en An-
gleterre des déplacements de population con-
sidérables; telle localité qui,, au moyen âge,
comptait de huit à dix mille habitants s'est
amoindrie au point de perdre les quatre cin-
â
uièmes de sa population. Malgré cette déca-
ence et cette rottenness (pourriture), pour
parler comme les Anglais, les bourgs parle-
mentaires conservèrent leurs privilèges poli-
tiques, qui n'ont pu être atteints que par le
bill de réforme.
Les conditions auxquelles s'exerce le droit
de suffrage sont les mêmes dans tous les
bourgs. Il faut être propriétaire ou locataire
d'une propriété produisant un revenu de
10 liv. sterl. (250 fr.). Il s'ensuit que le per-
sonnel électoral de ces bourgs présente dans
sa composition de très-grandes différences ;
les locataires à 10 liv. sterl. dans les petites
villes de trois ou quatre mille âmes appar-
tiennent assurément à une tout autre catégorie
sociale que les individus qui payent ce même
loyer dans la capitale et dans les grandes
villes. Les bourgs parlementaires sont au
nombre de 400. L'Angleterre proprement dite
en compte 324, le pays de Galles 14. l'Ir-
lande 39, l'Ecosse 23. C'est dans les bourgs
que se trouve le gros de l'armée du parti libé-
ral, raison pour laquelle beaucoup de ministres
anglais se sont opposés à l'extension du droit
de suffrage, de peur d'être obligés de faire une
part encore plus large à la population des
villes. Aux élections de juillet 1865, les élec-
tions des seuls bourgs anglais ont donné près
des deux tiers des suffrages aux candidats
libéraux.
— Bourgs pourris. Dès la seconde moitié du
xvme siècle, l'usage s'introduisit en Angle-
terre d'appeler bourgs pourris les localités
jouissant du privilège de représentation par-
lementaire, et dans lesquelles l'exercice de ce
privilège n'était pas sérieux, soit que les élec-
teurs fussent sous la pression d'une influence
territoriale ou autre qui les empêchait de dis-
poser librement de leurs votes, soit que ces
électeurs, étant très-peu nombreux, et sachant
bien la valeur que certaines gens et certains
intérêts attachaient à un siège parlementaire,
tinssent toujours leurs votes à la disposition
du plus offrant. Avant le bill de réforme, deux
cent cinquante sièges, c'est-à-dire un peu plus
du tiers de la Chambre des communes, se
trouvaient dans cette condition, Le bill de ré-
forme de 1832 a fait disparaître une partie de
ces abus.
La longue existence des bourgs pourris s'ex-
plique, selon l'historien Alison, par cette par-
ticularité caractéristique, que le peuple an-
glais, se préoccupant avant tout d'avoir un
gouvernement attentif aux intérêts généraux,
se montre asssz peu disposé, toutes les fois
qu'il se sent en possession de ce bienfait, à
s'Inquiéter des conditions plus ou moins symé-
triques de son système gouvernemental. L'at-
tention, un instant fixée sur les bourgs pourris
pendant la seconde partie du xvm
e
siècle, en
avait été détournée par les préoccupations de
la lutte contre la Révolution française et le
premier Empire. Tant que dura cette lutte, les
divers partis entre lesquels se partageaient
les sièges parlementaires ayant eu constam-
ment un intérêt commun, et ayant légiféré en
conséquence, peu importait au peuple anglais
que la pairie eût à sa disposition près de cent
cinquante sièges, qu'elle s'en fît à la fois un
moyen d'influence politique et de finance, que
ces sièges servissent de dot à des filles ou à
relever des fortunes ; peu lui importait encore
qu'environ cent autres sièges fussent entre
les mains de la compagnie des Indes, des plan-
teurs des Antilles, des soumissionnaires d'em-
prunts, des fournisseurs ordinaires de l'armée
et de la marine, et de quelques autres grands
industriels, commerçants ou financiers, qui,
faute de pouvoir entrer régulièrement dans la
Chambre des communes, s'y étaient introduits
par la voie des bourgs dont les votes étaient à
vendre. Ces divers intérêts avaient compris la
nécessité de se faire une place au parlement
et d'y être représentés par des talents capables
de soutenir leur cause quand le besoin s'en fe-
rait sentir. Tant que les diverses classes eurent
des intérêts communs, ces anomalies repré-
sentatives parurent sans importance. L'admi-
nistration des intérêts généraux étant profi-
table à tous, la classe qui n'y avait point de
part ne s'en inquiétait pas. Mais une fois la paix
rétablie, des divergences se manifestèrent.
Les intérêts de la production et de l'industrie
se trouvèrent tout à coup en présence des dé-
tenteurs du capital réalisé et des consomma-
teurs des grandes villes, dont les intérêts
étaient tout différents. De là un grand malaise,
une lutte ouverte entre ces divers intérêts,
des tiraillements politiques et des perturbations
économiques. Les grandes villes s'aperçurent
bientôt que c'était notamment aux proprié-
taires de bourgs pourris et aux députés qu'ils
envoyaient siéger à la Chambre des com-
munes que devait être attribuée toute une série
de mesures économiques et financières qui,
loin d'être d'aucune utilité pour leur prospé-
rité, étaient souvent diamétralement opposées
à leurs intérêts. Les avocats que les grands
centres de population avaient dans le parle-
ment prirent leur cause en main. Les premières
rencontres entre les bourgs \pourris et leurs
nouveaux adversaires ne tournèrent pas à
l'avantage de ces derniers. Parfaitement au
courant des conditions auxquelles se ratta-
chait le maintien de leur existence, préparés
d'avance à toutes les éventualités d'une lutte
à mort, les habiles orateurs qui représentaient
les bourgs menacés eurent tout d'abord facile-
ment raison d'adversaires qui en étaient encore
à étudier leur sujet. Ces désastres parlemen-
taires augmentèrent l'animosité publique con-
tre les propriétaires des bourgs pourris, et, à
partir de 1820, chaque session vit se produire
des propositions de réforme et d'enquête sur
les bourgs. Ces propositions étaient toujours
repoussées
?
mais chaque fois à une moins
grande majorité. A ce sujet, l'historien tory
que nous avons déjà cité, Alison, s'exprime
ainsi : « L'accroissement continu de la mino-
rité, aussi bien que les noms dont cette mi-
norité se composait, indiquait un changement
complet dans l'opinion publique. Les partisans
du système électoral en vigueur eussent dû
voir là un avertissement, et procéder à une
sage et prudente réforme, qui, en satisfaisant
aux plus pressantes exigences de l'opinion,
eût sauvegardé leurs intérêts et leur influence
politique. Mais les hommes avides de pouvoir
politique, et qui désirent le conserver, ne se
rendent pas à ces sortes d'avertissements. »
Les attaques contre les bourgs pourris, lors-
qu'elles eurent pris un caractère sérieux, j e -
tèrent le désarroi dans le camp libéral. Les
grandes familles -whigs, qui avaient, à l'aide
de ces bourgs, gouverné le pays depuis la ré-
volution de 16S8, ne voulaient pas qu'on y
touchât. L'un des grands adversaires de la
politique tory, Tierney, traitait de séditieuse
toute pensée de toucher aux bourgs fermés
(close boroughs) : c'était alors le nom honnête
des bourgs pourris. Le parrain du bill de ré-
forme, lord John Russell lui-même, rompit
quelques lances en leur faveur; mais, en 1830,
le mouvement populaire contre les bourgs
pourris fut si violent, que les grands chefs
whigs, qui s'étaient toujours montrés hostiles
aux politiques qui voulaient faire de la popu-
lation la base de la réforme électorale, durent
mettre leur langage à l'unisson de celui des
plus avancés du parti réformiste. M. Rœbuck,
dans son Histoire du ministère whig, rapporte
qu'un des habiles du parti donna le conseil do
sacrifier les postes avancés de la corruption,
si l'on voulait en conserver le camp. Ce con-
seil devait être suivi. Le plus ardent et le plus
logique des partisans de la réforme. Daniel
O'Connell, voulait aller du premier bond au
suffrage universel et au scrutin secret. La
proposition qu'il développa à ce sujet, dans la
séance de la Chambre des communes du
28 mai 1830, fut rejetée par 309 voix sur
322 votants: mais le même jour l'amende-
ment de lord. John Russell, tendant à faire dé-
clarer qu'il était nécessaire d'élargir la base
de la représentation nationale, et de la com-
biner de manière à faire une part équitable à
la richesse et à la population, n'était rejeté
qu'à une très-faible minorité. Ces avertisse-
ments de la Chambre ne produisirent aucun
effet sur les hommes du pouvoir. Le duc de
Wellington, chef du cabinet, déclara que le
système électoral et législatif du pays était
bon, que le pays y avait une confiance mé-
ritée, et, quant aux bourgs pourris, il n'enten-
dait rien proposer qui pût, amoindrir ce moyen
qu'avait la- propriété territoriale de faire sentir
sa prépondérance dans le maniement des
affaires de l'Etat.
Le bill de réforme (v. BILL) proposa, comme
on le sait, la suppression de cinquante-six de
ces bourgs. La défense des bourgs pourris ne
manqua d'avocats ni dans les chambres ni dans
le public. L'un des plus éloquents et des plus
habiles adversaires de la rétorme, sir Robert
Inglès, prétendit oue c'était précisément l'ab-
sence de symétrie qui faisait arriver à la
Chambre les représentants de tant d'intérêts;
cette concordia discors en ouvre, disait-il, les
portes à tous les talents, à toutes les classes,
à tous les intérêts. A l'aide des bourgs fermés,
les droits et les intérêts des Indes orientales
et occidentales, des grandes corporations, des
grands intérêts financiers et commerciaux, y,
trouvent place ; les bourgs fermés étaient à la
fois une garantie contre la prépondérance de
la propriété territoriale et celle de l'élément
populaire. Une chambre, disait-il, exclusive-
ment dominée par la propriété foncière, oppri-
merait le commerce et 1 industrie par des lois
restrictives. Une chambre qui ne représente-
rait que la population enverrait des représen-
tants qui s'évertueraient à demander le bon
marché en toutes choses. Les bourgs fermés
permettaient d'amener ces deux grands intérêts
contradictoires à établir une juste balance
entre leurs prétentions diverses. C'était, en
1120 BOUR
BOUR BOUR
BOUR
outre, le seul moyen de faire entrer dans la
chambre des jeunes gens de talent. L'indé-
pendance de caractère et le génie ne voudront
jamais, disait le représentant de l'université
d'Oxford, acquérir les talents nécessaires pour
plaire à des multitudes d'électeurs. A ces dé-
clamations, voici ce que répondait la Revue
d'Edimbourg : • Avec les propriétaires do
bourgs, leurs délégués, leurs acheteurs, leurs
locataires, leurs fermiers, il est inutile dérai-
sonner. Il ne serait pas plus absurde d'essayer
de convertir le pape du catholicisme au pro-
testantisme. En ennuyant leur prochain des
mérites de ces bourgs, en lui démontrant que
ces bourgs sont ce qu'il y a de mieux dans la
constitution anglaise, ces gens-la font leur
affaire. L'abandon d'un privilège politique
ou social, qui se traduit par de belles sommes
d'argent comptant, ne se fait tout seul que
dans les romans. Il ne faut pus s'y attendre
dans la vie réelle. »
En se voyant ainsi traités, les propriétaires
de bourgs pourris crièrent au vol et à la spo-
liation. Théologiens, juristes, philosophes,
vinrent à leur secours. Pour être très-peu
fondé, ce cri au vol était néanmoins assez sin-
cère. Comment des hommes habitués, comme
Tétaient environ cent cinquante pairs, à se
faire de beaux revenus avec leurs bourgs, à
en tirer de très-grands avantages pour eux et
leurs familles, pouvaient-ils se faire a l'idée
d'être privés de la source de ces avantages?
Ceux qui avaient acheté ces bourgs à beaux
deniers comptants se croyaient encore bien
plus volés. Ceux qui voyaient le mieux la
question invitaient le gouvernement et la na-
tion à tenir au inoins compte des droits acquis.
]>e savantes dissertations durent être écrites
pour répondre à ces sophismes. On eut besoin
de démontrer que le droit de représentation
n'est pas du tout de la même nature que le
droit de propriété j que ce dernier droit est un
droit civil, tandis que l'autre est essentielle-
ment politique. A ceux qui invoquaient la pre-
scription on répondit que la prescription pou-
vait bien, au bout d'un certain temps, légitimer
le maintien d'une propriété entre les mains du
possesseur, mais que la prescription ne pouvait
pas transformer en propriété une chose qui
ne l'était pas, si longue qu'ait pu être la pos-
session illégitime de cette chose, et qu'il était
absurde de prétendre que le droit de nommer
des députés pût être une propriété. A l'accu-
sation de vol on répondait dans la Chambre
haute par l'exemple de ce qui s'était passé
lors de la réunion de l'Ecosse et de l'Irlande.
Lors de ces deux réunions, le droit de repré-
sentation dont avaient joui les deux pays avait
dû être réduit, et, dans chacune de ces deux
circonstances, personne ne s'était avisé de
crier au vol.
Le reform bill a remédié à quelques-uns
des abus les plus criants des bourgs pourris ;
mais, dans cette voie, beaucoup reste encore
à faire. Déjà, en 1854, lord John Russell, dans
un projet de réforme qui ne devait pas aboutir,
proposait de retirer le droit de suffrage à dix-
neuf localités qui ont à la fois moins de cinq
mille habitants et de trois cents électeurs. On
était alors au commencement de la guerre
d'Orient, le pays était devenu fort indifférent
aux questions de réforme; aussi le projet qui
aurait fait disparaître un autre nombre assez
respectable de bourgs pourris fut-il retiré. Le
projet de
t
réforme présenté en 1859 par M. Dis-
raeli laissait bien à. entendre également qu'il
y avait quelque chose à faire avec ces petits
bourgs ; cependant il n'osa y porter qu'une main
timide. Son projet, qui devait avorter comme
celui qui avait été présenté en 1854 par lord
John Kussell, enlevait a un certain nombre de
bourgs en décroissance un député sur deux ;
mais, posant en principe que le droit d'élection,
partout où il existait, était la consécration
d'une influence quelconque, et qu'on ne pour-
rait substituer à ce qui existe une règle uni-
forme sans s'exposer a exclure du parlement
quelque intérêt ayant droit d'y être représenté,
M. Disraeli en concluait qu'aucun collège
[co7istituency).
)
$i petit qu'il fût, ne devait perdre
le droit de représentation que lui avait laissé
le bill de 1832. Ce qui, jusqu'à présert, a sauvé
ces bourgs et le reste du système électoral
amendé en 1832, c'est qu'il n'y a pas d'exemple
que, depuis cette époque, la Chambre des com-
munes ait, dans sa politique et sa marche,
affecté de se mettre au-dessus de l'opinion
publique. On ne saurait non plus citer une pé-
riode où la législature ait plus longuement et
plus utilement employé son temps.
Bourp (LE), poème de Crabbe. C'est le meil-
leur ouvrage du poète anglais : tout y est
animé, vivant et naturel; on croit respirer
l'air salin de ces commerçantes bourgades du
littoral de la Grande-Bretagne. Le bruit des
manufactures, la saleté des rues populeuses,
l'odeur du goudron et du galipot qui servent
au marin et au pêcheur à réparer leurs bar-
ques, la physionomie naïve et le langage pit-
toresque des habitants; rien ne manque à ce
tableau d'une réalité saisissante, digne de
l'analyste qui l'a composé. A côté de ces qua-
lités réalistes, on ne doit pas moins admirer
dans Crabbe le côté compatissant, humani-
taire de son talent; sa prédilection pour les
malheureux, pour ceux qui souffrent, et l'émo-
tion vraie qu'il fait partager à son lecteur.
Le style de Crabbe, simple, vigoureux et con-
cis jusqu'à la limite de la sécheresse, est en
même temps d'une grande force et d'une
grande précision; peu de développements,
point de banalités ni de longueurs, mais une
justesse, une propriété admirables d'expres-
sion. Ces qualités distinguent les poèmes de
Crabbe et principalement le Bourg, ce qui
explique l'influence qu'il a exercée sur la
poésie de l'Angleterre.
BOURG
BOURG (le), petit pays de France, dans
l'ancienne province de l'Anjou, autour de
Saint-Cyr-en-Bourg, dans le canton de Mon-
treuil-Belay, départ, de Maine-et-Loire.
BOURG-ARGENT
BOURG-ARGENT AL, ville de France (Loire),
ch.-l. de cant., arrond., et à 28 kilom. S.-E.
de Saint-Etienne; pop. aggl. 2,565 hab. — pop.
tôt, 3,535 hab. Cette petite ville, située sur la
Déôme., au pied de trois hautes montagnes,
possède une belle église du ixc siècle, classée
parmi les monuments historiques ; le portail
est une des productions les plus rares et
les plus curieuses de l'architecture romane.
Fabriques de peluches, de velours, moulinage
de la soie, blanchisserie; commerce de vins
du Rhône, flottage de bois.
BOURG-I>E-PÉÀGE,ville de France (Drôme),
ch.-l. de cant., arrond. et à 18 kilom. N.-E.
de Valence, sur la rive gauche de l'Isère, en
face do Romans, avec lequel il communique
par un pont de pierre ; pop. aggl. 3,605 hab.
— pop. tôt. 4,264 hab. Culture dû mûrier, fila-
ture de soie, tannerie, corderie, teinturerie,
commerce de bois et d'huile de noix. Un droit
de péage, établi dès le xne siècle sur le pont
qui traverse l'Isère, a été l'origine du bourg
et du nom qu'il porte.
BOURG-DE-TIIIZY,
BOURG-DE-TIIIZY, bourg et comm. de
France (Rhône), cant. de Thizy, arrond. et à
40 kilom. O. de Villefranche ; pop. aggl. 623
hab.—pop. tôt. 2,092 hab. Eglise du xi*-' siècle.
BOURG-DE-VISA
BOURG-DE-VISA , bourg de France (Tarn-
et-Garonne), ch.-l. de cant, arrond. et à 20
kilom. N.-O. de Moissac; pop. aggl. 411 hab.
— pop. tôt. 937 hab.
BOURG-DIEU. V. DÉOLS.
BOURG-D'OISANS,
BOURG-D'OISANS, bourg de France (Isère),
ch.-l. de cant,, arrond. et à 49 kilom. S.-E.
de Grenoble ; pop. aggl. 1,402 hab. — pop. tôt.
2,796 hab. Fabriques de toiles de coton ; mines
de baryte et d'argent. Près de ce bourg, situé
à l'entrée de la pittoresque vallée de la Ro-
manche, on voit les restes de la digue de l'an-
cien lac Saint-Laurent, formé en 1181 par la
crue subite de deux torrents dont les eaux en-
traînèrent au fond de la vallée une immense
quantité de rochers qui la barrèrent entière-
ment ; quelques années plus tard, les eaux, ac-
cumulées par les pluies, opérèrent la destruc-
tion de la digue, dont on aperçoit encore les
derniers vestiges.
BOURG-EN-BRESSE,
BOURG-EN-BRESSE, ville de France (Ain),
ch.-l. de départ., d'arrond. et de cant., sur la
rive gauche de la Reyssouse, à 422 kilom.
S.-E. de Paris et 44 kilom. N.-E. de Lyon ;
pop. aggl. 9,467 hab. — pop. tôt. 14,052 hab.
L'arrondissement renferme 10 cantons, 121
communes, 123,721 hab. Tribunal de ire in-
stance, grand séminaire, lycée impérial, école
normale, école de sourds-muets, bibliothèque;
place de guerre, chef-lieu de la 4e subdivision
de la 8
e
division militaire. Poteries, faïence,
bijoux, coutils; commerce de céréales, vins,
chevaux, bestiaux et volailles très-renommées.
Bourg est une des plus anciennes villes de
France; c'est le Burgus Segusianorum -des
Romains. Après l'invasion des Barbares, elle
fit successivement partie du royaume des Bur-
ondes, de celui des Francs sous les deux
erniers rois de la première race, et du
royaume d'Arles, a la suite du partage de
l'empire de Charlemagne. Les ducs de Savoie
la possédèrent du xi« au xvie siècle, et l'un
d'eux lui donna, en 1184, une charte commu-
nale qui fut confirmée par François I
e r
, lors-
que ce prince conquit la ville sur le duc de
Savoie. Par le traité de Cambrai, Bourg et la
Bresse revinrent à la maison de Savoie; mais
le traité de Lyon (l(?0l) les rendit à la France.
Louis XIII rit démanteler cette place en
l d l . Sous la première Restauration, Bourg
opposa une vive résistance aux armées étran-
gères , qui finirent par s'en emparer et la li-
vrèrent au pillage. Cette ville a donné nais-
sance à. plusieurs hommes illustres : Vaugelas,
Lalande, Michaud, historien des croisades, etc.
Bourg, bien bâtie, avec des rues bien percées
dû l'air et l'eau circulent en abondance, pos-
sède d'élégantes promenades et plusieurs mo-
numents remarquables.
BOURG-LÈS-VALENCE,
BOURG-LÈS-VALENCE, bourg de France
(Drôme), cant., arrond. et à un demi-kilom.N.
de Valence, sur la rive gauche du Rhône ;
pop. aggl. 2,052 hab.—pop. tôt. 3,276 hab.
Verrerie, fabriques d'indiennes, impressions
de toiles et de foulards, fonderie, taillanderie,
charronnage; commerce de planches, tuiles,
nlâtre et fers. Eglise romano-byzantine, qu'on
fait remonter a Charlemagne ; château du
Valentin.
BOURG-LASTIC,
BOURG-LASTIC, bourg de France (Puy-de-
Dôme), ch.-l. de cant., arrond. et a 60 kilom.
S.-O.de Clermont-Ferrand;pop. aggl.66 hab.
— pop. tôt. 2,579 hab. Mines de fer et de
houille; carderies de laine, tuileries, moulins.
BOURG-SAINT-ANDÉOL
BOURG-SAINT-ANDÉOL , ville de France
(Ardèche), ch.-l. de cant., arrond. et à 25
kilom. S.-E. de Privas, sur la rive droite du
Rhône: pop. aggl. 4,046 hab.—pop. tôt. 4,637
hab. Filatures de soie, tanneries, vins. Un
beau pont suspendu, un quai planté de beaux
platanes, quelques rues étroites et tortueuses
au milieu desquelles on voit quelques maisons
de la Renaissance et une belle église romane
avec tombeaux romains, sont toutes les curio-
sités que présente cette ville, qui doit son nom
à saint Andéol, chrétien venu de l'Asie Mi-
neure vers le n« siècle, et martyrisé dans les
environs. Près de Bourg-Saint-Andéol est la
célèbre fontaine de Tournes, dont les eaux
sourdent au pied d'un rocher, ou l'on remarque
les restes dun monument élevé au dieu Mi-
thra ; ils consistent en un fragment de gros-
sières sculptures taillées dans la roche vive
et à demi rongées par le temps. Aux environs,
vestiges de villas romaines.
BOURG-SAINT-MAURICE,
BOURG-SAINT-MAURICE, bourg de France
(Savoie), ch.-l. de cant., arrond. et à 27 kilom.
de Moutiers, près du confluent de l'Isère et de
la Versoye; pop. aggl. 656 hab.—pop. tôt.
2,597 hab. Mines de sel gemme situées dans la
montagne d'Arbonne, et exploitées depuis le
xive siècle; fabriques de chaux et de gypse;
commerce de bétail.
BOURG-SOUS-NAPOLÉON,
BOURG-SOUS-NAPOLÉON, bourg et com-
mune de France (Vendée), cant., arrond, et à
3 kilom, de Napoléon-Vendée; pop. aggl. 125
hab.—pop tôt. 2,264 hab.
BOURG-SUR-GIRONDE
BOURG-SUR-GIRONDE ou BOURG-SUR-
MER, ville de France (Gironde), ch.-l, de
cant., arrond. et à 12 kilom. S.-E. de Blaye;
pop. aggl. 1,770 hab.—pop. tôt. 2,781 hab.
Port sur la Dordogne, près de son confluent
avec la Garonne. Commerce de toiles, quin-
caillerie , foins dits au sel. On remarque dans
cette ville des restes d'anciennes fortifications
et de murailles romaines, des sépultures an-
tiques et une vieille maison de plaisance des
archevêques de Bordeaux.
BOURG
BOURG (Anne DU}, conseiller-clerc au par-
lement de Paris. V. DUBOURG.
BOURG-LAPRADE
BOURG-LAPRADE , homme politique fran-
çais, mort en 1816, était trésorier de France
avant la Révolution. En 1797, il entra au
conseil des Cinq-Cents, et plus tard au Corps
législatif. 11 présidait cette dernière assemblée
lors de l'attentat du 3 nivôse contre le pre-
mier consul.
BOURG-SAINT-EDME. V. SAINT-EDME.
BOURGACIURD,
BOURGACIURD, bourg de France (Eure),
arrond. et à 25 kilom. E. de Pont-Audemer;
1,320 hab. Education de mérinos et de chevaux
de race anglaise; commerce de bestiaux.
Eglise du xvc siècle, dont le choeur et le trans-
sept sont encore garnis de magnifiques vitraux
de la même époque; stalles admirablement
sculptées.
BOURGACHARD
BOURGACHARD (bour-gha-char). Hist.
eccl. Se disait de certains chanoines régu-
liers dont la règle avait pris naissance au
xvrre siècle, dans ie bourg qui porte ce nom.
BOURGADE
BOURGADE s. f. (bour-ga-de — rad. bourg).
Village ou petit bourg dont les habitants sont
disséminés sur un assez grand espace : Les
Romains étaient passionnés pour leur patrie,
pendant que ce n'était qu'une BOURGADE.
(Vauven.) Les marâtres font déserter les villes
et les BOURGADES. (LaBruy.) Si vous avez une
BOURGADEBOURGADE à gouverner, il faut qu'elle ait une
religion. (Volt.)
Dans la solitaire bourqade.
Rêvant a ses maux tristement,
Languissait un pauvre malade.
MILLBVOTE.
BOURGADEBOURGADE (François), missionnaire et phi-
lologue français, né à Ganjou (Gers) en ISOG.
A peine fut-il ordonné prêtre qu'il demanda à.
exercer son ministère en Afrique, au milieu
des infidèles; mais il ne put mettre ses des-
seins à exécution qu'en 1838. Après être resté
quelque temps attaché aux hôpitaux de Da-
naouda et de Bouifarick, il alla fonder un hô-
pital et des écoles dans la régence do Tunis.
Il revint ensuite à Paris, pour publier : Soirées
de Carthagé], dialogue entre un prêtre catho-
lique, un muphti et un cadi (1847) ; la Clef du
Coran et le Passage du Coran à l'Evangile
(1855) ; la l'oison d'or de la langue phénicienne,
et Lettre à M. Renan, réfutation de sa Vie de
Jésus.
BOURGAGEBOURGAGE s. m. (bour-ga-je—rad. bourg).
Ane. coût. Héritage roturier qui, situé dans
une ville ou un bourg fermé, n'était soumis à
aucuno espèce de redevance censuelle ni féo-
dale. I) Franc bourgage, Franche bourgeoisie,
— En Angleterre, Manière dont les villes,
bourgs et autres communautés tiennent leurs
terres, moyennant une rente ou redevance
annuelle.
— Encycl. Une terre en bourgage ou franc
bourgage était affranchie des droits seigneu-
riaux pécuniaires, tels que le relief, le trei-
zième, et autres droits et devoirs; mais parla
roture, elle était soumise a la suprématie féo-
dale et sujette à la banalité, aux plaids et
gages pleiges, à la commise, à la confiscation,
à la déshérence, à la bâtardise, etc. Enfin,
quand ces sortes de biens passaient dans les
mains de gens de mainmorte, ils devaient une
indemnité. La franchise accordée à un bour-
gage avait pour objet d'attirer des habitants
dans les villes et les bourgs. C'est surtout en
Normandie que cette coutume était en usage,
BOCK
BOCK G À NEUF, ville de France (Creuse),
ch.-l. d'arrond. et de cant., à 32 kilom. S.-O.
de Guêret, près de la rive gauche du Thau-
rion; pop. aggl. 2,530 hab. — pop. tôt 3,222
hab. L'arrondissement renferme 4 cantons,
. 41 communes et 40,022 hab. Tribunal de ire in-
stance , chambre d'agriculture* mines de
houille j carrières de pierre de taille^ fabrique
de papier, manufacture de porcelaine, bras-
series, confiseries. Château célèbre pour avoir
servi de retraite au prince Zizim , auquel
Pierre d'Aubusson, grand maître de l'Ile de
Rhodes, accorda un généreux asile , jusqu'au
jour où le malheureux frère de Bajazet II, ré-
clamé par le pape, fut conduit à Rome et em-
poisonné par l'ordre d'Alexandre VI ; la prin-
cipale tour de ce château est connue sous lo
nom de Tour de Zizim ; on en attribue la con-
struction au comte de Luré.
BOURGAZ
BOURGAZ ou BOURGHAS, ville maritime do
la Turquie d'Europe, dans la Roumélie, pa-
chalik et h. 110 kilom. N.-E. d'Andrinople, au
fond du golfe de même nom, sur la mer Noire ;
15,000 hab. Exploitation d'argile fine employée
à la fabrication de pipes et de poteries renom-
mées. Le port de Bourgaz, défendu par une
forteresse, a acquis une grande importance,
surtout depuis 1848, par la communication quo
les bateaux à vapeur du Lloyd autrichien ont
établie entre cette ville et Constantinople. Le
commerce d'exportation consiste en blé, orge,
maïs, laine, suif et eau de roses. Quant au
commerce d'importation, il est presque nul.
Aux environs, sources d'eaux sulfureuses ap-
pelées Litzia, très-efficaces contre les fièvres
intermittentes.
BOURGAZ
BOURGAZ (golfe de), baie de la Turquie
d'Europe, sur la côte occidentale de la mer
Noire, à, 110 kilom. N.-E. d'Andrinople. Il est
assez profond pour recevoir de grands bâti-
ments et présente plusieurs bons mouillages.
BOURGE
BOURGE (Mme Juliette-Hélène-Charlotto
DE), née DESTAILLEURS, miniaturiste, élève do
Saint et de Hersent, née à Paris vers 1820, a
obtenu une médaille de 3
e
classe en 1839 et
une médaille de 2
e
classe en 1843. Parmi les
nombreux portraits de personnages marquants
qu'elle a exposés, nous citerons ceux de
Mgr Parisis, évêque de Langres (1850), de
Mgr Pie, évoque de Poitiers (1850), de Mgr Du-
puch, ancien évoque d'Alger (1853), de Mgr Du-
panloup (1861), du père de Ravignan (1801), do
Mgr Mermillod, évêque de Genève (18GG). Elle
a exécuté aussi plusieurs figures d'étude et
quelques sujets religieux.
BOURGEAT
BOURGEAT (Louis-Alexandre-Marguerite),
littérateur français, né à Grenoble en 1787,
mort en 1814. Il suivit quelque temps la pro-
fession d'avocat ; mais, forcé par sa santé do
renoncer au barreau, il s'adonna à l'étude d<;s
lettres et des,, sciences , accompagna le natu-
raliste Millin dans ses excursions aux environs
de Grenoble, et se rendit à Paris en 1812. Il
publia un grand nombre d'articles biographi-
ques et critiques dans la Biographie univer-
selle, le Mercure de France, le Magasin ency-
clopédique
?
remporta en 1813 le prix propose
par la Société des sciences de Grenoble pour
la meilleure Histoire des Allobroges et des
Voconces, prouvée par les monuments et les
auteurs. Il avait commencé la traduction do
YFssai historique sur les scaldes ou anciens
poètes Scandinaves de Graber de Hemso, lors-
qu'il mourut à peine âgé de vingt-sept ans.
BOURGELAS
BOURGELAS s. m. (bour-je-la). Vitic. Va
riété de raisin à grain blanc et ovale.
BOURGELAT
BOURGELAT (Claude), véritable fondateur
des écoles vétérinaires en France et créateur
de l'hippiatrique ou médecine des animaux
domestiques, né a Lyon le 27 mars 1712, mort
à Paris le 3 janvier 1779. Il était issu d'uno
famille honorable, et plusieurs de ses ancêtres
avaient rempli des (onctions municipales et
judiciaires. Après avoir fait d'excellentes étu-
des chez les jésuites, il étudia le droit, fut
reçu avocat à l'université de Toulouse, suivit
le barreau du parlement de Grenoble^ et s'y
fit remarquer. Ayant gagné une cause injuste,
il rougit de son triomphe, et, quittant pour
toujours la profession d'avocat, il entra dans
les mousquetaires. Son goût pour les chevaux,
qui s'était déclaré dès sa première jeunesse ,
se réveilla avec force. Après avoir pris les
leçons des meilleurs maîtres d'équitation de
Paris, il sollicita et obtint la place de chef do
l'académie du roi à Lyon. Bientôt cette école
devint célèbre ; la jeune noblesse affluait de
toutes les provinces de la France pour rece-
voir les enseignements de Bourgelat. Depuis
Solleysel, jamais aucun maître d'équitation
n'avait joui en France d'une considération
aussi grande. Les étrangers) et surtout les
Anglais, le proclamèrent le premier écuyer
de l'Europe. Bourgelat se lia d'amitié avec
l'illustre Foutaut, et un autre chirurgien d'un
grand mérite, le docteur Charmeton. Secondé
par ces deux savants, il se livra pendant plu-
sieurs années à la dissection du cheval et des
autres animaux domestiques. Il lut tout ce
qu'on avait écrit avant lui sur la maréchale-
rie ; il consulta ceux qui exerçaient cet art
avec quelque réputation ; il reconnut que les
livres ne contenaient presque que des erreurs,
et que les hommes de l'art agissaient sans
aucune méthode. Il conçut alors le projet de
créer un art digne de ce nom. Auparavant,
il voulut connaître les principes de la médecine
appliquée à l'homme, afin de créer, en les mo-
difiant, la médecine des animaux. Bourgelat,
déjà avancé en âge, commença l'étude d'une
science si longue et si difficile, et devint ha-
bile médecin. Ce fut a la même époque qu'il
connut Bertin, alors intendant de la généra-
lité de Lyon. Ce dernier apprécia son mérite
et lui voua une amitié qui ne s'est jamais
démentie. Nommé lieutenant général de po~
BOUR BOUR BOUR BOUR 1121
lice de Paris, puis contrôleur général des fi-
nances , Bertin s'empressa de remplir le vœu
que lui avait, souvent exprimé Bourgelat,
d'instituer des écoles vétérinaires.
La première école vétérinaire s'ouvrit le
1
e r
janvier 1762, dans un des faubourgs de
Lyon ; elle fut placée dans un local fort exigu,
dont le gouvernement ne fit pas même l'acqui-
sition. Aucun traitement, aucune rétribution
ne fut allouée à Bourgelat, dont la fortune
était très-médiocre ; malgré cela, il se livra à
une entreprise qui exigeait de longs et péni-
bles travaux, et ne considéra que le bonheur
d'être utile. Bientôt les succès éclatants de
cette école firent connaître non-seulement
dans toute la France, mais encore dans les
pays étrangers, l'institution naissante. Le Da-
nemark, la Suède, la Prusse, la Sardaigue, la
Suisse, envoyèrent des élèves à l'école de
Lyon. C'est alors que le gouvernement fran-
çais accorda à Bourgelat le brevet de directeur
et d'inspecteur général de l'école vétérinaire de
Lyon et des écoles à établir dans le royaume,
et qu'il fonda en 1765 l'école d'Alfort. Bourge-
lat y arriva avec quelques-uns de ses élèves
les plus instruits, choisis pour le seconder
dans son enseignement; il y resta jusqu'à sa
mort. Quelques années après la fondation de
ces établissements, Bertin fit nommer Bour-
gelat commissaire général des haras du
royaume. Cette place convenait à tous égards
au créateur des écoles vétérinaires ; il résulta
un très-grand bien de la réunion dans la
même main de deux branches qui se lient inti-
mement. Les émoluments attachés aces fonc-
tions suppléèrent à la modicité du traitement
de directeur des écoles vétérinaires; traite-
ment qui ne fut payé que longtemps après
leur fondation.
Le créateur des écoles vétérinaires ne fut
pas seulement un savant hors ligne, il fut
aussi un écrivain distingué. Sabatier de Cas-
tres, dans ses Trois siècles, s'exprime ainsi en
parlant de Bourgelat : • On peut juger par la
manière dont il a écrit sur l'art vétérinaire,
qu'il aurait pu se faire, aussi bien et mieux
que tant d'autres, un nom distingué dans la
littérature. Il n'en est que plus estimable d'a-
voir préféré l'utilité générale à de vains agré-
ments, qui sont souvent plus qu'indifférents
au public. Que de services n'a-t-il pas déjà
rendus en formant des élèves dont les nations
voisines ont réclamé plusieurs fois le concours
et célébré les succès?... » Bourgelat publia,
en effet, de nombreux écrits. Le premier pa-
rut en 1747, sous le titre de Nouveau New-
castle ou Traité de cavalerie; en 1750, il
donna ses Eléments d'hippiatrique ou Nou-
veaux principes sur la connaissance et sur la
médecine des chevaux. Ces ouvrages donnèrent
à Bourgelat une grande célébrité. L'Académie
des sciences de Paris l'admit au nombre de
ses membres-, Frédéric II l'agrégea, à son Aca-
démie de Berlin. A cette même époque, les
auteurs de YEîiCyclopédie confièrent à Bour-
gelat la rédaction des articles concernant le
manège et la maréehalerie; ce fut en écri-
vant ces articles qu'il créa la science dont on
ne lui demandait que l'exposé. Les vérités qu'il
consigna dans ce recueil lui appartiennent tout
entières, et, avant comme après lui, on n'a rien
produit de mieux pensé sur la pathologie vé-
térinaire. Il approfondit l'anatomie, la physio-
logie, la pathologie ; il a observé une multitude
de maladies sur le cheval; mais il ne crut pas
avoir recueilli un assez grand nombre d'ob-
servations pour donner un traité de pathologie
vétérinaire. Bourgelat a été accusé d'avoir
voulu imposer trop despotiquement ses opi-
nions à ses disciples ; cela n'est pas strictement
vrai : il leur conseille, dans une de ses instruc-
tions, • de ne jamais déférer aveuglément à
aucune autorité, de ne se rendre l'esclave
d'aucun sentiment, de se dépouiller de tout
préjugé, de n'admettre que ce qui a été con-
stamment et fidèlement vu , et de se défier de
tout ce qui a été dit sans être démontré, de ne
donner son assentiment qu'à la vérité des faits
et aux conséquences qui en découlent natu-
rellement, en dédaignant toute espèce de sys-
tèmes, monuments de l'orgueil comme de la
faiblesse de l'esprit humain, qui peuvent en
imposer et séduire quelques moments, et que
la saine raison, tôt ou tard, détruit et ren-
verse. »
Bourgelat correspondit avec les hommes les
plus illustres de son époque, notamment avec
"Voltaire, le grand naturaliste Bonnet, Buffon,
d'Alembert, lord Pembroke, et avec Huiler, au-
quel il écrivit, en 1776, une lettre qui fut insé-
rée dans les journaux du temps. Knfin, Fré-
déric le Grand , qui sentait bien la connexité
de l'art vétérinaire avec l'art militaire, consulta
Bourgelat, par lettre, pour savoir si, dans une
affaire de cavalerie, la charge au trot était
préférable à la charge au galop. Bourgelat
opina pour le trot. Malgré toutes ses rela-
tions, malgré tous ses travaux et tous les ser-
vices qu'il avait rendus, Bourgelat fut accusé
d'orgueil et d'avarice; la meilleure défense à
opposer à tous ceux qui ont ajouté foi à ces
imputations, c'est que Bourgelat, qui n'eut ja-
mais de goûts ruineux
}
mourut si pauvre que
sa famille ne put subsister après sa mort que
par les bienfaits du gouvernement. Ce fut, en
effet, dans une séance publique de l'école d'Al-
fort ôue le ministre Bertin remit à la veuve et
à la fille de son ami les brevets de pension ac-
cordés par le roi. — Outre les ouvrages cités
plus haut, on a de Bourgelat : Eléments de
l'art vétérinaire, qui comprennent cinq traités;
îMatière médicale raisonnée (Lyon, 1765);
Anatomie comparée ou Précis anatomique du
corps du cheval comparé avec celui du bœuf et du
mouton (1766-1769); Traitéde la conformation
extérieure du cheval^ de sa beauté et de ses dé-
fauts (IT76); Essai théorique et pratique sur ta
ferrure (ml); Essai sur les appareils et sur tes
bandages (1779).— Arrêtons-nous un instantsur
le principal ouvrage de Bourgelat, son Ana-
tomie comparée du cheval, du bœuf et du
mouton. C'est à cet ouvrage que Bourgelat
doit l'honneur d'être considéré comme le créa-
teur de l'anatomie des animaux ; c'est à lui
seul que nous devons les premières notions
claires, exactes et précises sur l'anatomie du
cheval comparée à celle du bœuf et du mou-
ton. Il a découvert, il a décrit toutes les par-
ties du corps du cheval; il a comparé ces
parties avec celles du corps du bœuf et du
mouton. Vingt ans de veilles laborieuses et de
savantes observations lui ont à peine suffi
pour élever ce grand monument. « Nous ou-
vrons simplement la voie, dit Bourgelat, en
présentant son œuvre; d'autres que nous r e -
culeront les bornes auxquelles nous nous
serons arrêtés. » Depuis Bourgelat, on a
poursuivi un peu plus loin les ramifications
nerveuses et musculaires; on a trouvé quel-
ques petits muscles; et peut-être les a-t-on
créés avec le scalpel. La seule lacune que
présente cet ouvrage ne pouvait être remplie
que par les travaux de plusieurs hommes de
génie. Bourgelat ne pouvait pas deviner le
système absorbant; il crut trouver dans ses
dissections la confirmation de la doctrine de
Boerhaave sur les vaisseaux lymphatiques. 11
ne parle point du principe vital ni des sys-
tèmes vivants ; il décrit simplement le méca-
nisme des organes; il cherche à démêler les
intentions de la nature lorsqu'elle a déterminé
la structure des instruments de la vie. Lors-
que cet ouvrage parut, Vicq-d'Azyr déclara,
au milieu de la Société royale de médecine de
Paris, et il répéta ensuite souvent, que ce
livre était le mieux fait et le plus exact de
tous ceux du même genre qu'il connaissait.
Ce traité a eu trois éditions françaises, et il a
été traduit dans toutes les langues de l'Eu-
rope. Il remplit parfaitement le but que s'était
proposé son auteur. « Nous avons envisagé,
dit Bourgelat, l'anatomie comparée sous une
multitude de faces, pour la mettre à la portée
de nos élèves. Ce n'est pas sans beaucoup
d'efforts que nous avons pu parvenir à la leur
présenter d'une manière si intelligible et si
claire que nos seules descriptions guident
leurs scalpels. et qu'entraînés par l'attrait de
découvrir et de reconnaître eux-mêmes dans
la nature les parties exposées dans l'ouvrage
que nous leur présentons, ils s'adonnent avec
une espèce d'enthousiasme à une étude que
nous regardons comme le vestibule de la
science. »
A la suite des Eléments d'anatomie se trou-
vent placés deux mémoires d'un très-grand
intérêt. Le premier a pour titre : Recher'ches
sur les causes de l'impossibilité dans laquelle
les chevaux sont de vomir. Bourgelat y démon-
tre que la cause de ce phénomène résulte de
la structure même de 1 organe, et non de sa
position et de la faiblesse du diaphragme,
comme on l'avait pensé avant lui.
Le second mémoire est intitulé : Becherches
sur le mécanisme de la rumination. 11 est di-
visé en deux parties. La première renferme
la description exacte, claire et méthodique des
estomacs du bœuf. Dans la seconde partie,
l'auteur examine le phénomène de la rumina-
tion. Il prouve que cet acte est spontané,
contre l'idée de Daubenton, qui le croyait vo-
lontaire.
Nous pourrions nous en tenir là pour la bio-
graphie de ce savant estimable ; mais Bour-
gelat a été trop sacrifié dans la plupart des
dictionnaires biographiques, pour que nous
ne sortions pas de nos limites en sa faveur.
Il le mérite à d'autres titres que certains
chansonniers et certains comédiens de dixième
ordre auxquels on accorde.plus de place qu'à
ce savant créateur. Le Dictionnaire Bouillet
lui fait l'aumône de sept lignes, et les autres
biographes ne vont guère plus loin. Il s'agit
donc ici d'une réhabilitation complète, et c'est
une concession que nous nous plaisons à faire
aux nombreux artistes vétérinaires qui sou-
tiennent de leur concours la lourde entreprise
du Grand Dictionnaire. Bourgelat, nous l'a-
vons déjà dit, eut l'honneur de correspondre
avec le patriarche de Ferney ; voici deux
lettres qu'il reçut de l'immortel écrivain, et
que nous n'hésitons pas à citer en entier.
Ferney, le 26 octobre 1771.
« En lisant, Monsieur, la savante disserta-
tion que vous avez eu la bofité de m'envoyer
sur la vessie de mon bœuf, vous m'avez fait
souvenir du bœuf du quatrième livre des
Géorgiques, dont les entrailles pourries produi-
saient un essaim d'abeilles. Les perles jaunes
que j'avais trouvées dans cette vessie me sur-
prenaient surtout par leur énorme quantité,
car je n'en avais pas envoyé à Lyon la
dixième partie. Cela m'a valu de votre part
des instructions dont un agriculteur comme
moi vous doit les plus sincères remercîments :
voilà le miel que vous avez fait naître.
» Je suis toujours effrayé et affligé de voir
les vessies des hommes et des animaux deve-
nir des carrières, et causer les plus horribles
tourments ; et je me dis toujours : Si la nature
a eu assez d'esprit pour former une vessie et
tous ses accompagnements, pourquoi n'a-t-elle
pas eu assez d'esprit pour la préserver de la
pierre? On est obligé de me répondre que cela
n'était pas en son pouvoir ; et c'est précisément
ce qui m'afflige.
» 3'admire surtout votre modestie éclairée,
qui ne veut pas encore décider sur la cause et
la formation de ces calculs. Plus vous savez,
et moins vous assurez. Vous ne ressemblez
pas à ces physiciens qui se mettent toujours
sans façon à la place de Dieu, et qui créent
un monde avec la parole. Rien n'est plus aisé
que de former des montagnes avec des cou-
rants d'eau, des pierres calcaires avec des
coquilles, et dès moissons avec des vitrifica-
tions : mais le vrai secret de la nature est un
jeu plus difficile à rencontrer.
» Vous avez ouvert, Monsieur, une nouvelle
carrière, par la voie de l'expérience; vous
avez rendu de vrais services à la société :
voilà la bonne physique. Je ne vois plus que
par les yeux d'autrui, ayant presque entière-
ment perdu la vue à mon âge de soixante-dix-
huit ans; et je ne puis trop vous remercier de
m'avoir fait voir par vos yeux.
» J'ai l'honneur d'être, etc. »
Ferney, 18 mars 1715.
«Mes maladies continuelles, Monsieur,
m'ont empêché de vous remercier plus tôt du
mémoire utile et digne de vous que vous avez
eu la bonté de m'envoyer. Il y a quatre-vingt-
un ans que je souffre et que je vois tout
souffrir et mourir autour de moi. Tout faible
que je suis, l'agriculture est toujours mon
occupation. J'étais étonné qu'avant vous les
bêtes à cornes ne fussent que du ressort des
bouchers, et que les chevaux n'eussent pour
leurs Hippocrates que des maréchaux ferrants.
Les vrais secours manquent dans les pays les
plus policés. Vous avez seul mis fin à cet op-
probre si pernicieux.
B Les animaux, nos confrères, méritaient
un peu plus de soin, surtout depuis que le
Seigneur fit un pacte avec eux, immédiate-
ment après le déluge. Nous les traitons, mal-
gré ce pacte, avec presque autant d'inhuma-
nité que les Russes, les Polonais et les moines
de Franche-Comté traitent leurs paysans, et
que les commis de ferme traitent ceux qui
vont acheter une poignée de sel ailleurs que
chez eux.
o J e voudrais qu'on cherchât des préserva-
tifs contre les maladies contagieuses de nos
bestiaux, dans le temps qu'ils sont en bonne
santé, afin de les essayer quand ils sont ma-
lades. On pourrait alors, sur une centaine de
bœufs attaqués, éprouver une douzaine de
remèdes différents, et on pourrait raisonna-
blement espérer que de ces remèdes il y en
aurait quelques-uns qui réussiraient.
» Il y a, dans le moment présent, une ma-
ladie contagieuse en Savoie, à une lieue de
chez moi. Mon préservatif est de n'avoir au-
cune communication avec les pestiférés, de
tenir mes bœufs dans la plus grande propreté,
dans de vastes écuries bien aérées, et de leur
donner des nourritures saines.
D La dureté du climat que j'habite, entre
quarante lieues de montagnes glacées d'un
côté et le mont Jura de l'autre, m'a obligé de
prendre pour moi-même des précautions qu'on
n'a point en Sibérie. Je me prive de la com-
munication avec l'air extérieur pendant six
mois de l'année. Je brûle des parfums dans
ma maison et dans mes écuries; je me fais
un climat particulier, et c'est par là que je
suis parvenu à une assez grande vieillesse,
malgré le tempérament le plus faible et les
assauts réitérés de la nature.
Û Le grand malheur des paysans est d'être
imbéciles, et un autre malheur est d'être trop
négligés : on ne songe à eux que quand la
peste les dévaste, eux et leurs troupeaux ;
mais pourvu qu'il y ait de jolies filles d'opéra
à Paris, tout va bien. Je vous serai très-obligé,
Monsieur, de vouloir bien me continuer vos
bontés, quand vous communiquerez au public
des connaissances dont il pourra profiter. •
BOURGÈNE. V . BOURnAlNE.
BOURGEOISBOURGEOIS, OISE s. (bour-joi, oi-ze —
M. de Brequigny, dans sa préface du douzième
volume des Ordonnances des rois de France,
assigne l'origine suivante au mot bourgeois.
Au xe siècle, on appelait bourgs les simples
villages o.ui n'étaient point fermés de murs.
Les troubles qui agitèrent cette époque ayant
obligé de clore de murailles ces habitations,
elles continuèrent de porter le nom de bourg.
Enfin, insensiblement, ce nom ne fut donné
qu'aux lieux fermés de murs, et s'éloigna
ainsi de sa signification primitive. Il en fut
de^même du mot bourgeois, qui servit d'a-
bord à désigner les habitants des bourgs ou
villages, qu'ils fussent ouverts ou fermés.
Lorsque les bourgs fermés s'élevèrent au
rang des villes, les habitants conservèrent le
nom de bourgeois. Enfin, lorsque ces lieux
obtinrent des privilèges pour leurs habitants
réunis en corps, le nom de bourgeois devint
propre aux individus de ce corps, à l'exclu-
sion non-seulement des habitants des lieux
non privilégiés, mais même de ceux des ha-
bitants du heu privilégié, qui n'avaient pas
été associés au corps auquel le privilège
avait été accordé. Par là on restreignit l'ac-
ception première du mot bourgeois :iï n'avait
exprimé originairement qu'une idée de posi-
tion, on y joignit une idée de privilège.
V. BOURGEOISIE). Personne qui habite une
ville et jouit de certains droits particuliers
analogues aux droits de cité : Les BOURGEOIS
de Cracovie furent assez hardis pour ferme?
leurs portes au vainqueur. (Volt.)
— Par ext. Individu de la classe moyenne,
c'est-à-dire intermédiaire entre la classe ou-
vrière et la classe noble. Ce mot se prend
souvent en bonne ou mauvaise part, selon
que l'on compare le bourgeois à la classe in-
férieure ou à la classe supérieure : Si le finan-
cier manque son coup, les courtisans disent de
lui : « C'est un BOURGEOIS , un homme de rien,
un maladroit; • s'il réussit, ils lui demandent
sa fille. (La Bruy.) Il n'y a rien de si borné et
de si vain que la plupart des BOURGEOIS. (B. de
St-P.) Les BOURGEOIS font de leurs filles un fu-
mier pour les terres des gens de qualité. (Chain-
fort.) Louis XI faisait asseoir près de lui des
BOURGEOISBOURGEOIS et des gens de moindre condition.
(De Barante.) Il est temps de nous retirer,
pour faire les BOURGEOIS, pour acheter une
maison à Paris et à la campagne. (Scribe.) Il
y avait pourtant dans ses traits et dans son air
quelque chose de fier et de distingué gui ne
sentait point le petit BOURGEOIS endimanché.
(G. Sand.) Comment puis-je apprendre aux
BOURGEOISBOURGEOIS au niveau des grands de la terre.
(Ch. de Rémusat.) Il y a en France des BOUR-
GEOIS 6ien appris qui votent l'impôt, en faisant
semblant de parlementer. (Proudh.) Le vrai
BOURGEOISBOURGEOIS que le sang de mes veines ne res-
semble point au leur? (Balz.) Le BOURGEOIS a
toujours été et sera toujours, dans sa première
origine, un artisan qui a prospéré. (Lamenn.)
Il y a un abîme entre le BOURGEOIS, d'une part,
le paysan et l'ouvrier, de l'autre. (Mien. Chev.)
C'est une littérature éclatante qui a mis les
BOURGEOISBOURGEOIS est, par caractère, possesseur pai-
sible et paresseux de ce qu'il a. (Joubert.) Les
BOURGEOISESBOURGEOISES sucrées croient avoir un air di-
gne; elles ont un air officiel, voilà tout, (M
m
e E.
de Gir.)
Tout bourgeois veut bâtir cornue les grands seigneurs.
LA FONTAINE.
Aux grands airs des salons la bourgeoise emplumée
Prétend, malgré son ton, paraître accoutumée.
M » " DE GlRARDIN.
Vous ne savez donc pas jusqu'où va l'arrogance
D'un bourgeois anobli, fier de son opulence?
DESTOUCUES.
Il Personne aisée qui habite la ville, par op-
position à celles qui habitent la campagne :
Ne parles pas à un grand nombre de BOUR-
GEOIS , ni de guérets, m de baliveaux, ni de
provins, ni de regains, si vous voulez être en-
tendus! Ces mots, pour eux, ne sont pas fran-
çais. (La Bruy.)
Un amateur de jardinage,
Demi-bourgeois, demi-manant.
LA FONTAINE.
Se croire un personnage est fort commun en France;
On 5 fait l'homme d'importance,
Et l'on n'est souvent qu'un bourgeois.
LA FONTAINE.
— Civil, par opposition à militaire, mais
seulement encore, en ce sens, en parlant des
personnes de la classe moyenne : Les mili-
taires ne peuvent souffrir les BOURGEOIS, et les
BOURGEOISBOURGEOIS le leur rendent. Il fallut loger les
troupes chez le BOURGEOIS.
— Patron, maître ou maîtresse, dans le
langage des ouvriers et quelquefois des do-
mestiques : Le BOURGEOIS. Le BOURGEOIS est
content de moi. Merci! notre BOURGEOISE. Son
BOURGEOISBOURGEOIS va se marier. Va conduire cette
dame à notre BOURGEOISE, au lieu de rester là
à regarder les mouches. (E. Sue.) Aujourd'hui,
tout bon ouvrier devient BOURGEOIS à son tour,
(BLanqui.) il Se dit aussi de la part du mari
en parlant à sa femme.
— Par dénigr. Individu sans distinction,
et qui n'a que des goûts grossiers et com-
muns; se dit surtout, aujourd'hui, dans le
langage des artistes, pour qui ce mot désigne
une personne étrangère à la connaissance et
même au goût des beaux-arts : Pour une mi-
norité de gens éclairés ou de gens gui ont l'in-
stinct du beau, il existe une majorité puissante,
niaise et prétentieuse, qu'on a qualifiée du nom
de
BOURGEOIS;BOURGEOIS; le BOURGEOIS, habitué aux spé-
culations de l'égoïsme journalier, élevé dans le
culte du moi matériel, n'a guère d'autre instinct
que l'instinct de l'individualité. (Revue indé-
pendante.) Dans l'art et dans la littérature,
Je
BOURGEOISBOURGEOIS aimera avant tout ce qui rendra
avec le plus de vérité les êtres, les actions, les
choses à sa portée. (Revue indépendante.)
Quand nous leur témoignons, Proserpine et
moi, que cela nous choque, ils nous traitent de
BOURGEOISBOURGEOIS et disent que nous ne sommes pas
galants. (Boileau.) On déclara avec une telle
véhémence que tous ceux qui ne comprenaient
pas Delacroix étaient des BOURGEOIS , que nul
BOURGEOISBOURGEOIS n'osa plus protester en face des ta-
bleaux qu'on désignait à son admiration. (Du
Camp.)
— En bourgeois. En habit civil : Tous ces
militaires étaient nier EN BOURGEOIS.
— Mar. et pêch. Propriétaire d'un navire,
d'un bateau pêcheur : Le BOURGEOIS a sa part
déterminée sur le produit de la pêche.
— Métrol. Bourgeoises, Nom donné à de
petites monnaies frappées sous Philippe le
Bel, qui valaient un denier parisis (de 6 a 9 c.)-
On l'appelait souvent BOURGEOISE SIMPLE ou
SINGLE (singularis, unique). Il Bourgeoise dou-
ble ou forte, Celle qui valait deux deniers pa-
risis.
— Féod. Bourgeois fieffé, Celui qui était
habitant d'une ville dont la bourgeoisie, la
mairie, l'échevinage et la commune étaient
tenus en fief du roi ou de tout autre seigneur.
Une requête manuscrite de 1474, adressée
IL
141
1122 BOUR
BOUR BOUR BOUR
ar les habitants de Saint-Valéry, leur attri-
ue cette qualité, il Bourgeois au roi, Celui
qui, quoique domicilié dans une terre sei-
gneuriale dont les habitants étaient serfs da
seigneur, était exempt de cette servitude, en
vertu d'un privilège que le roi lui avait spé-
cialement accordé par ses officiers : On vit les
échevins se qualifier de BOURGEOIS DU ROI.
(Volt.)
— Antonymes. Noble; paysan ou campa-
gnard ; militaire ou soldat j prêtre; ouvrier et
prolétaire.
— Encycl. Les bourgeois portaient diffé-
rents noms, selon la nature et les caractères
de leurs privilèges. Il y avait d'abord les
grands bourgeois et les petits bourgeois, répar-
tis ainsi selon la redevance plus ou moins
forte qu'Us payaient au seigneur ; les francs
bourgeois étaient ceux qui n'en payaient au-
cune. Les bourgeois du roi ou bourgeois forains
ne faisaient partie que nominalement d'une
bourgeoisie ; ils n'étaient tenus ni au domi-
cile ni aux charges. L'envie d'échapper à la
juridiction de leurs seigneurs les avait pous-
sés à se jeter dans les bras de la royauté,
qui avait saisi toutes les occasions d'étendre
sa juridiction : cette bourgeoisie s'appelait
personnelle, par opposition à l'autre bourgeoi-
sie, qui était réelle. Il y avait aussi les bour-
geois fieffés, c'est-à-dire les bourgeois dont la
commune ou la mairie relevait en fief d'un
haut suzerain. Dans quelques coutumes, on
trouve des bourgeois de rivière, des bourgeois
de parcours, et diverses autres sortes de bour-
geois créés par des coutumes locales. Tant
qu'au nom de bourgeois furent attachés des
privilèges et des franchises, il fut recherché
de tous; on vit des princes et des seigneurs
se faire recevoir bourgeois: le roi de Navarre
était bourgeois d'Amiens. Mais dès que toute
vie politique eut été enlevée aux communes,
et que, par l'action toujours croissante du
pouvoir royal, les privilèges de la bourgeoisie
furent devenus de droit commun , ce titre ne
fut plus recherché, il devint même une espèce
de qualification injurieuse pour tous ceux qui
ne faisaient pas partie de la noblesse. Comme
!a bourgeoisie formait la classe la plus aisée
du tiers état, dès ce moment on voit donner
le nom de bourgeois à celui qui vit de ses
rentes : il est employé dans ce sens dans des
Lettres du rot du xv« siècle, et dans des mi-
niatures du siècle suivant représentant la
Danse macabre. Certains manuscrits de cette
époque renferment un tableau de ce qu'on a à
dépenser par jour, suivant les divers revenus :
ces tableaux arithmétiques ornaient la chemi-
née des bourgeois. Le bourgeois, qui avait été
quelque peu batailleur et turbulent pour con-
quérir et conserver sa liberté, retrouva bien-
tôt l'esprit de tranquillité et de prudence qui
a été de tout temps le signe distinctif du ca-
ractère bourgeois. Ses idées d'économie tran-
chaient singulièrement avec ce que la noblesse
avait gardé de chevaleresque et de fastueux.
Déjà, de leur temps, les trouvères et les jon-
gleurs s'en moquaient; les fabliaux où les
bourgeois sont en scène ont un tout autre ca-
ractère que ceux où figurent des chevaliers,
et contiennent les traces d'une raillerie iro-
nique, dont ces bonnes gens ne devaient pas
même se douter lorsqu ils laissaient tomber
leur pièce de monnaie dans le bonnet du jon-
gleur. Cette tendance du caractère bourgeois,
qui avait commencé par être une qualité,
puisqu'elle l'avait aidé a conquérir sa liberté et
son influence politique, se changea plus tard en
défaut ou en ridicule; et la mesquinerie, l'é-
troitesse d'idées, qui semblent être son apa-
nage, sont encore flétries, et non sans raison
peut-être, du nom d'esprit bourgeois. A partir
du xvue siècle, il n'y eut plus que les hauts
bourgeois et les petits bourgeois, c'est-à-dire
les bourgeois riches et influents , tels que ma-
gistrats, avocats, financiers, et les bourgeois
confondus dans la foule du tiers état. Le haut
bourgeois fut toujours ambitieux de se rappro-
cher de la noblesse, que certaines charges lui
conféraient ; mais le plus souvent c'était à son
urgent qu'il la devait, et, au milieu de ses
nombreux embarras financiers, la royauté
trouva des ressources immenses dans cet im-
pôt levé sur la vanité bourgeoise. Aussi un
ministre du temps disait : «Toutes les fois que
le roi crée un nouvel office, Dieu crée aus-
sitôt un sot pour l'acheter. * Cette noblesse
bâtarde faisait piteuse figure, entre la bour-
geoisie qu'elle semblait dédaigner et la vraie
uoblessej qui la repoussait. Il faut voir comme
Ins comédies du temps se moquent de ces
bourgeois et de leurs ridicules prétentions. Le
Bourgeois gentilhomme de Molière, YEcuyer
ou les Faux nobles mis au billon de Claveret,
ot mille autres ne tarissent pas en épigram-
mes sur les anoblis, à qui un nouvel édit vient
sans cesse arracher de 1 argent. Les bourgeoises
ne le cédaient à leurs maris ni en vanité ni
en ridicules; c'était même elles qui mon-
traient le plus d'impatience pour entrer dans
le corps de la noblesse, pour avoir le droit de
s'appeler madame (nom exclusivement ré-
servé aux dames nobles, les bourgeoises ne
pouvant porter que celui de mademoiselle), et
de revêtir certains costumes et certaines
étoffes interdites à tout ce qui n'était pas
noble. La distinction du noble et du bourgeois
commença un peu à s'effacer au xvin^ siècle;
cependant Voltaire s'aperçut bien, aux coups
de bâton qu'il reçut, qu'il y avait encore des
nobles et des privilégiés. C'est depuis 1789
qu'ils ont disparu, en droit du moins, car, en
fait, il y en aura toujours. Le mot bourgeois
fut dès lors employé d'une manière vague et
générale ; il désigna les habitants des villes
par opposition aux habitants de la campagne,
les gens qui jouissent d'un certain revenu par
opposition à ceux qui vivent uniquement de
leur travail. Sous le règne de Louis-Philippe,
le mot bourgeois fut une injure adressée par
les romantiques à tous crins à tout ce qui ne
tenait pas une palette ou une plume. Voici, à
cette occasion, une spirituelle boutade de
M. Nestor Roqueplan : »
• Qu'est-ce qu'un bourgeois? Telle est la
question plus souvent brûlée que traitée sur
laquelle il ne serait pas mal à propos de s'en-
tendre.
» Ce qu'il faut d'abord remarquer, c'est que
l'acception ridicule du mot bourgeois est spé-
ciale a notre France. On ne la trouve ni en
Allemagne, ni en Angleterre, ni en Espagne,
ni en Italie. Les Allemands, il est vrai, em-
ploient, à peu près dans le même sens, le mot
philistin; ils appliquent cette épithète à tout
homme dont l'âme est fermée aux clartés de
l'idéal ; mais ils n'y joignent pas la figure d'une
classe particulière dans la société civile.
» Le Georges Dandin , le Sganarelle, le
Jourdain de Molière, le Prudhomme de Henri
Monnier, le bourgeois des artistes et des petits
journaux, ce type où viennent s'incarner les
petitesses de l'esprit, les idées obtuses, les in-
cohérentes métaphores de toute une classe de
citoyens que l'on met naturellement en dehors
de f'armée et de l'Eglise, et à qui on assigne
pour limites, en bas, la population ouvrière
des villes et dçs campagnes, en haut, je ne
sais quelle noblesse aujourd'hui très-mêlée, ce
type ne se trouve que dans notre littérature.
• Si le mot bourgeois n'était qu'un terme de
convention applicable au simple béotisme, il
n'y aurait qu'a en regretter la forme ; le fond,
du moins, en serait acceptable. Le Polonius de
Shakspeare est un de ces idiots solennels
que l'on pourrait comprendre aujourd'hui sous
la dénomination de Prvdhommes ; mais le
grand poète anglais s'est bien gardé d'en faire
le représentant de toute une classe. Polonius
est de la cour. Shallow, le célèbre juge de
paix de l'amusante comédie intitulée les
Joyeuses Commères de Windsor a également
plus d'un rapport avec lé grotesque person-
nage créé par Henri Monnier.
n Voici comment le cousin de Shallow refuse
d'accepter à'dîner :
» J'ai eu le menton brisé, l'autre jour, en
» faisant des armes avec un maître d'escrime.
» Nous avons fait trois passades pour un plat
» de pruneaux cuits. Depuis ce temps-là, je ne
» peux supporter l'odeur de la viande chaude. »
» Ne semble-t-il pas que l'on entende un des
ancêtres de celui qui dira : « Je n'aime pas les
épinards et j'en suis bien aise. » Le reste est
dans la mémoire de tout le monde.
» Mais ce n'est là qu'un imbécile; ce n'est pas
le bourgeois de nos parades et de nos carica-
tures.
» D'où vient que ce type soit presque exclu-
sivement propre à la littérature française?
Est-il de pure convention, ou le modèle, s'il
n'existe plus, a-t-iljamais existé?
» Que les écrivains de la noblesse aient traité
la bourgeoisie avec d'autant plus d'imperti-
nence que la bourgeoisie n'était pas tout à fait
gent taillable et corvéable comme les paysans,
cela se conçoit encore; mais que Molière, par
exemple, qui certes était de famille bourgeoise,
et non des plus huppées, ait fait litière des ri-
dicules de sa classe et en ait régalé la cour,
il y aurait au moins de quoi s étonner, s'il
n'avait aussi turlupiné les gentilshommes.
» Ces turlupinades contre la bourgeoisie allè-
rent en s'affaiblissant aux approches de 1789.
* Les plaisanteries recommencèrent avec l'a-
vénement des nouvelles idées en art et en litr
térature. Et comme, à côté de ce mouvement
purement intellectuel, se produisait un mou-
vement politique, les attaques partirent des
deux camps diamétralement opposés. Tout ce
qui n'était pas pour l'art nouveau et pour la
politique nouvelle fut traité de bourgeois.
» L'idéal de cette figure, en ce moment, fut
complet. Encroûtement absolu dans certai-
nes idées égoïstes et mesquines, recherche
d'un art moyen et d'une politique moyenne ; le
joli et le gracieux substitués au beau et au
grand, l'ordre et le fait au progrès et à l'idée,
la taquinerie et le bavardage à la discussion ,
le correct au véhément, la fausse élégance et
les métaphores contradictoires au vrai style
et aux images suivies, en un mot la sottise
prétentieuse et immobile à la passion et à l'o-
riginalité.
» Oui
;
certes, parmi les différentes effigies de
la nature humaine, il en est qui répondent à
ce portrait, mais elles n'appartiennent pas
plus a la bourgeoisie qu'à la noblesse et
aux classes populaires. Pourquoi donc lui
avoir donné le nom et l'habit de bourgeois?
Les plus beaux spécimens de l'emphase et du
style Prudhomme se trouvent dans les plus
mauvais jours de la Révolution française, et
ce n'était pas la bourgeoisie qui les fournis-
sait.
«Ce n'est pas la bourgeoisie seule qui a fait
le succès de ces portraitistes écœurants devant
qui les dames du meilleur monde se sont em-
pressées de venir poser. D'où sont sortis
presque tous ces écrivains, ces artistes, ces
orateurs, ces philosophes, ces hommes de
guerre et ces hommes d'Etat qui ont élevé ce
pays à la hauteur où il se trouve? De la bour-
geoisie.
— AUus. Htt. :
Tout
BOURGEOISBOURGEOIS veut bâtir comme les grands seigneurs;
Tout marquis veut avoir des pages.
Allusion à deux vers de La Fontaine. V. MARQUIS.
Bourgeois d'Abi.oviiic (LE), ou la Housse
partie , fabliau de Bernier, trouvère du
xnre siècle. Ce conte a une certaine impor-
tance, non-seulement à cause de la leçon mo-
rale qu'il renferme, mais parce qu'il a sou-
vent été imité depuis. Il a fourni à Piron le
sujet de sa comédie les Fils ingrats, sujet
dont Etienne s'est emparé à son tour et dont
il a fait les Deux Gendres. Or ce bon bour-
eois, après s'être enrichi à Paris et avoir fait
ommage au roi, dont il est devenu l'homme
et le bourgeois, pense à établir son fils, et de-
mande pour lui la fille d'un chevalier ruiné par
les tournois. La famille y consent sans peine,
car de tout temps l'argent a facilité les mésal-
liances. Alors commence la grande comédie
du contrat de mariage, comédie partout et
toujours la même. La-fortune du bourgeois
f
tarait satisfaire toutes les exigences, et on
ui demande quelle part il en donne à son
fils. • Mais la moitié, » dit-il. Cet arrangement
ne satisfait point les frères de la future, et ils
en donnent une raison qui porte bien le ca-
chet du xm<-' siècle.
Ce ne porroit estre otroie",
Biaus sire, font li chevalier,
Se vous deveniiez templier
Ou moine blanc, ou moine noir
Tost lesseriiez vostre avoir
Ou a temple ou à abéïe.
Noua ne nous i acordons mie,
Non, seignor, non, sire, par foi.
Semblable crainte était bien moins chimérique
à cette époque, que ne le serait aujourd'hui
celle d'un second mariage. Entraîné par l'a-
mour paternel, le père se laisse dépouiller et
fait donation de tous ses biens à son fils. Il ne
tarde pas à s'en repentir : sa bru, hère et im-
périeuse comme toute femme, et plus encore
comme toute femme qui s'est mésalliée, sup-
orte avec impatience la présence de son
eau-père. Enfin, ennuyée de voir toujours ce
vieillard impotent et inutile, elle dit un jour à
son mari :
Sire, je vous pri par amor,
Donez congié à vostre père,
Que foi que doi l'âme ma mère,
Je ne mengerai mes des dentz
Tant com je le saurai céenz.
Ainsi vueil que li donez congié.
En vain le vieux père implore la pitié de son
fils, ne réclamant qu'un coin dans son hôtel
pour y attendre en paix la mort ; en vain il lui
demande où il doit aller, et qui voudra le re-
cueillir, lorsque son fils, qui lui doit tout, le
chasse impitoyablement. Celui-ci reste in-
flexible, excusant son ingratitude par la vo-
lonté de sa femme. A la fin, le vieillard se
dirige vers la. porte, demandant, comme grâce
dernière, une couverture pour se mettre à
l'abri du froid. Ce n'est qu'avec peine que cette
aumône lui est accordée, et le jeune fils, âgé
de dix ans , va chercher la plus neuve, et se
met ii la couper en deux; son grand-père se
récrie, dit qu'on l'a lui a donnée tout entière :
l'enfant n'en persiste pas moins h vouloir en
garder la moitié, et quand son père, amené
par le bruit de la discussion, lui demande ce
qu'il en veut faire : « Père, répond-il, je vous
chasserai comme vous l'avez chassé, et comme
il vous donna son bien, je veux avoir le vôtre,
et de moi vous n'aurez que ce que vous lui
laissez. • Le père, rendu sage par cet aver-
tisseme)^ sévère que\lui donne un enfant, se
jette aux pieds du vieillard, et lui promet qu'il
sera toujours le maître, quoi quen dise sa
femme.
Il y a dans ce petit drame un naturel et un
charme plein d'émotion, que n'ont pas égalé
tous ceux qui ont imité Bernier. Le dominicain
Thomas de Cantimpré rapporte ce fait dans
ses Histoires pieuses, mais en l'arrangeant à
sa manière, c'est-à-dire en y ajoutant un mi-
racle. Son fils ingrat est puni par un gros
crapaud qui s'attache à sa figure, et dont il
ne peut se délivrer qu'après une longue péni-
tence. Thomas est d'autant plus sûr du fait,
qu'un de ses confrères a vu à Paris l'homme
et le crapaud. Chez un autre moine, un cister-
cien , un fils ingrat qui avait indignement
chassé sa mère porta, durant treize ans , un
serpent autour de son cou, parce qu'il avait été
lui-même un serpent que sa mère avait ré-
chauffé dans son sein. Ce miracle n'était pas
plus douteux que le précédent, et il avait eu
également beaucoup de témoins. L'histoire du
trouvère Bernier subit encore diverses trans-
formations; mais c'est sous sa forme primitive
qu'elle est restée la plus saisissante, et c'est
ainsi que l'a conservée la tradition populaire.
C'est d'elle enfin, et ce n'est pas une mince
gloire, que s'est inspiré Shakspeare pour son
drame du Roi Lear.
B o u r g e o i s d e M o l l a c b a r t ( L E S ) , r o m a n p a r
M. Champfleury; Paris, 1855. Molinohart est
une petite ville du Soissonnais, où se sont
donné rendez-vous, à ce qu'il paraît, les types
de bourgeois les plus déplaisants de la France.
Vieilles filles acariâtres, avoués ridicules, ar-
chéologues tombés en enfance, faiseurs d'épi-
grammes et de madrigaux formés à l'école de
Boufflers, rien ne manque à cette collection
de figures grotesques. C'est au milieu de cette
société si tristement composée que s'écoule la
vie d'une jeune femme dont 1 histoire rem-
plit les meilleurs chapitres de ce roman.
Mme Louise Breton, jeune femme belle, sen-
sible et spirituelle, a eu le malheur d'épouser
M. Breton, avoué, épais de corps et d'esprit,
pour lequel tout ce qui fait le charme de sa
femme est lettre close. Rencontrée dans le
monde par M. Julien de Vorges, elle a excité
en lui une passion profonde qu'elle craint de
•partager. L'avoué, qui joue avec une com-
plaisance digne d'éloge son rôle de mari
î
in-
troduit l'ennemi dans la place. Tout se ligue
contre la vertu de Louise : la stupide conduite
de son mari, les vexations quotidiennes que
lui inflige Ursule Breton, vieille fille dou-
blée d'une bigote, jalouse de sa belle-sœur, et
• qui l'accuse intérieurement de lui avoir volé
1 héritage que lui aurait laissé son frère s'il
était resté célibataire; la réserve de M. de
Vorges, qui déguise son amour sous les dehors
de l amitié. Le jeune comte a une sœur en
pension chez M'
l c
Chappe, intrigante habile
qui découvre le secret de ses amours et l'a-
mène par son hypocrisie à le lui confier. Maî-
tresse de la position, elle sert d'intermédiaire
aux deux amants, malgré Louise d'abord, plus
tard avec son consentement, et se fait payer
sa discrétion en tirant à boulets rouges sur le
coffre-fort de M. de Vorges. Avant de servir
les deux amoureux, elle avait averti Ursule
Breton de sa découverte, et un jour Louise
est surprise par son mari, sortant de chez
M
1Ie
Chappe quelques minutes avant Julien.
Un supplice de chaque jour commence pour
elle; son mari, excité par Ursule, l'accable
d'humiliations. Une bonne, gagnée par M. de
Vorges, lui offre un asile chez sa sœur ; éper-
due, elle accepte, s'enfuit et trouve Julien
qui l'attendait. Au sortir d'un pareil enfer, qui
aurait le courage de se dérober aux joies du
paradis? Louise s'abandonne à son amour et
part pour Paris avec son amant. Le comte,
fatigué des demandes multipliées d'argent do
Mlle Chappe, ne lui répond plus, et l'institu-
trice, traîtresse pour la troisième fois, vend à
la méchante Ursule la correspondance de
Louise. M. Breton, excité par sa sœur, et les
preuves de l'adultère en main, fait arrêter les
deux coupables. Le comte ne redoute pas la
prison ; ce qu'il craint, le croirait-on? c est la
liberté après la condamnation, car, malgré
lui, il en est arrivé à ne plus aimer que par
devoir celle qu'il a séduite. Aimer par devoir,
c'est une hypocrisie généreuse du cœur bien
inutile, car elle fait deux malheureux.
On trouverait difficilement une physionomie
plus attrayante par sa grâce mélancolique et
résignée, et qui fasse plus rêver que cette
martyre provinciale, Louise. Les hésitations,
les combats, les chutes, les remords de cette
âme fière et fragile sont retracés par M. Champ-
fleury en fin observateur, et gradués avec un
art tout à fait délicat. Dans ce large cadre, la
vie de province avec ses mesquineries, la pe-
tite ville avec ses jalousies, ses taquineries et
ses petites infamies si habilement voilées, sont
dépeintes sous leurs véritables couleurs. Ce
roman est peut-être le meilleur de M. Champ-
fleury sous le rapport du plan et du dévelop-
pement de l'action, tout en conservant l'exac-
titude d'analyse habituelle à l'auteur. Le style
est généralement correct, simple et animé
d'une douce chaleur. Il y a du charme et de la
vérité dans le contraste de cette nature déli-
cate avec les vulgarités qui l'entourent. Deux
Îiarties marchent ainsi de front dans ce livre,
e drame et la caricature, le développement
d'une donnée touchante, et un- tableau quel-
que peu chargé des mœurs bourgeoises en
province. De ces deux parties, c'est malheu-
reusement la seconde qui tient le plus de
place, et l'élément romanesque a été trop sou-
vent sacrifié à l'effet comique. Le tableau a
pu y gagner en vérité, mais le récit y a cer-
tainement perdu en intérêt. Bonneau, archéo-
logue un peu timbré, qui mesure les monu-
ments avec son parapluie, forme un type
certainement risible, mais aussi inutile et
embarrassant que son inséparable parapluie.
Le côté comique et satirique du talent de
M. Champfleury brille dans tout son éclat et
amène forcément un sourire ironique sur les
lèvres lorsqu'on lit la critique si fine des sa-
vants de clocher et qu'on assiste, en compa-
gnie de l'auteur, à la séance d'une Société
d'érudits recrutés parmi des vaniteux igno-
rants, dont chaque membre n'a qu'un but,
obliger ses collègues à applaudir ses ridi-
cules élucubrations. Le réaliste apparaît ici
dans toute sa pureté, car les types sont si na-
turels et si familiers que le lecteur se voit en
pays de connaissance. La moralité qui se dé-
gage de ce roman est celle-ci : l'éternité de
T'ainour est chose impossible, et la violation
des devoirs, même après une héroïque résis-
tance , est toujours punie, ou, ce qui est plus
conforme au réalisme : le plaisir satisfait en-
gendre la satiété.
B o u r g e o i s d e P a r i s (MÉMOIRES D ' U N ) , p a r
le docteur L. Véron. V. MÉMOIRES.
B o u r g e o i s g e n t i l h o m m e (LE) , COmédie-bal-
let en cinq actes et en prose, de Molière, avec
des divertissements, musique de Lulli, repré-
sentée à Chambord le 14 octobre 1670, et à
Paris, sur le théâtre du Palais-Royal, le 29
novembre suivant. Dans cette pièce, comme
dans les Précieuses et les Femmes savantes,
l'immortel comique a livré aux rires du par-
BOUR
EOUR
BOUR
BOUR 1123
terre cette prétention, si commune à la ri-
chesse roturière, de vouloir figurer avec la
noblesse et en singer les manières. L'unique
désir de M. Jourdain, un bourgeois enrichi, est
en effet de passer pour un pariait gentilhomme
et d'élever à la hauteur d'une si belle ambi-
tion son air, ses manières, son langage, son
éducation et toute sa maison. Quoique la
chose soit un peu difficile, le riche bourgeois
ne se décourage pas et met tout en œuvre
pour réussir. Il prend des maîtres d'armes, de
musique et de danse, voire même un maître
de philosophie..... afin d'apprendre l'ortho-
graphe : il se mé'nage des amis à la cour,
adresse des billets galants aux dames de
qualité et se donne toutes les peines du monde
pour faire oublier sa naissance. A force de
vouloir passer pour noble, M. Jourdain a fini
par se persuader qu'il l'est réellement. Dès
lors, on le conçoit, sa hauteur et son ambition
n'ont fait que s'accroître ; aussi n!est-oti pas
étonné de le voir refuser la main de sa nlle
au jeune Cléonte, parce que celui-ci n'est pas
gentilhomme. M. Jourdain veut avoir un mar-
quis pour gendre. Le dénoûment de cette
intrigue est une farce plus réjouissante que
vraisemblable , à laquelle nous a préparés
l'extravagance du bonhomme aussi crédule
que vaniteux. Covielle, valet de Cléonte;, ima-
gine une mascarade, au moyen de laquelle il
espère faire consentir M. Jourdain au mariage
de sa fille avec son maître. Pour flatter les
prétentions nobiliaires de notre bourgeois, le
drôle, s'étant déguisé, vient lui apprendre que
le fils du Grand Turc est devenu amoureux
de sa fille et qu'il vient la lui demander en
mariage. Bientôt, en effet, Cléonte entre mé-
tamorphosé en Turc, et cette fois, grâce à
son titre, il obtient facilement ce qu'on lui a
d'abord refusé tout net. Loin de soupçonner
qu'il puisse être l'objet de quelque mystifica-
tion, M. Jourdain s'estime très-heureux d'une
si haute alliance, et il a en outre, pour mettre
le comble à ses vœux, l'insigne honneur d'être
nommé mamamouchi, dignité aussi peu connue
à la cour du Grand Seigneur q u à celle de
Louis XIV. Les trois premiers actes sont d'un
excellent comique, et l'exposition, dans la
première scène, est digne des meilleures pièces
de Molière. Le maître de musique et le maître
de danse y donnent une idée très-juste du ca-
ractère de M. Jourdain. Leurs vanités et
leurs prétentions sont développées avec beau-
coup d'art, et, rapprochées de celles du héros
de la pièce, servent à les' rendre encore plus
comiques ; mais cette exposition, qui fait con-
naître le côté ridicule de M. Jourdain, ne nous
instruit pas de l'action, qui ne commence, pour
ainsi dire, qu'au troisième acte, par l'op-
position de madame Jourdain et de Nicole,
sa servante. Molière semble avoir voulu ra-
cheter ce défaut par la gaieté des scènes
et l'originalité des personnages. Les deux
premiers actes ne représentent que la ma-
tinée d'un homme occupé à recevoir des
maîtres et des ouvriers; et tout nous attache,
nous captive, nous ravit; il n'y a pas jusqu'à
une leçon de grammaire que l'auteur n'ait su
rendre plaisante. On s'étonne vraiment que
Molière ait trouvé une source aussi inépuisable
de comique dans les circonstances les plus
communes de la vie. Nous venons de dire que
l'action proprement dite commence au troi-
sième acte. On n'en pouvait imaginer une plus
-naturelle ni plus propre à faire ressortir les
travers du principal personnage. Le caractère
de Mme Jourdain, surtout, est peint d'après na-
ture : c'est une bonne bourgeoise qui, loin de
se prêter aux fantaisies de son mari, les com-
bat à outrance, avec la Brusque franchise des
femmes du peuple. Elle nous rappelle cette
bonne Thérèse Cascayo, l'épouse de l'honnête
Sancho Pança. La discussion entre monsieur
et madame Jourdain est également imitée
d'un entretien fort comique entre Sancho
Pança et sa femme. On a blâmé le dénoû-
ment de la pièce, comme par trop invraisem-
blable. Il est certain, en effet, que Molière
aurait pu donner moins de prise à la critique
en supposant quelque autre personnage que le
fils du Grand Turc; mais il paraît qu'il n'eut
pas la liberté 'du choix, et que le roi Louis XIV
lui-même lui donna l'idée de mettre les
Turcs sur la scène, pour se venger du peu
de. cas que l'ambassadeur de la Porte avait
fait de sa magnificence un jour d'audience so-
lennelle. Quant à la cérémonie burlesque du
mamamouchi, M. Victor Fournel pense que
Molière en a pris l'idée dans le XI
e
livre de
F/ancion, roman de Charles Sorel, dont il
s'est plus d'une fois souvenu dans ses autres
ouvrages. On s'est beaucoup récrié sur la cré-
dulité de M. Jourdain; mais les Annales de
Normandie rapportent un fait de vanité cré-
dule encore plus singulier : «L'abbé de Saint-
Martin se laissa persuader par des mystifica-
teurs que le roi de France, après avoir lu ses
ouvrages, l'avait créé mandarin et marquis
de Miskou. Il fut reçu avec des cérémonies
encore plus burlesques que celles du Bourgeois
gentilhomme, et ne manqua jamais, depuis, de
joindre ces titres à sa signature 1 Le Bourgeois
gentilhomme, représenté devant Louis XIV, fut
d'abord très-mal accueilli ; le roi n'en dit pas
un mot à son souper, et les courtisans, qui
avaient pris ce silence pour une improbation,
le déclarèrent, tous d'un commun accord, une
farce détestable. Molière, consterné, n'osait se
montrer. Aussi quel ne fut pas son triom-
phe, lorsque, après la seconde représentation,
Louis XIV lui adressa ces paroles bienveil-
lantes : « J e ne vous ai point parlé de votre
pièce à la première représentation, parce que
j'ai appréhendé d'être séduit par la manière
dont elle avait été représentée : mais, en vé-
rité, vous n'avez rien fait qui m'ait tant di-
verti, et votre pièce est excellente. « Aussitôt,
comme on se l'imagine, Molière fut accablé
de louanges : « Cet homme est inimitable, di-
sait certain duc qui s'était surtout signalé par
la sévérité de sa censure ; il y a un vis comica
dans tout ce qu'il fait, que les anciens n'ont
pas si heureusement rencontré. » Le Bour-
geois gentilhomme obtint a Paris un grand'
succès. Chacun croyait y reconnaître le por-
trait de son voisin, et on ne se lassait point
d'aller applaudir cette peinture si vraie et si
naturelle des vaniteuses prétentions de la ri-
chesse roturière, R Le personnage de M. Jour-
dain, dit La Harpe, est un des plus vrais et
des plus gais qui soient au théâtre. Tout ce
qui est autour de lui le fait ressortir : sa femme,
sa servante Nicole, ses maîtres de danse, de
musique, d'armes et de philosophie; le grand
seigneur son ami, son confident et son débi-
teur ; la dame de qualité dont il est amoureux ;
le jeune homme qui aime sa fille et qui ne peut
l'obtenir, parce qu'il n'est pas gentilhomme ;
tout sert à mettre en jeu la sottise de ce pau-
vre bourgeois... Molière a su tirer encore des
autres personnages un comique inépuisable ;
l'humeur brusque de M"
16
Jourdain, la gaieté
franche de Nicole, la querelle des maîtres sur
la prééminence de leur art, les préceptes de
modération débités par le philosophe qui, un
moment après, se met en fureur et se bat en
l'honneur et gloire de la philosophie ; la leçon
de M. Jourdain, à jamais fameuse par sa dé-
couverte, qui ne sera jamais oubliée, que de-
puis quarante ans il faisait de la prose sans
le savoir. (V. PROSE.) La galanterie niaise du
bourgeois et le s^ng-froid cruel de l'homme de
cour...., la brouillerie des deux jeunes amants
et de leurs valets, sujet traité si souvent par
Molière, et avec une perfection toujours la
même et toujours différente : tous ces mor-
ceaux sont du grand peintre do l'homme, et
nullement du farceur populaire. » Le célèbre
Lulli joua un rôle dans cette pièce, s'il faut
en croire l'anecdote suivante : Le musicien
florentin avait acheté la charge de secrétaire
du roi ; il alla trouver la compagnie pour se
faire recevoir, mais ces messieurs lui répon-
dirent unanimement qu'ils ne voulaient pas de
farceur. Il eut beau leur dire qu'il n'avait ja-
mais joué sur le théâtre que trois fois, dans le
Bourgeois gentilhomme, et cela devant le roi ;
ils furent sourds. Il alla s'en plaindre au mi-
nistre Louvois, qui lui dit aue les secrétaires
du roi avaient raison. « Quoi ! monsieur, lui ré -
pondit Lulli, si le roi vous ordonnait, tout mi-
nistre que vous êtes, de danser devant lui,
vous le refuseriez?» Louvois, ne sachant que
répondre, lui expédia un ordre qui le fit rece-
voir. Le Bourgeois gentilhomme était à peine
joué, que le bruit suivant se répandit, o On
assure, disait un contemporain, que le nommé
Gandouin, chapelier millionnaire, homme de-
venu la fable de tout Paris par sa prodigalité,
a été, pour Molière, le type de M. Jourdain. »
On affirma aussi que Rohault, ami de l'illustre
auteur comique, lui avait servi d'original pour
tracer son maître de philosophie. • Quoi qu'il
en soit, c'est le cas de dire que la copie est su-
périeure à l'original, le génie de l'écrivain
ayant donné l'immortalité à un ridicule péris-
sable. La scène d'amour des deux jeunes gens
est restée célèbre, même comparée à celle du
Dépit amoureux. En un mot, cette farce,
comme affectent de l'appeler certains écri-
vains , charme encore les spectateurs du
xixe siècle, et tout fait espérer qu'elle vivra
aussi longtemps que les immortels chefs-
d'œuvre de celui qui l'a écrite pour se dé-
lasser.
Le nom de M. Jourdain est resté prover-
bial ; l'analyse que nous venons de donner du
Bourgeois gentilhomme suffit pour faire con-
naître dans quel cas on peut assimiler un par-
venu ridicule à M. Jourdain. (V. ce mot.)
B o u r g e o i s e s à l a m o d e (LES), comédie en
cinq actes et en prose, de Dancourt et Saint-
Yon, représentée à la Comédie-Française, le
15 novembre 1692, sous le titre de : les Fem-
mes à là mode. Angélique, femme de M. Si-
mon, notaire, et Araminte, femme de M. Grif-
fard, commissaire, sont possédées de la funeste
manie de singer les grandes dames de leur
siècle. Le chevalier, jeune intrigant qui cher-
che à séduire Marianne, la fille de M. Simon,
engage Angélique à donner à jouer.chez elle,
ainsi que le font les femmes de qualité. Ce
projet sourit à la folle bourgeoise, qui avertit
son mari qu'elle a perdu un diamant de grande
valeur. C est un mensonge de précaution en
vue des éventualités où peut l'entraîner le
goût des dépenses exagérées. Sur ces entre-
faites, M^e Amelin, revendeuse à la toilette,
se présente pour réclamer le montant d'un
mémoire. Angélique, qui manque d'argent,
charge Lisette, sa soubrettej de dire à la
marchande : « Madame a besoin de cent louis,
elle vous en doit trente, faites-lui prêter six
cents écus sur ce diamant qui vaut trois cents
pistoles, elle vous payera vos trois cent dix \
livres. » Mme Amelin accepte le marché. Pen- \
dant ce temps, M. Simon, qui brûle d'une
flamme adultère pour Araminte, se déclare j
prêt à tous les sacrifices pour obtenir un ac-
cueil favorable. Araminte, dont les ressources
financières sont fort modestes, n'a garde de
se montrer trop sévère. Angélique, son amie,
à laquelle elle a tout confié, l'encourage à
tondre de près le no'taire infidèle, en se réser-
vant le droit de partager la toison!... M. Grif-
fard s'éprend à son tour d'Angélique, et es-
père réussir... argent comptant!... Au dé-
noûment, les deux maris finissent par se
trouver bernés, et le chevalier, qui n'est au-
tre que le fils de M^c Amelin, épouse Ma-
rianne, dont il est aimé. Cette comédie repro-
duit, on le voit, le fac-similé le plus exact des
mœurs corrompues de l'époque , ce qui ex-
plique comment les contemporains ne se ré-
voltèrent point contre des détails si risqués.
Elle obtint vingt-six représentations à l'ori-
f
ine. « Cette pièce, dit le Mercure de France
a mois de novembre 1734, est imprimée sous
-le nom de M. Dancourt; cependant elle n'est
pas tout à fait de lui ; M. de Saint-Yon, pre-
mier auteur de cette charmante comédie, s'en
est déclaré le père, et a revendiqué son ou-
vrage d'une manière à faire honneur à celui
qui se l'est approprié, puisqu'il a avoué de
bonne foi qu'il en devait le succès aux agré-
ments que M. Dancourt y avait répandus, et
à quelques changements qu'il y avait faits. »
La comédie des Bourgeoises à la mode se re-
commande par quelques-unes des qualités les
plus enviables pour un auteur comique. L'in-
trigue est habilement conduite, les caractères
se soutiennent et le dialogue se distingue par
une fermeté et un naturel peu communs. Ara-
minte, courtisée par M. Simon, ditàAngélique,
femme de ce dernier : « Il ne tient qu'à moi de
le ruiner; tout son bien est à mon service. » —
Angélique répond : «Ehl mort de ma viel
prenez toujours à bon compte; il n'y a point
de mal à ruiner un mari, quand sa femme
partage les revenants-bons de l'aventure. » On
voit que Dancourt entendait assez bien le dialo-
gue réaliste pour l'époque à laquelle il vivait.
« Dans cette pièce, dit M. Hippolyte Lucas, on
voit deux femmes qui, ne pouvant plus arra-
cher d'argent à leurs époux, choisissent cha-
cune pour caissier le mari l'une de l'autre et
le payent d'espérances trompeuses. Ces deux
imbéciles maris, croyant satisfaire les caprices
de leurs maîtresses futures, font honneur,
sans s'en douter, aux dettes de leurs femmes,
qu'ils ne voulaient pas acquitter. — Où allez-
vous donc, dit Lisette à Angélique qui sort.
— Je vais dépenser de l'argent, puisque j'en
ai, répond Angélique tout naturellement. »
Cette simple phrase peint tout un caractère.
Voici le jugement que Geoffroy, le célèbre
critique du journal des Débats, a porté sur.
cette pièce : « Je suis bien aisé de connaître le,
train de vie des bourgeoises qui étaient à la
mode il y a cent dix ans. Je compare avec
plaisir les femmes de 1692 avec les femmes
de 1802; et si je suis fâché de quelque chose,
c'est de trouver en elles si peu de différence.
Si les actrices eussent voulu paraître sous le
costume que portaient, il y a un siècle, les
femmes de notaire et de commissaire, le con-
traste eût été frappant et risible, mais les
mœurs sont presque les mêmes. Du temps
de Dancourt, les bourgeoises à la mode
veillaient la nuit et dormaient le jour; les
plaisirs étaient leur grande affaire ; elles
connaissaient à peine leur ménage et leur
mari; elles levaient de fortes contributions
sur leurs amants, et leur unique occupation
était d'avoir beaucoup d'argent, pour en dé-
F
enser beaucoup. On peut être surpris que
intervalle d'un siècle ait apporté si peu
de changement à de pareilles mœurs ; mais le
temps reprend ses droits, lorsque l'on consi-
dère que, dans l'espace d'un siècle, les ridi-
cules particuliers de quelques folles sont de-
venus les mœurs générales. Dans un' pareil
progrès, on peut reconnaître l'ouvrage d'un
siècle : Dancourt, en se moquant de deux
bourgeoises écervelées, avait pour lui toutes
les femmes de qualité, toutes les bourgeoises
raisonnables ; c était alors la majorité. Au-
jourd'hui Dancourt est un impertinent, un
écrivain de mauvais ton, qui dégrade la scène
par ses caractères extravagants et méprisa-
bles ; il a contre lui toutes les femmes qui
ressemblent aux bourgeoises à la mode, mais
ne veulent pas se reconnaître dans le portrait
qu'il en fait : l'universalité des vices amène,
toujours l'hypocrisie des mœurs, et l'hypo-
crisie des mœurs détruit essentiellement toute
espèce de comique, pris dans la nature et
dans la vérité.
• Notre délicatesse est choquée de la naïveté
et de la bonne foi de ces deux femmes, qui
conviennent ingénument qu'elles n'aiment
point leurs maris, qu'elles n ont pas de plus
grand plaisir que de les tromper et de les
piller, et qui se montrent si peu scrupuleuses
sur les moyens de se procurer de l'argent ; ce
langage est trop vrai, trop naturel; on pense,
on agit aujourd'hui de même, mais on parle
tout autrement. Les femmes, en général, n'ai-
ment point qu'on dévoile sur la scène leurs
mystères, leurs intrignes, leurs travers; elles
connaissent tout cela beaucoup mieux aue les
auteurs eux-mêmes ; elles sont rassasiées et
rebattues de ces misères-là. Pour les amuser
au théâtre, il faut leur présenter quelque ca-
ractère qui leur soit moins familier, de3 objets
nouveaux, des femmes honnêtes et de beaux
sentiments.
» La distinction des bourgeoises et des fem-
mes de qualité n'existe plus ; il n'y a qu'une
classe qui marque dans la société, celle des
femmes riches. Il n'était pas possible autrefois
aux bourgeoises, même avec de l'argent, d'imi-
ter les femmes de qualité; et les efforts
qu'elles faisaient pour s'élever au-dessus de
la roture fournissaient aux postes comiques
des traits originaux. Mais pour imiter aujour-
d'hui les femmes riches, il ne faut que des écus ;
celle qui en a le plus a le meilleur air et le ton
le plus distingué. Une partie des ridicules des
Bourgeoises à la mode est donc anéantie par
le nouveau système social, qui n'admet que
l'inégalité des fortunes... Si les deux bour-
geoises ressemblent beaucoup aux femmes d'à
présent, leurs maris, en récompense, sont
bien différents des hommes d'aujourd'hui.
M. Simon et M. Griffard sont de vieilles cari-
catures, affublées d'énormes perruques, des
barbons dégoûtants, niais et ridicules; nos
notaires et nos commissaires sont bien plus
aimables et plus avisés ; ils ont une bien autre
tournure : on ne les voit pas sottement amou-'
reux ; ils connaissent mieux la valeur de l'ar-
gent ; peut-être ils n'en donnent pas plus à leurs
femmes, mais quand ils en donnent aux fem-
mes des autres, ils savent mieux pourquoi...
Il y a, dans la pièce, un petit chevalier de
lansquenet qui se fait passer pour homme de
qualité, quoiqu'il soit hls d'une revendeuse à
la toilette... On est choqué de ce que cet in-
trigant, reconnu et démasqué, finisse par
épouser la fille du notaire ; et qu'Angélique,
si entêtée de la noblesse, consente à s'alliera
une revendeuse à la toilette, pour une somme
de vingt mille écus que cette femme s'engage
à donner à son fils; mais le sot orgueil s'allie
très-bien avec les sentiments les plus bas. »
B o u r g e o i s e * d e q u a l i t é (LES), Comédie en
trois actes et en prose, de Dancourt, repré-
sentée à la Comédie-Française, sous le titre de
la Fête du village, le 13 juillet 1700. (Depuis
la reprise du 25 septembre 1724, elle a tou-
jours été jouée sous le titre des Bourgeoises
de qualité.) Dans cette comédie, Dancourt
présente quatre femmes, toutes livrées à la
même manie, mais dont les caractères ont
des différences très-marquées. La greffière
veut épouser un jeune gentilhomme ruiné :
l'unique désir de devenir comtesse l'aveugle
sur tous les inconvénients de l'union qu'elle
cherche à former. Pour faire accepter la
donnée de ce caractère un peu exagéré,
l'auteur fait de la greffière une sotte.
M
m e
l'élue est une bourgeoise triste et ja-
louse; c'est elle qui supporte le moins pa-
tiemment les impertinences de sa cousine,
lorsque celle-ci 1 appelle bourgillonne. « Ah !
ciell s'écrie-t-elle, bourgillonne ! moi, qui suis,
par la grâce de Dieu, fille, sœur et nièce de
notaire \- (Cette réponse est une parodie de
ces vers de Virgile :
Ast ego, quœ divûm incedo regina, Jovisque
Et soror et conjux).
(£»., I, 46.)
Mme Carmin a une physionomie différente ;
c'est une marchande de laines de la rue des
Lombards, qui a fait fortune, et qui vient d'a-
cheter à son mari une charge de président
dans une élection. Quelle aubaine pour les
bourgeoises ! Aussi M
m e
l'élue, qui est la plus
mordante, lui dit-elle aussitôt : « Vous m'avez
vendu des laines éventées que je vous ren-
verrai, madame la présidente. » M»
16
Blandi-
neau est la plus aimable des quatre femmes ;
moins vaine et plus coquette, elle aime à voir
grande compagnie. Elle fait les honneurs de
sa maison avec magnificence, et ne pense
qu'à rire et à passer son temps agréablement ;
1 autorité qu'elle a sur un mari dur et avare,
la manière dont le maître clerc se soumet à
ses fantaisies, «rouvent que M"
36
Blandineau
ne manque ni d'esprit ni d'agréments. Les
autres personnages sont peu importants. Les
deux amants de rigueur manquent de la
teinte romanesque exigée par la comédie. Il
y a, en revanche, de la grâce et une certaine
naïveté dans le rôle d'Angélique. Quant aux
deux procureurs, ils conservent le caractère
de leur état, ce qui leur ôte de prime abord
la sympathie.des spectateurs. Cette pièce, qui
possède, après tout, les qualités essentielles
de la comédie, pourrait avoir plus d'ensemble ;
les scènes gagneraient à être liées avec plus
d'art, mais, telle quelle est, elle à-toujours
réussi au théâtre. Dancourt y a prodigué les
.traits piquants et les vives reparties. La co-
médie des Bourgeoises de qualité obtint à l'o-
rigine dix-huit représentations. « C'est, dit le
célèbre critique Geoffroy, une des meilleures
et des plus plaisantes comédies de Dancourt.
On peut regarder, ajoute-t-il, les Bourgeoises
de qualité comme une pièce de caractère
beaucoup plus que d'intrigue; on y tourne en
ridicule la sotte vanité de quelques bour-
geoises qui veulent prendre le ton et les airs
des gens de qualité. Les personnages de la
pièce sont un amas de fous et de folles... La
pièce fut jouée en 1700 ; ainsi, les personna-
ges qu'on nous présente sont nos ancêtres
tels (ju'il étaient il y a cent six ans; ce sont
de vieux portraits de famille ; mais, quoique
leur costume soit fort étrange et leur cadre
très-usé, on remarque encore avec plaisir la
vivacité de leurs traits et l'expression de leur
physionomie. » Un autre critique du temps de
la Restauration affirme, lui, que cette comé-
die n'est guère plus de caractère que d'intri-
gue... C'est plutôt une comédie de mœurs...
Les ridicules attaqués par Dancourt n'existent
plus aujourd'hui, ajoute-t-il; ce n'est pas
que nous manquions de gens qui affectent le
ton de la noblesse; il en est aussi beaucoup
qui en usurpent les titres : mais ce sont, pour
la plupart, des intrigants qui spéculent sur le
crédit que cela leur procure. On voit rare-
ment la classe industrieuse, les capitalistes,
! les gens de loi, les riches enfin, chercher à
1124
BOUR
acquérir la noblesse ; le commerce dispute aux
nobles le pouvoir politique sans vouloir s'al-
lier avec eux. La considération que donne
l'argent est donc généralement préférée à
toute autre espèce de considération. Les no-
bles ne sont pas ceux maintenant (1S24) qui
en possèdent le plus, et il n'y a guère de dis-
position, dans ceux qui en sont maîtres, à ré-
tablir les fortunes délabrées des grandes mai-
sons par des mariages qu'autrefois on regar-
dait comme des mésalliances... La noblesse
n'ayant, pour le moment, aucun privilège qui
y soit attaché, ne peut plus être un objet
d'ambition ; il n'y a plus de seigneurs, comme
autrefois, dans les campagnes; le maire d'un
village en est aujourd hui la première per-
sonne ; dans les villes, elle est médiocrement
considérée; dans la capitale elle est nulle. Le
genre de vanité qui consiste à passer pour
être noble, ou à le devenir, se trouve encore
moins dans les femmes que dans les hommes;
les distinctions de la toilette sont les princi-
pales auxquelles elles aspirent; et telle femme
d'un banquier, qui a un cachemire d'un grand
prix, regarde avec dédain une comtesse qui
n'en a point.» Cette critique est tempérée
par la phrase finale ; le juge avoue que « en
définitive, les Bourgeoises de qualité feront
toujours plaisir à la lecture. » C'est là une
épreuve à laquelle la réputation de beaucoup
d'auteurs modernes ne résiste pas.
B o u r g e o i s de Reims (LE), Opéra-COmîque
en un acte, paroles de MM. Saint-Georges et
Ménissier, musique de M. Fétis, représenté à
l'Opéra-Comique le 7 juin 1825. Cet ouvrage
a été composé à l'occasion du sacre de Char-
les X. L'auteur n'attache pas une grande im-
portance à cette production de circonstance ;
car il ne donne aucun détail sur la représen-
tation ni sur la partition.
Bourgeois de Gond (LE) ou le Secrétaire du
duc d'Albe, drame en cinq actes et en prose,
de M. Hippolyte Romand, représenté sur le
théâtre del'Odéon, le 21 mai 1838. Valgas, le
héros du drame , ne feint pas l'idiotisme
comme Brutus; mais son patriotisme lui donne
le terrible courage de subir longtemps les
liens abrutissants d'une soumission servile
aux volontés d'un despote, afin d'amener un
jour ses compatriotes à secouer le joug et à
conquérir leur liberté. Il se prête docilement
aux mesures les plus rigoureuses, mais c'est
pour les rendre odieuses; il ne trempe les
mains dans les crimes du tyran que pour en
faire des fautes irréparables et pour prépa-
rer'sa chute. Cependant il se fait en secret la
Erovidence des opprimés; c'est lui qui sauve
Î prince d'Orange, et il met tout en œuvre
pour sauver aussi le comte d'Egmont. L'au-
teur du drame a mis en scène un caractère
qui manque, si l'on veut, de vraisemblance,
mais dont il a su tirer parti pour exprimer de
beaux sentiments et pour exciter l'intérêt des
spectateurs. Le Bourgeois de Gand obtint un
succès d'autant plus nonorable que l'amour,
source banale de toutes les émotions qu'on
cherche à exciter au théâtre, n'y joue qu'un
rôle presque nul. L'acteur Lockroy, qui re-
présentait le principal personnage, s'y fit
vivement applaudir. La pièce fut reprise au
Théâtre-Français en 1840.
Bourgeois de Rome (l.E), Comédie en Un
acte, en prose, par M. Octave Feuillet, re-
présentée à Paris, sur le théâtre de l'Odéon,
le 15 septembre 1846. Un bourgeois de Rome,
il signor Nicolo Rienzi, a juré de ne marier
ses deux enfants, Astolfo et Fiametta, qu'à des
familles plébéiennes. C'est pour lui une affaire
de principe, et, pour tout l'or du monde, il ne
consentirait pas à devenir le beau-père de
quelque graad seigneur ou de la plus riche
patricienne, astolfo a beau faire a son père
les plus beaux raisonnements pour lui prou-
ver qu'il s'oppose à son honneur en ne lui
permettant pas d'épouser la fille d'une puis-
sante famille de Rome, dont il a su se faire
agréer, Rienzi résiste. Il est né dans les rangs
du peuple, et rien ne saurait l'empêcher de
conserver intactes les vieilles traditions ré-
publicaines de sa famille. Quant à Fiametta,
elle se soumet avec joie aux idées de son
père, car elle aime un certain M. Millner,
plébéien pur sang, qui doit, le jour même, ve-
nir la demander en mariage. En effet, M. Mill-
ner se présente et formule solennellement
devant le siçnor Rienzi son désir d'obtenir
la main de Fiametta... pour un riche et puis-
sant seigneur dont il est le secrétaire. Ebahis-
sement du père, évanouissement de la jeune
fille : ne connaît-on pas l'antipathie des Rienzi
pour la noblesse, et comment a-t-on pu sup-
poser un seul instant que Fiametta consenti-
rait à devenir la femme d'un patricien? Ce-
pendant Millner ne se déconcerte pas; il fait
entendre que le seigneur au nom duquel il
parle est tout-puissant, qu'il a d'immenses
domaines, des sujets, une armée, et qu'il n'est
rien moins que de race royale. A ce mot,
Rienzi dresse l'oreille. « Peste l de race royale !
Donnez-vous donc la peine de vous asseoir,
monsieur Millner. * Bref, d'explication en ex-
plication, Rienzi finit par se persuader qu'il est
de son devoir d'accepter l'alliance offerte, et il
donne son consentement à Millner, qui dé-
clare être lui-même le prince en question, ce
qui réjouit fort Fiametta. Quant à Astolfo, il
a bien le droit maintenant de se marier comme
il l'entend, et il se hâte d'aller déposer son
cœur et le consentement de son père aux
pieds de la patricienne qu'il aime. Ce petit
acte a marqué heureusement les débuts de
BOUR
M. Octave Feuillet au théâtre; il est bien
conduit, vif
;
spirituel, d'un style élégant et
châtié, plein d'observations fines et d'une
gaieté du meilleur aloi.
Monsieur B o u r g e o i s , p a r o l e s e t niUSÎque
de G. Nadaud; Cette fine satire, écrite en
1848, au milieu de l'effervescence politique et
des bouillonnements de M. Prudkomme , nous
semble un modèle achevé d'humour et de
gaieté.
- chand, Sim - pie, ran - gé, sobre, é - co •
m
doigts, Monsieur bourgeois, Monsieur Bourgeois,
Vous al - lez vous brù-ler les doigta.
DEUXIÈME C O U P L E ! ' .
Monsieur Bourgeois a l'habitude
D'aller au café tous les soirs.
C'est là qu'il a fait une étude
De ses droits et de ses devoirs.
Il parle, s'agite, raisonne,
Manifeste et pétitionne!...
Monsieur Bourgeois! (quater) etc.
TROISIÈME COUPLET.
S'il pouvait gouverner la France,
Comme tout se mènerait mieux!
II supprimerait la dépense,
La police et les factieux ;
Il ferait marcher le commerce
Et voudrait conquérir... la Perse!...
Monsieur Bourgeois ! (quater) etc.
QUATRIÈME COUPLET.
Quand monsieur Bourgeois est colère,
Ne soyez pas sur son chemin.
Il passe sa journée à faire
Ce qu'il regrettera demain.
Pour le moindre mot, il se cabre!
Il prend son fusil et son sabre!
Monsieur Bourgeois! (quater) etc.
CINQUIÈME COUPLET.
Il part comme une giboulée.
Ne l'arrêtez pas, sacrebleu!...
Puis, quand la maison est brûlée,
11 se met à crier : au feu !
Il veut battre le locataire,
Les pompiers et le commissaire-
Monsieur Bourgeois ! (quater) etc.
SIXIÈME COUPLET.
Puis, il revient dans sa boutique,
Penaud, mais turbulent toujours.
Sa femme, la douce Angélique,
Le met au pain sec pour trois jours :
Môme on ne sait, en son absence.
Jusqu'où peut aller la vengeance!
Monsieur Bourgeois! (quater)
Qu'avez-vous fait, monsieur Bourgeois?
Vous vous êtes brûlé les doigts!!!
BOURGEOIS
BOURGEOIS ou BORGHÈS (Jean), théolo-
gien français, né a Amiens en 1604, mort en
1687. Il fut d'abord chanoine de Verdun, puis
abbé de la Merci-Dieu. Envoyé à Rome par
les prélats qui approuvaient le livre de la
Fréquente communion, il y mérita l'estime des
cardinaux et du pape Innocent X. Il fut en-
suite exclu de la Sorbonne pour son refus de
souscrire à la condamnation d'Arnauld, et se
retira dans l'abbaye de Port-Royal des Champs.
On a de lui une relation de son voyage à Rome
et de tout ce qui fut fait flans cette,ville, en
1645 et 1646, à propos du livre de la Fréquente
communion. Il travailla en outre, avec Lalane,
à l'écrit intitulé Conditiones propositœ ad
examen de gratia Dei, et en a donné une tra-
duction en français.
BOURGEOIS,BOURGEOIS, OISE adj. (bour-joi, oi-ze —
rad. bourg). Qui convient à un bourgeois, qui
appartient exclusivement aux bourgeois :
La classe BOURGEOISE. Une famille BOUR-
GEOISE. Ce mot (Notre ennemi, c'est notre
maître) sert de pendant à T'adage BOURGEOIS;
« Nos valets sont nos ennemis. « (Joubert.)
Il y a aujourd'hui deux natures ennemies : la
nature BOURGEOISE et la nature prolétaire.
(Mich. Chev.) La monarchie constitutionnelle,
voilà quelle est encore la foi politique et le vœu
secret de la majorité BOURGEOISE. (Proudh.)
— Fig. Sans dignité, sans noblesse, sans
largeur, mesquin, vulgaire, commun : Cela
est un peu BOURGEOIS. (Mol.) Parmi les jeunes
gens du bel air, il n'y a rien de si BOURGEOIS
aue d'être raisonnable. (Mariv.) C'étaient gens
bornés, BOURGEOIS, ne connaissant rien aux
choses de ta politique. (De Barante.) Aux
BOUR
bourgeois les vertus BOURGEOISES. (Balz.) Vous
avez un air BOURGEOIS et yiiais qui me désole.
(Balz.) Ces gens-là,c'est si BOURGEOIS, si bête,
si encrassé! Il n'y a rien à faire. (E. Sue.)
Ce mystère fatal et impénétrable fut tout à
coup dévoilé de la manière la plus naturelle et
la plus BOURGEOISE. (Scribe.) La littérature
française est BOURGEOISE OU classique, et
même l'un et l'autre à la fois. (Rémusat.)
Il n'a point d'un badaud la bourgeoise tendresse.
DELILLB.
Un esprit composé d'atomes plus bourgeois ?
MOLIÊRS.
Ah! faites-moi l'honneur de ne me croire pas
Le coeur aussi bourgeois et l'esprit aussi bas.
E. AUOIBR.
Après tout, je crois
Que vous ne voudrez pas être un mari bourgeois.
— Pardonnez-moi, bourgeois et très-bourgeois, ma-
[dame.
—^ DBSTOUCHES.
— Maison bourgeoise, Maison tenue dé-
cemment, mais sans luxe, il Cuisine bour-
geoise, Cuisine où l'on fournit des mets bons
par la qualité, mais simples par l'apprêt;
manière d'apprêter ainsi les mets. Il Pension
bourgeoise, Etablissement qui tient une cui-
sine bourgeoise pour un nombre déterminé
de pensionnaires. Il Comédie bourgeoise, Spec-
tacle donné par de simples amateurs, et non
par des acteurs de profession. [| Habit bour-
geois, Habit que portent les bourgeois, par
opposition à 1 habit d'uniforme : Ce militaire
sort presque toujours en HABIT BOURGEOIS.
— Ane. coût. Vin bourgeois, Vin que les bour-
geois de Paris récoltaient dans leur enclos,
et qu'ils pouvaient vendre au pot dans leur
maison, il Aujourd'hui, Bon vin ordinaire non
frelaté.
— Diplom. Lettre bourgeoise, Caractère in-
termédiaire entre la gothique cursive et la
gothique moderne, q u i t t a i t employé à la fin
du xvi= siècle.
— Pêch. Poisson bourgeois, Celui que pré-
lève le propriétaire du bateau.
— s. m. Le bourgeois, Le commun, le vul-
gaire, le bas, et aussi l'état de bourgeois, par
opposition à la noblesse :Ah! mon père, ce
que vous dites là est DU dernier BOURGEOIS.
(Mol.) Le danger ennoblissait à mes yeux le
commun et LE BOURGEOIS de mon expédition
nocturne. (Scribe.)
Cela sent le bourgeois du plus méchant aloi.
BOURSAULT.
Mais ce Corneille-la, c'est de courte noblesse!
Ce nom sent le bourgeois d'une façon qui blesse.
V. Huoo.
— s. f. A la bourgeoise, Façon simple d'ap-
prêter un mets, propre à la cuisine bour-
geoise : Foie de veau À LA BOURGEOISE.
— s. f, Hortic. Variété de tulipe d'un rouge
vif.
BOURGEOIS
BOURGEOIS (N.), historien et savant fran-
çais, né à La Rochelle en 1710, mort en 1776.
Il fit son droit à Poitiers et y fut reçu avocat.
Ensuite il alla en Amérique, visita les colo-
nies espagnoles et françaises et séjourna
longtemps à Saint-Domingue. Il revint enlin
se fixer a La Rochelle et ne s'occupa plus que
des travaux historiques qui l'avaient déjà
occupé dans sa jeunesse. Nous citerons, parmi
ses nombreux ouvrages : Dissertation sur l'o-
rigine des Poitevins et sur la position de Au-
gustoritum ou ÎLimonum de Ptolémée; Eloge
historique du chancelier de l'Hôpital; lié-
flexions sur le champ de bataille entre Clovis
et Alaric; Dissertation sur le lieu où s'est liorée
la bataille de Poitiers ; Eloge historique de La
Rochelle; Fragments sur les premiers temps de
l'histoire du Poitou; Recherches historiques sur
l'emporeur Othon IV, etc.
BOURGEOIS
BOURGEOIS (Dominique-François), ingé-
nieur mécanicien, né à Châtelblanc, près de
Pontarlier, en 1698, mort en 1781. Il s'attribua
l'invention du canard artificiel, automate de
Vaucanson, mais se vit condamné comme ca-
lomniateur, et fut retenu deux ans en prison.
Rendu à la liberté, il s'occupa avec succès de
l'éclairage des grandes villes, construisit de
nouveaux fanaux et de nouvelles lanternes,
dont l'Académie des sciences approuva le mo-
dèle en lui décernant plusieurs prix, et fut
chargé par l'impératrice de Russie de la con-
struction d'un vaste fanal pour éclairer le port
de Saint-Pétersbourg.
BOURGEOIS
BOURGEOIS (François), missionnaire fran-
çais, né en Lorraine au xvmc siècle. Après
être entré dans la compagnie des jésuites, il
se rendit en 1767 à Vampou, à trois lieues de
Canton, et se livra avec zèle aux travaux des
missions. Plus tard, il fut appelé à Pékin et
devint supérieur des jésuites résidant en Chine.
BOUR
Les Lettres édifiantes contiennent un assez
grand nombre de lettres écrites par le père
Bourgeois.
BOURGEOIS
BOURGEOIS (Francis), peintre anglais, na-
quit en 1756 à Londres, où son père, Suisse
a'origine, était horloger. Il eut pour maître
Loutnerhourg, et se fit promptement une cer-
taine réputationpar ses paysages, ses batailles
et ses marines. En 1776, il voyagea en France,
en Italie, en Hollande, en Pologne. A son re-
tour en Angleterre, il fut créé chevalier par
George III et devint le paysagiste en titre de
ce roi, en 1794. Elu associé de l'Académie
royale en 1787, il en fut nommé membre titu-
laire en 1793. Malgré tous ces titres et toutes
les faveurs dont il fut comblé, Francis Bour-
geois serait oublié aujourd'hui, sans la géné-
reuse fondation du beau musée de Dulwich
Collège, près de Londres. Il légua à cetétablis-
sement une précieuse collection de peintures
qu'il tenait lui-même, comme legs, de son ami
Noël Desenfans, célèbre marchand de tableaux
de l'époque; il légua en outre une somme de
10,000 liv. sterl. pour bâtir et entretenir une
galerie convenable, et 2,000 liv. sterl. pour
les frais de conservation des tableaux. Il
mourut en 1811 et fut enterré dans la cha-
pelle du collège de Dulwich, près de son ami
Desenfans.
BOURGEOIS
BOURGEOIS (Charles-Guillaume-Alexan-
dre), peintre en miniature et physicien fran-
çais, né à Amiens en 1759, mort en 1832. Il
obtint de beaux effets de couleur en rempla-
çant le bleu d'outre-mer par l'extrait de cobalt,
et en perfectionnant les laques et le carmin.
On a de lui : Manuel d'optique expérimentale,
à l'usage des artistes et des physiciens (1821,
2 vol. in-12), où, s'élevant contre l'autorité do
Newton, il réduit à trois les couleurs primi-
tives : rouge, bleu et jaune ; Mémoire sur les
lois que suivent dans leurs combinaisons les
couleurs produites par la réfraction de la lu-
mière (Paris, 1813) ; Mémoire sur les couleurs
de l'iris causées par la seule réflexion de la
lumière, avec l'exposé des bases de diverses
doctrines (1821), etc. Bourgeois, qui avait
commencé par être graveur, était un excellent
peintre en miniature.
BOUBGEOIS
BOUBGEOIS ( Florent- Fidèle - Constant),
peintre et lithographe français, né en 1767. Il
fut élève de David. Les palais de Trianon et
de Fontainebleau possèdent des tableaux de
lui. On lui doit en outre : Recueil de vues et
fabriques pittoresques d'Italie, dessinées d'a-
près nature(l805) ; Recueil de vues pittoresques
de la France, lithographiées; Voyage pitto~
resqueà la Grande-Chartreuse (1821), etc.
BOURGEOIS
BOURGEOIS (Louis, L E ) . V. HÊAUVILLE
{abbé D').
BOURGEOIS
BOURGEOIS (Louise), dite Boursier. V.
BOURSIER.
BOURGEOISBOURGEOIS (Anicet). V. ANICET-BOURGEOIS,
BOURGEOIS
BOURGEOIS DUCHASTENET (H.), juris-
consulte et historien français du xvuie siècle.
Il était avocat au parlement de Paris, et il a
laissé : Histoire du concile de Constance, où
l'on fait voir combien la France a contribué à
l'extinction du schisme (Paris, 1718) ; une tra-
duction du livre intitulé les Intérêts des princes
d'Allemagne par B.-Ph. de Chemnitz; une
nouvelle édition de l'Histoire de l'Empire,
par Heiss, av«c une continuation, etc.
BOURGEOISEMENT
BOURGEOISEMENT adv. (bour-joi-ze-man
— rad. bourgeois). D
:
une façon bourgeoise;
à la manière des bourgeois, avec une sim-
plicité bourgeoise : N'écoutant que mon pre-
mier mouvement, j'ouvris mon parapluie et
l'offris frès-BOURGKOiSEMENT à la vieille mar-
quise. (Scribe.) Il était capable de mourir
BOURGEOISEMENTBOURGEOISEMENT pour les intérêts de sa hanse.
(Balz.) Je dois me conformer à ma position,
voir
BOURGEOISEMENTBOURGEOISEMENT la vie et la chiffrer au
plus vrai. (Balz.)
BOURGEOISER
BOURGEOISER v. a. ou tr. (bour-joi-zé —
rad. bourgeois). Ncol. Donner un ton bour-
geois, une tournure bourgeoise à : Qu'en
arrive-t-il de tout BOURGEOISER? (Pr. deLigne.)
Il Ii m s.
BOURGEOISIE
BOURGEOISIE s. f. ( bour-joi -zî — de
bourgeois). Etat de bourgeois, qualité de
bourgeois : Lettres de BOURGEOISIE, H Goût
bourgeois, habitudes bourgeoises :
C'est vers la bourgeoisie un reste de penchant,
Que de souffrir ici la fllle d'un marchand.
BOURSAULT.
—Classe de citoyens intermédiaire entre les
nobles et les ouvriers : La BOURGEOISIE est tou-
jours la copie de la cour. (Scarron.) La BOUR-
GEOISIE, c'est la portion la plus avancée du
peuple, la tête, pour ainsi parler, de ce grand
corps. (Lamenn.) La BOURGEOISIE se compose
de sages et honnêtes affranchis n'ayant point te
goût des grandes entreprises. (Aug. Thierry.)
La
BOURGEOISIEBOURGEOISIE oisive tend à disparaître chez
nous. (Mich. Chev.) Notre BOURGEOISIE ne
brille ni par la grâce, ni par l'élégance, ni par
le tact. (Mich. Chev.) La BOURGEOISIE est l'in-
térêt arrivé à satisfaction. (V. Hugo.) On a
voulu, à tort, faire de la BOURGEOISIE une
classe; la BOURGEOISIE est tout simplement la
portion contentée du peuple. (V. Hugo.) Ce
que veut, ce que demande la BOURGEOISIE, c'est
le bien-être, le luxe, les jouissances ; c'est de
gagner de l'urgent. (Proudh.) L'ostracisme
politique que l'on voudrait prononcer contre la
BOURGEOISIEBOURGEOISIE n'a aucun sens. (Ch. de Rémusat.)
La
BOURGEOISIEBOURGEOISIE est le capital fait homme.
(E. Pelletan.) La BOURGEOISIE se compose des
BOUR
classes qui se sont successivement acheminées
d'épargne en épargne à l'aisance, puis à la
pensée. (E. Pelletan.) La BOURGEOISIE a tou-
jours eu pour l'argent un goût particulier.
(Ose. de Vallée.) Le travail, la patience, l'é-
conomie ont poussé la BOURGEOISIE au pouvoir.
(Ose. de Vallée.) La vieille BOURGEOISIE pari-
sienne fut grande, libre et noble. (Balz.) La
société de ma mère se composait de belle et
bonne BOURGEOISIE. (Scribe.) BOURGEOISIE est
un mot qu'il faut reléguer à l'histoire dupasse.
(E. de Gir.) La BOURGEOISIE française ne s'est
jamais complètement séparée de la Révolution.
(T. Delord.) Je reproche à la BOURGEOISIE libre
pensante d'avoir haï Dieu. (L. Veuillot.)
— Jurispr. Droit de bourgeoisie, Nom mo-
derne du droit de cité: titre de citoyen et
prérogatives qui sont attachées à ce titre, n
Prérogatives qui étaient accordées à ceux qui
s'étaient rendus justiciables du roi en faisant
un serment devant le,juge royal. On disait
aussi DROIT DE JURÉ, H Dans le langage com-
mun, Droit d'admission : Certaines modes an-
glaises ont obtenu chez nous le DROIT DE BOUR-
GEOISIE. L'Académie adopta certains mots qui
devaient à l'usage leur DROIT DE BOURGEOISIE.
(E. Littré.)
— Antonymes. Noblesse ou aristocratie ;
clergé; état militaire; prolétariat ou classe
ouvrière ; les paysans.
— Encycl. Ainsi que le mot bourgeois, ce-
lui de bourgeoisie a subi une foule de varia-
tions. Tantôt il a servi à désigner le territoire
dont les habitants, sous le nom de bourgeois,
avaient des privilèges en commun; tantôt la
redevance annuelle dont les bourgeois étaient
chargés pour prix de ces privilèges. D'autres
fois, il servit, comme mot collectif, à désigner
la classe des habitants des villes, par opposi-
tion à la classe des habitants de la campagne ;
ou la classe des roturiers, par opposition à la
classe des nobles; enfin, il signifia le droit ac-
cordé aux habitants d'un lieu, ou à ceux qui
leur étaient associés, de jouir, à certaines
conditions, de privilèges communs.
— Hist. et polit. L'histoire de la bourgeoisie
est,- on peut le dire, l'histoire de la société
française elle-même. « Personne n'ignore le
grand rôle qu'elle a joué en France, dit M. Gui-
zot"; elle a été l'élément le plus actif et le
plus décisif de la civilisation française, celui
qui en a déterminé, en dernière analyse, le
mouvement et le caractère. Considérée sous le
f
ioint de vue social et dans ses rapports avec
es diverses classes qui coexistaient sur notre
territoire, celle qu'on a nommée le tiers état
s'est progressivement étendue, élevée, et a
d'abord modifié puissamment, surmonté en-
suite, puis enfin absorbé, ou à peu près, tou-
tes les autres. Si on se place au point de vue
politique, si on suit le tiers état dans ses rap-
ports avec le gouvernement général du pays,
on le voit d'abord, allié pendant plus de six
siècles avec la royauté, travailler sans relâche
à la ruine de l'aristocratie féodale, et faire
prévaloir à sa place un pouvoir unique, cen-
tral, la monarchie pure, très-voisine, en prin-
cipe du moins, de la monarchie absolue. Mais
dès qu'il a remporté cette victoire et accompli
cette révolution, le tiers état en poursuit une
nouvelle; il s'attaque à ce pouvoir unique,
absolu, qu'il avait tant contribué à fonder,
entreprend de changer la monarchie pure en
monarchie constitutionnelle, et y réussit éga-
lement. Ainsi, sous quelque aspect qu'on le
considère, soit qu'on étudie la formation pro-
gressive de la société en France ou celle du
gouvernement, le tiers état est dans notre
histoire un fait immense. C'est la plus puis-
sante des forces cjui ont présidé à notre civi-
lisation, » Cette influence de la bourgeoisie,
cette importance acquise par elle, n'est pas
seulement étonnante, elle est sans précédents
dans l'histoire. Nulle part on ne rencontre
une classe de la société qui, partant de si bas,
faible et méprisée à son origine, arrive à tout
absorber, à tout transformer autour d'elle, et
à devenir tellement dominante qu'on peut dire
qu'elle est le pays même. Un semblable fait
ne se retrouve ni dans l'Inde, où la société est
restée divisée en castes immobiles, ni dans le
reste de l'Asie, où les différents peuples qui
habitent cette contrée ont toujours été parta-
gés en deux classes bien distinctes : les vain-
queurs et les vaincus, les oppresseurs et les
opprimés. Dans les républiques grecques, on
pourrait peut-être voir un peu plus d'analogie
et trouver les traces d'une classe bourgeoise;
mais cette ressemblance n'est qu'apparente,
et il n'y a aucun exemple de tiers état. Seule,
la lutte des plébéiens contre les patriciens de
Rome pourrait se comparer à celle des bour-
geois du moyen âge contre l'aristocratie; mais
la similitude n'est encore qu'apparente, elle n'a
rien de réel. Niebuhr a prouvé, dans son His-
toire de Home, que la lutte des plébéiens con-
tre les patriciens n'était point l'affranchisse-
ment progressif et laborieux d'une classe
longtemps inférieure et misérable, mais une
suite et comme une prolongation de la guerre
de conquête, l'effort de l'aristocratie des cités
conquises par Rome pour participer aux droits
de 1 aristocratie conquérante. L'Europe mo-
derne a seule connu la bourgeoisie, et, en Eu-
rope, c'est la France qui a vu le plus complet
développement de cette institution. L'Italie a
eu ses glorieuses républiques, l'Allemagne ses
villes libres, l'Angleterre sa Chambre des com-
munes; mais la France entière est devenue
bourgeoisie et tiers état, et a abouti à la Ré-
BOUR
volution de 1789, le plus grand événement des
temps modernes.
La bourgeoisie a trois origines bien distinc-
tes : 1° le régime municipal romain, qui con-
tinua de subsister longtemps après la chute
de l'empire, et dont les traditions se conser-
vèrent avec plus ou moins d'altération dans
les grandes villes. Les habitants de ces cités
gardèrent toujours au moins le germe de leur
antique liberté, et la revendiquèrent le jour où
l'ordre social commença à se reposer des se-
cousses violentes qui l'avaient si longtemps
agité. La création de bourgs et de villes par
les seigneurs.est la seconde cause de l'exten-
sion de la bourgeoisie. Les seigneurs, voulant
accroître le nombre des maisons groupées au-
tour de leurs châteaux, augmenter en même
temps le nombre d'hommes capables de les
soutenir dans leurs guerres et leurs entrepri-
ses particulières, tâchèrent d'attirer auprès
d'eux le plus d'artisans possible par les privi-
lèges qu'ils leur accordaient. Enfin, les com-
munes proprement dites augmentèrent le nom-
bre des bourgeoisies, car il taut bien se garder
de confondre la commune avec la bourgeoisie.
La commune était une association d'habitants
des bourgs ou des villes qui, à main armée ou
autrement, avaient arraché à leurs seigneurs
une partie de leur souveraineté, et s'étaient
constitués en républiques indépendantes ou
communes. Vers le xive siècle, les communes
disparurent presque toutes, tandis que la
bourgeoisie, au contraire, s'était étendue sur
presque tout le territoire. (V. COMMUNE.)
Le but que se proposaient ceux qui se fai-
saient recevoir bourgeois était l'exemption
d'une foule de charges féodales, sous les-
quelles les seigneurs courbaient leurs vas-
saux, et qui étaient comme un dernier reste
de l'antique servitude. La première était l'im-
pôt arbitraire levé par les seigneurs sous le
nom de tolte, tailles, quêtes, droits de gîte,
prêts forcés et autres, impôt renouvelé sans
cesse, et qui fut remplacé par une redevance
fixe. Une autre servitude enlevait aux veuves
le droit de disposer d'elles-mêmes, aux pères
celui de marier leurs filles ou de mettre leurs
fils dans l'état ecclésiastique sans la permis-
sion du seigneur. La bourgeoisie rendait à
ceux qui la possédaient ces droits imprescrip-
tibles de la nature. Enfin les bourgeois avaient
la liberté de disposer de leurs biens entre vifs,
et, s'ils mouraient intestats, le seigneur ne
pouvait plus, comme autrefois, s'emparer de
leur patrimoine au préjudice de leurs héri-
tiers. A ces exemptions se joignaient une
protection plus efficace pour la sûreté des
personnes et du commerce, et la certitude
d'être jugé selon des coutumes fixes et éta-
blies, et non selon le bon plaisir du juge ou
du seigneur. Aussi n'est-il pas étonnant que la
plupart des artisans ou commerçants aisés
voulaient jouir des droits de bourgeoisie, qui
constituaient alors un vrai privilège sur le
reste de la nation. La royauté favorisa de
tout son pouvoir ce mouvement qu'elle n'a-
vait pas créé, qu'elle avait même contrarié
plus d'une fois, mais qu'il était de son intérêt
maintenant d'étendre autant que possible. Les
seigneurs, afin de retenir leurs vassaux sous
leur juridiction, rivalisèrent avec la royauté
et multiplièrent dans leurs villes les chartes
et les anranchissements
l
En tête de plus d'un
de ces actes se trouve la singulière formule :
• Considérant que l'état de servitude ne con-
vient point à un chrétien, considérant aussi
que c'est notre propre intérêt... -Cette dernière
considération était la seule vraie ; car, pendant
de longs siècles, on s'était fort peu inquiété de
la première.
Il n'y eut. d'abord qu'une sorte de bourgeoi-
sie, la bourgeoisie réelle, qui s'accordait aux
habitants de tel bourg ou de telle ville ;
bientôt vint s'y joindre la bourgeoisie person-
nelle ou bourgeoisie du roi, privilège accordé
par la royauté aux hommes qui se réclamaient
de sa juridiction, et auxquels elle accordait,
en compensation, le droit de jouir des privi-
lèges appartenant à des bourgs ou à des villes
où ils n'étaient pas forcés de demeurer. Pour
jouir du titre de bourgeois d'une ville, il fal-
lait être né de père et de mère qui y étaient
domiciliés, y fixer sa demeure, ou s'y marier;
mais la plupart du temps, dans ces deux der-
niers cas, il fallait l'accomplissement de cer-
taines formalités. « Quand aucun veut entrer
en aucune bourgeoisie, dit l'ordonnance de
1287, il doit aller au lieu dont il requiert être
bourgeois, et doit venir au prévôt du lieu, ou
à son lieutenant, ou au maire des lieux qui re-
çoivent des bourgeois sans prévôt, et dire à
cet officier : «Sire, je vous requiers la bour-
geoisie de cette ville, et je suis appareillé de
faire ce que je dois. • Alors le prévôt, ou le
maire, ou le lieutenant, en présence de deux
ou trois bourgeois de la ville, du nom desquels
les lettres doivent faire mention, recevra sû-
reté de l'entrée de la bourgeoisie, et que le
récipiendaire fera ou achètera, pour raison de
la bourgeoisie, une maison, dans l'an et jour,
de 60 sous parisis au moins. » Cette maison
était comme un gage, entre les mains de la
commune, que le nouveau bourgeois rempli-
rait ses engagements, car s'il y manquait on
la saisissait, on la confisquait, parfois même
on la démolissait. Aussitôt après ces formali-
tés, le nouveau bourgeois, accompagné d'un
sergent, allait notifier à son seigneur qu'il ve-
nait de le quitter, et qu'il n'appartenait plus à
sa juridiction. Pour conserver la bourgeoisie,
il fallait la résidence continuelle par soi ou sa
femme ou son valet, depuis la veille de la
BOUR
Toussaint jusqu'à la veille de la Saint-Jean.
On perdait le droit de bourgeoisie ou pour
crime, ou pour inexécution des charges et rè-
f
lements; on pouvait y renoncer et passer
ans une autre, en payant les droits de sortie
spécifiés par le règlement.
Les rois, sentant qu'il était de leur intérêt
d'étendre leur juridiction, multiplièrent les
bourgeoisies, les étendirent hors de l'enceinte
des villes, et même de leurs domaines. A l'o-
rigine, les bourgeoisies n'étaient accordées
aux habitants d'un Heu désigné, qu'autant
qu'ils y avaient leur domicile réel et continu.
L'autorité royale dispensa de cette condition
et suppléa au domicile réel par un domicile
fictif. On put devenir bourgeois du roi sans
cesser de demeurer sur le territoire d'un sei-
gneur particulier; et l'on n'en fut pas moins
soustrait, quant à la personne, à la juridiction
féodale ; il suffisait, pour cela, d'acheter dans
la ville dont on voulait être bourgeois, une
maison de 60 sous parisis, et d'y résider trois
jours de suite aux fêtes de Pâques et de Noël,
obligation qui pouvait se racheter par le paye-
ment annuel dun marc d'argent, fait au roi.
Des nobles, des princes, se faisaient recevoir
bourgeois forains, et le roi de Navarre l'était
de la ville d'Amiens. Les cités y trouvaient
l'avantage d'avoir des protecteurs puissants,
et les princes d'y rencontrer des prêteurs ri-
ches et complaisants. Longtemps après que
les bourgeoisies eurent perdu leur importance
avec leurs privilèges, les grandes villes gar-
dèrent l'habitude d'offrir des lettres de bour-
geoisie à ceux qu'elles voulaient honorer.
Certaines conditions étaient requises pour ac-
quérir.le droit de bourgeoisie, soit réelle, soit
personnelle, droit qui ne s'accordait ni aux
serfs, ni aux bâtards, ni aux lépreux. Les
serfs pouvaient lever cet empêchement en se
rachetant ou en se faisant affranchir.
Rien ne variait tant que les coutumes, les
usages, les privilèges de chaque bourgeoisie, et
le fameux mot de Pascal : Vérité en deçà des
monts, erreur au delà, pouvait s'appliquer à
chaque instant, et sans qu'on eût besoin de
franchir des montagnes. Parmi les plus singu-
lières coutumes on trouve les suivantes, qui
portent bien la marque d'une époque ignorante
et encore grossière. Le pouvoir du père de fa-
mille s'était conservé dans toute son antique ri-
gueur; il avait le droit de correction sur sa
femme, son fils émancipé, sa fille mariée, droit
qui allait jusqu'à battre, pourvu qu'il ne s'en
suivît ni mort ni mutilation. C'est sans doute
de cette époque que date la subtile invention de
ce bourgeois qui, engagé par son confesseur à
traiter sa femme plus humainement et à la
corriger seulement avec l'Ecriture sainte ,
l'assomma avec un Nouveau Testament qu'il
avait fait relier en solide bois de chêne. L'a-
dultère était condamné à parcourir tout nu
les rues de la ville ; pour les autres crimes, ils
se prouvaient par les épreuves du feu ou de
l'eau, ou bien par le duel judiciaire. A cet ef-
fet, chaque-commune entretenait un cham-
pion, pour soutenir la cause des habitants ; si
te champion était vaincu, il avait le poing ou
le pied coupé, et le bourgeois en était quitte
pour une amende. Il ne faudrait pas croire,
d'ailleurs, que le bourgeois fût exempt de tou-
tes charges ; il en avait beaucoup, au contraire.
C'était d abord l'administration de la commune
à laquelle il devait son temps ; or, les charges
municipales étaient parfois assez lourdes. En-
suite il était tenu envers son seigneur à cer-
tains services militaires. A chaque instant on
voit les bourgeois marcher au combat, con-
duits par leurs prêtres ou leur évêque. « A la
mort de Philippe l**, dit Orderic Vital, une
communauté populaire fut établie en France
par les évêques; de telle sorte que les prê-
tres accompagnaient le roi aux combats ou
aux sièges, avec les bannières et tous les pa-
roissiens. » Enfin, il leur fallait conserver et
protéger par les armes cette liberté, ces pri-
vilèges conquis le plus souvent par les armes,
et que les seigneurs ne se faisaient pas faute
de reprendre ou de violer dès qu'ils se sen-
taient les plus forts. Les bourgeois de cette
époque ressemblaient fort à ceux que Walter
Scott a si bien peints dans ses romans, no-
tamment dans la Jolie fille de Perth. Qu'on
ajoute, enfin, les querelles, les dissensions in-
testines, nées de l'ambitionet de la jalousie,
et on aura une idée de ce que devait être la
bourgeoisie de cette époque. « La commune
défendait au besoin ses droits contre son sei-
gneur , avec dévouement et énergie , dit
M. Guizot; mais, dans l'intérieur de ses murs,
les dissensions étaient extrêmes, la vie conti-
nuellement orageuse, pleine de violences, d'i-
niquité et de péril. Les bourgeois étaient gros-
siers, emportés, barbares, pour le moins aussi
barbares que les seigneurs auxquels ils avaient
arraché leurs droits. Parmi ces échevins, ces
maires, ces jurats, ces magistrats de divers
degrés et de divers noms, institués dans l'in-
térieur des communes, beaucoup prenaient
bientôt l'envie d'y dominer arbitrairement,
violemment, et ne se refusaient aucun moyen
de succès. La population inférieure était dans
une disposition habituelle de jalousie et de sé-
dition brutale contre les riches, les chefs d'a-
telier, les maîtres de la fortune et du travail.
Ceux qui ont un peu étudié l'histoire des ré-
publiques italiennes savent quels désordres,
quelles violences y éclataient continuellement,
et combien la véritable sécurité, la véritable
liberté leur furent toujours étrangères; elles
ont eu beaucoup de gloire, elles ont énergi-
quement lutté contre leurs adversaires exté-
BOUR
1125
rteurs ; l'esprit humain s'y est déployé avec
une richesse et un éclat merveilleux ; mais
l'état social proprement dit en a été déplora-
ble ; la vie humaine y manquait étrangement
de bonheur, de repos, de liberté et de sécurité.
S'il en était ainsi dans les républiques d'Italie,
où le développement des esprits et l'intelli-
gence des affaires étaient beaucoup plus avan-
cés qu'ailleurs, jugez de ce que devait être l'état
intérieur des communes de France. Ceux qui
voudraient le connaître d'un peu plus près peu-
vent lire, soit dans les documents originaux,
soit dans les Lettres de M. Augustin Thierry,
l'histoire de la commune de Laon ; ils verront
à quelles interminables vicissitudes, à quelles
Jiorribles scènes d'anarchie, de tyrannie, de
licence, de cruauté, de pillage, une commune
libre était en proie. La liberté de ces temps
n'avait guère partout qu'une lugubre et dé-
plorable histoire, o
Toutefois, cette période d'agitation et de
turbulence dura peu ; avec le xive siècle dis-
parurent les communes, ainsi que la liberté
politique, et on vit naître dans la bourgeoisie
cet esprit qui a joué un si grand rôle dans
notre histoire. Cet esprit, qui caractérise es-
sentiellement la bourgeoisie française, est peu
ambitieux, peu entreprenant, timide même;
il est honnête, ami de l'ordre et de la règle,
persévérant, attaché à ses droits et assez na-
bile pour les faire tôt ou tard respecter. Cette
seconde et pacifique période de l'histoire de
la bourgeoisie est la plus féconde pour son
développement et pour l'histoire de la civili-
sation française. Toutes les anciennes distinc-
tions ont disparu, il n'y a plus que la haute
bourgeoisie, composée des parlements, des lé-
gistes et des deux cent mille officiers judi-
ciaires qui couvrent le sol de la France; puis
la petite bourgeoisie, qui comprend le com-
merce, la finance et les corporations des arts
et métiers. Leurs efforts réunis vont trans-
former la France et son ordre social, d'abord
par leur influence dans les états généraux, où
Us vont s'asseoir comme une classe distincte
et reconnue, puis par l'aide de la royauté, qui
va adopter la bourgeoisie et s'en faire une
arme contre les dernières tentatives de la
féodalité. Charles V a appris d'elle l'esprit
d'ordre et d'économie; c'est à elle que Char-
les VII demande aide et secours pour réorga-
niser son royaume ébranlé par l'invasion an-
glaise; ses ministres sont tous bourgeois, à
commencer par le fameux Jacques Cœur. On
sait les familiarités de Louis XI avec les bour-
f
eois, qu'il appelait ses compères, à la table
esquels il allait souvent s'asseoir, et dont il
prenait de temps en temps les filles pour maî-
tresses afin de leur faire honneur. Si le règne
des derniers Valois et les guerres religieuses
du xvie siècle ont retardé un moment la mar-
che de la civilisation, la cause de la bourgeoi-
sie a plutôt gagné que perdu. « Trois causes,
dit M. Augustin Thierry, concoururent à di-
minuer, pour la haute bourgeoisie, l'intervalle
qui la séparait de la noblesse.: l'exercice des
emplois publics et surtout des fonctions judi-
ciaires, continué dans les mêmes familles et
devenu pour elles comme un patrimoine par
le droit de résignation ; l'industrie des gran-
des manufactures et des grandes entreprises,
qui créait d'immenses fortunes; et ce pouvoir
de la pensée que la renaissance des lettres
avait fondé au profit des esprits actifs. En ou-
tre, la masse entière de là population urbaine
avait été remuée profondément par les idées
et par les troubles du siècle. Des hommes de
tout rang et de toute profession s'étaient rap-
prochés les uns des autres dans la fraternité
d'une même croyance et sous le drapeau d'un
même parti. La Ligue surtout avait associé
étroitement et jeté pêle-mêle dans les mêmes
conseils l'artisan et le magistrat, le petit mar-
chand et le grand seigneur; l'union dissoute,
les conciliabules fermés, il en resta quelque
chose dans l'âme de ceux qui retournèrent à
la vie de boutique et d'atelier : un sentiment
de force et de dignité personnelle, qu'ils trans-
mirent à leurs enfants. » Si le clergé et la
noblesse, jaloux des envahissements progres-
sifs de la bourgeoisie, s'élevèrent contre elle
sous la régence de Marie de Médicis, le règne
de Louis XIV lui rendit toute son influence,
et l'on sait que la noblesse appela le règne
du grand roi « le règne d'une ignoble bour-
geoisie. » .Le rôle que la bourgeoisie a joué au
xvnie siècle est connu de tous; quand arriva
la convocation des états généraux, elle n'é-
tait rien dans l'ordre politique, mais elle était
tout dans l'ordre social : aussi n'eut-elle qu'à
vouloir, pour fonder en France l'unité sociale,
l'égalité civile et la liberté constitutionnelle.
De toutes ces bourgeoisies, la plus célèbre
fut incontestablement la bourgeoisie pari-
sienne, qui a son rôle marqué presque dans
tous les grands événements de notre histoire,
et l'ancien Parloir aux bourgeois n'est pas
moins renommé que l'Hôtel de ville ne le fut
dans la suite. Après la défaite de Poitiers, la
bourgeoisie parisienne, remplie de patriotisme
et de courage, prit sur elle le soin de sa pro-
pre défense. Aux états généraux de 1355 et
1356, sous l'inspiration et la conduite d'Etienne
Marcel, elle s'éleva jusqu'à l'idée de liberté
nationale et de monarchie constitutionnelle, et
faillit opérer quatre siècles plus tôt la grande
réforme de j 789, qui a changé la face du monde
moderne. En vain cette tentative démocrati-
3
ue avorta après les scènes sanglantes de la
acquerie, le rôle de la bourgeoisie parisienne
n'en continua pas moins. Paris était la ville
du grand commerce et des grandes institu-
1126 BOUR
BOUR
BOUR
BOUR
tions scientifiques, l'activité intellectuelle s'y
déployait plus largement que dans aucune
autre ville du royaume. L esprit public s'y
montrait à la fois municipal et général et com-
prenait la France entière dans ses tentatives
d'affranchissement. A toutes les époques de
crise, on verra le peuple de Paris figurer
comme chef de l'opinion militante : sous
Charles VI, pendant la Ligue, durant la Fronde,
et enfin en 1789, on le trouvera donnant l'im-
pulsion au progrès et au désordre, fatalement
mêléa ensemble.
En Allemagne, la constitution de la bour-
geoisie fut moins laborieuse, moins humble,
dans ses premières aspirations, plus mêlée
dès son origine aux affaires de l'Etat et
de la société; mais, moins heureuse et moins
favorisée par les circonstances, la bourgeoisie
allemande n'est pas, comme la bourgeoisie
française, devenue l'incarnation par excel-
lence de la nation et la maîtresse à peu près
absolue de sa destinée. La cause de cette in-
• fériorité tient a ce que les démarcations que
le système féodal établissait entre les diverses
fractions de la société se retrouvèrent dans la
constitution de la bourgeoisie allemande. Cha-
que cité eut au moins deux et même trois ca-
tégories de bourgeois : les nobles, les francs
bourgeois et les bourgeois. Les nobles rési-
daient ordinairement en dehors des villes,
dans des châteaux forts ; cependant les avan-
tages de tout genre que leur présentait une
communauté de relations avec les citadins
leur faisaient rechercher le droit do bourgeoi-
sie. Leurs noms étaient inscrits en tête du rôle
des bourgeois ; ils avaient la place d'honneur
dans certaines cérémonies. En raison de leur
résidence, on les appelait faux bourgeois,
c'est-à-dire bourgeois du dehors. (Fal Bulgers
en allemand, out Burgesses en anglais.)
Au-dessous du corps des nobles se trou-
vaient les francs bourgeois, qui n'avaient pas
d'autre profession que celle des armes. Cette
partie de la bourgeoisie était, en général,
composée mi-partie de descendants de fils
puînés de nobles qui n'avaient pas de fiefs, et
mi-partie de citoyens dont les ancêtres avaient
été affranchis, et qui, arrivés à l'indépendance
sociale par le commerce ou l'exercice d'une
profession, étaient devenus assez riches et
assez nombreux pour obliger les nobles à les
admettre au partage des fonctions munici-
pales, et à avoir ainsi leur part dans le gou-
vernement de la cité. Malgré la communauté
de leurs intérêts et les incessants rapports
personnels qu'exigeaient le soin et la défense
de ces intérêts, les francs bourgeois étaient
très-peu unis entre eux, la partie noble se
tenant autant que possible en dehors de la
partie d'origine purement bourgeoise.
En dernier lieu venaient les simples bour-
geois ou affranchis (Freedmen ou Freemen),
qui n'avaient pas le droit de porter les armes.
C'est à cette classe qu'étaient dévolus les
travaux des champs et de. la vie domestique,
l'exercice des métiers, du commerce, toutes
professions qui étaient méprisées, non-seule-
ment par les nobles, mais aussi par les francs
bourgeois. Ceux-ci rendaient aux simples
bourgeois les dédains que leur faisait éprou-
ver la noblesse. Des règlements conçus dans
un but d'exclusion jalouse tendaient à rendre
infranchissable la séparation entre les deux
classes. Les francs bourgeois, qui s'alliaient
par mariage a des filles de simples bourgeois,
perdaient leur privilège jusqu'à la quatrième
génération. Cette classe n'avait, bien entendu,
aucune part dans les honneurs municipaux.
Chacune des diverses catégories de métiers
dont elle était composée, bouchers, tanneurs,
cordonniers, boulangers, serruriers, avait son
conseil de gouvernement, son revenu, son
règlement intérieur. Quant aux intérêts gé-
néraux, c'est l'évêque qui en était ordinaire-
ment l'avocat. Cet état de choses se prolongea
jusqu'au xme siècle. En récompense des ser-
vices que, à cette époque, la troisième classe
des bourgeois des villes rendit aux empereurs
de la maison de Franconie, Henri IV. et
Henri V, dans leur lutte contre l'aristocratie
féodale et la papauté, ces souverains firent
disparaître les barrières qui séparaient les
bourgeois exerçant des métiers, opifîces cives,
de leurs autres concitoyens, et transportèrent
à des baillis et magistrats impériaux le droit
de patronage des évêques ; changement qui
fut très - favorablement accueilli, car, à la
longue, la morgue et la froideur épiscopales
étaient devenues aussi désagréables à sup-
porter que l'avaient été la violence et l'inso-
lence des seigneurs. Après la mort de Frédé-
ric II, le droit d'élection aux honneurs muni-
cipaux était devenu le partage commun des
citoyens dans les libres villes. Grâce à cette
union entre les diverses fractions de leurs
populations, ces villes prirent de l'importance.
Les princes traitèrent avec elles comme avec
des Etats souverains. Mais là devait s'arrêter
l'action de la bourgeoisie allemande, son im-
portance resta purement communale.
En Italie, la bourgeoisie, c'est-à-dire l'élé-
ment urbain, opprimé comme partout par l'aris-
tocratie féodale, vainquit celle-ci sur le champ
de bataille. Plus politique que la bourgeoisie
française, la bourgeoisie italienne, favorisée
en outre par des circonstances particulières,
empêcha tes causes de cette lutte de renaître,
en obligeant les seigneurs à changer leur
genre de vie, c'est-à-dire à renoncer à leurs
châteaux fortifiés pour venir habiter dans
l'intérieur des villes, ce qui, en quelques gé-
nérations , leur donna les mêmes goûts, les
mêmes mœurs qu'à la masse de la popula-
tion , et leur inspira le même dévouement
pour le maintien de ces institutions qui de-
vaient assurer aux cités qui en jouissaient
une longue indépendance, sinon la liberté po-
litique.
— Econ. soc. Depuis la révolution de 1789,
U a toujours été très-difficile d'assigner un
sens exact aux mots bourgeoisie et bourgeois.
Ce sens a varié et dû varier avec les modifi-
cations qui, depuis cette époque, se sont
successivement introduites dans l'organisme
social. Pendant longtemps, les écrivains poli-
tiques ont ainsi désigné les classes qui, sans
vivre ou pouvoir vivre dans cette oisiveté
tant reprochée aux classes nobiliaires, éga-
laient cependant celles-ci en culture intellec-
tuelle, en lumière, voire même en richesses.
Aujourd'hui, ces mots, pris dans leur accep-
tion la plus générale, s'appliquent à toute la
partie de la société qui, en denors de l'intelli-
gence et des lumières, réunit en elle les au-
tres conditions de l'indépendance sociale. Aux
yeux des masses, quiconque est en possession
d'une certaine quantité de capital, soit que ce
possesseur exploite personnellement ce capi-
tal, ou vive des produits qu'il en retire, est
bourgeois. Ce jugementdu populaire,M. Prou-
dhon,dans son œuvre posthume intitulée : De
la capacité politique des classes ouvrières, le
formule en ces termes : « La bourgeoisie, c est
la classe qui vit d'autre chose que de son tra-
vail, quand elle travaille; c'est la classe qui
vit du revenu de ses propriétés, de ses capi-
taux, de ses dotations, pensions, subventions,
actions, traitements et bénéfices. » Selon cette
formule, les cadres de la bourgeoisie sont fa-
ciles à établir : riches propriétaires et com-
merçants, les chefs d'industrie, les capita-
listes, les magistrats, les hauts fonctionnaires
en forment I état - major. Au-dessous de la
bourgeoisie est la classe qui vit exclusivement
de son travail. Cette division de la société
française en classe bourgeoise et classe ou-
vrière est, ainsi que le démontre M. Prou-
dhon, la conséquence même de l'ordre poli-
i tique et économique créé par la Révolution de
| 1789. «Auparavant, dit-il, l'ouvrier existait
| dans la corporation et la maîtrise, comme
• la femme et l'enfant dans la famille ; la classe
des travailleurs était comprise dans celle des
| entrepreneurs; mais une fois le faisceau des
i corporations brisé sans que les fortunes et les
j conditions entre les maîtres et ouvriers fussent
i devenues égales, la distinction s'est établie
d'elle-même entre la classe des patrons dé-
tenteurs des instruments de travail, capita-
listes et grands propriétaires, et celle des ou-
vriers, simples salariés. » La supériorité de fait
du maître sur l'ouvrier a reçu la consécration
de la loi. L'article 1781 du Code civil déclare
que le maître est cru sur sa parole; disposi-
tion que Napoléon 1er traduisait brutalement :
La parole de l'ouvrier ne vaut pas celle du
maître.
Pendant tout le temps que dura le régime
parlementaire , l'importance politique de la
bourgeoisie fut au niveau de son importance
sociale. Voici en quels termes M. Proudhon
. esquisse, en la condensant, l'histoire de cette
'. domination : • Devenue par son homogénéité,
par ses capitaux, par son influence incon-
testée sur la plèbe, maîtresse de l'Etat, la
bourgeoisie n'y vit pour elle qu'un moyen de
; consolider sa position acquise, et, par les em-
| plois et le budget, de se créer un nouveau
champ d'exploitation et de fortune. Substituée
aux droits du clergé, de la noblesse et du roi
j dans les anciens états généraux, la bourgeoisie
1
n'aperçut nul inconvénient à conserver à
. l'Etat sa forme monarchique, centralisatrice
et unitaire; seulement, éclairée par l'exor-
> bitante concentration d'autorité que Napo-
léon I
e r
s'était arrogée, elle eut soin de pren-
dre vis-à-vis du prince ses sûretés, ce que
l'on nomma la charte constitutionnelle. Au
fond, c'était par la bourgeoisie et pour la bour-
geoisie que se percevait l'impôt, par la bour-
geoisie et pour la bourgeoisie que régnait le
roi. Toute justice émanait d'elle. Le gouver-
nement du roi était son gouvernement : elle
entendait avoir seule le droit de faire la paix
et la guerre, de même que la hausse et la
i baisse, et si elle eut parfois à réprimer les
| velléités politiques de la couronne , on put
j juger qu'elle n'était pas longtemps à faire son
deuil d'une dynastie. » Les événements de
1830 et de 1848 sont là pour justifier le célè-
bre écrivain.
Le suffrage universel, dont la bourgeoisie
s'était si fort effrayée, tant qu'il fonctionna en
toute liberté, servit ses intérêts exclusifs plus
même que né l'avait fait le régime constitu-
tionnel. Malgré les entraves mises à" son ini-
tiative, par la responsabilité de ministres dé-
signés par les chambres, par la nécessité d'ob-
tenir pour toutes les mesures importantes le
vote de la majorité législative, le pouvoir royal,
usant de sa prérogative, avait parfois proposé
d'introduire dans la législation économique et
financière des modifications dont les intérêts
bourgeois ne s'accommodaient pas. A un mo-
ment donné, la prérogative royale pouvait
espérer l'emporter à l'aide des fonctionnaires
qui faisaient l'appoint de sa majorité gouver-
nementale. Pendant la période de 1848 à
1851, rien de pareil ne se passa. Les événe-
ments de la rue et les idées qui travaillaient
les esprits étaient sans doute parfois de na-
ture à inquiéter les intérêts bourgeois ; mais,
en même temps, ces intérêts n'eurent rien à
craindre des empiétements de l'organisme
gouvernemental, qui
f
au lieu de diriger les
assemblées, ne faisait qu'en suivre l'impul-
sion.
Atteinte par le régime impérial dans son
importance politique, la bourgeoisie ne paraît
pas devoir reprendre l'ascendant que lui
donna le régime parlementaire. Voici com-
ment le vigoureux écrivain que nous avons
cité explique ce fait: «Tantque la bourgeoisie
eut en face d'elle les deux premiers ordres,
clergé et noblesse, elle eut fortement con-
science d'elle-même, et cette conscience se
soutint énergiquement. La classe bourgeoise
se distinguait, se définissait, se sentait par
opposition aux classes privilégiées ; mais du
jour où elle est devenue tout, où il n'a plus
existé en dehors d'elle ni classe ni caste qui
la définît, elle a commencé à perdre peu à
peu le sentiment d'elle-même. Aujourd'hui,
cette bourgeoisie, qui est riche, qui possède,
3
ui peut, n'a rien à dire d'elle-même; sortie
e son ancien milieu, elle paraît sans destinée,
sans rôle historique; elle n'a plus ni pensée,
ni volonté. Tour à tour révolutionnaire et
conservatrice, républicaine, légitimiste, doc-
trinaire, juste milieu ; un instant éprise des
formes représentatives et parlementaires,
puis en perdant jusqu'à l'intelligence; ne sa-
chant à cette heure quel système est le sien,
quel gouvernement elle préfère; n'estimant
du pouvoir que les profits, n'y tenant que par
la peur de 1 inconnu et pour le maintien de
ses privilèges ; ne cherchant dans les fonc-
tions publiques qu'un nouveau champ, de nou-
veaux moyens d'exploitation, avide de dis-
tinctions et de traitements ; aussi pleine de
dédain pour le prolétariat que la noblesse le
fut jamais pour la roture, la bourgeoisie a
perdu tout caractère : ce n'est plus une classe
puissante par le nombre, le travail, le génie,
qui veut et qui pense, qui produit et qui rai-
sonne, qui commande et qui gouverne; c'est
une minorité qui trafique, qui spécule et qui
agiote, une cohue.» Proudnon ne croit pas
que le règne politique de la bourgeoisie puisse
recommencer. «En vain, dit-il, voudrait^elle
de nouveau se définir, s'affirmer, retrouver
l'influence : Telum imbelle sine ictu. »
Les intérêts matériels de la bourgeoisie
n'ont pas été trop affectés par cette perte du
pouvoir politique. Proudhon, dont nous con-
tinuons à citer le rude langnge, constate ainsi
ce résultat : « Grâce à l'établissement du suf-
frage universel, le peuple a monté dans l'ordre
politique d'un cran ; la bourgeoisie a paru
descendre en proportion ; mais ce que celle-ci
a perdu d'un côté, on peut dire qu elle l'a re-
gagné de l'autre; le développement de la
féodalité industrielle et financière, qui domine
l'empire et tient en respect la politique, for-
mant ici compensation. » Ainsi la construction
et l'exploitation des voies ferrées, qu'on a cru
devoir concentrer et monopoliser, sont entre
les mains de cette féodalité, qui, dans toutes
les conventions qu'elle a passées avec les
pouvoirs publics, a tenu elle-même la plume.
Le monopole de la Banque et le privilège des
établissements de crédit sont aussi entre les
mêmes mains. Les attaches de cette féodalité
s'étendent jusqu'à la presse, dont les princi-
paux organes sont devenus objet d'exploi-
tation privilégiée. Les monopoles et privilèges
étant naturellement assez disposés à se prêter
un mutuel secours, il en résulte que, sur toutes
les questions d'économie sociale qui touchent
à un de ces privilèges ou monopoles, les jour-
naux sont très-sobres de discussions. En com-
parant la situation économique de la bour-
geoisie d'aujourd'hui avec sa situation d'il y-a
vingt ans; en considérant les lois passées
depuis cette époque sur les mines, la banque,
les chemins de fer, on voit qu'il s'est opéré là
un mouvement de concentration à peu près
de la même nature que celui qui s'est opéré
en politique. La direction de la plus grande
partie des forces économiques du pays s'est
concentrée, et Ta tous les jours se concen-
trant de plus en plus dans des groupes rela-
tivement peu nombreux de capitalistes et
d'industriels. Ce mouvement de concentration
s'est même étendu à la propriété immobi-
lière. A Paris, cette propriété, répartie sur
un territoire d'environ 30 lieues carrées, ha-
bité par une population de 1,800,000 âmes,
est possédée par moins de 25,000 proprié-
taires.
Si les richesses, et les moyens d'action qui
en sont la conséquence, augmentent pour la
bourgeoisie, d'un autre côté son autorité sur
les classes ouvrières va en diminuant. Tout
en obéissant aux lois qui règlent l'ordre éco-
nomique, les classes ouvrières ne croient pas
que, dans la répartition des profits résultant
du produit de leur travail, cet ordre écono-
mique leur assure tout ce que, à tort ou à
raison, elles croient leur être justement dû.
Elles étudient les lois et les principes sur les-
quels repose cet état de choses et formulent à
1 occasion leur programme, opposant économie
politique à économie politique. L'autorité
gouvernementale, qui, autrefois, se serait
effrayée de ces manifestations, les tolère, en
tant qu'elles se combinent avec la continua-
tion de la présence à l'atelier et la paix de
la cité. Elle a même fait plus : les dispositions
légales qui, pour la fixation des conditions et
du prii du travail, plaçaient l'ouvrier dans
une situation inférieure à celle du maître, ont
été modifiées. Les nouveaux programmes éco-
nomiques, en voie d'élaboration, sont plutôt
négatifs qu'affirmatifs. Le plus connu de ces
récents programmes, celui qu'on a appelé le
Manifeste des soixante, etquî a été publié a l'oc-
casion des élections de 1863, s'exprime ainsi
dans un de ses principaux passages : « La
bourgeoisie, notre aînée en émancipation, dut,
en 1789, absorber la noblesse et détruire d'in-
justes privilèges. Il s'agit pour nous, non de
détruire les droits dont jouissent justement
les classes moyennes, mais de conquérir la
même liberté d'action.» Les auteurs du mani-
feste se défendent de rêver ; lois agraires ,
fiartage, maximum, impôt forcé. La liberté,
e crédit, la solidarité, voilà leurs rêves, et, le
jour où ces rêves se réaliseront, il n'y aura
plus ni bourgeois, ni prolétaires, ni patrons
ni ouvriers.
Le grand champion des classes ouvrières,
Proudnon, a lui-même trouvé ce programme
un peu louche, et il a rappelé qu en 1789 on
n'avait pas du tout dépouillé la noblesse de
ses biens; que les confiscations postérieures
avaient été des faits de guerre, et qu'on s'é-
tait contenté d'abolir certains privilèges in-
compatibles avec les droits et la liberté de
tous, abolition qui avait à la longue entraîné
son absorption par la bourgeoisie. Quant aux
nouvelles relations à établir entre le capital
et le travail, Proudhon n'est guère plus ex-
plicite que le programme dont u s'est fait l'é-
loquent commentateur. Le système dont il pro-
pose l'adoption, il se borne à le dénommer,
bien plus qu'à le définir : c'est la mutualité ;
et il constate en même temps que le bourgeois
en a horreur comme de l'anarchie et qu'il n'en
veut à aucun prix. « Le bourgeois, dit-il, fait
de la banque, de l'industrie, de l'agriculture
même, de la navigation, de la commission;
mais en dehors de toute convention ayaut pour
but de diminuer les risques, d'écarter le hasard,
de fixer les valeurs ou du moins d'en empê-
cher les violents écarts, de balancer les avan-
tages entre le vendeur et l'acheteur, il a hor-
reur de tout ce qui pourrait, en lui donnant
une garantie, lui imposer une obligation. Il
nie la solidarité économique, il répugne à la
mutualité. »
Le bourgeois, en effet, en est encore aux
notions d'économie politique enseignées par
Quesnay, Adam Smith et Say. Tant que ces
notions auxquelles Proudhon reconnaît le
mérite d'être claires, faciles à saisir, simples,
n'auront pas été remplacées par des doctrines
présentant les mêmes mérites, le bourgeois
continuera d'y donner son adhésion. Néan-
moins, en présence du travail qui se fait en ce
moment dans les esprits, et des projets de
réorganisation sociale qui tendent à sortir du
domaine des rêves pour entrer dans celui de
la réalité, il est bon de connaître la dernière
critique de Proudhon sur l'économie politique
bourgeoise. « L'insolidarité économique, je
devrais dire la non-moralité des transactions
préconisées par l'économie politique de l'école
anglaise, le bourgeois s'en est fait un principe,
une théorie, une doctrine. Pour lui, l'idée d un
droit économique, complément et corollaire
du droit politique et du droit civil, n'existe
pas ; c'est un non-sens. Chacun chez soi, cha~
cun pour soi, et Dieu pour tous; telle est sa
devise. La science économique, telle qu'il la
comprend, ne repose pas sur une notion à
deux termes, notion synthétique et positive,
par conséquent, qui fait la science des intérêts
à l'image de la justice même ; elle repose sur
des notions élémentaires, simplistes, antino-
miques, qui, ne pouvant se déterminer d'elles-
mêmes et trouver leur équilibre, font de la
science une bascule et une contradiction per-
pétuelles. Pour le bourgeois, par exemple, il
n'y a pas de valeur vraie, bien qu'il parle sans
cesse de la loi de l'offre et de la demande,
bien que ces deux termes, offre et demande,
impliquent, chacun à un point de vue diffé-
rent, l'idée d'une valeur exacte, dont le débat
entre l'offrant et le demandant indique la re-
cherche. Aux yeux du bourgeois, la valeur
est essentiellement arbitraire, d'opinion. De
ce que la valeur est mobile, il conclut qu'elle
est nécessairement fausse. Aussi dans les
transactions, ni dans les réflexions qu'elles
font naître en lui, ne s'inquièie-t-il j.'imais de
l'équilibre des valeurs, du juste prix des mar-
chandises, de la balance des services, du taux
normal de l'intérêt et du salaire ; ce n'est pas
lui qui donne dans ces chimères. Acheter, s'il
peut, 3 fr. ce qui en vaut 6 ; vendre 6 fr. ce
qui en vaut 3, cela en dépit de la connaissance
personnelle qu'il a de la situation et des cho-
ses, en dépit du dommage que peut éprouver
le prochain : voilà sa maxime commerciale, et
il la professe sans vergogne. Dites-lui ensuite
que les rentes, intérêts, bénéfices qu'il tire,
par une guerre de ruses, d'embuscades et de
surprises, du monopole que lui procurent la
supériorité de ses capitaux et les ambages du
commerce, sont de la déloyauté : il se f-iche,
et c'est ce qui sauve son honorabilité. Au
moins il est convaincu que les actes plus ou
moins scabreux auxquels il se livre tous les
jours du matin au soir, ayant leur nécessité,
ont leur légitimité ; qu'il n'y a par conséquent
ni escroquerie ni vol, sauf dans les cas définis
par le code. »
Ce langage est plutôt une charge humoris-
tique qu'une critique sérieuse. Sur les points
même où Proudhon a le plus raison, les sar-
casmes échappés à sa verve caustique portent
tout autant sur ce qui n'est pas bourgeois que
sur le bourgeois. La tranquillité avec laquelle
un tel langage est accueilli est un indice du
calme qui s'est fait dans les esprits; et il est
à espérer que ces formidables questions d'in-
térêts de classe à classe, dont on avait jusqu'à
BOUR BOUR BOUR
BOUR 1127
présent cherché la solution dans la force ou
dans la guerre, continueront d'être réglées
par de tranquilles modifications législatives,
accomplies a la suite de paisibles discussions
devant l'opinion publique.
BOURGEONNÉ,
BOURGEONNÉ, ÉE (bour-jo-né) part. pass.
du v. Bourgeonner. Qui a des bourgeons. Se
:
dit surtout en parlant du visage ou de quel-
| qu'une de ses parties : Figure BOURGEONNÉE.
; Nez BOURGEONNÉ. Le dernier duc d'Orléans
avait le visage irès-BOURGEONNÉ, ce que l'on
prétendait ne pas venir d'un excès d'inconti-
nence. (Rev. de Paris.)
BOURGEON
BOURGEON s. m. (bour-jon — du v. haut
allem. burjan, lever). Excroissance naturelle
qui pousse sur les branches des arbres et ar-
brisseaux, et qui commence à se développer
pour donner des feuilles ou des fleurs : Les
BOURGEONS commencent à se montrer à l'aisselle
des feuilles, dès que celles-ci ont pris tout leur
développement. (B. de St-P.) La gemme em-
pourprée de la vigne et le BOURGEON cotonneux
du pommier se gonflent et se crèvent, (B. de
St-P.) Chaque an„ée, il se développe un BOUR-
GEON à l'aisselle de toutes les feuilles. (Du-
méril.) Resté stationnaire pendant l'hiver, le
bouton devient BOURGEON auprintemps suivant.
(Bouillet.)
Point de feuille au bois sur la branche;
Mais le suc en bourgeons s'épanche,
Et les rameaux sont déjà mûrs.
SAINTE-BEUVE.
... Attends que l'hiver s'en aille, et tu vas voir
Une feuille percer ces nœuds si durs pour elle,
Et tu demanderas comment un bourgeon frêle
Peut, si tendre et si vert, jaillir de ce bois noir.
V. Huoo.
— Bourgeon terminait Celui qui se déve-
loppe à l'extrémité d'une tige et dont le dé-
veloppement doit servir à la prolonger, il
Bourgeons foliacés, Ceux dont les écailles ne
sont que des sortes de feuilles avortées. Il
Bourgeons pétiolacês, Ceux qui sont protégés,
dans leur premier développement, par la
base persistante du pétiole de la feuille, il
Bourgeons stipulacés, Ceux dont les écailles
sont constituées par une ou plusieurs des sti-
pules qui accompagnent les bases des feuil-
les. Il Bourgeons fulcracés, Ceux dont les or-
ganes proiecteurs sont formés par des pé-
tioles munis de stipules, comme dans le
prunier.
— Par anal. Bouton ou autre excroissance
qui pousse accidentellement sur la peau, et
particulièrement au visage : Il n'avait ni
figure ni esprit; c'était un gros garçon court,
joufflu et pâle, qui, avec beaucoup de BOUR-
GEONS, ne ressemblait pas mal à un abcès.
(St-Simon.)
Elle peint de bourgeons son visage guerrier.
BOILBAU.
— Chir. Bourgeons charnus, Granulations
coniques, de couleur rougeâtre, qui se déve-
loppent à la surface des plaies suppurantes,
et en déterminent la cicatrisation.
— Agric. Pousse de vigne déjà en scion :
La vigne est déjà couverte de BOURGEONS.
— Encycl. L'étude des bourgeons offre un
très-grand intérêt, non-seulement au point de
vue de la science pure, mais encore et sur-
tout au pointde vue des applications. Plusieurs
opérations importantes, notamment la taille
des arbres, supposent une étude approfondie
et une connaissance exacte de cette partie
des végétaux. Il n'existe point, absolument
parlant, de plante qui soit privée de bourgeons;
car toutes jouissent de la propriété de s'ac-
croître par des pousses nouvelles. Toutefois,
pour ne pas confondre, dans la pratique, de
jeunes pousses qui se présentent sous des as-
pects très-divers et qui appartiennent à des
plantes fort différentes les unes des autres, on
n'emploie guère le mot bourgeon qu'à l'occa-
sion île plantes pourvues de feuilles, et en-
core admet-on dans le bourgeon quatre va-
riétés distinctes, savoir : la bulbe, la bulbille,
le tubercule et le bourgeon proprement dit.
C'est de ce dernier seulement que nous allons
nous occuper.
On divise ordinairement les bourgeons en
trois catégories bien distinctes, suivant la
place qu'ils occupent : les uns sont terminaux,
c'est-à-dire situés au sommet des rameaux
qu'ils terminent; les autres sont axillaires,
parce qu'ils croissent toujours à l'aisselle des
feuilles ou au point correspondant à cette
aisselle*, d'autres, enfin, que l'on désigne sous
le nom de bourgeons adventifs, n'ont pas de
position bien déterminée; ils se produisent
sous l'influence de circonstances particulières,
le plus souvent accidentelles, partout où le
tissu végétal se trouve dans des conditions
favorables à de nouveaux développements.
Les bourgeons terminaux n'existent que dans
un nombre assez restreint d'espèces végéta-
les. Ils se forment à la fin de l'été ou au
commencement de l'automne, et sont le der-
nier produit de la végétation de l'année. Ce
sont eux qui, par leur élongation, sont desti-
nés à continuer la tige ou la branche. Les
bourgeons axillaires ou latéraux, beaucoup
plus nombreux que les précédents, naissent
généralement solitaires dans chaque aisselle
de feuille ; cependant, il n'est pas rare d'en
voir deux ou plusieurs dans la même aisselle ;
alors ils forment généralement une file longi-
tudinale dans laquelle le plus gros est tan-
tôt le supérieur et tantôt l'inférieur. Ces bour-
geons sont très-évidents dans les végétaux
dicotylédones, et ils existent aussi bien dans
les plantes herbacées que dans les plantes li-
gneuses. Dans les végétaux monocotylédonés,
| ils sont beaucoup moins apparents ; génêra-
] lement ils restent stationnaires, et ne se dé-
| veloppent en rameaux que dans certaines cir-
constances pour ainsi dire accidentelles. Les
bourgeons axillaires commencent à se mon-
trer dès que les feuilles ont atteint leur en-
tier développement; mais ils prennent alors
peu d'accroissement. A la chute des feuilles,
vers la fin de l'automne, ils grossissent beau-
coup; toutefois, ce n'est qu'au printemps sui-
vant qu'ils donnent naissance à des rameaux
ou à des fleurs. Cependant il arrive assez
souvent, mais dans des circonstances tout
exceptionnelles, de voir des bourgeons axil-
laires donner une nouvelle pousse très-peu
de temps après leur apparition. Ces sortes de
f
iroductions sont désignées vulgairement sous
e nom de bourgeons anticipés et de faux bour-
geons.
Dans les contrées où, par une cause quel-
conque, la végétation subit une interruption
annuelle, les bourgeons de la plupart des ar-
.bres ou arbustes, quelle que soit d'ailleurs la
place qu'ils occupent, se composent de deux
parties bien différentes. La première, la plus
intérieure, constitue le germe; elle contient
les rudiments des branches, des feuilles et des
fleurs. La seconde partie, destinée à protéger
la première contre l'action des agents atmo-
sphériques , porte le nom àepérule. C'est une
enveloppe formée d'écaillés exactement su-
perposées et imbriquées, quelquefois recou-
verte à l'extérieur d'une matière glutineuse
ou résineuse, et garnie à la face interne d'un
duvet cotonneux. Dans les pays où la végé-
tation n'éprouve aucune interruption, l'abri
d'une enveloppe écailleuse n'est plus néces-
saire ; aussi ne la trouve-t-on pas dans les
sous-arbrisseaux et les herbes, ni dans beau-
coup d'arbres des régions intertropicales. Par
une exception remarquable, il en est de même
pour plusieurs espèces de nos contrées, entre
autres pour le rhamnus frangula et le vibur-
num lentana. La pérule, lorsqu'elle existe,
présente dans sa composition des différences
assez marquées pour que les botanistes aient
cru devoir partager en diverses espèces tous
les bourgeons qu'elle recouvre. A ce point de
vue, nous avons les bourgeons foliacés, pétio-
lacês, stipulacés et fulcracés. Sous le nom de
bourgeons foliacés, on désigne ceux dont les
écailles sont formées de feuilles incomplète-
ment développées, mais qui peuvent encore
reprendre leur caractère primitif. Tels sont,
par exemple, les bourgeons des daphnés. Les
bourgeons sont dits pétiolacés lorsque ce sont
les pétioles qui se changent en écailles, comme
dans les groseilliers et les marronniers d'Inde.
On appelle bourgeons stipulacés ceux dont le
germe esl protégé par des stipules qui passent
à l'état de simples écailles, ou bien qui s'en-
roulent autour de lui sans changer ni leurs
dimensions ni leurs formes, et tombent lors-
qu'il s'ouvre. Enfin les bourgeons fulcracés
sont ceux dont les organes protecteurs se
composent des pétioles soudés aux stipules,
comme on le voit, par exemple, dans les pru-
niers et les rosiers.
Au point de vue des produits, on divise les
bourgeons en foliifères, florifères ou fruc-
tifères , et mixtes. Les bourgeons foliifères,
autrement dits bourgeons à bois et à feuilles,
se distinguent par leur forme plus allongée,
plus pointue. Ils ne donnent lieu qu'à un ra-
meau feuille dépourvu de fleurs. Les ôour-
geons florifères ou fructifères sont plus gros,
plus arrondis, plus précoces que les bourgeons
abois. Ils s'allongent très-peu etne produisent
que des fleurs, accompagnées parfois de quel-
ques feuilles ramassées en rosette. Les bour-
geons mixtes produisent un rameau feuille
pourvu de fleurs. On ne les observe, au moins
dans nos contrées, que sur deux espèces d'ar-
bres fruitiers : la vigne et le framboisier.
.Cette division des bourgeons, en foliifères, flo-
rifères et mixtes, a une très-grande impor-
tance dans la pratique, surtout pour la taille
des arbres. En théorie, elle n'est pas admis-
sible, et les botanistes la considèrent avec
raison comme étant bien plus apparente que
réelle. En effet, le bourgeon est toujours le
même, soit qu'il donne des feuilles, soit qu'il
donne des fleurs, ou bien encore les deux
choses à la fois. Les différents états sous les-
quels il se présente proviennent moins de sa
nature propre que de la culture à laquelle les
végétaux sont soumis. Par exemple, si l'on
donne beaucoup de sève à des bourgeons k
fleur, ils prendront un grand développement
et ne produiront que du bois et des feuilles.
Au contraire, si l'on tourmente les bourgeons
foliifères de manière à les empêcher de pren-
dre une grande quantité de sève, ils devien-
dront bourgeons a fruit.
On a déjà pu voir par ce qui précède l'im-
portance et l'utilité des bourgeons. Non-seule-
ment ils sont les intermédiaires de l'accrois-
sement et de la production, mais encore ils
commandent en quelque sorte aux racines et
appellent à eux la sève dont l'arbre a besoin
pour se développer ou multiplier. Cette der-
nière faculté porte le nom de force vitale.
Comment agit-elle ? C'est ce que la science n'a
pas encore expliqué et n'expliquera peut-être
jamais. Dans tous les cas, cette faculté existe,
et rien n'est plus facile que de la constater.
Du reste, le rôle important que jouent les
bourgeons dans les divers phénomènes de la
vie végétale se déduit aisément du simple
examen de leur constitution intérieure. L'ob-
servation de la pérule nous a montré les pré-
cautions minutieuses que la nature sait mettre
en usage pour protéger le germe délicat d'où
sortiront tour à tour le bois et les feuilles, les
fleurs et les fruits. Pénétrons maintenant plus
avant dans le secret de cette organisation, et,
si le principe de la force vitale elle-même nous
échappe, du moins aurons-nous une idée som-
maire des fonctions multiples que le bour-
geon est destiné à remplir. Si l'on fend lon-
gitudinalement un bourgeon au moment où il
va se développer, c'est-à-dire au commence-
ment du printemps, on trouve son centre oc-
cupé par un axe qui est le rudiment d'u'ne
jeune branche. Cet axe est chargé de feuilles
rudimentaires qui ne sont autres que les
écailles de la pérule; il est fendu dans toute
sa longueur et présente un canal médullaire
assez grand, communiquant directement avec
celui de la branche sur laquelle le bourgeon
est placé. Les parois de ce canal sont for-
mées par des faisceaux de fibres ligneuses
disposées circulairement, et qui, plus tard,
s'organiseront pour former la première cou-
che du bois.
A un point de vue moins élevé, mais plus
pratique, les bourgeons donnent encore lieu
a des observations très-intéressantes. Ainsi,
les bourgeons à bois caractérisent ordinaire-
ment la jeunesse et la santé de l'arbre ; leurs
fonctions sont d'autant plus actives qu'ils se
rapprochent davantage du sommet de la tige
ou de l'extrémité des branches, et que leur po-
sition est plus verticale. Les bourgeons flori-
fères, s'ils apparaissent sur un sujet encore
très-jeune, indiquent la faiblesse ou la mala-
die ; dans d'autres cas, ils caractérisent un
arbre vigoureux et bien constitué, mais dont
le développement se ralentit, ou bien l'arbre
caduc oui va mourir. Aussi les jeunes arbres
qui se font remarquer par une fécondité pré-
maturée ont-ils en général peu de valeur.
D'ailleurs, les fruits eux-mêmes sont toujours
plus ou moins imparfaits, ils sont petits et
manquent de saveur.
BOURGEOISISME
BOURGEOISISME s. m. (bour-joi-zi-sme—
rad. bourgeoisie). Néol. Etat de bourgeois :
2'aut cela peut être rangé sous la dénomina-
tion commune de BOURGEOISISME. (A. Frémy.)
Anéantir le paupérisme, c'est anéantir le BOUIÏ-
GKOISISMB et le prolétariat. (Colins.)
BOURGEONNEMENTBOURGEONNEMENT s'opère. (Richard.) u Epo-
i que où ce développement a lieu : Depuis la
! chute des feuilles jusqu'au BOURGEONNEMENT,
j la circulation de la sève est suspendue.
I
BOURGEONNEMENT
BOURGEONNEMENT s. m. ( b o u r - j o - n e -
man — rad. bourgeonner). Développement du
bourgeon : C'est en général au printemps que
le
BOURGEONNERBOURGEONNER v. n. ou intr. (bour-jo-né
i — rad. bourgeon). Pousser des bourgeons ou
pousser en bourgeons, en parlant des arbres
et des feuilles : La terre commence à verdir,
les arbres à
BOURGEONNERBOURGEONNER , tes fleurs à s'épa-
nouir. (B. de St-P.) La campagne n'était pas
encore dans toute sa splendeur, les prés étaient
d'un vert languissant tirant sur le jaune, et les
feuilles ne faisaient encore que BOURGEONNER
aux arbres. (G. Sand.)
— Par. anal. Pousser des boutons, se cou-
vrir de boutons
}
en parlant de l'homme ou
du visage humain ; pousser, en parlant des
boutons : Vous BOURGEONNEZ. Votre nez BOUR-
GEONNE. Vos boutons BOURGEONNENT , vous ne
tarderez pas. à fleurir.
— Fig. Germer
x
se produire, se montrer,
prendre son premier développement : On y
voit surgir et BOURGEONNER les semences de
vertu. fCharton.) Les pe7isées qui ont BOUR-
GEONNÉ dans un pays ne manquent pas de se
propager dans les pays voisins.- (H. Taine.)
Tous les vices en fleurs bourgeonnent sur leurs
[trognes.
THÉOPHILE GAUTIER.
BOURGEONNIERBOURGEONNIER s. m. (bour-jo-nié— rad.
bourgeon). Ornith. Un des noms du bou-
vreuil.
B O U R G E O N S s. m. pi. (bour-jon). Comm.
Laines fines qui s'allongent par brins, il On
dit aussi ESCOUAILLES.
BOURG-ÉPINEBOURG-ÉPINE OU BOURGUE-ÉPINE S.m.
(bour-ghé-pi-ne). Bot. Nom vulgaire du fila-
ria et de l'alaterne.
BOURGERON
BOURGERON s. m. (bour-je-ron). Petite
casaque de toile que portent certains ou-
vriers : Un BOURGERON des plus crasseux et
des plus déchirés couvrait ce grand corps mai-
gre et osseux. (Alex. Dum.)
BOURGERY
BOURGERY (Marc-Jean), médecin fran-
çais, né à Orléans en 1797, mort en 1849. Il
est connu surtout par un ouvrage très-im-
portant : Traité complet de l'anatomie de
l'homme, avec planches lithographiques (Pa-
ris, 1830-1844, 8 vol. in-fol.). On lui doit en
outre : Traité de la petite chirurgie (Rouen,
1829); et YAnatomie élémentaire (1842), en
collaboration avec M. Jacob.
BOURGES
BOURGES (Avaricum). ville de France
(Cher), ch.-l. de départ., d arrond. etdecant.,
ancienne capitale du Berry, à 232 kilom. S. de
Paris, sur le chemin de ter du Centre, et au
confluent des rivières d'Auron, d'Yèyre et du
canal du Berry. Pop. aggl. 20,193 hab. —
pop. tôt., 28,064 bab. L'arrondissement a
10 cantons, 100 communes et 128,859 hab.
Archevêché, grand et petit séminaire, nom-
breux couvents, iycée impérial, école nor-
male, bibliothèque, musée, école d'artillerie,
ef-lieu de la 19
e
division militaire et du
200 arrondissement forestier, fonderie et ar-
senal militaires; fabriques de draps, couver-
tures , coutellerie, tanneries, pépinières;
commerce de grains, vins,-laines, chanvres,
peaux, bois, etc. A un kilom. de Bourges se
trouvent les importantes usines de MazièreSj
où ont été fondues les pièces des halles cen-
trales de Paris,
L'origine de Bourges remonte à la plus
haute antiquité. Dans ses Commentaires, Cé-
sar parle d Avaricum comme de l'une des plus
belles villes des Gaules. Ce nom (XAvaricum
paraît lui venir d'Avara, nom latin de l'Yèvre.
Prise d'assaut par les Romains, après un
siège mémorable, Bourges resta sous la do-
mination de Rome jusqu'en 475, époque ou
elle tomba au pouvoir des Visigoths. Après ^a
bataille de VouiUé, elle se soumit aux Francs,
et fit partie du royaume d'Orléans lors du
partage des Etats de Clovis entre ses en-
fants. Plus tard Bourges, devenue capitale
du Berry, soutint plusieurs sièges : en 878,
elle fut prise et pillée par les Normands; en
1412, elle fut inutilement assiégée par le duc
de Bourgogne. Ce fut dans cette ville qu'au
commencement de son règne Charles VII
trouva un refuge, ce qui lui valut de la part
de ses ennemis le surnom de roi de Bourges.
Les guerres de religion furent funestes a la
capitale du Berry : les protestants, comman-
dés par le duc de Montgommery, s'en empa-
rèrent et s'y livrèrent à de grands excès;
mais peu après les catholiques reprirent le
dessus, et le tocsin de la Saint-Barthélémy
fut pour eux le signal d'atroces représailles.
En 1651, pendant la guerre de la Fronde, le
prince de Condé voulait s'enfermer dans cette
' ville pour y,soutenir un siège; mais les habi-
tants refusèrent de seconder les projets du
prince rebelle, et bientôt le roi lit son entrée
solennelle à Bourges, où il ordonna la des-
truction de la forteresse dite la Grosse-Tour,
qui avait servi de prison à Louis XII, alors
qu'il n'était que duc d'Orléans.
Sept conciles ont été tenus à Bourges, et
c'est dans cette ville que se réunit l'assemblée
du clergé convoquée par Charles V11, et que fut
rédigée la pragmatique sanction de 1438. Pour
clore l'histoire de cette ville, citons le séjour
qu'y a fait l'infant d'Espagne don Carlos, de
1839 à 1845, et le procès politique des accu-
sés d'avril 1849, jugés par la haute cour de
justice.
Bourges, dont l'université fut illustrée par
les professeurs Alciat et Cujas et par Calvin
et Théodore de Bèze, a donné le jour à plu-
sieurs hommes illustres : Louis XI, Jacques
Cœur, Bourdalouo, Chapelle, le poStc épicu-
rien, etc.
Bourges possède un hôtel de ville et plu-
sieurs églises remarquables :
SAINT-ETIENNE, cathédrale de Bourges. Ce
monument jouit d'une juste renommée; l'ar-
chitecture ogivale a enfanté peu de chefs-
d'œuvre qui puissent être mis en parallèle.
« Aucun édifice, dit M. l'abbé Bourassé, no
produit une impression plus profonde. On y
trouve réunis les caractères les plus nobles et ce
mélange d'élégance et de gravité qui convien-
nent si bien à la maison de Dieu.-. Les archi-
tectes, en élevant cette œuvre colossale, ont
sans doute voulu frapper les yeux et produire
l'étonnement par le développement de l'éten-
due, mais ils ont cherché plus encore à exal-
ter le sentiment chrétien par la majesté des
proportions, la régularité du plan, l'harmonie
de l'ensemble. La conception savante et la
distribution pleine de goût des détails et des
accessoires complètent l'effet général. Point
de lignes heurtées, point de surfaces brus-
quement arrêtées; tout s'enchaîne dans des
rapports symétriques^ L'élévation des voûtes,
l'élancement des colonies, les œuvres de la
sculpture, l'éclat des verrières viennent ajou-
ter leur magnificence à celle de l'architec-
ture... Saint-Etienne se distingue d'ailleurs
par une austérité particulière; l'ornementa-
tion n'a pas prodigué dans cette enceinte les
mille formes gracieuses qu'elle étale avec
tant de complaisance dans les basiliques
moins privilégiées sous d'autres rapports. Il
résulte de cette décoration sévère un effet
solennel que ne diminue pas la vue des guir-
landes, des fleurs, des caprices variés de la
sculpture et des artifices de l'imagination.
C'est la noble réserve d'une reine, que la
puissance et l'autorité du nom débarrassent du
soin inutile de recourir à de futiles atours. »
Le fondateur de l'église de Bourges fut
saint Ursin, évêque et apôtre du Berry, à qui
Leocadius, sénateur romain, commandant
dans les Gaules au nom de l'empereur Décius,
céda, vers 251, une portion de son palais pour
y établir une basilique. Cette primitive
église, consacrée à saint Etienne, fut détruite
dans le courant du ive siècle. Rebâtie par
saint Palais, neuvième évêque de Bourges,
elle mérita les éloges de Grégoire de Tours
et du poëte Fortunat. Au ixe siècle, l'évêque
Rodolphe de Turenne entreprit une recon-
struction totale de l'édifice ; on lui attribue
généralement la partie des cryptes située
sous le rond-point de l'abside. Les travaux,
continués par les successeurs de Rodolphe,
notamment par Ganslin, fils de Hugues Capet,
durent marcher avec lenteur. Il est probable,
du reste, que la construction romane-byzan-
tine dut disparaître par la suite, car l'édifice
actuel appartient aux premiers temps de l'ère
!
ogivale; il fut terminé sous i'épiscopat de
Guillaume de Brosse, et consacré solennelle-
ment en 1324,
1128 BOUR BOUR
BOUR
BOUR
La cathédrale de Bourges n'est pas bâtie en
croix, comme la plupart des monuments r e -
ligieux de la même époque; son plan est celui
de la basilique. Elle comprend cinq nefs, que
soutiennent soixante piliers largement espa-
cés; l'abside, semi-circulaire, est bordée de
cinq petites enapelles qui reposent en encor-
bellement sur des espèces de consoles. D'au-
tres chapelles sont disposées sur toute la
longueur des collatéraux. La largeur totale
de 1 édifice est de 41 m. ; sa longueur, de 116m.
La grande nef a 37 m. 50 de haut, sous clef
de voûte; le premier collatéral, 21 m. 60, et
le deuxième collatéral, 10 m.
On conçoit que, pour que les voûtes des
nefs latérales ne fussent pas trop basses, il a
fallu allonger extraordinaire m eut les arcades
qui bordent la grande nef. Cette ordonnance
, communique aux travées une légèreté et une
hardiesse peu communes ; mais elle a néces-
sité le peu d'élévation des galeries supérieu-
res et des fenêtres qui les surmontent, défaut
dont l'œil est choqué. La voûte de la grande
nef est des plus hardies; son élévation et sa
portée sont considérables. Les piliers, à l'ex-
ception de ceux qui touchent à la façade et
qui sont d'énormes massifs, sont uniformé-
ment cylindriques, entourés de longues colon-
nettes faiblement engagées dans le massif qui
forme le noyau du pilier. Le chœur et l'ab-
side présentent une magnifique perspective.
Le_ chœur est orné de stalles en DOIS sculpté.
Les vitraux, au nombre de 183, sont peut-être
les plus beaux de France; ils ont été peints à
diverses époques, principalement au xin
e
siè-
cle. Sous le sanctuaire s'étendent de vastes
cryptes souterraines, de forme irrégulièrement
circulaire, n'ayant pas moins de 80 m. de cir-
conférence, et dont les voûtes retombent sur
d'énormes piliers composés de colonnes tra-
pues, groupées en faisceau. Le centre de
cette crypte est plein, à l'exception d'un ré-
duit correspondant à peu près au maître-au-
tel. Plusieurs caveaux isolés ont servi k la
sépulture de divers archevêques, chanoines
et autres personnages.
L'extérieur de Saint-Etienne ne répond pas
complètement à l'intérieur. Il est d'une ex-
trême simplicité. La façade principale , du
côté de l'ouest, est percée de cinq portails
correspondant aux cinq nefs, et surmontée
de deux hautes tours à. quatre étages. La tour
du midi, qu'on nomme la Tour sourde, date
du xive siècle; elle s'appuie sur deux contre-
forts énormes, coupés par des larmiers et
ornés d'arcatures ogivales. La tour du nord a
reçu le nom de Tour de beurre, parce que les
frais de sa construction furent payés, dit-on,
avec les sommes données pour le rachat des
rigueurs du carême. Cette tour, qui ne date
que du xvie siècle, est plus élevée et plus
richement ornée que l'autre; l'escalier qui
mène au sommet est renfermé dans une tou-
relle octogone, éclairée par 23 fenêtres dis-
posées en spirale. Les cinq portails sont ce
qu'il y a de plus remarquable dans la façade.
« Dans le nombre prodigieux de figurines qui
couvrent les voussures et les tympans, dit
M. Mérimée, j'en ai observé beaucoup d'une
admirable exécution et qui pourraient en-
trer en parallèle avec ce que l'art gothique
nous a laissé de plus précieux... Comme on
le pense bien, les cinq portes ne sont pas
toutes du même style. En raison de la gran-
deur du travail, on peut croire que cette par-
tie de la façade, commencée dès le xm" siè-
cle, n'a été achevée qu'au xve. Les parties
supérieures sont encore plus modernes. » Au-
dessus du portail central, et en retraite, s'ou-
vre une fenêtre, divisée par d'élégants me-
neaux et surmontée d'une rosace de grande
dimension et très-riche. Au-dessus de cette
rose, à la base du pignon , règne une galerie
qui met en communication les deux cotés du
grand comble. Le pignon est orné d'une ar-
cade aveugle à meneaux trilobés , et a pour
amortissement une dentelle de pierre.
Les autres édifices remarquables de Bour-
ges sont :
L'église de SAINT-PIERRE-LE-GUILLARD, édi-
fice du xm« siècle, comprenant trois nefs,
avec transsept, triforium, déambulatoire,
chapelles latérales et rayonnantes. Plusieurs
de ces chapelles sont du xiv« et du xv^ siè-
cle : l'une d'elles renferme le tombeau du
célèbre Cujas. Une légende attribue la fon-
dation de cette église à un juif nommé Guiald
ou Guyard, qui, ayant eu une discussion re-
ligieuse avec saint Antoine de Padoue, pro-
mit de se convertir si sa mule adorait le saint-
sacrement : saint Antoine présenta une
hostie à l'animal, qui s'agenouilla aussitôt.
L'Israélite convaincu demanda le baptême et
fit bâtir à ses frais l'église de Saint-Pierre.
Un tableau que l'on voit dans cet édifice con-
sacre cette singulière légende. Mais des do-
cuments incontestables établissent que, dès le
XII
e
siècle, il existait déjà en cet endroit une
paroisse du nom de Saint-Pierre-de-Jaillard,
dont on a fait, par corruption, le nom actuel.
L'église de SAINT-BONNET , fondée en 1250,
brûlée en 1487, reconstruite en 1510. Elle con-
serve de beaux vitraux dus à Lescuyer et a
Laurence Fauconnier, verriers berrichons du
xvi« siècle, et un tableau capital (l'Education
de la Vierge) de Jean Boucher, de Bourges.
Ce dernier artiste est représenté avec sa mère
dans une chapelle de l'église.
L'église de NOTRE-DAME (autrefois sous le
vocable de saint Pierre-du-Marché) fondée
en 1157, entièrement détruite par l'incendie
de 1487, rebâtie en 1520 sur un plan des plus
réguliers. La façade, très-étroite, est (
a
- m née
par une tour a quatre étages du xvie siècle.
La porte d'entrée, du xve siècle, a été sur-
montée, au xvnc, d'une lourde arcature. Cette
église renferme : un élégant bénitier en mar-
bre du xve siècle; une belle verrière du siècle
suivant, représentant Y Histoire de saint Jean-
Baptiste, et une Descente de croix, longtemps
attribuée à Valentin, mais qui paraît être une
répétition d'un tableau de Van Street, qui est
à Rome.
L'HÔTEÏ, DE JACQUES CŒUR (aujourd'hui
X'hôtel de ville), un des plus jolis spécimens
de l'architecture civile du xv
K
siècle. Le cé-
lèbre argentier de Charles VII acheta, en
1443, le nef de la Chaussée, comprenant deux
grosses tours et situé sur les remparts de la
ville. A cette place, il fit construire un hôtel
qui lui coûta, dit-on, 100,000 écus d'or (envi-
ron 6 millions de fr. de notre monnaie), et qui
était tel, dit un chroniqueur de l'époque,
« qu'on le pouvoît bien nommer ouvrage de
roy. » On ne sait pas comment se nommait
l'architecte de cette magnifique demeure, mais
on suppose qu'il était Italien. L'édifice est
bâti sur un plan irrégulier, et participe à la
fois du palais et du château fort. Vu de la
place Berry, du côté des anciens fossés de la
ville, il présente une façade nue, flanquée de
grosses tours crénelées; vu de la rue Jac-
ques-Cœur, il offre une profusion d'ornements
délicatement travaillés. De ce dernier côté,
la façade se compose de deux ailes avec un
pavillon au centre, flanqué à gauche
:
d'un élé-
gant clocheton, récemment restauré, au bas
duquel règne une balustrade dont les décou-
pures à jour retracent, en caractères gothi-
ques, la fameuse devise de Jacques Cœur :
A vaillans (ici deux cœurs), n'en impossible.
Une fenêtre, autrefois fausse et qui n'a été dé-
bouchée qu'à une époque assez moderne, dé-
core le milieu du pavillon j elle est accompa-
gnée de deux fausses fenêtres beaucoup plus
petites, d'où sortent à mi-corps un serviteur
et une chambrière regardant chacun une ex-
trémité de la rue, figures qui ont donné lieu
aux interprétations les plus diverses. La
grande fenêtre est surmontée d'une niche ri-
chement sculptée, où l'on voyait autrefois
une statue équestre de Charles VII, qui a été
brisée pendant la Révolution. La statue de
Jacques Cœur, placée sous un baldaquin sou-
tenu par des colonnes, correspondait, sur la
cour intérieure, à celle du monarque. Cette
cour, de forme oblongue, est des plus remar-
quables : au milieu s élève une tourelle poly-
gonale servant de cage au grand escalier;
elle offre, dans l'intervalle de ses nombreuses
fenêtres, une série de figures sculptées, dont
la plupart sont, dit-on, des portraits. Deux
, autres tourelles, du même style, renferment
des escaliers plus petits. A l'intérieur, l'édi-
fice a eu beaucoup à souffrir du vandalisme
de ses différents propriétaires; mais, malgré
les mutilations qu il a subies, il offre encore
à l'admiration de nombreux bas-reliefs re-
présentant les sujets les plus divers, des che-
minées couvertes de fines sculptures, des
portes à doubles vantaux, restaurées récem-
ment avec beaucoup d'habileté, de curieux
vitraux représentant deux figures, dont l'une
a des oreilles d'âne, tandis que l'autre tient le
doigt sur ses lèvres. Sur une banderole, au-
tour de ces deux figures, on Ht les mots sui-
vants, qui feraient allusion, suivant quelques
archéologues, au goût de Jacques Cœur pour
les sciences occultes : En bouche close n'entre
mouche ; entendre ; taire; dire et faire. Nous
devons citer aussi la petite chapelle située
dans le pavillon : les fresques àe la voûte
sont très-intéressantes ; elles représentent des
anges vêtus de robes blanches et planant dans
un ciel d'azur semé d'étoiles d'or. Ces pein-
tures figurent parmi les œuvres capitales de
l'ancienne école française. Malheureusement,
le nom du peintre est resté inconnu, o Qui
donc, s'écrie à ce propos M. de Chennevières,
nous révélera le nom du divin artiste auquel
sont dues ces peintures, des plus merveilleuses
! que la France du xve siècle puisse opposer à
| 1 Italie? Beaux grands anges aux radieux et
\ doux visages, aux cheveux d'or, aux longues
' robes blanches, ne nous montrerez-vous
point ce nom écrit sur votre banderole? Fut-
ce un verrier, fut-ce un miniaturiste qui des-
sina avec tant de pureté et de hardiesse vos
contours et vos raccourcis? » (Recherches sur
les peintres provinciaux,) M. de Chennevières
attribue ces peintures à un miniaturiste de
l'école de Jean Fouquet, nommé Bourges, et
cette attribution nous paraît rationnelle.
| Ajoutons enfin que partout, dans les plus
i petits détails de l'édifice, dans les moindres
fleurons, et jusque sur les têtes de clou, se
reproduisent les cœurs et les coquilles, armes
parlantes du maître.
Bourges possède d'autres beaux hôtels de
l'époque de la Renaissance. L'HÔTEL LALLE-
MAND, bâti à la lin du xve siècle pour Jean
' Lallemand, receveur général des fermes en
Normandie, est un petit chef-d'œuvre d'élé-
gance : il est orné de nombreuses et délicates
sculptures, de figurines et de médaillons en
terre cuite ; une de ses gracieuses tourelles
— celle qui est dans la cour — est soutenue
par une cariatide représentant un fou avec sa
marotte. — L'HÔTEL CUJAS a été construit, en
1515, par Guillaume Pellevoisin, architecte
de la grande tour de la cathédrale; il est bâti
tout en brique, à l'exception de deux tou-
relles en encorbellement' de chaque côté de la
porte d'entrée.
BOURGES,
BOURGES, petit pays de l'ancien Bordelais,
dans l'arrondissement de Blaye, autour de
Bourg-sur-Mer.
BOORGES-LES-BAINS,
BOORGES-LES-BAINS, nom donné à Bour-
bon-1'Archambault, pendant la première Ré-
publique.
BOUBGES,
BOUBGES, famille de médecins qui furent
attachés à la cour de plusieurs rois de France :
JEAN DE BOURGES, médecin de Charles VIII et
de Louis XII, fut reçu docteur en 1473. Il a
publié le Livre d'Bippocrate de la Nature hu-
maine, avec une interprétation (Paris, 154l);
— Louis DE BOURGES, son fils, né à Blois en
1482, mort en 1556, fut médecin de Louis Xlf,
puis de François 1er. H hâta, dit-on, la déli-
vrance de ce dernier, en faisant croire k
Charles-Quint que la vie de son prisonnier
était sérieusement menaôée, et que la mort
de celui-ci l'empêcherait de recevoir sa ran-
çon ; — SIMON DE BOURGES, fut médecin de
Charles TX; — JEAN DE BOURGES, fut doyen
de la Faculté en 1654 ; — enfin, un autre JEAN
DE BOURGES, mort en 1684, fut médecin de
l'Hôtel-Dieu.
BOURGES
BOURGES (Clémence DE), jeune Lyonnaise,
célèbre par son esprit non moins que par sa
beauté. Elle avait pour amie la belle Cordièrc;
elle lui soumit des vers où elle exprimait avec
feu une passion naissante, mais la belle Cor-
• dière répondit bien mal à sa confiance, car
elle lui enleva son amant. Plus tard, Clémence
de Bourges s'éprit de Jean du Peyrat, qui
bientôt fut tué par les protestants au siège de
Beaurepaire; elle ne put survivre à sa dou-
leur, et les Lyonnais lui firent de magnifiques
funérailles. Les poètes du temps l'appellent
la Perle des demoiselles, une perle vraiment
orientale.
i
BOURGESBOURGES (Maurice), compositeur et cri-
tique musical distingué, né en 1812, étudia la
composition sous la direction de M. Barbe-
reau. Il ne s'était fait connaître comme com-
positeur que par la publication de quelques
romances d'un tour mélodique, élégant, quand,
en 1846, parut, au théâtre de 1 Opéra-Comique,
une partition, Suliana, œuvre pleine de dis-
tinction, de mélodies heureuses et de gaieté.
Après cette tentative lyrique, qui eût du l'ex-
. citer à de nouvelles productions, M. Bourges
: brisa sa plume de compositeur et se consacra à
la critique musicale, dans laquelle il apporta
: une finesse de goût, un sentiment musical, une
: science sérieuse, une forme littéraire, et sur-
tout une urbanité rares de nos jours chez
MM. les juges du lundi. M. Bourges est auteur
d'une traduction française de Y F lie, oratorio
• de Mendelssohn. On doit vivement regretter
que la faible santé de M. Bourges nuise à la
continuité de ses travaux.
BOURGESBOURGES (MICHBL D E ) . V. MICHEL DE
' BOURGES.
BOURGESIE
BOURGESIE s. f. (boar-je-zî). Ancienne
forme du mot BOURGEOISIE.
BOURGET
BOURGET (LE), bourg de France (Savoie),
arrond. et à i l kilom. N.-E. de Chambéry, sur
la rive méridionale du lac de même nom ;
1,720 hab. Dans les montagnes voisines, gise-
! ments de fer, cuivre, zinc et plomb sulfuré.
; Ruines d'un ancien château des comtes de
; Savoie ; dans l'église, bas-reliefs très-anciens
i et inscription romaine trouvée sur le mont
| du Chat. Il Village de France (Seine), arrond.
j et à 6 kilom. E. de Saint-Denis, à 11 kilom. de
j Paris; 706 hab. Fabriques de taffetas, caout-
j chouc, toiles cirées et pépinières.
BOURGET
BOURGET (lac du),lac de France (Savoie),
arrond. et à 9 kilom. N. de Chambéry ; sa lon-
. gueur est de 16 kilom., sa largeur de 5 et sa
• profondeur de 80 m. Il est à 231 m. au-dessus
du niveau de la mer, et à 120 au-dessous du
; lac de Genève. Il reçoit la Laisse et le Sieroz,
et s'écoule dans le Rhône par le canal de Sa-
vières long de 3 kilom. Aux deux extrémités,
on voit les châteaux du Bourget et de Châ-
tillon. C'est le lac du Bourget qui a inspiré à
Lamartine la célèbre méditation du Lac; plus
tard, le poëte est revenu vers ses premiers
souvenirs, et, dans Raphaël ou Pages de la
vingtième année, il en a donné la description
suivante : « Au delà de ce bassin desséché, le
mont du Chat plus nu,plus roide et plus âpre,
f
donge à pic ses pieds de roche dans l'eau d'un
ac plus bleu que le firmament où il plonge sa
tête. Ce lac, d environ six lieues de longueur,
sur une largeur qui varie de deux à trois lieues,
est profondément encaissé du côté de la France.
Du côté de la Savoie, au contraire, il s'insinue
sans obstacle dans des anses et dans de petits
golfes, entre des coteaux couverts de bois, de
treillis, de vignes hautes, de figuiers qui trem-
pent leurs feuilles dans ses eaux. Il va mourir
à perte de vue au pied des rochers de Châ-
tillon; ces rochers s'ouvrent pour laisser s'é-
couler le trop-plein des eaux du lac dans le
Rhône. L'abbaye de Haute-Combe^ tombeau
des princes de la maison de Savoie, s'élève
sur un contre-fort de granit au nord, et jette
l'ombre de ses vastes cloîtres sur les eaux du
lac. Abrité tout le jour du soleil par la muraille
du mont du Chat, cet édifice rappelle, par
l'obscurité qui l'environne, la nuit éternelle
dont il est le seuil pour ces princes descendus
du trône dans ses caveaux. Seulement, le soir,
un rayon de soleil couchant le frappe et se
réverbère un moment sur ses murs, comme
pour montrer le port de la vie aux hommes, a
ta fin du jour. Quelques barques de pêcheurs,
sans voiles, glissent silencieusement sur les
eaux profondes, sous les falaises de la mon-
tagne. La vétusté de leur bordage les fait
confondre, par leur couleur, avec la teinte
sombre des rochers. Des aigles aux plumes
grisâtres planent sans cesse au-dessus des
rochers et des barques, comme pour disputer
leur proie aux filets, ou pour tondre sur les
oiseaux pêcheurs qui suivent le sillage de ces
bateaux le long du bord. » Cette abbaye, dont
Lamartine fait une description si poétique, fut
fondée par Amédée III de Savoie, en 1125,
pour servir de sépulture aux princes de sa
famille. Toutefois, le monastère actuel ne date
que de 1743, et a été restauré en 1824 par les
ordres du roi Charles-Félix. Elle se sent du
voisinage de l'Italie, à en juger par le luxe do
inarbres et de dorures dont elle est surchargée,
le plus souvent au détriment du bon goût;
nombre de peintures et de sculptures la dé-
corent. Au-dessus de l'abbaye sont le phare
et la tour de Gessens, d'où l'on jouit d'une vue
magnifique sur le lac, et '.ù Jean-Jacques
Rousseau écrivit une de ses plus belles pages
àeVFmile. Une fontaine intermittente, nommée
la Fontaine des Merveilles, jaillit tout auprès;
et l'on n'a que quelques pas à faire pour vi-
siter la grotte ou Lamartine place 1 épisode
le plus intéressant de Raphaël. C'est enfin sur
les bords du lac du Bourget que Georges Sand
a placé la scène d'un de ses derniers romans
?
[ui ont fait le plus de bruit : Mademoiselle de
a Quintinie.
BOURGETBOURGET (Ernest), auteur dramatique fran-
çais, mort à Paris en 1864; se fit d'abord con-
naître par une foule de chansonnettes comi-
ques, dont plusieurs obtinrent une grande
popularité. Son chef-d'œuvre en ce genre, le
Sire de Franc-Boisy (Folies-Nouvelles, fé-
vrier 1855), a fait le tour du monde, après
avoir longtemps défrayé nos scènes de genre
et nos cafés-concerts. Cette facétie caricatu-
rale, cocasse parodie du Barbe-Bleue moyen
âge, a, en outre, inspiré un assez grand nombre
de vaudevilles et de revues. Comme auteur
dramatique, on doit à Ernest Bourget, entre
autres ouvrages, les suivants, qu'il a si-
gnés en collaboration avec M. Dupeuty ;
les Carrières de Montmartre, drame en cinq
actes (Porte-Saint-Martin, 1855); les Deux
pêcheurs, opérette (Bouffes-Parisiens, 1857);
avec le même et M. Paulin Deslande : la Pois-
sarde, drame en cinq actes (Porte-Saint-Martin,
1852) ; la Fille dupaysan, drame en cinq actes ;
avec M. Dennery : les Chevaliers du Brouillard,
drame en cinq actes (Porte-Saint-Martin, 1857).
Un des auteurs des Chansons populaires dé
France (Hippodrome, 1857), il a passé pour
avoir collaboré aux Nuits de la Seine, draine
joué à la Porte-Saint-Martin en 1852, et signé
du nom seul de M. Marc Fournier. Citons en-
core de Bourget : la Leçon de Chant, bouf-
fonnerie en un acte, donnée au Palais-Royal
en 1864. Ernest Bourget a composé la musique
de la plupart de ses chansonnettes et romances,
et celle de plusieurs rondes intercalées dans
divers drames, entre autres les Nuits de la
Seine et les Chevaliers du Brouillard.
BOURGEZ
BOURGEZ (Jean DB), chroniqueur français
du xvn« siècle. Il est connu par le livre inti-
tulé : le Cure-dent du roi de la fcbve, histoire
de l'antiquité du roi-boit (Paris, 1602).
BOURGHAS. V. BouRGAZ.
BOURGET,BOURGET, connue sous le nom de d«me
Bourget, cantinière au l " régiment de ti-
railleurs algériens
?
a été, le 7 juin 1805, dé-
corée de la médadle militaire instituée par
l'empereur Napoléon III. Cette vaillante trou-
pière avait, à 1 époque où cette récompense lui
fut accordée, dix-sept ans de service militaire ;
elle avait fait douze campagnes en Afrique et
avait reçu trois blessures.
B O U R G E T E U R s. m. (bour-je-teur — de
Bourges, (iui aurait anciennement fourni des
ouvriers à Lille). Techn. Ouvrier en laine, à
Lille.
BOURGIDOO
BOURGIDOO (canal de), dans le départe-
ment du Gard ; il joint le canal de Silvéréal à
celui de Beaucaire et va du fort Peccais jus-
qu'à Aiguës-Mortes, sur un parcours de 9,710 m.
Ce canal, qui date de saint Louis, n'a pas
d'écluses, et ses transports consistent princi-
palement en produits des salines de Peccais.
BOURGIE
BOURGIE s. f. (bour-jî). Bot. Genre d'ar-
brisseaux de l'Inde, appartenant à la famille
des bjrraginées.
BOURG1N s. m. (bour-jain). Pêch. En Pro-
vence, Grand filet à larges mailles, formé de
deux ailes aboutissant à une manche.
BOURGMESTRE
BOURGMESTRE s. m. (bourgh-mè-stre —
de bourg et de maistre., pour maîtie). Premier
magistrat dans un grand nombre de villes de
Belgique, de Suisse et d'outre-Rhin, dont les
fonctions sont à peu près identiques à celles
des maires en France : Pour peindre la con-
stance sous la forme humaine la plus pure,
prenez un bon BOURGMESTRE des Pays-Bas.
(Balz.) H Or. rencontre quelquefois BOURGUE-
MESTRK ; mais cette orthographe est vicieuse.
Bourgmestre de Suardam (LE) OU les DfUX
Pierre, pièce en trois actes, mêlée de cou-
plets, par Mélesville, représentée pour la pre-
mière fois sur le théâtre de la Porte-Saint-
Martin, le 2 juin 1819. Cette pièce fut composée
tout exprès pour les débuts de Potier dans le
enre comique, et obtint un succès de fou rire
ont on se souvient encore aujourd'hui. Du
reste, plusieurs reprises ont eu lieu, et l'on
ËOtJft
n'enterre jamais le Bourgmestre de Saardam.
sans l'arrière-pensée de l'exhumer de temps à
autre. Le comique de la pièce-est fondé sur un
quiproquo. Deux ouvriers du chantier de Saar-
âam le font naître. Tous deux se nomment
Pierre ; mais l'un est un déserteur russe, l'autre
est le fameux czar Pierre le Grand, mécon-
naissaole sous son déguisement. Cependant les
- ambassadeurs français et anglais soupçonnent
que le czar pourrait bien être l'un de ces deux
Pierre ; et l'envoyé français, plus malin que
son collègue, amène le prince a se trahir lui-
même, et signe avec lui un traité d'alliance et
de commerce. L'envoyé anglais, dont le but-
est d'obtenir un pareil traité, croit faire un
coup de maître en s'adressant au bourgmestre
de.Saardam, qu'il suppose dans la confidence du
tzar. Le bourgmestre (c'était le rôle de Potier)
est un personnage très-ridicule, qui a la manie
de vouloir passer pour très-pénétrant. 11 ne
manque pas de prendre le déserteur russe pour
Pierre le Grand, et abouche avec lui l'ambas-
sadeur anglais. En même temps, il se souvient
qu'il a ordre do faire arrêter un soldat russe
qui a déserté, et c'est du czar que le bonhomme
songe à s'assurer. Il prodigue, au contraire,
les nommages les plus respectueux au faux
Pierre le Grand, qui n'a garde de le détrom-
per, dans la crainte du châtiment qui lui est
réservé comme déserteur. On conçoit toutes
les situations, plus bouffonnes les unes que les
autres, pouvant résulter d'une telle méprise.
Qu'on ajoute à cela la verve inimitable de
Potier, et on pourra se faire une idée des éclats
de rire qui accueillaient le malheureux bourg-
mestre à chacun de ses gestesetàses moindres
Jiaroles. Enfin l'empereur, averti par le cé-
èbre Lefort, son ambassadeur, qu'une révolte
vient d'éclater dans ses Etats, quitte l'incognito,
pardonne au faux Pierre, le marie avec une
jeune tille qu'il aime, part de Saardam sur un
yacht, et laisse l'envoyé anglais et le bourg-
mestre fort mystifiés.
BOURGNEUF
BOURGNEUF (Jean-Léon), administrateur
eC écrivain français. Il était trésorier d'Or-
léans dans la seconde moitié du xvnie siècle,
et il a publié : Mémoires sur les privilèges et
fonctions des trésoriers de France (Orléans,
1745); Table générale des ordonnances et édits
concernant les privilèges et fonctions des tré-
soriers de France.
BOURGNE
BOURGNE s. f. (bour-gne; gn mll.)._Pêch.
Sorte do nasse que l'on place à l'entrée des
parcs ouverts, il On dit aussi BOURGNON,S. m.
— Agric. Sorte, de panier en paille, dans
lequel les cultivateurs de l'Ouest conservent
les fruits.
lïOURGNEUF (LE), bourg et commune de
France (Mayenne), cant. de Loiron, arrond.
et à 19 kilnin. N.-O. de Laval, sur la petite
rivière du Vicoïn, qui y prend sa source ; pop.
aggl. 474 liab. — pop. tôt. 2,230 hab. Commerce
de bestiaux.
TïOURGrVEUF (baie de), formée par l'océan
Atlantique, sur les côtes des départements de
la Loire-Inférieure et de la Vendée, au S. de
l'embouchure de la Loire. Elle est limitée au
N. par la pointe Saint-Gildas, et au S. par
le détroit de Fromentine qui sépare l'île de
Noirmoutiers du continent. Outre les bancs de
sable qui rendent cette baie fort dangereuse,
les vents N.-O., contre lesquels elle n'est pas
abritée, font que les grands navires ne peu-
vent)' mouiller en sûreté pendant la mauvaise
saison.
•BOURGNEUF-EN-RETZ, petite ville mari^
tiine de France (Loire-Inférieure), ch.-l. de
cant., arrond. et à 29 kilom. S. de Paimbœuf ;
pop. aggl. 839 hab. — pop. tôt. 2,893 hab.
Petit port presque comblé, au fond de la baie
de son nom; marais salants, pêche, commerce
considérable d'eaux-de-vie et de sel. On y re-
marque une belle église avec porte ornée et
inscription gothique; au fond de la baie, les
rochers appelés Cheminées; enfin un beau
cromlech de trente pierres, dans les environs.
BOURGNONBOURGNON s. ni. (bour-gnon; gn mil.).
Pèch. Syn. de BOUIÎGNE.
BOURGOGNEBOURGOGNE s. m. (bour-go-gne; gn mil.
— de Bourgogne,nom d une province). Gomm.
Vin de Bourgogne ; Du BOURGOGNE. Boire
d'excellent BOURGOGNE. Va pour le vieux BOUR-
GOGNE; je ne le déteste pas. (Alex. Dum.)
Demande un lièvre piqué, un chapon gras, un
gigot à l'ail et quatre bouteilles de vieux
BOURGOGNE. (Alex. Dum.)
— Agric. Nom vulgaire du sainfoin.
— Encycl. Les vins de Bourgogne sont dits
de la haute ou de la basse Bourgogne, suivant
qu'ils proviennent du département de la Côte-
d'Or et des environs de Chalon-sur-Saône, ou
de celui de l'Yonne. On admet aussi sous le
nom de bourgogne simplement ceux du Ma-
çonnais et du Beaujolais, qui sont fournis,
les premiers par le département de Saône-et-
Loire, et les seconds par une partie du dé-
partement du Rhône.
— Haute Bourgogne. C'est cette partie de la
Bourgogne qui fournit les vins les plus distin-
gués, ou tout au moins les plus fins et les plus
connus. Ils se récoltent sur la droite de la
grand'route qui mène de Dijon à Chalon-sur-
Saône, tandis que tous ceux qui viennent sur
la gauche sont plus ou moins communs. Le
voyageur qui parcourt cette route a donc la
' certitude, s il se fait nommer les villages qu'il
aperçoit à droite, d'entendre prononcer les
noms les plus chers aux gourmets. Toutefois,
BOUR
ici encore il y a de notables différences dans
la qualité des vins, suivant la hauteur du sol.
Les meilleurs se rencontrent vers le centre de
la montagne dont la route forme la base, et
la qualité va ensuite en diminuant à mesure
qu'on s'éloigne, soit pour monter, soit pour
descendre. Ainsi,.en gravissant la montagne,
on rencontre d'abord les vins relativement
inférieurs ; à moitié chemin, on est dans les
crus les plus distingués; .enfin, en continuant
l'ascension, on retrouve les variétés de moindre
valeur. En d'autres termes, parmi tant d'ex-
cellents vins, les premiers sont ceux qui se
récoltent à mi-côte : In medio stat virtus.
Les grands vins rouges de la haute Bour-
gogne formentdeux catégories bien distinctes,
celle des vins de la côte de Nuits et celle des
vins de la côte de Beaune. Dans chaque caté-
gorie, ainsi que cekt se produit dans tous les
pays viticoles, les noms des vins varient
comme les noms des communes, et chaque com-
mune subdivise son territoire de telle sorte,
que chaque parcelle de terre a son nom et son
classement.
Les vins principaux de la côte de Nuits sont
ceux de Chambertin, dans la commune de
Gevrey; de Clos-Vougeot, dans les communes
de Vougeot et de Flagey-lez-Gilly ; de Saint-
Georges et de Prémeau, dans la commune de
Nuits; de Romanée, de la Tache et de Riche-
bourg, dans la commune de Vosne; de'Cham-
bolle, de Nuits, de Morey et de Vosne, dans
. les communes de même nom. Autour de chacun
d'eux s'en groupent un très-grand nombre
d'autres qui en approchent plus ou moins,
mais sans pouvoir les atteindre.
On met généralement en première ligne les
vins de Romanée, de Chambertin, de la Tache
et du Clos-Vougeot, dont le prix est à peu près
le même; en seconde ligne, ceux de Riche-
bourg, de Saint-Georges et de Vosne, qui
valent environ 5 pour 100 de moins que les.
précédents; et, en troisième ligne, ceux de
Nuits, de Prémeau, de Chambolle et de Morey,
dont le prix est également de 5 pour 100 au-
dessous de celui des vins de la seconde ligne.
Ces onze vins peuvent être considérés comme
les espèces types de la côte de Nuits. Ils ont
un goût particulier, commun à tous, qui les
distingue des autres grands vins de Bourgogne,
et qui présente une certaine ressemblance
avec celui des bordeaux. Comme ces derniers,
en effet, Us laissent un peu de sécheresse au
palais, et un bouquet un peu enveloppé, qui.ne
se saisit au premier abord que sous un aspect
liquoreux. Ce sont des vins corsés, forts, pleins
de feu. Quand ils sont jeunes, ils offrent une
saveur akimineuse qui produit une sensation
désagréable, mais qui disparaît entièrement
avec l'âge. Aussi demandent-ils, en général,
à être bus vieux. Il est rare qu'ils soient bons
avant la fin de la septième ou de la huitième
année. Ils gagnent jusqu'à la dixième ou à
la douzième. Arrivés à cet âge, ils ont at-
teint l'apogée de leur qualité et ne peuvent
plus que perdre. On en cite, il est vrai, qui
ont atteint vingt et trente ans avec toutes
leurs qualités ; mais ils provenaient d'années
tout à fait exceptionnelles, et, de plus, la
conservation avait eu lieu dans des conditions
d'encavage qui se rencontrent rarement.
Ainsi que nous venons de le dire, les vins
de la côte de Nuits ont un goût particulier qui
les fait distinguer de ceux du reste de la haute
Bourgogne ; mais on éprouve la plus grande
difficulté à les distinguer entre eux. • Il est à
peu près impossible, dit à ce sujet un des pre-
miers commerçants de Beaune, de déterminer
par la dégustation si un vin appartient au cru
de Romanée ou à celui du Chambertin,à moins
qu'on ne les ait l'un à côté de l'autre. Si les
connaisseurs, ajoute-t-il, ou du moins ceux qui
se donnent ce nom, savaient combien les
nuances de qualités sont difficiles à saisir, ils
se hasarderaient rarement à désigner les crus.
Il n'y a que les gens du sol qui puissent s'y
reconnaître, et encore est-il très-facile de les
induire en erreur, surtout depuis l'introduction
du procédé de la chaptalisation, qui donne
à tous les vins indifféremment une saveur
commune. »
Les vins de la côte de Beaune ont pour
caractères une extrême finesse et un parfum,
que les uns comparent à celui de la framboise,
et les autres à. celui de la violette. On met en
première ligne ceux de Corton, dans la com-
mune d'Aloxe, de Volnay, de Pomard, de
Beaune et de Chassagne, qui sont de grands
vins; en seconde ligne, ceux de Savigny,
Monthélie, Aunay et Santeney, qui sont des
grands ordinaires ; et, en troisième ligne, ceux
de Mercurey et de Givry, qui sont des vins
simplement ordinaires. Autour de chacun de
ces vins, comme autour des précédents, s'en
groupent une multitude d'autres qui s'en rap-
prochent plus ou moins. Le corton est le plus
fort et le plus vigoureux de cette côte. Il fait
une concurrence très-légitime au romanée et
au chambertin, qu'il prime même dans cer-
taines années. Ce vin remarquable marche de
pair avec le santenot, le plus prisé de la com-
mune de Volnay.
Outre ses vins rouges, la haute Bourgogne
produit encore des vins blancs qui jouent un
rôle assez important dans le commerce. Deux
espèces de ces vins méritent une mention
particulière ; ce sont le montrachet, dans la
commune de Puligny, près de Beaune, et le
meursault, dans la commune de ce nom, éga-
lement près de Beaune. Les autres sont très-
ordinaires.
BOTJR
Le montrachet est le premier vin blanc de
la haute Bourgogne. Il a la saveur des vins du
Rhin à un point si prononcé qu'on peut, au
Ê
remier abord, le confondre avec ces derniers,
nfin, il est d'une qualité tellement supé-
rieure qu'il dépasse, sous le rapport du prix,
les meilleurs vins rouges du pays, même le
romanée, le chambertin et le clos-vougeot.
Le sol qui le produit est très-peu étendu ; mais
les vignes qui l'entourent fournissent un vin
appelé chevalier-montrachet ou bâtard-mon-
trachet, qui possède une grande partie de ses
qualités.
Quoique plus modeste que le montrachet, le
meursault tient cependant une place distin-
guée parmi les vins blancs. 11 doit à un goût
de noisette assez prononcé une originalité qui
affriande le buveur, et, en vieillissant, il
acquiert une finesse que les meilleurs vins
rouges ont de la peine à atteindre. On estime
surtout celui qui -provient des crus de la Com-
bette, de Santenot et de la Goutte-d'Or.
Presque tous les autres vins blancs de la
haute Bourgogne sont de qualité très-ordi-
naire : on les emploie généralement pour faire
des vins mousseux, que l'on vend le plus sou-
vent comme vins de Champagne.
Quant au véritable vin blanc de Montra-
chet, il est d'une vinosité si énergique que
beaucoup de personnes, surprises de cette
exubérance, sont tentées de l'attribuer à une
alcoolisation artificielle, et cette accusation
s'étend à la généralité des meilleurs vins de
Bourgogne. Ainsi, la trop généreuse liqueur
est victime de sa générosité I Cette absurde
accusation nous remet en mémoire la mésa-
venture arrivée à un brave vigneron de
Coulange-la-Vineuse, qui n'avait jamais quitté
son village; et cependant une ambition avait
germé dans sa'tête : il s'était promis de ne
pas se laisser porter pour toujours dans le
cimetière de Coulange sans avoir visité celui
du Père-Lachaise. Un beau jour, il prend le
coche d'Auxerre, et, après cent quarante-huit
heures d'heureuse navigation, le long de ces
bords fleuris qu'arrose la Seine, il débarque au
quai de la Râpée. Mais, avant de partir pour
la grande ville, l'économe Bourguignon avait
pris ses précautions, et il s'était promis toutes
les douceurs de la capitale sans bourse délier.
Il comptait donc sur quelque bon placement,
et, à cet effet, il s'était muni de quatre fioles de
son meilleur cru de ) 834 : a Les Parisiens, se
disait-il dans son langage bourguignon, vont
s'en lécher les babines. » Il s'installe rue
Saint-Paul, à l'hôtel du Cheval-Blanc, admire
toutes les merveilles de la capitale, depuis les
Invalides jusqu'aux abattoirs, et songe enfin,
l'avant-veille de son départ, a opérer la vente
de sa cuvée. Il s'en va dans quelques mai-
sons que le percepteur de sa commune lui
avait recommandées; le premier client qu'il
voit, ancien bonnetier retiré des affaires, dé-
guste le vin, fait une horrible grimace, tousse,
crache et s'écrie : t Ce n'est pas là du vin "pur,
c'est trop fort. » Notre vigneron eut beau
F
rotester : «Jel'ai planté,je l'ai vu naître, je
ai porté au pressoir, je l'ai versé dans les
tonneaux, je l'ai soigne, soutiré, et personne
autre que moi n'a mis le pied dans mon cel-
lier. • Tout fut inutile; le bonnetier était à che-
val sur ses opinions vinicoles et politiques.
Chez un autre uourgeois, même réponse : • Il
est impossible qu'un vin de cette force soit un
vin naturel. » Notre vigneron rentra le soir
dans son hôtel, énormément désappointé; il
rêva toute la nuit à sa mésaventure, mais
cette insomnie avait porté ses fruits. Tout à
coup il se frappe le front ; il se lève, s'ha-
bille, saisit une carafe d'eau de Seine placée
sur la cheminée, et, de ses quatre fioles, en
fait six, en se disant: « Ah! an ! messieurs les
Parisiens, j'ai mis de l'alcool dans mon vin ;
il est robuste, il est vigoureux... Donc il
est falsifié.» Il se paye un cabriolet; la ri-
chesse de son idée lui permettait cet extra de
dépense, et il se fait conduire chez ses clients
manques de la veille. « A la bonne heure !
s'écria le bonnetier, voilà qui s'appelle du
vin. Envoyez - m'en deux muids. » Partout
même accueil, et le soir toute la cuvée avait
trouvé son placement. Notre Bourguignon
s'en retourna ravi, et conta son aventure à sa
femme. Il est aujourd'hui nn des plus riches
vignerons de Coulange-la-Vineuse. Jamais il
ne raconte son histoire; mais chaque fois
qu'il entend dire par un voisin .- • Les Pari-
siens, c'est des malins 1 • il ne manque pas
d'ajouter: «Oh ouil ce sont surtout de iameux
connaisseurs en vin. •
Pareille chose s'est produite dernièrement
au bois de Boulogne. Une dame, la tête ornée
d'une chevelure aussi naturelle que celle do
Bérénice, se trouva un moment au milieu d'un
essaim de ces cocottes fardées, maquillées,
rizolées et faux teint qui envahissent, chaque
soir, la célèbre promenade. Et toutes ces ri-
vales, toutes ces jalouses de murmurer entre
elles : «Quel est donc le financier qui a payé
le chignon de madame?» .
— Basse Bourgogne. Les vins de cette région
ont une grande importance pour la consom-
mation parisienne. En tête des plus estimés,
de ceux que l'on appelle de première classe,
se placent les vins de Dannemoine, à quel-
ques kilomètres de Tonnerre, qui se récoltent
sur la côte dite des Olivotes, dans les crus de
Mont-Savoye, de Painsot et de la Chapelle,
comme aussi ceux d'Epineuil et de Bouzy.
Avec eux rivalisent les vins fournis par les
vignobles de la Chaînette , de Migraine et
BOUR
1129
de Boivin, sur les coteaux , qui environnent
Auxerre. Tous ces vins sont colorés, corsés,
spiritueux, fins, délicats et fort agréables. Les
arrondissements d'Auxerre et de Tonnerre
produisent aussi des vins qui jouissent d'une
très-légitime réputation, et parmi lesquels
nous citerons seulement ceux des communes
d'Irancy et de Coulange-la-Vineuse. Sauf quel-
ques exceptions, les coteaux de Joigny, d'Aval-
Ion et de Vézelay ne donnent que des vins plus
ou moins ordinaires que le commerce range
dans la troisième classe, et au-dessous desquels
s'en trouvent encore une multitude d'autres,
fournis par tous les points du département da
l'Yonne, et qui, malgré l'infériorité relative de
leur qualité, n'en sont pas moins très-précieux
comme vins quotidiens. Ici, donnons une men-
tion particulière à la côte Saint-Jacques
(Joigny), vin .si connu par son bouquet.
Deux vins blancs de la basse Bourgogne mé-
ritent surtout d'être cités : l'un est le vaumo-
rillon et l'autre le chablis. Le vaumorillon est
fourni par un vignoble des, environs de Ton-
nerre. Il est spiritueux sans être trop fumeux,
et a presque autant de corps et de finesse que
le meursault. Le chablis possède les mêmes
qualités, mais à un degré plus élevé. Il est
produit par la commune de Chablis, dans l'ar-
rondissement d'Auxerre. Le plus recherché
est celui qui se récolte dans les crus du Clos,
de Valmur, des Grenouilles, de Vaudésir, de
Bouguereau et de Mont-de-Milieu. Comme
dans la haute Bourgogne, tous les vins blancs
communs servent a la fabrication des vins
champanisés.
— Maçonnais et Beaujolais. Quoique admis
parmi les vins de Bourgogne, les vins de ces
deux pa}'s sont loin de prétendre à la même
perfection. Quelques-uns cependant méritent
d'être cités. Les vins rouges de première
classe sont exclusivement fournis par les com-
munes des environs de Màcon, plus particu-
lièrement par celle de Romanèche, où les crus
les plus estimés sont ceux de Thorins, du
Moulin-à-Vent, du Hameau, des Carqueiins et
des Labories. Ce sont des liquides riches en
couleur, plus corsés et plus spiritueux que les
bourgognes proprement dits, mais ayant moins
de sève et un parfum moins agréable. A Paris,
où l'on en fait un grand usage comme vins
ordinaires, on les désigne d'une manière géné-
rale sous le nom de vins de Mâcon. Le Beau-
jolais ne donne que des vins de moindre qua-
lité, qui forment une partie de la seconde
classe. Les communes qui entourent Mâcon
produisent également les meilleurs vins blancs.
C'est dans celle de Solutré que se trouve le
cru de Pouilly, dont les vins, moelleux, fins et
corsés, contiennent de 10 à 14 degrés d'alcool.
On évalue la production vinicole moyenne
des trois départements de l'Yonne, de la Côte-
d'Or et de Saône-et-Loire, à 1,900,000 hecto-
litres, valant à peu près 50 millions de francs.
Il nous reste maintenant à établir le paral-
lèle que nous avons annoncé à l'article BOR-
DEAUX, et dont la seule mention a fait venir,
nous en sommes certain... l'eau à la bouche de
nos fins gourmets. Et d'abord, parlons du
cadre avant d'exposer le tableau ; trois juges,
que nous appellerons membres du Caveau, et
qui ont écrit au-dessus de la porte de leur
cave : l'un, Bibliothèque; l'autre, Chapelle; le
troisième, Sanctum sanctorum, sont assis au-
tour de notre table de rédaction. Sous leurs
yeux charmés s'étalent quatre fioles, qui doi-
vent leur naissance aux années les plus re-
nommées : une fiole de château-la-rose flan-
quée d'un flacon de chambertin; une bouteille
de chablis, placée côte à côte d'une bouteille
de sauterne... Nous dégustons : la langue se
porte vers le palais et fait entendre ce cla-
quement voluptueux qui est la propriété par-
ticulière des dégustateurs de profession; cha-
cun soutient son opinion, et, quand un avocat
voit que la cause de son client faiblit, il puiso
de nouveaux arguments au fond de son verre.
La discussion est animée, l'affaire est chaude,
l'esprit pétille, les cerveaux s'allument; tou-
tefois, l'mtervention de la maréchaussée n'est
point nécessaire, et tout se calme, comme par
enchantement, à l'audition de la fronde sui-
vante, qu'entonne d'une voix de tonnerre
l'avocat bourguignon :
Le vin, je le confesse,
Ranime un cœur éteint;
Ce n'est que dans l'ivresse
Qu'on nargue le destin.
Vive le vin,
Vive la fronde!
Vive tout
#
le monde
A la ronde!
Lorsque le vin est frais et bon, ]
Ton ron ton ton ton ton, i
Moi, je suis indulgent et j'aime
Jusqu'à Mazarin lui-même,
Lorsque mon verre est plein
De bon vin,
Tin de rin tin tin tin tin,
Lorsque mon verre est plein
De vieux vin.
Pourquoi toutes ces guerres?
Pourquoi politiquer?
Entre amis, entre frères.
Il vaut bien mieux trinquer.
Vive le vin, etc.
Dans ces luttes indignes.
Ce qui me fait frémir,
On foule aux pieds les vignes.
Et rien n'y peut venir.
Vive le vin, etc.
142
bit.
1130 BOUR
BOUR
BOUR
BOUR
Voici le résultat du procès-verbal :
Le vin de Bourgogne est délicieux, le vin de
Bordeaux est excellent ; le bordeaux nous
ravit, le bourgogne nous enchante; le vin de
Bourgogne fait nos délices, le vin de Bordeaux
fait notre félicité: pour boire du bordeaux, on
commettrait des bassesses; pour savourer du
bourgogne, on ferait des'infamies. Or, jusqu'à
présent, l'Académie, et, à sa suite, l'abbé Gi-
rard, Beauzée,Roubaud, Lafaye, Guizot,etc,
ne sont pas parvenus à marquer une différence,
hétablir des frontières entre délicieux et excel-
lent, ravir et enchanter, délices et félicité,
bassesses et infamies. La question est pen-
dante, les avocats ne sont pas d'accord :
Adhuc sub judice lis est, et la seule chose
qu'on puisse affirmer hardiment, c'est que le
meilleur, du bourgogne ou du bordeaux, c est...
tous les deux. Cette question viticole rentre
dans la nature des problèmes insolubles, et
doit prendre place à côté de la quadrature du
cercle , du mouvement perpétuel, de la trisec-
tion de l'angle et de la duplication du cube.
Pareille chose arriva à un poète qui, sommé
par deux sœurs, l'une brune et l'autre blonde,
d'adjuger la pomme, répondit par le quatrain
suivant :
Vous êtes belle, et votre sœur est belle;
Entre vous deux, tout choix serait bien doux;
On dit qu'Amour était blond comme vous,
Et qu'il aimait une brune comme elle.
Cependant, car il est bon que le lecteur
n'oublie pas que cet article est commis par un
Bourguignon, ajoutons que si la blonde est
plus sentimentale, la brune est plus piquante;
que Fontenelle disait qu'un beau jour n'est pas
aussi beau qu'une belle nuit; qu'une belle
brune et une belle nuit font plus rêver qu'une
belle blonde et qu'un beau jour. Disons encore
que le mari infidèle a trop souvent donné la
.préférence à la maîtresse sur la femme lé-
gitime; que les gourmets préfèrent les glaces,
les soufflés, les entremets sucrés, au bouilli et
au- rosbif, et que si le bordeaux représente la
blonde, le beau jour, la jemme légitime, le
bouilli et le rosbif, le bourgogne a pour lui la
brune, la belle nuit, la maîtresse et... les con-
fitures. N'est-ce pas ici le cas de dire, après
Corneille :
Devine si tu peux, et choisis si tu l'oses?
« Mais, répliquera un Bordelais justement
blessé de cette préférence, ma liqueur est cos-
mopolite; elle voyage et ne craint pas le mal
de mer; tandis que toi, jus de Bourgogne...
— Halte là 1 répondra le Bourguignon , le
bourgogne est sédentaire; c'est le type du
paysan (pagus, pays); le bordeaux a l'hu-
meur voyageuse, mais n'y a-t-il pas quelque
ingratitude dans ce cosmopolitisme? Le. bour-
gogne est français jusque dans la moelle des
os ; comme Danton, un Bourguignon de lisière,
il pense qu'on n'emporte pas son pays à la
semelle de ses souliers. Il rougirait, lui déjà
si rouge, s'il se voyait débarquer à Douvres.
Aux Anglais il dit fièrement : «Si vous vou-
lez faire ma connaissance, venez chez moi.
Après nous, messieurs les Anglais... s'il en
reste. »
BOURGOGNE
BOURGOGNE (Burgundia). On a désigné
par ce nom divers royaumes, un duché de la
France féodale, un comté, fief de l'empire
pendant le moyen âge, plus tard un cercle de
l'empire d'Allemagne, enfin une province de
l'ancienne monarchie française.
Le territoire de cette riche contrée, coupé
de plaines et de montagnes, présente de vastes
forêts et de beaux pâturages; il est d'une
grande fertilité et produit en abondance toutes
les choses nécessaires à l'alimentation ; on y
exploite des mines de fer et de sel très-pro-
ductives , quelques sources d'eaux minérales
renommées ; mais la véritable richesse du pays
consiste dans son vin, connu dans le monde
entier.
La Bourgogne fournit aussi une race de
moutons très-estimée. Cette contrée est peut-
être plus propre qu'aucune autre partie de la
France à la production des laines superfines.
Les moutons, pourvu qu'ils ne soient pas de
trop forte taille, trouvent sur ses vastes pla-
teaux calcaires, sans sources ni ruisseaux,
une herbe tout à fait convenable à leur con-
stitution. Les éleveurs de Bourgogne entre-
tiennent des mérinos et des métis. Les pre-
miers ont été introduits pour lu première fois
par Daubenton, de 1766 à 1776. Dans le cou-
rant du xix
c
siècle, on a importé, en outre,
des mérinos beaucerons, ou même, des méri-
nos à laine superfine de Naz, de la Saxe, de
la Silésie. Ces croisements multipliés ont eu,
en général, d'assez bons résultats, tant sous
le rapport de la graisse que sous celui de la
laine. Chacun, en effet, a pu admirer à nos
grandes exhibitions les beaux béliers et les
magnifiques toisons de la Côte-d'Or. Depuis
quelque temps, cependant, la production des
laines extrahnes diminue sensiblement ; on
recherche, au contraire, les mèches longues,
les toisons lourdes et les fortes quantités de
viande. Cette substitution, qui favorise les
intérêts du cultivateur, n'est pas moins utile
à l'industrie; car, il est reconnu maintenant
que les laines fines, malgré la beauté des tis-
sus qu'elles servent à confectionner, manquent
presque toujours de force et de nerf. Les
métis sont peu homogènes. Leur laine est bien
moins fine que celle des précédents, mais ils
ont plus de taille. Ils ressemblent assez géné-
ralement aux beaucerons par leur forte toison
et leur taille élevée. Leurs qualités, comme
animaux de boucherie, les font rechercher par
les fermiers des environs de Paris. Ces métis,
autrefois peu nombreux, sont aujourd'hui ré-
f
tandus sur toutes les parties de la Bourgogne ;
es éleveurs les soignent avec intelligence.
Ils donnent de la taille et du corps en amélio-
rant le régime; ils cherchent à diminuer les
fanons, la tête et l'encolure, en choisissant
convenablement les reproducteurs. Quelques-
uns ont ainsi obtenu des produits beaucoup
mieux conformés que le type.
— Hist. Avant la conquête romaine, le ter-
ritoire de cette province était habité par les
Eduens, l'un des peuples les plus anciens et
les plus puissants de la Gaule. Ce fut comme
allié des Eduens, et sous prétexte de les dé-
fendre contre les Helvétiens, que César com-
mença la guerre des Gaules. On connaît l'hé-
roïque et malheureuse résistance de Vercin-
gétorix, le siège et la prise d'Alise, et la
soumission complète jde tout le pays. La civi-
lisation romaine fit de rapides progrès sur les
bords de la Saône, et Bibracte, devenu Augus-
todunum (aujourd'hui Autun), vit accourir à
ses écoles toute la jeunesse des Gaules. Sous
Honorius, le pays des Eduens fut compris
dans la Première Lyonnaise; au commence-
ment du ve siècle, il reçut le nom de Burgun-
dia (Bourgogne) des Burgundi ou Burgun-
diones, qui vinrent alors s'y établir. Ce peuple
formait, selon Pline, une des tribus de'la na-
tion des Vandales, et habitait les bords de la
Baltique, aux embouchures de la Vistule.
Chassés de ce pays par les Gépides, et poussés
vers l'Occident par la grande migration des
peuples, les Burgondes passèrent le Rhin, et,
en 407, sous la conduite de leur roi Gondi-
caire, se fixèrent entre l'Aar et le Rhône.
Chaque Bourguignon, homme libre, reçut
pour demeure la moitié de la-ferme romaine,
les deux tiers de la terre mise en culture et un
tiers des esclaves qui s'y trouvaient. Les Ro-
mains ne s'opposèrent point à cette spoliation,
qui les garantissait contre toute invasion nou-
velle. De tous les barbares, c'étaient assu-
rément ceux dont le joug était le plus doux,
et, en raison de la douceur de leurs mœurs,
ils se confondirent promptement avec le peu-
ple vaincu. Ajoutons qu'ils s'étaient rapide-
ment convertis au christianisme, et qu'ils
suivaient les dogmes d'Arius.
La merveilleuse légende des Niebelungen
nous décrit le grand désastre et la mort de
Gondicaire, qui voulut arrêter Attila dans sa
marche victorieuse, en 451. Chilpérie, dont la
fille Clotilde épousa Clovis, roi des Francs,
succéda à Gondicaire, son père, et fut tué
avec ses fils par son frère Gondebaud (491).
Ce dernier rit rédiger et publia dans ses Etats
le code de lois des Bourguignons, appelé loi
Gambette, et laissa la monarchie à son fils Si-
gismond, en 516. Celui-ci, pendant tout son
règne (516 à 523), et son frère Gondemar (523-
534) luttèrent contre les tentatives des fils de
Clovis, qui voulaient soumettre la Burgondie ;.
enfin, après plusieurs combats, Childebert et
Clotaire, vainqueurs de Gondemar, se .parta-
gèrent ses Etats et mirent fin au premier
royaume de Bourgogne (534). Clotaire 1er, roi
des Francs, seul possesseur de l'héritage de
Clovis (558 à 561) réunit la Bourgogne à ses
Etats ; mais, à la mort de ce prince, elle échut
à Gontran, son fils, qui régna trente-trois ans.
Childebert II, fils de Sigebert et de Brunehaut,
roi d'Austrasie, succéda à son oncle Gontran
(593) comme roi de Bourgogne, et réunit
ainsi deux grands royaumes. Dès lors, la
Bourgogne suivit la destinée du royaume
d'Austrasie; les guerres entre les Austrasiens
et les Neustriens l'épargnèrent, il est vrai ;
mais les rois francs ne surent pas la protéger
contre les incursions des Sarrasins, qui, en
732, pillèrent et incendièrent Autun et Sens.
Pendant cette longue période, sous le règne
de Charlemagne, et plus tard jusqu'au traité
de Verdun, en 843, ce pays fut divisé en co-
mitatus ou comtés administrés par des comtes
que nommaient les rois de France.
Au partage de Verdun, la Bourgogne échut
à Lothaire I
e r
, qui, en 855, laissa à son troi-
sième fils, Charles, le Lyonnais, la Savoie, la
Provence et le Dauphiné, avec le titre de roi
de Provence. Mais, en 875, à l'extinction de
la race de Lothaire I
e r
, la Bourgogne fut re-
placée momentanément sous la domination
des Francs occidentaux. Cependant, à la mort
de Louis le Bègue, les prélats de Bourgogne
se réunirent à Mentaille, en-D;iuphiné, et,
avec l'assentiment des comtes et des sei-
gneurs bourguignons, forcèrent Boson à
[irendre le titre de roi (879).
— Royaume de Bourgogne Cisjurane. Boson,
le fondateur du royaume de Bourgogne Cisju-
rane, était beau-frère de Charles le Chauve,
et avait épousé Hermangarde, fille de l'em-
pereur Louis II; il eut d'abord à lutter contre
les deux rois de France Louis et Carloman,
qui voulaient le réduire au rang de vassal.
En 882, pour régner en paix, il reconnut tenir
son royaume à titre de fief de Charles le Gros.
Son fils Louis lui succéda en 887, et, à titre de
petit-fils de l'empereur Louis II, il voulut
faire valoir ses droits sur l'Italie ; mais après
quelques succès sur son compétiteur Béren-
ger, après avoir reçu du pape la couronne
impériale, il fut surpris dans Vérone par son
rival, qui lui fit crever les yeux. En mourant
(928), il laissa la tutelle de son jeune fils à
Hugues, l'ambitieux comte d'Arles et de Pro-
vence, qui dépouilla son pupille et céda à Ro-
dolphe U, roi de la Bourgogne Transjurane,
ce qu'il possédait sur les bords du Rhône, afin
de s'assurer la possession de la couronne
d'Italie, dont il s'était emparé.
— Boyaume de Bourgogne Transjurane.
Après la déposition de Charles le Gros, Rodol-
phe, fils du comte Conrad, et neveu du roi de
France Hugues Capet, jusqu'alors gouverneur
de la Lorraine et de VHelvétie, prit le titre
de roi de la haute Bourgogne ou Bourgogne
Transjurane (888). A la mort de Boson, Ro-
dolphe recula les frontières de ses Etats aux
dépens de ses voisins, et, après avoir repoussé
les agressions d'Arnuf, roi de Germanie (912),
il mourut, laissant la couronne à son fils
Rodolphe II. Celui-ci soutint une guerre mal-
heureuse contre Burkhard, duc de Souabe ;
essaya vainement, malgré quelques succès, de
s'emparer de l'Italie, mais agrandit ses Etats
de la Provence ou Bourgogne Cisjurane, que
lui céda Hugues, devenu roi d'Italie. La réu-
nion des deux royaumes de Bourgogne, sous
le nom de royaume d'Arles, formait un Etat
puissant qui couvrait l'est de la France j a -
mais le nom bourguignon n'avait été envi-
ronné de tant d'éclat. Mais sous le monarque
suivant, Conrad le Pacifique (937-993), les
Hongrois, sortis de la Rhétîe, les Sarrasins,
venus ùu Midi, des famines consécutives et la
peste, désolèrent le royaume. Conrad cepen-
dant sortit victorieux de toutes ces luttes et
légua.sa couronne à son fils Rodolphe III,
qui fut proclamé par les grands réunis à Lau-
sanne, en 993. Ce prince, timide et efféminé,
redoutant les grands et cherchant à plaire aux
évoques, enrichit les couvents et légua ses
Etats à l'empereur d'Allemagne Henri II, fils
de sa sœur Gisèle. -
L'empereur d'Allemagne, après de nom-
breux combats livrés aux puissants comtes
bourguignons, finit par faire triompher ses
prétentions; à partir de ce temps (1033), la
Bourgogne fit partie intégrante de l'empire "et
' eut ses gouverneurs héréditaires. Mais, en
même temps, il se forma dans le royaume une
noblesse puissante qui, sous la suzeraineté
nominale des empereurs allemands, conserva
son indépendance jusqu'au moment où la
France, la Savoie et la Suisse se partagèrent
les dépouilles du royaume d'Arles.
— Duché de Bourgogne. A l'époque où se
constituaient les deux royaumes de Bourgogne
dont nous venons de résumer l'histoire, il se
forma à l'ouest de la Saône et du Rhône un
troisième Etat bourguignon, qui resta attaché
à la France sous le titre de duché de Bour-
gogne. Richard, comte d'Autun, fut nommé au
duché de Bourgogne par Charles le Chauve
en 877. A la mort de Richard, son duché passa
à son fils Raoul, couronné plus tard roi de
France à Soissons, et qui-mourut en 936, sans
laisser de descendance. Après plusieurs que-
relles entre les compétiteurs, le duché échut
à Hugues le Grand, comte de Paris, qui le
laissa successivement à ses deux fils, Othon
(956) et Henri (965). Après ce dernier, le du-
ché fut pendant trente ans réuni à la couronne
de France, de 1002 à 1032.
La seconde dynastie des ducs de Bourgogne
"commence à Robert le Vieux, frère du roi de
France Henri I
u r
, qui le lui donna (1032) non
en apanage, mais en toute propriété. Robert,
prince violent et farouche, eut pour succes-
seur (1075) son petit-fils Hugues 1er, qu^ en
1078, embrassa la vie monastique, laissant le
duché à son frère Eudes I"*, surnommé Borel;
celui-ci, après avoir guerroyé contre les Mau-
res, en Espagne, alla mourir en Palestine
(1108). Hugues II le Pacifique succéda à son
père et fut un fidèle allié de Louis le Gros,
contre les Anglais et les impériaux, qui avaient
envahi la Champagne. Eudes II, fils du pré-
cédent, ceignit la couronne en 1142, et, après
quelques démêlés avec le roi de France
Louis VIH, laissa le duché en. U62 à Hu-
gues III, son fils, qui fit partie de la croisade
dont Philippe-Auguste et Richard d'Angle-
terre furent les chefs ; il mourut en Asie (1193),
laissant deux fils, Eudes et Alexandre. Le
premier succéda à son père, se croisa contre
tes Albigeois et commanda l'aile droite à la
bataille de Bouvines ; il allait passer en
Egypte, à la tète d'un corps de croisés, lors-
qu'il fut surpris par la mort en 1218. Hu-
gues IV, son fil3 et son successeur, se rendit
en Palestine avec saint Louis, tomba entre
les mains des infidèles, et, après avoir recou-
vré sa liberté, devint roi titulaire de Thessa-
lonique. En 1272, Robert II, son troisième fils,
lui succéda et régna heureux et puissant
jusqu'à sa mort (1305). Hugues V régna jus-
qu'en 1315; Eudes IV, son frère, lui succéda,
hérita des comtés d'Artois et de Bourgogne,
fit la guerre de Flandre, contre les Anglais et
les Flamands, et mourut en 1350 à Sens, après
un règne long et brillant, laissant la couronne
ducale à son petit-fils Philippe de Rouvre,
douzième et dernier duc de la race capétienne
(1350-1361). A la mort de celui-ci, le roi de
France Jean se mit en possession du duché,
et, à son retour d'Angleterre i 1360), il le con-
céda à titre de fief à Philippe le Hardi, le qua-
trième de ses fils, pour le récompenser de sa
bravoure à la bataille de Poitiers.
Les ducs de Bourgogne de cette nouvelle et
célèbre famille de Valois sont au nombre de
quatre : Philippe (1360-1404); Jean sans
Peur (1404-1419)i ; Philippe le Bon (1419-1467) ;
et Charles le Téméraire (1467-1477). Comme
l'histoire de ces-derniers ducs de Bourgogne
se trouve constamment mêlée à l'histoire de
France et présente un grand intérêt, nous
renvoyons le lecteur à la biographie de ces
princes.
A la mort de Charles le Téméraire, Louis XI
se saisit de la plus grande partie de l'héritage
de son ancien ennemi et réunit la Bourgogne
à la couronne de France.
— Etym. et ethnogr. Au mot BURGONDKS,
nous passerons ea revue les différents noms
sous lesquels les écrivains anciens désignaient •
ce peuple, sans nous arrêter à en rechercher
l'étymologie. Nous allons essayer de le faire
ici de la façon la plus complète, en prenant
pour guide l'excellente dissertation de M. Ro-
ger de Belloguet, publiée sous le titre de
Questions bourguignonnes. A côté des noms
conservés par les auteurs grecs et romains,
nous en avons une autre série, tout aussi inté-
ressante, dans les plus anciennes traditions
allemandes et Scandinaves, dans les Niebelun-
gen,YEdda Sœmundar, le Périple de Wutf-
stan, etc.: ce sont : Bourgounde, Burgonde,
Burigotmde, Borgtmdar, Burgcnde et Burge-
nœre. Il est même parlé, dans les traditions
relatives aux Lombards recueillies par Paul
Diacre, d'une contrée située dans la Germanie
et appelée Vurgonhaib, probablement analo-
gue à Vurgondheim, ce qui signifierait le pays
des Burgondes. Quelques auteurs ont même
cherché à ce nom une forme Wurgondar, qui
donnerait le sens très-précis, mais assez in-
vraisemblable et d'ailleurs nullement justifié,
à'étrangleurs. « Dans toutes ces variantes la-
tines ou germaniques, dit M. Roger de Bello-
guet, se présentait une racine si évidente,
commune aux deux langues, le bourk tudesque
et le burgus romain, que la plupart des histo-
riens,^ depuis Orose jusqu'à Luitprand, quel
que fût leur point de départ, ont fait dériver
le nom de Burgonde de cette racine, qui signi-
fiait, pensait le plus grand nombre, bourg ou
village. » M. Roger de Belloguet fait observer
à ce propos que le sens propre de bourk ou
burg est plutôt celui de château, de fort, de
palais. On obtenait ainsi l'identification de la
première partie du mot; quant à la seconde,
on imaginait pour l'expliquer des formes de
mots composés germaniques, tels que : Bourg-
kound, Bourg-wohner, Bourg-hoade, Bourg-
gound et Bourg-hound. avec les significations
variées de enfant, habitant, gardien, fille ou
chien des bourgs ou des forts. Citons encore
pour mémoire l'étymologie, tirée par les che-
veux encore plus que les autres, de Bourg-
houndert, les cent bourgs, les centum pagi des
Suèves; celle de Waïther, très-ingénieuse :
bauer-gunther, soldats laboureurs, ou plus
exactement laboureurs soldats ; celle mi-partie
slave et mi-partie germanique de Pfuter :
Bor-kund, les hommes des forêts. Rappelons
enfin celle d'Augustin Thierry, beaucoup plus
vraisemblable que les précédentes et répon-
dant bien aux mœurs guerrières de la race :
Buhr-gunden, hommes de guerre confédérés.
M. Roger de Belloguet rejette toutes ces
interprétations et en propose une autre toute
différente. Il s'adresse pour cela, non pas aux
langues germaniques, comme l'ont fait ses de-
vanciers, mais aux langues Scandinaves, leurs
joroches parentes, Burgonde se décompose-
rait, suivant lui, en Bor-kundur ou Byr-kun-
dur, fils de Bor, ou enfants du vent. Il fait
très-judicieusement remarquer que cette dé-
nomination-métaphorique est tout à fait dans
le goût de la Skalda. 11 en rapproche l'appel-
lation si populaire, même chez nous, de Aie-
belungen ou Niblungar, qui ne veut pas dire
autre chose que les enfants du brouillard.
Enfin M. de Belloguet rappelle que les Bur-
ondes prirent plus tarfl un autre nom, celui
e Guntbadingi, ou Gunebsdigni, descendants
de Guntbud ou Gundebod, le roi Gondebaud.
Bourgogne (HISTOIRE DUS DUCS DU LA MAI-
SON DE), par M. de Barante (Paris, 1824,
13 vol.). Cet ouvrage, qui, par sa méthode,
diffère si complètement des écrits d'Augustin
Thierry et de ceux de M. Thiers, représente
une écola historique dont l'autorité est main-
tenant battue en brèche. Il convient et il im-
porte d'en discuter les principes et les procé-
dés. M. Demogeot, tout en rendant homnmge
au livre de M. de Barante, qui n'avait pris la
plume qu'après avoir consulté un grand nom-
bre de mémoires, de chroniques et de manu-
scrits, condamne la méthode suivie et pro-
fessée par l'historien ; ses raisons nous pa-
raissent victorifîuses. Qu'on en juge par les
principales. L'école de M. de Barante est
l'école descriptive, a Elle raconte, niais sans
conclure; elle peint, mais sans instruire; elle
fait de l'histoire un roman plein d'intérêt
d'abord, mais qui fatigue bientôt la curio-
sité, parce qu'il n'occupe pas assez l'intel-
ligence... Voici revenir les hauts gestes et
faits, les belles apertises d'armes : rien ici
d'abstrait et d'idéal, tout est réel, individuel,
tout est récit, ou plutôt tout est peinture. >'
C'est le chroniqueur Froissart qu'imite l'his-
torien moderne ; il lui prend son ton et sa
manière. Les événements ne semblent se tenir
que par leur succession; l'enchaînement des
causes et des effets s'évanouit. L'auteur s'ab-
stient de réfléchir, et, de plus, il rend toute
réflexion impossible. On ne voit que le fait
accompli, le spectacle extérieur, la mise en
scène; on ignore si, derrière le théâtre, il y a
des moteurs, des ressorts secrets. Le hasard
détermine les circonstances et les résultats.
Que devient la responsabilité humaine? que
devient la moralité de l'action? Dans ce sys-
tème, l'histoire n'est plus qu'une affaire de
BOUR
BOUR
BOUR
BOUR 1131
mémoire ; elle se dépouille de tout enseigne-
ment philosophique. Et d'ailleurs, ce système
est rigoureusement impraticable. D'une part,
l'école descriptive est obligée, comme les au-
tres, de concilier et de compléter les récits des
vieux historiens, de refaire leur travail, con-
densé ou étendu dans l'œuvre nouvelle; d'au-
tre part, elle est tenue de conclure, bon gré
mal gré : les opinions régnantes, la pensée de
l'auteur, se révéleront indirectement dans le
choix des circonstances et jusque dans les
formes de son langage. Ses erreurs seront dif-
ficiles à découvrir; le lecteur acceptera tout
de confiance.
M. de Barante a paré son système, c'est-à-
dire son livre, de tous les agréments du récit.
« Tant que vous le lisez, dit M. Demogeot,
vous êtes sous le charme de sa narration.
Quel magnifique tableau ne déploie-t-il pas
devant nous ! Avec quel art n'a-t-il pas choisi
l'époque (1364-1477) qui, plus que toute autre
peut-être, était appropriée à son système 1
C'est un temps où ces êtres collectifs et ab-
straits qu'on nomme les nations ne sont pas
constitués encore; la politique naissante y
laisse surtout agir la passion personnelle; les
individus peuvent impunément être grands
par l'héroïsme ou par le crime. M. de Barante
les saisit dans toute leur vérité. Les person-
nages, tels que Jean Hyons, Pierre Dubois,
Jacques Arteveldt, sont aussi vivants que ceux
de Walter Scott. La croisade des chevaliers
français en Hongrie est une peinture admira-
ble : la bataille de Nicopolis produit l'effet de
la plus saisissante réalité. La bravoure du
vieil amiral qui, seul au milieu des janissaires,
élève six fois en l'air la bannière de la France,
la mort du vaillant Coucy, l'héroïsme du jeune
comte de Nevers, qui fut depuis Jean sans
Peur, tout cela est frappant, tout cela se
passe sous nos yeux. En somme, ce livre est
une œuvre du plus grand mérite, quoiqu'il soit
a. désirer que la méthode de M. de Barante,
sujette même ici à tant de défauts, soit adop-
tée plutôt par les auteurs de romans histori-
ques que par les historiens. »
BOURGOGNE
BOURGOGNE (Louis, duc DE), dauphin de
France, petit-fils de Louis XIV, fils aîné du
grand dauphin, père de Louis XV, né en 1682,
mort en 1712. Plein d'esprit et de pénétration,
ce prince était né dur, opiniâtre, orgueilleux
et d'humeur violente. Confié aux soins de Fé-
nelon, Fleury et Beauvilliers, il se transforma
d'une manière extraordinaire et devint, au
témoignage de Saint-Simon et des contempo-
rains, un modèle de vertu, de patience, de
douceur et de piété. Plein de déférence en-
vers ses précepteurs, il entra dans leurs pro-
jets de réformes aristocratiques et constitu-
tionnelles tout à la fois (v. FÉNELON). a II se
proposait, dit Saint-Simon, de partager le
royaume en un certain nombre de parties éga-
les, autantqu'il se pourrait, pour les richesses ;
de faire administrer chacune par ses états ;
de les simplifier tous extrêmement pour en
bannir la cohue et le désordre, et, d'un extrait
aussi fort simplifié de tous ces états des pro-
vinces , former quelquefois des états géné-
raux du royaume. » C'est pour le duc de
Bourgogne que Fénelon avait composé son
Télémaque. Lorsque les querelles du quiétisme
amenèrent la disgrâce et l'exil de l'archevê-
que de Cambrai, le jeune çrince, qui lui por-
tait une vive affection, se jeta, mais en vain,
aux pieds de Louis XIV pour obtenir que son
précepteur lui fût conservé. En 1697, le duc
de Bourgogne épousa Adélaïde de Savoie,
princesse qui devint, par sa grâce et par son
esprit, l'enchantement de la cour du vieux roi.
Il l'aima tendrement et constamment, bien que
celle-ci, si l'on en croit Saint-Siinon,.n'ait pas
donné des preuves d'une fidélité constante.
Louis XIV donna à son petit-fils le comman-
dement de l'armée de Flandre en 1702 et le
nomma, l'année suivante, généralissime de
l'armée d'Allemagne. Mis en 1708, avec le
même titre, à la tête des armées de Flandre,
après les défaites d'Hochstœdt et de Turin, le
jeune prince se trouva en présence-de Marl-
borougn et du prince Eugène. Bien qu'il eût
près de lui le duc de Vendôme, le duc de
Bourgogne ne commit que des fautes et n'es-
suya que des revers. Sa timide circonspection
amena la défaite d'Oudenarde et la prise de
.Lille. Il quitta l'armée pour n'y plus revenir,
et retourna à la cour. Un de ses menins, Ga-
mache, faisant allusion à l'excessive dévotion
et aux pratiques minutieuses auxquelles ce
prince se livrait, lui dit ces paroles connues :
« Je ne sais si vous aurez le royaume du ciel ;
mais, pour celui dé la terre, le prince Eugène
et Marlborough s'y prennent mieux que vous. »
Devenu dauphin a la mort de son père (17U),
il fut appelé dans les conseils par Louis XIV,
s'instruisit sur l'état du royaume, vit les maux
et chercha les remèdes pour les appliquer
quand il serait sur le trône. * Un roi est fait
pour ses sujets, et non les sujets pour le roi, •
dit-il un jour a Marly devant Louis XIV, qui
professait la maxime diamétralement opposée.
Cette parole, inspirée par Fénelon, donne une
idée du caractère et des tendances du duc de
Bourgogne, Il était l'espoir de tout un parti à
la cour, lorsqu'il mourut, subitement enlevé
par une rougeole pourprée X moins d'un an
après la mort de son père et six jours après
celle de sa femme, Marie-Adélaïde. Un de ses
fils mourut également trois semaines plus tard
et de la même maladie. On soupçonna, mais
sans doute à tort, le duc d'Orléans de n'avoir
pas été étranger à ces catastrophes multi-
pliées.
BOURGOGNE
BOURGOGNE (CANAL DE), grande voie de
navigation qui fait communiquer la Méditer-
ranée et la Manche par la Saône et le Rhône
d'un côté, l'Yonne et la Seine de l'autre. Il
.commence à La Roche, à 10 kilom. E. de Joi-
gny, dans le département de l'Yonne, suit la
vallée de l'Armançon depuis l'embouchure de
cette rivière jusqu'à sa source, traverse la
ligne de faite à Pouilly par des tranchées et
un souterrain de 3,333 mètres, suit la vallée
de l'Ouche, et va rejoindre la Saône au-dessus
de Saint-Jean-de-Losne, après un parcours de
242 kilom. dans les départements de l'Yonne
et de la Côte-d'Or. Il passe à Brinon, Saint-
Florentin, Tonnerre, Ancy-le-KranC, Buifon,
Montbard, Pouilly, Vandenesse, Plombières et
Dijon. Il est alimenté par des prises d'eau na-
turelles et par des réservoirs, dont les princi-
paux sont ceux de Grosbois et de Panthiers ;
les pentes des deux versants de la Seine et du
Rhône sont rachetées par 191 écluses ; le ti-
îant d'eau est de 1 m. 60; la charge maxima
de 150 tonnes. L'ouverture du chemin de fer
de Paris à Lyon a beaucoup fait baisser le
mouvement de la navigation sur le canal de
Bourgogne; cependant ce mouvement, qui a
été, en 1861, de 158,690 tonnes, est en progrès
sur les années précédentes. Ce canal avait été
projeté sous le règne de Henri IV. En 1G66,
le célèbre Rîquet fut chargé d'étudier de nou-
veau ce projet, qui fut dans la suite plusieurs
fois repris et abandonné. En 1775, on com-
mença l'exécution des travaux, qui furent sus-
pendus en 1793 par la Révolution, repris par
l'empire en 1808, et abandonnés encore en
1814. La Restauration, par une loi du 14 août
1822, voulut mettre la dernière main à celte
œuvre, qui ne fut réellement et complètement
exécutée que de 1832 à 1834, et qui coûta
54,403,314 fr.
BOURGOGNE
BOURGOGNE (HÔTEL DE). Cet hôtel, dont
nous n'avons plus qu'un curieux reste, la tour
dont nous parlerons tout à l'heure, s'élevait
n e Pavée-Saint-Sauveur (aujourd'hui rue du
Petit-Lion, no 23). Originairement bâti pour les
comtes d'Artois, il était situé non loin des
murs de Philippe-Auguste, lesquels .bornaient
l'espace où il était renfermé. Lorsque cette
enceinte fut reculée de ce côté, l'hôtel d'Ar-
tois s'étendit dans la rue Mauconseil jusque
vis-à-vis Saint-Jacques de l'Hôpital. Margue-
rite, comtesse d'Artois et de Flandre, qui en
était alors propriétaire, l'apporta en dot à
Philippe.le Hardi, fils du roi Jean, qui fut la
tige de la nouvelle maison de Bourgogne, si
fatale à la France. L'hôtel de Bourgogne de-
vint bientôt l'habitation favorite du trop fa-
meux Jean sans Peur, qui abandonna pour
lui l'hôtel de Flandre. Ses successeurs 1 imi-
tèrent et s'y installèrent définitivement. Cet
hôtel servit donc de séjour aux ducs de
Bourgogne jusqu'à la chute et la mort de
Charles le Téméraire (1477), époque où il
devint l'habitation de certains particuliers
f
irivilégiés, que la faveur royale logeait dans
es demeures de la couronne. Un édit de
François 1er du 20 septembre 1543 en prescri-
vit la démolition pour cause de vétusté. Il n'en
demeura debout qu'une grosse tour quadran-
gulaire. Quant au terrain, morcelé en diverses
parts, un sieur Jean Rouvet en acquit la
majeure partie, qu'il vendit à son tour aux
confrères de la Passion, lesquels y construi-
sirent aussitôt la salle connue sous le nom de
Théâtre de l hôtel de Bourgogne. (V. ci-après.)
La grosse tour quadrangulaire, qui a sur-
vécu à la destruction de l'hôtel proprement
dit, subsiste encore. C'est un curieux docu-
ment, un échantillon précieux de l'importance
qu'avaient au xv*
3
siècle ces vieilles demeures
princières. Elle est énorme, construite en
pierres de tailie solidement cimentées, soi-
gneusement appareillées : l'édifice est percé
de baies ogivales, et couronné de mâchicoulis.
A l'intérieur, un large escalier à vis monte en
serpentant, partant d'une haute salle voûtée
en ogive, qui, aujourd'hui, se divise en étages.
Sur cet escalier s'ouvrent des portes carrées,
bordées de moulures, et des fenêtres de même
forme y projettent la lumière. Les degrés
tournent autour d'une colonne terminée par
un chapiteau d'un ordre fort simple. Mais de
ce chapiteau, servant de support, part une
caisse ronde en pierre, cerclée d'un triple an-
neau double et sur laquelle s'élance et ser-
pente un curieux travail de sculpture : ce sont
les tiges d'un chêne vigoureux ; les branches
en décrivent quatre travées d'ogives, et le
feuillage couvre la voûte dans toute son éten-
due. C'est un monument unique dans l'art de
l'ornementation, d'une élégance et d'une lé-
gèreté rares. Deux rabots et un fil ji plomb,
sculptés au milieu de fleurons gothiques dans
le tympan ogivul d'une baie extérieure, indi-
quent d'une manière à peu près certaine la
date de la construction : Jean sans Peur, par
opposition aux bâtons noueux du duc d'Or-
léans, avait en effet des rabots pour orgueil-
leux emblèmes. Si Jean sans Peur n'en a pas
posé la première pierre, du moins est-il hors
de doute qu'elle ne peut remonter plus haut
qu'à son père, le duc Philippe le Hardi. C'était
dans cette tour que Jean, le mal nommé, cou-
chait, entouré d'un, véritable arsenal d'armes,
l'oreille au guet, éveillé et debout au moindre
bruit; c'est de cette tour, son repaire, qu'il
dirigea les scènes sanglantes qui portèrent le
désordre dans Paris sous le roi Charles VI,
l'assassinat du duc d'Orléans, etc.
La rue du Petit-Lion, sur le parcours de
laquelle on rencontre cette tour célèbre, der-
rière la halle aux cuirs, qui occupe aujour-
d'hui l'emplacement de l'ancien hôtel de Bour-
gogne, est tombée soûs le marteau des démo-
lisseurs pour le percement du prolongement
de la rue Turbigo; la tour de Jean sans Peur
reste debout, et elle formera, dit-on, le centre
d'un square analogue à celui de la tour Saint-
Jacques-la-Boucherie.
BOURGOGNE
BOURGOGNE (le bâtard DE). V. ANTOINE.
BOURGOGNE
BOURGOGNE (duchesse DE). V. MARIE.
BOURGOGNE'
BOURGOGNE' (théâtre de I'HÔTEL D E ) ,
théâtre bâti vers 1548 par les confrères de la
Passion, sur l'emplacement occupé aupara-
vant par l'hôtel des ducs de Bourgogne. Il
était situé dans la rue Mauconseil, à la place
où s'élève aujourd'hui la halle aux cuirs.
C'est là que jouèrent d'abord Gros-Guillaume,
Gauthier-Garguille, Turïupin, Bruscambille ;
puis Floridor, Mondory-, la Béjart, mère de la
femme de Molière; Baron père, Poisson, et
surtout la fameuse Champmeslé et son mari ;
c'est là que furent représentés les chefs-
d'œuvre de Corneille et de Racine. Les comé-
diens italiens exploitèrent ce théâtre de 1680
à 1697. puis de 1716 à 1719; il fut définitive-
ment fermé en 1783, et détruit dans la même
année. Durant ces derniers intervalles, on
joua des canevas italiens, des comédies fran-
çaises d'Autreau, Marivaux, Saint-Foix, etc.;
les opéras-comiques de Sedaine et de Favart,
embellis par la musique de Monsigny, Grétry,
Dalayrac, etc. L'histoire de l'hôtel de Bour-
gogne est en même temps celle des origines
de la comédie française; à ce titre, nous pen-
sons que le lecteur Tiens saura gré des déve-
loppements dans lesquels nous allons entrer :
C'est vers 1402 que fut construit l'hôtel de
Bourgogne, l'année même où les confrères de
la Passion obtenaient le privilège déjouer des
mystères dans l'enceinte de la Trinité, près du
lieu où s'élève la porte Saint-Denis. Les con-
frères de la Passion, malgré la protection
dont Charles VI se plaisait à les entourer,
étaient, certes, loin de supposer alors qu'ils
succéderaient un jour à ces puissants et or-
gueilleux ducs de Bourgogne, qui agitèrent si
fort la France, et lui firent tant de mal par
leur ambition et leur alliance avec les An-
glais. La chose devait pourtant arriver. Fran-
çois 1er ayant ordonné en 1543 la démolition
de l'hôtel de Bourgogne, tombé en ruine de-
puis la mort de Charles le Téméraire, les
doyens, maîtres et gouverneurs de la Confrérie
de la Passion de Pfotre-Seigneur Jésus-Christ
achetèrent, moyennant 225 livres de rente
P
erpétuelle, une grande partie des terrains de
ancienne demeure de fa famille ducale qui
s'était éteinte. Sur ces terrains, ils firent
bâtir un théâtre, malgré l'opposition du par-
lement, qui confirma cependant, par arrêt
du mois de novembre 1548, le privilège royal
qu'ils avaient réussi à obtenir. Le parlement
leur fit toutefois défense « de jouer les mys-
tères de la Passion de Nostre-Sauveur, ni
autres mystères sacrés, sous peine d'amende
arbitraire, » leur permettant seulement « de
jouer autres nvystères profanes, licites et hon-
nêtes^ sans offenser ni injurier aucune per-
sonne. » Ajoutons que les confrères de la Pas-
sion s'étaient associé les Sots et les Enfants
sans souci, dépositaires des joyeuses audaces
de la vieille farce populaire, qui devait, en
passant des tréteaux des Halles aux planches
de la rue Mauconseil, devenir la-comédie.
Avec eux ils avaient occupé, dès 1539, l'hôtel
de Flandre, d'où ils étaient chassés mainte-
nant par les démolitions ordonnées par le
roi, et dans lesquelles l'hôtel de Flandre se
trouvait compris.
Voilà donc les Confrères installés à» l'hôtel
de Bourgogne, et munis d'un privilège qui les
met en possession du droit exclusif de donner
à Paris des représentations théâtrales. Forcés
de renoncer désormais à leur répertoire ordi-
naire, ils s'en composèrent un autre avec des
pièces tirées de l'histoire et des romans, tail-
lées pour la plupart sur le patron des ou-
vrages grecs et latins. Ronsard avait mis l'an-
tiquité à la mode. Sénèque était surtout en
grand honneur ; on traduisit et on imita par-
ticulièrement Sénèque. Jodelle, mort en 1573,
Baïf, Grévin et plus tard Robert Garnier ,
qui
;
après avoir éclipsé Jodelle, devait être
éclipsé par Corneille, jetèrent en cet endroit
les premières assises de notre littérature dra-
matique.
Cependant les Confrères ne jouaient qu'avec
répugnance des pièces dont le genre s'éloi-
gnait entièrement de celui de leur fondation.-
Possesseurs d'un privilège exclusif et de ri-
chesses considérables, ils se lassèrent bientôt
du rôle qu'ils avaient accepté; aussi résolu-
rent-ils de ne plus monter eux-mêmes sur les
filanches, prétendant dans leur sagesse que
es pièces profanes ne convenaient pas au
titre religieux qui caractérisait leur associa-
tion; en conséquence, ils louèrent à une troupe
de comédiens l'hôtel qu'ils avaient fait con-
struire, et lui concédèrent le droit d'y donner
des représentations. Les confrères de la Pas-
sion se réservèrent seulement la jouissance
de deux loges, les plus rapprochées de la
scène; ces loges, distinguées par des bar-
reaux , reçurent le nom de loges des maîtres.
Ces nouveaux occupants formèreut la pre-
mière troupe régulière qui parut chez nous.
Henri II, qui les avait pris sous sa protection
particulière, assistait à leurs représentations.
Sous Kenri III, l'hôtel de Bourgogne reçut
les Gelcsiy comédiens italiens que ce prince
avait fait venir d'Italie pour jouer pendant les
états de Blois. Leurs représentations à l'Hôtel
de Bourgogne commencèrent le 29 mai 1577,
et le Journal de l'Estoile nous apprend qu'ils
prenaient quatre sous par personne. La nou-
veauté de leur spectacle, composé de ces
farces italiennes qui devaient prendre par la
suite droit de cité chez nous , excita vive-
ment la curiosité des. Parisiens, et chaque
soir l'Hôtel de Bourgogne se trouvait envahi
ar la foule : manants^ bourgeois, gentils-
ommes, tout le monde y affluait, vu la
modicité du prix, dans un pèle - mêle qui
, confondait toutes les classes de la société.
Arlequin, Pantalon, Giangurgolo, Scaramou-
&
che et le capitan ne tardèrent pas , par la li-
berté de leurs allusions, à éveiller les suscep-
tibilités du parlement. Défenses furent faites
aux Gelosi « de plus jouer leurs comédies
parce qu'elles n'enseignaient que paillardises;»
mais, au bout de trois mois, les comédiens ita-
liens, par ordre du roi, recommencèrent leurs
représentations (décembre 1577). Les troubles
quiagitaientalors le royaume étantpeufavora-
bles aux spectacles,les Gelosi retournèrent dans
leur patrie. Une deuxième troupe de Gelosi repa-
rut en 1584, et une troisième en 1588; mais l'une
et l'autre ne demeurèrent que peu de temps,
et ne laissèrent que peu de souvenirs. Henri IV,
lors de son mariage avec Marie de Médicis,
en amena une nouvelle troupe du Piémont, en
1610, laquelle avait pour chef J.-B. Andreini,
dit Lelio, que nous retrouvons encore à'Paris
sur le théâtre de l'Hôtel de Bourgogne en
1618, puis de 1621 jusqu'à la fin du carnaval
de 1623. Il revint une dernière fois en 1624,
avec ses camarades François Gabieli et Ni-*
colas Barbieri. Plus tard des Gelosi, appelés
en France par le cardinal Mazarin (1645),
n'eurent pas de succès et furent remplacés
par d'autres qui-ne réussirent pas mieux. Une
autre troupe vint encore, et obtint la permis-
sion de jouer à l'Hôtel de Bourgogne alterna-
tivement avec les comédiens français, au
théâtre du Petit-Bourbon avec la troupe de
Molière, et ensuite au théâtre du Palais-
Royal ; car ce ne fut, ainsi que cela sera dit
plus loin, qu'au moment de la réunion des
deux troupes françaises sur le théâtre de la
rue Guénégaud que les comédiens italiens se
trouvèrent seuls possesseurs de celui de l'Hô-
tel de Bourgogne. Mais retournons à nos con-
frères de la Passion, que nous avons laissés
affermant leur local a des acteurs réunis en
troupe. Il s'était formé de nombreuses com-
pagnies de comédiens qui parcouraient les
provinces, ne pouvant s'établir à Paris, à
cau.se du privilège accordé aux confrères de
la Passion. Quand ces derniers eurent cédé
leur hôtel, il se trouva que plusieurs troupes
nomades, profitant des privilèges accordés
aux foires, dressèrent des théâtres en plein
vent. En 1695, des comédiens étant venus s'in-
staller à la foire Saint-Germain eurent, à
cette occasion, une vive contestation avec les
confrères, qui prétendirent exercer le privi-
lège exclusif des .théâtres; une sentence du
lieutenant civil, du 5 février 1596, maintint
néanmoins le théâtre forain, à condition que
les nouveaux venus payeraient, chaque année
qu'ils joueraient, aux administrateurs de la
confrérie de la Passion, la somme de deux
écus. Cette troupe de la foire Saint-Germain
finit par établir un théâtre au Marais du
Temple en 1600. En 1612, les comédiens de
l'Hôtel de Bourgogne, qui n'étaient plus à
l'abri de la concurrence, demandèrent d'être
affranchis du droit qu'ils payaient aux con-
frères de la Passion, et 1 abolition de cette
confrérie. Un arrêt du conseil fit] droit p. leur
requête en 1629, et les rendit seuls proprié-
taires de l'Hôtel de Bourgogne.
Il est à supposer qu'au milieu des agitations
d'une époque de troubles politiques, le public
des théâtres se montra plus d'une fois d'une
composition difficile. En effet, nous rencon-
trons sur notre route un règlement de police
du 5 février 1596, défendant à toute personne
de faire violente en l'Hôtel de Bourgogne ; d'y
jeter des pierres, de la poudre ou d'autres
. choses qui pussent émouvoir le peuple à sédi-
tion. Une. autre ordonnance du 12 novembre
1609 enjoignit aux comédiens d'ouvrir les
portes à une heure après midi, et de commen-
cer leurs représentations à deux heures, o soit
qu'il y eût du monde ou qu'il n'y en eût pas,
et de les clore à quatre heures et demie du
soir en hiver; » elle défendit d'exiger plus de
cinq sous pour les places de parterre, et plus
de dix sous pour les galeries; néanmoins, lors-
que les pièces nouvelles avaient occasionné
des frais extraordinaires, le lieutenant civil
du Châtelet déterminait l'augmentation qui
devait avoir lieu sur le prix des entrées.
Parmi les premiers acteurs du théâtre de
l'Hôtel de Bourgogne, nous citerons Hugues
Guéru, dit Fléchelle ou Gauthier-Garguille ;
Robert Guérin, dit Lafleur ou Gros-Guillaume ;
Henri Legrand, dit Belleville ou Turïupin.
Gauthier-Garguille, Gros Guillaume et Turïu-
pin, farceurs homériques, amusèrent tout Pa-
ris pendant un demi-siècle ; ils furent les
maîtres de Molière, qui s'est quelquefois res-
souvenu des bouffonneries de l'inimitable trio.
Molière, à peine âgé de huit ans, était con-
duit par son grand-père maternel à l'Hôtel
de Bourgogne, et la tradition rapporte qu'il
f
>renait un plaisir extrême à entendre les
azzi des trois compagnons et ceux du fa-
meux Italien Fiurelli, dit Scaramouche. Les
frères Parfaict, dans leur Histoire du thêâtra
1132 BOUR BOUR
BOUR
BOUR
français, ont donné une fin touchante à ces !
trois excellents comédiens liés d'une inaltéra-
ble amitié : « Gros-Guillaume, qui jouait à vi- !
sage découvert, eut la hardiesse de contre-
faire un magistrat à qui une certaine grimace
était familière, et il le contrefit trop bien, car
il fut décrété, lui et ses compagnons. Ceux-ci
prirent la fuite ; mais Gros-Guillaume fut ar-
rêté et mis dans un cachot : le saisissement
qu'il en eut lui causa la mort; et la douleur
que Gauthier-Garguille etTurlupin en ressen-
tirent les emporta dans la même semaine. »
Ceci remonterait à l'année 1634, mais il pa-
raît qu'il ne faut pas ajouter une foi com-
plète a cette histoire. Quoi qu'il en soit, il est
a peu près prouvé que les trois amis se sui-
virent d'assez près dans la tombe. Gauthier-
Garguille mourut le premier, à la fin de 1633,
et, dès 1634, nous voyons Guillot-Gorju le
remplacer a l'Hôtel de Bourgogne. Quant à
ses deux confrères, il n'en est plus question
sur ces planches, où ils avaient été si fort
applaudis. Citons encore, parmi les acteurs de
cette époque, Pierre Lemessier, dit Bellerose,
mort en 1670 ; il entra à l'Hôtel de Bourgogne
en 1629, et devint le chef de la troupe. Jus-
qu'en 1643, époque de sa retraite, il brilla
dans les premiers rôles tragiques et comiques;
on lui doit les créations de Cinna et du Men-
teur. Jean Farine, dont on ignore le véritable
nom
7
et qui jouait dans la farce; Alison, qui
jouait les servantes et les nourrices, les femmes
ne paraissant pas encore sur.la scène; Julien
Joffrin de l'Epy, dit Jodelet, qui jouait les va-
lets avec le plus grand succès dès 1610 dans
la troupe du Marais, et qui passa à l'Hôtel de
Bourgogne en 1634, fameux dans les pièces
deScarron; Lecomte, dit Valeran, qui joua
longtemps les premiers rôles avec Marie Ve-
nier Deîaporte, l'une des premières actrices
qui aientparu sur la scène française;la Beau-
pré, la première femme qui se soit montrée
sur les planches, et qui créa la soubrette dans
la Galerie du Palais, de Corneille, en 1634.
N'oublions pas Deslauriers, dit Bruscambille.
Ce dernier vécut et resta à l'Hôtel de Bour-
gogne jusque vers 1634. Son rôle consistait
principalement à paraître sur la scène pour
haranguer l'auditoire, à la façon du badin du_
vieux théâtre avec ses monologues; à amuser'
les spectateurs en attendant que les jeux
commençassent, ou à combler l'intervalle de
deux pièces par;un intermède de haute fantai-
sie. Plus d'une fois même il harangua !a foule
au dehors, car le théâtre sur lequel se pro-
duisait Corneille avait des parades à la porte,
comme les saltimbanques de nos jours. Brus-
cambille était fertile en bons mots et traits
bizarres. L'obscénité se mêle assez souvent à
ses prologues, qui donnent aujourd'hui uno
singulière idée des spectateurs de ce temps-
là. Nous citerons un morceau d'une de ses ha-
rangues au parterre : * Je vous dis donc que
vous avez tort, et même grand tort,de venir,
depuis vos maisons jusqu'ici, pour montrer
l'impatience qui vous est naturellement habi-
tuelle... c'est-a-dire pour n'être entrés à peine
dans ce lieu de divertissement que, dès la
porte, vous criiez à gorge déployée ; « Com-
» mencez! commencez 1 • Et que savez-vous',
messieurs, si le seigneur Bruscambille aura
bien étudié son rôle avant que de paraître de-
vant l'excellence de Vos Seigneuries?... Nous
avons bien eu la patience de vous attendre de
pied ferme, et de recevoir votre argent à la
porte, de meilleur cœur pour le moins que
vous nous l'avez présenté; de vous préparer
une jolie décoration de théâtre, une belle
pièce toute neuve, qui, sortant de la forge,
est encore toute chaude ; mais vous ne voulez
pas nous donner le loisir de commencer mé-
thodiquement une pièce qui doit divertir les
individus de Vos Excellences ; mais c'est encore
bien pis quand on a commencé -
f
l'un tousse,
l'autre crache, l'autre pette, l'autre rit, l'autre
au théâtre tourne le cul; il n'est pas jus-
qu'aux laquais qui n'y veulent mettre leur nez,
tantôt en faisant intervenir des gourmades
réciproques, tantôt en lançant avec des sarba-
canes des pois au nez de ceux qui ne peuvent
mais de leurs folies... Vous répondrez que le
jeu ne vous plaît pas; c'est là où je vous at-.
tendais, pour vous prouver que vous êtes
d'autant plus fous a'y venir nous apporter
votre bel et bon argent. Ma foi, si tous les
ânes mangeaient du chardon, je n'en voudrais
pas fournir la compagnie qui est devant moi
a cent écus par an... Je vous entends ve-
nir avec vos sabots neufs. Il faudrait, pour
vous ragoûter, faire voler quatre diables en
l'air, vous infecter d'une puante fumée de
poudre, et faire plus de bruit que tous les .ar-
muriers de la heaumerie n'en font, etc. » Par
ces derniers mots, Bruscambille veut parler
de ces représentations infernales, appelées
diable à quatre, qui plaisaient infiniment à la
bonne compagnie de l'époque. On voit par la
harangue de Bruscambille, la seule ou à peu
près qui se puisse décemment citer, quelles
ténèbres avaient à percer le génie des Molière
et celui des Corneille. Sorel, dans son Histoire
de la maison des jeux, nous apprend que les
acteurs de l'Hôtel de Bourgogne ne dédai-
gnaient pas d'aller appeler le monde au son
du tambour jusqu'au carrefour Saint-Eusta-
che. Quelques mots encore sur les comédiens
de cette première période de l'art dramatique
en France. Plus haut, nous avons vu Guillot-
Gorju, qui de son vrai nom s'appelait Ber-
trand Harduin de Saint-Jacques, remplacer
Gauthier-Garguille sur les planches de 1 Hôtel
de Bourgogne. Deux autres gais compères
I dont on ne connaît que les sobriquets typiques,
Gringalet et Goguelu vinrent à ses côtés com-
! pléter un nouveau trio comique ; mais il faut
bien l'avouer, sauf Guillot-Gorju, qui avait de
la littérature, et mourut en 1648, après avoir
exercé la médecine, les successeurs de Turlu-
pin et de Gros-Guillaume n'atteignirent pas à
l'éclat de ces maîtres du burlesque. La plu-
part des comédiens dont nous venons de rap-
peler les noms ont laissé des traces de leur
verve gauloise, et nous avons de quelques-
uns d'entre eux des facéties qui sont demeu-
rées célèbres. Tous jouaient avec des mas-
ques, à l'exception de Gros-Guillaume, qui se
couvrait le visage de farine, dont il savait
lancer adroitement la plus grande partie à ses
interlocuteurs en remuant les lèvres. Ceux
qui ramassèrent le sceptre tombé de ses mains
firent de même.
Nous permettra-t-on quelques détails des-
tinés à compléter la physionomie que présen-
tait la salle de l'Hôtel de Bourgogne ? L'usage
des violons à l'orchestre existe dès l'an 161G ;
un arrêt du Conseil du 30 avril 1673 fixera le
nombre des voix de la comédie à deux, et ce-
lui des violons à six, au lieu de six voix et de
douze violons que les comédiens avaient au-
paravant. Il n'y u dans la salle que très-peu
de loges et un parterre où les spectateurs
sont debout. Cependant la cour ne dédaigne
pas de s'y rendre. On y indique ses places
en y mettant, dans toute leur simplicité,
des chaises On ne. paye ordinairement ,
comme nous l'avons dit plus haut, que dix
sols aux galeries, et cincj sols au parterre;
mais le taux s'élève peu k peu. Dès 1652, on
voit les galeries coûter îinq livres dix sous.
On lit dans une affiche en vers du comédien
de Villiers, pour la pièce &'Amaryllis, celle
de Duryer, jouée en 1G50 ."
Venez, apportez votre trogne
Dedans notre Hôtel de Bourgogne;
Venez en foule, apportez-nous
Dans le parterre quinze sous,
Cent dix sous dans les galeries.
L e mot de la B e a u p r é que tout le m o n d e
connaît prouve surabondamment que les au-
teurs admis à écrire pour MM. les comé-
diens recevaient d'assez maigres honoraires :
« M. Corneille nous a fait un grand tort: nous
avions ci-devant des pièces de théâtre pour
trois écus, que l'on nous faisait en une nuit ;
on y était accoutumé et nous y gagnions
beaucoup. Présentement, les pièces de M. Cor-
neille nous coûtent bien de l'argent, et nous
gagnons peu de chose. • C'est surtout à Hardy
que la comédienne faisait allusion. Hardy re-
cevait trois écus pour chacun de ses ouvrages.
Quant à Corneille, vers la fin de sa carrière,
alors que sa haute renommée le faisait traiter
beaucoup mieux que la plupart des autres
poètes ses contemporains ; il ne toucha jamais
plus de deux mille livres pour cinq actes de
tragédie. Le théâtre de l'hôtel de Bourgogne,
comme celui du Marais, formait une sorte de
république, ayant à sa tête uu président choisi
par les comédiens et parmi eux. Dans cette
association, où chacun était égal en droits,
les profits et les pertes étaient partagés en
commun. La troupe avait un assez grand
nombre d'officiers chargés d'emplois spéciaux
et distincts. Il y avait d'abord les hauts offi-
ciers, faisant ordinairement partie du corps
de la troupe, et non gagés; puis les bas offi-
ciers, rétribués par la compagnie. Les hauts
officiers étaient le trésorier, le secrétaire et le
contrôleur; les bas officiers ou gagistes, le
concierge, le copiste, remplissant aussi les
fonctions de souffleur,-non pas en se tenant,
comme aujourd'hui, dans un trou au milieu de
la rampe, mais à l'uite des ailes du théâtre ;
les violons, le receveur au bureau, les contrô-
leurs des portes, l'un à l'entrée du parterre, et
l'autre à celle des loges ; les portiers, en pa-
reil nombre, et postés aux mêmes endroits
que les contrôleurs: après les défenses rigou-
reuses du roi d'entrer sans payer, ce que
MM. les mousquetaires prétendaient faire, la
charge de portier, rendue surtout nécessaire
par les scènes de désordre qui se produisirent
aux époques de troubles civils, disparut peu à
peu des théâtres. En 1674, l'hôtel de Bour-
gogne n'en avait plus qu'un à sa porte d'en-
trée, et, pour le reste, des soldats du régiment
des gardes suffisaient". Ensuite venaient les
décorateurs, les moucheurs de chandelles,
charge souvent remplie par les décorateurs
eux-mêmes. Les moucheurs de chandelles de-
vaient s'acquitter rapidement de leur charge
afin de ne pas faire languir l'auditoire entre
les actes, et avec propreté, pour ne lui pas
donner de mauvaise odeur. « L'un, dit Chap-
puzeau, mouche le devant du théâtre, et l'autre
le fond, et surtout ils ont l'œil que le feu ne
prenne aux toiles. Pour prévenir cet acci-
dent , on a soin de tenir toujours des muids
pleins d eau et nombre de seaux. Les restes
des lumières font partie des petits profits des
décorateurs. » Parmi les bas officiers, on comp-
tait encore les assistants, quQ nous nommerions
aujourd'hui comparses, les ouvreurs (et non
les ouvreuses) de loges, de théâtre et d'amphi-
théâtre, l'imprimeur et l'afficheur, sans ou-
blier le chandelier. Quand le roi venait voir
les comédiens, l'éclairage était fourni par ses
officiers. Les chandelles furent remplacées
f
iar des lampions à la rampe et de la cire aux
ustres. Quinquet n'était pas encore né.
Nous n'entrerons pas ici dans des détails
sur les pièces représentées à l'Hôtel de Bour-
gogne , puisqu'il devra en être parlé quand
•nous aborderons l'étude de notre théâtre en
général. Nous savons déjà par ce qui précède
que les pères de la scène française s'y essayè-
rent, traçant la voie à Corneille et à Molière,
et que Corneille lui-même y occupa le premier
rang. Racine y fit jouer ses chefs-d œuvre.
Citons Quinault, Boursault, Montfleury, Pois-
son, vers le même temps.
Cependant plusieurs théâtres rivaux s'é-
taient élevés dans Paris. Il est vrai qu'ils
n'eurent qu'une durée éphémère, même celui
du Marais, où furent joués les premiers ou-
vrages de Corneille, même celui qu'on appe-
lait l'Illustre Théâtre, établi dans le jeu de.
paume de la Croix-Blanche, au faubourg
Saint-Germain, dirigé par les Béjart (1645),
et où débuta Molière. Molière, ayant parcouru
la province, revint jouer à Paris en 1650, à
l'hôtel du prince de Conti, essayant, sans
réussir encore, de fixer sa troupe dans la ca-
pitale. Huit ans après, il obtint la faveur de
représenter ses comédies devant Louis XIV,
qui, charmé, lui concéda le Petit-Bourbon, où
il devait alterner avec les Italiens. En 1660,
les acteurs dirigés par lui passèrent au Palais-
Royal et prirent Je titre de Comédiens de Mon-
sieur. Le théâtre du Palais-Royal allait riva-
liser avec l'Hôtel de Bourgogne, mais seulement
pour la comédie; quant a Ta tragédie, c'est à
l'Hôtel de Bourgogne qu'étaient les meilleurs
acteurs et qu'on donnait les meilleurs ouvrages
en ce genre. Cette ditférence de jeu fit naître
de la jalousie entre les deux troupes. Les
firands Comédiens, ainsi s'appelaient les ac-
teurs de la rue Mauconseil, désertant la
comédie et abandonnant surtout la farce,
accaparaient presque toutes les productions
tragiques des auteurs en renom. Les chefs-
d'œuvre de Corneille, depuis le Cid jusqu'à la
Mort de Pompée, y virent pour la première
fois le feu de la rampe. Là furent applaudis
tous ceux de Racine, depuis Andromaque
jusqu'à Phèdre, dans l'intervalle "de 1667 à
1677. Un succès prodigieux saluait ces œuvres
immortelles, interprétées par des acteurs de
premier ordre. Aussi les deux théâtres se lan-
çaient-ils des énigrammes que l'on retrouve
dans quelques pièces de l'époque. On connaît
les traits mordants qui égayèrent aux dépens
des Grands Comédiens les spectateurs de 1 Im-
promptu de Versailles.
La mort de Molière, en 1673, fut on ne peut
plus favorable à la prospérité de l'Hôtel de
Bourgogne. Baron fils, ce grand comédien,
abandonna la troupe formée par son père
adoptif, et entra dans celle de la rue Mau-
conseil, entraînant dans sa défection LaTho-
rillière, Beauval et sa femme. Pour surcroit
d'infortune, Lulli obtint la permission de faire
représenter ses opéras dans la salle du Palais-
Royal , e t , en peu de jours, la veuve de Mo-
lière etses infortunés camarades se trouvèrent
sans protecteur, sans théâtre, et privés de
leurs meilleurs artistes. Ce fut alors qu'en
cette extrémité ils allèrent humblement de-
mander asile a l'Hôtel de Bourgogne. Ils n'y
trouvèrent que mépris et duretés, et un refus
cruel leur fut signifié de la part de ceux qui
étaient désormais à l'abri des atteintes du fin
stylet de l'Impromptu de Versailles.
Dans cette situation, les acteurs, derniers
débris de la troupe de Molière, entrèrent en
arrangement avec le marquis de Sourdeac,
propriétaire du théâtre abandonné par l'Opéra
et situé rue des Fossés-de-Nesle (aujourd'hui
Mazarine), vis-à-vis la rue Guénégaud. Ils
l'achetèrent moyennant 30,000 livres. Le roi,
songeant à la protection qu'il avait accordée
à Molière, vint au secours de ses anciens
camarades en ordonnant la suppression du
théâtre du Marais et en faisant incorporer ses
meilleurs sujets dans la troupe du Palais-
Royal, que l'on appela depuis la troupe de
Guénégaud, laquelle, d'après les registres, se
trouva composée ainsi : les sieurs de Lagrange,
de Brie, du Croisy, Hubert; Mlles Molière,
Lagrange, de Brie, Aubry, du Palais-Royal;
Rosimont et Angélique du Croisy, nouveaux
engagés; les sieurs Laroque, Dauvilliers, Du-
pin, Verneuil, Guérin d'Estriché, et Mlles Dau-
villiers, Dupin, Auzillon, Guyot, du théâtre
du Marais. On verra tout à l'heure que ces
détails ont leur utilité. A ce tableau opposons
l'état de la troupe de l'Hôtel de Bourgogne en
1673 : les sieurs Hauteroche, Lafleur, Poisson,
Brécourt, Champmeslé, La Thuillerie, La Tho-
rillière, Baron, Beauval; Mlles Beauchâteau,
Poisson, d'Ennebaut, Brécourt, Champmeslé,
La Thuillerie et Beauval ; seize sujets. Flori-
dor s'était retiré l'année précédente; Beauchâ-
teau et Montfleury étaient déjà morts à cette
époque. Tels étaient les comédiens français
d un mérite reconnu que Paris possédait lorsque
la troupe de Molière reconstituée vint s'établir
rue Guénégaud. Le théâtre de l'Hôtel de Bour-
gogne souffrit de cette concurrence. Munis de
leurs privilèges, les comédiens s'opposaient à
toutes les entreprises théâtrales qui tentaient
de s'établir ; mais la protection royale avait
soustrait Molière et ses successeurs à leurs
prétentions. D'ailleurs, leurs exigences ayant
soulevé plusieurs démêlés fort désagréables,
on supprima, en 1677 , la confrérie de la Pas-
sion et ses privilèges. Les revenus de cette
confrérie furent appliqués aux Enfants-Trou-
vés. L'anarchie régnait alors parmi les socié-
taires de l'Hôtel de Bourgogne. Champmeslé
et sa femme quittèrent la compagnie en 1679
pour passer à la salle Guénégaud, où devait
s'opérer, l'année suivante , par ordre du roi,
la réunion complète de tous les comédiens
français. L'Hôtel de Bourgogne, avant cette
fusion, avait rendu enfin hommage au génie
de son rival en jouant l'Ombre de Molière,
pièce* due à l'acteur Brécourt, le transfuge du
Palais-Royal. Nous n'avons pas à suivre ici
la fortune des Grands Comédiens, dont l'his-
toire est désormais liée à celle de la Comédie
française, la troupe du roi, comme s'intitulait
la troupe de Guénégaud, en recevant dans son
sein les acteurs de la rue Mauconseil, ayant
pris le nom de Comédie française, qui lm est
resté et auquel nous renvoyons le lecteur.
Les comédiens italiens dont nous avons
précédemment parlé, et qui s'étaient tour à
tour montrés aux théâtres du Petit-Bourbon,
' du Palais-Royal et de la rue Guénégaud,
furent forcés d'abandonner cette salle en 1680, •
après la réunion qui vient d'être rappelée ; ils
allèrent exploiter seuls celle de l'Hôtel dn
Bourgogne. Leurs représentations durèrent
jusquen 1697, époque où le roi fit fermer leur
spectacle pour avoir joué la Fausse Prude et
voulu,sous ce titre, peindre, disait-on, M"'c do
Maintenon. Dominique, leur fameux arlequin,
était mort avant cette catastrophe. L'Hôtel de
Bourgogne ne rouvrit ses portes qu'au bout
de dix-neuf ans, le l ^ j u î n 17J6, et l'on vit
une nouvelle troupe, venue d'Italie, s'y établir
après avoir débuté le 18 mai précédent par
l'Ingano fortunato au Palais-Royal, où ils
continuèrent de jouer tous les samedis jusqu'à
la mort de Madame. Les acteurs qui la com-
posaient étaient Lelio Riccoboni, Mario Ba-
IetU,Vicentini, Thomassin (le fameux arlequin),
Flaminia Baletti, Sylvia, etc. L'ouverture de
l'Hôtel de, Bourgogne se fit par la Folie sup-
posée, en présence du régent, et ces acteurs
étrangers s'intitulèrent comédiens italiens de
S. A. II. le duc d'Orléans. Mais, après la mort
de ce prince, ils firent graver sur l'Hôtel de
Bourgogne les armes de France, avec cette
inscription en lettres d'or sur un marbre noir :
Hôtel des comédiens italiens ordinaires du roi,
entretenus par Sa Majesté,rétablis à Paris en
l'année 1716.
Outre les anciens canevas italiens qu'on at-
tachait aux murs, derrière les coulisses, et que
les acteurs consultaient au commencement de
chaque scène,'on joua bientôt des ouvrages en
vers, tels que Mérope, tragédie d-e Mafïci, qui
avait pour but d'essayer le goût du public sur
les ouvrages sérieux (il mai 1717). Les billets
délivrés pour la représentation de Mérope
portaient ces mots : Per chi l'entende, « Pour
ceux qui l'entendent. » Malgré leurs soins et
leurs efforts, les Italiens ne parvenaient pas à
fixer le public français, étranger à la langue
employée par eux. Le succès d'une pièce
d'Autreau, écrite en français, et intitulée le
Port à l'Anglais, attira pendant deux mois de
suite la foule chez eux (25 avril 1718). Cet
essai fut suivi de plusieurs autres non moins
heureux. Fuzelier et quelques autres auteurs
vinrent renforcer Autrcau. A la troupe s'é-
taient adjoints le fils de Dominique et M'I
e
La-
lande. Le 13 juillet 1721, les comédiens italiens,
abandonnant l'Hôtel de Bourgogne, allèrent
représenter, le 25 du même mois, à la foire
Saint-Laurent, sur le théâtre construit par
leurs soins, Danaê, comédie en trois actes et
en vers français. Le prologue représentait la
façade de l'Hôtel de Bourgogne, portant cette
inscription : Hôtel à louer. La troupe italienne
se faisait foraine pour vivre. Elle revint
Ï
ourtant à la rue Mauconseil, où peu à peu
es comédies françaises l'emportèrent sur les
canevas italiens. Outre Fuzelier et Autreau,
d'Allainval, Marivaux, Romagnesi, Ricco-
boni,Dominique fils, Boissy, Suinte-Foix, etc.,
écrivirent une foule de joyeux et spirituels
ouvrages qui firent la vogue du théâtre. En
1762, on réunit à la troupe italienne celle de
l'Opéra-Comique : les deux troupes jouèrent
ensemble, pour la première fois, dans les
Trois Sultanes de Favart- à dater de ce mo-
ment, le répertoire s'enrichit des ouvrages
d'Anseaume, Favart, Sedaine, Monval, etc.,
mis en musique par Duni, Philidor, Monsigny,
Grétry, Dalayrac,etc. En 1779, les pièces ita-
liennes furent supprimées, et l'on congédia
tous les comédiens italiens, à l'exception du
célèbre Carlin et deCamerani, qui abandonna
son emploi de Scapin pour les fonctions do
régisseur. Ainsi l'ariette facile et enjouée do
Duni, l'harmonie de Philidor et la mélodie
expressive de Monsigny l'emportaient sur la
batte d'Arlequin, les grimaces de Pierrot et les
infidélités de Colombine. L'Opéra- Comique,
longtemps persécuté, jusqu'à sa réunion, par
la comédie italienne elle-même, absorbait
maintenant sa persécutrice. Les derniers ou-
vrages représentés à l'Hôtel de Bourgogne,
dont M
m
c Favart, morte beaucoup trop tôt,
avait fait les délices, et que Favart continuait
toujours d'alimenter de bonnes pièces et d'ex-
cellents acteurs, les derniers ouvrages repré-
sentés rue Mauconseil furent les drames de
Mercier, dont un surtout, Jeuneval (17S1), se
vit accueilli par un orage épouvantable do
bravos et de huées, les pantomimes et les pe-
tites comédies de Florian, les gais vaudevilles
de Piis et de Barré, les opéras-comiques de
Marsollier, de Desforges, de Sedaine, etc.
Grétry, Monsigny, Dalayrac avaient travaillé
en même temps à agrandir le cadre de l'O-
péra-Comique. Leurs chefs-d'œuvre, inter-
prétés par les Dugazon, les Clairval, les Trial,
les Michu, les Dorsonville, les Laruette, etc.,
avaient décidément fait oublier le genre des
Italiens.
Depuis longtemps la salle Mauconseil no
suffisait plus à contenir la foule passionnée à
l'excès pour un genre de musique éminemment
BOUR BOUR
BOUR
BOUR. 113
français. A la clôture de 1783, les comédiens,
alors fort improprement appelés italiens, quit-
tèrent l'Hôtel de Bourgogne, qu'ils avaient
occupé soixante-sept ans, et portèrent leur
nom et leurs talents a la salle nouvellement
bâtie sur un terrain dépendant des jardins de
l'hôtel Choiseul, et qui prit le nom de Favart.
Cette salle fut inaugurée le 23 avril 1783, et
le 4 septembre suivant mourait le dernier ar-
lequin de la Comédie italienne, le fameux
Carlin. Quant à l'Hôtel de Bourgogne, qui
avait été témoin des premiers tâtonnements
de notre littérature dramatique, lui qui avait
entendu les premiers éclats de rire de la Co-
médie et les premiers sanglots de la Tragédie,
lui qui avait abrité dès sa naissance la muse
souriante, gaie et tendre de la musique natio-
nale , lui qui portait tant de gloire à son fron-
ton et dont les échos répétaient encore les
noms les plus illustres de l'art français, il vit
un jour Tnalie aux pieds légers, Melpomène
en sa pourpre, Euterpe et Terpsichore, le
quitter et fuir loin de lui en faisant tinter les
grelots de la folie. On jugea que le dieu du
commerce pouvait élire domicile dans le tem-
ple jusque-là réservé aux augustes filles de
Jupiter. Approprié à sa nouvelle destination
par l'architecte Dumas, l'Hôtel de Bourgogne
devint... la halle aux cuirs. Ceci se passait en
1784. Mais ce n'était pas tout. Après avoir,
durant quatre-vingt-deux ans bien comptés,
prêté sa noble carcasse à MM. les eorroyeurs,
à MM. les peaussiers et à MM. les cordonniers,
vu ses murs, ses escaliers et jusqu'à ses loges,
encore imprégnés des plus délicats parfums,
subir l'outrage quotidien d'un air empesté , on
le dédaigne encore une fois, on le quitte de
nouveau et, devenu gênant pour la circulation
publique, sa chute définitive est décrétée
(lSGfl). Mais ses pierres pourront tomber, ses
fondements pourront être arrachés du sol, et
le lieu où il se dressait pourra devenir une
place ou un boulevard, l'Hôtel de Bourgogne
n'en sera pas moins toujours vivant dans la
glorieuse histoire de l'art français. Corneille
et Racine, Scarron et Marivaux, Favart et
Sedaine, Grétry, Philidor et Monsigny sont
des architectes qu'on n'exproprie point pour
cause d'utilité publique, et le souvenir de
leurs œuvres conservera à jamais celui du
monument dont nous venons de rappeler l'his-
toire.
BOURGOIN
BOURGOIN (Edmond), prieur des jacobins
de Paris. Il se montra l'un des plus farouches
ligueurs, et, dans ses sermons, il comparait le
meurtrier d'Henri III, Jacques Clément, à J u -
dith. En 15S9, il prit les armes pour défendre
Paris, assiégé par les soldats d'Henri IV, et
fut fait prisonnier à l'assaut donné par eux à
un des faubourgs. On le conduisit à Tours, et
il fut condamné à mort ; quelques historiens
disent qu'il mourut sur la roue, d'autres qu'il
fut tiré à quatre chevaux (1590).
BOUHGOIN
BOUHGOIN (Bergusium), ville de France
(Isère), ch. 1. de cant-, arrond. et à 15 kilom.
de la Tour-du-Pin, sur la Boubre; pop. aggl.
3,752 hab. — pop. tôt. 4,851 hab. Tribunal de
ire instance. Filature de soie et de coton,
taillanderie, tannerie; commerce actif de toi-
les, chanvre, laine, et principalement de fari-
nes recherchées. On remarque.à Bourgoin :
l'église Saint-Antoine, les murs du château de
Beauregard et deux jolies places ornées de
fontaines. J.-J. Rousseau, exilé après la pu-
blication de l'Emile, se cacha pendant quel-
que temps au château de Montquin, situé à
2 kilom. de la ville.
BOURGOIN
BOURGOIN (Marie-Thérèse-EUennette),
comédienne française, née à Parisien 1785,
morte en 1833. Elle fut présentée, presque
enfant, à M
l l e
Dumesnil, la célèbre tragé-
dienne, qui l'accueillit avec bonté, devinant
l'avenir réservé à la jeune fille. Celle-ci dé-
buta, en 1799, à la Comédie-Française, par
les rôles d'Amélie dans Fénclon, tragédie de
Chénier, et d'Agnès de l'Ecole des femmes.
Les charmes de sa figure et la grâce de sa
personne lui valurent un succès prodigieux;
cependant elle ne fut admise comme sociétaire
3
u'en 1801, sur la recommandation expresse
u ministre de l'intérieur Chaptal. Elle jouait
à la fois les rôles de jeune première dans la
tragédie et la comédie; on pouvait lui repro-
cher un peu de froideur comme tragédienne,
et son talent se prétait mieux à représenter
les jeunes filles qui cachent un peu de malice
sous un petit air deHimidité que l'habitude du
monde n'a pu encore leur faire perdre. Appe-
lée en Russie en 1809, Mlle Bourgoin parut
sur le théâtre de Saint-Pétersbourg, fut vive-
ment applaudie et reçut de riches cadeaux de
l'empereur Alexandre et de plusieurs hauts
personnages de la cour. A son retour en
France, elle eut le bon goût de suivre les con-
seils et les leçons de Talma; on s'en aperçut
bientôt par les progrès qu'on remarqua dans
la manière dont elle jouait les rôles tragiques,
surtout ceux d'Electre, de Clytemnestre et
d'Andromaque. Peu de temps après la mort
de Talma, MUe Bourgoin, cédant à l'en-
nui que lui causèrent quelques intrigues
de coulisses, demanda sa retraite. La nos-
talgie du théâtre aida, dit-on, à abréger ses
jours. MUc Bourgoin avait beaucoup d'es- '
prit naturel, et, dans l'intimité, elle savait
trouver des mots très-piquants et quelquefois
un peu libres, ce qui la fit comparer à la cé-
lèbre Sophie Arnould. Une grande dame de
la cour, impériale, qui avait perdu un perro-
quet auquel elle tenait beaucoup, s'étant ima-
giné que M'Ic Bourgoin avait cet oiseau chez
elle, lui écrivit une lettre prétentieuse au bas
de laquelle elle étala tous ses titres. M
l l e
Bour-
goin prit sur-le-champ une feuille de papier et
répondit : a Ni vu ni connu, » puis elle signa
Iphigénie en Aulide. La chronique scanda-
leuse du temps a donné beaucoup d'amants à
Mlle Bourgoin. Napoléon lui-même passa pour
avoir eu ses faveurs.
BOURGOING
BOURGOING (Noël), ecclésiastique et juris-
consulte français du xvie siècle. Il fut abbé de
Bouries, trésorier du chapitre de Nevers, pré-
sident de la chambre des comptes de la même
ville, puis conseiller au parlement de Paris.
Il fut l'un des principaux rédacteurs de la
Coutume de Nevei's, et eut pour neveu Gui Co-
quille.
BOURGOGNE,
BOURGOGNE, bourg de France (Marne),
ch.-l. de cant., arrond. et à 12 kiloin. N. de
Reims; pop. aggl. 904 h. — pop. tôt. 1,014 h.
Filatures et tissus, tamis; église du xm« siè-
cle, classée au nombre des monuments histo-
riques.
BOURGOING
BOURGOING (François),dit d'Agnon,histo-
rien français dn xvi
e
siècle, de la famille du
précédent. Il était chanoine de Nevers lors-
que, ayant, embrassé la Réforme, il se ren-
dit en 1556 à Genève, où il habita quelque
temps. Il revint plus tard en France et fut
pasteur des réformés à Troyes. On lui doit la
traduction des œuvres complètes de Flavius
Josèphe (Paris, 1570), et une Histoire ecclé-'
siastique, extraite en partie des Centuries de
Magdebourg (Genève, 1560-15C5, 2 vol.
in-fol.).
BOURGOING
BOURGOING (Jean-François, baron DE), di-
plomate et publiciste, né à Nevers en 1748,
mort en 1811, était de la famille des trois
précédents. Attaché de bonne heure aux lé-
gations et ambassades, il devint, en 1791, mi-
nistre plénipotentiaire près la cour de Madrid,
entama à Figuières les premières négociations
de la paix avec l'Espagne, fut chargé par Na-
poléon de la légation de Saxe, et assista en
cette qualité au congrès d'Erfurth. On a de lui
quelques ouvrages estimés : Tableau de l'Es-
pagne moderne (1789) ; Mémoires historiques
et philosophiques sur Pie VI (1798); une tra-
duction de \'Histoire des flibustiers, de d'Ar-
chenholtz, etc.; Histoire de l'empereur Char-
lemagne, traduite de l'Allemand Hegewisch
(1S05); un roman intitulé : Correspondance
d'un jeune militaire ou Mémoires du marquis
de Lusigny et d'Hortense de Saint'Just (1778,
2 vol.) ; enfin Voyage du duc du Châtelet en
Portugal (1808, 2 vol.).
BOURGOING
BOURGOING (François), un des fondateurs
de l'Oratoire et le troisième général de cette
congrégation, né à Paris en 1585, mort en
IGG2. Docteur en Sorbonne, puis curé de Cli-
chy, il fut un des six prêtres que le cardinal de
Bertille s'associa pour établir la congrégation
de l'Oratoire, et il en fut nommé général après
la mort du P. Condren.(lG4l). Il vit son admi-
nistration troublée par des luttes avec les pè-
res de son ordre, luttes provoquées par l'abus
qu'il était accusé de faire de son autorité. Il
a composé des règlements et des statuts qui
ont semblé, en certaines de leurs parties, mi-
nutieux et oppressifs. On a de lui quelques
ouvrages de piété et de discipline ecclésiasti-
que, plus estimables pour le fond que remar-
quables dans la forme. Les principaux sont :
Veritates et sublimes excellentiœ Verbi incar-
nati (Anvers, 1630, 2 vol. in-8»), ouvrage qui
a été traduit en français sous le titre de : Vé-
rités et excellences de Jésus-Christ, et qui a
eu un nombre considérables d'éditions ; Homé-
lies sur les évangiles des dimanches et fêtes
(1642) ; Homélies des sai?its sur le martyrologe
romain (1651, 3 vol.).
BOURGOING
BOURGOING (Armand-Marc-Joseph DE), fils
aîné du précédent, né à Nevers en 1786. Après
avoir suivi l'Ecole militaire de Fontainebleau,
il entra comme officier dans les dragons et se
trouva à la bataille d'Austerlitz. Ii se distingua
ensuite en Prusse, en Pologne, et sa bravoure
attira l'attention de Napoléon, qui, pour la
récompenser, donna la croix au jeune officier,
et le nomma son ministre en Saxe. Devenu
aide de camp du maréchal Ney, de Bourgoing
fut fait prisonnier et ne put rentrer en France
qu'après la Restauration.
BOURGOING
BOURGOING (Charles-Paul-Amable, baron
DE), diplomate français, frère du précédent, .
né à Hambourg en 1791, mort en 1864. Il ser-
vit dans la jeune garde pendant les dernières
guerres de l'empire, entra dans la diplomatie
sous la Restauration ; fut attaché à diverses
ambassades, et représenta la France à Saint-
Pétersbourg(i828-1832),en Saxe (1832-1835),
enfin en Bavière (1S35-1841). Nommé à cette
époque pair de France, il siégea jusqu'à la
révolution de Février, qui l'écarta momenta-
nément des affaires. Le président Louis-Na-
poléon l'appela à l'ambassade d'Espagne en
1849, et au sénat en 1852. Il a publié quelques
écrits, entre autres : Tableau des chemins de
fer en Allemagne (1842), et les Guerres d'idio-
mes et de nationalités (1849), où il proscrit les
guerres d'indépendance comme pouvant com-
promettre l'équilibre européen. On lui doit
également des Souvenirs d'histoire contempo-
raine (1854), et des Souvenirs intimes., recueil
de faits relatifs pour la plupart à la vie de
l'auteur, racontés avec bonhomie, et qui pa-
rurent seulement quelques mois avant la mort
du baron de Bourgoing.
BOURGOISAGEBOURGOISAGE s. m. (bour-goi-za-je).
Bourgeoisie, n Vieux mot.
BOURGON
BOURGON (Jean-Ignace-Joseph), historien
français, né à i'ontarlier en 1799. Il obtint la
chaire d'histoire à la Faculté de Besançon, et
il a publié : Polybe considéré comme historien
romain; Histoire ancienne (1834) ; Histoire des
Romains (1836); Abrégé de l'histoire de l'em-
pire romain jusqu'à la prise de Constantino-
ple; Recherches historiques sur la ville et l'ar-
rondissement de Pontarlier (1840).
BOURGOINGBOURGOING DE VILLEFORB. V. VILLE-
FOBE,
BOURGONNIÈRE
BOURGONNIÈRE (château de la). Ce châ-
teau est, assure M, Blancheton, un des
plus anciens de l'Anjou. L'époque de sa fon-
dation est incertaine. Presque détruit pendant
la guerre de la Vendée, le bâtiment principal
fut reconstruit dans le style moderne. Deux
édifices qu'on aperçoit à chacun de ses côtés
ont seuls échappé aux ravages du temps et
des hommes. L'un est une tour dont les murs
épais, les créneaux, le donjon qui la, sur-
monte, rappellent le génie guerrier de nos
pères; Vautre est une chapelle qui jadis fut
tortifiée. A l'extérieur, ses tours, ses ogives,
ses murs couverts de croix de templiers; au
dedans, ses vitraux où se retrouve le même
signe, avec la coquille du pèlerin et le cime-
terre arabe, tout lui donne un aspect religieux
et guerrier Une statue de proportions colos-
sales attire les regards ; on ne sait si c'est
celle de Jésus-Christ ou d'un templier. Les
plus importantes familles de France ont pos-
sédé ce château, qui, du reste, offre peu de
souvenirs historiques.
BOURGRAVE
BOURGRAVE s. m. (bour-gra-ve). S'est dit
quelquefois pour BURGIUVE. V. ce mot.
BOURGTHÉUOULDE
BOURGTHÉUOULDE , bourg de France
(Eure), ch.-l. de cant., arrond. et à 35 kilom.
S.-E. de Pont-Audemer; pop. aggl. 508 hab.
— pop. tôt. 715 hab. Commerce de bestiaux
et de toiles. Magnifique château dont il ne
subsiste plus que le pavillon d'entrée et le
colombier. L'église a conservé une tour car-
rée du xvfi siècle et quelques beaux vitraux
de la Renaissance.
BOU1ÎGUÉBUS, village de France (Calva-
dos), ch.-l. de cant., arrond. et à 10 kilom.
S.-É. de Caen; pop. aggl. 185 hab. —; pop.
tôt. 278 hab. Belle église du xnie siècle ; le
chœur appartient au premier style gothique,
tandis que la porte ogivale du sud est du
xv
e
siècle. La corniche extérieure du choeur
est ornée de feuillages, au milieu desquels se
montrent des figures en relief d'hommes et
d'animaux.
BOURGUEIL
BOURGUEIL (Burgalium), ville de France
(Indre-et-Loire), ch.-l. de cant., arrond. et à
17 kilom. N.-O. de Chinon, sur la rive droite
duChangeau; pop. aggl. 1,553 hab. — pop.
tôt. 3,416 hab. Commerce de porcs, chanvre,
vins et bestiaux. Restes d'une ancienne ab-
baye de bénédictins, fondée en 990 ; église du
XII
e
siècle, dont l'abside surtout est fort re-
marquable.
BOURGUEIL
BOURGUEIL (N.), vaudevilliste français,
né à Paris en 1763, mort en 1802. Il a fait re-
présenter un assez grand nombre de pièces,
dont celles qui eurent le plus de succès sont :
le Pour et le contre, en un acte (1801); Ges-
ner, en collaboration avec Barré, Radet et
Desfontaines, deux actes (1800); Monsieur
Guillaume ou le Voyageur inconnu, deux ac-
tes (1800), avec les mêmes collaborateurs; le
Mur mitoyen ou le Divorce manqué (1802),
avec Barré. On trouve aussi des chansons de
Bourgueil dans les Dîners du Vaudeville..
BOURGUEMESTREBOURGUEMESTRE s. m. (bour-ghe-mè-
stre — rad. bourgmestre). Ornith. Espèce de
goëland des mers du Nord.
BOURGUET
BOURGUET (Louis), naturaliste et archéo-
logue, né à Nîmes en 1678, mort à Ncufchâ-
tel en 1742. Sa famille avait été exilée de
France par la révocation de l'édit devantes.
Il fit de nombreux voyages en Italie, et en
rapporta de riches collections d'antiquités.
L'archéologie et l'histoire naturelle lui doi-
vent quelques progrès. Ses principaux ouvra-
ges sont : Dissertation sur les pierres figurées
(1715); Traité des pétrifications (1762) ; Let-
tres philosophiques sur la formation des sels et
des cristaux (1729), écrits dans lesquels il émit
?
uelques idées judicieuses et neuves sur les
ossiles, la formation des cristaux, les révo-
lutions géologiques, etc. Comme archéologue,
il a rendu des services réels à la paléographie
étrusque. On lui doit notamment la décou-
verte de l'alphabet étrusque. Membre des
Académies de Berlin et de Cortone, Bourguet
entretenait une correspondance avec Leib-
niz, qui l'estimait fort pour ses connaissan-
ces en philosophie; car il avait étudié à fond
tous les systèmes. Il termina ses jours dans
la ville de Neufchâtel, où il s'était marié et
où l'on avait créé pour lui une chaire de
philosophie et de mathématiques. Outre les
ouvrages déjà cités, Buurguet a laissé des
Opuscules mathématiques (Leyde, 1794) et un
grand nombre de mémoires ec d'articles insé-
rés dans le recueil de l'Académie des scien-
ces, le Journal helvétique, etc.
BOURGUEVILLE
BOURGUEVILLE (Charles DE) , sieur de
Bras, antiquaire et écrivain français, né à
Caen en 1504, mort en 1593. Il fut attaché à
la cour de François 1er
e
t suivit ce monarque
dans un voyage où il parcourut toutes les
parties de la France. Il obtint ensuite la
charge de lieutenant général do Caen. Son
ouvrage le plus important est intitulé : les
Recherches et antiquités de la province de
Neustrie , à présent duché de Normandie ,
comme des villes remarquables d'icelle et spé-
cialement de la mile et université de Caen
(1588). On lui doit en outre : Version fran-
çaise de Darès en Phrygie ; Discours de l'E-
glise, de la religion et de la justice; l'Athéo-
machie et discours sur l'immortalité de l'âme
et la résurrection des corps.
BOURGUIÈRE
BOURGUIÈRE s. f. (bour-ghi-è-rc). Pôch.
Nasse à petites mailles.
BOURGUIGNON,
BOURGUIGNON, O N N E adj. et s. (bour-
ghi-gnon ; gn mil.) Géogr. Qui est de la Bour-
gogne, qui a rapport à la Bourgogne ou à
ses habitants : Type BOURGUIGNON. Mœurs
BOURGUIGNONNES. Le pays BOURGUIGNON. Si Oïl
veut retrouver encore quelque chose du type
gaulois, il'faut le chercher chez le BOURGUI-
GNON.
— Art culin. Qualification donnée à plu-
sieurs mets préparés au vin : Bœuf BOURGUI-
GNON.
— Hortic. Variété de raisin. Syn. de BOU-
CARÈS OU DAMAS.
— s. m. Mar. Glaçon isolé, dans la mer du
Nord. • " "
— Bourguignon salé, Expression populaire
que l'on retrouve dant le quatrain suivant :
Bourguignon salé,
L'dpiîe au côté,
La barbe au menton.
Saute, Bourguignon.
C'est un trait satirique à l'adresse des
Bourguignons, qui furent presque constam-
ment les alliés de l'Angleterre pendant, les
guerres séculaires que la France eut à sou-
tenir avec ses redoutables voisins. La plu-
part des origines que l'on a données de ce
dicton proverbial sont contradictoires. Nous
n'avons pas la prétention d'indiquer celle qui
présente le plus d'authenticité; nous nous
bornerons à les faire connaître à nos lec-
teurs.. Quelques auteurs, parmi lesquels Oli-
vier de Serres, prétendent que, en 1422,
Jean de Châlons, prince d'Orange, s'empara
d'Aigues-Mortes et y laissa, pour le compto
de Philippe, duc de Bourgogne, trois compa-
gnies de Bourguignons. Les bourgeois, qui
supportaient difficilement teur joug, firent
un jour main basse sur la garnison, et la
passèrent tout entière au fil do l'épée. Soit
que, en ce temps de terribles représailles, ils
aient voulu conserver les cadavres pour les
présenter à leur roi légitime comme un tro-
phée de leur fidélité, soit qu'ils aient craint
que de cet amas de corps en putréfaction il
résultât une de ces épidémies pestilentielles
si fréquentes à cette époque, ils les coupèrent
en morceaux, les salèrent et conservèrent
dans une cuve ces atroces débris.
Le Glossaire alphabétique, jilacé à la suite
des Noëls bourguignons, publiés à. Dijon en
1720, attribue l'expression de Bourguignon
salé à ce que ce peuple fut le premier de tous
les peuples de la Germanie qui embrassa le
christianisme, d'où ses voisins, restés païens,
leur donnèrent la qualification de salés, à
cause du sel que l'on met, de nos jours en-
core, dans la Douche de ceux que l'on bap-
tise.
Le Duchat pense que l'appellation qui nous
occupe vient de la salade ou bourguignotte,
espèce de casque particulier à la milice bour-
guignonne, ou, peut-être, do la rivière la
Saale, sur les bords de laquelle ce peuple a
pris naissance.
Enfin M. Lepère, qui en 1857, a fondé à
Auxerre l'almanach le Bourguignon salé, fai-
sant du mot sel le synonyme du mot esprit
}
prétend que les Bourguignons ont mérito
cette épitnète par la finesse et la vivacité de
leurs reparties.
Quoi qu'il en soit de toutes ces versions,
nous les préférons à celle qui est adoptée
dans quelques régions de la France, .qui, ja-
louses de la Bourgogne et de ses vins, font
de ses habitants des disciples d'Epicure, et,
donnant au mot une extension que rien ne
justifie, appellent Bourguignon salé l'animal
tpropter convivia natum ».
Bourguignonne* (LES), opéra-comique en
un acte et en prose, paroles de M. Henri
Meilhac, musique de M. Louis Deffes, repré-
senté pour la première fois à Bade, puis à
l'Opéra-Comique, le 16 juillet 1S63. Manette
est venue passer quelques jours à la ferme de
son cousin par alliance, Landry, dont la
femme Thérèse a le tort de faire la besogno
de son homme, ce qui permet à celui-ci do se
livrer à une oisiveté dangereuse pour la paix
du ménage. Heureusement, Manette est une
fine mouche. Elle éconduit Landry, qui cher-
che a lui conter fleurette, et, grâce à ses con-
seils, Thérèse écarte à temps le danger qui
menace son bonheur conjugal. Manette ap-
prend à la jeune femme le secret du mênage
t
c'est-à-dire Vart de tenir un époux en haleine,
en inquiétant son orgueil et son cœur. Ce pe-
tit poëme ne manque ni d'esprit ni d'habileté.
C'est un agréable marivaudage en sabots. Le
sujet est usé jusqu'à la corde, mais les varia-
tions ont presque le mérite de la nouveauté.
Cette agréable saynète eut d'ailleurs l'avan-
tage de servir de début, à l'Opéra-Comique, à
Mlle Girard, la seule Dugazon de notre épo-
que, qui chantait avec un brio incomparable
l a i r : Tends ton verre, la Bourguignonne.-On
1134
BOUR
r e m a r q u a aussi tin trio excellent, e t l a p a r t i -
tion s e fixa a u r é p e r t o i r e d e l'Opéra-Comique;
ce q u i dispense de t o u t é l o g e .
B o u r g u i g n o n » ( L E S ) , p a r o l e s d'Amédée Rol-
land, musique d'André Simiot. Cette c h a n s o n ,
due a la plume d ' u n v r a i p o è t e , e s t la mieux
r é u s s i e d e celles q u i ont é t é faites s u r c e s fils
de la v i g n e . L a musique de Simiot a c c o m p a -
g n e d i g n e m e n t les p a r o l e s . C h a n t é e p a r R o -
g e r a u p r e m i e r dîner de fondation du Figaro,
cette composition e u t u n g r a n d succès ; a u -
j o u r d ' h u i , elle fait partie du domaine p o p u -
laire.
Allegretto.
• gnons, BraB des - sus des - sous, l'âme en
joie.J'ai rcn-coti - trô trois Bour-gui-gnons !
1er COUPLET. * •
Ils por . taient é - crit sur leur
d'ai-se. J'ai runcon,-tré trois Bour-guiguons!
DEUXIEME COUPLET.
Passaient par là trois compagnonnes,
Avec des fleurs dans leurs chignons;
C'étaient trois belles Bourguignonnes!
Et c'étaient trois beaux Bourguignons!
« Où donc allez-vous sans carrosse.
Bonnets blancs et souliers mignons?
— Nous nous en allons à la noce!
— Vraiment, . firent les Bourguignons.*
TROISIÈME COUPLET.
• Eh bien, alors, dansons, les belles,
Sans musique et sans lumignons !
La lune vaut bien les chandelles,
Et en avant les Bourguignons! »
Les trois gars n'étaient pas, morguennc.
Venus pour planter des oignons;
lia avaient si belle dégaine,
En dansant, tous les Bourguignonsl
QUATRIÈME COUPLET.
Les amours, au clair de la lune,
Poussent comme des champignons.
Chacun embrassa sa chacune
Comme embrassent les Bourguignons :
Eve a croqué plus d'une pomme.
(Nous en ramassons les trognons!)
Us étaient six!... et voilà comme...
Le total fut neuf Bourguignons!
BOURGUIGNONSBOURGUIGNONS (FACTION D E S ) . L ' u n d e s
deux g r a n d s partis dont les luttes e n s a n g l a n t è -
r e n t la F r a n c e sous les r è g n e s de Charles VI e t
de Charles VII. P a r t i s a n s du duc de B o u r g o g n e ,
ils é t a i e n t opposés a u x A r m a g n a c s ( v . c e
nom), qui soutenaient le p a r t i d'Orléans, L ' u n e
des c a u s e s principales de cette rivalité était
d a n s l'ambition d e s princes du s a n g qui s e
disputaient le pouvoir p e n d a n t l a d é m e n c e du
roi. L ' a s s a s s i n a t du d u c d'Orléans (H07) la
fit d é g é n é r e r en g u e r r e civile. L a v e u v e de
la victime m a r i a l'un de s e s fils à l'héritière
d ' A r m a g n a c d'où l'intervention d e s h o m m e s
du midi, alliés d e s A n g l a i s , ennemis n é s d e s
r a c e s du nord de la Luire. Cette querelle de
deux maisons princières se compliqua donc
d'une question de r a c e e t d'une question de
nationalité. L e s Bourguignons r e p r é s e n t a i e n t
d'abord le parti n a t i o n a l ; le peuple de P a r i s ,
la bourgeoisie, les c o r p o r a t i o n s (celle des bou-
c h e r s n o t a m m e n t ) l ' a p p u y a i e n t ; les affinités
d e m œ u r s et de l a n g a g e j o u a i e n t sans doute
le principal rôle dans ces p r é f é r e n c e s , c a r les
deux factions, t o u r à tour maîtresses de la* ca-
pitale, se d é s h o n o r è r e n t é g a l e m e n t p a r leurs
b r i g a n d a g e s . A p r è s le m e u r t r e du d u c de
B o u r g o g n e J e a n sans P e u r , les Bourguignons
firent alliance a v e c les Anglais, e t les A r m a -
g n a c s p r i r e n t le .rôle q u e leurs a d v e r s a i r e s
a b a n d o n n a i e n t . L e traité d'Arras (1435), e n
r o m p a n t p r e s q u e tous les liens féodaux d u
duc de B o u r g o g n e a v e c la c o u r o n n e , mit fin à
une l u t t e qui n ' a v a i t produit q u e la misère
universelle e t l a dépopulation.
BOUR
BOURGUIGNON
BOURGUIGNON ( H e n r i - F r é d é r i c ) , m a g i s -
t r a t et vaudevilliste f r a n ç a i s , fils de B o u r g u i -
g n o n - D u m o l a r d , né à Grenoble e n 1785, m o r t
en 1825. Dans s a j e u n e s s e , il composa plusieurs
vaudevilles, fut ensuite n o m m é s u b s t i t u t a u t r i -
b u n a l de p r e m i è r e instance de l a Seine e t n e
s'occupa plus que de r e m p l i r a v e c zèle s e s d e -
voirs de m a g i s t r a t . L e s réquisitoires qu'il pro-
nonça dans Te p r o c è s d e la Société d e s amis
de l a l i b e r t é de la p r e s s e e t d a n s celui-de l'ac-
cusé F e l d m a n n o n t é t é insérés d a n s le Bar-
reau moderne. S e s compositions d r a m a t i q u e s
sont : Jean-Baptiste Rousseau, ou l e Betour
de la piété filiale (1803); l a Métempsycose
(1805) ; l'Invalide marié, s c è n e comique i n s é -
r é e dans le Chansonnier du vaudeville.
BOURGUIGNONBOURGUIGNON ( L E ) . V . C O U R T O I S .
BOURGC1GNON-DUMOLÀRD ( C l a u d e - S é -
b a s t i e n ) , j u r i s c o n s u l t e e t m a g i s t r a t français,
n é à Vif p r è s de Grenoble e n 1760, m o r t à
P a r i s en 1829. D è s le c o m m e n c e m e n t de la
R é v o l u t i o n , il remplit quelques fonctions p u -
bliques; mais a y a n t v o u l u s'opposer à q u e l -
ques a c t e s de l a M o n t a g n e , il fut a r r ê t é .
Lorsqu'il e u t r e c o u v r é s a l i b e r t é , il vint à P a -
ris e t se lia a v e c les a d v e r s a i r e s de R o b e s -
pierre ; ce fut lui qui fit m e t t r e les scellés s u r
ses papiers au 9 t h e r m i d o r . Sous le Directoire,
il fut appelé à d e nouvelles fonctions, fut m i -
n i s t r e de la police p e n d a n t v i n g t j o u r s , puis
j u g e a u tribunal criminel e t conseiller a la
cour d'appel de P a r i s j u s q u ' à l a seconde R e s -
t a u r a t i o n , qui lui laissa s e u l e m e n t l e titre d e
conseiller honoraire. S e s principaux o u v r a g e s ,
sont : Mémoires sur les moyens de -perfection-
ner en France l'institution au jury (1802) ; De
la magistrature en France, considérée dans ce
qu'elle fut et ce qu'elle doit être (1807) ; Ma-
nuel d'instruction criminelle (1810) ; Diction-
naire raisonné des lois pénales en France (1S11,
3 vol. in-8°); Conférences des cinq codes entre
eux, etc. (1818); Jurisprudence des codes cri-
minels et des lois sur la répression des crimes
et des délits commis par la voie de la presse
et par tous autres moyens de publication (1825,
3 vol. in-8°) ; les Huit codes annotés, avec les
lois principales qui les complètent (1829).
BOURGUIGNONISMEBOURGUIGNONISME s. m . ( b o u r - g h i - g n o -
n i - s m e — r a d . Bourguignon). L i i t é r . F a ç o n
do p a r l e r p r o p r e a u x B o u r g u i g n o n s : Faire
des BOURGUIGNONISMES. il P e u u s i t é .
BOUGUIGNOTTEBOUGUIGNOTTE s. e t a d j . f. ( b o u r - g h i -
g n o - t e , gn m i l . ) . S e d i t quelquefois p o u r
Bourguignonne : M. le maire a voulu faire
ressortir le mérite de sa femme en la compa-
rant à une petite BOURGUIGNOTTE de l'âge d'un
vieux bœuf. (Balz.) C'était la vraie figure BOUR-
GUIGNOTTE, rougeaude, mais blanche aux tem-
pes, au col et aux oreilles. (Balz.)
— s. î. A r t m i l i t . Casque l é g e r , i m a g i n é à
la fin du xvc siècle, e t q u i fut ainsi a p p e l é
parce q u e , d a n s le p r i n c i p e , l'usage e n fut s u r -
t o u t r é p a n d u d a n s l e s a r m é e s d e s ducs d e
B o u r g o g n e . A l ' o r i g i n e , la b o u r g u i g n o t t e
é t a i t s p é c i a l e m e n t p o r t é e p a r l ' i n f a n t e r i e ,
p r i n c i p a l e m e n t p a r les p i q u i e r s . E l l e é t a i t
m u n i e d'une c r ê t e , d ' u n c o u v r e - n u q u e , d ' u n e
p e t i t e v i s i è r e n o m m é e avance, e t d e d e u x
oreilles ou oreillons, q u i laissaient le v i s a g e
à d é c o u v e r t . On s ' e n s e r v a i t b e a u c o u p p e n -
d a n t les g u e r r e s d e r e l i g i o n ; on y a j o u t a i t
q u e l q u e s pièces accessoires q u i p e r m e t t a i e n t
a u x c a v a l i e r s de la p o r t e r . L a b o u r g u i g n o t t e
d i s p a r u t sous L o u i s X I I I .
— A g r i c . B a r r i q u e u s i t é e e n B o u r g o g n e , e t
c o n t e n a n t 220 l i t r e s .
— Loc. a d v . A la bourguignotte, A l a m a -
n i è r e d e s B o u r g u i g n o n s : Mets préparés A LA
BOURGUIGNOTTE.
BOURI
BOURI s. m . ( b o u - r i ) . N a v i g . Grosse b a r -
q u e e m p l o y é e s u r le G a n g e p o u r c h a r g e r e t
d é c h a r g e r les n a v i r e s .
— M a m m . N o m d u z è b r e à M a d a g a s c a r .
— I c h t h y o l . N o m a r a b e d u "muge ou m u -
l e t .
BOURI,
BOURI, n o m d ' u n fétiche a d o r é p a r p l u -
sieurs peuples n è g r e s e t , e n t r e a u t r e s , p a r les
B a m b a r a s . Il e s t aussi a p p e l é Silama. Son
origine, dit M. Raffenel, dans son Voyage au
pays des nègres, r e m o n t e a u x t e m p s les plus
anciens de l'histoire d e s B a m b a r a s . Il fut i n -
troduit, r a c o n t e l a tradition, p a r d e s é t r a n -
g e r s , a v e c l'autorisation du roi. P o u r le c r é e r ,
ils c h e r c h è r e n t d'abord un a r b r e fort r a r e ,
s'en a p p r o c h è r e n t processionnelleinent, c r e u -
s è r e n t a u pied, e t , a p r è s d e s évocations dans
u n e l a n g u e inconnue, recueillirent des parties
d e s a racine a v e c des p r a t i q u e s fort b i z a r r e s .
P u i s ils prirent les crins de la q u e u e d'un c h e -
val noir, e t p l a c è r e n t le t o u t dans un pot de
t e r r e qui d e m e u r a p e n d a n t u n e d e m i - j o u r n é e
exposé à u n feu t r è s - a r d e n t . A p r è s avoir s a -
crifié pour la circonstance un bœuf b l a n c , u n
bœuf r o u g e e t un coq r o u g e , on installa défi-
n i t i v e m e n t l ' é t r a n g e divinité, dont l e t e m p l e
habituel e s t une calebasse ou u n e c r u c h e c a s -
sée. Chaque village, c h a q u e c h e f à s o n bouri
BOUR
particulier, n o m m é alors fenlangcu et khonoré.
L a devise du Bouri e s t : Mate donnabé Icondo
(U n'est pas d o n n é à tous d e connaître l ' a v e -
nir). A propos du n o m de Bouri, nous ferons
r e m a r q u e r , a v e c M . Raffenel, q u e c e r t a i n e s
tribus d'Aminas, peuple de la G u i n é e , a p p e l -
l e n t Bouri-Bouri u n dieu qu'ils considèrent
comme le c r é a t e u r de leur nation e t du monde :
ces r a p p r o c h e m e n t s p o u r r o n t peut-être servir
à faire connaître l a théogonie r u d i m e n t a i r e des
n è g r e s .
E n v o y a g e , on p l a c e l e s Bouris d a n s u n e
c o r n e de bœuf, u n e dent d'éléphant ou un s a -
c h e t de p a g n e . P e r s o n n e , fût-ce le r o i , ne
p e u t , sous peine d'avoir la t ê t e t r a n c h é e , r e -
g a r d e r dans le v a s e , la c o r n e o u ï e s a c h e t qui
les r e n f e r m e . A l a g u e r r e , le Bouri e s t porté
p a r un kalangou qui m a r c h e p r è s du chef.
L e s attributions du Bouri sont t r è s - g r a n d e s .
Il prédit l ' a v e n i r , r e n d l a j u s t i c e e n p r o c l a -
m a n t l'innocence e t la culpabilité , signale les
infidélités d e s é p o u s e s , indique les r e m è d e s
qui doivent g u é r i r les m a l a d e s , pronostique
le t e m p s , prédit l ' a b o n d a n c e ou la stérilité
des t e r r e s , l e succès ou l'insuccès d e s e n t r e -
prises. A l'occasion d'un a c c i d e n t , d'une a p -
p r é h e n s i o n , d'un r e m o r d s ou d'un r ê v e , on lui
offre d e s sacrifices propitiatoires ou e x p i a -
t o i r e s , pour lesquels on p r e n d des b œ u f s , d e s
c h i e n s , d e s o i s e a u x , l e s prémices d e s mois-
sons, d e s objets de l u x e et d'habillement. L a
chair d e s victimes a p p a r t i e n t d e droit a u x
p a u v r e s ; c a r les n è g r e s a d m e t t e n t l'efficacité
dis l'aumône a u p r è s du dieu qu'ils a d o r e n t .
P o u r consulter l e Bouri, on se sert d'une
poule. A p r è s les invocations d ' u s a g e , on coupe
a moitié la g o r g e d e l a victime, e t on la j e t t e
à t e r r e à côté de l a calebasse s a c r é e , sortie à
c e t effet de son temple. C'est à la position q u e
la victime occupe a u m o m e n t où elle m e u r t
qu'on r e c o n n a î t la v o l o n t é de l'oracle. Si la
poule m e u r t la t ê t e en a r r i è r e , c'est oui ; c'est
non, si elle expire la t ê t e en a v a n t ; quand la
t ê t e e s t inclinée s u r le côté, le Bouri se tait.
Bouri, outre le nom d e Silama, très-peu e m -
ployé d u r e s t e , e s t "encore d é s i g n é , ajoute
M. Raffenel, p a r c e u x de Bourri, Bouli, Boli
et-même Bolidou. Ces différents noms n e d o i -
v e n t p a s s u r p r e n d r e , c a r , d a n s le dialecte
b a m b a r a , l a l e t t r e r e t la l e t t r e l sont t r è s -
f r é q u e m m e n t prises l'une pour l ' a u t r e . Q u a n t
à la syllabe dou, elle e s t d un u s a g e c o m m u n
dans l e s l a n g u e s malinkièses e t semble ê t r e
u n e addition phonique.
BOURIANE
BOURIANE s. m . ( b o u - r i - a - n c ) . Bot. H e r b e
h a u t e q u i c r o î t d a n s les s t e p p e s d u sud d e la
R u s s i e : Ce sont des ruines où s'épanouissent
à l'aise l'ortie, le BOURIANE et l'absinthe. ( E r -
n e s t C h a r r i è r e . )
B O U R U T E S . V . B O T J R È T E S .
BOURHANPOUR,BOURHANPOUR, ville de l'Indoustan, d a n s
l e D é c a n , à 330 kilom. E . d e S u r a t e , s u r l e
T a p t y ; autrefois considérable, et ch.-l. de la
p r o v i n c e de C o n d e i s c h , elle e s t aujourd'hui
bien déchue e t occupée e n partie p a r les Boh-
r a h s , secte m a h o m é t a n e v e n u e d'Arabie e t
qui p r é t e n d d e s c e n d r e du p r o p h è t e M a h o m e t .
B o u r h a n p o u r , prise p a r les Anglais s u r l e s
M a h r a t t e s e n 1803, laisse voir encore les
ruines du fort et du palais d e s a n c i e n s s o u v e -
rains. R é c o l t e de raisins estimés les meilleurs
de l'Inde.
BOURIGHONBOURIGHON s. m . (bou-ri-chon). O r n i t h .
N o m v u l g a i r e d u t r o g l o d y t e c o m m u n .
BOURIER
BOURIER s. m . ( b o u - r i é ) . L i e u où l'on
j e t t e les o r d u r e s a m a s s é e s e n b a l a y a n t u n e
m a i s o n , il P o u s s i è r e s , d é b r i s , o r d u r e s a m a s -
sées e n b a l a y a n t : J'ai un BOURIER dans l'œil.
La servante^a jeté mon épingle d'or dans .les
BOURIKRS,BOURIKRS, 1" E m p l o y é d a n s ce d e r n i e r s e n s
d a n s les p r o v i n c e s du c e n t r e de la F r a n c e .
B O U R I F F E s. f. ( b o u - r i - f e j . Vessie d e s -
séchée d ' u n a n i m a l m o r t ou d un poisson.
BOURIGNON
BOURIGNON (Antoinette), v i s i o n n a i r e , n é e
à Lille e n 1616, morte à F r a n e k e r en 1080. Elle
a v a i t reçu de la n a t u r e u n e imagination extraor-
d i n a i r e ; belle, elle e û t c e r t a i n e m e n t c h e r c h é
d a n s l'amour u n aliment à cette flamme inté-
r i e u r e qui la d é v o r a i t ; mais elle était si laide,
q u ' a u m o m e n t d e s a n a i s s a n c e s a famille déli-
b é r a s'il n e conviendrait pas de l'étouffer c o m m e
u n m o n s t r e . C'est à s a d i s g r â c e p h y s i q u e
qu'elle d u t de se t o u r n e r du coté de la d é v o -
tion e t de l'illuminisme, e t d'aller grossir le
n o m b r e d e s p r o p h é t e s s e s , q u i , d a n s tous les
t e m p s , o n t pris pour d e s r é v é l a t i o n s divines
les é c a r t s de leur imagination. L e s disciples
qui o n t écrit s a v i e lui o n t composé u n e l é -
g e n d e . Ils p r é t e n d e n t q u e , dès l'âge d e q u a t r e
a n s , elle s'aperçut q u e les chrétiens n e vivaient
pas selon les principes de leur loi, e t qu'elle
d e m a n d a qu'on la conduisît dans u n p a y s où l'on
v é c û t c o n f o r m é m e n t à la loi de J é s u s - C h r i s t .
A y a n t v u s a m è r e m a l t r a i t é e p a r son p è r e , elle
r é s o l u t de n e j a m a i s se m a r i e r e t r e p o u s s a p l u -
sieurs propositions d e c e g e n r e qui lui furent
faites. A y a n t v u que l'esprit de Dieu n ' h a b i -
tait p a s d a n s l e s c o u v e n t s , elle s'habilla e n
h o m m e e t s'enfuit pour c h e r c h e r u n d é s e r t .
Loin de r e n c o n t r e r l a solitude, elle tomba a u
milieu de soldats d ' a v e n t u r e , qui r e c o n n u r e n t
a i s é m e n t SOD s e x e , et il ne fallut pas moins qu'un
miracle p o u r p r é s e r v e r s a v e r t u . Dieu, d'ail-
l e u r s , prodiguait pour elle les miracles, et u n e
seconde fois il l ' a r r a c h a a u x e n t r e p r i s e s d ' u n
h o m m e qui s'était glissé a u p r è s d'elle sous le
m a s q u e d e l a piété, e t sous le p r é t e x t e d e d e -
v e n i r son disciple. N e p o u v a n t r é u s s i r a u p r è s
d'elle, il se c o n t e n t a de séduire u n e des reli-
g i e u s e s qu'elle dirigeait, e t de l'abandonner
a p r è s l a v o i r r e n d u e m è r e . L a vie d'Antoinette
Bourignon fut t r è s - a g i t é e e t s e c o n s u m a t o u t
e n t i è r e e n t r e les p r o c è s , l e s persécutions e t
les visions. S e p r é t e n d a n t appelée à rétablir l a
religion d a n s s a p u r e t é primitive, elle d é c l a -
rait que l a véritable Eglise était éteinte, q u e la
Bible n ' e s t p a s u n e s o u r c e suffisante de foi e t
de religion, e t qu'il fallait r e n o n c e r à t o u t e li-
t u r g i e p o u r s ' a d o n n e r uniquement a un culte
BOUR
i n t é r i e u r e t m y s t i q u e . Cette doctrine lui a t t i r a
un certain n o m b r e d ' a d e p t e s , mais lui c r é a
des ennemis e n c o r e plus n o m b r e u x . A y a n t é t é
e x p u l s é e de son p a y s , elle e r r a à t r a v e r s la
Belgique, l a H o l l a n d e , le nord de l'Allema-
f
ne, a b j u r a , dit-on, le catholicisme à A m s t e i -
a m , e t p r ê c h a o u v e r t e m e n t s a réforme. Bien
qu'elle fut u n e visionnaire m a l a d i v e , A n t o i -
n e t t e Bourignon s'entendait fort bien à soute-
nir s e s i n t é r ê t s . Elle a v a i t d'abord renoncé
a u x biens qui p o u v a i e n t lui r e v e n i r d e s a fa-
mille ; mais elle r e v i n t s u r cette décision, dans
la c r a i n t e q u e c e s biens ne t o m b a s s e n t e n t r e
les mains de g e n s qui en pourraient faire mau-
vais u s a g e . D a p r è s l e m ê m e principe, elle ne
secourait j a m a i s les p a u v r e s , qui tous étaient
des v a g a b o n d s e t des d é s œ u v r é s . Elle ne d o n n a
m ê m e p a s la plus l é g è r e partie de son h é r i t a g e
à un hôpital qu'elle dirigeait, e t où elle servait
les m a l a d e s de ses m a i n s , mais non de s a b o u r s e .
L e s dévots o n t toujours un t e x t e de l ' E c r i t u r e
a u s e r v i c e de leurs passions, et le l a n g a g e
de T a r t u f e a é t é v r a i de tout t e m p s . A n t o i -
n e t t e B o u r i g n o n t r o u v a i t d e s e x c u s e s pour
son c a r a c t è r e difficile, impérieux e t bizarre,
d a n s les s a i n t e s r i g u e u r s q u e les p r o p h è t e s e t
les apôtres a v a i e n t e x e r c é e s . Q u e l q u e s - u n s
de s e s disciples firent plus q u e de n a t t e r s a
v a n i t é , ils a u g m e n t è r e n t s a fortune p a r leurs
d o n s . U n d ' e n t r e e u x (c'était le plus riche)
c a u j a les plus v i v e s douleurs à la sainte pour
son e n f a n t e m e n t spirituel ; c a r , chaque fois
qu'il lui v e n a i t un nouvel a d e p t e , elle éprou-
v a i t les m ê m e s douleurs corporelles q u e si
elle e û t mis a u m o n d e u n enfant v é r i t a b l e .
Son b i o g r a p h e l'affirme en a j o u t a n t : « L e s
m é c h a n t s e t les impies m o q u e u r s en p e u v e n t
dire tout c e qu'il plaira. » L e s visions d"An-
t o i n e t t e Bourignon sont i n n o m b r a b l e s , les
livres qu'elle a publiés, e t où elle les r a c o n t e ,
n e se c o m p t e n t pas. L e s presses ne pouvaient
suffire à s a déplorable fécondité : elle é c r i -
v a i t comme d ' a u t r e s femmes p a r l e n t , c'est-à-
dire s a n s fin e t sans savoir c e qu'elle disait.
U n e de s e s plus c u r i e u s e s visions e s t celle
S
u'elle e u t s u r l'Antéchrist, a u sujet duquel
ieu lui a v a i t r é v é l é d e s choses merveilleu-
ses. Elle dit de quelle manière il doit n a î t r e ,
et cette m a n i è r e est singulière, p o u r n e p a s
dire p l u s ; elle e n t r e dans tous les détails et
v a j u s q u ' à décrire son teint et la couleur de
ses c h e v e u x . T o u t e cette élucubration e s t en
v e r s , c a r , c o m m e les a p ô t r e s a v a i e n t le don
des l a n g u e s , Antoinette Bourignon a v a i t celui
d e la poésie. L a vision s u r A d a m , s u r l a m a -
n i è r e dont il é t a i t formé a v a n t son p é c h é , est
f'ius é t r a n g e e n c o r e . Ceux qui s o n t curieux de
ire les communications d e l'esprit d e Dieu à
ce sujet les t r o u v e r o n t dans Baylè, qui en a
donné des e x t r a i t s . Antoinette Bourignon mou-
r u t à F r a n e k e r d a n s la province de F r i s e . Ses
œ u v r e s o n t é t é publiées à A m s t e r d a m (iG7y-
1684, 21 vol.)
BOURXGNON
BOURXGNON s. m . ( b o u - r i - g n o n , gn m i l . ) .
P ê c h . F i l e t à m a i l l e s s e r r é e s .
BOURIGNON
BOURIGNON ou BOUIÏGU1GNON ( F r a n -
ç o i s - M a r i e ) , antiquaire e t littérateur français,
n é à Saintes en 1753, mort en 179C. Il e x e r ç a
la m é d e c i n e , s'occupa d'étudier les antiquités
n a t i o n a l e s , composa quelques pièces de t h é â -
t r e e t rédigea p e n d a n t quelques a n n é e s le
Journal de Saintonge. De tous s e s t r a v a u x ,
c e u x qui m é r i t e n t encore de fixer l'attention
s o n t : Recherches tQpographiques sur les anti-
quités gauloises et romaines de la Saintonge
et de l'Angoumois (1789); Observations sur
quelques antiquités romaines déterrées au Pa-
lais-Hoy al (1789); e t Recherches historiques,
topographiques et critiques sur les antiquités
de Saintes.
BOURIGNONISTEBOURIGNONISTE s. m . (bou-ri-gno-ni-ste).
H i s t . r e l i g . Disciple d ' A n t o i n e t t e B o u r i g n o n .
BOURINER
BOURINER v . n . (bou-ri-nc). D a n s quel-
q u e s p a r t i e s d e la F r a n c e , P e r d r e son t e m p s
e n a y a n t l'air occupé.
BOURINE
BOURINE s. f. ( b o u - r i - n e ) , M a r . S o r t e do
voile q u e l'on place e n b i a i s .
BOURIOLE
BOURIOLE s. f. ( b o u - r i - o - l e ) . O r n i t h . U n
des n o m s de la bécasse.
BOURJASSOTE
BOURJASSOTE s. f. ( b o u r - j a - s o - t c ) . H o r t .
F i g u e r o n d e , a p l a t i e , à peau d u r e e t d'un
violet s o m b r e .
BOURJOT
BOURJOT SAINT-HILAIRE, médecin et n a -
t u r a l i s t e français, né à P a r i s e n 1801. Il fut
professeur d'histoire naturelle e t d'unatomio
c o m p a r é e , e t il épousa la fille unique du c é -
lèbre Geoffroy S a î n t - H i l a i r e . On a d e lui :
Collection de perroquets pour faire suite à la
publication de Leoaillant ( S t r a s b o u r g e t P a -
ris, 1S35); e t Lettre à un médecin de province
sur les établissements médicaux, et particuliè-
rement sur les dispensaires philanthropique?
de Londres ( P a r i s , 1836).
BOURKA
BOURKA s. f. ( b o u r - k a ) . S o r t e d e m a n t e a u
d e i e u t r e q u e p o r t e n t les C o s a q u e s .
BOURKE
BOURKE ( E d m o n d , comte D E ) , diplomate
danois, né à S a i n t e - C r o i x , u n e d e s Antilles,
en 1761, m o r t en 1821. Il fut s u c c e s s i v e m e n t
c h a r g é d'affaires et a m b a s s a d e u r e n P o l o g n e ,
à N a p l e s , à Stockholm, à M a d r i d ; p r i t u n e
g r a n d e p a r t a tous les t r a i t é s conclus p a r le
D a n e m a r k a v e c d ' a u t r e s puissances eh 1 S U ,
e t fut enfin n o m m é a m b a s s a d e u r à P a r i s en
1820. Après s a m o r t , s a v e u v e publia u n e No-
tice sur les ruines les plus remarquables de
Naples et de ses environs, rédigée e n 1795
( P a r i s , 1828).
BOURKE
BOURKE ( J e a n - R a y m o n d - C h a r l e s ) , g é n é r a l
f r a n ç a i s , n é à Lorient en 1773. Il s e r v i t d ' a -
bord e n Cochinchina e t a S a i n t - D o m i n g u e .
BOUR BOUR
BOUR
BOUR 1135
Plus tard, il fit les campagnes d'Autriche, se
distingua à Austerlitz, à Ratisbonne, à Wa-
gram, où il fut nommé général de brigade;
prit part à de glorieux combats dans la guerre
d'Espagne, et défendit ensuite Givet, qu'il ne
livra aux ennemis que le 3 mai 1815, sur l'or-
dre exprès du roi. Il fut ensuite nommé in-
specteur général d'infanterie et fit encore la
campagne d'Espagne en 1822.
BOUHKUARD,
BOUHKUARD, historien russe. V. VICH-
• MANN.
BOURLEBOURLE s. f. (bour-lc). Malin tour, at-
trape : 11 s'est fait depuis peu certaine masca-
rade que je prétends faire entrer dans une
BOURLE que je veux faire à notre ridicule.
(Mol.)
BOURLÉ
BOURLÉ (Jacques), ecclésiastique et écri-
vain français, né a Longménil, diocèse de
Beau vais, dans le xvic siècle. Il fut docteur
de Sorbonne et curé de Saint-Germain-le-
Vieil à Paris. On a de lui : Congratulation au
roi pour l'édit de janvier rompu; Adhortation
au peuple de France de se tenir sur ses gar-
des ; Prières à Jésus-Christ sur le mariage de
Charles IX; Regrets sur la mort kastive de
Charles IX; Discours sur la prise de Mende
par les hérétiques. On attribue encore à Bourlé
une traduction de Térence vers par vers, qui
parut sans nom d'auteur en 15S5.
BOURLETTEBOURLETTE s. f. (bour-lè-te). Art milit.
anc. Sorte de massue armée de pointes de
fer, dont on se servait au moyen âge. u On dit
aUSSi BOURLOTTE.
BODKL1E (Antoine DE GUISCARD, abbé DE
LA), intrigant politique, né en 1658, mort en
1711. 11 suivit d'abord la carrière ecclésiasti-
que et fut pourvu de riches bénéfices; mais
sa mauvaise conduite l'obligea bientôt à se
retirer en Hollande. S'étant ensuite mis en
rapport avec les protestants des Cévennes, il
leur fournit des armes et de l'argent; mais,
lorsque les troubles furent comprimés, il se
réfugia de nouveau en Hollande. De là il
passa en Angleterre, et offrit ses services à la"
reine Anne, qui les accepta; mais en même
temps il correspondait avec la cour de France,
et sa trahison ne tarda pas à être découverte.
Conduit devant le chancelier pour y subir un
interrogatoire, il lui porta deux coups de canif,
voulut ensuite tourner cette arme contre le duc
de Buckingham, qui le frappa deux fois avec
son épée. Il mourut peu de jours après dans la
prison de Newgate, soit de ses blessures, soit
d'un poison qu'il aurait, dit-on, avalé. On a de
lui : Mémoires du marquis de Guiscard, etc.
(Delft, 1705, in-12).
BOCRL1ER (Jean-Baptiste, comte), prélat
français, né à Dijon en 1731, mort à Evreux
en 1821. 11 subit quelques persécutions pen-
dant la Terreur, quoiqu'il eût prêté le serment
exigé des ecclésiastiques. Il devint évêqne
d'Evreux en 1802, et, après le divorce de Na-
poléon avec Joséphine, il entra en relation
avec l'ex-impératrice, lorsqu'elle se fut retirée
à Navarre. Louis XVIII le nomma pair de
France en 1814, et comme il s'était tenu à
l'écart pendant les Cent-Jours, il fut maintenu
dans cette dignité à la seconde Restauration.
C'était un évéque plein de charité et de man-
suétude, et jusqu'à sa mort il remplit les de-
voirs de l'épiscopat avec beaucoup de zèle.
BOURLET
BOURLET s. m. (bour-lè). V. BOURRELET.
— Mar. Entrelacement de cordages et de
tresses formant des rets serrés sur les basses
vergues et les vergues de hune.
BOURLET. DE VAUXCEI.LES. V. VAUX-
CELLES.
BOURLINGTONIE
BOURLINGTONIE s. f. (bour-Iain-gto-nî).
Bot. Genre d'orchidées comprenant une seule
espèce du Mexique.
BOURLINGUER
BOURLINGUER v. n. ou intr. (bour-lain-
ghé). Mar. Fatiguer, en parlant d'un- navire
qui lutte contre un gros temps, ou qui est
soumis à des manœuvres pénibles.
— Dans le langage des marins, Naviguer,
faire l'état pénible de marin : J'AI BOURLIN-
GUÉ trois ans dans la mer des Indes.
BOURLOS,le Duticus lacus des anciens, lac
de la basse Egypte , à l'extrémité la plus
septentrionale du Delta, entre les deux bran-
ches par lesquelles le Nil se décharge dans la
Méditerranée. Il a environ 100 kilom. de
longj sur 40 de large ; il est généralement peu
profond et reçoit différents canaux. Une lan-
gue de terre d'une faible largeur le sépare de
la Méditerranée, avec laquelle il communique
à l'E. par une étroite ouverture appelée bou-
che du lac Bourlos, et qui était autrefois nom-
mée bouche Sébennytique. Très-poissonneux,
et marécageux sur plusieurs points.
BOURLOTTE
BOURLOTTE s. f. (bour-lo-te). En Breta-
gne, Ver blanc employé comme appât.
BOURMONTBOURMONT (Burnonis Mans), bourg de
France (Haute-Marne), ch.-l. de cant., ar-
rond et à 47 kilom. N.-É. de Chaumont, près
de la rive droite de la Meuse; pop. aggl.
S91 hab. — pop; tôt. 904 hab. Coutelleries,
brosseries, commerce de bois et de fer.
feOURMONT (Louis-Auguste-Victor, comte
DE GHAISNES DE), maréchal de France, né en
1773, au château de Bourmont (Maine-et-
Loire), mort en 1846. Il était officier aux
gardes françaises à l'époque de la Révolu-
tion, suivit son péro dans l'émigration, et
porta les armes contre la France dans les
rangs de l'armée de Condé. En 1794, il rentra
en France pour aller se joindre aux insurgés
de l'Ouest.. Scépeaux le choisit comme major
général de son armée, et il fut en outre
nommé membre d'un conseil supérieur créé
par les chouans du Maine. Chargé par son
parti de négociations auprès du gouverne-
ment anglais, il vit à Edimbourg le comte
d'Artois, qui le nomma, avec dispense d'âge,
chevalier de Saint-Louis, en lui donnant le
baiser, suivant l'usage ancien. C'est d'ailleurs
tout ce qu'il rapporta-d'Angleterre, avec
quelques vagues promesses de secours. Peu
de temps après, les chefs royalistes ayant
fait leur soumission, il repassa le détroit,
et le prince (qui était, comme on le sait,
lieutenant général du royaume... in partibus)
le nomma maréchal de camp et comman-
dant du Perche, du Maine et de l'Anjou.
Lors de la priâe d'armes de 1799, à l'époque
où la guerre avait dégénéré en brigandage
et en chouannerie, il reparut dans le Maine et
se mit à la tête de bandes indisciplinées. Le
15 octobre de la même année, il enleva le
Mans par un coup de main hardi, et laissa
ses hordes sauvages mettre la malheureuse
cité à feu et à sang. Forcé bientôt d'évacuer
le Mans, il essaya quelque temps de se
maintenir encore; mais de nouveaux succès
des républicains amenèrent la soumission de
la plupart des chefs royalistes. Forcé de
capituler (janvier 1800), Bourmont ne fit pas
les choses à demi, et il indiqua les rivières où
se trouvaient cachés les canons fournis par
l'Angleterre. Nous trouvons ce renseignement
dans la biographie royaliste dite de Leipzig^
imprimée en 1806. Bourmont vint à Paris, où
il se maria avec une demoiselle de Bec-de-
lièvre, et où le premier Consul l'accueillit
avec faveur. Il jouissait, paraît-il, d'un certain
crédit auprès du gouvernement, et, dans
l'ouvrage cité ci-dessus, on assure qu'on le
voyait souvent dans les bureaux du ministère
. de la police. Il n'en était pas moins mêlé
à tous les complots de son parti. Déjà, sous
le Directoire, en l'an VI, il avait séjourné
secrètement à Paris, cache au milieu de
vastes jardins dans la rue des Marais-du-
Temple. C'est là que notre grand chansonnier
Béranger, fort jeune alors, Fallait trouver
pour lui porter sa part des subventions que
le gouvernement anglais faisait passer aux
conspirateurs royalistes. Ce détail piquant
nous a été révélé par Béranger lui-même
dans Ma Biographie. L'explication en est fort
simple. Le père de Béranger était depuis
longtemps mêlé aux intrigues royalistes;
il avait été intendant de la comtesse de
Bourmont, mère de notre personnage, et au •
moment dont nous parlons, il était agioteur
et banquier à Paris, et il servait d'intermé-
diaire entre Londres et les royalistes, comme
payeur du parti. Il avait fait venir son jeune
îils de Péronne pour l'aider dans ses affaires,
et quoiqu'il connût ses opinions républicaines,,
il ne l'en employait pas moins à la besogne
en question. « Et moi, pauvre petit patriote,
dit Béranger, il me fallait porter sérieusement,
cet or aux conspirateurs, qui, je dois le dire
à ma décharge, me paraissaient en user plus
pour leurs besoins particuliers que pour
l'accomplissement de leurs projets. »
Cependant, c'est à cette époque qu'eut
lieu la conspiration de Brothier et La Ville-
heurnois, et Bourmont n'était à Paris que
pour se mettre à la tête du mouvement, qui
d'ailleurs échoua avant l'exécution.
Lors de l'explosion de la machine infernale,
Bourmont montra un empressement suspect
à demander la punition des coupables. Le
même soir, il se rendit dans la loge de Bona-
E
arte, à. l'Opéra, et, flattant habilement ses_
aines contre les hommes de la Révolution, il
lui désigna les Jacobins comme les auteurs
de la tentative d'assassinat. Le contraire fut
prouvé ; mais, sur l'ordre du maître, on n'en
déporta pas moins 130 pauvres diables, dont
quelques-uns seulement ont revu la France.
Il y a toute apparence que Bourmont était
mêlé à ce nouveau complot; il était à Paris
le principal agent de Louis XVIII, et, quelques
jours auparavant, il avait réuni un groupe de
conspirateurs chez le père de Béranger, qui
tenait alors un cabinet de lecture rue Saint-
Nicaise, à cent pas de l'endroit où éclata la
machine. Un des convives, nommé Charles,
ne dissimulait point son projet d'assassiner le
premier Consul.' Il fut pris deux jours après
et fusillé. (V. Ma Biographie, par Béranger,
p. 69.)
Au reste, Bourmont fut alors fortement
soupçonné, malgré ses fréquents rapports avec
la police, et quelque temps après , Fouché
mit fin à son rôle équivoque en le faisant
arrêter. D'abord enfermé au Temple, il fut
ensuite transféré à Dijon, puis à Besançon,
d'où il parvint à s'évader en 1805. Il se réfu-
gia en Portugal. Son évasion d'ailleurs pour-
rait bien avoir été accomplie avec la tolé-
rance du gouvernement; car, sur l'ordre de
Napoléon, on ne séquestra point ses biens.
Il était à Lisbonne lors de la prise de cette
ville par Junot (1810). Compris dans la
capitulation, il rentra en France et accepta
de Napoléon le grade de colonel. Il servit
successivement en Italie, dans la campagne
de Russie, en Allemagne et dans la campagne
de France. Sa bravoure et ses talents militai-
res lui avaient mérité le grade de général de
division. Naturellement, il fut un des pre-
miers à .-connaître les Bourbons, et reçut de
Louis XVIII le commandement de la sixième
division militaire. Chargé en cette qualité de
réunir ses forces à celles du maréchal Ney
pour s'opposer à la marche de Napoléon, à son
retour de l'île d'Elbe, il ne put arrêter la dé-
fection des troupes, et il ne paraît pas d'ailleurs
avoir fait de grands efforts pour l'empêcher.
Pendant les Cent - Jours, l'empereur, qui
avait une faiblesse aveugle pour les trans-
fuges de l'ancienne noblesse , accueillit avec
la même faveur qu'autrefois le général de
Louis XVIII, qui sollicita presque aussitôt un
commandement, et qui l'obtint, malgré l'op-
position du ministre de l'intérieur Carnot, qui
pressentait une trahison.
• Unjour, l'empereur dit à Carnot : — Bour-
mont me demande pour ses enfants deux
bourses dans un lycée. Faites-moi le plaisir
d'arranger la chose. — Bourmont ! l'ancien
chef de chouans ! s'écria Carnot. — Autrefois,
oui; mais il a bien changé.— En êtes-vous
sûr? — Parfaitement. Ney et Gérard m'en
répondent. Je lui donne un commandement. »
(Mémoires sur Carnot, par son fils.)
Bourmont fut en effet mis à la tête de la
sixième division du corps d'armée aux ordres du
général Gérard. Les soupçons de Carnot furent
pleinement justifiés par l'événement. A la veille
de la seconde bataille deFleurus (14 juin 1815),
Bourmont abandonna ses troupes, passa à
l'ennemi et alla rejoindre Louis XVIII à Gand.
Cette désertion, sans avoir eu peut-être tou-
tes les graves conséquences que l'on a sup-
posées, n'en fut pas moins .funeste dans les
circonstances critiques où l'on se trouvait ;
des bruits sinistres commencèrent à circuler
dans l'armée et préparèrent la désastreuse
panique de Waterloo. Quelques écrivains ont
prétendu justifier cette défection en disant
â
ue Bourmont avait fui pour ne pas être obligé
e signer YActe additionnel, qui proscrivait
les Bourbons; mais cet acte avait paru près
de deux mois auparavant (Moniteur, 23 avril
1815), et il était publié lorsque Bourmont
sollicita et obtint son commandement. Avait-
il alors l'intention de trahir? Ne doit-on voir
dans cette sollicitation, dans ce nouveau ser-
ment, que des manœuvres dans le genre de
celles qu'avait autrefois employées l'ancien
chef de chouans, l'ancien conspirateur, qui
peut-être servait la police consulaire, ou qui
tout au moins flattait le gouvernement, tout
en tramant sa destruction? Il est impossible,
on le sent, de résoudre ces questions. En tout
état de cause, il reste ce fait caractéristique,
dont aucun plaidoyer ne peut atténuer la por-
tée, que Bourmont s'est traîné aux pieds de
Napoléon pour en obtenir un commandement,
et qu'au moment de l'exercer, devant l'en-
nemi,sans aucun motif avouable, il a lâchement
ou perfidement abandonné son poste. Une
telle action justifie pleinement l'impopularité
qui s'est attachée à son nom. Ce qu'il y a de
plus probable, d'ailleurs, c'est que l'intérêt
personnel fut son seul mobile. 11 s'était évidem-
ment rallié par intérêt ; il trahit par intérêt ;
voyant la fortune de Napoléon compromise
et jugeant qu'une nouvelle restauration était
imminente , il se hâta de donner des gages
aux triomphateurs du lendemain, sans aucun
souci de son honneur militaire et de sa di-
gnité d'homme.
Nommé par Louis XVIII commandant de la
frontière du Nord, il pénétra en France après
la bataille de Waterloo et rendit quelques
services à la cause royale dans le dépar-
tement du Nord. A son retour à Paris, il
obtint le commandement de l'une des divisions
d'infanteriedelagarde royale. Appelé comme
témoin dans le procès du maréchal Ney,
il chargea l'illustre accusé avec aussi peu de
loyauté que de mesure. En 1823, lorsque
l'armée française entra en Espagne, il fut
attaché avec sa division au corps de réserve,
mais n'eut aucune occasion de se signaler
dans cette déplorable guerre. En 1S29, il fut
appelé au ministère de la guerre, où il laissa
peu de traces de son passage, et l'année sui-
vante, il sollicita et il obtint le commande-
ment en chef de l'expédition destinée à la
conquête d'Alger. Cette campagne, il est à
peine nécessaire do le rappeler, fut l'acte le
plus important de sa vie. Il partit de Paris
le 22 avril 1830. Le 13 mai, la flotte fran-
çaise était mouillée dans la baie de Sidi-Fer-
ruch, près d'Alger. Le 4 juillet, le fort de
l'Empereur était en notre pouvoir, et le
lendemain le dey d'Alger capitulait. Pendant
* toutes les opérations du débarquement et du
siège, Bourmont montra autant de bravoure
que de capacité. Un de ses fils fut tué dans
1 action. Elevé à la dignité de maréchal de
France, il s'occupait avec activité à étendre
et à organiser sa conquête, lorsque éclata la
révolution de Juillet. Remplacé dans son
commandement par le général Clausel, le
nouveau maréchal quitta l'Afrique, refusa le
serment à Louis-Philippe et fut déclaré
démissionnaire en 1832. Il se rejeta alors dans
les aventures, essaya de rallumer la guerre
civile en Vendée, lors de la tentative de la
duchesse de Berry, et plus tard alla, au nom
de la légitimité, soutenir la cause de dom
Miguel en Portugal, où il compromit sa répu-
tation militaire et où il perdit même sa
qualité de citoyen français f comme servant a
1 étranger sans autorisation). Il eut encore la
douleur de voir tomber un de ses fils dans
cette malheureuse campagne.
Autorisé eu 1840 à rentrer en France, il
fut accueilli à Marseille par une émeute popu-
laire excitée parle souvenir de sa défection de
1815, et n'échappa qu'à grand'peine aux
outrages et aux mauvais traitements. Néan-
moins, il persista a rentrer dans cette patrie
qui semblait le rejeter de son sein, alla se
fixer dans son château de Bourmont, en
Anjou, et passa ses dernières années dan;
la retraite la plus absolue.
BOURME
BOURME s. m. (bour-me). Coram. Qualité
inférieure de soie de Perse, li On dit aussi
BOURMIS.
BOURNABÀT,
BOURNABÀT, ville de la Turquie d'Asie
dans l'Anatoliej à 8 kilom. N.-E. de Smyrne,
sur un petit golfe dont les eaux se sont reti-
rées lentement par suite des atterrissements
du Mélès ; 2,000 hab. Selon quelques au-
teurs, Bournabat marquerait la position de la
Smyrne antique des Eoliens, détruite en 627
av. J.-C. Aux environsde cette ville, à 6 kilom.
O., on rencontre les débris d'une acropole de
construction cyclopéenne, avec plusieurs tom-
beaux fort anciens.
BOURNAIS
BOURNAIS s. m. (bour-nè). Agric. Terraii
argileux et sablonneux, il Onditaussi BORNAIS
BOURNAL
BOURNAL s. m. (bour-nal). Econ. agric.
Rayon de miel.
BOURNE,
BOURNE, petite rivière de France, prend sa
source près de Grenoble et se jette dans l'Isère
après un cours de 40 kilom. Elle est flottable
depuis Pont-en-Royans jusqu'à son embou-
chure.
BOURNE,
BOURNE, ville d'Angleterre, comté et à
50 kilom. S. de Lincoln ; 2,917 hab. Commerce
de cuirs, laine et orge maltée ; tanneries im-
portantes ; eaux minérales.
BOURNE
BOURNE (Hugh), fondateur de la secte des
méthodistes primitifs, né à Fordhays, dans
le Staffordshire (Angleterre), en 1772, mort
à Bemersl^', dans le même comté, en 1852. 11
seséparade la secte dissidente deswesleyens,
à laquelle il appartenait, tint le premier des
assemblées religieuses en plein air (1S01),
organisa en 1810 le premier comitédes métho-
distes, et répandit les principes de sa secte par
des voyages et des prédications dans les îles
Britanniques et aux Etats-Unis. Bourne était
un réformateur dont la vie était exemplaire,
et son nom est resté en grand honneur parmi
ses coreligionnaires.
BOURNÉAU
BOURNÉAU s. m. (bour-né-o). Hist. relig.
Membre d'une petite secte de chrétiens um-
versalistes.
BOURNEZEAU,
BOURNEZEAU, bourg et commune de France
( Vendée ), canton de Chantonnay, arrond.
et à 22 kilom. E. de Napoléon-Vendée; pop.
aggl. 821 hab. — pop. tôt. 2,1 n hab. Fabrica-
tion de biscuits à t'anis. Commerce considéra-
ble de bêtes à cornes.
BOURMER
BOURMER (Etienne), poète français, né
à Moulins vers 1580, auteur d'un ouvrage in-
titulé le Jardin d'Apollon et de Clémence di-
visé en deux livres, etc. (Moulins. 160G,in-i8),
qu'il fit paraître en latin la môme année. Il
paraît, si l'on en croit les vers suivants adres-
sés à sa muse, que le pauvre poète Bournier
n'était pas prophète en son pays :
Veux-tu savoir pourquoy
Molins ne faict compte de moy,
Ni de mon Jardin de Clémence ?
C'est un dire bien approuvé.
Qu'un sainct n'est jamais relevé
Au lieu où il a prins naiscence.
BOURNOBILE
BOURNOBILE s. m. (bour-no-bi-le). Anc.
coût. Crieur ou veilleur de nuit, dans l'Ouest
de la France.
BOURNON
BOURNON (Jacques-Louis, comte DK), mi-
néralogiste français, né à, Metz en 1751, mort
à Versailles en 1825. Il émigra, à l'époque de
la Révolution, et servit quelque temps dans
l'armée de Condé. Il alla ensuite en Angleterre,
où il fut chargé de mettre en ordre plusieurs
collections de minéralogie, et fut admis dans
plusieurs Sociétés savantes. A la Restauration,
Louis XVIII le nomma directeur de son
cabinet de minéralogie. Outre plusieurs mé-
moires insérés dans le Journal des Mines, on
doit au comte de Bournon: Essai sur la litho-
logie des environs de Saint-Etienne-en-Forez
et sur l'origine de ses charbons de pierre,
Traité complet de la chaux carbonatée ; Cata-
logue de la collection minéralogique particu-
lière du roi; Quelques observations et réflexions
sur le calorique de l'eau et le fluide de la
lumière, etc.
BOURNON
BOURNON (comtesse DE), sœur du précé-
dent, née k Metz en 1755. Elle montra dès
sa plus tendre jeunesse d'heureuses dispo-
sitions pour l'étude, et elle n'avait encore que
vingt-quatre ans lorsqu'elle publia un Traité
d'éducation. Elle écrivit ensuite beaucoup de
romans traduits ou imités de l'anglais, et
l'Académie des Arcades de Rome la reçut au
nombre de ses membres. Voici les titres de
ceux de ses romans qui eurent le plus de
succès : Lettres de mùady Lindsey, ou l'E-
pouse pacifique, et Clarisse Weldo/ie, ou le
Pouvoir de la vertu (l~80) ; Anna-Iiose Tree
(1783) ; Tout est possible à l'amitié, ou Histoire
de Love-Rose et de Sophie Mostain (1787);
les Trois Sœurs (1795); Plus vrai que vrai-
semblable, ou le Château Misscry (1801); les
Orphelins de Hohj-îsland; Stanislas (1810);
Constance d'Auvalière (1813).
BOURNONITE
BOURNONITE s. f. ( bour-no-ni-tc — du
nom de Bournon, qui le premier l'a établie
comme espèce). Miner. Triple sulfure de
plomb, d'antimoine et de cuivre.
Encycl. Ce minéral est formé de -11,77 de
plomb, 12,76 de cuivre, 26,01 d'antimoine et
1136 BOUR BÔÛR BÔUR
BOUR
19.46J de soufre. Cette matière présente" un
certain intérêt pratique, à cause'de l'usage
qu'on en fait, conjointement avec d'autres
minerais formant la partie principale du gîte
métallifère, pour l'extraction du plomb et du
cuivre. Elle se présente le plus souvent en
masses amorphes on granulaires, d'un gris de
fer offrant l'éclat métallique ; on la rencontre
aussi cependant en cristaux, qui offrent diffé-
rentes formes appartenant au système du
prisme droit à base rhomboïde. La densité de
la bournonite est égale à 5,8, et on représente
sa dureté par le nombre 2,5. On la rencontre
dans un très-grand nombre de localités; entre
autres en Angleterre, dans le Harz, en Saxe,
en Transylvanie, en Hongrie, en Piémont, au
Pérou, au Mexique, et même en France. On
rapporte à, la bournonite le minerai d'argent
connu en Allemagne sous le nom de weiss-
gâltigerz et le bleifahlerz de Naussemann.
BOURNONS
BOURNONS (Rombaut), officier du génie
et mathématicien flamand, né à Malines, mort
en 1788. Après avoir servi dans l'armée au-
trichienne, il professa les mathématiques et
devint membre de l'Académie de Bruxelles. On
lui doit : Phases de l'éclipsé annulaire du
soleil du 1er avril 1764, calculées sur le zénith
de Bruxelles ; Mémoire contenant la forma-
tion d'une formule générale pour l'intégration
et la sommation d'une suite de puissances quel-
conques dont tes racines forment une progression
arithmétique à différences finies quelconques;
Eléments de mathématiques,première partie;
Mémoire sur le calcul des probabilités, et plu-
sieurs autres mémoires lus dans les séances
de l'Académie.
BOURNONVILLE. La seigneurie de Bour-
nonville, en Flandre, a donné sonjjom à une
famille très-considérable, qu'on dit issue des
anciens comtes de Guines, et qui a joué un
rôle assez marquant dans l'histoire du moyen
âge. Cette famille, nombreuse et divisée en
une foule de rameaux, était représentée, dans
la seconde moitié du xvie siècle, par Otidard
DE BOURNONVILLE, comte de Hénin-Liètardj
vicomte et baron de Barlinet Houlleford, qui
se distingua au service du roi Philippe II
d'Espagne. — Il ne laissa qu'un fils, Alexandre
DE BOURNONVILLE, en faveur de qui Henri IV,
en 1600, érigea en duché, sous le nom de
Bournonville, la baronnie de Houlleford, en
Boulonais. Alexandre, duc de Bournonville,
par acte du mois de juillet 1651, céda le duché
a son second fils AMBROISE-KRANÇOIS, qui eu
obtint l'érection en pairie en 1652. Mais
étant mort sans héritier mâle, en 1693, la pai-
rie de Bournonville s'est éteinte, et la famille
n'a conservé que le titre de duc.
BOURNONVILLE
BOURNONVILLE ( Antoine - Auguste D E ) ,
maître et compositeur de ballets danois, né a
Copenhague en 1805, d'un père français, alors
engagé comme premier danseur au théâtre
royal. Il reçut les premiers principes de son art
• dans la maison paternelle, puis vint à Paris,
en 1824, se perfectionna à l'école de Vestris,
et débuta avec succès, en 1826, au Grand-
Opéra. Il parcourut ensuite les diverses capi-
tales de l'Europe. De retour en Danemark en
1830, il entra au Théâtre - Royal, comme
premier danseur et directeur de la danse.
Nommé maître de ballets au même théâtre en
1836, il réussit à y relever le ballet, menacé
d'une prompte décadence. Parmi les moyens
qui contribuèrent à ce résultat, il fauteompter,
outre sa volonté courageuse, son intelligence
administrative, ses connaissances pratiques
et les ballets qu'il composa lui-même. Ces
ballets, pleins de verve et d'originalité, et
dont les sujets sont empruntés le plus sou-
vent à l'histoire et aux traditions nationales,
, ramenèrent bientôt le public charmé à un
genre de plaisir pour lequel il n'éprouvait
naguère que de l'indifférence et même du
dégoût. On peut dire que, sous le rapport
des ballets, le Théâtre royal de Copenhague
rivalise aujourd'hui avec les plus grandes
scènes de l'Europe. Bournonville est d'une
activité infatigable et d'une merveilleuse
fécondité. Sans compter une foule de danses,
de levers de rideau, de divertissements, etc.,
il a composé plus de quarante ballets, qui tous
ont été et sont encore journellement exécutés
avec succès. Bournonville est chevalier de
l'ordre de Danebrog depuis 1848. Parmi ses
ballets, nous citerons: V/aldemar et Eric
Menwed, Faust, la Fêted'Albano,\e Toréador,
Napoli, Raphaël, la Kermesse de Bruges, etc.
Il a aussi publié quelques brochures relatives
au théâtre. — Son père, Antoine-Théodore
BOURNONVILLE,
BOURNONVILLE, né a Lyon en 1760, mort en
1843 dans l'île de-Séeland, où il habitait une
charmante retraite qu'il devait à la munifi-
cence du roi Frédéric VI, avait aussi composé
de nombreux ballets pour le théâtre de Co-
penhague.
BOURNOU,
BOURNOU, royaume d'Afrique. V.BORNOU.
BOURNOUS
BOURNOUS s. m. (bour-nouss). V. BURNOUS.
BOIJROTTE
BOIJROTTE (François-Nicolas), bénédictin
de Saint-Maur, né à Paris en 1710, mort en
1784. Il s'occupa toute sa vie de recherches
historiques, et on lui doit : Mémoire sur la
description géographique et historique du
Languedoc (1759) ; Arrêts et décisions qui éta-
blissent la possession de souveraineté et pro-
priété de Sa Majesté sur le fleuve du Rhône
d'un bord à l'autre (1765) ; Recueil de lois et
autres pièces relatives au droit public et par-
ticulier du Languedoc (1765); Précis analy-
tique du procès intenté à la province du
Languedoc par les états de Provence, concernant
le Rhône et ses dépendances (1771). Il composa
aussi le sixième volume de l'Histoire générale
du Languedoc, laissée incomplète par Vaissette.
BOUBOU,
BOUBOU, île de l'Océanie, dans la Malaisie,
faisant partie de l'archipel des Moluques, à
80 kilom. O. de Céram et d'Amboine, par
3
(,
12' lat. S. et 123° 55' long. E. ; longueur de
l'E. à l'O. 110 kilom., largeur 64 kilom.; pop.
évaluée à 60,000 hab. Cette Ile, habitée à l'in-
térieur par les Haraforas, peuplade indigène,
et par les Malais sur les cotes, présente un sol
montagneux et très - fertile ; les forêts sont
peuplées d'innombrables oiseaux, et renferment
des bois aromatiques et d'ébénisterie. Le sol
produit en abondance du riz, du sagou et des
fruits des tropiques. Les habitants, gouvernés
par des chefs indépendants, ne reconnaissent'
que nominalement la suprématie des Hollandais
établis sur les côtes. La capitale de l'Ile porte
aussi le nom de Bourou, et est située sur une
baie de 111e, dans une contrée couverte de
rizières.
BOUROUGHIRD,
BOUROUGHIRD, ville de Perse, dans la
province d'Irak-Adjemy, chef-lieu du gou-
vernement du même nom, sur la route d Ha-
madan à Ispahan, et à 340 kilom. N.-O. de
cette dernière ville; 14,000 hab. — Beau
château, récolte de safran. Cette ville, que
quelques auteurs appellent Borondjerd, est
un centre industriel considérable; on y fabri-
que une grande quantité de cotonnades com-
munes. Il s'y fait pour plusieurs millions
d'affaires par an. • La ville, dit M. le comte
de Rochechouart, attaché à la légation fran-
çaise à Téhéran, est admirablement située
dans une petite plaine très-fertile, et arrosée
f
iar une rivière bordée de grands arbres, sous
esquels, chose rare en Perse, on peut se
promener à l'ombre. » On voit dans cette vallée
des essais de culture de toutes sortes : des
mûriers pour les vers à soie, qui donnent de
belles espérances; des cannes à sucre appor-
tées du Mazenderan depuis deux ans seule-
ment, et qui, d'après ce qu'on a vu de ces
échantillons de culture, réussissent fort bien;
des pommes de terre et du maïs, du coton et
du tombéki.
BOUBOUTS. V. BOURÈTES.
BOURQUELOT
BOURQUELOT (Louis-Félix), littérateur et
paléographe français, né à Provins en 1815.
Elève de l'Ecole des chartes, il fut successi-
vement avocat à la cour royale, attaché aux
travaux historiques, membre de la commis-
sion des archives au ministère de l'intérieur,
professeur adjoint à l'Ecole des chartes,
membre de la Société des antiquaires de
France, etc. Ce laborieux érudit a fourni
benucoup de travaux à la Bibliothèque de
l'Ecole des chartes, aux Mémoires de la
Société des antiquaires de France, à Patria, a
X'Athenœum et autres recueils importants. Il
a en outre donné à part: Traité des opinions
de législation en matière de mort volontaire
pendant le moyen âge ; Recherches sur fa
lycanlhropie ; Histoire de Provins (couronnée
par l'Académie des inscriptions, 184C); Voyage
en Sicile (1849); Inscriptions antiques de
Nice, etc. (1850). Enfin il a continué la Lit-
térature française contemporaine, entreprise
par M. Quérard pour faire suite à sa France
littéraire, et qui fut ensuite confiée succes-
sivement à MM. Maury, Louandre et Bour-
quelot. C'est un répertoire fort utile, malgré
des imperfections que M. Quérard a signa-
lées avec la cruauté d'un érudit pour ses
rivaux et ses continuateurs. L'irritable sa-
vant, qui ne voulait pas être continué, a pu-
blié à ce sujet : Omissions et bévues de la Lit-
térature française contemporainepar MM. Ch.
Louandre et-Bourquelot, ou Correctif (du. t. II,
2
e
partie) de cet ouvrage.
Il indique pour ce seul demi-volume 768
omissions et bévues.
BOURQUENEYBOURQUENEY (François-Adolphe, comte
DE), diplomate, né à Paris en 1800, est issu d'une
famille parlementaire de la Franche-Comté.
Il débuta dans la carrière diplomatique aux
Etats-Unis^t à Londres, sous la direction de
MM. Hyde de Neuville et de Chateaubriand ,
suivit ce dernier dans sa chute et écrivit avec
lui au Journal des Débats. M. de La Ferron-
nays le nomma ensuite premier secrétaire
d'ambassade. En 1834 et 1840, il fut envoyé à
Londres, d'abord comme chargé d'affaires,
puis comme ministre plénipotentiaire, pour
consacrer la séparation de la Belgique et de
la Hollande, et pour signer la convention des
détroits, qui fit rentrer la France dans le
concert européen. Nommé, en 1843, ambassa-
deur à Constantinople, il donna sa démission
en 1848, et vécut dans une retraite absolue
jusqu'en 1853. Ministre plénipotentiaire, puis
ambassadeur près la cour de Vienne, lors de
la guerre d'Orient, il réussit dans l'importante
mission d'assurer la neutralité de l'Autriche.
En 1856, il signa comme second plénipotentiaire
l'acte du congrès de Paris, et, en 1859, le traité
de paix de Zurich. Elevé au rang de sénateur
en janvier 1857, il a pris quelquefois la parole
dans les discussions du Sénat.
BOURRABAQUIN
BOURRABAQUIN s. m. (bou-ra-ba-kain).
Espèce de grand gobelet de cuir, il Vieux mot.
BOURRACHE
BOURRACHE s. f. (bou-ra-chc ; lat. borrago,
même sens. — M. Pihan veut retrouver l'ori-
gine de ce mot dans l'arabe. Il pense que
bourrache est une forme apocopée des deux
mots abou rachh, littéralement le père de la
sueur, c'est-à-dire qui engendre la sueur,
par allusion aux propriétés sudorifiques de la
plante. Cette étymologie, qui nous paraît plus
ingénieuse que vraisemblable, n'a guère plus
de valeur que celle d'artichaut, ardi-chauk,
épine de terre. Diez pense avec raison que
bourrache vient du latin borrago, qui a, d'autro
part, donné naissance à l'italien borragine, par
contraction borrana, à l'espagnol borraja, au
portugais borragem, au provençal borrage, au
valaqué borantzë, etc.). Bot. Genre de plan-
tes, type de la famille des borraginées, com-
prenant une dizaine d'espèces, qui croissent
en général dans les régions tempérées de
l'ancien continent. La plus connue est la bour-
rache officinale, dont les feuilles sont em-
ployées en médecine.
— Encycl. Le genre bourrache forme le type
de la famille des borraginées; il renferme une
dizaine d'espèces originaires de l'Europe mé-
ridionale, du nord de l'Afrique, des îles du
Cap-Vert et de l'Asie orientale et occidentale.
La tige et les feuilles sont rudes-, hérissées de
poils piquants ; les fleurs, roses, bleues ou
blanches, sont disposées en grappes lâches et
ramifiées. Parmi les espèces, on remarque par-
ticulièrement la bourrache officinale, plante
annuelle, regardée comme originaire de l'O-
rient, mais qui depuis longtemps est natura-
lisée dans 1 Europe centrale et méridionale.
Ses fleurs, ordinairement bleues, rarement
blanches ou roses, sont très-larges et se suc-
cèdent pendant la plus grande partie de l'an-
née. Dans la plupart des contrées qui avoisi-
nent la Méditerranée, la bourrache joue un
certain rôle comme plante potagère ; on la
mange en guise d'épinards, et on la met quel-
quefois dans le potage. En France, son emploi
dans l'économie domestique est bien plus res-
treint; on se contente de mettre ses neurs sur
les salades, comme celles de la capucine. Elle
est plus fréquemment usitée en médecine; elle
passe pour êfre éminemment rafraîchissante,
béchique, expectorante, sudorifique. On l'em-
ploie surtout en sirop.
BOURRACHON
BOURRACHON s* m. (bou-ra-chon). Ivro-
gne, il Vieux mot.
BOURRADES,
BOURRADES, f. (bon-ra-de — rad. bourrer).
Véner. et Fauconn. Morsure du chien ou de
l'oiseau de proie, qui enlève du poil au lièvre.
— Par anal. Coup donné à quelqu'un, pour
le repousser : Le marchand, que ce discours
déconcerta, fit deux pas en arrière, comme si
on lui eût donné une BOURRADE dans l'estomac.
(Le Sage.) Lâchez-moi incontinent le paillard,
et mettez-le hors avec une BOURRADE. (V. Hugo.)
— Fig. Paroles vives et rudes : Messieurs
des enquêtes donnèrent, à leur ordinaire ,
maintes
BOURRADESBOURRADES à messieurs les présidents.
(De Retz.)
BOURRAGES,
BOURRAGES, m. (bou-ra-je — débourrer).
Fortif. Opération qui consiste à boucher la
chambre du fourneau de mine, et le rameau
aboutissant au fourneau, assez loin pour que
la distance de l'extrémité du bourrage aux
poudres, distance mesurée directement et
sans aucun coude, soit égale au double de la
ligne de moindre résistance du fourneau, il
Nom sous lequel on désigne les matériaux qui
touchent le fourneau et le rameau aboutissant
à ce fourneau.
— Chem. do fer. Bourrage de.* traverses,
Action de pousser du ballast sous une tra-
verse avec la pioche à bourrer, en la soule-
vant à l'aide d'un long levier spécial nommé
anspect ; Le BOURRAGE a pour but de relever
la voie ou d'éviter que la traverse ne soit en
porte-à-faux.
— Encycl. On distingue plusieurs espèces de
bourrages : l« Bourrage en terre et en bois. Il
est formé d'un plateau dressé contre le coffre,
et fortement serré au moyen d'arcs-bout ants
et de tranches alternatives de l m. de lon-
gueur, de terres, et de pièces de bois, posées
en travers du rameau et engagées dans le sol.
A l'extrémité du bourrage, on établitun masque
en bois. Ce bourrage ne peut être retiré qu'avec
une grande difficulté après l'explosion du four-
neau ; 20 bourrage en sacs à terre, composé de
lits horizontaux de sacs à terre, dont les vides
. sont garnis avec des paniers de terre. Ce bour-
rage est le plus expéditif; 3° bourrage en
terres et gazons, formé de tranches alterna-
tives de terres et de gazons, de 1 m. d'épais-
seur et bien damées; 4° bourrage en briques,
fait de briques crues, séchées à l'air. Il est
rapide et résistant.
Si l'on ne tient pas à la galerie, on peut sup-
F
rimer le bourrage d'un fourneau, pourvu que
on augmente la charge. On croit qu'un quart
d'augmentation dans la charge, équivaut à la
diminution d'un tiers du bourrage; que l'aug-
mentation d'une demi-charge équivaut a la di-
minution de deux tiers, et enfin qu'une charge
double* peut dispenser complètement du bour-
rage.
BOURRANTBOURRANT [(bou-ran) part, prés du v.
Bourrer : / / ne faut pas lasser le public en le
BOURRANTBOURRANT continuellement des pièces du même
homme. (Volt.) Humî fit Ballefranche, en
BOURRANTBOURRANT sa pipe, je rirai longtemps de ce
tour. (G. Aimard.) ,
B O U R R A Q U E s. f. (bou-ra-ke). Pôch. Sorte
de nasse.
BOURRASQUE
BOURRASQUE s. f. (bou-ra-skc — de Vital.
.borea, vent du Nord, ou peut-être du français
bourrer, repousser brutalement). Vent impé-
tueux et de peu de durée : Nous fîmes voile le
matin par un doux vent qui se chant/ea sur le
midi en une violente BOURRASQUE. (D'.Ablanc.)
— Fig. Attaque inattendue, accès violent
et passager, revirement soudain : Une BOUR-
RASQUE de fièvre, de colère. Je n'ai jamais été
follement prodigue que par BOURRASQUES. (J .-J.
Rouss.) / / eit rare et difficile qu'un artiste
reste fidèle au maître qui a fait sa fortune et
sa gloire, lorsque la BOURRASQUE emporte le
maître. (J. Lccomte.j
Va subir du public les jugements fantasques,
D'une cabale aveugle essuyer les bourrasques.
PlRON.
La Bourse a de grosses bourrasques
Qui rendront plus prudents les capitaux fantasques.
PONSARD.
— Syn. Bourrasque, orage, ouragan, (oiu*
pOtc, tourmente. La bourrasque n'est qu'un
coup de vent passager qui agite la mer. L'o-
rale est accompagné de tonnerre, de pluie, do
grêle : on dit qu'un orage crève, parce qu'on le
considère toujours comme portant quelquo
chose dans ses flancs. La tempête Consiste
surtout dans la violence du vent; elle est
bruyante, elle dure plus longtemps que l'orage.
L'ouragan suppose plusieurs vents soufflant
avec fureur dans des directions opposées et
formant des tourbillons auxquels'nen ne ré-
siste. La tourmente est une tempête considéréo
comme bouleversant les eaux de la mer et
faisant courir aux navigateurs de longs et
terribles dangers; il y a aussi des tourmentes
sur les hautes montagnes.
BOURRASQUEUX,EUSEadj.(bou-ra-skcu,
eu-ze — rad. bourrasque). Sujet aux bour-
rasques : La saison BOURRASQUEUSE. il Ce mot,
employé par L.-J. de Balzac, est inusité.
BOURRAS
BOURRAS s. m. (bou-ra — rad. bourre).
Comm. Toile grise très-grossière. Il Bure,
drap.grossier, il Ce dernier sens a vieilli.
En Provence, Membre d'une confrérie de
, pénitents qui sont vêtus de toile grise écrue:
\ La confrérie des BOURRAS. Les BOURRAS ont
le privilège d'ensevelir les pauvres et les étran
gers. Il Bourras-paille, Ceux qui sont chargés
d'ensevelir les suppliciés.
BOURRES,
BOURRES, f. (bou-re.— Le type primitif do
ce mot est évidemment le terme de basse lati-
nité bura, qu'on retrouve dans plusieurs au-
teurs avec le sens de poil. Il est passé en italien,
en espagnol et en provençal sous la forme iden-
tique de borra. Quelle est l'origine de ce mot?
M. Delâtre.pense qu'elle appartient aux lan-
gues germaniques, où il retrouve beaucoup
de termes similaires, entre autres l'allemand
moderne borite, dans le sens spécial de soie
de cochon, l'anglais to bristle, se hérisser,
termes qui so rattacheraient à une racine
vrih, vriâh, croître, pousser. Voici comment
M. Delâtre établit la filiation des mots dé-
rivés de ce radical : bourre, amas de poils déta-
chés de la peau de certains animaux à poil ras,
tels que les bœufs, les chevaux, les ânes,etc.; de
là bourrer, embourrer, rembourrer un fauteuil,
un bât, une selle, etc., c'est-à-dire garnir de
bourre; bourrelle, petite bourre; bourrelier,
ouvrier qui fait les harnais des chevaux ;
bourrelet, d'un primitif inusité bourrel, espèce
de petit coussin rempli de bourre; bourrique,
l'animal couvert de bourre; bourras, étoffe gros-
sière, de bourre; ébouriffer, hérisser. Bourre do
fusil, bourriche, bourrade, bourru, appartien-
nent encore à cette série. Borreau signifiait en
vieux français une corde de bourre; de là le
mot bourreau, celui qui pend à l'aide do cette
corde, et bourrelle, la femme de l'exécuteur
des hautes œuvres; bourreau signifiait donc
exclusivement, à l'origine, le pendeur ; c'est
ainsi que l'allemand dit dans le mémo sens
der Henkcr, Dans les locutions à rebours^ au
rebours, etc., on retrouve encore le mémo
radical, et ces expressions sont l'équivalent
exact de à-rebrousse-poil). Poils des animaux
à poil ras : BOURRE de cheval, de bœuf, de
chameau. Le lama a de la laine, et non de la
BOURRE. Le petit-fils de César se vit réduit,
pour prolonger de quelques instants sa malheu-
reuse vie, à manger la BOURRE de son lit. (J.-J.
Rouss.) il Se disait autrefois de toute especo
de poil ou de laine, et môme du chanvre.
— Par. ext. Pelote ou tout autre objet dont
on se sert pour maintenir la charge d'uno
arme à feu ou d'une mine : Une BOURRE de
fusil. Une BOURRE de canon. Peu à peu j'ajoute
au pistolet une petite charge, sans BOURRE.
(J.-J. Rouss.) La BOURRE de l'artillerie de
marine est faite de vieux cordages, et les ma-
rins la nomment valet de charge. (Du Chesnel.)
— Fig. Objet de peu de valeur, partie faible :
Il ne manque pas de BOURRE dans ce livre. Il
y a de la BOURRE dans votre action, mais n'im-
porte f nous vous auroîis bientôt dégourdi. (Lo
Sage.) il Ce sens a vieilli.
— Comm. Partie la plus grossière de quel-
ques matières textiles; partie la plus gfos-
sière du cocon, qui ne se dévide pas lors du
tirage : La BOURHK de soie ne saurait rem-
placer la soie grége pour les grands articles,
où celle-ci domine et doit toujours dominer.
(L. Reybaud.)
— Bourre de laine, Bourre lanice, Filaments
de laine quo l'on retire des étoffes lorsqu'on
les peigne : Un matelas de BOURRE DE LAINE.
Il Bourre de Marseille, Autrefois, Etoffe moirée
dont la chaîne était de soie et la trame de
bourre de soie.
— Techn. Vieux tan qui s'attache aux peaux
de mouton, n Matière colorante obtenue avec
du poil de chèvre bouilli dans la garance. Il
Bourre tontisse, Menu poil qui tombe du drap
lorsqu'on le tond, il Bat-à-bourre, Appareil
BÔUR
BOUH
BOUR
BOUR 113?
a v e c l e q u e l l e b o u r r e l i e r b a t l a b o u r r e d o n t
il s e s e r t .
— M é t a l l . F e r d é f e c t u e u x .
— J e u x . S o r t e de j e u d e c a r t e s . O n d i t a u s s i
l a RUINE, p a r c e q u ' à ce j e u , où c h a q u e p a r t e -
n a i r e p r e n d t r o i s c a r t e s , un j o u e u r p e u t
en t r è s - p e u de t e m p s p e r d r e b e a u c o u p .
— A g r i c . B o u r g e o n de v i g n e q u i e s t cou-
v e r t d ' u n d u v e t de c o u l e u r g r i s e : La vigne
a gelé en BOURRE.
— H o r t i c , B o u t o n d ' u n e fleur, u G r a i n e d'a-
n é m o n e .
— B o t . D u v e t v é g é t a l é p a i s , q u i c o u v r e l e s
b o u r g e o n s , les feuilles, les fruits e t m ê m e le
t r o n c de q u e l q u e s a r b r e s : La BOURRE du co-
tonnier est propre à fournir des étoffes légères.
Les bourgeons de la vigne sont couverts de
.BOURRE. Les Arabes et les Indiens font des
toiles avec la BOURRE du palmier. (B. de S t - P . )
il N o m d ' u n p a l m i e r de l'île d e F r a n c e .
— O r n i t h . N o m v u l g a i r e d e l a c a n e en.
N o r m a n d i e .
— H o m o n y m e s . Bourg (selon l a p r o n o n c i a -
tion de beaucoup de monde), e t b o u r r e , b o u r -
r e s , b o u r r e n t (du v e r b e ô o u r r e r ) .
BOURRÉ,
BOURRÉ, É E (bou-ré) p a r t . p a r t , d u v .
B o u r r e r . C o m p l è t e m e n t r e m p l i : / / était resté
eh arrière pour accompagner les bagages, c'est-
à-dire cette malle BOURRÉE de nippes et de
chiffons qui ne ferait pas la charge d'un âne.
(Cn. N o d . ) Cet ouvrage est tout BOURRE des
emprunts faits à Vesprit des autres. ( E d . F o u r -
n i e s )
— P a r e x t . G o r g é , r e p u : Il est BOURRÉ de
viandes.
Bourré de sucre et brûlé de liqueurs.
GRESSET.
— F a m . Comblé-: Vous êtes donc BOURRÉ de
lingots, matelassé de billets de banque? ( E .
Sue.) Le public des boulevards n'aime pas ce
genre ; il veut être BOURRÉ d'émotions. (Balz.)
— P o p . T a n c é , g o u r m a n d e , c h â t i é , b a t t u :
J'ai été BOURRÉ d'importance. Si nous les at-
trapons, ils seront bien BOURRÉS. (M"»O d e Séy.)
— F i g . Q u i a b o n d e : Ce journal est tout
BOURRÉ,
BOURRÉ, village e t c o m m u n e d e F r a n c e
( L o i r - e t - C h e r ) , e a n t . de M o n t r i c h a r d , a r r o n d .
et à 35 kilom. S. de Blois, s u r le Cher ; l ,070 h a b .
Exploitation de c a r r i è r e s de p i e r r e t e n d r e p o u r
bâtisse. R e s t e s d'un c o u v e n t de templiers
fondé v e r s 1229. Ce village offre un a s p e c t
singulier.; p r e s q u e t o u t e s les maisons sont
c r e u s é e s d a n s le r o c , e t les c h e m i n é e s fumantes
s o r t e n t p a r m i les v i g n e s . Ces c a v e r n e s p r o -
v i e n n e n t d'une exploitation t r è s - i m p o r t a n t e d e
p i e r r e t e n d r e d u r c i s s a n t à l'air. De cette c a r -
r i è r e sont s o r t i e s , depuis l e x i
e
siècle, les villes
de T o u r s , . B l é r é , M o n t r i c h a r d , Blois, les c h â -
t e a u x de C h e n o n e e a u x , Chambord e t B u r y .
Les e x c a v a t i o n s , formant plusieurs é t a g e s ,
composent un l a b y r i n t h e ou l'on se p e r d r a i t
s a n s g u i d e . L e s voitures circulent d a n s presque
t o u t e s Les g a l e r i e s ; a u milieu de l'une d'elles,
on a disposé u n e salle r é g u l i è r e où les h a b i -
tants du village se r é u n i s s e n t pour d a n s e r a u x
jours de fête.
B O U R R E A U s. m . ( b o u - r o . — L'opinion d e
ceux q u i t'ont v e n i r bourreau d u n o m de Borel
?
s e i g n e u r d e B e l l e c o m b e , q u i a u r a i t é t é c h a r g e
d e faire p e n d r e les v o l e u r s , d a n s les E t a t s d e
son s u z e r a i n , e s t i n s o u t e n a b l e . V . B O U R R E ) .
H o m m e c h a r g é d e m e t t r e à e x é c u t i o n les pei-
n e s corporelles p r o n o n c é e s p a r u n e cour c r i -
m i n e l l e : Mourir de la main du BOURREAU. Etre
marqué de la main du BOURREAU. J'ai commu-
niqué la lettre de Voiïe Majesté à la garnison
H aux habitants de la ville; j'y ai trouvé de
braves soldats, de bons citoyens,mais pas un seul
B O U R R E A U , . ( V i e . d ' O r t h e z . ) Le BOURREAU est
l'horreur et le lien de l'association humaine.
( J . de M a i s t r e . ) Lorsque la civilisation at-
teindra à sa perfection évangélique, il n'y aura
plus de BOURREAUX. (Boiste.) Le BOURREAU
manie des troncs palpitants sans en être ému;
cela prouve-t-il la fermeté de son caractère et
la grandeur de son intelligence? ( C h a t e a u b . )
Le
BOURRÉBOURRÉ de science, bien conditionné, bien im-
primé. (Balz.) C'est un cerveau BOURRÉ de con-
naissances. (Balz.)
BOURREAUBOURREAU est au commencement, au milieu
et à la fin de la législation du saint office.
(Quinet.) Tous les gibets ont fait maudire les
BOURREAUX; un seul commande de leur par-
donner : c'est la croix. (V. J a c o t o t . ) Le pauvre,
l'opprimé, le BOURREAU, trois hommes de trop
dans les sociétés à venir. (A. E s q u i r o s . ) C'est
un forçat qui fait l'office de BOURREAU dans les
bagnes. ( M o r e a u - C h r i s t o p h é . ) Les BOURREAUX
sont nommes par le ministre de la justice et ont
un salaire fixe : 8,000 fr. à Paris, 5,000 à Lyon,
4,000 à Rouen et à Bordeaux. (Bouillet.) Sous
tout gouvernement de droit divin, Je BOURREAU
est appelé à jouer un grand rôle. (Toussenel.)
Les
BOURREAUXBOURREAUX de chaque scélérat. (Boss.) Les
vices sont très-justement les BOURREAUX de
l'homme. ( J . de M a i s t r e . ) Tout méchant est un
BOURREAUXBOURREAUX tuent, mais les écrivains diffa-
ment. ( L . V e u i l l o t . )
Je craignais beaucoup moînB les bourreaux que ses
[larmes.
CORNEILLE.
Mépriser les bourreaux, c'eBt fie rendre invincible.
VOLTAIRE.
Du milieu des bourreaux elle enlève son père.
LEOOUVÉ.
Quand ce roi dut mourir, quand la hache fut prête,
C'est un bourreau voilé qui fit tomber ia tête.
V. HUGO.
— P a r e x t . M e u r t r i e r : Les prêtres de l'an-
tiquité, qui égorgeaient leurs semblables avec
un fer sacré, étaient-ils donc moins BOURREAUX
que les juges modernes qui les envoient à la
mort en vertu d'une loi? ( J . d e M a i s t r e . ) Les
plus cruels entre tous les BOURREAUX sont ceux
qui servent la fureur étrangère contre leurs
compatriotes. (Bignon.)
Bourreau de vos sujets, pourquoi dans vos transports
N'aspirer qu'au plaisir de régner sur des morts?
RACINE.
Oui, voua êtes du sang d'Atrée et de Thyeste.
Bourreau de votre fille, il ne vous reste enfin
Que d'en faire à sa mère un horrible festin.
RACTOE.
— P a r e x a g é r . P e r s o n n e cruelle : BOURREAU,
ne maltraites pas cet enfant. Oui, s'écria-t-il,
Blanche, vous êtes mon BOURREAU, VOUS m'assas-
sinez. (Balz.) Aïe.' aïe! à l'aide! au meurtre!
au secours! on m'assomme! ah! ah! ah! ah!
ô traître! ô BOURREAU d'homme! (Mol.) Il-Per-
s o n n e q u i t o u r m e n t e , q u i t a q u i n e , q u i f a t i g u e .
Cet enfant est mon BOURREAU. Te tairas-tu,
B O U R R E A U ? Mes BOURREAUX de symphonistes
raclaient apercer le tympan d'un quinze-vingts.
( J . - J . Rouss.) Ces BOURREAUX d'hommes nous
méprisent à un point qui n'est pas concevable.
( C a m p i s t r o n . ) BOURREAU ! grommela Louis XI,
où veux-tu en venir? ( V . H u g o . )
Ah! le double bourreau qui me va tout gâter!
MOLIÈRE.
Voulez-vous bien, monsieur, chanter un petif air ?
— Que je chante, bourreau:
REGNARD.
— F a m . Médecin i n h a b i l e q u i t u e s e s m a -
l a d e s , a u lieu d e l e s g u é r i r ; H alla chez une
espèce de BOURREAU très-connu par les soins
mortels qu'il donnait à ses malades. ( F . Soulié.)
— F i g . Cause do t o u r m e n t ou d e d e s t r u c -
tion : La bouche est le médecin et le BOURREAU
de l'estomac. ( P r o v . a l l e m . ) Les crimes sont les
BOURREAUBOURREAU de lui-même. ( J . de M a i s t r e . ) La
conscience, c'est le BOURREAU de nos passions
mauvaises. (A. M a r t i n . ) C'est le propre de
l'envie de se servir à elle-même de BOURREAU.
( S t - M a r c - G i r . ) Le BOURREAU du crime, ce sera
la civilisation. ( E . de G i r . ) o t
Le remords fut le premier bourreau
Qui dans un sein coupable enfonça le couteau.
RACINE.
— Valet de bourreau, I n d i v i d u q u i a i d e le
b o u r r e a u d a n s s e s fonctions.
— L o c . fam. Bourreau d'argent, P r o d i g u e ,
d i s s i p a t e u r : Aussitôt que mon. pied a touché
le maudit pavé de Paris, je ne me reconnais
plus; je deviens prodigue, BOURREAU D'ARGENT.
( T h . L e c l e r c q . ) L'amour est un BOURREAU D'AR-
GENT. (Ars. H o u s s a y e . ) il Bourreau des crânes,
B r a v a c h e , fier-à-bras. il Bourreau des cœurs,
G a l a n t i r r é s i s t i b l e , h o m m e à b o n n e s f o r t u n e s .
Se d i t s o u v e n t i r o n i q u e m e n t .
— P r o v . Etre insolent comme un valet de
bourreau, E t r e d ' u n e insolence c y n i q u e . Il Etre
le bourreau de soi-même, F a i r e u n t r a v a i l t r o p
f a t i g a n t , se l i v r e r à d e s excès r u i n e u x p o u r
s a s a n t é .
— T e c h n . S a c d e paille q u i g a r a n t i t l ' é -
p a u l e d e s o u v r i e r s q u i t r a n s p o r t e n t l e s e l
d a n s les salines. Il e s t a i n s i appelé p a r a n t i -
p h r a s e ou, p l u s p r o b a b l e m e n t , du m o t bourre,
— B o t . Bourreau des arbres. N o m d o n n é a u
c é l a s t r e g r i m p a n t , p a r c e q u ' i l d é t r u i t la v é -
g é t a t i o n des a r b r e s qu'il enlace.
— R e m . L e m o t bourreau n ' a p p a r t i e n t p l u s
à la l a n g u e juridique-, la loi a i t {'exécuteur,
e t , au lieu d e : valets du bourreau, aides de
l'exécuteur.
— E p i t b è t e s . F i g . I n h u m a i n , b a r b a r e , s a u -
v a g e , féroce, inflexible, impitoyable, i n s e n -
sible, s o u r d , c r u e l , s a n g u i n a i r e , a l t é r é de
s a n g , affreux, t e r r i b l e , r e d o u t é , r e d o u t a b l e ,
d é t e s t é , e x é c r é , m a u d i t , l â c h e , infâme.
— E n c y c l . De t o u t t e m p s , il a semblé j u s t e
à l'homme d'imposer une expiation a u c o u p a -
ble ; on a c r u qu'il était p e r m i s , bien plus, q u e
c'était un devoir de d o n n e r la m o r t a u m e u r -
t r i e r , e t , e n r e m o n t a n t j u s q u ' a u x t e m p s les
f
ilus r e c u l é s , n o u s voyons l'homicide puni p a r
a peine capitale. M a i s , chez l e s Israélites, il
n ' y a v a i t p a s de bourreau en titre ; les p a -
r e n t s d e l a v i c t i m e , s e s a m i s , le p e u p l e ,
indignés, se v e n g e a i e n t e n lapidant le m e u r -
t r i e r c o n d a m n é p a r les j u g e s . L a t h é o c r a t i e
é g y p t i e n n e e s t la p r e m i è r e société où le t r i s t e
emploi de m e t t r e a m o r t les c o n d a m n é s a p p a -
r a î t c o m m e institution. Kn G r è c e , quoique,
s ' a p p u y a n t s u r u n p a s s a g e de la République
d ' A r i s t o t e , quelques a u t e u r s aient v o u l u a t t r i -
b u e r u n e c e r t a i n e i m p o r t a n c e a u x e x é c u t e u r s
des a r r ê t s de l ' a r é o p a g e , en G r è c e , le bourreau
n ' e x i s t a i t p a s a p r o p r e m e n t p a r l e r . E n effet,
« l ' A t h é n i e n , dit C o n d o r c e t d a n s son Tableau
historique des progrès de l'esprit humain,
l'Athénien, c o n d a m n é à p e r d r e la v i e , p r e n a i t
d a n s la prison, a u milieu de s a famille et d e
s e s a m i s , u n poison p r é p a r é de m a n i è r e à lui
p r o c u r e r u n e m o r t p r o m p t e e t s a n s d o u l e u r s .
On donnait à son supplice l ' a p p a r e n c e d'une
m o r t v o l o n t a i r e . On é c a r t a i t du coupable les
y e u x indifférents ou e n n e m i s qui a u r a i e n t p u
ajouter à s e s p e i n e s ; on éloignait des citoyens
un s p e c t a c l e qui p o u v a i t les e n d u r c i r . »
A R h o d e s , les exécutions s e faisaient h o r s
de la ville. On c r a i g n a i t qu'elles ne souillas-
s e n t les reg'ards du p e u p l e . L'idée d'appeler
les h o m m e s à la solennité du supplice, c o m m e
à u n e c é r é m o n i e ou à u n s p e c t a c l e , e û t fait
h o r r e u r a u x G r e c s .
A R o m e , c o m m e e n J u d é e , l e s p a r e n t s e u x -
m ê m e s , les a m i s , le peuple e x é c u t a i e n t la sen-
t e n c e . P l u s t a r d , il e s t v r a i , les licteurs furent
c h a r g é s d e c e t t e e x é c u t i o n . Mais bien r a r e s
sont Tes c a s où l'expiation du crime fut l ' œ u v r e
d'un seul. L« coupable était poursuivi p a r
le peuple j u s q u ' a u h a u t de la r o c h e T a r -
p é i e n n e , d'où il se ppécipitait.
A v a n t de dire ce q u ' e s t l ' e x é c u t e u r d e s
h a u t e s œ u v r e s d a n s n o t r e nation, v o y o n s c e
qu'il a é t é e t ce qu'il e s t chez les nations voi-
s i n e s .
En A l l e m a g n e , la fonction de bourreau est
a u j o u r d ' h u i , c o m m e en F r a n c e , é r i g é e en
office. A v a n t qu'il e n fût ainsi, la triste m i s -
sion de m e t t r e à m o r t son semblable i n c o m -
bait a u plus j e u n e m e m b r e de la c o m m u n a u t é
ou du corps de la ville. E n F r a n c o n i e , c'était
le plus n o u v e a u marié qui était c h a r g é de
c e t t e t r i s t e b e s o g n e . D a n s d ' a u t r e s v i l l e s ,
c'était le d e r n i e r conseiller élu ou le dernier
h a b i t a n t établi d a n s la cité.
E n L i t h u a n i e , un p r i n c e , n o m m é W i t o l d e ,
a v a i t ordonné q u e les criminels se d o n n a s s e n t
e u x - m ê m e s la m o r t ; d a n s plusieurs -Etats de
l ' A l l e m a g n e , le bourreau a c q u é r a i t d e s titres
e t p r i v i l è g e s de noblesse quand il a v a i t a b a t t u
u n c e r t a i n n o m b r e de t ê t e s d é t e r m i n é p a r la
législation, e t , a u x v n
e
siècle, on t r o u v e d e s
e x e m p l e s de ce mode d'anoblissement.
A A n v e r s , le collège d e s é c h e v i n s d é s i g n a i t
un b o u c h e r , choisi p a r m i les plus a n c i e n s de
l a c o r p o r a t i o n , p o u r lui confier la mission
d ' e x é c u t e u r .
E n A n g l e t e r r e , il n ' y a point de bourreau
n o m m é p a r l e t t r e s p a t e n t e s et signées du sou-
v e r a i n , c o m m e e n n o t r e nation qui se p r é t e n d
p l u s qu'elle civilisée. L e shérif, u n e fois l ' a r -
r ê t r e n d u , s'en v a , les m a i n s pleines d'or, à la
r e c h e r c h e d'un e x é c u t e u r , d ' u n hangman. S'il
lui a r r i v a i t de n ' e n p a s t r o u v e r , c e s e r a i t à.
lui d ' e x é c u t e r la s e n t e n c e . U n e seule f o i s ,
l'arrêt des j u g e s fut r e t a r d é . H é l a s ! c e ne fut
point p a r c e qu'il n e s'était p a s r e n c o n t r é un
bourreau de bonne volonté ; mais p a r c e q u e
les complices du c o n d a m n é à m o r t s'étaient
avisés de faire a r r ê t e r pour .dettes le shérif.
E n E s p a g n e , l e s é m o l u m e n t s d u bourreau
s o n t c o n s i d é r a b l e s , pour n e point dire s c a n -
d a l e u x . Mais quelle infamie e s t a t t a c h é e à s a
p e r s o n n e I S a maison est isolée hors de la
v i l l e ; elle est p e i n t e e n r o u g e , afin q u e le
p a s s a n t soit a v e r t i e t l ' é v i t e . Il p o r t e u n c o s -
t u m e spécial, qui consiste e n u n e v e s t e de
d r a p b r u n a lisérés r o u g e s , u n e c e i n t u r e j a u n e
e t un c h a p e a u à l a r g e s b o r d s . S u r c e c h a p e a u
est brodée u n e é c h e l l e . Enfin, l'office d ' e x é -
c u t e u r e s t h é r é d i t a i r e , e t les familles de bour-
reaux ne p e u v e n t s'allier q u ' e n t r e elles.
Cette obligation d'hérédité occasionna de
tristes incidents. On vit un j o u r le bourreau
d e B u r g o s , forcé d e s u c c é d e r a s o n f r è r e ,
s ' é v a n o u i r à plusieurs r e p r i s e s e t n e p o u v o i r
e x é c u t e r la s e n t e n c e , m a l g r é les p r i è r e s , les
m e n a c e s e t m ê m e les m a u v a i s t r a i t e m e n t s
qu'on lui p r o d i g u a ; e t celui d e S a l a r a a n q u e ,
qui é p r o u v a i t d e s convulsions c h a q u e ' fois
qu'il était appelé à remplir son sinistre minis-
t è r e , m o u r u t d a n s u n a c c è s d e délire furieux.
A n c i e n n e m e n t , d a n s les P r o v i n c e s - U n i e s ,
il a r r i v a i t quelquefois a u x j u g e s d ' e x é c u t e r
e u x - m ê m e s l e u r s s e n t e n c e s . E t d a n s plusieurs
p a y s on donnait s o u v e n t l a vie s a u v e à celui
d ' e n t r e plusieurs c o n d a m n é s qui c o n s e n t a i t à
e x é c u t e r les a u t r e s . On a v u l o n g t e m p s à
G a n d , dit M. T a r d i e u , un g r o u p e e n b r o n z e
qui r e p r é s e n t a i t un p è r e e t un fils s u r l ' é c h a -
faud, p a r suite d ' u n e c o n d a m n a t i o n e n c o u r u e
p o u r un crime qu'ils a v a i e n t commis de con-
cert. L e fils était figuré m e t t a n t son p è r e à
m o r t e t o b t e n a n t ainsi la remise de s a p r o p r e
p e i n e . Il faut a v o u e r qu'un pareil t r a i t n e
méritait g u è r e d ' ê t r e c o n s a c r é p a r le b r o n z e .
N o u s a v o n s v u c o m m e n t en a g i s s a i e n t les
nations é t r a n g è r e s p a r r a p p o r t a l'homme qui
a v a i t mission d'ôter j u r i d i q u e m e n t la vie b. s e s
s e m b l a b l e s ; v o y o n s c e q u e fut ie bourreau e n
F r a n c e .
Il faut r e m o n t e r a u x m e siècle p o u r t r o u v e r
t r a c e d'un individu c h a r g é de fouetter, m a r -
q u e r , p e n d r e , d é c a p i t e r , r o u e r e t b r û l e r a u
nom de la loi; il était désigné alors sous le
nom d ' e x é c u t e u r d e la h a u t e j u s t i c e , e t c h a -
que g r a n d bailliage en possédait u n . Il n ' y
a v a i t q u e les s e i g n e u r s a y a n t droit de h a u t e
e t b a s s e j u s t i c e qui p u s s e n t commissionner
un bourreau, le pouvoir d e s a u t r e s s e i g n e u r s
s ' a r r ê t a n t d e v a n t l a peine c a p i t a l e .
U n e o r d o n n a n c e de 1264 contre les b l a s p h é -
m a t e u r s p o r t e : « Celui qui a u r a méfiait ou
mesdit s e r a b a t t u de v e r g e s e t à n u d ; c'est à
savoir les h o m m e s p a r h o m m e e t les femmes
p a r seule femme, s a n s p r é s e n c e d ' h o m m e . »
Cela fit croire à quelques historiens q u e l'of-
fice d e bourrelle a v a i t existé pour l e s femmes,
ce qui e s t u n e g r o s s e e r r e u r ; n é a n m o i n s , il
faut r e c o n n a î t r e q u e c ' é t a i t de p r é f é r e n c e la
f e m m e ou l a fille d e l ' e x é c u t e u r qu'on choi-
sissait pour faire subir le supplice de la fla-
gellation à celles qui y é t a i e n t c o n d a m n é e s .
C'était d'ailleurs t o u t u n a p p r e n t i s s a g e à faire
q u e celui d e t o u r m e n t e u r ; il fallait q u e • le
bourreau s û t faire s o n office p a r le feu, l ' e s -
p é e , le fouet, l ' é c a r t e l a g e , l a r o u e , la f o u r -
che, le gibet, pour t r a î n e r , poindre ou piquer,
couper oreilles, d é m e m b r e r , flageller ou f u s -
t i g e r , p a r le pillory ou e s c h a f a u d , p a r le c a r -
c a n et p a r telles a u t r e s peines s e m b l a b l e s ,
selon la c o u t u m e , m œ u r s o u u s a g e s d u p a y s ,
lesquels la loy o r d o n n e p o u r l a c r a i n t e d e s
malfaiteurs. •
Si l'on e n croit quelques c h r o n i q u e u r s , 'e •
clerc Borel fut si s a v a n t e n c e s matières
qu'il e u t la gloire d e d o n n e r son n o m à c e u x
qui e x e r c è r e n t les t r i s t e s fonctions qu'il a v a i t
a c c e p t é e s , mais cette étymologie e s t p l u s q u e
douteuse ; c e p e n d a n t un a r r ê t du p a r l e m e n t
de R o u e n , en d a t e du 7 n o v e m b r e 1681, u n
a u t r e du p a r l e m e n t de P a r i s , e n f a v e u r d e
J . Doublet, r e p o u s s e n t c e t t e dénomination
d o n n é e à l'instrument de la j u s t i c e , e t enfin
un troisième a r r ê t , du 12 j a n v i e r 1787, e s t
ainsi conçu : • Oui le r a p p o r t , S a M a j e s t é ,
é t a n t en son conseil, fait t r è s - e x p r e s s e s d é -
fenses de désigner désormais sous la d é n o -
mination de bourreaux les e x é c u t e u r s d e s j u -
g e m e n t s criminels; • e t , plus t a r d , d a n s le
j u g e m e n t du baron de Neuillan, on l'appelle
commissaire spiculateur. Mais si le l a n g a g e
j u d i c i a i r e se conforma à ces diverses o r d o n -
n a n c e s , il n'en fut p a s de m ê m e de celui du
v u l g a i r e , qui persista et persiste e n c o r e de
nos' j o u r s a se s e r v i r du mot prohibé. P e n -
d a n t l o n g t e m p s , le bourreau d u t porter un
c o s t u m e spécial, qui se composait d u n e c a s a -
que a u x couleurs de la ville, et s u r laquelle
é t a i e n t b r o d é e s p a r d e v a n t u n e potence, e t
p a r d e r r i è r e u n e é c h e l l e , a r m e s p a r l a n t e s ,
emblème symbolique de son infâme profession.
L o r s q u e c e t office fut bien et d û m e n t établi,
de l a r g e s droits, selon la c o u t u m e , lui furent
inféodés, e t les e x é c u t e u r s é t a i e n t si jaloux
de leurs p r é r o g a t i v e s q u e l'un d'eux intenta
u n p r o c è s à un g e n t i l h o m m e e n 1560, p a r c e
que celui-ci, s ' e m p a r a n t d'un voleur qui v e -
nait de lui e n l e v e r s a b o u r s e , a v a i t tiré son
é p é e e t lui a v a i t coupé u n e o r e i l l e ; o r , cette
oreille a p p a r t e n a i t s a n s doute a u bourreau de
Paris," c a r celui-ci p r é t e n d i t q u e le g e n t i l -
h o m m e a v a i t empiété s u r ses droits et l ' a v a i t
troublé d a n s s a profession ! C o m m e n t qualifier
c e t t e incroyable p r é t e n t i o n ? E n v é r i t é , M. de
Maistre a v a i t raison de d i r e , en p a r l a n t du
bourreau : « II e s t fait c o m m e nous e x t é r i e u -
r e m e n t , il naît comme nous ; m a i s pour qu'il
existe d a n s la famille h u m a i n e , il faut un d é -
c r e t particulier, un fiât de la puissance c r é a -
trice. Il e s t c r é é c o m m e un m o n d e !
S'il é t a i t possible d e p l a i s a n t e r s u r un sujet
si p e u g a i , nous y t r o u v e r i o n s a m p l e m a t i è r e
au comique, e t , e n citant seulement q u e l q u e s -
uns d e s droits du bourreau, n o u s s o m m e s s û r
de p r o v o q u e r le sourire. L ' a u t e u r d e s Curio-
sités judiciaires, M. A . T a r d i e u , v a n o u s e n
fournir l'occasion :
i Q u a n d le bourreau, dit-il, v e n a i t de faire
une exécution s u r le t e r r i t o i r e de quelque
m o n a s t è r e , il a v a i t d r o i t , e n t r e a u t r e s r é -
tributions, à u n e t ê t e de c o c h o n ; l'abbé de
S a i n t - G e r m a i n lui p a y a i t a n n u e l l e m e n t u n e
r e d e v a n c e de c e t t e e s p è c e ; le j o u r de S a i n t -
Vincent, le bourreau venait à l ' a b b a y e p o u r
a s s i s t e r a l a procession ; il y m a r c h a i t le p r e -
mier, ensuite u n e t ê t e d e cochon lui était r e -
mise e n p r é s e n c e de l'abbé. »
On ne sait pourquoi le cochon j o u e u n aussi
g r a n d rôle à côté du bourreau ; mais il a p p a -
r a î t encore à propos de l'usage q u ' a v a i e n t , a u x
x m e , xive et xv* siècles, tes Parisiens de
laisser promener e n liberté les cochons d a n s
les r u e s . L o r s q u e le fils de Louis le Gros
m o u r u t a p r è s avoir é t é r e n v e r s é d'un c h e v a l
e n t r e les j a m b e s duquel un cochon s'était
j e t é , il fut défendu de laisser ces a n i m a u x
e r r e r h o r s d e s maisons ; seuls, les religieux
de S a i n t - A n t o i n e obtinrent le privilège de n e
p a s les r e n f e r m e r , e t ils d u r e n t les m a r q u e r à
l'oreille d'une façon p a r t i c u l i è r e ; or tout p o r c
qui, s a n s p o r t e r c e t t e m a r q u e , v a g u a i t d a n s
les rueSj était saisi p a r le bourreau, q u i s e
faisait livrer s a t ê t e , ou cinq sous parisis. Il
p e r c e v a i t aussi u n e t a x e s u r les filles de m a u -
vaise v i e , ainsi q u e le c o n s t a t e cette pièce
e x t r a i t e d e s a r c h i v e s de la ville d'Orléans :
«Nous a v o n s aujourd'hui c o n d a m n é e t c o n -
d a m n o n s J e h a n n e t t e la L a n d e , Marie d e H a r t ,
Guillemette la G u a r c e , e t c . , filles de vie d e
leur c o n s e n t e m e n t , à r e n d r e e t p a y e r c h a c u n
a n , à toujours e t d o r é n a v a n t , de quinze j o u r s
en quinze j o u r s , à M. P i e r r e R o b e r t , e x é c u -
teur de la h a u t e j u s t i c e de M g r le d u c d ' O r -
l é a n s , q u a t r e deniers pour c e r t a i n s d r o i t s q u e
ledit e x é c u t e u r prend s u r les filles d e v i e . »
S a u v a i r a p p o r t e q u e les religieux de Saint-
Martin d e v a i e n t tous les a n s a u bourreau cinq
pains et cinq bouteilles de v i n , p o u r les e x é -
cutions qu'il faisait s u r leurs t e r r e s .
L a place du P i l o r i , a u c a r r é de la halle a u x
poissons,*était e n t o u r é e de boutiques e t d ' é -
c h o p p e s q u e le bourreau d e P a r i s a v a i t o b t e n u
le droit de c o n s t r u i r e , e t il les louait à d e s
g e n s faisant la v e n t e e n détail de t o u t e e s p è c e
de poisson.
P a r m i les a u t r e s droits gui lui é t a i e n t c o n c é -
dés p a r l e t t r e s p a t e n t e s signées du r o i , il faut
citer en p r e m i è r e ligne celui de,havage ou
avage, qui lui p e r m e t t a i t de l e v e r un impôt s u r
les h e r b a g e s , légumes v e r t s e t c é r é a l e s q u e
c h a q u e m a r c h a n d exposait e n v e n t e . P o u r le
g r a i n , la quantité était fixée à celle qu'il pou-
v a i t tenir d a n s s a main ; il p e r c e v a i t lui-même
sa r e d e v a n c e , e t , au fur et à m e s u r e qu'un
m a r c h a n d s'acquittait, le v a l e t du bourreau
lui faisait u n e m a r q u e s u r le dos a v e c de l a
c r a i e . De p l u s , il p r é l e v a i t e n c o r e b e a u c o u p
d ' a u t r e s r e d e v a n c e s :
« Premièrement : T o u t e s p e r s o n n e s qui a m è -
n e r o n t foin n o u v e l e s halles lui d o i b v e n t ,
c h a s c u n e p e r s o n n e u n denier, e x c e p t é les
francs (les e x e m p t s d e droit).
i Item ; D e s v e n u s e t d e s r a i s i n s , u n d e -
n i e r , t a n t qu'ils doibvent d'une s o m m e d'ouefs
(d'œufs), il a y ouefs.
n .
143
1138
BOUR
» Item .• Il prend, sur le Petit-Pont, par
rente, pour le passage des fruits et potages
nouveaux, iiij liv. p., et la baille à une cer-
taine personne à ferme.
• Item : Des chasseurs de marée pour chas-
cun cheval, xviij den.
« Item : De chascun malade qui demeure en
la banlieue de Paris, il a iiij sols et se payent
aux lïy termes.
» Item : Il a de chascune chasretée de gâ-
teaux qui viennent à la veille de l'an et à la
Thyphaine (Epiphanie), un gâteau.
» Item ; il ad© chascune personne qu'il met
au pillory, o sols.
» Item : II a de chascune personne qui
amène crpsson, v den.
• Item : Ceux qui vendent porraux, qui vien-
nent de Bonneuil et des environs, donnent
chascun i sol i den.
» Item : Sur les pourceaux qu'il prend en
dedans des portes de Paris et les mène à
l'Hôtel-Dieu, il en a.la vente ou v sols pour
les porcs de l'Antoine.
D Item ; Chascune somme de balais lui doit
un balai.
» Item .* xxiiij sols sur ceux qui vendent
poisson d'eau douce a la pierre aux poissons. »
(Droits du borrcl de la ville de Paris. Collec-
tion Leber, t. I, p. 174, 175. )
Le bourreau avait encore droit à la dé-
pouille des condamnés. D'abord, il ne lui fut
permis de prendre de cette dépouille que
ce qui se trouvait au-dessus de la ceinture;
plus tard, il l'obtint tout entière. A part ces
J
ierceptions en nature, il touchait comme émo-
uments une somme d'argent rixe par chaque
exécution ; au xive et au xve siècle, elle était
de 15 sols parisis.
Au commencement du xvne siècle, et sur
les réclamations des marchands soumis au
havage, le bourreau, au lieu de se servir de
la main pour prélever son impôt, fut obligé
de se servir d'une cuiller de fer et ne dut plus
marquer à la craie, ainsi
cet impôt.
En 1721, le droit de havée fut enfin aboli et
remplacé par un traitement fixe de 16,000 li-
vres par an. (Arrêt du 1er octobre 1721.)
Avant la Révolution, l'exécution des juge-
ments prononçant une peine capitale embras-
sait trois charges qui portaient les dénomina-
tions suivantes : 1° l'exécuteur des hautes
œuvres, prévôté et vicomte de Paris ; 2° le
questionnaire ; 3° le charpentier.
Outre les 16,000 livres de traitement que lui
attribuait le décret du I
e r
octobre 1721, il
recevait des indemnités pour les exécutions
qu'il avait à faire en dehors des murs de Pa-
ris; on lui remboursait le prix des fournitures
qu'occasionnaient les exécutions, tant à Paris
que dans l'étendue de la généralité et de la j u -
ridiction du parlement.
En outre de ses aides, l'exécuteur devait
entretenir deux charretiers aux gages de
1,200 livres, et deux équipages.
En 1793, la Convention nationale réforma
complètement la législation criminelle en ce
3
ui concernait les exécuteurs. Par un décret
u 13 juin 1793, elle décida qu'il y aurait un
exécuteur dans chacue département de la Ré-
publique. Elle mit le traitement des exécu-
teurs à la charge de l'Etat. Dans les villes
dont la population n'excédait pas 50,000 âmes,
ce traitement fut de 2,400 livres, en sus
1,600 livres puur deux aides (dans les dépar-
tements), 4,000 livres pour quatre aides (à
Paris). A Paris, aujourd'hui, l'exécuteur re-
çoit 5,000 fr. d'appointements fixes et 10,000 fr.
pour l'entretien de la lugubre machine ; il a
deux aides, dont le premier reçoit 1,200 fr. de
g
ages et le second 1,000 fr.; mais cette rétri-
ution n'est pas aux frais de l'exécuteur. Ceux
qui seraient curieux de faire une fois en leur
vie connaissance avec l'exécuteur actuel de
Paris n'ont qu'à se présenter sous un pré-
texte quelconque au bureau du domaine, à
l'Hôtel de ville, le premier mardi de chaque
mois, à deux heures très-précises; ils y verront
entrer un homme de haute et forte stature,
mais à physionomie presque débonnaire; on
dirait un bon bourgeois qui vient présenter
ses coupons à la caisse de l'emprunt : c'est
l'exécuteur des hautes oeuvres du départe-
ment de la Seine, qui vient retirer son mandat
pour toucher ses honoraires mensuels.
Sous l'Empire et la Restauration, la situa-
tion des exécuteurs resta telle que la Répu-
blique l'avait instituée.
Une ordonnance du roi Louis-Philippe, datée
du 7 novembre 1832, y apporta des modifica-
tions : le nombre des exécuteurs fut réduit de
moitié : il n'y eut plus qu'un seul aide dans
toutes les villes, Paris et Rouen exceptés ; et
le traitement fut établi de la manière sui-
vante : pour l'exécuteur résidant à Paris,
8,000 fr.; a Lyon, 5,000 fr.; à Rouen et à Bor-
deaux, 4,000 fr. Dans les autres villes dont la
population excède 50,000 âmes, 3,500 fr.;dans
es villes de 20 à 50,000 âmes, 2,400 fr.; au-
dessous, 2,000 fr.
Aujourd'hui, et d'après un arrêté du prési-
dent de la République, 9 mars 1849, le nombre
des exécuteurs est limité au nombre des cours
d'appel ; les aides sont supprimés ; enfin les
gages des exécuteurs en chef sont fixés comme
u suit : 5,000 fr. à Paris ; 4,000 fr. à Lyon ;
3,500 fr. à Bordeaux, Rouen et Toulouse;
le
BOUE
2
?
400 fr. dans les vingt-deux autres villes où
siègent les cours d'appel.
La nomination du bourreau se faisait jadis
par lettres de provision de la grande chan-
cellerie de France, signées par le roi. Dès
que ces lettres étaient signées et scellées, les
chauffeuses de la grande chancellerie les j e -
taient sous la table, où le titulaire était tenu
de les ramasser.
Sous Louis-Philippe, il y avait deux cent
trente-deux exécuteurs des hautes œuvres
nommés par commission ministérielle; et si
on ne leur assignait pas, comme avant la Ré-
volution, la maison du pilori pour habitation,
ils n'avaient pas la liberté absolue de demeu-
rer indistinctement partout où il leur plai-
sait, et les tribunaux décidèrent que la qualité
de bourreau, si elle avait été cachée, pouvait
être une cause de résiliation forcée du bail à
eux consenti. Nous avons dit que le nombre
des exécuteurs est aujourd'hui considérable-
ment réduit, et si un sentiment de réserve
bien naturel tient ce terrible fonctionnaire en
dehors de ce qu'on appelle le monde, l'entrée
des églises, des théâtres, des promenades, de
tous les lieux publics enfin, a cessé de lui
être interdite; et rien ne prouve mieux le
changement qui s'est opéré dans les idées a
son égard que le nombre des concurrents qui
se présentent chaque fois qu'une vacance se
produit. C'est une place aussi enviée que n'im-
porte quelle autre, et c'est à qui deviendra
Monsieur de Paris, nom sous lequel on désigne
de nos jours l'exécuteur des hautes œuvres ;
tandis qu'autrefois , bien que la charge de
bourreau n'ait jamais été héréditaire en France,
comme beaucoup de gens le croient, elle res-
tait dans la même famille, et celle de Sanson
a donné sept générations d'exécuteurs, de
1688 a 1847.
Nous venons d'esquisser la physionomie de
cet étrange personnage qui passe sa vie à
trancher celle des autres ; examinons en peu
de mots le rôle qu'il joua dans la société aux
diverses époques de notre histoire.
Hélas ! il ne fut que trop important, ce rôle,
et ce fut lui qui dénoua bien souvent les com-
plications politiques les plus ardues. Ce n'é-
tait pas une sinécure aue l'office de bourreau
pendant les siècles qui suivirent le xine. Que
d'exécutions capitalesl que de massacresjudi-
ciaires, d'écartèlements, de pendaisons, etc.,
de 1300 a 18001 C'était à ne pas suffire a la
besogne 1 On sait que les rois de France ne
les laissaient pas chômer, et que Louis XI
affectionnait particulièrement Tristan, qu'il
appelait son compère, homme habile d'ailleurs,
il raut lui rendre cette justice, et qui abattait
une tête avec une dextérité bien faite pour
s'attirer la faveur d'un monarque qui avait
pour coutume de faire tomber les têtes diffi-
ciles à courber. Avant Tristan, Caboche s'é-
tait acquis aussi une certaine réputation dans
ce genre.
Ce ne fut pas seulement contre les per-
sonnes que les bourreaux eurent à exercer
leur ministère ; et, à leur défaut, ils pendaient
ou brûlaient des mannequins qui étaient censés
représenter le condamné dont on n'avait pu
se saisir. Pierre le Cruel, roi de Castille,
ayant tué un de ses sujets, le primer assis-
tente le condamna à mort; mais comme la
personne du roi était sacrée, la sentence por-
tait qu elle serait exécutée en effigie, le bour-
reau leva son épée et abattit la tête d'une
image ou figure royale élevée a cet effet.
Le bourreau avait aussi une autre mission,
qu'il conserve de nos jours dans certaines
contrées, celle de brûleries livres renfermant
des doctrines jugées dangereuses ou subver-
sives. Mais il est plus facile de décapiter un
homme qu'une idée, et celles qui ont fait con-
damner des livres au feu n'ont jamais manqué
de s'échapper du bûcher pour faire leur tour
du monde.
Le préjugé a longtemps fait considérer
comme infâme le bourreau, et, bien qu'il ne
soit que l'instrument de la justice, il est facile
de comprendre le sentiment de répulsion qu'il
inspirait, quand on songe qu'autrefois c'était,
non pas avec le secours de ses aides, et en
assistant en quelque sorte seulement à l'exé-
cution, qu'il accomplissait son mandat, mais
en frappant de sa main le condamné. C'était
le bourreau qui écartelait, c'est-à-dire qui
attachait des chevaux a chaque bras et à cha-
que jambe du patient, puis les chassait ensuite
de quatre côtés différents; c'est ainsi qu'il
exécuta Jean Chatel et Damiens. C'était lui
qui brûlait, qui rouait, et ce dernier supplice
demandait de la part de celui qui l'appliquait
une terrible énergie; il fallait qu'après avoir
attaché le patient a deux morceaux de bois
taillés en forme de croix de Saint-André,
il lui déchargeât des coups de barre de fer
sur les bras, les cuisses et les jambes
;
de
manière à les désarticuler, après quoi il le
mettait sur une roue, la face tournée vers le
ciel, pour y expirer. Quel homme peut, de
sang-froid, traiter ainsi un de ses semblables,
sans être un monstre à face humaine ?
Il ne faut pas s'étonner de l'effroi et de
l'horreur qu'inspira le bourreau à toutes les
époques, et si de nos jours en le regarde avec
des yeux moins prévenus, c'est que son rôle
s'est infiniment simplifié, et que, si sa main
donne encore la mort, elle la donne d'une fa-
çon plus prompte : il presse un bouton, et tout
est dit.
Que de fois un bourreau inhabile, chargé
de couper une tête, a eu la maladresse de sy
ÊOÙR
reprendre à plusieurs fois ! Un pareil specta-
cle révolterait aujourd'hui tous nos senti-
ments ; la force de l'opinion a fait disparaître
la torture, la mutilation du poing, la marque,
l'exposition, et nous reconnaissons, avec Mon-
taigne, que tout ce qui est au delà de la mort
est cruauté, que tout ce qui impose une souf-
france inutile est contraire à la vraie morale.
La Révolution de 1789, en moissonnant les
préjugés, commença la réhabilitation du bour-
reau, dont elle devait si souvent se servir, et
un décret conventionnel décida que désormais
l'exécuteur des hautes œuvres serait admis au
grade d'officier dans les armées. Un repré-
sentant du peuple en mission, Lequinio, em-
brassa le bourreau de Rochefort, après 1 avoir
invité à dîner et placé à table en face de lui,
entre ses deux collègues, Guesno et Topsent.
Le décret qui fut rendu en faveur des exé-
cuteurs renouvela la défense de les désigner
sous le nom de bourreau; pendant la séance,
il fut même question de leur décerner le titre
de vengeur national, et M. Matton de la Va-
renne se constitua leur plus éloquent défen-
seur. iQue deviendrait la société? dit-il; de
quelle utilité seraient les juges? à quoi servi-
rait l'autorité, si une force active et légitime
n'exécutait les jugements rendus pour venger
les outrages faits à la loi en la personne des
citoyens qu'elle protège? Si la punition du
coupable est déshonorante pour celui qui la
lui fait subir, les magistrats qui ont instruit
le procès de l'accusé et prononcé la peine, le
greffier qui a rédigé le jugement, le rappor-
teur et le lieutenant criminel qui le font exé-
cuter sous leurs yeux, ne doivent-ils pas avoir
leur part du déshonneur? Pourquoi celui qui
met la dernière main au supplice serait-il
avili par des fonctions qui ne sont, en quelque
sorte, que le complément de celles des magis-
trats et qui poursuivent le même but?»
Ce raisonnement, quoiqu'il soit peut-être
plus spécieux que concluant, indique le pas
immense que la civilisation avait fait faire à
l'opinion. De son côté, le bourreau, en deve-
nant un fonctionnaire, a changé de physio-
nomie et d'allures ; le dernier des Sanson,
révoqué le 18 mars 1847, a écrit' ses mémoires
et ceux de ses aïeux, exécuteurs comme lui.
Les mémoires des Sanson I Hélas I aucun de
ceux qui se trouvèrent malheureusement en
relation avec eux ne se lèvera pourréclamer,
si l'historien n'a pas été fidèle.
Quoi qu'il en soit, le peuple voit encore de
mauvais œil cette sombre figure apparaître
au jour des solennelles expiations, et Chariot,
comme il l'appelle dans son» langage accen-
tué, lui inspire une terreur qu'il ne songe nul-
lement à dissimuler.
Et cependant, chose bizarre 1 il n'hésite pas
dans certaines circonstances à l'aller trouver
quand il souffre; car, ce qu'on croira diffici-
lement, la plupart des bourreaux furent mé-
decins.
Nous connaissons le bourreau fonctionnaire,
nous l'avons iyi dans l'exercice de ses san-
glantes et odieuses fonctions : essayons main-
tenant, afin que soit complète notre étude,
d'esquisser la silhouette du bourreau médecin.
C'est au manuscrit inédit de M. Charles Du-
rand, intitulé les Empiriques, que nous allons
emprunter ce qui va suivre :
«Médecin et ôourreau/ces deux mots ju-
rent d'être accouplés ensemble. Quoi qu en
disent les mauvais plaisants, ils le sont pour-
tant , et sur dix de ces fonctionnaires qui
ôtent la vie juridiquement, la moitié au moins
-s'ingèrent de la conserver... moins juridique-
ment, il est vrai.
• Médecin et bourreau f Devant cet étrange
rapprochement, on se demande tout d'abord
par quelle circonstance l'exécuteur des hantes
œuvres a été amené à se poser en guérisseur,
et comment le vulgaire a été conduit à pren-
dre au sérieux cet empirique.
» Le duc de Wurtemberg, dans l'Etat du-
quel le bourreau, après un certain nombre
d'exécutions, est, dit-on, salué du titre do
docteur, pourrait nous édifiera cet endroit;
mais nous avons horreur des chemins trop
directs depuis que nous avons été écolier.
» Aussi bien, il y aura peut-être quelque in-
térêt de curiosité à remonter de ce fait bi-
zarre à la cause peut-être très-naturelle qui
l'a fait naître.
. » Avant que Guillotin eût, si ce n'est in-
venté, du moins introduit en France la sinis-
tre machine qui fatalement a gardé son nom,
la pendaison était le dernier supplice le plus
ordinairement infligé.
» Or Guillotin commit là une action mér
chante, parce que, la chose paraît bien prou-
vée, son instrument n'ôte pas avec la vie le
sentiment de la douleur, tandis que, pour le
pendu, la mort était, dit-on, sans souffrance;
quelques-uns assurent même que la pendaison
est une source de plaisirs sensuels.
* Quoi qu'il en soit, devant la bascule, il
faut laisser tout espoir, tandis qu'au pied de
la potence on pouvait^espérer encore.
» Si un gibet pouvait parler, il raconterait
que bien des victimes qui lui avaient été li-
vrées lui ont échappé vivantes. Vous con-
naissez l'histoire du pendu de Montpellier et
du pendu de Vienne, celles d'Anne Green et
de Chaton. Le miracle était même devenu
assez commun, et tel qui s'était régalé à la
pendaison d'un voleur n'était pas bien sûr de
n'être pas volé le lendemain par le pendu de
la veille.
BÔUË
» Il y avait là, certes, de quoi frapper l'ima-
gination du vulgaire. Et à qui devait-il attri-
buer la résurrection des condamnés, si ce n'est
à celui-là même qui était préposé à leur sup-
plice ? L'exécuteur, pour peu qu'on voulût
bien lui payer la vie du coupable, consentait
i de bonne grâce à désobéir aux juges : alors
la chose se passait le plus simplement du
monde. La pendaison détermine la mort par
trois causes : par l'apoplexie, par l'asphyxie
et surtout par la luxation des vertèbres cer-
vicales, sur lesquelles le bourreau donnait un
coup de talon de bottes quand la pratique
était trop dure à mourir. Or, au moyen d'une
incision pratiquée à la trachée-artère, on res-
pire part'aitenient, même a/vec la corde au
cou; au reste, l'exécuteur, devenu compère,
avait le soin de ne pas trop la serrer, il ou-
bliait aussi d'administrer le coup de pied de
grâce; enfin, il dépendait son client le plus
promptement possible et lui donnait les soins
que devait nécessiter un commencement d'a-
poplexie.
» Ainsi ressuscitait le pendu, et ceux qui le
revoyaient marchant, parlant, vivant, après
l'avoir vu au haut du gibet, aux prises avec
la mort, de crier partout au miracle, ou tout
au moins à la grande science médicale du
bourreau,
» Et celui-ci, cet infâme qui, même devant
Dieu, n'était pas l'égal des autres hommes,
puisque l'entrée des temples lui était interdite,
ce paria, heureux peut-être d'avoir quelque
côté par où appartenir à la société, loin de
désavouer sa renommée, s'attacha à la rendre
plus vraisemblable.
» La maison du bourreau devint un labora-
toire d'alchimiste et de sorcier, encombré de
squelettes et de fourneaux, d'alambics et de
grimoires;... et de cette officine sortirent des
spécifiques à tous les maux : la graisse de
pendu et la râpure de crâne humain, celle-ci
f
iour guérir l'épilepsie, celle-là pour guérir
es rhumatismes; la corde de pendu contre
les mauvais sorts, et jusqu'à la mandragore,
cette plante légendaire que le médicastre pré-
tendait croître au pied des gibets pour la sa-
tisfaction de certaines voluptés...
» En Sicile, le bourreau vend les dépouilles
du condamné et chaque goutte de son sang
au peuple superstitieux, qui, en recevant cette
singulière relique, ne manque pas de s'écrier :
« Bienheureux supplicié, priez pour moi. »
C'est ainsi que l'on vit le populus de Paris se
disputant les reliques de la Brinvilliers.
» Dans le palais de l'empereur du Monomo-
tapa, il y a, dit-on, une pièce où sont portés
tous les suppliciés après leur mort. On chauffe
ces cadavres, on les presse, et ce qui en est
extrait sert à composer un élixir à 1 usage du
souverain.
» Aujourd'hui que la pendaison est passée
de mode, le bourreau ne peut tenir marché de
corde de pendu ni de mandragores ; il ne peut
pas davantage exploiter la râpure de crâne
et la graisse de mort, puisque les corps des
condamnés appartiennent à l'Ecole de méde-
cine; il n'y a donc plus de raison pour qu'il
soit médecin.
» Mais les superstitions, les préjugés, ne
s'en vont pas aisément, et celui dont nous
parlons est loin d'être éteint. Peut-être le ti-
tre de docteur que portait Guillotin y est-il
pour quelque chose.
» Quoi qu'il en soit, Chariot est aujourd'hui
le médecin de presque tout le pauvre peuple,
par le droit de la coutume; par le droit du
merveilleux, il l'est de tous les pauvres d'es-
prit. La clef de voûte de l'édifice social fait
donc de la médecine, et quelle médecine ! Il
y a peu de temps, me contait un docteur de
mes amis, je fus consulté par les parents d'un
jeune homme qui avait des palpitations, des
oppressions, etc. Bref, je constatai une lésion
organique du cœur; mais ayant remarqué des
rougeurs sur la région précordiale, j'en de-
mandai la cause. On me répondit qu'elles pro-
venaient de l'application d'un emplâtre qui
avait été conseillé et vendu par le bourreau. Cet
estimable confrère, ayant jugé que la maladie
était le résultat d'un effort, avait manipulé et
fait craquer fortement l'appendice xiphoïde
(extrémité inférieure du sternum), ce qui
avait, assurait-il, remis l'os en sa place ; puis,
et pour compléter la cure, il avait appliqué
son onguent; la consultation était pour rien,
mais l'emplâtre avait coûté 20 fr.
» A Bordeaux, l'exécuteur des hautes œu-
vres était, je ne sais si le digne homme est
encore, le médecin presque breveté de tous
les matelots. C'était une sorte de contrefaçon
du Charles Albert de la rue Montorgueil.
» Mais le plus célèbre entre tous les bow-
reaux médicastres, c'est à coup sûr Victor
(de Nîmes). Victor était un rebouteur dont la
réputation de science et d'habileté s'éterjdait
loin à la ronde. Un Anglais se présenta un
jour chez lui. L'insulaire était venu de Lon-
dres confier son cou tordu aux docteurs de
l'Ecole jadis savante de Montpellier; après
un long traitement, et la tète ne faisant pas
mine de vouloir se remettre en sa place nor-
male, il tourna les talons aux Hippocrates de
la moderne Cos, et alla demander saguérison
à Victor le bourreau. « Simple torticolis, » dit
celui-ci après avoir examiné le malade, « et
» rien de plus facile à guérir, si vous vous
» confiez à moi et si vous consentez à faire
« tout ce que je vous ordonnerai. » L'Anglais
consentit. Le chirurgien et le client passèrent
BOUR BOUR
BOUR
BOUR 1139
du cabinet de consultation dans une salle à
côté. Cette salle ne présentait rien de parti-
culier... si ce n'est qu'une corde pendait au
milieu et que cette corde était terminée par
un nœud coulant. Le bourreau ordonna à
l'Anglais de passer la tête dans ce nœud. Ce-
lui-ci, tout Anglais et flegmatique qu'il était,
hésita cependant; enfin, il obéit. Victor serra
le nœud, hissa la corde, et, prenant les jambes
du patient pour trapèze; il se mit à exécuter
des exercices de gymnastique effrayants. AU
bout d'un quart d'heure le tour était joué,
l'Anglais dépendu et guéri... à ce que raconte
l'histoire.
« On dit que quelques bourreaux, prenant
au sérieux leur mission médicale, se sont
pourvus du titre d'officier de santé, témoin
le bouweau de Carcassonne.
» C'est égal, il faut avoir^ un fier courage
pour mettre sa vie entre les mains d'un coupé-
tête. »
— Anecdotes. Voltaire, en parlant de l'his-
toire des différents peuples, disait : «Pourles
Anglais, ce serait au bourreau à écrire la
leur; c'est toujours ce gentilhomme-là qui
termine toutes les querelles. »
A l'époque révolutionnaire, lô trait, le jeu
de mots se mêlait quelquefois aux scènes .les
plus tragiques. Une vieille marquise venait
de gravir les degrés de l'échafaud • s'adres,-
sant au bourreau : « Tu t'appelles Sansàn, » lui
dit-elle; puis, montrant le peuple qui encom-
brait la place, elle ajouta : « et voilà sans fa-
rine. *
• *
Un déserteur, qu'on allait pendre, étant sur
l'échelle, donna une tassé d'argent a son con-
fesseur, qui était cordelier. Le bourreau, pi-
qué de se voir déshérité de ce qu'il considérât
comme un droit d'aubaïnej dit au religieux :
« Eh bien, puisque c'est vous qui touchez l'ar-
gent, faites la besogne, mon père j pendez-le l »
L'empire de Mécène sur son maître fut
porté à un tel point que, passant un jour sûr
le forum et voyant .Auguste.,juger des crimi-
nels avec un air d'emportement, il lui fit
passer ses tablettes, sur lesquelles il avait
écrit ces mots : « Sur'ge tandem, çarnifex !
Lève-toi donc, bourreau!* L'empereur prit
en bonne part cette dure remontrance et des-
cendit de son tribunal jusqu'à be que sa colère
fût apaisée.
* * , .
En 1750, il s'agissait, à la Nouvelle-Loui-
siane, de faire exécuter un Voleur condamné
à être pendu. Le bourreau se trouvant ab-
sent, on prit le parti de ïê faire remplacer par
un nègre. Celui qui fut choisi pour cet effet,
après s'en être longtemps défendu, rentré dans
sa cabane^ et reparaissait bientôt : «Tenez,*
dit-il froidement aux officiers de justice, en
leur présentant de la main gauche la main
droite qu'il venait de se couper, «jugez si je
me crois fait pour le métier de bourreau. »
Sous le règne des diligences, un jeune
commis voyageur, maigre et fluet, occupait
le coupé en compagnie de deux voisins d'un
embonpoint énormément dévelpppé. Se voyant
menacé de disparaître complètement entre
ces deux lourdes musses, qui rebondissaient
sur sa mince personne, il s'avisa du strata-
gème suivant : « Morbleu! dit-il, cette voiture
n'avance pas. » Et, tirant sa montre :.« Hum !
hum ! il'est quatre heures du matin, et, à cinq
heures, il faut que je sois à Sens, rue Monte- -
à-Regret, où m'appellent mes fonctions.—
Vos fonctions, s'écrient de. concert les deux
voisins en se reculant déjà instinctivement.
— Oui, reprend notre homme, je suis le bour-
reau. • A ce mot magique, les deux boules se
pelotonnèrent chacune dans son coin, et le
commis voyageur, riant sous cape, put enfin
respirer à l'aise.
Voici une leçon que reçut un mauvais plai-
sant qui passait dansson pays pour le roi des
farceurs. Dans.un de ses moments de bonne
humeur, il avait juré à ses amis que la journée
ne se passerait pas sans .quelque chose d'ex-
traordinaire. On se rend chez un restaurateur
où les convives étaient nombreux. Notre
homme avise dans la salle un consommateur
assez excentrique. « Parbleu I dit-il au maître
de ia maison, si "vous ne faites sortir de chez
vous, à l'instant, cet homme qui dîne seul à
la table du coin, votre établissement est dés-
honoré, et ilest impossible qu'on y mette dé-
sormais les pieds.— Pourquoi donc? demanda
le restaurateur ahuri. — Pourquoi ? c'est que
cet honimé est lé bourreau de La Rochelle. »
L'hôte, fort embarrassé, s'approche en hési-
tant du convive qui vient de lui être désigné.
Celui-ci, qui'avait tout entendu, répliqua :
« En effet, ce monsieur doit parfaitement më
reconnaître : il n'y a pas deux ans que je l'ai
fouetté et marqué. »
On sait que les comédiens de l'ancienne
école aimaient a se jouer de bons tours à
l'occasion. C'est ce qui arriva un jour, entre
l'acteur Legrand et son .camarade La Thoril-
Uère. Ils étaient invités l'un et l'autre à aller
passer la soirée dans un château où devait se
trouver brillante, et nombreuse compagnie.
La Thorillière, qui portait une barbe de quinze
jours à cause d'une fluxion très-douloureuse
qu'il avait eue, voulait se faire raser avant de
quitter Paris. • Allons donc! lui dit Legrand,
nous trouverons bien un frater au village, et
ton menton n'en sera que plus frais. » On se
mit alors en route. Or te barbier du lieu, qui
était de la connaissance de Legrand, avait
reçu ses instructions. Arrivés à la boutique,
le barbier se met en devoir de raser sa nou-
velle pratique. Durant l'opération, le frater
fait tomber la conversation sur les voleurs.
«Y en a-t-il beaucoup aux environs? dit La
Thcrillière. — Il y en a une quantité* mais le
bai'li y met bon ordre, et j'en ai fouetté et
marqué deux avant-hier, pendu hier trois cme
je suis en train de disséquer; et demain j'en
dois rompre... • Il n'eut pas le temps d'en dire
davantage : le comédien, qui prit véritable-
ment son barbier pour le bourreau, le repoussa
durement, êt.dut se présenter au château la
barbe à moitié faite.
. Bourreau de Berne (LE), roman de Feni-
more.Cooper. Ce roman, d'un intérêt isaisisr
sant, parut en 1833, et, presque immédiatement
traduit en français, obtint dans notre pays le
plus légitime syccës. U.he.barque élégàrite est
a,ràhcr«„ devant les quais (le là ville tle.GeT
nève, pour transporter à Vevay les voyageurs
qu'y attire l'mtniit d'une fêté. Parmi les pas-
sagers, ori distingue le baron de "Willading, Uii
des principaux citoyens de Berne, et su jeûne
il II" Adélaïde; près de lui est tin jeûné.milir
taire nommé Sîgismohd, auquel Adélaïde doit
la vie; à ce petit groupé vient se joindre le
doge de Gênes, Gaetaho Grimaldi, ami d'ëh-
fance du Bernois, qui regrette la perte d'un
fils ravi depuis de longues années à sa ten-
dresse par des inconnus. La barque porte en-
core un personnage important qui s'y est glissé
sous un nom supposé, c'est Balthazar, le bour-
reau de Berné. Pendant la traversée, la barque
est assaillie par un violent orage, et sombre-
rait infailliblement sans l'habile manœuvre
d'un étranger qui se rencontre à bord. Masso,
c'est le nom de cet homme, est ùri de ces êtres
que la nature a formés pour de grandes choses
et que le vice a dégradés. Au milieu de ce
danger, Sigismond, le jeune militaire '. dé-
ploie aussi la plus gandë énergie en. sauvant
le baron de Willading et en empêchant que
Balthazar, qui a été reconnu, ne soit précipité
dans les flots. Adélaïde doit tout à Sigismondj
depuis longtemps elle l'aime; du consente-
ment de son père, elle lui offre sa main; mais
l'infortuné jeune homme ne peut accepter ce
qui ferait le bonheur de sa vie, il est le fils du
bourreau de Berne... C'est au couvent dû mont
Saint-Bernard que le dénoûinent arrive après
plusieurs scènes du plus grand intérêt. Masso
est accusé d'un meurtre, et les .charges les
plus graves s'élèvent contre lui ; il est près
d'être condamné lorsqu'il déclare au seigneur
Grimaldi qu'il est son. fils. D'un autre côté,
Balthazar, éclairé par le récit de Masso, fait
des révélations qui ne permettent plus à Gri-
maldi de douter que Sigismond ne soit, au
contraire, son véritable hls. Ce dernier, enfin
débarrassé de sa terrible parenté, épouse Adé-
laïde, et Masso délivré s'éloigne pour ne plus
reparaître. On doit surtout admirer dans ce
livre remarquable l'art avec lequel lés événe-
ments sont enchaînés et le parti que Cooper a
su tirer de cette donnée. Le Bourreau de
Berne a été souvent traduit ou imité en fran-
çais ; la meilleure traduction est celle de
M. Defauconpret.
Bourreau d e s c r â n e s (LE), COmédie-Vaude-
ville en deux actes, par MM. Boulé et de
Lustière,. représentée pour la première fois
sur le théâtre de l'Ambigu-Comique, le
20 juin 1841. Deux jeunes cousins, Victor et
Philéas Méret, servent dans le même régi-
ment. L'un est brave, c'est Victor, l'autre est
poltron. Une jeune blanchisseuse; M^e pou-
ponne, séduite par la
-
bravoure de Victor, lui
a donné son cœur, auquel prétend Fanfan
Beloiseau, un crâne fini, rival redoutable qui
provoque son heureux compétiteur. Fanfan né
manque.jamais son homme: il tuera Victor.
Désespoir de Pouponne. Philéas, tout poltron
qu'il est, se sent aussi du penchant pour la
jolie blanchisseuse, et afin de se la rendre favo-
rable, il sort de son" caractère, se pique d'hon-
neur, et, à la faveur du même nom, il va se
battre à la place de son cousin et blesse dan-
gereusement le crâne Fanfan, sans trop savoir
comment cela s'est fait. Pouponne, étonnée de
cet acte de courage, flattée d'un pareil dévoue-
ment, témoigne à Philéas sa reconnaissance,
dans laquelle il entre un sentiment d'amour
suscité par un dépit jaloux, car elle a des
preuves de l'infidélité de Victor. Plus tard, le
régiment est en Allemagne ; on se bat, et Victor
reçoit les galons de sous-officier, en récom-
pense de son courage; Philéas, toujours sim-
ple soldat et poltron plus que ^amais
?
a partout
la réputation d'un fameux tireur; il est sur-
nommé le Bourreau des crânes, et ne peut
concevoir d'où lui vient cette renommée qu'il
sait si bien usurpée. Enfin, après bien des ter-
reurs comiques, que lui vaut cette étrange et
fausse réputation, il laisse son cousin Victor
suivre la carrière militaire, qui lui promet un
brillant avenir, et lui, se retire du service pour
rentrer dans ses foyers avec Pouponne, qui
deviendra la compagne de sa paisible existence.
Si nous avons donné place à cette bluette
dans le Grand Dictionnaire, c'est que le bour-
reau des crânes est devenu un type proverbial
qui sert à désigner un soi-disant pourfendeur,
un croquemitaine au petit pied, un de ces in-
dividus dont le nombre est assez grand, qui ont
la réputation, ou qui se la sont faite, d'être des
briseurs d'obstacles, des mangeurs d'hommes,
et qui, en résumé, font, comme on dit, beau-
coup plus de bruit que de besogne. Ce type du
bourreau des crânes à été bien des fois repror.
duit au théâtre,, et lui-même n'était déjà, en
1841,que l'imitation dd capitaine Boùrgackard
et autres, dont Scribe avait fait l'élément co-
mique de plusieurs de ses pièces.
Bourreau d e s crâne» (LE) ^Vaudeville en trois
actes, de MM. Lafargue et Siraudin, repré-
senté à Paris, sur le théâtre du Palais-Royal,
le 13 mai 1853 ; repris au théâtre des Variétés
le 26 novembre 1864.
. L'orchestre entame ioyeusement l'ouver-
ture ; presque aussitôt, en plein parterre, un
monsieur crie et s'agite; un autre monsieur
lui a marché sur le pied. Les gros mots s'é-
changent, on s'empoigne ,au collet, et pif!
pafl un soufflet éclate sur la joue du specta-
teur à l'orteil endommagé. • A la porte! à la
porte!* crie le public, qui trouve ce, pugilat
fort inconvenant. Bref, sous le feu de mille
regards courroucés, nos deux hommes, tout
cramoisis de colère et se menaçant de la voix
et du geste, sont poussés dehors avec force
horions. La salle respire; ie calme se réta-
blit; les violons précipitent leurs dernières
notes et la toile se lève... Surprise générale!
i*e pied meurtri, ce soufflet reçu, ces memiees
échangées constituaient une scène préparée
entre deux habiles compères; le prologue, si
vous l'aimez mieux, de la farce promise par
l'affiche. Sainville et Ravel, quoi, c'étaient
eux qui, tout à l'heure^ s'apostrophaient au
parterre? Les voilà maintenant sur la scène
transformée en un bureau de police; M. le
commissaire les invite à se modérer, se met
en quatre à l'effet de les réconcilier... Peine
inutileI a Un soufflet! dit le monsieur numéro
un au monsieur numéro deux ; il me faut votre
carte en attendant que j'aie votre vie, et à
demain t — A demain, soit I " Et tous deux ré-
pètent : o A demain! à demain!» comme au
quatrième acte des Huguenots. Mais* s'il faut
tout dire, le donneur de soufflets, qui s'inti-
tuie modestement le- bourreau^ des crânes,
M. Coquelet, enfin, puisqu'il faut l'appeler par
son nom, est un gaillard, qui ne craint per-
sonne.. Le menace-t-on ; il ne parle que d'oc-
cire celui-ci et d'embrocher celui-là. Affrontez-
moi cette mine rébarbative, et le Coquelet sans
sourciller vous jettera sa carte à la face... Sa
carte? Non pas, s'il, vous plaît,, la carte d'un
ami, une de ces cartes qu'il collectionne, avec
soin, et dont i\ a toujours la poche pleine.
Après quoi il "s'esquive.d'un air crâne,.et, pen-
dant,que son adversaire songe à rédiger ses
dernières volontés, mon Coquelet s'allonge
dans son lit et ronfle dû sommeil du juste.
Ah ! le .bon billet qu'a La Châtre ! Cette fois
pourtant sa charice accoutumée abandonne le
bourreau des. crânes. La carte de visite re-
mise par iui à M. Arthur est précisément la
carte d'un homme qui n'a pas froid aux yeux
bien qU'il ait eu le néz gelé à la Bérésina. Ce
guerrier à trois poils, .nommé Longjumeaii,
est aussi volage que le postillon de l'opéra:-
comique. Ce nez gelé n'a peur de rien que de
sa chaste moitié, une femme à barbe I C'est
qu'aussi il est rarement en état de grâce, notre
Longjumeau, et ce n'est point saris raison que
madame sa femme roule de gros yeux jaloux.
Notre guerrier retraité file doux comme
un agneau devant sa légitime; mais dès
qu'elle a les talons tournés^ il jure, sacre,
parle de tout casser. Jugez si sa voix s'enfle;
si son nez gelé branle à l'aspect de M. Arthur
qui, sur la foi de la carte signée Longjumeau,
vient le sommer de lui donner satisfaction.
Tout d'abord Longjumeau qui, ia veille, chez
certaine brune piquante, mais peu fidèle,
échangea des mots assez vifs avec un major
qui se prétendait en pays conquis, .croit
bonnement avoir ledit major sur les bras.
En vain le visiteur lui parle de pied écrasé et
de soufflet reçu, l'excellent Longjumeau jette
un coup d'oeil à la dérobée sur M
mc
Longju-
meau , et le remercie tout bas de ce qu'il ap-
pelle sa discrétion : t Merci I vous voulez bien,
en présence d'une femme jalouse comme plu-
sieurs tigresses, dissimuler la cause véritable
du conflit. Cela est d'un bon naturel. » L'autre
jure qu'en l'espèce il n'y a pas plus de major
que sur la main. A la fin, le voile se déchire,
et quand le quiproquo s'explique, la colère de
Longjumeau ne connaît plus de bornes. Quoi -,
sa propre carte, la carte de lui* Longjumeau,
aurait servi de passe-port à un poltron ano-
nyme 1 De son coté, M. Arthur, trouve la mys-
tification par trop colossalCj si c'en est une-,
et déclare qu'il en découvrira l'auteur coûte
que coûte, car son honneur crie vengeance. Ce-
pendant il ne peut oublier quel motif sérieux
t'a amené de sa province à Paris. Si, au lieu
de s'aller exposer dans un endroit public à se
faire marcher sur le pied, il avait été tout
droit, comme il le devait, se présenter à
M"e Eugénie, dont la main lui a été promise
F
ar vole télégraphique, il n'aurait pas à
heure présente un soufflet sur la joue. Ce
disant, il se dirige vers la demeure de son
futur beau-père qu'il ne croit connaître que
de nom et qui n'est autre, vous le pensez bien,
que le sieur Coquelet. Longjumeau l'a précédé
chez le bourreau des crânes, qui, le voyant
hérissé de colère , ne se vante pas de son joli
exploit. Longjumeau compte que son cher
ami Coquelet l'aidera à tirer vengeance dû
misérable qui a abusé de sa carte. Coquelet-
bourreau, tremblant, éperdu, hébété, voudrait
être à cent pieds sous terré. Si la vérité se
découvre j c'en est fait de lui. II songe à fuir
sur une terre étrangère ; mais toute retraité
lui est coupée. Alors, en prévision de l'orage
qui ne peut manquer de fondre sur lui, il
passe dans une pièce voisine, il revêt un mas-
Î
ue d'escrime et essaye de se remettre la main.
,ongjumeaU, de son côté, a découvert des
fleurets; il propose quelques passes à Arthur
oui justement arrive , puis il s'éloigne. Sou-
dain Coquelet survenant
-
sê trouve en présence
de son futur gendre, de cet Arthur qu'il a
souffleté, de cet Arthur à qui il a jeté avec
tant de crânerie la carte Longjumeau ! Hasard
propice! les deux hommes ne peuvent se re-
connaître : leurs masques d'escrime s'y oppo-
sent. Ils s'approchent Vun de l'autre et croisent
le fer en amateurs qui s'essayent. Coquelet
peut se convaincre qu il a devant lui une lame
de première force. Emerveillé, il s'empresse
de demander à son partenaire inconnu ce qu'il
a de salle; à quoi Arthur répond qu'il n'a rien
de sale, naïveté qui fait éclater... toute la
Salle. Enfin les masques tombent. • Ciell —
Luit — Vous? — Moi. — Vengeance! ven-
f
eance 1 » Mais, comme il faut que tout vau-
>iviUe se termine par un mariage, Eugénie
Coquelet paraît. Arthur, dont la situation rap-
pelle en ce moment c^l.e du Cid, c:onsenten
.Mn de compte H oublier 1»> sonfrWhien sonnant
du papa en faveur des veux bien suppliants
de la demoiselle. Notre bourreau des crânes,
qui déjà se croyait mort, donne sa bénédiction,
et les bravos du public témoignent que l'hon-
neur est satisfait.
C'est Une plaisante figure que ce bourreau
dés crânes, insigne poltron qui met ses bra-
vades et ses duels à couvert derrière la carte
et le nom de ses amis-. Le bel embarras dans
lequel lé plonge sa forfanterie, les terreurs
bouffonnes par lesquelles il lui faut passer-, le
labyrinthe inextricable de désopilants quipro-
quos à travers lequel il trébuche; voilà certes
plus qiï'ilai'en.faut pour exciter l'hilarité la
plus directe et la plus soutenue; sans compter
mille et une cocasseries qui ne sont pas écrites
dans le vaudeville et que Sainville et Ravel
improvisaient chaque soir en marge de leur
rôle, à la façon des farceurs de l'ancienne
comédie italienne. Sans doute.ils ajoutaient
beaucoup, et_dU geste et dé la parole, ces
deux impayables comédiens, puisque le Bour-
reau des crânes, livré à d'autres interprètes
lors de la reprise de 1864,aux Variétés, n'ob-
tint plus qu'Un. succès fort ordinaire. Le
Bourreau des crânes n'en reste pas moins une
des meilleures farces au gros sel qu'on puisse
voir jouer; on l'a même proclamé un des
chefs-d'œuvre du genre en l'an de grâce 1853,
sous le consulat de M. Jules Janin.
Bourreaux turc* A la porte d'au cachot,
tableau de Decamps; Salon de 1839. Ils sont
trois, attendant que le cachot s'ouvre pour
leur livrer la victime. Le plus vieux, le chef
de cette bande d'oiseaux de proie, est accroupi
sur le seuil de la porte : c'est à lui sans doute
qu'est réservé le soin de donner le signal de
lexécution, car son visage rid-'), flétri, ses
bras amaigris, son échine qui se courbe, dé-
notent qu'il ne lui reste plus assez de vigueur
{>our porter le coup fatal. Les énormes pisto-
ets suspendus à sa ceinture
{
et q^ui semblent
trop lourds pour un corps si débile, ne sont,
sans doute, que des armes d'apparat, les in-
signes de ce fonctionnaire de la Mort. Les deux
autres bourreaux sont jeunes, robustes, plus
semblables à des bandits qu'à des exécuteurs
de la justice. L'un est étendu sur les dalles de
pierre, dans l'attitude d'un tigre prêt à s'élan-
cer sur sa proie; il a les jamges en avant/ïes
mains appuyées sur un casse-tête, le visage
tourné vers la porte du cachot. L'autre, debout
à gauche et adossé contre la muraille de la
prison, garde une impassibilité farouche : à le
voir ainsi immobile comme une statue, ma-
jestueusement drapé dans ses guenilles et
plongeant dans le vide un regard aigu, on le
prendrait, pour une personnification de ce
sombre fatalisme de l'Orient qui professe pour
la mort donnée ou reçue le plus souverain
mépris. Ces trois figures de bourreaux ne sont
pas seulement dignes d'admiration pour leur
réalité sinistre; leur style fier et énergique
est au-dessus de tout éloge. Le tableau a ob-
tenu beaucoup de succès au Salon de 1839; il
a été lithographie dans YÂrtiste, par M. Eu-
gène Leroux.
BOURRE-COQUIN
BOURRE-COQUIN s. m. (bou-re-ko-kain).
Argot. Haricot, parce que ce légume est la
nourriture du peuple. Il est à remarquer qUe
le mot coquin est pris ici dans le sens de ma-
nant, homme de peu, sens emprunté par les
argotiers de nos jours aux marquis du xvie et
du xvne siècle.
B O U R R É E s. f. (bou-ré). Botte de menus
branchages, syn. approximatif de FAGOT : Je
m'étendis avec une sorte de volupté sur le
plancher sec, pendant qu'il allumait une BOURT
RÉK. (Ch. Nod.l Ils regardaient brûler un cent
de*BOURRÉES; beau spectacle! (V. Hugo.)
On a dans la forêt coupé deux cents bourrât.
DELAVILLB.
— Prov."Fagot cherche bourrée, Qui se res-
semble s'assemble; fagot et bourrée étant
des mots qui désignent à peu près la môme
chose.
— Mus. Air composé de huit mesures à
deux temps j partagées en deux parties égales.
— Chorégr. pas de bourrée, Pas exécuté
1140 BOUR
BOUR
BOUR
BOUR
sur un air de bourrée, comme la bourrée
d'Auvergne, qui souvent est simplement ap-
pelée bourrée : Elle avait eu un maître de
danse, et son PAS DE BOURRÉS émerveillait tout
te monde. (A. de Muss.) Chacun sait qu'en tout
pays les femmes enterrent les hommes à la
BOURRÉE. (G. Sand.) La BOURRÉE fut intro~
duite à la cour en 1565 par Marguerite de Va-
lois, fille de Catherine de Médicis, et y resta
à la mode jusqu'au règne de Louis XIII.
(Bouillet.) L air sur lequel se danse la BOURRÉE
est à deux temps et d'un mouvement rapide.
(Bachelet.)
Je dansais la bourrée et le pied m'a glissé.
MONTFLEURT.
Il leur avait longtemps montré, sans se lasser.
Des gavottes et des bourrées^
Et tous les pas divers que SOD art sait tracer.
A., DE MUSSET.
— Chass. Chasse aux cailles faite avec le
filet appelé hallier.
— Ichthyol. Ancien nom de la BARBOTE.
— Bot. Nom vulgaire d'un champignon.
Bourrée d'&uvergn«. Chaque pays de l'Au-
vergne a sa bourrée particulière. Nous avons
donc dû nous restreindre a la reproduction d'un
seul de ces chants populaires faits pour la
danse. C'est, du reste , un des plus intelli-
gibles et des plus gracieux que nous con-
naissions; il s'y trouve, à la fin, un trait inat-,
tendu contre les vieilles filles, qui semble une
personnalité décochée par le malin auteur
contre quelque donzelle majeure qui, vraisem-
blablement, le poursuivait d'un amour obstiné.
Dans Tenu 1' pois-sua t'vé - Ul - ie,
Qui l'at - tra - pe - ra, La dé-ra, Dans
- ra, La de • ra. Vous, la }•;" - ne
BBUXIÈMB COUPLET.
Passant vers la rivière,
Nous donnant le bras,
La déra ;
Passant vers la rivière.
Nous donnant le bras,
Trouvons la meunière.
Avec nous dansa,
La déra;
Trouvons la meunière,
Avec nous dansa.
TROISIÈME COUPLET.
Ah! meunière gentille,
On t'embrassera,
La déra;
Ah! meunière gentille,
On t'embrassera.
Quant aux vieilles filles,
On les laisse là,
La déra ;
Quant aux vieilles filles,
On les laisse là I
BOURRELÉ,
BOURRELÉ, ÉE (bou-re-lé) part. pass. du
v. Bourreler. Tourmenté : Les méchants ont
l'âme BOURRELÉE. (Vaugel.) Les libertins,
BOURRÉE
BOURRÉE (Edme-Bernard), tkéologien
français, né à Dijon en 1652, mort en 1722. Il
était oratorien, il professa la théologie à Lan-
gres et à Chalon-sur-Saône, et s'appliqua avec
zèle à la prédication. Ses principales publica-
tions, outre vingt et un volumes de sermons
et d'homélies, sont : Conférences ecclésiasti-
ques du diocèse de Lanyres(l&$i)\ Explication
des épîtres et évangiles de tous les dimanches
de l'année et de tous les mystères (1697); des
Panégyriques de saints (1702, 5 vol.) ; Manuel
des pécheurs, etc.
BOURREL
BOURREL s. m. (bou-rèl — vieux mot qui
se disait;pour bourreau). Ornith. Nom vulgaire
de la buse, oiseau de proie.
BOURRELÉSBOURRELÉS qu'ils sont par leur conscience, ne
sont jamais tranquilles. (La Rocbef.) Le poète
nous montre l'innocence dormant en paix à côté
du scélérat BOURRELÉ. (J. de Maistre.) Je
suis
BOURRELÉBOURRELÉ de remords et de créanciers,
(V. Hugo.)
BOURRELEMENT
BOURRELEMENT s. m. (hou-)-è-le-man —
rad. bourreler). Douleur cruelle, tourment
physique : Auotr un BOURRÈLEMENT dans l'es-
tomac.
— Fig. Tourment moral : Le BOURRÈLE-
MENT du remords.
B O U R R E L E R v. a. ou t r . (bou-re-lé — du
v. fr. bourrel, bourreau. Prend un accent
grave sur l'e du radical, devant une syllabe
muette : Je bourrelé; il bourrèlera). Tour-
menter cruellement, comme le bourreau tour-
mentait les patients : Le remords de son crime
\e BOURRELÉ. (D'Ablanc.) Elle aggravera vos
douleurs dans vos maladies, ELLE VOUS BOUR-
RÈLERA dans votre lit de mort. (Saurin.)
BOURRELERiB s. t. (bou-rè-le-rî — rad.
bourrelier). Métier et commerce du bourre-
lier : Apprendre la BOURRKLERIE. H Etablisse-
ment de bourrelier : Ouvrir une BOURRKLERIE.
— Rem. Nous n'avons adopté qu'avec ré-
pugnance l'orthographe do l'Académie ; la pro-
nonciation bourrèlerie est exigée par l'usage
et par l'euphonie; comment donc peut-on
donner à un e muet la valeur d'un è ouvert?
Pourquoi prononcer bourrèlerie et écrire bour-
rèlerie? L analogie, du reste, exigerait que
l'on écrivît bourrellerie.
BOURRELETBOURRELET est indispensable, mais il a l'incon-
vénient de produire un frottement très-consi-
dérable dans le passage des courbes, D On dit
aussi BOUDIN et MENTONNET.
— Pathol. Enflure (jui se manifeste autour
du ventre et des reins chez les personnes
atteintes d'hydropisie : H est hydropique, il
a le BOURRELET. (Acad.)
— Art vét. Partie renflée de la peau, im-
médiatement au-dessus du sabot.
— Anat. Bourrelet roulé, Syn. de CORNE
D'AMMON.
— Encycl. Bot. Le mot bourrelet a deux ac-
ceptions différentes.. Dans la première, il si-
f
nifie un renflement périphérique, une espèce
e nodosité qui se produit toutes les fois qu'on
interrompt la marche naturelle de la sève,
soit par une incision, soit par une simple liga-
ture. Dans sa deuxième acception, le mot
bourrelet désigne particulièrement la cicatri-
sation des blessures faites aux arbres par le
moyen du renflement dont nous venons de
parler. « Si l'on examine avec soin, dit M. Du-
chartre, le bord supérieur d'une incision annu-
laire, on verra que le renflement périphérique
3ui s'y produit est entièrement recouvert
'écorce, et que dès lors celle-ci le contourne
en se recourbant pour arriver jusqu'à la sur-
face du bois qui a été dénudé par l'incision.
Par une coupe longitudinale de cette formation
nouvelle, l'on reconnaît non-seulement que
ï'écorce se contourne ainsi, mais encore que le
bois nouvellement formé se comporte de même
au-dessous d'elle, de sorte que la plaie tend à
se recouvrir grâce à la présence de ces for-
mations nouvelles qui, si l'arbre ou la branche
continuent de vivre, ou si l'anneau ligneux
dénudé n'est pas trop large, finissent par ré-
tablir la continuité entre les deux bords de la
plaie. i La cicatrisation par le bourrelet exige
d'autant plus de temps que la partie dénudée
est plus large. Quand cette partie présente
une grande surface, par exemple quand on
coupe une grosse branche, il est a craindre
ue la surface de la section ne vienne à se
écomposer sous l'influence des agents at-
mosphériques avant que le bourrelet ait pu la
recouvrir; dans ce cas, il est indispensable de
couvrir cette surface avec l'onguent de saint
Fiacre ou de Forsyth, ou avec toute autre
composition jouissant de la propriété d'em-
pêcher ta production de la pourriture. Les
bourrelets qui se produisent autour d'une plaie
ou d'une ligature, enfouis sous une couche de
terre un peu humide, poussent plus prompte-
ment et plus facilement des racines adventices
que le reste de la surface des végétaux. C'est
pourquoi, lorsqu'on veut multiplier certains
arbres en boutures ou eu marcottes, on a
soin de déterminer préalablement la formation
d'un ou plusieurs bourrelets sur les branches
qu'on a choisies,
BOURRELETBOURRELET ou BOURLET s. m. (bou-re-lè
— rad. bourre). Gaine cylindrique remplie de
matières élastiques et servant à préserver
d'un choc ou à obstruer une ouverture.
— Par anal. Saillie cylindrique : Les enfants
gras ont des BOURRELETS de chair autour des
poignets. Lorsqu'on coupe une branche d'arbre,
la sève ascendante forme un BOURRELET sur les
bords de la plaie. Le bord des coquilles porte
fréquemment des BOURRELETS saillants.
— Sorte de coiffure rembourrée ou élasti-
que, pour protéger les enfants contre les
effets d'une chute : Emile n'aura ni BOUR-
RELET HI lisière. (J.-J. Rouss.)
Des sceptres étaient mes bocheta,
Mon bourlet fui une couronne.
BÉRANQER.
0 Rond d'étoffe que les magistrats, docteurs
et licenciés portent sur l'épaule, et qui en-
tourait autrefois leur chaperon. D Coussinet
cylindrique et circulaire que placent sur leur
tête les personnes qui portent des fardeaux.
Il Rouleau d'étoffe que les femmes ont porté
longtemps pour se donner des hanches plus
développées.
— Gaine d'étoffe, remplie ordinairement de
bourre ou de crin e t destinée à empêcher
l'introduction de l'air extérieur par les joints
des portes et des fenêtres : Malgré les BOUR-
RELETS mis aux portes de la salle, à peine la
température s'y maintenait'elle à une chaleur
convenable. (Balz.) Vous n'avez de BOURRE-
LETS ni à vos portes ni à vos fenêtres ; je m'é-
tonne vraiment que vous ne soyez pas perdus de
rhumatismes. (Th. Leclercq.)
— Fig. Précaution minutieuse prise pour
préserver quelqu'un ou quelque chose, sorte
de tutelle, de surveillance que Ton exerce :
Laissez à la liberté le temps de grandir, et elle
n'aura plus besoin de langes, ni de lisières, ni
de BOURRELETS. (E. de Gir.)
— Mar. Cordes ou tresses dont on entoure
les mâts et les vergues pour les protéger et
les affermir, u Saillie qui borde le tour des
étambrais, et sur laquelle ou cloue le bas de
la braie d un mât.
— Art milit. Bourrelet de douille, Moulure
circulaire pratiquée à l'extérieur de la douille
d'une baïonnette, e t servant de support à la
bague.
— Blas. Rouleau de rubans aux couleurs de
l'écu, que l'on place sur le casque comme or-
nement, et qui sert % relier entre eux les
lambrequins. ïl figure un ornement de mémo
genre que les chevaliers mettaient sur leurs
casques dans les tournois.
— Tcchn. Bord d'un rouleau de plomb.
— Chem. de fer. Saillie du bandage d'une
roue de wagtm, qui sert à guider cette voi-
ture et à la maintenir entre les rails : Le
BOURRELIER
BOURRELIER s. m. ( bou-re-lié — rad.
bourre). Techn. Celui qui fait, vend ou répare
des harnais : Commander un harnais au BOUR-
RELIER. Acheter un harnais chez le BOURRE-
LIBR. Porter un harnais chez le BOURRELIER.
— Encycl. Les oourreiiers sont des artisans
qui fabriquent toutes les pièces nécessaires au
harnachement des bétes de somme et de celles
qu'on attelle aux charrettes, aux charrues, etc.
Il y a beaucoup de rapport entre l'art du sellier
et celui du bourrelier; ce qui les différencie
consiste surtout en ce que run travaille pour
les riches oisifs, et l'autre pour les simples
laboureurs, les voituriers, les hommes de tra-
vail. Les matériaux que met en œuvre le bour-
relier sont les cuirs, les peaux passées en poil,
la toile et la bourre, qui lui sert à garnir ses
ouvrages, c'est-à-dire les poils de divers ani-
maux, qu'il remplace quelquefois par du foin,
de la paille, et d'où lui vient le nom de bour-
relier. Il fait tous les harnais de charrettes,
avec divers ornements qu'on appelle bossettes
ou aigrettes; il fait les bâts pour les chevaux,
ânes et mulets ; il fait aussi des selles, maïs
ce n'est jamais à lui que s'adressa le jeune
dandy qui veut monter un cheval pur sang
?
ou
la belle amazone pour qui la selle doit être
une espèce de trône d'où elle reçoit les hom-
mages de ses adorateurs.
Autrefois, la corporation des bourreliers
était déjà distincte de celle des selliers et de
celle des lormiors, qui fabriquaient les brides
et les mors. Pour y être admis, il fallait faire
cinq années d'apprentissage, suivies de deux
années de compagnonnage, après .quoi on pré-
sentait un chef-d'œuvre qu il fallait soumettre
à l'examen des maîtres. On payait 72 livres
pour le simple brevet,, et 950 livres pour la
maîtrise.
BOURRE-NOIX
BOURRE-NOIX s. m. Art milit. Instru-
I ment d'acier qui fait partie du nécessaire
d'armes, et dont les soldats se servent pour
enfoncer le carré ou le six-pans de la noix
dans celui du chien, u On dit aussi CHASSE-
NOIX.
BOURRELLYBOURRELLY (Dominique-Marius), poète
provençal, né à Àix le 2 février 1820. Auteur
d'une grande fécondité, il a écrit près de
trente mille vers provençaux et plus de trente
pièces de théâtre en prose et en vers, en fran-
çais et en provençal. Plusieurs de ces pièces
ont réussi sur la scène de Marseille, entre
autres : les Jeux du roi René (un acte) ; Il est
minuit (un acte); Esope le Phrygien; le Roi
de Ratonneau; Quatre hommes et un caporal;
les Petites affiches; le Chat de la mère Michel;
le Chien de Jean Nivelle; Rouget de l'Isle.
M. Bourrelly a collaboré, en outre, avec
MM. Mistral, Roumanille et Aubanel, à une
foule de journaux et de recueils de poésie, tels
Î
ue : lou Bouïabaisso (la Bouillabaisse) ; les
'rouvençalos (les Provençales) ; lou Rouma-
vagi deis troubaires (la Fête des troubadours) ;
U Nouvé (les Noëls) ; le Gay saber\, journal
de la littérature et de la poésie provençales.
Trente mille vers composent le bagage pro-
vençal de M. Bourrelly; c'est beaucoup, c'est
plus que n'en a composé Racine. Pourquoi
donc M. Bourrelly ne prend-il pas pour muse
la langue française? Le patois est mort, bien
mort; il nous faut l'enterrer, sauf à jeter quel-
ques fleurs sur sa tombe. La France n'a plus
aujourd'hui qu'une littérature, qu'une langue,
qu une grammaire, qu'une syntaxe, comme
elle n'a que son code
;
et puisqu'il est admis
que les oreilles marseillaises sont aussi fines,
et, originellement, plus attiques que celles de
Paris, pourquoi donc, dirons-nous encore,
M. Bourrelly, qui a eu des pièces en patois
provençal applaudies dans la cité phocéenne,
n'en donneruitril pas en français sur nos théâ-
tres de Paris?
BOURRELIER
BOURRELIER (Nicolas), chroniqueur et ver-
sificateur français, né à Besançon en 1630. Il
était prêtre, et comme il avait été soldat dans
l'année française qui prit Barcelone en 1652,
après un siège de quinze mois, il publia un
poëme intitulé : Barcelone assiégée par mer et
par terre, gémissante prosopopée (Besançon,
1657).
B O U R R E L L E s, f. (bou-rè-le — fém, de
bourreau). Femme du bourreau. U Vieux mot.
— Par anal. Femme d'une grande cruauté :
Cette mère est une BOURRELLE pour ses enfants.
i N'est plus usité.
— Fig. Cause de tourment : Les trois BOUR-
RELLES de notre esprit, l'amour, l'ambition,
i'auarice... (E. Pasq.)
B O U R R E L L E R I E s. f. (bou-rè-le-rî — rad.
bourrel, qui s'est dit pour bourreau). Art du
bourreau, u Vieux mot.
— Par ext. Raffinement de cruauté : Ti-
bère, grand maistre en la hdence de BOURREL-
LERIE... (Montaigne.)
BOURRERBOURRER v. a. ou t r . (bou-ré — rad.
bourre). Tasser, après avoir placé une bourre,
un tampon : BOURRER un fusil, un canon, une
charge de mine.
— Remplir de bourre tassée : BOURRER un
fauteuil, un matelas, u On dit plutôt REM-
BOURRER.
— Par ext. Remplir, munir complètement :
BOURRER
BOURRER une cheminée de bois, un poêle de"
charbon. BOURRER une armoire de linge. On
tes a conduits en prison, on en a BOURRÉ les
cachots. (Beaumarch.) Nous BOURRONS noire
calèche de pistolets, de tromblons et de fusils
à deux coups ; le bandit vient pour nous arrê-
ter, nous larrêtons. (Alex. Dum.) Un convive
de plus ne nous fait rien, car la servante nous
a
BOURRER
BOURRER «H écolier de grec et de latin. La
vie ne se recommence pas, il faut la BOURRER
de plaisir, (Balz.) L'éducation moderne est fa-
tale aux enfants; nous les BOURRONS de ma-
thématiques, nous les tuons à coups de science,
nous les usons avant te temps. (Balz.)
— Repousser brutalement : Les gendarmes
BOURRÉSBOURRÉS de provisions. (G. Sand.)
— Faire manger avec excès : BOURRER un
enfant de pâtisseries. Quand un malade n'a
rien pris depuis quelques jours
y
ils le croient
mort et le BOURRENT tlesoupe et de vin. (Balz.)
«Combler, rassasier, assouvir, accabler:
BOURRAIENTBOURRAIENT le peuple, BOURRAIENT la foule, it
Maltraiter de paroles : Je viens de BOURREIÎ
un certain quidam gui m'avait insulté. (Le
Sage.)
— Bourrer une pipe, La remplir de tabac :
Il
BOURRABOURRA la pipe de son maître avec toutes
1er pratiques du cérémonial usité dans ce no-
ble office. (Ch. Nod.)
— Chass. Se dit du chien qui, en poursui-
vant un lièvre, lui donne un coup de dent et
lui arrache du poil : Le chien a bien BOURRÉ le
lièvre. (Acad.) u Absol. Se dit du chien lors-
qu'il cherche à saisir le gibier qu'il tient en
arrêt.
— v. n. Manég. Se dit du cheval qui se
lance brusquement en avant, sans que le ca-
valier s'y attende et puisse s'y opposer.
— Techn. En parlant du plomb en fusion,
S'arrêter sur le sable et s'y coaguler par
places, au lieu de couler, il Retenir, tasser
les copeaux dans la lumière, au lieu de les
laisser sortir, en parlant du rabot ou de la
varlope: Cette varlope BOURRE.
Se bourrer v. pr. Etre bourré : Nommez
donc un démocrate, pour que ses discours de-
viennent les cartouches dont SB BOURRENT les
fusils des insurgés. (Balz.)
— Fam. Se bourrer l'estomac, se bourrer,
Manger avec gloutonnerie, avec excès : J'em-
ployai, en homme affamé, la moitié de cette
nuit à ME BOURRER L'ESTOMAC de pain et de
viande. (Le Sage.) Tu peux TE BOURRER sans
crainte de faire crever ton coffre. (Balz.)
— S'accabler mutuellement de coups, ou so
maltraiter de paroles : Ils SE SONT BOURRÉS
en pleine rue.
— Antonyme. Débourrer.
BOURRET
BOURRET s. m. (bou-rè). Mamrn. Nom
vulgaire du bœuf et du veau, u Se dit parti-
culièrement, dans les Deux-Sèvres, d'un
bœuf à poil rouge et blanc, u Se dit. dans le
Cantal, d'une race de bœufs particulière à ce
pays : Les bœufs auvergnats ou BOURRETS...
(Roret.)
— Ornith. Nom vulgaire du jeune canard ,
en Normandie. C'est proprement le petit do
la bourre, nom de la cane dans ce pays.
— Hortic. Variété de raisin.
BOURRETTEs. f. (bou-rè-to— rad. bourre).
Comm. Soie grossière qui entoure le cocon.
H On dit plus souvent BAVE. Il On dit aussi
FRISON et ARAIGNÉE, à cause de la ressem-
blance de ces fils avec une toile d'araignée.
— Mamm. Génisse de deux a n s ; femelle
du bourret, bœuf d'Auvergne.
BOURRICHE
BOURRICHE s. f. (bou-ri-che — rad. bourre).
Sorte de panier oblong, légèrement arrondi,
disposé pour le transport du gibier, de la vo-
laille, de la marée : Lue BOURRICHE pleine de
gibier, u Contenu du même panier : Je veux
vous envoyer une BOURRICHE de gibier, il Se dit
particulièrement d'un plein panier d'huîtres,
vingt-cinq douzaines dans le commerce,
douze douzaines dans le langage commun :
J'ai reçu une BOURRICHE. Camarades, soignez
les
BOURRICHES,BOURRICHES, avant l'arrivée des dames.
(Brill.-Sav.)
— Chass. Panier dont se servent les oise-
leurs, pour transporter les oiseaux vivants.
BODBRIER
BODBRIER s. m. (bou-rié — rad. bourre).
Dans la Touraine, brin de paille, fétu : Le
BOURRIER est te brin de paille décoloré,
boueuXy roulé dans les ruisseaux, chassé par
la tempête, tordu par les pieds des passants.
(Balz.)
— Econ. rur. Mélange de paille et de blé
battu.
— Fig. Chose légère, futile, sans con-
sistance, sans valeur : Moi oui ne suis qu'un
BOURRIER... qui vole. (Régnier.) H Vieux et
inusit.
— Techn. Echarnures de cuir.
Il On écrit aussi BOURIER.
BOURRIDE
BOURRIDE s. f. (bou-ri-de). Art culin. Plat
provençal préparé commo la bouillabaisse,
mais qui en diffère en ce que, au lieu du
simple bouillon du poisson , on verst sur les
tranches de pain une préparation faite avec
un beurre à l'ail ou un ayoli.
110 lî KHI EN NE (Louis-Ant. FAUVELET DE),
né à Sens en 1769, mort à Caen en 1834. Con-
disciple de Bonaparte à l'école de Brienne , il
le suivit plus tard en Italie, devint son se-
crétaire intime, rédigea de concert avec
Clark e le traité de Campo-Formio, accompa-
gna également Bonaparte en Egypte et resta
attaché à sa personne jusqu'en 1802. Compro-
BOUR BOUR BOUR BOUR 11.41
mis dans une faillite, il encourut une disgrâce
qui peut-être le sauva des conséquences judi-
ciaires de sa participation a des spéculations
fort suspectes. Il fut alors envoyé à Ham-
bourg comme chargé d'affaires, et y demeura
jusqu'en 1813, chargé de différentes missions,
dans l'accomplissement desquelles il commit
encore de nombreuses exactions. Lors de la
chute de Napoléon, il était sans emploi; il oc-
cupa un moment la direction des postes et la
préfecture de police à la première Restaura-
tion, suivit Louis XVIII a Gand, et fut, au
retour du roi, nommé ministre d'Etat, puis
député de l'Yonne. L'impression que lui causa
la révolution de Juillet le frappa d'aliénation
mentale. 11 mourut dans cet état dans une
maison de santé. En 1829, il avait publié des
Mémoires (10 vol. in-8°) qui ont eu plusieurs
éditions et qui furent lus avec avidité. Il y
ménage peu Napoléon, Cet ouvrage a donné
lieu à de nombreuses réclamations ; cependant
il offre, dans diverses parties, un intérêt réel, et
l'on y trouve beaucoup de détails vrais et cu-
rieux qu'on chercherait vainement ailleurs.
Les inexactitudes qu'il contient ont été recti-
fiées (par le comte d'Aure) dans l'ouvrage in-
titulé : Bourrienneet ses erreurs volontaires et
involontaires (Paris, 1830).
BOURRIOL
BOURRIOL s. m. (bou-ri-ol). Galette gros-
sière de farine de sarrasin, dont se nourris-
sent certains habitants de la campagne.
BOURRIQUE
BOURRIQUE s. f. (bou-ri-ke. — Les lin-
guistes sont partagés sur l'origine de ce
mot, qui est restée jusqu'ici fort obscure.
Commençons par constater que la plupart des
langues néo-latines ont adopté ce mot en lui
faisant subir de légères altérations phonéti-
ques. Ainsi, à côté du français bourrique, nous
trouvons dans le même sens le portugais
burrico, l'espagnol et le napolitain borrico, le
lombard borich; l'italien l a plus profondé-
ment modifié en le transformant par con-
traction en bricco; rapprochez encore le pro-
vençal burquier, qui désigne une écurie à ânes.
Une des premières étymologies proposées est
celle de M. Pihan, qui fait venir bourrique de
l'arabe borak, nom de la monture fantastique
qui, au dire des musulmans, transporta
Mahomet au ciel lors de son ascension noc-
turne. De là, dit M. Pihan. vient probable-
ment l'espagnol borrica, anesse, dont les
Français ont fait bourrique, qui désigne aussi
la femelle de l'âne ou une mauvaise jument.
Les Espagnols, ajoute-tril, de qui nous te-
non? ce m o t , ont eu des rapports si.inti-
me* avec les Arabes d'Afrique, que le nom
do la jument de Mahomet n'a pas dû leur
être étranger, et l'on peut en conclure que,
par une allusion maligme à la miraculeuse
monture du prophète, ils ont ainsi qualifié
l'animal de l'espèce inférieure au cheval.
Malheureusement les faits, envisagés de plus
près et plus rigoureusement, s'élèvent contre
cette ingénieuse étymologie. Le mot bourrique
semble avoir, dans nos langues européennes,
des antécédents antérieurs à l'influence des
Arabes sur le monde chrétien. La basse lati-
nité nous offre un mot, buricus ou burricus,
qui correspond exactement, et pour la forme
et pour le sens, au français bourrique. On lit
dans d'anciens commentaires : Mannus, equus
brevior , quem vulgo brunicum vocant. Dans
Paulinus, on lit également : Macro et viïiore
asellis burico sedentem. Une circonstance r e -
marquable, c'est que, dans cette dernière
phrase, nous voyons déjà le mot buricus ap-
paraître avec un sens péjoratif. On a pro-
posé de faire dériver buricus du grec purri-
chos, venant lui-même de purrhos, rouge,
couleur de feu, roux. Certaines espèces d'â-
nes auraient reçu ce surnom à cause de leur
couleur rouge, indice, paraît-il, d'un mauvais
caractère, s'il faut en croire la sagesse des
nations, qui dit : « Méchant comme un âne
rouge. » L'équivalent brunicus, donné plus
haut à buricus, confirmerait également cette
étymologie, s'il contenait en effet, comme le
pensent quelques auteurs, le radical brun.
Dietz, dans son Etymologisches wôrterbuch der
romanischen Sprachen, est d'un autre *avis;
il pense que l'âne a" été appelé bourrique à
cause de la nature de son poil, qui ressemble
à de l'étoupe, à de la bourre, et aurait primi-
tivement reçu le nom ou plutôt le sobriquet
de burro. Il fait remarquer à ce propos que,
dans le patois du Berry, bourru a le sens de
velu. M. Dclâtreestde lavis de Dietz; comme
lui, il rattache bourrique à la même famille
étymologique que bourre. Que le nom du
r
poil, dit-il, serve à dénommer l'animal qui le
porte, c'est chose très-commune dans'les lan-
gues néo-latines ; en espagnol, borra signifie :
io bourre, et 2° brebis d'un an. Le mot
bourre est la clef d'une série étymologique
très-importante que l'on trouvera énumérée
sous ce titre. Nous nous bornerons ici à faire
remarquer que le mot bourru, que quelques «
étymologistes voudraient à tort faire dériver •
de bourrique, s'explique très-naturellement j
par le radical bourre; bourru, c'est littérale-
ment — et nous avons vu plus haut que le
berrichon a encore conservé cette acception
— un homme hérissé au moral, comme l'âne
est hérissé et ébouriffé au physique. Nous
rappellerons à ce propos la singulière analo-
gie que nous offre l'énergique et pittoresque
expression d'atelier: être crin). Anesse; mé-
chant petit âne : Une BOURRIQUE chargée. Un
paysan monté sur sa BOURRIQUE.
Eh quoi 1 charger ainsi cette pauvre bourrique!
LA FONTAINE.
il Se disait des petits chevaux employés aux
mêmes usages que les ânes, comme à porter
des fardeaux de la campagne à la ville. H Ce.
sens a vieilli.
— Fam. Personne très-ignorante : / / fait
le savant et n'est qu'une BOURRIQUE. VOUS par-
lez comme une BOURRIQUE. Quelle BOURRIQUE!
— Loc. Fam. Faire tourner en bourrique,
Abrutir, à force de taquineries et de petites
méchancetés : Ce gueux de Cabrion le FERA,
bien sûr, TOURNER EN BOURRIQUE. (E. Sue.) il
Soûl comme la bourrique à Robespierre, Com-
plètement ivre.
— Techn. Sorte de civière dont les maçons
se servent pour élever les matériaux, n Es-
pèce de chevalet sur lequel les couvreurs dé-
posent l'ardoise, lorsqu ils travaillent sur un
toit, il On dit aussi BOURRIQUET dans ces deux
sens.
— Syn. Bourrique, â n e , baudet. V, BAUDET.
BOURRU,BOURRU, et je me ferais pendre pour
celui-là. (Mol.)
Moine bourru dont on se moque,
A Paris l'effroi des enfants,
Esprit bourbeux, je vous invoque.
****
H Par anal., Nom donné à un homme brus-
que, de mauvaise humeur : Cet homme-là est
un MOINE BOURRU, un vrai MOINE BOURRU.
— Econ. agric. Vin bourru, Vin blanc nou-
veau qui n'a point fermenté et qui se conserve
doux dans le tonneau pendant quelque temps :
On s'assemblait chez cet aubergiste pour man-
ger des marrons et boire du vin blanc nouveau
qu'on appelle VIN BOURRU. (Brill.-Sav.)
— Grav. Hachure bourrue, Hachure dont
les traits sont sans netteté.
— Techn. Fil bourru, Fil inégal, qui a des
bourres, des parties renflées.
— Substantiv. Personne brusque et cha-
grine : Un BOURRU. Votre père est un BOURRU
fieffé.
La grossièreté
D'un bon et franc bourru qui dit Ta vérité
Me plaît mille fois mieux que les douceurs polies
D'un tas de complaisants qui nattent nos folies.
J.-B. ROUSSEAU.
— Techn. Moellon dont on n'a enlevé que
le bousin.
— Antonymes. Affable, débonnaire, doux,
liant, patelin.
prenez-y garde : si la reconnaissance ne vous
touche pas, que l'honneur vous y engage. »
Enfin s approchent en tremblant Angélique et
Valère, puis Dorval. Géronte apprend l'amour
de sa nièce. Fort en colère de ce qu'elle n'ait
pas été plus ouverte avec son oncle, il rejette
l'union préparée en dehors de lui; mais les
prières de Dorval, de son neveu, de sa nièce,
le font céder. « Maudit soit mon chien de ca-
ractère I se dit-il à lui-même, je ne puis pas
garder ma colère comme je le voudrais ; je me
souffletterais volontiers. » Il cède, répétons-
nous , et cela d'autant plus facilement qu'on
lui apprend que Valère a voulu consacrer sa
fortune à réparer les malheurs de son ami Da-
lancour.
k
Cette pièce, qui est restée au théâtre, et
qui valut à son auteur le surnom de Molière
de l'Italie, est dédiée à M
m e
Marie-Adélaïde
de France, fille de Louis XV. Elle méritait à
plus d'un titre le succès durable qui lui était
réservé. L'auteur était un étranger; déplus,"
il avait alors soixante-deux ans. La flexibilité
du Vénitien se prêta à notre langage, à notre
goût et à nos mœurs. Le Bourru bienfaisant
f
troduit plus d'effet à la représentation qu'à la
ecture. Plein d'excellentes idées, Goldoni les
rend ordinairement d'une manière un peu
vague. Il n'a, malgré son talent, ni la légèreté
ni le mordant de la plaisanterie française.
Dans les morceaux sérieux, dont quelques-uns
sont rendus avec force et originalité, il est
plus heureux. Sa comédie est quelquefois at-
tendrissante ; mais les larmes qu'elle fait cou-
ler ne sont point arrachées, comme dans les
drames, par des situations pénibles et exagé-
rées. Tout est naturel et vrai. La sensibilité
et la gaieté y marchent doucement côte à
côte, ce qui explique les fréquentes reprises
qu'obtint ce chef-d'œuvre d'un auteur du se-
cond ordre.
Goldoni lui-même en a donné une traduc-
tion à ses compatriotes. Il Burbero benefico
nous est revenu avec sa parure étrangère le
31 mai 1855, et ceux de nos contemporains qui
avaient applaudi, rue de Richelieu, le classi-
que bourru, ont pu applaudir, à la salle Ven-
tadour, le non moins classique burbero, inter-
prété par l'acteur italien Guttinelli, avec une
vérité remarquable. Ce type du bourru bien-
faisant qui, si l'on en croit le comédien Fleury,
dans ses Mémoires, aurait été inspiré à Gol-
doni par le caractère de son compatriote Car-
lin, le fameux arlequin de la comédie italienne,
ce type, disons-nous, est parfaitement déve-
loppé dans la pièce qui nous occupe. Il est
resté célèbre et a pris place parmi les héros
de comédie dont la saisissante physionomie se
mêle journellement à nos conversations. Un
homme est peint d'un trait lorsqu'on a dit de
lui : • C'est un bourru bienfaisant. • Quel plus
bel éloge peut-on faire d'un ouvrage? et n est-
ce pas une grande victoire pour un poète que
d'ajouter un mot expressif et durable au vo-
. cabulaire ? Quelques lignes encore avant de
terminer. En 1793, le Bourru bienfaisant se
jouait aux Français ; mais, comme le Misan-
thrope et bien d'autres pièces, il se jouait avec
les modifications que des patriotes, entraînés
par leur zèle exagéré, avaient jugé à propos
de faire subir à plusieurs chefs-d œuvre dra-
matiques; si bien que dans la partie d'échecs
que le bonhomme Géronte, resté seul, dispose
a la scène ixe du premier acte, l'acteur chargé
de ce rôle ne disait plus : Echec au roi! mais :
Echec au tyran! satisfaction puérile réclamée
par le parterre d'alors et qui trouve son expli-
cation dans les passions politiques. — Acteurs
. qui ont créé le Bourru bienfaisant : Fréville ,
Géronte; Molé,Dalancour; Bellecour,Dorval;
Monvel, Valère; M"»e Fréville, M'»«= Dalan-
cour; Mlle Doligny, Angélique; M"»e Belle-
cour j Marton.
On a souvent imité le Bourru bienfaisant au
théâtre et dans le roman. Pigault-Lebrun, dans
Monsieur Botte, s'est servi de ce caractère.
Répondant d'avance au lecteur malévole qui
pourrait lui reprocher d'avoir volé Goldoni,
il dit avec raison, en manière de post-face :
« Je n'ai volé personne. On ne crée pas des
caractères. Il faut les prendre dans la nature,
parce que hors la nature il n'y a rien. C'est là
qu'a puisé Goldoni, et moi aussi. Il a fait son
bourru, et moi le mien. Il l'a habillé à sa ma-
nière ; j'ai costumé celui-ci le moins mal qu'il
m'a été possible, et je ne suis pas plus copiste
qu'un sculpteur "qui fait un homme, lorsque
cent autres en ont fait. » Ajoutons que Monsieur
Botte est aujourd'hui à peu près oublié, tandis
que le Bourru bienfaisant conserve son rang
à notre répertoire dramatique. 11 le conser-
vera longtemps encore.
BOURRU
BOURRU (Edme-Claude), médecin français,
né à Paris en 1737, mort en 1823. Il fut le der-r
nier doyen de l'ancienne faculté de médecine,
supprimée en 1793, fit partie de l'Académie de
médecine lorsqu'elle rut rétablie en 1804, et
fut nommé membre honoraire de l'Académie
royale en 1821. Ses principaux ouvrages sont:
Observations et recherches médicales, traduites
de l'anglais; Y Art de se traiter soi-même dans
' les maladies vénériennes (1770) ; Recherches sur
les remèdes capables de dissoudre la pierre et
la gravelle (1775); Eloge funèbre de Guillottn
(1814).
BOURRIQUETBOURRIQUET s. m. (bou-ri-kè — rad. bour-
rique). Anon ou âne de petite taille : Il était
monté sur un BOURRIQUET. Dans la province
d'Oran, les Espagnols ont pour principale in-
dustrie la vente au sable, qu'ils vont chercher
avec des BOURRIQUETS, sur les bords de la
mer.
Mets tes ballots sur le haquet.
Puis attelle le bourriquet.
LA FONTAINE.
I parlant de l'humeur ; inspiré par une humeur
' brusque et chagrine : Caractère, esprit BOURRU.
j II me divertit quelquefois avec ses brusqueries
et son chagrin BOURRU. (Mol.) Quelque BOURRUE
que fût l'humeur de cet homme , elle ne tenait
pas, elle cédait même parfois aux bouffonnes
inspirations de ses amis. (M^e d'Abrantès).
Ces manières BOURRUES , chez un homme aussi
prudent que lui, pénétrèrent de terreur la
jeune comtesse. (G. Sand.)
— Moine bourru, Fantôme très-effrayant
qu'on représentait vêtu de bourre ou de bure,
comme un moine : Et voilà ce que je ne puis
souffrir, car il n'y a rien de plus vrai que le
MOINE
BOURRIQUIER
BOURRIQUIER s. m. ( bou-ri-kié — rad.
bourrique). Conducteur d'ânes : La canne à
suwe croît vigoureusement en Syrie; les BOUR-
RIQUIERS et les muletiers la transportent à Da-
mas de Saïdah et de Tripoli. (Journ. des Déb.)
Il Peu usité.
BOURSAINT
BOURSAINT (Pierre-Louis), administrateur
français, né à Saint-Malo en 1791, mort en
1833. Il entra dans la marine comme novice
timonier, fut nommé en 1808 commissaire de
l'escadre que commandait l'amiral Ganteaume
dans la Méditerranée, devint ensuite chef du
— Techn. Civière qui sert aux maçons pour
enlever des moellons ou du mortier, au •
moyen d'une grue, n Tourniquet à l'aide du-
quel on hisse les fardeaux du fond d'une mine
à l'orifice du puits, u Chevalet pour poser
l'ardoise, quand on travaille sur un toit, u
Banc qui soutient les branches des cisailles
du ferblantier, il Outil de brodeur.
BOURRIR
BOURRIR v, n. (bou-rir — bas lat. burrire,
crier, en parlant d'une bête). Chass. Se dit
du bruit particulier que produit la perdrix
en prenant son vol : Je l'ai entendue BOURRIR.
BOURRIT
BOURRIT (Marc-Théodore), naturaliste et
orographe suisse, né à Genève en 1785, mort
en 1815. Il s'occupa d'abord de la peinture en
émail; puis, ayant eu l'occasion de visiter les
parties les plus curieuses des Alpes, il en re-
produisit les principaux sites en se servant
d'un lavis qui faisait bien ressortir les effets
de lumière sur les glaces et sur les rochers.
En 1774, il publia sa Description des glaciers
de Savoie, dont le roi de Sàrdaigne accepta la
dédicace. U vint à Paris en 1781, offrit à
Louis XVI sa Description des Alpes Pennines
et Rhétiennes, et ce prince l'en récompensa par
une pension sur sa cassette. On lui doit encore :
Itinéraire de Genève à Chamouny (1791);
Description des aspects du mont Blanc (1776);
Description des cols et passages des A Ipes, etc.
(1803); Description des glacières, glaciers, etc.,
du duché de Savoie (1773) ; Observations faites
sur les Pyrénées (1789). etc.
BOURROICHE
BOURROICHE s. f. (bou-roi-che). Pêch.
Engin de pèche en forme de panier.
BOURROIR
BOURROIR s. m. (bou-roir —rad. bourrer).
Pilon pour bourrer, il Tige de bois ou de mé-
tal avec laquelle on tasse la charge d'un trou
de mine : L'emploi des BOURROIRS en fer, en
fonte ou en acier ne doit pas être toléré sur un
chantier, la poudre pouvant s'enflammer par
les chocs du BOURROIR contre les roches sili-
ceuses dans lesquelles les trous de mine ont été
pratiqués.
BOURBONBOURBON s. m. (bou-ron — rad. bourre).
Comm. Laine en bourre ou en paquets, u Dans
le Lyonnais, petit âne qui tette encore sa
mère, à cause de la bourre dont son corps est'
couvert, il Dans quelques provinces de la
France, Se dit souvent d'une cabane, et aussi
d'un simple cabaret de campagne.
BOURROULLEMENT
BOURROULLEMENT s. m. (bon-rou-le-
man). Espèce de gargouillement : J'éprouvai
tout à coup dans l'intérieur de l'estomac un BOUR-
ROULLEMENT qui sepeignait à ma pensée comme
si des myriades de vampires lâchaient prise et
se portaient en masse vers le pylore, pour
échapper au médicament ingéré. (Raspail). u
Inus.
BOURRU,
BOURRU, UE adj. (bou-ru — rad. bourre).
Qui est d'une humeur brusque et chagrine :
Un homme BOURRU. Une femme BOURRUE. Il
était railleur et insolent dans la prospérité, et
fort
BOURRUBOURRU sacrifie aux Grâces une ou deux fois
par semaine. (Balz.) u Brusque et chagrin, en
Bourru bien foi Ban i (LE) , comédie en trois
actes et en prose, de Goldoni, représentée
à la cour le 5 novembre 1771, et reprise sur
le Théâtre-Français. Avec un excellent cœur,
Géronte est brusque, impatient, et intimide
tous ceux qui l'approchent. Son ami, le fleg-
matique Dorval, a seul quelque ascendant
sur lui. Dalancour, neveu de Géronte, dont
les affaires sont très-dérangées par suite de
complaisances aveugles pour les fantaisies de
sa femme, engage cet ami à solliciter en. sa
faveur les secours de son oncle. Géronte ne
veut pas entendre parler de son neveu, dont il
blâme la lâche indulgence ; il aime mieux en-
richir sa nièce Angélique, propre sœur de Da-
lancour. Angélique survient, il l'interroge , la
brusque et 1 effraye ; elle lui avoue que le ma-
riage lui serait plus agréable que le couvent;
mais elle n'ose aire que Valère est maître de
son cœur, et déclare au contraire qu'elle n'a
fait encore aucun choix. Géronte se berce d'un
fol espoir, et déjà Use propose d'unir la jeune
personne à son ami Dorval; celui-ci objecte
son âge : « Comptez-vous pour rien la dispro-
portion de seize ans à quarante-cinq? — Point
du tout, lui répond le bonhomme; vous êtes
encore jeune, et je connais Angélique ; ce n'est
pas une tête éventée. » Pressé par Géronte ,
Dorval accepte, mais à la condition expresse
qu'Angélique donnera son consentement. Gé-
ronte ne suppose môme pas que sa nièce
puisse refuser une pareille union ; aussi court-
il faire dresser secrètement le contrat de ma-
riage. A son retour, il trouve Dorval en con-
versation avec la jeune fille ; il croit que tout
est convenu entre eux, il triomphe, il les féli-
cite; mais Angélique vient de faire l'aveu de
son inclination pour Valère à l'excellent Dor-
val, qui veut parler pour elle contre lui-même.
L'oncle n'écoute rien et raconte ce qu'il vient
de faire : «J'ai été chez mon notaire; j'ai tout
arrangé ; il a fait la minute devant moi, il
l'apportera tantôt, et nous signerons.» Dor-
val veut l'interrompre; Angélique balbutie
quelques paroles. Alors notre bourru de s'é-
crier : « Je voudrais bien voir qu'elle trouvât
quelque chose à redire sur ce que je fais, sur
ce que j'ordonne et sur ce que je veux. Ce
que .je veux, ce que j'ordonne et ce que je
fais, je le fais, je le veux et je l'ordonne pour
ton bien ; entends-tu? » Cependant Dorval par-
vient à lui faire entendre qu'il ne peut être l'é-
poux d'Angélique, et sort. A cette déclaration,
Géronte devient furieux ; Angélique s'est pru-
demment esquivée ; seul, il se livre à sa mau-
vaise humeur ; appelle Picard, Marton, La-
pierre , Courtois, tous ses valets... Picard
paraît, il le maltraite, le fait tomber, maudit
sa brusquerie et finit par lui donner de l'ar-
gent afin qu'il aille chercher les soins que ré-
clame l'état dans lequel il l'a mis. Dalancour
arrive, il se jette aux pieds de son oncle, qui
le rebute d'abord, s'attendrit bientôt, lui ac-
corde sa demande, ce qui revient à dire qu'il
payera ses dettes, mais refuse de voir sa
femme,., une femme -vaine, coquette, pré-
somptueuse... » M
m e
Dalancour paraît au
même moment. Géronte s'irrite; elle s'éva-
nouit; il est le premier à la secourir, et finît,
inquiet, ému, touché, par la retenir chez lui
'avec son mari. Devenu sérieux e t , cette fois,
sans emportement, il les prend l'un et l'autre
par la main et leur dit d'une voix attendrie :
t Ecoutez, mes épargnes n'étaient pas pour
moi; vous les auriez trouvées un jour; vous les
mangez aujourd'hui, la source en est tarie ;
1142 BOUR BOUR BOUR
BOUR
personnel au ministère de la marine, puis di-
recteur des fonds des invalides. On le vit alors
consacrer tous ses soins à établir dans ce ser-
vice important une comptabilité parfaitement
régulière, et il publia d'excellents mémoires
sur ce sujet. En 1823, il fut nommé conseiller
d'Etat, et membre de l'amirauté eh iftsi: Des
fatigues excessives et des chagrins personnels
lé portèrent, deux ans plus tard. à se donner
la mort; mais il avait d'abord fait un testa-
ment par lequel il léguait des sommes impor-
tantes, destinées à venir au secours dès mate-
lots ou de leurs fils.
EOURSAL n. m. (bour-sal — rad. bourse).
Pôch. Filet provençal formé d'une partie co-
nique dont la pointe entre dans une autre
partie en forme de manche.
BOURSAL,
BOURSAL, ALE adi. (bour-sal, a-le — rad.
bourse). Qui tient de la Bourse, qui regarde
la Bourse : Op&ations BOURSALKS. Il Peu usité;
BOURSAULT
BOURSAULT OU BOURSEAÙ3. m. (bpur-SO).
Archit. Grosse mouluré ronde que l'on forme
sur la panne de brisis d'un comble.
— Techn. Nom d'un instrument de plom-
bier et de charpentier, qui sert à arrondir les
tables de plomb.
BOURRUBOURRU dans la mauvaise fortune. (Le
Sage.) Si Dieu m'a créé BOURRU, BOURRU;«
dois vivre et mourir. (P«-I*- Courier.) Le plus
BOURSAULT
BOURSAULT (Edme), poète et auteur dra-
matique, né en 163S", à Mussy-l'Evêque (Bour-
gogne), mort en 1701 a Montluçon. Fils d'un
militaire insouciant et illettré, il ne reçut au-
cune éducation, et vint a Paris à l'âge de
treize ans, ne connaissant encore que le pa-
tois de sa province. Boursault nous apprend;
dans une de ses lettres à Des Barreaux, que
c'est 'à ce poete^ qui lui trouva d'heureuses
dispositions, qu'il dut ses progrès dans la car-
rière littéraire, où il débuta, très-jeune* par
des comédies, des fables, des lettres mêlées
de vers et de prose, et quelques pièces fugi-
tives. Le précoce mérite de Boursault lui va-
lut une place de secrétaire des commandements
de la duchesse d'Angoulême, veuve d'un fils
naturel du roi Charles IX, et il entreprit alors,
d'après le conseil d'un gentilhomme, une ga-
zette manuscrite en vers burlesques, dont le
succès fut si grand que Louis XIV, pour l'en
récompenser, lui accorda une pension de deux
mille livres, avec bouche à cour, lui ordon-
nant de continuer sa gazette et de la lui ap-
porter toutes les semaines. Cette gazette fut
suspendue pour une cause assez singulière, dit
un historien. « Une semaine que Boursault
avait disette de nouvelles plaisantes, il s'en
plaignit à la table du duc ae Guise, chez le-
quel il mangeait souvent. Ce prince lui pro-
posa de mettre en vers une anecdote récente
1
,
qu'il crut propre à amuser le roi et toute la
cour. C'était une aventure arrivée auprès de
l'hôtel de Guise, chez une brodeuse renommée,
où les capucins du Marais avaient fait broder
un saint François d'Assise , leur fondateur;
Le père sacristain , allant voir où en était
l'ouvrage, et y regardant travailler, s'é-
tait endormi sur le métier ', et s'était laissé
tomber la face sur celle du saint. La bro-
deuse , qui en était justement au menton ,
avait imaginé de profiter d'une occasion aussi
favorable qV in attendue pour le décorer d'une
barbe naturelle, et elle avait su coudre
adroitement celle du sacristain au menton du
bienheureux. Lorsque le religieux s'était ré-
veillé, il n'avait pas été peu surpris de se
trouver retenu par ce qu'il avait de plus cher,
et identifié ainsi à son illustre patron. Un dé-
bat assez vif s'était élevé entre l'ouvrière et
le religieux pour décider auquel de celui-ci où
du saint demeurerait la barbe. Le capucin y
tenait de trop près pour consentir à la perdre,
et la brodeuse la trouvait si belle que, déses-
pérant d'en pouvoir former une semblable, elle
ne voulait pas renoncer h en enrichir son ou-
vrage. Cependant le bienheureux fut obligé
de céder a son disciple. Cette historiette parut
à Boursault fort propre a être versifiée, et il
en égaya sa gazette. Le roi en rit beaucoup,
ainsi que toute la cour. La reine même, quoi-
que très-dévote, n'y trouva d'abord rien que
de plaisant, et n'en fut pas scandalisée; mais
le cordelier espagnol, son confesseur, excité
par les capucins, lui en fit un scrupule et l'en-
gagea à demander au roi vengeance de l'ou-
trage fait à tout l'ordre séraphique, dans la
personne de son père sacristain. Le roi; fort
jeune encore, n'était pas trop disposé à punir
une espièglerie qui l'avait diverti. U fit, au*
contraire, tous ses efforts pour calmer la
reine; mais, la voyant inflexible, il lui aban-
donna la burlesque gazette et son auteur, et
elle ordonna au chancelier Séguier de retirer
la permission qu'on avait accordée à Bour-
sault, et de l'envover à.la Bastille. Heureuse-
ment pour ce dernier, le' chancelier l'honorait
de ses bontés, et il eut l'attention, en se sou-
mettant aux ordres de la pieuse princesse,
de recommander à l'officier qu'il chargeait des
siens de laisser au prétendu coupable le
temps nécessaire pour pouvoir écrire au roi
et à quelques-uns de ses autres protecteurs.
Boursault, enchanté du succès de sa gazette,
donnait un "déjeuner à quelques jeunes gens
de sa connaissance, lorsque l'officier, qui par
hasard était aussi de ses amis, vint lui appor-
ter les ordres du ministre. Il fit mettre l'offi-
cier à table, et sans perdre son temps à s'af-
fliger de ce qui lui arrivait, il profita, au
contraire, très-gaiement, de celui qu'on voulait
bien lui laisser pour écrire une lettre en vers
au prince de Condé* son protecteur déclaré :
• Grand prince, on me traite d'impie,
Et d'un hardi faiseur de vera,
Cfut de ses traits malins perça tout l'univers,
On veut que je sois la copie.
Les gens de bien sont ébaubis
De voir les saints du paradis
Déchaînés contre le Parnasse;
Car, auguste sang de nos rois,
C'était autrefois saint Ignace^
Et c'est aujourd'hui saint François, etc. •
Cette épltrè iut fort utiie à son" auteur, car le
prince alla sur-le-champ trouver le roi, et il
en obtint la révocation de l'ordre d'envoyer le
poëte a la Bastille ; mais, pour rie pas trop con-
trarier la reine ', qui voulait absolument qu'il
fût puni, la défense de continuer le gazette
burlesque subsista, et l'on suspendit là pension
^qui y était atfectée. > Boursault publia , pour
rentrer en grâce, les Litanies de la Vierge,
sur chaque verset desquelles il composa une
strophe • où a toutes les grâces de la poésie il
a joint la. piété et l'onction, » dit son fils, le
théaiin.Un recueil de Lettres de respect, d'o-
bligation et d'amour (1666) adressées à Babet
par Boursault, sous le voile de l'anonyme,
avec les réponses de Babet, obtinrent un réel
succès et inspirèrent à la comtesse de la Suze
cet agréable madrigal :
• Babet, qui que tu sois, que tes lettres sont belles)
Que, pour toucher les cœurs, elles ont de pouvoir!
Çê sont des beautés naturelles
Qu'on ne se lasse pas de voir.
Les nalvçtés enchantées
Qu'avec tarit d'enjoûment ton amour a dictées
Ont d'inimitables appas.
Quand Tirets, insensible aux accents de ma lyre;
Pour ne pas m'écouter portait ailleurs ses pas.
Que ne te connaissais-je, hélas!
Tu m'aurais appris à lui dire
Ce que je ne lui disais pas ! •
Boursault se signala encore par quelques pe-
tites nouvelles historiques, telles (\\i'Arté-
mise et Poliante (1670) , le Marquis de Çhavi-
gny (1670), le -Prince de Coudé (1675), et
publia, sous le voile, de l'anonyme : Ne pas
croire à ce qu'on voit (1718), roman très-pi-
quant que l'on attribua .longtemps à Scarron.
Louis XIV, ayant suivi avec intérêt la marche
ascendante du talent de Boursault, chargea ce
dernier de composer, pour l'éducation du dau-
phin, la Véritable étude des souverains (1671),
a ouvrage écrit avec autant de feu que de ju-
gement, dit le fils de l'auteur, et qui est plein
d'un bout à l'autre d'exemples illustres et
nécessaires, tant aux jeunes princes qu'on
instruit qu'aux grands hommes qui sont
chargés d une instruction si précieuse. • Bour-
sault fut nommé alors sous-précepteur du
dauphin ; mais il refusa par modestie, alléguant
son ignorance de la langue latine, «' Pour dé-
dommager le poète, dit un historien
?
le roi lui
rendit la permission de faire sa feuille pério-
dique en vers burlesques, mais toujours ma-
nuscritëj et Boursault recommença a la distri-
buer tous les mois, sous le titre de la Muse
enjouée, servant à l'amusement et à l'instruC'
tion de M. le dauphin. Il profita encore bien
peu de temps de ce nouvel avantage ; car, ayant
mis dans sa gazette quelques traits piquants
contre le roi d'Angleterre, on crut, par politi-
que, devoir les desavouer, et la feuille bur-
lesque fut de nouveau suspendue. Nous étions
alors en guerre avec l'Angleterre, et elle ve-
nait de faire frapper une médaille sur laquelle
étaient d'un côté Louis XIV, entouré de ces
mots : Ludovicus magnus, et de l'autre côté, le
roi d'Angleterre, avec cette inscription : Guil-
lelmus maximus. Boursault avait plaisanté sur
ces inscriptions, et l'article de sa Muse en-
jouée finissait par ces vers :
Et quand Louis est grand par de grandes vertus,
SI Guillaume est très-grand; c'est par de très-grands
[crimes.
On bommençait à parler de.paix ; Louis XIV, ne
voulant pas qu'on .^ùt nous reprocher cette
apostrophe, retira là permission de la Muse
enjouée, en faisant dire à l'auteur, par lé chan-
celier Boucherat.que
t
ce n'était par aucun
mécontentement qu'on eût de lui, mais par des
raisons supérieures et q^ûi lui 'étaient étran-
gères. »
Disons îïri mot des démèlçs de Boursault.âvec
Molière, et surtout avec Boileau. « Quelques
personnes auxquelles il était de toute imposa
sibililé à Boursault de rien refuser l'avaient
obligé, malgré lui
t
à,faire une critique de
{'École des femmes, dans sa comédie du Por-
trait du peintre. Molière s'en était vérigé dans
Y Impromptu de Versailles ; niais ce ne fut pas
le seul ni le plus .fâcheux désagrément que
Boursault eut à subit en cette occasion. Boi-
leaù l'avait placé dans sa septième satire,
croyant devoir partager le ressentiment de
son ami Molière. Boursault, pour se venger,
fit une comédie intitulée : la Satire des satires.
Boileau, l'ayant appris, eut assez de crédit
pour obtenir un arrêt du parlement qui défen-
dit de la jouer. Cependant Boursault 1 imprima,
avec une préfacé, aussi vive que judicieuse,
sur la licence de nommer sans retenue des
gens d'esprit et d'honneur. Boileau, qui s'at-
tendait à un libelle diffamatoire, fut touché de
la modération du poëte, et il a dit plusieurs
fois que Boursault était, le seul qu'il se repen-
tît d avoir attaqué, et ,que la préface de la
comédie de ce dernier était l'écrit le plus ju-
dicieux de tous ceux qui avaient paru contre
ses satires. » Cette assertion se trouve con-
firmée par un passage d'une lettre de Boileau
à Brossette, et dont celui-ci a inséré un frag-
ment dans la neuvième épltrè du satirique.
Boursault, qui avait obtenu, en. 1683, un grand
succès avec sa comédie du Mercure galant.
fût nommé receveur des tailles à Montluçon,
en Bourbonnais: Il alla, eh 1685, prendre les
eaux à Bourbon, et, ayant appris que Boileau
s'y trouvait eh proie à un pressant besoin
d argent, il lui porta, une bourse de deux
cents louis. Ce procédé généreux toucha
l'âme.de Boileau, qui, dans ses œuvres, substi-
tua, selon les. besoins de la mesure et de là
rimé, lés noms de Pradon et de Perrault a ce-?
lui de son ennemi, Pierre Corneille appelait
Boursault son fils, il avait applaudi ses pièces
et aidé ses premiers pas dans la carrière dra-
matique. Thomas Corneille, de son côté, vou-
lait absolument que Boursault demandât a être
de l'Académie française ; mais ce dernier lui
disait : « Que ferait l'Académie d'un auteur
qui ne sait ni latin ni grec? — Il n'est pas
question d'une Académie grecque ou latine ;
répondit Thomas Corneille, mais d'une Aca-
démie française. Eh ! qui sait mieux le fran-
çais que vous? » Les Fables d'Ésope et Esope
à la cowr, comédies de Boursault, obtinrent
un succès durable, que justifient une gaieté
naturelle qui approche souvent dû vrai co-
mique, un style correct et élégant
i
e t , a
défaut de caractères, des situations et quel-
ques scènes qui ne seraient pas indignes de
Molière, La tragédie réussit moins à Bour-
sault, qui ne s'y éleva jamais au-dessus de la
médiocrité. Les traits caractéristiques, de ce
poëte étaient une modestie bien rare chez un
auteur, et une naïveté digne de,l'âge d'or.
Boursault, ayant perdura place de receveur
des tailles, nous dit, dans une de ses lettres
«qu'il fut révoqué n'étant pas assez méchant. »
La confidence £st piquante à tous égards, mais
elle né saurait étonner chez l'homme d'une
piété sincère qui jadis, dit un contemporain
1
,
demandait à son ami, le père Gaffaro, des
éclaircissements sur la comédie, désirant sàr
voir si l'on pouvait sans scrupule se livre** à
ce genre de travail. Ce savant théàtin lui
avait écrit une très-longue lettre , où, en re-
cherchant les opinions différentes des Pères
de l'Eglise sur la comédie, il en produit un
plus grand nombre de favorables que de. con-
traires. Cette lettre est imprimée en tête des
œuvres dé Boursault. Celui-ci, ayant été atta-
qué d'une colique violenté qui lui noua lès in-
testins, mourut en 1701, huit jours après avoib
subi l'opération,là plus douloureuse, il s'étei-
gnit entre les bras.de son fils, religieux théà-
tin, qui reçut sa dernière confession. Bour-
sault eut dé nombreux amis, dont les noms
sont à la fois un éloge et un honneur pour ce
E
oëte. On cite, entre autres : Quinault, Ménage,
ÎS deux Tàllemont, Segrais, les ducs de Saint-
Aignan et d'Aumont, Charpentier, Seudéry et
sa sceur, Mm es de là Siize et de Villedieu, et
Hichelet, si connu par son dictionnaire. Ce
dernier, ayant su que.le chevalier Edelinck
gravait le portrait de Boursault, lui envoya
les vers suivants pour mettre au bas :
• Voiture, Sarrazin, La Fontaine, Molière,
pont la Parque inflexible a fini ta carrière.
Poètes accomplis, orateurs excellents.
L'homme à qui ce portrait ressemble,
Sans étude, lui seul, a les divers talentB
Qu'avec tant de savoir vous aviez tous ensemble. >
On voit que l'amitié est parfois aussi aveugle
plète des pièces de cet auteur : le Médecin vo-
lant, comédie en un acte, en vers (théâtre de
l'hôtel de Bourgogne, 1661); le Mort vivant,
comédie en trois actes, en vers (théâtre de
l'hôtel de Bourgogne, 1662); le Portrait du
peintre ou la Contre-critique de l'Ecole des
femmes, comédie en un acje, en vers (théâtre
de l'hôtel de Bourgogne, 1663); les Cadenas
ou le Jaloux endormi, comédie en un acte, en
vers (théâtre de Guénégaud, 1663); les Ni-
candres, frères jumeaux, oU les Menteurs qui
ne mentent point, comédie en cinq actes, en
vers (théâtre de l'hôtel de Bourgogne, 1664) ;
les Yeux de Philis changés en astres, pastorale
en trois actes, en vers (théâtre de 1 hôtel de
Bourgogne, 1665); la Satire des satires, co-
médie en un acte, en ver,s (non représentée),
imprimée en 16G9; la Prùicesse de Clèves, tra-
gédie en cinq actes, en vers, avec un prologue
(théâtre de Guénégaud, 20 décembre 1670),
non imprimée; Germamcus, tragédie en cinq
actes, eh vers (théâtre de Guénégaud, 167Î);
le Mercure galant ou la Comédie sans titre,
comédie en cinq actes, en vers (théâtre de
Guénégaud, 5 mars 1683) ; Marie Stuart, reine
d'Ecosse, tragédie en cinq actes, en vers
(théâtre de Guénégaud, 7 décembre 1683) ; la
Fête de la Seine, divertissement en un acte -,
en vers et en musique (représenté chez la du-
chesse de Brunswick, à Asnières, en 1690);
les Fables d'Esope ou Esope à la ville, comé-
die en cinq actes, en vers, précédée d un pro-
logue (Comédie-Française, 18 janvier 1690);
Phaéton, comédie héroïque en cinq actes,,en
vers libres (Comédie-Française, 28 décembre
i691) ; les Mots à là mode, comédie en un acte,
envers (Comédie-Française, 19 août 1694);
Méléagre, tragédie lyrique en cinq actes, en
vers {non représentée), imprimée en 1694 :
Esope à la cour, comédie héroïque en cinq
actes, en vers, avec un prologue, ouvrage
posthume (Comédie-Française, 16 décembre
1701). — Enfin on a de Boursault des Lettres
nouvelles accompagnées de fables, de coûtes,
d'épigrammes, de bons mots, etc. (Paris, 1697).
Nous citerons, en terminant; deux de Ses pièces
légères :
Certain intendant de province,
Qui menait avec lui l'équipage d'un prince,
En passant BUT un pont parut fort en courroux ;
Pourquoi, demanda-t-il au maire de la ville,
A ce pont étroit et fragile
N'a-t-on point mis de garde-fous T
Le maire, craignant son murmure.
Pardonnez, monseigneur, lui dit-il assez haut :
Notre ville n'était pas sûre
Que vous y passeriez si tôt.
Les académiciens ont aussi exercé là verve
épigrammâtiqué de Boursault, comme le prouve
la pièce suivante, adressée à une dame de sa
connaissance :
£'il est vrai que Bans fard VOUB Boyez mon amie,
D'aucun chagrin pour moi n'ayez le cœur saisi
De ce qu'on ne m'a point choisi
Pour être de l'Académie :
Il m'est plus glorieux qu'un objet plein d'appas
Me demande, comme vous faites :
D'où vient que vous n'en êtes pas?
Qu'à ceux a qui l'on dit: D'où vient que vous en étant
BOURSAULT,
BOURSAULT, dit), acteur français, directeur de
théâtre, auteur dramatique, homme politi-
que, etc., né à Paris en 1752, mort en 1842.
11 descendait, non de Malherbe, mais du poêle
Boursault. Fils d'un marchand de draps du
quartier des innocents, il quitta Paris pour
suivre des comédiens ambulants, et se fit une
réputation dans les premiers rôles; il eût suc-
cédé peut-être à Lekain, si Larive n'eût dé-
buté avant lui au Théâtre-Français; la tra-
gédie lui étant dès lors interdite, il parut sur
notre première scène dans la comédie, et se
fit applaudir dans le Philosophe marié et dans
la Gageure imprévue. Mais bientôt on le r e -
trouve à Marseille, puis à Palerme, dirigeant
un théâtre, et ià, poursuivi par la mauvaise
chance, tentant de se suicider sous les yeux
du roi, qui
(
le sauve et paye ses dettes. De
retour à Paris au moment où la Révolution
commençait, il se lance à corps .perdu dans le
mouvement. Quittant le nom de Malherbe sous
lequel il était connu jusque-là , il reprend le
sien et t'ait construire, entre les rues Saint-
Martin et Quincampoix, un théâtre auquel il
donne le nom de Théâtre Molière. Cette salle,
pu Ronsin fit représenter ses pipees révolu-
tionnaires, exerça une influence immense sur
la population du quartier, et Boursault re-
cueillit bientôt le prix de son activité. Nommé
d'abord électeur de Paris,, il dëvintj en 17^3,
membre suppléant à la Convention nationale.
En cette qualité, il eut a remplir diverses mis-
sions politiques dans plusieurs départements.
Accusé de concussion, il allait être arrêté,
quand Collot-d'Herbois, son ancien camarade
de collège, le sauva, en le faisant partir pour
Rennes, sous prétexte d'une levée de chevaux.
Envoyé en Bretagne et ensuite dans le dépar-
tement de Vaucluse, il sauva au péril de sa
vie les prisonniers d'Avignon, que des furieux
voulaient égorger. Quittant la scène politique,
bien dangereuse pour un homme d'imagina-
tion active et variable, il reprit là direction
du théâtre Molière qui s'appelait alors Théâ-
tre des variétés nationales et étrangères; il
etfaça le mot nationales et entreprit de jouer
Lope de Vega, Calderon, Schiller, etc. La spé-
culation ne iut pas heureuse, mais le balayage
des rues de Paris et l'exploitation des maisons
de roulette et de trente et quarante, qu'il obtint
successivement, lui rirent acquérir en peu de
temps une immense fortune. Alors il se signala
par son goût pour l'horticulture et ses décou-
vertes botaniques. Son jardin de la rue Blan-
che était un des plus célèbres de l'Europe,
comme sa galerie de tableaux, une des plus
magnifiques ; car, en toutes choses, c'était un
cUrieux et un amateur. Son activité ne l'aban-
donna jamais. En 1830, il eut un retour de jeu-
nesse, acheta 3 millions la salle Ventadour, et,
par un coup de commerce, gagna 1,500,000 fr.
a cette opération; quelques mois après, il ne
recula pas devant la direction de l'Opéra-
Coinique; il allait sombrer dans cette affaire,
lorsque, appréciant d'un coup d'œil sa position
désespérée, il rassemble ses artistes et ses
employés, leur montre le précipice que sa for-
tune ne pourra combler, s ils le forcent à con-
tinuer l'exploitation de son privilège, et, dé-
couvrant tout à coup, au plus fort de sa
harangue, des piles d'or et des liasses de billets
de banque cacnés derrière Une draperie, ott're,
s'ils veulent rompre leur engagement séance
tenante, de leur payer à l'instant même unt
année de leurs appointements. Toute la troupe
accepta la proposition, et l'homme du tapis
vert sauva par cette part donnée au feu une
fortune entière, qui eut été dévorée. Un nou-
veau caprice s'empara bientôt du vieillard.
Sa galerie est mise en vent8^ ses fleurs rares
aussi, son parc abattu, et sur l'emplacement
s'élèvent deux rangées de maisons parallèles,
qui prennent le nom de rue Boursault. Ce fut
sa dernière fantaisie et sa dernière entreprise.
Il mourut peu de temps après. — Boursault a
donné au théâtre plusieurs pièces de sa copt-
ÈOÙR
BOUR
BOUR
BOUR 1143
position, entre autres l'Ecole des épouses, co-
médie eii vers; le Bon Tourangeau, vaude-
ville ; mais de l'écrivain. du comédien, du
directeur de théâtre, du représentant du peu-
ple, du directeur des jeux, de l'entrepreneur
du balayage public, de l'amateur de tableaux
et de l'horticulteur, que resterait-il si cet
homme singulier n'avait inscrit son nom dans
les fastes de sa ville natale en se faisant con-
structeur de maisons, par un dernier caprice
de son esprit aventureux?
BOURSAULT-MALHËRBEBOURSAULT-MALHËRBE (Jean -François
BOURSAULTBOURSAULT (Dom Chrysostome), moine
théatin. né à Paris vers 1664, mort en 1733 ,
était fils du précédent. Il entra dans l'ordre
des théatins en 1686, et prêcha à plusieurs
reprises devant Louis XV et sa cour. La su-
périorité de son esprit, la douceur de son ca-
ractère, son affabilité et sa politesse lui atti-
rèrent l'amitié des personnes les plus distin-
guées du temps. Nommé supérieur de son
ordre en 1726, il apporta quelques changements
& la pratique de 1 Avent^ et mourut dans la
maison des théatins a Paris. Cette maison
était, comme on sait, située quai des Théatins,
aujourd'hui le quai Voltaire.
BOURSE
BOURSE s. f. (bour-se—dugr. ftursa, même
sens). Petit sac dans lequel on met de l'ar-
gent pour le porter sur soi : BOURSE de cuir.
BOURSEBOURSE de filet. BOURSE à ressort. BOURSE
gui s'ouvre et se ferme avec des cordons, avec
des coulants. Tirer de l'argent de sa BOURSE.
Il fallait entendre les vœux que nous faisions
pour tirer la moelle de leur BOURSE. (Le Sage.)
Les anciens, ne connaissant pas l'usage des
poches aux vêtements, durent se servir de la
BOURSE. (Bachelet.)
Il ne faut pas de bourse a qui veut dépenser.
REGNARD.
— Par anal. Petit sac fait comme une
bourse, et servant à serrer des objets quel-
conques ': Mettre des jetons dans une BOURSE.
il Sac de taffetas noir dans lequel les hommes
enfermaient autrefois leurs cheveux par der-
rière, et la barbe à une époque plus reculée :
Porter ses cheveux en BOURSE. Perruque en
BOURSE. Quelques Orientaux, au lieu de BOUR-
SES à cheveux, ont des BOURSES à barbe, c'est-
à-dire qu'ils enferment leur barbe dans des
BOURSAUT
BOURSAUT s. m. (bour-sô). Bot. Espèce
de saule.
BOURSESBOURSES de soiej comme nous y enfermons nos
cheveux. (Courrier des spectacles.) il Petit sac
dans lequel on serrait autrefois sa montre, il
Vieux.
— Par ext. Argent contenu dans la bourse :
Il donna toute sa BOURSE au mendiant. Entre
Espagnols, c'est offenser un ami que de ne pas
recourir à lui quand on a besoin de sa BOURSE
ou de son évée. (Le Sage.) Je joignis le père et
lui demandai la BOURSB , en lui présentant le
bout d'un pistolet. (Le Sage.)
. Mais je vois un bandit, qui ne craint plus l'enquête,
A ma bourse en plein jour adressersa requête.
C. DBLAVIQNE.
Il Argent que l'on possède, fortune person-
nelle, avoir, ressources pécuniaires : Un
homme bien élevé aime encore mieux qu'il en
coûte à sa BOURSE qu'à son amour-propre. (B. de
St-P.) La source de tous-les pouvoirs est dans
la
BOURSEBOURSE des contribuables. (A. Carrel.) Qui-
conque me parle de Dieu en veut à ma BOURSE
ou à ma liberté. (Proudh.) Il me prêta 50 louis,
pour combler le vide que ces six mois avaient
fait dans ma BOURSE, et il partit. (Lamart.)
Pas un impôt ne se paye, dont le premier écu
ne rentre dans la BOURSE des juifs. (Toussenel.)
La bourse de César fit plus que sa harangue.
CORNEILLE.
S'il suffit d'un huissier pour vider une bourse,
Qui pourrait contre sept trouver quelque ressource?
BOURSAULT.
n Personne considérée au point de vue de
sa fortune, de ses ressources pécuniaires :
S'adresser aux bonnes BOURSES, aux grosses
BOURSES.
— Argent que l'on met en commun pour
subvenir à certaines charges communes :
Faire une BOURSE, H Masse d'argent que for-
maient autrefois ceux qui tiraient au sort,
pour fournir des remplaçants à ceux d'entre
eux que le sort désignait pour porter les ar-
mes, n On dit aujourd'hui MASSE.
— Particulièrem. Pension fondée dans un
établissement d'instruction publique, pour
l'entretien d'un élève pendant la durée de
ses études : Fonder une BOURSE dans un col-
lège, dans un séminaire, dans une école spé-
ciale. Obtenir une BOURSE. Avoir BOURSE en-
tière, trois quarts de BOURSE, une rfemi-BOURSE.
Ne pourrait-on pas former dans chaque collège
un certain nombre de places purement gra-
tuites, qu'on appelle en France des BOURSES ?
(J.-J. Rouss.) Il faisait si bien le pauvre au-
près du comte, qu'il avait obtenu deux BOURSES
entières pour ses enfants. (Balz.) Un parent de
Camille Desmoulins avait obtenu pour lui une
BOURSE,BOURSE, et il y fit honneur. (Ste-Beuve.)
Il Grandes bourses, Pensions accordées, sous
l'ancien régime, aux maîtres es arts
?
pour
les mettre à même de continuer leurs études
dans les facultés supérieures. |i Petites bour-
ses, Pensions moins fortes données à ceux
qui étudiaient les humanités ou la philoso-
phie, pour arriver au grade de maîtres
es arts.
— Loc. fam. Bourse plate, Etat d'une per-
sonne qui n'a guère d'argent : Ma BOURSE
est toujours PLATE, H Bourse commune, Argent
que l'on met en commun : Autrefois, tu t'en
souviens, nous faisions BOURSE COMMUNE.
(Scribe.) Il Se dit spécialement de la mise
en commun de fonds prélevés, en exécution
d'un règlement
}
sur les honoraires de cer-
tains officiers ministériels : BOURSE COMMUNE
des huissiei^s, des commissaires-priseurs. \\
Sans bourse délier, Sans qu'il en coûte rien :
Le domaine, ayant fait mettre en prison les
pères de famille, avait acheté leurs meilleures
possessions SANS BOURSE DÉLIER. (Volt.) A
Paris, les femmes sont admises dans tous les
bals SANS BOURSE DÉLIER. (L.-J. Larcher.)
Il Coupeur de bourses, B'ilou qui vole dans les
poches. Autrefois les bourses se portaient
suspendues ostensiblement à des cordons que
les voleurs coupaient. Il Couper les bourses,
Voler dans les poches, il Se laisser couper la
bourse, Etre dupe ou trop facile dans une
affaire d'argent : J E ME SUIS LAISSÉ COUPER
LA BOURSE; j'ai donné tout l'argent qu'on exi-
geait de moi. (Açad.) il Cette locution a vieilli.
Il Avoir la bourse, tenir la bourse, tenir les
cordons de ta bourse, Avoir le maniement de
l'argent : Ce n'est pas moi qui TIENS LA
BOURSE,
BOURSE, les cordons en sont confiés à ma
femme, n Tenir serrés les cordons de la bourse,
Régler économiquement la dépense d autrui :
TIKNS LES CORDONS' DE LA BOURSE un peu
SERRÉS. (Balz.) |] Etre, avoir toujours la bourse
à la main, Faire des dépenses continuelles :
A les entendre, il faudrait ÊTRE TOUJOURS LA
BOURSE
BOURSE À LA MAIN. fLe Sage.) il Faire quelque
chose la bourse à la main, La faire avec de
l'argent : Il n'y a que les paresseux de bien
faire qui ne sachent faire le bien que LA BOURSE
À LA MAIN. (J.-J. Rouss.) fl Malmener la bourse
de quelqu'un, En abuser, y puiser sans discré-
tion, lui imposer des dépenses exagérées :
Les architectes sont intéressés à MALMENER LÀ
BOURSE
BOURSE de leurs clients, il Loger le diable dans
sa bourse, N'avoir pas un sou :
Un homme qui n'avait ni crédit ni ressource.
Et logoant le diable en sa bourse,
C'est-a-dire n'y logeant rien,
S'imagina qu'il ferait bien
De se pendre
LA FONTAINE.
D Ne pas laisser voir
}
ne pas montrer le fond de
sa bourse, Cacher l'état de sa fortune, de ses
affaires : Ne MONTRE jamais LE FOND DE TA
BOURSEBOURSE ni de ton cœur. H "Ouvrir sa bourse à quel-
qu'un, Mettre son argent à la disposition de
quelqu'un : Il en est d'eux comme de ceux qui
vous OUVRENT LEUR BOURSE, en disant : Prenez ;
on en use honnêtement, Il Faire bon marché de
sa bourse, Se vanter qu'on a payé une chose
moins qu'elle n'a. coûté réellement, (l La
bourse ou la vie, Manière usitée chez les vo-
leurs de demander à quelqu'un son argent,
en menaçant de le tuer s'il refuse de le
donner : Les voleurs nous crient : LA BOURSE
OU LA VIE 1 les médecins nous prennent LA
BOURSE
BOURSE ET LA VIK. (Shakspeare.) Il Donner sa
bourse à garder au larron, Mal placer sa con-
fiance , confier à quelqu'un une chose dont il
est capable d'abuser.
— Prov. Ami jusqu'à la bourse
x
Ami tiède,
dont l'amitié ne va pas jusqu'à faire un sacri-
fice d'argent. Les Latins disaient de même :
Amicus usque ad crumenam.
— Comm. et Banq. Lieu, édifice public où
se réunissent, pour traiter de leurs affaires,
les personnes qui se livrent au commerce ou
à des opérations financières : Construire une
BOURSE. Fréquenter la BOURSE. Ces valeurs
sont cotées à la BOURSE. Paris, comme Sparte,
a son temple de la Peur, et c'est la BOURSE:
(H. Heine.) La BOURSE est le temple de la
spéculation. (Proudh.) La BOURSE est non-
seulement un hospice ouvert aux capitaux sans
emploi, elle est aussi le repaire de l'aqiotaqe.
(LTBlanc.)
La Bourse est, pour Paris, l'antre de la sibylle.
VlEKNET."
. . . . . . La Bourse est un champ clos
Ou c'est, au lieu de sang, de l'or qui coule à. flots.
PONSARD.
J'ai fréquenté, jusqu'à présent,
La Bourse plus que le Parnasse.
SCRIBE.
Si l'on remontait à la source
Des biens nouvellement acquis,
On retrouverait à' la Bourse
Tous ceux qui la coupaient jadis. *"*
Il Marché qui se tient dans le même lieu,
genre d'affaires qui s'y'traitent : La BOURSE est
le marché des valeurs mobilières. (Crampon.)
Il n'est guère possible d'être plus à jour que
cet homme-là; il faut croire que la finesse qui
sert dans les affaires de BOURSE est une finesse
bien courte. (Th. Leclercq.j
La Bourse selon vous, ô gens de la campagne,
Est un jeu comme un autre, où l'on perd et l'on gagne.
PONSARD.
Il Négociants, commerçants qui fréquentent
la Bourse : La BOURSE est en désarroi. Une
grande panique s'est emparée de la BOURSE, n
Cours de la Bourse, ou simplement, Bourse,
Cours des effets négociés à la Bourse, taux
auquel ils ont été vendus à la Bourse ': Tous
les COURS DE LA BOURSE sont en baisse. La
BOURSEBOURSE est en kausse aujourd'hui.
Des plaisirs, des chagrins la véritable source,
Dans tous les temps, pour l u i , c'est le cours de la
:
[ Bourse.
Vioée.
n Jouer à ta Bourse, Spéculer sur la variation
des fonds qui se négocient à la Bourse. "
^—Par ext. Se dit quelquefois de tout endroit
où se traitent des affaires commerciales :
C'était dans cette taverne que se traitaient
d'habitude les affaires de la cote; déjà deux
ou trois fois Dantès était entré dans cette
BOURSEBOURSE maritime. (Alex. Dum.)
— Jurispr. comm. Bourse des marchands,
Bourse et convention des marchands, Bourse
commune, Ancien nom des tribunaux de
commerce.
— Art milit. Bourse à balles, Petit sac de
cuir dans lequel les mousquetaires à pied
serraient les balles. Il Bourse de giberne,
Poche en cuir que l'on cousait autrefois sur
le devant de la giberne , et qui contenait les
pierres de rechange.
— Hist. Sorte de gratification que, avant
la Révolution, les états de certaines pro-
vinces, notamment ceux de Bretagne, don-
naient aux plus nécessiteux et aux plus
zélés de leurs membres : L'ordre du tiers s'est
ensuite retiré à la chambre pour nommer les
BOURSESBOURSES au scrutin, et c'est la brigue et la
cabale qui en ont fait le partage, entre ceux
des membres qui avaient le moins travaillé.
(Journal des états de Bretagne en 1770.) fl
Bourse de secrétaire du roi, Ce qui revenait à"
cet officier sur les droits de sceau, il Bourse
de jetons, Bourse pleine de cent jetons d'or ou
d'argent, que certains corps offraient an roi ou
aux magistrats, dans quelques circonstances.
— Liturg. Double carton, couvert d'étoffe,
dans lequel on met les corporaux qui servent
à l'autel.
— Métrol. Monnaie de compte usitée dans
le Levant, et généralement" évaluée à
i,78i fr. 28 c. n Monnaie de compte usitée en
Egypte, et Valant dans ce pays 750 piastres
ou 1,222 fr. 50 c. 11 Monnaie de compte usitée
en Turquie et valant 500 piastres,'valeur
grandement dépréciée, comme celle de la
piastre, et qui vaut aujourd'hui de 135
a 165 fr. : Pour quelques BOURSES, un ianis-
saire devient un petit aga. (Chateaub.) il On
l'appelle souvent BOURSE D'ARGENT, li Bourse
d'or, Dans le même pays, Monnaie de compte
valant 30,000 piastres, c'est-à-dire de 8,100
â 9,900 fr.
— Chass. Filet en forme de poche, que l'on
place à l'entrée d'un terrier, pour y prendre
tes lapins que l'on chasse au furet.
— Fauconn. Gorge de l'oiseau.
— Bot. Capsule 'des anthères. 11 Bourgeon
court et conique des arbres fruitiers qui
ne produit que des boutons à fleur. 11 Mem-
brane qui renferme certains champignons
avant leur entier développement. 11 Bourse à
pasteur, bourse à berger, Nom vulgaire de la
capselle.
— Zool. Sacs ou poches que se construisent
les chenilles et où elles passent l'hiver : Il n'y
aura pas une BOURSE de chenilles dans les ré-
gions cultivées sociétairement. (Four.)
— Anat. Nom de plusieurs, membranes
affectant la forme d'une poclie *: BOURSES
synoviales, muqueuses, sébacées. H Pi. Nom
vulgaire du scrotum, ou poche membraneuse
qui enveloppe les testicules.
— Ichthyol. Nom vulgaire de plusieurs
espèces de poissons des genres baliste et
tétrodon.
— Conchyl. Nom marchand des casques,
des peignes et d'une espèce d'huître.
— Polyp. Bourse-à-berger, Espèce de poly-
pier de la classe des bryozoaires.
—: Pêch. Nom générique de tous les filets
fermés, comme manches, poches, queues et sacs.
— Encyct. Comm. et fin. On appelle Bourse
le lieu où se réunissent, à des heures déter-
minées, les négociants d'une ville, les capi-
taines de navires, les banquiers, les capita-
listes, agents de change et courtiers, pour
traiter d'affaires. Ces réunions de gens de
négoce ont existé de tout temps dans les
villes commerçantes. Le Collegium mercato~
rium mentionné par Tite-Live, et dont on voit
encore les restes près du mont Sacré, devait
exister tout aussi bien dans les autres villes
de l'Italie qu'à Rome. Selon quelques étymo-
logistes, c'est à Bruges que ces réunions ont
commencé, dans les temps modernes, à s'ap-
peler Bourse, la place où el$es se tenaient
ayant pris ce nom à cause des trois bourses
peintes sur les armoiries de "Van der Bourse,
négociant dont l'hôtel s'élevait à l'extrémité
de cette même place. Dans presque toutes les
autres villes de l'Europe, cette dénomination
fut adoptée; cependant, en Angleterre, on ap-
pelle stock exchange le lieu qui sert aux réu-
nions des commerçants et de tous ceux qui
veulent trafiquer sur des valeurs négociables.
La plus ancienne Bourse de France paraît
être celle de Lyon; ensuite sont venues celle
de Toulouse, établie en 1549, et celle de
Rouen, en 1556; celle de Paris n'a été légale-
ment constituée que le 24 septembre 1724.
Toutefois Paris était déjà, depuis quatre siè-
• des, place de change; son nom figure en tête
des quatorze changes royaux établis en 1305
par Philippe le Bel. IJ Histoire de Paris de
Sauvai et de Dulaure nous fuit suivre les réu-
nions des marchands successivement sur le
Grand-Pont, qui s'appela dès lors Pont-au-
Charige, dans la cour du Palais-de-Justice, et
rue Quincamppix, à l'hôtel de Soissons, où
elles se tinrent jusqu'en 1720. A cette époque,
un arrêt du conseil en ordonna la fermeture,
et décréta l'établissement d'une place appelée
Bourse, dont l'entrée principale serait rué
Vivienne. La Bourse fut installée dans l'hôtel
de Nevers, devenu depuis la Bibliothèque
nationale. Fermée le 27 juin 1793 par décret
de la Convention, la Bourse de Pans se rou-
vrit en vertu de la loi du 6 floréal an III.
Sous le Directoire, elle se tint dans l'église
des Petits-Pères ; sous le consulat et l'Empire,
au Palais-Royal, cour Virginie. La Restaura-
tion la transporta rue Feydeau. C'est là qu'elle
était lorsque, le 6 novembre 1826, elle fut dé-
finitivement installée dans le palais qu'elle
occupé encore. Les frais de construction de ce
monument ont été couverts en grande partie
par les souscriptions des agents de change et
des commerçants: le surplus a été paye par
l'Etat et la ville de Paris. Les opérations qui
se font à la Bourse ont toujours du se négocier
par l'intermédiaire de courtiers et d'agents
privilégiés. (Vpir'les mots CHANGE, COURTIER,
AGENT de change.} La loi a limité le nombre
de ces intermédiaires, et déterminé la nature
des opérations auxquelles il leur est permis de
se livrer. De 1791 à 1802, les professions
d'agent de change et de courtier furent libres,
comme les autres, à la condition de payer
patente. La seule intervention de l'autorité
publique dans les transactions de Bourse de
Cette période fut d'assujettir, par la loi du
29 vendémiaire an IV, les agents de change à"
établir chaque jour, à l'issue de la Bourse, le
cours du change et celui de l'or et de l'argent.
Le résultat des négociations et transactions
faites en Bourse constitue les cours du change,
des marchandises, des matières d'or et d'ar-
gent, des effets publics et autres admis à la
dote officielle. Dans les Bourses des ports de
mer, on discute également le prix des assu-
rances, des transports par terre et par eau.
Les cours sont constatés officiellement par les
agents de change et courtiers sous le contrôle
de l'autorité. A Paris, l'autorité est représen-
tée par un commissaire de police spécial.
Vingt-deux villes ont des Bourses de fonds
publics, et soixante-huit villes des Bourses'de
commerce. Parmi les Bourses de fonds publics,
six seulement: celles de Paris, Lyon, Bordeaux,
Marseille, Toulouse et Lille, établissent une
cote officielle pour la négociation des effets
publics. Toutefois, sur les places autres que
celle de Paris, il ne se négocie guère que des
yaleurs locales; les ordres un peu importants
en valeurs industrielles ou en fonds publics
sont généralement transmis à Paris. L'agent
de ehange de province ne sert que d'intermé-
diaire entre son client et l'agent de change de
Paris avec lequel il est en relation d'affaires.
La partie de la Bourse où les opérations sur
fonds publics doivent exclusivement être faites
s'appelle parquet. Elle est exclusivement ré-
servée aux agents de change. On appelle cou-
Uèses les endroits où se tiennent les courtiers
clandestins connus sous le nom de çoùtissiers
ou de courtiers, marrons.
Les Bourses sont publiques; mais le négo-
ciant failli non réhabilité né peut se présenter
à la Bourse du commercé. La morale de la
Bourse des effets publics est beaucoup moins
rigoureuse ; on y coudoie a chaque pas des
spéculateurs qui n'ont pas payé leurs diffé-
rences. A Paris, la Bourse des effets publics
se tient tous les jours non fériés ', de midi à
trois heures. La Bourse dès marchandises se
tient également tous les jours, mais plus par-
ticulièrement le mardi et le samedi, de trois
heures à cinq heures!
L'entrée de là Bourse, qui avait été libre
jusqu'en 1856, fut cette année assujettie à un
droit de l fr.-pour la Bourse des effets publics,
et de 50 c. pour celle des marchandises. On
pouvait s'abonner moyennant 150 fr. pour la
Bourse des effets publics, et 78 fr. pour la
Bourse des marchandises. Ce droit d entrée;
qui, selon un des motifs allégués pour justifier
son établissement, avait surtout pour but de
refréner le goût de la spéculation dans les
classés inférieures de la société, a été sup-
primé en 1862 par M. Fould.
Les opérations de Bourse ont, à diverses
époques, tenté de se prolonger au delà des
heures réglementaires. Avant et après la clô-
ture de la Bourse, des réunions se tenaient
passage de l'Opéra et sur le boulevard des
Italiens. Tantôt l'autorité a toléré ces réu-
nions, tantôt elle les a interdites. C'est à ce
dernier parti que, depuis 1859, elle paraît s'être
arrêtée.
— Opérations de Bourse. Dans le principe,
les opérations de Bourse devaient se faire ex-
clusivement au comptant, et ne consister, en
ce qui concerne les fonds publics, que dans
des achats et ventes contre espèces. Les
agents de change devaient et doivent encore
garder un secret inviolable aux parties qui
sont dans la nécessité de se servir de "leur
intermédiaire; obligation était imposée aux
agents de ne vendre et de n'acheter qu'autant
qu'ils étaient nantis de la chose ou du prix, de
tenir des registres et de délivrer des billets et
des certificats de négociation spécifiant la na-
ture de l'objet vendu, et pouvant le faire suivre
des mains de l'agent vendeur jusque dans
celles de l'agent acheteur. Il était défendu aux
agents de faire le change ou la banque pour
leur propre compte, interdiction qui subsiste
encore ; les opérations à terme leur étaient par-
ticulièrement défendues, « parce que, disait
• l'arrêt du conseil du 7 août 1785 , ces sortes
» d'opérations tendent à dénaturer momenta-
» nément le cours des effets publics, à donner
» aux uns une valeur exagérée et à faire des
» autres un emploi capable de les décrier, et
» aussi parce qu'il en résultait un agiotage
» désordonné que tout sage négociant ré-
n prouve, qui met au hasard les fortunes de
» ceux qui ont l'imprudence de s'y livrer, dé-
» tourne les capitaux dé placements _plus so-
0 lides et plus favorables à l'industrie natio-
» nale, excite la cupidité à' poursuivre des
n gains immodérés et suspects, substitue un
» trafic illicite aux négociations permises, et
» que tout cela pouvait compromettre le
» crédit de la place de Paris dans lé reste de
» l'Europe. » Dans la pratique, les intermé-
diaires privilégiés des opérations de Bourse
n'ont jamais tenu compte de cette prohibition ;
c'est en l'enfreignant qu'ils ont du reste trouvé
leurs plus beaux bénéfices. La faculté de
faire des opérations à terme, qui leur était
1144
BOUR
interdite par les anciens règlements, et sur
laquelle la loi de l'an X était muette, les
agents de change l'ont d'abord inscrite dans
leur règlement, en déclarant, titre V, art. 1 " ,
3
u'eux seuls avaient le droit de faire ces sortes
'opérations; puis ils ont réussi à obtenir une
jurisprudence interdisant ces opérations à la
coulisse. Enfin, ils sont parvenus à faire
rendre une loi qui, se mettant au niveau des
mœurs, a proclamé la validité de ces opéra-
tions. Les opérations de Bourse^ exigeant l'in-
termédiaire d'un agent de change, ne peuvent
être conclues par celui-ci ni dans ses courses
ni dans son cabinet; elles doivent être faites
avec concurrence et publicité. Tous les cours
faits au comptant doivent être annoncés au
crieur à l'instant même, et inscrits immédia-
tement par celui-ci sur la minute de la cote.
Toutes les opérations doivent être portées, au
moment où elles sont faites, sur des carnets
uniformes et parafés par la chambre syndi-
cale. Aussitôt après la clôture de ta Bourse,
clôture annoncée par un son de cloche, les
agents de change se retirent dans leur cabi-
net, pour coopérer, avec leur syndic ou l'un de
ses adjoints, à la rédaction de la cote des
cours.
Toutes les négociations d'effets publics sus-
ceptibles d'être cotés, tant au comptant qu'à
terme, doivent se faire par ministère d'agent
de change. Les effets au porteur, transmis-
sibles par voie d'endossement, négociés au
comptant, doivent être livrés par 1 acheteur
au vendeur dans l'intervalle d une Bourse à
l'autre. Les effets publics transmissibles par
voie de transfert, vendus au comptant, doivent
être livrés avant la sixième bourse qui suit le
jour de la vente. Les négociations à terme ne
peuvent avoir lieu pour un terme excédant
deux mois. L'acheteur a toujours la faculté
de se faire livrer à sa volonté les effets ven-
dus, contre le payement du prix convenu,
même les effets vendus à prime.
Autrefois, les opérations de Bourse se liqui-
daient tous les quinze jours; depuis le 16 oc-
tobre 1859, la liquidation ne se fait plus que
tous les mois. Elle doit se régler dans l'espace
de cinq jours à partir du 1
e r
du mois. Pre-
mier jour, liquidation des rentes françaises;
deuxième jour, liquidation des fonds d'Etat et
des valeurs industrielles; troisième jour
(
rè-
glement des comptes etdes carnets; quatrième
jour, pointage et balance des capitaux; cin-
quième jour, payements et livraison.
•Nous allons maintenant donner quelques
détails sur quelques-unes des opérations qui
se font journellement à la Bourse.
— Opérations au comptant. Rien n'est plus
simple que ce mode d'opérer. Il consiste à
vendre ou à acheter une valeur pour en don-
ner ou en prendre livraison immédiatement ;
c'est l'échange pur et simple de cette valeur
contre la somme en espèces qui en forme le
prix. L'opération peut aussi s'effectuer par
des virements, sans maniement de titres ni
d'argent. Dans ce cas, le vendeur se borne
à donner a l'acheteur un mandat de vire-
ment de titres pour ceux qu'il livre de
cette manière, et qu'il avait précédemment
déposés en son nom à la Banque de France
ou au Crédit mobilier. De son coté, l'acheteur
se borne aussi à donner au vendeur un vire-
ment d'espèces sur les sommes qu'il a à son
crédit, soit dans l'une, soil dans l'autre de ces
deux administrations. Si les valeurs sont au
porteur, leur transmission ne donne lieu à
aucune formalité; si, au contraire, elles sont no-
minatives, elles ne peuvent changer de proprié-
taire que moyennant un transfert (voy. ce
mot). 11 est à remarquer que les opérations au
comptant sont toujours sérieuses. Elles ont
généralement pour objet un placement de
fonds, et non une spéculation proprement dite.
— Opérations à terme .On les appelle ainsi
parce que les parties contractantes ne se re-
mettent les valeurs et 'les espèces qu'à une
époque plus ou moins éloignée de celle du
marché. Toutefois, le terme du règlement des
négociations de ce genre est toujours déter-
miné. La loi défend qu'il dépasse un mois
pour les actions des chemins de fer, et deux
mois pour les autres valeurs, ce qu'on ex prime.
par les formules : Fin courant, Fin prochain.
Néanmoins, on peut prolonger les délais en
faisant une opération accessoire, appelée re-
port (v. ce mot). De plus, quelle que soit
l'époque convenue, l'acheteur a le droit d'exi-
ger, avant le terme, la remise des valeurs, en
payant le prix stipulé (v. ESCOMPTE). Les
marchés à terme sont quelquefois sérieux;
mais, le plus souvent, ils sont purement fictifs
et constituent ce qu'on appelle des jeux de
Bourse (v. JEU). C'est sur les négociations
de ce genre que repose tout l'édifice de la spé-
culation. Les opérations au comptant peuvent
porter sur les sommes les plus minimes. Celles
a terme, au contraire, ne peuvent 3e faire que
sur certaines sommes que la chambre syndi-
cale des agents .de change a déterminées, afin
de simplifier les calculs. Ainsi, pour les rentes
françaises, la plus faible quantité qui se négo-
cie à ternie est de 1,500 fr. de rente s'il s'agit
de 3 pour 100, et 2,250 fr. de rente s'il s'agit
de 4 1/2. Les opérations plus fortes ne peuvent
porter que sur des multiples de ces nombres,
c'est-à-dire sur 3,000,4,500, 6,000, 7,500, etc.,
de rente, pour le 3 pour 100; 4,500, 6,750,
9,000, 11,250, etc., pour le 4 1/2. Quant aux
actions ou valeurs industrielles, on ne peut
opérer sur moins de 25, et les négociations
plus fortes doivent porter sur des multiples
BOUR
de 25, c'est-à-dire sur 50, 75,100, 125,150,etc.
On distingue deux sortes d'opérations à
terme : les marchés fermes et les marchés à
prime.
Le marché ferme consiste à vendre ou à
acheter en se soumettant à'toutes les varia-
tions des cours, et il engage en même temps
l'acheteur et le vendeur. S'il s'agit de rentes
sur l'Etat, l'échéance ou liquidation (v. ce
-mot) est fixée à fin courant; si, au contraire,
il est question d'actions de chemins de fer ou
autres valeurs industrielles; elle est fixée au
15 courant, pour les négociations de la pre-
mière moitié du mois, et à fin courant pour
celles de la seconde moitié. Le marché ferme
sérieux ne diffère du marché ferme en spécu-
lation que parce que le premier se résout, en
liquidation, par une levée ou par une livraison
de titres, tandis que le second se résout par le
payement d'une différence (v. ce mot). Voici
deux exemples de ce dernier, l'un à la hausse
et l'autre à la baisse. — 1er exemple : Le spé-
culateur Pierre croit que la rente va monter.
Dans cet espoir, le 5 juillet, il achète ferme
1,500 fr. de rente 3 pour 100, livrables fin cou-
rant, et au cours de 70. Ses prévisions se réa-
lisent : le 18 du même mois, le 3 pour 100 fait
70,45. Pierre revend alors ses 1,500 fr. au nou-
veau cours , et il gagne une différence de
45 centimes, moins 4 centimes pour courtage
d'achat et 4 centimes pour courtage de vente.
En d'autres termes, il bénéficie de 37 centimes
par unité de rente, et, comme il y a 500 unités
de rente 3 pour 100 dans 1,500, son gain réel
se trouve de 500 fois 37 centimes, ou de
185 fr. Mais si, au lieu de monter, la rente a
baissé: si, par exemple, elle est descendue à
69,55, le jour de la liquidation, Pierre, ne pou-
vant lever les titres, est obligé de revendre
pour remplir ses engagements. Il peut bien
taire reporter (voy. REPORT) son opération
pour la campagne suivante ; mais il ne revend
pas moins, en théorie et en pratique, dans le
mois même de l'achat, la rente qu'il a achetée :
il n'en est pas moins forcé de payer en liqui-
dation la différence entre les deux prix. Si
donc la rente est à 69,55 le jour où Pierre se
décide à vendre, il perd 45 centimes par unité
de rente, plus 4 centimes de courtage d'achat
et 4 centimes de courtage de vente, soit 53
centimes, soit enfin 265 fr. pour ses 1,500 fr,
de rente. Ainsi, une hausse de 45 centimes ne
fait gagner que 185 fr., tandis qu'une baisse
égale en fait perdre 265. — 2e exemple : Dans
l'espoir que la rente baissera, Pierre vend
•1,500 fr. de 3 pour 100 au cours de 70. Si la
rente hausse de 45 centimes et qu'il soit obligé
de racheter au nouveau cours, soit à 70,45, il
perd 45 centimes, plus 8 centimes de courtage,
par unité de rente, c'est-à-dire 500 fois 53 cen-
times ou 2G5 fr. Si, au contraire, la baisse a
lieu, et qu'il rachète, par exemple, à 69,55 ce
qu'il a vendu 70, il gagne 45 centimes, moins
8 centimes de courtage, soit 37 centimes par
unité de rente, ou 185 fr. Si, au lieu de la
rente, Pierre avait spéculé sur des valeurs
industrielles, il aurait opéré de la même ma-
nière. Les marchés fermes sont excessivement
meurtriers , parce que rien n'y limite la perte
ou le bénéfice, les contractants étant forcés
de subir toutes les fluctuations des cours. On
peut y gugner ou y perdre des sommes énor-
mes, suivant que la chance est ou n'est pas
favorable. Dans ces sortes de négociations,
les agents de change exigent ordinairement
que leurs clients leur donnent une couverture.
V. ce mot.
Les marchés à prime ont été imaginés pour
limiter la perte excessive que les marchés
fermes peuvent occasionner. Us n'engagent
que le vendeur, et, au jour de l'échéance,
l'acheteur est libre, s'il le juge utile à ses in-
térêts, de ne pas remplir ses engagements :
seulement, alors, il abandonne au vendeur, à
titre de dédommagement, une somme convenue
d'avance et qu'on appelle prime (v. ce mot).
Cette somme se paye ordinairement au mo-
ment de la conclusion du marché. Quelquefois
cependant, elle se porte en compte; mais,
dans ce cas, elle est exigible à la liquidation.
Elle est toujours imputée à compte sur le ca-
pital, quand on prend livraison. La prime est
très-variable. Pour la rente, elle est de 25 cen-
times, de 50 centimes ou d'un franc, ce qui
veut dire que, sur chaque unité de rente, on
ne veut perdre au maximum.que 25 centimes,
50 centimes ou i fr. C'est ce qu'on exprime
sur le contrat en disant par exemple : « Rente
3 pour 100 à 70 dont un », c'est-à-dire dont
1 fr. déjà payé ou porté en compte. Pour les
actions de chemins de fer et autres valeurs
industrielles, la plus forte prime est de 20 fr.
par action, ou la prime dont 20 : il y a aussi
la prime dont 10 et la prime dont 5. Les mar-
chés à prime sont quelquefois appelés marchés
libres^ par opposition aux marchés fermes, qui
sont forcés pour les deux contractants ; mais
ils ne sont véritablement libres que pour l'a-
cheteur. Comme ces opérations sont défavo-
rables au vendeur qui, quoi qu'il arrive, est
toujours obligé de remplir ses engagements,
il est naturel que celui-ci jouisse de son côté
d'une faveur qui puisse, contte-balancer les
mauvaises chances de son marché. Cette fa-
veur consiste à vendre à prime un peu plus
cher que s'il vendait ferme, et il vend d au-
tant plus cher que la prime est plus faible,
parce que la. garantie diminue alors d'une
quantité proportionnelle. Aussi, la rente dont
25 centimes est-elle plus chère que la rente
dont 1 fr. C'est également pour-eela que les
actions dont 5 fr. sont plus chères que les ac-
BOUR
tions dont 10 fr., et celles-ci que les actions
dont 20 fr. Par la même raison, les valeurs à
terme ferme sont plus élevées que les valeurs
au comptant (v. ÉCART). Voici deux exemples
de marchés a prime. — 1er exemple : Le 3
pour 100 étant à 79,45, Pierre achète 1,500 fr.
de rente dont l fr., représentant en capital
39,725 fr., et il paye comptant, pour sa prime,
500 fr. Si, à l'échéance, la rente est montée à
80 fr., Pierre lève les titres, c'est-à-dire en
prend livraison, attendu qu'ils valent 40,000 fr.
Il paye donc 39,225 fr., déduction faite de la
prime, et il bénéficie de la plus-value, qui est
de 275 fr. Si, au contraire, le 3 pour 100 est
tombé à 78, comme les 1,500 fr. de rente ne
valent plus en capital que 39,000 fr., et que la
perte serait de 725 fr., Pierre abandonne les
500 fr. de prime, et le marché est nul. —
2e exemple : Pierre achète à 1,100 fr. 25 ac-
tions du Nord dont 10, soit en capital 27
;
500 fr.,
et il donne comptant 250 fr. pour la prime. Si,
à l'échéance, il a intérêt à ne pas lever les
titres, comme dans le cas où les Nords se-
raient descendus à 1,050 fr., il abandonne à
son vendeur la prime de 10 fr. par action, et
le marché se trouve résilié. Il perd ainsi ses
250 fr. de prime, tandis qu'en levant à 50 fr.
de baisse, il perdrait 1,250 fr. Si, au con-
traire, les actions sont montées, par exemple,
à 1,125 fr., comme elles valent alors 28,125 fr.,
il paye aussitôt 27,250 fr., déduction faite de
la prime, et il gagne 625 fr.
Les notions qui précèdent ont simplement
pour objet de donner une idée des opérations
élémentaires de la Bourse; car on conçoit
qu'on peut former avec ces opérations un
certain nombre de combinaisons plus ou moins
compliquées dont l'exposition ne peut se trou-
ver que dans les ouvrages spéciaux. Voici, à
titre de simple renseignement, l'énumération
de ces combinaisons (lesquelles sont au nom-
bre de vingt-sept .•
Achats : 1<> Au comptant, suivis de vente
au comptant; 2° au comptant, suivis de vente
à terme ferme; 3° au comptant, suivis de
vente à terme et à prime ; 4° à terme ferme,
suivis de vente au comptant; 5° à terme
ferme, suivis de vente à terme ferme ; 6° à
terme ferme, suivis de vente à terme et à
prime; 7° à terme et à prime, suivis de vente
au comptant; 8° à terme et à prime, suivis de
vente à terme ferme; 9° à terme et à prime,
suivis de vente à terme et à prime.
Ventes à couvert : 10° au comptant, de titres
précédemment achetés au comptant; 11<> au
comptant, de titres précédemment achetés à
terme ferme; 12° au comptant, de titres pré-
cédemment achetés à terme et à prime ; 13° à
terme ferme, de titres précédemment achetés
au comptant; 14° à terme ferme, de titres
précédemment achetés à terme ferme; 15° à
terme ferme, de titres précédemment achetés
à terme et à prime; 16° à terme et à prime,
de titres achetés au comptant; 17° à terme et
à prime, de titres achetés à terme ferme ; 18° à
terme et à prime, de titres achetés à terme et
à prime.
Ventes à découvert : 19° au comptant, sui-
vies d'achats au comptant; 20° au comptant,
suivies d'achats à terme ferme; 21° au comp-
tant, suivies d'achats à terme et à prime;
22° à terme ferme, suivies d'achats au comp-
tant; 23° à terme ferme, suivies d'achats-^
terme ferme; 24° à terme ferme, suivies d'a-
chats à terme et à prime ; 25° à terme et à
prime, suivies d'achats au comptant; 26° à
terme et à prime, suivies d'achats à terme
ferme ; 27° à terme et à prime, suivies d'achats
à terme et à prime.
— Arithmétique de la Bourse. 1° Cours
moyen. Le cours ou prix moyen d'une valeur
devrait être la somme des cours divers cotés
à la Bourse du jour, divisée par le nombre des
cours; mais il n'en est rien. Pour simplifier
leurs calculs, les agents de change sont con-
venus de prendre pour cours moyen la demi-
somme du cours le plus haut et du cours le
plus bas. D'après cela, pour connaître le cours
moyen d'une valeur quelconque, il faut addi-
tionner le cours le plus haut et le plus bas que
cette valeur a faits pendant la Bourse dont il
s'agit. Si donc, le 3 pour 100, par exemple,
s'est vendu, dans une Bourse* 68 fr. 75,68fr. 80,
68 fr. 85 et 68 fr. 90, son prix moyen a été de
68 fr. 75+68 fr. 90 ,
— = 68 fr. 825.
2
2° Les agents de change perçoivent sur
chaque opération un droit de courtage qui va-
rie suivant la nature des valeurs et suivant
aussi que l'opération est à terme ou au comp-
tant. Pour le comptant, ce droit est de 1/8
pour 100 sur les rentes françaises, les rentes
de la ville de Paris, les bons du Trésor, les
actions de la Banque, les actions et obligations
des chemins de fer français et étrangers, etc.
Or 1/8 pour 100, c'est le 1/800 du capital. Le
prix d'achat étant donné ou ayant été calculé,
il faut, pour connaître le courtage, diviser ce
prix, d'abord par 100 , puis par 8, en d'autres
termes, prendre le centième de ce prix, puis
le huitième de ce centième. D'après cela, on
voit que le courtage d'une somme de 18,872 fr.
est de 23 fr. 25.
3° Combien coûtent 1,800 fr. de rente 3
pour 100, au cours de 71 fr. 25, courtage non
compris? 3 fr. de rente coûtant 71 fr. 25, il est
évident que 1 fr. de cette même rente doit
coûter trois fois moins, soit —~— . Donc, en
répétant 1,800 fois le prix d'achat de ce franc,
BOUR
. . . , 71 fr. 25 X 1800
on aura celui des 1,800 fr. : ;
= 42,750 fr. De là cette règle générale: Pour
savoir ce que coûte une quantité quelconque
d'une rente à un taux quelconque, cotée à un
cours quelconque, on multiplie le cours coté
par la quantité, et on divise le produit obtenu
par le taux.
4° Combien aura-t-on de rente 3 pour looau
cours de 68 fr. 70 avec un capital de 36,000 fr.,
courtage non compris? Avec 68 fr. 70,on a 3 fr.
de rente. Avec 1 fr.,on en aura 68,70 fois moins,
3 fr,
ou —rr-ir^ Donc, en répétant 36,000 fois la
68fr.70
r
'
rente obtenue avec l fr,, on saura,1a quantité
qu'il est possible de se procurer avec les
„ 3 fr. x 36,000 . ^
36,000fr. : r—'— «a 1,572 fr. 05. De là
68 tr. 70 '
cette règle générale : Pour savoir quelle quan-
tité d'une rente quelconque, à un cours quel-
conque, on peut acheter avec un capital donné,
multipliez le taux de la rente par le capital, et
divisez le produit obtenu par le cours coté.
5° Le choix entre les diverses espèces de
rentes se fait d'après des considérations très-
difTérentes ; nous n'aurons égard ici qu'à la
plus évidente. Quelle est la rente qui offre le
placement le plus avantageux ? Est-ce le 3
pour 100 à 77 fr. 40 ou le 4 1/2 à 103,95? La
question se réduit à trouver quel est celui des
deux fonds qui donne 1 fr. de rente pour la
plus petite somme. Or, 1° 3 fr. de rente coû-
tant 77 fr. 40, l fr. coûte 3 fois moins, soit
77 fr. 40 „ , , , ,
; 2° 4 fr. 50 de rente coûtant 103 fr. 95,
Ifr. coûte 4.50 fois moins, soit—T—'•—. On réduit
4 fr. 50
les deux fractions au même dénominateur, et
on compare les numérateurs. Le numérateur de
la première est 77,40 x 4,50 = 348 fr. 30, et celui
de la seconde 103,95 x 3 = 311 fr. 85, D'où l'on
voit que c'est en 4 1/2 que l'on a 1 fr. de rente
pour la plus petite somme.
6° Pour savoir ce que coûte une quantité quel-
conque d'actions ou d'obligations d'une valeur
cotée à un cours quelconque, il faut multiplier l/i
quantité par le cours. Ainsi 20 actions ou obli-
gations au cours de 842 fr. 50 coûtent 842 fr. 50
x 20 = 16,850 fr., somme qui doit être aug-
mentée du courtage, lequel, si le prix de la
valeur n'est pas entièrement versé, se paye
non-seulement sur le prix coté, mais encore
sur le reste à payer, parce que l'agent de
change est responsable de .ce reste a payer
vis-à-vis du vendeur:. Exemple : 300 fr. ont
été versés sur une action dont la valeur no-
minale est de 500 fr. ; reste à payer 200 fr. Si
le cours est de 536 fr., l'acheteur verse 336 fr.,
plus le courtage sur 536 fr.
7° Pour trouver le prix moyen auquel re-
viennent divers titres de rente achetés à des
cours différents, il suffit de multiplier succes-
sivement la quantité de ces titres par les cours
d'achat, de faire la somme de tous les pro-
duits, et de diviser cette somme parle total
des,titres. Soit, par exemple, 340 fr. de 3 pour
100 achetés à 68 fr. 10, et 510 fr. de la même
rente achetés à 70 fr, 35. On multiplie 340 par
68,10, ce qui donne 23,154 fr.; puis 510 par
70,35, ce qui donne 35,878 fr. 50. Additionnant
les deux produits, on obtient 59,032 fr. 50, qui,
divisé par 340 + 510 = 850, donne 69 fr. 45,
moyenne demandée.
— Bibliog. On a publié un grand nombre
d'ouvrages sur la Bourse et ses opérations.
Nous nous bornerons à citer les plus estimés :
Bozerian, la Bourse , ses opérateurs et ses
opérations (1858, 2 vol. in-8° — V. plus bas);
Bresson, Des fonds publics français et étran-
gers, des chemins de fer et des opérations de
Bourse (1849, in-12, 9*
1
édit.); Calemard de la
Fayette, Guide du client à la Bourse (18..,
in-12, 3° édit.); Courtois fils, Des opérations
de Bourse (1861, in-12, 4« édit.); Crampon,
la Bourse, guide pratique à l'usage des gens
du monde (1864, in-18, 2« édit.') ; J. M., l'Art
de gagner à la Bourse sans risquer sa fortune
(1860, in-12); Proudhon, Manuel du spécula'
teur à la Bourse (1857, in-18, 5« édit.); Lamst,
Manuel de la Bourse (1865, in-18, 18« édit).
— Instr. publ. Une bourse est le prix to-
tal ou partie de la pension d'un élève payé
par l'Etat dans un établissement d'instruc-
tion publique ou privée. L'élève pourvu d'une
bourse est appelé boursier. Il y en a trois
catégories : I
y
les bourses accordées comme
récompense des services civils ou militai-
res des parents, en cas d'insuffisance de for-
tune ; 2° les bourses attribuées à certains éta-
blissements pour favoriser le recrutement
de certaines professions ou pour étendre et
propager certaines connaissances spéciales,
surtout en matière d'agriculture et d'industrie ;
30 les bourses données à certains établisse-
ments privés, comme témoignage d'adhésion
et à titre d'encouragement. Ces Crois catégo-
ries de bourses sont soumises à une condition
commune : le candidat est obligé de justifier
de sa capacité par un examen préalable.
—Bourses accordées en récompensede services
rendus à l'Etat. Les plus importantes sont les
bourses des lycées. L'Etat, les départements,
les communes, y affectent chaque année des
sommes considérables, et c'est par elles que
l'enseignement secondaire,.qui ouvre l'accès à
toutes Tes carrières libérales, est rendu accessi-
ble à un grand nombre d'individus. Il y a les
bourses impériales, départementales et com-
BOUR
BOUR
BOUR
BOUR 1145
Rwnales. Les bourses impériales sont données
ar l'empereur, sur la proposition du ministre
e l'instruction publique, en récompense des
services des parents. Les services militaires
sont constaté* par des états dûment certifiés,
et les services civils par les préfets et minis-
tres compétents. Les Bourses fondées par l'Etat
dans le collège d'Alger sont accordées aux
services rendus en Algérie préférablement à
tous autres. La désignation des élèves bour-
siers appartient pour les deux tiers au mi-
nistre de la guerre. Les boursiers impériaux
reçoivent une bourse entière, trois quarts de
bourse ou une demi-6owr.se. Les bourses dé-
partementales et communales sont conférées
par les préfets, sauf la confirmation du mi-
nistre de l'instruction publique. Les candidats
à ces diverses bourses doivent justifier par
examen qu'ils sont en état de suivre la classe
correspondante à leur âge. Des promotions
de bourse peuvent être accordées aux élèves
qui ont mérité cette faveur par leur conduite
et leurs progrès. En cas de faute grave, un
boursier peut être rendu provisoirement à. sa
famille par le chef d'établissement; mais la
déchéance définitive est prononcée par le mi-
nistre. Les arrêtés ministériels du 9 février 1852
et du 21 mai 1853 ont fixé les règles à suivre
pour l'obtention de ces bourses. Les candidats
admis aux examens doivent avoir neuf ans
accomplis et moins de dix-sept ans; ils sont
divisés par séries , et chacun d'eux doit subir
une épreuve écrite et une épreuve orale. Le
f
irix des bourses fondées par les particuliers,
es départements et les communes, doit être
égal au prix de la pension réglé par décret
impérial.
Les candidats à l'Ecole navale de Brest, à
l'Ecole polytechnique et à l'Ecole; spéciale
militaire, dont les familles n'ont pas une for-
tune suffisante pour les entretenir dans ces
écoles, peuvent obtenir des bourses ou des
demi-ôourses. Cette insuffisance de fortune
doit être constatée par délibération du conseil
municipal, approuvée parle préfet. Ces bour-
ses et demi-bourses sont concédées par les
ministres de la guerre ou de la marine, sur la
proposition des conseils d'administration et
d'instruction de ces écoles. Pour le Prytanée
impérial, ou l'ancien collège militaire de la
Flèche, des places gratuites ou demi-gratuites
y sont réservées exclusivement aux fils d'offi-
ciers servant encore ou ayant servi dans les
• armées, et aux fils des sous-officiers morts au
champ d'honneur. Elles sont accordées de
préférence aux orphelins de père et de mère,
et subsidiairement aux enfants à la charge de
la mère. Outre le certificat authentique des
services du père, les cnndidats doivent justi-
fier de leur manque de fortune. Cet établisse-
ment a 300 boursiers et 100 demi-boursiers.—
Dans les maisons impériales de Saint-Denis,
d'Ecouen et des Loges, 400 places d'élèves
.gratuites sont réservées à des filles de mem-
bres de la Légion d'honneur sans fortune. —
En second lieu viennent les bourses destinées
à favoriser le recrutement du corps enseignant,
du clergé catholique et du clergé protestant;
des artistes musiciens pour les églises, des
directrices de salles d'asile, du personnel des
écoles régionales d'agriculture, des écoles
impériales vétérinaires et des écoles impériales
d'arts et métiers. Les bourses conférées pour
l'Ecole normale le sont à la suite d'épreuves
ui ont lieu annuellement au chef-lieu de î'aca-
émie de Paris. Le nombre des places mises
au concours est fixé par le ministre de l'in-
struction publique. Dans les séminaires diocé-
sains, le ministre de l'instruction publique
confère environ 3,000 bourses ou demi-bourses.
Les candidats sont présentés par les évêques.
Le même ministre confère aussi un certain
nombre de bourses et demi-bourses aux élèves
des séminaires protestants de- Montauban et
de Strasbourg, sur la proposition des consis-
toires. Les bourses des élèves de l'école de
musique religieuse sont aussi payées par
l'Etat. Les candidats sont nommés par le mi-
nistre, sous la double présentation du préfet
et de l'évêque. L'Etat accorde également des
bourses, à titre de secours, dans des pension-
nats dirigés par des congrégations religieuses.
— L'enseignement destiné à former des direc-
trices de salles d'asile est gratuit. Il y a en-
core dans ces établissements des bourses et
demi-bourses représentant la nourriture et le
blanchissage.— Les trois écoles régionales
d'agriculture de Grignon ( Seine-et-Oise ) ,
Grand-Jouan (Loire-Inférieure), la Saulsaie
(Ain) ont chacune dix-huit bourses, dont neuf
sont réservées aux anciens apprentis des
fermes-écoles, qui en sont sortis avec leur
certificat. Les neuf autres bourses sont divi-
sées en demi-bourses, et s'obtiennent seule-
ment après six mois d'études et au concours.
Ces bourses ne peuvent être données qu'à des
élèves appartenant aux départements compris
dans la circonscription de chaque établisse-
ment. Il y a, pour les écoles vétérinaires, 172
dégrèvements de 200 fr., dont deux par dépar-
tement, à la disposition du préfet, sauf appro-
bation du ministre de l'agriculture. Ils se
répartissent ainsi : 60 pour Alfort, 56 pour
Lyon et 56 pour Toulouse. Le ministre dispose
encore directement de 72 autres dégrève-
ments. Ces dégrèvements sont accordés à
ceux qui, après six mois de séjour, ont fait
preuve de bonne conduite, en même temps
que de succès. Dans chacune des écoles d'arts
et métiers de Châlons. Angers et Aix, l'Etat
entretient 75 élèves a bourses entières, 75 à
trois quarts de bourse et 75 à demi-bourse,
ii.
Les collèges communaux et d'autres établis-
sements d'instruction publique locaux ont
aussi leurs bourses, qui sont à la charge des
localités. Ainsi, à Paris, un certain nombre de
bourses de l'Ecole normale supérieure des
jeunes filles est à la charge de la ville.
Nos rares écoles industrielles (v. ce mot)
ont aussi leurs bourses. En 1865, à l'école
Turgot, la ville de Paris entretenait 94 bour-
siers. L'enquête pqbliée dans la même année,
sur l'état de l'enseignement industriel et pro-
fessionnel en France fait connaître qu'on a
tout Heu de s'applaudir de cette dépense. « Ces
bourses, a dit le directeur de cet établissement,
ont des résultats excellents; à chaque pro-
motion , elles donnent quelques enfants d'élite
et une moyenne intelligente, laborieuse, hon-
nête. Une fois leurs études faites, un certain
nombre de boursiers s'élèvent au-dessus de-
là condition d'ouvrier, vont aux écoles d'arts
et métiers, voire même a l'Ecole centrale,
font des comptables ou des commis de com-
merce. »
Fondée pour servir de complément & IV-
cole Lamartinière, l'école centrale lyonnaise
a aussi des bourses et des demi-bourses, ce
qui permet l'accès de cette école a un certain
nombre de jeunes gens sans fortune, se re-
commandant par leur intelligence et leur ap-
titude au travail. Là, comme à l'école Tur-
got
5
ce sont les boursiers qui réussissent le
mieux, « car ils sentent, a dit un des admini-
» strateurs de cet établissement, le besoin de
» conquérir par eux-mêmes la position que
• d'autres, à côté d'eux, sont souvent expo-
» ses à perdre par leur négligence et leur
* incurie. •
En dehors des bourses constituées par les
fondateurs des établissements de ce genre, ou
dues à la libéralité de quelques particuliers,
les frais des autres bourses sont faits par les
fonds communaux et départementaux".
— Bourses d'apprentissage. A Paris, depuis
un certain nombre d'années déjà, la ville con-
sacre une certaine somme à payer les frais
d'apprentissage des enfants pauvres qui se
font remarquer par leur aptitude et leur
bonne conduite dans les écoles primaires. En
1865, le nombre des enfants placés en appren-
tissage était de plus de 900, et l'allocation du
conseil municipal pour cet objet s'élevait à
environ 820,000-fr. Voici d'après quel mode se
fait la distribution de ces bourses. Tous les
ans un jury, présidé par le maire et composé
du curé, dun ministre non catholique, d'un
membre du comité cantonal, d'un inspecteur
primaire et d'une dame inspectrice, forme ,
d'après les renseignements fournis par les
instituteurs et institutrices, enquête préalable-
ment faite sur la situation des familles, une
liste de sis. candidats par chaque centaine
d'enfants se recommandant par leur assiduité
et leur application. Ces enfants, qui doivent
avoir de 12 à 14 ans, subissent ensuite un
examen sur toutes les matières obligatoires
de l'instruction primaire. D'après le résultat
de cet examen, le conseil municipal propose
deux candidats par chaque bourse d'appren-
tissage, puis le-préfet nomme les boursiers.
Dans le cas très-fréquent où l'on obtient des
patrons la gratuité de l'apprentissage, les
sommes représentant le prix du contrat sont
versées à la caisse d'épargne au profit de
l'apprenti.
— Architect. Les Bourses les plus remar-
quables, au point de vue de leur architecture
et des œuvres d'art qu'elles renferment, sont
celles d'Amsterdam, d'Anvers, de Londres,
d'Edimbourg, de Dublin, de Berlin, de Saint-
Pétersbourg, de Paris, de Bordeaux, de Mar-
seille, etc. Nous allons donner quelques détails
sur ces divers monuments :
La Bourse de Paris, dont la construction
fut décidée par un décret impérial en date du
16 mars 1808, s'élève, presque au centre de la
capitale, sur une partie des terrains occupés
jusqu'en 1790 par le couvent des Filles de
Saint-Thomas d'Aquin. L'Etat céda l'empla-
cement et la ville de Paris fit les frais de la
construction, qui atteignirent la somme de
8,149,192 fr. L'architecte Brongniart donna
les plans de l'édifice et en dirigea l'exécution
jusqu'en 1813, époque de sa mort. Il eut pour
continuateur fidèle de son œuvre M. Labarre.
Les travaux ne furent terminés qu'en 1827,
mais l'inauguration eut lieu dès le 3 novembre
1826. Le commerce parisien était pressé de
jouir de ce monument, qui, comme il convient
à un sanctuaire dédié à Mercure, est bâti sur
le modèle d'un temple païen. Le plan est un
parallélogramme dont la longueur est de 69 m.,
la largeur de 41 m. et la superficie de 3,000 mè-
tres carrés environ. L'édifice s'élève sur un
soubassement de 2 m. 60 de hauteur, coupé
Sur les deux façades, antérieure et posté-
rieure, par un large perron de 16 degrés. Il
est entouré d'une galerie couverte de 2 m. 78
de largeur, formée par 64 colonnes corin-
thiennes (14 sur les faces et 20 sur les côtés),
qui soutiennent un entablement et un attique.
; Derrière cette colonnade, le corps de l'édifice
! présente sur chaque façade latérale deux éta-
ges de fenêtres. Les deux autres façades, où
s'ouvrent les hautes portes qui donnent accès
dans l'édifice, sont décorées de frontons sculp-
tés. Aux quatre angles du soubassement sont
des statues colossales en pierre, la Justice,
par Cortot; la Fortune, par Pradier; l'Aôon-
dance, par Petitot; et la Prudence, par Ro-
man. L intérieur de l'édifice est d'une grande
simplicité. La salle centrale, réservée aux
opérations de Bourse, a 37 m. 68 de long,
24 m. 68 de large et 25 m. de haut; elle peut
contenir environ 2,000 personnes. Elle est
éclairée par la voûte, dont la voussure est
ornée de belles grisailles imitant le relief,
peintes par Abel de Pujol et Meynier, et re-
présentant des allégories relatives au com-
merce et à l'industrie. De chaque côté de la
salle s'élèvent deux rangs d'arcades superpo-
sés et formant galeries. Les galeries infé-
rieures ou coulisses sont occupées, aux heures
où se tient la bourse, par les spéculateurs,
agents marrons ou joueurs, que Ton a baptisés
du nom de coulissiers. Les étrangers et les
flâneurs vont contempler, du haut des galeries
supérieures, le spectacle tragi-comique et
horriblement bruyant qui se donne dans la
salle. Plusieurs critiques ont été faites de
l'édifice dont nous venons de donner une des-
cription sommaire : on a dit avec raison que la
grande salle centrale, éclairée seulement par
le haut, manquait d'air toute l'année, et qu'en
certaines saisons, elle était sombre et humide.
On a reproché aussi à la colonnade extérieure,
prodigieusement élevée, mais peu profonde,
de n'otfrir d'abri ni contre le soleil, ni contre
la pluie. Au demeurant, il faut reconnaître
que le monument, isolé au milieu d'une belle
place, présente à distance des lignes qui ne
manquent pas de- majesté. Nous ajouterons
qu'il est construit entièrement en pierres, fer
et cuivre. Les salles du premier étage ont été
occupées, pendant longtemps, par le tribunal
de commerce, qui vient enfin d'être installé
dans un édifice spécial, en face du Palais-de-
Justice.
La Bourse de Marseille, construite sur les
plans de M. Pascal Coste, a été commencée
en 1854 et terminée en 1860. Elle occupe une
surface totale de 3,196 m. La hauteur de
l'édifice est de 26 m. 40, du sol des trottoirs
jusqu'à la corniche de l'attique ; la largeur
?
de
47 m., et là profondeur, de 68 m., du midi au
nord. La façade principale, qui a vue sur la
fameuse rue de la Cannebière, forme un
avant-corps de 4 m. 50 de saillie, percé dans
sa partie inférieure de cinq grandes arcades,
au-dessus desquelles s'élève une colonnade
d'ordre corinthien, composée de dix colonnes
cannelées, et terminée aux deux angles par
des pilastres servant de contre-forts. Les
chambranles des arcades ont leurs clefs or-
nées des attributs du commerce, de l'indus-
trie, de la marine, de l'astronomie, de l'agri-
culture, et des proues de navires sont sculptées
dans les tympans. Derrière la colonnade, qui
mesure 12 m. 60 de hauteur, sont pratiquées
neuf croisées, ornées de pilastres à chapiteaux
Renaissance et couronnées par un immense
bas-relief, long de 27 m. et haut de 2 m., qui
représente Marseille accueillant les divers
peuples du monde et leurs produits, par Ar-
mand Toussaint. La colonnade supporte un
attique décoré de pilastres cannelés, entre
lesquels sont inscrits dans des eartouches
circulaires les noms des navigateurs célèbres,
et cet attique est lui-même couronné par les
armes de Marseille, accostées des statues co-
lossales en pierre de la Méditerranée et de
l'Océan, et accompagnées par le génie de la
Paix et le génie de l'Ordre. Ces diverses
sculptures sont encore l'œuvre d'Armand
Toussaint. Les arrière-corps de la façade
principale sont décorés, dans leur partie in-
férieure, de deux bas-reliefs trophées, sculp-
tés par M. Guillaume, et réprésentant : l'un le
Génie de la Navigation, 1 autre le Génie du
Commerce. Les statues d'Euthymène et de
Pythéas, célèbres navigateurs de l'antique
Massilia, sont placées, au-dessus des trophées,
dans des niches décorées de colonnes enga-
gées avec corniche et fronton; ces statues
sont l'œuvre de M. Ottin. Les façades laté-
rales de l'édifice sont d'une grande simplicité :
elles sont percées, dans la partie inférieure,
d'arcades avec galeries, et, dans la partie su-
périeure, de nombreuses fenêtres encadrées
par de grands pilastres à chapiteaux Renais-
sance. La façade postérieure est d'un style
élégant et sévère à la fois : l'avant-corps est
formé de deux rangées d'arcades superposées ;
la rangée supérieure est décorée de quatre
colonnes engagées, d'ordre corinthien, de
mêmes proportions que celles de la façade
principale ; les armoiries de l'Empire, de Mar-
seille et de la Justice sont sculptées entre les
pilastres cannelés de l'attique. La grande salle
centrale de la Bourse de Marseille, y compris
les galeries qui Tavoisinent, a une superficie
de 1,120 m. (loo m. de plus que celle de Pa-
ris). Elle est entourée de dix-huit arcades,
larges de 3 m. 50 chacune, décorées de pilas-
tres doriques. Les arcades donnent accès dans
des galeries d'une largeur égale et soutiennent
une autre rangée de dix-huit arcades, qui ont
3 m. 70 de largeur, et qui comprennent la
hauteur de deux étages. Au-dessus règne une
frise ornée de dix Tms-reliefs, représentant
les épisodes les plus glorieux de l'histoire po-
litique, religieuse et commerciale de Mar-
seille. Ces oas-reliefs ont été exécutés par
M. Gélibert. Au-dessus de la frise commence
la voussure, dont les angles sont ornés des
armoiries de Marseille, et dont le centre,
évidé sur une longueur de 22 m. et une lar-
geur de 5 m., laisse pénétrer la lumière dans
la grande salle. Nous ne dirons rien de la dis-
tribution des autres parties du monument. La
salle d'apparat de la chambre de commerce
mérite toutefois d/être citée pour sa riche dé-
coration : elle a vue sur la colonnade de la
façade principale et ne mesure pas moins de
18 m. de longueur sur 8 m. 20 de largeur, et
10 m. de hauteur ; elle est ornée de seize co-
lonnes engagées d'ordre composite, suppor-
tant un grand entablement avec plafond au
centre. Les salles du tribunal de commerce
ont une ornementation sévère, bien en rapport
avec leur destination. L'édifice que nous ve-
nons de décrire n'est certes pas irréprochable
dans tous les détails ; mais l'ensemble, où -
s'associent heureusement divers styles, a un
caractère assez imposant. Les terrains sur les-
quels l'édifice a été bâti ont coûté 4,800,000 fr.;
la dépense de la construction s'est élevée à
3,200,000 fr. environ*, ce qui donne un total
de 8 millions.
La Bourse de Bordeaux a été construite en
1749, sur les plans de l'architecte Jacques
Gabriel. Les sculptures des frontons, dues à
Claude Francin, représentent : Neptune favo-
risant le Commerce, l'Union de la Garonne et
de la Dordogne et la Victoire tenant un mé-
daillon de Louis XV. Une cour intérieure,
longue de 34 m. et large de 24, a été cou-
verte en 1803
:
La bibliothèque de la chambre
de commerce/située au premier étage de l'édi-
fice, contient plus de 6,000 volumes, parmi
lesquels figure une riche collection de rela-
tions de voyages. Elle est ouverte tous les
jours au public.
L'ancienne Bourse d'Anvers, qui a été in-
cendiée en 1858, était un édifice des plus inté-
ressants, construit en 1536. Elle comprenait
une grande cour intérieure, quadrangulaire,
bordée sur les quatre côtés d'un large et élé-
gant portique de style ogival, dont les co-
lonnes, en pierre bleue, avaient leurs fûts
cylindriques ornés de sculptures variées. Cette
cour avait été couverte, vers 1856, d'une
immense toiture en fer et en verre. Deux
tours en pierres de taille accompagnaient les
bâtiments qu'occupaient le tribunal et la cham-
bre de commerce.
L'ancienne Bourse d'Amsterdam, bâtie en
1608, était un monument carré oblong, repo-
sant sur cinq grandes arcades voûtées. L'Am-
stel coulait à travers l'arcade du milieu. Jus-
que vers l'an 1622, les barques et bateaux
passaient sous cette arcade, en baissant leurs
mâts à bascule ; mais on la ferma, sur le bruit
que les Espagnols allaient faire sauter l'édi-
fice par le moyen d'un bateau chargé de pou-
dre a canon. Ce projet avait été éventé, ditron,
par un des orphelins de l'hospice de la ville,
et l'on prétend que c'est en commémoration de
ce fait, que la permission a été accordée aux
enfants de s'amuser, au son des fifres et des
tambours, sur l'esplanade intérieure de la
Bourse, pendant la première semaine de la
grande kermesse. L ancienne Bourse ayant
été démolie, à la suite d'un affaissement qui
s'était manifesté dans la partie méridionale de
l'édifice, on l'a remplacée par une construc-
tion d'une sévérité imposante, que l'on a éle-
vée sur le Damrak (partie de l'Amstel).
La Bonne de Rotterdam, construite vers
1750, est un bâtiment en pierre, d'une ordon-
nance simple, mais parfaitement appropriée à
sa destination.
La Bourse de Londres était primitivement
un monument en biiques, que sir Thomas
Gresham, banquier de la reine Elisabeth à
Anvers, avait fait bâtir à ses frais, sur les
plans d'un architecte allemand. Cet édifice
ayant été détruit par l'incendie qui dévora
Londres en 1666, Inigo Jones fut chargé de
construire une nouvelle Bourse. Le monu-
ment élevé par cet architecte célèbre est tout
en pierre ; il mesure 67 m. de long sur 58 m.
de large. La cour intérieure, au centre de la-
quelle s'élève une statue de Charles II, est
entourée de galeries ouvertes, soutenues par
des colonnes. Les bâtiments furent occupés
pendant longtemps par le Boyal Exchange,
marché des fonds publics et des valeurs finan-
cières et industriellts, et par le Stock-Ex-
change, affecté à la vente des marchandises.
Un bâtiment spécialement consacré au Boyal
Exchange a été inauguré le 28 octobre 1844,
par la reine Victoria, dans le quartier nommé
Cheapside: il a coûté 180,000 livres sterling
(4,500,000 fr.)
La Bourse de Liverpool, construite dans le
style néo-grec, sur les dessins de J. Foster,
passe pour un des plus beaux morceaux d'ar-
chitecture de la contrée. Elle forme les trois
côtés d'un rectangle, de 197 pieds anglais de
long sur 178 de large, dont le centre est oc-
cupé par un groupe magnifique de Westma-
cott, élevé en 1813, à la mémoire de Nelson.
La Bourse d'Edimbourg a été fondée en
1753 ; elle est affectée aujourd'hui aux réu-
nions des magistrats municipaux.
La Bourse de Dublin est un des plus beaux
monuments de cette ville; elle a trois façades,
construites en pierre de Portland. La façade
principale (au nord) se compose d'un portique
de six colonnes corinthiennes, élevé au-dessus
de plusieurs degrés, et deux ailes hautes du
deux étapes. L'intérieur de l'édifice est plus
remarquable encore que l'extérieur. On y voit
une statue en bronze de George III par Van
Noost; celle de Thomas Drummond, par Ho-
gan; celle de Henry Grattan, par Chantren ;
et celle du docteur Lucas. La Bourse de Du-
blin, comme celle d'Edimbourg, ne sert plus à
l'usage auquel elle avait été destinée dans le
S
rincipe. Toutes les opérations commerciales
e Dublin se traitent dans les Commercial
Buildings de Dame-Street.
L a Bourse de Hambourg, édifice "e CO*Q-
144
1146 BOUR
BOUR BOUR
BOUR
struction récente, n'offre rien de bien remar-
quable au point de vue architectural. Elle sert
a la fois aux opérations de la Bourse, de la
Banque, de la chambre de commerce, et elle
renferme des salles de lecture où se trouvent
les journaux de tous les pays.
La Bonne de Beriiu, nouvellement recon-
struite, est un bel édifice ; le sculpteur Begas
est l'auteur du fronton, qui représente : la
Prusse accueillant l'Industrie, le Commerce, la
Navigation et l'Exploitation des mines.
La Bourse de Saint-Pétersbourg a été Con-
struite de 1804 à 1811, sur les plans de l'ar-
chitecte français Thomon ; mais elle n'a été
inaugurée qu en 1816. Elle est bâtie sur un
plan rectangulaire, de 107 m. de long sur
80 m. de large, et se compose de bâtiments,
hauts de 29 m., qu'entoure une galerie ou-
verte, formée de 44 colonnes doriques, dont
10 à chaque façade et 12 sur chaque côté
latéral. La grande salle intérieure, ornée de
sculptures allégoriques et éclairée par un
évidement de la voûte, a 41 m. de longueur,
sur 21 m. de largeur. La façade principale de
l'édifice regarde la Neva; elle est précédée
d'une place en demi-lune, dont les revête-
ments, les parapets et les trottoirs sont en
granit, et aux deux extrémités de laquelle
s'élèvent deux colonnes rostrales, hautes de
40 m., et couronnées chacune par trois atlas
soutenant une demi-sphère. Deux rampes
circulaires conduisent de la place au fleuve,
sur lequel les bâtiments apportent les mar-
chandises à la Bourse même.
En Italie, pays où les affaires se traitent
ordinairement en plein air, les édifices aux-
quels on donne le nom de Bourses ne sont,
à proprement parler, que des espèces de
haltes où se fait, à l'époque des foires, le
trafic des marchandises. Parmi les construc-
tions de ce genre, nous citerons : la Loggia
dei mercanti (Loge des marchands), à An-
cône , monument gothique, dont 1 architec-
ture intérieure est de Tibaldi de' Pellegrini ;
le Foro dei mercanti (Forum des marchands),
à Bologne, construction ogivale, de la fin du
xmc siècle, rebâtie en partie en 1439, restau-
rée en 1836; la Maison de la Foire, à Ber-
game, vaste bâtiment qui date du milieu du
siècle dernier et qui contient près de 600 bou-
tiques.
— Anat. I. — BOURSES PROPREMENT DITES ou
BOURSKS TESTICULAIRES. A la partie antérieure
et moyenne de la région périnéale chez
l'homme, entre l'anus et la racine de la verge,
existe une protubérance bilobée, mobile, qui,
dans la station verticale, se place en avant de
l'écartement supérieur des cuisses; cet or-
gane, qui se rattache à l'appareil génital de
l'homme, a reçu le nom de bourses ou testi~
cules. Il se compose, en effet, de deux parties
distinctes : 1° les glandes testiculaires, orga-
nes sécréteurs du sperme ; 2<> les enveloppes
testiculaires, en forme de bourse ou de sac.
A proprement parler, et malgré l'usage vul-
gaire , il convient de réserver le nom de
bourses à la partie contenante, et non à la partie
contenue. A une certaine époque de la vie, la
glande testiculaire est encore renfermée dans
1 abdomen, et la bourse existe au dehors, in-
dépendante du testicule qu'elle est destinée à
recevoir plus tard ; en conséquence, les bour~
ses seront pour nous les enveloppes extérieu-
res des testicules. La glande testicuiaire porte
cinq tuniques enveloppantes, de l'extérieur à
l'intérieur ; mais les trois plus internes» l'en-
veloppe séreuse, l'enveloppe fibreuse et l'en-
veloppe musculaire, ont, pour ainsi dire, été
empruntées aux parois abdominales au mo-
ment de la descente du testicule ; elles ne font
donc pas partie de la bourse proprement dite.
La peau et le tissu cellulaire qui la double
sont les seuls éléments constitutifs des bourses
testiculaires.
La peau des bourses est désignée sous le
nom de scrotum. Elle est plus brune que celle
des autres parties du corps, parsemée de poils
rares insérés obliquement, nne, très-extensi-
ble et peu adhérente; elle présente aussi un
grand nombre de plis dus a des alternatives
de resserrement et d'allongement; enfin, elle
porte sur la ligne médiane une ligne saillante
désignée sous le nom de rapké médian,
La peau du scrotum est intérieurement dou-
blée d'un tissu filamenteux, rougeâtre, exten-
sible, lâchement adhérent a l'enveloppe mus-
culaire du testicule et plus solidement adhé-
rent à la peau. Ce tissu, appelé dartos, forme
la seconde enveloppe externe du testicule ; il
est double et constitue entre chacune des deux
landes une cloison de séparation, ia cloison
es dartos. Si le dartos a quelque analogie de
structure avec le tissu cellulaire, il en diffère
essentiellement par ses propriétés vitales,;
c'est à lui, en effet, qu/est dû ce resserrement
du scrotum, qui s opère sous l'influence dp
froid. M. Cruveilhier regardé ce tissu comme
une sorte d'intermédiaire entre le tissu cellu-
laire et le tissu musculaire, et lui a donné le
nom de tissu dartoïque.
II. — BOURSES MUQUEUSES, BOURSES SÉREU-
SES, MUCILAÛINiiUSBS OU SYNOVIALES. Partout
où il y a frottement, il peut y avoir, entre les
parties juxtaposées et frottantes, une usure
préjudiciable à leur conservation. Dans l'or-
ganisme humain, la nature a paré à cet incon-
vénient au moyen d'un artince extrêmement
remarquable. Les deux surfaces frottantes
sont séparées l'une de l'autre au moyen d'une
pocbe ou vésicule sans ouverture, impropre-
ment appelée bourse, et que remplît un liquide
clair, filant, onctueux. Les parois de l a vési-
cule sont accolées et intimement adhérentes
aux surfaces frottantes, tandis qu'à l'intérieur
de la bourse, incessamment lubrifiées par le
liquide qui la remplit, elles peuvent satisfaire
a toutes les exigences des mouvements les
plus compliqués sans qu'il en résulte d'usure.
Les bourses muqueuses sont fort analogues,
sinon identiques, aux grandes membranes sé-
reuses qui tapissent les cavités splanchniques ;
elles n en diffèrent que par les dimensions
plus réduites de leurs cavités et l'épaisseur
moindre de leurs parois. Anatomiquement,
elles se rapportent a trois groupes : les cap-
sules synoviales articulaires, les bourses mu-
queuses tendineuses et les bourses muqueuses
sous-cutanées. L'ensemble de ces trois grou-
pes est quelquefois désigné sous le nom de
système synovial.
1° Capsules synoviales articulaires. Cette
classe comprend les cavités membraneuses
interposées entre les surfaces articulaires des
articulations diarthrodiales, et qui, comme les
autres bourses muqueuses, sont formées d'un
sac sans ouverture, rempli du liquide syno-
vial, dont les parois adhèrent, par leur partie
externe, aux surfaces de contact des os. Ces
organes sont habituellement décrits sous le
nom de synoviales articulaires, et leur histoire
se rattache à celle des articulations. V. SYNO-
VIALES.
2o Bourses muqueuses tendineuses et muscu-
laires, synoviales des tendons et des muscles.
Ces organes,dontl'existencefutdémontrée par
les anciens anatomistes Vésale etSpigel, sont
aujourd'hui très-connus et très-bien décrits par
les traités modernes d'anatomie. Il en existe
plus de cent paires chez l'homme, et ils sont dis-
tribués partout où les tendons des muscles glis-
'sent à frottement sur des tubérosités osseuses.
On trouve encore les capsules tendineuses
disposées aux points où les tendons se réflé-
chissent, ou aux points où ils frottent contre
un autre tendon ; on en trouve enfin, entre les
muscles qui exécutent de vastes mouvements
en frottant l'un contre l'autre ou contre une
paroi osseuse. Sous le rapport de la forme,
les bourses muqueuses sont vésiculaires ou va-
ginales. Dans le premier cas, elles forment
sous le tendon une capsule ou vésicule sans
ouverture, de forme ronde ou'oblongue, dont
les parois extérieures adhèrent d'une part au
tendon, et de l'autre part à la surface sur la-
quelle il glisse ; dans le second cas, la capsule
entoure le tendon sous forme de gaine, adhé-
rant d'une part au tendon, de l'autre au canal
ligamenteux qui le renferme. Quelquefois,
elles sont digitées, c'est-à-dire qu'elles four-
nissent des prolongements en forme de doigts,
qui accompagnent les tendons sur une partie
de leur trajet.
Les bourses muqueuses des tendons et
des muscles appartiennent manifestement au
groupe du système synovial. En effet, plu-
sieurs analogies frappantes rapprochent les
organes synoviaux : 1° une communication
habituelle s'établit très-souvent entre les bour-
ses tendineuses d'une part et les synoviales
articulaires ou les bourses sous-cutanées de
l'autre: en sorte que les unes se présentent,
en quelque façon, comme une dépendance des
autres-, 2» la structure et la disposition des
capsules muqueuses synoviales sont à peu
près identiques à celles des autres séreuses,
c'est-à-dire que les parois en sont toujours
formées d'une membrane blanche, demi-trans-
parente et mince ou d'aspect fibreux ; 3° les
cavités contiennent un liquide jaunâtre ou
rougeâtre, filant, visqueux et présentant les
caractères du liquide synovial des articula-
tions ; -4° enfin, les villosités, les franges et
les pelotons adipeux se retrouvent également
dans les bourses muqueuses d'une et d'autre
espèce.
Les bourses muqueuses tendineuses se ren-
contrent surtout au voisinage des articula-
tions, au cou-de-pied, au poignet, au genou ;
les bourses musculaires s'observent sous les
fibres des muscles grand dorsal, deltoïde et
droit antérieur de la cuisse, ainsi qu'au mollet.
3<> Bourses muqueuses sous-cutanées. La plus
'grande analogie rapproche ces organes de
ceux que nous venons de décrire. Ce sont des
capsules obrondes, multiloculaires, c'est-à-
dire divisées par des cloisons incomplètes,
mais closes elles-mêmes de toutes parts ; leurs
parois sont minces et peu résistantes; le li-
quide qu'elles contiennent est onctueux, filant
et peu abondant. Ces bourses muqueuses sont
situées sous la peau, partout où celle-ci, dans
les mouvements du tronc ou des membres,
éprouve un frottement contre une partie os-
seuse résistante ; mais elles se divisent, sous
ce rapport, en deux groupés : 1° celui des
bourses muqueuses normales, dont l'existence
est à peu près constante au niveau de certai-
nes protubérances osseuses placées au voisi-
nage de la peau ; 2° celui des bourses muqueu-
ses accidentelles, qui se développent anorma-
lement sous la peau, lorsque celle-ci, par suite
de certaines difformités ou dans l'exercice de
certaines professions, est exposée à des frot-
tements ou pressions habituelles. Au premier
roupe appartiennent les bourses muqueuses
e l'angle de la mâchoire, de la symphyse du
menton, de l'angle du cartilage thyroïde, de
la boule graisseuse du masséter, de rapophyse
coronoïde du maxillaire inférieur, de l'acro-
mion, de l'épitrochlée, de l'épicondyle, de
l'olêcrâne, des apophyses styloïdes du radius
et du cubitus, des faces dorsales et palmaires
des articulations métacarpo-phalangiennes, de
l'épine iliaque antéro-postérieure, du grand
trochanter, de l'ischion, de la rotule, des con-
dyles fémoraux, de la tubérosité antérieure
du tibia, des malléoles externes et internes,
de la face inférieure du calcanéum, de la face
dorsale des articulations des orteils, enfin de
la face plantaire de l'articulation du premier
et du cinquième métatarsien. Au groupe des
bourses muqueuses accidentelles ou anormales
appartiennent ou des bourses synoviales de
nouvelle formation, ou un développement
exagéré des bourses muqueuses dont nous ve-
nons de donner rénumération. On observe ces
développements anormaux : 10 sur l'acromion
et l'apophyse épineuse de la septième vertè-
bre cervicale, chez les individus qui portent
des fardeaux ; sur la partie antérieure du
genou, chez les gens d église, les blanchis-
seuses, les couvreurs et autres personnes qui
se tiennent habituellement sur les genoux ;
sur la malléole externe et la partie externe
de la jambe, chez les tailleurs ; sur le cou-de-
ied, surtout chez les individus qui portent
es sabots lourds et couverts ; sur la partie
antérieure du sternum des menuisiers ; sur le
sternum, la partie postérieure du cubitus gau-
che et la face postérieure du cinquième méta-
carpien droit, chez les ouvriers en papiers
peints ; sur la face postérieure du sacrum et
sur le coccyx, etc., etc.; 2° enfin, dans plu-
sieurs cas de difformités congénitales ou ac-
quises : sur les gibbosités, la saillie des pieds-
bots, la face interne de la tête du premier
métatarsien, là où existe l'exostose connue
sous le nom à'oignon, sur les moignons des ara-
utés, sur des exostoses, des enchondromes,
es cals difformes, et sur les surfaces articu-
laires des articulations accidentelles. Toutes
ces bourses muqueuses accidentelles présen-
tent ce caractère, qu'elles sont recouvertes
par une peau épaisse et calleuse, tandis que
les bourses normales sont recouvertes par une
peau saine.
— Chir. méd. I. — AFFECTIONS DES BOURSES
TESTICULAIRES. En raison de leur structure
spéciale, les enveloppes testiculaires externes
pourront être le siège de diverses affections à
physionomie spéciale, et souvent assez gra-
ves. Le tissu du dartos, par salaxité extrême,
se prête aisément à l'infiltration, et peut se
laisser envahir dans une étendue considéra-
ble; la laxité et l'extensibilité du scrotum,
d'autre part, éloignent les chances d'étrangle-
ment ; c'est cette double circonstance qui
imprime un caractère particulier aux affec-
tions des bourses.
10 Plaies et contusions. Elles ne présentent
ici rien de particulier. La réunion de la peau
doit être la principale indication ; l'application
des topiques émollients et résolutifs aura pour
but d'empêcher le développement de l'inflam-
mation traumatique, si elle est à redouter.
20 Hématocèle des enveloppes du testicule ou
hématocèle pariétale. Il en est de deux espè-
ces : l'une, par infiltration dans le tissu du
dartos | l'autre, par un épanchement réuni en
collection. L'hématocèle résulte toujours de
l'exsudation du sang des vaisseaux des bourses,
occasionnée soit par l'action d'un coup violent
porté sur les testicules, soit par suite d'une
opération sur cette région. Elle se manifeste
par l'augmentation de volume des bourses,
l'effacement des plis du scrotum, la teinte vio-
lette de la peau, et, dans les cas d'épanche-
ment, parla présence d'une tumeurpyriforme,
plus ou moins fluctuante, non transparente, et
fournissant quelquefois, lorsqu'on la presse
entre les doigts, un bruit de crépitation dû à
l'écrasement des caillots sanguins. Le traite-
ment consiste en applications résolutives ou
émollientes, dont 1 action sera aidée par le
repos au lit et la position élevée des testicules.
Les collections sanguines trop étendues, et
surtout les collections purulentes consécuti-
ves, doivent être évacuées dans le plus bref
délai.
3° Le phlegmon des bourses. Il est simple ou
diffus, et occasionné par des violences trau-
matiques : la fatigue, le frottement des testi-
cules contre les cuisses pendant la marche,
l'existence d'une maladie des voies urinaires,
l'infiltration urineuse. et surtout l'introduction
dans le tissu cellulaire du scrotum d'une
partie des liquides irritants qui sont destinés
-a l'injection de la tunique vaginale. On voit
que cette affection peut être le résultat d'une
fausse manœuvre du chirurgien opérant l'hy-
drocèle vaginale ; elle peut survenir également
dans le cours d'une fièvre grave, particulière-
ment de la fièvre typhoïde.
Le plegmon des testicules se manifeste par
le gonflement et la rougeur des bourses au ni-
veau du point enflammé ; mais bientôt, si le
phlegmon est diffus, apparaissent des plaques
grises ou fauves, livides, violettes, qui en-
vahissent promptement le scrotum et annon-
cent la production d'une gangrène des bourses,
terminaison ordinaire de cette redoutable af-
fection. Le pronostic de cette maladie est
toujours très-grave; le chirurgien devra se
hâter de faire disparaître, s'il est possible,
les causes productrices du sphacète, et de
limiter l'inflammation gangreneuse en prati-
quant de vastes incisions. Cependant le ma-
lade meurt souvent épuisé par la longue s
quoique, dans quelques circonstances, la r é -
paration des tissus s opère malgré une étendue
considérable de la perte de substance.
40 Bydrocèle par infiltration des bourses ou
ort&me des bourses. Cette affection est le plus
ordinairement symptomatique d'une affection
viscérale, qui détermine l'infiltration générale
des extrémités en même temps que du scrotum ;
cependant elle se développe quelquefois idio-
{
>athiquement, particulièrement chez les vjeil-
ards qui ont les bourses très-pendantes, chez
les sujets affaiblis et les enfants nouveau-nés.
Cet accident, dans ce dernier cas, n'exige au-
cun traitement spécial; si la peau du scrotum
menace de se rompre, on fera écouler le
liquide en pratiquant quelques piqûres avec
une fine aiguille. Des incisions trop étendues
pourraient déterminer la gangrène.
5° On a signalé encore le développement de
quelques tumeurs sur le scrotum ; mais la plus
curieuse est Yéléphantiasis du scrotum, affec-
tion très-rare dans le midi de la France, mais
plus commune dans les régions tropicales.
Cette affection se caractérise par un épaissis-
sement hypertrophique, non-seulement de la
peau du scrotum et du tissu cellulaire qui le
double, mais de tous les autres éléments con-
stitutifs des enveloppes testiculaires. La tu-
meur formée ainsi par le scrotum hypertrophié
arrive quelquefois à un volume très-considé-
rable, à un poids de 25 kilogr. et davantage,
et cela sans occasionner autre chose qu'une
gêne ordinairement légère. Le traitement de
cette affection n'existe pour ainsi dire pas ;
les moyens thérapeutiques les plus variés ont
été mis en usage sans amener le moindre r é -
sultat. L'extirpation de la tumeur hypertro-
phique, opération connue sous le nom a oschéo-
tomie, est la seule ressource à employer vis-à-
vis des malades qui tiennent à se débarrasser
de cette infirmité hideuse et pénible. L'opéra-
tion, d'ailleurs, n'est accompagnée d'aucune
douleur, en raison de l'état anesthésique des
tissus de ia tumeur, et, d'autre part, ne pré-
sente pas de dangers sérieux.
6° Le cancer du scrotum ou cancer des ra-
moneurs est une affection très-rare en France,
observée par Percival Pott en Angleterre
chez les ramoneurs. C'est une tumeur épithé-
liale, qui débute par une sorte de verrue et
reste stationnaire pendant des mois ou des
années, et à laquelle on donne le nom vul-
gaire de poireau de la suie. Au bout d'un
temps plus ou moins long, cette tumeur s'ul-
cère et donne issue à une matière ichoreuse
qui excorie les tissus voisins et les désorga-
nise rapidement-, l'ablation de cet ulcère, qui,,
du reste, ne récidive pas après l'opération,'
est le seul moyen de guérison.
IL — AFFECTIONS DES BOURSES MUQUEUSES.
Les bourses muqueuses sous-cutanées, en rai-
son de leur position superficielle, sont plus
exposées que les bourses tendineuses aux af-
fections traumatiques; aussi doit-on s'attendre
à ce que les lésions produites par cause ex-
terne prennent la première place dans l'his-
toire pathologique des bourses sous-cutanées.
Nous citerons principalement :
1° Les plaies par piqûre ou coupure et les
plaies contuses, qui toutes, surtout ces der-
nières, exposent le malade à {'inflammation
traumatique des bourses muqueuses. Cette af-
fection est particulièrement occasionnée par
le défaut de soins apportés aux plaies des
bourses; on la reconnaît à la boursouflure des
bords de la plaie mobiles sur les parties pro-
fondes, à la rougeur diffuse qui s'étend autour
de la lésion, enfin à l'écoulement du liquide
synovial altéré. L'inflammation traumatique
peut aussi se compliquer d'un phlegmon du
tissu cellulaire environnant.
2° La contusion simple des bourses muqueu-
ses a pour conséquence ordinaire Vépanche-
ment de sang à l'intérieur de la cavité ; c'est
l'hématocèle ou kyste sanguin des bourses mu-
queuses, qui se reconnaît au développement
d'une tumeur fluctuante, dans laquelle on peut
percevoir une crépitation fine semblable à
celle qui se produit lorsqu'on écrase de l'ami-
don entre les doigts. Le sang épanché peut se
résorber sans inflammation ; mais, en d'autres
cas, il y a persistance d'un kyste séreux, ou
même ce kyste, envahi par l'inflammation,
devient le foyer d'un abcès, et l'épanchement
se termine par suppuration.
3° \J inflammation aiguë, hygroma aigu ou
hydropisie aiguë des bourses muqueuses se pro-
duit quelquefois d'emblée à la suite de plates
ou contusions et se reconnaît à un épanche-
ment qui se termine rapidement par résorption
ou suppuration.
4° L
1
'inflammation chronique, hygroma chro-
nique ou hydropisie des bourses muqueuses est
caractérisée par une dilatation fluctuante de
la bsurse, par l'épaississement, puis l'amincis-
sement de la peau, et enfin par la production
de petites fongosités analogues à des franges
synoviales ; le liquide contenu est clair, quel-
quefois séro-sanguinolent. La grosseur du
kyste varie depuis le volume d'un œuf jusqu'à
celui de la tète d'un fœtus ; il ne peut se ter-
miner que par résorption du liquide et oblité-
ration de la bourse, ou par suppuration h
l'instar de l'hvgroma aigu, qui, dans ce der-
nier cas, semble se substituer à l'hygroma
chronique.
5° Fistules des glandes muqueuses. C'est un
accident consécutif des inflammations suppu-
ra tives, caractérisé par la permanence d'une
ouverture fistule use qui donne incessamment
passage à une sérosité intarissable, séreuse ou
séro-sanguin olente.
6° Les corps étrangers développés sponta-
nément à l'intérieur de la bourse constituent
BOUR
BOUR
BOUR
BOUR 1147
une affection caractéristique des bourses syno-
viales, mais bien plus fréquente dans les sy-
noviales articulaires et tendineuses que dans
les bourses sous-cutanées.
70 Les affections des bourses synoviales des
tendons présentent, avec celles qui précèdent,
la plus grande analogie; cependant l'étendue
de surface beaucoup plus considérable des
bourses tendineuses, les brides fibreuses qui
les étreignent de tous côtés ; enfin, le voisi-
nage des synoviales articulaires, ou même
les communications directes des cavités arti-
culaires ou tendineuses, toutes ces circon-
stances sont de nature à aggraver le pronostic.
Les bourses des gaines tendineuses sont aussi
exposées à partager les lésions des organes
placés à leur voisinage : les contusions, les
fractures, les entorses, les luxations accom-
pagnées de distension ou de déchirures des
tendons, sont pour les bourses tendineuses
l'occasion de lésions diverses et généralement
graves. Au nombre des affections spéciales à
ces organes nous signalerons : 10 les plaies
et contusions, qui sont l'origine des. mêmes
désordres que nous avons signalés dans les
bourses sous-cutanées ; 2° Yin/lammation, qu'on
a vue survenir, soit par cause traumatique, soit
par cause interne. Cette inflammation produit,
comme dans le cas précédent, une tumeur
oblongue plus ou moins volumineuse, plus ou
moins apparente, selon la région qu'occupe la
bourse tendineuse affectée, accompagnée d'une
douleur ordinairement légère et d'un senti-
ment de chaleur diffuse dans la partie malade.
Une gêne dans les mouvements de l'articula-
tion la plus rapprochée est encore une consé-
quence de la lésion inflammatoire des bourses
tendineuses; 3° les tumeurs enkystées inflam-
matoires des, bourses tendineuses, qui sont un
des-modes de terminaison de l'inflammation
chronique de ces organes^ 40 les kystes syno~
viaux, dont le siège principal est au poignet,
quoiqu'ils aient été observes en diverses au-
tres régions. Ces kystes, désignés par Dupuy-
tren sous le nom de kystes séreux nydatiques,
par MM. Velpeau, Bauchet et Michon sous le
nom de kystes tendineux, et par M. Gosselin
sous la dénomination de kystes hydropiques,
sont des tumeurs enkystées non inflammatoi-
res des bourses tendineuses du poignet, du
tarse, du creux poplité, de l'épaule, etc. Le
liquide contenu dans les poches est séreux,
visqueux ou gélatiniforme ; il contient une
uantité variable de petits corps solides, hor-
éiformes ou riziformes, c'est-à-dire ressem-
blant à des grains d'orge ou à des grains de riz,
quelquefois de grosseur moindre, quelquefois
de grosseur plus considérable, libres ou pédi-
cules dans la cavité de la bourse; la présence
de ces granulations donne Heu à une crépita-
tion particulière, qui fournit un moyen précieux
de diagnostic. Ces kystes constituent des af-
fections sérieuses, qui entravent le jeu des ar-
ticulations voisines de la bourse affectée ; ils
peuvent se terminer par ulcération et suppu-
ration, à moins que l'art n'intervienne ; 5° les
kystes partiels ou'ganglionnaires, ganglions,
kystes synoviaux articulaires et tendineux.
Ceux-ci diffèrent des précédents, en ce qu'au
lieu d'envahir toute l'étendue d'une bourse
tendineuse, ils se forment dans une partie
très-circonsente d'une membrane synoviale.
Nous les signalons ici comme affection des
bourses muqueuses, parce qu'il arrive en effet
que ces kystes se forment quelquefois dans
les dépendances synoviales tendineuses ; mais
il est oeaucoup plus fréquent de les rencon-
trer dans les prolongements des synoviales
articulaires ; à ce titre, leur histoire appartient
plutôt à la pathologie des synoviales ; 6° enfin,
on a signalé, comme affections plus rares, le
développement, dans la cavité des bourses ten-
dineuses, de concrétions calcaires et tubercu-
leuses, de productions squirrheuses ou cancé-
reuses, ou même de lipomes, produits par
l'hypertrophie anormale des pelotons adipeux
dont nous avons signalé l'existence, au sein
des bourses synoviales tendineuses et articu-
laires.
Le traitement des affections des bourses
muqueuses est à peu près exclusivement chi-
rurgical et topique. Les plaies et contusions,
toutes les fois qu'on redoutera le développe-
ment des accidents inflammatoires consécutifs,
seront traitées par les applications émollientes
et résolutives, les antiphlogistiques légers et
locaux; si le pus se forme dans l'intérieur de
la poche, il faut lui donner une large issue,
et, par la cautérisation intérieure, provoquer
l'inflammation adhésive, qui a pour consé-
quence l'adhérence des parois du foyer. Les
vésicatoires, les frictions iodées, l'écrasement
et la compression méthodique conviendront
mieux dans l'hygroma chronique et les kystes
séreux ; si ces moyens échouent, on emploiera
les injections iodées et le séton à fils multi-
ples ; l'ablation de la poche, opération pres-
que toujours dangereuse et souvent imprati-
cable, doit être généralement rejetée.
III. — BOURSE OU BANDAGE EN BOURSE.
V. BANDAGE.
— Art vétér. Dans le choix du cheval, il
est important de tenir compte des bourses et
des testicules, qui doivent être modérément
pendants, mais non relâchés. Plus les testi-
cules sont volumineux, plus l'aptitude des
animaux à se reproduire est grande. Les che-
vaux qui n'ont aucun testicule apparent sont
inféconds, et cependant ils recherchent les
juments. Cela a d'autant plus d'inconvénients
qu'on ne peut pas les castrer, puisque les tes*
ticules sont restés dans la cavité abdominale
ou dans le trajet inguinal. Chez les animaux
faibles, les testicules diminuent de volume ou
manquent de développement. Le volume anor-
mal de ces organes est souvent le résultai
d'un coup ou d'une pression; d'autres fois,
c'est le signe d'une maladie générale, de la
morve, par exemple. C'est là un symptôme
grave, qu'il faut prendre en sérieuse considé-
ration. On rencontre quelquefois au scrotum
des abcès et des hydropisies. Si ces affections
sont locales, elles sont peu dangereuses;
mais il n'en est plus de même lorsqu'elles
sont un des symptômes de maladies géné-
rales, comme 1 anasarque ou l'ascite.
La région des bourses, chez le bœuf, varie
suivant l'époque de la castration et suivant le
mode opératoire mis en usage. Si l'animal a
été bien tourné, on retrouve les testicules
atrophiés. Cette région est un des points de
maniement que les bouchers consultent pour
s'assurer du degré de graisse de L'animal. En
avant de cette partie se trouvent quatre pe-
tits mamelons, qui sont les représentants de
ceux de la vacne.
Bourae ( L A ) , par M. Bozérian, avocat
(2 vol. in-8°). Cet ouvrage, publié en 1859, a
été accueilli avec un égal empressement par les
hommes de droit et par les financiers. C'est
qu'en effet, l'honorable auteur.a réuni tous les
documents qui pouvaient éclairer la religion
du magistrat et de l'avocat, en indiquant aux
banquiers et aux agents de change leurs
droits et leurs obligations. Présenter le ta-
bleau de la Bourse et de ses dépendances, de
son personnel, de la nature et du mécanisme
des opérations gui s'y traitent; rapprocher de
ces faits les dispositions, le.caractère et le
but des lois diverses qui régissent la matière,
et examiner sous le rapport doctrinal toutes
les difficultés juridiques; constater l'état et
les phases' de la jurisprudence sur chacune
des questions importantes ; apprécier les opé-
rations de Bourse au point de vue de notre
organisation politique, économique et sociale ;
enhn, signaler les vices de notre législation
et indiquer quelques-unes des modifications
dont elle lui paraît susceptible : tel est le plan
que s'est ' tracé M. Bozérian. Sa description
des opérations de Bourse et de leur méca-
nisme est très-nette, ainsi que celle des pro-
cédés et des combinaisons de la spéculation et
de l'agiotage. Malgré l'aridité des détails et
des chiffres qui s'y mêlent nécessairement, on
suit facilement les explications de l'auteur,
dont le langage reflète l'énergie des luttes
dont il fait comprendre la stratégie si péril-
leuse et si compliquée. M. Bozérian consacre
une partie importante de son traité à l'étude
de cette grave question, qui, depuis quelques
années, s est produite un peu partout, a la
tribune, dans la presse, en chaire, au théâtre,
de l'influence de la spéculation et de l'agio-
tage au point de vue du crédit, de l'économie
politique et sociale et des mœurs publiques.
M. Bozérian se constitue en tribunal, et résu-
mant, après un examen approfondi, tous les
moyens invoqués contre toutes les spécula-
tions de Bourse d'une part, de l'autre,tous ceux
qu'on a produits en faveur de la liberté des
transactions commerciales, il'prononce un
jugement qui, réservant les questions de mo-
ralité publique et d'intérêt général, admet une
sorte de compensation dans l'impulsion nou-
velle, dans l'extension considérable que la
Bourse a données à notre industrie. Il y a dans
cette discussion un souffle de cet esprit géné-
reux qui, depuis quarante ans, féconde et dé-
veloppe, toutes les idées de progrès et de
prospérité. On sent, sous les formes sévères
de son argumentation, cette ardeur, cet élan
qui caractérisent les économistes pratiques.
M. Bozérian s'inquiète peu de ces grands dé-
sastres de Bourse qui, de temps à autre, ef-
frayent le monde financier. Il comprend et
fait comprendre qu'il faut, avant tout, au com-
merce et à l'industrie, ce grand jour de la
publicité, et, comme on l'a dit, ce feu des
enchères publiques, indispensable à une opé-
ration naissante. Le capital est craintif; il
faut l'attirer, le séduire. La Bourse est le
meilleur moyen de mettre en lumière les nou-
velles créations du génie industriel. Que si
certains abus viennent parfois rendre plus
nuisible qu'utile cet agent de publicité, il ne
faut pas s'arrêter à ces imperfections inhé-
rentes à toutes les créations humaines. Les
effroyables désastres dus au feu ont-ils jamais
fait naître l'idée de le supprimer? M. Bozérian
est de l'école moderne, de cette brillante
pléiade d'économistes qui compte Jean-Bap-
tiste Say, Blanqui; Michel Chevalier, Rossi,
Courcelle-Seneuil parmi ses membres, et qui,
comprenant toute la valeur et toute la portée
politique et sociale d'un système, sait, en don-
nant une institution utile au pays, en prévoir
les inconvénients et les dangers.
Bonrae (MANUEL DU SPÉCULATEOR À LA), ou-
vrage remarquable de P.-J. Proudhon. V. SPÉ-
CULATEUR.
Bonne (LA), roman par H. de Balzac. V.
SCÈNES DE LA VIE PRIVÉE.
Bourse (LA), comédie en cinq actes et en
vers, de M. Ponsard, représentée sur le théâ-
tre de l'Odéon le 6 mai 1856. Connaissez-
vous ce grenier à foin, bâtard du Parthénon,
dont parle Alfred de Musset; ce temple où
chaque jour se chantent sur tous les tons des
litanies à la pièce de cent sous ; cet antre
de l'agio, des tripotages financiers de tous '
genres; ce casse-cou infernal; ce gouffre
tourbillonnant, vertigineux qui vous attire;
ce sanctuaire de la hausse et de la baisse, la
Bourse enfin, puisqu'il faut l'appeler par son
nom? C'est là que la fortune se livre tout en-
tière à ses amours et à ses haines; c'est là
qu'elle offre le spectacle de ses capricieuses
préférences, de ses mystérieux retours, de ses
coups de théâtre, des changements à vue
qu'opère la toute-puissance de sa baguette
féerique; et c'est à un épisode de cette grande
comédie que M. Ponsard a voulu noua initier.
Il commence par nous introduire dans le ca-
binet d'un des soixante prêtres assermentés
du veau d'or, M. Delatour, et nous voilà, sans
plus attendre, au beau milieu du jargon de la
Bourse : banquiers, coulissiers, grands et pe-
tits faiseurs débitent à l'envi des théories à
donner la nausée, lorsqu'arrive le maître du
logis, l'agent de change, qui revient de la
Bourse. M. Delatour, resté seul, reçoit la vi-
site de Léon Desroches, son ancien ami de
collège, qui vient lui demander un service. Il
vivait en province, dans sa propriété, et avait
pour voisin un excellent homme, M. Bernard,
E
ère d'une charmante fille nommée Camille,
éon l'aime et est payé de retour; mais
M. Bernard, dont la fortune considérable ex-
cite l'ambition, est sur le point de choisir
pour gendre un certain comte de la Môle, qui
possède un très-riche patrimoine. Un seul
moyen restait à Léon pour l'emporter sur son
rival, et il n'a pas hésité. Il a vendu son mo-
deste avoir, et en apporte le prix, 60,000 fr.,
à son ami, pour qu'il le perde ou le décuple à
la Bourse. Delatour fait nombre de sages ré-
flexions à Léon, pour le détourner de ses
folles idées; il le conjure de retourner d'où il
vient :
La Bourse ! mais ce sphinx, vers qui tu te fourvoies,
Pour un Œdipe heureux, dévore mille proies.
• Va-t'en, Léon, ou bientôt le repentir entrera
dans ton cœur, et te suivra partout et tou-
jours! » Léon refuse de rien entendre; il aime
Camille et la veut pour épouse ; la fortune
seule peut la lui donner : qu elle prononce son
arrêt, et, s'il n'est pas favorable, eh bien 1
Autant mourir de faim que de vivre Bans elle!
Cen est fait! rouge ou noire, la roue tourne
emportant dans ses évolutions inconscientes
la vie ou la mort d'un homme : elle s'arrête
enfin : Léon gagne 100,000 écusl Vous croyez
peut-être qu'il va se hâter de boucler ses
malles, et d'aller déposer aux pieds du père
Bernard la fortune qui lui assure la main de
'CamilleI Allons donc! la soif irrite la soif;
puis, à force de boire, on se crise, et rien ne
saurait désaltérer l'homme ivre. Léon se
trouve en trop bonne veine pour s'arrêter ; il
partira lorsqu'il verra tourner la chance. Au
même moment arrive le père Bernard, suivi
de sa fille qui, ne pouvant se résoudre à épou-
ser un homme quelle n'aimait pas, a décidé
son père à venir à Paris chercher Léon, le
seul homme dont elle consentira jamais à
faire son époux. Léon se hâte d'annoncer que
son patrimoine s'est considérablement accru,
et M. Bernard est au comble de la joie, jus-
qu'au moment où il apprend que cette for-
tune est due à des spéculations de Bourse :
La source de ton gain m'en gâte le plaisir :
Car le démon du jeu, que jamais on n'arrache.
Dévore jusqu'aux os ceux auxquels il s'attache.
Mais Léon promet de se liquider sans délai,
coûte que coûte; cela lui enlèvera peut-être
une vingtaine de mille francs, mais n'importe!
«Eh bienl si tu attendais un peu, insinue ce
bon M. Bernard ; il est inutile de perdre une
telle somme de gaieté de cœur; et même si je
savais... sans trop me hasarder... • Bref, le
brave homme est pris, lui aussi, et donne
carte blanche à Léon, pour qu'il lui fasse faire
quelques opérations qui le mettent à même
d'acheter certain pré qui borde le sien dés-
agréablement. Voilà donc le beau-père et le
gendre futurs pris à l'engrenage ; de nouveau,
la roue va tourner, et Léon, penché sur le
gouffre obscur du hasard, attend l'issue d'une
partie dont sa fortune, c'est-à-dire Camille,
est l'enjeu, car le père Bernard ne lui permet
d'être joueur qu'à la condition qu'il gagnera
toujours. C'est le moment de faire connais-
sance avec Reynold, que nous trouvons en
tête-à-tête avec sa cousine Camille. Il l'aime,
lui aussi, mais elle a donné son cœur à Léon,
et ne peut plus disposer que de son amitié.
Sur ces entrefaites, Léon rentre tout soucieux,
et répond à peine aux paroles de sa fiancée ;
il vient de" perdre 100,000 fr., et M. Bernard
est de moitié dans cette première perte. Ca-
mille comprend le trouble de Léon; elle le
sent possédé par le démon du jeu, et, à force
de reproches caressants et de douces remon-
trances, elle parvient à le convertir. Léon
fait serment de ne plus jouer, sous peine de
renoncer pour toujours à celle qu'il aime;
mais, hélas 1 un instant après, il apprend par
Delatour que sa perte monte à 300,000 fr.,
sans compter 100,000 fr. pour le compte de
M. Bernard; puis, au même moment, un ami
vient lui annoncer la prise de Sébastopol, et
lui affirmer la hausse pour la prochaine
bourse. Que faire? il vient de jurer, et pour-
tant il lui serait si facile de'regagner tout ce
qu'il a perdu; et puis après, comme il se hâ-
terait de dire adieu pour toujours à cette vie
d'angoisses et de tortures :
O mes heures de paix, qu'étes-vous devenues!
Que le sort prononce donc une dernière fois
sa parole de vie ou de mortt Les dés sont
lancés; une sueur froide inonde le visage du
i
'oueurà l'agonie, qui attend son arrêt au mi-
ieu des angoisses intermittentes de l'espoir et
du désespoir. Enfin Delatour arrive. La baisse
a prononcé: Léon perd 300,000 fr., outre les
60,000 fr. de son patrimoine et les 100,000 fr.
de M. Bernard. Adieu les douces joies du
foyer domestique ; adieu l'amour, adieu Ca-
mille ! il faut encore subir les reproches amers
et méprisants de M. Bernard, qui arrive juste
à point pour apprendre son désastre. Quant à
Camille, elle se contente de demander à Léon
s'il a joué depuis son serment? et, sur le ti-
mide aveu qu il fait de sa faute, en cherchant à
l'excuser par le désir qu'il avait de couvrir la
perte de M. Bernard : « Non, non, dit-elle :
Ne cherchez point d'excuse & la parole enfreinte;
Sachant quelle j'étais, vous n'aviez nulle crainte.
Le crime est tout entier dans le manque de foi.
Un million gagné n'absoudrait rien pour moi. •
C'en est fait. Léon, repoussé par l'amour et
par la fortune, va se donner la mort, et le
pistolet est déjà dans sa main lorsque survient
Reynold, porteur d'un message de la part de
Camille. Léon le reçoit d'abord très-durement,
car il ne voit en lui qu'un rival préféré ; mais
enfin il écoute le conseil que lui envoie Ca-
mille de chercher sa réhabilitation dans le tra-
vail, et l'offre que lui fait Reynold de l'aider
à reconquérir sa propre estime en le mettant
à même de faire quelque chose d'utile. Le
dernier acte nous transporte auprès d'une
mine de charbon, dont Reynold est le direc-
teur, et Léon le contre-maître. Depuis un an,
ce dernier a fait des prodiges de bon vouloir
et de dévouement. La veille encore, il a sauvé
dix ouvriers enterrés vivants par un éboule-
ment; mais aujourd'hui il vient donner sa dé-
mission, car Reynold est sur le point d'épouser
Camille, et Léon ne se sent pas le courage
de voir aux bras d'une autre celle qui lui
était destinée. Heureusement, Reynold est un
brave cœur, et une grande âme ; il voit bien
qu'il n'a pas et ne pourra jamais effacer dans
le cœur de Camille le souvenir d'un premier
amour, et, simplement, sans phrases, il resti-
tue à Léon le bonheur dont il s'est rendu
digne par son repentir. Camille pardonne, et
le père Bernard, bien qu'enrageant un peu
de voir « ces sottises sublimes, • finit par sou-
rire à son ancien voisin, et donne son consen-
tement et sa bénédiction.
Il n'y a évidemment dans tout cela aucune
originalité bien saisissante; mais tous les per-
sonnages sont empreints d'un tel cachet de
vérité qu'ils finissent par s'imposer à l'égal de
types réels et par en prendre le relief. La figure
de Camille, cette puritaine énergique et char-
mante, qui sait gronder sans pédantisme, et
dire simplement Tes grandes choses, est de la
famille des héroïnes de Corneille ; son fiancé
Léon fait un frappant contraste avec l'hon-
nête et généreux Reynold; et quant au père
Bernard, il sait être comique sans vulgarité,
et franchement bourgeois sans exagération,
ce qui est un mérite réel. En résumé, la
Bourse est une œuvre sincère et honnête, sa-
gement pensée par un homme de cœur, et sa-
vamment construite par un poète véritable.
Quoi de plus noble que cette apostrophe, qu'a-
dresse (au premier acte) un paysan aux loups-
cerviers de la Bourse :
Messieurs, ces beaux projets, qui vous semblent
[plaisants.
Ne nous arrangent pas, nous autres paysans.
Tout l'argent va chez vous, et les propriétaires
N'en peuvent plus trouver pour cultiver leurs terres.
Par exemple, voulant dessécher des marais,
Je cherchais un emprunt, même à gros intérêts.
Ah ! oui, le capital, à nos champs infidèle,
S'envole vers la Bourse, où la prime l'appelle,
Et chez les étrangers fait pleuvoir les milliards,
Sans qu'il en tombe un sou parmi nos campagnards.
Au cinquième acte; un ouvrier mineur vient
complimenter Reynold à l'occasion de son
mariage, et s'exprime en ces termes :
Monsieur, excusez-nous : on nous a fait savoir
Que votre fiancée arriverait ce soir,
Et, nous sentant déjà de l'amitié pour elle,
Nous apportons des fleurs à cette demoiselle.
Dame !... on ne trouve pas chez nous des élégants.
Et nos doigts sont trop gros pour entrer dans des
[gants.
Peut-être qu'en touchant & leurs blanches toilettes
Notre main a noirci ces petites coquettes ;
Mai? les fleurs, m'est avis, ne sentent pas moins bon,
Quand même sur leur robe elles ont du charbon;
C'est comme nous, monsieur, par-dessous la pous-
sière,
Le cœur est bon, encor que la main soit grossière.
Le 15juin 1856, M. Ponsard recevait la lettre
suivante, datée du palais de Saint-Cloud :
« Monsieur, vous avez cru, après la première
représentation de la Bourse, devoir vous dé-
rober aux félicitations du public et aux miennes.
Aujourd'hui, l'envoi de votre pièce me donne
l'occasion de vous les adresser, et je le fais
bien volontiers, car j'ai été vraiment heureux
de vous entendre flétrir de toute l'autorité de
votre talent, et combattre, par l'inspiration
des sentiments les plus nobles, le funeste en-
traînement du jour. Je lirai donc votre pièce
. avec le même plaisir que je l'ai vu jouer. Per-
sévérez , monsieur, votre nouveau succès
vous y engage, dans cette voie de moralité,
trop rarement peut-être suivie au théâtre, et
si digne pourtant des auteurs appelés, comme
vous, à y laisser une belle réputation. Croyez
& mes sentiments. NAPOLÉON. » L'homme de
1148 BOUR
BOUR
BOUR
BOUR
lettres couronné ne se montrait que juste à
l'égard d'une pièce remarquable, qui, on ne
sait pourquoi, n'a jamais été reprise.
BOURSE,
BOURSE, ville de la Turquie d'Asie. V.
BROUSSE.
BOURSELETTE
BOURSELETTE s. f. (bour-se-lè-te — dim.
de boursette). Très-petite bourse. Il Vieux
mot.
BOURSEBOURSE AU. Techn. V. BOURSAULT.
BOURSELIER,
BOURSELIER, 1ÈRE s. (bour-se-lié, iè-re
— rad. bourse). Personne qui fait ou vend
des bourses, w Vieux mot.
BOURSET
BOURSET s. m. (bour-sè). Pôch. Corps
flottant qui sert à tirer un des bouts d e l à
drège.
B O U R S E T T E s. f. (bour-sè-te — dim. de
bourse). Petite bourse :
Recevez en gré la boursette
Ouvrée de mainte couleur.
CL. MAROT.
— Mus. Partie du sommier de l'orgue, qui
laisse passer un fil de fer sans laisser passer
le vent.
— Polyp. Syn. de BOURSE-A-BERGER.
— Bot. Nom vulgaire du thlaspi bourse à
pasteur, et de la mâche commune, il Nom
donné à des champignons qui sont enfermés
dans une bourse, avant leur entier dévelop-
pementr
— Homonyme. Bourcette.
BOURSICAUT
BOURSICAUT s. m. (bour-si-ko — dim. de
bourse). A signifié petite bourse.
— Pop. Petit pécule, petite somme amas-
sée avec économie e t mise en réserve : Cet
ouvrier s'est fait un BOURSICAUT. Notts n'étions
pas encore là, quand vous avez crié après voire
BOURSICOT. (G. Sand.} Tu es .un cachottier;
là - bas tu avais toujours des BOURSICOTS.
(Alex. Dumas.) Elle vida son BOURSICOT sur
le tapis de la prophétesse
}
et courut porter la
bonne nouvelle à son tnart. (E. About.)
— Rem. Nous avons écrit boursicaut et non
boursicot, par respect pour l'Académie; mais,
comme Mézerai, nous prenons la liberté de
crier clameur de haro. L'usage, c'est-à-dire
tout le monde, écrit aujourd'hui boursicot. On
a vu, parles exemples cités, que George Sand,
Aiex. Dumas et Ed. About sont de notre avis.
La plupart des dictionnaires ont suivi l'ortho-
graphe de l'Académie, ce qui ne les a pas empê-
chés d'écrire par un o les dérivés boursicoter,
boursicoteur, boursicotier, qui ne figurent pas
dans le Dictionnaire de l'Académie : comme
on le voit, c'est une protestation muette. Es-
pérons que l'Académie, dans sa prochaine
édition, fera disparaître cette anomalie, car
elle ne saurait manquer d'enrichir son Dic-
tionnaire de ces dérivés, et il est impossible
qu'elle ose écrire boursicaut et boursicotier.
— Pourquoi pas? dirait Piron, elle écrit bien
boursoufler et souffler, siffler et persifler,
emmaillotter et démaUloter!
BOURSlCOTANT(bour-si-ko-tan)part.prés.
du v. Boursicoter : On lui donne une corbeille
de noce, comme tous les archiducs de la Ger-
manie réunis n'en pourraient payer une en
BOURSICOTANT. (E. Sue.)
BOURSICOTERBOURSICOTER v. n. ou intr. (bour-si-ko-
té— rad. boursicaut). Se faire un boursicaut,
économiser, dépenser peu, pour pouvoir
amasser un petit pécule : Il économise depuis
douze ans, et il BOURSICOTE, afin de satisfaire
un désir qui s'accroît d'année en année. (Balz.)
— Se cotiser, mettre en commun de petites
sommes : Une société de jeunes gens BOURSI-
COTA pendant dix minutes pour régler un
compte de 19 fr. 80 c. (Fr. Soulié.)
— Faire de petites opérations à la Bourse :
Je
BOURSICOTE,BOURSICOTE, je coulisse, je reporte. (Co-
gniard et Bourdois.)
BOURSICOTIER
BOURSICOTIER s. m. ( bour-si-ko-tié —
rad. boursicoter). Celui qui joue à la Bourse
ou qui y fait de petites affaires : / / cumule et
mène de front les importantes fonctions de
dandy et de BOURSICOTIER. Il On dit aussi
BOURSICOTEUR.
— Adjectiv. : Le café de l'Opéra est un des
asiles où s'est réfugiée la gent BOURSICOTIÈRE,
après avoir quitte le perron de Tortoni. (F.
Mornand.)
BOURSIER,
BOURSIER, 1ÈRE s. (bour-sié, ie-re —
rad. bourse). Elève qui jouit d'une bourse
dans un établissement d'instruction publi-
que : BOURSIER au lycée Louis-le-Grahd.
Z)emi-BOURSiËR. Je ne me crois pas en droit de
nommer une BOURSIÈRE. (Boss.) Les élèves hu-
milient les BOURSIERS, quand les BOURSIERS ne
se font pas respecter par une force physique
supérieure. (Balz.)
—Homme de Bourse, homme qui fréquente
la Bourse : Plus d'une fois il avait fait hurler
les BOURSIERS. (Balz.) Les ombres des dé-
bauchés antiques auraient le droit de se révol-
ter qu'on les comparât à vos BOURSIERS en go-
guette, (Mme L. Colet.)
—Fam. Personne qui tient la bourse com-
mune: Tu seras notre BOURSIER, n On dit plus
souvent CAISSIER.
— Techn. Ouvrier, ouvrière qui fait et qui
vend des bourses, n Peu usité.
--Adjectiv. Qui jouit d'une bourse dans une
maison d'éducation : Un élève BOURSIER. La
/.iste civile payait la pension de Napoléon; il
s'affligeait d'être BOURSIER. (Chaxeanb.) n Qui
concerne la Bourse, les opérations de la
Bourse, les personnes qui fréquentent la
Bourse: Aussitôt lesnégociants les mieux famés
entourèrent l'ancien parfumeur, et lui firent une
ovation BOURSIÈRE. (Balz.) Les transactions
BOURSIÈRESBOURSIÈRES ont une raison légitime. (Proudh.)
BOURSIER
BOURSIER (Louise BOURGEOIS, dite), sage-
femme française du xvue siècle. Marie de
Médicis l'appela près d'elle dans toutes ses
couches. C'était une praticienne habile, et les
ouvrages qu'elle a laissés prouvent qu'elle
avait des connaissances réelles. On lui doit :
Observations sur la stérilité, perte de fruit,
fécondité, accouchements et maladies des
femmes et enfants nouveau-nés (1609), ouvrage
qui fut traduit en latin, en allemand et en
hollandais; Récit véritable de la naissance de
messeigneurs et dames les enfants de France
(1625) ; Apologie contre les rapports des méde-
cins (1627), etc. —Une autre sage-femme,
nommée Angélique-Marie BOURSIER DU Cou-
DRAY, de la même famille, publia en 1759
un Abrégé de l'art des accouchements.
BOURSIERBOURSIER (Laurent-François), théologien,
né à Ecouen en 1679, mort en 1749. il joua
un rôle très-actif dans l'opposition contre la
bulle Unigenitus et dans l'affaire des appe'
lants. On a de lui divers écrits de contro-
verse et de théologie, notamment la belle
Préface de tous les saints, qui est dans le mis-
sel de Paris.
BOURSILLER
BOURSILLER v. n. ou intr. (bour-si-llô,
Il mil. — rad. bourse). Se cotiser, fournir cha-
cun une petite somme pour une dépense
•commune : Il nous fallut BOURSILLKR pour
faire une somme de 3 fr. |] Prendre un peu
dans plusieurs bourses : / / avait, disait-il,
épuisé le peu qu'il avait, et BOURSILLÉ parmi
ses amis pour se mettre en chemin de faire
fortune. (St-Sim.)
—Tirer continuellement de petites sommes
de sa bourse : Il faut soutenir son droit (au
parlement) par {beaucoup d'argent; ie m'en
souviens, ef/AiBouRsiLLB moi-même. (Volt.)
BOURSILLON
BOURSILLON s. m. (bour-si-llon, Il mil.
— rad. bourse). Pop. Petite bourse.
BOURSON
BOURSON s. m.(bour-son--dim. de ôourse).
Petite poche au dedans de la ceinture d'une
culotte : Mettre de l'argent dans son BOURSON.
(Acad.) n Vieux mot. On dit aujourd'hui
GOUSSET. *
— Voltaire a employé ce mot dans le sens
de bourse :
Il saute en bas ; il écarte la troupe,
Marche à la belle, et lui met dans la main
Un gros bourson de cent livres sterling.
VOLTAIRE.
BOURSOUFLAGEBOURSOUFLAGE s. m. (bour-sou-fla-je —
rad. boursoufler). Enflure de style, pompe
excessive ou déplacée du langage : Ce dis- •
cours est plein de BOURSOUFLAGE.
BOURSOUFLÉ,
BOURSOUFLÉ, ÉE (bour-sou-flé) part. pass.
du v. Boursoufler. Enflé et mollasse : Chairs
BOURSOUFLÉES. Visage BOURSOUFLÉ. Corps
BOURSOUFLÉBOURSOUFLÉ par la maladie. La carie est une
maladie dans laquelle le grain de froment de-
vient court, BOURSOUFLÉ et plus léger. (Math.
de Dombasle.)
— Fig. Vide et enflé, emphatique, en par-
lant du style : L'épithète BOURSOUFLÉ, appli-
quée au style, est une des plus hardies, mais
des plus justes métaphores qu'on ait jamais
hasardées. (Joubert.) Le style BOURSOUFLÉ
fait poche partout ; les pensées y sont peu atta-
chées au sujet, et les paroles aux pensées. (Jou-
bert.) n Dont le style, le langage est vide,
enflé, emphatique : Eschyle est souvent BOUR-
SOUFLÉ dans ses expressions. (Andrieux^) Il
vaut mieux être terne que BOURSOUFLE ou
grotesque. (E. de Gir.)
Quels seront les heureux poEtea,
Les chantres boursouflés des rois î
VOLTAIRE.
Cachez-vous, Lycophrons antiques et modernes,
Vous qu'enfanta le Pinde au fond de ses cavernes,
Pour servir de modèle au style boursouflé l
J.-B. ROUSSEAU.
tf Comblé, rempli sans résultat utile : Ces
enfants, BOURSOUFLÉS de préceptes ou d'études
prématurées, deviennent pour l'ordinaire de
médiocres sujets, (Fourier.) Voit-on se marier
les filles qui sont BOURSOUFLÉES de préceptes,
et non d'argent? (Fourier.) Il Inus. On dit
BOURRÉ
BOURRÉ à peu près dans le même sens.
— Substantiv. Personne dont le corps et
le visage sont boursouflés : Voici'venir notre
gros BOURSOUFLÉ, il Style boursouflé, vide et
emphatique : Je ne peux plus souffrir le BOUR-
SOUFLÉ et une grandeur hors nature. (Volt.)
— Syn. Boursouflé , boaffl, enflé, gonflé-
V. BOUFFI.
— S y n . Boursouflé, a m p o u l é , emphatique,
g u i n d é . V . AMPOULÉ.
BOURSOUFLEMENTBOURSOUFLEMENT s. m. (bour-sou-fle-
man — rad. boursoufler). Action de boursou-
fler; état de ce qui est boursouflé : Avant la
fusion, beaucoup de substances soumises à la
chaleur passent par un état de BOURSOUFLE-
MENT souvent très-considérable.
BOURSOUFLERBOURSOUFLER v. a. ou t r . (bour-sou-flé
— rad. bourse Qtsouffler). Rendre enflé, gon-
flé, gros et mou : Cette maladie lui a BOUR-
SOUFLÉ les yeux. La mer BOURSOUFLAIT ses
flots comme des monts dans te canal où nous
nous trouvions engouffrés. (Chateaub.)
— Fig. Rendre vain, enfler : L'orgueil et
l'envie
BOURSOUFLENTBOURSOUFLENT les sots. Un titre ne
fait qu'alimenter, BOURSOUFLER l'orgueil de
l'homme. (M^e Campan.)
Se boursoufler v. pr. Se gonfler, s'en-
fler, augmenter de volume: Le sulfate de
soude SE BOURSOUFLR par la chaleur. Quand
la pâte de cacao est trop chaude, il arrive
quelquefois qu'elle adhère au moule et qu'elle
SE BOURSOUFLE. (Encycl.)
— Fig. Prendre une apparence exagérée :
Dans la solitude, les objets SE BOURSOUFLENT
comme ce qu'on met dans la machine du vide.
(M«»e de Staël.) n S'enfler d'orgueil : Le cœur
de l'homme se gonfle et SE BOURSOUFLE comme
tes ballons: plus le gaz et les éloges sont lé'
gers, plus leur effet est rapide.
— Rem. Le Dictionnaire de l'Académie, et
tous les autres après lui, écrivent BOURSOU-
FLER et ses dérivés par un seul f. Nous-
même, nous avons cru devoir adopter cette
orthographe. Et pourtant, ne serait-il pas ex-
trêmement logique d'écrire BOURSOUFFLER par
deux f, puisque le simple SOUFFLER s'écrit de
cette manière? Encore une anomalie de plus
à signaler dans le Dictionnaire officiel ; nous
en retrouverons une autre absolument identi-
que à PERSIFLER qui devrait, ce nous semble,
être écrit PERSIFFLER, puisque SIFFLER prend
deux f.
BOURSOUFLUBOURSOUFLU adj. m. (bour-sou-flu —
forme irrég. de boursouflé). Ichthyol. Se dit
des chétodons et des diodons, poissons qui
ont la faculté de se confier d'air, ce qui les
rend plus légers que l'eau, et leur permet de
flotter inertes à sa surface : Poissons BOUR-
SOUFLUS. il s. m. Nom générique donné aux
mêmes poissons : Les BOURSOUFLUS.
BOURSOUFLUREBOURSOUFLURE du duc tomba devant ces pa-
roles. (Alex. Dumas.) Aucun esprit mâle ne
s'était trouvé là pour corriger ce que sa nature
avait de trop enclin aux BOURSOUFLURES du
sentiment et aux recherches fausses de l'esprit.
(A. Achard.)
BOURSOUFLURE
BOURSOUFLURE s. f. (bour-sou-flu-re —
rad. boursoufler). Enflure, bouffissure, gon-
flement : Avoir de la BOURSOUFLURE dans le
visage. Sa peau crève de BOURSOUFLURE.
— Fig. Emphase, enflure, caractère de ce
ui est vide ou vain : Malheur aux peuples
ont les gouvernements sont assez faibles pour
ne se déterminer que par des sentiments d'or-
gueil et de BOURSOUFLURE l (Moniteur.) Toute
la
BOURSSB
BOURSSB (L.), peintre hollandais, florissait
au milieu du xvne siècle. On ne sait rien de
la biographie de cet artiste, et on ignore jus-
?
u'à son prénom. M. W. Bùrger pense qu'il
ut élève ou tout au moins sectateur de Pieter
de Hooch, auquel ses tableaux ont été et sont
souvent encore attribués, ce qui est une preuve
incontestable de leur mérite. Les œuvres au-
thentiques de cet artiste sont rares. Le musée
de Rotterdam a de lui une Femme galante à
sa toilette; la collection de M"" Hodgson, à
Amsterdam, une Femme en bonnet blanc
t
as-
sise de profil. A la vente Leroy d'Etiolles, en
1861, un tableau attribué à Boursse, et repré-
sentant une Partie de cartes, a été payé
1,480 fr.
BOURTANGE. ville forte de Hollande, pro-
vince et à 45 kiiom. S.-E. de Groningue, a r -
rond. et à 15 kilom. S.-E. de Winsehoten,
sur la frontière de Hanovre, au milieu de ma-
rais qui portent le même nom, et qui s'éten-
dent en grande partie sur le Hanovre jusqu'à
l'Ems; 2,000 hab. La forteresse de Bourtange
fut prise par les Espagnols en 1593; inutile-
ment assiégée par les troupes de l'évéque de
Munster, en 1672, elle fut emportée d'assaut
par les Français, en 1795*
BOURUT,
BOURUT, forme peu usitée du mot bourru
(vin). V. ce mot,
BOURVALAIS
BOURVALAIS (Paul POISSON DE), riche fi-
nancier et traitant célèbre, né dans la deuxiè-
me moitié du xvnc siècle, en Bretagne, mort
à Paris en 1719.
Fils d'un cultivateur des environs de Ren-
nes, il vint dès sa jeunesse à Paris. Laquais
chez le fermier général Thevenin, il passa de
là chez un marchand de bois, en qualité de
commis. Il ne réussit pas, paraît-il, dans cet
emploi, retourna dans son village et s'y fit
huissier. On raconte que M. de Pontchartrain,
premier président du parlement.de Rennes et
futur chancelier de France, rencontrant par
hasard le. jeune huissier, lut un exploit que
.celui-ci portai^ et, le trouvant bien rédigé,
dit : • C'est vraiment dommage que tu exerces
un si pauvre métier. Viens me voir, je ferai
quelque chose pour toi. > La fortune tendait
la main à notre homme ; il sut la saisir pour
ne plus la lâcher.
Le jeune Paul, revenu à Paris sous les
auspices de Pontchartrain, débuta par être
piqueur pour la reconstruction du pont Royal,
et, voulant se rendre plus présentable dans le
monde des grands, il ajouta à son nom vul-
gaire et plébéien de Poisson le nom plus aris-
tocratique de Bourvalais^ sous lequel il s'est fait
connaître. Apprécié et aimé de son patron, il
fut poussé, employé, intéressé dans les traités
des fournitures de la guerre. « Dès 1688, nous dit
une biogiaphie, Bourvalais était déjà finan-
cier et avait acquis une fortune considérable.
Il jouit pendant seize ans d'une prospérité
quil soutint par sa capacité, une grande
magnificence et une sorte de dignité propor-
tionnée à sa fortune. Au milieu d'une ef-
frayante multitude d'affaires, il dirigeait tout,
voyait tout par lui-même et suffisait à tout.
L'énumératîon de son mobilier, de ses capi-
taux, de ses terres, passerait toute croyance.
Il possédait dix charges, outre celle de secré-
taire du conseil, dont les revenus étaient de
500,000 livres; celle de secrétaire du roi, et
deux offices de contrôleur général des finan-
ces du comté de Bourgogne. Une partie de la
Brie lui appartenait; il lit construire le châ-
teau de Champs-sur-Marne, à quatre lieues
de Paris; et, à la place Vendôme, il occupait
l'hôtel qui est aujourd'hui celui du ministère
de la justice; enfin; une princesse du sang ne
trouva pas son habitation de Champs indigne
d'elle, et le frère de Louis XIV allait jouer
et manger chez Bourvalais. »
On comprend qu'un homme si heureux n'ait
pas pu échapper à l'envie : les épigrammes
mordantes, les pamphlets diffamatoires l'as-
saillirentde toutes parts, avec force anecdotes,
où on le présentait comme stupide, ignorant,
excepté toutefois dans l'art du vol... Mais
continuons notre citation : « Le tribunal
érigé en 1716 par le Régent rechercha la
conduite de Bourvalais; on le mit à la Con-
ciergerie; tous ses biens furent saisis : il ju-
gea à propos de n'en faire qu'une déclaration
incomplète, et n'en rendit sa cause que plus
mauvaise. Un prêtre de Saint-Sulpice nommé
Rey, sous le nom duquel Bourvalais cachait
un contrat de 500,000 fr. sur la ville de Paris,
alla le dénoncer, et reçut 100,000 fr. pour
cette déclaration. On découvrit encore pour
I million de billets que Bourvalais avait
omis de déclarer. Il fut transféré dans la tour
de Montgommery, prison réservée aux plus
grands criminels depuis Ravaillac. Cette
excessive rigueur aboutit à une taxe de
4,400,000 livres. On se rappela, il est vrai,
par la suite — mais un peu tardl — que le
crédit de Bourvalais avait été utile dans les
temps de détresse, et qu'il avait soutenu
l'Etat.
En 1718, il fut rétabli dans presque tous
ses biens par un arrêt du 5 septembre, mais
la mort ne lui permit pas de jouir longtemps
de sa grande fortune. Bourvalais n a pas
laissé de postérité.
Parmi les pamphlets dirigés contre ce très-
opulent traitant, il en est deux qui méritent
dètre indiqués. Le premier a pour titre .-
Pluton maltôlier (1708), sans nom d'auteur.
II y a là un prétendu plan de Bourvalais, en
vue de la restauration des finances du
royaume : i<> faire fondre toutes les cloches,
et en faire battre de bonne monnaie pour
le bien de l'Etat (ceci n'est pas si fou que le
pensait le pamphlétaire anonyme : la Révolu-
tion l'a prouvé); 2° s'emparer de tous les
biens des moines, des religieuses et bénéfi-
ciera, et, pour les consoler, leur permettre de
se marier (encore un conseil qui devait être
suivi à la lettre par les hommes de 1790);
3° permettre à perpétuité le changement do
mari et de femme (nous ne voyons pas en
quoi ceci pourrait remédier aux pénuries fi-
nancières); 40 supprimer toutes les charges
du royaume, sans aucun remboursement, et en
créer de nouvelles ; 5° supprimer tous les col-
lèges et universités, comme inutiles et entre-
tenant un tas de fainéants, etc.
Ceci est un trait lancé à Bourvalais, que
l'on disait complètement illettré, mais à qui,
du moins, on ne saurait reprocher d'ignorer
l'art de grouper les chiffres. Cet écrit fut
véimprime à Rotterdam, en 1710.
L'autre opuscule contre Bourvalais, égale-
ment anonyme, parut sous la Régence; il est
intitulé : Médailles sur la Régence, avec les
tableaux symboliques du sieur Paul Poisso7i
de Bourvalais, premier maltôtier du royaume,
et le songe funeste de sa femme, à Sipar (Pa-
ris), chez Pierre Musca (Camus), rue des Cent'
Portes, à la maison percée (1716, in-18 de
33 pages).
Il existe une certaine classe de gens de let-
tres qui, ayant le talent de rester toujours
pauvres, s acharnent à démontrer que la for-
tune est une femme capricieuse qui ne favo-
rise que les imbéciles. Naturellement, à leurs
yeux, Bourvalais n'est arrivé à la richesse que
parce qu'il était un sot. Nous ne partageons pas
ce pessimisme : l'esprit, il est vrai, n'est pas tou-
jours le véhicule indispensable à la réussite ;
celle-ci réclame le plus souvent des talents
plus modestes. « Cet homme s'est enrichi, dit-on
quelquefois; ce n'est pas étonnant, c'était un
épicier. » Nous ne voyons rien en cela d'ex-
traordinaire, si l'épicier avait de l'ordre et de
l'économie. Voici, du reste, qui prouve que
Bourvalais n'était pas aussi dénué d'esprit
qu'on a bien voulu le dire. Dans une dispute
qu'il eut un jour avec son ancien maître The-
venin, celui-ci lui dit d'un air triomphant :
* Souviens-toi que tu as été mon valet. —
Cela est vrai, répondit Bourvalais; mais si tu
avais été le mien, tu le serais encore. »
TîOURZAT (Pierre-Siméon), homme politi-
que français, né à Brives-la-Gaillarde en
1800. Après avoir fait son droit, il s'établit
comme avocat dans sa ville natale, où il se
signala non moins par son désintéressement
et l'austérité de sa vie que par l'ardeur de ses
convictions républicaines. Nommé, en 1848,
représentant à la Constituante par le dépar-
tement de la Correze, il vota avec les répu-
blicains avancés, fut réélu à la Législative,
combattit constamment la politique de l'Ely-
sée et le parti clérical, et monta plusieurs fois
à la tribune pour repousser les mesures et les
BOUS BOUS
BOUS
BOUS • 1149
ois présentées par la réaction. Expulsé de
France au S décembre 1851, M. Bourzat alla
chercher un asile en Belgique.
BOURZÉ1S {Amable DE), diplomate, éru-
dit et théologien, né à Volvic, près de Rioin,
fin 1606, d'une-famille noble, mort en 1672.
Emmené à Rome pur le Père Arnauld, il y
étudia'la théologie et les langues orientales,
tniduistt en vers grecs le poôiue d'Urbain VIII
De par tu Virginis, et reçut de ce pontife un
prieuré en Bretagne. De retour en'France, il
fut présenté k Louis XIII, qui le nomma abbé
commendataire devint-Martin de Cores. Peu
de temps après, Richelieu le prit pour secré-
taire et lui fit inaugurer le trente-cinquième
fauteuil de la naissante Académie. Ordonné
prêtre, il opéra quelques conversions écla-
tantes, entre autres celle du prince palatin
Edouard. Le ministère employa aussi sa plume
dans les affaires sur les droits de la reine, et
l'envoya, en 1666, en Portugal, pour travailler
à la conversion de Sohomberg, depuis maré-
chal de France, et sans aucun doute aussi
pour accomplir quelque mission d'Etat, dont
le secret ne nous a pas été révélé. Il a sou-
vent présidé la petite Académie, qui s'assem-
blait chf-z Colbert. Il a travaillé au Journal
des savants et publié des ouvrages de contro-
verse et de théologie, ainsi que deux volumes
de Sermons (1672). Voltaire lui a attribué, mais
par erreur, le fameux Testament de liic/ielieu.
BOUSAGEBOUSAGE s. m. (bou-za-je — rad. bouse).
Techn. Opération qui consiste à passer au
bain de bouse les toiles sur lesquelles on a
imprimé le mordant : Le BOUSAGE s'effectue
en trempant l'indienne dans un bain formé de
1,200 à 1,500 litres d'eau et de 30 kilogrammes
de bouse de vache. (Marié-Davy.)
— Encycl. Le bousage a pour objet: îo de
fixer intimement le mordant aux places où il
a été déposé et de l'empêcher ainsi de cou-
ler, lors de la teinture, sur les autres points,
où il produirait des taches; 2° de faire dispa-
raître la plus grande partie des matières em-
ployées pour épaissir le mordant; 3° de dé-
tacher ou de saturer les acides du mordant;
40 d'enlever l'excès du mordant. L'opération
consiste à passer le tissu dans un bain chaud
composé ordinairement de 1,200 à 1,500 litres
d'eau et de 30 kilogrammes de bouse de va-
che (de là son nom), qui peut servir pour vingt
ou soixante pièces, suivant la nature et Ta
quantité du mordant. Elle dure de une à vingt
minutes. La bouse agit principalement par
son albumine, qui, s'unissant à l'alumine ou à
l'oxyde de fer du mordant, les rend insolubles
et les fixe au tissu. Elle agit encore par son
alcali, qui contribue k neutraliser l'acide.
Toutefois, comme la bouse a le défaut de com-
muniquer une nuance verdâtre aux étoffes,
on la remplace souvent par le son pour cer-
t a i n e s couleurs claires, surtout pour les jaunes
et pour les roses. Enfin, depuis 1840, on sub-
stitue à ces deux substances, dans plusieurs
cas particuliers, un grand nombre de sels,
tels que le silicate de soude, le phosphate
double de soude et de chaux, rarséniate dou-
ble de potasse et de chaux, etc., que l'on dé-
signe d'une manière générique sous le nom
de sels à bouser.
BOUSBOUS s. m. pi. (bouss — mot gr. dont le
sens propre est bœuf). Antiq. gr. Gâteau en
forme de croissant, que les Athéniens of-
fraient à Jupiter céleste, du temps de Cé-
crops, au dire de certains historiens.
BOU-SAADA,
BOU-SAADA, bourg et oasis d'Algérie.
Y. SAADA (Bou-j.
BOUSANTHROPIEBOUSANTHROPIE s. f. (bou-zan-tro-pî —
du gr. bous, bœuf; anthrôpos, homme). Etat
de celui qui était changé en bœuf, selon le
pouvoir que l'on attribuait à certains sorciers.
BOUSARD
BOUSARD s. m. (bou-zar — rad. bouse).
Véner. Fumées molles et toutes liées que les
cerfs jettent en mars, avril et mai, et qui
sont ainsi nommées parce qu'elles ressem-
blent à la bouse des vaches, il On dit aussi
FUMÉES BOUSARDS et FUMEES EN BOUSARDS.
BOUSCÀLBOUSCÀL (Guyon-Guérin DE), auteur dra-
matique du xviie siècle, né en Languedoc. Il
fut avocat au conseil du roi. On lui doit : la
Mort de Drutùs et de Porcie, tragédie (1637);
deux comédies en cinq actes, sous le titre de
Don Quixotte de la Manche, i
r e
et 2eparties;
l'Amant libéral, tragi-comédie (1642); la Mort
d'Agis, tragédie (1642) ; le Gouvernement de
Sancho Pança, comédie (1642); les Amants
discrets, tragi-comédie (1645); le Prince réta-
bli (lG-17); Clëomène, tragédie (1648).
BOU'SCAUIN
BOU'SCAUIN (Henri-Pierre), général fran-
çais, né à la Guadeloupe en 1804, mort en
1856. Il servit d'abord dans l'arme du génie
(1828-1836), puis dans les spahis et les chas
7
seurs d'Afrique, fit preuve d'une grande va-
leur aux combats de Mouzaïa, de Mered et de
Blidah, dans les expéditions de Biskara,
Djidgelly et Collo, et mourut des suites d'une
blessure qu'il reçut k la prise de Laghouat.
Il était général de brigade depuis 1851.
BOUSCARLE
BOUSCARLE s. f. (bou-skar-le). Ornith.
Nom provençal d'une espèce de fauvette.
DOUSCAT (LE), bourg et coinm. de France
(Gironde), cant., arrond. et à 2 kilom. de Bor-
deaux. Pop. aggl. 2,367 hab. —- pop. tôt.
3,665 hab. Commerce de laitage ; belles mai-
sons de campagne.
BOUSCULADE
BOUSCULADE s. f. (bou-sku-la-de — rad,
bousculer). Action de bousculer, de renver-
ser, de mettre sens dessus dessous, de pous-
ser en tout sens; résultat de cette action :
Donner, recevoir une BOUSCULADE. Une BOUS-
CULADE sépara Chicot de l'établissement du
fanatique hôtelier. (Alex. Dum.)
BOUSCULÉ,
BOUSCULÉ, ÉE (bou-sku-lé) part. pass.
du v. Bousculer : Nous fûmes horriblement
BOUSCULANT
BOUSCULANT (bou-sku-lan) part. prés, du
v. Bousculer : Je sautai de mon lit, BOUSCULANT
tout ce qui me tombait sous la main. (Baude-
laire.)
BOUSCULESBOUSCULES dans la foule. (Acad.) Tous mes li-
vres ont été BOUSCULÉ^ renversés, dispersés.
BOUSCULEMENTBOUSCULEMENT s. m. (bou-sku-le-man
— rad. bousculer). Action de bousculer ; r é -
sultat de cette action : Ce fut un BOUSCULE-
MENT général.
B O U S C U L E R v. a. ou tr. (bou-sku-lé — de
bouler et cul, mettre sur le cul). Mettre sens
dessus dessous : On a BOUSCULE tous mes li-
vres. Si les gens de justice avaient l'éveil de'
quelque bataille, ils viendraient tout BOUSCU-
LER ici. (G. Sand.) Valeniine courut à un ti-
roir qu'elle BOUSCULA de fond en comble, sous
le prétexte d'y chercher n'importe quoi. (Ad.
Paul.) 11 Pousser, secouer en tout sens :
La foule nous BOUSCULA horriblement. (Acad )
Nous arrivons au Palais-Royal ; on me BOUS-
CULE dans un café, sous la galerie de bois.
(Chateaub.)
— Battre, malmener, avoir raison de :
Vous croyez-vous sûrs de traverser la pre-
mière cour et de BOUSCULER la garde exté-
rieure? (Ch. Nod.)
. . . , , . Ces guerres,
Où nous bousculions les rois.
BÉRANOER.
— Par ext. Tourmenter, déranger fréquem-
ment de ses occupations : Voici des lettres à
expédier aujourd'hui. — Ce sera fait, mon-
sieur, si on ne vient pas me BOUSCULER comme
à l'ordinaire. (Scribe.)
Se bousculer v. pr. So pousser l'un l'au-
tre en tout sons: J?A/ allez, quinze cents per-
sonnes qui SE BOUSCULENT. (P. Féval.) Tout le
monde se heurtait, SE BOUSCULAIT, se renver-
sait, avec des cris et des injures en toutes
sortes d'idiomes. (TIu.Gaut.) Ces espiègles SE
BOUSCULAIENT
BOUSCULAIENT à la manière des écoliers qui
sortent de classe. (H. Berthoud.)
B O U S D O R F F I T E s. f. (bou-sdor-fi-te —
de Bousdorff, n. d'homme). Miner. Silicate
double d'alumine et de magnésie.
— Encycl. La bousdorffite se trouve en
cristaux vert olive foncé, desséminés dans le
granit d'Abo, -en Finlande. Ces cristaux, qui
appartiennent au système du prisme droit à
baserhombe, sont regardés comme résultant
d'une altération spéciale de la dichroïte. On
remarque d'ailleurs que cette dernière sub-
stance est toujours associée dans la nature
aux cristaux de bousdorffite.
BOUSEBOUSE s. f. (bou-ze — du gr. bous, bœuf).
Fiente de bœuf ou de vache : Vous verrez
des femmes faisant du bois, c'est-à-dire collant
des
BOUSESBOUSES de vache le long des murs, pour les
dessécher et les entasser comme les mottes à
Paris, puis l'hiver on se chauffe avec ce bois-
là. (Baîz.) Dans tout le pays haut du Dau-
phiné, ils font le pain pour six mois; ils le
font cuire avec de la BOUSE de vache séchëe.
(V. Hugo.) La BOUSK de vache, connue de toute
antiquité comme engrais, a été, depuis quel-
ques années, appliquée à la teinture des étof-
fes. (Bouillet.)
— Blas. Sorte de chantepleure dont on se
servait en Angleterre, et qui se trouve repré-
sentée dans quelques armoiries.
— Encycl. Les excréments des bêtes bo-
vines, désignés communément sous le nom de
bouses, sont susceptibles de divers emplois. On
s'en sert pour former une sorte de cataplasme
rafraîchissant, qui possède la propriété de
rendre à la corne des pieds de certains che-
vaux l'élasticité qu'elle a perdue. Mêlée en
parties égales avec de la terre franche, la
bouse constitue ce qu'on appelle l'onguent de
saint Fiacre. Le même mélange fait en grand
sert à enduire les ruches et est employé à la
confection ou à la réparation de Vaire des
granges. Dans les localités où le bois est rare,
la bouse desséchée au soleil forme un combus-
tible qui n'est pas à dédaigner. Enfin, et cela
en constitue 1 emploi le plus important, elle
f
ieut devenir la matière première des meil-
eurs engrais, soit solides, soit liquides. Nous
n'avons pas à examiner ici les excréments
des bêtes bovines, au point de vue de la com-
posi.tion générale des fumiers; ce sujet sera
traité avec tous les développements qu'il com-
porte au mot engrais. Nous nous contenterons,
en attendant, d'indiquer les moyens de tirer
le meilleur parti de cette matière pour la for-
mation des entrais liquides. Abandonnée sur
les herbages ou les animaux la déposent en
pâturant, la bouse n'a qu'une utilité restreinte
et donne lieu à quelques inconvénients. En
premier lieu, elle perd par l'évaporation une
partie de ses principes fertilisants. De plus,
son épaisseur étant considérable, elle empê-
che 1 action de l'air sur les parties du sol
qu'elle occupe et arrête par conséquent la vé-
gétation. 11 est vrai que celle-ci ne tarde pas
à prendre une vigueur nouvelle; mais les ani-
maux dédaignent l'herbe trop grasse à la-
quelle leurs propres excréments ont donné
naissance. Il y a donc là une perte considérable
pour l'agriculture. Pour l'éviter, il suffirait
d'employer un moyen très-simple et peu coû-
teux, dont nous emprunterons la description à
M. le comte de Kergorlay, • J'arrose mes
prairies, dit cet agriculteur éminent, après
avoir coupé les foins, pour faire repousser
proinptement et vigoureusement les regains,
avec du purin. Celui des étables étant a peu
près en totalité absorbé par la tangue, voici
comment j'en fabrique : Mes vaches sont
presque toujours attachées au piquet quand .
elles pâturent les herbages. Elles sont soignées
par une femme qui ramasse toutes les bouses
à mesure que les animaux les déposent sur
l'herbe; cette femme les porte, au moyen
d'une brouette, dans un tombereau placé dans
le voisinage. Quand le tombereau est plein,
il est amené à la ferme et vidé dans la fosse à
purin. Vingt k vingt-cinq vaches à lait pro-
duisent par jour un mètre cube de bouses. Ce
mètre cube de bouses toutes fraîches, et par
conséquent encore un peu liquide, me revient
•à ofr. 80. Une source très-abondante apporte
de l'eau au potager, à l'écurie, à la cuisine, à
la buanderie, etc. On ouvre pendant la nuit
le robinet quija fait couler dans le trou à pu-
rin, et ou le remplit quand on veut arroser.
Une pompe rustique y prend le liquide et l'é-
lève- dans un tonneau d'arrosage. Le prix
d'arrosage pour chaque hectare peut être éva-
lué en moyenne à 3 fr. 50. Au moyen de mes
arrosements, j'obtiens au moins trois regains,
et souvent quatre, qui me permettent de nour-
rir mes vaches à l'herbe jusqu'à Noël et même
plus tard, quand la gelée ou la neige ne vien-
nent pas y mettre obstacle. Si les herbages
sont trop éloignés de la ferme pour qu'il soit
possible d'en rapporter les bouses à la fosse à
purin, et d'y reporter celui-ci, je me contente
de faire ramasser les bouses en tas dans l'her-
bage, et je les fais recouvrir, soit avec des
terres préparées d'avance pour former un
compost, soit, à défaut de celles-ci, avec de la
tangue, pour empêcher qu'elles ne perdent une
partie de leur richesse par l'évaporation;
plus tard, on prépare les composts. » La mé-
thode de M. de Kergorlay nous paraît utile à
tous les points de vue. Exécutée en grand,
elle n'est applicable qu'aux domaines très-
étendus; mais, avec certaines modifications,
elle peut rendre d'importants services, même
dans les plus petites exploitations. Nous la
recommanderons donc aux cultivateurs, per-
suadé qu'au moyen de quelques soins et dune
dépense minime, elle leur permettrait d'aug-
menter considérablement les revenus de leurs
fermes.
En Angleterre, dans les fermes où il existe
des étables à claire-voie, les bouses de vache
sont reçues dans des citernes et utilisées sans
litière. En Hollande, les composts du potager
sont préparés avec des bouses de vache. Les
habitants pauvres des Flandres belges font
des mélanges de bouse de vache et de crottin
de cheval, qu'ils ramassent sur les chemiilset
qu'ils mettent en tas, mélanges auxquels on
donne le nom de fumier des pauvres. Il paraît,
au dire des populations, que ce fumier porte
bonheur à ceux qui l'achètent et aux terres
qui le reçoivent.
B O U S É , ÉE (bou-zé) part. pass. du v.
Bouser : Toiles BOUSÉES.
— Techn." Passer en bouse, soumettre à
l'opération du bousage .- BOUSER des toiles.
Sels à BOUSER.
BOUSEKRISBOUSEKRIS s. m. (bou-ze-kri). Comm.
Espèce de datte qu'on récolte en Afrique,
mais surtout au Maroc, 'et qui est petite,
dure et fondante comme du sucre.
BOUSER
BOUSER v. a. ou t r . (bou-zé— rad. bouse).
A^ric. Former l'aire d'une grange avec un
mélange de terre et de bouse de vache :
BOUSER
BOUSER une grange. Faire l'opération du bou-
sage. V. BOUSAGE.
— v. n. Evacuer de la bouse : Ces bêtes
BOUSENTBOUSENT partout.
B O U S I E s. f. (bou-zî). Pop. Femme méti-
culeuse et n'avançant a rien.
BOUSIER
BOUSIER s. m. (bou-zié — rad. bouse).
Eirtom. Genre d'insectes coléoptères, de la
famille des lamellicornes, formé aux dépens
du grand genre scarabée, e t comprenant une
centaine d'espèces, qui toutes vivent dans -
les excréments des mammifères, et dont trois
ou quatre seulement se rencontrent en Eu-
rope : Les
BOUSIERSBOUSIERS vivent dans les fumiers
ou dans les bouses des ruminants ou des herbi-
vores. (Duponchel.) Le BOUSIER, qui fait dis-
paraître la fiente, en payement de ce service,
est habillé de saphir. (Michelet.)
— Encycl. La plupart des bousiers sont
d'un noir luisant; cependant on en voit de
bfuns, avec des reflets cuivreux. Comme l'in-
dique leur nom, il3 vivent dans les bouses,
c'est-à-dire dans les excréments de la plupart
des herbivores et dans les fumiers. Leurs
larves s'enfoncent dans la terre, où elles se
font une coque ovoïde, tapissée de soie à
l'intérieur. Ils ont pour caractères : antennes
terminées par une massue ovale, allongée;
palpes labiales, courtes et velues, les maxil-
laires plus longues et filiformes; les quatre
tarses postérieurs formés d'articles aplatis, le.
dernier armé de deux crochets; tête transver-
sale, plus ou moins arrondie en avant, sou-
vent armée de cornes; corselet grand, large;
élytres arrondies, bombées. On en connaît un
grand nombre d'espèces, quoiqu'on en ait r e -
tranché plusieurs pour les ranger dans d'au-
tres genres. Nous citerons seulement : le
bousier lunaire ou capucin, qui se trouve aux
environs de Paris : le bousier géant ou giyas;
le bousier espagnol et le bousier bellator.
BOUSIER,BOUSIER, 1ÈRE s. (bou-zié, iè-re—rad.
bouse). Enfant occupé à recueillir des bouses
et autres fientes d'animaux, destinées à ser-
vir d'engrais : Les BOUSIERS et les BOUSIERES
sont des enfants ou adolescents qui vont le long
des grandes routes ramasser ce que laissent
tomber en passant, par suite de la loi de la
nature, les attelages ou bestiaux voyageurs.
(P. Féval.)
BOUSILLAGE
BOUSILLAGE s. m, (bou-zi-lla-ie; Il mil.
— rad. bousiller). Techn. Mélange de chaume
et de terre détrempée, dont on fait des murs
de clôture : Mur de BOUSILLAGE. Cette maison
n'est faite que de BOUSILLAGE. (Acad.)
— Par anal. Ouvrage mal fait e t peu so-
lide : C'est du BOUSILLAGE. Il se presse trop
et ne fait que du BOUSILLAGE.
BOUSILLÉ,BOUSILLÉ, ÉE (bou-zi-116; Hmll.) part,
pass. du v. Bousiller : C'est un ouvrage qui a
été BOUSILLÉ.
BOUSILLERBOUSILLER v. n. ou intr. (bou-zi-llô; Il
mil. — rad. bouse). Maçonner en bousillage,
c'est-à-dire avec du chaume et de la terre
détrempée : Dans ce pays-là, on n'a ni pierre
ni plâtre, on ne fait que BOUSILLER. (Acad.)
— v. a. ou tr. Exécuter d'une manière
grossière, défectueuse : Il BOUSILLE tout ce
qu'il fait.
BOUSILLEUR. EUSE s. (bou-zi-lleur, eu-
ze; Il mil. — rau. bousiller). Celui, celle qui
travaille en bousillage.
— Par ext. Mauvais .ouvrier, ouvrier qui
travaille mal, qui bousille son ouvrage : Cet
ouvrier n'est qu'un BOUSILLEUR. Cette coutu-
rière est une BOUSILLEUSE.
BOUSINBOUSIN s. m. (bou-zain — rad. bouse).
Terre ou matière étrangère dont sont recou-
vertes certaines pierres quand on les extrait
de la carrière, et qui empêcherait le mortier
d'adhérer : Les pierres meulières ont souvent
besoin qu'on les débarrasse du BOUSIN dont
elles sont enveloppées.
— Min. Tourbe superficielle, de mauvaise
qualité, lâche, légère, composée de végétaux
à peine décomposés. 11 On écrit aussi BOUZIN,
et on appelle quelquefois cette matière tourbe
fibreuse.
BOUSINBOUSIN s. m. (bou-zain. — D'après cer-
tains étymologistes
;
ce mot viendiait de
l'angl. bowsing,(ini signifierait cabaret, mau-
vais lieu dans l'argot des marins; nous
croyons plus probable qu'il vient du lat.
buccina, trompette, étymologie bizarre au
premier abord, mais à laquelle l'exemple
suivant, tiré des chroniques de Dugueschn,
donne presque un caractère de certitude :
Âdonc véissez belle Assamblée
De gens prestz a faire mellée,
Et aïssez les tabourina,
Trompes, naquaires et bouzins.
On ne saurait contester ici au mot bousin le
sens de trompette, buccin ou autre instru-
ment de musique a vent). Bruit, tapage, va-
carme, surtout en parlant des cabarets bor-
gnes, des mauvais lieux, etc. : Quel BOUSIN
dans cette maison l
Quand on entend le refrain
D'un infernal bousin
Cent fois pis que le sabbat...
{C/ianson de canotiers.)
— Triv. Mauvais lieu : Fréquenter les BOU-
SINS.
BOUSINEURBOUSINEUR s. m. (bou-zi-neur — rad.
bousin). Celui qui fait du bousin.
B O U S I N E s. f. (bou-zi-ne). Pop. Onglée,
sorte de paralysie des doigts-produite par un
froid intense.
B0USING0T s. m. (bou-zain-ço — de
l'angl. bowsing, cabaret fréquente par les
matelots). Petit chapeau de marin en cuir
verni : So» BOUSINGOT était tout couvert de
goudron.
~ Nom donné, après la révolution de Juil-
let, aux jeunes républicains qui avaient
adopté le gilet à la Marat, les cheveux à la
Robespierre et le chapeau en cuir bouilli des
marins, appelé bousingot : Le président des
BOUSINGOTERIE
BOUSINGOTERIE s. f. (bou-zain-go-te-rî).
Hist. Opinions, parti des bousingots. il Réu-
nion des bousingots.
BOUSINGOTSBOUSINGOTS entra brusquement au milieu de sa
joyeuse phalange. (G. Sand.)
— Par ext. Démagogue, anarchiste : Le
député de l'opposition qualifiait de BOUSINGOTS
les républicains avoués. Aux yeux des républi-
cains purement théoristes et philosophes, les
partisans de l'insurrection étaient des BOUSIN-
GOTS. (F. Wey.)
— Adjectiv: Pour le Tamerlan ministériel, .
le député de l'opposition était BOUSINGOT.
(F. Wey.)
— Pop. Homme qui fréquente les mauvais
lieux, les bousins.
— Encycl. Dans ses Excentricités du lan-
gage
t
M. Lorédan-Larchey assigne au moi
bousingot une autre origine que celle que
nous avons indiquée: « Bousingot, dît-il,
mot à mot, faiseur de bousin. » C'est à bou-
sineur que cette explication convient. Il est
vrai que lés bousingots aimaient fort le ta-
page ; mais qui donc ne l'aimait pas à cette
époque ? Sans doute les bousingots avaient
combattu à Hernani et cassé leur part de ban-
quettes; mais voilà tout. Les bousingots seuls
étaient aux barricades de 1832 et de 1835. Là
était la différence entre eux et les Jeunes-
France. C'étaient les deux branches d'un même
arbre ; l'une et l'autre appartenaient au tronc
1150 BOUS
BOUS BOUS BOUS
romantique. Bousingots et Jeunes-France en-
veloppaient dans une haine commune l'Aca-
démie, les classiques, le ponsif, les hommes
chauves et les bourgeois, et professaient le
même culte pour le moyen âge, la couleur, le
bruit et la bizarrerie. Seulement, tandis que
les Jeunes-France, s'inspirant des tristesses
byronierines, cachaient leur santé et leur
. belle humeur sous des dehors élégiaques et
maladifs; tandis qu'ils se contentaient des li-
bertés de l'enjambement, et qu'ils ne rêvaient
de révolutions que celles de l'art, les bousin-
gots manifestaient des sentiments politiques
d'une extrême violence, du moins dans la
forme. Pétrus Borel, leur chef, s'intitulait
républicain lycanthrope et basiléophage. Il ap-
pelait Louis-Philippe • un homard n'ayant
point de sang dans les veines, mais une cara-
pace couleur de sang répandu I » Lassailly
mettait dans la bouche de son héros 2'rialph
cette déclaration d'amour, qui paraissait na-
turelle en 1833 : « Mademoiselle, je vous aime
autant que la République! » Et ce Trialph se
trouvant à dîner avec des républicains qui
discutent sur la manière dont il faut se dé-
faire du roi : « Je m'offrej s'écrie l'un d'eux,
à le piquer avec une aiguille aiguisée d'acide
prussique, en lui donnant une poignée de
main, comme il en prodigue aux vils séides
qui se foulent au-devant de son cheval. »
Au fond, en dépit de toutes ces déclama-
tions, les bousingots étaient d'honnêtes jeunes
gens, plus turbulents que dangereux, et pour
les qualifier d'un mot, des républicains-artistes.
Le Figaro de 1832, où écrivaient Balzac, Al.
Dumas, Alph. Karr, Ed. Ourliac, fit dès le
principe une rude guerre à ces affamés d'ori-
ginalité. La caricature tourna en ridicule leur
costume et leurs excentricités. Peu à peu, ils
se fondirent, et avec eux les Jeunes-France,
dans le romantisme qui leur avait donné nais-
sance.
La confusion que nous avons signalée entre
les bousingots et les Jeunes-France se re-
trouve dans les écrits récents où il est ques-
tion des romantiques de 1830. Nous n'avons
F as eu de peine à établir la différence, ou, si
on veut, la nuance entre ces deux noms.
Mais dès qu'il s'agit de noms propres, toute
distinction est impossible. On a cité parmi
les bousingots le doux Gérard de Nerval, qui
n'a jamais été que du parti de la fantaisie ;
ThéophileGautier, l'auteur des Jeunes-France;
Devéria, Louis Boulanger, Célestin Nanteuil,
Napoléon Thomas, Vigneron, le peintre du
Convoi du pauvre; Joseph Bouclvirdy, Al-
phonse Brot, Auguste Maquet, qu'on appelait
Augustus Mac-Keat ; Philadelphe O Neddy
(anagramme de Dondey)
?
l'architecte Jules
Vabre, auteur d'un Essai sur l'incommodité
des commodes qui n'a jamais paru, et qui est
resté célèbre au même titre que la Quiquen-
grogne, de Victor Hugo. Mais cette classifi-
cation est évidemment arbitraire.
En l'absence des grandes actions que la
dureté des temps ne leur avait pas permis
d'accomplir, les bousingots avaient brisé dans
les rues un certain nombre de lanternes, et
résisté dans les bals aux municipaux, gardiens
de l'ordre public. Ces exploits trop minces
les ont fait considérer uniquement comme des
tapageurs. Il importait à l'histoire exacte des
travers de notre siècle de leur conserver le
côté politique qui complète leur physionomie,
propre.
BOUSQUET
BOUSQUET (Jean-Louis), lieutenant géné-
ral suédois, né en France en 16C4, mort en
1747. Forcé de quitter sa patrie en 1691, pour
cause de religion, il servit avec distinction
dans les armées anglaise et hollandaise. En
1704, il entra dans l'armée suédoise avec le
grade de capitaine, suivit Charles XII dans
plusieurs campagneSj et même jusqu'à Ben-
der, d'où, après avoir rempli diverses mis-
sions diplomatiques, il fut envoyé a Stock-
holm. Il prit part ensuite à la bataille de 6 a -
debosch, ainsi qu'à la guerre de Norvège, fut
anobli et promu au grade de lieutenant géné-
ral. Placé à la tête de l'armée, de Finlande,
quoique âgé déjà de quatre-vingts ans, il se
résigna avec peine à rester inactif devant
des forces beaucoup* trop supérieures, mais
conclut avec le feld-maréehal russe Lascy
une capitulation aussi avantageuse que le
comportaient les circonstances.,II mourut à
Calmar, ne laissant après lui aucun héritier de
son nom.
BOUSMARD
BOUSMARD (H en ri-Jean-Baptiste DE), in-
génieur français, né en 1749 à Saint-Mihiel,
en Lorraine, mort en 1807. Il était capitaine
du génie en 1789. -Député de la noblesse de
Bar-le-Duc aux états généraux, il se rangea
parmi les constitutionnels modérés, reprit
après la session ses fonctions de chef du gé-
nie à Verdun, signa, en 1792, la reddition de
cette place après le suicide héroïque de Beau-
repaire, passa ensuite à l'ennemi, et devint
major au service de la Prusse. Il fut tué en
détendant Dantzig contre les Français. On a
d'autant plus à regretter la défection de Bous-
mard, que c'était un ingénieur du plus grand
mérite. Il est auteur d un Essai général de
fortification (1797-1803), estimé des hommes
Spéciaux.
B O U S Q U E B v. a. ou t r . (bou-ské). Mar.
Faire travailler malgré lui un matelot pares-
seux.
BOUSMARD
BOUSMARD ou BOUSSEMAItT(NicolasDE),
évèque de Verdun, né à Xivry-le-Franc en
1512, mort en 1584. Charles III, duc de Lor-
raine, le désigna pour être un des réforma-
teurs de la coutume de Saint-Mihiel, et le
nomma ensuite à l'évêché de Verdun ; les cha-
noines refusèrent d'abord de reconnaître cette
élection, mais le pape finit par envoyer les
bulles, grâce à l'intervention du roi de France
Henri III. Ce fut sous l'épiscopat de Bousmard
que fut imprimé le premier missel à l'usage
du diocèse de Verdun.
BODSQUET
BODSQUET (François), conventionnel, mort
en 1829. H exerçait la médecine à Mirande
avant la Révolution. Nommé d'abord admi-
nistrateur du département de l'Hérault, il fut
ensuite envoyé a l'Assemblée législative, puis
à la Convention, où il vota la mort de Louis XVI
sans appel ni sursis. Il ne fit point partie
des autres assemblées politiques, et, sous le
gouvernement impérial, il fut nommé inspec- '
teur des eaux minérales des Pyrénées. Sous
la Restauration, il se tint quelque temps ca-
ché; mais sa retraite fut découverte et on
l'incarcéra à Auch. Cependant on le remit
bientôt en liberté à cause de son grand âge.
BOUSQUET
BOUSQUET (Georges), compositeur et cri-
tique français, né en 1818 à Perpignan, mort
en 1854. Il débuta dans la carrière musicale
en qualité d'alto aux concerts donnés par Jul-
lien au Jardin turc (1833). Admis quelque
temps après comme second violon au Théâtre-
Italien de Paris, Bousquet eut l'occasion d'é-
tudier pendant cinq ans les chefs-d'œuvre de
Cimarosa, Mozart, Rossinij Donizetti et Bel-
lini, interprétés par ces incomparables vir-
tuoses qui avaient nom Rubini, Lablache,
Tamburint, la Ungher,la Grisiet la Persiani.
C'est là qu'il fit véritablement son éducation
musicale, car il avait échoué au concours
d'admission à la classe de violon du Conser-
vatoire. Un an après cet échec, Bousquet en-
trait dans cet établissement pour y étudier
l'harmonie sous la direction de Collet et d'El-
v/art, puis, en 1836, devenait élève de Leborne
pour le contre-point et la fugue, et de Berton
f
tour le style dramatique. En 1838, il remporta
e premier grand prix de composition musi-
cale. De retour "à Paris, après un séjour
à Rome qui dura cinq années, il fit jouer
pac les élèves du Conservatoire un petit opéra
en un acte, intitulé : YHôtesse de Lyon (1844).
Frappé des heureuses dispositions du débu-
tant, M. Crosnier, alors directeur de l'Opéra-
Comique, lui confia un poëme en un acte, le
Mousquetaire; mais la partition, représentée
au mois d'octobre de la même année, ne réus-
sit pas. Bousquet, renonçant alors à la com-
Fosition, entra comme chef d'orchestre à
Opéra national en 1849, puis il passa au
Théâtre-Italien (1849). En 1852, U fit r e -
présenter au Théâtre-Lyrique un charmant
opéra, Tabarin, dont le succès fut des p'.us
marqués. La fortune commençait à sourire
au compositeur. Deux poëmes d'opéras lui
étaient confiés, et il se voyait nommer membre
de la commission de surveillance pour l'ensei-
gnement du chant dans les écoles communa-
les de Paris et membre du comité des études
au Conservatoire de Paris. Bousquet s'était
mis au travail avec un joyeux courage, quand
la maladie de poitrine qui le minait depuis
longtemps éclata tout à coup et l'emporta en
quelques jours, dans toute la force de l'âge et
du talent.
M. Bousquet a exercé avec une science et
un discernement remarquables, les fonctions
de critique musical dans le journal le Com-
merce et à Y Illustration.
BOUSQUETBOUSQUET (Charles-Louis-Pierre), littéra-
teur français, né à Paris en 1823. Il débuta,
en 1847, dans le journalisme politique à Bou-
logne-sur-Mer, fit représenter dans cette
ville un drame en cinq actes, le Corsaire bou-
louais, et plusieurs vaudevilles : PhébusBour-
nichon; 1,425 francs ou l'Etudiant en gage; le
Pêcheur boulonais, etc., puis il revint, en 1853,
à Paris, où il a été attaché à la rédaction du
Pays, journal de l'Empire.
BOUSQUET
BOUSQUET (Jean-Baptiste-Edouard), mé-
decin français, né en 1794. Il fut reçu doc-
teur à Montpellier en 1815 et devint membre
de l'Académie de médecine de Paris en 1824.
Il s'est fait connaître par de nombreuses pu-
blications : Lettres sur le choléra -morbus
(1831) ; Traité de la vaccine et des éruptions
varioleuses ov varioliformes (1833) ; Notice sur
le cow-pox, ou petite vérole des vaches, décou-
vert à Passy en 1836; des traductions du
Traité de la maladie scrofuleuse de Hufeland
(1821) j du Traité des maladies des yeux de
Scarpa (1820); des mémoires et articles dans
les recueils spéciaux, etc.
BOUSQUIER
BOUSQUIER v. n. ou intr. (bou-ski-é).
Argot des marins. Signifiait autrefois Piller
sur un vaisseau pris a l'ennemi.
BOUSQUKT-DESCHÀMPSBOUSQUKT-DESCHÀMPS (Jacques-Lucien),
publiciste français, né à Marmande en 1796.
Il se fit d'abord connaître par la publication
d'une brochure intitulée : Application de l'en-
seignement mutuel à Vétude de la langue la-
Une, devint un des rédacteurs de YAristarque,
et quand ce journal fut supprimé, publia des
brochures journalières d'une demi-feuille qui
lui attirèrent de nombreuses condamnations.
Forcé de quitter la France, il se retira à Ma-
drid, y fonda un journal français et collabora
en même temps à la rédaction du Constitution-
nel espagnol. Il se trouvait à Barcelone lors-
que la fièvre jaune y causa d'affreux ravages,
et il montra tant de dévouement, tant d hé-
roïsme pour prodiguer des secours de tout
genre, que ceux qui en avaient été les témoins
obtinrent du ministère français la promesse
qu'on oublierait les condamnations prononcées
contre lui. Bousquet alors crut pouvoir r e -
venir dans son pays ; mais, à son retour, le
ministère avait enangé, et les nouveaux mi-
nistres, qui n'avaient rien promis, le firent
arrêter. On le conduisit dans les prisons d'A-
f
en, où on le mit avec les hommes condamnés
des peines infamantes. Au bout d'une an-
née, cependant, Louis XVIII lui fit remise du
reste de sa peine, et il fut rendu à la liberté.
BOUSSA,
BOUSSA, ville de l'Afrique centrale, capi-
tale du royaume de même nom, sur une lie du
Kouâra, par 10° 14' lat. N. et 2« long. E.
Place forte, résidence du souverain; envi-
ron 15,000 hab. En l803,Mungo-Park, remon-
tant le Kouâra (Niger),fut assailli parles ha-
bitants de Boussa, et périt en essayant de se
sauver à la nage.
BOUSSAC,
BOUSSAC, ville de France (Creuse), ch.-l.
de cant. et d'arrond., à 40 kilo m. N.-E. de
Guéret; pop, ajfgl. 973 h. — pop. tôt. 994 h.
L'arrond. renferme A cant., 46 comm. et
37,243 hab. Tanneries, fabrique de moutarde;
commerce de grains, bestiaux, bois et laine.
Cette petite ville est bâtie sur un rocher es-
carpé, au confluent du Véron et de la Petite-
Creuse, entourée de murailles flanquées de
tours et dominée par un château qui existait
au temps de Léocade, sénateur romain, et qui
fut agrandi au xve siècle par Jean de Brosse,
maréchal de France. Ce château sert aujour-
d'hui de sous-préfecture et' de caserne de
gendarmerie ; dans les salons de la sous-pré-
fecture se trouve une suite de tapisseries de
haute-lisse, fabriquées à Aubusson au xve siè-
cle et qui décoraient autrefois, dit-on, l'ap-
partement de Zizim dans la tour de Bourga-
neuf.
BOUSSAC
BOUSSAC (LA), bourg de France (Ille-et-
Vilaine), arrond.et à 33 Tîilom. S.-E. de Saint-
Malo; 3,920 hab. Céréales, fourrages, bois et
fruits à cidre.
BOUSSAC
BOUSSAC (maréchal DE). V. DE BROSSE
(Jean).
BOUSSANELLE
BOUSSANELLE (Louis DE), stratégiste et
littérateur français, mort vers 1796. Il fut d'a-
bord capitaine et ensuite brigadier de cavale-
rie , et l'Académie de Béziers le reçut parmi
ses membres. On lui doit : Commentaires sur
la cavalerie (1758); Observations militaires
(1761); Réflexions militaires (1764); le Bon
militaire (1770); Aux soldats (1786). Il tra-
vailla, en outre, pendant trente ans, à la ré-
daction du Mercure
}
et publia un Essai sur les
femmes (1765).
BOUSSARD
BOUSSARD (Geoffroy), thélogien français,
né au Mans en 1439, mort en 1522. Il fut rec-
teur de l'université et chancelier de l'Eglise
de Paris. Ensuite l'évêque du Mans, cardinal
de Luxembourg, le nomma scolastique de sa
cathédrale. Enfin l'université l'envoya, en
1511, comme son député, au concile de Pise,
qui fut plus tard transféré à Milan. Outre une
bonne édition de Y Histoire ecclésiastique de
Ruffin et une autre du commentaire du diacre
Florus sur saint Paul, on lui doit : De conti-
nentia sacerdotum (1505) ; Oratio habita Bono-
niœ coram Julio II (1507) ; De sacrificio mis-
sœ (1511); Interpretatio in septem psalmos
pamitenttœ (1519-1521).
BOUSSARD
BOUSSARD (Jean), pilote lamaneur, né en
1733 au Uourg d'Eaux, près d'Eu, mort à
Dieppe en 1795. Il mérita le titre de Sauveur
de l'humanité par un beau trait de courage.
Huit marins montés sur un navire assailli par
la tempête allaient périr, lorsque Boussard,
se précipitant au milieu des flots, parvint à
leur remettre entre les mains l'extrémité d'un
cordage, à l'aide duquel on put les ramener à
terre. Les dangers qu'il courut dans cette gé-
néreuse entreprise, le courage avec lequel il
s'exposa vingt fois à une mort presque cer-
taine excitèrent une admiration générale. Le
roi lui accorda une gratification et une pen-
sion annuelle de 300 livres. La ville de Dieppe
lui fit bâtir une maison et l'exempta de tout
impôt.
BOUSSARD
BOUSSARD s. m. (bou-sar). Pêch. Hareng
qui vient de frayer.
BOUSSARD
BOUSSARD (André-Joseph, baron), général
de la République et de l'Empire, né à Binch
(Hainaut) en 1758,- mort à Bagnères de Bi-
gorre en 1813. Il fit avec distinction la plu-
part des campagnes de la Révolution et de
l'Empire, se distingua à Mondovi, à Casti-
glione, en Egypte, devint général de brigade
en 1800, fit la campagne de Prusse en 1806 et
contribua à la prise de Lùbeck, ainsi qu'à la
destruction des troupes du général Bila. La
guerre d'Espagne, à laquelle il prit part jus-
qu'en 1813, mit surtout en relief l'intrépidité
et les qualités du général Boussard. Après
avoir vaincu les ennemis à Castellon de la
Plana, il mit en complète déroute le général
ODonnell devant Lérida, lui fit 7,000 prison-
niers, et sauva toute notre artillerie à la ba-
taille de Sagonte (1811). Ayant rencontré
Frès de Torrente vingt escadrons espagnols,
intrépide général, à la tête d'une soixantaine
de hussards seulement, n'hésita pas à charger
l'ennemi. Entouré et criblé de blessures, il
eût bientôt succombé si le général Delort n'é-
tait venu le dégager. Nommé général de di-
vision en 1812, il mourut bientôt après des sui-
tes de ses blessures.
BOUSSAY
BOUSSAY (château de). La fondation de
ce château, situé aux environs de Loches (In-
dre-et-Loire), remonte au moyen âge ; il entra,
en 1338
;
dans la famille de Menou, par suite
du mariage de Nicolas de Menou avec la dame
de Boussay, et il n'en sortit plus. « Entouré,
dit M. Bellan^er, de douves profondes, ali-
mentées par plusieurs sources d'eau vive, il
offrait jadis à l'œil quatre corps de logis dont
l'intérieur formait une petite cour. Deux ailes
de ces constructions furent abattues dans le
XVII* siècle; au xvine, la marquise de Menou
et son petit-fils en reconstruisirent une qui
subsiste encore, dans le style Louis XV, et qui
s'harmonise mal avec l'architecture simple et
sAvère des parties de l'ancien château restées
debout. » Ces parties se composent d'un don-
jon élevé, flanqué de deux tours, l'une carrée,
l'autre ronde ; une autre grosse tour carrée,
dont le pied est baigné par les eaux, se trouve
à l'ouest et est reliée aux autres bâtiments
par une simple galerie couverte d'une ter-
rasse crénelée. En somme, imposant encore
dans son irrégularité, le château ancien et
moderne est un des plus charmants de la Tou-
raine.
BOUSSENAC,
BOUSSENAC, bourg et comm. de France
(Ariége), cant. de Massât, arrond.et à 22 kil.
de Saint-Girons, sur la rive droite de l'Arac;
pop. aggl. 689 hab. — pop. tôt. 2,045 hab.
Forges et mines de fer; ruines du castel d'A-
mour.
BOUSSEAU
BOUSSEAU (Jacques), sculpteur, né à Cha-
vagnes (Poitou) en 1681, mort à Madrid en
1740. Il était élève de Coustou, qui le rit rece-
voir à l'Académie. Plus tard, il alla se fixer à
Madrid, en qualité de premier statuaire du
roi Philippe V. Les principales productions
qu'il exécuta pour la France sont : Saint
Maurice et Saint Louis (à Notre-Dame de
Paris), Jésus-Christ donnant à saint Pierre
les clefs du paradis (à Notre-Dame de Paris),
la Religion (à Versailles), et le grand autel de
la cathédrale de Rouen, représentant divers
sujets allégoriques.
BOUSSERADE
BOUSSERADE s. t (bou-se-ra-de). Bot.
Fruit de l'arbousier, appelé aussi RAISIN
D'OURS, II On l'appelle aussi BOUSSEROLB et
BUSSUROLE.
BOUSSIBOUSSI (François-Narcisse), homme poli-
tique, né à Thouars (Deux-Sèvres) en 1795.
Avocat et journaliste républicain dès le com-
mencement du règne de Louis-Philippe, et
l'un des rédacteurs les plus ardents de la
Ti'ibune, il fut élu représentant de son dé-
partement à la Constituante de 1848, où il fit
partie du comité de la justice et vota avec la
gauche. Il ne fut point réélu à la Législative.
On a de lui quelques travaux de grammaire
et de linguistique, notamment : la Grammaire
ramenée à ses principes naturels (Paris, 1829);
Mécanisme du langage ou Théorie des sons et
articulations (1834).
BOUSSIÈRES,
BOUSSIÈRES, village de France (Doubs),
ch.-l. de cant., arrond. et à 16 kilom. S.-O. de
Besançon; 254 hab. Usines, céréales et vi-
gnes.
BOUSSINGAULT
BOUSSINGAULT ( Jean-Baptiste-Joseph -
Dieudonné), chimiste et agronome français,
né à Paris en 1802. Il fut d'abord élève de
l'Ecole des mineurs de Saint-Etienne. Il par-
tit ensuite pour l'Amérique du Sud, avec la
mission d'y rechercher d'anciennes mines
abandonnées depuis longtemps et qu'une com-
pagnie anglaise se proposait d'exploiter de
nouveau. Ce voyage lui procura l'occasion de
faire des observations qu'il publia et qui atti-
rèrent sur lui l'attention des savants. Mais
l'insurrection générale des colonies espagno-
les rendit bientôt impossible la continuation
des recherches ; il entra alors dans l'état-ma-
jor de Bolivar, et put ainsi parcourir de nou-
velles contrées, ne négligeant jamais d'obser-
ver et de mettre en note tout ce qui se rap-
portait à ses études favorites. A son retour
en France, il fut nommé professeur de chi-
mie à la Faculté des sciences de Lyon, puis
bientôt doyen de cette Faculté. Un peu plus
tard, l'Académie des sciences de Paris 1 ap-
pela à siéger dans son sein, et il obtint une
chaire d agriculture au Conservatoire des
arts et métiers. En 1848, les électeurs du Bas-
Rhin l'envoyèrent à l'Assemblée constituante,
et lorsqu'il s'agit de constituer par élection le
conseil d'Etat, il fut appelé à en faire partie ;
mais, depuis le 2 décembre, il a renoncé aux
fonctions politiques pour se livrer tout entier
à la science. Ses travaux sur la chimie ont eu
surtout pour objet l'appréciation des e n t a i s
et les propriétés nutritives des aliments des-
tinés aux oestiaux. On a râ j * les plus impor-
tants sous le titre de : Meînoires de chimie
agricole et de physioloaie (1854). On lui doit,
en outre, un Traité d économie rurale (1844,
2 vol. in-8°.
BOUSSION
BOUSSION (Pierre), conventionnel, né en
Suisse en 1733, mort a Liège en 1828. U exer-
çait la médecine à Lausanne, lorsque les pre-
miers mouvements de la Révolution le firent
venir en France, où il -se déclara le chaud
BOUS
partisan des idées nouvelles. Les électeurs
d'Agen l'envoyèrent aux états généraux, et
ensuite à la Convention, où il vota la mort de
Louis XVI et rédigea un long rapport sur les pa-
piers trouvés dans l'armoire de ter. Plus tard,
il fit partie du conseil des Anciens, puis il rentra
dans la vie privée et reprit l'exercice de la
médecine. A la Restauration, il se vit obligé,
comme régicide
?
de quitter la France, et il se
réfugia en Belgique.
BOUSSOIR s. m. (bou-soir). Mar. Syn. de
BOSSOIR.
BOUSSOLE s. f. (bou-so-le — de l'ilal. bos-
*olo, bossola, bussola, formes également usitées
etqui signifientpefite ôoffe).Phys. Boîte conte-
nant une aiguille aimantée librement suspen-
due sur un point d'appui
;
et dont les pointes
sont constamment dirigées vers deux points
de la terre voisins des pôles : L'invention de la
BOUSSOLE a
t
rendu possible ta navigation au
long cours. Si la BOUSSOLE ouvrit l'univers,
le christianisme le rendit sociable. (Portalis.)
L'usage de la BOUSSOLE était connu en Chine
plus de mille ans avant l'ère chrétienne. (Des-
prés.) La découverte de la BOUSSOLE est du
règne de Philippe le Bel, et coïncide avec celle
de la poudre. (Chateaub.) La première men-
tion de la BOUSSOLE est de 1200. (Redern.) La
BOUSSOLE était inventée depuis deux mille ans,
lorsque Christophe Colomb eut l'idée de s'en
servir pour chercher les Grandes-Indes. (E.
About.)
La boussole nous rend les citoyens du monde.
L. RACINE.
La grue au haut des airs navigue sans boussole.
DELUXE.
La boussole est muette, et l'aiguille infidèle
S'éloigne en tournoyant du pôle qui l'appelle.
A. MlLLEVOYE.
La foi, bien mieux que la boussole.
Conduit les cœurs et les vaisseaux.
LAPRADB.
• — Boussole de déclinaison, Boussole • ordi-
nairej ainsi dite parce qu'elle indique, non
pas réellement le méridien du lieu, mais la
déclinaison du méridien magnétique, c'est-à-
dire l'angle- variable que ce méridien fait
avec le méridien terrestre. H Boussole d'incli-
naison, Aiguille aimantée portée par un axe
horizontal très-mobile, et inclinant d'une
quantité variable vers l'un ou l'autre pôle,
suivant les latitudes, il Boussole de variation,
Instrument qui indique les variations ex-
cessivement légères que l'aiguille aimantée
éprouve généralement dans, le cours d'une
même journée.
— Fig. Moyen de direction morale ou in-
tellectuelle : Vos conseils'me servent de BOUS-
• SOLE. La-conscience est notre BOUSSOLE mo-
rale. La règle sert de BOUSSOLE et la loi de
compas. (Bacon.) L'expérience du philosophe,
comme celle du pilote, est la connaissance des
écueils où les autres ont échoué, et, sans cette
connaissance, il n'est point de BOUSSOLE qui
puisse le guider. (Condill.) Le monde est au-
jourd'hui sans BoussoLE.(Lacord.) // n'y a plus
rien de certain dans la science politique ; tou-
tes les
BOUSSCLESBOUSSCLES sont perdues ; la société
chasse sur ses ancres. (V. Hugo.) Toute poli-
tique est vague, toute direction incertaine, si
te vaisseau n'a point d'ancre ni de BOUSSOLE.
(E. de Gir.) Le désir inextinguible et absolu
de trouver en soi une BOUSSOLE est inné dans
l'esprit humain. (Hegel.)
La vie est une mer où, sans cesse agités,
Par de rapides Ilots nous sommes emportés :
La raison que du ciel nous eûmes en partage
Devient notre boussole au milieu de l'orage.
{Trad. de POPE.)
tl Règle, motif, cause déterminante : La vraie
BOUSSOLE des rapports de l'homme à l'homme
est l'égoïsme. (Proudh.)
Notre intérêt est toujours la boussole
Que suivent nos opinions.
FLORIAN.
—r Fam.Tête, cerveau : / / a perdu la BOUS-
SOLE. Quel est le merveilleux projet éclos dans
ta
BOUSSINGAULTIE
BOUSSINGAULTIE s. f. (bou-sain-gol-tî —
de Boussingault, chimiste français). Bot.Genre
de plantes, de la famille des atriplicées, com-
prenant une seule espèce des environs de
Quito : La EOUSSINGAULTIE baselloïde est un
arbrisseau à rameaux volubiles, qui croit aux
environs de Quito. (C. Lemaire.)
BOUSSOLE?BOUSSOLE? (Lynol.)
— Astr. Nom donné par Lacaille à une
constellation (en lat. Pixis nautica), située
dans l'hémisphère austral, au-dessus du Na-
vire, très-près du tropique du Capricorne.
La principale étoile ae cette constellation
s'élève d'environ 9° au-dessus de l'horizon de
Paris.
— Gnomon. Boussole à cadran. Petit ca-
dran solaire enfermé dans une boite, et ac-
compagné d'une boussole qui permet d'orien-
ter 1 appareil lorsqu'on veut connaître l'heure.
Cet instrument serait mieux appelé Cadran
à boussole.
— Géom. prat. Boîte carrée portant une
boussole et une lunette, et servant à mesu-
rer les angles sur le terrain, pour lever des
plans.
— Hortic. Planter à la boussole, Donner
aux arbres que l'on transplante l'exposition
et l'orientation qu'ils avaient dans la pépi-
nière.
— Hist. litt. Titre de plusieurs recueils pé-
riodiques q^ui ont paru a différentes époques
de notre histoire, comme la Boussole ou le
Guide politique (1793) ; la Boussole ou le Ré-
gulateur, par Pallisseaux (an V, an VI); la
Boussole politique, administrative et littéraire
(1818, 1819), e t c .
— Encycl. Hist. L'origine de ce précieux
instrument a longtemps préoccupé l'attention
des savants et donné lieu à d'intéressantes
BOUS
recherches. Le résultat de ces recherches
n'est guère connu qu'assez superficiellement
par la majorité des lecteurs, et 1on nous saura
gré de réunir ici tous les éléments de cette
question intéressante. Notre guide dans ce
travail sera le savant mémoire que l'illustre
Klaproth a consacré à l'histoire de la boussole.
L'antiquité, k en juger du moins par les mo-
numents classiques qu'elle nous a laissés, tout
en connaissant la propriété que possède l'ai-
mant d'attirer le f e ^ en a ignoré l'une des
qualités les plus précieuses, la polarité'. On a
recueilli tous les passages d'auteurs grées et
latins relatifs à la navigation, et l'on n'a jus-
qu'ici rien trouvé qui ressemblât de près ou
ae loin à l'emploi de la boussole. Claudien,
dans son idylle où il parle longuement de l'ai-
mant, n'y fait même pas allusion. Cependant
quelques savants ont voulu voir dans le mot
versoria, employé deux fois par Plaute, une
expression désignant la boussole; mais il est'
aujourd'hui parfaitement prouvé que c'est •
une erreur. Le mot versoria (de vertere, tour-
ner) désigne tout simplement un cordage, une,
manoeuvre au moyen de laquelle on tournait*
les voiles pour leur faire prendre le vent. Un
autre fait a pu encore faire croire que les
Grecs avaient connu la boussole. Dans un
passage d'un livre arabe considéré comme
une traduction d'un Traité sur les pierres, par
Aristote, il est parlé de la polarité de l'aimant
et de son usage dans la marine ; mais il est
beaucoup plus vraisemblable que ce passage
est le^resultat d'une interpolation du traduc-
teur ou du copiste, à moins que le livre tout
entier ne soit apocryphe, ce qui n'aurait rien
d'étonnant. De tout cela, on est donc en droit
de conclure, jusqu'à plus ample informé, que
les Grecs et les Romains ignoraient l'usage
de la boussole.
Nous allons jeter maintenant un rapide
coup d'œil sur les noms qu'a reçus l'aimant
dans tous les temps chez les peuples qui l'ont
connu. Cette étude de nomenclature comparée
ne sera pas sans intérêt et pourra servir
de point de départ à des inductions histori-
ques d'une grande portée. Le premier nom
donné à l'aimant par les Grecs est celui de
lithos Heracleia, pierre d'Héraclée, ville de
Lydie. Cette ville, ayant reçu plus tard le nom
de Magnésie, l'aimant fut également appelé
pierre de Magnésie, et par abréviation ma-
gnés, magnêtes; on lui donnait encore les
noms de lydia et lydikê lithos, pierre lydienne.
Ces différentes appellations nous prouvent
une chose, c'est qu'il existait en Lydie, et
probablement assez près de Magnésie, une
mine de pierres d'aimant. Le nom de sidéritês
t
lithos, pierre de fer, et celui de sidéragôgos,'
qui attire le fer, n'ont pas besoin d'expli-
cation.
Un passage de Manéthon, rapporté par
Plutarque (de Iside et Osiride), pourrait faire
supposer que les Egyptiens avaient reconnu
dans l'aimant l'existence des deux pôles et
leur propriété d'attirer et de repousser alterna-
tivement le fer : ils appelaient en effet l'aimant
Vos de Horus, et le fer l'os de Typhon. Consi-
dérant la nature, dit Klaproth, dans l'état d'u-
nion et de décomposition, sous le symbole de
Horus et de Typhon, ils croyaient voir une
image de ces deux états dans l'action de l'ai-
mant sur le fer, selon que la pierre attire ce'
métal ou le repousse.
Les Latins adoptèrent, pour désigner l'ai-
mant , le mot grec magnes, et introduisirent,
pour expliquer l'origine de ce nom, des don-
nées fabuleuses sur lesquelles nous ne nous
arrêterons pas* Au moyen âge, on conserva
ces différentes appellations et on y ajouta
celle A'adamas, diamant. Jacques de Vitry,
dans son Histoire orientale (1218), donne à
l'aimant le nom à'adamas. Ducange, dans son
Glossaire, traduit adamas par magnes, et veut
faire dériver ce mot à'adamare; mais il est
beaucoup plus naturel d'admettre, avec Kla-
proth , qu'adamas est un mot d'origine orien-
tale, comme la pierre précieuse elle-même
qu'il désigne, et de le rapprocher du mot
arabe aimas, diamant.
Les Italiens appellent l'aimant calamita, et
les Grecs modernes kalamita. On a voulu re-
trouver l'origine de ces deux mots dans 1,'hé-
breu khallamich, rocher,pierre dure, caillou;
mais cette opinion ne soutient pas 1 examen.
Suivant Fournier, a l'avis duquel se range
Klaproth, le mot calamité proviendrait de
ceci : Les marins français—'ce sont les pro-
pres paroles de Fournier— nomment la bous-
sole calamité, mot qui proprement signifie une
grenouille verte, parce que, avant qu'on eût
trouvé l'invention de mettre et de balancer
sur un pivot l'aiguille aimantée, nos ancêtres
l'enfermaient dans une fiole de verre à demi
remplie d'eau, et la faisaient flotter sur l'eau,
par le moyen de deux petits fétus, comme une
grenouille. La calamité, mot d'origine grecque,
serait donc littéralement la raine ou rainette;
nous proposons, nous, de faire dériver calamité
de calamus, chalumeau, paille, fétu, à cause
des deux fétus de paille Bottant sur l'eau, sur
lesquels on plaçait en équilibre l'aiguille ai-
mantée. Quoi qu'il en soit, le mot calamita a
_ passé avec de légères modifications dans d'au-
* très langues européennes, entre autres en ro-
man, en bosniaque, en croate, en vende, etc.
L'espagnol appelle l'aimant pedra de cevar,
pierre qui attache ou nourrit le fer, et le por-
tugais rappelle iman. D'iman, il faut évidem-
ment rapprocher le basque imanà, et comparer
le tout au français aimant. Le hollandais dit
BOUS
zeyt-steen, et le suédois seqet-sten
?
pierre h
faire voile, ou seger-sten, pierre victorieuse.
L'islandais leider-stein, et 1 anglais lead-stone,
pierre conductrice. Nous ne mentionnerons
S
as ici les langues qui se servent simplement
u mot magnes un peu modifié, sous les for-
mes de magnet, magneet, magnit, etc. La
plupart des idiomes européens donnent aussi
a l'aimant des noms désignant sa propriété
caractéristique, comme : le tireur, le tireur de
fer, qui attire les clous, etc.
Si maintenant nous passons en Asie, nous
constaterons dans les noms donnés à l'aimant
de singulières analogies avec nos langues.
Ainsi, nous trouvons d'abord le chinois thsu-
chy, qui est la traduction-littérale de notre ai-
mant; d'autres dénominations chinoises sont
encore employées : pierre noirâtre, pierre qui
dirige, qui hume le fer, etc. Les Mandchous
dirent seleî edehen, maître du fer, et les J a -
ponais zi syakf, et fari soufi issi, pierre pour
frotter l'aiguille ; les Thibétains : rdho k'hahlen,
pierre à l'aiguille d'acier; les Annamites : a
nam tcham, pierre qui indique le sud; les Ma-
lais : bâtou barâni, pierre courageuse, entre-
prenante. En sanscrit, Yaimant porte un nom
qui rappelle le nôtre par sa signification :
tchoumbaka, le baiseur (de tchoubi, baiser);
ce mot, légèrement altéré, est passé dans dif-
férents dialectes de l'Inde; un autre nom
sanscrit est ayaskântamani, pierre précieuse
chère au fer. En singhalais
?
nous trouvons :
kândhakogalah, pierre qui aime. Les langues
musulmanes (arabe, turc, persan, indoustani)
ont adopté le mot grec magnêtes avec les va-
riantes de : al-maghnathis, seng-é-maghna-
this, miqnathis, etc. A côté de ces termes
étrangers nous trouvons encore en arabe
hadjar al-djazib, la pierre qui attire, et had-
jar èch-chèyathin, la pierre des démons; en
persan : âhèn roba, âhen kèch^ en turc: demir
qapan, qui vole, qui attire, qui arrache le fer.
Les Arméniens et les Géorgiens ont adopté,
en les transformant, les mots de magnes et
à'adamas.
Arrivons maintenant aux différents noms
donnés à la boussole elle-même, et à l'aiguille
aimantée. On fait généralement dériver le
mot boussole et ses similaires portugais, espa-
gnol , allemand, polonais, carinthien, bos-
niaque, etc. bussola, brusula, bussole, buk-
sola, busula, bossola, etc. de l'italien bussola.
On rattache l'italien lui-même à une racine
germanique qu'on retrouve en anglais sous la
forme de box, et en allemand sous celle de
bùchse, avec le sens de boîte; dans ce cas, le
contenant aurait servi à désigner le contenu.
Klaproth, s'appuyant sur des considérations
assez importantes, s'élève contre cette étymo-
logie et en propose une autre extrêmement
curieuse. Comme ce sont les Arabes qui nous
ont appris l'usage de la boussole, il est d'avis
que le nom de la boussole doit être également
arabe. On trouve, en effet, qu'en arabe un des
noms de la boussole est mouwassala, qu'on
prononce vulgairement moussala, mot dérivé
de la racine verbale wassala, aiguiser, rendre
pointu, et ayant le sens de dard, d'aiguille.
Or le m initial des mots arabes introduits dans
nos langues permute très-souvent avec la la-
biale b; c'est ainsi que de Mahomet (Moham-
med), on a fait au moyen âge Bahomet, de
Mahmoud, Bakhmoud; de musulman, bou-
sourman, etc. Klaproth pense dès lors que
l'italien bussola vient directement de l'arabe
moussala; ce qui le confirme dans cette opi-
nion , c'est qu'en italien, à côté de bussola on
trouve bossola, boîte, mot qui, suivant lui, a
une origine toute différente. La presque tota-
lité des langues européennes emploie pour
désigner la boussole le mot compas (compas
de mer), légèrement modifié suivant les rè-
gles phonétiques qui leur sont propres. En
Asie, la boussole a reçu les noms les plus va-
riés depuis celui de tchi nan kin des Chinois,
char indiquant le sud, jusqu'à celui de angh-
myaoung des Birmans, le lézard. Klaproth
rapproche cette dernière dénomination de ca-
lamité, ayant le sens de raine ou grenouille
verte.
Abordons la partie historique de l'origine
de la boussole. De bonne heure, on le conçoit,
les populations maritimes sentirent le besoin
de se diriger sur la mer. L'observation du so-
leil et des étoiles fut un des premiers moyens
employés. Un autre fort curieux était égale-
ment usité ; nous le retrouvons par exemple
chez les navigateurs des mers septentrio-
nales, qui avaient coutume d'embarquer avec
eux quelques oiseaux, en particulier des cor-
beaux. Lorsqu'ils étaienten pleine mer, ils les
laissaient envoler. Si cçs oiseaux retournaient
au vaisseau on présumait, dit Klaproth, qu'ils
n'avaient vu aucune terre; mais s'ils s'en
éloignaient, on le3 suivait pour atteindre la
terre. Nous n'avons pas besoin de faire re-
marquer à nos lecteurs combien cette cou-
tume rappelle la légende biblique de la co-
lombe et du corbeau de Noé, et la légende
chaldéenne des oiseaux de Xisuthrus. Mais
la boussole devait rapidement supplanter tous
ces procédés élémentaires. La première men-:
tion qui soit faite 6}e l4 boussole en Europe se
trouve dans Guyot de Provins (M90, selon
M. Paulin Pâris)> et la seconde dans Jacques
de Vitry (mort on 1244). D'autres montions
directes ou indirectes en sont faites successi-
vement par Gauthier d'Espinois, Brunçtto La-
tini, le maître de Da^te, Albert le Grand,
Vincent de Beauvais. Tout bien considéré, on
est en droit d'admettre, avec Klaproth) que
l'usage de l'aiguille aimantée était générale-
BOUS
1151
ment connu en Europe vers la fin du xne siè-
cle et dans le xiue siècle de notre ère. Ce fut
probablement.pendant les croisades que les
Européens eurent connaissance de cette ai-
guille et du parti qu'on pouvait en tirer pour la
navigation. Ce n'est pas à dire, cependant, que
l'invention de la boussole soit véritablement
due aux Arabes ; ils en ont été simplement les
propagateurs, et ce sont eux qui l'ont fait
connaître aux Francs. Nous entendons ici par
boussole un instrument destiné à indiquer le
nord aux navigateurs et basé sur les pro-
priétés magnétiques de l'aimant, indépendam
ment des formes qu'elle a pu revêtir, et qui,
comme on le verra plus loin, varièrent beau-
coup. Ce sont très-vraisemblablement les
Chinois qui sont les inventeurs de la boussole.
Toujours est-il qu'il résulte de documents po-
sitifs que la boussole aquatique (nous verrons
tout à l'heure en quoi elle consiste) était usi-
tée en Chine au moins quatre-vingts ans avant
la composition de la satire de Guyot de Pro-
vins, et que les Arabes la possédaient à peu
près à la même époque. Les Chinois, dit Kla-
F
roth, ont connu dès la plus haute antiquité
aimant, sa force attractive et sa polarité. La
plus ancienne mention qui soit faite de l'ai-
guille aimantée dans les historiens chinois
existe, dans le dictionnaire Choue-Wen, ter-
miné l'an 121 de notre ère; ce passage impor-
tant définit ainsi l'aimant : Nom d'une pierre
avec laquelle on peut donner la direction à
l'aiguille. Nous nous abstiendrons de repro-
duire ici toutes les preuves citées par Kla-
proth, auquel sa profonde connaissance du
chinois permettait de fouiller les annales chi-
noises. Nous insisterons seulement sur un fait
extrêmement curieux : c'est que. la déclinaison
de l'aiguille aimantée, dont la découverte est
attribuée en Europe à Christophe Colomb
(1492), est parfaitement définie par un auteur
chinois du commencement du xii» siècle.
Ajoutons cependant que si les Chinois avaient
remarqué le phénomène de la déclinaison, ils
ont rarement songé à en tirer parti ; car,
ainsi que nous l'apprend Gaubil dans sa de-
scription de la ville de Pékin, le mur oriental
et le mur occidental de Pékin, construits
sous le second empereur de la dynastie des
Mings, ne tendent pas exactement du nord au
midi et déclinent de 2° 30' du sud à l'est. Il
parait qu'on les a seulement crientés avec la
boussole, sans se soucier de la variation de
cet instrument.
Ainsi que nous l'avons dit précédemment,
la forme de la boussole varia considérable-
ment chez les différents peuples qui l'adoptè-
rent, et, avant d'arriver à la boussole moderne,
on employa bien des procédés pour utiliser la
polarité du fer aimanté. La boussole aquati-
que semble avoir été, chez nous et chez les
Arabes, la première forme donnée à l'instru-
ment. Voici comment un auteur arabe, Baïlak
(1282 de notre ère), décrit le procédé employé
par les capitaines de la mér de Syrie. Ils pla-
cent, dit-il, un vase plein d'eau à l'abri du
vent, à l'intérieur du navire. Ensuite ils pren-
nent une aiguille qu'ils enfoncent dans une
cheville de Dois ou dans un chalumeau, de
telle sorte qu'elle fasse comme une croix. Ils
la jettent dans l'eau que le vase contient à
cet effet, et elle y surnage. Ensuite ils pren-
nent une pierre d'aimant assez grande pour
remplir la paume de la main, ou plus petite.
Ils 1 approchent à la superficie de l'eau, im-
priment à leur main un mouvement de rota-
tion vers la droite, en sorte que l'aiguille
tourne sur la surface de l'eau ; ensuite ils re-
tirent leur main subitement et à l'imprb-
viste, et l'aiguille par ses deux pointes fait
face au sud et au nord. Le même auteur ra-
conte que dans l'Inde on fait usage d'un pe-
tit poisson léger en fer creux et pouvant sur-
nager (à peu près comme un petit jouet qui a
eu chez nous une certaine vogue, il y a quel-
ques années). Il désigne par sa tête et par sa
queue les deux points du midi et du nord.
Klaproth rapproche de ce dernier 'détail le
nom de calamité grenouille, donné par les Eu-
ropéens, et celui de lézard, donné par les Bir-
mans à l'aiguille aimantée. Le système de
suspension d'une aiguille sur un pivot était
également connu des Chinois dès l'antiquité
la plus reculée; c'est celui qui s'y est con-
servé jusqu'à nos jours et qui a été décrit par
M. J. Barrow. Lorsque Vasco de Gama,après
avoir doublé le cap de Bonne-Espérance, dé-
boucha dans l'océan Oriental en se dirigeant
vers l'Inde, U trouva que les pilotes de ces
mers se servaient très-habilement et des
cartes marines, et de l'aiguille aimantée, et
prenaient les hauteurs de l'équateur avec un
quart de cercle, pour savoir où ils étaient.
Vasco de Gama se servit même de ces pilotes
pour aller dans l'Inde. U est vrai, ajoute Kla-
proth, que leur boussole n'était pas aussi par-
faite que les nôtres, car, au lieu d'une aiguille
faite en forme de losange, ils n'avaient
qq'une plaque de fer aimuntée et soutenue
comme les nôtres, mais qui ne pouvait mon-
trer le nord aussi précisément que nos ai-
guilles. Enfin nous ne mentionnerons ici que
pour mémoire les fameux chars magnétiques
des Chinois, et nous renverrons le lecteur à
l'article spécial que nous leur consacrerons.
A la liste des peuples qui auraient connu l'u-
sage de la boussole bien avant l'époque qu'on
assigne ordinairement à son apparition, il faut,
encore ajouter les Etrusques. En effet, dans
une séance de l'Académie royale irlandaise,
té montant à une trentaine d'années, sir Wil-
liam Bethara a lu la traduction de deux* ta-
1152
BOUS
Mes chargées d'inscriptions étrusques, et il
résulte de cette interprétation que le récit
contenu dans cette inscription est la relation
de la découverte des Iles Britanniques par
les anciens Etrusques. Or il est justement
fait mention de la boussole- dans ce passage.
Après avoir décrit le misérable système de
navigation le long des-côtes, qui confinait
le navigateur au rivage, parmi les bas-fonds,
les rochers, les ressacs et d'autres dangers
imminents, il est dit que. tous ces accidents
étaient évités par le petit pointeur (piaclu),a.u
moyen duquel on pouvait traverser d'un côté
à l autre, en suivant toujours le même trajet,
établi d'une manière certaine : • La mer est
devenue la plaine du commerce, un facile es-
pace, un espace raccourci, un espace que l'on
parcourt, le propre espace de l'homme, le
moyen de progrès du commerce, le trésor de
l'homme, la source de l'augmentation de la
richesse; la navigation est devenue sûre et
agréable au moyen des vivres emmagasinés
et du petit pointeur. • Certes, voilà des dé-
tails caractéristiques et qui seraient tout à
fait concluants, si la lecture des inscriptions
étrusques était définitivement sûre. Malheu-
reusement, les savants qui interprètent ces
inscriptions leur attribuent des sens très-di-
vers et absolument inconciliables; et trop
souvent l'imagination du traducteur supplée à
l'obscurité du texte.
Après avoir ainsi élucidé la question d'ori-
gine, il nous reste à dire quelques mots sur
la première application de la boussole parmi
les navigateurs européens. Plusieurs ont re-
vendiqué l'honneur de cette première applica-
tion, qui peut presque être regardée comme
une invention réelle par rapport à nous : la
France, le Portugal, l'Angleterre et Naples
ont élevé la même prétention; mais, toute
vanité nationale à part, il est aujourd'hui à
peu près reconnu que, si les Français ne peu-
vent produire la preuve qu'ils ont inventé la
boussole, ils sont en mesure d'établir qu'ils ont
été les premiers à s'aider de l'aimant dans la na-
vigation, et nos marins l'employèrent dès le
xi
B
siècle, lors de la première croisade, qui eut
Heu en 1095. Les navigateursde la Méditerranée
connaissaient l'aiguille aimantée et en firent
également usage dans les commencements du
xn» siècle. Guyot de Provins nous apprend
que les marins français des côtes de la Man-
che et de l'Océan se servaient, pour se guider
en mer, d'une pierre laide et noirette à la-
quelle ils avaient donné le nom de marinette,
c'est-à-dire compagne du marin ; c'était une
sorte d'aiguille aimantée, posée sur une petite
nacelle de liège qui la soutenait sur l'eau :
Icelle estolle ne sa muet,
Un arc font qui mentir ne puet
Par vertu de la marinette.
Une pierre laide, noirette
Où le fer volontiers se joint.
C'était cet instrument grossier, peu sûr, in-
commode, sujet à l'agitation presque con-
stante de la mer, qu'on désignait sur les côtes
de la Méditerranée sous le nom de calamité
BOUS
ou de grenouille, parce que sa forme figurait
assez bien une grenouille verte. La boussole,
comme toutes les autres inventions, resta
longtemps dans l'enfance, et il était réservé à
un pilote italien, Flavio Givia, Gioia ou Gioja,
navigateur du village de Pasitano, d'apporter
à cet instrument des améliorations qui en cen-
tuplèrent l'utilité et qui l'ont fait regarder par
la postérité comme l'inventeur de la boussole,
bien qu'il n'eût fait que d'en faciliter l'usage,
en imaginant de mettre l'aiguille aimantée en
équilibre sur un pivot qui lui permit de se
tourner de tous les côtés avec facilité, de ma-
nière qu'elle pût obéir sans obstacle à la
tendance qui ramène l'aimant vers le pôle. Ce
fut lui aussi qui adapta au pivot de 1 aiguille
une rose des vents à laquelle il donna seize
aires ; puis il suspendit la boite qui portait la
boussole, de manière que, quelque mouvement
qu'éprouvât le vaisseau, elle restât toujours
immobile. Ces divers perfectionnements furent
revendiqués par la France, l'Angleterre et
l'Allemagne. La France se fonda sur la repré-
sentation de la fleur de lis qui, sur la rose des
vents, désigne le nord, et qui était la pièce
principale des. armoiries françaises ; mais il
faut reconnaître que cette preuve ne saurait
détruire les prétentions de 1 Italie, puisque la
maison d'Anjou, qui régnait alors a Naples,
patrie du pilote Gioia, portait également la
fleur de lis dans ses armes. Quoi qu'il en soit,
on assigne l'année 1302 comme celle où eut
lieu cette importante amélioration à la bous-
sole, et l'audace aventurière que les marins
montrèrent depuis lors atteste l'importance
du service que rendit Gioia à la marine. Ce-
pendant, bien que chacun alors se plût à con-
stater l'excellence du perfectionnement ap-
pliqué à cet instrument, un demi-siècle se
passa encore avant que son usage fût devenu
assez répandu pour que les marins, pleins de
confiance dans les indications données par la
boussole, se hasardassent à pénétrer dans des
mers non encore explorées, et il est probable
que Flavio Gioia lui-même mourut sans com-
prendre toute l'utilité de l'instrument qu'il
avait perfectionné, et surtout sans en re-
cueillir la gloire.
— Phys. Boussole de déclinaison. Pour faire
comprendre ce qui va suivre, il est nécessaire
de rappeler d'abord quelques définitions. On
sait que le méridien astronomique d'un lieu est
le plan qui passe par ce lieu et par l'axe de
la terre^ et que le méridien magnétique est le
plan qui passe par le centre delà terre et par
la direction de l'aiguille aimantée horizonta-
lement suspendue: Ces deux plans sont tous
deux verticaux, puisque, passant l'un et l'au-
tre par le centre de la terre, ils contiennent
la verticale du lieu dans 'lequel on les consi-
dère;.mais ces deux plans verticaux font or-
dinairement entre eux un angle auquel on a
donné le nom de déclinaison de l'aiguille ai-
mantée.
Tout appareil propre à déterminer la décli-
naison de l'aiguille dans un lieu donné, s'ap-
pelle boussole de déclinaison (v. AIGUILLE, AI-
MANT). Cet appareil (flg. l) doit donc indiquer
à la fois le méridien astronomique, le méridien
magnétique, et permettre de lire sur un limbe
gradué 1 angle de ces deux méridiens, angle
qui est la déclinaison que l'on cherche. Pour
atteindre ce triple résultat, voici la construc-
tion la plus généralement adoptée. Au centre
d'une boîte circulaire en cuivre (il faut une
substance qui ne contienne aucune parcelle |
de fer), se dresse un pivot sur la pointe duquel :
repose une aiguille aimantée AB, très-mobile
sur cette pointe et parfaitement horizontale.
Le contour de la boîte représente un cercle
gradué dont les différents degrés peuvent être
parcourus par les pointes de l'aiguille. Une vi-
tre garantit l'intérieur de la boîte des agita-
tions de l'air. Aux parois sont appliqués deux
montants verticaux qui supportent une lunette
astronomique, mobile dans un plan vertical,
et, .au-dessous de la lunette, un niveau à
bulle d'air, destiné k obtenir la parfaite hori-
zontalité de l'appareil. La trace du plan ver-
tical passant par l'axe optique de la lunette
figure sur le fond de la boîte une ligne CD,
appelée ligne de foi. A l'extrémité E de l'ar-
bre EF, on voit une partie de l'aiguille EH
qui tourne avec l'arbre, mais qui est verticale
quand la lunette est horizontale, et qui me-
sure, sur un limbe particulier K, l'angle que
la lunette fait avec la ligne de foi, et par con-
séquent avec l'horizon. Il sera exposé, au
mot MÉRIDIEN , comment avec une lunette
ainsi disposée on peut déterminer sur la voûte
céleste la trace du méridien astronomique d'un
lieu. En visant donc une étoile située dans ce
méridien, l'angle que la direction de l'aiguille
aimantée fait avec la ligne de foi est précisé-
ment la déclinaison cherchée.
La lecture de cet angle se fait en comptant
BOUS
le nombre de degrés compris, sur le fond de
la boîte, entre la ligne de foi et l'axe ^e fi-
gure de l'aiguille ; il en peut résulter une er-
reur , si l'axe de figure ne coïncide pas avec
l'axe magnétique ou ligne des pôles, qui seule
indique la véritable direction de la force ma-
gnétique. Il est bon de recourir aune deuxième
lecture par la méthode du retournement. Pour
cela, l'aiguille n'étant que superposée à la
pointe du pivot, on retourne ses faces sans
retourner ses pôles, de manière que la face
supérieure devienne la face inférieure, et ré-
ciproquement. On obtient ainsi une nouvelle
mesure pour la déclinaison. Prenant alors
une moyenne entre les deux mesures obte-
nues, on a la déclinaison réelle.
Gambey a apporté, dans la disposition de
l'appareil, des perfectionnements de détail qui
en augmentent de beaucoup la sensibilité
(fig. 2). L'aiguille est remplacée par un petit
Fig. 2.
barreau qui, au lieu de reposer sur un pivot,
est suspendu par son centre de gravité a l'ex-
trémité d'un fil de soie. L'autre extrémité de
ce fil s'enroule sur un petit treuil dont le sup-
port peut tourner horizontalement pour per-
mettre de supprimer la torsion du fil. Il y a,
comme dans 1 ancienne boussole, un niveau
et une lunette qui tourne verticalement. Il y
a de plus une lunette qui tourne avec un cer-
cle horizontal; elle sert à viser un objet éloi-
gné, pour s'assurer que l'appareil ne se dé-
range pas pendant les observations. Le bar-
reau aimanté est dans l'intérieur d'une boîte
de forme oblongue, dont les extrémités portent
deux ouvertures par lesquelles on peut voir les
pointes du barreau. Si, avec la lunette supé-
rieure, on vise un astre situé dans le méridien
magnétique, et si l'on note sur le cercle ho-
rizontal la division correspondante, la quan-
tité dont il faut ensuite faire tourner la boite
sur le cercle, pour que l'on puisse apercevoir
les pointes du barreau, indique la déclinaison.
Dans la pratique^le calcul de la déclinaison
magnétique est une opération bien délicate,
dont les détails seraient rebutants et sans uti-
lité dans un ouvrage qui n'est pas spécial.
Elle exige ordinairement le concours de deux
observateurs, tant pour déterminer le méri-
dien astronomique que pour préciser l'écart
de l'aiguille aimantée. M. James Odièr, s'étant
proposé de se passer d'auxiliaire dans cette
opération, a imaginé une nouvelle forme de
boussole?qu'il appelle boussole azimutale ou de
déclinaison absolue, dont nous ne donnons pas
la description, assez compliquée, et avec la-
quelle , en calculant l'azimut du soleil, on ob-
tient la déclinaison magnétique par une sim-
ple soustraction. On sait, en effet, que le pôle
du monde, le soleil et le zénith de l'observa-
teur sont les sommets d'un triangle sphérique
dont l'angle au zénith est l'azimut du soleil.
Cet azimut n'est autre chose que l'angle fait
par le méridien du lieu avec le plan vertical
passant par le soleil. Si donc, à ce moment,
on amène dans le plan vertical du soleil le
zéro du limbe de la boussole, l'aiguille indi-
querait précisément la valeur de cet- azimut,
si elle se dirigeait naturellement vers le vrai
nord ; par conséquent, la différence entre l'a-
zimut fourni par la boussole et celui que l'on
calcule trigonométriquement, d'après l'obser-
vation du soleil, sera précisément l'expression
de la déclinaison magnétique.
— Boussole d'arpenteur. La boîte qui ren-
ferme l'aiguille est ordinairement carrée, et
munie latéralement d'une lunette ou de deux
pinnules dont la direction est parallèle à la
ligne de foi du cadran, c'est-à-dire au diamè-
tre à partir duquel se comptent les divisions.
Le tout est porté sur un pied comme le gra-
•
B
,'E
/ Fig. 3.
phomètre. Soit ABC (fig. 3) un angle'à mesu-
BOUS
rer sur le terrain, angle dont le sommet A
f
ieut être inaccessible. Les côtés étant ja-
onnés, on place d'abord la boussole de ma-
nière que la lunette soit dirigée suivant l'un
des côtés AB ; la ligne de foi est alors paral-
lèle à ce côté, et l'on observe sur le limbe la
valeur de l'angle DOE, formé par la ligne de foi,
ou par le côté, et par la direction de l'aiguille.
On transporte ensuite la boussole de manièi©
que la lunette soit dirigée suivant le second
côté AC, et, comme précédemment, on note
la valeur de l'angle FO'G formé par la ligne
de foi, ou le côté AC et la direction de rai-
guille. On voit, à la seule inspection de la fi-
gure, que l'on a'pour l'angle A :
A = FO'H = FO'G — HO'G = FO'G — DOE,
c'est-à-dire que l'angle cherché est égal à la
différence des deux angles mesurés.
— Boussole marine. Cet instrument, connu
aussi sous le nom de cpmpas de iner, ou com-
pas devariation, n'estautre chose qu'une bous-
sole de déclinaison, moins la lunette et le ni-
veau, avec un mode de suspension particulier,
dit de Cardan, qui le maintient constamment
horizontal, malgré les mouvements du navire.
La lunette est remplacée par deux pinpules
qui se dressent aux extrémités d'un même
diamètre de la boussole, et qui servent à viser
une étoile ou tout autre opjet situé dans le
méridien. L'angle formé par la ligne de foi
qui joint les deux pinnules et la direction de
l'aiguille indique la valeur de la déclinaison.
Cette valeur étant connue, il importe de sa-
voir la route que le navire suit ou doit suivre;
en d'autres termes, il faut déterminer fréquem-
ment l'angle que fait le grand axe du navire
avec le méridien géographique. Pour obtenir
cet angle, on fait tourner la boussole de ma-
nière à amener la ligne de foi dans le grand axe,
et l'on observe l'angle que fait l'aiguille avec
cette ligne; ensuite, on en retranche ou l'on y
ajoute la déclinaison préalablement connue.
— Boussole d'inclinaison. Si une aiguille ai-
mantée peut se mouvoir librement autour de
son centre de gravité, dans le plan du méri-
dien magnétique, elle ne reste pas horizon-
tale , comme cela arriverait pour une aiguille
non aimantée; mais elle fait avec l'horizon un
angle que les physiciens ont appelé inclinai-
son. Comme elle fait "en réalité quatre angles
avec l'horizon, on est convenu de prendre
pour l'inclinaison le plus petit des deux an-
f
les formés par sa partie inférieure, celle qui,
ans nos climats, contient le pôle austral.
Tout appareil propre à mesurer cet angle
s'appelle boussole d inclinaison (fig. 4). L'ai-
Fig. 4.
guille AB doit donc être parfaitement mohile
autour d'un axe horizontal passant par son
centre de gravité, condition que l'on réalise
S
ar une combinaison d'ajustements ingénieux
ont nous supprimons les détails. Le limbe
gradué, que parcourent les extrémités de l'ai-
guille, est aussi parfaitement vertical; il est
enfermé, avec un niveau à bulle d'air, dans
une cage vitrée. A l'extérieur de la cage, on
voit un levier dont les extrémités portent
deux lunettes qui permettent de lire la gra-
duation. Tout le système est mobile autour
d'un axe vertical qui passe à la fois par le
centre de gravité de l'aiguille et par le centre
du limbe, car il est essentiel que ces deux
points coïncident. Au-dessous de la cage, un
cercle azimutal, muni d'un vernier, marque
les angles décrits par le limbe vertical. Pour
observer l'inclinaison avec cet instrument, on
commence par placer le cercle vertical dans
le méridien magnétique, ce qui peut s'obtenir
de différentes manières, entre autres par la
suivante : Si l'on fait tourner horizontalement
le cercle vertical, on remarque que l'inclinai-
son de l'aiguille varie à chaque instant, et
aue, pour une certaine position, elle est même
de 900, c'est-à-dire qu'alors l'aiguille est tout
à fait perpendiculaire. Or, à cet instant, le
plan vertical de l'aiguille est perpendiculaire
au plan méridien magnétique. Si donc, à par-
tir de là, on fait décrire au cercle vertical un an-
gle de 90°, on l'amène par ce mouvement dans
le méridien magnétique. Cela fait, on note la
division correspondant à la pointe inférieure
de l'aiguille. Cette division donnerait la va-
leur de l'inclinaison, sans l'influence de deux
causes possibles d'erreur qui ne permettent
pas de s'en tenir à un premier résultat. Il
peut arriver,en effet,quel'aimantation de l'ai-
guille soit irrégulière, et, en outre, que son
BOUS
centre de gravité ne se trouve pas exacte-
ment sur son axe de rotation. On doit donc
chercher de nouveau l'inclinaison, après avoir
retourné les faces de l'aiguille, sans en re-
tourner les pôles. Après ces deux résultats
obtenus, on désaimante l'aiguille, et on la réai-
mante en sens opposé, c'est-à-dire en renver-
sant ses pôles, et l'on recommence les deux
observations précédentes, ce qui fait en tout
quatre observations, dont la moyenne donne
assez exactement la valeur que l'on cherche.
Cette valeur peut encore s'obtenir par le
calcul. Désignons par i' l'inclinaison que pré-
sente l'aiguille dans un plan vertical quelcon-
que ; par i" son inclinaison dans un autre
plan vertical perpendiculaire au premier.
L'inclinaison vraie : est exprimée par la for-
mule :
tang
1
:' tangV t a n g V
— Boussole des intensités. Cet appareil a été
imaginé par Hansteen pour compter les oscil-
lations que l'on imprime à une aiguille de dé-
clinaison suspendue à l'extrémité d'un fil de
soie non tordu. Cette expérience a pour but de
reconnaître l'intensité de la force magnétique
terrestre dans un lieu donné ; car cette inten-
sité est d'autant plus forte, que l'aiguille sur
laquelle elle agit fait plus d'oscillations. V.
MAGNÉTISME.
— Boussole des variations. C'est un appareil
très-délicat, construit par Gambey, pour ob-
server les variations diurnes de l'aiguille de
déclinaison. Nous avons parlé do ces varia-
tions, ainsi que de celles qu'on appelle an-
nuelles, et de celles qui se font également sen-
tir dans l'inclinaison, au mot AIGUILLE, lorsque
nous avons décrit les phénomènes de l'ai-
guille aimantée. Nous pouvons donc nous dis-
penser de répéter ici ces détails.
— Boussole des sinus. Si un fil métallique,
parcouru dans le sens de sa longueur par un
courant électrique, est disposé parallèlement
à une aiguille aimantée mobile sur un pivot
vertical, l'aiguille s'écarte aussitôt de la di-
rection du méridien magnétique, et d'autant
f
ilus que le courant est plus intense. Parmi
es divers appareils propres à mesurer cet
écart de l'aiguille, et, par suite, à comparer
les intensités des courants (v. RHÉOMÈTRE), il
en est deux que l'on a appelés : le premier,
Boussole des sinus; le second. Boussole des
tangentes, sans doute, comme le disent quel-
?
uefois les élèves, parce qu'ils ne donnent ni'
e sinus m la tangente de la déviation.
Comme tous les rhéomètres, ils donnent seu-
lement la déviation de l'aiguille aimantée,
dont il reste ensuite à calculer soit le sinus,
soit la tangente.
En effet, soient MM' (fig. 5) la direction du
Fig. 5.
méridien magnétique, suivie d'abord par l'ai-
guille aimantée. Si l'on fait passer un courant
électrique autour de l'aiguille, dans le plan
vertical du méridien magnétique, l'aiguille,
d'après ce que nous avons dit, dévie et prend
une autre direction ON. Alors elle est en
équilibre sous l'influence de deux forces, égales
en intensité et opposées en direction. Ces
deux forces sont 1 action magnétique de la
terre t, quantité constante, dont la compo-
sante, qui tend à ramener l'aiguille au méri-
dien, est représentée par la variable AM' = /7
et l'action du courant i, qui agit suivant AB,
perpendiculairement à \ aiguille. Les deux
forces f et i sont égales quand l'aiguille s'ar-
rête. Appelons d l'angle de la déviation. Dans
le triangle rectangle AOM', on a :
AM' « OM' sin d,
ou
f » t sin d;
et, par suite,
i = t sîn d*
Si le courant avait une intensité différente t',
l'aiguille aurait aussi une déviation diffé-
rente d', et il viendrait V = t sin d'; donc,
t sin d
V ~ sin d' '
Ainsi, les intensités des courants sont propor-
tionnelles aux sinus des déviations. C'est sur
ce principe que M. Pouillet a construit l'appa-
reil représenté figure 6, et qu'il a appelé bous-
sole des sinus. A et B sont les extrémités d'un
fil de cuivre, enveloppé de soie, qui fait un
ou plusieurs tours sur le cercle vertical C.
L'une des extrémités est attachée au pôle po-
sitif d'une pile, et l'autre au pôle négatif. L ai-
guille aimantée occupe tout à la fois le cen-
tre du cercle vertical, et le centre du cercle
horizontal C , dont le bord intérieur est garni
d'un limbe gradué que la pointe de l'aiguille
doit parcourir. Les deux cercles C et C peu-
vent tourner solidairement, autour d'un axe
vertical, de quantités angulaires mesurées
X X .
BOUS
ar le vernier V qui parcourt les divisions
'un cercle horizontal fixe. Les choses étant
ainsi disposées, avant le passage du courant,
on amène le cercle C dans le méridien magné-
Fig. 6.
tique, de façon que ce cercle et l'aiguille se
trouvent dans le même plan vertical; l'ai-
guille correspond alors au zéro du limbe. On
établit le courant, l'aiguille s'écarte, et l'on
fait tourner le cercle C de façon à ramener le
zéro devant la pointe de l'aiguille. La quan-
tité dont il a fallu faire tourner le cercle C,
accusée par le vernier V, donne précisément
l'angle que fait l'aiguille avec le méridien ma-
gnétique sous l'influence du courant. C'est de
cet angle qu'il faut prendre le sinus.
— Boussole des tangentes (fig. 7). En dimi-
Fig. 7.
nuant la longueur de l'aiguille et en modifiant
la forme du circuit que le courant doit parcou-
rir, M. Pouillet est parvenu à construire une
boussole dans laquelle l'intensité du courant
est proportionnelle à la tangente de 3a dévia-
tion. Le principe mathématique se démontre
aisément en suivant une marche analogue à
celle qui nous a guidé pour le principe de la
boussole des sinus. Quant à l'appareil, il se
compose d'un cercle vertical formé par un ru-
ban de cuivre dont les extrémités plongent
chacune dans un godet contenant du mercure.
Dans ce mercure on a introduit les deux pôles
d'une pile; un courant passe dans le cercle et
agit sur une aiguille aimantée, suspendue par
un fil de soie dans l'intérieur d'une cloche de
verre, de telle façon que son centre soit au
centre du cercle vertical. Un limbe horizontal
manifeste les déviations. Il faut que l'aiguille
soit très-petite par rapport au rayon du cer-
cle vertical ; cependant, il faut qu elle soit as-
sez longue pour qu'on puisse apprécier les
subdivisions du degré. On remplit ces condi-
tions en fixant l'aiguille aimantée, qui est très-
petite, bien perpendiculairement sur une lon-
gue aiguille de cuivre très-légère, dont les
extrémités viennent courir sur lesdivisions du
limbe gradué, La manipulation de la bous-
sole des tangentes est sujette à beaucoup plus
d'erreurs que celle de la boussole des sinus.
BOUSSC
BOUSSC (Gilles-Joseph D E ) , historien et
littérateur flamand, mort à Mons en 1755. On
lui doit: Histoire de la ville de Mons. an-
cienne et moderne, contenant tout ce qui s y est
passé de plus curieux depuis son origine jus-
gu'à présent (1725) ; Histoire de la ville d'Ath,
depuis l'an 410 jusqu'en 1749 (Mons, 1750). Il
donna une tragédie intitulée : Hedwige, reine
de Pologne (1713).
BOUSSU,
BOUSSU, bourg de Belgique, prov. de Hai-
naut, ch.-l. de cant., arrond. et a l2kilom. O.
de Mons; 3,200 hab. Bières très-estimées,
exploitation de grès à aiguiser et de houille.
Beau château moderne des comtes de Cara-
man, construit sur les ruines de l'ancien châ-
teau bâti par Charles-Quint en 1539.
BODSSONBODSSON DE MÀIRET (Emmanuel), litté-
rateur français, né à Salins en 1796. Il a donné
quelques ouvrages d'éducation estimés : Cours
de belles-lettres (1839); Exercices de style et
de littérature (1841), le Muséum littéraire
(1841), etc.; ainsi que des Eloges de l'Abbé
d'Olivet (1839) et du général Lecourbe (1855),
une édition des œuvres de Rollin, etc.
BOUSSUET
BOUSSUET (François), médecin français,
né en 1520 à Seurre, en Bourgogne, mort en
1572. Il fut un médecin habile, instruit dans
les sciences naturelles, et s'adonna à la poô-
BOUT
, aie latine. D'après l'abbé Papillon, Boussuet
et Bossuet ne seraient que les deux formes
d'un même nom, et le médecin bourguignon
serait un des ancêtres de l'Aigle de Meaux.
On a de lui un poôme latin De arte medendi
(Lyon, 1557); et De natura aquatilium car-
men, etc. (Lyon, 1558).
BOUSTiFAïLLE s. f. (bou-sti-fa-lle, Il mil.).
Pop. Festin, bombance : Les étalages des mar-
chands de gibier
}
des fruitières, etc., font pres-
sentir l'approche du grand jour consacré à ce
qu'on appelle vulgairement la BOUSTIFAILLË.
Mes amis, autrefois, dans cet aimable autre-
fois, on se mariait savamment ; on faisait un
bon contrat, ensuite une bonne BOUSTIFAILLE.
Sitôt Cujas sorti, Gamache entrait. (V. Hugo.)
BOUSTROPHÉDON
BOUSTROPHÉDON s. m. (bou-stro-fé-don
— mot gr. formé de bous, bœuf, et stréphô,
je tourne). Paléogr. Ancien mode d'écriture
grecque, dans lequel les lignes se succèdent
dans l'ordre où l'on trace les sillons d'un
champ, c'est-à-dire sont tracées alternative-
ment de gauche à droite et de droite à gau-
che : Les plus anciennes inscriptions grecques
sont en BOUSTROPHÉDON. (Acad.)
— Adjectiv. Ecrit en boustrophédon : In-
scription BOUSTROPHÉDONE. il On dit aussi
BOUSTROPHB.
BOUSTROPHÉDONISMEBOUSTROPHÉDONISME S. m , f b o u - S t r o -
fé-do-ni-sme — rad. boustrophédon). Manière
d'écrire un nom propre en renversant l'ordre
des lettres. Ainsi Léon pour Noël est un bous-
trophédonisme ; Reitabas de Sertsae pour Sa-
batier de Castres en est un autre.
BOUSURB
BOUSURB s. f. (bou-zu-re — rad. bouse).
Techn. Composition pour blanchir la mon-
naie.
BOCSYRY
BOCSYRY (Cheref-Eddyn-Abou-Abdallah-
Mohammed), poète arabe né dans la haute
Egypte, en 1211, mort en 1294 ou 1296. Il com-
posa, en l'honneur de Mahomet, plusieurs
pommes, dont le plus célèbre est connu sous
le nom de Bordah. Les musulmans croient
qu'il suffit de réciter, debout et pieds nus, les
cent soixante-dix vers dont se compose ce
poëme pour obtenir la guérison des maladies
ou d'autres prodiges. Les bibliothèques de
Paris, de Leyde , d'Oxford, possèdent des
exemplaires manuscrits du Bordah, dont J. Uri
a donné une traduction latine.
BOUT
BOUT s. m. (bou — Pour l'étymologie de
ce mot et autres de la même famille, bouton,
boutonner, etc., v. BUT). Partie extrême, li-
mite, portion qui termine un corps ou un es-
pace : Le
BOUTBOUT d'un bâton, d'un fusil, d'une
baïonnette. Le BOUT d'une manche. Le BOUT du
doigt. Le
BOUTBOUT d'une ligne. Le BOUT d'une al-
lée, d'un pont, d'un chemin, d'une rue. L'autre
BOUTBOUT de la rue. Les deux BOUTS de la salle.
Votre stérilité n'est-elle pas attestée par ces
mots secs et barbares que vous employez à tout .•
BOUTBOUT du pied, BOUT du doigt, BOUT d'oreille,
BOUTBOUT du nés, BOUT de fit, BOUT du pont, etc.,
tandis que les Grecs expriment toutes ces dif-
férentes choses par des termes énergiques et
pleins d'harmonie. (Volt.) Quand le despote at-
tache la chaîne au pied de l'esclave, la justice
divine rive l'autre BOUT au cou du tyran. (B. de
St-P.) Au
BOUTBOUT du pont, le chemin montait à
pic, pour atteindre la chapelle. (Chateaub.)
Bonjour, ma petite, lui dit-elle, avec l'accent
que lui donnait son nez pincé du BOUT. (Balz.)
Des acclamations et de longs éclats de rire
partaient du BOUT de la table. (Scribe.) Notre
humeur ressemble aux lunettes de spectacle,
qui, selon le BOUT, montrent tes objets moin-
dres ou agrandis. (E. Souvestre.)
Lune, quel esprit sombre,
Promène au bout d'un fil
Ta face et ton profil?
A. DE MUSSET.
En pleurant l'époux qu'elle perd.
Iris vous lait pitié? Quelle erreur est ta vôtre]
C'est comme un bâton de bois vert
Qui brûle par un bout, quand il pleure par l'autre.
PIRON.
Il Se dit d'un lieu, d'une position très-éloi-
gnée, mais qui n'a proprement pas de bout ;
Du bout de l'horizon accourt avec furie
Le plus terrible des enfants
Que le Nord eût portés jusque-là dans ses flancs.
LA FONTAINE.
— Fin d'un espace de temps, d'une durée :
Le
BOUTBOUT de l'année, du mois, de la semaine. \\
Fin de ce qui a une durée : Arriver au BOUT
de sa vie, de sa carrière, de son service, de ses
fonctions. Etre au BOUT de ses peines. On voit
souvent le
BOUTBOUT de son autorité. (Fén.) Loin
d'être au
BOUTBOUT des révolutions, l'Europe, ou
plutôt le monde, ne fait que tes commencer.
(Chateaubr.) C'est un grand mal pour l'homme
d'arriver trop tôt au BOUT de ses désirs. (Cha-
teaub. ) Il n'est point de BOUT qu'on trouve
aussi vite que celui de son esprit. (Lamenn.)
Dieu, l'inépuisable mot, vient au BOUT de tou-
tes les études de l'homme. (St-Marc Girard.)
Je crois, dit la servante du curé, que vous pour-
riez passer au BOUT de l'histoire. (G. Sand.)
L'argent est au BOUT de toutes les carrières.
(P. Félix.) L'homme, créature haletante, va
rarement jusqu'au BOUT de lui-même sans y
être contraint ou aidé. (De Falloux.)
Je ne me suis connu qu'au bout de ma carrière.
VOLTAIRE.
Prêchez, patrocinez jusqu'à la Pentecôte,
Vous serez ébahi, quand vous serez au bouU
Que vous ne m'aurez rien persuadé du tout.
MOLIÈRE.
— Ce dont on garnit l'extrémité de cer-
BOUT 1153
tains objets : Un BOUT de canne, de parapluie
en cuivre, en fer, en ivoire.
— Morceau, partie, fragment : Un BOUT de
fil, de ruban. Un BOUT de chandelle, de bou-
gie. Un BOUT de papier. Manger un BOUT de
boudin, de saucisson. Vous apercevrez çà et là
quelques BOUTS de voies romaines, dans des
lieux où il ne passe plus personne. ( Cha-
teaub.) Elle ne dit rien pendant un BOUT de
chemin. (G. Sand.) Je jetai sur un BOUT de
papier les idées qui me vinrent. (G. Sand.) Il
jeta le BOUT de son cigare dans la mer. (Balz.)
D'effrontés coureurs de salons,
Qui vont de porte en porte et d'étage en étage,
Gueusant quelques bouts de galons.
A. BARBIER.
L'aigle, reine des airs, avec Margot la pie,
Différentes d'humeur, de langage et d'esprit,
Et d'habit,
Traversaient un bout de prairie.
LA FONTAINE.
il Petite quantité, petite partie : Un BOUT de
messe. Je n'ai entendu qu'un BOUT de son sermon.
H Objet peu étendu, peu considérable : Ecrire
un BOUT de lettre. Faire un BOUT de discours.
Faisons un petit BOUT de valse. Un petit BOUT
de sommeil vous reposera. Bien.'... fais un pe-
tit
BOUTBOUT en ivoire, en corne, en peau.
— Fig. Extrême : L'aridité des calculs est
presque toujours l'ennemie mortelle de la litté-
rature; heureux les esprits bien faits qui tou-
chent à la fois à ces deux BOUTS l (Volt.)
— Bouts d'ailes, Plumes qui garnissent le
bout de l'aile d'une oie et dont on se sert pour
écrire : Un paquet de BOUTS D'AILES. Se dit
aussi de l'extrémité des ailes de certains oi-
seaux, apprêtée comme aliment : Une terrine
d'excellents BOUTS D'AILES. On dit plus sou-
vent AILERON dans ce dernier sens. 11 Bout de
bas, Morceau d'étoffe ou de tricot que l'on
met à la pointe d'un bas, pour remplacer
celle qui est usée, il Bout de soutier, Morceau
de cuir que l'on coud en avant d'une semelle
de soulier qui est usée. 11 Bout de manche,
Sorte de manche mobile que l'on passe par-
dessus la manche de la robe ou de l'habit,
pour la garantir pendant le travail : Des
BOUTSBOUTS DE MANCHE en lustrine. Il Bout d'homme,
Homme de très-petite taille : Ce n'est qu'un
BOUTBOUT de toilette. (Balz.) Elle balbutie à la
fumée des chandelles un petit BOUT de rôle en-
fantin, qui lui a valu déjà bien des soufflets.
(Th. Gaut.)
— Particul. Prolongement charnu, cylin-
drique, coloré, qui termine la mamelle, et
qui, chez les femmes et les femelles d'ani-
maux, s'introduit dans la bouche du nour-
risson, pendant l'allaitement : Le BOUT du
sein, de la mamelle, du teton. Le BOUT du pis
d'une vache. Celte enfant prend difficilement
le BOUT. Cette nourrice n a pas de BOUT, a
trop peu de bout, a te BOUT trop dur.
Ses doigts, tout pleins de lait et plus blancs mille fois.
Pressaient les bouts du pis d'une grâce admirable.
MOLIÈRE.
il Appareil qui remplace artificiellement un
bout de sein absent ou trop court, ou qui
protège un bout malade ou trop sensible :
Un
BOUTBOUT D'HOMME. (Acad.) Se dit familièrement
d'un petit garçon : Viens ici, mon petit BOUT
D'HOMME. 11 Et, au fig. d'un homme sans mé-
rite, sans capacité :
Paris est plein de ces petits bouts oVhomme,
Vains, fiers, fous, sots, dont le caquet m'assomme.
VOLTAIRE.
Il Bout de l'an, service du bout de l'an, Ser-
vice qu'on fait faire solennellement pour un
mort, à l'époque anniversaire de son décès :
Je suis allé à son BOUT DE L'AN. On fit à Saint-
Denis le BOUT DE L'AN du Dauphin et de la
Dauphine. (St-Sim.) Mme de Sévigné a e m -
ployé cette expression dans le sens d'anni-
versaire : Je fais des BOUTS DE L'AN de tout.
— Haut bout, Place la plus honorable dans
un festin ou dans une réunion quelconque,
parce que, dans les festins d'apparat, les pla-
ces honorables occupaient autrefois une sorte
d'estrade : On le fit asseoir au HAUT BOUT, il
prit sa place sans cérémonie. (La Font.) d Se
dit fig. de la principale influence, de l'auto-
rité que l'on exerce sur les membres de sa
société : Avoir, tenir, prendre le HAUT BOUT.
Les ambitieux veulent tenir le HAUT BOUT par*
tout. (Trév.) Il vivait avec eux sans façon; il
tenait, pour ainsi dire, le HAUT BOUT, (Le
Sage.)
Qui dit Sillery dit tout ;
Peu de gens en leur estime
Lui refusent le haut bout.
LA FONTAINE.
Il Bas bout, Places les moins honorables dans
un festin, ou une réunion : L'Evangile apprend
aux humbles à prendre toujours te BAS BOUT.
(Trév.) Ils furent admis à sa table au BAS
BOUT,
BOUT, sans que le seigneur du château les Ao-
norât du regard. (Volt.) I) Avoir, tenir le bon
bout par devers soi, Avoir la part, la position
la plus avantageuse dans une affaire, de ma-
nière à pouvoir, mieux que tout autre, en
tirer avantage, il Se mettre, se tenir sur le bon
bout, Se mettre sur un bon pied, faire bonne
figure.
La cour ne se mit pas seule sur le bon bout.
Et le luxe passa jusqu'à la bourgeoisie.
LA FONTAINE.
Enfin, pour nous tenir toujours sur le bon bout.
Je n'ai rien ménagé, j'ai presque vendu tout.
BOURSAULT.
Cette locution a vieilli, il Navoir une chose
que par le bon bout, Ne l'avoir qu'à des con-
145
1154 BOUT
ditions avantageuses à celui qui la donne, ou
Ne l'obtenir que par force : S il en a. envie, il
ne l'obtiendra que par le BON BOUT. (Acad.) il
Prendre une affaire par le BON BOUT, La com-
mencer de la manière la pius convenable pour
en assurer le succès, il Prendre quelqu'un par
tous les bouts, Le sonder, l'essayer ao toutes
les manières, dans tous les sens : Ce juge, en
interrogeant le criminel, l'a PRIS TAR TOUS LES
BOUTS,BOUTS, et n'a pu en tirer aucun éclaircissement.
(Trév.) H On ne sait par quel bout le prendre,
Se dit de quelqu'un dont l'humeur est si dif-
ficile, si revêche, qu'on ne sait comment
l'aborder, comment entrer en matière avec
lui. H Jusqu'au bout, Jusqu'à hi fin, siins sus-
pension, sans nrrêt, complètement : IL faut
l'entendre, l'écouter JUSQU'AU BOUT. (Alex.
Dum.)
Voua êtes généreux, soyez-le jusqu'au bout.
CORNEILLE.
Sa vertu jusqu'au bout ne s'est pas démentie. -
CORNEILLE.
Suivons jusques au bout ses ordres favorables.
RACINE.
Vous voyez ce que peut une indigne tendresse,
E t voua allez me voir la pousser jusqu'au bout.
MOLIÈRE.
Quand on manque de tout,
Il faut qu'on soit bien pur, pour l'être jusqu'au bout.
PONSARD.
Il N'être pas au bout, N'en avoir pas fini avec
une contrariété, un obstacle, un mal, un in-
convénient ; Cela te fait de la peine? Oh!
vraiment, tu N'ES PAS AU BOUT, tu en verras
bien d'autres. (Le Sage.)
Ah! ah! nous vous tenons, messieurs les hypocrites,
Vous n'êtes pas au bout - .
ETIENNE.
il Etre au bout de ses écus, ou de ses pièces,
N'avoir plus d'argent, plus de ressources :
Telles gens n'ont pas fait la moitié de leur course,
Qu'ils sont au bout de leurs ècus.
LA FONTAINE.
Il Etre au bout de son rôle, de son rôlet, de
son rouleau, Ne savoir plus que dire, que
faire, avoir épuisé ses moyens : Je montrerai
à ce démon de Rodolphe que je ne suis pas AU
BOUTBOUT DE MON ROULKAU. ( E . S u e . )
— Du bout des lèvres, En trempant à peine
les lèvres : Goûter une liqueur DU BOUT DES
LÈVRES, et, fig., Sans sincérité, en paroles seu-
lement, et non pas du fond du cœur : Les hy-
pocrites n'honorent Dieu que DU BOUT DES LÈ-
VRES. Ce que vous m'accordâtes DU BOUT DES
LÈVRES et fîtes pour m'obliger...\ (Voit.) il Jiire
du bout des lèvres, du bout des dents, Sourire
à peine, sans presque ouvrir la bouche : Les
femmes qui ont de vilaines dents ne RIENT ja-
mais que DU BOUT DES LÈVRES. (L.-J. Lar-
chor.) Et Use mit à rire de son côté, mais
comme rient les Anglais, c'est-à'dire DU BOUT
DES DENTS. (Alex. ï)um.) il Signifie aussi S'ef-
forcer de rire bien que l'on n'en ait aucune
envie : Je RIAIS, mais DU BOUT DES LÈVRES. Il
Danser du bout des pieds, Danser négligem-
ment, sans plaisir, sans entrain : Depuis vingt
C7is, le cavalier n'existait plus qu'à l'état d'au-
tomate, les hommes ne DANSAIENT que par corn-
plaisance et DU BOUT DES PIEDS. (É. Texier.) il
Jusqu'au bout des doigts, jusqu'au bout des
ongles, Complètement, profondément, tout
à Tait : D'ailleurs Athos était de bonne com-
pagnie et grand seigneur JUSQU'AU BOUT DES
ONGLES. (Alex. Dum.) Cette jeune fille était
grande, sèche, pâle, tirée à quatre épingles,
provinciale JUSQU'AU BOUT DES ONGLES. (A.
Houssaye.)
Elle est belle, il mes yeux, jusques au bout des doigts.
BOAJÏLSAULT.
Il Toucher du bout du doigt, Toucher légère-
ment, sans appuyer •. SI ne faut TOUCHER cela
que DU BOUT DU DOIGT. (Acad.)
Du bout du doigt à peine on ose la toucher.
LA FONTAINE.
Il Signifie Etre près d'atteindre une chose, d'y
arriver : La solution est là; vous la TOUCHEZ
DU 30UT DES DOIGTS, il Avoir une chose au bout
de ses doigts, Pouvoir se la procurer par son
travail : Notre principal avantage EST AU
BOUTBOUT DE NOS DOIGTS : nos paysans ont eu l'in-
dustrie de travailler en horlogerie pour tes
Genevois. (Volt.) La fortune la plus sûre EST
AU BOUT DE NOS DOIGTS. (Pétiet.) |] Sauoir une
chose sur te bout du doigt, La savoir parfai-
tement : Il ne connaissait que sa table de Py-
thagore, qu'il savait SUR LE BOUT DU DOIGT.
(Alex. Dum.) Il Avoir un nom, un mot au bout
de la langue, Etre sur le point de se le rap-
peler, dé pouvoir le prononcer : C'est mon-
sieur... monsieur... Ahl J'AI son nom AU BOUT
DE LA LANGUE, il Ce mot est resté au bout de ma
plume, Je l'ai oublié en écrivant, n Ce mot s'est
trouvé au bout de ma plume, Il s'est offert na-
turellement à mon esprit et je l'ai écrit sur-
Je-champ, sans plus de réflexion, il Ne voir
pas plus loin que le bout du nez. Avoir la vue
très-courte, et, fig., Manquer tout à fait de sa-
gacité, de prévoyance : La plupart des jeunes
gens NE VOIENT PAS PLUS LOIN QUE LE BOUT DE
LUUU NEZ. (L.-J. Larcher.)
Celui-ci n'y voyait pas plus loin que son nez;
L'autre fitait passé maître en fait de tromperie.
LA FONTAINE, le Renard et le Bouc.
il Montrer le bout de l'oreille, Se trahir, lais-
ser voir malgré soi, par quelque côté, ce que
l'on est, ce que L'on pense : La politesse est
une grimace sociale, qui se dément aussitôt que
l'intérêt trop froissé MONTRE LE BOUT DE L'O-
REILLE. (Balz.) Les journalistes français payés
BOUT
par la Russie MONTRENT SOUVENT LE BOUT DE
L'OREILLE. (L.-J. Larcher. il Economie de bouts
de chandelles, Epargne sordide, misérable, ap-
pliquée à des choses de peu d'importance : Ces
ménages de BOUTS DE CHANDELLES ne sont peut-
être pas ce qui fait fleurir un Etat, {y o\\.) 11 Etre
ménager de bouts de chandelles, Montrer une
économie sordide sur des objets sans impor-
tance. || Brûler la chandelle par les deux bouts,
Dissiper sa fortune en prodigalités insensées,
et aussi se livrer en môme temps à diverses
dépenses ruineuses ou à des excès de diffé-
rents genres : Il boit comme un chantre et tra-
vaille comme un bœuf, BRÛLANT AINSI LA CHAN-
DELLE PAR LES DEUX BOUTS. Il Joindre,nouer les
deux bouts de l'année, ou simpl. les deux bouts,
Fournir à sa dépense annuelle : Il a de la
peine à JOINDRE LES DEUX BOUTS. Sans mon
génie, nous serions de petits détaillants, nous
tirerions le diable par la queue pour JOINDRE
LES DEUX BOUTS. (Balz.) Cette année, je donne
à ma fille une vingtaine de mille francs, pour
qu'elle puisse NOUER LES DEUX BOUTS. (Balz.)
Il D'un bout à l'autre, d'un bout à l'autre bout,
D'une extrémité à l'autre : Parcourir sa
chambre n'uN BOUT k L'AUTRE. BallioJis-nous
D'UN BOUT de la France À L'AUTRE contre les
ennemis de nos libertés. (Chateaub.) L'Angle-
terre se peint elle-même dans une enquête fidèle,
où l'on entend retentir D'UN BOUT k L'AUTRE le
cri lugubre de la faim. (Ledru-ïtollin.) Il
mourut en jetant des cris ae furieux, qui fu-
rent entendus d'un BOUT k L'AUTRE BOUT de la
ville. (Ars. Houssaye.)
Dieu remplit l'univers de Vvn d l'autre bout.
RACINE.
J'ai couru la forêt de l'un à Vautre bout.
REONARD.
tl Signifie aussi En entier, complètement, du
commencement à la fin : Il me faudra souf-
fler mon râle d'un BOUT k L'AUTRE. (Mol.)
Mon Dieu, nous savons tout
— Quoi? — Votre procédé de l'un à l'autre bout.
MOLIERE-
— Le beut du monde, les bouts de l'univers,
Endroit fort éloigné : Il s'est logé AU BOUT DU
MONDE. (Acad.)
Que cent peuples unis, des bouts de. l'univers,
• Passent pour la détruire et les monts et les mers.
CORNEILLE.
Il Derniertermequel'onconsidère: Leschoses,
comme elles sont, disait Louis X V, dureront
autant que moi, c'était là son BOUT DU MONDE.
(Ste-Beuve.) n Signifie aussi Limite des sup-
positions, des appréciations possibles : Si sa
maison vaut vingt mille francs, C'EST TOUT LE
BUTE,BUTE, u Au bout de l'aune faut (manque) le
drap, Tout prend fin, et l'on ne deit pas at-
tendre des choses de plus longs services
qu'elles n'en peuvent rendre, il Au bout le
bout, Cela durera ce que cela pourra, n II faut
finir par un bout, On ne peut échapper à la
mort, il faut mourir de façon ou d'autre, u
Etre à bout, N'avoir plus de ressources, ne
savoir plus
Les valets enrageaient; l'époux était ri bout.
LA FONTAINE.
Il Etre épuisé, ne pouvoir plus durer : Ma pa-
tience et mes forces SONT k BOUT.
Mais je sens que bientôt ma douceur est à bout.
RACINE.
Il Pousser, mettre à bout, Exaspérer, obliger
à sortir des bornes de la modération : Mais
sache, fils indigne, que la tendresse paternelle
est POUSSÉE k BOUT par tes actions! (Mol.) Ce
dernier trait MIT k BOUT ma patience. (Beau-
maren.)
Faut-il pousser à bout cette reine obstinée?
CORNEILLE.
Et tu me mets d bout par ces contes frivoles.
MOLIÈRE.
Ce dieu bizarre.
Voulant pousser d bout tous les rimeurs françois,
Inventa du sonnet les rigoureuses lois. '
BOILEAU.
il Signifie aussi Triompher de *.
Nous mettrons autant de cœurs d bout
Que nous voudrons en entreprendre.
LA FONTAINE.
BOUT
Les Grecs
Par mille assauts, par cent batailles.
N'avaient pu mettre d bout cette flère cité.
LA FONTAINE.
— Bout à bout. Les extrémités jointes l'une
à l'autre : Coudre deux bandes de toile BOUT
k BOUT. Souder BOUT k BOUT 'deux barres de
fer. n La fin de l'un jointe au commencement
de l'autre : L'homme n'a pas une seule et même
vie; il en a plusieurs mises BOUT k BOUT, et
c'est sa misère. (Chateaub.)
Quatre Mathusalem bout d bout ne pourraient
Mettre is. fin ce qu'un seul désire.
LA FONTAINE.
—De bout en bout, D'une extrémité à l'au-
tre, du commencement à la fin :
"Vous saurez tout cela tantôt, de bout en 6o«t,
MOLIÈRE.
Sans rien cacher, Lise, de bout en bout
x
De point en point, lui conte le mystère.
LA FONTAINE.
il L'un additionné avec les autres : Si on met-
tait EOUT k BOUT le chemin qu'il fait chaque
jour dans son jardin, on trouverait qu'à la fin
de l'année il aurait fait plus de cinq cents
lieues. (Acad.)
— A bout portant, L'extrémité de l'arme
touchant presque le but : Tirer des coups de
réoolver k BOUT PORTANT. Tirer un lièvre k
BOUTBOUT DU MONDE. Je pars, et si je vous écris
encore lundi, c'est le BOUT DU MONDE. (Mme de
Sév.) n Jusqu'au bout du monde, D'un bout du
monde à l'autre, Aux deux bouts de la terre,
Dans le monde entier, par toute la terre :
D'un BOUT DU MONDE À L'AUTRE, l'écriture al-
phabétique a été v.n bienfait des Sémites. (Re-
nan.)
Marchons, et dans son sein rejetons cette guerre
Que sa fureur envoie aux deux bouts de la terre.
RACINE.
L'habit fait tout
D'un bout du monde à l'autre bout.
BÉRANOER.
Robin mouton, qui par la ville
Me suivait pour un peu de pain
Et qui m'aurait suivi jusques au bout du monde...
LA FONTAINE.
Remplissez l'univers sans sortir du Bosphore;
Que les Romains, pressés de l'un à l'autre bout.
Doutent où vous serez, et vous trouvent partout.
RACINE.
Mais qu'est-il ce renom? c'est le bruit du tonnerre.
Qui, volant tout a coup aux deux bouts de la terre,
Dure a. peine quelques instants.GILBERT.
— Prov. Au bout du fossé la culbute, Se dit
pour faire entendre que, si l'on est trop aven-
tureux dans ses actions, on est résigne à sup-
porter les conséquences de sa témérité : Ar-
rive que pourra; AU BOUT DU FOSSÉ LA CUL-
BOUTBOUT DE CHAMP.
A chaque bout de champ, vous mentez comme un
[diable.
CORNEILLE.
H Cette expression de Corneille est fautive
l'emploi des synonymes n'étant pas facultatif
dans les locutions consacrées par l'usage.
C'est ainsi qu'il y aurait impropriété de ter-
mes,si l'on disait Mouillé comme une soupe, au
lieu de Trempé comme une soupe. L'Académie
autorise les deux formes, ce qui ne nous em-
pêche pas de maintenir notre distinction.
— Bout-ci, bout-là, Un bout par-ci, un bout
par-là ; téte-bêche. il Cette locution à vieilli.
— Loc. prépos. A bout de, N'ayant plus
de : Etre À BOUT DE forces, de courage, de pa-
tience. A la fin du moyen âge, le christianisme
était k
BOUTBOUT PORTANT. [| Fig. De très-près : La pa-
role, espèce d'arme À BOUT PORTANT, dont on
se sert de près, n'a qu'un effet immédiat. (Alex.
Dum.) On ne raisonne pas des choses à perte
de vue, quand on tes touche k BOUT PORTANT.
(Ste-Beuve.)
Madame, à bout portant vous tirez la louange.
REONARD.
— A tout bout de champ, A chaque instant,
à tout propos : Il répète la même chose k TOUT
BOUTBOUT DE son influence sociale. (Lher-
minier.) La vieille démocratie, k BOUT DE ba-
vardage, aspire pour se refaire à une mêlée
générale. (Proudh.)
Place aux fougueux, tribuns,
Qu'on ne surprend jamais à bout de lieux communs.
E. AUGIER.
Il Venir à bout de, suivi d'un nom, Epuiser,
consommer en entier, voir la fin de : Il est
VENU À BOUT DE son argent, il n'en a plus. Ils
SONT VENUS À. BOUT D'une douzaine de bou-
teilles de vin. Je me porte, àmeroeille, quoique
je fasse tout ce qu'il faut pour VENIR À BOUT
DE ma santé. (Didcr.) u Signifie aussi Ache-
ver, accomplir, réussir à faire, conduire à.
bonne fin ; VENIR À BOUT D'un dessein^ d'une
entreprise. Thaïes disait que la nécessité VE-
NAIT k
BOUTBOUT DE tout. (Fén.) Celui qui veut une
chose en VIENT X BOUT. (J. de Maistre.) Avec
de l'esprit, on VIENT À BOUT DE tout (Th.
Gaut.)
L'amour avait raison ; de quoi ne vient d bout
L'esprit joint au désir de plaire?
LA FONTAINE.
... Quand j'ai bien mangé, mon ame est ferme atout,
Et les plus grands revers n'en viendraient pas à bout.
MOLIÈRE.
Non, la sagesse mémo
N'en viendrait pas d bout, perdrait sens et raison,
A vouloir corriger une telle maison. MOLIÈRE.
Il Signifie encore Vaincre, triompher de :
Je vous donne avis que vous n'en VIENDREZ PAS
À BOUT, qu'il n'avouera jamais qu'il est méde-
cin. (Mol.) Il n'y arien dont le temps ne VIENNE
k
BOUT,BOUT, et qu'il n'ensevelisse dans un éternel
oubli. (Racine.) La douceur VIENT k BOUT de
résistances que l'aigreur rend invincibles. (La
Rochef.-Doud.)
Ah! certes, celui-lfc l'emporte et vient à bout
De toute ma raison
MOLIÈRE.
Je voudrais que le sort, pour exercer votre âme,
Un seul jour vous chargeât d'une pareille femme.
La raison en pourpoint n'en viendrait pas à bout.
DESMAIHS.
Il Venir à bout de, suivi d'un verbe à l'infini-
tif, Réussir, parvenir à : On ne VIENT jamais
k
BOUTBOUT de faire, des meilleurs hommes, ce qu'on
aurait besoin d'en faire. (Fén.) L'Eglise est
VENUE k BOUT d'exterminer cette superstition
(Fonten.) L'honneur est un moyen adroit par
lequel on est VENU À BOUT DE faire produire à
la vanité les effets de la vertu. (De Bruix.)
Je ne viendrais jamais à bout
De nombrer les faveurs que le ciel leur envoio.
LA FONTAINE.
— Au bout de, Après une espace de temps
de : Au BOUT DE deux heures. Au BOUT D'un
mois. Il y a des graines dont la faculté germi-
nattve s éteint AU BOUT DE quelques heures; il
y en a d'autres chez qui elle semble persister
indéfiniment. (F. Pillon.) Ce qu'on voit tous
les jours, AU BOUT D'UH certain temps on ne le
voit plus. (About.)J
BOUT
Et comme au bout d'un an, sa santé fut parfaite..
CoRNKILLE.
. . . Ce nom précieux encore à vos Romains,
Au 6ou( de six cents ans, lui met l'empire aux mains.
CORNEILLE.
Au bout de quelques jours, le voyageur arrive
En un certain canton, où Téthys sur la rive
Avait laissé mainte huître
LA FONTAINE.
n Au bout du compte, En définitive, tout con-
sidéré, après tout : Au BOUT DU COMPTE, quels
sont ses torts? Au BOUT DU COMPTE, il avait
raison.
— Mar. Avant, proue d'un bâtiment : Cette
embarcation nage BOUT à terre, court BOUT au
vent, BOUT au courant, BOUT à la lame, tl Vent
de
BOUTBOUT ou DEBOUT , Vent qui souffle do la
proue à la poupe, vent contraire : Avoir VENT
DE BOUT. Il Aborder de bout au corps, Frapper
de la proue le travers d'un autre navire, il
Filer un câble par bout, Le filer jusqu'au
bout, le laisser sortir tout entier par .1 écu-
bier. il Bout de vergue, Partie de fa vergue
qui reste hors de son capelage. n Bout perdu,
Se dit d'une cheville qui, ne traversant pas
la muraille, ne sert aucunement à l'assu-
jettir, il Bout à bout, corde formée do plusieurs
cordes ajoutées les unes aux autres : Un BOUT
k
BOUT,BOUT, n Bon bout. Bout du câble qui reste à
bord, tandis que l'autre est jeté a la mer.
S'est dit fig. pour Précaution, sûreté :
Et toujours retenez le bon bout à la main,
De crainte que le temps ne détruise l'affaire.
REONIER,
— Véner. Etre à bout de voie, Se dit des
chiens quand ils cessent de chasser, ayant
• perdu la voie de la bête.
— Manég. Etre à bout, Etre accablé de fati-
gue : Ce cheval EST k BOUT. Il N'avoir point de
bout, Etre infatigable, en parlant d'un che-
val, il Mettre les bouts en dedans, Rapprocher
la tète du cheval de sa croupe, et lo faire
travailler sur les hanches.
— Escc. Bout de fleuret, Bouton d'acier qui
termine le fleuret et qu'on entoure de cuir pour
que les coups portés ne blessent pas. u Bâton
à deux bouts, Bâton armé d'un bout do fer à
chaque extrémité, et servant d'arme offen-
sive et défensive.
— Jeux. Au domino, Côté extérieur de
chacun des dés placés à l'extrémité de ceux
qui sont déjà joués et rangés en ligne sur la
table. v> Bout ouvert, Celui où l'on peut encore
placer des dés, le point qu'il marque n'étant
• pas épuisé : / / n'y a dehors que quatre-cinq
et six-trois; tes deux BOUTS 5071/ encore OU-
VERTS.
— Techn. Partie amincie des brins inté-
rieurs d'un éventail, sur laquelle la feuillo
est collée H Petite garniture en métal, en os
en corne, en ivoire, qui termine l'extrémité
inférieure des baleines de parapluie, et par
laquelle l'eau s'écoule, i! Clef à bout, Clef qui,
n'étant pas forée, a un bout de tige qui dé-
passe le panneton, et lui sert comme de tou-
rillon lorsqu'on la fait agir. Il Relever à bout,
Se dit d'un pavé quand on le refait en en-
tier : Le pavé de cette rue doit être RELEVÉ
X BOUT. On dit aussi, dans le même sens, iîe-
manier à bout. 11 Remanier à bout, Découvrir
entièrement une maison et la recouvrir à me-
sure, soit avec les mêmes matériaux, tuiles,
bardeaux ou ardoises, soit avec de nouveaux
matériaux.
— Grav. Outil de graveur en pierres dures.
— Econ. dom. Bout saigneux de veau
y
de
mouton, Cou d'un veau ou d'un mouton, tel
qu'on le vend à la boucherie. Se ditabsol. du
cou d'un mouton : Acheter un BOUT SAIGNEUX.
— Syn. Bout, extrémité, fin. Le bout est le
f
ioint où une chose se termine dans le sens de
a longueur ; Y extrémité est !a partie la plus
ec dehors, la plus éloignée du centre, soit
que Von considère les choses dans une seule
ou dans plusieurs dimensions; on dit égale-
ment les extrémités d'une ligne, d'une surface
ou d'un corps. La fin se rapporte, non pas à
l'étendue ou à l'espace, mais à une action, h
la durée ; on dit la fin de la vie, d'un travail,
d'une maladie. Il est vrai qu'on peut dire : Il
est au bout de son rouleau, pour signifier V. ne
sait plus quoi faire ou quoi dire, mais c'est
qu'alors on parle un langage figuré, et le dis-
cours ou l'action dont il s'agit est comparée à
un rouleau qui se déroule matériellement.
— Homonymes. Boue, et bout (du v. bouillir).
— Antonymes. Commencement, milieu,
centre.
— Ail US. l i t t é r . Le b o u t d o l ' o r e i l l e , Allusion
a la fable de La Fontaine : l'Ane revêtu de la
peau du lion.
Do la peau du lion l'âne sVHant vêtu.
Etait craint partout à la ronde;
.Et, bien qu'animal sans vertu,
Il faisait trembler tout le monde.
Un petit bout d'oreille échappé par malheur
Découvrit la fourbe et l'erreur.
Dans l'application, ces mots : le bout de
l'oreille, servent à désigner l'indice accusa-
teur qui révèle subitement la poltronnerie du
faux orave, l'hypocrisie du tartufe, l'orgueil
d'une feinte humilité, en un mot, le défaut
opposé a. des qualités qu'on affiche :
a La blancheur de ses mains, aussi soignées
que celles d'une jolie femme, eût suffi pour le
trahir comme Condorcet. II était évident que
l'homme était au-dessus de son costume ; chose
BOUT
rare ! cette fois, c'était 1 yr aille du lion qui per-
çait la peau de l'âne. »
CH. DE BERNARD.
MARTIGNAC.
• Déjà l'astre du jour transfuge des brouillards
Qu'à son doux successeur lègue le mois de mars,
Luisait, brillant témoin d'une brillante fôte...
VILLE LE.
On voit toujours percer l'oreille du poète.
Vous mettez, Martignac, votre esprit trop en frais ;
En style de rapport traduisez ce français. •
BARTHÉLÉMY
BARTHÉLÉMY et MÉRT, le Congrès des Ministres.
« Ces critiques que nous étudions en ce mo-
ment sont-ib eux-mêmes impersonnels, indiffé-
rents à éloigner de leurs appréciations litté-
raires toute ombre de politique? Peuvent-ils
écrire vingt pages sans que le bout de l'oreille
perce à travers ce tissu souple et ferme, solide
et brillant, et le dernier ouvrage de M. Cu-
villier-Fleury n'a-t-il pas, Dieu merci, les vives
et chaleureuses allures d'un livre de parti? »
A. DE PONTMARTIN.
BOUTBOUT (Pierre), peintre et graveur flamand,
né à Bruxelles vers 1660 ; selon d'autres,
vers 1670 ; n'est guère connu, que par sa colla-
boration avec Nicol. Boudewyns ou Baudouin
dans les paysages duquel il a placé des
figures et des animaux, traités avec un sen-
timent vrai du pittoresque, bien dessinés et
touchés avec esprit, quoique un peu maigres.
Il a étoffé aussi des tableaux de Poelenburg
(musée de Dresde), de N. Dupont (Gand), de
Lucas van Uden (Dresde), de Jacques d'Ar-
thois et de Van Heil (Bruxelles). C'est par
erreur que certains biographes le nomment
BAUT et qu'ils lui donnent les prénoms de
Nicolas et de François. Pierre Bout a gravé à
l'eau-forte et au burin trois pièces signées de
son nom : les Marchandes de poissons, les Pa-
tineurs et le Traîneau.
BOUTADE,BOUTADE, Voltaire oubliait ou ne prévoyait
pas un adoucissement graduel des mœurs. (Ste-
Bouve.)
Je ne prends ces propos que pour une boutade.
PONSARD.
Eh bien ! souperons-nous avant la promenade?
Non, je jeûne ce soir. — D'où vient cette boutade ?
MOLIÈRE. •
Quelle brusque incartade,
Me direz-vous.... D'où vient cette boutade!
De quoi se plaint son esprit ulcéré?
J.-B. ROUSSEAU.
n Accès vif et passager : Vous êtes un indolent,
vous n'écrivez que par BOUTADES. (Volt.) Cette
nation volage, qui n'aime la liberté que par
BOUTADES, est constamment affolée d'égalité.
(Chateaub.)
— Saillie vive, imprévue, qui a quelque
chose d'original : Il a des BOUTADES fort di-
vertissantes. La BOUTADE de Chapelle et Ba-
chaumont est bien celle d'auteurs modernes.
(Ste-Beuve.) Il Production capricieuse.
Vient-il de la province une satire fade,
D'un plaisant du pays insipide boutade.
Pour la faire courir, on dit qu'elle est de moi.
BOILEAU.
— Littér. Titre de certaines pièces de vers,
dans le genre de la satire, mais plus courtes
et moins régulières.
— Chorégr. Sorte d'ancienne danse figurée
ou ballet impromptu : Elles vous prient de ne
plus tant danser la BOUTADE et de choisir
quelque danse plus grave, comme les branles ou
la pavane. (Volt.)
— Féod. Droit dévolu à certains seigneurs
du Berry, de percevoir cinq pintes de vin par
poinçon ou tonneau, ou l'équivalent en argent.
— Anecdotes. Le mot qui fait l'objet de cet
article a un sens très-général ; une foule de
mots, de traits, de calembours, sont des bou-
tades. Nous pourrions donc, si nous le vou-
lions, accumuler ici une multitude d'anec-
dotes; mais nous nous en tiendrons aux trois
boutades suivantes qui, elles-mêmes, pourraient
être classées sous une autre étiquette-
Malherbe dînait un jour chez l'archevêque
de Rouen; sur la lin du dîner, il s'endormit.
Le prélat, qui devait prêcher, l'éveille et l'in-
vite au sermon. " Dispensez-m'en, je vous
prie, répond Malherbe, je dormirai bien sans
cela. »
Un gentilhomme fort riche devint amoureux
d'une personne qui n'avait point de bien : il
voulut d'abord se défaire de son amour, et
s'éloigna plusieurs fois de sa maîtresse; mais
au retour de chaque voyage il en était toujours
plus amoureux que jamais : o Enfin, dit-il, il
faudra que je Yépouse pour cesser de l'aimer, »
Roquelaure était loin d'être beau. Ayant
un jour rencontré un Auvergnat fort laid, qui
avait des affaires à Versailles, il le présenta
lui-même à Louis XIV, en disant qu'il avait
les plus grandes obligations à ce gentilhomme.
Le roi voulut bien accorder la grâce qui lui
était demandée, et s'informa ensuite auprès du
duc quelles étaient les obligations qu'il avait à \
BOUT
cet homme, t Ahï sire, repartit Roquelaure,
sans ce magot-là, je serais l'homme le plus
laid de votre royaume, n
Boutade» da Capitan Matamore (LES), Co-
médie en un acte et en vers, de Scarron
(1646). Cette pièce est tirée du Miles gloriosus
de Plaute, et offre cette particularité d'êtreen
vers de huit pieds, tous sur la même rime :
l'assonance choisie est ment; cela, nous paraî-
trait fort assommant aujourd'hui. Inutile d'a-
jouter que les Boutades du capitan Matamore
sont écrites dans le style burlesque de l'au-
teur. Quelques scènes offrent de l'originalité.
Le sujet ne brille pas par l'invention : Mata-
more, amoureux d Angélique, a deux rivaux
qu'elle n'aime point; il est prêt à les immoler
à sa fureur, s'ils ne se désistent aussitôt du
projet d'épouser cette belle. Angélique déclare
a Matamore que c'est lui seul quelle aime.
Les deux rivaux se retirent après avoir de-
mandé humblement pardon au capitan Ma-
tamore, qui épouse sa maîtresse. M. Hippolyte
Lucas dit que Scarron débuta au théâtre par
les Boutades du capitan Matamore. L'histo-
riographe du Théâtre Français se trompe ; de
plus, il se met en contradiction avec lui-même
puisque la table chronologique qui accompagne
son excellent travail indique, à la date de
• 1645, une autre comédie de Scarron, Jodelet
ou le Maître valet. Ajoutons que, cette même
année 1645, Scarron, doué d'une extraordi-
naire facilité, avait fait jouer à l'hôtel de Bour-
gogne Jodelet souffleté ou les Trois Dorothées^
comédie en cinq actes, qui devint plus tard
Jodelet duelliste, titre sous lequel on l'imprima
en 1651.
BOUTADEUX,
BOUTADEUX, EUSE adj. (bou-ta-deu, eu-ze
— rad. boutade). Qui agit par boutades: Jeu-
nesse BOUTADEUSE. il Vieux mot.
— Substantiv. Personne qui agit par bou-
tades : Un BOUTADEUX. Une BOUTADEUSE.
BOUTADEBOUTADE s. f. (bou-ta-de — rad, bouter,
qui a d'abord donné boutée). Caprice brusque,
emportement subit et passager : Agir par
BOUTADES. C'est une BOUTADE gui lui a pris.
Pour l'ordinaire, elles sont ombrageuses, soup-.
çonneuses et très-aisées à se fâcher et à parler
par BOUTADES. (Boss.) Dans toutes ses appré-
ciations piquantes et sagaces, mais gui sentent
la
BOUTAGEBOUTAGE s. m. (bou-ta-je — rad. bouter).
Navig. Endroit d'un train de bois, où se tient
le marinier qui le dirige.
— Techn. Action de placer les épingles dans
les trous du papier où elles doivent être
rangées.
— Féod. Droit de boutage, Droit consistant
en quelques pintes de vin que le seigneur
prélevait sur les muids destines à être vendus
en détail dans les foires. Il On disait aussi
DROIT DE BOTTAGE.
— Techn. Action de bouter ou d'enfoncer
les dents de cardes dans le cuir ou les autres
substances qui composent les rubans ou les
plaques de cardes : BOUTAGE à la main. Bou-
TAGE mécanique.
BOUTAILLBBOUTAILLB s. î. (bou-ta-lle, Il mil.). An-
cienne forme du mot BOUTEILLE.
BOUTAN,
BOUTAN, Etat naguère indépendant de l'Asie
centrale, situé au N.-E. de lTndoustan an-
glais, borné au N. par l'Himalaya, qui le sépare
du Thibet, à VE. par le Thibet, au S. par
l'Assam et le Bengale, et à l'O. par la princi-
pauté de Sikkim ; par 26° et 28° de latitude
septentrionale, et 86° et 920 de longitude orien-
tale. Sa plus grande longueur de l'O. à l'E.
est de 560 kilom.,saplus grande largeur de 150.
Superficie
;
167,000 kilom. c. ; 2,000,000 d'hab.
Cap. Tassisudon ; villes principales ; Ouandi-
pour, Paro, Dewangiri.
— Aspect général, climat et productions. Le
Boutan est un pays très-élevé, formé dans sa
partie septentrionale par les terrasses de l'Hi-
malaya, dont il renferme quelques-uns des
points culminants, entre autres Te Chamalari
qui dépasse 8,600 m. A la base de ces mon-
tagnes ne croissent que quelques houx, quel-
ques pins rabougris et des herbes courtes et
rares ; mais à 15 kilom. de ces pics élevés, le
pays prend un aspect pittoresque, et les mon-
tagnes sont cultivées jusque près de leur
sommet, sur lequel s'élèvent de belles forêts
qui couvrent en partie les flancs de ces hau-
teurs. Les vallées sont étranglées et les cours
d'eau qui les arrosent coulent dans des ravins.
Les principales rivières de cette contrée, tri-
butaires du grand fleuve Brahmapoutre, sont :
le Tchintchien, qui coupe le Boutan du N. au
S-, et dont les eaux tumultueuses se précipitent
en formant de nombreuses cataractes dans le
Brahmapoutra; le Jerdeker et le Banaach.
" Les glaciers et les neiges perpétuelles qui
couvrent les régions montagneuses du nord
n'influent pas d'une manière sensible sur le
climat du Boutan, qui est à peu près celui du
midi de l'Europe. On y exploite de riches
mines de cuivre et de fer, des carrières de
f
ranit et de marbre, du quartz feldspathique
ésagrêgé qui sert à faire de la porcelaine, et
il est probable que ce pays recèle encore
beaucoup de richesses minérales inconnues.
Les productions végétales dans les hautes
vallées sont à peu près celles de nos contrées
méridionales ; dans les basses terres, ce sont
celles des tropiques ; le riz, le froment, l'orge et
quelques autres céréales sont les principaux
produits de l'agriculture. Le pommier, le poi-
rier, le noyer, le pêcher, l'abricotier, l'oranger
et le grenadier y donnent des fruits délicieux;
le hêtre, le frêne, Vérable, le bouleau, Vif, le
pin et le cyprès peuplent les forêts ; le chêne y
est inconnu, mais on y rencontre une grande
quantité de cannelliers et de la rhubarbe.
La fauna du Boutan ne laisse rien à désirer
sur les autres contrées asiatiques. Les élé-
j phants, les rhinocéros, les tigres, les buffles
| et les bêtes féroces de tout genre sont très-
- BOUT
nombreuses dans les jungles du sud, mais assez
rares dans les montagnes. On y trouve aussi
une espèce de singes en grande vénération
parmi les habitants; des chevaux indigènes
très-estimés, appelés tangoun ; enfin une va-
riété de moutons qui donnent une laine très-
fine.
—Industrie, commerce. On fait dans le Boutan
une grande quantité de papier avec l'écorce
d'un arbre qui fournit aussi un filament dont
on fabrique des étoffes semblables au satin.
Le seul marché important de cet Etat est P aro ;
il s'y fabrique une grande quantité d'idoles,
des épées/des sabres, des dards et des flèches
empoisonnées. Le commerce extérieur est tout
entier entre les mains du gouvernement et
consiste dans la vente des denrées et marchan-
dises qui lui sont remises pour payer les im-
pôts. Chaque année,-le Deb-Rajah, gouverneur
réel du pays, envoie dans le Bengale une ca-
ravane dont le chargement consiste en laine
en toison, papier, thé, queues de buffles, cire,
ivoire, noix de galle, musc, poudre d'or, che-
vaux et argent en lingots. La caravane prend
en retour des étoffes de laine anglaises, du
poisson sec, noix muscade, clous de girofle,
encens, indigo, bois de santal, étain, poudre
à tirer, peaux de loutre et corail.
— Gouvernement, mœurs, coutumes. Le gou-
vernement est une monarchie dont le chef
nominal est le Dharma-Rajah, personnage
sacré, souverain spirituel du pays, mais qui
reste entièrement étranger à l'administration.
Le pouvoir effectif est exercé par le Deb-
Rajah, gouverneur séculier du pays, et con-
sidéré comme le ministre du Dharma-Rajah;
il réside à Tassisudon. Les divers passages
•des montagnes sont confiés à des Soubabs qui
habitent des espèces de forteresses et com-
mandent aux districts environnants.
Les récentes explorations de l'Asie centrale
ont jeté quelques lumières sur les mœurs et
les usages des habitants du Boutan, qu'on
appelle Bouthyas ou Bothéas*, la religion de
ces peuples est le bouddhisme, légèrement
modifié j les prêtres doivent garder le célibat,
et il existe des ordres"monastiques pour les
deux sexes; les prières sont chantées, mais
les Bouthyas font usage d'aliments que les
bouddhistes de l'Inde regardent comme im-
purs. Ils n'ont point de temples proprement
dits, mais leurs routes sont bordées de petits
édifices carrés portant une sorte de girouette
sur laquelle est écrite une courte prière. La
classe des prêtres est la première au Boutan ;
puis vient celle des serviteurs du gouverne-
ment, enfin celle des cultivateurs, qui paraît
jouir de plus de liberté et d'une meilleure con-
dition que les deux précédentes. La polygamie
est en usage^chez les Bouthyas ; on brûle les
morts et on jette les cendres dans les rivières.
— Histoire. Jusqu'en 1772, cette contrée
nous est restée tout à fait inconnue; les brah-
manes la nommaient Madra'et elle était sans
relations avec l'Inde. En 1772, les Bouthyas
firent une invasion dans le Babar, et les An-
glais prirent la défense de cette province. Alors
le lama du Thibet intervint, et un traité fut
signé entre les belligérants. Le district con-
testé resta au Boutan. En 1816, les Chinois
menacèrent le Boutan d'une invasion ; le Beb-
Rajah se rapprocha alors du gouvernement
du Bengale, qui se hâta de lui porter secours
afin de donner plus d'extension aux clauses
du traité qui permettait à la compagnie des"
Indes de faire un commerce de transit avec
le Thibet. Dans ces derniers temps, une nou-
velle guerre s'est allumée entre les Anglais
et les Bouthyas ; le résultat ne pouvait être dou-
teux, et, dès le 25 janvier 1865, les nouvelles
de Calcutta nous apprenaient que les soldats
de l'Angleterre.s'étaient emparés du fort de
Dewangiri. Enfin, le 21 décembre 1865, une dé-
pêche de l'Inde annonçait la soumission com-
plète de ce pays. Si braves et si bien protégés
qu'ils fussent par leurs montagnes, les Bouta-
niens ou Bouthyas ont cru devoir renoncer k
la longue résistance qu'ils pouvaient opposer
encore aux empiétements de l'Angleterre. Le
Boutan est désormais un pays annexé, et son
souverain, comme tant d'autres radjahs de
l'Inde, a accepté de la reine Victoria une pen-
sion annuelle de 125,000 fr.
BOUTANGHE
BOUTANGHE s. f. (bou-tan-che). Argot.
Boutique.
BOUTANE
BOUTANE s. f. (bou-ta-ne). Comm. Espèce
de toile de coton, qui se fabrique dans l'île
de Chypre. Il Etoffe qui se fabriquait à Mont-
pellier : L'on fait de fort belles futaines et BOU-
TANES blanches à Montpellier, dont les filles et
les femmes vont quasi toutes vêtues, principa-
lement en été. (Chatel.)
BOUTANT
BOUTANT adj. m. (bou-tan — rad. bouter^
qui s'est dit pour buter). Archit. Terme qui
ne s'emploie que dans le mot composé ARC-
BOUTANT. V. ce mot.
BOUT-À-PORTBOUT-À-PORT OU BOUTE-À-PORT S. m.
(bou-ta-por — de bouter à port). Ane. mar.
Officier qui était chargé d'assigner leur place
aux vaisseaux qui entraient dans le port.
BOUTAIU) ( François), poète latin moderne,
né a Troyes en 1664, mort en 1729. Après
s'être essayé sans succès dans la poésie fran-
çaise, il se mit à faire des vers latins et se
crut un nouvel Horace; il était, disait-il lui-
même, Venusini pectinis hœr.es. Ayant eu l'oc-
casion d'adresser une ode au célèbre Bossuet,
évoque de Meaux, celui-ci lui accorda sa pro-
tection, lui fit donner une pension, l'abbaye
BOUT 1155
de Bois-Groland, et une place à l'Académie
des inscriptions et belles-lettres. Tous les évé-
nements glorieux pour le roi furent le sujet
d'une ode nouvelle pourBoutard, qui prit alors .
un nouveau titre, celui de vates Borbonidum.
Outre ses odes, Boutard composa des traduc-
tions latines de Y&istoire des variations et de
la Relation sur le quiétisme, de Bossuet.
BOUTARIC
BOUTARIC (François D E ) , jurisconsulte
français, né à Figeac en 1672, mort à Tou-
louse en 1733. Il tut d'abord avocat au parle-
ment de Toulouse, puis professeur de droit,
capitoul et chef de consistoire. Ses principaux
ouvrages sont : les Institutes de Justinien
conférées avec le droit français (1738) ; Traité
des droits seigneuriaux et des matières féo-
dales (1741); Explication sur le concordat
(1747); Traité des libertés de l'Eglise galli-
cane, etc. (1747) ; Explication des ordonnances
sur les matières civiles^ criminelles et de com-
merce (1753, 2 vol. in-4o).
BOUTARD
BOUTARD (Jean-Baptiste-Bon), architecte
et publiciste français, né à Paris en 1771, mort '
en 1838. Pendant plus de trente ans, il fut
chargé de rédiger, pour le Journal des Débats,
les articles sur les beaux-arts. On lui doit
aussi le Dictionnaire des arts du dessin, la
peinture, la sculpture^ la gravure et l'archi-
tecture (1826, in-so).
B O U T A R G U E s. f. (bou-tar-gbe). Artculin.
Laite de muge séchée et salée, que l'on mange
crue en Provence et dans certaines parties de
l'Italie et de l'Orient : Ils lui offrent BOUTAR-
GUES. (Rabelais.) il On dit aussi BOTARGUE.
— Encycl. La boutargue est un mets orien-
tal qui se compose principalement d'œufs de
muge, salés et séchés au soleil, et qu'on a fort
justement comparé au caviar russe; il est
arabe, aussi bien que son nom, qui nous est
venu de cette langue par l'intermédiaire des
langues européennes méridionales
T
parlées
dans le bassin de la Méditerranée, ou 1on fait
une grande consommation de boutargue. Ainsi,
comme le fait remarquer M. Pihan, le fran-
çais boutargue est très-probablement venu
directement de l'italien bottarga, qui lui-même
n'est autre chose que la transcription assez
exacte du terme arabe boutarkha. A priori, la
forme même de ce mot révèle à un arabisant
qu'il n'appartient pas aux langues sémitiques,
et que Varabe lui-même, qui 1 a prêté aux lan-
gues néo-latines, l'a emprunté à quelque autre
idiome étranger. M. Quatremère a cru r e -
trouver cette forme primitive dans un mot
cophte cité par Kircher : outarakhon, ou plus
correctement outarikhion. Ce mot cophte ne
serait lui-même que la reproduction précédée
de l'article cophte ou, du grec tankhion, qui
veut dire salaison et dérive de tarakhos, qui a
le même sens, et s'appliquait même, dans la
bouche des Grecs, aux momies égyptiennes.
C'est peut-être à cause de cette dernière cir-
constance que le mot grec a reçu droit de cité
dans la langue cophte. Si l'on admet cette
explication, il faut regarder le b initial, dans
le mot arabe boutarkha, comme inorganique
et prosthétique; il aurait été attiré là pour
soutenir la voyelle labiale ou, à l'ordre phoné-
tique de lacmelle il appartient. Il n'y a dans
cette étymologie rien d invraisemblable.
BOUTARIC
BOUTARIC (Edgar), historien français, né
à Châteaudun en 1830. Il suivit les cours de
l'Ecole d'administration fondée en 1848, entra
ensuite à l'Ecole des chartes, puis aux Archi-
ves. Ses travaux ont été couronnés deux fois
par l'Académie des inscriptions et belles-
lettres. On lui doit : la France sous Philippe
le Bel (1862)- les Institutions militaires de la
France (1863), et les Actes du parlement de
Paris (î vol. in-4<>), publié avec le concours
de M. Delisle.
BOUTAROT
BOUTAROT s. m. (bou-ta-rol. Bot. Nom
vulgaire de l'agaric élevé ou coulemelle.
BOUTASSE
BOUTASSE s. f. (bou-ta-se). Mar. Barrage
de chêne qui recouvrait les bacalas des
galères.
— Dans le pays lyonnais, Espèce de ci-
terne à ciel ouvert et peu profonde, où
. s'amassent les eaux pluviales dans les jar-
dins privés d'autre moyen d'arrosage.
— Oiseau de boutasse, Terme de mépris
dont le peuple se sert pour désigner le cra-
paud.
BOUTAULD
BOUTAULD (Michel), jésuite et théologien
français, né à Paris en 1609, mort en 16S8. II
se distingua surtout comme prédicateur, et on
lui doit : les Conseils de la sagesse (1677), avec
une suite ; Méthode pour converser avec Dieu
(1684) ; le Théologien avec les sages et le3
grands du monde, suivi d'une Histoire de l'im-
pératrice Adélaïde (1684). Les Conseils de la
sagesse eurent dans le temps beaucoup de
succès, et furent ' attribués au surintendant
Fouquet.
BOUT-AVANT
BOUT-AVANT s. m. (bou-ta-van). Ane.
admin. Officier qui, dans les salines, veillait
à ce que le vaxel fût exactement rempli.
BOUT-DEHORS. V. BOUTE-DEHORS.
BOUT-DE-MANCHE
BOUT-DE-MANCHE s. m. Manche de toile
dont on couvre l'avant-bras du vêtement de
dessus, pour le garantir pendant le travail.
BOUT-DE-PÉTUN,
BOUT-DE-PÉTUN, BOUT-DE-TABAC S. m.
Orniht. Nom vulgaire des anis, dans la Guyane *
française.
BOUT-DE-QUIÈVRE
BOUT-DE-QUIÈVRE s. m. f bou-de-ki-è-
11S6 BOUT BOUT
BOUT
BOUT
vro). Pêch. Filet que l'on tend sur deux per-
ches croisées en ciseaux, et terminées par des
cornes de chèvre.
BOUTE
BOUTE s. f. (bou-te."— Vieux mot signif.
tonneau, et encore usité en Provence dans le
môme sens). Mur. Grosse futaille dans la-
quelle on mettait autrefois l'eau douce, à bord
des bâtiments, il Baquet où l'on mettait cha-
que jour la boisson destinée à. l'équipage.
— Comm. Outre qui sert au transport du
vin. il Baril à mettre les feuilles de tabac
quand elles ont sué. il Boîte où l'on met les
cartes. - •
BOUTE
BOUTE (bou-té) part. pass. du v. Bouter.
Vieux mot,
— Manég. Cheval bouté, Se dit quelquefois
pour CHEVAL IJOULETB. il Se dit du vin qui
tourne au gras : Bu vin BOUTÉ. |] Se dit quel-
quefois de l'eau qui se corrompt et prend un
mauvais goût : Cette eau est BOUTÉE, il Se dit
aussi du blé.
BOUTE-A-PORTBOUTE-A-PORT S. m . V . BOUT-X-PORT.
BOUTEAUBOUTEAU s. m. (bou-to — rad. bouter).
Pêch. Filet attaché à une perche fourchue
pour pécher les crevettes sur lesable; Prendre
des crevettes au BOUTEAU.
B O U T E - C H A R G E s. m. (bou-te-char-je —
de bouter et charge). Art milit; Sonnerie de
trompette dans la cavalerie, pour avertir les
cavaliers de placer la charge sur les chevaux ;
Les trompettes exécutaient la sonnerie régle-
mentaire de la charge en fourrageurs, gui s'ap-
pettt te BOUTE-CHARGE. (Gandon.)
B O U T E - D E H O R S , B O U T - D E H O R S , B O U T E -
HORS s. m. Mar. Sorte de rallonge que l'on
ajoute à une vergue pour porter des bon-
nettes ou voiles supplémentaires, quand lo
vent est faible : Lorsqu'on veut dresser des
tentes sur un rivage, on se sert de BOUTE-DE-
hORS de bonnette, qu'on attache pour faire la
charpente. (J.Lecomte.)£es voiles furent frap-
pées brusquement de côté par le vent; les
«OUTE-HOKS se rompirent. (Balz.)
BOUTE-DE-LOF. Mar. V. BOUTE-LOP.
BOUTÉE
BOUTÉE s. t. (bou-té). Ancienne forme de
BOUTADE.
— Archit. Ouvrage qui soutient la poussée
d'une voûte ou d'une terrasse.
r
— Comm. Certaine quantité de cartes ran-
gées par jeux.
BOUTE-EN-TRAIN
BOUTE-EN-TRAIN s. m. Zootechn. Mâle
qu'on place dans le voisinage des femelles,
pour les mettre en chaleur et les disposer à
l'accouplement : se dit principalement du che-
val étalon dans les haras. H Adjectiv. : L'adop-
tion des béliers BOUTE-EN-TRAIN devait changer
ou modifier cet ordre. (Morog.)
— Oisell. Petit oiseau qui sert à faire
chanter les autres.
— Fam. Personne qui met les autres en
gaieté, qui anime la société et y provoque un
joyeux entrain : C'est le BOUTE-EN-TRAIN de
la compagnie. C'est au milieu d'eux que Cha-
pelle nous apparaît de loin le BOUTE-EN-TRAÎN
de la bande. (Ste-Beuve.) En général, les vau-
devillistes sont les BOUTE-EN-TRAIN des réu-
nions joyeuses. (Aloys.) Gaudissart alla chez
le malin de Vouvraij, le BOUTE-EN-TRAIN du
bourg, le loustic obligé par son râle et par sa
nature à maintenir son endroit en liesse. (Balz.)
C'était un vrai BOUTE-EN-TRAW, une rieuse
qui, à la campagne, était toujours pour qu'on
fit des niches dans les chambres. (E. Sue.)
Eh ! va ton train
Gai boute-e.n-traiii.
B^RANOER.
Je ne veux pas qu'on me pleure,
Moi le boute-en-Irain. des fous.
BÉRANGER.
n Premier moteur, première cause d'action
ou d'activité : Cosnac fit pendant des années
sape'nitence d'avoir été un produit de la Fronde
et un
BOUTE-EN-TRAINBOUTE-EN-TRAIN de ces petites cours. (Ste-
Beuve.) Camille Desmoulins avait été le pre-
mier
BOUTE-EN-TRAINBOUTE-EN-TRAIN de la Jiévolution. (Balz.)
L'argent n'est pas la richesse, il n'est que le
chef de file, le BOUTE-EN-TRAIN des éléments
qui doivent constituer la richesse. (Proudh.)
— Ornith. Nom vulgaire de la petite linotte
rouge.
BOUTE-FEU
BOUTE-FEU s. m. Artill, Bâton fendu ou
armé d'une fourchette, auquel on adaptait
une corde ou une mèche allumée, pour met-
tre le feu aux canons, 'avant l'invention des
étoupilles fulminantes. On s'en est servi
aussi pour conserver le feu dans les batteries :
Dans une embrasure, à quelques pieds de nous,
un homme, tenant un BOVTE-VBU, était auprès
d'un canon. (Mérimée.) Il Canonnier chargé
de mettre le feu à la pièce : A la lueur des
mèches de quelques BOUTE-KEU, on voyait les
marins debout près des caronades. (E. Suc.)
— Par ext. Incendiaire : C'est un BOUTE-FEU
qui a brûlé le château pour piller le trésor.
(D'Ablanc.) Il commanda de tuer tous les
BOUTE-FEU. (D'Ablanc.) n Peu usité.
— Fam. Celui qui excite des querelles, qui
sèmo la discorde : C'est un vrai BOUTE-FEU.
il y a dans les séditions des BOUTE-FEU , des
gens qui ameutent le peuple, qui l'excitent à
faire du bruit. (Trév.) Cela n'est pas d'un
BOUTK-FEUBOUTK-FEU de rébellion. (V. Hugo.)
— Fig. Ce qui provoque ou anime un dé-
sir, une passion :Les yeux sont les BOUTE-FEU
de la concupiscence.
— Adjectiv. : C'était un homme ardent, im-
pétueux et BOUTE-FEU de son naturel. (St-Sim.)
— Rem. L'Académie, qui écrit boute-feu
en deux mots, écrit aussi boute-feux au plu-
riel , ce qui est une contradiction évidente.
L'usage et la grammaire exigeant que, dans
un substantif composé de plusieurs mots unis
par des traits d'union, chacun de ces mots
garde sa valeur propre, on ne peut pas plus
écrire boute-feux que boute feux sans trait
d'union.
B O U T E - H A C H E s. m. (bou-te-a-che — de
bouter et hache.) Techn. Instrument de fer
à deux ou trois fourchons, que l'on appelle
aussi FOUINE.
• B O U T E - H O R S s. m. (bou-te-or — de bou-
ter et hors). Jeux. Espèce de jeu qui n'est
plus en usage et où l'on s'appliquait à ex-
pulser un joueur de la partie pour prendre
sa place, n Jeu d'enfants qui présente la plus
grande analogie avec celui de l'Assaut ou du
Ilot détrôné. (V. ASSAUT.)
— Loc. fam. Jouer au boute-hors, Chercher
à se débusquer l'un l'autre d'un emploi, d'une
place : Montluc dit quelque part, pour expri-
mer les révolutions de la cour, que l'on y JOUB
AU BOUTE-HORS. En Orient, la fortune semble
jouer aussi au BOUTE-HORS. (St-Marc Girard.)
Il Cette locution a vieilli.
— Particul. Dehors, extérieur, représenta-
tion, dons de la nature ou de la fortune qui
permettent do paraître à son avantage : Nous
devons certes plaindre et déplorer la fortune
de ceux qui ont faute de BOUTE-HORS. (Stc-
Palaye.) Cette expression, à la fois si originale
et si naïve, est tombée en désuétude, il A si-
gnifié aussi Saillie, esprit d'à-propos : Les
uns ont la facilité et la promptitude, et ce qu'on
dit le BOUTE-HORS. si aisé, qu'à chaque bout de
champ ils sont prêts. (Montluc.)
— Mar. V. BOUTE-DEHORS.
B O U T E I L L A G E s. m. (bou-tè-lla-je; Il mil.
— rad. bouteille). Féod. Droit sur les boissons,
que les Bretons payaient à leurs seigneurs.
— En Angleterre, Droit que percevait la
couronne sur chaque tonneau de vin importé.
BOUTEILLAN
BOUTEILLAN s. m. (bou-tè-llan ; Il mil.
— du prov. bouteillar, tirer le vin de la cuve,
parce que ce raisin est très-productif). Hortic.
Nom provençal d'un raisin blanc, à gros
grains de forme ronde.
B O U T E I L L E s. f. (bou-tè-lle ; Il mil. — La
prononciation fautive boutelle, qui est com-
mune dans le nord de la France, rappelle
très-bien la vraie forme diminutive du mot.
La plupart des noms de mesures, de vases
destinés à recevoir des liquides, sont d'ori-
gine germanique} bouteille est de ce nombre.
C'est le diminutif des vieux mots français
boute, botte, tonneau ; bout, pot, outre, déri-
vés eux-mêmes de la basse latinité butta, di-
minutif buticula. Comme presque toujours,
la basse latinité nous cache une racine étran-
gère et principalement germanique ; en effet,
nous retrouvons l'ancien haut allemand bot,
vase; bodden, flacon, bouteille-, l'ancien alle-
mand bùtrich; l'allemand moderne, butte et
bottich
x
cuve; l'anglo-saxon, butte et bytte;
l'anglais, bottle ; l'islandais, bytta; le danois,
boitte, eto. Cette racine germanique a produit,
en espagnol, bota; en italien botte, sorte de
tonneau; en provençal, bouta, dame-jeanne.
Pour bouteille, l'espagnol et l'italien disent
botella et botiglia). "Vase de forme et de ma-
tière variable, mais toujours à goulot étroit,
qui sert à contenir des liquides, et particu-
lièrement du vin : Le col. le goulot, te ventre
d'une BOUTEILLE. Un cul de BOUTEILLE. Demi-
BOUTEILLE. Mettre du vin en BOUTEILLES.
Est-il rien d'égal aux bouteilles?
Est-il rien de si beau que nos trognes vermeilles!
DE CAILLY.
C'était un vin du Rhin dont la robe vermeille
Jaunissait de vieillesse, un vin rais en bouteilles
Au moins depuis un siècle ou deux !
TH. GAUTIER.
Versez d'un bordeaux réchauffant,
Reste d'un vin mis en bouteilles
Au baptême de votre enfant.
BÉRANOER.
Qu'il sont doux,
Bouteille jolie.
Qu'ils sont doux
Vos petits glouglous!
Mon sort ferait bien des jaloux
Si vous étiez toujours remplie.
Ah! bouteille, ma mie.
Pourquoi vous videz-vous?
MOLIÈRE.
— Par ext. Liquide contenu dans une bou-
teille : Une BOUTEILLE d'eau-de-vie, de rhum.
Eh t mon cher Fronsac, il y a vingt BOUTEILLES
de Champagne entre le conte que tu nous com-
mences et ce que nous disons à cette heure.
(H. Beyle.) A la deuxième ou troisième BOU-
TEILLE de médoc, les confidences intimes corn*
mencèrent. (Scribe.) J'ai toujours eu plus peur
d'une plume, d'une BOUTEILLE d'encre et d'une
feuille de papier, que d'une épée et d'un pisto-
let. (Alex. Dum.) il Se dit plus particulière-
ment d'une bouteille de vin : Boire une BOU-
TEILLE. Boire BOUTEILLE.
Mon oracle est Bacchus, quand j'ai quelque souci,
Et ma sibylle est la bouteille.
LA FONTAINE.
— Etat d'un vin que-l'on conserve dans des
bouteilles : L'amour est comme le vin qui gagne
à mûrir et qui a besoin de quelques années de
BOUTEILLE. (A. Karr.)
— Bulle remplie d'air qui se forme sur un
liquide ; La pluie fait des BOUTEILLES en tom-
bant dans l'eau. Ces BOUTEILLES de savon que
font les enfants. (Volt.) il Ce sens a vieilli.
— Fig. Bouteille à l'encre, Complète obscu-
rité , défaut absolu de clarté : AI. Damiron
nous plonge dans la BOUTEILLE À L'ENCRE.
(Proudh.)
— Loc. fam. Payer bouteille, Payer à boire
à quelqu'un au cabaret, il Vider une bouteille,
En boire le contenu : Il m'aida de lui-même à
rendre mon plat net et à VIDER ma BOUTEILLE.
(Le Sage.) n Aimer la bouteille, Aimer le vin,
être adonne au vin. Il Laisser ses sens, sa rai-
son au fond d'une bouteille, Perdre la raison à
force de boire : •
Un jour que celui-ci, plein du jus de la treille,
Avait laissé ses sens au fond d'une bouteille.
LA FONTAINE.
fl Vide-bouteille, Petit pavillon, petite mai-
son de campagne où l'on va boire, prendre
l'air avec des amis. Il Maison de bouteille
t
S'est dit dans le même sens.
. . . . On composa trois lots,
En l'un les maisons de bouteille.
LA FONTAINE.
— Loc. prov. Porter les bouteilles, Marcher
lentement, comme si, étant chargé de bou-
teilles, on craignait de les casser :
L'un, d'épongés chargé, marchait comme un cour-
Et l'autre, se faisant prier, [rier ;
Portait, comme on dit, les bouteilles.
LA FONTAINE.
Il Ne rien voir, n'avoir rien vu, n'avoir vu le
jour que par le trou d'une bouteille, N'avoir
aucune connaissance des choses du monde,
avoir des idées très-étroites, comme il a r -
rive aux personnes sans expérience : Je vous
dis encore une fois qu'il n'y a qu'à rire de cela :
Vous ne VOYEZ LES CHOSES QUE PAR LE TROU
D'UNE BOUTEILLE. (Volt.) Le duc de Luynes,
abusant de la jeunesse de Louis XIII, oui n'a-
vait pu VOIR encore le JOUR , par l'éducation
qu'on lui avait donnée, QUE PAR LE TROU D'UNE
BOUTEILLE,BOUTEILLE, se fit connétable. (St-Sim.) il C'est
de la misère en bouteille, C'est de la misère
cachée sous une apparence de richesse, comme
du vin détestable que l'on met pompeuse-
ment en bouteilles, il Etre dans la bouteille,
Etre dans le secret : Le père Tellier ÉTAIT
DANS LA BOUTEILLE, avec moi, du mariage que
nous avions fait réussir. (St-Sim,) Il EST DANS
LA BOUTEILLE , vous lui avez fait jurer le se-
cret. (Volt.)
Cette preuve sans pareille
En sa faveur conclut bien,
E t l'on ne peut dire rien.
S'il n'était dans la bouteille.
MOLIÈRE.
— Rem. Dans ces vers de Molière, la locution
est prise dans son sens propre, et non point
dans le sens figuré que nous avons donné au
proverbe ; il s'agit de Mercure gui sait que So-
sie a bu une bouteille de vin, bien que celui-ci
fût seul quand il l'a vidéo, circonstance qui
inspire au valet d'Amphitryon la supposition
burlesque qu'il fait, dans ce's vers. 11 est donc
très-probable que ces vers sont l'origine du
proverbe.
— Techn. Nom donné à des parties claires
que présente souvent le papier fabriqué à la
main, et qui proviennent de ce que le cou-
cheur ayant enfermé une bulle d'air entre le
flotre et la feuille, cette bulle a écarté la pâte
et ôté de l'épaisseur à la feuille, il Chacun des
chaînons de la chaîne qui sert à élever l'eau
d'un puits salant, il Bouteille à barbe, Verre
si fin qu'on peut le couper avec des ciseaux
et employer les morceaux à raser le poil de
la barbe.
— Mar. Nom donné h. deux demi-tourelles
qu'on applique à tribord et à bâbord de la
poupe d-un bâtiment pour servir de lieux d'ai-
sances aux officiers. Ne s'emploie qu'au plu-
riel : Aller aux BOUTEILLES. L'extrémité du
gaillard d'arrière est occupée par le couronne-
ment, sur les côtés duquel sont les BOUTEILLES
ou latrines de l'état-major. (Forget.)
— Natat. Bouteille de calebasse, Chacune
des deux calebasses vides que se mettent
sous les bras ceux qui apprennent à nager.
— Art vétér. Tumeur froide, fluctuante et
molle, qui se développe sous la ganache des
moutons atteints de cachexie aqueuse.
— Phys. Bouteille de Leyde, Flacon de
verre muni de deux armatures métalliques,
dans lequel on peut accumuler et conserver
de l'électricité. '
— Bot. Bouteille à l'encre, Espèce d'agaric
dont le chapeau, en vieillissant, devient dé-
liquescent et prend.l'apparence de l'encre,
— Encycl. Hist. et archéol. En dehors des
outres de peaux dont l'usaçe s'est conservé chez
la plupart des nations orientales et qui existe
encore chez les peuples de l'Europe méridio-
nale, l'antiquité connaissait parfaitement les
vases en matières solides destinés à contenir du
vin ou quelque autre liquide. Il est parfaite-
ment constaté qu'il y avait chez les Grecs, les
Egyptiens, les Etrusques, les Assyriens, etc.,
de véritables bouteilles en métal, en terre
cuite et même en verre comme la bouteille
moderne. L'usage de cette dernière sorte de
vase se retrouve également chez les Juifs,
surtout vers les dernières époques de leur
histoire. C'était probablement de l'Egypte que
les Juifs tiraient leurs bouteilles; l'Egypte
était, en effet, réputée pour cette production et
avait le monopole de la manufacture du verre.
On conserve au British Muséum de précieuit
échantillons de cette antique industrie, qui ne
remonte pas à une époque moindre que le
xv« siècle avant notre ère. M. Layard, dans
sa célèbre expédition à Babylone et à Ninive,
recueillit dans ces ruines admirables des ôo«-
teilles de verre datant du ive et du ve siècle.
Elles ont été également apportées au British
Muséum, et elles sont remarquables par l'élé-
gance de leur forme et la solidité de leur
aplomb, contrairement aux bouteilles égyp-
tiennes qui font plutôt songer à l'amphore
grecque.
— Comm. La fabrication des bouteilles exige
que l'on abaisse le plus possible le prix de re-
vient. En conséquence, afin d'éviter des frais
de transport, on se sert en général des ma-
tières que l'on a sous la mam. Ces matières
varient selon les localités. Ce sont des sables
•ferrugineux ou non, des argiles, des marnes,
de la vase des rivières ou des bords de la mer,
de la craie, de la chaux délitée, des cendres
végétales brutes ou lessivées, du fiel de verre,
des sulfates de soude ou de baryte, du calcin,
des roches volcaniques, etc. Toutefois, malgré
la variété de ces substances, les verres a bou-
teilles sont des silicates multiples dans les-
quels la quantité d'oxygène de la silice est
toujours à très-peu près les 5/2 de lu somme
des quantités a'oxygène cme les bases ren-
ferment. Voici quelle était, il y a quelques
années, la composition de celui que fabriquait
une de nos premières usines : saule de rivière,
100 parties; chaux éteinte, 24; sulfate de
soude, 8. Les matières premières sont d'abord
broyées, puis frittêes (v. ce mot), et enfin
introduites dans àespots ou creusets, où elles
' ne tardent pas à entrer en fusion. Quand elles
! sont parvenues à un état de fluidité convena-
ble, la fabrication proprement dite commence.
Elle se fait très-rapidement, et avec le con-
cours de quatre ouvriers : le gamin, le grand
garçon, le souffleur et le porteur. Le gamin
cueille, c'est-à-dire prend un peu de verre ù
l'extrémité d'une longue tige de fer creuse,
appelée canne, qu'il plonge dans le pot. 11 passe
aussitôt cette canne au grand garçon, qui la
charge d'une nouvelle quantité de verre, et
lui imprime un mouvement de balancement
qui donne une forme allongée à la masse pâ-
teuse. Le souffleur prend alors la canne, forme
peu à peu la panse de la bouteille en soufflant
dans le tube, et tournant continuellement; il
la termine ensuite en l'introduisant dans un
moule de terre ou de bois, toujours soufflant
et tournant. Après cette opération, il relève
la canne*, et. tenant la bouteille verticale et
renversée, il enfonce le cul avec une espèce
de marteau de fer. Enfin, il détache la canne,
la fixe dans l'enfoncement qu'il vient de pro-
duire, arrondit le col et y ajoute le collet ou
cordon qui doit le renforcer. La bouteille ter-
minée est remise au porteur, qui la porte dans
le four k recuire, où il la détache au moyen
d'un léger choc.
Les bouteilles de verre étaient connues des
anciens, mais ils s'en servaient très-peu, parce
qu'elles étaient trop chères. L'usage de ces
vases n'a mémo commencé à devenir général
que dans le xve siècle, quand les progrès de
l'art du verrier ont permis de les fabriquer
I économiquement. Aujourd'hui, l'industrie de la
fabrication des bouteilles de verre a pris des
| proportions immenses; et cela se conçoit très-
facilement. Le vin, en effet, se conserve mieux
dans les bouteilles que dans tout autre vuse;
il s'y bonifie sans demander le moindre soin.
Les précautions à prendre sonten petit nombre
et peuvent se résumer ainsi : le liquide doit
être enfermé en temps convenable, et la bou-
teille• exactement bouchée et cachetée; le
verre doit être choisi sans défaut, et surtout
il est essentiel qu'il ait été recuit au bois. Par
économie, les bouteilles sont généralement au-
jourd'hui fabriquées à la houille. De là un in-
convénient très-grave. Les vapeurs résineuses
et le soufre qui se dégagent de la houille crue
s'incrustent dans le verre, lui ôtent de sa so-
lidité et se décomposent à, la longue au con-
tact du liquide, auquel ils communiquent un
goût désagréable.
La contenance des bouteilles est arbitraire ;
presque toujours le consommateur est lésé.
Cet abus devrait éveiller la susceptibilité de
l'administration. Pour le faire cesser, il suffi-
rait d'exiger que la contenance des bouteilles
fût réglée d'après les divisions de notre sys-
tème métrique. « On ne verrait plus alors, dit
M. Jobard, des maisons qui usurpent le nom
de respectables venir commander aux fabri-
cants de renforcer les culs jusqu'à la gorge,
de manière h ne plus contenir qu'une très-
petite quantité du précieux liquide qu'elles
vendent comme une bouteille entière. • J e
» n'en accepterai pas une à moins de 20 centi-
» mètres de renfoncement, écrivait une de ces
» respectables maisons aux verreries d'Epinac.
» Je veux que le verre soit bien sombre, et la
» bouteille bien légère: arrangez-vous comme
» vous pourrez, sans cela je change de verrier. »
Que voulez-vous que fasse un maître d'usine,
fût-il gentilhomme verrier? S'il se souvient de
sa noblesse, il est perdu et doit laisser chômer
ses ouvriers; tandis que si le gouvernement
exigeait la marque, tout rentrerait dans l'or-
dre ; car ils refuseraient tous de se prêter à
ces flibusteries. »
— Phys. Bouteille de Leyde. En 1746, trois
savants hollandais de Leyde, Musschenbroeck,
Aliaman et Cunœus, se livraient à des expé-
riences d'électricité sur diverses substances.
Ayant remarqué que le fluide électrique aban-
donne rapidement un simple conducteur isolé,
ils cherchèrent s'il ne serait pas possible de
recueillir ce fluide et de le conserver dans un
vase isolant. L'eau fut d'abord essayée, et une
BOUT BOUT BOUT
BOUT 1157
bouteille fut remplie de ce liquide, dans lequel
plongeait une tige métallique, dont était tra-
versé le bouchon de la bouteille. Cette tige, en
forme de crochet à son extrémité supérieure,
fut suspendue au conducteur d'une machine
électrique de manière à amener le fluide dans
l'eau. Après avoir séparé la bouteille du con-
ducteur, un des expérimentateurs, Musschen-
broeck, dit-on, en approchant l'une de ses
mains de la tige, reçut dans les bras et la poi-
trine une violente commotion. Cette décou-
verte produisit une sensation générale, et
tandis que Musschenbroeck se refusait à re-
commencer l'expérience, à cause du terrible
souvenir qu'il en avait conservé, de toutes
parts on s empressait de la répéter. Bientôt il
n'v eut personne qui ne voulut se faire élec-
tnser; c'était l'expression dont on se servait
alors et qui s'est perpétuée jusqu'à nos jours.
Cette découverte fut bientôt exploitée par des
industriels qui, pour gagner de l'argent, éta-
lèrent des machines électriques sur les places
publiques, et, pour la première fois," on vit la
multitude accourir pour admirer des merveilles
au lieu de prestiges.
Smeaton, en Angleterre, reconnut que la bou-
teille étant recouverte extérieurement d'une
feuille d'étain donnait des commotions beau-
coup plus fortes, et peu de temps après,
l'abbé Nollet imagina de remplacer l'eau par
des feuilles de clinquant. Dès lors fut construite
la bouteille de Levde, telle que nous l'em-
ployons encore aujourd'hui. Elle se compose
d'un flacon de verre mince, revêtu extérieure-
ment d'une feuille d'étain, qui s'étend jusqu'à
la partie inférieure, mais qui s'arrête à une
grande distance du goulot. Une tige métalli-
que, recourbée supérieurement et terminée
)ar un bouton, s'engage dans le bouchon de
iége qui ferme la bouteille, dont l'intérieur
est rempli de feuilles de clinquant. Il est
une autre forme de bouteille de Leyde très-
fréquemment employée; celle-ci, revêtue de
feuilles métalliques à l'intérieur comme à
l'extérieur, est formée d'un bocal de verre à
large goulot; ce qui lui a fait donner le nom
de jarre. La tige dont est traversé son bou-
chon se termine inférieurement par plusieurs
fils de laiton qui, par leur élasticité, vont
s'appliquer contre les parois intérieures.
Franklin a démontré que la bouteille de
Leyde est un véritable condensateur dont
l'armature extérieure,-c'est-à-dire la feuille
d'étain, représente l'un des disques, tandis
ue l'armature intérieure, soit les feuilles
e clinquant, représente l'autre.
Pour charger la bouteille de Leyde, on la
saisit à la main par l'une de ses armatures,
l'autre étant mise en communication avec le
conducteur de la m;ichine électrique. La pre-
mière se charge alors de fluide négatif, et la
deuxième de fluide positif; ainsi, lorsque le bou-
ton est mis en communication avec la machine,
le fluide positif s'accumule sur les feuilles de
clinquant et le négatif sur les feuilles d'étain,
tandis que le contraire a lieu si, tenant la
bouteille par le crochet, on présente au con-
ducteur l'armature extérieure.
La bouteille de Leyde se décharge, soit len-
tement, soit instantanément, comme le conden-
sateur. La décharge lente se fait en isolant la
bouteille de Leyde et en touchant ainsi alter-
nativement, avec la main ou avec un conduc-
teur, chacune des armatures. A chaque contact,
il se produit une étincelle. Pour rendre plus
sensible la décharge lente, on adapte à la tige
de la bouteille un petit timbre. Une seconde
tige métallique en communication avec l'ar-
mature extérieure, et également munie d'un
timbre, porte un petit pendule formé d'une
boule de cuivre suspendue à un fil de soie. Ce
pendule, attiré d'abord par le premier timbre,
est aussitôt après repoussé et attiré par le se-
cond timbre; revenu alors à l'état neutre, il
est de nouveau attiré par le premier timbre,
et ainsi s'établit un mouvement oscillatoire
qui décharge lentement l'appareil et qui peut
durer plusieurs heures.
La décharge instantanée se fait avec l'ex-
citateur. On place la bouteille sur un corps
isolant, et l'une des boules étant mise en com-
munication avec l'armature extérieure, on '
approche l'autre boule de la tige métallique ;
une forte étincelle annonce la recomposition
desdeux électricités. Une seule étincelle suffit
rarement pour opérer complètement la dé-
charge. Cela tient à ce que les fluides électri-
ques quittent les deux armatures et se portent
sur les deux faces du verre à travers lequel
ils s'attirent; on démontre ce phénomène au
moyen d'une bouteille à armature mobile. Cette
bouteille est formée d'un cylindre en fer-blanc
qui constitue l'armature extérieure. Ce cy-
lindre contient exactement un vase de verre
dans lequel s'emboîte un autre vase métallique
terminé par un crochet. Cet appareil étant
chargé (ce qui se fait comme pour la bouteille
ordinaire), on l'isole sur un gâteau de résine,
on le démonte et on sépare les trois pièces
qui le constituent. Il est dès lors facile de
constater que les deux armatures ne con-
tiennent qu'une faible quantité d'électricité,
tandis que si l'on replace les trois parties de
l'appareil dans leur état primitif, on obtient
une très-forte décharge; ce qui prouve évi-
demment que l'électricité dissimulée se trou-
vait sur les surfaces du verre en contact avec
les armatures.
— Phys. amus. Bouteille inépuisable. Tour
de prestidigitation imaginé par M. Robert
Houdin et exécuté sur son théâtre en 1847.
Voici quelle est la mise en scène de cette eu- .
rieuse expérience : Le prestidigitateur tient
à la main une bouteille de vin de Bordeaux
dont il verse le contenu dans un nombre de
verres représentant la capacité de la bouteille.
Cette bouteille une fois vidée, puis rincée,
renversée et égouttée, l'opérateur en fait
sortir, au gré des spectateurs, toutes les li-
queurs qu'on lui demande. La distribution est
fort longue; chacun des assistants, autant
pour s'assurer de la réalité du tour que pour
tâcher de mettre à s*ec cette source prétendue
inépuisable, demande et redemande les liqueurs
les plus rares comme aussi les plus communes :
Parfait amour, M
ms
Anfou, Gin, Rosolio,
Crème de roses, Eau-de-vie de Dantzig avec
les paillons d'or, Grande Chartreuse, etc.,
toute la série des liqueurs simples ou aroma-
tiques y passe; toutes sont servies aussitôt
que demandées : c'est un tohu-bohu à ne pas
s'entendre ; c'est à qui fera' preuve de con-
naissance et de jugement dans cette grave
affaire. Mais tout peloton de fil, si gros qu'il
soit, doit finir par montrer son bout ; un mo-
ment vient enfin où l'expérience paraît sur le
point d'être terminée. Ceux des spectateurs
qui se trouvent placés en dehors d« cercle de
la distribution la trouvent suffisamment pro-
longée. Le prestidigitateur bat en retraite; il
le fait avec un feint empressement, tout en
remplissant encore cependant les verres qu'on
lui présente sur son passage ; il semble avoir
hâte d'en finir. Alors le public, gui croit le sor-
cier à bout de ressources , lui barre le pas-
sage ; des demandes, des cris presque tumul-
tueux imposent de nouvelles distributions.
Pauvre public, si intelligent parfois, si malin
toujours I ne voit-il pas que le prestidigitateur a,
lui-même, sollicité par sa fuite simulée cette ty-
rannique exigence ? Il s'y attend ; c'est en quel-
que sorte la réplique à la scène qu'il a si bien
jouée; il y compte même pour donner ce
qu'on peut appeler le coup de la fin ; il s'ar-
rête un instant comme indécis. « Messieurs,
dit-il enfin, puisque je ne puis parvenir a vous
satisfaire avec de petits verres, je me vois
forcé d'en prendre de plus grands. •» Aussitôt
le servant apporte un énorme verre à pied,
que le prestidigitateur remplit jusqu'aux
bords. « Tenez, monsieur, dit-il d'un ton légè-
rement narquois à l'un des plus empressés
solliciteurs, veuillez vider ce verre en toute
hâte pour que je le remplisse de nouveau;
pendant ce temps, je vais distribuer encore
quelques petits verres à ces messieurs. » Le
monsieur n'ose ou ne peut le plus souvent
boire une telle quantité de liqueur; toute
l'attention se porte de ce côté ; le public rit
de bon cœur de cette petite scène; ses doutes
se sont évanouis; il est satisfait. La bouteille
est reconnue inépuisable au milieu d'applau-
dissements frénétiques. Si le public a ri, on
doit penser combien le prestidigitateur a dû
rire aussi, dans sa barbe, de son habile mysti-
fication. La bouteille, en effet, n'est pas et
ne saurait être inépuisable, mais elle en a
toutes les apparences. C'est uniquement un
excellent truc dans lequel les ruses, les arti-
fices et les subtilités du langage et de la
science se réunissent et se soutiennent pour
tromper l'intelligence et les sens. Le cadre et
la nature de cet article ne nous permettant
pas d'expliquer in extenso les nombreux dé-
tails nécessaires à l'exécution de ce tour mer-
veilleux, il nous suffira de dire, pour en
donner une idée, que le procédé repose sur
l'emploi de réservoirs et de compartiments
habilement dissimulés, et plus encore, peut-
être, sur la finesse, le tact et l'habileté de
l'opératenr.
« Voyons, qui trompe-t-on ici ? va dire
» quelque lecteur déçu ; le Grand Dictionnaire
• a l'habitude d'aller au fond des choses , et
» c'était le cas plus que partout ailleurs,
» puisqu'il s'agit d'une bouteille. Sans doute,
B nous assistons aune séance de piestidigita-
u.tion où se fait l'exhibition de la bouteille
» inépuisable ; on voit les mains se lever, les
• verres s'emplir, et la bouteille ne pas se
» vider. Mais le secret de la chose, mais le
n ressort de la machine, mais le mot de
» l'énigme... Tout cela est pour nous lettre
» close, nous restons Gros-Jean comme de-
» vant, et M. Robert Houdin continue à être
» pour nous un sorcier cent fois plus brûlable
» et pendable que le curé de Loudun. » A
notre tour, prenons la parole, et disons carré-
ment à M. Robert Houdin : • A cela, qu'avez-
» vous à répondre? Car c'est vous, monsieur,
» qui, de votre prieuré de Saint-Gervais, nous
n avez adressé cette solution; e t , vous le
» savez bien, elle n'en est pas une. On voit à
» peu près dans votre bouteille comme au
» fond d'un puits. Vous nous dites dans votre
» lettre : J'ai craint d'être trop long; Boileau
» se charge de vous répondre :
J'évite d'être long et je deviens obscur.
» Puisque c'est votre secret, gardez-le, mon-
» sieur; mais le Grand Dictionnaire et ses lec-
» teurs espèrent bien qu'au mot M agie dévoilée,
a' que vous nous préparez, vous voudrez bien
» dégager la déesse mystérieuse de tous les
» nuages qui l'enveloppent. »
Tous les souscripteurs du Grand Diction-
naire sauront maintenant que M. Robert Hou-
din collabore à notre œuvre pour cette partie
encore ténébreuse de la science, qu'il se pro-
f
iose de mettre à nu. C'est là une part de col-
aboration dont nous le remercions très-sincè- j
rement, car il se fait ainsi l'athlète de la j
raison, du bon sens, de la vérité, contre l'igno- !
. rance, la superstition et l'erreur. N'est-ce pas
là un rôle que pourrait lui envier plus d un
philosophe?
A propos de la bouteille inépuisable, M. Ro-
bert Houdin, qui est poëte à ses heures, a
envoyé le quatrain suivant au Figaro, qui
avait rendu compte de ce tour charmant dans
un de ses numéros :
Qui pourrait le mieux ressembler
A ma bouteille que ta plume?
Toutes deux savent rassembler
Beaucoup à'esprit dans un petit volume.
Bouteille et l'amour (LA), comédie anglaise
de George Farquhar. Cette pièce, la première
de l'auteur, fut jouée à Drury-Lane en 1698;
on y trouve quelques détails autobiographi-
ques sur Farquhar. La scène représente Lin-
coln's-ïnn-Fields, une promenade de Londres.
Voici M. Rœbuck, qui tourne le coin de la
place. C'est un Irlandais, à l'air entreprenant.
au teint blanc et aux cheveux noirs; il est en
habit de cheval et parle haut en marchant.
Rœbuck, c'est Farquhar lui-même, débarquant
dans un pays inconnu, presque sans res-
sources, déterminé à tout, et débattant avec
lui-même les moyens d'arriver à quelque chose.
Il rencontre un cul-de-jatte qui lui demande
l'aumône et auquel, en revanche, il demande
un conseil : « Pauvre comme toi, lui dit-il, j'ai
formé le projet d'entrer au service. — Gardez-
vous-en bien, réuond aussitôt le porte-besace.
Voyez après quinze ans le poste honorable
que je suis réduit à défendre. Mes haillons
sont, il me semble, le plus horrible épouvan-
tait que l'on puisse dresser sur un champ de
bataille I Dangers pour dangers, risquez plutôt
la potence; devenez, s'il le faut, un noble oi-
seau de proie, un heureux bandit. » Telle est
la morale de l'époque ; elle allait, comme on
voit, au fond des questions. Rœbuck la prend
pour bonne. » Il est un peu dur, dit-il, de
n'entrevoir comme chemin du ciel que le che-
min de la potence; mais j'y suis poussé... Si
je ne rencontre pas mon ami Lovewell, ce qui
n'est guère probable, je déclare la guerre à la
fortune, et tant pis pour qui me tombe sous la
main. » A ces mots, il s'éloigne et se perd sous
les arbres de la promenade, tandis que le cul-
de-jatte quitte la scène dans une autre direc-
tion. Entrent deux femmes : Lucinda, jeune,
riche et belle, puis miss Pindress, sa confi-'
dente; elles viennent prendre l'air et causer
sous les beaux rayons d'un soleil d'été. Pen-
dant que Lucinda s'entretient avec sa suivante
de l'amour qu'elle ressent pour Lovewell, dont
elle veut faire son mari, de la haine qu'elle
éprouve d'avance contre son cousin Mock-
mode, jeune échappé de l'université qui vient
à Londres solliciter sa main, la promenade se
garnit de beau monde, et le3 deux femmes
sont obligées de mettre leurs masques. Rœbuck
'reparaît, et sa mise plus que négligée, con-
trastant avec ses allures de gentilhomme,
attire l'attention de Lucinda, qui l'aborde ré-
solument par un coup d'éventail sur l'épaule :
• Eh bien, monsieur, vous rêvez? — Oui, ma-
dame. — A quoi, je vous prie ? — Au diable ;
en vous voyant, madame, mon rêve s'est
enfui. » La conversation ainsi commencée ne
peut manquer de devenir familière ; aussi quel-
ques répliques de part et d'autre permettent à
Rœbuck de prendre galamment la taille de
lady Lucinda, qui s'en effarouche à peine.
Bientôt, sous prétexte de lui dire deux mots
à l'oreille, il l'embrasse : vifs reproches de la
dame; Rœbuck les trouve déplacés, et, pour
v mettre un terme, il la saisit. Dieu sait où il
l'emporterait, lorsque Lovewell se présente et
le force à mettre l'épée à la main. Mais les
deux amis se reconnaissent bientôt et s'em-
brassent. Rœbuck apprend alors à son ami
• qu'il a fui l'Irlande pour échapper à l'obliga-
tion d'épouser une jeune fille qVil avait mise
à mal. Au moment justement ou le nouvel ar-
rivé, lesté par son ami de quelques pièces
d'or, pense déjà aux moyens de compenser les
fatigues et la sobriété forcée de son voyage
par les plaisirs de Londres, le vin et l'amour;
il aperçoit au loin miss Trudge, cette jeune
fille trahie par lui, et qui, son enfant sur les
bras, va cherchant par la ville le traître au-
quelcet enfant doit le jour. Rœbuck s'esquive;
Lovewell reste pour faire tête à l'orage, et au
moment où il met quelques souverains dans
les mains de Trudge, lady Lucinda et Pindress,
revenues sur leurs pas, sont témoins de cette
libéralité suspecte. Dépit, jalousie de Lucinda;
grand désespoir de Lovewell, injustement
soupçonné, mais qui ne peut, pour raisons ou
autres, expliquer à sa maîtresse le vrai sens
de sa conduite. Nous nous trouvons ensuite
chez Lovewell. Rœbuck vient d'achever une
toilette splendide. Le valet de chambre de son
ami donne à ses cheveux un dernier coup de
fer. Le gentilhomme naguère si déguenillé,
maintenant si élégant, n'a plus qu'un cri :
• Du vin et des femmes ! • Mais Lovewell, dé-
sireux de calmer cette fougue, propose à son
ami les douceurs d'une passion honorable,
c'est-à-dire des amours faciles, mais prises
dans une classe plus élevée. Enfin, après une
vive discussion, Rœbuck se rend aux avis
de son ami. Celui-ci l'adresse à Lucinda, dont
il n'est pas fâché d'éprouver la constance, et
chez laquelle est entré peu de jours aupara-
vant un jeune page recommandé par lui. Ce
page n'est autre que la sœur de Lovewell,
qui, tout" en résistant à l'amour de Rœbuck, a
j conçu pour lui un attachement romanesque et
j dévoué. 11 le lui rend au fond du cœur, malgré
! ses fanfaronnades de vice et d'ivrognerie. Ici
l'intrigue tourne à l'imbroglio et défie l'ana-
lyse ; puis tout finit pour le mieux. Lovewell
épouse Lucinda; Rœbuck, la sœur de celui-ci,
et même Mbckmode, un squire imbécile, la
jeune fille compromise. "« Charmante comédie,
en vérité, s'écrie Leigh-Hunt, gaie comme
l'enfance et se mouvant comme elle, avec une
négligence et un abandon qui séduisent; moins
innocente, il est vrai, mais innocente encore
néanmoins, si l'on veut tenir compte des choses
plus que des mots, et pardonner à la capri-
cieuse imagination qui l'inspira l'effronterie
de quelques détails et la nudité de quelques
• expressions. »
BOUTEILLER
BOUTEILLER s. m. (bou-tè-llé; Il mil. —
rad. bouteille). Officier chargé de l'intendance
du vin de la table, d'un roi ou d'un prince.
— Grand bouteiller, Grand officier do la
couronne sous nos anciens rois, dont la prin-
cipale fonction était de présenter à boire au
roi, dans les repas de cérémonie : Le sieur de
Chateaubriand, amiral de Bretagne, était petit'
fils de ce comte de Laval et de sa seconde femme,
dont le père était GRAND BOUTEILLER de France.
(St-Sim.)
— Encycl. Le premier grand bouteiller de
France que mentionne l'histoire est Herbert,
qui occupait cette charge en 1097. Il avait
séance entre les princes et disputait le pas au
connétable de France; il prétendait avoir le
droit.de présider la Chambre des comptes,
et l'on trouve, en effet, sur les registres de
cette chambre, que, en 1397, Jean de Bourbon,
grand bouteiller de France, y fut reçu comme
f
>remier président. Cependant cette prétention
ui fut contestée jusqu'à ce qu'un édit royal
annexa cette prérogative à la charge ; mais
par la suite, soit négligence, soit disposition
contraire de la part du souverain, ce privilège
ne subsista plus. La charge de grand ôo«-
teiller changea ensuite de nom et devint celle
de grand échanson. Le grand bouteiller ou le
grand échanson prêtait serment en cette qua-
lité entre les mains du roi, et il ne cessa ja-
mais d'être considéré comme l'un des grands
officiers de la couronne; outre une foule de
privilèges particuliers, il avait le droit d'em-
porter toute pièce de vin entamée dans les
fêtes et cérémonies de la cour. Abolie par la
République, cette charge fut reconstituée par
Louis XVIII, et Charles X la conserva; la
révolution de 1830 la fit disparaître.
L'ordre de Malte, à la tête duquel se trou-
vait placé un grand maître qui se considérait
comme souverain, avait aussi un grand bou-
teiller. C'était un dignitaire de l'ordre, nommé
par le grand maître; dans les siècles de la
féodalité, plusieurs grands seigneurs et cer-
taines abbayes même avaient des grands bou-
teillers. Un arrêt du 7 septembre HG9, rendu
contre l'abbé de Saint-Denis, obligeait l'abbaye
d'avoir un grand bouteiller ; ses droits étaient
d'avoir bouche à la cour, robe rouge et cheval
de livrée, la desserte de la grosse chair de la
table, des chandelles et une torche, une char-
retée de foin à six bœufs par an et l'exploi-
tation et usage pour sa maison des bois de
l'abbaye.
BOUTEILLER
BOUTEILLER (Sophie D E ) . V. BROWNK
(Henriette).
BOUTElLXERiEs. f. (bou-tè-lle-rî ; Il mil.—
rad. bouteille). Lieu où l'on met les bouteilles.
— Fabrication, commerce de bouteilles.
— A signifié Charge de bouteiller, d'échan-
son. •
BOUTEILLER
BOUTEILLER v, n. ou intr. (bou-tè-llé;
Il mil. — rad. bouteille). Techn. Se remplir
de bulles d'air, en parlant du verre, des
glaces : Le verre BOUTEILLE.
BOUTEILLER
BOUTEILLER (deau-Hyacinthe DE), magis-
trat français, né à Saulx-en-Barrois en 1746,
mort à Nancy en 1820. Il était conseiller au
parlement de Nancy en 1779, et lorsque le
gouvernement voulut instituer une cour plé-
nière, il publia un mémoire intitulé : Examen
du système de législation établi par les édits
du mois de mai 1788... ou Développement des
atteintes que préparent à la constitution de la
monarchie, aux droits et privilèges des pro-
vinces en général et à ceux de la Lorraine en
particulier, les édits, ordonnances et décora-
tions transcrits d'autorité sur les registres de
toutes les cows du royaume (Nancy, 1788). En
l'an IV, il fit partie de l'administration centrale
du département de laMeurthe,siégea au Corps
législatif sous l'Empire, fut nommé premier
président de la cour de Nancy sous la Restau-
ration, et fut membre de la Chambre des dé-
putés de 1815 à 1816.
BOUTEILLETTE
BOUTEILLETTE s. f. (bou-tè-llè-te ; Il mil.
dim. — de bouteille). Petite bouteille, il Ce
mot a vieilli.
BOUTELET
BOUTELET s. m. (bou-te-lè — dim. de
bout). Pop. Petit bout, petit fragment : Un
BOUTELETBOUTELET de ficelle.
B O U T E - L O P s. m. Mar. Pièce de bois
ronde, ou à pans, sorte de boute-hors' ser-
vant à tenir les amures du mât de misaine,
il On dit moins bien BOUTE-DE-LOP.
BOUTENER
BOUTENER v. a. ou tr. (bou-te-né). An-
cienne forme du mot BOUTONNER.
BOUTE-QUELON
BOUTE-QUELON s. m. (bou-te-ke-lon).
Ornith. Nom vulgaire du mauvis.
BOUTER
BOUTER v. a. ou tr. (bouté.— rad. b-'tt).
Mettre: Laissons toute mélancolie... BOUTE
la nappe. (Rabelais.) /'AI bravement BOUTÉ à
terre quatre pièces tapées. (Mol.) Vous me
1158 BOUT
ËOÙT BOUT
BOUT
BOUTEZ la joie au cœur. (Mol.) Tu as dit de-
vant nos apprentis un mot qui peut faire
BOUTER le feu à la maison. (Balz.) n C'est un
vieux mot resté populaire, mais seulement
dans les campagnes.
— Bouter dessus, S'est dit, chez les gens
du peuple., pour se couvrir, mettre son cha-
peau : Monsieur, BOUTEZ DESSUS. (Mol.)
— Mar. Bouter au large, Pousser une em-
barcation au large, il Bouter à lof, Aller à la
bouline. V. BOULINE.
— Véner. Bouter la bête, La lancer, la
mettre sur pied, il Cette locution a vieilli.
— Conim. Ranger lés épingles sur les p a -
piers : BOUTER des épingles.
—Techn. Nettoyer le cuir avec le boutoir :
BOUTER une peau. ti Placer à la main ou mé-
caniquement les dents des cardes, dans les
trous préparés pour les recevoir : Machine à
BOUTER, n Limes à bouter. Limes qui servent
pour les pannetons des clefs.
Se bouter v. pr. Se mettre, entrer: Nous,
NOUS SOMMES BOUTÉS dans une barque. (Mol.)
Il Se placer : BOUTE-TOI là, mon gars. Un
paysan de la Gascogne, voulant exagérer un
jour la bonne récolte qu'il y aurait, disait à
quelqu'un, en son patois : a II y a tant d'épis
que L'un dit à l'autre : Tire-té de là que je m'y
BOUTEBOUTE (Ote-toi de là que je m'y mette). »
— Fig. Se livrer à : Tu ne dois pas te BOU-
TER en colère.
BOUTERBOUTER v. n. ou intr. (bou-tô — rad.
boute). Econ. rur. Pousser au gras, s'épais-
sir : Les vins de ce cru sont sujets à BOUTER.
Cette cave fait BOUTER. (Acad.)
BOUTER
BOUTER v. n. ou intr. (bou-té— v. l'étym.
de bouton). Bourgeonner: La terre, arrosée
d'une fraîche et douce rosée, commence à BOU-
TER. (R. Belleau.) Les germes des plantes et
des herbes commencent à BOUTER et sortir de-
hors. (Amyot.) n Vieux mot.
BOUTERAME
BOUTERAME s. f. (bou-te-ra-me).Dans le
langage lyonnais, Tranche de pain sur la-
quelle on étend du beurre.
BOUTEREAU
BOUTEREAU OU BOUTEROT S. lïl. (bon-
te-ro — rad. bouter). Techn. Burin du clou-
tier. n Outil pour graver le moule de la tête
des épingles.
B O U T E R N E s. f. (bou-tèr-ne). Jeux. Boîte
carrée dans laquelle on joue aux dés, et qui
contient beaucoup de menus enjeux, parmi
lesquels se trouvent quelques objets de prix
qu'ii est à peu près impossible de gagner.
BOUTERNIER,
BOUTERNIER, 1ÈRE S. (bou-tèr-nié, iè-re
— rad. bouterne). Celui, celle qui fait jouer
à la bouterne.
BOUTEROLLE
BOUTEROLLE s. f. (bou-te-ro-le — rad.
bouter). Techn. Garniture métallique qui
s'adapte au bout d'un fourreau d'épee, pour
empêcher que la pointe ne le perce : Une
BOUTEROLLEBOUTEROLLE d'acier, n Partie saillante d'un
corps de platine d'arme à feu, dans la-
uelle est percé et formé l'écrou de la vis
u milieu de la platine, il Extrémité ar-
rondie de la pièce de détente, dans laquelle
est pratiqué l'écrou où la vis de la culasse
vient, s'engager, n Une des gardes de la ser-
rure. C'est une cloison circulaire qui est
posée sur le palastre à l'endroit où porte
l'extrémité du panneton, tout auprès de la
tige : La BOUTEROLLE s'oppose à ta violation
de la serrure, si la fente de la clef qui doit la
recevoir n'a pas exactement sa foitne, sa hau-
teur et son épaisseur. (Landrin.) Chacune
des fentes mêmes de la clef, a Morceau de fer
arrondi par un bout, que le boutonnier appli-
que sur les pièces, pour les resserrer dans le
dé à emboutir, u Outil de fer, terminé par
une tête convexe, pour faire les chatons des
pierres fines à enchâsser.
— Grav. Poinçon acéré, en cuivre, monté
sur un touret ou tige, dont on se sert dans
la gravure en pierre fine : Percer à la BOU-
TEROLLE.
— Pèch. Sorte do filet.
— Blas. Pièce d'armoirie, représentant la
garniture d'un bout de fourreau d'épée.
BOUTEROUEBOUTEROUE s. f. (bou-te-roû ~- de bouter
et roue). Constr. Bande de fer, dont on gar-
nit la voie d'un pont, pour recevoir les roues
des voitures, il Borne placée à l'angle d'un
édifice ou le long d'un mur, pour les préser-
ver du choc des voitures.
BOUTEROT
BOUTEROT s. m. (bou-te-ro). Syn. de
30UTEREAU.
BOUTEROUE
BOUTEROUE (Claude), antiquaire français
du xvnu siècle. Il fut reçu conseiller a la
cour des monnaies en 1C54, et il publia : Re-
cherches curieuses des monnaies de France,
avec des obsei~vations, des preuves et des figures
des monnaies (16GC, in-fol.) On trouve dans
cet ouvrage de précieux renseignements, sur-
tout sur les monnaies de la première race,
BOÙTERWECK
BOÙTERWECK (Frédéric), philosophe et
poète allemand, né en 1766 à Oker, dans le
Harz, mort à Gœttingue en 1828. Disciple de
Kant, puis de Jacobi, il se distingua moins
par son originalité que par son talent a ex-
poser les doctrines souvent obscures de ses
maîtres. L'histoire littéraire et la critîaue lui
doivent beaucoup. Son ouvrage le plus im-
uortant est l'Histoire de la poésie et de l'élo-
quence chez les peuples modernes (1801-1819),
trad. en français par Strock. Ses poésies lyri-
ques et ses romans sont fort médiocres. Bou-
terweek était conseiller du duc de Weimar, et
professeur de philosophie à Gœttingue depuis
1797. Parmi ses nombreuses oeuvres philoso-
phiques, nous citerons :' Aphorismes présentés
aux amis de la critique et de la raison d'après
le système de Kant (Gœttingue, 1793) ; Essai
d'une Apodictique (1799) ; Notions élémentaires
de la philosophie spéculative (1800); les Epo-
ques de la raison (1802); Introduction à la
philosophie des sciences naturelles (1803);
Idées d'une esthétique du beau (1807) ; Apho-
rismes pratiques (1808) ; Manuel des sciences
philosophiques (1813, 2vol.); Religion delà
raison; Idée pour hâter les progrès d'une phi-
losophie religieuse soutenable (1824). Les poé-
sies de Bouterweck ont été publiées en 1802.
Parmi ses romans, nous citerons : le Comte
Donamar (1791), qui fut bien accueilli en Al-
lemagne; Journal de Ramiro (1804); Almusa,
fils du sultan (1801), etc.
BOUTERWEK
BOUTERWEK (Frédéric-Auguste), peintre
contemporain, né vers 1810 à Friedrich hutte,
près de Tarnowitz, dans la haute Silésie, na-
turalisé français en 1855. Il commença ses
études artistiques en Allemagne, vint à Paris
en 1833, et alla ensuite en Italie, où il acheva
de se former. Paul Delaroche et Horace Ver-
net sont les maîtres dont il suivit particuliè-
rement l'enseignement; il s'est efforcé d'em-
Prunter à l'un sa science de composition, à
autre sa verve anecdotique. Il a peint un
grand nombre de sujets religieux, de scènes
mythologiques et de tableaux de genre, et il
a pris part à toutes les expositions qui ont eu
lieu à Paris depuis 1837, excepté à celles de
1845, 1847, 1853 et 1855. Il a c-htenu une mé-
daille de 3e classe en 1837, une médaille de
2
e
classe en 1838, et une médaille de l
r e
classe
en 1841. Parmi les ouvrages qu'il a exposés,
nous citerons : les Adieux de Roméo et de Ju-
liette, et une Famille italienne (Salon de 1837) ;
les Brigands au repos, et le Ménestrel véni-
tien (1838) ; Abraham et les trois anges (1839);
la Rencontre d'Isaac et de Rebecca, et les Pê-
cheurs de Procida (1841) ; les Noces de Gama-
che (1842); le Départ de Rebecca et le Pèlerin
mourant (1843): {'Annonciation (commande du
ministère de 1 intérieur), et la Tarentelle
(1844) ; le Baptême de l Eunuque (commande
du roi de Prusse), et un Episode de la vie de
Fra Bartolommeo (1846); le Trompette Esco-
fier devant Abd-el-Kader (1848) ; le Christ au
jardin des Oliviers (commande du ministère
de l'intérieur) (1849) ; une Nymphe luttant
avec des Amours (1850), Charlemagne à Ar-
genteuil (pour l'église d'Argenteuil) (1852);
la Famille du pâtre (1859) ; Psyché revenant
des enfers (1863); Acis et Galatée (1864); La
Fontaine chez Jï/">e de La Sablière (1865);
une Jeune fille italienne, et une Scène tirée de
Don Quichotte (1865). Ces divers ouvrages,
sérieusement pensés et exécutés avec soin,
dénotent un esprit élevé, nourri des chefs-
d'œuvre de la littérature et des arts, et un
talent d'exécution formé par de solides études.
Le dessin de ces ouvrages est généralement
correct et élégant; la couleur manque d'éclat
et de profondeur, mais non d'harmonie.
M. Bouterwek a exécuté plusieurs autres ta-
bleaux et des peintures murales pour diffé-
rentes églises de France et de Prusse, notam-
ment: la Visitation, à l'église Saint-Jacques-
du-Haut-Pas; un Calvaire, à Saint-Ambroise
(Popincourt); le Martyre de saint Laurent
(église du Creusot); le Clergé aux pieds de la
vierge (église Saint-Nicolas-du-Chardonnet,
à Paris) ; Saint-Joseph à Bethléem, peintures
de l'église de Bercy; Mater dolorosa, la Ré-
surrection du Christ, en Prusse, etc. Citons
encore le Festin nuptial de Daphnis et Chloé,
composition renfermant un grand nombre de
figures, au musée de Limoges.
B O U T E S A C Q U E s. f. (bou-te-sa-ke). Perche
qui soutient un filet tendu.
BOUTE-TOUT-CUIREBOUTE-TOUT-CUIRE s. m. Dissipateur on
glouton : C'est un BOUTE-TOUT-CUIRE. (Acad.)
il PI. des BOUTE-TOUT-CUIRE.
BOUTE-SELLE
BOUTE-SELLE s. m. Art milit. Signal
donné avec la trompette, pour avertir les
cavaliers de seller leurs chevaux et de se te-
nir prêts à monter à cheval : Sonner le BOUTE-
SELLE. Ce mot fit l'effet d'un BOUTE-SELLE sur
un'régiment en halte. (V. Hugo.)
— Par ext. Signal du départ : Ce sera le
coup de partance et le BOUTE-SELLE pour Gri-
gnan. (Mme de Sév.) Eperonné, botté, prêt à
monter à cheval, il attend le BOUTE-SELLE.
(P.-L. Cour.)
On lui disait : sonnons le boute-selle.
Retirons-nous, cette ville est pour elle.
J.-B. ROUSSEAU.
D Signal du combat :
Pour Ja seconde fois, la ligue universelle
Semblait contre Paris sonner le boute-selle.
J.-B. ROUSSEAU.
BOUTEURBOUTEUR s. m. (bou-teur — rad. bouter).
Min. Nom donné, dans certaines mines, aux
ouvriers qui déblayent le minerai abattu.
BOUTEUSE
BOUTEUSE s. f. (bou-teu-zo—-rad. bouter).
Techn. Ouvrière qui boute des épingles, qui
les range sur le papier.
— Encycl. Une bouteuse peut percer douze
douzaines de milliers de trous par jour, et
peut aussi placer dans les trous du pa-
pier quatre douzaines de milliers d'épingles
dans le même espacj de tempi 1 a bouteuse
est encore chargée du soin de trier les épin-
gles, et de rejeter celles qui sont défectueuses;
enfin, elle est obligée d imprimer sur les pa
r
piers la marque des marchands; elle en im-
prime un millier à l'heure.
BOUTEUX
BOUTEUX s. m . (bou-teu — rad. bouter).
Pêch. Truble • attachée au bout d'un long
manche, et dont la monture est tranchée
carrément, de façon qu'on peut la passer
devant soi.
BOUTEVILLE
BOUTEVILLE ( Marie - Anne - Hippoîvte -
Hayde), évêque de Grenoble. En 1783, il fit
partie des états provinciaux du Dauphiné,
et y prononça un discours qui offensa griève-
ment le cardinal de Loménie, alors ministre.
Il regretta ensuite l'imprudence qu'il avait
commise et demanda que son discours fût
passé sous silence dans le procès-verbal des
états ; mais le cardinal exigea qu'il fût rap-
porté tout au long, et l'évéque, qui avait la
tête faible, se fit sauter la cervelle d'un coup
de fusil.
BOUTEVILLE,
BOUTEVILLE, bourg de France (Charente),
arrond. et à, 23 kilom. S.-E. de Cognac;
828 hab. Eaux-de-vie renommées, commerce
de bestiaux et chevaux. Restes d'un prieuré
à côté de l'église ; beau château de la Re-
naissance précédé d'une vaste plate-forme et
entouré de douves; dans un des appartements,
les sculptures de la cheminée se font remar-
quer par une pureté de lignes et une finesse
d'exécution peu communes; le morceau qui
représente l'archange saint Michel est surtout
d'une grande beauté.
BOUTEVILLE
BOUTEVILLE (François DE MONTMORENCY,
comte de Suxe, seigneur DE), fameux duelliste,
né en 1600, était fils de Louis de Montmo-
rency, vice-amiral de France sous Henri IV.
11 s'était distingué dans les guerres contre les
réformés ; mais il ne doit sa célébrité qu'à sa
passion pour les combats singuliers, à une
époque ou la fureur des duels avait provoqué
de sévères édits. 11 s'enfuit à Bruxelles, après
avoir tué le marquis Desportes, le comte de
Thorigny, et blessé Lafrette. Malgré l'inter-
cession de l'archiduchesse gouvernante des
Pays-Bas, Louis XIII lui refusa son pardon.
Irrité, Bouteville jura qu'il irait se battre en
plein Paris, à la place Royale. Il eut, en effet,
l'audace d'exécuter cette gageure de forfan-
terie le 12 mai 1627 ; son adversaire était
Beuvron ; chacun des champions avait deux
seconds, qui combattirent comme eux à l'épée
et au poignard. Arrêté dans sa fuite après ce
nouveau combat, Bouteville fut condamné à
mort, et décapité le 21 juin, malgré les solli-
citations de toute la haute noblesse.
BOUTMER
BOUTMER (Jean-François), jurisconsulte
et écrivain français, né à "Vienne (Dauphiné),
mort en 1811. Avocat au bailliage avant la
Révolution, il fut, après la nouvelle organi-
sation judiciaire, nommé juge au tribunal civil
" de Vienne. Bouthier était membre correspon-
dant de l'Académie de Clermont et des sociétés
royales d'agriculture de Soissons et de Lyon.
Ses principaux écrits sont : le Bonheur de la
vie, ou Lettres sur le suicide, et sur les cojisi-
dérations les plus propres à en détourner les
hommes (Genève, 1772, in-12) ; le Citoyen à la
campagne, ou Réponse à la question : Quelles
sont les connaissances nécessaires à un proprié-
taire qui fait valoir son bien? (Genève, 1780,
in-8°), mémoire qui partagea le prix proposé
par la société d'agriculture de Soissons, en
février 1780; Réflexions sur les collèges, ou de
la préférence à donner aux réguliers sur les
séculiers pour l'enseignement (Genève, 1778,
in-12) ; Recueil d'opuscules philosophiques, po-
litiques et économiques.
BOl/THILlER (Claude LE), diplomate fran-
çais , né en 1584, mort en 1635. Il fut d'abord
conseiller au parlement de Paris, puis surin-
tendant de3 bâtiments de Marie de Médicis,
secrétaire d'Etat au département des affaires
étrangères et surintendant des finances. Ce
fut lui qui signa, en 1630, un traité d'alliance
et de subside avec le duc de Saxe-Weimar.
Il avait obtenu ces hautes fonctions par le
crédit du cardinal de Richelieu.
BOUTHILIER
BOUTHILIER (Léon LE) , fils du précédent
et, comme lui, diplomate, né en 1608, mort en
1652. Il dut à la protection du cardinal de Ri-
chelieu la charge de conseiller, fut ensuite
chargé d'une mission en Italie, puis nommé
secrétaire d'Etat au département des affaires
étrangères. II signa, en 1635, un traité d'al-
liance avec les Provinces-Unies et un autre
avec la Suède, fut quatre ans après chargé
d'une mission diplomatique en Piémont, puis
fut désigné pour assister comme plénipoten-
tiaire aux conférences de Munster.
BOUTHILLIER
BOUTHILLIER (COLARS LE), trouvère arté-
sien, issu d'une noble famille, et qui vivait
vers la fin du xme siècle. Il se trouva lié avec
tous les hommes éclairés et distingués de son
temps, ses armoiries étaient un écu de gueules
aux trois flacons à double ventre d'or. C'est
ce qui a fait croire que le trouvère artésien
était de la même maison que Jehan le Bou-
thillier, auteur de la Somme rurale, qui portait
des armes à peu près semblables. Colars Le
Bouthillier voyagea en France, et particuliè-
rement dans la Touraine, où il eut une aven-
ture galante, que, selon l'usage du temps, il
retraça assez crûment dans une de ses bal-
lades.
BOUTHI
BOUTHI LLIER ou BOUTILLIER (Denis),
jurisconsulte français du xvne siècle. Avocat
au parlement de Paris, il fut chargé de plai-
der pour M
m e
de Montmorency-Hallot, contre
les assassins de son mari. Mais comme l'un de
ceux-ci, qui avait été arrêté, avait voulu se
F
révaloir du privilège d'impunité accordé à
accusé à qui on laissait lever et porter la
fierté de Saint-Romain , une discussion s'éleva
entre les membres du chapitre et Bouthillier,
qui publia une Réponse sur le prétendu privi-
lège de la fierté de Saint-Romain (Paris, 1608).
On doit encore à ce jurisconsulte : Réponse
des vrais catholiques français à l'advertissement
des catholiques anglois, pour l'exclusion du roy
de Navarre de la couronne de France (1588),
et un plaidoyer pour les religieux de Mar-
moutier.
BOUTHILLIER-CHÀV1GNY (Charles-Léon,
marquis DE), général français, né à Paris en
1743, mort en 1818. Il embrassa jeune la car-
rière des armes, et était maréchal de camp en
1789. Nommé député par la noblesse du Berry,
il ne se fit remarquer dans la Constituante
que par la-véhémence de ses opinions rétro-
grades, émigra en 1791, porta les armes con-
tre la France dans l'armée de Condô, rentra
en France sous le Consulat, et fut nommé
lieutenant général à la rentrée des Bourbons.
— Son fils, Maurice-Constantin-Louis-Léon,
comte ou marquis DE BOUTHILLIER, né en 1774,
mort en 1829, servit également dans l'armée
de Condé et fut l'ami particulier du duc d'Eu-
ghien. Préfet de plusieurs départements, sous
la Restauration, conseiller d'Etat, député, etc.,
il montra des talents d'administrateur en
même temps qu'un zèle violent contre le ré-
gime constitutionnel.
BOUTHORS
BOUTHORS (Jean-Louis-Alexandre), ar-
chéologue érudit, né à Beauquesne (Somme)
en 1797. Il est greffier en chef de la cour
royale d'Amiens et membre de la Société des
antiquaires de Picardie. Ses travaux lui ont
valu des médailles et mentions honorables de
l'Académie des inscriptions et autres sociétés
savantes. Les principauxsontlessuivants: Es-
quisse féodale du comté d'Amiens au xm
e
siècle
(1843) ; Coutumes locales du bailliage d'Amiens,
rédigées en 1507 (Amiens, 1845-1853, 2 vol.) ;
Cryptes de Picardie; Recherches sttr l'origine
des souterrains refuges des départements de la
Soimne, du Pas-de-Calais, de l'Oise et du Nord
(1838); Notice historique sur la commune de
Corbie (1839) ; les Proverbes, dictons et maxi-
mes du droit rural traditionnel (1859).
BOUTICLAR
BOUTICLAR s. m. (bou-ti-klar—rad. bou-
tique). Comm. Boutique pour la vente du
poisson.
BOUT1ÈRES (les), chaîne de montagnes de
France, ramification des Cévennes; elle part
du mont Pila dans le départ, de la Loire, sé-
pare ce départ, et plus loin celui de la Haute-
Loire, de 1 Ardèche, et finit au mont Mezenc,
où commencent les chaînes du Tanargue et du
Coiron. Elle sert de ligne de faîte entre le
Rhône, à qui elle envoie la Cance, la Doux et
l'Erieux, et la Loire, a qui elle envoie le Li-
gnon. Les points culminants sont le Signoux,
1,465 m., et le Felletin, 1,388 m. -— On donne
encore le nom de Boutières à la partie du
départ, de l'Ardèche comprise entre le Rhône
et la chaîne dont nous venons de parler, mais
principalement aux petits bassins de la Doux
et de l'Erieux.
BOUTIÈRES
BOUTIÈRES (Guignes-Guiffrey DK), lieute-
nant général au xvi« siècle, né dans la vallée
de Grésivaudan. Il servit d'abord sous le cé-
lèbre Bayard, et montra tant de bravoure
qu'on l'appela plus tard le lieutenant de
Bayard. Il tut chargé de commander les trou-
pes françaises en Piémont, et sauva deux fois
Turin assiégé par les ennemis ; mais, ayant
laissé prendre la ville de Carignan par sa
négligence, il fut contraint de céder le com-
mandement au duc d'Enghien. Cependant,
quelque temps après, il rentra en faveur, et
put encore signaler son courage dans plusieurs
expéditions.
Voici un trait de bravoure digne d'être rap-
porté. A peine âgé de seize ans, et soldat dans
la compagnie des hommes d'armes de Bayard,
il se mesura corps à corps avec un officier de
la cavalerie légère des ennemis et le fit pri-
sonnier malgré sa haute stature. David pré-
senta son Goliath à François I
e r
, qui, étonné
de cette capture, reprocha vivement au géant
de s'être laissé prendre par un enfant « qui de
quatre ans ne porterait poil au menton. » L'of-
ficier, tout honteux, chercha a couvrir sa lâ-
cheté en disant qu'il avait cédé au nombre.
« Vous en avez menti, repartit Boutières en
se dressant sur ses pieds , et pour preuve que
je vous ai pris moi seul, remontons à cheval,
et je vais vous tuep ou vous faire crier une-
seconde fois quartier. » L'officier, qui se tenait
satisfait du premier combat, resta couvert de
confusion.
BOUTIGNV
BOUTIGNV (Roland LE VAYER D E ) , juris-
consulte français, mort en 1685. U fut avocat
au parlement, maître des requêtes et intendant
de Soissons. On lui doit : Dissertation sur
l'autorité légitime des rois en matière de régale
(1682), attribuée faussement à Talon; De l'au-
torité du roi sur l'âge nécessaire à la profession
religieuse (1669), livre qui fit beaucoup de
bruit j Traité de la peine du péculat (1666),
Ç
ublie à l'occasion du procès de Fouquet;
'raité de la preuve par comparaison d'écriture
(1666).
BOUTILLER
BOUTILLER s. f. (bou-ti-llé;£2mll.). An-
cienne forme du mot BOUTEILLER.
BOUTILLERIE
BOUTILLERIE s. f. (bou-ti-lle-rî ; Il mil.
—rad. bouteille).S'est dit pour BOUTEILLERIK.
BOUTILLIER
BOUTILLIER s. m. (bou-ti-lié; U ma.)
S'est dit pour BOUTEILLER.
BOUT BOUT
BOUT
BOUT 1159
— Rem. Au mot BOUTEILLER , l'Académie
renvoie à BOUTILLIER. C'est donc cette der-
nière orthographe que préfère la docte com-
pagnie. Est-ce avec raison? Tel n'est pas
notre avis : la logique, d'accord cette fois avec
l'usage, fait évidemment pencher la balance
en faveur de BOUTEILLER , dont la racine est
bouteille, et non boutille.
BOUTILLIERBOUTILLIER (Maximilien - Jean), auteur
dramatique, né à Paris en 1745, mort en 1811.
Il était lils d'un employé aux portes de l'O-
péra; lui-même remplit des fonctions obscures
a ce théâtre, se trouva fort heureux d'entrer
plus tard comme souffleur au Vaudeville et
mourut • dans le dénûment. Auteur aussi fé-
cond que médiocre, il a donné un grand nom-
bre de pièces dont quelques-unes seulement
eurent du succès : Myrtil et Lycoris (1777),
pastorale; le Soupe* d'HenriIV (1789); Alix
de Beaucaire (1791), drame lyrique; la Poule
aux œufs d'or (1792), une des premières pièces
où parut le personnage de Jocrisse, etc.
BOUTILLIERBOUTILLIER (Jean), célèbre jurisconsulte
français du xive siècle, né à Tournay. entra
aux affaires vers 1370. Il fut d'abord bailli à
Mortagne, puis conseiller pensionnaire de la
ville de Tournay. Cette place était assez im-
portante dans les villes municipales de l'Ar-
tois et de la Flandre. A côté des jurés ou des
échevins des grandes villes, espèces de jurés
civils, décidant avec les lumières de la raison
les procès soumis à leur tribunal, se trou-
vaient des officiers nommés à vie et pension-
nés par les corps de ville, rapporteurs de
toutes les affaires litigieuses, et chargés d'en
faire des extraits : c'était à ces fonctionnaires
qu'on donnait le nom de conseillers pension-
naires. Quoiqu'ils n'eussent que voix consul-
tative , leur connaissance des lois et du droit
donnait une haute autorité à leur parole, et ils
remplissaient à l'égard des juges bourgeois le
rôle que les juges des assises en Angleterre
reinplissentprès des jurés. Plus tard, Jean Bou-
tillier redevint lieutenant du grand bailli dans
cette même ville de Tournay, dont il était bour-
geois , où il possédait une maison de soixante
sous de rente, pour obéir aux règlements
constitutifs de la bourgeoisie, et où il termina
paisiblement ses jours au commencement du
xve siècle. Son testament porte bien le cachet
du moyen âge, et nous instruit de certains
usages curieux. « In nomine Domini, amen.
Sachent tous que je, Jehan Boutillier, conseil-
ler du roynostre sire, en ma pleine mémoire,
sens et entendement, fais et ordonne mon
testament, loys et ordonnances de dernière
voulenté par la manière qui s'ensuyt. Premier,
je rends à Dieu mon créateur grâces et
louenges de ma nativeté, vie, corps et mem-
bres, dont il m'a créé, des cinq sens qu'il m'a
prestez et de tous, les biens dont il m'a replet
et gouverné durant ma vie... Et veux estre
porté jusques à la fosse par huyt pauvres qui
ayent les piedz nudz en mémoire que nud vins
sur terre, et nud m'en revoys... Auquel corps
porter et enterrer, si corne dit est, n'ait que
deux torches en l'honneur de la sainte croix
qui portée y seraj non mie que mon putrifiant
corps le vaille. Soit faicte une couche ou li-
tière d'estrain devant le crucifix , et sur
ycelle litière soit faicte une haulce d'aisselles^
comme seroit ung large plat Luysel couvert
d'ung blanc linceuil tant seulement, et au
chief d'ioelle haulce ayt une croix de bois large
et compétente de hauteur, sur laquelle croix
ait trois chandelles, sur chescun bras une, et
chescune pesant troys livres, et sur ladicte
haulce ait couché une ymage de cire en forme
d'homme mort, estemé du poids de xx li-
vres , et autour d'icelle couche ait trente
deux povres séans, priant Dieu pour moy en
faisant mémoire qu'en l'âge de trente deux
ans viendrons au jugement de Dieu. » Cet
usage était fréquent dans les obsèques du nord
de la France-, au jour de la résurrection, les
morts devaient renaître tels qu'ils avaient été
à l'âge de trente-deux ans, selon une tradition
fort répandue au moyen âge.
Le rôle joué par Boutillier dans les diverses
magistratures qu'il eut à remplir fut celui de
la plupart des baillis du xme et du xive siècle,
que la royauté avait multipliés pour étendre
sa juridiction au préjudice de celle des sei-
gneurs et des évèques. Toutes les fois qu'une
contestation s'élevait entre deux justices, par
exemple entre celle du seigneur et celle de
l'évêque, le bailli arrivait, revendiquant le cas
a:i nom du roi son maître, et quand sa préten-
tion venait à triompher, créait par là jin pré-
cèdent qui engageait l'avenir. Les moyens
dont se servaient les baillis n'étaient pas tou-
jours très-légitimes; la chicane, la ruse, la
force même remplaçaient souvent le droit.
C'est ainsi que la royauté devint forte et
puissante ; l'unité de la France s'est accomplie,
mais elle ne l'a été le plus souvent qu'au prix
d'injustices et d'usurpations. Boutillier con-
tribua à ce grand mouvement d'unification, e t
par sa gestion comme bailli et par la compo-
sition de sa Somme rurale, un des premiers et
des plus curieux monuments de notre jurispru-
dence. L'auteur l'a appelé Somme, parce que
les principes de chaque matière y sont som-
mairement expliqués. D'ailleurs, ce mot était à
la mode, depuis la fameuse Somme de saint
Thomas d'Aquin, comme aujourd'hui celui
d'abrégé ou d encyclopédie. Boutillier a donné
à sa Somme le nom de rurale, non parce
qu'elle a pour objet la jurisprudence agraire ,
mais parce qu'eue fut composée a la cam-
pagne. Si la Somme rurale est moins intéres-
sante au point de vue des antiquités du droit
que les Coutumes de Beaumanoir, en revanche,
elle est plus près de nos usages, et marque
bien l'invasion du droit romain dans notre droit
français. L'usage, pour ne pas dire l'abus du
droit romain, est en effet le signe caractéris-
tique de cette époque et du livre de Boutillier,
L'auteur l'applique à tout, s'en, sert dans toutes
les circonstances, en fait la base de toutes les
institutions, même de celles qui en sont les
plus éloignées. Il est curieux de le voir invo-
quer, à l'appui des privilèges de la noblesse et
de la féodalité, des textes écrits chez des
nations entièrement étrangères à ces institu-
tion^ Mais la saine érudition était inconnue
aux jurisconsultes de cette époque -
f
s'ils se
servent du droit romain, c'est uniquement
pour agrandir le pouvoir royal, et abaisser la
classe de la noblesse, dont ils convoitent déjà
l'héritage politique, a Le roy, dit Boutillier en
plusieurs endroits, est roy et empereur en son
royaulme, et y peut faire loy et edict à son
plaisir. » La royauté n'écouta que trop bien
ces conseils, et.il fallut un jour que toute la
nation se levât pour défaire l'œuvre de ces
légistes imprudents". Boutillier est bourgeois
du roi, et nullement démocrate ; le malheureux
sort du serf ne le touche pas plus que les mi-
sères de l'esclave ne touchaient les juriscon-
sultes romains. Les philosophes antiques
étaient embarrassés pour expliquer cette in-
fériorité sociale de la classe la plus nom-
breuse; mais Boutillier, qui est catholique, a
trouvé dans l'Ecriture sainte un texte qui
explique et justifie la pénible condition du
serf : il appartient « à ces xxx générations
qui yssirent de Cham, fils de Noé, lequel Noé
mauldit et asservit. » Tous les renseignements
qu'on rencontre dans la Somme rurale en font
un ouvrage très-précieux, et Cujas avait rai-
son de l'appeler optimus liber. Parmi les pas-
sages les plus curieux et les plus dignes d'être
lus, nous citerons le second livre, où sont
expliqués les cas royaux, les cas d'église, la
jurisprudence spéûiale et privilégiée pour les
. clercs, et enfin des détails sur les juges et les
avocats de cette époque. V. SOMME RURALE.
BOUTIN
BOUTIN (Vincent-Yves), officier du génie,
né à Loraux-Bottereau, près de Nantes, en
1772, mort en 18L?>. Après avoir fait plusieurs
des campagnes de la République et de l'Em-
pire et gagné le grade de colonel, il fut chargé
de plusieurs missions importantes ; il était à
Constantinople lorsque le général Sébastiani
força une flotte anglaise à battre en retraite,
et le général l'avait chargé des travaux de
défense du Sérail. Ensuite, il reçut mission
d'aller visiter les villes d'Alger et de Tunis;
mais il tomba entre les mains des Anglais, qui
le conduisirent à Malte ; cependant il parvint
h leur échapper, atteignit la côte d'Afrique et
put recueillir des notes très-importante s qui
lurent d'un grand secours pour la conquête
d'Alger en 1830. Après avoir assisté à la ba-
taille de Wagram, Boutin entreprit un nouveau
voyage en Egypte et en Syrie; mais il fut as-
sassiné par des brigands dans les montagnes
qu'il était obligé de traverser,
BOUTIN
BOUTIN (René-François) , acteur comique,
né à Paris en 1802. D'abord ouvrier ciseleur,
il s'essaya sur les théâtres de société, dans le
répertoire de Potier; ensuite il parcourut la
province et revint, en 1827, s'engager au théâ-
tre de Belleville. En 1831, lors de l'ouverture
de l'ancienne salle Montansier devenue le
théâtre du Palais-Royal, M. Boutinfut appelé à
faire partieMe la nouvelle troupe, composée
notamment de jeunes artistes de la banlieue.
Il y tint pendant sept ans l'emploi des seconds
comiques, et joua principalement : la Chanteuse
et l'Ouvrière, Judith et Holopherne, le Conseil
de discipline et les Marais Pontins. Mécontent
des appointements qui lui étaient dévolus,
M. Boutin avait repris les outils du ciseleur,
lorsque l'Ambigu, qui cherchait un comique,
songea a, lut. On le trouva un dimanche, pé-
chant à la ligne sur les bords de la Seine, à
Puteaux, et, quelques mois plus tard, il débu-
tait à. l'Ambigu, dans le Naufrage de la Mé-
duse. Il obtint un franc succès ; mais le rôle
qui le posa enfin parmi les individualités dra-
matiques fut celui de Roussillondans l'Ouvrier,
de Frédéric Soulié (1840); vinrent ensuite les
Garçons de recette, les Brigands de la Loire,
les Pupilles de la garde, les Filles de l'Enfer.
Puis il quitta l'Ambigu pour le même motif
qui l'avait éloigné du Palais-Royal, et, pen-
dant cinq ans, retourna à sa ciselure, Mais
M. Alexandre Dumas ayant fondé le Théâtre-
Historique , M. Boutin y fut appelé. Ce fut la
qu'il trouva un pendant à Roussillon, en
créant Caderousse de Monte-Cristo, rôle dans
lequel il déploya un talent hors ligne et pro-
duisit un effet dont le souvenir est resté.
Avant cette pièce, il avait paru dans la Reine
Margot et le Chevalier de Maison-Rouge ; de-
puis il se montra dans Caligula, les Frères
corses, la Jeunesse des mousquetaires, la Guerre
des femmes. Cependant le Théâtre-Historique
fut fermé, et M. Boutin se trouva de nouveau
sans emploi. Après avoir repris à l'Ambigu
Monte-Cristo. il fut enfin engagé h la Porte-
Saint-Martin (1852). C'est là qu'il s'est distin-
gué dans la Poissarde, les Nuits de la Seine,
la Faridondaine, la Vie d'une comédienne,
Shakspeai'e, etc. De la Porte Saint-Mar-
tin, il est passé à l'Ambigu, où il a créé
l'Aïeule (1863) et le Comte de Saulles (1864),
rôle du matelot Louisard. M. Boutin est un
acteur très-applaudi au boulevard, où il est
goûté pour le naturel avec lequel il repro-
duit les types populaires* Il fait ressouve-
nir de la pléiade dramatique qui florissait au
temps des Odry, des Vernet, des Potier, des
Tiercelin. Il a toute la franchise qui faisait
autrefois de ce dernier un comédien unique ;
déplus, il a la sensibilité, et sait toucher et
convaincre. Nul n'a plus que lui le don de la
terreur et des larmes, tout en demeurant sim-
ple. Son Je le savais, de la Poissarde, a été
proverbial comme le Qu'en dis-tu? de Manlius.
Enfin il sait écouter, qualité rare au théâtre
et qui produit souvent sur le spectateur un
effet immense.
BOUTIQUE
BOUTIQUE s. f. (bou-ti-ke — gr. apothèkê,
même sens, formé de apotithêmi, je dépose,
je place). Lieu d'étalage et de vente au dé-
tail : BOUTIQUE de bijoutier, d'épicier, de bot-
tier , de boulanger. Ouvrir une BOUTIQUE.
BOUTIQUESBOUTIQUES en plein vent. Toutes les BOUTIQUES
sont tendues de filets invisibles où vont se
prendre les vogageurs. (Montesq.) Je le vis,
il y a quarante ans, courir les BOUTIQUES de
Paris. (Volt.) Cette BOUTIQUE était tenue par
une espèce de maître Jacques. (Balz.) La BOU-
TIQUE orientale diffère beaucoup de la BOUTI-
QUE européenne. (Th. Gaut.) Les BOUTIQUES
se sont embellies avec la venue des commandes.
(Cussy.) Ces voleurs de joailliers imitent si
bien les pierres, qu'on n'ose plus aller voler
dans les
BOUTINOUX
BOUTINOUX s. m. (bou-ti-nou). Hortic.
Variété de raisin.
BOUTIQUESBOUTIQUES de bijouterie. (Alex. Dum.)
A peine le soleil fait ouvrir les boutiques.
BOILEAU.
On ne déserte pas son heureuBc boutique ;
Du matin jusqu'au soir, il ne voit qu
1
acheteurs.
BOURSAULT.
— Par ext. Contenu d'une boutique ; mar-
chandises qui la garnissent : Il a vendu sa
BOUTIQUE. Il a engagé toute sa BOUTIQUE.
C'est la
BOUTIQUEBOUTIQUE à treize sous. Je ne donne-
rais pas vingt francs de toute sa BOUTIQUE. H
Ensemble des personnes qui desservent la
boutique : Toute la BOUTIQUE riait aux lar-
mes, il Syn. de COMMERÇANT, BOUTIQUIER : Un
jour la
BOUTIQUEBOUTIQUE cria au scandale. (Proudh.)
— Lieu, atelier où un artisan travaille :
La
BOUTIQUEBOUTIQUE d'un tapissier, d'un serrurier,
d'un tailleur, d'un gantier, d'un armurier.
Travailler en BOUTIQUE. Jésus-Christ passa
trente ans dans la BOUTIQUE d'un artisan. (Fén.)
Lorsque je vais promener mes regards dans
Paris, je remarque avec joie l'accroissement
et l'amélioration des BOUTIQUES de pâtissiers.
(Cussy.)
— Ensemble des outils d'un artisan, de
toute espèce d'instruments ou d'ustensiles :
Il a emporté, ses marteaux, ses limes, enfin
toute la BOUTIQUE. Vous avez une BOUTIQUE de
menuisier chez vous. (Acad.)
— Boîte qui contient la marchandise d'un
mercier ambulant.
— Fam. et en mauvaise part, Maison, éta-
blissement où se fait une chose avec une
idée de trafic, de lucre : Tenir BOUTIQUE d'a-
vocat consultant. Napoléon voulait que chacun
ne fût pas libre de lever une BOUTIQUE d'in-
struction, comme on lève une BOUTIQUE de
draps. (Cormen.) Les temples n'étaient aux
yeux des quakers que des BOUTIQUES de char-
latanerie. (R&ynaï.) Fst-on moins bien aimant,
pour n'avoir pas craché du latin dans la BOU-
TIQUE d'un prêtre ? (V. Hugo.) H Lieu où l'on
travaille à quelque chose en commun : Il est
temps que Grimm arrive et que je lui remette
le tablier de sa BOUTIQUE. (Dider.) Il Maison,
établissement mal tenu, mal dirigé, où les
employés sont mal payés ou mal traités :
Quelle
BOUTIQUE?BOUTIQUE? H II était fort mal dans cette
cour par ses bons mots : il lui avait échappé
de dire qu'il ne savait pas ce qu'il faisait dans
cette BOUTIQUE. (St-Sim.) Nous donner une
loge de côté et aux troisièmes encore l BOUTI-
QUE d'administration l (L. Reybaud.)
— Fig. Commerce, trafic, lucre : La science
et la vérité ne, sont plus rien ; ce que l'on adore
maintenant, c'est la BOUTIQUE. (Proudh.)
Dans un siècle marchand, tout se change en boutique.
ANCBLOT.
— Source à laquelle on emprunte :
Boccace n'est te seul qui me fournit,
Je vais parfois en une autre boutique.
LA FONTAINE.
— Garde'boutique, Objet que le marchand
ne peut vendre et qu'il a depuis longtemps
dans sa boutique : C'est un GARDE-BOUTIQUE.
Ce sont des GARDE-BOUTIQUE. Il Garder la bou-
tique, Se dit de ce qui ne se vend pas, de ce
qui reste dans la boutique :
Et Gombaud tant vanté garde encor la boutique.
BOILEAU.
H Garçon, fille de boutique, Homme, femme
qui fait la vente dans une boutique, il Cour-
taud de boutique, Se dit par mépris pour
GARÇON DB BOUTIQUE : ^
Il n'est ni crocheteur ni courtaud rfc boutique
Qui n'estime à vertu l'art où la main s'applique.
RÉGNIER.
Nos filles vendent leur honneur
Au dernier courtaud de boutique.
P . DUPONT.
f] Se dit par analogie d'un homme ignorant,
sans instruction, sans éducation, le métier
de garçon de boutique n'exigeant guère de
connaissances spéciales, il Fonds de boutique
ou simplement fonds, Ensemble des mar-
chandises qui sont dans une boutique et du
mobilier et ustensiles employés à l'étalage
et à la vente, comme caisses, étagères, comp-
toirs, etc., etc. : Vendreson FONDS, son FONDS
DE BOUTIQUE. Acheter un FONDS d'épicier. S'est
dit. fig. De ce qu'on a coutume de retrou-
ver dans une sorte d'affaires, dans certaines
circonstances données : Les mécontents sont
le FONDS DE BOUTIQUE de toutes les opposi-
tions. (Balz.)
— Boutique d'honneur, Maison do débau-
che. C'est a tort que les auteurs du Complé-
ment de l'Académie ont .vu une antiphrase
dans cette locution. L'Aonnetir n'est pas ici
une allusion au côté moral de ce commerce
mais à la nature de la marchandise. La bou-
tique d'honneur n'est pas .une boutique hono-
rable, mais bien une boutique où l'on vend
son honneur. Il n'y a pas là d'antiphrase,
mais seulement une opposition piquante en-
tre l'idée d'honneur et celle de marchandise.
— Se mettre en boutique, ouvrir, lever, tenir
boutique, Entreprendre, faire en. boutique un
commerce ou une industrie : Les uns y TIEN-
NENT BOUTIQUE et ne songent qu'à leur profit.
( J . - J . R.OUSS.) VOUS TENEZ BOUTIQUE pour tout
le monde ; jene m'en iraipas d'ici avant d'avoir
été papilloté, crêpé, bichonné, parfumé à
l'huile antique. (Scribe.) Et Fig. Faire métier
ou profession de quelque chose : C'est un in-
trigant, qui TIENT BOUTIQUE de philanthropie.
Il se trouvera à la fin que moi, qui ne LEVÉ
pas
BOUTIQUEBOUTIQUE l Que faites-vous dans une pa-
reille
BOUTIQUEBOUTIQUE de philosophie, je serai plus
philosophe qu'eux tous. (M'ic de Sév.) Il Fer-
mer boutique, Cesser de travailler ou de ven-
dre eh boutique, quitter le commerce : Il ne
veut plus être marchand ; il a FERMÉ BOUTI-
QUE. (Acad.) E t Fig. Cesser de faire ce que
l'on faisait, renoncer à son industrie : Le mé-
tier de poète ne nourrit pas son maître; FER-
MONS BOUTIQUE. Il faut espérer qu'ils seront
bientôt contraints de FERMER BOUTIQUE et de
louer leurs tréteaux et leurs salles à d'autres
acteurs. (S. Maréchal.)
— Prov. Faire de son corps une boutique
d'apothicaire, Prendre une grande quantité
de remèdes : Ma fi! je me moque de ça, je
ne veux pas FAIRE DE MON CORPS UNE BOUTIQUE
D'APOTHICAIRE. (Mol.) H Adieu la boutique! Se
dit d'une entreprise qui tombe. Il Cela vient,
sort ou part de la boutique d'un tel, Cela est
de l'invention d'un tel, c'estun tel q u i a tenu
ce propos, qui a débité cette nouvelle, il Cela
sort de la boutique de Satan, C'est une ca-
lomnie affreuse, une invention diabolique.
—Argot. La grande boutique, Le Palais-de-
Justice ou la Préfecture de police.
— Techn. Gaine de bois ou de cuir, qui
contient les outils du boucher.
— Pêch. Espèce de caisse flottante à claire-
voie ou à parois percées de trous, dans laquelle
on conserve le poisson vivant, pour les be-
soins immédiats. Si la boutique à poisson est
amarrée dans le courant d une rivière lim-
pide, elle sert à renfermer les poissons que
l'on retire des eaux vaseuses des étangs ; ïh,
ils perdent leur goût désagréable et acquiè-
rent une chair plus ferme. Les espèces car-
nassières doivent être nourries d'aliments
appropriés et séparés des espèces inoffen-
sives. Certains poissons, comme la plupart
des salmones, n y mangent jamais et, par
suite, y dépérissent promptement.
— Syn. Boutique, atelier, c l i e n t è l e , labo-
ratoire, ouvroir. V . ATELIER.
— Encycl. Nos industriels modernes ont
des bureaux spacieux, et tous les commer-
çants, en gros ou en détail, reçoivent leurs
clients dans de brillants magasins que déco-
rent et embellissent toutes les ressources de
l'art et de la fantaisie luxueuse ; manufacture,
fabrique, dépôt, magasin, lit-on sur les pros-
pectus pompeux des diverses branches du
commerce parisien ; sur aucun ne figure la
mot boutique. Tenir boutique, fi doncl C'est
une expression qui n'a plus cours. Foin de ces
vieilles demeures enfumées, sombres, où de
paisibles boutiquiers se succédaient de père en
fils, même après avoir fait fortune l II faut au
commerce moderne d'élégants magasins tout
ornés de glaces, de dorures miroitant sous les
reflets de nombreux becs de gaz qui distribuent
généreusement une lumière éclatante, là où
jadis se fût timidement projetée la lueur in-
décise d'un quinquet fumeux ou même d'une
modeste chandelle de suif. Il est vrai que
souvent le promeneur, qui a remarqué un de
ces beaux magasins éclos d'un jour à l'autre
au rez-de-chaussée d'un édifice monumental,
et qui retourne pour s'y approvisionner six
mois plus tard, ne retrouve plus que des vo-
lets fermés sur lesquels il lit : « A louer * ; toute
la petite fortune du commerçant a passé dans
les frais d'installation, et quand la caisse a
été vide, le commerçant est parti. Les bouti-
ques de l'ancien Paris étaient autrefois d'ob-
scurs réduits, dans lesquels s'empilaient et
s'entassaient les marchandises destinées à
être livrées au public ; c'était pourtant de ces
boutiques enfumées que sortaieut les officiers
municipaux de la bonne ville de Paris; le pré-
vôt des marchands, les échevins étaient de
dignes boutiquiers qui se trouvaient un beau
jour, grâce à leur honnêteté et à leur bonne
foi marchande, appelés par leurs concitoyens
à l'honneur de siéger à côté des Miron, des
Lescot, des Barbette, des Chauchat, etc.
Toutefois, la noblesse ne pouvait être ac-
quise par ces loyaux trafiquants, et Louis XIV,
qui, par son édit du mois de juillet 1656, con-
firma la noblesse au prévôt des marchands et
aux échevins de Paris, y introduise cette
1160 BOUT BOUT
BOUT
BOUT
restriction : • Pourvu toutefois qu'ils ne fis-
sent point le débit de marchandises en détail
et en boutique ouverte. Et cependant, Dieu
sait quels services elles rendaient à. tous, ces
boutiques considérées comme un obstacle à
l'anoblissement!
Dans le Paris ancien, on voyait souvent
des quartiers ou des rues occupés par des
boutiques affectées a un commerce spécial :
les conliseurs étaient établis rue des Lom-
bards, les boutiques des bonnetiers abondaient
rue Saint-Denis, et celles des marchands d'ai-
guilles rue de l'Aiguillerie. De nos jours en-
core, nous voyons
t
comme un reste de cette
ancienne coutume, la rue de Cléry donner de
préférence asile aux boutiques des marchands
de meubles, et avant que la pioche de l'expro-
priation eût entamé la rue Guérin-Boisseau,
elle n'avait guère d'autres boutiques que cel-
les des cordonniers et bottiers populaires. Ce
fut le besoin d'argent qui poussa Philippe-
Egalité à construire des boutiques dans le
Palais-Royal; l'opinion publique se vengeait
par des sarcasmes, et la cour persiflait sans
pitié ces boutiques que le premier prince du
sang faisait construire pour les louer à des
marchands. Bientôt, la plupart furent occu-
pées par des marchandes de modes qui joi-
gnaient a- l'étalage des modes nouvelles celui
de leurs charmes, tandis que les libraires,
leurs voisins, étalaient à leurs boutiques des
livres qui se ressentaient fort du voisinage
des maisons de ieu et de plaisir. Tout cela
disparut lors de la réédification des galeries.
Ce fut sur les boulevards de Paris que les
marchands modernes commencèrent à ouvrir
de ces boutiques qui n'étaient plus des bouti-
ques et qui attiraient les regards des passants
par la richesse de leur ornementation; îes
boutiques des limonadiers commencèrent la
transformation, et, bientôt après, celles des
charcutiers, qui, jusqu'aux environs de 1830,
n'étaient que d'affreux bouges, exhalant une
odeur infecte et indiquant aux passants leur
existence à l'aide d'une lanterne fumeuse ac-
crochée au-dessus de la porte. Chaque com-
merçant se crut depuis dans l'obligation de
suivre l'élan, et bientôt toutes les boutiques
étant changées en brillants magasins, ï'ar-
rière-boutique elle-même devint un salon.
Malgré l'immense étendue du Paris mo-
derne, on y chercherait en vain quelque chose
qui^ressemble, même de loin, a la boutique de
maître Guillaume décrite par Balzac, cette
fameuse boutique du Chat qui pelote : « Une
formidable pièce de bois, horizontalement ap-
puyée sur quatre piliers, qui paraissaient
courbés par le poids de cette maison décré-
pite, avait été réchampie d'autant de couches
de diverses peintures que la joue d'une vieille
duchesse a reçu de rouge. Au milieu de cette
large poutre mignardement sculptée, se trou-
vait un antique tableau représentant un chat
qui pelotait... A droite du tableau, sur un
ehamp d'azur, qui déguisait imparfaitement la
pourriture du bois, les passants lisaient : GUIL-
LAUME, et à gauche : SUCCESSEUR DU SIEUR
CIIEVREL. • Si ces boutiques-\h existaient en-
core au temps où Balzac écrivait, elles ont
aujourd'hui complètement disparu, et si, dans
quelques rues des quartiers populeux, on voit
au bas de quelque vieille maison une boutique
à la devanture garnie de barreaux de fer,
comme étaient jadis celles des boulangers et
des marchands de vin, l'ameublement ou plu-
tôt l'agencement de l'intérieur formera le-
plus étrange contraste avec la physionomie
de l'extérieur.
Au reste, il faut bien le dire, si l'artiste et
l'antiquaire se surprennent parfois à regretter
les boutiques pittoresques des anciennes rues
de Paris, comme celles qui bordaient les
ponts et nue l'édilité a eu le bon goût de jeter
a bas, nul ne saurait les préférer aux maga-
sins modernes, amplement pourvus d'air, de
jour et de lumière, ce qui manquait totale-
ment aux boutiques de la bonne ville de Pa-
ris.
— Législ. et police. A Paris, les boutiques
doivent être fermées à onze heures du soir;
toutefois, les cafés et tous les établissements
où l'on vend des comestibles ou des boissons
peuvent rester ouverts jusqu'à minuit. Les
devantures de boutique ne peuvent être la-
vées après l'heure fixée pour le balayage de
la rue. Les auvents de boutique ne peuvent
dépasser une saillie de 0 m. 80, et les bar-
reaux ou grilles celle de 0 m. 16 ; toutefois, le
socle sur lequel reposent ces barreaux peut
aller jusqu'à 0 m. 22. Toute boutique est con-
sidérée comme un lieu public, et les agents
de l'autorité peuvent y entrer librement,
t
soit
pour y faire des recherches, soit même pour
arrêter les personnes qui s'y trouvent lors-
qu'ils en sont requis.
B O U T I Q U I E R , 1ÈRE s. (bou-ti-kié, iè-re —
rad. boutique). Artisan ou marchand qui est
en boutique. Se dit le plus souvent par dé-
nigrement : Le propriétaire campagnard pro-
fesse un souverain mépris pour te BOUTIQUIER
et le petit bourgeois des villes. Le BOUTIQWKR.
qui crie contre la courra ses courtisans. (Balz.)
"onjour, mon fiston, lui dit M. Postel, le vé-
ritable type du BOUTIQUIER deprovince. (Balz.)
E O U T I Q U I E B , 1ÈRE adj. (bou-ti-kié, iè-
re — rad. boutique). Qui exerce la profession
ue boutiquier, qui appartient, qui se rapporte
à la boutique : Les pâtissiers ont institué une
"été pour cette martyre BOUTIQUIERS. (G. de
Nerv.) Crevel
t
toujours bourgeois et BOUTI-
QUIER en diable, quoique maire de Paris...
(Balz.) Le chef de l établissement s'avança avec
ces grâces BOUTIQUIÈRES OÙ le prétentieux et
le patelin se mêlent agréablement. (Balz.)
Quel effroi ce ministre eût jeté parmi la ma-
jorité BOUTIQUIERS, s'il se fût mis à développer
cette thèse magnifique/ (Proudh.)
BOUTIS
BOUTIS s. m. (bou-ti—rad. boute). Comm.
Tonneau, futaille, il Vieux mot.
BOUTIS
BOUTIS s. m. (bou-ti — rad. boutoir). Vé-
ner. Endroit où le sanglier a fouillé avec son
boutoir; traces de cette fouille : Cette partie
de la forêt est pleine de BOUTIS. (Acad.) Par
les
BOUTIS,BOUTIS, on juge de la grosseur et de la lon~
gueur de la hure d'un sanglier. (E. Chapus.)
BOUTISSE
BOUTISSE s. f. (bou-ti-se — rad. bout).
Constr. Disposition d'une pierre ou d'uno
brique qui présente son bout, c'est-à-dire
son côté étroit, au lieu de présenter sa lon-
gue face, comme dans la disposition en pare-
ment : Les pierres en BOUTISSE donnent aux
murs une grande solidité. Placer alternative-
ment des pierres en BOUTISSE et en parement.
(Acad.) |l Adjectiv. : Pierre, brique BOUTISSE,
Pierre", brique à laquelle on donne cette dis-
position.
BOUTO,
BOUTO, divinité égyptienne, identifiée par
les Grecs avec la Nuit, les Ténèbres et le
Chaos. V. BUTO.
BOUTOIBOUTOI s. m. (bou-toi — forme ancienne
du mot boutoir). Blas. Bout du groin du san-
glier, d'un émail différent de celui de la
hure, ou tourné vers le haut de l'écu.
BOUTOIR
BOUTOIR s. m. (bou-toir — rad. bouter).
Techn. Outil qui sert aux maréchaux fer-
rants pour enlever la pousse de la corne qui
empêcherait d'ajuster le fer. il Instrument
avec lequel le corroyeur écharne les cuirs, les
débarrasse des chairs qui y restaient atta-
chées.
— Véner. Groin d'un sanglier, et par ext.,
d'un cochon, d'un tapir, d'une taupe, d'un
animal dont le museau sert à fouir et a quel-
que ressemblance avec celui du sanglier :
Les sangliers fouillent la terre avec leur BOU-
TOIR. (Buff.) Il Os du boutoir, Petit os qui
donne de la fermeté au boutoir du sanglier.
— Fam. Coup de boutoir, Trait d'humeur,
parole rude, blessante : Il vous donnera quel-
que COUP DE BOUTOIR. Ce vigoureux COUP DE
BOUTON
BOUTON s. m. (bou-ton. — Deux opinions
différentes partagent les linguistes sur l'ori-
gine de ce mot : les uns , comme Chevallet,
veulent y voir un dérivé du mot bout, qui,
lui-même
?
appartient, suivant eux, à la
même famille que le mot but; d'autres, tout
en reconnaissant également que bouton vient
de bout, assignent à ce dernier une autre
origine que celle de but. Qu'on nous permette
d'invoquer ici l'autorité de M. Delâtre, qui
se prononce dans ce sens. L'anglais bud, dit-
il, le hollandais bot, bourgeon, rejeton, sont
identiques au sanscrit bhutan, au latin butus
r
dans arbutus, au grec phuton. Tous ces mots
se rattachent eux-mêmes à une racine pri-
mitive croître, être, exister. Bot, poursuit-il,
nous a donné bout, qui a le sens figuré de
son primitif excroissance, dans bout du sein,
b'out de fleuret, à bout portant, un bout
d'homme, etc. Le sens propre s'est main-
tenu dans le dérivé bouton, excroissance :
lo petit corps arrondi qui pousse aux arbres ;
2o petite tumeur qui se forme sur la peau;
3o corps rond qui termine la mamelle, le
bouton du seinj 4« petite pièce ronde et
plate, quelquefois bombée, qui sert à atta-
cher différentes parties du vêtement. Comme
le fait fort judicieusement remarquer M. De-
lâtre, le même passage du sens propre au
sens métaphysique se remarque dans le latin
gemma : l« bouton des arbres, œil de la vi-
gne: 2° pierre précieuse ; et dans bourgeon :
io bouton d'arbre; 2° tumeur. Il ne faut
pas confondre avec ce groupe étymologique
un autre groupe qui lui ressemble beaucoup
extérieurement. Ainsi M. Delâtre est d'avis
que dans l'expression : un bout de saucisson,
le mot bout n est pas le même que dans bout
du sein, etc. ; il rapporte ce vocable à l'alle-
mand butzen, ce qui est coupé, séparé, mor-
ceau. De même bouture, qui veut dire pro-
prement une branche coupée qu'on place en
terre pour y prendre racine. L'allemand
butzen appartient à un radical badh, frapper,
couper, et dans cette hypothèse, cette série
étymologique serait intimement liée à celle
qu'ouvre le mot but. Bout, ajoute M. Delâtre,
signifie encore le côté coupé, l'endroit où une
chose cesse, l'extrémité, la pointe. Il nous
semble qu'arrivé à ce degré il est bien dif-
ficile de ne pas le confondre avec bout, bou-
ton, etc. Td. Delâtre rapproche encore de
cette seconde série le mot bot, dans pied bot,
et le.verbe boiter, en se servant comme formes
intermédiaires du hollandais bot et de l'es-
pagnol boto, émoussé, lourd, grossier, repré-
sentant le participe passif sanscrit badaha^
frappé, blessé). Petit corps proéminent qui
pousse sur une plante et donne naissance à
une tige, à une fleur, à une ou plusieurs
feuilles : Un BOUTON de rose. BOUTONS à bois.
BOUTONSBOUTONS à feuilles. On remarque dans un
BOUTOIRBOUTOIR réveilla l'attention de l'assemblée.
Cet abbé Boileau me parait offrir la brusque-
rie, le trait, le coup DE BOUTOIR satirique de
son frère. (Ste-Beuve.)
BOUTONBOUTON de rose naissante ce qui promet une
belle fleur. (Fén.) En automne, les cerfs cher-
chent pour nourriture les BOUTONS des arbres
verts. (Buf.) 'Avant que ie lis s'ouvre, on voit
à l'extrémité de la tige un BOUTON oblong
t
verdâtre, qui blanchit à mesure qu'il est prêt
à s'épanouir. (J.-J. Rouss.) Les BOUTONS des
fleurs sont destinés à multiplier et à perpétuer
les espèces. (A Martin.) Bans le BOUTON de
fleur, la fleur est tout entière avec ses parties
essentielles. (Renan.) Le BOUTON, étant une
fleur non épanouie, doit se composer de toutes
les parties que cet organe présentera plus tard.
( D ' O r b i g n y . )
La rose nous sourit a travers ses boutons.
BOISJOLIN.
Le bouton s'est ouvert, et Flore est dévoilée.
MOLLE VAUT.
Zéphyr caresse le bouton
De la rose qui vient d'éclore.
V J G S J .
Pauvres enfants, chacun d'eux pousse,
Frais comme un bouton printanier.
BÉRANGER.
— Par anal. Le bout du sein, Mamelon :
BOUTONBOUTON naissant. BOUTON incarnat :
Et ce beau sein dont le bouton naissant
Cherche à percer le voile transparent.
PARNT.
Il On dit poétiquement BOUTON DE ROSE dans le
même sens.
— Fig. Ce qui n'est pas encore développé;
état de développement incomplet : L'espé-
rance est le fruit en BOUTON. (Maxime orient.1
La femme en BOUTON est sacrée. (V. Hugo.)
C'était la grande dame en BOUTON, l'échantil-
lon de toutes nos élégances. ( P . Féval.) Il se
flatte d'éblouir par son éclat, mais sa fortune
n'est encore qu'en BOUTON. (Balz.) Le BOUTON,
amer quelques jours
t
donne une fleur douce.
(Ste-Beuve.)
— Petite pièce, en matière plus on moins
dure, que l'on assujettit en certains endroits
d'un vêtement, pour entrer dans des fentes
appelées boutonnières ou dans des ganses ou
des brides qui en tiennent lieu, et réunir
ainsi les parties ouvertes du vêtement : Les
BOUTONSBOUTONS d'une redingote, d'un pantalon, d'un
gilet, d'une amazone. BOUTON de métal, d'a-
cier, d'or, d'argent, de diamant, de bois, de
nacre. Marchand, fabricant de BOUTONS. Une
douzaine, une grosse de BOUTONS. Il se mon-
trait toujours vêtu d'un habit marron à BOU-
TONS dorés. (Balz.) Une dame mettait un de
ces longsgants qu'une rangée de BOUTONS ferme
jusqu'au coude. Sous ses doigts impatients, le
premier
BOUTONBOUTON saute, puis le deuxième, le
troisième; enfin, toute la rangée saute à la file.
— Tiens, les BOUTONS de Panurge! s'écrie le
mari. (E. Chavette.)
Celui-ci, dît le Vent, prétend avoir pourvu
A tous les accidents, mois il n'a pas prévu
Que je Baurai souffler de sorte
Qu'il n'est bouton qui tienne
LA FONTAINE.
— Moules de boutons, Petits morceaux de
bois ou d'os qu'on recouvre d'étoffe pour en
faire des boutons. Il Boutons de soie, de fil,
de drap. Boutons recouverts de soie, de fil,
de drap.
— Par ext. Objet arrondi qui tient à quel-
que chose par une tige ou collet plus étroit
que cet objet lui-môme : Le BOUTON d'un fleu-
ret. Le
BOUTONBOUTON du haut d'une pelle à feu. Le
BOUTONBOUTON d'un tiroir. On met au haut des canons
de fusil des BOUTONS qui servent à viser, n
Bouton de serrure, de UCJTOU, Partie saillante
et arrondie à l'aide de laquelle on tire et on
pousse le pêne d'une serrure ou d'un verrou.
il Bouton de porte, Pièce souvent en ferj en
cuivre ou en verre, arrondie, ovale ou poly-
gonale, qui sert à tirer une porte ou à l'ou-
vrir : Tourner le BOUTON de ta porte. Tournes
le BOUTON.
— Loc. fam. Presser, serrer le bouton à
quelqu'un, Le serrer de près, le pousser vive-
ment pour l'amener, par force ou par ruse, à
faire ce qu'on désire de lui : Je suis homme
poursERRER LE BOUTON à qui que ce puisse
être. (Mol.) Les traitants savent toujours SER-
RER LE BOUTON aux emprunteurs. (Dancourt.)
Ainsi emploie Ftorine à ce petit maquignon-
nage, et dis-lui de PRESSER vivement LE BOU-
TON au droguiste. (Balz.)
Entre nous sans façon
A Valêre, de près, j'ai serré le bouton.
REONARD.
n A signifié Faire le difficile, montrer une
réserve solennelle :
Maintenant, six chevaux font rouler son carrosse :
Il serre le bouton quand on s'adresse a lui.
BOURBAULT.
... Je leur ai serré de si près le bouton.
Qu'il a fallu, morbleu! qu'ils changeassent de ton.
LA CHAUSSÉE.
Il Mettre le bouton haut, Rendre une chose
difficile, onéreuse : Quand on débute, il ne
faut passe METTRE LE BOUTON HAUT en faisant
trop espérer. La dépense qu'il faisait MET I,K
BOUTONBOUTON bien HAUT à son successeur. (M
U1
« de
Sév.) Cette locution et la précédente sont une
allusion au bouton à l'aide duquel on peut,
à volonté, serrer ou lâcher la bride d'un che-
val. Il Ne tenir, qu'à un bouton, Etre très-peu
assuré, comme un vêtement qui ne tiendrait
que par un bouton : La colère du roi fit peur
aux Bouillon ; leur rang NE TENAIT QU'À UN
BOUTON. (St-Simon.) il Se dit particulièrement
d'un état auquel on tient peu, que l'on serait
très-disposé à quitter, état que l'on fiçure
ici par le vêtement ou les insignes qui en
sont le symbole : Sa soutane, sa robe d'avo-
cat, sa toge de professeur, ses êpaulettes d'of-
ficier NE TIENNENT QU'À UN BOUTON. U Je n'en
donnerais pas un bouton, Je considère cela
comme une chose sans aucun valeur, il Porter
le bouton de l'Empereur, le bouton du roi, Se
dit de tous ceux qui, étant invités aux chasses
de l'Empereur ou du roi, sont autorisés à s'y
présenter avec un costume dont les boutons
sont semblables à ceux qui ornent les habits
de chasse de l'Empereur ou du roi.
— Argot. Pièce de vingt francs.
— Fam. Bouton de guêtre. Expression par
laquelle on désigne quelquefois les as au jou
de piquet.
— Techn, Chacune des petites chevilles qui
fixent les cordes de la harpe et de la guitare. •
Il Morceau de bois arrondi, où est attachée
la queue d'un violon, il Pointe arrondie des
lames de ciseaux, a Extrémité arrondie delà
tige des clefs qui ne sont point forées. On dit
aussi BOUT. I! Outil avec lequel on diminue
le sabot d'un cheval, pendant le ferrage. Le
véritable nom est BOUTOIR, II Forte attache
de cuir qui sert à joindre la patted'une attelle
au collier, il Fragment de ni de fer fixé sur
le manche d'un parapluie ou d'une ombrelle,
au-dessus du ressort supérieur, et qui a pour
objet d'empêcher le coulant de la fourchette
de monter plus haut, il Défaut du fil, qui con-
siste en une pelote de filaments courts ot
emmêlés qui se forme à l'extérieur du fil et
n'y adhère que faiblement, il Bouton de re-
tour, Moitié de vieux rochets (bobines) à
travers laquelle sont passés les tirants des
retours noués, pour que les ouvriers puissent
plus facilement les tirer. Il Tissage au bouton,
Nom donné au tissage à la navette volante,
parce que c'est en agissant sur un bouton
que l'ouvrier fait marcher la navette.
— Métall. Bouton de fin, Bouton d'essai ou
simplement Bouton, NOÎIÏ ilannê par Jes es-
sayeurs à la petite musse métallique qui ré-
sulte de l'essai au chalumeau ou a lu cou-
pelle d'un minerai quelconque.
— Mécan. Bouton de manivelle, Boulon qui
sert à réunir une bielle avec une manivelle,
c'est-à-dire une tige rigide avec un rayon
d'un cercle monté sur un axe de rotation.
— Archit. Ornement de sculpture qui fi-
gure un bouton de fleur, et dont on décore
les gorges qui séparent les baguettes ou les
boudins.
— Mar. Gros nœud au bout d'un cordage :
Bosse à BOUTON.
— Artill. Pièce de bois tournée sur la-
quelle on cloue des morceaux de peau de
mouton, la laine en dedans, et dont on se
sert pour retirer les gargousses du canon, n
Bouton de culasse, Espèce de boule qui se
trouve à la partie postérieure des canons, ou
culasse, et fournit un point d'attache ou
d'appui pour les manœuvres de la pièce.
— Arquebus. Bouton de culasse, Partie ta-
raudée de la culasse d'un canon, qui entro
dans le tonnerre,
— Pyrotechn, Extrémité de la rétine du
culot arrondie en forme de zone, du milieu
de laquelle s'élève la broche qui forme l'âme
de la fusée.
— Pathol. Petite tumeur qui se forme sur
la peau : Il m'est venu un BOUTON sur te nez,
sur ta langue. Des BOUTONS de petite vérole.
Des
BOUTONSBOUTONS de vaccine. Il Bouton d'Alep, Ma-
ladie très-commune en Syrie, et consistant
en une tumeur qui s'accroît pendant quatre
ou cinq mois, se guérit en suppurant et
laisse une cicatrice souvent très-profonde, n
Bouton de l'enfance. V. ENFANCE.
— Chir. Instrument dont on se sert, dans
l'opération de la taille, pour déplacer la
pierre ou s'assurer de son existence, il Bouton
de feu, Instrument de fer, en forme de bou-
ton, que l'on fait rouçir «u feu lorsqu'on veut
pratiquer une cautérisation limitéo : Appli-
quer un .BOUTON de feu.
— Art vétér. Bubon qui vient aux che-
vaux atteints du farcin. il Boursouflement
qui survient au pied d'un cheval, lorsque,
après l'avoir dessolé, on n'a pas fait une com-
pression égale sur toute la sole, n Maladie
des bêtes à laine et du gros bétail, espèce
de tumeur qui se développe sur la langue et
finit par offrir les caractères d'un chancre, il
Parties sexuelles de la chienne : Le BOUTON
enfle quand l'animal est en chaleur.
— Manéç. Bouton de la bride, Petit an-
neau de cuir qui coulo le long des rênes et
qui sert à les resserrer, il Mettre un cheval
sous le bouton, Lui serrer la bride autant que
possible à l'aide du bouton.
— Fauconn. Sommet d'un arbre. Il Prendre
le bouton, Se poser sur le sommet de l'arbre.
— Conchyl. Bouton de camisole, Toupie de
Pharaon. Il Bouton de la Chine, Nom commun
à la toupie flambée et à la toupie maculée, n
Bouton de rose, Bulle banderole. Il Bouton
terrestre, Hélice arrondie.
— Bot. Bouton d'argent. Nom vulgaire de
deux renoncules, d'une achillée et d'un aga-
ric. Il Bouton de bachelier ou de la marier,
Lvchnide visqueuse.' il Bouton de culotte, Ra-
dis blanc, il Bouton d'or, Nom vulgaire de la
renoncule acre, de la gnaphale citrine et
d'un agaric :
Il errait dans les prés, cueillant des égtantines.
Et de frais boutons d'or, et de blanches épines.
A. BRIZEUX.
H Bouton noir, Belladone commune, u Bouton
rouge. Nom vulgaire du gaînior, arbre du
Canada.
BOUT
— Epithètes. Tendre, frêle, naissant, jeune,
gracieux, charmant, vermeil, entr'ouvert,
épanoui, fermé, hâtif, précoce, printanier, tar-
dif, paresseux, pâle, languissant, mourant.
Encycl.— Botan. Le bouton n'est autre chose
1
cju'un bourgeon peu avancé et se présentant à
I œil comme un petit corps arrondi, souvent un
peu allongé et qui n'a point encore commencé
à s'ouvrir. Nous avons donné, au mot BOUR- ,
GIÎON, tous les détails nécessaires. V. ce mot.
— Techn. Des épines végétales, des os
do poisson, de brochettes de métal, des ru-
bans ou des lacets ont d'abord servi, suivant
les temps et les lieux, à réunir les différentes
pièces du costume. Les boutons ne sont venus
que plus tard, mais on ignore k quelle épo-
que : on sait seulement que leur invention est
très-moderne. La fabrication de ces petits in-
struments forme aujourd'hui une industrie
très-importante, qui met en œuvre les ma-
tières les plus diverses, principalement le
bois, la corne, l'ivoire, les métaux et la terré
à porcelaine. Les uns sont nus, tandis que
les autres sont recouverts d'étoffe. Ces der-
niers, que l'on appelle généralement moules
de bouton, se font presque exclusivement
avec du bois ou avec des rebuts d'os ou de
corne. A l'exception de ceux de corne, de
métal et de porcelaine, tous les boutons se
fabriquent au tour : seulement la disposition
do l'outil varie suivant qu'ils doivent avoir
un seul trou au centre ou en avoir plusieurs,
comme c'est le cas le plus ordinaire. Pour
les boutons de corne, on découpe la matière
première en rondelles, que l'on ramollit dans
l'eau bouillante et que 1 on comprime ensuite
fortement dans un moule pour leur donner la
forme voulue. Les boutons métalliques s'ob-
tiennent de plusieurs manières, suivant le
métal employé. On fait ceux d'étain ou d'un
alliage de laiton et d'étain par les procédés
du coulage ; tantôt on exécute en même temps
' la rondelle et la queue, tantôt on ne coule
que la rondelle et l'on y soude après coup la
queue. Les boutons de laiton pur ou de cuivre
doré ou argenté se font avec des disques dé-
coupés dans des plaques amenées pur le lami-
nage à l'épaisseur convenable, puis estampées
au balancier: on y fixe la queue par la soudure.
Les boutons dits semi-métalliques se fabri-
• quent par les mêmes procédés. Ils se compo-
sent de deux rondelles de cuivre ou de tôle
mince entre lesquelles est pincée une ron-
delle de toile, et dont la supérieure, ayant un
diamètre un peu plus grand que l'inférieure,
est sertie sur celle-ci. Les diverses espèces
de boutons qui précèdent sont tellement sou-
mises aux caprices de la mode, que, dans l'es-
pace d'une cinquantaine d'années, une seule
maison de Paris en a livré au commerce plus
de six cent mille variétés. Les boutons de por-
celaine, ou boulons en -pâte céramique., sont
une conquête de l'industrie contemporaine.
Ils ont été créés, en 1840, par 1 Anglais
Prosser; mais, en 1845, le fabricant français
Félix Bapterosse est parvenu à les produire
à si bon marché que, depuis cette époque, les
Anglais trouvent plus de profit k s'approvi-
sionner chez lui qu'à fabriquer eux-mêmes.
II y a deux espèces de boutons : des boutons
strass, qui se font avec du feldspath pur, et
des boutons agate, qui se font avec un mé-
lange de feldspath et de phosphate de chaux.
Dans les deux cas, oh ajoute un pou de lait à
la pâte pour lui donner du liant. Cette pâte se
travaille avec une presse qui moule cinq cents
boutons à la fois, et qu'un ouvrier fait fonc-
tionner deux ou trois fois par minute. A me-
sure qu'ils sont moulés, les boutons viennent
se ranger sur une feuille de papier, que l'on
porte ensuite dans un four construit sur le
même principe que les fours usités dans les
cristalleries : dix minutes suffisent pour que
la cuisson soit complète. "Les boutons de por-
celaine sont naturellement blancs, mais on
peut les teindre dans la masse en introduisant
dans cette masse des oxydes métalliques ap-
propriés. On peut aussi, quand les besoins de
la consommation le demandent, les orner par
impression de toute espèce de dessins.
— Boutons de la hiérarchie chinoise. En
Chine, tout le personnel des fonctionnaires
publics est partagé en neuf rangs {pin), sub-
divisés chacun en deux classes, première et
seconde, ce qui forme dix-huit classes ou ca-
tégories. Ces rangs et ces classes ont pour
marques distinctives des globules de diffé-
rentes matières et couleurs, que les Européens
appellent des boutons, et que les titulaires
portent au sommet du bonnet officiel. Voici,
d'après le Journal de van Braam, le tableau
de ces boutons, en allant du rang le plus élevé
au dernier : — 1er rang : ire classe, bouton
d'une pierre précieuse pourpre foncé, arrondi
et à six pans ; 2e classe, le même, de forme
allongée ; — fie r a n g : l'e classe, bouton de
corail ciselé, arrondi et k six pans ; 2e classe,
le même, de forme allongée ; — 3
e
rang :
u e classe, bouton de corail uni, arrondi et k
six pans-, 2
e
classe, le même, de forme allon-
gée j — 4c rang : ire classe, bouton d'une
pierre précieuse bleue transparente, arrondi
et k six pans; 2e classe, le même, de forme
allongée ; — 5
e
rang : 1™ classe, bouton d'une
pierre bleue opaque, arrondi et à six pans ;
2 classe, le même, de forme allongée ; —
6c rang : îru classe, bouton de cristal ou de
verre blanc transparent, arrondi et k six
pans; 2
e
classe, le môme, de forme allongée;
— 7c rang : l " classe, bouton de cristal ou
de verre manc opaque, arrondi et a six pans;
BOUT
2e classe, le même, de forme allongée; —
8e rang : ire classe, bouton d'or ou doré, ar-
rondi; 2e classe, le même, plus petit; —
9e rang : ire classe, bouton d'argent ou ar-
genté, arrondi ; 2
e
classe, le même, plus petit.
L'empereur porte pour bouton une grosse
perle fine.
— Méd. Sous la dénomination de boutons
ont été désignées plusieurs affections cuta-
nées de nature fort différente, mais ayant
pour caractère commun la présence k la peau
de petites élevures, ordinairement rouges,
arrondies ou acuminées. Le langage scienti-
fique, plus rigoureux, a réservé le nom de
bouton, d'après Alibert, à de petites élevures
cutanées, isolées, arrondies, très-peu doulou-
reuses, qui ne sont qu'une altération légère
de l'épiderme et qui se terminent, au bout
d'un temps très-court, par une desquammation
furfuracée. Les autres altérations patholo-
f
iques, désignées vulgairement sous le nom
e boutons, se rapportent aux tubercules, aux
vésicules, aux pustules et aux papules.
— Bouton d'Atep. C'est une affection cuta-
née, très-rarement observée en France, mais
qui règne k l'état endémique, non-seulement
à Alep, mais k Bagdad et dans plusieurs au-
tres villes de Syrie. Elle est caractérisée par
le développement d'un tubercule cutané qui
intéresse toute l'épaisseur du derme, s'ulcère
au bout de quelques mois et laisse une trace
cicatricielle indélébile. Le bouton d'Alep se
distingue en bouton mâle et bouton femelle; le
premier est unique, le second est entouré
d'autres petits Douions moins volumineux.
L'affection débute par une saillie du derme,
large comme une lentille, qui se convertit, au
bout de trois mois, en un tubercule assez
gros entouré d'un érythème douloureux ; en-
fin, à sa troisième période, le bouton est de-
venu une ulcération large de 0 m. 1 à 0 m. 8,
qui se recouvre de croûtes humides et se ter-
mine enfin en laissant une cicatrice indélébile
et difforme.
Le bouton d'Alep attaque indistinctement
tous les sexes et sévit à tous les âges ; les
habitants des localités'dans lesquelles il est
endémique en sont presque tous affligés, et
les étrangers, au bout d'un temps de séjour
plus ou moins long, lui payent leur tribu.
C'est ainsi qu'il peut se montrer dans les
pays occidentaux, car il arrive que le voya-
geur qui a séjourné à Alep, pendant un temps
souvent fort court, emporte le germe de la
maladie, qui ne se développe quelquefois que
plusieurs mois après. Le bouton d'Alep ne
récidive pas; il constitue une véritable affec-
tion spécifique de la peau des mieux caracté-
risées. Il est ininoculable et non contagieux,
peu douloureux du reste; le seul inconvénient
qu'il entraîne avec lui,c est la présence de la
cicatrice difforme qui succède à l'ulcération.
Cependant les traitements actifs qu'on lui a
opposés se sont montrés plus nuisibles qu'u-
tiles; de simples applications émollientes con-
viennent infiniment mieux. Toutefois, la cau-
térisation par le fer rouge du tubercule, avant
la suppuration, peut être utile pour régula-
riser et rendre moins apparente la cicatrice.
Les causes productrices du bouton d'Alep
sont toujours fort obscures. On a invoqué
particulièrement l'insalubrité des eaux du
Ooïk, petite rivière qui baigne les murs
d'Alep. D'après Willemin, l'influence des eaux
du Coïk est hors de doute; le bouton d'Alep
sévit sur tous les habitants de la ville qui
font usage de ces eaux, sur les étrangers et
les campagnards qui viennent y séjouraer,
tandis qu'il épargne les paysans sédentaires
des campagnes environnantes et tous ceux qui
s'abstiennent de l'usage de ces eaux. L'eau
du Coïk, analysée par M. Bussy, n'a cepen-
dant rien présenté, dans sa composition chi-
mique, qui puisse expliquer la production d'un
mal aussi étrange, si ce n'est une matière
organique encore mal définie.
— Bouton de Biskra, bouton de Biskara ou
de Cochinchine. C'est une affection analogue
k la précédente. Le bouton de Biskra appa-
raît sur la face ou les membres ; il est ordi-
nairement unique; quelquefois plusieurs bou-
tons existent chez le même individu. Il est
caractérisé par le développement d'un tuber-
cule rouge, saillant, violacé, qui apparaît sur
la peau, s'ulcère et se recouvre de croûtes
épaisses en s'entourant de bords saillants et
taillés k pic. Après deux mois de durée envi-
ron, l'ulcère commence k entrer dans le tra-
vail de réparation et se comporte comme les
ulcères de nos contrées. Sa durée totale est
de deux k huit mois.
L'étiologie du bouton de Biskra est aussi
obscure que celle du bouton d'Alep ; il est pro-
bablement identique k l'ulcère de Mozambique.
Le traitement consiste dans l'usage des anti-
scrofuleux et des antisyphilitiques : l'iodure
de potassium k l'intérieur, les applications io-
dées externes et la compression avec l'em-
plâtre de Vigo sont les moyens curatifs les
plus efficaces. L'action de ces médicaments
sera toujours secondée par le changement de
climat.
— Métall. Bouton d'essai ou de fin. On ap-
pelle ainsi le résidu de la prise d'essai sur un
lingot, une monnaie ou un objet d'or et d'ar-
gent, dont on veut connaître le titre par le
mode d'essai appelé coupellation. La partie
de métal essayée, lorsqu'elle est en fusion et
que le plomb* a entraîné le cuivre dans les
f
iores de la coupelle, reste à l'état de goutte
iquide, ayant la forme d'un bouton presque
BOUT
sphérique. Refroidi, nettoyé de la Htharge
qui y adhère, ce bouton donne k peu près
exactement le poids du fin contenu dans la
quantité essayée. On verra, au mot ESSAI, que
ce mode d'opérer, ayant été reconnu défec-
tueux, a été abandonné pour l'essai des mon-
naies, et remplacé par le procédé découvert
par M. Gay-Lussac et connu sous le nom
d'essai par la voie humide.
— Hist. Les boutons, qui le croirait? eurent
jadis la guerre entre eux. Grande rivalité
s'éleva entre les boutons de drap et les bou-
tons de soie, et quoique ces derniers eussent
pour allié Louis XIV, le vainqueur de toute
l'Europe, leur triomphe ne fut pas assuré.
Voici à quelle occasion eut lieu cette guerre
des boutons. Louis XIV, voulant favoriser le
débit des étoffes de soie, défendit, en 1694, de
se servir de boutons d'étoffes pour les habits,
au lieu des boutons de soie employés Jusqu'a-
lors. En vain on réclama de tous cotés, le
lieutenant général de police tout le premier,
contre un édit aussi arbitraire, le roi ne vou-
lut rien entendre ; il fit répondre par son
chancelier qu'il voulait être obéi en cela
comme en toute autre chose, et ordonna de
confisquer tous les habits neufs et vieux où
il se trouverait des boutons d'étoffe, et de
condamner k l'amende les tailleurs qui les au-
raient fabriqués. A propos de cette mesure
vexatoire, qui ralentit l'essor du commerce
loin de le tavoriser, un curieux rapproche-
ment peut être fait, qui montre bien que l'ar-
bitraire a toujours été en contradiction avec
les principes d'une bonne économie politique.
Dans les considérants de son édit, Louis XIV
disait : « Nous avons été informé du préju-
dice que cause dans notre royaume 1 usage
qui s'est introduit, depuis quelque temps, de
porter des boutons de la même étoffe que les ha-
bits, au lieu'qu'auparavant ils étaient pour la
plupart de soie, ce qui donnait de l'emploi k
un grand nombre de nos sujets. » A Rome,
c'est encore ce système protectionniste qui
est en usage. Il y a deux ans, un industriel
demanda l'autorisation d'établir une scierie
mécanique; on la lui refusa sous prétexte que
ce serait réduire k la misère les scieurs de
long; par la même raison, il n'est pas permis
de photographier les tableaux et" autres œu-
vres d'art, ce qui porterait un trop grand pré-
judice aux artistes qui vivent de reproductions
et de copies.
L'expérience des chemins de fer a démon-
tré combien de semblables craintes sont vai-
nes et puériles, et prouvé que la liberté d'ini-
tiative et d'exécution peut seule permettre k
l'industrie d'atteindre un complet développe-
ment.
Boulon (HISTOIRE n'uN), ouvrage de fan-
taisie humoristique, qui a paru sous le nom
de Pïotre Artamow, sans doute un pseudo-
nyme.
Ce livre, dirigé surtout contre les ridicules
des Allemands, raille agréablement leur manie
de tout exagérer et de faire d'une mouche un
éléphant, leur sentimentalité rêveuse et leurs
aspirations philosophiques vers l'absolu. Les
Allemands ne sont pas seuls atteints par les
traits de cette spirituelle satire; la bureau-
cratie moderne, avec ses écritures, ses rap-
ports interminables k propos du plus léger
incident, y est très-finement tournée en ridi-
cule. Le cavalier Johann-Théodore-Habacnc-
Népomucène Teufelsfurz s'aperçoit un soir,
en se déshabillant, que le bouton de son uni-
forme portant le n« 9 lui manque. Il s'abîme
dans des réflexions sans fond pour savoir où
il l'a perdu; après deux heures de longues
méditations, il se rappelle que ce bouton s'é-
tait retourné sur sa queue, de sorte que le 9
paraissait un 6, et que c'est une très-bonne
chose qu'il soit tombé. Il s'endort sur ses deux
oreilles, résolu k aller, dès le lendemain même,
faire un rapport k son caporal. Ce caporal,
nommé Immerdust, était occupé k faire des
vers pour une Lisbeth quelconque, en buvant
force chopes de bière, quand le cavalier
Teufelsfurz vint lui faire son rapport oral sur
la perte du bouton. « Immerdust, après avoir
gravement écouté pendant une demi-heure,
réfléchi pendant une autre demi-heure, em-
ploya une troisième demi-heure k expliquer
au cavalier du bouton perdu qu'il y avait lieu
k faire un rapport en règle par écrit, bien cir-
constancié, 1 affaire étant d'une gravité excep-
tionnelle. « Le cavalier s'en va trouver le
maître d'école Miaou, qui lui rédige un rap-
port en quatre grandes pages sur cet événe-
ment inouï et contraire a la moralité. Le ca-
poral Immerdust, ayant reçu ce rapport avec
toute la morgue qu'un supérieur doit mani-
fester envers son inférieur, s'occupe k son
tour de rédiger le sien. Mais comme, en même
temps, il copiait dans Schiller des vers pour
la femme de son colonel, dont il était amou-
reux, les mots de secret, de nuit, de mystère
se mêlent au rapport, qui dit que la sécurité
de la Confédération germanique est compro-
mise, et que le Gaulois est aux portes de
l'Allemagne. Le sergent Pïerre-Paul-Oscar
von Bierfasz, k qui le caporal Immerdust pré-
sente le rapport ainsi fait, était loin d'être un
homme ordinaire. Il, avait le talent d'avaler,
coup sur coup, vingt-quatre chopes de bière,
pendant que midi sonnait k la tour de l'Hor-
loge de 1 hôtel de ville de Manheim, ce qu'il
consolidait ensuite, par manière de passe-
temps, de vingt-quatre saucisses et d'autant
de bouchées de salade aux pommes de terre,
fortement vinaigrée et poivrée. Bien entendu,
BOUT
1161
ce n'était jamais lui qui payait les frais de ce
tour de force. Il en était au quatorzième sau-
cisson lorsque son brosseur lui remit la m i s -
sive du caporal Immerdust. Il s'en alla rêver
à cette affaire, qui lui parut grave, et, comme
il était un homme pratique, il conclut qu'il
fallait porter chez les Français l'épouvante
dont ils menaçaient l'Allemagne et s emparer
de Paris par un coup de main adroit. En con-
séquence, il rédigea son rapport, et s'empressa
de le remettre au lieutenant, le baron von
Grubelkopf Dummloch. Celui-ci, qui était un
grand savant, mettait la dernière main k une-
thèse en dix volumes, qui prouvaient clair
comme le jour que l'homme était une gre-
nouille perfectionnée; aussi, comprenant l'im-
portance des pièces qui lui étaient remises, il
en fit une analyse qui ne tenait pas moins de
deux cent quarante-six feuilles écrites très-
serré, et les remit au capitaine Reitpeitsche,
patriote farouche, qui les développa k son
tour et les transmit au major, Son Altesse
Sérénissime prince régnant von Steis Steir.
Steis Lumpen Betmold Schorsteinburg. Ce
dernier comprit la gravité des circonstances,
il en fit part k son aini le pasteur Schwetzer.
avec qui il passait toutes ses journées k boire
silencieusement de la bière, en laissant échap-
per toutes les demi-heures cette exclamation
profondément philosophique : • Cette bière est
bonne I » k quoi le pasteur répondait infailli-
blement : «Cette bière est bien bonne 1 <• Le
pasteur ayant laissé transpirer quelque chose
de cette affaire ténébreuse, toutes les villes
voisines furent saisies d'épouvante et de ter-
reur. Une dispute ayant eu lieu dans un bal
chez le colonel, on cria que les Français étaient
arrivés; les soldats se mirent sous les armes
les bourgeois préparèrent une défense héroï-
que, et le lendemain le journal annonça que
la patrie était sauvée. Le directeur de police.
M. von Abfuhrungsmittel, instruit naturelle-
ment le dernier de ce noir complot, se mi!
aussitôt en campagne pour en découvrir les au-
teurs. Comme il lui fallait absolument un cou-
pable, il le trouva dans un nommé Ixia Izque-
polt, pauvre habitant de Manheim, qui ne
parlait jamais k personne, mais restait ab-
sorbé dans les méditations philosophiques les
plus profondes. La philosophie n'avait eujus-
qu'k ce jour que le subjectif et l'objectif, il
rêvait de lui donner le conjectif, qui devait
englober en un seul tout le subjectif et l'oô-
jectif, et par là amener l'unité rêvée des fonc-
tions de toute espèce et de tout genre, et
aboutir à l'unité germanique. Le directeur de
police l'interrogea avec une sagacité remar-
quable ; il lui prouva qu'il devait conspirer
puisqu'il ne parlait k personne, a Mais, voyons,
a quoi pensez-vous? lui demanda-t-il k la fin
de l'interrogatoire. — Mais jo pense k l'ob-
jectif et au subjectif, et je cherche k trouver
le conjectif. — Comment le conjectif? Mais
c'est du nouveau, ça. Un Allemand se con-
tente de ce qui existe. — C'est ce qu'il y a de
malheureux. — Ne pourriez-vous pas définir
votre conjectif? — Je doute; je ne suis pas
encore tout k fait d'accord avec moi-même.—
Réfléchissez ! je noterai en attendant. • Et le
directeur de police inscrivit triomphalement
sur le livre noir: «Ixia Izquepolt, suspect,
très-suspect; dangereux, très-dangereux.» Eh
bien, demanda-t-il ensuite, avez-vous trouvé?
— Je réfléchis k la moralité de mon interro-
gatoire. — Et cette moralité? — Si tu penses
que la pensée est libre... — Assezl silence!
c'est un abominable socialiste dans le genre
de ces détestables Français. En prison, ce li-
bertin, qui vit dans la débauche de la pensée ! »
Pendant ce temps, les autorités s'émeuvent,
un conseil de guerre a lieu, où la question est
solennellement agitée. On se résout k tenir la
Confédération en garde contre les dangers
qui la menacent. On rédige une proclamation,
que le télégraphe doit envoyer k Carlsrhue
pour la faire imprimer ; mais le fil télégra-
phique semble lui-même être de la conspira-
tion : il transmet la dépèche k Berlin, où elle
cause aussitôt grand émoi. Les ministres s'as-
semblent, le corps diplomatique est convoqué,
et on demande des explications au grand-duc
de Bade. Celui-ci, qui ne se doutait pas de
l'épouvantable danger qui le menaçait, en-
voie, sans plus tarder, le grand référendairo
à Manheim pour instruire cette affaire. Le
grand dignitaire a beau se plonger dans la
lecture des volumineux dossiers
?
interroger
Ixia, Teufelsfurz, Immerdust, Bierfasz, qui
tous ont été mis en prison ; plus il avance dans
l'instruction, moins il peut comprendre de
quoi il s'agit. Après deux mois, désespérant
d'arriver k une solution, il fait emballer le
dossier sur une voiture k quatre chevaux et
l'expédie k Carlsrhue. Le grand-duc, qui con-
naissait bien les Allemands, voua à l'oubli
cette ténébreuse affaire et fit mettre ces volu-
mineux rapports dans ses archives, pépinière
d'intéressantes découvertes pour les érudits
du xxie siècle. Le mot de M. de Talleyrand :
« Pas de zèîel messieurs, pas de zèlet» pour-
rait servir d'épigraphe à ce petit volume, qui
cache de nombreuses vérités sous sa forme
légère.
Bouton do Rose, musique de Pradher, pa-
roles de M
m
e la princesse Constance de Salm.
L'auteur des paroles de cette romance avait,
dit-on, k peine atteint sa quinzième année
lorsque, vers 1785, elle publia ce frais et dé-
licieux morceau. Il y avait environ dix ans
qu'il circulait dans les salons lorsq»e Pradher,
irappé de la fraîcheur de ces strophes, sub-
HO
1162
BOUT
stitua au vieil air
t
Pour la baronne, sur lequel
elles étaient primitivement chantées, une mé-
lodie qui renouvela le succès de Bouton de
Rose, dont Garât s'empara immédiatement
pour en faire un de ces délicieux riens aux-
quels son goût exquis et son immense talent
donnaient la vogue et la vie. La musique de
Bouton de Rose est notée dans la Clef au ca-
veau sous le n° 64.
est ain - si que
Bou - ton de ro -
\j
f
* • — •
Bou - ton de ro • - - - se.
DEUXIÈME COUPLET.
Au sein de Rose,
Heureux bouton, tu vas mourir;
Moi, si j'étais bouton de rose,
Je ne mourrais que de plaisir
Au sein de Rose.
TROISIÈME COUPLET.
Au sein de Rose,
Tu pourras trouver un rival ;
Ne joute pas, bouton de rose.
Car, en beauté, rien n'est égal
Au sein de Rose.
QUATRIÈME COUPLET.
Bouton de rose,
Adieu! Rose vient, je la voit
S'il est une métempsycose,
Grands dieux, par pitié, rendez-moi
Bouton de rose.
Boutons (LES), paroles et musique de G.
Nadaud. C'est une des chansons légères de
Nadaud les plus correctes, les plus fines et
contenant à la plus haute dose une idée morale
sous la plaisanterie qui voile la gravité du
fond. L'intrusion de la maîtresse au domicile
du célibataire, l'envahissement, la rébellion,
l'annihilement du maître du logis, en partant
de l'infiniment petit, y sont tracés d'une plume
spirituelle. A méditer par les endurcis au cé-
libat.
Moderato,
Qui re - cou - ae vos bou • tous.
DEUXIÈME COUPLET.
Un soir certaine Artémise
Vif, en un certain moment,
Qu'un bouton b. ma chemise
Manquait, je ne sais comment!
Elle dut à ma faiblesse,
De le recoudre à tâtons...
N ' n y z pas une maîtresse
Qui recouse vos boutons!
TROISIÈME! COUPLET.
Le lendemain, grande affaire!
On veut tout voir en détail.
Nous dressons un inventaire
De mon linge, quel travail!
Nous comptons tout, pièce à pièce,
Nous trions, nous inspectons...
N'ayez, pas une maîtresse
QMÎ recouse vos boutons.
BOUT
QUATRIÈME COUPLET.
Dès lors, mes petits mystères
A ses yeux sont dévoilés;
Elle a des droits sur mes terres,
Eile a des droits sur mes clés.
Au sein de ma forteresse
Elle installe ses plantons.-
N'ayez pas une maîtresse
Qui recouse vos boutons.
CINQUIÈME COUPLET.
Ainsi, de ni en aiguille,
E l de bouton en bouton.
Elle a chassé ma famille
Et m'a coiffé de coton.
Par la force ou par l'adressa
On obtient tout des moutons...
N'ayez pas une maltresse
Qui recouse vos boutons.
SIXIÈME COUPLET.
Je n'ai plus d'amis intimes,
Hormis Arthur, qui lui plaît;
Sauf les enfants légitimes,
Je suis un mari complet !
Le jour, nous crions sans cesse!
Et la nuit, nous nous battons!...
N'ayez pas une maîtresse
Qui recouse vos boutons.
BOUTON
BOUTON (Charles-Marie), peintre français,
né à Paris en 1781, mort vers 1854, suivit d'a-
bord sa propre inspiration et se forma sans
maître; plus tard, il reçut des conseils de Da-
vid et de «L-V. Bertin. Il s'adonna spéciale-
ment à la peinture des vues architecturales
et obtint en ce genre un succès presque égal
à celui de Granet. Il exposa, entre autres ou-
vrages : au Salon de 1810, une Vue de laporte
Saint-Jacques, à Troyes, et une Vue des ca-
veaux de Saint-Denis, tableaux pour lesquels
il obtint une médaille de 2
du musée des Petits-Auçustins, l'Intérieur des
thermes de Julien, la Vue de la chapelle du
Calvaire dans l'église Saint~Roch ; en 1819,
Saint Louis au tombeau de sa mère (commande
de la Liste civile pour le palais de Fontaine-
bleau) , Charles-Èdouara découvert dans sa
retraite, Michel Cervantes et l'Intérieur de
l'église de Montmartre (ces deux derniers
achetés par M. Laftitte) ; en 1822, Jeanne Gray
allant à la mort; en 1824, un Naufrage près
d'une ruine gothique; en 1831, une Vue de
Westminster (sépia); en 1833, une Vue de la
cathédrale de Chartres (commande de la Liste
civile); en 1834, l'Intérieur de l'église d'Eu
(commande de la Liste civile) ; en 1842, l'In-
térieur de Saint-Etienne-du-Mont (commande
de la Liste civile) ; en 1841, l'Intérieur d'un
caveau sépulcral; en 1848, une Vue de l'église
de la M adonna de Salute, à Venise; en 1852,
un Intérieur de sacristie; en 1853, Fran-
çois I** visitant le caveau sépulcral de Jean
sans Peur, etc. M. Bouton remporta une mé-.
daille de ire classe en 1810 et fut nommé che-
valier de la Légion d'honneur en 1S25. Ses
tableaux, recommandables par la précision de
la touche, l'exactitude des détails et la jus-
tesse de la perspective aérienne, offrent géné-
ralement une grande sécheresse d'exécution
et une extrême froideur de coloris ; aussi,
après avoir joui d'une faveur excessive sous
la Restauration, ne sont-ils plus guère re-
cherchés aujourd'hui par les amateurs. Un
des plus importants, le Char les-Edouard, du
Salon de 1819, payé 6,100 fr. à la vente La-
fontaine, en 1821, a été adjugé a, un prix insi-
fnifiant à la vente Pourtalès, en 1865. Bouton
ut, avec Daguerre, l'inventeur du diorama.
Dans cette voie nouvelle, il s'éleva au-dessus
des grands décorateurs par la science de ses
perspectives et l'art de ses effets de lumière.
Ses chefs-d'œuvre en ce genre étaient la Vue
d'un canal en Chine et l'Église Saint-Paul de
Rome, détruites dans l'incendie du Diorama,
en 1839.
BOUTONEUL
BOUTONEUL s. m. (bou-to-neul). Comm.
Espèce de datte grosse, grasse et d'un goût
exquis, qu'on récolte en Afrique, mais surtout
au Maroc. ,
BOUTON,BOUTON, île de l'Océanie, dans la Maîaisie,
au S.-E. de l'île Célèbes, dans la mer des Mo-
luques, par 12l<> long. E., et entre 5° et 6°
lat. S. Elle a 108 kilom. du N. au S. sur 26
kilom. de l'E. à 1*0. j un détroit praticable
pour les plus gros navires la sépare de l'île
Pangansane. Elle est élevée, bien boisée, et
produit en abondance du riz, du maïs, des
ignames, des fruits tropicaux. Les habitants
sont Malais et obéissent à un radjah, vassal
des Hollandais. — Sur la côte occidentale de
l'île se trouve une ville de même nom, entou-
rée de murailles et défendue par un fort où
réside le radjah. Fabriques d'étoffes de coton
et de fil d'agave.
BOUTONNAGEBOUTONNAGE puisse se faire sans difficulté.
BOUTONIE
BOUTONIE s. f. (bou-to-nî — de Bouton,
n. pr. ) Bot. Genre de plantes de la famille
des bignoniacées, comprenant, comme unigue
espèce, un arbrisseau qui croît à l'île Maurice.
B O U T O N N A G E s. m. (bou-to-na-ge— rad.
boutonner). Action de boutonner un habit, un
pantalon : Il est préférable de tenir la cein-
ture du pantalon un peu plus lâche, afin que
le
BOUTONNANT,BOUTONNANT, ANTE adj. (bou-to-nan, ;
an-te — rad. boutonner). Qui se boutonne, !
qui est propre à être boutonné : Une robe I
BOUTONNANTE. Ses favoris coupés, il endossa,
au lieu de sa redingote bleue et BOUTONNANTE, I
une redingote de Villefort. (Alex. Dum.)
BOUTONNANTBOUTONNANT (bou-to-nan) part. prés, du
v. Boutonner : Déchirer un habit en le BOU-
TONNANT. Son gilet de laine blanche, BOUTON-
NANT sur le côté comme la capote militaire,
contraste avec la couleur sombre de sa veste.
(Ab. Hug.)
BOUT
BOUTONNE
BOUTONNE (la), rivière de France, prend
naissance au pied de l'ancien château de
Malesherbes, à peu de distance de Chef-Bou-
tonne, arrond. de Melle (Deux-Sèvres): elle
baigne Drioux, Dampierre, Saint-Jean-d'An-
gely, Ton nay-Bou tonne, et, après un cours de
90 kilom., tombe dans la Charente à Carillon-
de-Candé, départ, de la Charente-Inférieure.
La Boutonne est navigable depuis Saint-Jean-
d'Angely jusqu'à son embouchure.
BOUTONNÉ,
BOUTONNÉ, ÉE (bou-to-né) part. pass. du
v. Boutonner. Qui a des boutons ou jeunes
bourgeons : Un rosier tout BOUTONNÉ.
Et la plante déjà boutonnée ou fleurie.
CASTEL.
— Fam. Qui a des boutons ou petites t u -
meurs : Un visage BOUTONNÉ. Il a le nez BOU-
TONNÉ. Le roi avait la mine plombée, BOU-
TONNÉE, et autres mauvais signes de santé.
(D'Aubigné.)
Toujours comme au printemps on nous voit boutonnés.
DE CAILLT.
— Dont les boutons sont passés et retenus
dans les boutonnières : / / portait un habit BOU-
TONNÉ sur la poitrine. Un col de velours noir
râpé s'unissait à l'habit BOUTONNÉ, de manière
à faire douter de l'absence de sa chemise.
(Fr. Soulié.) Sa robe de drap, BOUTONNÉE du
haut en bas, dessinait sa taille fine et souple.
(G. Sand.)
— Fig. Secret, caché, peu communicatif :
C'est un homme toujours BOUTONNÉ, BOUTONNÉ
jusqu'à la gorge, jusqu'au menton, BOUTONNÉ
comme un portemanteau. Il contrefaisait le
docteur Hall à son cours, de manière à décra-
vater le diplomate le mieux BOUTONNÉ. (Balz.)
— Eecr. Fleuret boutonné, Fleuret dont la
pointe est garnie d'un bouton de cuir ou de
quelque autre matière, pour que l'on puisse
s en escrimer sans se blesser : Alors nous les
jouâmes au premier sang, avec des fleurets
BOUTONNÉS,BOUTONNÉS, bien entendu. (A. Karr.)
— Blas. Se dit des fleurs, et plus particu-
lièrement des roses qui ont, au centre de
leurs pétales, un point rond ou bouton d'un
émail particulier. Famille de Bruc:D'argent,
à la rose de gueules BOUTONNÉE d'or.
B O U T O N N E M E N T s. m. (bou-to-ne-man
— rad. boutonner). Action de pousser des
boutons : Le BOUTONNEMENT des plantes. Il Peu
usité.
BOUTONNAITBOUTONNAIT jamais sa vieille redingote
verdûtre, même par les froids les plus rigou-
reux. (Balz.) Je BOUTONNAI mes guêtres de cuir
sur mes souliers à clous. (Lamart.)
— Intransitiv. S'attacher, se fermer à l'aide
de boutons : Cette robe BOUTONNE par der-
rière. Cet habit BOUTONNE mal. La duchesse de
Bourgogne vint au sermon en habit de chasse
gui
BOUTONNERBOUTONNER v. n. ou intr. (bou-to-né —
rad. bouton). Pousser des boutons : Les lilas
commencent à BOUTONNER. Les arbres BOUTON-
NENT.
L'arbrisseau franc, qui fleurit et boutonne.
D'en voir le fruit espérance nous donne.
C. MAROT.
— Fam. Commencer à avoirdes boutons sur
le corps : Vous BOUTONNEZ comme un poirier;
vous ne tarderez pas à fleurir.
— Cost. v. a. ou tr. Attacher, arrêter au
moyen de boutons : BOUTONNER son vêtement.
Il ne
BOUTONNAITBOUTONNAIT jusqu'au menton. (P.-L. Cour.)
Se boutonner v. pr. Etre boutonné, s'atta-
cher, se fermer à l'aide de boutons : Son pan-
talon gris SE BOUTONNAIT sur les côtés. (Balz.)
Il portait une veste très-courte, à laquelle SE
BOUTONNAITBOUTONNAIT son pantalon. (E. Sue.)
— Attacher son vêtement en mettant les
boutons dans les boutonnières : Cet enfant
ne saura jamais SE BOUTONNER. BOUTONNEZ-
VOUS, il fait froid.
— Antonyme. Déboutonner.
BOUTONNERIE
BOUTONNERIE s. f. (bou-to-ne-rî — rad.
bouton). Fabrique, commerce, marchandises
duboutonnicr: Se /iwrerô/a BOUTONNERIE. Ou-
vrir une maison de BOUTONNERIE.
BOUTONNET
BOUTONNET s. m. (bou-to-nè — dimin. de
bouton). Petit bouton.
Leur boutonnet a la couleur des roses.
VOLTAIRE.
B O U T O N N E U X , EUSE adj. (bou-to-neu,
eu-ze). Couvert, rempli de boutons. Il Peu
usité.
— Techn. Se dit des tissus grossiers et
dont la trame est inégale : Les toiles blan-
ches d'étoupes sont généralement BOUTONNEU-
SES. (Laboulaye.)
BOUTONNIER
BOUTONNIER s. m. (bou-to-nié — rad.
bouton). Comm. Celui qui fabrique ou vend
des boutons. •
BOUTONNIÈRE
BOUTONNIÈRE s. f. ( b o u - t o - n i è - r e —
rad. bouton). Petite fente raite à un vêtement
pour y passer un bouton : Faire une BOUTON-
NIÈRE. Border de soie les BOUTONNIÈRES d'un
habit. A peine avait-il sur lui une seule BOU-
TONNIÈRE qui ne fût rompue. (G. Sand.) Tous
deux gais, riant, causant, ayant des roses de
Bengale à la BOUTONNIÈRE. (Balz.) On ne se
recommande pas à la croix-d'honneur rien qu'en
BOUT
donnant au pouvoir l'adresse de sa BOUTON-
NIÈRE. (U. Pic.)
La fleur des champs brille a ta boutonnière
BÉRANOEB.
Vous, messieurs, qui, le nez au vent,
p
Nobles par votre boutonnière,
Encensez tout soleil levant... BÉRANdER.
— Fam. Incision, blessure qui fend ou
perce la peau : Tu me croyais au fond de la
Seine avec une BOUTONNIÈRE dans la poitrine,
n'est-ce pas? (E. Brisebarre.) Je serai, moi,
jeune encore, l'époux d'une femme jaune qui a
dans la narine gauche la BOUTONNIÈRE d'an
anneau qu'elle y a porté! (Gér. de Nerv.) Un
barbier maladroit avait coupé, en le rasant,
Mgr de La Motte, évêque d'Amiens. Il se
retirait après avoir reçu son salaire. Mgr de
La Motte, sentant le sang couler sur son vi-
sage, le fit rappelerj et lui mettant dans les
mains une nouvelle pièce de monnaie : « Tenez,
•lui dit-il, je ne vous avais payé que pour la
barbe, voilà pour la saignée. » Le barbier vou-
lait s'excuser en disant qu'il avait rencontré
un bouton : « C'est cela, reprit l'évêgue, vous
n'avez pas voulu, n'est-ce pas, qu'il restât sans
BOUTOS,
BOUTOS, ville de l'ancienne Egypte. V.
BUTOS.1
BOUTONNIÈRE?BOUTONNIÈRE? »
— Chir. Incision longue et étroite qu'on
pratique au périnée pour retirer un calcul
engagé dans 1 urètre, ou pour ouvrir un abcès
jiriaeux.
— Techn. Sorte do gâche pour les per-
siennes.
— Entom. Nom donné par quelques au-
teurs aux stigmates des chenilles.
BOUTOUBOUTOU s. m. (bou-tou). Espèce do
massue oblongue et plate dont se servent
les Caraïbes.
BOUTOURL1N, BOUTOURUNE ou BUTUR-
LIN (Dmitri-Pétrowitsch), général et écri-
vain russe, né à Saint-Pétersbourg en 1790,
mort en 1850. Il entra au service en 1808,
prit part aux guerres du temps et fut fait
général en 1819. Nommé ensuite sénateur
et directeur de la Bibliothèque impériale de
Saint-Pétersbourg, il se livra exclusive-
ment à la composition de ses ouvrages. On a
de lui en français : Relation de la campagne
d'Italie en 1799 (Saint-Pétersbourg, 1810);
2'ableau de la campagne de 1813 en Allemagne
(Paris, 1815); Précis des événements militaires
de ta dernière guerre en Espagne (Saint-Pé-
tersbourg, 1817); puis en russe : Histoire de
la campagne de Napoléon en Russie (Saint-
Pétersbourg, 1820); Histoire des campagnes
des Russes «uxvme siècle (1820); Histoire de
Russie, au commencement du xvne siècle, etc.
BOUTOWSK1 (Alexandre), économiste russe,
né à Saint-Pétersbourg en 1814. D'abord en-
voyé à Paris par son gouvernement pour y
étudier les questions de finance, il est aujour-
d'hui conseiller d'Etat et membre de la So-
ciété impériale d'agriculture de Moscou. Il est
auteur de quelques ouvrages, où il expose les
doctrines de Smith et de Rossi, un peu mitigées
et rendues conformes à l'état social de la Rus-
sie. Son ouvrage le plus important est un Essai
sur la richesse nationale et les principes de
l'économie politique (Saint-Pétersbourg, 1847,
3 vol.), écrit en langue russe.
BOUTRAYS
BOUTRAYS ou BOUTTERAIS (Raoul), histo-
rien et poète latin moderne, né a Châteaudun
vers 1552, mort en 1630. Il fut avocat au grand
conseil et a laissé des ouvrages en latin, dont
les principaux sont : Semestrium placitorum
magni concilii quœ ad beneficiorum singulares
controversias pertinent, libri quatuor (1606);
De rébus in G allia et toto pêne orbe gestis ab
anno 1594 ad annjtm 1610 commentariorum
libri XVI (1610, 2 vol.) ; Henrici Magni vita
(1611); trois poèmes intitulés : Lutetia, Au-
rélia, Castellodunum; Urbis gentisque Car-
nutœ historia, en prose et en vers (1624).
BOUTRE
BOUTRE s. m. (bou-tre). Mar. Petit na-
vire dont l'avant a une forme particulière
et qu'emploient les habitants de la Grande
Comore (île d'Afrique) : Le second navire
était un BOUTRE arabe. La saisie de ce BOUTRE
n'a pu être effectuée sans un échange de coups
de fusil. (Hœfer.) Les BOUTRES, de construc-
tion défectueuse sous bien des rapports, ne peu-
vent naviguer que vent arrière. (Magasin put.)
BOUTRI
BOUTRI s. m. (bou-tri). Zoo techn. Extré-
mité du pénis du mouton.
BOUT-RIMÉ. V. BOUTS-RIMÉS.
BOUTRIOT
BOUTRIOT s. m. (bou-tri-o — rad. bouter).
Techn. Burin de cloutier d'épingles. Syn. de
BOUTEREAU.
BOUTRON-CHARLAR»BOUTRON-CHARLAR» (Antoine-François),
pharmacien, membre de l'Académie de méde-
cine et du Conseil de salubrité de Paris, né à
Paris à la tin du siècle dernier. On lui doit,
entre autres écrits : Traité des moyens de
reconnaître les falsifications des drogues sim-
ples et composées (avec M. Bussv, 1823);
Manuel des eaux minérales naturelles (avec
M. Pâtissier, 1837); Analyse chimique des
eaux qui alimentent les fontaines publiques
de Paris (1848), etc.
BOUTRODE
BOUTRODE (Jules-Alexandre-Léger), mili-
taire français, frère du précédent, né comme
lui à Chartres en 1760, mort en 1805. Il servit
dans les armées de la République et fut deux
fois fait prisonnier, à Kehl et à Novi. Devenu
colonel en l'an XII, il eut la jambe cassée par
un boulet à Caldiera, près de Vérone, et
mourut des suites de cette blessure.
BOUT-SAiGNEirx s. m. Le cou d'un veau
ou d'un mouton,tel qu'on le vend à la bou-
cherie, il On écrit aussi en deux mots BOUT
SAIGNEUX.
BOUTROUE
BOUTROUE (Louïs-Martial-Stanislas, •con-
ventionnel, né à Chartres en 1757, mort en
1816. Il était administrateur de In Sarthe,
lorsque, en 1792, il fut nommé député a la
Convention. Il vota la mort de Louis XVI et
fit partie des comités d'instruction et de salut
public. A la Restauration, lorsque les conven-
BOUT
tionnels régicides furent condamnés au ban-
nissement, il était atteint d'une hydropisio de
poitrine. Il sollicita un sursis et reçut l'avis
que sa demande était appuyée : mais, le len-
demain , une nouvelle missive 1 informa qu'on
regardait sa maladie comme simulée, et qu'il
allait être transporté à l'hôpital du Mans.
Quelques heures après il succomba, et ses
funérailles furent l'objet de démonstrations
fanatiques de la part des ultraroyalistes.
BOUTSALIKBOUTSALIK s. m. (boutt-sa-lik). Ornith.
Espèce de coucou du Bengale.
BOUTS-RIMES
BOUTS-RIMES s. m. pi. Littér. Rimes
choisies d'avance, et qui doivent être seules
employées dans des vers à faire sur un sujet
donné ou choisi à volonté : Remplir des BOUTS-
RIMÉS. Ils ont fait des BOUTS-RIMES que je leur
ai donnés. (M'"e de Sév.) Nos actions sont
comme les BOUTS-RIMES, que chacun fait rap-
porter à ce qu'il lui plait. (La Rochef.) Les
BOUTS-RIMÉS sont une assez mauvaise chose, il
est ridicule et puéril d'ajouter à la contrainte
de la rime celle des rimes données. (Grimm.)
— s.m.sing. Bout-rimé. Pièce de vers com-
posée sur des rimes données : Un mauvais
B O U T - R I M É .
— Par ext. Pièce de vers qui n'a d'autre
mérite que celui des rimes.
— Encycl. Il faut observer trois choses dans
les bouts-rimés, si l'on en croitle Dictionnaire de
Trévoux : îo que les rimes soient toutes bi-
zarres ; 2° qu'il ne soit pas permis de les alté-
rer; 30 qu'on détermine le sujet des vers.
Inutile d'ajouter que le triomphe du poëte
n'est complet qu'à la condition expresse qu'on
n'apercevra pas la gêne imposée a son imagi-
nation par le cadre donné. Les bouts-rimés ont
longtemps passionné la nation la plus spiri-
tuelle de la terre. On s'occupa sérieusement
en France, vers le milieu du XVIIC siècle, de
ces bagatelles, et la ville et la cour y trou-
vèrent une distraction dont raffolaient sur-
tout les femmes frivoles. Ces dernières se
complurent à imposer à leurs admirateurs des
listes de rimes qui, on le pense bien, se trans-
formaient en de galants compliments, en d'in-
génieuses flatteries ; les gazettes en arrivèrent
bientôt à proposer chaque mois à leurs abon-
nés de semblables tâches, aussi goûtées des
amateurs que le sont aujourd'hui les charades
et les rébus. De graves personnages, des poètes
en renom, des magistrats, des savants, se
livrèrent ouvertement à ces petits jeux inno-
cents de la poésie prétentieuse et laudative.
On subit la mode des bouts-rimés, comme on
subit toutes les modes en France, et ce fut,
un moment, une fureur dont il est impossible
de donner la moindre idée; si bien que les
Anglais, dont si souvent nous nous moquâmes,
essayèrent à leur tour de se moquer de nous.
La chose n'était peut-être pas des plus faciles
pour eux, car nous apportons de la grâce jus-
que dans nos erreurs. Ils s'y prirent lourde-
ment , comme toujours, pour attaquer notre
légèreté, ignorant ou feignant d'ignorer que
le propre de notre nation est de tout faire en
se jouant, les plus grandes choses comme les
plus petites. Le premier volume du Spectateur
d'Addison, que nous avons sous les yeux, disait
e n l 7 l l ; a Les boîits-rimés ont été les favoris de
la nation française durant T'espace d'un siècle
entier (le Spectateur se trompait, et les bouts-
rimés n'avaient encore que soixante ans),
quoiqu'il y eût alors nombre de beaux esprits,
et que le savoir y fleurît. On donnait une liste
de rimes à un poôte, qui devait les remplir
dans le même ordre où il les trouvait; et plus
ces rimes étaient bizarres, plus le génie de
celui qui savait y ajuster ses vers passait
pour extraordinaire. L'envie que les Français
témoignaient pour rétablir ce mauvais goût me
parait une des marques les plus sensibles de la
décadence de l'esprit et au savoir, qui accom-
pagne presque toujours celle de l empiré. »
Nous ne perdrons pas notre temps à démon-
trer qu'à toutes les époques on a fait comme
le Spectateur, c'est-à-dire que de doctes pessi-
mistes ont gravement tiré d'un travers passa-
ger les plus graves conséquences. Les bouts-
rimés, malgré leur vogue inouïe, n'ont pu
faire triompher le mauvais goût ni amener la
décadence de l'esprit et du savoir. Molière.
La Fontaine et Voltaire vécurent en assez
bonne intelligence avec eux, et cela ne les
empêcha nullement, ces trois grands hommes,
de nous doter d'oeuvres immortelles. Au mo-
ment où la mode en passait un peu, Diderot,
d'Alembert et Beaumarchais venaient au
yionde, prouvant assez que ni l'esprit ni le
sa
,r
oir n'étaient morts chez nous. L'hôtel de
Rambouillet, qui faisait o profession solennelle
de sagesse, de science, de vers et de vertu, »
fut presque le berceau des bouts-rimés, et
pourtant s'y réunissait, dans la fameuse
chambre bleue d'Arthénice, décrite parM
l l u
de
Scudéry, tout ce que Paris comptait d'illustra-
tions : dames du plus beau monde et grands
seigneurs, gens de lettres et femmes de mé-
BOUT
rite, animaient, on le sait, cette résidence cé-
lèbre, qui exerça sur nos moeurs et sur notre
littérature une influence si décisive. Faut-il le
dire? Corneille, Sarrazin, Colletet, Patru,
Conrart, Saint-Evremond, Rotrou, Scarron,
Benserade et Boileau, y sacrifièrent galam-
ment à la mode nouvelle des bouts-rimés en
l'honneur de M
m e
de Rambouillet, de Mme de
La Fayette, de Mme de Sévigné. Ménage lui-
même, monsieur Ménage, comme on disait
alors, lui, le burgrave de l'érudition, vécut
assez pour célébrer un badinage qu'il goûtait
fort, et dont il a pris soin de nous transmettre
l'origine. L'acte de naissance suivant, inscrit
au Ménagiana, vaut bien la peine d'être con-
servé :
« Un jour, dit Ménage, Dulot se plaignit
en présence de plusieurs personnes, qu'on lui
avait dérobé quelques papiers, et particulière-
ment trois cents sonnets qu'il regrettait plus
que le reste. Quelqu'un ayant témoigné sa
surprise qu'il en eût fait un si grand nombre,
il répliqua que c'étaient des sonnets en blanc,
c'est-à-dire des bouts-rimés de tous les son-
nets qu'il avait envie de remplir. Cela sembla
plaisant, et depuis on commença à faire, par
une espèce de jeu, dans les compagnies, ce
que Dulot faisait sérieusement. •
Dulot serait donc l'inventeur des bouts-
rimés, que l'on a, par une grossière erreur,
et sans doute à cause de la rime, attribués à
Duclos. L'incident signalé par Ménage se
passait en 1648; dès l'année "suivante, il parut
un recueil de sonnets en bouts-rimés; or Du-
clos ne vint au inonde que plus d'un demi-
siècle après :
Comment l'aurais-je fait, si je n'étais pas né?
D'ailleurs, la gloire de Dulot, dont le nom
serait à jamais oublié sans cette circonstance
bizarre, la gloire de Dulot est inattaquable.
Sarrazin l'a consacrée dans un poëme que
nous citerons tout à l'heure. Disons aupa-
ravant que les rimeurs de toute prove-
nance , véritables moutons de Panurge,
s'évertuèrent à torturer le sens commun au
bénéfice de l'engouement nouveau. Le plus
beau de l'atfaire, c'est que la plupart de ceux
mêmes qui avaient ri des lamentations du
bonhomme Dulot appliquèrent discrètement à
leur propre usage son bizarre procédé, péné-
trés comme lui sans doute de cette lumineuse
idée qu'un sonnet, un madrigal et une ode en di-
sent toujours assez dès qu'ils sont étayés sur des
finales bien sonnantes. Notre Ménage en parti-
culier, qui semble ajouter dans tel endroit âuMé-
nagiana son petit grain de sel épigrammatique
au récit des trois cents sonnets dérobés à l'in-
génieux Dulot, écrit dans tel autre l'éton-
nant morceau que voici : a M. de La Chambre
disait que la plume inspire, que souvent il ne
savait ce qu'il allait écrire quand il la prenait,
et qu'une période produisait une autre période.
Je ne savais de même ce que j'allais faire
quand je faisais des vers. J'assemblais pre-
mièrement mes rimes, et j'étais quelquefois
trois ou quatre mois à les remplir. J'en mon-
trai un jour à M. de Gombaud , où j'avais fait
entrer Amaryllis et Philis, Marne et Ame, et
le priai de m'en dire son sentiment. « Ces vers
ne valent rien, me dit-il. — Pour quelle raison ?
lui repartis-je. — Ne voyez-vous pas, me dit-il,
que ces rimes sont trop communes? Cela est
trop aisé. —Me voilà, lui-dis-je, bien récom-
pensé de mon travail. « Cependant, nonobstant
sa critique rigoureuse, les vers étaient bons. »
Ménage faisait cette déclaration en 1693, et
l'on est quelque peu étonné de voir un homme
aussi grave s'imposer à lui-même une tâche,
en définitive, assez ridicule. Décidément, le
procédé Dulot ne demandait qu'à vivre. Il
vécut donc, et fort honnêtement, pendant une
f
iremière période, assez courte d'ailleurs ; puis
a passion des bouts-rimés sembla devoir
s'éteindre tout à fait. Erreur 1 elle reprit de
plus-belle, en 1G54 (et non en 1664, comme on
l'a écrit), à l'occasion de la mort du perroquet
d'une dame de la cour et de la prise de Sainte-
Menehould, deux sujets qui mirent en verve
tous les rimailleurs de la ville et de la pro-
vince. Sarrazin, esprit ingénieux et juste,
homme de bon goût littéraire, assure-t-on,
avait été la cause principale de la déca-
dence apparente des bouts-rimés. Après avoir
partagé l'engouement général, il n'avait pas
tardé à se moquer fort agréablement de tous
ceux qui se livraient à ce badinage inoffensif.
Un poëme en quatre chants, intitulé Dulot
vaincu, ou la Défaite des bouts-rimés, sortit
de sa plume spirituelle et obtint une célébrité
qui porta aux bouts-rimés un coup dont ils ne
semblaient pas devoir se relever jamais. Ce
poëme, où se trouvent de jolis détails, a été
réimprimé dans le tome IV de la Nouvelle
Encyclopédie poétique (Paris, 1830, in-18). Les
bouts-rimés devaient donc avoir leur été de la
Saint-Martin, et il ne fallut, nous l'avons vu,
ni plus ni moins que la mort d'un perroquet
et la prise d'une ville célèbre par ses pieds...
de cochon pour opérer ce miracle. Beau mi-
racle, qui se produisit juste à l'heure où l'en-
nemi, c'est-à-dire Sarrazin, s'en allait en terre
porté par quatre-z'-académiciens. La chose
semblait faite exprès. Le hasard a ses malices.
Ainsi, au moment où Sarrazin quittait ce
monde, les rimes les plus folles s'échappaient
des cerveaux poétiques et donnaient une vie
nouvelle aux adorables niaiseries que le dé-
funt avait condamnées après les avoir encen-
sées. Sarrazin, comme Clovis, s'était converti,
brûlant ce qu'il avait adoré ; mais le fier Si-
cambre une fois mort, l'idole remonta sur son
BOUT
•
piédestal ; de telle sorte que la fureur des
bouts-rimés n'eut bientôt plus de limites. Des
sociétés littéraires allèrent jusqu'à proposer
annuellement des bouts-rimés. De ce nombre
fut la Société littéraire de Toulouse, dont les
membres s'intitulaient les lanternistes, et qui
choisissait à époque fixe un sonnet ayant pour
snjet l'éloge du roi. Le bout-rimeur victorieux
recevait une superbe médaille d'argent. Ou
cite les bouts-rimés suivants , proposés par les
lanternistes en l'honneur de Louis XIV, et
remplis par le P . Commire : notons qu'ils dé-
butent par un vers de treize pieds ; mais, à
propos d'un si grand roi, les vers de douze
n'auraient sans doute pas suffi :
Toutestgranddans le roi, l'aspect même de son buste
Rend nos fiers ennemis plus froids que des glaçons;
Et Guillaume n'attend que le temps des moissons.,
Pour se voir succomber sous un bras si robuste.
Qu'on ne nous vante plus les miracles d'Auguste ;
Louis de bien régner lui ferait des leçons.
Horace en vain l'égale aux dieux dans ses chansons;
Moins que n'est mon héros, il était sage et juste.
Modeste sans faiblesse et ferme sans orgueil,
Tandis qu'aux gens de bien il fait un doux accueil.
Contre l'impiété ses lois servent de digue,
Et seul de tout l'Etat conduisant les ressorts.
Par le charme secret des grâces qu'il prodigue.
Du prince et des sujets il forme les accords.
Nos faiseurs de cantates peuvent être tran-
quilles, ils n'arriveront jamais à ce degré de
platitude.
Les amateurs du genre se plurent à augmen-
ter les difficultés de l'exécution en cherchant
les rimes les plus extravagantes, les plus inu-
sitées, les plus baroques, en accouplant les
mots les plus disparates. Le marquis de Mon-
tesquiou se fit plus tard une réputation à la
cour de Monsieur, frère de Louis XVI, par Ja
façon dont il tenait tête aux rimes les plus
bizarres. On citait surtout de ce personnage,
qui fut homme de guerre, homme politique et
académicien, on citait comme un'tour de force
certain sixain qui débutait par ces deux vers :
Un accord synatlagmatique
Liait Mars & Vénus, Vulcain au pied fourchu, etc.
Mais n'anticipons pas. D'ailleurs un sonnet,
composé en 1683 sur la perte d'un chat, n'a pas
été dépassé, croyons-nous, par M. de Montes-
quiou. Les rimes, dans ce morceau, sont des
noms de villes et de provinces. « L invention
était nouvelle, dit Ménage, et la difficulté était
capable de faire quitter ia plume aux plus
hardis. »
Aimable Iris, honneur de la Bourgogne,
Vous pleurez votre chat, plus que nous Philipsbourg •
Et fussiez-vous, je pense, au fond de la Gascogne,
On entendrait de là vos cris jusqu'à Fribourg.
Sa peau fut à vos yeux fourrure'de Pologne:
On eût chassé pour lui Titi du Luxembourg ;
Il ferait l'ornement d'un couvent de Cologne.
Mais quoi ! l'on vous l'a pris? l'on a bien pris Stras-
[bourg !]
D'aller pour une perte, Iris, comme la Sienne,
Se percer sottement la gorge d'une Vienne,
Il faudrait que l'on eût la cervelle à l'Anvers.
Chez moi, le plus beau chat, je vous le dis.maBojme,
Vaut moins que ne vaudrait une orange kNarbonne
Et qu'un verre commun ne se vend à Nevers. '
Ajoutons, à titre d'éclaircissement, que leTiti
du sixième vers était un chien de Mlle d'Or-
léans, sur la mort duquel l'abbé Cotin avait
fait un madrigal. Une Vienne (dixième vers)
était une lame d'épée que l'on fabriquait à
Vienne, en Dauphiné.
Mme Deshoulières a excellé dans les bouts-
rimés. En voici qui sont assez bien tournés :
Ce métal précieux,'cette fatale pluie
Qui vainquit Danaé, peut vaincre Vunivers,
Par lui les grands secrets sont souvent découverts
Et l'on ne répand pas de larmes qu'il n'essuie.
Il semble que sans lui tout le bonheur vous fuie.
Les plus grandes cités deviennent des déserts.
Les lieux les plus charmants sont pour nous des enfers.
Enfin, tout nous déplaît, nous choque et nous ennuie.
Il faut, pour en avoir, ramper comme un lézard.
Pour les plus grands défauts, c'est un excellent fard.
Il peut en un moment illustrer la canaille.
II donne de l'esprit au plus lourd animal;
Il peut forcer un mur, gagner une bataille.
Mais il ne fait jamais tant de bien que de mal.
• Fontenelle a quelquefois réussi à prêter son
esprit aux rimes que de belles dames lui pro-
f
iosaient. Une jolie femme, lui ayant donné
es suivantes : fontanges, collier, oranges, sou-
lier , il les remplit sur-le-champ de cette ma-
nière :
Que vous montrez d'appas depuis vos deux fontanges
Jusqu'à votre collier!
Mais que vous en cachez depuis vos deux oranges
Jusqu'à votre soulier.
Boufflers fut plus décent, mais non moins
f
alant envers une coquette qui lui proposait
es bouts-rimés. Boufflers était devenu vieux j
n'importe, il écrivit :
Quand je n'aurais ni bras ni jambe.
J'affronterais pour vous la bombe et (e boulet:
Ranimé par vos yeux, je me croirais ingambe
Et je pourrais encor mériter un soufflet.
L e s bouts-rimés p r ê t e n t volontiers à l a s a -
tire. On connaît cette é p i g r a m m e décochée à
un vieux et méchant écrivain Î
Contre un louis j'en gage
Que tu ne vendras pas
trente,
quarante
BOUT 1163
Exemplaires du livre tien.
La beurrière a déjà le mien.
Des colporteurs plus de cinquante
Avaient des paquets de soixante :
Chacun croyait vendre le sien;
Les pauvres gens n'ont vendu rien.
Toi, qui d'ans as plus de septante.
Tu pourrais en vivre huitante
Qu'ayant ton livre pour tout bien.
Tu vivrais toujours comme un chien.
Marmontel, que Palissot avait maltraité
dans la Dunciade
t
se vengea par des bouts-
rimés :
Le poète franc gaulois.
Gentilhomme vendômois,
La gloire de sa bourgade,
Ronsard, sur sur son vieux hautbois.
Entonna la Franciade.
Sur sa trompette de bois,
Un moderne auteur maussade,
. Pour lui faire paroli.
Fredonna la Hunciade.
Cet homme avait nom Pâli :
On dit d'abord Palis fade.
Puis Palis fou, Palis plat.
Palis froid et Palis fat.
* Pour couronner la tirade.
Enfin de turlupinade
On rencontra le vrai mot :
On le nomma Palis sa*
Puis, comme si le trait n'eût pas été suffi-
samment cruel, Marmontel ajoute :
ENVOI.
M'abaissant jusqu'à toi, je joue avec le mot;
Réfléchis, si tu peux, mais n'écris pas... lis, sot.
Des bouts-rimés donnés par La Motte furent
remplis mille et mille fois, si l'on en croit
Piron. Ils ont cela de particulier qu'ils offrent
à eux seuls un sonnet complet -.Voilà, Isabelle,
la, belle. Déjà, étincelle, sa prunelle. Offre,
coffre, plein. Pucelle, soudain, chancelle.
Parmi les nombreux morceaux composés sur
ces rimes, nous en rapporterons deux. Le
premier, sérieusement fait, trace les lois mêmes
du sonnet; le second, dû à Piron, est une cri-
tique fort spirituelle de la manie courante :
Veux-tu savoir les lois du sonnet? Les voilà:
Il célèbre un héros ou bien une Isabelle
Deux quatrains, deux tercets : qu'on se repose là.
Que le sujet soit un, que la rime soit belle;
II faut dès le début qu'il attache déjà
Et que jusqu'à la fin le génie étincelle ;
Que tout y soit raison; jadis on s'en pas sa :
Mais Phébus la chérit ainsi que sa prunelle.
Partout, dans un beau choix que la nature s'offre.
Que jamais un mot bas, tel que cuisine ou coffre.
N'avilisse le vers majestueux et plein.
Le lecteur chaste y veut une muse pucelle.
Afin qu'au dernier vers brille un éclat soudain.
Sous ce vain jeu de mots où le bon sens, chancelle.
Piron, avec son aisance habituelle, répon-
dit à tous les rimailleurs mis en travail par La
Motte :
Que de balivernes voilà.
Avec le diable'd' Isabelle!
Ta rime en sa, ta rime en la,
Corbleu! tu nous la bailles belle.
Mon tonneau serait bu déjà;
Vois ce vin, comme il étincelle;
Tope à Catin qui le ver sa.
Hem! est-ce du jus de prunelle?
Donne : j'en prends tant qu'on m'en offre:
Rasade encor ! que je la coffre.
Halte-là! ma foi, je suis plein
Comme un feuillet de la Pucelle:
Un coup m'endormirait soudain;
Sortons... Non, restons, je chancelle.
Les gazettes, nous l'avons déjà dît, s'em-
pressèrent d'accueillir ce genre de poésie, ou
plutôt cet exercice, ce jeu littéraire, dont
l'unique mérite consiste, comme celui de tous
les amusements de l'esprit, dans la difficulté
vaincue. Le Mercure galant ne manquait pas
de donner chaque mois des bouts-rimés. Ceux
de novembre 1710, qui nous tombent sous la
main, sont disposés de la sorte :
lauriers
guerriers
musette
Lisette
Césars
. . . . . étendards
houlette
follette
Dufresny, ayant obtenu en 1710, à la mort de
Visé, le privilège du Mercure galant, proposa,
dans son premier numéro, les bouts-rimés de
trente, quarante, etc., que nous avons cités
précédemment. J.-B. Rousseau, qui lui fit tou-
jours une guerre acharnée, les remplit d'une
manière fort plaisante-, la pièce qu'il adressa
à Dufresny se terminait par ces vers :
A la vieille Babet je le ferais pour rien.
Pourvu que je te visse étrillé comme un chien.
Cette vieille Babet était une bouquetière
que l'on avait longtemps nommée la Belle
Bouquetière, et à qui sa beauté avait attiré
autrefois des chalands de plus d'une espèce.
Devenu le Mercure de France, le Mercure
galant n'abandonna pas les bouts-rimés, qui
f
)artagèrent longtemps avec la charade et
e logogriphe l'honneur d'occuper l'attention
d'une certaine classe de lecteurs.
Etienne Mallemans, mort en 1716, et dont
le nom est à peu près inconnu maintenant.
1164
BOUT
6'acquît «ne certaine réputation par son Défi
des Muses, recueil formé de trente sonnets
moraux, composés en trois jours, sur quatorze
bouts-rimés proposés à l'auteur par la du-
chesse du Maine. Nous avons rappelé plus
haut les succès du marquis de Montesquiou
en ce genre de poésie. On cite un morceau
assez singulier, dont les rimes lui furent don-
nées par Louis XVI. Les amateurs de rappro-
chements y trouveraient peut-être matière à
tirades sentencieuses. Le fait est que le pre-
mier mot sorti de la bouche du monarque,
dont la fin devait être si tragique, est cercueil,
et l'avant-dernier massacre:
Je rencontrai dimanche un mort dans son cercueil
Voyageant tristement sur te chemin d' Arcucit.
Au fond d'un corbillard, comme en un bon fauteuil,
Deux prêtres se carraient et le couvaient de l'œil.
Tout à coup l'essieu rompt, la bière fut 1' écueil
Qui joignit mes vilains a feu monsieur d' Auteuil;
C'était le nom du mort: il fallut, dans un fiacre.
Emballer le défunt, les prêtres et le diacre.
Du sort qui nous attend, voila le timttlacre,
Me dis-jc ; le Mogol sur son trône de nacre.
Le vaincu massacré, le vainqueur qui massacre
Tôt ou tard de Caron remplissent la polacre.
En 1806, les bouts-rimés, qui avaient tra-
versé sans encombre lu Révolution, mais dont
la passion s'était calmée, eurent un moment
de vogue encore, grâce a un particulier qui
inséra dans les journaux une pièce de trente-
quatre vers, ayant tous des rimes plus bizarres
'les unes que les autres, comme buse, musc;
ephod, Nemrod; paradigme, énigme. Il propo-
sait deux prix destinés aux deux poiHes qui
feraient la meilleure pièce de vers sur les
mêmes rimes que les siennes, mais sans em-
ployer les mêmes mots, et avec défense d'en
forger. Les deux prix furent gagnés à la sa-
tisfaction générale : la pièce du second prix
était doublée en outre d'un logogriphe.
Alexandre Dumas renouvela', à peu de chose
près, en 1805, ces jeux floraux d une nouvelle
espèce, dans lesquels le souci est d'avance ré-
servé au lecteur bénévole. Méry, qui impro-
visait les vers avec une facilité surprenante,
avait fait autrefois des bouts-rimés sur des
rimes assez excentriques. Alexandre Dumas
se les rappela fort à propos pour montrer une
fois de pluscombienilaime à occuper le public
de sa personne. Par la voie du Petit Journal,
il convoqua le ban et l'arrière-ban des poètes
de France et de Navarre à un tournoi solen-
nel. Il f/agissait de remplir les rimes déjà rem-
plies avec une rare aisance et un goût irré-
prochable quelques années auparavant par
Méry. Le vainqueur devait recevoir, pour prix
do son triomphe, l'autographe même du poëte
marseillais. Trois cent cinquante pièces, parmi
lesquelles une dizaine tout au plus avaient du
sens commun, répondirent à l'appel d'Alexan-
dre Dumas. Le prix fut remporté, et les trois
cent cinquante pièces parurent réunies en un
volume, qui ne donnera pas à l'avenir une bien
haute opinion de nos modernes bouts-rimeurs.
D'ailleurs, est-il bien vrai qu'on s'occupe en-
core de faire des bouts-rimés en France? Nos
potites, ceux qui par leur génie méritent seuls
d'être nommés ainsi: Victor Hugo, Lamar-
tine, Musset, Béranger, ont dédaigné ce genre
de littérature, abandonné aujourd'hui aux
versificateurs de sous-préfectures. Quelques-
uns d'entre eux ont pourtant écrit des pièces
qui sont un peu de la famille des bouts-rimés,
nous voulons parler des réponses sur les mêmes
rimes, que nous trouvons dans les recueils de
nos modernes inspirés. M. Emile Deschamps,
un esprit charmant et gracieux, compte dans
ses poésies des sonnets et morceaux divers
adressés à d'autres poëtes, en réponse à des
vers de ces derniers, et sur les mêmes rimes
employées par eux. Quant aux bouts-rimés
proprement dits, la tentative de M. Alexandre
Dumas a suffisamment démontré qu'ils ont, à
l'heure qu'il est, un pied dans la tombe, où
vont expirer tour à tour les engouements éta-
blis sur le mauvais goût. A part Eugène de
Pradel, le brillant improvisateur mort en
1857, nous ne connaissons point de poètes dont
les bouts-rimés puissent être cités et surtout
recueillis. Méry lui-même n'a pas toujours été
heureux dans ce badinage qui réduit l'inspi-
ration à un travail purement mécanique, ou
peu s'en faut. En somme, il n'y a guère que
de médiocres rimeurs qui aient d'une manière
passable écrit des bouts-rimés; les vrais postes
y ont presque toujours échoué ; avons-nous
besoin de dire pourquoi?
BOUTTATS,
BOUTTATS, nom porté par plusieurs gra-
'veurs flamands qui appartenaient probable-
ment à la même famille et qui florissaient à
Anvers dans la seconde moitié du xvue siècle
et dans la première moitié du xvme. Le plus
ancien, Frédéric BOUTTATS, né à Anvers en
1630, a gravé au burin quelques sujets reli-
gieux, des planches pour divers .ouvrages,
plusieurs portraits d'artistes et d'autres per-
sonnages de son temps, entre autres ceux de
Louis XIII, de Philippe II, roi d'Espagne, de
Cromwell, de la reine Christine de Suède,
de l'architecte Léo van Heil, des peintres
BOUT
J.-B. van Ileil, David Ryckaert, etc. — Gérard
BOUTTATS, né à Anvers en 1634, a travaillé
dans sa ville natale et en Autriche; il a gravé
au burin des sujets religieux et quelques por-
traits, entre autres celui de dom Pedro, roi de
Portugal. — Gaspard BOUTTATS, né à Anvers
en 1G40, mort en 1703, a gravé, al'eau-forte et
au burin, un grand nombre de pièces pour les
libraires, d'après différents^artistes et d'après
ses propres dessins ; parmi ces pièces, on
remarque : le Massacre de ta Saint-Barthé-
lémy, Y Assassinat d'HenriIV,VAssassinat des
frères de Witt, la Bataille de Nieuburg, le
portrait d'Ignace de Loyola, d'après H. Ver-
bru-rgen, etc. — Philibert BOUTTATS, fils de
Frédéric, né à Anvers vers 1650, a gravé au
burin : une pièce satirique très-curieuse, inti-
tulée Vacarme au Trianon ou le Nouvel hôtel
des fils et filles naturelles de Louis le Soleiller
(Louis XIV) pour le consoler à l'égard de son
Mars infortuné en Europe; les portraits de
Louis XIV, du dauphin, de Charles II, roi
d'Espagne; de Charles II, roi d'Angleterre;
de Marie-Stuart, du prince d'Orange, de Jean
Sobiesky, etc. — Pierre-Balthazar BOUTTATS,
né à Anvers en 1666, mort en 1731, a gravé
au burin les portraits de quatre archiduchesses
d'Autriche, de l'impératrice Elisabeth-Chris-
tine, etc. — On cite encore : Jean-Baptiste
BOUTTATS, qui travaillait dans les l
J
ays-Bas
à la tin du xvn
e
siècle et à qui on attribue un
portrait du cardinal deFleury; Pierre-Fran-
çois BOUTTATS, peintre et graveur, qui travail-
lait en 1694, et Philippe BOUTTATS, qui tra-
vaillait en Hollande de 1683 à 1750.
BOUTTE
BOUTTE s. f. Orthographe moins usitée du
mot BOUTE.
BOUTTEVILLE-DUMETZ,BOUTTEVILLE-DUMETZ, homme politique
et magistrat français. Il était avocat a Pé-
ronne lorsqu'il fut nommé député du tiers état
aux états généraux en 1789. Plus tard, il
remplit les fonctions de commissaire aux ar-
mées et dans les tribunaux, entra au conseil
des Anciens,(fut nommé membre du Tribunat,
puis juge et président de chambre à la cour
d'appel d'Amiens. Enfin, il fit partie de la
Chambre des représentants pendant les Cent-
Jours.
BOUTS-RIMEUR
BOUTS-RIMEUR s. m. (bou-ri-meur —
rad. bouts-rimés). Celui qui fait des pièces de
vers sur des bouts-rimés : Pendant longtemps
les membres de la Société littéraire de Tou-
louse, dits les Lantcrnistes, proposèrent an-
nuellement les bouts-rimés d'un sonnet dont le
sujet était l'éloge du roi : le BOUTS-RIMEUR
victorieux recevait une belle médaille d'ar-
gent. (Année littér.)
BOUTTON
BOUTTON s. m. (bout-ton). Ichthyol. Espèce
de poisson du genre des holocentres.
BOUTURAGE
BOUTURAGE s. m. (bou-tu-ra-je — rad.
bouturer). Agric. Action de bouturer, de
planter par boutures; résultat de cette ac-
tion : On propagerait en même temps les plus
profitables espèces par la greffe, par le BOUTU-
RAGE, par les semis. (A. Karr.)
— Encycl. Le bouturage consiste à séparer
d'un végétal l'une quelconque de ses parties,
puis à placer cette partie dans des conditions
convenables pour lui faire développer des
racines si c'est un fragment de la tige, ou des
bourgeons si c'est une portion de la racine,
de façon qu'il en résulte un nouvel individu
exactement semblable au premier, R On peut
expliquer ainsi, dit M. Dubreuil, comment la
bouture, qui n'est qu'un fragment de tige ou
de racine, peut se transformer en un individu
complet. Une portion quelconque de la tige
ou de la racine détachée de son pied-mère est
pourvue d'une dose de principe vital aussi
grande que la plante à laquelle elle appar-
tient; car, dans les -végétaux, ce principe
vital est également répandu dans toutes les
parties de l'individu; seulement, ce fragment
de tige ou de racine manque d'un organe in-
dispensable à l'entretien de ce principe vital,
à savoir d'une racine s'il s'agit d'une portion
de la tige, ou de bourgeons si c'est un frag-
ment de racine. Or, on sait qu'une portion
quelconque de la tige peut donner lieu à des
racines si on la place dans les conditions où
vivent celles-ci, et qu'un fragment de racine
peut produire des bourgeons si on le place
sous 1 influence de la lumière. On sait encore
que la tige et la racine tiennent en réserve
dans leurs tissus, après la végétation, une
certaine quantité de fluide organisateur des-
tiné à alimenter le premier développement
des bourgeons au printemps, avant l'appari-
tion des feuilles. Si donc, vers le printemps,
on confie une bouture au sol, l'énergie vitale
est excitée par l'élévation de la température,
et ce fragment déplante entre en végétation.
Le fluide organisateur qu'il renferme concourt
au développement des bourgeons et des pre-
mières feuilles; celles-ci puisent dans l'atmo-
sphère de nouveaux sucs nutritifs qu'elles
transforment en fluide organisateur. Ce fluide
donne lieu à des vaisseaux ligneux et corti-
caux, qui, en se prolongeant vers la base de
la bouture, se font jour par là, sous forme de
racine, au milieu d un bourrelet du tissu cel-
lulaire. La bouture est dès lors un individu
complet, puisqu'elle se compose d'une racine
et d une tige. »
Toutes les espèces de végétaux ne sont pas
indistinctement propres au bouturage. Parmi
ceux qui se reproduisent le plus facilement de
cette manière, nous citerons : la vigne, le
groseillier, certaines espèces de pommiers, les
rosiers, le jasmin, le tamarin et le chèvre-
feuille. En sylviculture, le bouturage n'est
appliqué qu'à la multiplication des saules, des
P
eupliers, du platane, de l'if, de l'acacia et de
allante. La chaleur et l'humidité sont indis-
pensables à la reprise des boutures ; cepen-
dant, elles ne doivent jamais être excessives.
Une situation modérément fraîche, demi-om-
bragée, est celle qui convient le mieux pour
les boutures faites en plein air. On distingue
BOUT
trois modes principaux de bouturage, ce sont :
1*> Le bouturage au moyen de rameaux ; 2° le
bouturage au moyen de racines; 3° le boutu-
rage par les bourgeons.
1° Du bouturage au moyen de rameaux. Ce
procédé est celui dont on se sert le plus ordi-
nairement pour la reproduction par bouture
des végétaux à feuilles caduques. Il consiste
à couper dans le cours de l'hiver, lorsqu'il ne
gèle pas, des rameaux de l'été précédent bien
constitués, longs de 0 m. 10 à 0 m. 30, et mu-
nis* dé quatre ou cinq bourgeons, dont un à la
base, tout près de la section. On enterre ces
rameaux isolément ou par paquets, dans un
endroit frais, exposé au nord, où ils séjournent
jusqu'à l'époque de la plantation. La tête est
dirigée en haut et sort à moitié de terre.
D'après un autre système qui paraît être pré-
férable, on coupe les boutures un peu plus tôt,
à l'entrée de l'hiver; on les enterre entière-
ment, en ayant soin de diriger la tête en bus
et la base en haut.
La plantation des boutures doit être faite
dans le temps qui précède immédiatement
l'entrée en végétation, c'est-à-dire vers la fin
de février sous le climat de Paris, et en jan-
vier dans le midi de la France. On choisira de
préférence les terres de consistance moyenne,
mieux ' ameublées que celles des plantations
ordinaires, moins que celles des semis. Ces
terres devront être fumées convenablement,
quelque temps à l'avance, avec du fumier
frais ; le fumier chaud ou nouvellement enfoui
au niveau de la profondeur présumée des
boutures s'opposerait à l'émission des racines,
au lieu de la favoriser. Les boutures des
plantes qui exigent la terre de bruyère seront
placées dans un sol de même nature, auquel
on n'ajoutera aucun engrais. L'exposition au
nord est la meilleure, surtout pour les espè-
ces à feuilles persistantes. On donne aux bou-
tures des formes diverses, suivant les végé-
taux, les terrains, les climats, etc. Ainsi, on
distingue la bouture par rameaux simples, la
bouture à talon, la bouture par crossette, par
plançon, par étranglement et par ramée.
1° La bouture par rameaux simple se fait
avec des rameaux vigoureux ayant un an ou
deux tout au plus. Ces rameaux se subdivisent
en tronçons longs d'environ 0 m. 15 à 0 m. 35 ;
la section inférieure se coupe en biseau; celle
du haut doit être un peu oblique, à 0 m. 02
d'un œil. • Ordinairement, dit M. Koltz, on
plante les boutures de ce genre en les enfon-
çant obliquement dans la direction du S.-E.
au N.-O., de manière qu'au moins les deux
tiers de leur longueur soient en terre. Dans
les sols bien meubles, on plante à la main ;
dans les terres compactes, liantes, où l'on ris-
querait de les casser ou de déchirer l'écorce,
on prépare d'abord des trous à l'aide d'un
plantoir. Dans l'un comme dans l'autre cas,
le planteur se blesse facilement la main, et
l'opération est souvent compromise parce que
l'écorce du gros bout, qui doit être mis en
terre, est lésée ou détachée du bois. Pour
prévenir ces inconvénients, nous avons fait
construire un plantoir à rainure de la forme
et de la dimension d'un foret de charpentier.
La bouture, placée dans la rainure, entre
en terre en même temps que le plantoir,
qui est ensuite retiré du trou par un simple
mouvement de côté. » La bouture à talon dif-
fère seulement de la précédente en ce que, au
lieu de couper le rameau sous un œil, on
l'éclate sur son empâtement en se servant
d'un couteau, de manière à lui conserver son
talon. Cette bouture est préférable à la pré-
cédente, parce que l'agglomération des vais-
seaux vers la base provoque et facilite la
sortie des radicelles. La bouture par crossette
est particulièrement employée pour la multi-
plication de la vigne. Elle se compose d'un
sarment de bois d'un an, d'environ o m. 50, à
la base duquel on réserve 0 m. 10 de bois de
deux ans. Ce fragment ne sert qu'à empêcher
le talon de la bouture de sécher ; on le retran-
che au moment de la plantation. Les boutures
par plançons se font avec des branches âgées
de trois à cinq ans, droites et vigoureuses,
dont les ramifications sont enlevées, et dont
la base est taillée en pointe triangulaire. On
les emploie pour former des têtards de saules,
de peupliers, d'aunes, dans les terrains humi-
des. Les plantations se font à la bêche quand
le sol est ferme et facilement abordable. Dans
les endroits marécageux, au contraire, on
enterre les plançons, après avoir préalable-
ment fait un trou à l'aide d'un pieu ferré. Les
boutures par étranglement se font de la ma-
nière suivante : Vers le mois de juillet, on
pratique sur une jeune pousse de l'année,
immédiatement au-dessous d'une feuille, soit
une incision annulaire, soit une ligature bien
serrée. Le bourrelet, qui ne tarde pas à se
former au-dessus, rend la reprise bien plus
facile. La bouture par ramée ne s'applique
qu'aux espèces susceptibles de s'enraciner
promptement. On coupe une branche de trois
ou quatre ans, que l'on couche horizontale-
ment dans une fosse profonde d'environ 0 m. 25,
dont le fond a été bien fumé et convenable-
ment ameubli. Le tout est ensuite recouvert
de terre, de manière à ne laisser paraître au
dehors que l'extrémité de chaque rameau.
Au bout de quelque temps, tous les rameaux
ont des racines, et on peut les séparer les uns
des autres afin de les planter à demeure.
2o Bouturage au moyen des racines. Le bou-
turage au moyen des racines se pratique au
commencement du printemps ou à la fin de
BOUT
l'été. Les racines sont coupées en fragments
longs de 0 m. 05 à o m. 10. On plante ces
fragments dans une position verticale 'ou semî-
incïinée, de manière que l'extrémité supé-
rieure atteigne le niveau du sol. Les bour-
geons apparaissent ordinairement dès la pre-
mière année, quelquefois cependant ils ne se
développent qu'à la seconde. Les rameaux
qui en résultent peuvent être en assez grand
nombre sur une même racine; on supprime
les faibles, et on conserve seulement celui qui
se trouve le mieux placé ou le nlus fort. Ce
bouturage s'applique à un assez grand nombre
d'espèces, parmi lesquelles nous citerons : le
paulownia, l'ailante, le sumac, le lîlas, l'an-
t
élique épineuse, l'araucaria, le yuca, le po-
ocarpe, etc.
3° Bouturage au moyen des bourgeons. Ce
procédé, à peine connu des arboriculteurs, est
employé cependant avec succès par les fleu-
ristes. Ces derniers s'en servent pour multi-
plier un grand nombre de plantes de serre
chaude, notamment la pivoine en arbre. On
choisit un bourgeon de bonne apparence, on
l'enlève en conservant à sa base une plaque
d'écorce munie d'une couche d'aubier. On
place le tout dans un godet rempli de terre de
bruyère, de manière que le bourgeon seul
apparaisse, et on le porte sous une cloche
dans la serre à boutures. Lorsqu'on n'a pas
de serre à boutures, on suit une autre mé-
thode, qui tient à la fois du bouturage et du
marcottage. Voici comment elle est exposée
par M. Ch. Baltet : a En août-septembre,
dit-il, on pratique une incision sous les yeux
des branches, comme si on voulait lever des
écussons. On entame l'aubier en remontant
à quelques millimètres au-dessus de la gemme,
et on. s'en tient là; le cambium recouvrira
partiellement les tissus tranchés. En février,
on incline les branches opérées, on les main-
tient horizontales à l'aide d'un crochet, et on
les recouvred'un compost substantiel. Le bour-
geon devient rameau, et l'incision se garnit de
chevelu. A la fin d'août, on déchausse la sou-
che, on extrait les plants enracinés et on les
met aussitôt en pépinière. Dans les pays
froids, le buttage aura lieu en automne et les
touffes seront toujours maintenues basses et
buissonneuses. Le bouturage par bourgeon est
aussi employé à la multiplication de la vigne,
en hiver, surtout pour les variétés rares. On
opère comme précédemment ; seulement, au
lieu de lever en écusson le bourgeon repro-
ducteur, on fend le sarment dans toute sa
longueur, de manière à en faire deux parts,
comprenant chacune la moitié de l'étui mé-
dullaire. On ne plante, bien entendu, que la
partie du sarment munie de bourgeon.
Enfin, on peut faire des boutures avec une
simple feuille, ou même un fragment de
feuille; cette opération réussit parfaitement
sur l'aucuba, les bégonias, la cardamine des
prés, l'oranger et la plupart des plantes
grasses; mais il faut remarquer que, dans
plusieurs de celles-ci, telles que les cactus, les
cierges, etc., les organes que l'on prend ordi-
nairement pour des feuilles sont, en réalité,
des rameaux aplatis. Les tiges souterraines
ou rhizomes, et les racines, peuvent être bou-
turées comme les rameaux ; ce procédé sert à
multiplier l'olivier, le sassafras, l'ailante, le
paulownia, les aralies, le maclura, etc. La
plantation des pommes de terre est un véri-
table bouturage : le tubercule, en effet, est un
véritable rameau souterrain, renflé, modifié
dans sa forme, mais éminemment apte à re-
produire un nouvel individu. On peut en dire
autant des bulbes ou oignons, qui servent à
propager les plantes bulbeuses, ail, oignon,
lis, tulipe, etc.
BOUTURANT
BOUTURANT (bou-tu-ran) part. prés, du
v. Bouturer : C'est en les BOUTURANT dans des
pots remplis d'une petite quantité âe bruyère
sableuse très-maigre, que les plantes grasses
sont rendues vaines artificiellement. (A. Cibot.)
BOUTURE
BOUTURE s. f. (bou-tu-re — rad. bouter,
parce qu'on boute les boutures en terre, ou
parce qu'on met en terre des bouts de bran-
chages). Agric. Branche, tige ou feuillo
de végétal que l'on met en terre pour pro-
duire un nouveau sujet . BOUTURES de ro-
siers. Les BOUTURES sont des rameaux déta-
chés du plant, que l'on plante en terre pour
leur faire prendre racine. (Raspail.) n Drageon
qui pousse au pied d'un arbre, et qui est
propre à fournir un nouvel arbre.
— Fig. Emprimt fait à uno personne ou
chose considérée comme origine : Cet homme
est né pauvre, de parents à l'humeur entrepre-
nante, raisonneuse, insoumise, sarcaslique ; en
un mot
}
c'est une BOUTURE de 93. (Proudh.) Il
Imitation, objet semblablo à un autre : Je .
détourne à regret mon regard de cette maison-
nette radieuse, fleur rare éclose sur la lagune
comme une BOUTURE de t'Alhambra. (M«<« L.
Colet.)
— Techn. Eau que les orfèvres employaient
autrefois pour blanchir leur ouvrage.
— Pi. Chass. Jointures des jambes de de •
vant des chiens.
BOUTURÉ,
BOUTURÉ, É E (bou-tu-ré) part. pass. du
v. Bouturer. Planté comme bouture : Peu-
pliers BOUTURÉS.
B O U T U R E R v. n. ou intr. (bou-tu-ré —
rad. bouture). Agric. Pousser des tiges par le
pied, des drageons : Cet arbre commence à
BOUTURER. L'instituteur enseignerait en outre
l'art de gre/fer et de BOUTURER,. (A. Karr.)
— v, a. ou tr. Reproduire par boutures,
BOUV
BOUV
BOUV
BOUV 1165
planter des boutures de : BOUTURER des sau-
tes, des oliviers, des cierges, des cactus.
BOUULESBOUULES (Guillaume), naturaliste anglais.
V. BOWLES.
BOUVANTE,BOUVANTE, bourg de France-(Drôme),
arrond. et k 56 kilom. E. de Valence ; 826 h.
Bois, fourrages, élève de bestiaux sur les
montagnes. Les environs de Bouvante offrent
des curiosités naturelles bien intéressantes :
c'est d'abord la chute de la Bourne au Saut-
de-la-Truite, dan3 la vallée de la Bouvante;
le banc de rochers d'où elle tombe est si
élevé, l'eau se divise tellement dans sa chute,
que le vent l'enlève presque entièrement et la
rejette en pluie fine sur la montagne voisine.
Non loin de là, on voit : la perte de la rivière
de Lionne, qui s'engouffre dans un précipice
d'une grande profondeur-, les restes d'un an-
cien couvent de chartreux.
BOUVARDBOUVARD s. m. (bou-var). Techn. Marteau
qui servait à frapper les monnaies avant
1 invention du balancier.
BOUVARDBOUVARD (Charles), médecin français, né
à Montoire, près de Vendôme, en 1572, mort
en 1658. Il passa pour très-habile dans son
art, fut nommé professeur au Collège de
France, surintendant du Jardin des Plantes
et premier médecin de Louis XIII, à qui,
dit-on, il fit prendre deux cents médecines,
autant de lavements et qu'il fit saigner qua-
rante-sept fois dans l'espace d'une seule an-
née. Il était d'un caractère très-impérieux,
prétendait régenter la Faculté et interdisait les
' thèses qu'on y voulait soutenir quand elles
étaient contraires à ses opinions. On lui doit :
Historiée hodiernœ medicinœ rationalis veri-
tatis, Xofo; cpotpiicTLxoç ad rationales medicos;
Description de la vie, de la maladie et de la
mort de la duchesse de Mercœur.
BOUVART
BOUVART (Michel-Philippe), célèbre méde-
cin, né à Chartres en 1717, mort en 1787, vint
ù Paris en 1736, entra à l'Académie des
sciences en 1743, fut nommé professeur à la
Faculté de médecine en 1747, et bientôt après
au Collège de France. En 1768 et 1769, il reçut
des lettres de noblesse et le cordon de Saint-
Michel, après avoir néanmoins refusé la place
de premier médecin du roi. D'une humeur
brusque et hautaine, Bouvart se créa beau-
coup d'ennemis, et il eut le tort de porter ces
défauts dans sa polémique, lorsqu'il avait déjà
le bon droit contre lui. Ainsi, il se montra
l'adversaire de > inoculation, par un sentiment
d'hostilité contre le fameux Tronchin, qui la
préconisait. A l'article BORDEU, nous avons dit
de quelle aniinosité il poursuivit le précurseur
de Bichat, et rapporté le mot cruel par lequel
Michel Bouvart accueillit la nouvelle de sa
mort. Ces faits suffisent pour faire connaître
le caractère du personnage. Bordeu, il faut le
dire, employait quelquefois les mêmes armes
à l'égard de son adversaire. Dans ses cours
publics de chimie, qui étaient très-suivis, il
arrivait chaque année à une partie de son
cours où, à propos d'un gaz, le nom du
médecin Bouvart était tout naturellement
amené suivi de ces mots : « Cet assassin,
qui a tué mon frère que voilà. » E t , en pro-
nonçant ces mots, il désignait du doigt son
frère, qui lui servait de préparateur, et que
Bouvart avait traité dans une maladie. Bou-
vart avait cependant un caractère géné-
reux. Ayant été, un jour, appelé près d'un
banquier dont les autres médecins n'avaient
pu deviner la maladie, il comprit que la
crainte d'une ruine imminente était la cause
de tout le mal, et il s'en alla en laissant sur la
cheminée un billet de 30,000 fr. en guise d'or-
donnance; le remède eut un effet tellement
prodigieux que, dès le lendemain, le malade
était guéri. On doit à Bouvart : Examen d'un
livre qui a pour titre : T. Tronchin de colica
pictorum (175S), anonyme; Lettre d'un méde-
cin de province à un médecin de Paris (1758) ;
Mémoire à consulter contre les héritiers de ta
marquise d'Ingreoille (1764) ; Consultations
contre la légitimité des naissances prétendues
tardives (1765); De dignitate medicinœ (1747);
De experientiœ et studii necessitate in medi-
cina (1747). Senac a publié un résumé de ses
leçons au Collège de France, sous le titre :
De recondita febrium intermittentium tumre-
mitteîitium nalura (Amsterdam, 1759), ano-
nyme.
BOUVARTBOUVART s. m. (bou-var — dim. du lat.
bos, bovis, bœuf). Comm. Nom donné aux
jeunes taureaux dans le commerce des cuirs
verts d'Amérique.
BOUVARDIEBOUVARDIE s. f. (bou-var-dî — de Bou-
vard, naturaliste). Bot. Genre de plantes, de
la famille des rubiacées et de la tribu des
cinchonées, comprenant une douzaine d'espè-
ces, qui croissent au Mexique, et dont plu-
sieurs sont cultivées dans nos serres.
BOUVARTBOUVART (Alexis), astronome français, né
dans le Faucigny en 1767, mort en 1843, se
livra avec passion à l'étude des mathémati-
ques et de l'astronomie. Par la double in-
fluence de ses titres incontestables et de La-
place, qu'il avait aidé dans les calculs relatifs
a la Mécanique céleste, il devint successive-
ment membre du bureau des longitudes, de
l'Académie des science"s, et directeur de l'Ob-
servatoire. On lui doit de Nouvelles tables des
planètes Jupiter et Saturne (1808), la décou-
verte de huit comètes et le calcul de leurs élé-
ments paraboliques, ainsi que des observations
très-ingénieuses sur les perturbations d'Ura-
nus, qu il attribuait à une planète encore in-
connue, hypothèse que M. Lcvcrrîer confirma
pleinement en 1846 par la découverte de la
planète Neptune.
BOUVEAUBOUVEAU s. m. (bou-vo). Galerie à large
section, où se centralise le roulage d'une
mine.
BOUVEMENTBOUVEMENT s. m. (bou-ve-man — rad.
bouvet). Techn. Rabot à taillant sinueux, qui
sert à pousser les moulures. Il Moulure en
portion de cercle faite par le bouvement.
BOUVEAÎIBOUVEAÎI s. m. (bou-vo — dim. du lat.
bos, bovis, bœuf). Zootechn. Jeune bœuf. H
On dit aussi BOUVELKT.
BOUVELLES. V. BouELLES.
-
BOUVENOT
BOUVENOT (Pierre), magistrat français, né
à Arbois en 1746, mort en i833. Il fut d'abord
avocat à. Besançon, fut élu membre de l'As-
semblée législative en 1791, puis placé .à la
tète de l'administration départementale du
Doubs. Destitué et incarcéré pour ses opinions
modérées, il eut le bonheur d'être renvoyé
absous par le tribunal révolutionnaire. Plus
tard, il fut appelé à, présider le tribunal de
l
r
e instance d'Arbois, et, destitué en 1814, il
fut, en 1820, nommé de nouveau président à
Lons-le-Saunier.
BOUVENOT
BOUVENOT (Louis-Pierre), prêtre, puis
médecin français, frère du précédent, né à
Arbois en 1756, mort à Sens en 1830. Après
avoir suivi la carrière des armes, il se fit
prêtre, devint vicaire de Saint-Jean-BupUste
à Besançon, puis grand vicaire de l'évêque
métropolitain constitutionnel de l'Est. Arrêté
sous la Terreur, il parvint à s'échapper, vint
à Paris chez son ami Corvisart, qui 1 engagea
à étudier la médecine, quoiqu'il eut alors près
de quarante ans. Quelques années plus tard, il
se fit recevoir docteur, et après la mort de Cor-
visart, se retira à Sens, où il se fit une nom- *
breuse clientèle. Il a fourni quelques articles
au Dictionnaire des sciences médicales. U avait
soutenu pour le doctorat une thèse, qui fut
remarquée des praticiens, et qui avait pour
titre : liecherches sur le vomissement, etc.
(1800), in-8«.
BOUVENS
BOUVENS (l'abbé DE), ecclésiastique fran-
çais, né à Bourg vers 1750, mort peu après
1830. Il fut grarid vicaire de M. de Conzié,
archevêque de Tours, qu'il suivit dans l'émi-
gration. A Londres, il fut attaché à la chan-
cellerie du comte d'Artois, depuis Charles X,
et ce fut dans cette ville qu'il prononça les
oraisons funèbres du duc d'Ënghiën, de l'abbé
Edgeworth et de Marie-Joséphine-Louise
de Savoie, femme de Louis XVIII. Lorsqu'il
publia la première de ces oraisons, il y joignit
une notice sur la vie du prince. A la Restau-
ration, il fut nommé aumônier du roi; mais
ses infirmités l'obligèrent à donner sa démis-
sion ^cependant, il conserva le titre d'aumô-
nier honoraire. On a de lui un recueil à'Orai-
SOJÎS funèbres (Paris, 1824, in-8°).
BOUVERETBOUVERET s. m. (bou-ve-rè — dim. de
bouvreuil), ornith. Espèce de bouvreuil d'Eu-
rope.
BOUVERIEBOUVERIE s. f. (bou-ve-rî — du lat. bos,
bovis, bœuf). Econ. rur. Etable à bœufs; se
dit principalement des étables qui sont dans
les environs des marchés publics.
— A signifié Métier de bouvier.
— Encycl. On appelle bouverie l'habitation
du bœuf, et vacherie celle de la vache. Ces
étables doivent être placées, relativement au
corps de la ferme, aux magasins à fourra-
ges , à la fosse au fumier, de manière à fa-
ciliter les travaux et la surveillance. 11 importe
aussi qu'elles soient dans un lieu sain, bien
orientées, afin d'éviter les vents nuisibles, et,
selon les pays, l'humidité, les fortes chaleurs
ou les grands froids. Tous les animaux ont
besoin d'une quantité d'air relative au poids et
à la nature des aliments qu'ils consomment.
Ceux qui se nourrissent de fourrages secs
usent plus d'oxygène que ceux qui mangent
des substances aqueuses, des racines et de
l'herbe. Les carnivores qui vivent de corps
gras absorbent plus d'air que les herbivores.
Réciproquement, plus les animaux inspirent
d'oxygène, plus ils mangent et plus ils recher-
chent les substances fortement alibiles. Aussi,
les animaux placés dans un air pur et froid
consomment plus d'aliments que ceux qui sont
placés dans un milieu chaud et humide. Dans
le premier cas, ils brûlent plus de nourriture
pour reproduire la chaleur qu'ils perdent, de
sorte que s'ils ne sont pas mieux nourris, ils
donnent moins de lait, s'engraissent moins ra-
pidement, quelquefois même ils maigrissent.
Par conséquent, les bêtes de rente , que l'on
engraisse ou que .l'on entretient pour le
lait, doivent être placées dans des étables
chaudes, propres, mais peu aérées : l'àir,
moins riche en oxygène, brûle dans le poumon
une quantité moindre de carbone et d'hydro-
gène, et ces éléments se fixent dans le corps
sous forme de graisse, ou produisent du lait.
C'est pourquoi, malgré les recommandations
des hommes de science, les éleveurs persis-
tent à loger leurs animaux dans des espaces
étroits et peu aérés. Mais si, pour les animaux
de rente, il est avantageux que l'air contienne
plus d'humidité et peut-être un peu moins
d'oxygène que l'air libre, il ne doit jamais ren-
fermer de corps fétides, putrides, ni un excès
v
d'acide carbonique. L'habileté du nourrisseur
consiste a combiner l'aérage avec la nourri-
ture qu'il donne à ses animaux, de manière b.
retirer de son établissement le plus grand pro-
duit possible. Mais une atmosphère chaude et
humide, favorable aux bêtes de rente, est
très-nuisible aux animaux de travail et aux
élèves. Un grand nombre de maladies sur les
animaux de travail sont dues à l'habitude de
les faire passer subitement d'un air impur et
chaud à un froid de 10° et 12°. Pour donner
une bonne constitution aux élèves, pour favo-
riser le développement régulier de tous leurs
tissus, on doit leur faire respirer un bon air.
Il est difficile de déterminer l'activité de
l'aérage dans les beuveries, qui doit varier
' selon la destination des ruminants. Mais-ils
n'ont jamais besoin de vastes étables aérées
et sèches, puisque, dans aucun cas, ils ne font
des travaux qui exigent autant de force que
ceux que les chevaux exécutent. Dans les
étables, on compte par bœuf de l m. à l m. 30
de largeur, sur une longueur de 2 m. 20 à
2 m. 60 pour l'espace réservé pour les ani-
maux, de 0 m. 50 à 0 m. 80 pour la crèche, et
de 1 m. à 1 m. 50 pour le passage, qui doit
rester libre. Il faut à une étable simple une
largeur de 4 m. 50 environ, et pour une étable
double, c'est-à-dire avec deux rangs d'ani-
maux, 8 m. La hauteur des étables sera de
2 m. 50 à 3 m. au moins; quant aux ouver-
tures, la porte aura de l m. 40 a l m. 50. Elle
sera fermée par deux vantaux, partagés cha-
cun en deux parties, dont la supérieure reste
ouverte pendant l'été. Les fenêtres de 70 à
80 cent, carrés sont les plus avantageuses.
En été, on les garnit de paillassons ou de
châssis portant des canevas pour arrêter les
insectes et pour produire une demi-obscurité,
tout en laissant renouveler l'air. Indépendam-
ment des fenêtres, si la bouverie est grande,
on pratique près du sol des ouvertures (bar-
bacanes), et une cheminée d'appel afin d'acti-
ver la ventilation. Le sol des* bouveries doit
être non glissant, imperméable et uni, et très-
légèrement en pente. Leu urines s'écoulent
dans une fosse a purin ouverte et placée au
dehors de l'étable. Les râteliers des bouveries
doivent avoir les barreaux écartés de 0 m. 10
à 0 m. i l , et plutôt verticaux qu'inclinés. Pour
les animaux que l'on veut engraisser, on peut
remplacer les râteliers par des crèches, qui
doivent être basses, peu profondes; le bord
supérieur doit être à 0 m. 40 ou 0 m. 45 du sol.
Dans les bouveries doubles, les deux mangeoi-
res peuvent être placées au milieu, de manière
que chaque rang d'animaux ait la croupe
tournée vers le mur correspondant. On laisse
entre les deux mangeoires un espace de 2 m.
environ, qui sert de corridor, d'entrepôt pour
les fourrages.
BOUVERIE(Edouard-Pleydell),homme poli-
tique anglais, né en 1818, fils du troisième comte
de Radnor,qui aconstammentréclamé,dans le
cours de sa carrière parlementaire, l'adoption
des réformes libérales. Elevé aux écoles d'Har-
row et à Cambridge, Edouard Bouverie fut
envoyé à la Chambre des communes en 1844,
par le bourg de Kilmarnock (Ecosse), et sui-
vit la ligne politique de son père. Dans le
cabinet Russell (1850-1852), il devint sous-
secrétaire d'Etat au département de l'inté-
rieur. Son aptitude aux affaires le fit nommer
ensuite président des comités de la chambre
des Communes, poste qu'il occupa honorable-
ment de 1853 à 1855. De 1855 à 1858, il remplit
les fonctions de président de l'Assistance pu-
blique (bureau des pauvres), et devint membre
du conseil privé de la couronne (conseil d'Etat).
En 1859, lord Palmerston le nomma second
commissaire des dotations ecclésiastiques. Il
siège toujours au parlement.
BOUVETBOUVET s. m. (bou-vè— étym. inconnue;
sans doute du nom de l'inventeur). Techn.
Rabot dont se servent les menuisiers et les
charpentiers pour faire les rainures et les
languettes au moyen desquelles on assemble
les planches pour en faire des panneaux, u
Bouvet mâle, Celui qui sert à pousser la lan-
guette, il Bouvet femelle, Celui avec lequel on
pousse la rainure. Il Bouvet brisé, Celui qui
fait à la fois plusieurs rainures sur une même
planche, tl Bouvet à fourchement, Celui qui
produit à la fois une rainure et une languette.
il On donne encore différents noms aux bou-
vets, selon la nature de leur travail, qui re-
vient toujours, cependant, à des rainures ou à
des languettes : Bouvet à dégorger, Bouvet à
embrasure, Bouvet à noix, etc. il Tireur de bou-
vet, Ouvrier qui travaille au parquet, et fait
au bouvet des languettes et rainures, u Tirer
le bouvet, Dans le langage des menuisiers,
Traîner une voiture dans les rues.
BOPVERINBOPVERIN s. m. (bou-ve-rain — du lat.
bos, bovis, bœuf). Econ. rur. Etable à bœufs.
BOUVERONBOUVERON s. m. (bou-ve-ron — rad. bou-
vreuil). Ornith. Espèce de bouvreuil d'Afri-
que, il Ou dit aussi BOUVRON.
BOUVETBOUVET (Joachim), jésuite et missionnaire
français, né au Mans vers 1660, mort à Pékin
en 1732, fut un des six missionnaires mathé-
maticiens que Louis XIV envoya en Chine
(1685), autant dans les intérêts de la science
que dans ceux de la religion. Il enseigna les ma-
thématiques à l'empereur Karig-Hi, travailla
à la grande carte de l'empire , envoya en
France beaucoup d'ouvrages chinois, et peut
être considéré, avec le P. Gerbillon, comme
l'un des fondateurs de la mission française de
Pékin. On a de lui diverses Belations de ses
missions et un Etat présent de la Chine (1697),
suite de dessins qui furent gravés par Giffart.
BOUVETBOUVET (Pierre-François-Henri-Etienne),
marin français, né à l'île Bourbon en 1775. Il
fit ses premières armes sous le commandement
de son père, qui était capitaine de vaisseau,
signala son courage dans plusieurs actions
d'éclat contre les Anglais, et fut nommé con-
tre-amiral en 1822. Il a publié, en 184,0, le
liécit de ses campagnes.
BOUVETBOUVET (François-Joseph, baron), amiral,
né à Lorient en 1753, mort en 1832. Il montra
quelque capacité dans les premières gucires
de la Révolution, reçut le commandement en
second de la flotte destinée à l'expédition d'Ir-
lande et resta chargé de la direction, lorsque
la tempête eut séparé de l'escadre les vais-
seaux qui portaient l'amiral et le général
Hoche. Assailli lui-même par le mauvais
temps, il ne put opérer le débarquement, fut
rendu responsable de cet insuccès, et privé
de son grade, qu'il ne recouvra que sous le
consulat.
BOUVETBOUVET (François - Joseph - Francisque),
homme politique et publiciste, né à Vieux-
d'Izenave (Ain) en 1799. Il s'est fait connaître
sous le règne de Louis-Philippe par un assez
grand nombre de publications politiques et
philosophiques, empreintes d'un sentiment
démocratique très-chaleureux et d'un esprit
humanitaire fort respectable, mais parfois un
peu chimérique. Apôtre de la paix universelle,
il réclamait, soit dans ses brochures ou ses
articles de revues, soit dans Te Réveil de l'Ain,
journal dont il était le fondateur, l'établisse-
ment d'un congrès universel et perpétuel, .
dont l'arbitrage terminerait pacifiquement les
différends des peuples et des rois, qui se tran-
chent ordinairement par le glaive. Ces rêve-
ries honnêtes, des idées non moins patriar-
cales sur la conciliation des partis, toutes les
inspirations enfin d'un cœur plein de mansué-
tude et d'une philosophie douce et tolérante,
faisaient de M. Francisque Bouvet une sorte
d'abbé de Saint-Pierre républicain, et l'une
des physionomies les plus sympathiques et
les plus originales de l'école démocratique.
Après la révolution de Février, il fut nommé
par son département représentant à la Con-
stituante, puis à la Législative, où il siégea
constamment à la gauche républicaine. Son
idée d'un congrès européen, qui, d'ailleurs,
avait déjà été émise par d'autres publicis'tes,
et qu'il reproduisit lors des complications qui
précédèrent la guerre de Crimée, a été adoptée
par beaucoup d'esprits distingués. Mais elle
est demeurée d'une application si difficile, dans
l'état actuel de la civilisation, que l'empereur
Napoléon III, malgré le prestige et l'autorité
de sa puissance et de son nom, l'a inutilement
proposée à l'Europe en 1863, Après avoir vécu
plusieurs années dans la retraite, M. Fran-
cisque Bouvet a accepté du gouvernement
impérial la place de consul de France à Mos-
soul. Ses principaux écrits sont: Loisirs de
la solitude ou Poésies et nouvelles (Paris,
1828); Bépublique et monarchie (Paris, 1S32);
Du principe de l'autorité en France et de la
limite des pouvoirs (Paris, 1839) ; Du catho-
licisme, du protestantisme et de la philosophie
en France (1840) ; Du rôle de la Irance dans
la question d'Orient; Congrès universel et per-
pétuel à CoTistantinople (1840) ; les Ultramon-
tains et les gallicans devant la nation ou Nê-
cessitè pour la France de se séparer de Rome
(1845) ; De la confession et du célibat des prê-
tres (1845), etc.
BOUVET
BOUVET DE CRESSÉ(Aug.-Jean-Baptiste),
marin et littérateur, né à. Provins en 1772, mort
en 1839. U quitta le service de mer, où il laissa
les plus honorables souvenirs, fonda une mai-
son d'éducation et publia un très-grand nom-
bre d'écrits médiocres, romans, poésies, tra-
vaux d'histoire, dont aucun ne lui a survécu.
Nous nous bornerons à citer : Précis des vic-
toires et conquête? des Français da)îs les deux
mondes (Paris, 1823, 2 vol.) ; Panorama histo-
rique de l'univers (Paris, 1824) ; Histoire de
la marine de tous les peuples depuis la plus
haute antiquité jusqu'à nos jours (1824)-, Ré-
sumé de l'histoire des papes (1826) ; Pr'écis de
l'histoire générale des jésuites (Paris, 1826).
BOUVETTEBOUVETTE s. f. (bou-vè-te). Hortic. Va-
riété de raisin.
BOUVET
BOUVET DE LOZÏEB. (Hyacinthe), géné-
ral français, né à Paris en 17G9, mort à Fon-
tainebleau en 1825, des suites d'un duel. Il
entra fort jeune au service, suivit les princes
dans l'émigration, fit avec eux les campagnes
contre la France , et se jeta en Vendée après
la dissolution de l'armée de Condé. Arrêté
comme complice de Cadôudal, il chercha a
s'ôter la vie, fit des aveux qui compromirent
Moreau, fut condamné à mort, mais vit sa
peine commuée, et subit quatre années de
détention, à la suite desquelles il fut déporté.
En 1814, Louis XV UI le nomma maréchal de
camp, chevalier de Saint-Louis et comman-
dant de l'île Bourbon. Pendant les Cent-Jours,
il refusa de reconnaître Napoléon et continua "
d'administrer la colonie au nom du roi. On a
de lui un Mémoire sur son administration de
l'île Bourbon (Paris, 1819).
BOUVIER,BOUVIER, 1ÈRE s. (bou-vié, iè-ro — du
lat. bos, bovis, bœuf). Celui, cello qui garde
ou conduit les bœufs : Un BOUVIER vigilant.
Un grand a deux jambes, ainsi qu'un BOUVIER,
et n'a qu'un ventre non plus que lui. (J.-J.
Rouss.) Chaque BOUVIER porte sa nourriture
et celle de ses bœufs. (A. Hugo.) Je rencontrai
dans les champs un BOUVIER qui conduisait
son troupeau à la foire de Limoges. (E. Sue.)
Ce n'était, dans l'origine, qu'un groupe Jeta-
bles où les BOUVIERS et les chevriers du canton
1166 BOUV
BOUT
BOUV BOUV
abritaient leur bétail quand la neige couvrait
les prés. (Lamart.)
Là, souvent, vers midi, vient s'asseoir le bouvier.
PONSARD.
Le bœuf sort de l'étable et vient tendre la tôte
Au joug accoutumé que le bouvier apprête.
A. BARBIER.
. . . Je voudrais du moins qu'une duchesse en France
Sût valser aussi bien qu'un bouvier allemand.
A. DE MUSSET.
C'est donc toi, criait-il, fier bouvier des montagnes,
Aux rives du Léman si terrible autrefois !
MASSON.
C'est l'aiguillon saignant, qui, planté dans la peau,
Fait contre le bouvier regimber le taureau;
Il détourne à la fin son front stupide et morne,
Et frappe le tyran au ventre avec sa corne.
LAMARTINE.
— Par ext. Personne grossière, ignorante,
maladroite : C'est un homme sans éducation,
un véritable BOUVIER. Mais voyez cette mala-
droite, cette BOUVIÈRE, cette butorde! (Mol.)
— Adjectiv. Une charrette bouvière. Char-
rette traînée par des bœufs.
— s. m. Astr. Constellation boréale, voi-
sine du pôle nord, qui, dans le catalogue de
Flamstead, compto cinquante-trois étoiles,
dont la plus brillante est Arcturus ;
Le Bouvier, au milieu de sa course,
Roulait obliquement le char pesant de l'Ourse.
DE FONTANES.
— Didact. Ouvrage qui traite de la ma-
nière de soigner les bœufs.
— Ornith. Nom vulgaire du gobe-mouches
et de plusieurs bergeronnettes, parce que
ces oiseaux suivent le laboureur pour se
nourrir des vers que la charrue met a nu.
BOUVIER
BOUVIER (Gilles LK), ditBcrry, chroniqueur
français, né à Bourges vers 1386. Il fut pre-
mier héraut d'armes de Charles VII. On lui
doit une Chronique et histoire de Charles VII
depuis 1402 jusqu'en 1455, et une Description
de la France, que le P. Lelong a insérée dans
Y Abrégé royal de l'alliance chronologique.
BOUVIERBOUVIER (André-Marie-Joseph), médecin
et agronome français, né à Dôle en 1746,
mort en 1827. Sous l'Empire, il fut médecin
de Madame Mère ; sous la Restauration, il fut
nommé médecin consultant de la maison de
Saint-Denis, et médecin honoraire du Garde-
Meuble. Il se retira ensuite à Vaugirard, où il
s'occupa d'expériences agronomiques. On lui
doit : Expériences et observations sur la cul-
ture et l'usage de la spergule (l~98) ; De l'édu-
cation des dindons (1798); Quelques notions
sur la race des bœufs sans cornes (1799) ; Mé-
moire sur cette question : Est-il vrai que le
médecin puisse rester étranger à toutes les
sciences et à tous les arts qui n'ont pas pour
but d'éclairer lapratiquel (1807).
BOUVIER
BOUVIER (Claude-Pierre), magistrat fran-
çais, né à Dôle en 1759. Après avoir rempli
sous la Révolution d'honorables fonctions
toutes gratuites, il fut nommé maire de Dôle,
puis membre du Corps législatif, et procureur
impérial à la cour de Besançon. Destitué en
1816 pour l'opposition énergique qu'il avait
faite au parti ultraroyaliste, il fut nommé
aux mêmes fonctions près la cour de Limoges
en 1S18; mais il ne conserva pas longtemps
ce nouveau poste, et rentra dans la vie
privée.
BOUVIER
BOUVIER (Jean-Baptiste), prélat français,
néàSaint-Charles-la-Forêt (Mayenne) en 1783.
II fut nommé évéque du Mfftis en 1834. On
lui doit un grand nombre d'ouvrages qui ont
été adoptés dans beaucoup de séminaires, et
qui ont donné une forte impulsion aux études
ecclésiastiques. Nous citerons : Institutions
theologicœ; Institutions philosophicœ ; Cours
de philosophie; Traité des indulgences, des
. confréries et du jubilé (1826); Histoire abré-
gée de la philosophie (1841, 2 vol.); Précis
historique et canonique sur les jugements ec-
clésiastiques (lS52),etc.
BOUVIER
BOUVIER (Sauveur-Henri-Victor),médecin
français, né à Paris en 1799. Il est membre
de l'Académie de médecine et médecin en
chef de l'hôpital des Enfants. Il a dirigé long-
temps un établissement orthopédique pour le
redressement des courbures de la colonne
vertébrale au moyen de lits mécaniques. Ses
procédés, vivement attaqués par ses con-
trères, lui valurent, en 1837, un prix de
6,000 fr. de l'Académie des sciences. On lui
doit, entre autres écrits : Etiologie des diffor-
mités en général et des déviations de l'épine en
particulier ; Mémoire sur la cause et le traite-
ment du pied bot; la Surdi-mutité (1852); Le-
çons cliniques sur les maladies chroniques de
l'appareil locomoteur (1858), etc.
BOUV1ER-DUMOLA.RD (le chevalier), ad-
ministrateur français, né à Sarreguemines en
1781. Attaché à la sous-préfecture de Sarre-
bruck, il fut remarqué par l'empereur dans
une de ses tournées, et devint auditeur au
conseil d'Etat. En 1805, il obtint l'intendance
de la Carinthie, de la Saxe, des principautés
de Cobourg et de Schwartzbourg. En 1810, il
fut appelé à la préfecture du Finistère, et,
deux ans plus tard, à celle de Tarn-et-Garonne.
Beauchamp l'avant accusé d'avoir, par sa faute,
rendu nécessaire le combat livré par le maré-
chal Soult sous les murs de Toulouse, Bouvier-
Dumolard l'attaqua en diffamation, et gagna
sa cause en la plaidant lui-même. Exilé en
1815, il obtint ensuite la permission de rentrer
en France.
BOUVILLE
BOUVILLE (marquis DE), homme politique
français, né vers 1760, mort en 1833. Il était
conseiller au parlement de Rouen en 1789, et
il fut envoyé aux états généraux comme dé-
puté de la noblesse. Il joua un rôle important
dans les discussions de la chambre des dé-
putés depuis 1815 jusqu'en 1827. Il apparte-
nait au parti royaliste, mais il montra quel-
quefois des vues sagement libérales, et on
ne put jamais l'accuser d'un dévouement
aveugle.
B O U V I L L O N s. m. (bou-vi-llon, Il mil. —
dim. de bœuf). Jeune bœuf.
BOUVIÈRE
BOUVIÈRE s. f. (bou-viè-re). Ichthyol.
Très-petite espèce de cyprin, des eaux cou-
rantes d'Europe, appelée aussi PÉTEUSE.
— Ëncycl. Les caractères de la bouvière
sont : transparence dans presque toutes ses
parties, robe parée de couleurs magnifiques;
dos et tête vert jaune, opercule nuancé de
noir, flancs blancs, roses et irisés d'une belle
couleur aurore; ventre d'un blanc éclatant,
yeux rouges.
La bouvière vit dans les eaux pures et cou-
rantes du nord, ou dans les grands étangs
traversés de rivières; sa chair n'est pas man-
geable, par suite de son amertume. Ce petit
poisson ne se prend pas à la ligne, mais il entre
volontiers dans les nasses et autres filets dor-
mants. C'est la meilleure amorce vive que l'on
puisse trouver, de novembre à février, pour
J
>êcher la perche et le brochet dans les étangs,
es ruisseaux et les endroits où la chaleur de
l'eau vive permet à ces poissons voraces de
ne pas se retirer et s'engourdir dans les trous
et les crevasses.
BOUVINES,
BOUVINES, village de France (Nord), ar-
rond. et à 13 kilom. S.-E. de Lille, sur la Mar-
que; 579 hab. Céréales, betteraves, graines
oléagineuses. Ce village est célèbre par la
victoire remportée en 1214 par Philippe-Au-
guste sur l'empereur Othon IV, le comte de
Flandre et leurs alliés. Un monument a été
é^evé à Bouvines, en 1863, pour rappeler cette
victoire. En 1340, Philippe de Valois y mit en
déroute 10,000 Anglais.
BOUVINES
BOUVINES (BATAILLE DE), une de nos gran-
des batailles nationales, celle qui contribua le
plus, peut-être, à l'unité et à l'affranchisse-
ment de la France, sans cesse menacés par
les institutions féodales et les ambitions
étrangères. L'invasion de la Flandre par
Philippe-Auguste' avait jeté au sein de ces
contrées belliqueuses un sourd ferment de
haine, dont l'explosion ne devait pas se faire
attendre. Depuis l'Escaut jusqu'au Rhin et a
la Moselle, les hauts barons avaient vu, avec
une inquiétude mêlée de colère, le roi de
France tourner son activité vers le Nord, et
ils semblaient s'alarmer sérieusement des
vastes desseins que la renommée prêtait à
Philippe, pour reconstituer à son profit l'im-
mense empire de Charlemagne. Accoutumés
à une indépendance presque complète sous la
suzeraineté des empereurs d'Allemagne, ils
se voyaient avec effroi sur le point d'être
forcés a, renouer leurs antiques liens avec
la France royale. Une formidable ligue s'or-
ganisa donc contre Philippe-Auguste. Les
comtes de Boulogne et de Salisbury parcou-
rurent les deux Lorraines et les bords du Rhin,
échauffant les sentiments populaires et exci-
tant les barons à prendre les armes. Renaud
de Boulogne, encore plus redoutable par
la vivacité et l'étendue de son esprit que par
sa bravoure, devint l'âme de la coalition,
et se rendit en Allemagne auprès de l'empe-
reur Othon, que son rival Frédéric, allié de
Philippe, avait presque réduit à la possession
de ses domaines héréditaires de Saxe et de
Brunswick. Othon fut facile à persuader; il
leva une armée et se rendit à Bruges, au com-
mencement de 1214. C'est dans cette ville que
furent arrêtées, au sein d'un parlement pré-
sidé par l'empereur, les dispositions de la
campagne qui allait s'ouvrir contre la France.
Là se trouvèrent réunis le comte de Salis-
bury, représentant le roi d'Angleterre; Re-
naud de Boulogne; Ferrand de Portugal,
comte de Flandre et de Hainaut; le duc de
Limbourg ; les comtes de Hollande, de Namur ;
une foule de grands barons, et jusqu'aux ducs
de Brabant et de Lorraine, qui renonçaient à
leur alliance avec Philippe pour s'attacher à
la ligue. Il fut résolu que l'armée belge et
teutonique, conduite par Othon, pénétrerait
en France par la Flandre et le Hainaut, tan-
dis que Jean sans Terre porterait de son côté
la guerre dans le Poitou. La chevalerie belge
et lorraine était remplie d'enthousiasme ; elle
ne voulait rien moins que « conquêter » le
royaume de Philippe. Sa surexcitation avait „
même puisé un nouvel aliment dans cette pro-
phétie d'un magicien : « On combattra; le roi
sera renversé en la bataille et foulé aux
pieds des chevaux, et pourtant n'aura pas sé-
pulture , et Ferrand sera reçu à Paris en
rande procession après la bataille. » La pré-
iction devait se réaliser, mais à la manière
des oracles anciens, qui se retournaient par-
fois si cruellement contre ceux qui les avaient
invoqués.
Philippe envisagea froidement le péril,
sans se le dissimuler, mais sans le craindre.
Quoiqu'il eût été devancé par Jean sans
Terre, qui avait débarqué à La Rochelle en
février, il déploya tant d'énergie et d'activité
qu'il sut rassurer ses amis, décider les incer-
tains et intimider les malveillants. Il envoya
son fils Louis contre le roi d'Angleterre, qui
essuya la déroute la plus complète, perdit ses
bagages et ses munitions, et s'enfuit honteu-
sement pour ne plus reparaître sur le théâtre
de la guerre. Philippe s'était porté dans le
Nord, où la lutte allait revêtir un aspect bien
autrement terrible. Après avoir convoqué
tous S«ÎS feudataires et toutes ses communes,
qui s'ébranlaient en masse au son du tocsin
pour repousser l'invasion, il marcha sur Pé-
ronne, rendez-vous général assigné à la che-
valerie et aux milices françaises. Othon avait
concentré son armée autour de Valenciennes,
sur les terres du comte de Ferrand. « Là, dit
M. Henri Martin, vinrent successivement les
lourds gens d'armes de la Saxe et du Bruns-
wick, les communes de Flandre et de Bra-
bant, avec leurs épais bataillons hérissés de
piques, la chevalerie des deux Lorraines, la
pauvre et guerrière noblesse de la Hollande
et des provinces du Rhin, avide de piller le
plantureux pays de France, et les routiers en-
durcis aux armes que conduisait Hugues de
Boves, et les chevaliers et archers anglais
débarqués avec le comte de Salisbury. » Tous
ces princes se croyaient tellement sûrs de la
victoire, qu'ils se partageaient déjà les dé-
pouilles du royaume. Philippe n'attendit pas
ses ennemis; il partit de Péronne le 23 juillet
(1214), tandis que, de son côté, Othon levait
son camp de Valenciennes et s avançait jus-
que près de Tournai. Le roi voulait prendre
1 offensive; mais, sur l'avis de ses capitaines,
il revint en arrière pour entrer par un autre
point dans le Hainaut. Une partie de son ar-
mée avait déjà franchi le petit pont de Bou-
vines, qui traverse la rivière de Marque, af-
fluent de la Lys, entre le lieu dit Sanghin et
la ville de Cisoing, lorsque l'évêque de Senlis,
qui était parti en reconnaissance à la tête de
trois'mille cavaliers, accourut à toute bride
l'avertir que l'ennemi arrivait sur ses pas.
Philippe se reposait alors, tout désarmé, à
l'ombrage d'un chêne. • Le roi, dit une chro-
nique, après une brève oraison à Notre-Sei-
fneur, se fit armer hâtivement, saillit sur son
estrier en aussi grande liesse (joie) que s'il
dût aller à une noce ou à une fête, et lors
commença-t-on à crier parmi les champs : Aux
armes, barons, aux armes! Trompes et buc-
cines (clairons) commencèrent à bondir, et les
batailles à retourner qui avaient déjà passé le
pont, et fut rappelée l'oriflamme de saint De-
nis, que l'on a coutume de porter par-devant
toutes les autres au front de la bataille; mais,
comme elle tardoit, on ne l'attendit pas. » Phi-
lippe comptait environ 75,000 hommes, Othon
plus de 100,000, quelques historiens disent
même 200,000 ; mais ce dernier chiffre est
sans doute exagéré. L'empereur déploya son
armée sur deux rangs, de manière que ses
soldats eussent devant les ;yeux la lueur du
soleil, brûlant dans cette saison ; le roi de
France rangea ses chevaliers sur une ligne à
peu près égale à. celle du corps de bataille en-
nemi, ayant auprès de lui Guillaume des Bar-
res, un des plus intrépides chevaliers de son
temps, et beaucoup d'autres vaillants hommes
• pour son corps garder, * car il allait payer
rudement de sa personne. A la droite se te-
naient Eudes, duc de Bourgogne; le vicomte
de Melun et l'évêque de Senlis ; la gauche
était commandée par les comtes de Dreux et
de Ponthieu. En face, on apercevait Othon ; il
avait adopté, pour étendard impérial, un aigle
de bronze doré, tenant dans ses serres un
dragon qui tournait vers les Français sa
gueule béante. Quand on fut près d'en venir
aux mains, Philippe réunit autour de lui ses
barons, et, sachant que quelques-uns parmi
eux avaient donné des signes de mécontente-
ment, il fit apporter la grande coupe d'or
pleine de vin, y trempa un morceau de pain
qu'il mangea, puis la présenta aux barons en
disant : « Que ceux qui veulent vivre ou mou-
rir avec moi en fassent autant. » Tous se pré-
cipitèrent; en un clin d'œil la coupe fut vide.
« Le roi, dit la Chronique de Iieims, moult
liés (très-réjoui), leur dit: a Seigneurs, vous
• êtes tous mes hommes, et je suis votre sire...
» et vous ai moult aimés, et ne vous fis onc
» tort ni déraison, ains (mais) vous ai toujours
» menés par droit. Pour ce, si prie à vous tous
» que vous gardiez hui(aujourd hui) mon corps
» et mon honneur et le vôtre. Et, si vous voyez
» que la couronne soit mieux employée en l'un
» de vous qu'en moi, je m'y octroie volontiers
» et le veux de bon cœur. » Quand les barons
l'ouïrent parler, si commencèrent à pleurer
de pitié et lui dirent: « Sire, pour Dieu merci,
• nous ne voulons roi sinon vous I Or, che-
» vauchez hardiment contre vos ennemis, et
» nous sommes tous appareillés (prêts) de
s mourir avec vous 1 » *
Il y a loin de cette scène si simple, si digne
et si touchante, de mœurs si éminemment
françaises et cnevaleresques, au récit em-
phatique de l'abbé Velli, qui représente Phi-
lippe-Auguste déposant une couronne d'or sur
l'autel où l'on célébrait la messe pour l'armée,
et proposant aux soldats de décerner cette
couronne à celui qu'ils jugeraient plus digne
que lui de la porter. Comme si une pareille
cérémonie était vraisemblable, dans un mo-
ment où l'armée française venait d'être sur-
prise I
Quand le roi eut achevé, ses chevaliers et
ses soldats lui demandèrent sa bénédiction;
élevant alors les mains, il pria Dieu de les
bénir tous; huit trompettes sonnèrent!...
Ce furent des cavaliers soissonnais qui eu-
rent la gloire d'engager la grande bataille;
repoussés et démontés par les rudes chevaliers
flamands, ils revinrent à la charge avec la
chevalerie bourguignonne et champenoise, ac-
courue à leur secours; en un instant,la droite
des Français fut aux prises avec la gauche
des coalisés; les rangs se rompirent, puis
hommes et chevaux se confondirent dans un
effroyable tourbillon, où les éclairs jaillis-
saient de toutes parts du choc des épées, où
retentissaitle bruit terrible des masses d'armes
s'abattant avec fracas sur les casques et les
cuirasses. Le duc de Bourgogne eut son che-
val tué sous lui; Gauthier de Châtillon, comte
de Saint-Pol, accomplit d'incroyables pro-
diges de valeur. Se sachant en butte aux
soupçons du roi, il avait déclaré • qu'on ver-
rait bien en ce jour qui serait traître. » As-
sailli de tous côtés par les ennemis, tandis que
la solidité de son armure le rendait invulné-
rable à leurs coups, il faisait un vide sanglant
autour de lui. Après trois heures de lutte et de
carnage, tout le poids de la bataille tomba sur
le comte de Flandre et les siens : Ferrand,
abattu à terre, couvert de sang et de bles-
sures, enveloppé de toutes parts, fut forcé do
se rendre avec un grand nombre de ses che-
valiers, après avoir combattu, comme un lion.
Tandis que la lutte revêtait ce caractère
d'acharnement, les communes, oui se trou-
vaient déjà au delà du pont de Bouvines au
commencement de l'action, étaient revenues
sur leurs pas. Celles de Corbie, d'Amiens,
d'Arras, de Beauvais et de Compiègne accou-
raient avec l'oriflamme, et, dépassant toute la
chevalerie, se plaçaient hardiment entre le
roi et Othon. La mêlée devint affreuse: la
gendarmerie teutonique chargea avec fureur
ces troupes encore inexpérimentées et les
rompit, mais sans parvenir à leur faire lâcher
pied. Elle arriva néanmoins jusqu'à l'escadron
du roi, ou combattaient Guillaume des Barres
et tous les preux. Ceux-ci se précipitèrent
devant Philippe, pour lui faire un rempart de
leurs corps ; mais, pendant qu'ils arrêtaient
Othon et ses chevaliers, des Allemands arri-
vèrent jusqu'au roi, le cernèrent et le jetèrent
à bas de son cheval avec dès lances et des
crocs de fer: ils l'eussent tué infailliblement
sans l'excellence de son armure. A l'appel de
quelques chevaliers restés auprès de sa per-
sonne, au signal de Goles de Montigny, qui
élevait et abaissait rapidement l'oriflamme
pour implorer du secours, les gens des com-
munes revinrent, semblables à des vagues
impétueuses. Le sire des Barres tenait Othon
par sou heaume et de martelait de sa masse
d'armes, lorsque les cris : • Aux Barres! aux
Barres! Secours au roi! » lut firent lâcher
sa proie. Il accourut, « faisant si grande place
à l'entour que l'on y pouvoit mener un char
à quatre roues, tant il éparpilloit et abattoit
de gens devant lui. » Une effroyable mêlée
s'engagea de nouveau entre les chevaliers du
roi et ceux de l'empereur, « avec grand aba-
tis d'hommes et de chevaux. » Un intrépide
baron de l'armée française assaillit Othon et
le frappa de son épée à la poitrine ; la cui-
rasse ayant fait glisser l'arm**, il redouble ;
mais son glaive atteint à la tête le cheval de
l'empereur. L'animal, blessé à mort, mais de-
venu furieux,emporte son maître avec la rapi-
dité de l'éclair, et l'arrache au danger. Othon
ne reparut point sur le champ de bataille, a ne
pouvant plus, dit le chroniqueur, endurer la
vertu des chevaliers de France. * Bientôt le
centre de l'armée ennemie se débanda tout
entier, et les plus vaillants chevaliers furent
forcés de rendre leur épée ; les ducs de Bra-
bant et de Limbourg, ainsi que le chef des
routiers, se dérobèrent au même sort par une
fuite rapide. Le char qui portait l'étendard
impérial fut mis en pièces, le dragon brisé,
et l'aigle d'or fut déposé, tout mutilé, aux pieds
de Philippe.
A l'aile droite, le combat se prolongeait
avec un horrible acharnement, Renaud de
Boulogne, avec les Anglais et les routiers du
Brabant, soutint longtemps encore l'effort des
vainqueurs, o II batailloit si durement, que
nul ne le pouvoit vaincre ni surmonter. » De
leur côté, les Anglais avaient d'abord fait r e -
culer les gens de Dreux, du Perche, du Pon-
thieu et du Vimeux; à ce spectacle, le bouil-
lant évêque de Beauvais, frère du comte de
Dreux, se précipita au plus fort de la mêlée.
De peur de transgresser les canons qui dé-
fendaient aux clercs de verser le sang, le bel-
liqueux prélat brandissait une masse d'armes
au lieu d épée ; il se contentait d'assommer les
ennemis, au lieu de les pourfendre. D'un seul
coup de cette redoutable masse d'armes il ter-
rassa le comte de Salisbury, général des An-
glais, puis une foule d'autres, recommandant
à ses compagnons de dire que c'étaient eux
qui avaient Tait « ce grand abatis, de peur
qu'on ne l'accusât d'avoir commis une œuvre
illicite pour un prêtre. » Les Anglais s'enfuirent
en désordre. Quant à Renaud de Boulogne, il
continua à combattre avec le courage du
désespoir. Avant la bataille, Othon, lecomte de
Flandre et Renaud avaient juré de ne diriger
leurs efforts que contre la personne du roi ;
seul, le comte de Boulogne était arrivé jus-
qu'à Philippe; il eut horreur, dit-on, de por-
ter la main sur son souverain légitime, et il
s'élança contre la gauche des Français. Pro-
tégé par une troupe de soldats formés en un
double cercle hérissé de longues piques, c'est
du milieu de cette citadelle vivante qu'il se
précipitait pour promener le ravage et la
mort dans les rangs français; c'est là qu'il
cherchait un refuge lorsqu'il se sentait pressé
trop vivement par la cavalerie, qui se brisait
alors contre un rempart de fer. Philippe lança
B0UV
ËOUZ
BOVA BOVA 1167
enfin contre ces redoutables Flamands trois
mille piquiers français, qui les enfoncèrent et
les taillèrent en pièces. Renaud de Boulogne,
semblable à un sanglier furieux, se rua au
milieu des escadrons du roi; mais son cheval,
blessé à mort, s'abattit sous lui, et il allaty
être tué par un homme des communes, lors-
que l'évêque de Senlis arriva à temps pour le
recevoir à merci. Il ne restait plus qu'un corps
de sept cents fantassins brabançons, qui con-
tinuaient vaillamment une résistance inutile;
bientôt, entourés par cinquante chevaliers et
deux mille hommes de pied, ils furent tous
massacrés ou faits prisonniers. Après six
heures de combat (27 juillet 1214), cette armée
formidable, qui menaçait d'envahir la France,
était couchée sanglante sur le champ de ba-
taille, ou n'offrait plus que des débris errants
et dispersés. Des princes, des ducs, des comtes,
des chevaliers et un butin immense servirent
à décorer le triomphe du vainqueur.
Si la crainte avait été grande, la joie fut
immense à la nouvelle de la victoire : « Les
clercs chantoient par les églises doux chants
en louanges de Notre-Seigneur; les cloches
• sonnoient à carillon ; les moutiers étoient or-
nés dedans et dehors de draps de soie; les
rues et les maisons des bonnes villes étoient
vêtues et parées de courtines et de riches
garniments ; les voies et les chemins étoient
jonchés de rameaux d'arbres verts et de
fleurs nouvelles... les vilains et les moisson-
neurs s'assembloient, leurs râteaux et leurs
faucilles sur le col, pour voir Ferrand en
liens, lequel ils redoutoient un peu avant en
armes.» Le malheureux comte de Flandre al-
lait en effet faire son entrée à Paris au milieu
d'une procession solennelle, mais avec les fers
aux pieds et aux mains.
Telle fut cette fameuse bataille de Bou-
vines, qui jette tant de prestige sur le nom
de Philippe-Auguste. Elle est comme l'au-
rore de notre nationalité : le peuple, repré-
senté par les milices communales, venait de
faire son apparition avec éclat sur le champ
de bataille, et son début fut le salut de la
France ; près de lui avaient combattu les fiers
barons et jusqu'au clergé : toutes les classes
avaient eu leurs représentants sur le champ
de bataille. Au récit des émouvantes péripéties
de Bouvines, on sent que l'âme de la France
s'ouvre de loin au double progrès qui fera plus
tard sa gloire et sa grandeur : le patriotisme
et l'unité.
BOUVOIRIE s. f. (bou-voi-rî — rad. bœuf).
K table à bœufs.
BODVOT (Job), jurisconsulte français, né à
Chalon-sur-Saône en 1558, mort en 1636. Il
étudia le droit sous Cujas, et fut avocat au
parlement de Dijon. On lui doit : liecueil
d'arrêts notables du parlement de Bourgogne
(1623,2 vol. in-4°), et Commentaires sur les
coutumes de Bourgogne (1632).
BOUVRETTE s.' f. (bou-vrè-te — rad. bou-
vreuil). Instrument dans le genre des seri-
nettes, dont on se sert pour apprendre des
airs aux bouvreuils.
BOUVREUIL s.m. (bou-vreuil, //mil.). Or-
wth. Pyrrhule commun, oiseau de l'ordre
tes passereaux, au bec gros et court : Sur
Les lisières des bois, le BOUVREUIL, caché dans
l'épine blanche, charme par son doux ramage
sa compagne dans son nid. (B. de St-P.) Le
BOUVREUIL commun est sujet à se revêtir en
cage d'un plumage tout noir, et l'on attribue
cette sorte de mélanisme à sa nourriture, lors-
?
-n'elle se compose uniquement de chènevis. (La-
resnaye.)
Le timide bouvreuil ne faisait que chanter,
Et ne demandait rien
— Encycl. Le genre bouvreuil peut être
ainsi caractérisé : bec gros et court, bombé
en tout sens, aussi épais que haut, comprimé
seulement vers la pointe de la mandibule su-
périeure, qui dépasse un peu l'inférieure; na-
rines basales, arrondies, presque cachées par
les plumes du front; ailes médiocres; queue
large, échancrée et assez longue ; tarses
courts, scutellés. Ce genre, que les natura-
listes modernes ont beaucoup réduit, ne con-
tient plus que six espèces, qui vivent en Eu-
rope et en Asie. La nature a bien traité le
bouvreuil, car elle lui a donné un beau plu-
mage et une belle voix. Le plumage a toute sa
beauté après la première mue; il est particu-
lièrement remarquable par la belle couleur
rouge tendre qui couvre entièrement la poi-
trine et le cou. Sa voix a besoin du secours
de l'homme pour acquérir toute sa perfection.
Un bouvreuil qui n'a point eu de leçons n'a
que trois sons : le premier, celui, par lequel il
débute ordinairement, est une espèce de coup
de
1
, sifflet; il n'en fait d'abord entendre qu'un
seul, puis deux de suite, puis trois et qua-
tre, etc. Ce son est assez pur; quand l'oiseau
est animé, il semble articuler cette syllabe
répétée : tui, tui, tui. Ensuite, il fait entendre
un son plus suivi, mais plus grave, presque
enroué et dégénérant en fausset. Enfin, dans
les intervalles, il a un petit cri intérieur, sec
et coupé, fort aigu, mais en même temps fort
doux, et si faible qu'à, peine on l'entend. Il
exécute ce son, qui ressemble à ceux que fait
entendre un ventriloque, sans aucun mouve-
ment apparent du bec ni du gosier, mais seu-
lement avec un mouvement sensible dans les
muscles de l'abdomen. Tel est le chant du
bouvreuil de la nature, c'est-à-dire du bou-
vreuil sauvage, abandonné à lui-même et
n'ayant eu d'autre modèle que son père et
sa mère, aussi sauvages que lui; mais que
l'homme daigne s'occuper de son éducation,
lui faire entendre avec méthode des sons plus
beaux, plus moelleux, mieux filés, l'oiseau
docile, non-seulement les imite avec justesse,
mais quelquefois les perfectionne et surpasse
son maître, sans oublier pour cela son ramage
naturel. Il apprend aussi à parler sans beau-
coup de peine, et il donne à ses petites phrases
un accent pénétrant, une expression intéres-
sante, qui. ferait presque soupçonner en lui
une âme sensible... Au reste, le bouvreuil est
très-capable d'attachement personnel, et même
d'un attachement très-^ort et très-durable. On
en a vu d'apprivoisés s'échapper de la volière,
vivre en liberté dans les bois l'espace d'une
année, et, au bout de ce temps, reconnaître
la voix de la personne qui les avait élevés et
revenir à elle pour ne plus l'abandonner. Un
de ces oiseaux, qui revint à sa maîtresse,
après avoir vécu un an dans les bois, avait
toutes les plumes chiffonnées et tortillées. La
liberté a ses inconvénients, surtout pour un
animal dépravé par l'esclavage. On en a vu
d'autres qui, ayant été forcés de quitter leurs
premiers maîtres, se sont laissé mourir de
regret. Ces oiseaux se souviennent fort bien,
et quelquefois trop bien de ce qui leur a nui :
« Un d'eux ayant été jeté par terre avec sa cage
par des gens de la plus vile populace, n'en
J
iarut pas fort incommodé d'abord ; mais, dans
a suite, on s'aperçut qu'il tombait en convul-
sions toutes les fois qu'il voyait des gens mal
vêtus, et il mourut dans un de ces accès, huit
mois après le premier événement. » (Encycl.
d'histoire naturelle.) Les bouvreuils sont sujets
à se revêtir en cage d'un plumage entière-
ment noir; ce phénomène doit, paraît-il. être
attribué au genre de nourriture : on ne 1 a ob-
servé jusqu'ici que sur les individus nourris
exclusivement avec du chènevis. Pendant la
belle saison, les bouvreuils habitent les bois;
mais, pendant l'hiver, ils se rapprochent des
habitations. Quelques-uns émigrent vers le
sud à l'époque de la Toussaint. Le mâle et la
femelle ne se quittent jamais. Celle-ci con-
struit son nid sur des buissons peu élevés;
elle pond de quatre à six œufs. Pendant tout
le temps que dure l'incubation, le mâle pourvoit
. avec sollicitude aux besoins de sa compagne.
Les bouvreuils sont des oiseaux essentielle-
ment granivores, excepté toutefois dans les
premiers temps de leur vie, car ils consomment
alors beaucoup d'insectes ; mais , dans un âge
plus avancé, ils commettent beaucoup de dé-
f
ât's dans les jardins et dans les vergers, en
étruisant les bourgeons des arbres fruitiers,
à l'époque de l'année où ils ne peuvent trou-
ver de graines.
Le bouvreuil s'accouple avec la serine, sur-
tout quand celle-ci est jeune, n'a pas encore
pondu, et.qu'on la tient éloignée de toute au-
tre cage, où elle pourrait voir ou entendre
d'autres serins.
BOUYOLLE
BOUYOLLE s. f. fbou-io-le). Pop. Peau
soulevée par une brûlure.
BOUVRON,
BOUVRON, bourg et commune de France
(Loire-Inférieure), canton de Blain, arrond.
e t à 10 kilom. N.-E; de Savenay ; pop. aggl.
358 hab. — pop. tôt. 3,004 hab. On y remarque
deux églises de style roman, avec sculptures
curieuses. Aux environs, on voit le château
de Quéhillac.
BOUVRON
BOUVRON s. m. (bou-vron). Ornith. Es-
pèce de bouvreuil d'Afrique, il On dit aussi
BOUVERON.
DOUX (Guillaume LE), prélat français, né
dans l'Anjou en 1621, mort en 1693. Il com-
mença par être balayeur de collège ; il fut en-
suite capucin, oratorien, curé, et évêque de
Périgueux. Pendant la Fronde, il s'était fait
remarquer par le zèle avec lequel il soutenait
l'autorité du roi dans ses prédications. On a
de lui : Recueil des conférence^ établies dans
le diocèse de Périgueux ; deux volumes de
Sermons, et des Dissertations sur le pouvoir
des évêgues pour la diminution ou Vaugmen-
' tation des fêtes, en collaboration avec Laval-
Bois-Dauphin, évêque de La Rochelle.
BOUXW1LLER ou BUCHSWILLER, ville de
France (Bas-Rhin), ch.-l. de cant., arrond.
et à 15 kilom.. N.-E. de- Saverne, sur la Mo-
der; pop. aggl. 3,809 hab. — pop. tôt. 3,825 h.
Ancien chef-lieu de la seigneurie de Lichten-
berg; collège; industrie active, produits chi-
miques , tanneries, tuileries, fabriques de
; draps, calicots, mine de lignite pyriteux. Com-
merce de grains, légumes, fruits, chanvre et
j lin. Aux environs, on voit le Bastberg, mon-
; tagne qui présente un grand intérêt pour les
j géologues, à raison du grand nombre de restes
fossiles qu'elle renferme.
BOUYS
BOUYS (Jean-Baptiste}, chroniqueur fran-
t çais, né à Arles vers la fin du xvi« siècle. On
j lui doit : la' Royale couronne d'Arles, ou His-
i toire de l'ancien royaume d'Arles, enrichie de
\ l'histoire des empereurs romains, des rois goths
! et des rois de France qui ont résidé dans leur
enclos (Avignon, 1641).
i
BOUZABOUZA s. m. (bou-za). Sorte de bière en
usage en Egypte : Les infidèles vont s'enivrer
i de vin, de BOUZA et de hachich. (Gér. de
Nerval.) Des sorbets, du café et une sorte de
bière épaisse appelée BOUZA , sans doute la
même qu'Hérodote désigne sous le nom de vin
d'orge. (Gér. de Nerval.) Quelques personnes
attribuent le makkom, espèce de lèpre gui s'an-
I nonce par une petite tache blanchâtre sur la
peau, à l'usage immodéré du BOUZA. (Dubeux.)
Il On dit aussi BOUZAC.
•
BOUZANNE,BOUZANNE, petite rivière de France (In-
dre), prend naissance dans le canton d'Ai-
gurande, arrond. de La Châtre, baigne Cré-
zançay, Cluis, Neuvy, et se jette dans la
Creuse au-dessus de Saint-Gauthier, après un
cours de 70 kilom.
-
BOUZEMONTBOUZEMONT ( l e ) , petit pays de France,
dans l'ancienne province de Champagne, com-
pris actuellement dans l'arrond. de Vitry-le-
François ; la principale localité était Saint-
Remy-en-Bouzemont.
BOUZÉO,
BOUZÉO, rivière des Principautés-Unies
moldo-valaques, prend naissance au versant
oriental des monts Carpathes, à 25 kilom. E.
de Cronstadt, baigne la ville qui porte le
même nom, et, après un cours de 160 kilom.
de l'O. au S.-E., se jette dans le Sereth, à
20 kilom. N. de Brahilow. Il Ville des Principau-
tés-Unies moldo-valaques , chef-1. du district
de son nom, à 80 kilom. N.-E. de Bucharest,
dans la Grande Valachie, sur la rivière du
même nom ; 2,500 hab. Siège d'un évêché grec.
BOUZIN
BOUZIN (bou-zain). En termes de constr.
S'écrit quelquefois pour BOUSIN.
BOUZIQCE
BOUZIQCE (Etienne-Ursin), homme politi-
que, né à Châteauneuf-sur-Cher en 1801.
Avocat à Bourges, membre du conseil géné-
ral et connu par ses opinions libérales, il fut
nommé par acclamation maire de Bourges en
1848, puis représentant à la Constituante" et à
la Législative, où il vota avec la fraction ré-
publicaine. Il a cultivé la littérature. Outre
une traduction de Juvénal en vers français
(1853), et une tragédie en cinq actes, Mar-
cus Tullius (1826), il a publié un volume de
vers sous le titre de Théâtre et souvenirs (Pa-
ris, 1857).
BOUZONIÉ
BOUZONIÉ ou BOUZOME (Jean), jésuite,
poète et théologien, né à Bordeaux vers 1646,
mort en 1726. Il se livra d'abord à la prédica-
• tion, puis il composa des poésies latines, des
hymnes pour le loréviaire des Augustins, des
cantiques, des livres de théologie et de dévo-
tion, etc. On lui doit, entre autres : Douze
preuves pour la conception immaculée de la
sainte Vierge ; Oraison funèbre de Marie-
Thérèse d'Autriche ; Portrait de Louis le
Grand ; Science de la mort des saints ; His-
toire de l'ordre des religieuses filles de Notre-
Dame.
BOCZONVILLE,BOCZONVILLE, ville de France (Moselle),
chef-1. de canton, arrond. et à 32 kilom. S.-E.
de Thionyille, sur la rive droite de la Nied
française; pop. aggl., l,465hab..— pop. totale,
1,991 hab. Fabrique de colle forte, tanneries,
brasseries, fours à chaux. Ruines gothiques
d'une abbaye et beau pont moderne.
BOUZY,
BOUZY, village de France (Marne), arrond.
et à 22 kilom. S.-E. de Reims; 528 hab. Vins
mousseux très-estimés. Eglise construite aux
frais d'un vigneron qui a gagné le gros lot de
la loterie du lingot d or.
BOUZOUJLOUK,
BOUZOUJLOUK, ville de la Russie d'Europe,
gouvernement et à 120 kilom. O. d'Orenbourg,
chef-1. du district de même nom, sur la petite
rivière de Bouzoulouk; 2,000 hab. Fabrication
d'étoffes de coton et soie ; commerce de bétail.
BOVA,
BOVA, ville du royaume d'Italie, dans la
Calabre Ultérieure I"), à 25 kilom. S.-E. de
Reggio, près de la mer ; 2,900 hab. Cette ville,
siège d'un évêché, fut fondée par des Alba-
nais en 1477. Elle fut ruinée par un tremble-
ment de terre en 1783, et a été relevée de-
puis. Récolte de soie.
BOVADILLA
BOVADILLA (Don François DE), administra-
teur espagnol, mort en 1502. Envoyé en 1500
à Saint-Domingue pour examiner la conduite
de Christophe Colomb, il le dépouilla sans exa-
men du commandement, le fit charger de fers,
se saisit lui-même de l'autorité et l'exerça
avec un tel despotisme, que la cour d'Espagne
le remplaça par Ovando. Il périt, à son re-
tour, dans une tempête.
Bovary (MADAME), roman par M. Gustave
Flaubert (Paris, 1857). S'il est un homme qui,
à côté de tant d'autres dans la littérature con-
temporaine, ait audacieusement entrepris de
continuer Balzac, c'est, à coup sûr,M.Gustave
Flaubert; c'est aussi le seul qui se soit mon-
tré, nous ne dirons pas seulement à la hau-
teur, mais encore au-dessus de sa tâche. L'ob-
servation méticuleuse des détails les plus in-
finiment petits, l'analyse à outrance des
caractères, rien ne lui manque. Seulement,
depuis Balzac, de nouvelles tendances litté-
raires se sont produites. On a trouvé que
l'auteur du Père Goriot et de la Peau de cha-
grin avait encore trop sacrifié à l'idéal, et on
s'est efforcé de ramener l'art d'écrire à la
peinture, c'est-à-dire à la représentation fi-
dèle de la vérité, en dehors de toute préoccu-
pation de ce qu'on est convenu d'appeler le
beau; on a proclamé que le but suprême de
l'art était de copier la nature et non de l'imi-
ter, de la calquer au lieu de la peindre, et que
l'artiste, une fois son sujet d'étude trouvé,
devait, sans nul souci de l'idée, du sentiment
ou de la morale, faire converger tous ses
efforts vers les moyens d'exécution. De là est né
le réalisme, dont le roman de Madame Bovary
est la plus haute expression en littérature. L'au-
teur, en effet, en nous offrant ce tableau, dont
1 chaque détail révèle la touche vigoureuse d'un
maître, ne s'est attaché qu'à l'exactitude
j scientifique du modelé, à la précision mathé-
I matique des effets de lumière, à l'observation
vigoureuse des lois de la perspective, à la
perfection du rendu, en un mot. De préocupa-
tion philosophique ou morale, point. C'est bien
de cela qu'il s'agit dans l'artI « L'auteur de
Madame Bovary, dit M. Sainte-Beuve, un des
patrons du réalisme (qui le croirait?), a vécu
en province, dans la campagne, dans le bourg
et la petite ville. Or qu'y a-t-ilvu? Peti-
tesses, misères, prétentions, bêtise, routine,
monotonie et ennui : il le dira. Ces paysages
si vrais, si francs, où respire l'agreste gé-
nie des lieux, ne lui serviront qu'à encadrer
des êtres vulgaires, plats, sottement ambi-
tieux, tout à fait ignorants ou demi-lettrés,
des amants sans délicatesse. La seule na-
ture distinguée et rêveuse qui s'y trouvera
jetée, et qui aspire à un monde d'au delà, y
sera comme dépaysée, étouffée; à force de
souffrir, de ne pas trouver qui réponde, elle
s'altérera, elle se_dépravera, et, poursuivant
le faux rêve et le charme absent, elle arrivera
de degré en degré à la perdition et à la ruine.
Est-ce moral? est-ce consolant? L'auteur ne
semble pas s'être posé cette question; il
ne s'est demandé qu'une chose : Est-ce vrai ? o
— « Ce qui me plaît de M. Fleurant, dit Ar-
gan, en parlant de son apothicaire, c'est
que ses parties sont toujours fort civiles. »
M. Flaubert en pourrait dire autant de
son illustre critique. M. Sainte-Beuve lui
lance parfois de furieux coups de boutoir,
mais on ne saurait le faire d'une façon plus
galante et plus courtoise. L'auteur de Volupté
ne fera croire, en effet, à personne, et à
M. Flaubert moins qu'à tout autre, qu'il con-
sidère la vérité, le réel, comme unique fin et
but suprême de l'art. Mais nous reviendrons
sur ce sujet, quand nous aurons essayé d'es-
quisser à grands traits les principales scènes
du roman qui nous occupe.
Charles Bovary, après avoir obtenu, non
sans peine, le grade d'officier de santé, est
venu avec sa femme, beaucoup plus âgée que
lui, s'établir dans le petit village de Tostes,
près de Dieppe. Une nuit, on le mande en
toute hâte, pour aller, à six lieues de là, don-
ner ses soins au père Rouault, le proprié-
taire de la ferme des Revtaux; à son arrivée,
il est reçu par Emma, la fille du fermier, qui
a bien plutôt l'air d'une demoiselle que d'une
paysanne ; et c'est à partir de cette nuit-là
seulement que Charles s'aperçoit du peu de
bonheur que lui procure son ménage. Il re-
tourne chaque jour à la ferme, trouve que
son malade revient trop vite à la santé, et
imagine mille moyens pour continuer d'aller
le voir après la guérison. Tant et si bien en-
fin qu'il devient amoureux d'Emma. Quelque
temps après, sa femme meurt et la fille du
père Rouault devient M
m e
Bovary. Emma
avait été élevée au couvent, et, dès l'âge de
quinze ans, nous dit son biographe, elle s'é-
tait o graissé les mains à la poussière de tous
les cabinets de lecture. » Aussi, pendant long-
temps, n'avait-elle rêvé que manoirs et tou-
relles, pages et châtelains, escalades de bal-
cons, enlèvements nocturnes, promenades en
gondole, et tout ce que l'imagination peut con-
cevoir de plus sentimental et de plus roma-
nesque. Puis sa mère était morte, et son père
l'avait rappelée à la ferme pour y remplacer
la chère défunte. C'était tomber trop vite de
son empyrée dans les plates réalités de l'exis-
tence, et le contraste du prosaïsme dans le-
quel elle se trouvait jetée tout à coup, avec
les poétiques aspirations dont elle se sentait
dévorée, la fit tourner ses regards avec plus
d'ardeur que jamais vers le ciel radieux de
son idéal. «Elle se laissa glisser dans les méan-
dres lamartiniens, écouta les harpes sur les
lacs, tous les chants de cygnes mourants,
toutes les chutes de feuilles, les vierges pures
qui montent au ciel, et la voix de l'Eternel
discourant dans les vallons. » Enfin, lasse
d'attendre, sans trop savoir quoi elle-même,
peut-être le prince Charmant qui devait lui
ouvrir les portes d'or de sa destinée, Emma
s'était résignée; elle avait pris son parti d'être
une femme incomprise et désillusionnée. C'est
alors que Charles Bovary était venu aux
Bertaux, et, soit par "dépit contre le sort, soit
que, par un suprême effort de son imagina-
tion, elle se fût persuadée voir en lui l'homme
de ses rêves, elle l'avait accepté pour époux.
Elle s'en repentit bientôt.
Charles Bovary porte de gros souliers pour
aller visiter ses malades; ses cheveux sont
vierges de pommade ; il s'habille à la mode de
son grand-père, crache sur les parquets,
mange gloutonnement en revenant le soir de
ses excursions, passe sa langue sur ses lèvres,
et son doigt sur"ses dents; puis, quand le dî-
ner est fini, il s'enfonce dans un fauteuil et
dort. Quel idéal pour Emmal quelle poésie!
Un jour elle reçoit du marquis d Andervillers,
son voisin de campagne que Bovary avait
soigné, une invitation à un grand bal. Enfin î
elle verra donc une fois dans sa vie le grand
monde/ Ses lèvres frémissent à la seule idée
de boire à la coupe de cet idéal après lequel
elle a tant aspiré. Mais la malheureuse se
grise sans y songer, et, de retour dans son
village, elle s'aperçoit que ses poumons ne
sont pas faits pour l'atmosphère que son ma-
riage avec un médecin de campagne la con-
damne à respirer. • Son voyage àlaVaubyes-
sard avait fait un trou dans sa vie, à la
manière de ces grandes crevasses qu'un
orage, en une seule nuit, creuse quelquefois
dans les montagnes. » Ce qui ne peut surtout
la quitter, c'est le souvenir de. la valse déli-
rante qu'elle a dansée avec le vicomte Ro-
1168 BOVA
BOVA
BOVA BOVA
doiphe, pendant que son mari dormait à demi
le dos appuyé contre une porte. Mais un in-
cident vient la détourner un moment de ses
pensées. Bovary décide qu'il quittera Tostes
pour aller s'établir dans un autre petit village
de Normandie. On s'y installe en effet, et c'est
là que le drame commence, terrible, poignant,
implacable. Emma fait connaissance d'un petit
clerc de notaire, Léon Dupuis, qui, aussi sot-
tement épris qu'elle-même de romantisme, et
soupirant comme elle après la fleur bleue de
l'idéal, ne tarde pas à l'aimer, mais sans oser
le lui dire. Mme Bovary, de son côté, éprouve
en elje tous les élans de cette passion qu'elle
désire tant ressentir, mais elle n'est pas encore
assez corrompue pour faire les premières
avances. Elle lutte même contre son propre
cœur; elle s'approche curieusement de l'a-
bîme, mais se retient aux branches pour ne
pas tomber. Patience 1 il ne lui manque plus,
pour s'y précipiter tête baissée, q^u'un peu de
courage : elle ne tardera pas a l'acquérir.
Léon, cependant, quitte le village ; et c'est
surtout après son départ, après coup, que
l'imagination d'Emma s'exalte et que ses
désirs grandissent! Qu'une occasion se pré-
sente, et on verra. Dans ces sortes de choses,
on le sait, c'est l'occasion qui manque le
moins, et Emma la rencontre bientôt dans la
personne même du vicomte Rodolphe, son
valseur de la Vaubyessard I Cette fois, la chute
est profonde, complète, et M
m e
Bovary se
lance à corps perdu dans les ivresses de l'a-
dultère comme elle avait rêvé, lorsqu'elle
était au couvent, qu'on planait mollement dans
les sphères embaumées de l'amour et de la
poésie!
Le pauvre Bovary, lui, ne se doute de rien.
Il continue à aimer sa femme de toute la ten-
dresse dont son cœur est capable, et Emma
le méprise d'autant plus qu'elle le compare à
son amant. Comment pourrait-elle, d'ailleurs,
lui pardonner de la faire habiter dans une es-
pèce de chaumière, meublée à l'antique, sans
aucune apparence de goût et de luxe? Parlez-
lui du château de Rodolphe, à la bonne heure !
C'est là qu'il ferait bon de vivre, entourée de
ce que le caprice ei la fantaisie ont pu ima-
giner de plus riche et de plus somptueux. Elle
cherche bien à se dédommager un peu en
achetant à crédit au juif Lheureux quelques
belles étoffes, des tapis, des dentelles et des
broderies. Mais un jour il faut payer tout cela ;
et la femme adultère, après avoir volé l'hon-
neur de son mari, lui vole son argent. Ce
n'est pas tout; vivre plus longtemps côte à
côte avec un butor comme Bovary lui semble
impossible; elle supplie le vicomte de l'enle-
ver. Pour elle, c'est le second acte indispen-
sable à une intrigue d'amour. N'est-ce pas
ainsi que cela se passe, en général, dans les
romans qu'elle a lus? Mais son amant part
tout seul, jugeant que c'est le seul moyen de
se débarrasser d'une femme aussi exigeante.
La suite se devine : Léon revient dans le pays,
et Mme Bovary se console avec lui de la tra-
hison du premier. Alors, ruses de tout genre,
mensonges, nouvelles dettes contractées en-
vers le juif Lheureux, nouveaux vols faits à
la cassette de son mari, rien ne lui coûte pour
assouvir ses appétits sensuels, ses élans pas-
sionnés de luxure et d'orgueil. Et Bovary est
toujours aussi confiant; il aime tant sa femme,
il la croit si supérieure à lui! Mais le jour
d'une lourde échéance arrive, et nul moyen
d'y faire face. M'
n
e Bovary court trouver
Léon et lui demande de l'argent. Il lui faut
au moins 3,000 francs; Léon ne les a pas, il
les cherche et ne peut les trouver: «Ah! si
j'étais à ta place, lui dit Emma, les ^eux
pleins d'éclairs, je les trouverais bien moi I —
Où donc? — A ton étude, reprend-elle. » Mais
Léon recule devant l'infamie d'une telle pro-
position, et Mme Bovary l'accuse de lâcheté.
On voit le chemin qu'elle a fait depuis le bal
de la Vaubyessard. A tout prix, cependant il
lui faut de l'argent. Elle s'adresse au notaire
du village. Il consent à donner la somme,
mais en échange d'un peu d'amour. Un reste
de pudeur monte au front d'Emma, qui re-
pousse, indignée, la honte d'un tel marché.
Alors, une idée lui vient. Si elle retrouvait
Rodophe. Elle le trouve, en effet; mais est-ce
qu'on paye une femme qu'on a déjà possé-
dée pour rien? Du reste, il n'a pas la somme
nécessaire. Enfin, lasse d'outrages'et de
honte, la malheureuse rentre au village et
s'empoisonne. Elle avait vécu dans le vice,
elle meurt dans le crime, trop orgueilleuse
pour implorer le pardon de son mari, trop
profondément corrompue pour seulement son-
ger Use repentir. Que pourrions-nous dire de
cette œuvre qui n'ait encore été dit ? Le grand
défaut de Madame Bovary, le seul même qu'on
puisse lui reprocher en toute justice, c'est
précisément d'être trop vraie, ou, si on l'aime
mieux, de n'être que vraie. M. Flaubert a
remplacé la psychologie par la physiologie,
croyant que l'une tenait Heu de l'autre. Il s est
grandement trompé : autre chose est analyser
une âme et disséquer un corps ; autre chose
est sonder tous les replis d'un caractère et
étudier, dans un individu, un certain cas pa-
thologique où la conscience, la raison, la pas-
sion ne sont pour rien. M
m
c Bovary n'est pas
un caractère, c'est un tempérament; l'art n'a
rien à voir ici ; c'est purement affaire de science,
et M. Flaubert l'a bien vu : c'est en vain que,
dans tout son ouvrage, on chercherait la
trace d'un sentiment ; tout y est ramené h une
sensation ; sons, formes et couleurs y abon-
dent, mais de cris du cœur, de soudains élans
de l'âme, il n'y en a pas trace. Entre un arbre
et un homme il n'y a, pour M. Flaubert, de
différence que dans l'espèce ; il accorde à l'un
et à l'autre une somme égtuo d'attention ; if
penche même vers une préférence à accor-
der à la matière; ainsi, par exemple, il quit-
tera subitement ses personnages pour aller
donner tous ses soins à une fleur, à une
plante, à un monticule, à une cabane, à un édi-
flee. Nous savons bien que dans la réalité, but
de tous les efforts de l'auteur, la moindre aven-
ture est traversée, retardée, empêchée par une
infinité de circonstances futiles. Mais l'écri-
vain qui veut raconter cette aventure ne doit
pas tenir compte de ces entraves et se laisser
arrêter à tout instant dans son récit, sinon il
lassera la curiosité, affaiblira l'intérêt en le di-
visant; en un mot, il étouffera le principal
sous l'accessoire. Ainsi procède, à tout instant,
l'auteur de Madame Bovary. En outre, il fait
si bien, par sa manie de tout rendre visi-
ble ou palpable, matière ou sentiment, hom-
mes et choses, que le lecteur ne tarde pas à
ne voir dans ses personnages que des pièces
automatiques supérieurement agencées par un
savant ingénieur, capables de simuler la vie
avec une merveilleuse précision , mais non de
vivre. On voit tous leurs gestes, on assiste à
toutes leurs actions, on ne perd pas une seule
de leurs postures, mais on sent bien que leur
f
ioitrine est creuse et qu'à la place du cœur,
e machiniste a mis ses ficelles. Aussi, nour
ne parler que de M
m e
Bovary, depuis le jour
de son mariage jusqu'à celui de sa mort, elle
intéresse presque toujours, elle n'émeut ja-
mais. C'est qu'elle ne relève que de la science
et qu'elle est étrangère à l'art. Nous pourrions
nous demander aussi quel est le degré de mo-
ralité d'une oeuvre qui ne s'adresse qu'aux
sens. Mais on se rappelle que les tribunaux ont
répondu pour nous à cette question, et nous
nous garderions de ne pas nous incliner de-
vant leur décision. Il nous sera cependant
permis de regretter que l'auteur ait persisté
jusqu'au bout dans son procédé. Il lui eût été
si facile de placer l'enseignement à côté de
l'expiation l Au lieu d'un châtiment physique,
il fallait un châtiment moral, au lieu du poison
il fallait la honte. M»»c Bovary était née cour-
tisane; courtisane elle avait vécu; elle devait
traîner le reste de ses jours sur le trottoir ba-
nal d'un carrefour mal famé. Hâtons-nous
d'arriver à l'éloge, et de rendre justice au
talent incomparable de M. Flaubert comme
peintre de paysages et d'intérieurs, et citons
comme un modèle achevé de vrai comique et
de satire son portrait du pharmacien de vil-
lage, M. Homais. Enfin, malgré les taches
qu'on pourrait relever assez nombreuses dans
ce roman, M. Flaubert est un écrivain vigou-
reux, qui ne recule devant aucune audace de
style et y réussit presque toujours. • Une
qualité précieuse, dit M. Sainte-Beuve, dis-
tingue M. Gustave Flaubert des autres obser-
vateurs plus ou moins exacts qui, de nos jours,
se piquent de rendre en conscience la seule
réalité, et qui parfois y réussissent; il a le
style. Il en a même un peu trop, et sa plume
se complaît à des curiosités et des minuties
de description continue qui nuisent parfois à
l'effet total. Chez lui, les choses ou les figures '
les plus faites pour être regardées sont un peu
éteintes ou nivelées par le trop de saillie des
objets environnants. M
m c
Bovary elle-même
nous est si souvent décrite en détail et par le
menu que, physiquement, je ne me la repré-
sente pas très-bien dans son ensemble nid une
manière bien distincte et définitive. • Citons
enfin ce dernier passage du même critique,
mais cette fois pour lui en opposer un autre
de M. Cuvillier-Fleury, qui nous paraît lui ré-
pondre victorieusement et qui résume d'une
façon complète nos impressions sur le livre de
M. Flaubert : « Parmi tous les personnages
du roman, dit M. Sainte-Beuve, il n'en est pas
un seul qui puisse être supposé celui que l'au-
teur voudrait être; aucun n'a été soigné par
lui a d'autre fin que pour être décrit en toute
précision et crudité, aucun n'a été ménagé
comme on ménage un ami; il s'est complète-
ment abstenu; il n'y est que pour tout voir,
tout montrer et tout dire; mais, dans aucun
coin du roman, on n'aperçoit même son profil.
L'œuvre est entièrement impersonnelle. C'est
une grande preuve de force.» — a M. Flaubert,
dit à son tour M. Cuvillier-Fleury, y met du
sien le moins qu'il peut; ni imagination, ni
émotion, ni morale; pas une réflexion , nul
commentaire : une suprême indifférence entre
le vice et la vertu. Ses héros sont ce qu'ils
sont : c'est à prendre ou à laisser.
» Cela s'appelle une œuvre impersonnelle, et
cet excellent juge qui a le premier donné
l'éveil à la critique sérieuse sur Madame Bo-
vary dit que c'est là a une grande preuve de
force. » Je crois que c'est le contraire. La
force, c'est ce qui est de l'homme, non ce qui
vient de la machine ou du procédé. J'aime
que l'âme de l'auteur se reflète dans son œu-
vre , que le peintre se réfléchisse dans sa
peinture. C'est ce reflet qui est la vie, et ce
qu'on appelle Yart n'est pas autre chose... La
grande erreur du réalisme est de prétendre
être vrai parce qu'il dit tout. Cette puérile re-
cherche du détail, ce froid et cynique inven-
taire de toutes les misères au milieu desquelles
végète la pauvre humanité, non-seulement ne
contribuent pas à la faire mieux connaître,
mais l'effet qui en résulte pour les spectateurs
est une sorte d'éblouissement tout contraire,
mêlé de fatigue et de dégoût. La vérité ma-
térielle à laquelle prétend surtout l'école de
M. Flaubert manque son but en le dépassant.
Elle disparaît dans son excès même. Et la
vérité morale, où est-elle? Je sais bien que
vous faites un roman et non un sermon; que
vous vous piquez de montrer au vrai la vie
humaine, sans vous soucier des conséquences;
que là où vous voyez la grimace vous mettez
la grimace, et qu il ne vous plaît pas de la
peindre en beau pour l'édification des du-
chesses. Soit! montrez le laid, mais à la ma-
nière des grands artistes et des écrivains
habiles, sans secrète complaisance , sans ex-
clusion systématique, et en mêlant au mal
cette juste mesure de iien qui en est le con-
tre-poids ou la revanche. Faites comme Le
Sage, comme Fielding, comme l'abbé Pré-
vost, comme Molière lui-même, qui a si bien
dit :
Je veux que l'on soit homme, et qu'en toute rencontre
Le fond de notre cœur dans nos discours se montre. »
D a n s cette a n a l y s e , la p a r t de l'improba-
tion l'emporte évidemment sur celle de 1 éloge;
mais ce sentiment sur le genre adopté par
M. Flaubert n'est pas celui de tout le monde,
et le Grand Dictionnaire, qui veut être im-
partial, après avoir donné la parole aux criti-
ques à outrance, va la donner aux admirateurs
sans réserve. De cette manière, l'instruction
du procès sera complète, et le lecteur pourra
prononcer en parfaite connaissance de cause.
A l'apparition de Madame Bovary, chaque
critique voulut en parler avant son voisin.
On dévora les deux volumes à la hâte, et, tout
de suite, cette lecture à peine digérée, on
écrivit l'article. D'où un déluge de comptes
rendus, taillés presque tous sur le même pa-
tron. L'éloge et le blâme étaient de même
nature et portaient sur les mêmes points. Un
maître avait, dans une étude très-favorable
au demeurant, attaché avec des guirlandes de
roses deux ou trois grelots désapprobateurs,
que presque tous les écrivains à la suite se
contentèrent de faire tinter après lui; Nul,
toutefois, ne contesta la haute valeur de
l'œuvre.
Voici donc, à notre sens, quel a été le grand
tort de la critique à l'endroit de ce livre : il ne
fallait pas tant se presser. Les qualités par où
se distingue le roman de M. Flaubert sont si
multiples et si complexes qu'on ne saurait, à
première vue, les démêler toutes. Il en est de
Madame Bovary comme de ces grands opéras
qu'il faut, pour les comprendre, entendre plu-
sieurs fois. La première lecture, troublée par
l'intérêt de curiosité banale qui s'attache, quoi
qu'on en ait, au développement de l'intrigue
proprement dite, ne laisse dans la mémoire
qu'une impression confuse. Quand on est ar-
rivé à la fin du livre, on sent vaguement qu'on
vient.de lire un ouvrage hors ligne. Mais on
en veut à l'auteur de l'avoir rempli d'une
foule de détails que la mémoire ne peut retenir
sans fatigue. On lui reproche ce qui n'est, en
réalité, que notre propre impuissance à em-
brasser, d'un seul coup, les ampleurs de sa
conception.
Mais qu'on relise une seconde, une troi-
sième, une quatrième fois. Chaque lecture
nouvelle amène de nouvelles surprises ; les
beautés ressorteni une à une et l'on est émer-
veillé de voir que, même quand on connaît
d'avance tous les incidents généraux du roman,
le charme et l'intérêt n'en sont ni moins atta-
chants ni moins vifs. Les personnages, en
effet, se dégagent des fonds avec des reliefs
de plus en plus intenses. Les paysages se
dressent, pleins de vie et d'air, sous l'œil étonné.
Les défauts de détail, reprochés d'abord, s'ef-
facent progressivement, absorbés par l'har-
monie de l'ensemble, et le jugement, jus-
qu'alors indécis ou fourvoyé, se fixe enfin,
grâce à ces révélations inattendues, dans une
solide admiration. La plupart des desiderata,
nés de la première impression, ont perdu toute
raison d'être, et l'œuvre s'est imposée dans
toute la plénitude de ses ressources et de sa
puissance.
Nous n'avons pas à nous engager dans
l'analyse cent fois faite et refaite du sujet. Il
nous suffira d'examiner d'un peu près les
« deux ou trois grelots > dont nous parlions
ci-dessus et dont l'écho retentit encore, après
dix ans, sur la place littéraire. Les reproches
qu'on a faits dès le commencement à l'auteur
de Madame Bovary sont stéréotypés. On les
rencontre partout, non-seulement dans le lan-
gage des lettrés que leur tempérament pousse
à ce genre de critique, mais encore et surtout
dans l a bouche de tous ces gens de race mou-
tonnière, qui consultent la mode pour leurs
opinions comme pour leurs habits.
Demandez, en effet, au premier bourgeois
venu ce qu'il pense de Madame Bovary :
« Très-fort, très-fort, ce romani sans doute;
mais quelle immoralité t et puis, trop de dé-
tails, que diable! Du reste, pas de psycho-
logie, et, voyez-vous, hors la psychologie,
point de salut... B
Vidons d'abord la question d'immoralité.
Les grandes œuvres littéraires n'ont pas à
se soucier de la petite morale étroite et vul-
gaire qui fait prime dans les imprimeries de
Tours et autres, placées sous le patronage de
hauts et puissants seigneurs m.très. Madame
Bovary n est pas un livre • à l'usage de la jeu-
nesse, » et nous doutons fort que M. Gustave
Flaubert ait jamais sollicité pour elle les
* approbations * particulières qui font s'ouvrir
à tous battants les portes des communautés.
Il n'y a donc pas lieu de s'effaroucher aux
scènes d'alcôve déroulées à travers l'œuvre.
L'œil qui les doit lire n'en est plus aux éblouîs-
sements-de l'adolescence devant une nudité;
l'imagination qui les doit comprendre a cessé -
de s'incendier aux flammèches jaillies d'une
description d'amour. Cela reste sans danger
F
our l'homme fait : la poudre est éventée;
étincelle n'y mord plus. Qu'elle y morde
pourtant, chez quelques-uns et comme excep-
tion, la poudre prendra feu, cela est possible;
mais faut-il supprimer le feu, parce qu'il pro-
duit quelquefois des incendies? Mais non!
vous élevant au-dessus de ces chicanes de
détail, vous rencontrez l'immoralité , moins
dans tel ou tel épisode, que dans la conduite
même et dans la conclusion du thème choisi.
C'est votre droit. Le nôtre est de ne pas com-
prendre que vous en usiez; car, au rebours de
vous, nous trouvons que cette histoire, impla-
cable dans sa vérité, porte en soi le plus salu-
taire des enseignements. Que dit-elle, en effet,
sinon la fin terrible où poussent peu à peu,
mais fatalement, les désordres du cœur, com-
plices des égarements du corps? Quelle est la
femme mariée qui sortira de cette lecture sans
frissonner d'épouvante devant le spectre do
l'adultère? Quel est l'époux auquel Charles
Bovary n'apprendra pas à s'absorber inoins
complètement dans ses appétits matériels, et à
s'occuper un peu plus des aspirations idéa-
listes de sa femme? Quoi de plus essentielle-
ment moral?
Vous faut-il donc toujours la vertu récom-
pensée et toujours Je vice puni? soit! A ce
Eoint de vue encore, M. Gustave Flaubert, ce
ourreau du convenu, vous donne presque
satisfaction.
Voyez Homais. Vertueux peut-être, honnête
à coup sûr. Honnête de cette épaisse honnê-
teté bourgeoise, qui s'arrange parfaitement
avec une forte dose de calcul et d'égoïsme,
mais honnête enfin, dans toute la force que la
province donne à l'acception du mot. Or, la
dernière phrase du livre est celle-ci : Homais
a vient de recevoir la croix d'honneur. »
N'est-ce pas une splendide récompense? Si
vous ne vous tenez point pour satisfait, mon
bon monsieur Prudhomme, vous êtes vrai-
ment trop difficile.
Restons sérieux.
H ne nous semble pas que le « vice »
puisse être plus vigoureusement châtié qu'il
l'est ici. Eh quoil cette pécheresse arrive à
n'avoir plus d'autre refuge que la mort; à
cette femme amoureuse de son corps jusqu'au
délire, il ne reste qu'une ressource, plus nor-
rible encore pour elle que pour toute autre,
le suicide... et vous ne trouvez pas la « puni-
tion » assez rude! A quoi l'eussiez-vous don*,
condamnée? D'aucuns auraient préféré que, do
dégradations en dégradations, Emma tombât
jusque dans la boue des trottoirs interlopes.
Nous pensons qu'il n'en pouvait êt,re ainsi
sans une énorme inconséquence. Si profon-
dément corrompue qu'elle soit, M
|Q
c Bovary
a gardé, sub imo pectore. quelques-unes do
ses délicatesses natives. Elle peut bien s'aban-
donner h deux amours successifs, d'abord purs
de tout calcul; elle peut, au jour de l'expia-
tion, tomber aux pieds de ces deux amants et
mendier le rachat de son bien-être, pour et
par eux perdu : il n'y a là qu'un pas de plus
dans la voie,mauvaise où elle s'est jetée; ce
faisant, elle ne croit pas descendre, auprès de
Léon ni de Rodolphe, beaucoup plus bas dans
sa honte; elle reste dans sa nature; ello reste
dans la logique du moment. Mais qu'ui- no-
taire lascif fasse mine, dans une première
entrevue, de lui offrir l'argent qui la sauve-
rait en retour de sa beauté qu'il convoite,
voyez comme, sous l'insulte, ressusciteront en
elle toutes ses dignités mortes t Cet âpre
refus, peut-être aura-t-elle tout à l'heure,
affolée d'angoisses, le triste courage de le
regretter; cette occasion manquée, peut-être
tentera-t-elle, dans les vertiges de son désastre,
de la faire renaître chez le percepteur du
village... Il n'importe, devant cette défail-
lance dans le vice, devant ces écœurements
dans l'impudeur de ses dernières démarches,
devant tout le livre, entin , dont chaque page
se dresse pour faire miroiter la goutte d'eau
pure qui demeure enfouie aux fanges de cette
âme, nous ne saurions consentir à trouver
dans Emma l'étoffe d'une coureuse de ruis-
seaux. Son caractère tout entier proteste là
contre. Etant donnée cette femme, deux dé-
noùinents seuls étaient possibles : le couvent
ou la mort; or un seul la délivrait à la fois
et des embarras matériels de sa situation et
des désespérances intimes de son cœur : c'est
celui que l'auteur a justement préféré. D'un
autre côté, nous ne voyons pas bien en quoi
le lupanar eût été moins immoral que le poison.
En sorte qu'à tous égards, la conclusion de
M. G. Flaubert peut être regardée comme
supérieure à toutes celles qu'on a proposées
après coup.
Examinons maintenant cette autre objection
qui a fait, elle aussi, tant de bruit dans le
Landerneau littéraire : *Pasdepsyckolot/ic! »
Mais qu'est-ce donc, s'il vous plaît, que les
doutes, les hésitations, les troubles et les
mélancolies sans fin d'Emma? Et ces luttes
vigoureuses quand, sollicitée par les séduc-
tions latentes de Léon, elle se cramponne,
vaillante et chaste encore, à toutes les aspé-
rités de son âpre devoir? Et ces ressouvenirs
de jeunesse et de candeur qui lui font, même
aux heures les plus folles, monter des larmes
aux yeux et des sanglots aux lèvres? Et ces
grands élans qui la jettent aux pieds d'un
prêtre, attendrie et cherchant des forces mo-
BOVA
BOVÉ
BOVI BOWD 1169
valei contre ses faiblesses physiques? Et cette
page d'une si fraîche éloquence qui nous la
montre, cette femme coupable, rêveuse devant
une lettre de son père, et poursuivant « la
peDsée douce qui caquetait tout au travers
comme une poule à demi cachée dans une
haie d'épines? » Et ceci? et cela? Mais mille
et un détails, enchâssés à plaisir dans l'action,
vous la racontent au contraire, cette pauvre
créature, dans tout ce qu'elle a de plus imma-
tériel; mais son âme, toute nue, palpite dé-
solée sous l'œil qui sait regarder. Tant pis
pour quiconque n'a vu là qu'une manifestation
physiologique : il y a plus, assurément. M
10 e
Bo-
vary poursuit avant tout un idéal; chacune
de ses deux fautes est précédée d'un rêve spi-
ritualiste qu'elle espère, en cédant, réaliser.
Mais, hélas! l'amour est ainsi fait, que la re-
cherche d'un sentiment n'aboutit trop souvent
qu'à la rencontre d'une sensation. A ces dé-
convenues, le caractère s'évanouit peu à peu ;
l'âme harassée abdique, les sens usurpent, et
la vie dès lors marche au gré du tempéra-
ment. Telle est l'histoire d'Emma. La critique
a compris l'effet; elle a feint de ne pas voir la
cause.
Peut-être eût-on souhaité rie longs com-
mentaires et de savantes dissertations. Les
avoir évités est, au contraire, un grand mé-
rite à nos yeux. Il nous plaît que le romancier
se contente d'esquisser ses héros par leurs
pensées propres et par leurs actes.. Prenez
Homais, Rouault ou Lheureux. L'écrivuin ne
s'attarde même pas à nous analyser, en style
plus ou moins pédantesque, les essences di-
verses dont se composent ces trois natures.
Devant nous il les fait agir et penser, simple-
ment. Cela suffit: nous les comprenons aussi
bien et plus clairement que s'il eût, à chacune
d'elles, consacré vingt pages de digressions
philosophiques. D'ailleurs, quiconque veut une
monographie du bien, du beau et du vrai, ne
la demande pas au roman. A chacun sa beso-
gne: le romancier observe et peint-, le philo-
sophe suppose et disserte. Celui-ci se nomme
« théorie ; • celui-là s'appelle « pratique. » On
peut, àla rigueur, être ensemble l'un et l'autre.
Il n'est pas équitable de reprocher à l'autre
de ne pas être l'un. A se renfermer dans l'ob-
servation stricte des faits, moraux et physi-
ques, bien entendu, le roman gagne en pré-
cision, et partant en intérêt. Les figures de
M. Flaubert, traitées comme elles le sont,
s'accusent à notre entendement avec des vi-
vacités de saillies qu'eût à coup sûr émous-
sées tout verbiage philosophique.
La est précisément la supériorité du genre
adopté par l'auteur de Madame Bovary: ce
livre frappe d'autant plus qu'il est moins
phraseur. La moralité qui s'en dégage, quoi
qu'on en dise, s'impose avec toute l'énergie
d'un fait. « Preschez et patrocinez d'icy à la
Pentecouste, enfin vous serez esbahv com-
ment rien ne m'aurez persuadé, » disait Pan-
tagruel à Panurge. Faites-nous le plus miri-
fique discours du monde sur un péril quelconque
dont vous nous voulez préserver, nous admi-
rerons-la forme, en souriant du fond; mais
ce péril, faites-le-nous toucher du doigt, et le
frisson nous prendra. Il n'est pas de règle, si
claire qu'elle soit, qui persuade comme un
exemple. C'est prouver qu il faut, non disserter.
Madame Bovary prouve, et prouve exclusive-
ment : de là sa portée ; de là son action.
Aux dissertations supprimées, le détail sup-
plée. Il devient, par suite, indispensable. En
traits plus fermes et plus saisissables, il com-
plète le dessin général des personnages, dont
il commente en outre et parfois justifie les
actes. L'homme a pour partie quasi intégrante
ce qui l'entoure. Une chambre trahit par les
colifichets qui l'ornent l'individualité qui l'ha-
bite. Nous vivons, en effet, dans tous les objets
qui s'accumulent à nos côtés, car chacun de
ces objets dénonce un de nos goûts, un de nos
caprices, une de no? manies. N'est-il pas vrai,
d'autre part, que l'influence des choses exté-
rieures agit fréquemment, sinon toujours, sur
nos déterminations? Les idées changent sui-
vant les lieux. Celles qui vous arrivent quand,
les pieds dans le macadam, vous promenez
vos flâneries à travers les boulevards sont
d'une autre nature que celles qui vous vien-
nent quand, le ventre dans l'herbe, vous cou-
chez, par un beau jour d'été, votre paresse au
fond d un bois. Ce n'est pas tout : l'humeur
peut varier suivant les variations infinies des
choses environnantes; qu'un parfum trop vif
nous énerve, et nous voici plus aptes à la co-
lère; qu'une senteur discrète nous charme, et
nous voilà plus capables de douceur. Bref, il
n'est pas un détail ambiant qui ne puisse, en
certains cas, soit relever une particularité de
notre être, soit expliquer une décision de notre
esprit.
Citerons-nous un exemple? Voyez la fa-
meuse soutane de l'abbé Bournisien, si minu-
tieusement photographiée par M. G. Flaubert.
Est-ce que cette description ne dit pas tout
de suite en quelques lignes tout un aspect de
cette physionomie? Et cela d'une .façon très-
pittoresque, c'est-à-dire plus frappante que
toute autre. Est-ce qu'elle ne prédispose pas
la pénitente, et le lecteur avec elle, à la scène
qui va suivre, scène bien remarquable, entre
parenthèse. Supprimez cette soutane, le tvpe
est perdu. Modifiez ce type, le dialogue devient
invraisemblable. Changez ce dialogue, Emma
peut être sauvée. Or Emma sauvée, l'auteur
manque son but.
En vérité, nous vous le disons, tout a été
mûrement pesé et débattu. Pas une ligne qui
n'ait sa raison d'être; pas un mot qui n'ait
son importance; pas une syllabe qui n'ait ses
fins. Tous ces détails, que vous blâmez, sont
essentiels à l'ensemble, et nous ne voudrions
pas en détacher un seul de peur ûe compro-
mettre les harmonies du tout.
Un dernier mot, en guise de résumé.
II nous semble qu'on rabaisse singulière-
ment l'art en voulant confiner le roman dans
les limites de la morale de convention, dont
les Berquin et les Bouilly ont fait jadis leurs
délices ; il nous semble qu'on outrepasse ses
droits de critique, quand on crie aux Téniers
de notre littérature : « A quoi bon cette Fête
de village ? c'est une Procession du saint-
sacrement qu'il fallait peindre l » U nous semble,
enfin, qu'on manque un peu de modestie, si
l'on se croit assez fort pour embrasser d'un
seul coup d'œil, la première lecture faite,
tout ce que six années de travail ont mis dans
un pareil ouvrage ; la grande supériorité ar-
tistique de M. G. Flaubert, supériorité que
personne ne songe à nier, devrait du moins le
mettre à l'abri de tout jugement improvisé.
Pour nous, qui avons étudié ces volumes sous
toutes leurs faces, nous ne pouvons qu'ainsi
conclure:
Cette œuvre est excellente, parce qu'elle
est vraie. Elle restera, malgré les objections,
parce qu'elle est l'expression non pas d'un
système, chose changeante, mais d'une par-
celle de l'humanité, chose immuable. Trois
mots, en effet, nous suffiraient pour expliquer
l'immense succès de Madame Bovary, trois
mots qui, malgré tout, flamboieront dans
l'avenir, au-dessus de ce roman, comme un
souverain appel et comme un suprême éloge :
Hic adest homol
Si maintenant nous accordions la réplique
aux premiers critiques, à ceux que nous avons
appelés les critiques à outrance, nous ne voyons
pas trop ce qu'ils pourraient dire. En y réflé-
chissant pourtant, il nous semble qu'ils ne se-
raient pas absolument justiciables de Charen-
ton s'ils répondaient ceci : « Il y a des gravu-
res obscènes, qui sont d'autant plus dange-
reuses, que ce qu'elles représentent est plus
vrai, entre autres le tableau qui nous montre
Celui qui but
Et devint tendre*
Et puis qui fut
Sou gendre.
• Ces gravures-là pourraient être étudiées im-
punément par les médecins ou par les philo-
sophes; mais on les défend dans l'intérêt des
bonnes moeurs, parce qu'on sait bien qu'elles
attireraient surtout les regards d'une jeunesse
inexpérimentée et avide d émotions sensuelles.
On ne les tolérerait pas, même si le peintre,
après avoir montré toutes les poses inventées
par la luxure, donnait comme correctif et
comme leçon une dernière image où les con-
séquences honteuses du vice seraient peintes
dans toute leur hideur, grinçant dans un ca-
banon de Saint-Lazare , pourrissant sur un
grabat de Lourcine, puis empestant sur une
dalle de la Morgue. On sait trop quelle serait
la faiblesse de cet appel à une raison pré-
voyante, devant l'excitation des sens provo-
quée par les autres images. *
BOVÉEBOVÉE s. f. (bo-vé — du lat. bos, bovis
bœuf). Agric. Quantité de terrain qu'une
paire de bœufs peut labourer en un jour, il
Vieux mot.
BOVENDEN,
BOVENDEN, bourg de Hanovre, principauté
et à 6 kilom. N. de Gœttingue, près de la
Leine. chef-lieu du bailliage de son nom;
2,000 nab. Fabriques de toiles et de cire à ca-
cheter. Ruines de l'ancien château fort de
Plesse.
BOVENNA,
BOVENNA, nom ancien de la petite île de
Caprera, au N.-E. de la Sardaigne.
BOVER1US (Zacharie), théologien et capu-
cin italien, né à Saluées en 1568, mort à
Gênes en 1G38. Il professa la philosophie et la
théologie dans les maisons de son ordre et fut
élevé à la dignité de définiteur général. Il a
laissé : Demonstrationes symbolorum verœ et
falsœ religionis adoersus prœcipuos et vigen-
tescatkolicœreligionishostes,etc.,?. vol. in-fol.j
Demonstrationes undecim de vera habitus forma
a seraphico P. N. S. Francisco instituta ; An-
nales, seu sacra historia ordinis minorum
S. Francisa, qui capuccini nuncupantur, ou-
vrage qui fut d'abord mis à l'index et qui fut
approuvé ensuite moyennant corrections ; Or-
thodoxa consultatio ae ratione verœ fidei et re-
ligionis amplectendœ (Madrid, 1623).
BOVES,
BOVES, bourg de France (Somme), arrond.
et à 9 kilom. S.-E. d'Amiens, sur la Noyé;
1,739 hab. Fabriques et blanchisseries considé-
rables de toiles. Ruines d'un magnifique châ-
teau fort du vne siècle -, il n'en reste plus que
des pans de hautes murailles placées sur un
mamelon élevé. Ce château servit de refuge,
au ix
e
siècle, contre les Normands, et fut plus
tard possédé par des seigneurs indépendants,
qui combattirent plusieurs fois contre les rois
de France. En 1214, un seigneur de la maison
de Boves se trouvait à Bouvines dans les
rangs des ennemis de la France. Ce château
fut ruiné en 1433 par l'Anglais Bedford. H
Ville du royaume d'Italie, province et à 7 kil.
S. de Coni: 7,000 hab. Exploitation de mar-
bres et de ter.
fortuitement dans les troupes royales à Tépo-
3
ue de la guerre de l'Indépendance, en 1810,
organisa une bande à laquelle on donna le
nom de division infernale, qu'elle mérita par
les excès et les cruautés qu elle commit dans
tout le cours de cette horrible guerre. Après
avoir vaincu plusieurs généraux républicains
et Bolivar lui-même, Boves fut blessé d'un
coup de lance à l'affaire d'Urica, et mourut
sur le champ de bataille.
BOVET
BOVET (François DE), prélat français, né
en 1745, movt en 1838. Il fut successivement
évêque de Sisteron , archevêque de Toulouse,
et membre du chapitre de Saint-Denis. Savant
estimable, il étudia les antiquités égyptiennes
à la suite de Champollion , et publia, entre
autres ouvrages : Des dynasties égyptiennes,
où il contrôle Manéthon à l'aide de la chrono-
logie sacrée ; Histoire des derniers Pharaons
et des premiers rois de Perse, etc.
BOVEY-TBACEY,
BOVEY-TBACEY, ville d'Angleterre, comté
de Devon, à 17 kilom. S.-O. dExeter, sur la
Bovey; 2,000 hab. Fabrication de poterie;
dans les landes de Bovey, riches gisements
de lignite et de terre à poterie, dont on fait
une exportation très-considérable.
BOVIANUM,
BOVIANUM, ville de l'Italie ancienne, dons
le Samnium ; place forte prise par les Romains
pendant la guerre des Samnites en 312 "et
299 av. J.-C-, puis transformée en colonie
militaire. C'est aujourd'hui la ville de Bojano.
B O V I D É , ÉE adj. ( b o - v i - d é — du lat.
bos, bovis, bœuf, et du gr. eidos, aspect).
Mamm. Qui ressemble à un bœuf, il On dit
auSSi BOVIDIEN, IBNNK.
— s. m. pi. Famille de ruminants ayant
pour type le genre bœuf : Les BOVIDÉS.
BOVILL^E,
BOVILL^E, petite ville de l'ancienne Italie ,
dans le Latium, à 17 kilom. S.-E. de Rome,
non loin de la voie Appienne. Ce fut près de
Bovillae que Clodius fut tué par ordre de Mi-
lon. Quelques auteurs voient près du village
de Marino, situé au S. de Frascati, l'emplace-
ment de Bovillœ. Les ruines de cette ancienne
ville sont à l'ouest de ce village, entre la voie
Appienne et la route de Porto d'Anzio; on y
distingue surtout un cirque, un théâtre, une
piscine et un sanctuaire dédié à Jupiter ven-
geur, assez bien conservé. BoviUae ayant été
le berceau de la famille Julia, les Césars
avaient consacré ce sanctuaire pour perpé-
tuer la mémoire de leur origine.
BOVINE
BOVINE et BOV1NIACUM, noms latins de
Bouvines.
BOVINE
BOVINE adj. f. (bo-vi-ne — lat. bovinus,
même sens, formé de bos, bœuf). Zootechn. Qui
est de la famille, de la nature du bœuf : Les
bêtes BOVINES. Les races BOVINES. \\ Espèce bo-
vine, Espèce du genre bœuf, comprenant seu-
lement le bœuf domestique, sa femelle et ses
petits : C'est l'espèce BOVINE gui fait le fond
principal de notre cheptel national. (Baude-
mont.)
— Art vétér. Affection bovine, Maladie des
bœufs et des vaches, produite par une espèce
de ver qui se développe sous la peau.
BOVINET
BOVINET (Edme), graveur français, né à
Chaumont en 1767, mort vers 1832, a ex-
posé aux salons de 1804, 1808, 1812 et 1831.
Il a gravé au burin , entre autres pièces :
la Communion de saint Jérôme, d'après le Do-
miniquin ; Sainte Madeleine, d'après Murillo ;
le Dévouement de saint Charles, d'après Mi-
gnard; la Barrière de Clichy, d'après Ho-
race Vernet; la Victoire d'Aboukir, d'après
Lejeune, planche exécutée par ordre du gou-
vernement (1808) ; la Bedditiond'Ulm, d'après
Grenier (1831); les Derniers moments de Na-
poléon , d'après Gudin ; VExhumation de
Henri IV, d'après Langlois ; Orphée et Eury-
dice, d'après Poussin ; Te Maître d'école et le
Vendeur de chansons, d'après Ad. Van Ostade,
pour le Musée Bobillard ; soixante-deux pièces
pour le Musée Fîthol, d'après Raphaël, le
Corrége, le Caravage, A. Carrache, le Guide,
le Dominiquîn , le Bolognèse , Castiglione ,
Poussin, CI. Lorrain, Séb. Bourdon, Le Brun,
La Hire, J. Vernet, Rembrandt, Ph. Wouwer-
man, Alb. Cuyp, Adrien Van Ostade, Gérard
Dov, Roelemburg, Paul Bril, Berghem, Mou-
cheron, etc. La plupart de ces pièces, gravées
à l'eau-forte par divers artistes, ont été ter-
minées au burin par Bovinet.
BOVISTE,
BOVISTE, s. m. jbo-vî-ste). Bot. Genre de
champignons forme aux dépens des lycoper-
dons : Le
BOVINO,
BOVINO, ville du royaume d'Italie, dans la
Capitanate, ch.-l. du district de même nom , à
28 kilom. S.-O. de Foggia, sur le Cervaro;
5,500 hab. Siège d'un evèché suffragant de
Bénévent. En 1734, les Espagnols y furent dé-
faits par les impériaux.
BOVISTEBOVISTE plombé croît dans les ter~
rains sablonneux. (Léraillé.)
BOVIUM,
BOVIUM, nom latin de Bangor, ville d'An-
gleterre.
BOVY
BOVY (Antoine), sculpteur et graveur en
médailles, né à Genève, eut pour maître son
compatriote Pradier, et vint jeune encore se
fixer à Paris, où il s'est fait naturaliser Fran-
çais. Il a exécuté, pour l'Etat et pour les par-
ticuliers, un grand nombre de médaillons-
portraits et de médailles en bronze, en marbre,
en plâtre; les plus remarquables sont : les
médaillons de Louis-Philippe (1831), de l'im-
pératrice Eugénie (1863), du prince impérial
(1864), de Gœthe (1831), de Paganini (1831),
de Cuvier (1833), d'Arago (1847), de Chopin
(1852), de Gay-Lussac (1852), de Liszt, du gé-
néral Dufour (1865), de M. Soret, numismate
( 1863 ) , les médailles commemoratives du
Troisième jubilé de la réformation de Berne
(1831), de Y Inauguration du musée espounot,
au Louvre (1839), de la Loi des chemins de fer
(1845), de la Bataille de l'Aima (IS57), de
Y Exposition universelle de 1855 (1859), du Ma-
riage du prince Napoléon (1861), de Y Agran-
dissement du palais du Luxembourg (1855), la
médaille accordée'en récompense aux sculp-
teurs à la suite des expositions des beaux-
arts, etc. Ces divers ouvrages, qui ont figuré
aux salons de 1831 à 1865, se distinguent par
une grande.finesse et en même temps par une
grande fermeté de modelé. Gustave Planche
a dit du médaillon d'Arago, exposé en 1847 :
« Ce portrait est d'un beau caractère. La phy-
sionomie respire à la fois l'énergie et l'intelli-
gence ;• et au sujet d'un portrait de femme, du
même artiste : • Le visage est d'une jeunesse,
d'une douceur qui ne laissent rien à désirer;
les cheveux ont une grâce, une souplesse qui
reportent la pensée aux monuments de l'art
grec. » M. Bovy est, sans contredit, l'un des
plus habiles graveurs en médailles de notre
temps. Il a été médaillé en 1835 et 1855, et dé-
coré de la croix de la Légion d'honneur en
1842. Un burin énergique et souple, une exé-
cution magistrale rachètent largement ce que
sa composition otfre parfois d indécis et de
confus. L'œuvre de M. Bovy est considérable,
et ses dernières productions permettent d'es-
pérer encore de lui de nouveaux chefs-d'œu-
vre ; il restera un des maîtres de l'école fran-
çaise en son art, et plusieurs de ses travaux
peuvent être opposes sans désavantage à
ceux des Dupré
?
des Varin, des Duvivier et
autres, qui ont illustré l'art de la gravure en
médailles en France. Ses poinçons, touchés
avec vigueur et simplicité , ont une allure
pleine de grandeur, un calme d'une infinie
majesté.
M. Bovy est aussi l'auleur du type des
monnaies suisses, dites à YH^lvëtie; il a
fait de nombreux travaux pour son pays
natal, où il passe généralement la moitié de
l'année, dans une propriété qu'il y a ac-
quise. — Il a un fils, compositeur et pia-
niste de talent, connu sous le pseudonyme
de LYSBERG.
BOWDICHIEBOWDICHIE s. f. (bô-di-kî — de Bow-
dich, n. pr.) Bot. Genre de plantes de la fa-
mille des légumineuses, comprenant quelques
espèces de rAmérique tropicale.
BOWDICH
BOWDICH (Thomas-Edward), voyageur an-
glais, né à Bristol en 1790, mort en 1824. En-
traîné par uue irrésistible passion pour les
voyages, il se rendit, en 1814, en Afrique,
près o'un de ses parents, Hope Smith, gou-
verneur de Cape-Coast, et, de retour en An-
gleterre, il fut chargé de conduire en Guinée
une ambassade anglaise ayant pour but d'y
établir des relations commerciales (1815).
Bowdich pénétra jusqu'à Coumassie, capitale
du roi des Aschantis, mena à bonne fin la né-
gociation, revint en Europe, passa quelque
temps à Paris pour compléter ses études
scientifiques, et entreprit avec sa femme, en
1822, un nouveau voyagé en Afrique. 11 avait
atteint et exploré l'embouchure de la Gambie
lorsqu'une fièvre maligne l'emporta. On a de
Bowdich plusieurs ouvrages, notamment :
Une ambassade dans le pays des Aschantis
(Londres, 1819, in-4»), récit par lequel il fit
connaître le premier ce pays à l'Europe ; Ex-
pédition anglaise et française à Teembo;Essai
sur les superstitions, les coutumes et les arts
communs aux anciens Egyptiens, aux Abyssi-
niens et aux Aschantis; liécit des différentes
découvertes des Portugais à Angola et dans le
Mozambique (1824). Citons enfin un travail
Sur te moyen de trouver la longitude en mer
par l'observation des éclipses de lune.
BOWBOW ou STBATTFORD-LE-BOW, bourg et
paroisse d'Angleterre , dans le comté de
AlidilIesf'X, à 6 kilom. E. de Londres, dont
il forme un faubourg, sur la Lea; 3.500 hab.
BOWDITCH
BOWDITCH (Nathaniel), astronome améri-
cain, né à Salem en 1773, dans l'Etat de Mas-
sachusetts, mort à Boston en 1837. Après
avoir étudié les mathématiques, il fit un voyage
aux Grandes Indes, e t , à son retour, devint
président d'une compagnie d'assurances. U fut
ensuite professeur de mathématiques et d'as-
tronomie a l'université de Cambridge, dans
l'Etat de Massachusetts, etfutadmisdans plu-
sieurs sociétés savantes. U a publié : The ame-
rican practical navigator, et une traduction en
anglais de la Mécanique céleste de Laplace.
BOWDLEB
BOWDLEB (Thomas), littérateur anglais, né
à Ashley en 1754, mort en 1825. Il était lié
avec la plupart des esprits distingués de son
temps, et principalement avec mistress Mon-
tagu, auteur d un Essai sur les écrits de
Shakspcare. Il est connu surtout pour avoir
édité un Shakspeare de famille (10 vol. in-S*»),
où il retrancha tous les passages oui lui paru-
rent contraires aux mœurs ou au bon goût.
BOWDOIN,
BOWDOIN, bourg des Etats-Unis de l'Amé-
rique du Nord, dans l'Etat du Maine, comté de
Lincoln, à 32 kilom. N.-O. de Wiscasset, à
20 kilom. S.-O. a'Augusta; 2,500 hab.
BOWDOIN
BOWDOIN (James),gouverneur du Massa-
chusetts, né a Boston en 1727, mort en 17S0.
Il était fils d'un commerçant français que l'é-
dit de Nantes avait forcé d'aller porter son
industrie dans un pays étranger. Il contribua
beaucoup par ses écrits et par ses discours à
soutenir le zèle de ses compatriotes dans la
BOWEN
BOWEN (Francis), publiciste américain, né
vers 1814 , à Charlestown. Après avoir été
répétiteur de philosophie à l'université de
Cambridge, de 1835 à 1839, il eut la direction
de la North American Beview,ûe 1843 à 1853,
et s'y montra hostile à la nationalité hongroise,
au moment même où Kossuth recevait aux
Etats-Unis un accueil enthousiaste. Il est
rentré dans l'enseignement, en acceptant la
chaire de philosophie" morale et d'économie'
politique au collège Harward. Outre plusieurs
volumes de la Biographie américaine de Sparks,
il a publié quelques écrits philosophiques :
Essais critiques sur l'histoire et la condition
présente de la philosophie spéculative (Boston,
1842); Entretiens sur l'application de la méta-
physique et de la morale à la démonstration de
la religion (Boston, 1849).
BOVES
BOVES (Joseph-Thomas), fameux partisan
américain, mort en 1814, était Castillan de
I naissance, et de la plus basse extraction. Jeté
u.
147
1170 BOWL BOWR
BOXE
ËOXE
guerre de l'Indépendance, et lorsque sa santé <
l'obligea à quitter les fonctions publiques, il
se livra tout entier aux sciences et à la litté- j
rature; il fut longtemps président de l'Acadé-
mie des sciences et des arts de Philadelphie.
BOWDOIMfAM, bourg des Etats-Unis de
l'Amérique du Nord, dans l'Etat du Maine,
comté de Lincoln, à 25 kilom. S.-O. d'Au-
gusta, sur le Kennebeck; 2,800 hab.
BOWEN
BOWEN (sir George Ferguson), adminis-
trateur et publiciste anglais, né en 1821, en
Irlande. Il rit ses classes à Oxford, et fut
nomme professeur au collège Brasenose, en
1844. De 1847 a 1851, il occupa la charge de
président de l'université de Corfou, ce qui ne
l'empêcha pas de censurer vivement dans
quelques brochures les mesures administra-
tives de lord Seaton, haut commissaire des
Iles Ioniennes. De 1854 à 1859, il fut secré-
taire en chef du lord gouverneur de cet ar-
chipel, et fit paraître plusieurs écrits : Ithaque
en 1850; le Mont Athos, la Thessalie et
ï'Epire, etc. Marié a une princesse, Grecque
d'origine, il pas-^e pour un helléniste de va-
leur, et a rédigé pour Murray un manuel sur
la Grèce. En 1859, il a été nommé gouver-
neur et capitaine général d'une colonie aus-
tralienne.
BOWER
BOWER (Archibald), écrivain anglais, né à
Dundee en 1686, mort en 1766. Il entra dans
l'ordre des jésuites et devint même conseiller
de l'inquisition en Italie; mais ayant été obligé,
par des causes encore mal connues, de retour-
ner en Angleterre, il abjura le catholicisme,
se fit anglican, se maria en 1749 et devint bi-
bliothécaire de la reine Caroline. Pendant
plusieurs années, il rédigea une espèce de re-
vue littéraire qui paraissait chaque mois sous
le titre de Historia litteraria. On lui doit en
outre une histoire romaine qui fut insérée dans
la grande Histoire universelle, et une His-
toire des papes (1748, 7 vol.)
BOWEKBANK
BOWEKBANK ( James-Scott), naturaliste
anglais, né à Londres en 1797, était admis h
l'âge de dix-huit ans au nombre des membres
de la Société mathématique de Londres. En
1844 , aidé de feu le docteur Johnston , il
fonda lu liay Society, ainsi nommée en l'hon-
neur du naturaliste anglais John Ray, et, en
1847, il proposa l'établissement de la Société
paléontologique de Londres, dont il est resté
jusqu'à ce jour secrétaire honoraire. II appar-
tient encore à d'autres sociétés savantes. Ses
nombreux travaux embrassent presque toutes
les branches de l'histoire naturelle. La plu-
part ont été insérés dans les grands recueils
scientifiques de l'Angleterre.
BOWES,
BOWES, ville d'Angleterre, comté de York,
North-Riding, à 6 kilom. S.-O. de Barnard-
Castle, sur la Gréta; 1,257 hab. Bowes, an-
cienne station romaine, présente les vestiges
d'un castettum ; à 3 kilom. de là, on trouve un
curieux pont naturel formant une arche de
18 mètres d'ouverture sur la Gréta, et prati-
cable pour les voitures. Les habitants du pays
l'ont nommé God's Bridge (Pont de Dieu),
BtWIE-KNrFB s. m. (bn-i-naîf — de
Boxai?, n<>m propre; fenife, couteau). Couteau
à lame pliante, que les Américains portent
sur eux comme a-mu défensive, et trop sou-
Vent comme arme offensive.
BOWL
BOWL s. m. (bol — mot angl.). Vase dans
lequel on sert différents breuvages, tels que
le café au lait, le punch, etc. : Cet homme te-
nait à la main une assiette et un BOWL de lait
épais et fumant. (E. Sue.) Depuis quelque
temps, je déjeune avec une bonne soupe grasse,
un
BOWLBOWL comme pour deux. (Brill.-Sav.) le
café fut servi dans de beaux et profonds BOWLS.
(Brill.-Sav.) il On écrit plus souvent aujour-
d'hui BOL.
BOWLBY
BOWLBY (Thomas-William), jurisconsulte
et publiciste anglais, né en 1817, mort en
Chine en 1860. L'expédition combinée que la
France et l'Angleterre firent en Chine en
1860 mit en relief le nom de M. Bowlby, qui
accompagnait l'expédition comme correspon-
dant du Times. Tombé, avec un missionnaire
français, l'abbé Dulac, le capitaine d'artillerie
Brabazon, et l'interprète Païke, ses compa-
triotes, entre les mains des Chinois, par suite
d'un odieux guet-apens, M. Bowlby fut soumis
à d'horribles raffinements de torture. Il y périt,
ainsi que l'abbé Dulac et le capitaine Braba-
zon, M. Bowlby, dont la présence au milieu
de l'état-rmajor des deux armées pouvait au
premier abord ressembler à celle d'un intrus
— ce mot pris dans son sens étymologique —
avait su, par son caractère personnel, con-
quérir le respect et l'attention des chefs poli-
tiques et militaires de l'expédition. Le premier j
négociateur anglais, lord Elgin, a rendu en
ces termes hommage à sa mémoire : i La
mort de M. Bowlby est une grande perte. Il
était, plus que personne, capable de bien faire
comprendre à l'opinion publique européenne
les problèmes, singulièrement compliqués ,
que présente la'situation morale, sociale,
politique et commerciale de la Chine. »
M. Bowlby avait, en 1848 et 1849, été corres-
pondant du Times en Allemagne, et il courut à
ce titre de grands dangers personnels , en
cherchant à rendre, aussi exactement que
possible, compte des émeutes de Berlin,
de Francfort et de Vienne.
BOWLES
BOWLES (Guillaume), naturaliste anglais,
né en Irlande, mort en Espagne en 1780. Il a
publié en espagnol deux ouvrages d'histoire
naturelle : Introduccion a la historia natural
y a la geografia fisica de Espana (1775), tra-
duite en français par le vicomte de Flaviguy ;
Histoire des sauterelles d'Espagne (1781). Il a
aussi adressé à la Société royale de Londres
un Mémoire sur les mines de l Allemagne et de
l'Espagne.
BOWLESBOWLES (William-Leslie), poète, théolo-
gien et littérateur anglais, né dans le North-
ainptonshire en 176-2, mort en 1850. Il étudia
la théologie, fut d'abord vicaire, puis chanoine
et enfin recteur de Bromhill, dans le Wîlt-
shire. Dès sa jeunesse , il publia des son-
nets, des élégies, des stances sur une foule
de sujets divers, où l'on trouve des beau-
tés d'un ordre élevé mêlées à quelques dé-
fauts. Mais il composa en même temps des
ouvrages d'érudition, de critique littéraire, de
controverse religieuse, etc. On lui doit, entre
autres : Annals and antiquities of Lacock«b~
ôe#(1835); Theparochial history of Bromhill ;
une édition complète de Pope en 10 vol., avec
des critiques assez vives contre cet auteur,
surtout au point de vue de son talent poé-
tique. Le premier recueil de poésies de
W. Bowles a été publié en 1798, le dernier en
1837 , sous te titre de Gleams and shadoios of
days.
BOWLÉSIE
BOWLÉSIE s. f. (bo-lé-zî;— de Bowles,
botan.). Bot. Genre de plantes, de la famille
des ombellifères, tribu des hydrocotylées,
renfermant une dizaine d'espèces, qui crois-
sent dans l'Amérique australe.
BOWLESBOWLES (sir George), général anglais, né
en 1787 dans le comté de Wilts. Après avoir
servi, de 1805 à 1814, en Allemagne, en Dane-
mark, en Espagne et en Belgique, il resta en
France avec l'armée d'occupation jusqu'en
1818. Envoyé dans les Indes, puis au Canada,
en qualité de secrétaire militaire du duc de
Richmond. il opéra vigoureusement contre les
insurgés de 1838, le long de la frontière des
Etats-Unis. De 1845 à 1851, il a été directeur
de la maison de la Reine. Promu au grade de
lieutenant général en 1854, il avait été nommé
antérieurement lieutenant gouverneur de la
Tour de Londres et chevalier-commandeur de
l'ordre du Bain.
BOWLEY
BOWLEY , ville d'Angleterre, comté de
York, West-Riding, à 3 kilom. S. de Bradford;
11,800 hab. Mines de houille et de fer, car-
rière, fabrique de tissus. C'est dans les envi-
rons de cette ville que, en 1642,1e comte de
Newcastle battit l'armée de Fairfax.
BOWLING,
BOWLING, ville des Etats-Unis de l'Amé-
rique du Nord, dans l'Etat de Kentucky,
comté de Waren, dont elle est le chef-lieu*, à
170 kilom. S.-O. de Francfort; 2,000 hab. In-
dustrie active : filature de laine, manufacture
de bougies, fonderie de fer dans les environs;
vaste grotte d'où l'on extrait une grande
quantité de nitre.
BOWLINO-GREENBOWLINO-GREEN s. m. (boou-linn-grinn ;
— mots angl. signif. gazon où l'on joue à la
boule). Jardin. Forme britannique du mot
français boulingrin, dont se servent ceux qui
veulent faire preuve d'érudition, les mêmes
qui disent, béby au lieu de bébé, riding coat au
heu de redingote, c'est-à-dire des Français
anglomanes qui, lorsqu'ils se sentiront at-
teints du spleen, iront se précipiter dans la
Tamise pour que la patrie n'ait pas leurs os.
BOWMAN
BOWMAN (William), médecin anglais, né en
1816, à Nantwicn. Fils d'un naturaliste, il
suivit les cours du collège du Roi, il Londres,
où il est actuellement professeur de physio-
logie , d'anatomie générale et de patholo-
gie. En 1842, il reçut de la Société royale
un prix de physiologie. Il est membre de cette
compagnie et de plusieurs Académies étran-
gères. Auteur de notices et de mémoires insé-
rés dans les Transactions philosophiques, dans
l'Encyclopédie d'anatomie, etc., il a composé
plusieurs ouvrages de chirurgie pratique :
Entretiens sur les organes intéressés dans les
opérations de l'œil; Observations sur les pu-
pilles artificielles; Anatomie pathologique et
physiologie de l'homme ; ce dernier en collabo-
ration avec feu le docteur Todd.
BOWMORE,
BOWMORE, ville d'Ecosse, comté d'Argyle,
sur la rive orientale de Islay, une des Hé-
brides, capitale de l'Ile; 2,727 hab. Petit port;
toiles, ardoises, marne, chaux.
BOWRING
BOWRING (Edgar-Alfred), fils du précé-
dent, né en 1826, lit ses classes à l'université
de Londres. Il entra dans les bureaux du mi-
nistère du commerce en 1840, devint archiviste
et bibliothécaire de ce département en 1849,
remplit en 1851 les fonctions de secrétaire de
la commission financière anglaise de l'expo-
sition, et reçut en récompense le titre de
compagnon de l'ordre du Bain (1862), sur la
proposition spéciale du prince Albert. Il est
auteur d'une version poétique du Livre des
Psaumes, d'une traduction anglaise des œuvres
poétiques de Schiller et de Gœthe, ainsi que
de Henri Heine. 11 a publié une brochure en
faveur du libre échange.
BOWRBOWR s. m. (bor). Comm. Nom donné à
une variété de diamants.
SOWR1NG (sir John), littérateur, écono-
miste et homme politique anglais, né en 1792,
à Exeter, comté de Devon. Il fut dans sa jeu-
nesse le disciple politique de Jérémie Bentham,
dont il exposa les principes dans la Bévue de
Westminster, qu'il rédigea de 1825 à 1830. Son
maître et ami le choisit pour exécuteur testa-
mentaire, et le chargea de donner une édition
posthume de ses Œuvres complètes; M. J. Bow-
ring, qui était déjà familiarisé avec la langue
française (il fut emprisonné sous la Restau-
ration pour avoir trempé dans un complot
politique), fit paraître en 1840, à Paris, une
traduction des Sophismes parlementaires de
Bentham. Appartenant à une famille de puri-
tains, il réclama dans la presse et dans les
meetings contre l'incapacité politique dont les
lois frappaient les dissidents. Parcourant les
divers pays de l'Europe, il mit à profit une
rare aptitude linguistique pour recueillir et tra-
duire en anglais les chants populaires, les poè-
mes originaux de plusieurs nations ou races :
russe j serbe, polonaise, magyare , danoise,
suédoise, frisonne, hollandaise, esthonienne,
espagnole,portugaise,javanaise et irlandaise.
Ces anthologies ont eu plusieurs éditions.
Il a composé lui-mémo des poésies. De très-
bonne heure , M. Bowring s'était occupé d'é-
conomie commerciale. Commissaire ou agent
officiel en France, en Italie, en Allemagne et
dans le Levant, et plus tard en Chine, il a
rédigé pour le gouvernement anglais des rap-
porte statistiques intitulés ; Relations commer-
ciales entre ta France et l'Angleterre (1834-
1835,2 vol. in-fol.) ; Commerce et manufactures
de fa Suisse (1836, in-fol.) ; Y Egypte , Candie
et la Syrie (1840, 2 vol. in-fol.) ; De l'Associa-
tion douanière allemande (1840, in-fol.). Sous
l'administration du comte Grey , il fut nommé
commissaire d'enquête pour la réorganisa-
tion de la comptabilité publique. Malgré ses
voyages et ses travaux, M. Bowring repré-
senta deux bourgs, Kilmarnock et Bolton, de
1835 à 1837 et de 1841 à 1849; il vota avec le
parti libéral. Nommé, en 1849 , consul britan-
nique à Canton, et, en 1854, gouverneur de
Hon
un traité de commerce avec les deux rois de
ce pays. II donna en 1857 une relation de ce
voyage : le Boyaume et le peuple de Siam
(2 vol.). Le pavillon anglais ayant reçu une
insulte des autorités chinoises, il fit bombarder
la ville de Canton par les vaisseaux de la
station britannique, ce qui fut l'origine de la
dernière guerre de l'Europe avec la Chine. Il
rentra en Angleterre en 1859, avec une pen-
sion; à leur départ, sir J. Bowring et sa fa-
mille n'échappèrent que par miracle à un
empoisonnement ( les domestiques chinois
avaient mis une énorme quantité d'arsenic
dans le pain de leurs maîtres). Après son
retour, il publia-un aperçu statistique sur les
Iles Philippines. Dans 1 année 1861, il fut
chargé de préparer les bases d"un traité de
commerce avec le royaume d'Italie. En k863,
il est reparti pour la Chine, en qualité de gou-
verneur de Hong-Kong. La reine l'a créé
chevalier en 1854.
BOWYER
BOWYER (William), savant imprimeur an-
glais, né à Londres en 1699, mort en 1777. Il
a donné des éditions de beaucoup d'ouvruges
importants qu'il enrichissait de notes savantes,
entre autres une édition du Lexicon de Schre-
velius, auquel il ajouta beaucoup de mots
grecs oubliés par l'auteur. On lui doit aussi:
On the origin of printtng (1774), travail qui
fut ensuite complété par Jean Nichols.
BOWYER
BOWYER {sir George), jurisconsulte an-
glais , né en 1811, à Radley, comté de Berks.
Reçu avocat en 1839, il professa quelque
temps le droit à l'école de Middle-Temple. Il
eut aussi la direction d'un journal, le Guar-
dian, dans les colonnes duquel il a considéra-
blement écrit. En 1850, il se convertit au
catholiij.'.gme, peu après avoir reçu de l'uni-
versité d'Oxford le diplôme honorifique de
docteur en droit. Lorsque le pape eut partagé
l'Angleterre en diocèses catholiques romains,
il se constitua l'apologiste de cet acte, et pu-
blia une brochure autorisée par le saiut-siége :
Le cardinal-archevêque de Westminster et la
nouvelle hiérarchie, qui obtint plusieurs édi-
tions. Envoyé au Parlement par le bourg de
Dundalk en 1852, il adopta la politique du
parti libéral, mais en défendant avec zèle les
gouvernements catholiques du continent. Il
est auteur d'une Dissertation sur les institu-
tions des républiques italiennes, et de deux
ouvrages plus importants, écrits avant sa
conversion à la foi romaine : Commentaires
sur le droit constitutionnel d'Angleterre, et
Commentaires sur le droit civil moderne.
B O X E S , f. (bo-kse, mot angl.). Loge, cel-
lule, écurie pour un seul cheval, comme celles
que l'on construit pour les pur-sang. Dans
tes écuries de luxe, les chevaux sont isolés, soit
un à un, soit par attelage, au moyen de cloi-
sons à demeure, formant des stalles ou uoxus.
(Bélèze.) Pour l élevage des chevaux de race,
il svfjxt d'une écurie dans laquelle, au moyen
de clôtures en flanches, ou de simples grillages,
on établira des BOXI:S assez spacieuses pour
contenir à l'aise chaque mère et son poulain.
(Bélôze.) Je ne parle pas 'les animaux enfermés
dans leurs BOXKS et étouffant sous une vitrine
où l'air pénètre difficilement. (E. Texier.)
— Encycl. Le mot box, comme l'écrivent
les Anglais; est d'origine anglaise et il n'a
été adopté en France que dans ces der-
nières années. On l'emploie pour désigner
des loges de certaines dimensions, dans les-
quelles chaque animal trouve une habitation
spacieuse, bien aérée, commode et isolée.
Les boxes se pratiquent dans l'intérieur des
écuries et ne servent qu'aux chevaux, aux
tnes et aux mulets. Quelquefois, mais rare-
ment, on les trouve établies dans les étables.
Dans les bergeries importantes, il y a toujours
des espèces de boxes où l'on renferme les bé-
liers et quelquefois les brebis mères, à l'époque
de l'agnelage.
Les boxes ne sont donc pas une nouveauté
en France, ainsi que pourrait le faire supposer
l'origine anglaise et l'importation récente du
mot. On s'en sert depuis longtemps; mais il
faut dire que, sous le rapport de la construc-
tion et de l'aménagement, nous avons beau-
coup à faire avant de songer à égaler nos
voisins d'outre-Manche. Presque toujours,
même dans les exploitations les mieux diri-
gées, les boxes s'ouvrent sur un couloir com-
mun qui communique seul avec le dehors.
Cette construction est vicieuse, parce qu'elle
ne permet qu'une aération insuffisante. Lors-
que les portes sont ménagées dans le mur
extérieur, il est toujours facile de maintenir,
en hiver comme en été, une température
douce et fraîche, aussi favorable au dévelop-
pement des animaux qu'au maintien de leurs
forces et de leur bonne santé. Pour les che-
vaux de prix, et quand on veut encore ajouter
au confortable de la boxe, on y ajoute une
petite cour. Cette pratique est particulièrement
usitée en Angleterre.
Les boxes sont isolées ou réunies ; dans le
premier cas. les cloisons montent jusqu'au
plafond; dans le second, elles ne s'élèvent
que jusqu'à une certaine hauteur: d'ordinaire
même, elles ne sont pleines qu'à la partie in-
férieure; à 1 m. ou 1 f",20 au-dessus du sol,
on les fait à claire-voie. On dispose les boxes
sur un ou deux rangs suivant la largeur des
écuries; lorsqu'elles forment une double ran-
gée, il est convenable, pour la commodité du
service
?
de ménager un couloir dans le milieu
du bâtiment entre chaque rangée. Sauf les
dispositions qui précèdent et qui presque
toutes sont rigoureusement indispensables,
l'aménagement intérieur des boxes est peu
coûteux. Un râtelier ou corbeille et une petite
auge qui sert de mangeoire en forment tout
l'ameublement. Les ventilateurs ne sont né-
cessaires que pour les boxes établies à l'inté-
rieur.
Les avantages des boxes sont incontestables :
les animaux y sont libres, ils peuvent s'y re-
poser tout à leur aise et ne courent pas le
risque de se blesser les uns les autres; mais il
faut, pour cela, qu'elles soient construites
d'une façon convenable. Malheureusement
c'est à quoi l'on ne songe guère en France,
comme nous l'avons dit plus haut. « Par in-
curie, dit M. Eug. Gayot, nous avons trans-
formé la boxe en un bouge destructeur; nous
nous ingénions si bien en sens contraire de la
raison et du sens commun que, de la meilleure
chose, dont nous faisons un détestable usage,
nous arrivons à tout ce qu'il y a de pire. Que •
faut-il néanmoins pour améliorer toutes ces
boxes où nous enfermons chevaux, ânes,
bœufs, moutons et porcs? De l'air et de la
lumière, deux corps assez abondamment ré-
pandus dans la nature pour que nous puissions
en user sans trop y regarder. Multipliez donc
les boxes, car il en est besoin dans toutes les
fermes et dans toutes les métairies ; mais
construisez-les simplement, afin qu'elles res-
tent saines. Elles sont une dépendance néces-
saire, nous avons presque dit indispensable,
de toutes les écuries grandes ou petites. Elles
recevront la poulinière dans l'état de gesta-
tion avancée, la jument qui allaite, le poulain
qu'on élève, les unimaux malades, ceux qui
ont éprouvé do grandes fatigues, les boiteux,
qui souffrent tant d'être attachés dans le rang
ou confinés dans une stalle étroite... Là ils
auront la paix, le repos, la tranquillité, l'es-
oace, la liberté, toutes choses précieuses,
faciles à donner et que nous donnons pourtant
si peu. •
Nous devons faire observer, toutefois, que
depuis 1860 d'importantes améliorations se sont
introduites dans la tenue, l'aménagement et la
construction des boxes. Ces heureux change-
ments, dont quelques grands propriétaires et
des éleveurs éininents ont pris l'initiative,
pénétreront avant peu, il faut l'espérer, dans
ta pratique générale et se propageront de
f
iroche en proche jusque dans les campagnes
es plus reculées.
BOXEBOXE s. f. (bo-kse — de Tangl. to box,
se battre à coups de poing). Sorte de pugilat
fort usité chez les Anglais : La sévère Albion
a renoncé à sa DOXK. (Proudh.) La EOXI-; a élê
BOXE
BOXE
BOXE
BOXE 1171
de tout temps en honneur en Angleterre. (Ba-
ch oint.)
— Encycl. C'est de l'Angleterre que nous
vient l'art, de la ôoxe; c'est, là qu'il est pratiqué
avec une ardeur commune à toutes les classes
de la société. La boxe, de l'autre côté de la
Manche , est l'argument péremptoire de plus
d'une discussion politique ou sociale; c'est un
moyen tout britannique d'appuyer son dire,
c'est enfin la réponse à toute parole malson-
nante aux oreilles d'un gentleman ou d'un
cockney.
Les gens du peuple, surtout, n'ont pas d'au-
tre manière de vider une querelle, de terminer
une affaire d'honneur et de se faire justice
par eux-mêmes; en moins de temps quil n'en
Faut pour le dire, deux braves Anglais se sont
mis en position de boxer, les poings levés, les
yeux dans les yeux, tout prêts à échanger avec
une mutuelle prodigalité les plus formidables
coups de poing dont les humains puissent se
gratiner.
La boxe, chez les Anglais, est vraiment un
art, et, à ce titre, elle est impérieusement
soumise à l'observation de certaines règles
qui ont force de loi, et dont chaque article est
rigoureusement exécutoire. L'un de ces arti-
cles défend expressément de frapper l'adver-
saire qu'un coup a jeté à terre, et il est sans
exemple que cette prescription ait jamais été
violée.
Le premier précepte de l'art du boxeur est
de se tenir constamment couvert avec un
avant-bras en demi-flexion, tandis que l'autre
bras doit porter d'estoc de vigoureux coups
de poing à l'adversaire. Il arrive souvent
qu'un coup bien appliqué fait jaillir le sang,
qu'on appelle, en termes de boxe, du clairet;
c'est le nom que les Anglais donnent aussi au
vin de Bordeaux. Tant que l'un des deux
champions n'a pas demandé merci, le combat
continue, à moins qu'il ne soit jeté à terre par
un coup violent; mais un des caractères les
plus saillants et en même temps les plus cu-
rieux de la boxe, c'est le sang-froid et l'impas-
sibilité des boxeurs. En France, si deux
hommes du peuple, à la suite d'une vive alter-
cation, en viennent aux voies de fait, il est
rare qu'elles ne soient pas accompagnées
d'injures réciproques, de gros mots exhalés
par la colère; en Angleterre, c'est tout diffé-
rent. Un homme se croit-il offensé par un
autre ; sans mot dire, sans récriminations, il so
met en devoir de boxer, et l'offenseur, qui ob-
serve le même mutisme, se met aussitôtèn pos-
ture -, tous deux s envoient en pleine poitrine ou
en plein visage des coups de poing à assommer
un bœuf ; ils les reçoivent avec une placidité,
avec un silence qu'interrompent tout au plus
quelques aoh!ou un énergiquegoddam. Le com-
bat terminé, chacun replace son chapeau sur
sa tète, essuie le sang qui coule de ses blessures
et s'en va ; à moins que le nombre ou la force
des coups reçus par le plus faible ne l'ait mis
dans l'impossibilité de remuer, ce qui arrive
quelquefois. Ce sont des gentlemen qui se
sont expliqués, dit la galerie, et on se con-
tente de porter le moribond à la pharmacie la
plus voisine.
L'art de boxer s'apprend à Londres, comme
à Paris l'escrime, et des professeurs renommés
enseignent, par la théorie et la pratique, la
manière d'aplatir un nez au milieu du visage
à l'aide d'un coup de poing savant, et celle
non moins utile d'enfoncer la poitrine d'un
f
entleinan par le même système. Un bon
oxeur jouit en Angleterre d'une position tout
exceptionnelle; il compte des admirateurs fa-
natiques, enthousiastes de son talent, et il ne
tarde pas à s'amasser une fortune rondelette,
en démontrant par principes ce bel art que
l'Anglais place au-dessus de tous les arts
d'agrément.
Si lu boxe n'était en usage que comme moyen
de défense ou de répression, il n'y aurait au-
cun motif pour lui préférer le duel à l'épée ou
au pistolet; mais, ce qu'il y a de déplorable
dans cette habitude de pugilat, c'est qu'on est
arrivé à en faire un spectacle public, un jeu
sanglant, une lutte sauvage, à l'occasion de
laquelle des paris importants sont engagés,
tout comme s'il s'agissait d'une course de
chevaux ou d'un combat de taureaux. Ici, c'est
le siing humain qui coule, à la grande satisfac-
tion des parieurs, qui font des vœux pour que
Tom soit assommé en cinq minutes, ou que
John crache sa langue et ses dents au se-
cond coup de poing. Hourra 1 pour le solide
boxeur qui a couché tous ses rivaux sur la
poussière; un grognement pour le pauvre
diable qui, en perdant la vie dans la lutte, a
fait perdre en même temps mille guinées à ses
partenaires.
« En vain les lois anglaises défendent-elles
-xpressément les combats de cette nature, dit
M. de La Clôture ; tous les jours elles sont
éludées, parce que l'esprit national, rendu
plus fort qu'elles par une longue durée, ne
peut s'habituer à leur obéir. Kn outre, la
certitude de l'impunité vient perpétuer l'abus.
L^ ministère public ne peut, en effet, dans la
Grande-Bretagne, ni poursuivre ni connaître
légalement d'un délit, s'il n'y a dénonciation
expresse et préalable, signée par un certain
nombre de personnes recommandables. Aussi
les feuilles publiques annoncent-elles ouver-
tement que tel jour, à tel endroit et à telle
heure, il doit y avoir assaut entre deux
boxeurs célèbres, et jamais la police n'inter-
vient pour empêcher cette violation scanda-
leuse des lois, parce que, de mémoire d'homme,
aucun cas de dénonciation ne s'est produit.
Bien plus, des soigneurs, l'élite de la nation,
élèvent chez eux des hommes qu'ils destinent
à ces sortes de combats, qui attirent de nom-
breux spectateurs parmi les plus hautes
classes de la société, à tel point que souvent
on voit de riches gentlemen faire quinze et
vingt lieues à cheval afin d'assister à ce spec-
tacle, qui pour eux va de pair avec les courses
de chevaux. »
L'auteur de l'Anglais à Paris, après s'être
demandé s'il devait comprendre dans les nobles
exercices du sport le vulgaire et cruel boxing,
s'écrie : « Oui et non. Oui, parce que les
hommes du plus grand monde assistent,
comme toutes les autres classes de la société,
à ces hideuses et sanglantes prouesses de la
forée brutale^ et les encouragent, les sanc-
tionnent ainsi de leur présence. Non, parce
qu'il n'y atjue des malheureux, des plus infimes
rangs sociaux, qui, moyennant quelques poi-
gnées d'or, descendent dans une ignoble arène
pour s'y faire affreusement mutiler et souvent
pour y recevoir ou donner la mort.
Outre la cruauté d'un pareil jeu, il faut en-
core déplorer l'influence pernicieuse qu'une
semblable coutume ne peut manquer d'exercer
sur les masses, en entretenant chez elles une
froide insensibilité pour les souffrances les
f
dus vives, et en les habituant à voir couler
e sang avec indifférence, presque avec satis-
faction. C'est surtout à ce point de vue que
les moralistes se sont élevés contre l'usage de
la boxe; mais ils ont toujours prêché dans le
désert : l'habitude en est trop profondément
enracinée chez le peuple anglais pour que les
remontrances ou les exhortations des écrivains
aient le pouvoir de la détruire. .
Voici de quelle façon se passe une repré-
sentation de boxe : on établit dans une plaine
un carré de six mètres en tous sens ; l'enceinte
étant ainsi préparée , et le public rangé tout
autour, les champions entrent dans l'arène;
tous deux sont suivis de quelques amis portant
des bouteilles d'eau fraîche et des citrons.
Les boxeurs doivent avoir la tête décou-
verte et se mettre nus jusqu'à la ceinture;
c'est dans la lice même qu'ils quittent leurs
habits. Le juge du combat donne le signal
définitif; aussitôt les boxeurs, suivis respec-
tivement de leurs témoins, s'avancent aU mi-
lieu de l'arène et se donnent la main. Les
deux premiers témoins les imitent, et les quatre
personnages se placent de manière à former
une croix ; ensuite chacun des deux adver-
saires se pose, se met en ^arde, observe son
antagoniste et cherche à lui porter des coups.
Lorsque les deux hommes se serrent de près,
les deux bras sont constamment en action ; de
l'un ils tâchent de frapper leur antagoniste,
tandis que de l'autre ils s'appliquent à se cou-
vrir le corps et à parer les coups qui leur sont
portés; toutefois, le poing qui paraît destiné
à garder la défensive prend souvent l'offensive
et porte des coups aussi terribles qu'imprévus.
Aucun coup ne doit être porté au-dessous des
hanches. Lorsqu'un des combattants a été
renversé, ses témoins le relèvent et le font
asseoir sur leurs genoux ; les adjoints agissent
également en lui faisant avaler de l'eau froide
et du jus de citron; ils le lavent avec une
éponge et l'encouragent ; mais tout cela doit
se faire avec une extrême prestesse, car il
n'est accordé à quiconque est renversé ou
étourdi par la violence du coup qu'une minute
de répit pour reprendre ses sens ; quand la
minute est écoulée, il a le droit de se rele-
ver et de recommencer la lutte, mais s'il dé-
passe les soixante secondes, il a perdu l'enjeu
de la boxe. Il est, au reste, d'usage qu'après
chaque coup violent on profite de la minute
accordée pour reprendre haleine, et il n'est
pas rare de voir deux boxeurs s'arrêter ainsi
trente ou quarante fois dans un combat qui
dure une heure et demie. La durée de la lutte
ne se définit pas à l'avance; elle varie selon
la force des boxeurs, et aussi selon l'impor-
tance des coups échangés ; on a vu des com-
bats durer cinq minutes, d'autres se continuer
des heures entières. On cite une lutte dont le
souvenir est resté dans la mémoire de tous les
cockneys de Londres et qui dura quatre heures
a
uarante-cinq minutes, pendant lesquelles l'un
es boxeurs tomba, étourdi, cent quatre-vingt-
seize fois. On s'avoue vaincu en présentant la
main ouverte à son adversaire.
La boxe était déjà en honneur en Angleterre
du temps du roi Alfred ; mais ce n'est guère
qu'au commencement du xvmc siècle qu'on
vit des boxeurs se disputer une certaine somme
fournie par les souscriptions d'amateurs.
Il existe une autre sorte de boxe, appelée
boxe sparing, dans laquelle les boxeurs cou-
vrent leurs mains de gants rembourrés, de
sorte qu'ils ne peuvent se blesser et que leurs
bras conservent tout le jeu nécessaire. Cet
exercice a lieu d'ordinaire dans une plaine
la voie des journaux. Mais la boxe nationale,
celle qui est cultivée avec amour dans toute
l'étendue des trois royaumes, c'est la boxe
simple, qui, avec les courses de chevaux, les
combats de coqs et le tir au pigeon, forme la
base des plaisirs anglais. Grâce aux liens qui
unissent la Grande-Bretagne au continent, la
boxe ne pouvait se localiser en Angleterre;
elle a donc, comme tant d'autres importations
d'outre-Manche, passé le détroit, et elle a ac-
quis son droit de cité en France. Ainsi, pour
une certaine partie de la jeunesse française,
. les exercices de la salle d'armes se complètent
' par ceux de la boxe, et on l'a admise comme
partie intégrante de toute bonne éducation
civile.
On ne traite plus avec dédain ce tnoyen.de
défense naturelle qu'on a longtemps regardé
comme devant être le partage exclusif du bas
Î
ieuple ; aujourd'hui, le charme est rompu et
es professeurs de boxe comptent parmi leurs
élèves assidus les plus grands noms du monde
aristocratique, artistique et financier. La dex-
térité et la souplesse françaises triomphent
souvent de la force dont les Anglais sont très-
vains; longtemps ceux-ci se crurent invin-
cibles dans la boxe, mais plus d'une fois ils
ont été forcés de s'avouer vaincus.
Frappés des causes physiques de l'infério-
rité des Français, des professeurs habiles se
promirent d'égaliser les chances des lutteurs,
et ils ne trouvèrent rien de mieux que de
panacher agréablement la boxe anglaise de
quelques éléments de l'ancienne savate fran-
çaise, qui eut aussi ses vaillants disciples-, et
de la fusion intelligente de ces deux moyens
d'attaque et de défense combinés naquit enfin
la boxe française , qui affirme de prime abord
sa suprématie sur son aînée. Désormais, le
E
oiu^ anglais n'était plu3 à craindre : ce que
Î poing français ne pouvait frapper, le pied
l'atteignait avec une grâce, une élégance et
une sûreté de jeu qui défiaient toute compa-
raison. Donc, dans la boxe française, les pieds
et les points fonctionnent en alternant ; il y a
des périodes de coups, des phrases, des alinéas
en action qui font l'admiration des connaisseurs
par leur enchaînement. Les coups pleuvent dru
comme grêle, et souvent tous portent et tou-
chent; lorsque le boxeur anglais lutte avec un
boxeur français, il est mis hors de combat sans
qu'iïsache comment; le coup arrive à Timpro-
viste, délicatement, et la semelle du soulier s'est
à peine appesantie sur la face de l'adversaire
que déjà elle a touché terre pour revenir trou-
ver le nez ou l'épaule par un détour agile. A
la boxe française, le combat n'est pas de lon-
gue durée, on ne se tient pas des heures en-
tières en face l'un de l'autre, donnant et rece-
vant méthodiquement des coups pesants ; au
bout d'un quart d'heure au plus, il est rare
qu'un des deux champions ne soit pas hors de
combat. Les salles de boxe sont nombreuses à
Paris; parmi les maîtres qui, pendant ces
vingt dernières années, se créèrent une répu-
tation par l'excellence de leur méthode, on
citait et on cite encore les Lecour, Leboucher,
Lozès, Blanc, Vigneron, Boutor, Burdin, Fou-
c a r t , Boursault, Person , i acou, etc. Des
jeunes gens élégants, des viveurs , quelques
artistes, fréquentent les salles de ces divers
professeurs; c'est là qu'a pris naissance un
calembour bien connu de tous les adeptes :
• La boxe est le plus court chemin pour arri-
ver d'un poing à un autre. »
Disons cependant, pour rester dans le vrai,
que les partisans dé la boxe sont et seront
] toujours très-peu nombreux en France, tandis
qu'en Angleterre ils se comptent par milliers,
, et la boxe y est presque regardée comme une
j institution nationale. C'est là seulement qu'on,
trouve des boxeurs de profession, c'est-à-dire
, des hommes qui se distinguent par une force
j prodigieuse de muscles, une insensibilité aux
' coups qui passe toute croyance, une santé
| magnifique . qui résiste à des chocs terribles,
sous lesquels succomberaient les hommes or-
dinaires; et ce n'est point, comme on le croit
fénéralement, l'habitude des combats qui leur
onne ces avantages, car les débutants qui
s'essayent pour la première fois à ces luttes
sanglantes ressemblent, sous ce rapport, aux
sujets vieillis pour ainsi dire dans la pratique.
C'est par des préparations préalables, par une
éducation spéciale, par le régime, en un mot,
?
ue ces hommes arrivent pour ainsi dire à se
aire un nouveau corps et de nouveaux or-
ganes. Ce régime spécial a reçu le nom géné-
rique d''entraînement, et, dans le vocabulaire
des boxeurs anglais, celui de condition. C'est
grâce à l'entraînement que le boxpur se met
I en mesure de pouvoir vaincre un homme
d'une force supérieure à la sienne, de même
qu'un cheval de course bien entraîné est a
même de battre les plus fins coureurs. Le pre-
mier soin du boxeur qui veut acquérir les
avantages de l'entraînement est de se sou-
mettre à un régime diététique qui dure plus
ou moins longtemps , selon la constitution et
le tempérament du sujet, h'Encyclopédie du
xixe siècle rapporte que ce régime se compose
de deux opérations distinctes et successives :
d'abord, débarrasser le corps de la graisse et
du superflu des liquides abreuvant le tissu
cellulaire, but auquel on arrive par les pur-
gatifs, les sueurs et la diète. Ainsi le sujet
sera purgé cinq ou six fois, à deux jours d'in-
tervalle , pour être soumis les autres jours à
l'ensemble des moyens les plus énergiquement
sudoriflques , tels que bains de vapeur, bois-
sons chaudes, aromatiques et stimulantes,
tandis qu'on l'entoure et le surcharge de cou-
vertures de laine, à la sortie desquelles il se
trouve soumis à des frictions générales, ainsi
qu'au massage des membres et aux mouve-
ments répétés des articulations. Mais si l'on
se bornait à cette opération première, il est
| évident que l'on arriverait promptement à
: spolier de toutes ses forces l'homme le mieux
portant. Aussi passe-t-on bientôt à la seconde
partie du régime, ayant pour but de déveloç-
I per les muscles et d'imprimer plus d'énergie
j aux fonctions nutritives, ce qui s'obtient par
I un exercice graduel et régulier, entrant en
. combinaison avec un système convenable d'a-
limentation composé surtout d'éléments qui,
sous un petit volume, fournissent aux organes
des matériaux essentiellement réparateurs ;
. c'est-à-dire, en définitive, qu'après avoir
î évacué les parties inutiles, on reporte durant
. quelque temps le mouvement nutritif sur les
muscles, ne s'occupant plus, pour ainsi dire,
que d'eux seuls. Les dispositions morales,
! enfin, sont aussi l'objet d'un soin tout particu-
! lier; l'homme que l'on entraîne, par exemple,
i est constamment accompagné de son direc-
• teur, qui s'occupe de l'amuser par des histoires
gaies et plaisantes, d'écarter de lui toutes les
circonstances pouvant susciter de l'impatience
ou de la colère. En un mot, on lui apprend le
sang-froid, le courage, l'égalité d'âme, qualités
que l'expérience nous démontre chaque jour
être d'une aussi grande importance dans un
; combat que la force musculaire elle-même. Il
: y a, en Angleterre, des entraîneurs tout aussi
fameux que leurs élèves eux-mêmes. •
On voit qu'il n'est pas aussi facile de s'im-
proviser boxeur qu'on pourrait le supposer de
prime abord, et qu'il taut avoir de véritables
dispositions naturelles pour s'astreindre vo-
lontairement aux conditions et prescriptions
corporelles que ce pénible métier exige. Il est
vrai que, grâce aux bienfaits de l'entraîne-
ment, un homme répare lui-même la parci-
monie ou l'indifférence que la nature lui avait
témoignée en le formant: ses membres aug-
mentent de volume, ses muscles acquièrent
de la dureté, deviennent saillants, élastiques
au toucher et se contractent avec une force
extraordinaire, sous l'influence du choc élec-
trique ; toute sa personne se modifie et se pare
des attributs de la force; l'abdomen s'efface,
la poitrine se bombe; la respiration, ample,
profonde, est capable de longs efforts; l'épi—
derme est devenu ferme, lisse, nettoyé de
"toute éruption pustuleuse ou squammeuse.
Mais le signe particulier et obligatoire du
boxeur, c'est d'avoir la peau d'une transpa-
rence extraordinaire : placée devant une bou-
gie allumée, la main d'un boxeur convena-
! blement préparé doit être pour ainsi dire
I diaphane et rosée ; l'uniformité de coloration
. est exigée absolument, parce qu'elle indique
| une régularité parfaite dans la circulation du
sang. Un autre résultat à l'obtention duquel
tendent les efforts des entraîneurs est celui de
la fermeté dermoïde de la région axillaire. Il
faut que les côtes de la poitrine ne tremblotent
f
ias pendant les mouvements des bras, et que
es tissus paraissent complètement adhérents
aux muscles sous-jacents.
L'entraînement est donc d'une nécessité im-
périeuse pour les boxeurs, et l'un d'eux, le
célèbre Brougthon , un des plus vaillants
champions de l'Angleterre, fut vaincu en
1740, après seize années de continuelles vic-
toires , pour avoir refusé de se soumettre de
nouveau à l'entraînement. Un coup qu'il reçut
sur le front le mit hors de combat, en produi-
sant sur-le-champ un gonflement de la face
qui l'empêcha d'ouvrir les yeux.
Nous allons terminer cet article — déjà trop
long, puisqu'il s'adresse à des lecteurs civilisés
et non à des sa-wages de l'Australie — par
le récit de quelques-unes de ces scènes.
Voici d'abord deux exemples tirés du
Boxiana , traité spécial de boxe, l'un au der-
nier siècle, l'autre au siècle actuel.
« Deux champions, Humphries et Mendoza,
combattirent ensemble le 20 septembre 1790.
Humphries était très-renommé depuis une
victoire qu'il avait remportée sur le boxeur
Martin, le 3 mai 1786, en présence du prince
de Galles, du duc d'York et du duc d'Orléans,
'qui se trouvait alors à Londres. ïl était re-
gardé comme supérieur à tous ses contem-
porains, lorsqu'on songea à lui opposer un
nouveau rival qui faisait concevoir les plus
belles espérances : c'était un juif nommé Men-
doza. La rencontre eut lieu à Odiham dans
le Hampshire. Le billet d'entrée était d'une
demi-guinée. La foule des spectateurs attirés
F
ar cette rivalité était trop considérable pour
enceinte; des pugilistes gardaient l'entrée
contre l'invasion populaire: Us furent ren-
versés, et un torrent de curieux se rua malgré
eux autour du petit théâtre où parurent bien-
tôt les deux antagonistes. On les accueillit
l'un et l'autre avec de grands applaudisse-
ments. Humphries était galamment vêtu; ses
bas étaient de soie à coins brodés en or; dei
nœuds de couleur ornaient ses chausses dt
fine flanelle. Mendoza était au contraire d'une
grande simplicité; il porta le premier coup;
mais en se retirant il glissa et tomba sur le
dos. Humphries le laissa se relever. Mendoza
le frappa de nouveau et le jeta à terre. Les
partisans d'Humphries commencèrent à crain-
dre. Cependant après plusieurs avantages
partagés, que nous ne pouvons décrire aussi
minutieusement que le Boxiana; après des
coups furieux portés dans les yeux, dans l'es-
tomac et sur les reins, Mendoza, tout défiguré
et renversé, perdit connaissance. On l'emporta
dehors; c'est là un des accidents les plus or-
dinaires et les moins fâcheux de ces luttes
barbares. La défaite de Mend'iza augmenta sa
célébrité loin de la diminuer. On avait remar-
qué en lui des qualités qui le distinguaient
d'Humphries. S'il n'avait pas autant de grâce
et d'élégance que ce dernier-, s'il n'avait pas
son sang-froid et sa force, il savait, en re-
vanche, mieux se mettre en garde, U avait
plus de vivacité; et, en somme, les vrais
amateurs lui accordaient beaucoup de science;
1172 BOXE
BOXE
BOYA BOYA
car boxer, aux yeux des Anglais, n'estpas
seulement un art, mais une science. Pour
exceller dans ce genre d'escrime, il ne suffit-
pas d'avoir de 1 inspiration, d'être armé de
muscles vigoureux, il faut savoir faire usage
de ces qualités suivant les règles. Après son
triomphe, Humphries écrivit a un gentilhomme
qui le protégeait, M. Bradye, ce billet laco-
nique : • Monsieur, j'ai battu le juif et je me
porte bien. Humphries. • Ce combat eut un
rand retentissement "en Angleterre, et il fut
occasion d'une sorte de renaissance du pu-
gilat, qui était en décadence depuis quelques
années.
Le héros de notre second exemple est Tom
Crig. Il était né à Bitton, à quelques milles
de Bristol. A l'âge de treize ans, il quitta son
pays et vint à Londres. L à , il lit successive-
ment plusieurs métiers manuels. De temps à
autre il boxait, tantôt sérieusement, tantôt en
artiste. Peu à peu il trouva la profession lu-
crative, et, s'adonnant tout entier à la science
des coups de poing, il devint célèbre à sa
manière. Une victoire qu'il remporta sur un
nommé Jean Belcher le plaça au premier
ranç parmi les pugilistes. Les plus célèbres
affaires de Crig, depuis qu'il était parvenu au
faîte de la gloire pugiliste, furent celles où il
triompha de Molineaux en 1811. On avait
aussi une grande opinion de ce dernier; c'é-
tait un homme de couleur ; il avait assez bonne
grâce, et, après Crig, il ne craignait personne.
Le dernier combat de ces deux champions eut
Heu à Thistleton-Gap, dans le comté de Rut-
land , devant vingt mille spectateurs. La liste
des pairs d'Angleterre, des généraux, des
gentlemen illustres qui étaient dans cette im-
mense assemblée, occuperait une page en-
tière. La lutte eut onze parties ou tours
(rounds). Au second coup, Crig eut la bouche
ensanglantée ; au troisième, il eut un œil tout
bleu; aux tours suivants, il fut plusieurs fois
renversé; mais à la fin il reprit 1 avantage, et
dès le septième tour on prévit aisément la dé-
faite du mulâtre Molineaux; celui-ci perdit
bientôt ses forces, et des applaudissements
universels, mêlés d'exclamations de vive
Crig! annoncèrent la fin du duel. On rapporte,
chose à peine croyable, qu'il y eut presque
des émeutes dans un quartier de Londres,
pour s'informer des détails de cette affaire.
Le gain de Crig, dans cette journée, fut de
dix mille francs; et celui de son patron, le
capitaine Barclay, de plus de vingt-cinq mille
francs : les paris s'élevèrent à un million.
L'éditeur d'un journal, YEdinburgh Star, fit
remarquer à cette occasion qu'une souscription
ouverte en faveur des prisonniers anglais en
France n'avait pas produit une aussi forte
somme. Les amateurs de pugilat donnèrent
un grand dîner à Crig; il occupa le siège
d'honneur, reçut le titre si envié de champion
de l'Angleterre; des ducs et des comtes lui
adressèrent des harangues, et la compagnie,
avant de se séparer, lui vota une coupe d'ar-
f
ent du prix de 50 guinées. Hâtons-nous de
ire cependant que ces rémunérations et ces
honneurs exagérés sont des exceptions fort
rares dans la carrière des boxeurs. La plupart
de ces malheureux athlète
0
reçoivent tôt ou
tard dans ces luttes terribles des blessures
dont ils meurent presque toujours. S'ils par-
viennent à sauver leur existence, ils sont
bientôt oubliés et méprisés quand ils ont
perdu leurs forces, et leur vieillesse est pres-
que toujours misérable ; car il est fort rare
qu'ils aient assez de raison pour conserver
sur leurs énormes bénéfices de quoi la rendre
indépendante.
On peut trouver aussi dans les Mémoires
de lord Byron , qui affectionnait cet exercice,
le récit d'intéressants combats de boxe entre
des grands seigneurs anglais. Au reste, Ri-
chard III boxait bien, et des lords ne dérogent
point en se livrant à cet élégant exercice.
Voici maintenant un extrait emprunté à
l'International :
« Edward Wilmot et un autre pugiliste de
renom s'étant rencontrés dernièrement dans
un public-house, résolurent de se battre sur
les lieux pour disputer un prix de deux cents
franC3. Hommes et femmes-se rangèrent au-
tour de la salle, et les deux'combattants en
vinrent aux mains. La lutte fut des plus achar-
nées. Les coups pleuvaient comme grêle de
part et d'autre. On se cassait une dent par-ci,
une mâchoire par-là, et les spectateurs, les
femmes surtout, applaudissaient avec enthou-
siasme chaque fois qu'on entendait résonner
un coup de poing sur la figure de l'un des
pugilistes. Le combat dura une heure et quart.
Les deux boxeurs étaient encore debout, cou-
verts de sang des pieds à la tête, mais faisant
vaillamment leur devoir. Minuit venait de son-
ner ; il fallut quitter le public-house. Mais les
combattants ne voulaient pas se séparer sans
avoir vidé la question. On se trouvait non loin
de Waterloo-place, à l'extrémité dé Regent-
street. Entre le Mail et Charing-Cross est une
rue sans issue qu'on appelle Carlton-Gardens,
et habitée par 1 aristocratie anglaise. Les deux
boxeurs s'arrêtèrent près de la maison de
M. Gladstone, à deux pas de la colonne du duc
d'York, et recommencèrent leur combat de
bêtes féroces. Il va sans dire que les specta-
teurs du public-house les avaient suivis sur le
terrain. La lutte recommença plus terrible que
jamais. Elle dura une heure environ. La vue
du sang les avait exaspérés tous les deux ; ils
combattaient avec une sorte de rage; le ré-
verbère éclairait de loin leurs faces ensan-
glantées, Us s'essuyaient de temps en temps
le visage, afin de pouvoir se distinguer*l'un
l'autre. Wihnot luttait avec frénésie; enfin il
reçut sur le crâne un coup si formidable qu'il
s'affaissa tout de son Ion" comme une masse,
en poussant un soupir : il était vaincu. On le
transporta à l'hôpital sans connaissance ; deux
heures après, il était mort. Sou cadavre avait
été si horriblement mutilé dans la lutte, que
sa femme ne put reconnaître son identité que
par ses vêtements l C'est le jeudi 11 octobre,
en l'an de grâce 1866, à deux pas du Strand et
deRegent-street,lesrues les plus populeuses
de Londres, que cette scène a eu heu 1 »
Enfin, pour que le spectacle soit complet,
nous allons faire assister le lecteur au service
funèbre d'un célèbre pugiliste. Rien ne sera
plus propre à lui donner une idée des mœurs
britanniques. Un matin du mois de novembre
1SG5, Londres et toute l'Angleterre apprirent
avec stupeur la mort du célèbre boxeur Tom
Sayers ; toute la presse britannique s'émut, et
nous ne voudrions pas affirmer que certains
journaux de Londres ne s'encadrèrent pas de
noir; mais ce que nous pouvons assurer per-
tinemment, c'est que tous consacrèrent des
articles de fond à rappeler les formidables
coups de poing de ce « dernier des gladia-
teurs, • ainsi que se plaisait à le nommer le
Daily Telegraph.
Tom Sayers (v. ce nom), quelque peu enclin
à l'ivrognerie, comme tout bon Anglais doublé
d'un boxeur, s'éteignit dans toute sa gloire, à
l'âge de trente-neuf ans, au moment même où
l'illustre lord Palmerston, qui fut aussi un pu-
gilist à sa manière , rendait le dernier soupir.
Londres fit de splendides funérailles aux deux
grands hommes; mais si l'on vit un extrava-
gant jeter des diamants et des anneaux d'or
dans le tombeau du ministre, 30,000 visages
mélancoliques accompagnèrent le char qui
portait à sa dernière demeure celui dont les
coups de poing restaient gravés dans tous les
cœurs. La procession funèbre, disait le Tele-
graph, rappelait celle de lord Wellington, et
s'étendait sur un espace de trois milles dans
les rues de Londres. On a peine à croire aux
démonstrations qui eurent lieu au cimetière
de Highgate. « Il faut venir en Angleterre,
lisons-nous dans Y International de Londres,
pour assister à de pareils spectacles, où se
trouve réuni tout ce qu'impose de respect la
mort qui passe et tout ce qu inspire de tristesse
la conduite d'une foule immense accourue pour
rendre honneur au favori du public anglais. •
Tom Sayers était mort à Camden-Town, chez
un bottier de ses amis ; c'est de là que partit
le cortège funèbre. Le corps avait été placé
sur un char traîné par quatre magnifiques
chevaux; immédiatement suivait le tilbury du
défunt ; dans ce tilbury, -si connu par ses ex-
centriques couleurs et par ses ornements de
mauvais goût, était assis le chien, l'ami fidèle
de Tom. La pauvre bête avait un crêpe autour
du cou , et regardait mélancoliquement toute
cette foule quij^riait et poussait des groans en
f
uise de soupirs; puis venaient des voitures
e deuil dans lesquelles avaient pris place la
fille et les deux fils de Tom Sayers; une bande
de musiciens faisait entendre la marche de
Saùi; enfin, suivaient à pied les enthousiastes
admirateurs de la boxe et du pugilat. Toutes
les fenêtres étaient garnies de monde; plu-
sieurs fois il y eut bataille, et les policemen
durent demander des renforts pour empêcher
la foule d'envahir le char. Ce fut bien pis
lorsqu'on arriva au cimetière. A la foule qui
précédait, entourait ou suivait le cortège, ve-
nait se joindre la foule non moins grande qui
stationnait aux abords de Highgate. Il est
impossible de décrire la scène qui en résulta.
Les grilles du cimetière sont arrachées ; les
plus agiles sautent par-dessus les tombes,
renversent leurs voisins, font le coup de poing
(et quels coups de poingt des coups de poing
inspirés par la circonstance et qui sont un
hommage au défunt), font le coup de poing,
disons-nous, avec la force constabulaire ; tout
cela pour pouvoir jeter un dernier regard sur
le cercueil de Tom Sayers. Des cris, des ju-
rons, voilà ce que l'on entendait. Enfin, vers
six heures du soir, la foule consentit à se dis-
perser et à laisser le pauvre mort dormir en
paix. Bref, cet homme-coups-de-poing, qui
avait vécu en ivrogne et était mort de même,
eut des funérailles accompagnées de plus de
marques de sympathie de la part du bas pu-
blic anglais que celles du duc de Wellington
et de lord Palmerston. « Si l'illustre guerrier,
disait le Telegraph, était le iron duke (le duc
de fer), on peut dire que Tom Sayers avait,
lui aussi, du ter dans les veines. » Mais nous
n'avons pas tout conté : aujourd'hui, dans l'un
des plus beaux cimetières de Londres, dans
Highgate, s'élève un magnifique monument
en marbre. Il a la forme d'une tour massive.
Le médaillon du défunt en orne la façade ; au
pied est couché un chien. Ce spïendide monu-
ment est élevé à la mémoire de Tom Sayers,
le célèbre boxeur. Les frais en ont été faits
par le moyen d'une souscription publique,
qu'ont ouverte les amis et admirateurs du
défunt. L'Angleterre ne pouvait moins faire
pour la mémoire du héros du duel terrible qui
eut lieu à Fanborough le 17 avril 1860, duel
dont l'univers entier s'est un moment occupé,
et qui a été célébré par un poëme épique, la
Tommiade; duel dans lequel l'Amérique, on le
sait, était aux prises avec l'Angleterre.
On raconte que le philosophe G a varni. traver-
sant un samedi soir — jour de paye — la place
Maubert, s'écria en considérant un chiffonnier
ivre étendu dans le ruisseau : « L'homme, roi
de la création 1 • On se demande naturelle-
ment l'exclamation qu'il aurait poussée s'il
avait assisté à la boucherie du public-house
et aux funérailles nationales de l'immortel
Tom Sayers.
BOWYER
BOWYER , fort des Etats-Unis, dans l'Ala-
bama, comté de Boklwin
?
à 50 kilom. S. de
Mobile, à l'entrée de la baie de Mobile. Vaine-
ment assiégé par les Anglais le 15 septembre
1814, il fut pris par eux le 8 février 1815.
BOXER
BOXER v. n. ou intr."(rj0-ksé — rad. boxe).
Se livrer à un combat de boxe, de coups de
poing : Crabb de liamspate vous a appris à
BOXER. (E. Sue.) L'art de BOXER s'apprend en
Angleterre, comme chez nous l'art de l'escrime.
(E. Texier.)
— v. a. ou t r . Boxer quelqu'un, Lui donner
des coups de poing, le battre à coups de
poing :
Toujours prêt à boxer qui veut te contredire,
11 a l'air d'avoir dit ce que tu viens de dire.
C. DÉLAVIONS.
Se boxer v. pr. Se battre à coups de
poing : Ils SE SONT vigoureusement BOXÉS. Je
ne voudrais pas ME BOXER avec lui.
BOXEURBOXEUR le champion de l'Angleterre; de
grands seigneurs, des membres du clergé payent
jusqu'à 75 francs une première place, pour le
voir assommer ses adversaires. En Angleterre,
les
BOXEURS,BOXEURS, avant chaque assaut, se donnent
amicalement la main. (H. Taine.) Les BOXEURS
combattent nus jusqu'aux hanches. (E. Texier.)
Le boxeur, furieux, tout bouillant de colère,
S'élance sur son adversaire.
DELUXE.
Voilà des boxeurs à PariB,
Courons vite ouvrir des pariB.
BÉRÀNOEB.
— Epithètes. Agile, adroit, léger, délié, fort,
robuste, nerveux, ferme, solide, inébranlable,
indomptable, redoutable, terrible, ardent, fu-
rieux, intrépide, infatigable, lassé, chancelant,
vaincu.
BOXEURBOXEUR s. m. (bo-kseur — rad. boxer).
Celui qui connaît la boxe, ou qui se livre ou
s'exerce aux combats de boxe : Un vigou-
reux BOXEUR. Les Anglais appellent leur plus
fort
BOXHORN
BOXHORN (Marc-Zuérius), érudit et cri-
tique hollandais, né à Berg-bp-Zoom, en 1612,
mort à Leyde en 1653. Il avait déjà donné de
savantes éditions lorsqu'il fut nommé, à vingt
ans, professeur d'éloquence à Leyde. La reine
Christine voulut l'attirer en Suède; mais il
refusa de quitter sa patrie, et succéda à l'il-
lustre Daniel Heinsius dans sa chaire d'histoire
et de politique. Il a laissé, outre ses excellentes
éditions classiques, un grand nombre d'ou-
vrages dont les principaux sont : Poemata
(1629); Theatrum seu comitatus Hollandim
(1632); Quœstiones romanœ (1037); Virorum
illustrium monumenta et elogia (1G38, in-fol.);
De typographicœ artis inventione (1640) ; Me-
tamorphosis Anglorum (1653) ; Historia uniuer-
salis (1673) ; Chronologia sacra (1677, in-fol.).
BOXMEER,
BOXMEER, bourg de Hollande, province du
Brabant Septentrional, à 45 kilom. E. de Bois-
le-Duc, sur la rive gauche de la Meuse;
2,077 hab.
BOXON
BOXON s. m. (oo-kson — rad. boxe). Pop.
Lieu de débauche, maison de joie. Ainsi
nommé sans -doute à cause des rixes fré-
quentes dont ces lieux sont témoins.
BOXTEL,
BOXTEL, ville de Hollande, dans te Brabant
Septentrional, arrond. et à 10 kilom. S. de
Bois-le-Duc, sur la rive droite de la Dommel ;
2,600 hab. En 1794, l'armée anglo-hollandaise
commandée par le duc d'York y fut battue par
les Français.
BOXUM,
BOXUM, ville de l'ancienne Gaule Lyon-
naise, chez les Eduens; c'est actuellement le
village de Bussy-le-Grand.
BOY
BOY (Adrien-Simon), chirurgien français,
mort à Alzey, près de Mayence, en 1795. Il
fut chirurgien en chef de l'armée du Rhin. Il
fit paraître plusieurs brochures sur la chi-
rurgie, entre,autres : Traitement des plaies
d'armes à feu. Il composa aussi le chant si
connu : Veillons au salut de l'Empire.
BOYACA,Etatde la confédération grenadine,
ci-devant république de la Nouvelle-Grenade,
compris entre l'Etat de Candinamarca à l'E.
et au S., celui de Santander à l'O. et la répu-
blique de Venezuela au N. ; il est traversé au
N.-O. par les Cordillières orientales, arrosé
par la Meta, le Guaviare et d'autres affluents
de l'Orénoque. Sa superficie est d'environ
3,190 myriamètres carrés, sa population de
500,000 hab. Cap. Tunja. Le nom de cet Etat
lui vient d'une victoire décisive remportée, le
7 août 1819, par Bolivar sur les Espagnols, au
village de Boyaca, situé à2 kilom. S. de Tunja,
sur la route de cette ville à Bogota.
BOYARDSBOYARDS fussent assidus et empressés autour de
, sa personne. (Mérimée.) On me répondit que
l'empereur ne saisissait les moutons de per-
sonne et qu'il châtiait par d'autres moyens les
BOYARD
BOYARD ou BOÏARD s. m. (bo-iar — mot
russe qui signifie suigneur, ou d'un mot slave
qui signifie bataille). Nom que les Slaves
donnaient à certains seigneurs à qui leur sou-
verain avait accordé ce titre, il Plus tard,
Nom donné aux principaux magistrats des
Slaves de Bulgarie. U Aujourd'hui, Nom que
l'on donne à un seigneur russe, moldave ou
valaque : Un BOYARD doit-il se mettre en
peine de polir son discours, de faire valoir
ses raisons? (Volt.) / / voulait que tous les
BOYARDSBOYARDS qui se permettaient de lui désobéir.
I (L. Reybaud.)
{ C'est la 911e des tzars
I Qui vient combattre et vaincre avec ses vieux boyard*.
ANCELOT.
— Encycl. Le mot boyard signifie guerrier,
et, par extension, propriétaire libre. On dési-
gnait originairement sous ce titre, en Russie,
tout individu appartenant à la noblesse. Plus
tard, ce mot s'appliqua exclusivement aux
nobles investis de hautes fonctions, dans le
gouvernement de l'Etat. Les boyards formaient
un corps constitué, une sorte de représentation
très-considérée du peuple, et dont l'influence
politique était reconnue, même par les grands
princes et les czars. On connaît cette formule
qui figurait en tête des ukases : • Le czar a
ordonné et les boyards ont approuvé. • Ainsi
l'intervention des boyards mettait souvent un
frein salutaire à l'arbitraire des souverains.
Mais cet avantage était malheureusement
compromis par les maux que leur tyrannie
envers leurs propres subordonnés, leur esprit
de révolte et de bravade contre le gouverne-
ment ne cessaient de causer au pays. Pierre
le Grand anéantit leur puissance et remplaça
leurs assemblées par l'institution d'un conseil
de l'Empire. Depuis, le titre de boyard n'a
plus aucune signification politique, et ne se
donne guère qu'à quelques nobles distingués
par l'antiquité de leur race et leur grande for-
tune. En Moldavie et en Valachie,les boyards
conservent encore dans les affaires de l'Etat
une certaine prépondérance, qui, toutefois,
tend de jour en jour à disparaître.
Boyard Orcha (LE) , poëme russe de Ler-
montotf, qui parut en 1835. Ce poète se ha-
sarda l'un des premiers à déchirer le voile qui
couvrait la vie particulière de la noblesse
russe au xvie siècle, et il faut lui rendre
cette justice, que personne ne l'a surpassé
dans la peinture des mœurs de cette époque
sombre et mystérieuse. Voici le résumé de ce
poëme :
Jadis vivait à Moscou, au temps du czar
Jean le Terrible, un grand seigneur nommé
Michel Orcha. Le farouche czar avait conçu
pour lui de l'amitié, et il lui donna des preuves
de sa bienveillance en plusieurs circonstances.
Une fois, entre autres, Orcha reçut de Jean
une bague que celui-ci ôta de son propre
doigt; une autre fois, le Terrible l'embrassa
à la fête de Pâques; enfin, dans un moment
de bonne humeur, Jean fit à Orcha le don de
trente bourgs ou villages, en lui demandant
de ne jamais quitter Ta cour. Mais Orcha
était d'un caractère sombre, n'aimait pas les
plaisirs et le bruit de la vie de cour; de plus,
il n'avait aucun ami, et. voyant le czar en-
touré de vils flatteurs, il devenait de plus en
plus morose. Un jour, insulté par un favori
du monarque, il parla ainsi à son maître:
« Souverain protecteur, permets-moi de re-
voir mon pays; je deviens de plus en plus
vieux, et il m'est déjà presque impossible de
venger une offense. Laisse-moi revoir mon
ancien château, qui tombe en ruine sur les
bords du Dnieper, vis-à-vis la frontière de la
Lithuanie étrangère et ennemie! Si je reste
encore auprès de ton auguste personne, mon
château disparaîtra do la surface de cette
terre 1 Laisse-moi, ôczarl saluer le Dnieper;
c'est là que je vis le jour, c'est là que je
voudrais mourir I »
Et bientôt après, Orcha revit les murs ma-
jestueux de son antique demeure pleine d'or
et d'argent; chaque chambre contenait quel-
ques riches présents faits aux Orcha par les
czars de Moscou; mais la vraie perle, la joie
et le bonheur du vieux boyard, était un présent
de Dieu... Une fille, jeune et belle, fraîche
pomme une fleur' et gaie comme un oiseau...
C'est elle qui remplissait le cœur et la pensée
d'Orcha, et qui était son bon génie.
La nuit est sombre, et des brouillards épais
couvrent les environs. Une seule lumière brille
dans les ténèbres, comme parfois une étoile
au milieu d'un ciel nuageux. Le vieux con-
cierge du château fait sa ronde habituelle en
fermant toutes les portes, et, regardant le ciel,
il se dit en faisant le signe de la croix : • Quel
temps tbien sûr, une terrible tempête va se
déchaîner sur notre château; je vois déjà les
éclairs lointains. La lune se couvre, comme
une religieuse de son voile noir, et le vent
hurle comme un loup affamé. Dans une nuit
pareille, si on me donnait même la meilleure
cavale de nos écuries et des monceaux d'or,
je ne me hasarderais pas à sortir du château,
pas même pour mon propre père! t Et, tout
en murmurant ainsi, le vieux serviteur gagnait
lentement sa chambre et sa couche. Bientôt
régna partout un profond silence. Tous les
habitants du château dormaient d'un sommeil
bienfaisant. Un seul homme ne pouvait fermer
les yeux ; agité par des sentiments étranges,
il se retournait dans son lit ; l'implacable
ennui rongeait son cœur
?
et l'oiseau noir de
l'inquiétude battait des ailes au fond de son
âme. Une lumière placée près de lui éclai-
rait la chambre d'une lueur vacillante. On
eût dit que les saintes images dont ili était
entouré s'animaient et le regardaient de leurs
yeux immobiles. Les regards d'un revenant
ne seraient pas aussi effrayants, aussi étranges.
I Des torrents de pluie battent les vitres avec
;
fracas, et les fiots du Dnieper roulent, écu-
: ment et mugissent au pied du château. Le
:
vieil Orcha, endurci dans les batailles contre
les Polonais et les Tatars, habitué à ne pas
trembler même au courroux fatal du terrible
czar, même sous son regard perçant et sévère,
Orcha sentit une terreur vague, mystérieuse
envahir son âme. Il siffla, et son fidèle esclave
Sokol (le Faucon) entra dans la chambre.
BOYA
BOYA
BOYA
BOYA 1173
• .fe m'ennuie, je n'ai que de noires pensées.
Assieds-toi plus près de moi, et, avec tes pa-
roles, tâche de dissiper mes peines. Raconte-
moi, par exemple, une histoire d'autrefois : en
me souvenant-de cette époque d'or, je m en-
dormirai sous le murmure de ton récit. »
Sokol se plaça alors sur un banc près du lit
de son maître et commença l'histoire suivante :
« Jadis vivait, à vingt-neuf royaumes de chez
nous, dans le trentième, un grand et sage czar.
Jamais on ne vit un palais plus riche que le
sien, et sa vie s'écoula dans un bonheur com-
plet, jusqu'au temps où grandit sa fille. Ce czar
était faible et vieux, et une fille... est toujours
difficile a garder... Aussi, comme son plus
précieux diamant, il cachait son entant aux
regards indiscrets. Seuls, la nuit et le jour
voyaient la czarine, et la brise seule pouvait
caresser la belle enfant. Le czar lui faisait
d'habitude trois visites dans la journée j mais,
•par une sombre nuit, une nuit d'orage, il eut
l'idée d'aller voir comment dormait sa fille... Il
prit sa clef d'argent, il ôta ses bottes et monta
doucement dans la tour qu'habitait la belle cza-
rine. Il entre, tout est calme dans la cellule, sa
fille dort d'un doux sommeil; mais elle n'est pas
seule... Reposant sa tête sur le sein de la belle
enfant, dort avec elle l'écuyer de son père...
Et le czar, hors de lui, ordonna immédiate-
ment de les mettre tous les deux dans un
tonneau goudronné et de les jeter à la mer... •
Le fidèle esclave s'arrêta, un sourire rail-
leur éclaira son visage; mais un moment
après il leva ses yeux vers le ciel et soupira pro-
fondément : « Retire-toi, Sokol, dit le boyard
en le congédiant d'une main tremblante; une
autre fois tu me conteras la fin de l'histoire du
père outragé, s
Des pensées sinistres traversèrent l'esprit
du vieillard. Il pressentait un malheur. Le
vieux boyard avait beaucoup vécu, il con-
naissait le monde et les hommes : le mal ne
pouvait plus l'étonner. Rassemblant alors le
peu de force qui lui restait, il prit une lumière,
et, tout tremblant de la sombre émotion qui
remplissait son cœur, il se dirigea vers la
chambre de sa fille. L escalier tournant criait
sous ses pas. Devant la porte il trouve la
vieille nourrice, assise sur un banc et dormant
d'un lourd sommeil. Le bruit des pas la ré-
veilla pour un moment; mais ayant fait le
signe de la croix, elle se rendormit aussitôt,
hochant la tête et murmurant des mots inin-
telligibles. Le vieillard s'approche de la porte,
et, appliquant son oreille à la serrure, il écoute.
« Non 1 ma fille est innocente 1 Et toi, Sokol,
esclave, serpent, tes odieuses insinuations
recevront un châtiment terrible I »
Mais soudain, à désespoir 1 ô honte 1 le
vieillard entend le murmure de deux voix.
« Oh 1 attends, Arsène, disait l'une. Hier,
tu ne te pressais pas ainsi. Un moment avec
moi, et puis un jour entier sans moil — Ne
pleure pas... Le moment est proche où, loin
d'ici, dans un pays étranger, tu entoureras de
tes bras un homme qui ne sera plus esclave.
Depuis qu'un moine m'amena ici encore en-
fant et que ton père m'acheta, je ne pensai
plus qu'à m'enfuir; mais, fasciné, enchaîné à
ma prison par tes yeux d'ange, j'ai juré de
ne jamais quitter ce château sans toi. Bientôt
je trouvai dans les sombres forêts des amis
dévoués qui ne craignent pas vos lois ; pour
eux, la guerre, c'est le paradis; la paix,
l'enfer. Je leur ai vendu mon âme', mais tu
es à moi, et je suis riche I •
Les voix cessèrent, et on entendit le son de
deux baisers... Orcha poussa la porte, et, hors
de lui, muet, effrayant, se dressa devant les
amants. Le boyard regarda sa fille, leurs yeux
se rencontrèrent, et un cri terrible interrompit
le silence du château; la jeune fille tomba sur
le tapis comme un cadavre inanimé. Bientôt
accoururent des hordes d'esclaves obéissant
à l'appel de leur maître. Le jeune homme se
laissa garrotter sans résistance, et pendant
que la corde se glissait autour de ses mem-
bres comme un serpent, il restait calme, muet,
mais l'âme brisée de désespoir et de honte.
Quand tout le monde, emmenant le prisonnier,
?
uitta la chambre, Orcha regarda encore une
ois sa fille étendue à terre sans connaissance,
puis, sortant, tira à lui l'énorme porte de fer,
et, la fermant à double tour, il en ôta la
clef, d'une main qui tremblait de colère et
d'émotion; puis, s approchant d'une fenêtre
qui donnait sur le Dnieper, Orcha lança la
clef, qui disparut dans la nuit et dans les flots
écumeux du fleuve. Une heure s'était à peine
écoulée que tout rentrait dans l'ordre. Chacun
donnait dans- ïe château. Seul, le maître,
morne et pâle, restait assis, les yeux ouverts
et immobiles...
Dans la cour d'un antique monastère se
presse la suite du boyard Orcha; une foule
immense encombre les abords de ce lieu saint
et redouté, où recevait son juste châtiment
tout crime commis dans la province. Dans ce
temps-là, les religieux et leur recteur étaient
investis du droit de juger et de condamner.
On entendit la messe; après quoi, tout le
monde, le recteur, les moines avec des cierges
allumés, et le vieux boyard, passa au réfec-
toire. Au milieu d'une vaste salle, basse et
sombre, était dressée une grande table cou-
verte de damas noir et entourée de sièges.
Chacun alla occuper la place qui lui était
destinée, et, après une courte prière, la lu-
gubre séance fut ouverte. L'accusé Arsène
parut, couvert d'un vêtement d'esclave et
chargé de chaînes. Il était calme et froid.
Peut-être voulait-il railler ses juges et laisser
déborder sa haine profonde pour tous ces
grands de la terre qui avaient fuit son malheur
a lui, pauvre orphelin, volé et vendu^ à un
boyard. Peut-être aussi, fatigué, dégoûté de
l'existence, attendait-il son sort avec rési-
gnation. Un des religieux se leva, lut l'acte
d'accusation, et finit en disant que les juges
terrestres ne pouvaient pardonner le crime
d'Arsène, mais qu'il y avait un autre juge
plein de clémence qui pouvait encore lui
accorder le pardon, s'il confessait humble-
ment son crime.
ARSÈNE. Mon crime, tu le connais, mon
père. Pour ce qui est renfermé dans mon
âme , comment le faire comprendre ? Si tu
pouvais plonger ton regard dans cette âme,
tu lirais bien que je ne suis pas un criminel.
Mon crime? mais toi-même, toi, mon père, si
tu l'avais connu, ce bel ange, tu oublierais tes
serments... Tu achèterais son regard, ses ca-
resses au prix de la mort et de la honte.
ORCHA. Cesse de parler d'elle, et de me rap-
peler le souvenir d'un serpent que j'ai ré-
chauffé dans mon sein 1 Je n'ai plus de fille !
Mais tu me payeras cher le mal que tu m'as
fait ; toi, chétif orphelin, vile trouvaille que
j'ai nourrie de mon pain.
LE RECTEUR. TU dois, malheureux, nous
nommer avant tout les complices qui devaient
t'aider dans tes infâmes projets d'enlèvement.
ARSÈNE. Les nommer l... Mon père, leurs
noms mourront avec moi... Ce secret ne m'ap-
partient pas, et, comme deux amis, nous des-
cendrons ensemble dans la tombe... Torturez-
moi avec le fer et le feu, mais jamais vous
n'entendrez une seule parole sortir de mes
lèvres. Si ma langue devait me trahir, je jure
que je l'arracherais moi-même de ma bouche.
UN RELIGIEUX. Infortuné ! Rappelle - toi
qu'il existe un paradis et un eufer, et pense
a l'éternité dans l'un ou dans l'autre 1
ARSÈNE, Mon paradis et mon enfer, c'est le
souvenir de mon bonheur passé et de ma
honte présente ; à côté de ces deux choses,
une existence entière n'est rien, et l'éternité
elle-même n'est qu'un moment.
LE RECTEUR. Arrête, blasphémateur 1 pro-
sterne-toi, prie, pleure pour que le Juge
suprême te pardonne.
ARSÈNE, Dieu! oh! ne dis pas, mon'père,
que Dieu me condamne et me juge... Ce sont
les hommes. C'est vous qui pensez, en répan-
dant mon sang, vous rapprocher de Dieu ;
mais craignez que l'ombre d'une victime inno-
cente ne s'oppose un jour à ce que les portes
du paradis vous soient ouvertes!
Le recteur se leva alors de son siège, et
tous, irrités de ces fières paroles, firent en-
tendre le mot : torture... Mais Arsène, à ce
mot, resta calme et impassible comme avant.
La matinée était belle et fraîche. Tous les
religieux s'étaient rassemblés dans l'église
pour entendre la messe, quand tout à coup
un novice vint dire quelques mots à l'oreille
du recteur. Celui-ci frissonna et fit appeler le
geôlier, qui parut tremblant et protestant
qu'il avait sur lui toutes ses clefs. Un grand
désordre régna alors dans les murs du cou-
vent... Enfui I évadé 1 tels étaient les mots
qu'on entendait de tous côtés. Tous coururent
à la prison. Arrivés dans le cachot d'Arsène,
les religieux trouvèrent la grille limée; une
corde pendait jusqu'à terre, où l'on apercevait
la trace de plusieurs pas. On suivit cette trace,
?
ui conduisit jusqu'au bord du Dnieper... Ce
ut tout... Il s est évadé? mais qui l'a aidé?...
Assurément ce n'est pas Dieut se disaient les
religieux.
Par un hiver sombre et rigoureux qui suivit
les événements que nous venons de raconter,
le boyard reçut un jour l'ordre de rassembler
ses esclaves et ses vassaux pour aller com-
battre les Lithuaniens, qui marchaient vers
les frontières de la Moscovie. Orcha se mit
aussitôt en route, à la tête d'une troupe bien
armée.
Si le combat sanglant et acharné faiblit
sur un point, il se ranime sur un autre et con-
tinue avec toute sa fureur. Un jeune homme
s'avança alors vers un endroit couvert de
cadavres mutilés. Il était monté sur un beau
coursier et vêtu de riches habits polonais. Il
traversait le champ au pas et se baissait con-
stamment vers les morts, comme s'il eût cher-
ché quelqu'un. Enfin il arriva sous un grand
chêne solitaire... « C'est ici qu'il doit être, se
dit Arsène, car c'était lui. Je l'ai vu appuyé
contre cet arbre, combattre avec cinq esclaves
l'ennemi qui l'entourait de toute parti Cette
tête vous coûta cher, Lithuaniens! » Soudain
Arsène entend un soupir; il s'avance et re-
connaît le visage ensanglanté du vieillard
Orcha.
« Je te reconnais aussi I dit celui-ci d'une
voix mourante ; je te reconnais, Arsène, malgré
ton déguisement. Tu viens me voir mourir,
repaître tes yeux de mon agonie. Je ne crains
pas la mort, je ne regrette pas la vie, mais
je regrette de mourir sans me venger; je
regrette que, sur cette épée qui est tombée
de ma main défaillante, il n'y ait pas une seule
goutte de ton sang, à toil... »
ARSÈNE. Vieillard! tu es vengé par cet
enfer que j'e porte dans mon âme... Regarde-
moi!... suis-je heureux, content?..." Vieillard,
laisse-moi sauver ta fille , la soustraire à
l'ennemi dont je porte le costume... Dis-moi
où je puis la trouver...
ORCHA. Soit!... hâte-toi alors; va dans
mon château... ma fille est encore là... Elle
ne mange ni ne boit... Elle attend jour et nuit
son amant adoré... Vite... vite... J e ne puis
plus empêcher votre bonheur... •
Orcha voulut prononcer encore une parole,
mais sa tête retomba sur le sol, et il expira.
Arsène s'approcha de lui et le contempla
quelques moments. Il pardonnait tout au vieil-
lard, mais lui-même n'était pas pardonné...
Enfin, il remonta sur son cheval et partit
comme un éclair, en suivant le chemin qui con-
duisait au château d'Orcha. Les champs cou-
verts de neige, les forêts sombres remplies
de loups affamés, les ravins et les villages
dispersés à droite et à gauche de son chemin,
tout passa sous les veux d'Arsène sans qu'il y
fît attention. Enfin, il arriva dans la cour du
château. Quelques enfants, effrayés à l'aspect
de l'étranger, coururent se cacher. Il entre
dans le château sans rencontrer personne, il
traverse la longue suite de chambres désertes,
arrive enfin à l'escalier tournant, le franchit
comme un fou et s'arrête devant la grande
porte. Elle est fermée... Depuis de longs jours
la clef à cessé de tourner dans la serrure,
qu'une rouille épaisse a couverte ; il tire alors
son poignard, brise les gonds d'une main fré-
nétique, et s'élance dans cette chambre si
chère à ses souvenirs. Toutes les fenêtres sont
closes; une obscurité profonde règne dans ce
réduit humide et glacé. Il appelle, il cherche.
Pas de réponse... Personne... Il s'approche de
la couche, mais ne peut rien distinguer dans
l'obscurité. Soudain le soleil, se dégageant des
nuages, éclaire la tour, un de ses rayons
pénètre à travers une cavité et illumine tout...
Arsène pousse un cri effroyable et bondit loin
de cette couche... Qu'avait-il vu?... Un sque-
lette, un crâne nu et luisant, une belle che-
velure collée aux ossements, et tout un monde
de vers et d'insectes...
«Voilà donc ce que j'aimais! Son âme pure
et belle est loin maintenant. Comment est-elle
morte? Après quelle horrible agonie? Dieu
seul le sait... Oui, je suis criminel! C'est ma
victime, à moi! Mais quelle expiation serait
assez grande pour me faire pardonner? La
mort serait une récompense... Noul je vivrai,
pour errer sur cette terre, où elle n est plus!
Errer sans désirs, sans pensées, sans travail,
sans but... en attendant ma libératrice, la
mort!... »
Ce poëme est très-estimé en Russie ; c'est
une des perles de la littérature moscovite ; le
tableau est grandiose , mais que de taches et
de points noirs sur la toile! on -voit que le
pinceau est manié par une main vigoureuse,
mais cette main ignore absolument Ta loi des
harmonies, des nuances et des contours; il y
a des parties heurtées qui jurent avec l'en-
semble ; on dirait une forêt vierge où des
lianes et des ronces immenses s'entrelacent
aux chênes gigantesques. Quoiqu'il en soit, le
Grand Dictionnaire ne pouvait passer sous
silence cette œuvre d'une littérature qui dort
encore sous une épaisse écorce, et dont la
sève n'attend peut-être qu'un rayon de liberté
pour donner la vie à de puissants rameaux.
BOYARDO. V. BOJARDO.
B O V A R I E ou B O Ï A R I E s. f. (bo-ia-rî). T i -
tre, dignité du boyard.
BOYART
BOYART s. m. (bo-iar). Techn. Espèce de
civière à bras : Certains engins faits en forme
de
BOYARINE
BOYARINE s. f. (bo-ia-ri-ne). Chez les
Russes, Femme noble et riche qui exerce
une autorité seigneuriale sur ses terres et
ses serfs.
BOYARTSBOYARTS ou brouettes. (Palissy.l (/ Partie
de charpente dans une écluse de saline.
BOYAU
BOYAU s. m. (bo-io ou boi-io— du lat. bo-
teltus, petit bouain). Partie du canal diges-
tif, longue, étroite, repliée sur elle-même,
qui fait suite à l'estomac, reçoit les aliments
au sortir de ce viscère, et rejette les excré-
ments hors du corps : Les gros BOYAUX. Les
petits BOYAUX. On tire avantage du lait, de la
peau et même des BOYAUX de la brebis. (Buff.)
// fallait entendre le bruit que faisaient mes
BOYAUXBOYAUX dans mon ventre creux; on eût dit
qu'ils s'entre-mangeaient. (Le Sage.) / / faut
étrangler le dernier des rois avec les BOYAUX
du dernier des prêtres. {Phrase aussi atroce
qu'absurde, et plus odieuse encore, car c'est
une calomnie sans pudeur qui l'a attribuée
à Diderot. —V. la Quotidienne du 7 prairial
an V. — Cette phrase était une sorte de
mot d'ordre pendant la Révolution. Tous
les journaux royalistes de cette époque l'a-
vaient adoptée comme devise, devise de
Basile, dont il reste toujours quelque chose.
Ce genre de calomnie devait être ressuscité
en juin 1848.: quelques jours après l'événe-
ment, alors que la réaction s épanouissait
dans toute sa fleur, nous lûmes cette phrase
horrible dans Un journal du temps : « Dans
la nuit du 24 au 25, on releva sur le pont
Royal le corps d'un insurgé percé d une
balle à la tête. Sous sa blouse, dans la po-
che de sa veste, on trouva le billet sui-
vant : • Bon pour trois dames du faubourg
» Saint-Germain! » Ainsi voilà un homme
qui. rentre chez lui le soir; il va à son bu-
reau, allume sa lampe, met sa tète entre ses
deux mains, et se dit froidement :« Voyons,
une bonne petite calomnie, bien corsée, que
tout le monde lira demain dans mon journal I •
et, sans sécher de honte, sa main sacrilège
trace ces mots : « Bon pour trois dames du
B faubourg Saint-Germain. »
Ah! afin qu'il te soit un éternel affront,
Je t'imprime, CaTn, ce mot infâme au front)
— Par ext. Passage ou espace long, étroit :
Ce corridor est un BOYAU. Cette ruelle est un
véritable BOYAU. La taupe se pratique ordi~
nairement un BOYAU long dans les jardins.
(Buff.) Au milieu de cette galerie, il établis-
sait un BOYAU pareil à celui qu'on pratique
dans les mines. (Alex. Dum.) Tout en galo-
pant, nous traversioyis Weissetanne, long BOYAU
de maisons étranglé dans la dernière gorge des
•Vosges. (V. Hugo.) La Gaule cisalpine forme
un
BOYAUXBOYAUX de tous les papes, passés, présents
et futurs, non! et deux cent mille fois non!
(Tn. Gaut.) BOYAUX du pape! je ne veux pas
qu'on pende la jolie fille. (V. Hugo.) Ventre
et
BOYAUX!BOYAUX! trêve aux billevesées! Dites-moi\
Jehan du diable! (V. Hugo.)
— Boyau gras, Troisième intestin du porc
et des animaux de boucherie.
— Corde à boyau ou de boyau ou simple-
ment boyau, Corde faite du boyau de certains
animaux et servant à garnir divers instru-
ments de musique, à monter des raquettes,
des arcs, etc., etc. :
. . . . . . . . Et mangeons cependant
La corde de cet arc, il faut que l'on l'oit faite
' De vrai boyau
LA FONTAINE.
— Loc. fam. Racler le boyau, Jouer mal
d'un instrument à corde : En RACLANT LE
BOYAUBOYAU divisé dans sa longueur par la
chaîne de l'Apennin. (Proudh.)
— Pop. Entre dans divers jurons : De par
les
BOYAU,
BOYAU, nous chantions méthodiquement notre
partie, et cela suffisait. (Le Sage.) Il Aimer
Quelqu'un comme ses boyaux, comme ses petits
boyaux. L'aimer comme soi-même, l'aimer
tendrement. Boyaux est ici un syn. burlesque
du mot ENTRAILLES. Il Avoir six aunes de
boyaux vides, Etre toujours affamé, toujours
prêt à manger. Il Rendre tripes et boyaux,
Vomir avec beaucoup d'efforts : La vilaine
bête! de quoi s'avise-t-elle de vous apporter
son cœur sur ses lèvres, et de RENDRE TRIPES
ET BOYAUX en votre présence? (Mme de Sév.)
— Art mil. Ligne de contrevallation en
zigzag, qui met les parallèles en communi-
caiion : BOYAU de tranchée, de communication.
Faire un BOYAU de communication d'une tran-
chée à l'autre. (Acad.) Les BOYAUX servent à
lier les attaques du front de ta place. (Gén.
Bardin.)
— Hydraul. Conduit en cuir ou autre ma-
tière souple, adapté à une machine hydrau-
lique : BOYAU de cuir, de toile, de caout-
chouc.
— Manég. Ce cheval a du BOYAU, n'a pas de
boyau, Il a beaucoup, il a peu de'flanc.
— Véner. Franc boyau, Gros boyau où pas-
sent les viandes du cerf, et que l'on met avec
les menus droits.
— Fauconn. Faire boyau à l'oiseau, élargir
le boyau de l'oiseau, L'engager à boire.
— Path. Descente de boyau, Hernie abdo-
minale, u On dit maintenant simplement DES-
CENTE.
— Art vétér. Boyau violet. Nom d'un ty-
phus contagieux, qui atteint les animaux do-
mestiques dans certains pays.
— Bot. Boyau pollinique, Tube rempli
d'une substance qui s'échappe de l'intérieur
du grain du pollen, au moment de la fécon-
dation, il Boyaux du diable, Nom vulgaire de
la salsepareille dans les Antilles, il Boyau de
chat, Sorte d'algue marine.
—Annél. Boyaux de chat, Nom vulgaire des
tarets et des tubipores.
—Syn. Boyaux, entrailles, Intestin». BoyaUX
et intestins désignent proprement les conduits
dans lesquels passent les aliments ou ce qui
reste des aliments, après le travail de la di-
gestion accompli dans l'estomac. Mais boyaux
appartient à la langue vulgaire, et l'anatomie
emploie de préférence intestins, surtout
estomac études INTESTINS cour/s, dit Bulfon, ne
peut pas, comme le bœuf, qui a quatre esto~
macs et des BOYAUX très-longs, prendre à la
fois un grand volume de cette maigre nourri-
ture. Entrailles comprend, dans la généralité
de sa signification, non-seulement Tes intes-
tins proprement dits, mais encore les autres
viscères, comme les poumons, le cœur, la
rate; de plus, il s'emploie dans le style noble,
et, au figuré, il marque les sentiments d'af-
fection dont le cœur est regardé comme le
siège.
— Encycl. Cordes à boyau. V. BOYAUDERIE.
BOYAUDERIE
BOYAUDERIE s. f. (bo-iô-de-rî ou boi-iô-
de-rî — rad. boyaudier). Techn. Lieu où l'on
prépare" les boyaux de certains animaux pour
les livrer à diverses industries, ii Industrie
ayant pour objet de préparer les boyaux
pour en tirer divers produits utiles.
— Encycl. Avant que M. Labarraque eût
trouvé le moyen de désinfecter les boyaude-
ries par le chlorure de potasse ou l'hypo-
chlorite de soude, l'atelier d'un boyaudier
était un véritable foyer de putréfaction ; ces
établissements sont au premier rang parmi
ceux que la loi déclare insalubres, et ils ne
peuvent être ouverts que dans des lieux éloi-
gnés de tout centre de population.
Les boyaux du bœuf, du cheval, de l'âne,
du chien et du mouton sont seuls soumis aux
manipulations des boyaudiers, et ils servent
surtout à préparer les boyaux soufflés, la
1174 BOYC
baudruche et les cordes à boyau. On com-
mence parles faire tremper dans l'eau; puis,
après avoir attaché une de leurs extrémités
à un anneau, on les racle avec un couteau,
pour les nettoyer des matières fécales qui y
restent adhérentes et pour en détacher la
graisse, avec laquelle on fait des suifs de
qualité inférieure. Les boyaux sont ensuite
retournés de manière que la membrane in-
terne vienne en dehors; puis on fait des pa-
quets de ces boyaux retournés, on les met
tout humides dans des tonneaux défonces, où
on les laisse plusieurs jours afin qu'ils su-
bissent un commencement de fermentation;
après quoi on procède à un nouveau ratissage,
our enlever la membrane muqueuse. Les
oyaux étant ratisses, on les lave à plu-
sieurs eaux ; on les noue par un fil.à l'une do
leurs extrémités, et, au moyen d'un tuyau
assè dans l'autre extrémité, on les gonfle
'air, puis on noue aussi cette extrémité comme
la première, et on porte les boyaux gonflés
au séchoir. Après la dessiccation, des ou-
vrières dégonflent les boyaux en les perçant
à un bout et les réunissant par paquets; on
les porte ensuite dans le soufroir, où on les
expose pendant quatre heures à la vapeur
d'acide sulfureux, qui les blanchit et les "pré-
serve de toute nouvelle fermentation. On les
sèche de nouveau, on les emballe dans des
sacs où l'on a mis du camphre et du poivre,
et on les vend aux charcutiers, qui s'en ser-
vent pour fabriquer les saucisses et les sau-
cissons.
La baudruche se prépare avec la membrane
péritonéaie de l'intestin cœcum du bœuf ou
du mouton. L'ouvrier, après avoir enlevé
cette membrane de dessus le boyau et l'avoir
ratissée, l'étend sur une planche, la fleur en
dessous; sur cette première membrane, il en
étend une seconde, la fleur en dessus, de sorte
Que les deux membranes se collentintimenient
1 une à l'autre par la surface qui était en con-
tact avec la membrane musculeuse de l'intes-
tin. On colle ensuite la baudruche sur les
bords d'un châssis de bois
f
on la lave avec
une dissolution d'alun, puis avec une autre
dissolution de colle de poisson dans du vin
blanc; on y met ensuite une couche de blancs
d'œufs; on la coupe en carrés qu'on met sous
une presse, et on en forme des livrets pour
les batteurs d'or.
La préparation des cordes à boyau est la
partie la plus difficile de l'art du boyaudier.
Les cordes dites des rémouleurs ou des Lor-
rains se font avec les boyaux de cheval cou-
pés en quatre lanières. On réunit un nombre
de ces lanières proportionné à la grosseur de
la corde, et on les soumet à quatre tordages
successifs, après chacun desquels les cordes
sont soumises à diverses manipulations. On
fait avec les boyaux de mouton les cordes à
raquette, a. fouet et d'archet, les cordes pour
horlogers, et enfin les cordes pour les instru-
ments de musique. Pendant longtemps Naples
eut le monopole des bonnes cordes d'instru-
ments ; mais aujourd'hui Paris en fabrique
qui ne le cèdent en rien à celles d'Italie, sauf
toutefois les cordes les plus fines, appelées
chanterelles, qu'il faut toujours faire venir de
Naples quand on veut les avoir parfaites. On
attribue la supériorité des chanterelles de
Naples à ce que les moutons d'Italie sont
moins forts que les nôtres, d'où il résulte,
sans doute, que les membranes de leurs intes-
tins sont plus fines et plus délicates. Quoi
qu'il en soit, voici de quelle manière on fa-
brique les cordes d'instruments : quand les
boyaux ont subi les premières préparations
dont nous avons parlé pour ceux qui doivent
servir aux charcutiers, on les fait macérer
dans des eaux alcalines de plus en plus fortes,
et, après chaque macération,on les ratisse avec
un ongle en cuivre ; puis on tes lave dans une
eau courante ou fréquemment renouvelée, on
les réunit au nombre de trois ou quatre, et on
file la corde ; enfin on la soufre et on y met
une couche de bonne huile d'olive. Ainsi pré-
parées, les cordes à boyau deviennent meil-
leures en vieillissant, et on ne les livre au
commerce qu'après les avoir gardées plus ou
moins longtemps en magasin.
BOTCEAUBOTCEAU (Jacques), seigneur de la Barau-
| dière, horticulteur français du xvue siè-
cle. Il fut intendant des jardins de Louis XIII
et de Louis XIV. On lui doit les ouvrages sui-
vants : Traité du jardinage, selon les saisons
de la nature et de l'art (1638, in-fol.) ; Traité
du jardinage, qui enseigne les ouvrages qu'il
faut faire pour avoir un jardin dans sa per-
fection, avec la manière de faire les pépinières,
\ greffer, enter les arbres, etc. (1689).
!
BOYAUDIER,BOYAUDIER, 1ÈRE s. (bqi-iô-dié, iè-re
— rad. boyau). Techn. Ouvrier, ouvrière qui
travaille a la préparation des boyaux : Les
établissements des BOVAUDIIÎRS sont considérés
comme insalubres. (Blanqui.)
DOYAVAL, homme qui joua un rôle odieux
dans la Révolution, né Saint-Amans (Lozère)
vers 1759, mort en l"95. li'abord tailleur, il fut
ensuite soldat au service de l'Autriche, dé-
serta, rentra en France et devint commissaire-
greffier de la commune de Paris. Accusé de
faire des enrôlements pour l'étranger, il fut
arrêté et se fit l'espion des prisonniers. Il in-
ventait des complots imaginaires et dénon-
çait comme y ayant pris part une foule de
personnes, pour le seul plaisir de les faire
condamner, car il se vantait de faire tomber
la tête de tous ceux qui lui déplaisaient. Ses
crimes reçurent leur juste punition le 11 flo-
réal an III, et il fut guillotiné.
BOYCE
BOYCE (Guillaume), musicien et composi-
teur anglais, né à Londres en 1710, mort en
1779. 11 est surtout connu par la publication
d'une collection de morceaux de musique
d'église empruntés aux anciens maîtres; mais
il composa lui-même des oratorios, des sym-
phonies, des motets et la musiquede plusieurs
pièces de théâtre, notamment la Guirlande
(1749), la Loterie du berger (1753), etc.
BOYD
j
BOYDBOYD (Robert), puissant seigneur et homme
. d'Etat écossais, mort en Angleterre en 1470,
I usurpa la régence pendant la minorité de
i Jacques III, accapara pour lui et les siens
toutes les charges de la couronne, se fit nom-
mer grand chambellan et donna la sœur aînée
du roi en mariage à son fils, qui fut créé
comte d'Arran. Jacques III, aidé du parlement,
secoua enfin ce joug insolent, et Boyd, obligé
de prendre la fuite, alla finir ses jours en An-
f
leterre. Son fils passa à l'étranger et mourut
Anvers après avoir vu casser son mariage,
et Alexandre BOYD, frère de Robert, qui n'avait
pu s'échapper, fut condamné à mort et exé-
cuté.
BOYDBOYD (Hugues), publiciste anglais, né en
1
Irlande en 1746, mort à Madras en 1794. En-
' traîné par son goût pour la politique, il se
rendit a Londres, se jeta dans le parti popu-
laire, prit part à la rédaction de plusieurs
feuilles publiques et s'acquit une grande ré-
putation de patriotisme. Lancé dans le grand
monde, où son esprit et ses manières aima-
bles le faisaient accueillir avec empressement,
il eut bientôt dissipé sa médiocre fortune et
se vit obligé d'accepter, en 1781, le modeste
emploi de second secrétaire du gouverneur de
Madras. Chargé d'une mission près du roi de
Candy, il tomba au pouvoir des Français, fut
mis en liberté sur parole, et remplit, à son re-
tour, un emploi important à Madras. Il est un
de ceux auxquels on a attribué les fameuses
Lettres de J uni us, publiées dans le Public Ad-
vertiser, en 1769, 1770 et 1771.
BOYDBOYD (Marc-Alexandre), littérateur écos-
' sais, né en 1567 à Galloway, mort en 1601.
' Neveu d'un archevêque de Glascow, il mon-
tra de bonne heure un caractère turbulent et
i querelleur et eut une jeunesse des plus agi-
tées. Etant allé à Paris vers 1585, il perdit au
jeu presque tout ce qu'il possédait, s'appliqua
alors à l'étude, acquit une vaste instruction,
1 puis embrassa la carrière des armes avec non
moins de succès. Après avoir servi pLusieurs
années en France, il retourna dans son pays
natal, où il mourut. On a de lui des Epistotœ
1 heroïdum, des hymnes latins insérés dans les
; Deliciœ poetarum scotorum (1637), et on lui
[ attribue une traduction des Commentaires de
César en grec.
BOYD
BOYD (Henri), poète anglais, né en Irlande,
mort en 1832. Il fut vicaire de Ratfriland et
consacra ses loisirs à la poésie. On lui doit
des Poèmes dramatiques et lyriques (1796);
une traduction en vers anglais de la Divine
comédie., de Dante; The Woodman (le Chas-
seur), conte (1805); les Triomphes de Pétrar-
que^ traduits en vers anglais (1807), etc.
BOYD
BOYD (le rév. James R.), humaniste amé-
ricain, né en 1804; dans l'État de New-York,
professeur de philosophie morale au collège
Hamiïton, s'est fait connaître des amis des
lettres par des éditions critiques et analyti-
; ques d'auteurs classiques dans les écoles an-
glaises et américaines : le Paradis perdu, de
Milton ; les Nuits, d'Young ; plusieurs poômes
de Cooper; le Coursdu Temps, de Pollok, etc.
On lui doit des ouvrages personnels -.Eléments
de rhétorique et de critique littéraire; Philo-
sophie morale éclectique ; Eléments de critique^
1
de Kame, avec additions, etc. "
BOYDBOYD (le rév. Andrew-Kennedy-Hutchi-
son), né en 1825, en Ecosse, prit ses grades
a l'Université de Glascow, et entra dans les
ordres en 1851. Il est desservant à Edim-
bourg. Il a fourni des articles très-variés au
I Fraser's Magazine ; les plus importants en ont
! été recueillis en volumes et réimprimés sous
; ces titres : Récréations d'un ministre du pays
1
(deux séries); Heures de loisir en ville, essais
pieux, esthétiques, moraux, sociaux et do-
mestiques.
BOYDEÏ.L (Jean), graveur et marchand
d'estampes anglais, né à Dorrington en 1719,
! mort à Londres en 1805. Il exerça avec quel-
que talent l'art du graveur, mais c'est surtout
comme collectionneur et marchand d'estam-
pes qu'il se rendit célèbre. Possesseur d'une
fortune considérable, qu'il devait au travail
et au commerce, il consacra une somme de
plus de deux millions à l'exécution d'une édi-
tion de Shakspeare, pour laquelle il fit graver
quatre-vingt-seize planches admirables d'a-
près des tableaux qu'il avait commandés ex-
près aux plus grands peintres de l'Angleterre.
Cette entreprise princière exerça une influence
salutaire sur l'art, niais compromit la fortune
de Lioydell, à qui l'on doit encore les cent
quatre-vingt-seize planches de {'Histoire d'An-
ylelerre, de Hume. Il fut longtemps alderman
et eut l'honneur d'être nommé lord-maire de
Londres.
BOYEBOYE s. f. (bo-ie — rad. bot/a::). Pop. Gros
ventre d'un enfant, d'un petit animal, d'un
oiseau qui n'a pas encore de plumes : Ce
moineau n'a que la BOTE.
BOYEBOYE s. m. (bo-ie). Bourreau, u Vieux
I mot,.
— Erpét. Serpent cTeau qui passe pour te-
I ter les vaches.
BOYE
BOYBBOYB s. m. (bo-ïe). Argot. Forçat chargé
d'administrer la bastonnade à ses compa-
gnons.
BOYEBOYE (Brigitte-Catherine), femme poète
danoise, née en 1742, morte en 1834. Elle s'a-
donna a la poésie dramatique et lyrique et,
publia, entre autres écrits : Mèlicer'te, pasto-
rale en deux actes (1780) ; le Psaltère de Da-
vid (1781); le Vieux roi Gorm (l78l); et Si-
grid, ou la Mort de Regnald, etc. Brigitte
Boye a composé en outre des psaumes, dont
j un grand nombre ont été adoptés dans le psau-
i tier évangélique de Goldberg, et dans celui
< du couvent de Rœskilde,
!
BOYEBOYE (Jean), philosophe et littérateur da-
nois, né à Copenhague en 1756, mort en 1830.
Il passa presque toute sa vie dans les fonc-
tions de sous-recteur et de recteur de divers
collèges. Ses ouvrages philosophiques sont:
Réfutation de la philosophie de Kant, et Y Ami
de l'Etat (1793, 3 vol. in-8°), où il traite du
| bonheur, de l'origine du droit, de l'indus-
trie, etc. Parmi ses ouvrages purement litté-
raires, nous citerons seulement son Traité de
l'art d'écrire l'histoire (Copenhague, 1815).
BOYEBOYE (Frédéric, baron DE), artiste et écri-
vain suédois, né à Stralsund en 1773, mort
en 1857. Il servit d'abord dans l'artillerie, où il
parvint au grade de lieutenant-colonel. Nom-
mé ensuite chambellan de la reine Hedwige-
Elisabeth-Charlotte, il passa plusieurs années
à ta cour, dont il lit les délices par son double
talent d'artiste et de poëte. A la mort de la
reine, en 1818, il se livra tout entier aux arts
et aux lettres, publia un Magasin illustré,
dont il fut l'unique rédacteur; un Dictionnaire
des peintres, et une Histoire de la diète sué-
doise de 1627 à 1823, deux ouvrages qui font
encore aujourd'hui autorité. Membre de la
diète, il se fit distinguer et considérer dans
les rangs de l'opposition. Choisi, en 1843, par
l'ordre de la noblesse, pour directeur du pa-
lais héraldique, il occupa cette place jusqu'à
sa mort.
BOYEBOYE (Adolphe-Engelbert), littérateur da-
nois, né en 1784, mort en 1851. Il a donné des
éditions de Holberg, de Storm, de "Wessel,
avec des commentaires et des notices biogra-
phiques ; il a travaillé a la rédaction de plu-
sieurs journaux, traduit en danois les comé-
dies de C. DeUvigne et publié le Parnasse
danois, recueil de poésies anciennes et mo-
dernes.
BOYÉ
BOYÉ (Charles-Joseph), général français,
né dans l'électorat de Trêves en 1762. Il s'en-
rôla en 1778 dans le régiment de hussards de
Conflans , et obtint en 1761 le grade de capi-
taine. Il se distingua à la bataille de Ner-
•winde, devint chef de bataillon en 1793, et
général en l'an II. Sous Kléber, il commanda
le centre de l'armée de Sambre-et-Meuse, prit
une part glorieuse à la journée de Hohen-
linden et à beaucoup d'autres.
BOYE
BOYE (Gaspard-Jean), prêtre et poète da-
nois, neveu de Brigitte-Catherine Boye, né à
Kongsbergen Norvège en 1791, mort en 1853;
il étudia la théologie à l'Université de Copen-
hague et se fit connaître de bonne heure comme
poëte dramatique. Ses nombreuses œuvres ont
été représentées avec succès de 1820 à 1827.
On cite parmi les meilleures : Conradin (1821):
Juta, reine de Danemark (1824) ; le Roi Sigurd
(1826); Eric. Vil, roi de Danemark (1824);
William Shakspeare, etc. Ces pièces ont été
retirées du répertoire, à l'exception de Wil-
liam Shakspeare, dont la reprise, en 185S, fut
vivement applaudie. Un des plus beaux chants
de sa tragédie de S vend Grathe : Il est un
beau pays situé à l'extrémité du nord, a été
choisi comme chant national du Danemark.
Ordonné prêtre et nommé pasteur, Boye laissa
la poésie dramatique pour la poésie lyrique,
mit en vers danois les psaumes de David et
composa lui-même un nombre considérable de
psaumes originaux, dont plusieurs ont rem-
placé ceux de Kingo, qui, depuis longues an-
nées, étaient presque seuls en usage dans les
églises danoises. On a aussi de Boye plusieurs
recueils de sermons où l'on trouve, ainsi que
dans ses psaumes, un véritable esprit chré-
tien, une grande richesse d'images, un senti-
ment profond de la nature et un style pur et
éloquent.
BOYEN
BOYEN (Hermann),homme d'Etat prussien,
né a Kreuzbourg en 1771, mort en 1848. Il
servit dans les guerres contre la France, di-
rigea le ministère de la guerre depuis 1814
jusqu'en 1819, et le ministère d'Etat de 1841 à
1847. C'était un ministre capable et habile. 11
a aussi cultivé les lettres avec succès ; on lui
doit un chant national, la Délivrance de la
Prusse, et les Souvenirs de la vie de Gunther
(Berlin, 1834), général sous les ordres de qui
U avait commencé ses services militaires.
BOYERBOYER s. m. (bo-ié). Bouvier, u Vieux
j mot.
!
BOYERBOYER ou BOIER s. m. (ho-ié). Mar. Es-
' pèce de bâtiment de charge hollandais : Les
BOYERSBOYERS naviguent peu et mal en pleine mer.
(Willaumez.)
;
BOYERBOYER ( P a u l ) , polygraphe français, né
vers 1615. Il accompagna Brétigny en Guyane
, et revint en France lorsque la colonie tVan-
| çaise fut détruite. On a de lui plusieurs ou-
[ vrages, notamment une Relation de ce qui
> s'est fait et passé au voyage de M. de Rréti-
BOYE
gny à l'Amérique occidentale, avec un diction-
naire de la langue (Paris, 1654).
BOYER
BOYER (l'abbé Claude), poète et prédicateur
français, né à Albi en 1618, mort- en 1698.
Voilà, du moins ce que disent tous les biogra-
f
hes ; mais le malin Furetière prétend que
abbé Boyer, plus heureux que Cotin, n'a ja-
mais endormi personne à ses sermons, par la
raison péremptoire que jamais chaire ne lui
fut ouverte ; il n'aurait donc été qu'un prédi-
cateur in parti bus. Quoi qu'il en soit, il paraît
certain qu'on était assis encore plus à l'aiso
aux sermons de l'abbé Boyer qu'à ceux de son
confrère. Sa qualité de poëte est moins con-
testée ; mais Boileau, et surtout Racine, y oni
fait de terribles accrocs; on peut même affir-
mer que c'est grâce à leurs épi^rammes que
le nom de Boyer est venu jusqu'à nous : sans
cela, il dormirait dans un profond oubli a côté
de tous ces auteurs que le satirique a tirés de
l'obscurité pour les besoins de la rime ou pour
armer les combattants du Lutrin. Admirable
F
rivilége du génie, qui imprime le sceau do
immortalité a. tout ce qu'il touche : aux uns,
l'immortalité de la gloire ; aux autres, celle du
ridicule. Le pauvre Boyer fait partie de cette
dernière phalange. Mais aussi pourquoi com-
mettre des tragédies, lorsqu'on est épié mali-
cieusement par des impitoyables comme Boi-
leau et Racine? Il est vrai que BouvsauU a eu
le mauvais goût de louer 1 auteur de Judith;
U est bien vrai encore que Chapelain voit en
Boyer • un poëte de théâtre qui ne cède qu'au
seul Corneille en cette profession; » il est fa-
cile de s'imaginer ce que devait valoir lu re-
commandation de Chapelain auprès de l'auteur
à'Andromaqite, sans parler de celui des satires,
dont l'opinion est suffisamment connue. A cet
éloge bouilon Boileau répondit par un seul
vers :
Boyer est a Flnchene égal pour le lecteur.
Or on peut être assuré que, dans la pensée do
Boileau, Pinchêne n'était pas du tout à Cor-
neille égal pour le lecteur, ce qui infirme un
peu l'équation de ce Chapelain, qui était un
si bon nomme.
Néanmoins, après douze tragédies, Boyer
vit s'ouvrir pour lui les portes de l'Académie
française (1666). Son discours de réception,
que le recueil de Coignard nous a conservé,
est dénué de tout mérite de style ; on n'y re-
marque que cette plate et hypocrite modestie
que ne manquent jamais d'étaler les récipien-
daires au milieu des plus belles fleurs de leur
rhétorique ; on en jugera par cet extrait :
» Je vous diray donc, messieurs, que cet
honneur m'a paru si grand, que j'ay passé
plusieurs années sans oser le demander. Une
pensée si ambitieuse n'osoit sortir de mon
cœur; j'attendois que le temps luy donnât
plus de 'force et de hardiesse, et j'ay cru que
ce qui me manquoit du côté des qualitez né-
cessaires pour obtenir cette place seroit sup-
f)léé par le mérite de cette retenue et d'une
ongue patience... »
La patience est une belle vertu, et nous se-
rions bien fâché d'en dire du mal ; mais de là
à en faire un titre académique, il y a loin.
Certes,on ne s'attendait -uère a voir la patience
ea cette affaire. Il est vrai que quelquefois on
n'y voit rien du tout, ce qui est encore bien
moins. Tenons donc compte à Boyer de su
vertu de patience, et disons quelques mots de
son chef-d'œuvre, de sa tragédie de Judith,
qui commença, il faut le reconnaître, par être
assez favorablement accueillie; mais Racine
y mit bon ordre, et jamais elle ne se releva de
cette épigrannne, qui est cependant plus ba-
dine que méchante en réalité :
A sa Judith, Boyer, par aventure,
Etoit assis près d'un riche caissier;
Bien aise étoit, car le bon financier
S'atlendrissoit et pleurait sans mesure.
• Bon gré vous sais, lui dit le vieux rinieur,
Le beau vous touche, et ne seriez d'humeur,
A vous saisir pour une baliverne. •
Lors le richard, en larmoyant, lui dit :
• Je pleure, htilas, pour ce pauvre Holopherne
Si méchamment mis a mort par Judith. •
Une circonstance assez curieuse, c'est que
cette méchante tragédie biblique, représentée
pétulant le carême , passionna le public pari-
sien, tandis qu'elle fut impitoyablement sifliée
quand on voulut la reprendre après Pâques.
Comme la Champmeslé se plaignait de cette
inconstance du parterre : « Il n'y a rien là
d'étonnant, lui répondit Racine; c'est que, lors
. de la première représentation, les sifflets
étaient à Versailles aux sermons de l'abbé
Boileau. »
Après Judith vint Méduse; cette fois, ce fui
le poète Gacon qui se chargea de donner sa-
tislaction a la critique :
Boyer, avec sa vieille muse,
Après Judith a fait Méduse,
Et le public convient qu'il n'a pas mieux traité
La Fable que la Vérité.
Enfin, Boyer ayant donné une autre tragé-
die, qui ne l'ut jouée qu'un vendredi et le di-
manche suivant, et le malencontreux poète
ayant attribué à cette circonstance la *ïhute
de son ouvrage, Furetière traduisit par l'épi-
gramme suivante la naïve excuse dô l'auteur :
Quand les pièces représentées
De Boyer sont peu fréquentées,
Chagrin qu'il est d'y voir peu d'assistante.
Voici comme il tourne la chose :
Vendredi la pluie en est cause
t
Et dimanche c'est le beau temps.
BOYE BOYE
BOYE
BOYE 1175
Mais ni les épigrammes ni les railleries ne ,
furent capables de rebuter l'abbé Boyer, et il
recommença à composer des tragédies et des '
tragi-comédies avec une persévérance dig-ne
d'-in meilleur sort'; jusqu'au dernier moment,
il resta intrépidement sur la brèche. Croyant
qu'une chance fatale était attachée à son nom,
il voulut essayer un jour si, à la faveur d'une
innocente supercherie, il ne parviendrait pas
à rompre le charme magique, et il fit repré-
senter une tragédie d'Agamemnon , sous le
nom d'Assezan, poëte de l'époque. La pièce •
fut applaudie, même par Racine ; et Boyer de
rire et de se frotter les mains de contentement.
Une put s'empêcher de dire dans une société
où se trouvait l'auteur des Plaideurs : n Mal-
gré nions de Racine, la pièce est de moi, e t ,
cette fois, il n'a pas sifflé. • Pauvre Boyer,
qui s'imaginait avoir pris son railleur a.u tré-
buchet. « Je ne pouvais pas siffler, lui répli-
qua méchamment Racine, puisque je bâillais. •
La riposte devait être d'autant plus cruelle
pour Boyer, que Racine, dans une épigramme
que nous avons citée au mot Aspar, l'avait
déjà accusé d'avoir apprisauparterre à bâiller.
Ajoutons que la tragédie en question devait
réellement appartenir au poète Assezan, et
que Buyer ne pouvait revendiquer que le mé-
rite de quelques corrections.
Voici la liste des pièces de cet immortel :
la Sœur généreuse, tragi-comédie (1646); la
Partie romaine, tragédie (1646); Parus (1647) ;
Aristodème (1647); Ulysse dans Vile de Circé,
tragi-comédie (1648); Clotilde, tragédie (1659);
Fédéric, tragi-comédie (1659); la Mort de
Démétrius (1660); Tigrane, tragédie, non im-
f
irimée (1660); Policrète, tragi-comédie (1662);
es Amours de Jupiter et de Sémélé (1666) ; le
Jeune Marius ('.669) ; la Fête de Vénus, comé-
die pastorale héroïque (1669); Policrate, co-
médie héroïque (1670); Lisimène, pastorale
(1672); le Fils supposé, tragédie (1672); Dé-
marate. tragédie, non imprimée (1673); le
Comte d'Essex (avec Leclerc), tragédie (1678);
Oreste, tragédie, non imprimée (16S1) ; Ar-
taxerce, tragédie (1682); Jephté, tragédie com-
posée pour les demoiselles de Saint-Cyr qui
la jouèrent (1692); Judith, tragédie (1695).
N'oublions pas de mentionner un ouvrage
d'un genre tout différent : les Caractères des
prédicateurs, des prétendants aux dignités ec-
clésiastiques , de l'âme délicate, de l'amour \
profane, de l'amour saint, avec quelques autres
poésies chrétiennes (Paris, 1695, iu-8°) et des
poésies fugitives..., très-fugitives, pâture lé-
gère des recueils du temps.
On ne sera peut-être pas fâché d'avoir ici
un spécimen des vers de l'abbé Boyer. Nous
offrons à nos lecteurs, à titre de véritable cu-
riosité littéraire, le sonnet suivant intitulé
Pour le Roy (Louis XIV), sonnet que le hasard
seul nous a fait exhumer du bouquin poudreux
où il était enfoui :
De quels sacrez lauriez se va-t-il couronner.
Ce grand Roy qui, laissant reposer sa vaillance,
Dans le sein île l'Eglise a soin de ramener
Ceux qu'avoient révoltez l'orgueil et l'ignorance!
Au ciel, en dépit d'eux, il les veut entraîner.
Et de sa piété la sainte impatience,
Contre ces malheureux qui veulent s'obstiner
Joint à son zèle ardent une juste puissance.
Ainsi contre l'enfant rebelle à son devoir
Le père heureusement se sert de son pouvoir :
Douce sévérité! salutaire contrainte!
Ainsi, sur Paul qu'aveugle un zèle furieux
Dieu tonne et le remplit de terreur et de crainte,
Mais le coup qui l'abat lui fait ouvrir les yeux.
C'est ce que l'on pourrait appeler le corn-
pelle intrare rimé. La pièce, d'ailleurs, con-
tient deux vers assez bons, le cinquième et le
dernier. 11 est seulement fâcheux pour la mé-
moire de l'abbé Boyer qu'il ait cru devoir'
mettre sa verve poétique au service des dra-
gonnades : mieux eût valu faire une mauvaise
tragédie de plus.
BOYER
BOYER (Jean-Baptiste), marquis d'Aguilles,
magistrat connu surtout a cause de son goût
éclairé pour les beaux-arts, né à Aix vers
1640, mort en- 1709. Conseiller au parlement
de Provence, il aimait tellement la peinture
qu'il voulut aller en Italie admirer les chefs-
d'œuvre des maîtres. Il en rapporta une riche-
collection de tableaux, de statues, de bron-
zes, etc. Il acquit lui-même un véritable talent
pour la peinture, la sculpture et la gravure.
Il lit graver tous les tableaux qu'il possé-
dait, et cent quatre planches furent publiées
en 1709; sept de ces planches étaient du
marquis d'Aguilles, les autres avaient été
gravées par Barras et par Coelmans. — Jean-
Baptiste BOYER D'AOUILLKS, son aïeul, mort
en 1637, reçut en dépôt les manuscrits de
Malherbe, son beau-frère.
BOYER
BOYER (Jean-François), prélat français, né
à Paris en 1675, mort en n*i5. Etant entré
dans les ordres, il fut nommé évègue de Mire-
poix en 1730, et, grâce à la protection du cardi-
nal de Fleury, il devint précepteur du daaphin
E
ère de Louis XVI, puis premier aumônier de
i dauphine. Membre de l'Académie française
(1736), de l'Académie des sciences et de celle
des inscriptions et belles-lettres, l'évéque de
Mirepoix fut un de ceux qui s'opposèrent le
plus vivement à l'élection de Piron dans la
première de ces compagnies.
BOYER
BOYER (Abel), lexicographe et historien,
né à Castres en 1664, mort à Chelsea en 1729.
Exilé par la révocation de l'édit de Nantes, il
erra en divers lieux et finit par se fixer en
Angleterre, où il consacra ses loisirs à la
composition d'un grand nombre d'ouvrages
dont les principaux sont : Grammaire fran-
çaise et anglaise, Dictionnaire anglais-français
et français-anglais (dont l'abrégé a eu vingt
édit.); Histoire de Guillaume le Conquérant;
Histoire du règne de la reine Anne, etc.
BOYER
BOYER (Pierre), théologien français, né à
Arlanes en 1677, mort à Vincennes en 1755.
Il était prêtre de la congrégation de l'Oratoire.
Dans les controverses qui s'élevèrent sur la
bulle Unigenitus, il prit avec vigueur le parti des
jansénistes et fut longtemps détenu dans les
prisons de Saint-Mihiel et de Vincennes. On
a de lui : Vie d'un parfait ecclésiastique, réim-
primée plus tard sous le titre de la Vie de
M. Pans; Parallèle de la doctrine des païens
avec celle des jésuites et de leur constitution,
ouvrage qui fut brûlé par ordre'du parlement;
Réflexions sur l'Histoire de la captivité de Ba-
bylone, etc.
BOYER
BOYER (Pascal), musicographe français ,
né à Tarascon en 1743. Dès l'âge de dix-sept
ans, il remplaça l'abbé Gauzargues dans la
maîtrise de fa cathédrale de Nîmes. Il est au-
teur d'une Lettre à Diderot sur le projet de
l'unité de clef dans la musique et laréforme de
mesures proposées par M, l'abbé Cassagne
dans ses éléments de chant (1767); et d'une
Soirée perdue à l'Opéra (1776). Il a en outre
collaboré aux Mémoires pour servir à l'his*
toire des révolutions dans la musique.
BOYER
BOYER (Jean-Baptiste-Nicolas), médecin
français, né à Marseille en 1693, mort en
1768. Il s'occupa particulièrement du traite-
ment des maladies épidémiques et contagieu-
ses, et montra un infatigable dévouement
pendant la peste de Marseille et lors de di-
verses autres contagions qui désolèrent Trê-
ves, le Beauvoisis, Mortagne, Brest, l'Espa-
gne, etc. On a de lui, entre autres ouvrages :
Relation historique de la peste de Marseille
(1721); Utrum in gravidis lotus uterxis œqua-
liter exteudatur (1729); AH inomni tumore ut
plurimum sit tentanda resolutio (1742), etc.
BOYERBOYER (Alexis), célèbre chirurgien, né
vers 1757 a Uzerches, en Limousin, mort en
1833. Fils d'un tailleur de la campagne, Boyer,
tour à tour clerc de notaire, marchand de bes-
tiaux, apprenti barbier à Paris, étudia la chi-
rurgie d'une façon fort curieuse : s'introduisant
furtivement dans les amphithéâtres d'anato-
mie, il rendait quelques services aux élèves
et se faisait payer en bras et jambes qu'il dis-
séquait avec une ardeur et une passion extra-
ordinaires. Après cinq ans de travaux pénibles
et de misère, il parvint a obtenir en 1781 une
médaille d'or à l'Ecole pratique du collège de
chirurgie. Ce petit succès l'encouragea; un
an après, on l'admettait comme élève à l'hô-
pital de la Charité, et, en 1787, il remportait
au concours une place de chirurgien gagnant
maîtrise au même hôpital. Ce n est que vers
cette époque qu'il sentit la nécessité de s'in-
struire dans la langue latine etde compléter son
éducation première. Le 12 août 1792, il fut in-
stallé comme chirurgien en second de la Cha-
rité par un membre de la section dite de
Marseille, qui avait .chassé les moines de
cette maison de secours, En 1795, il fut appelé
à l'Hôtel-Dieu; mais, jaloux de conserver
la place qui l'avait -récompensé de tant de
souffrances, il ne voulut point quitter la Cha-
rité et préféra se charger des deux services.
Concurremment avec Sabatier, il avait fait
jusque-là un cours de médecine opératoire; en
1796, il fut nommé professeur de clinique ex-
terne. En même temps, il publiait son remar-
quable Traité d'anatomie, où règne la claire
et brillante méthode de Desault, la méthode
dite chirurgicale, par opposition à celle de
Haller et de Bichat, qui empruntait à la phy-
siologie ses observations et ses résultats.
Quoique cette méthode ait en somme un avan-
tage relatif comme enseignement, il ne faut
pas nier que Boyer en exagéra à tort les
principes, en soutenant que le style n'est d'au-
cune utilité dans les sciences, et qu'un ex-
posé simple et concis est encore le meilleur
système à suivre en pareille matière. Si son
œuvre est véritablement remarquable, c'est
plus à son génie observateur qu'elle le doit,
qu'à, ses qualités littéraires, qui sont, on
peut le dire, complètement nulles, et qui ont
quelque peu contribué à un oubli prématuré.
Dans tout l'éclat de sa gloire, Boyer dut, lors
de la rénovation de l'ordre scolaire, se faire
recevoir docteur. Il est inutile de dire que
ses examinateurs acceptèrent sa thèse plus
comme une leçon que comme un devoir. En
1804, sur la présentation de Corvisart, il fut
nommé chirurgien de l'empereur et créé ba-
ron avec dotation sur les provinces conquises.
Cependant, loin d'imiter l'exemple du médecin
de Napoléon, il continua assidûment ses tra-
vaux et publia en 1811-, à l'âge de cinquante-
cinq ans, ses premiers essais de chirurgie.
Son Traité des maladies chirurgicales est
conçu sur un plan qu'on pourrait appeler to-
pographique. Recueil précieux de toutes les
études consciencieuses laites sur la chirurgie
à cette époque, l'ouvrage de Boyer est resté
très-longtemps le vade-mecum chirurgical des
élèves. Il n'a fallu rien moins que les traités de
M. Velpeau pour détrôner cet excellent livre :
c'est assez en faire l'éloge. Boyer conquit une
réputation méritée de chirurgien habile et d'ar
natomiste érudit. D'un caractère gai, et philoso-
phe, il supporta avec un admirable courage
nombre de vicissitudes devant lesquelles eus-
sent succombé beaucoup d'autres moins forts.
Lors de l'abdication de l'empereur , il dit à
M. Hervez de Chégoin ces paroles caracté-
ristiques ••«Je perds aujourd'hui ma dotation,
25,000 fl'an es de traitement, et ma place de
chirurgien de l'empereur. J ai cinq chevaux,
j'en vendrai trois, je garderai la voiture qui
ne me coûte rien, je lirai ce soir un chapitre
de Sénèque, et je n'y penserai plus. » En
1820, lors de la création de l'Académie de
médecine, son nom brilla parmi les premiers
membres. En 1823, il fut nommé chirurgien
consultant de Louis XVIII, et continua à
l'être des rois Charles X et Louis-Philippe.
Enfin, en 1825, il recueillit le double héritage
de Deschamps, comme chirurgien en chef de
la Charité et membre de l'Institut. Boyer a
laissé deux grands ouvrages, qui ont répandu
sa réputation dans toute l'Europe : Traité
complet d'anatomie et Traité des maladies chi-
rurgicales et des opérations qui leur convien-
nent. Comme professeur, il avait la parole
lente, mais correcte ; un débit peu animé,
mais une grande clarté d'exposition. Comme
chirurgien, croyant que le xvinc siècie avait
osé les limites de l'art, il se montra toujours
ostile aux innovations, et la canule de Fou-
bert pour la fistule lacrymale, la lithotritie,
les résections, etc., trouvèrent constamment
en lui un adversaire railleur et incrédule,
comme s'il était jamais permis de dire à la
science : « Tu n'iras pas plus loin. »
BOYER
BOYER (Pierre-Denis), théologien et publi-
ciste, né à Caissac (Aveyron) en 1766, mort
en 1842. Condisciple de Frayssmous, il lui
succéda plus tard dans sa chaire de théologie
dogmatique, seconda activement Emery pour
le rétablissement du séminaire Saint-Sulpice,
dont il fut le directeur après lui, se distingua
comme prédicateur, et fut un des adversaires
constants de Lamennais,.qu'il combattit peut-
être avec plus de zèle que de succès dans
toutes les transformations de sa pensée, de-
puis l'Essai sur l'indifférence. On a de l'abbé
Boyer un grand nombre d'écrits : le Duel
jugé au tribunal de la raison et de l'honneur
(1802); Examen du pouvoir législatif de l'E~
g lise sur le mariage (1817) ; Examen de la
doctrine de M. de Lamennais (1834); Défense
de l'ordre social contre le carbonarisme mo-
derne (1835); il y réfute les Paroles d'un
croyant. Depuis sa mort, on a publié ses Dis-
cours pour les retraites ecclésiastiques (1842).
BOYER
BOYER (Philippe, baron), médecin fran-
çais, né à Paris vers 1802, mort en 1858, fils
du précédent. Reçu docteur en 1825, il devint
agrégé de la faculté de médecine, chirurgien
des hôpitaux, et acquit la réputation d'un ex-
cellent praticieu. On a de lui un Traité pra-
tique de la syphilis (Paris, 1836); et un Rap-
port sur le mode de traitement des ulcères des
jambes, etc.
BOYER
BOYER ( F . PARTOUT, dit), vaudevilliste
français, mort en 1862. Il fut successivement
directeur de l'hôpital Necker, de l'hôpital
Saint-Louis depuis 1848, enfin de l'hospice de
la Vieillesse. Sous son pseudonyme de BOYER,
il a collaboré, avec Varin, Paul de Kock et
Duvert, à de joyeux vaudevilles, tels que l'O-
melette fantastique (1S42), la Rue de la Lune
(1843), la Garde-malade (1846), bouffonneries
désopilantes qui sont restées au répertoire
courant. Il a encore donné sa part de travail
aux vaudevilles ci-après : l'Habeas corpus
(1845) ; le Fruit défendu (1846) ; une Femme à
deux maris (1847) ; Habit, veste et culotte, en
cinq actes (1849); J'ai mangé mon ami (1850) ;
la Tante Vertuchoux (1851); le Poupard
(1853) ; Un vieux loup de mer (1854) ; etc. Il a
écrit sans collaborateur la pièce intitulée Un
lièvre en sevrage.
BOYER
BOYER (Jean-Pierre), président de la Ré-
publique d'Haïti, né à Port-au-Prince, en
1776, d'un créole blanc et d'une négresse af-
franchie, mort à Paris en 1850. Il fut- un des
premiers à prendre les armes lors de la re-
vendication par les hommes de couleur de
Saint-Domingue de leurs droits civils et poli-
tiques, et cela tout en défendant cette an-
cienne colonie française contre les Anglais, qui
combattaient la Révolution dans les Antilles.
Dans la lutte fratricide de Toussaint-Louver-
ture et de Rigaud, il se mit du côté de ce der-
nier et le suivit en France après sa défaite,
Lorsque l'expédition de Saint-Domingue eut
été décidée, Boyer en fit partie avec le grade
de capitaine. Mais quand, à la suite de la sou-
mission de Toussaint-Louverture, le général
Leclerc commença à laisser deviner le but
secret de cette expédition, qui était le réta-
blissement de l'esclavage, aboli par la Con-
vention, Boyer abandonna le camp métropo-
litain pour se mettre, à l'exemple de Pétion,
à la tète de ses frères les noirs. Dans cette
guerre inique du despotisme contre le droit,
Boyer se distingua en mainte occasion. A l'a-
vénement de Pétion à la présidence de la
république haïtienne, il fut successivement
élevé au grade dé colonel et de général de
division; et le commandement de Port-au-
Prince lui ayant été confié, il défendit cette
ville contre Christophe, devenu roi de la par-
. tie septentrionale d'Haïti sous le nom de
Henri le*. A la mort de Pétion, le sénat, par
un décret du 30 mars 1818, nomma Boyer
i président d'Haïti. En octobre 1820, il réunis-
sait à la république le royaume de Christo-
, phe, qui s'était suicidé; et, en février 1823, il
j prenait possession de la partie espagnole de
Saint-Domingue. A cette époque, Boyer se
trouvait ainsi l'arbitre suprême de la plus
; belle lie de L'archipel des Antilles ; aussi pou-
I vait-il s'écrier dans la proclamation qu'il
adressa à ses compatriotes : «'Haïtiens, le "pa-
1 villon,,national flotte sur tous les points de
111e que nous habitons: sur cette terre de li-
berté, il n'existe plus a'esclaves, et nous n'y
formons tous qu'une même famille dont les
membres sont liés à jamais entre eux par une
volonté simultanée, résultant de la concor-
dance des mêmes intérêts. • De cette magni- .
tique situation, Boyer, entouré de conseillers
égoïstes et sans capacité, ne sut tirer aucun
bien réel; il s'en servit, non pour travailler à
l'éducation morale et matérielle de ses conci-
toyens, sortant pour la plupart des ténèbres
de la servitude, mais pour composer un sé-
nat à sa discrétion, et ne plus respecter au-
cune des prérogatives de la chambre des
communes. Il en fit exclure plusieurs des
membres, à la suite de la prétendue conspira-
tion d'un certain Félix Darfour, qui fut impi-
toyablement mis à mort. Disons à la décharge
de Boyer qu'il ne craignit pus, en face des
nations européennes qui, dans les Antilles,
possédaient alors des esclaves, de donner asile
aux hommes de couleur proscrits de la Mar-
tinique en 1823. En 1838, il obtenait la recon-
naissance de l'indépendance d'Haïti, moyen-
nant une indemnité de 90 millions en faveur
des anciens colons. Rebelle à toute réforme
politique, Boyer provoqua, en 1843, contre
son gouvernement, une révolution qui, vic-
torieuse, le bannit d'Haïti. Il se retira en
France et passa le reste de ses jours à Paris.
BOYERBOYER (Louis), littérateur, né à Paris vers
1810, a collaboré à quelques vaudevilles, sous
le pseudonyme de LA ROQUE, puis au journal
réactionnaire le Lampion, en 1848. Après être
entré en 1852 au ministère d'Etat, il devint
censeur des théâtres, puis directeur du Vau-
deville de 1854 à 1856.
BOYER
BOYER (Philoxène), poëte et littérateur
français, né à Cahors le 21 septembre 1829,
et non à Grenoble en 1827, comme une ré-
cente biographie des- contemporains l'a dit
par erreur, est fils d'un helléniste distinguéj
inspecteur de l'Université, L.-A. Boyer, à qui
l'on doit des traductions de Sophocle et de
Babrius. Enfant, il vécut à Tours, à Poitiers,
à Nantes, où son père était appelé par les
nécessités de sa position. De sept à quatorze
ans, il resta à Paris, commença ses études au
collège Stanislas et les continua au lycée
Saint-Louis. A Paris et à Grenoble, qu'il
habita jusqu'en 1850, il mena une existence
qui, depuis lors, a fourni aux petits jour-
naux bon nombre d'anecdotes plus ou moins
sujettes à caution. La vérité est que le
jeune et chevelu poëte dépensa un peu vite
son patrimoine; il le dépensa avec l'ardeur
qu'il a apportée en toutes choses, et avec l'ai-
mable concours de rimeurs, d'artistes et de
gens de lettres à peine éclos, mais déjà super-
bement épris de la forme, et ae la couleur ; tout
prêts à pourfendre, par la sang-Dieu I quicon-
que se fût avisé de ne pas reconnaître que
Dieu est grand et que Victor Hugo est son
prophète. Une excessive consommation de
miel Hymette première, de bleu firmament et
de rimes riches, amena le vide dans le pour-
point de celui qui, ô dérision I avait le culte du
relief, du contour et du galbe. Vint le jour
où le doigt fin du jeune Eros fut remplacé par
le doigt sale de M. Loyal, qui traça avec un
outrecuidant mépris de l'art pur sur le front
déplumé de l'aiglon effaré : Protêt. Il fallut
quitter l'azur, et patauger dans la contrainte
par corps, souffrir les caresses de dame Sai-
sie, sèche et avide, après avoir voluptueuse-
ment cohabité dans un rayon de la lune avec
toutes les divinités imaginables. S'il faut en
croire M. Théodore de Banville, son'« frère
en poésie » et son « ami intime, » M. Phi-
loxène Boyer n'en perdit ni la rime ni l'appé-
tit. Il jugea même, comme le bonhomme Pan-
gloss, que tout était pour le mieux. « N'a-t-il
F
as fait une excellente affaire en achetant de
expérience assez tôt pour avoir oublié, à
vingt-neuf ans, tous ces orages ? s'écrie M. de
Banville. Aujourd'hui, il a fait ce qu'il appelle
lui-même, avec raison, un excellent mariage,
car il a épousé une femme charmante, bonne,
dévouée et pauvre ; il est heureux, il est
père, et contemple du rivage les canotiers pa-
risiens qui naviguent sur la mer des passions
dans une cuvette de faïence. »
M. Philoxène Boyer a débuté dans les let-
tres en 1848, c'est-à-dire à l'âge de dix-neuf
ans, par un gros livre, le Rhin et les Burgra-
ves, consacré à l'apologie de M. Victor Hugo
et où se révèle cette exagération de langage,
cet enthousiasme abracadabrant que 1 on a
souvent eu l'occasion de lui reprocher. M. Phi- .
larète Chas le s a dit de cet ouvrage, fruit pré-
coce d'une plume érudite • • C est le prin-
1176 BOYE
BOYE BOYM
BOYN
temps avec les moissons et les vendanges. »
Deux ans après, M. Philoxène Boyer ht re-
présenter a l'Odéon un drame vivant et fa-
rouche que traverse le souffle antique, Sapho
(un acte, en.vers, 13 novembre 1850). En so-
ciété avec M. Théodore de Ranvillej il donna
au même théâtre : le Feuilleton d'Aristophane,
comédie satirique en vers, représentée en 1853,
et le Cousin du roi, comédie en un acte, jouée le
4 avril 1857. Dans l'intervalle, il avait publié :
l'Engagement, scène en vers (1851) ; les Cher-
cheurs d'amour, scènes de la vie romanesque,
insérées dans le journal Y Artiste en 1855, et
réunies, en 1856, sous le titre des Délaissés.
En 1858, il a fait applaudir à la Comédie-
Française un à-propos dialogué, en vers libres,
ayant pour titre : les Muses de Molière. L'an-
née précédente, M. Philoxène Boyer avait
commencé au cercle des Sociétés savantes,
quai Malaquais, des conférences littéraires
qui ont eu dans le monde lettré un certain
succès : Byron, Henri Heine, Chateaubriand,
Mickiéwicz, Balzac, Schiller, et surtout Shak-
speare, étudiés avec une chaleur singulière ,
rendirent populaire le nom du professeur, dont
les leçons furent reproduites par quelques re-
cueils. Un cours sur Béranger, entre autres,
obtint un succès d'audition au cercle des So-
ciétés savantes. M. Théodore de Banville,
dans une biographie consacrée à son frère en
poésie et publiée avec accompagnement de
charge au crayon dans le Gaulois du 19 sep-
tembre 1858, a un peu surfait M. Boyer ora-
teur; entre amis et entre fantaisistes, on de-
vait s'y attendre. Si nous avions affaire ici à
Vadius et Trissotin et non à deux hommes
d'esprit, nous trouverions l'occasion d'appli-
quer Yasinus asinum fricat; mais, dans l'es-
pèce, asinus disparaît et fricat reste seul.
Toutefois, dans le panégyrique dont nous ve-
nons de parler, et en taisant abstraction de
quelques touches par trop complaisantes, nous
signerions volontiers le portrait que M. de Ban-
ville a tracé de son ami : « Jamais la libre
éloquence ne s'est montrée avec plus de puis-
sance et plus de grâce. Pas de système ;
Philoxène Boyer ne s'amuse pas, comme le
très-ingénieux, très-savant et très-spirituel
M. Taine, à prendre un mort illustre et à le
découper pour en faire un joli cadavre ou
un squelette bien préparé. Non : k force d'ar-
deur, k force d'amour, il veut à tout prix re-
trouver l'homme vivant, et il le retrouve; il
cherche Byron et Henri Heine en poète j Cha-
teaubriand en homme politique ; Mickiéwicz
en amant passionné de la liberté. Il pense, il
agit, il souffre avec son héros ; par cette rare
intuition qui a fait de lui un érudit consommé,
il devine plutôt qu'il n'apprend tout ce qui a
rapport au sujet qu'il traite. Son inspiration
est si attractive que la science vient pour
ainsi dire le trouver, comme les bribes de pa-
pier de soie courent au bâton de cire impré-
gné de l'électricité. U lutte corps à corps
avec son public, comme Jacob avec l'ange, et
ne le lâche pas qu'il ne l'ait laissé vaincu,
subjugué, éperdu, sous le charme. J'ai vu son
auditoire et lui oublier le temps et rester qua-
tre heures dans la petite salle qui devait réu-
nir pour une heure seulement le jeune profes-
seur et ses amis inconnus. Quand il est écouté,
compris, admiré comme il mérite de l'être,
Philoxène ne connaît plus l'effort, ni la fati-
gue, ni les horloges. On aurait pu demeurer
la cent ans comme dans le conte de la Selle
au bois dormant ; il n'aurait pas cessé de souf-
frir et de combattre avec le grand homme
dont il disait l'histoire. En effet, comme plus
d'un magicien, Philoxène enchante les autres
et il s'enchante; en emportant les âmes vers
l'azur où se débattent les comètes furieuses,
son âme à. lui s'envole plus haut et plus loin,
dans l'infini. Il ne croit pas au précepte qui
ordonne à l'orateur d'être maître de lui pour
émouvoir les autres, et, en qualité de poëte
lyrique, il suit tout bonnement le précepte de
notre maître Horace, et, s'il veut faire pleu-
rer , c'est d'abord lui qui se désole. » Pour
nous, qui découvrons en M. Philoxène Boyer,
soit comme poète, soit comme orateur, d ex-
quises qualités, nous pensons que son talent
agnerait beaucoup s'il consentait k se défaire
e certains enthousiasmes hors de portée et
à dire les choses plus simplement. M. Phi-
loxène Boyer est original, il est plus savant
que ne le sont d'ordinaire les poètes qui s'inti-
tulent fantaisistes; en voilà, assez, semble-t-il,
pour qu'il dédaigne les procédés littéraires de
ceux qui aiment à parler pour ne rien dire. Il
aime, et il l'a prouvé, à parler pour dire quel-
que chose. Soit, mais qu'il se défasse donc de
ces grands mots qui ne contiennent pas tou-
jours de grandes choses; qu'il se garde de
crier au lieu de chanter; qu'il laisse le porte-
voix à de moins dignes, puisqu'une flûte lui
suffît. Au moment où nous traçons ces lignes,
un journal annonce que M. P. Boyer va re-
prendre ses cours interrompus ; nous souhai-
tons de grand cœur que cette nouvelle soit
vraie, et nous sommes sûr que l'orateur
échevelé de 1857 reparaîtra devant de public
un peu calmé : le public y gagnera, et l'ora-
teur aussi.
Outre les ouvrages cités précédemment, on
doit encore k M. Philoxène Boyer un grand
nombre de vers qu'il récite avec bonheur et
passion, mais qui n'ont pas tous été imprimés.
On lui doit aussi des Odes, des Cantates, des
Hommages, à l'occasion d'événements publics
contemporains; des notices biographiques et
des articles de critique littéraire dans divers
recueils, l i a rédigé, a dater de 1858, un cour-
rier de Paris dans un journal étranger, le Le-
vant. En 1862. l'Académie lui a décerné le
prix Lambert a titre de rémunération de ses
travaux littéraires. Précédemment, les amis
et les admirateurs polonais de Mickiévicz lui
avaient offert une uague commémorative de
ses études sur le grand poète. Travailleur ob-
stiné, écrivain tout entier livré à son art,
M. Philoxène Boyer, que la fortune n'est plus
venue visiter depuis qu'il l'a chassée en ses
heunes de folle jeunesse, méritait sous tous
les rapports ces encouragements et ces dis-
tinctions. M. Philoxène Boyer est un grand
collectionneur de livres, et il n'est pas rare de
le rencontrer sur les quais, triste, inquiet,
voûté , furetant dans toutes les boîtes des
bouquinistes , ou errant, chargé de ballots
d'opuscules et d'éditions poussiéreuses, pliant
sous le faix comme un commissionnaire ou
mieux comme un bibliophile. Il apporte dans
ses chasses une persistance inouïe et af-
fronte toutes les saisons, pour guetter au
passage l'in-12 récalcitrant, l'in-8° sourd à
ses appels. On raconte que, travaillant en
1860 a sa thèse de doctorat, laquelle de-
vait rouler sur YHamlet de Shakspeare, il
était parvenu à, réunir dans son cabinet tous
les ouvrages, moins un seul, comprenant la
bibliographie de cette pièce. Les deux cent
dtx-neuf volumes recueillis par lui ne suffi-
saient point à ses appétits de bibliophile, et on
le vit poursuivre avec une ardeur sans pa-
reille le deux cent-vingtième bouquin ab-
sent de cette imposante collection , c'est-à-
dire la brochure intitulée : Parallèle entre
Shafcsjieare et Arislote. A l'heure qu'il est,
l'obstiné chercheur l'a-t-il trouvée? Nous le
souhaitons. — M. Philoxène Boyer a fait partie
du comité de la Société des gens de lettres; il
a été, en cette qualité, chargé de travailler à
la composition du Trésor littéraire de la
France, publié au nom de cette société et vio-
lemment attaqué par une grande partie de ses
membres, lors de son apparition en 1865-1866,
comme donnant une idée incomplète de notre
littérature, et une opinion erronée de cer-
tains philosophes ou écrivains politiques. Hâ-
tons-nous d'ajouter que M. Philoxène Boyer
n'a rien à voir dans ces critiques, et que sa
responsabilité n'est aucunement en jeu dans
cette affaire... inqualifiable. Nous disons inqua-
lifiable, simplement parce que, tout d'abord,
notre intention était de nous servir du quali-
ficatiftriste; mais, après réflexion,nous avons
compris que, dans 1 espèce, triste serait trop
fort.
BOYER
BOYER (Pierre-François-Xavier, baron),
général français, né à Béfort vers 1772, mort
en 1851. Volontaire en 1792, il fit toutes les
campagnes de la Révolution et de l'Empire;
proscrit par la Restauration, il entra au ser-
vice du pacha d'Egypte, dont il disciplina les
troupes, et reçut du gouvernement de Juillet
un commandement en Afrique, sous les ordres
du maréchal Clausel. Toutefois, il ne l'exerça
pas longtemps, rentra dans la retraite et ne
fut plus employé jusqu'à sa mort. C'était un
général de talent, mais d'une sévérité in-
flexible.
BOYER
BOYER DE NICE (Guillaume), troubadour
français dont Nostradamus fait l'éloge et à
qui il attribue un Traité d'histoire naturelle,
dédié k Robert, roi de Sicile. Les comtes de
Provence le nommèrent podestat de Nice, sa
ville natale. Nous ne possédons de lui qu'une
chanson composée pour Marie de France,
femme du duc de Calabre. Il mourut vers
l'an 1355.
BOYER
BOYER DE PRÉBANDIER, médecin fran-
çais, né k Montplaisant (Périgord), dans le
XVIIIC siècle. Il traduisit de l'anglais les ou-
vrages suivants : Essai sur la nature et le
choix des aliments, par Arbuthnot; Essai de
l'effet de l'air sur le corps humain, par le
même ; Traité de la petite vérole, par Lobb ;
Traité des maladies de la peau, par Turner;
Essais de médecine et de physique. On lui doit
en outre un Essai sur les abus de la saignée.
BOYERBOYER - PEYRELEAU (Eugène-Edouard),
officier français, né k Alais, mort vers 1840.
Après avoir fait les campagnes d'Italie, il fut
nommé aide de camp, puis chef d'état-major
de l'amiral Villaret-Joyeuse, qu'il suivit à la
Martinique. Dans la campagne de 1812, il
remplit les fonctions de chef d'état-major de
la garde. Il se distingua dans les combats dont
la Champagne fut le théâtre en 1814. Nommé
commandant en second de la Guadeloupe, il y
arbora le drapeau tricolore pendant les Cent-
Jours, et fut, au retour des Bourbons, con-
damné à mort; mais sa peine fut commuée et
on lui rendit sa liberté après trois ans de pri-
son. Il a publié : Des Antilles françaises et
particulièrement de la Guadeloupe (1816, 3 vol.
in-8°).
BOYER
BOYER DE REBEVAL (Joseph, baron), l'un
des plus braves généraux des guerres de la
République et de l'Empire, né à, Vaucouleurs
en 1768, mort en 1822. Il fut blessé plusieurs
fois dans la campagne de Russie, et fut
nommé général de division après la bataille
de Dresde.
BOYER-FONFRÈDE,
BOYER-FONFRÈDE, conventionnel. V.
FONFRÈOE.
BOYERMANS
BOYERMANS (Théodore), peintre flamand,
né à Anvers en 1620, mort en 1677. Il se forma
f
ar l'étude des œuvres de Van Dyck et devint
un des plus habiles imitateurs de ce maître.
Les historiens de l'art n'ont pas accordé à
Boyermans toute l'attention qu'il mérite :
i Son imagination facile, dit M. Paul Mantz,
se joue aux grandes compositions ; son dessin
a des libertés heureuses ; sa palette, un peu
sombre quelquefois, abonde cependant, en
tons riches et brillants : il peint, non comme
Van Dyck, mais dans sa manière, des têtes
lumineuses et vivantes. • Les Vœux de saint
Louis de Gonzague, tableau du musée de Nan-
tes, daté de 1671, justifient cette appréciation
du talent de Boyermans. L'église de Saint-
Jacques, k Anvers, possède une fort belle A&-
somption, datée de la même aimée. Ou voit an
musée de la même ville, entre autres peintu-
res de cet artiste, une grande composition al-
légorique représentant : Anvers, mère nourri"
cière des peintres.
BOYLE,
BOYLE, ville d'Irlande, comté et à 40 kilom.
N.-O. de Roscommon, sur la petite rivière de
même nom; 4,600 hab. Commerce de grains,
beurre et lin. On y remarque les belles ruines
d'une abbaye fondée en 1152 et le château de
Rockingham.
BOYLE
BOYLE (Robert), célèbre physicien et chi-
miste anglais, né en 1626 à Lismore, en Ir-
lande, mort k Londres en 1691, fut peut-être
le savant qui prépara le mieux les voies k la
chimie moderne. Dédaignant les procédés des
alchimistes, ses prédécesseurs, et suivant les
traces de Bacon, l'illustre propagateur de la
méthode expérimentale, U perfectionna la ma-
chine pneumatique, au moyen de laquelle il
fît une multitude d'expériences sur l'évapora-
tion de divers liquides dans le vide, sur la
pression de l'atmosphère, sur l'impossibité
d'obtenir un vide parfait, sur le poids des
corps dans le vide, etc.; démontra que les
corps en combustion ont besoin d'air et qu'ils
s'éteignent dans le vide; donna la mesure
exacte de l'absorption de l'air dans les calci-
nations, et fut le premier guide de ceux qui
ont étudié les phénomènes chimiques de l'air;
le premier aussi, il marqua nettement la diffé-
rence qui existe entre le mélange et la com-
binaison , et c'est lui encore qui arracha à
quelques charlatans ambulants les secrets du
phosphore et du quinquina. Comme Conrart, en
France, Boyle réunissait chez lui,dès Y645,des
hommes passionnés pour la science, lesquels
devinrent sous Charles II le noyau de la So-
ciété royale de Londres. Boyle n'était pas
moins pieux que savant : l'établissement des
missions, la propagation du christianisme dans
les Indes étaient 1 objet de ses soins constants,
et il dépensa des sommes considérables pour
faire traduire et imprimer k ses frais la Bible
en irlandais et en gallois. Ses œuvres, publiées
à Londres en 1744, forment 5 vol. in-iol.
BOYKINIEBOYKINIE s. f. (boi-ki-nî). Bot. Genre de
plantes, de la famille des saxifragjées, com-
prenant plusieurs espèces propres à l'Améri-
que boréale.
BOYLE
BOYLE (Roger), comte d'Orrery et baron de
Broghill, frère du précédent, né à Lismore en
1621, mort en 1679. Il servit d'abord fidèle-
ment la cause de Charles 1er, mais consentit
ensuite à accepter de Cromwell un comman-
dement en Irlande, parce que le protecteur
n'exigea de lui aucun serment. Charles H,
lorsqu'il eut recouvré le trône d'où la révolu-
tion avait précipité son père, nomma lord
Broghill conseiller privé d'Angleterre et d'Ir-
lande. Quand Roger Boyle avait des loisirs, il
s'occupait de littérature, et il laissa plusieurs
tragédies, un roman intitulé Parihénisse (16G5),
ainsi qu'un traité sur Y Art de la guerre (Lon-
dres, 1677).
BOYMBOYM (Michel), jésuite polonais, né à Lem-
berg vers 1620, mort en 1659. Envoyé comme
missionnaire en Chine (1650), il sut y gagner
la faveur de l'empereur Choun-Tchi et en
f
irofita pour faire une étude approfondie de la
angue et de la médecine chinoises. A son re-
tour en Europe (1653), il rencontra à Rome le
savant antiquaire et orientaliste Kircher, et
s'occupa, à sa prière, de traduire les inscrip-
tions gravées sur des tables de marbre qui
avaient été trouvées en Chine et rapportées
de ce pays en 1625. Il donna à cette époque
aux jésuites de Vienne une flore sommaire
de la Chine, que ceux-ci firent imprimer et
orner de planches artistement gravées pour
l'offrir à l'archiduc Léopold. Cet ouvrage, qui
parut sous le titre de tlora sinensis (Vienne,
1656), était devenu tellement rare dès le com-
mencement du xvme siècle, que le savant
Bayer, croyant qu'il n'avait jamais été im-
primé, le traduisit en français sur le manu-
scrit original, afin de l'insérer dans le recueil
de Thévenot (1730). On doit aussi au même
Bayer une traduction française du récit du
voyage de Boym, que celui-ci avait écrit k
Smyrne pendant son retour et qu'il publia à
Vienne en 1654 sous le titre de Relation de la
Chine. Boym retourna en Chine en 1655 et y
mourut quatre ans après. Il avait traduit, dans
ce second voyage, le Wang choho, ouvrage
3
ui était en quelque sorte le compendium de
e la médecine chinoise à cette époque. Le
jésuite Couplet, son compagnon, envoya en
1658 cette traduction manuscrite aux jésuites
de Batavia, avec prière de la faire passer en
Europe; mais Clayer, général de l'ordre dans
cette ville, se contenta d'extraire du manu-
scrit les quatre livres qui traitent du pouls,
et, sans mentionner le nom de l'auteur, il les
inséra, avec les écrits d'autres missionnaires
en Chine, dans l'ouvrage intitulé : Spécimen
»îerfici??œ5i'»!ica?(Francfort-sur-le-Mein, 1682)-
Couplet parvint a ressaisir chez Cluyer lui-
même le manuscrit intact et le publia dans les
Annales de l'Académie de Vienne, sous le titre
de Clavis medicinœ ad Chinorum doctrinam.
C'est un ouvrage d'une grande importance et
auquel les savants assignent la priorité dans
son genre. On a aussi de Boym un Diction-
naire chinois-polonais. Ses œuvres sont exces-
sivement rares, et la Bibliothèque de Vienne
est probablement la seule qui les possède au-
jourd'hui.
BOYLEAOX
BOYLEAOX (Etienne), prévôt de Paris. V.
BOILESVE.
BOYLE
BOYLE (Charles), comte d'Orrery, fils du
précédent, né k Chelsea eu 1676, mort en
1731. Pendant qu'il faisait ses études k Ox-
ford, il publia une nouvelle édition des -Epi-
tres de Phalaris, et une traduction anglaise
de la Vie de Lysandre, par Plutarque, Devenu
pair d'Angleterre et étant entré dans l'armée,
il prit part à la bataille de Malplaquet comme
major général. Plus tard, il resta six mois
entériné dans la Tour de Londres, parce qu'il
se trouva compromis dans une intrigue de
cour. Ce fut à lui que George Graham dédia
le planétaire dont il était l'inventeur et qui
est connu des astronomes sous le nom d'Or-
rery. — Son fils, Jean BOYLE, se fit remarquer
à la chambre des lords par son opposition au
ministre Walpole. Il laissa quelques ouvrages,
entre autres Translation of the epistles of
Pliny, et Remarks on the lïfe and writings of
doctor Swift (1762), travail que Lacombe a tra-
duit en français.
BOYMIBBOYMIB s. f. (boi-mî— du nom du jésuite
Boym, naturaliste polonais). Bot. Genre de
zanthoxylées, établi d'après un arbrisseau de
la Chine.
BOYNEBUKG
BOYNEBUKG VON LENSGFELD (Maurice-
Henri, baron DK), général prussien, né en
178S, servit de 1804 à 1814 dans les guerres
contre Napoléon. La paix le trouva colonel ;
il entra au service de l'Autriche. Nommé
général major en 1832, et feld - maréchal
lieutenant en 1842, il fut employé en 1848
contre l'insurrection de Lemberg en Gallicie.
Après avoir commandé la ville de Troppau,
il prit sa retraite.
BOYNE
BOYNE {Buundus, Btwinda et Buinda),
rivière d'Irlande, prend sa source près de
Carbury, dans le comté de Kildare, traverse
le comté de Meath, où elle baigne Trim, Na-
van et Drogheda, et se jette dans la mer d'Ir-
lande à 3 kilom. au-dessous de cette dernière
ville, après un cours de 104 kilom. Sur les
bords de cette rivière, à 3 kilom. de Drogheda,
on a élevé, en 1836, une colonne en mémoire
de la bataille gagnée par Guillaume III, sur
Jacques II, le l«r juillet 1690. V. ci-après.
Boyue (BATAILLE UE LA). Lorsque l'arrivéo
du prince d'Orange en Angleterre eut préci-
pité la révolution que cet habile ambitieux
avait préparée, Jacques II, renversé du trône,
se retira a Rochesterj mais le roi déchu ne
tarda pas à s'apercevoir que ses gardes lui
fermaient toutes les avenues de Londres et
ne lui laissaient ouverte que la route do
la mer. C'était une invitation muette, mais
impérieuse, de quitter l'Angleterre. Jacques,
après quelques velléités de résistance, céda
aux conseils de la peur empruntant le lan-
age de la prudence, et se réfugia auprès
e Louis XIV. Dès que son départ fut connu,
les lords se constituèrent gardiens des intérêts
nationaux, déclarèrent Te trône vacant et
nommèrent Guillaume protecteur. Mais ce
titre, dont Cromwell lui-même avait été forcé
de se contenter, ne pouvait satisfaire la pro-
fonde ambition du prince d'Orange. Ce n'était
pas pour conquérir une royauté déguisée qu'il
avait noué tant d'intrigues, déployé tant de
patience artificieuse et de génie, et qu'il était
parvenu enfin à neutraliser par la ligue
d'Augsbourg la redoutable intervention dô
Louis XIV. V. AUGSBOURG (ligue d').
Guillaume voulaitsuecéder à son beau-père,
qu'il avait tant contribué à chasser, dans tous
ses titres comme dans toute l'étendue de son
pouvoir, et il en était arrivé à un point où il
eût été dangereux pour les ennemis qu'il
avait dans le parlement d'opposer une trop
vive résistance a sa volonté. Tous les obstacles
furent bientôt aplanis, et, le 22 février 10S9,
le chef des hérauts d'armes proclama à haute
voix, sous les murs de White-Hall, Guillaume
et Marie (son épouse et filie de Jacques II)
roi et reine d'Angleterre. Guillaume, cepen-
dant, ne se faisait pas illusion ; tandis que
l'Angleterre retentissait encore des fêtes de
son avènement, il mesurait de son tranquille
et profond regard les périls de la situation,
et il sentait le sol trembler sous lui. Son in-
comparable connaissance des hommes lui avait
depuis longtemps révélé la singulière mobilité
de leurs passions, ainsi que 1 inconstance et
l'ingratitude habituelles des partis. Déjà s'opé-
rait une réaction toute favorable au roi exilé,
dont les torts, n'étant plus sentis, commen-
çaient à se faire oublier. De plus, l'Irlande se
soulevait presque tout entière, et derrière
elle apparaissait la France menaçante et
Louis XIV, qui, après avoir accueilli le mo-
narque fugitif, allait entreprendre de le
rétablir. C est en Irlande, en effet, que les
premiers coups furent portés. Dès la seconde
année de son règne, en 1686, Jacques II avait
songé k faire de ce pays une place d'armes
pour tenir en bride l'Angleterre ou pour y
trouver un refuge en cas de revers, et il
n'aurait eu aucune peine à y ouérer une révo-
lution selon ses vœux, qui étaient ceux de ce
peuple. Il était naturel que les Irlandais,
presque tous catholiques, préférassent un roi
qui partageait leur croyance à un souverain
protestant qui, malgré son esprit bien connu
de tolérance, pouvait être dominé par les
circonstances ou par les opinions de ses sujets
d'Angleterre. De plus, Jacques II eut le bon-
heur de trouver dans le célèbre Tyrconneî.
auquel il avait confié le'commandement supé-
rieur de l'Irlande, un serviteur dévoué qui
fut assez habile pour tromper le rusé Guil-
laume et temporiser, tandis qu'il engageait
secrètement Jacques à repasser la mer, le
flattant de l'espoir de recouvrer son trône
s'il pouvait débarquer en Irlande avec quel-
ques régiments français, de l'argent et des
armes. Mais ce prince ne se trouvait pas à la
hauteur de cette situation \ à la cour de
Louis XIV, qui l'avait accueilli avec la plus
délicate générosité, il répondit mal à l'opinion
qu'on avait d'abord conçue de sa personne.
Du courage intrépide qu'il avait montré dans
sa jeunesse, il n'avait conservé qu'un opiniâtre
BOYN
BOYN
BOYS
BOZE 1177
entêtement qu'il appelait de la fermeté. Aussi
Louis XIV, qui savait apprécier les hommes,
ressentait-il pour lui plus de compassion que
d'estime. Au lieu de déployer l'activité com-
mandée par les événements et d'agir pour
intéresser tous les souverains à sa cause, il
dise il tait avec des théologiens sur des points
de dogme ou de discipline. Les Français lui
appliquaient railleusement le mot de La Hire:
« On ne perd pas plus gaiement un royaume. •
On assure même qu'un prélat, rappelant cet
antre mot de Henri IV : « Qu'un royaume
valait bien une messe, » tînt ce propos un
peu déplacé dans la bouche d'un archevêque :
« C'est un saint homme : pour une messe
il a sacrifié trois couronnes. » Cependant
Louis XIV était bien décidé à secourir Jacques
de tout son pouvoir ; mais ses ministres ser-
virent mal ses intentions, ou plutôt ils traver-
sèrent sciemment un projet qui n'était pas
.dans leurs vues. 11 ne crut pas prudent de
distraire quelques régiments de son armée au
fort de la coalition européenne ; mais il offrit
d'ailleurs, à Jacques II tout ce que réclamait
Tyrconnel pour affermir l'autorité de ce
F
rince en Irlande. Une escadre, à Brest, eut
ordre de se tenir prête à appareiller, et
reçut à son bord 40,000 fusils, de l'artillerie,
des équipages et 500,000 couronnes d'or. Jac-
ques II n'emmenait avec lui que douze cents
Anglais, et deux cents officiers français
commandés par le comte de Rosen. A son
départ, Louis lui fit don de sa propre cuirasse,
et lui dit avec cette exquise délicatesse que
nul n'a possédée à un si haut degré que ce
prince : • Je dois souhaiter de ne plus vous
revoir; cependant, si la fortune vous était de
nouveau contraire, vous me trouveriez encore
pour vous tel que j'ai toujours été. »
Jacques II débarqua en Irlande dans la baie
de Kinsale, accompagné de quelques Anglais
de distinction, parmi lesquels on remarquait
son fils naturel, Berwick, le futur vainqueur
d'Almanza. A Dublin, il convoqua le parlement
irlandais et tint conseil. Il voulut d abord or-
ganiser les affaires d'Irlande et établir ferme-
ment son autorité dans ce pays ; ce fut une
faute, car ses partisans en Angleterre le
pressaient de se porter au plus tôt sur la côte
occidentale de l'Ecosse ou de l'Angleterre, où
les royalistes iraient le retrouver en foule.
Mais les conseillers de Jacques furent d'un
avis opposé, et sa condescendance le perdit ;
l'opinion publique en Angleterre flétrissait
encore Guillaume du nom d'usurpateur : c'était
un fils ingrat qui n'apportait pas à son beau-
père, comme il s'en était vanté dans sa
proclamation, des conseils sages, un appui
désintéressé, mais qui venait soulever contre
lui toutes les passions pour s'approprier sa
dépouille ; c'était, non le roi de la nation
anglaise librement choisi par elle, mais l'élu
d'une faction qui, dans la chambre des lords,
n'avait obtenu qu'une majorité de deux voix.
Jacques II ne sut point exploiter ce revirement
opéré dans les esprits ; il s'acharna au siège
de quelques villes qui lui résistèrent vaillam-
ment, tandis que son habile et actif adversaire
organisait de redoutables moyens de défense,
tout en adoptant Ws plus sages précautions pour
apaiser les difficultés intérieures. Jacques
n avait pas voulu aller en Angleterre; ce fut
Guillaume qui alla en Irlande, II commença
par y envoyer le maréchal de Schomberg, qui
débarqua dans l'Ulster au mois d'août (1689)
avec dix-huit régiments d'infanterie, parmi
lesquels trois de réfugiés français, cinq de
cavalerie légère et un train suffisant d'artil-
lerie; mais c'étaient ries troupes de nouvelle
levée et peu capables d'un service aussi pénible
qu'une guerre en Irlande. Jacques, au con-
traire, avait une armée trois fois plus forte
que l'armée anglaise, et, de plus, commandée
par des officiers français formés à l'école des
grands généraux de ce temps. On aurait dit
que la fortune voulait servir Jacques en dépit
de lui-même, et que ce prince voulait repous-
ser ses faveurs. H essaya quelques démonstra-
tions insignifiantes contre Schomberg ; mais
celui-ci, qui n'ignorait pas le peu de discipline
qui régnait parmi ses troupes, affaiblies d'ail-
leurs par les privations et les maladies, resta
prudemment dans ses lignes, et Jacques finit
par battre en retraite. Bientôt ce prince reçut
un renfort de sept mille Français commandés
par le célèbre Lauzun ; mais de son côté
Guillaume, dont le coup d'œil pénétrant avait
vu que le nœud de la situation ne pouvait se
dénouer qu'en Irlande, expédiait à Schomberg
des soldats, des armes, des munitions, des
provisions de toute sorte. Ce général se vit
alors à la tête de trente mille hommes de trou-
pes aguerries, bien disciplinées, et il put pren-
dre l'offensive, sans attendre l'arrivée de Guil-
laume. Le nouveau roi d'Angleterre luttait en
ce moment contre les partis et les conspi-
rations ; malgré son calme, sa froideur, sa
patience et son ambition, il ressentait parfois
de tels accès de dégoût, qu'il fut sur le point,
dit-on, d'abandonner l'Angleterre et de retour-
ner en Hollande. Mais ses amis raffermirent
son courage, et il ne songea plus qu'à passer
en Irlande pour brusquer le dénoûment. Il
s'embarqua le 4 juin 1690, accompagné du
prince George de Danemark, du duc d'Or-
mond, des comtes d'Oxford, de Scarborough,
de Manchester et de plusieurs autres seigneurs
de distinction. Douze jours après, il était au
quartier général de l'armée anglaise. Sous son
active direction, la guerre prit aussitôt une
nouvelle face. Comme il parcourait en per-
sonne tous les postes avancés, ses officiera
l'exhortaient à user de précautions j il leur
répondit qu'il n'était point venu en Irlande
pour laisser croître l'herbe sous ses pieds. Il
ordonna alors une marche rapide sur Dublin,
dont la route, aux environs de Dundalk, était
interceptée £ar l'armée irlandaise. Celle-ci
s'empressa de battre en retraite, jusqu'à ce
qu'elle eût mis le petit fleuve de la Boyne
entre elle et l'ennemi. Elle s'arrêta alors et
planta ses tentes sur la rive méridionale près
de Drogheda. Jacques avait trente mille hom-
mes, et, pour les commander sous lui, son fils
Berwick, Tyrconnel, son lieutenant en Irlande,
le comte dAntrim, l'héroïque Sarsfield, Ri-
chard Hamilton et Lauzun. Quant à Guillaume,
tous les Etats protestants lui avaient fourni
leur contingent; outre les troupes anglaises,
commandées par Ormond et Oxford, les gardes
écossaises sous les ordres de James Douglas,
la cavalerie hollandaise, guidée par Portland
et Ginkell, il comptait dans ses rangs plusieurs
corps d'élite venus d'Allemagne, un régiment
de Brandebourg, un autre de Finlande, et une
redoutable brigade danoise sous le prince
Charles de Wurtemberg; mais deux corps
surtout paraissaient animés d'une terrible
ardeur, que stimulait la soif de la vengeance :
c'étaient les réfugiés français, commandés
par Caillemot, et les protestants d'Irlande,
que la présence de Jacques avait livrés sans
merci aux insultes et aux persécutions des
catholiques. Toute cette armée, dont Guil-
laume était l'àme, forte d'environ trente-six
mille hommes, avait sur celle de Jacques la
supériorité du nombre : mais celle-ci, couverte
par un fleuve, occupait une excellente position
défensive. Guillaume s'étant porté en avant
pour la reconnaître, un poste irlandais, embus-
qué derrière une haie sur la rive opposée,
aperçut le groupe brillant qui l'entourait et
tira plusieurs coups de canon; un boulet
atteignit légèrement Guillaume à l'épaule ; on
le crut tué. Les Irlandais en poussèrent des
cris de joie, et la fausse nouvelle circulant
rapidement parvint de postes en postes jus-
quà Dublin, d'où elle fut transmise à Paris ;
mais à l'armée, l'erreur ne dura pas longtemps.
Aprè3 un léger pansement, Guillaume remonta
à cheval et parcourut le front de tous ses
régiments. La nuit suivante, un conseil de
guerre eut lieu sous sa présidence, et, contre
1 avis formel des vieux généraux et de Schom-
berg, il décida qu'on franchirait la Boyne le
lendemain de grand matin et qu'on livrerait
bataille. La droite de l'armée anglaise reçut
l'ordre de passer le fleuve en amont, afin de
tourner la gauche de l'ennemi et de lui
couper la retraite. A l'heure fixée, Douglas et
le jeune Schomberg, fils du maréchal, effec-
tuèrent heureusement le passage ; arrivés sur
l'autre rive, ils aperçurent l'ennemi sur
deux lignes, derrière un marais. Us chargèrent
aussitôt les Irlandais, qui se retirèrent pré-
cipitamment. Hamilton accourut alors àla tête
d'un autre corps de cavalerie et d'infanterie,
pour attaquer ceux qui avaient passé et
empêcher les autres d'arriver au rivage. La
situation des premiers devint critique. Le vieux
Schomberg se mit alors à la tête des protes-
tants français, et, traversant la Boyne avec
eux : • Messieurs, leur d i t - i l , voici vos
ennemis. » Son arrivée sur la rive opposée
rétablit le combat. Lauzun vit le péril et
détacha rapidement dans cette direction sa
vaillante brigade, soutenue par Sarsfield à la
tête de quelques escadrons. L'aile droite des
Anglais fut ainsi arrêtée, tandis que Guillaume
faisait des efforts inouïs pour franchir le fleuve
avec son centre et sa droite, exposés au feu
terrible de la rive opposée. Tout le poids de
la bataille tomba sur les réfugiés français, qui,,
souvent rompus et toujours reformés, luttaient
contre le nombre avec un héroïque courage.
Malheureusement, en les ramenant une der-
nière fois à la charge, le maréchal de
Schomberg fut enveloppé par un corps irlan-
dais et reçut à la tête deux blessures mortelles ;
en ce moment, la confusion qui régnait sur le
champ de bataille était si grande, que l'intré-
pide maréchal tomba mort sans qu'on puisse
dire s'il périt de la main des Irlandais ou de
celle de ses propres soldats. Cet événement
faillit être fatal à l'armée de Guillaume par le
désordre qu'il y causa. Mais la présence de ce
prince sur l'autre rive, qu'il venait enfin
d'atteindre avec son aile gauche, changea la
face du combat. A l'aspect de ces troupes
nouvelles, toute l'infanterie irlandaise du
comte d'Antrim jeta les armes et s'enfuit
honteusement. La cavalerie tint ferme et
disputa longtemps la victoire : Guillaume, le
bras en écïiarpe et tenant son épêe de la
main gauche, la chargea plusieurs fois en
personne, à la tête de sa cavalerie danoise et
hollandaise. Une balle perça ses habits, une
autre emporta le talon de sa botte ; mais il se
f
laisait au milieu du péril, ne trouvant que là
entière aisance de la parole comme de la
pensée, des mots heureux et d'entraînantes
saillies. Il décida lui-même sa fortune et
enfonça enfin cette redoutable cavalerie, qu'il
mit dans un état complet de déroute, malgré
les efforts d'Hamilton, qui, dangereusement
blessé dans la mêlée, eut de plus le malheur
d'être fait prisonnier. Guillaume était vain-
queur; Jacques, témoin de son désastre, vit
qu'en se rapprochant les deux ailes de l'armée
anglaise allaient le serrer comme dans un
étau, et il se hâta de donner le signal de la
retraite. Ce malheureux prince s'était tenu
constamment sur les hauteurs assez éloignées
de Dunmore, entouré de quelques escadrons
de cavalerie, et il croyait sa victoire si as-
surée, qu'on l'entendit s'écrier plusieurs fois,
en voyant les charges brillantes d'Hamilton :
« Epargnez, épargnez mes sujets d'Angle-
terre! a Mais lorsqu'il vit que le sort de la
journée se prononçait contre lui, il se retira
vers Dublin, sans tenter le moindre effort
pour rallier ses troupes et les ramener au
combat. Doué d'un brillant courage personnel,
Jacques était dépourvu de tous les talents
d'un général. On dit que le vieux capitaine
irlandais O' Regan ne put retenir cette excla-
mation : « Ah 1 que les Anglais changent
avec nous de généraux, et nous ne craindrons
pas de leur offrir la bataille encore une fois. »
Ce furent les Français qui, seuls sur la gauche
et sans se rompre, soutinrent le dernier
effort du combat ; ils serrèrent leurs rangs et
couvrirent la retraite. Guillaume n'osa point
poursuivre un ennemi qu'il était loin d'avoir
écrasé ; au reste, il s'était surpassé lui-même
dans cette grande journée, où, malgré sa
blessure , il resta dix-sept heures à cheval,
payant de sa personne et présent partout.
Il avait donné des ordres formels pour qu'il
n'y eût pas d'effusion de sang inutile, et il
appuya ses ordres par un acte de louable
sévérité. Un de ses soldats, après la bataille,
massacra trois Irlandais qui demandaient
quartier. Le roi le fit pendre sur le lieu même.
Après la victoire, il ne fit paraître ni joie ni
le moindre air de vanité ; et lorsque ceux qui
l'approchaient le plus familièrement lui firent
les compliments qu'on ne manque jamais
d'adresser aux princes en pareille circonstance,
il parut prêter si peu d'attention à leurs
louanges qu'ils comprirent aussitôt que la
meilleure manière de lui faire leur cour était
de ne lui parler ni de sa blessure ni de tout
ce qu'il avait fait dans cette grande journée.
En un mot, il fut aussi grave et aussi
taciturne que de coutume.
Les pertes de Jacques II, dans la journée
de la Boyne (juillet 1690), ne furent que de
quinze cents hommes; celles des Anglais
s'élevèrent à peine à cinq cents. Ce ne fut
donc pas une bataille , à en juger par les
résultats matériels ; mais les conséquences en
furent immenses. Le roi détrôné n'était pas de
ceux qui domptent la mauvaise fortune; il
repassa aussitôt en France, tandis que son
heureux rival profitait de sa victoire pour
apaiser toute les résistances et consolider son
pouvoir. La chute de Drogheda, la prompte
soumission de plusieurs places, entre autres de
Dublin, où Guillaume fit, le 9 juillet, une entrée
solennelle, l'adhésion des esprits encore in-
certains et l'affermissement de son trône en
Angleterre, telles furent pour ce prince les
suites immédiates de la bataille de la Boyne,
ère fatale de laquelle datent tous les malheurs
3
ui signalèrent si tristement la fin du règne
e Louis XIV.
Quant au roi Jacques, le neuvième jour
après la bataille, il débarqua à Brest avec un
excellent appétit, fort gai et d'humeur cau-
seuse. Il racontait l'histoire de sa défaite à
ceux qui voulaient l'écouter. « Mais, dit
Macaulay, des officiers français qui enten-
daient la guerre, et qui comparèrent son récit
à d'autres relations, déclarèrent qu'encore
bien que Sa Majesté eût vu la bataille, elle
ne savait rien de ce qui s'était passé, sinon
3
ue son armée avait été battue. » De Brest,
acques se rendit directement à Saint-Ger-
main, où l'attendait Louis XIV.
BOYS
BOYS (Thomas), vice-amiral anglais, né
en 1763, mort en 1832. Il entra dans la marine
en 1777 et prit part à un grand nombre de
combats contre les flottes françaises. Il fut
nommé contre-amiral en 1819, et vice-amiral
en 1830. — Son père, Guillaume BOYS était
chirurgien et avait publié un ouvrage très-
estimé des antiquaires, sous le titre de Docu-
ments pour l'histoire de Sandwich, 2 vol. in-4°.
BOYSE
BOYSE (Samuel), poète anglaiSj né en 1708,
mort en 1749. Il passa presque toute sa vie
dans la dissipation et souvent dans la plus
profonde misère. Parmi ses poésies, dont la
plupart parurent dans des recueils périodiques,
on remarque le Tableau de Cébès (1731), et
surtout un poème intitulé The Deity, dont
Fielding et Hervey on fait beaucoup d éloges.
11 traduisit aussi en anglais le Traité sur
l'existence de Dieu, de Fénelon.
BOYSE,
BOYSE, BOYS ou BOIS (Jean), théologien
anglais, né à Nettlestead en 1560, mort en
1643. Il fut un des six théologiens chargés
par Jacques 1er de faire une traduction de la
Bible, et il concourut à la publication des
œuvres de saint Jean Chrysostome. On lui
doit en outre : Veteris interpreHs cum Beza
aliisque recentioribus collatio in quatuor Evan-
geliis et Actis apostolorum, travail qui ne fut
imprimé qu'après sa mort (Londres, 1655).
BOY
BOY SEAU (Pierre DB), général espagnol,
né à Saint-Gérard, près de Namur, en 1659,
mort en 1741. Après avoir assisté aux batailles
de Fleurus, de Steinkerquê et de Nerwinde,
il s'enferma dans Charleroi et osa traverser
les lignes des.assiégeants pour aller prévenir
l'électeur de Bavière du besoin qu'avait cette
ville d'être promptement secourue. La guerre
dite de la Succession lui fournit de nouvelles
occasions de montrer son courage. Ramillies,
Oudenarde, Malplaquet, Saragosse, Barcelone,
furent ensuite le théâtre de nouveaux exploits,
qui furent récompensés plus tard par le titre dô
marquis de Châteaufort et la- charge de capi-
taine général de la Vieille-Castille.
BOYSEN
BOYSEN (Pierre-Adolphe), théologien luthé-
rien allemand, né à Aschesleben en 1690, mort
en 1743. Il fut professeur à Halberstadt, et ou-
blia en latin de nombreux ouvrages de philo-
logie, d'histoire, de théologie, notamment :
Commentarius de viris eruditis qui sero ad
litteras admissi magnos instudiis feceruntpro-
givssus(Wittemberg, 1711); HistoriaMichaelis
Seroeti dissertatione enarrata (1712), etc.
BOYSEN
BOYSEN (Frédéric-Eberhard), historien et
savant allemand, fils du précédent, né à Hal-
berstadt en 1730, mort en 1800. Il se livra à
l'enseignement et donna une excellente tra-
duction du Coran d'après le texte arabe. On
lui doit, en outre : Monumenta inedita rerum
germanicarum, prœcipue Magdeburgicarum et
I/alberstadiensium (1761) ; des Lettres théolo-
gigues en allemand (1765-1766); une Histoire
universelle a?icienne {1767-1772, 10 vol.); Ma-
gasin historique universel; De voce n.u
BOYSSAT. V. BOISSAT.
BOVSS1ÈRES ou BOES5IERE (Jean DE),
poète français, né àClermont-Ferrand en 1555.
Il abandonna la carrière du barreau pour s'a-
donner à la poésie, et se rendit à Paris ; mais il
ne tarda pas, comme il nous l'apprend lui-même
dans ses stances, à regretter la vie nouvelle
qu'il s'était faite, sa fortune dissipée, et l'Au-
vergne, Car, dit-il,
Car je perds dans la France et mon temps et ma peine.
La France, l'ingrate
Il publia successivement trois volumes d'élé-
gies, sonnets et autres compositions poétiques,
sous le titre de Premières, secondes et troi-
sièmes œuvres (1578-1579). La plupart de ces
poésies ont pour sujet l'amour ou les femmes,
et elles manquent souvent de clarté. Jean de
Boyssières entreprit aussi une traduction eu
vers de la Jérusalem délivrée, mais il ne publia
que les trois premiers chants, et cette traduc-
tion était fort médiocre.
BOYVE
BOYVE (Jonas), chroniqueur suisse, né en
1656, mort en 1739. Il fut pasteur de l'église
des Fontaines, dans la principauté de Neuf-
châtel. Il composa plusieurs ouvrages, restés
manuscrits, sur les antiquités et sur l'histoire
de la Suisse. L'un de ces ouvrages, intitulé
Dictionnaire monétaire, fut ensuite augmenté
par son petit-fils Jérôme-Emmanuel BOVVE,
qui en a publié un extrait dans ses Recherches
sur l'indigénat helvétique (Neufchâtel, 1778).
BOYTACA
BOYTACA ou BOYTAQUA, célèbre archi-
tecte portugais, mort avant 1528. Dès 1490, il
fut employé par le roi Jean II, fortifia en
Afrique Arzilla et Tanger, et construisit le
magnifique couvent de Bélem, élevé sur l'em-
placement d'une chapelle où Vasco de Gama
allait faire ses dévotions au moment d'accom-
plir son voyage aux Indes.
BOYVE
BOYVE (Jean-François), jurisconsulte du
xvnie siècle. On lui doit: Définitions et expli-
cations des termes du droit consacrés à la pra-
'tique du pays de Vau'd (1750); Remarques sur
les lois et statuts du pays de Vaud (1756), etc.
BOYVEAU-LAFFECTEUB,
BOYVEAU-LAFFECTEUB, médecin, né à
Paris vers 1750, mort en 1812. Il a donné son
nom à un rob antisyphilitique qui est devenu
une source abondante de profits pour lui et
pour ceux qui continuent à l'exploiter. On a
de lui divers écrits relatifs à cette drogue et
au genre d'affections qu'elle est destinée à
guérir : Recherches sur la méthode la plus
propre à guérir les maladies vénériennes (1789) ;
Traité des maladies vénériennes anciennes et
récentes, et méthode de leur guérison par le
rob antisyphilitique (1814); Traité des mala~
dies physiques et morales des femmes (1812).
BOYV1N, graveur français. V. BOIVIN.
BOYVIN
BOYVIN (Jean) Jurisconsulte franc-comtois,
né à Dôle en 1580, mort en 1650. Il prit une
part très-active à la défense de Dôle, assiégée
par les Français, et publia ensuite l'histoire
de cette défense sous le titre de : le Siège de
la ville de Dôle, capitale de la Franche-Comté
de Bourgogne, et son heureuse délivrance (1637).
Il fut successivement avocat général, con-
seiller et président au parlement de Dôle. On
lui doit encore : Notes sur la coutume de
Franche-Comté; Traité des monnaies et des
devoirs et offices du général des monnaies. Il
avait composé ce traité pour l'instruction de
son fils Claude-Etienne BOYVIN, général des
monnaies du comté de Bourgogne, qui publia
le Bon Bourguignon, en réponse au Bellum
Sequanicum de Jean Morelet.
BOZE
BOZE (Joseph), peintre français, né vers
1746, mort en 1826. Il avait fait le portrait de
Louis XVI, montra quelque dévouement à la
famille royale pendant la Révolution, fut l'in-
termédiaire d'une négociation politique peu
connue entre les girondins et la cour, et fut
emprisonne pour sa déposition courageuse
dans le procès de la reine. Sous la Restaura-
tion, il devint peintre de Louis XVIII.
BOZE
BOZE (Claude GROS DE), archéologue et nu-
mismate, né à Lyon en 1680, mort a Paris en
1753. Incertain sur sa vocation,il se fit d'abord
recevoir avocat; mais un voyage à Paris et
la connaissance qu'il y fit des célébrités de la
numismatique le déterminèrent à se consacrer
à l'étude de l'antiquité. Elève, puis pension-
naire de l'Académie des inscriptions, il en fut
élu secrétaire perpétuel en 1706, quoiqu'il n'eût
que vingt-six ans; remplaça Fénelon à l'Aca-
démie française (1715), et lut nommé, en 1719,
148
1178
BOZZ
garde du cabinet des médailles et des antiques. ,
C'est lui qui a fait le classement de cette col- I
lection et qui en a rédigé le catalogue. De
Boze à enrichi les Mémoires de l'Académie de ,
dissertations curieuses, parmi lesquelles on
remarque l'Histoire de l'empereur Tetricus
éclaircie par les médailles. On a, en outre, de
lui : Traité historique sur le jubilé des juifs
(Paris, 1702) ; Médailles sur les principaux
événements du règne de Louis le Grand (1723,
2e édit.) ; Dissertation sur le Janus des anciens
et sur la déesse Santé (1705) ; Histoire de l'Aca-
démie des inscriptions (en collaboration avec
l'abbé Tallemand et l'abbé Goujet) ; la plupart
des Eloges qui se trouvent dans les quinze
premiers volumes des Mémoires de l'Académie
des inscriptions, etc.
BOZE
BOZE (Jean-Jacques), historien français, né
à Apt en 1760, mort en 1840. Il embrassal'état
ecclésiastique; mais une grande timidité natu-
relle l'éloigna toujours de la chaire, et lui fit
refuser les postes avantageux que lui offrit
l'évêque d'Avignon lors de la réorganisation
du clergé. En revanche, il partagea son temps
entre les études historiques et les soins reli-
gieux qu'il prodiguait gratuitement aux pau-
vres de l'hospice de sa ville natale. On a de
lui : Histoire d'Api (1 vol. in-8<> de 384 pages) ;
Histoire de l'Eglise d'Apt ( 1 vol. in-8° de
440 pages) ; Histoire de saint Elzéar et de
sainte Delphine, suivie de leur éloge (l vol.
in-12 de 277 pages) ; les Dialogues du livre
de Job, mis en vers français, traduction libre,
avec quelques autres poésies, (l vol. in-12 de
176 pages).
BOZEL
BOZEL s. m. (bo-zèl). Archit. Tore. V. BO-
SEL,qui est l'orthographe généralement adop-
tée.
BOZEL,
BOZEL, ch.-l. de cant. (Savoie), arrond. de
Moutiers; pop. aggl. 496 hab. — pop. tôt.
1,422 hab. C'est une des localités de ta Savoie
ou le nombre des goitreux est le plus consi-
dérable. On remarque à l'O. de ce village
la roche pyramidale de la Dent, appuyée sur
des contre-forts couverts de forêts de sapins.
BOZIA
BOZIA s. f. (bo-zi-a). Métrol. Mesure de
capacité pour les liquides usitée à Cérigo,
l'une des îles Ioniennes, et valant environ
2 litres.
BOZIO
BOZIO (Thomas), théologien et écrivain ita-
lien, né a Eugubio, mort à Rome en 1610.
Prêtre de l'Oratoire de la congrégation de
Saint-Philippe de Néri, il publia, pour réfuter
Machiavel : De imperio virtutis et De robore
bellico (1593). On lui doit, en outre: De signis
Ecclesiœ Dei libriXXIV (1591, 2 vol. in-fol.);
De ruinis gentium et regnorum ; De antiquo et
novo Italiœ statu (1594); De jure divino (1600),
et les deux premiers volumes d'un grand ou-
vrage ayant'pour titre : Annales antiquitatum,
— Son frère François Bozio, de la même con-
grégation, défendit les doctrines ultramon-
taines les plus exaltées en publiant : De tem-
porali Ecclesiœ monarchia (Cologne, 1602).
BOZO
BOZO s. m. (bo-zo). Sorte de machine de
guerre usitée au moyen âge.
BOZOULS,
BOZOULS, bourg de France (Aveyronh
ch.-l. de cant., arrond. et à23kilom. N.-E. de
Rodez, sur la rive droite du Dourdou; pop. aggl.
G81 hab. — pop. tôt. 2,612 hab. Mine de fer;
église appartenant à la première période de
l'art roman.
BOZUÉ
BOZUÉ s. m. (bo-zu-é). Moll. Nom vulgaire
de l'ampullaire ovale.
B O Z Y G H I T E s. m. (bo-zi-ghi-te). Hist. relig.
Membre d'une secte de mahométans schyites,
appelés aussi chottabites, et qui reconnais-
sent l'iman Mohammed Aboul-Chottab.
BOZZA
BOZZA s. f. (bod-za). Métrol. Mesure de
capacité pour les liquides, en usage dans l'an-
cien royaume lombardo-vénitien, et valant
949 litres.
BOZZELLI
BOZZELLI (le chevalier Francesco-Paolo),
publiciste italien, né en 1786 à Manfredoma
(royaume de Naples), mort en 1864, fit d'ex-
cellentes études de droit, exerça quelque temps
la profession d'avocat, entra ensuite dans
l'administration, et devint conseiller d'Etat en
1820. Compromis dans des mouvements poli-
tiques, il fut emprisonné, puis proscrit en 1822,
et ne rentra à Naples qu en 1837, pour repren-
dre sa profession d'avocat. Emprisonné de
nouveau en 1844, comme suspect de conspira-
tion, il obtint sa mise en liberté, et, de plus, il
fut élu associé ordinaire de l'Académie royale
des sciences de Naples. En janvier 1848,
Bozzelli, que ses ouvrages philosophiques
avaient signalé depuis longtemps aux suffrages
de l'opinion libérale, fut appelé à faire partie
du ministère constitutionnel et rédigea le
statut fondamental du royaume. Mais 1 âge et
le pouvoir avaient d'aiUeurs bien attiédi ses
opinions, et iï ne tarda pas à renonc tr à la vie
publique. Le chevalier Bozzelli est un des pu-
blicistes les plus remarquables de l'Italie con-
temporaine. Dans sa jeunesse, en 1815, ilavnit
publié un recueil de poésies choisies; il culti-
vait, du reste, avec succès, l'art vraiment
BRAA
italien de l'improvisation; mais le poSte fit
bientôt place au publiciste philosophe. Durant
son exil à Paris, en 1825, il publia en fran-
çais ses Essais sur les rapports primitifs qui
lient ensemble la philosophie et la morale.
Lanjuinais, dans le 26e volume de la Bévue
encyclopédique, consacra une analyse à ce
livre, qu'il prit pour l'œuvre d'un littérateur
français. Son Esquisse politique sur l'action
des forces sociales dans les différentes espèces
de gouvernements (1826) ne fut pas moins bien
accueillie. L'académicien Daunou et le comte
de Tracy payèrent à ce livre un tribut de
justes éloges dans le Journal des savants. En
1832, Bozzelli, décidément épris de la langue
française, lit paraître un'ouvrage de critique
littéraire : De l'esprit de la comédie et de l'in-
suffisance du ridicule pour corriger les travers
des caractères. Le critique moraliste y soutient
cette idée que le ridicule exagéré, dépassant
son but, ne redresse pas les mœurs. En 1838,
il publia à Lugano un travail plein de recher-
ches sur l'Imitation de la tragédie chez les an-
ciens et chez les modernes. Il a fourni, en
outre, plus de soixante articles politiques ou
littéraires aux revues françaises et anglaises,
ainsi que des études sur la poésie hébraïque,
sur le théâtre italien, sur la philosophie du
droit, etc. On imprime actuellement à Naples
une traduction italienne des Rapports de la
philosophie et de la morale.
BOZZOL1 (Joseph), littérateur italien, né à
Mantoue en 1724, mort à la fin du xvm
e
siècle.
Il entra chez les jésuites, professa la physique,
puis le droit canonique et l'histoire ecclésiasti-
que au séminaire de Rome, et, plus tard, les
langues orientales à Mantoue. Il traduisit en
vers italiens l'Iliade (17G9-1770, 4 vol.) et
l'Odyssée d'Homère (1778-1779, 4 vol.), ainsi
que l'Enéide de Virgile (1782-1783, 2 vol.).
BRA,
BRA, ville du royaume d'Italie, province et
à 20 kilom. O. d'Alba, ch.-l. de mandement,
près de la rive gauche de la Stura; 12
;
500 h.
Commerce de soie; aux environs, on visite le
sanctuaire dit la Madonna dei Fiori, qui est en
grande vénération, et le château de Pollenzo,
l'antique municipium de Pollentia, dont on
voit encore de nombreux vestiges.
BOZZOLO,
BOZZOLO, ville du royaume d'Italie, pro-
vince et à 50 kilom. S.-E, de Brescia, près de
la rive droite de l'Oglio; 4,000 hab. Château
fort. Cette ville fit partie de la république
crémonaise et jouit du privilège de battre
monnaie. En 1416, elle se donna volontaire-
ment au marquis de Mantoue. L'empereur
Charles-Quint confirma la seigneurie de Boz-
zolo aux Gonzagues et lui donna le titre de
principauté.
BR. Chim. Abréviation du mot BROME.
BRA
BRA (Henri DE) , médecin hollandais, né à
Dock uni (Frise) en 1555. U étudia surtout les
maladies épidémiques et publia : De novo quo-
dam morbi génère Frisiis et Westphalis pecu~
liariy etc.; Medicamentorum simplicium et fa»
cile parabilium, ad calculum, enumeratio ; De
curandis venenis per medicamenta simplicia et
facile parabilia (1603, in-8°).
BRA
BRA (Théophile), sculpteur français, né &
Douai en 1797, mort vers 1840. U eut pour
maîtres Story et Bridan, et débuta au Salon
de 1819 par le modèle d'un groupe représen-
tant Aristodème au tombeau de sa fille. Ce
groupe, qu'il exécuta ensuite en marbre et
pour lequel il obtint une médaille d'or, fut
acheté par Louis XVIII et donné à la ville de
Douai. La réputation de Th. Bra, commencée
par cet ouvrage, grandit rapidement. Il fut
chargé de nombreuses commandes et reçut
en 1825 la croix de la Légion d'honneur. Il a
pris part à presque toutes les expositions qui
ont eu lieu de 1819 à 1839. Ses productions tes
plus importantes sont : les statues de Saint
Pierre et de Saint Paul (église de Saint-Louis
en l'Ile) ; Saint Marc (église de Saint-Philippe
du Roule) ; le Christ enfant dans les bras de
sa mère (Salon de 1833) ; Sainte Amélie (mar-
bre, 1839); Ulysse dans Vile de Calypso (mar-
bre, 1833); la statue du dauphin, destinée au
Louvre (1824); la statue en bronze du duc de
Berry, exécutée pour la ville de Lille (1827);
celle du maréchal Mortier, pour la ville de Ca-
teau-Cambrésis (1837) ; celle de Benjamin Con-
stant, pour le monument funèbre élevé au Père-
Lachaise (1833) ; les statues de Jean de Bolo-
gne, de Pierre de Franquevillejde Philippe de
Commines, du sire de Jomville, du Régent, etc.
Théophile Bra a exécuté en outre une foule
de bustes-portraits, notamment ceux de Char-
les X, du duc d'Angoulème, de la reine Ma-
rie-Amélie, du baron Méchin, du professeur
Broussais, du général Ballesteros, de Jouy,
de M. Guizot, etc. L'exécution de ces por-
traits se recommande généralement par un
modelé précis et énergique, surtout dans les
têtes de vieillard. Bra a été moins heureux
dans ses figures en pied : le style n'en est pas
toujours très-élevé, et les attitudes manquent
parfois de naturel et de souplesse. Quoi qu'il
en soit, cet artiste ne mérite pas l'oubli dans
lequel son nom est tombé.
BRAALIER,
BRAALIER, 1ÈRE s. (bra-a-lié, iè-re —
rad. braie). Nom que l'on donnait, au xinc siè-
cle, à des ouvriers qui faisaient les braies
ou nauts-de-chausses en fil.
BRAA
BRAA ou BRAHE, rivière de Prusse, prend
sa source au N.-E, de Rummelsbourg, pro-
vince de Poméranie, baigne Zieten, Rittel,
Koronowo, Bromberg, et se jette dans la Vis-
tule à l'E. de Bromberg, après un cours de
175 kilom. Elle forme dans sa partie ; upé-
rieure un grand nombre de lacs, dont les prin-.
cipaux sont ceux de Zieten et de Muskendorf,
et communique à la Netze par le canal de
BRAB
Bromberg à Nakel, qui réunit l'Oder a la Vis*
tule.
BRAAM-VAN-HOUCK-GEEST
BRAAM-VAN-HOUCK-GEEST (André-Eve-
rard VAN) , voyageur hollandais du xvme siè-
cle. Après avoir servi dans la marine, il fit un
voyage en Chine comme subrécargue de la
compagnie des Indes. Plus tard, il alla s'éta-
blir en Amérique, dans la Caroline méridio^
nale, puis il retourna encore une fois en
Chine et revint aux Etats-Unis, où il remit
ses journaux et ses notes à Moreau de Saint-
Méry, qui les publia en français sous ce titre :
Voyage de l'ambassade de la compagnie des
Indes hollandaises vers l'empereur de la Chine,
en 1794 et 1795 (Philadelphie, 1797-1798,2 vol.
in-40).
BRABANÇON,
BRABANÇON, ONNE s. et adj. (bra-ban-
son, o-ne — rad. Brabant). Géogr. Habitant
du Brabant; qui appartient au Brabant ou à
ses habitants : Les BRABANÇONS. Une BRA-
BANÇONNE. La population BRABANÇONNE. C'é-
tait un homme remarquable de l'aristocratie
BRABANÇONNE. (Balz.) it On dit aussi BRABAN-
T I N , INE.
— s. m. pi. Mercenaires redoutables du
moyen âge, dont la plupart étaient sans
doute originaires du Brabant, et qui n'é-
taient pas moins fameux par leurs briganda-
ges que les routiers, les malandrins et les
escorcheurs
t
avec lesquels ils sont d'ailleurs
confondus.
Brabançonne (LA), chant national de la Bel-
gique, paroles de Jenneval, musique de Cam-
penhout. Presque tous les peuples ont leurs
chants nationaux ; le plus souvent, ces hym-
nes patriotiques sont nés à une époque d'ef-
fervescence. La révolution de 1830 a été le 89
de la Belgique; o r , comme notre grande épo-
pée révolutionnaire avait enfanté 1 immortelle
Marseillaise, la Belgique, fidèle à son sys-
tème de contrefaçon, mais ici dans la bonne
acception de ce mot, voulut avoir aussi sa
Marseillaise. Elle l'eut... Seulement ce fut
une Marseillaise belge. Jenneval, comédien
français engagé au théâtre de Bruxelles, et
qui devait être bientôt tué à Berchem en pour-
suivant les Hollandais, improvisa les strophes
suivantes, où l'on est loin de retrouver le
souffle puissant qui anime le chant immortel
de Rouget de l'Isle. M. Van Campenhout
adapta à ces couplets une musique qui ne
manque pas d'énergie, mais qui est un peu
vulgaire. La révolution terminée, la nation
belge récompensa d'une pension de 2,400 fr.,
accordée à la mère de Jenneval, l'improvisa-
tion poétique du comédien. Quant a M. Van
Campenhout, il obtint la place de maître d e
chapelle du roi Léopold.
|E5^gg^P
-jets.
Sur nous, un prin-ce san-gui -
- n a i - r e Vient lan -cer des bou-lets. C'en est
traille a bri-sé l'o - ran ge, Sur
l'ar - bre de la li - ber - té, Sur
l'ar - bru de la H- ber - te",
^ ^
l'ar - br« de la
ber
U !
DEUXIÈME COUPLET.
Trop généreuse en sa colère,
La Belgique, vengeant ses droits.
D'un roi qu'elle appelait son père
N'implorait que de justes lois.
Mais lui, dans sa fureur étrange.
Par le canon, que son âls a pointé,
Au sang belge a noyé l'orange
Sous l'arbre de la liberté.
BRAB
TROKlfcHS COUPLET.
Fiers Brabançons, peuple de braves.
Qu'on voit combattre sans fléchir,
Du sceptre honteux des Bataves
Tes balles sauront t'affranchir !
Sur Bruxelle, au pied de l'archange,
Ton saint drapeau pour jamais est pi an lé;'
Et, (1er de verdir sans l'orange,
Croît l'arbre de la liberté.
QUATRIÈME COUPLET.
E t vous, objets de nobles larmes,
Braves, morts au feu des canons,
Avant que la patrie en armes
Ait pu connaître au moins vos noms,
Sous l'humble terre où l'on vous range,
Dormez, martyrs, bataillon indompté,
Dormez en paix, loin de l'orange,
Sous l'arbre de la liberté.
CINQUIÈME COUPLET.
(Ajouté par le frère de Jenneval, après la mert
de ce dernier, 19 octobre 1830.)
Ouvrez vos rangs, ombres des braves!
Il vient, celui qui vous disait :
Plutôt mourir que vivre esclaves!
Et, comme il disait, il faisait!
Ouvrez vos rangs, noble phalango!
Place au poète, au chasseur redouté!
Il vient dormir, loin de l'orange,
Sous l'arbre de la liberté.
En 1848, alors que la France venait de ren-
verser un trône impopulaire, la Belgique en
ressentit le contre-coup, et M. de Lonlay com-
posa les paroles d'une nouvelle Brabançonne,
avec de très-légères variantes dans la musi-
que. Voici ces couplets :
PREMIER COUPLET.
La liberté, si salutaire,
Ne craint pas d'user de ses droits;
Le ciel nous donne pour nous plaire
Le plus juste et meilleur des rois.
Léopold dans son genre unique,
Par l'amour seul de son peuple abrité.
Fait enfin fleurir en Belgique
Le règne de la liberté, (ter.)
DEUXIÈME COUPLET.
Celui qui veut garder l'empire.
Réussir dans tous ses projets,
N'y doit compter que s'il inspire
Vraiment l'amour à ses sujets.
Léopold, par la république
N'a-t-il pas vu son sceptre respecté?
Car il fait fleurir en Belgique !
Le règne de la liberté, (ta:)
TROISIÈME COUPLET.
Tremblant devant les patriotes
Et partout flairant le trépas,
De satellites les despotes
Ne savent qu'entourer leurs pas.
Léopold, et toute sa race,
Par le cœur sûr de son peuple est fêté.
Car il laisse errer sur sa trace
Le rayon de la liberté, (ter.)
Plus tard, M. Campenhout voulut, à l'exem-
ple de son maître Apollon, marier le laurier
poétique aux palmes de la musique, et com-
posa les couplets suivants :
PREMIER COUPLET.
Après des siècles d'esclavage.
Le Belge, sortant du tombeau,
A reconquis, par son courage,
Son nom, ses droits et son drapeau ;
Et ta main souveraine et flère,
Peuple désormais indompté,
Grava sur ta vieille bannière :
Le roi, la loi, la liberté!
DEUXIÈME COUPLET.
Marche de ton pas énergique,
Marche de progrès en progrès ;
Dieu, qui protège la Belgique,
Sourit à tes maies succès.
Travaillons! notre labeur donne
A nos champs la fécondité.
Et la splendeur des arts couronne
Le roi, la loi, la liberté.
TROISIÈME COUPLET.
Ouvrons nos rangs à d'anciens frères.
De nous trop longtemps désunis.
Belges, Bataves, plus de guerre!
Les peuples libres sont unis!
A jamais resserrons ensemble
Les liens de fraternité,
Et qu'un même cri nous rassemble
Le roi, la loi, la liberté !
QUATRIÈME COUPLET.
O Belgique ! à mère chérie !
A toi nos coeurs, à toi nos bras!
A toi notre sang, 6 patrie!
Nous le jurons-tous, tu vivras!
Tu vivras toujours grande et belle,
Et ton invincible unité
Aura pour devise immortelle :
Le roi, la loi, la liberté!
En tin, en 1852, quand se fondait chez nous le
second empire français, la Belgique sentit le
besoin de produire sa petite manifestation pa-
triotique, et un jeune poète, M. Louis Hymans,
composa de nouvelles paroles sur la Braban-
çonne. Ici, du moins, il y a progrès, comme
dans le refrain qui couronne chaque couplet :
PREMIER COUPLET
Flamands, "Wallons, race de braves.
Serrons'les rangs, marchons unis!
Ne crions plus : Mort aux Bataves !
Les peuples libres sont amis.
BRAB
BRAB BRAB
BRAB 1179
Le canon, bronze tutélaire,
Peut reposer a l'ombre du succès ;
Nous avons fondé par la guerre,
Nous conservons par le progrès.
DEUXIÈME COUPLET.
Chantons, enfants, l'honneur antique,
La fierté qui sauva nos droits,
L'amour qui garde à la Belgique
Le plus légitime des rois.
Le dernier courroux populaire
S'est apaisé devant l'hymne de paix!
Nous avons fondé, etc.
TROISIÈME COUPLET.
Au sein de la tempête sombre,
Le Dieu des faibles nous défend ;
Peuple, sans force par le nombre,
Mais que la liberté fait grand !
La liberté, gloire si chère,
Que nous gardons pure de tout excès.
Nous avons fondé, etc.
QUATRIÈME COUPLET.
Enfants-de la jeune patrie,
Enfants égaux devant ses lois,
Qu'elle demande notre vie,
Nous saurons mourir à sa voix!
Mais le sang d'un Belge, d'un frère,
Sous notre main ne doit couler jamais.
Nous avons fondé, etc.
CINQUIÈME COUPLET.
Grand Dieu, protège la Belgique!
Défends-la contre tout danger,
Contre le sabre despotique,
Contre le joug de l'étranger;
Défends la terre hospitalière ;
Elle a des droits, Seigneur, à tes bienfaits!
Nous avons fondé, etc.
SIXIÈME COUPLET.
Que ce drapeau soit notre guide!
Couverts de ses plis respectés,
Vivons pour le roi, notre guide,
Pour le trône et nos libertés.
Noble étendard, au jour de guerre
Vous le verrez, ainsi qu'au jour de paix,
Planté sur notre libre terre, ) . . . .
Être le phare du progrès. )
Voilà le phare du progrès. {bis.)
BRABANT,BRABANT, a n c i e n n e p r o v i n c e de la F r a n c e
austrasienne, ayant dépendu successivement
du duché de basse Lotharingie, du cercle de
Bourgogne, des Pays-Bas espagnols et au-
trichiens et de l'empire français, et partagée
aujourd'hui entre le royaume de Belgique et
celui de Hollande. L'ancien Brabant avait
pour limites au N. le comté de Hollande et le
duché de Gueldre, à TE. le pays de Liège, au
S. les comtés de Hainaut et de Namur, àl'O.
le comté de Flandre, fief français, et possé-
dait en outre, depuis 1288, le duché de Lim-
bourg. Il subsista ainsi, dans son intégrité,
jusqu'en 1629, époque à laquelle les Provin-
ces-Unies, récemment émancipées du joug
espagnol, conquirent toute la partie septen-
trionale, avec les villes de Bréda, Berg-op-
Zoom, Bois-le-Duc, Tilbourg et Venloo.— Le
poème de saint Liéven (Epistola ad Flober-
tum), qui souffrit le martyre aux environs
d'Alost en 633, poëme qui est le plus an-
cien monument contenant le nom de cette
province, Ja nomme pagus Bragmatensis, de
bruc ou brac, qui signifiait boisé, et de band
ou banc, qui, de même que bannus, voulait
dire terre limitée, de sorte que ce mot com-
posé désignait une contrée couverte de bois
et coupée par des eaux et des marécages,
qui correspondait, d'après les historiens, à
1 espace compris de l'E. à l'O. entre l'Escaut
et la Dyle , et qui se prolongeait vers le N.
jusqu'à Malines. Bientôt la hache des moines
éclarcit peu à peu les forêts épaisses de ce
territoire, qui ne comptait encore au X
e
siècle
qu'une seule ville un peu importante, Gem-
bloux (Geminiacum), traversée par une voie
romaine et mentionnée dans l'Itinéraire d'An-
tonin. Après Charlemagne, par suite de l'hé-
rédité des gouverneurs de provinces, s'éta-
blissent, avec les titres de ducs, de comtes, les
divisions en petits Etats, relevant plus ou
moins de l'Empereur. Le duché de Lothier ou
de Brabant a les siens, parmi lesquels, por-
tant le titre de ducs de la basse Lorraine,
Charles et Othon de France, princes carlo-
vingiens, débiles héritiers d'une couronne que
Hugues Capet sut conquérir. Après la mort
d'Othon, en 1005, le Brabant proprement dit
échut à son beau-frère Lambert, comte de
Louvain, qui eut l'ambition d'hériter en même
temps de la dignité ducale, laquelle l'eût élevé
au-dessus des autres comtes de la basse Lor-
raine. Ligués contre lui, ceux-ci le défirent
dans une grande bataille où il perdit la vie.
Un siècle s'écoula, après lequel Godefroid de
Bouillon, roi de Jérusalem, étant mort, son ti-
tre de duc de Lothier et de Brabant échut à
Godefroid le Barbu, comte de Louvain, ar-
rière-petit-fils de Lambert (1106) qui, de Lou-
vain, transféra sa résidence à Bruxelles. Vé-
ritablecréateur de la puissance brabançonne,
Godefroid se vit bientôt assez fort pour ranger
sous sa loi le marquisat d'Anvers, compre-
nant Anvers, Herentnal,Turnhout, Bréda, etc.,
les comtés d'Arschott et de Tirlemont; mais
ses prétentions et celles de ses successeurs
sur la seigneurie de Malines, possession lié-
geoise, furent l'occasion de longues et san-
glantes querelles entre le pays de Liège et le
Brabant. Ainsi le duc Henri 1 " , malgré son
alliance avec l'empereur Othon IV, vaincu à
Steppes, fut réduit à venir à genoux, tête et
pieds nus, implorer du prince-évéque de Liège
tme paix humiliante (1213). Son petit-fils
Henri III cultiva la poésie française, ainsi que
sa sœur, la célèbre Marie de Brabant, femme
de Philippe le Hardi et reine de France. Le
duc Jean 1er f
u
t vainqueur à Woerengen,
célèbre et sanglante bataille qui décida l'an-
nexion du duché de Limbourg au Brabant.
Son fils Jean II eut à lutter contre le mouve-
ment qui, des communes flamandes, s'était
communiqué aux cités brabançonnes. Il dut
leur accorder par une charte donnée à Cor-
temberg,en 1312, des immunités que confirmè-
rent ses successeurs, et c'est de là que datent
les états de Brabant, qui ont joué dans l'his-
toire du pays et jusqu'à la fin du dernier siè-
cle un rôle prépondérant. Le dernier descen-
dant direct de Godefroid le Barbu, Jean III,
qui, abdiquant la politique de ses aïeux, em-
brassa celle d'Edouard III, roi d'Angleterre,
contre la France, mourut en 1355, laissant
son pouvoir à Wenceslas, duc de Luxembourg,
époux de Jeanne de Brabant, sa fille aînée.
Wenceslas eut à défendre ses droits contre
Louis de Maie, comte de Nevers et de Flandre,
et gendre égalementduduc défunt. Marguerite
de Brabant, fille de Louis de Maie par son
mariage avec Philippe le Hardi; quatrième
fils du roi Jean, apporta la Flandre, et plus
tard le Brabant, à cette branche des Valois.
L'influence française fut dès lors rétablie à la
cour de Bruxelles. En 1406, Antoine de Bour-
gogne, troisième fils de Philippe le Hardi, re-
cueille l'héritage du duché de Brabant, prend
parti pour son frère Jean sans Peur dans sa
querelle avec les Armagnacs, et périt à Azin-
court, dans les rangs de 1 armée française
(1415). Son fils aîné Jean IV fait la guerre
aux Anglais, qu'il défait à Montargis. Philippe,
comte de Saint-Pol et successeur de Jean IV,
meurt sans héritier en 1430, laissant son au-
torité à Philippe le Bon, fils aîné de Jean sans
Peur, qui bientôt réunit sous le sceptre de la
maison de Bourgogne les dix-sept provinces
des Pays-Bas- Depuis, le Brabant a suivi les
destinées de ces provinces. (V. BELGIQUE.)
Les vicissitudes de la guerre qui aboutit à
l'indépendance des provinces du Nord, formant
aujourd'hui le royaume de Hollande, amenè-
rent le morcellement de la contrée dont nous
venons de rappeler les principaux titres his-
toriques.J_.es districts septentrionaux, compre-
nant une partie du marquisat d'Anvers et de
la Campine brabançonne, autrement dire : la
baronnie de Bréda, le marquisat de Berg-op-
Zoom, le quartier de Tilbourg et la mairie de
Bois-le-Duc, formèrent les pays de la géné-
ralité ou des états généraux, ainsi nommés
Sarce que, ayant été conduis par les Provinces-
taies, ils étaient administrés par les états
généraux. Leurs habitants n'avaient aucune
part au gouvernement ni au privilège dont
jouissaient les sept provinces souveraines.
Ces districts forment aujourd'hui la province
hollandaise nommée Nord-Brabant. A la fin
du siècle dernier, les Français s'emparèrent
du Brabant autrichien, et le conservèrent par
le traité de Campo-Formio ; ils en formèrent
alors le département des Deux-Nèthes, ch.-l.
Anvers, et celui de la Dyle, ch.-l. Bruxelles.
Enfin, en 1810, Napoléon 1er réunit le Bra-
bant hollandais à la France et en forma le
département des Bouches-du-Rhin, ch.-l.
Bois-le-Duc. Les traités de 1815 donnèrent le
Brabant tout entier au royaume des Pays-
Bas , dont il forma la principale partie ; il
fut divisé en trois provinces : le Brabant
septentrional, Anvers et le Brabant méridio-
nal. Lorsque, par suite de la révolution de
1830, la Belgique est devenue un royaume
indépendant, la province d'Anvers et le Bra-
bant méridional ont formé deux des provinces
administratives du nouveau royaume.
— Mœurs, tangues, coutumes. Dès les temps
antiques, les tribus gauloises des Ménapiens
et des Aduatiques, qui occupaientees contrées,
se signalèrent par la rudesse de leurs mœurs.
Saint Liéven, qui, comme on l'a vu, les évan-
gélisa, signale leur cruauté, dont il fut lui-
même victime. Bonifa.ce, qui a écrit la vie de
cet apôtre du Brabant, d'après le témoignage
de ses disciples, dit d'eux : • Ces hommes se
souillaient de tous les crimes : meurtres, ra-
pines, brigandages, parjures, adultères: ils
s'acharnaient à leur perte mutuelle, cherchant
et employant tous les moyens et toutes les
ruses pour se tromper, se ruiner et s'égorger. •
(Actes des saints, recueillis par Mabillon,
t. II.) Le roman du Renard, écrit au ixe siè-
cle , les juge non moins défavorablement :
« Ahl coquin, fait dire l'auteur à l'un de ses
personnages, tu as été un grand Brabançon,
cette nuit. » Coupé de forêts et de marécages,
le pays ne pouvant nourrir tous ses habitants,
beaucoup s expatrièrent, allant guerroyer en
Angleterre, en France, où ils précédèrent les
cottereaux et les grandes compagnies, et en
Italie même les condottieri. Mais la. haute re-
nommée que leur fit leur courage fut ternie par
leurs habitudes de rapine. L'abbé de Cluny
écrivait à Louis VII : « Il est sorti du Brabant
des hommes plus cruels que les bêtes sau-
(
vages, qui se sont rués sur nos terres, n'épar-
gnant ni âge, ni sexe, ni conditions, ni égli-
i ses, ni villes, ni châteaux. » Wautier de
1
Coinsi, poète du xne siècle, dit dans les
Louanges de Notre-Dame ;
Cil coterel, cil Brabançon
Ce sont déables'
I Chose étrange 1 cette rudesse sauvage des
anciens habitants du Brabant était passée en
I proverbe chez leurs voisins les Flamands;
leurs chroniqueurs traitaient de « race sans
foi ni loi » la population du comté d'Einham,
entre la Dendre et l'Escaut, que la Flandre
au xe siècle avait conquis sur le Brabant.
Mais, au xme siècle, le défrichement d'une
grande partie des forêts qui couvraient le
pays y ayant répandu plus de bien-être, les
moeurs s adoucirent, l'émigration des gens de
guerre prit fin. Aux combattants succédèrent
des ouvriers, et surtout des tisserands. Lou-
vain et Tirlemont atteignirent par la fabrica-
tion du drap une prospérité comparable à celle
des grandes villes flamandes; les tapisseries,
les armes et les dentelles de Bruxelles étaient
renommées à la fois en Allemagne, en Angle-
terre, en France et en Espagne. Un traité de
. commerce entre le Brabant et la Flandre, si-
gné en 1339 , sous l'influence du célèbre van
Artevelde, tendait déjà à unir les deux pro-
vinces par la communauté des intérêts. Deux
siècles s'écoulèrent, pendant lesquels la na-
tionalité flamande atteignit son apogée et
absorba dans sa vitalité le Brabant et tous les
Pays-Bas jusqu'à la Frise: mais les dissen-
sions civiles, fruit d'une liberté sans limites,
ébranlèrent cette prospérité inouïe, dont les
luttes religieuses du xvie siècle achevèrent
la ruine. L industrie du Brabant ne s'est ja-
mais relevée.
Nous ne pouvons non plus passer sous si-
lence les corps de milice et des métiers qui
jouèrent un si grand rôle dans l'histoire du
pays. Leur origine remonte à celle de l'indus-
trie brabançonne, bien que les nobles et les
patriciens s'y firent recevoir afin d'y exercer
un commandement. Un conseil de tisserands,
d'abord institué pour veiller au maintien de
l'ordre dans cette industrie, acquit bientôt
l'importance d'un corps politique; car les ou-
vriers qu'il représentait dépassaient en nom-
bre ceux des autres corps de métiers réunis.
C'était, en outre, une sorte d'assemblée de
prudhommes rendant la justice, ou plutôt un
tribunal de praticiens, du moins jusqu'au
xve siècle, où les simples artisans, d'abord
admis par moitié, -finirent par prédominer.
Chaque corps de métier avait son poste pour
la garde de la cité. Outre cette bourgeoisie
armée, qui formait comme la landwehr des
villes, il "existait aussi des confréries mi-
litaires, troupes d'élite toujours disponibles.
On les appelait gilden ou gulden (en français
serment)] ils étaient composés d'arbalétriers
et avaient pour patrons Notre-Dame, saint
Georges, saint Sébastien et saint Christophe.
Leur institution remontait à l'an 1213, année
fatale aux armes brabançonnes, où, les Lié-
geois, vainqueurs à Steppes, envahirent et
saccagèrent une grande partie du Brabant. En
1623, cette milice lutta seule et échoua contre
les Hollandais, qui venaient de conquérir la
partie nord du duché, qu'ils occupent encore.
Au xive siècle, la vigne était cultivée dans
le Brabant, notamment aux environs de Lou-
vain, où les ducs de Bourgogne avaient des
chais importants; mais, à leur sujet, la cour
des comptes remontra humblement à Philippe
le Bon que : « Pour entretenir et faire labou-
rer les vignobles de mondict seigneur, il con-
vient de débourser tous les ans grande somme
d'argent, pour ladicte vignoble, le cuvelier
et autres dépenses, tellement que les vins que
monseigneur en prend lui coustent plus qu ils
vaillent et qu'il achèteroit à bien moindre
prix vin de Beaune. » Les ducs de Bourgogne
profitèrent de l'avis, affermèrent leurs vigno-
bles et burent de meilleur vin, à grand prou-
fit de menaige, ajoute mons Chastelain, leur
zélé chroniqueur.
Le Brabant était divisé, sous le rapport de
la langue, en pays flamingant et en pays wal-
lon ou français. Celui-ci, beaucoup moins
étendu que le premier, comprenait seulement
les districts du sud détachés de l'ancien Hai-
naut, avec les villes de Halle , Nivelles,
Genape, Wavre et Gembloux. Le flamand
brabançon est aujourd'hui encore, sauf l'ad-
mission de mots français et haut-allemands,
le thiexthe ou thiois qu'écrivirent au moyen
âge Maerlandt et Jean 1er de Brabant. Voici
les plus célèbres des écrivains brabançons :
Jean van Hein (xm
e
siècle), auteur d'un
poëme sur la bataille de Woeringen; Louis
van Velthem (xive siècle), Miroir historique
du Brabant, en vers; Nicolas de Klerx
(xive siècle), chronique rimée; Gérard Roe-
landts, mort en 1491, le Miroir de la jeu-
nesse, etc. Ces ouvrages permettent de juger
du peu d'importance des changements opérés
depuis dans le flamand thiois. Peu de contrées,
d'ailleurs, ont gardé aussi intactes les mœurs
et coutumes des ancêtres. Les sociétés de tir
à l'arc, à l'arbalète et à l'arquebuse y fleuris-
sent encore, aussi prospères qu'autrefois ; les
estaminets ont toujours, ou peu s'en faut, la
ronde et grosse allure des cabarets de Téniers ;
les kermesses ou fêtes patronales montrent
à nos regards surpris ces processions de fa-
milles de géants, dont le chef s'appelait Anti-
gone à Anvers et Hercule à Louvain, ou ces
combats de chevalerie contre une bête af-
freuse, une sorte de tarasque qui désola jadis
la contrée, allégorie, rappelant sans doute le
triomphe obtenu par les dessèchements sur
les miasmes marécageux qui empestaient l'an-
cien Brabant. Les processions religieuses,
elles-mêmes, y ont gardé toute la pompe es-
pagnole ; une place d'honneur y est encore as-
signée aux corporations ouvrières, qui s'y ren-
dent avec ferveur, portant les vieilles ban-
nières, des communes; enfin les franchises
communales, qui ont presque partout disparu
devant le progrès du pouvoir royal, s'y sont
religieusement maintenues. Ce n'est pas ici
le lieu d'insister sur l'active participation des
peuples du Brabant au mouvement commu-
nal, que la domination française entrava long-
temps dans la Flandre. Rappelons oue, dès
1040, Louvain reçut le droit de franchise ou de
commune du comte Lambert II et commença
à avoir des bourgmestres élus par le peuple
en 1219. Plus quen aucune autre contrée la
construction des hôtels de ville devint un su-
jet d'orgueil et d'émulation pour ces petites
républiques du moyen âge, jalouses que la
tour commune, aperçue de loin, donnât une
haute idée de leur puissance. Les hôtels de
ville de Louvain et de Bruxelles sont juste-
ment célèbres. — Les droits et privilèges que
le Brabant obtint et garda jusqu'au moment
de la conquête française, beaucoup plus éten-
dus que ceux des autres provinces, leur fu-
rent octroyés en 1312 par Jean II dans la fa-
meuse charte de Cortemberg, qui fut le fonde-
ment de la constitution brabançonne. Il ne
serait pas sans intérêt.d'énumérer ici les di^
verses clauses de ce pacte; faute d'espace,
nous n'indiquerons que les plus essentielles.
La première de toutes , c'est que le prince ne
pouvait soumettre les communes à la taxe que
de leur plein consentement. Ces drapiers, ces
forgerons, ces tisserands, auxquels Charles le
Téméraire, et plus tard Charles-Quint par-
laient la barrette en mains, en leur demandant
des subsides qu'ils n'accordaient pas toujours,
exerçaient en réalité le vrai pouvoir souve-
rain. Indépendamment des chefs des métiers,
le prince, étroitement lié par les fortes insti-
tutions communales, devait encore compter
avec le corps des échevins et avec celui des
chefs de milice. Aussi, tandis que de splen-
dides édifices attestaient la puissance des
communes, les souverains du Brabant durent
se contenter de modestes demeures, parfois
éclipsées par l'habitation des chefs des grandes
familles brabançonnes. Aujourd'hui encore, le
palais municipal, le palais . législatif de
Bruxelles et plusieurs hôtels de la noblesse
dépassent, par leur aspect monumental, l'édi-
fice bourgeois et sans style affecté à ia de-
meure du roi. Chaque nouveau prince, à par-
tir du duc Wenceslas, en 1356, jurait d'obser-
ver fidèlement la charte constitutive du
Brabant, qui porta dès lors le nom de Joyeuse
entrée, et que Philippe le Bon étendit aux ha-
bitants du Limbourg. Il y était expressément
stipulé qu'en cas d infraction à leurs droits,
les sujets avaient la faculté de cesser le ser-
vice et l'obéissance, mais sans entraîner toute-
fois la déchéance du prince, du souverain na-
turel, comme on disait alors. Tous les emplois
devaient être occupés par des Brabançons;le
droit de porter des armes et de chasser était
reconnu à tous les artisans et bourgeois ; en-
fin les villes seules avaient le droit de repré-
senter le peuple dans les états généraux,
institution représentative digne d'intérêt et
qu'il nous reste à faire connaître.
BRABANT
BRABANT (états de), représentation directe
de tous les pouvoirs politiques et législatifs
de l'ancien duché de Brabant. La charte de
Cortemberg,donnée par Jean II en 1312, con-
stitua les trois états, comprenant la noblesse,
le clergé et le tiers état. Les deux premiers
prenaient par eux-mêmes des résolutions sur
les affaires qui se traitaient dans l'assemblée
de chaque état; mais les députés des villes
devaient en rendre compte à leurs commet-
tants et en recevoir des ordres qui plus d'une
fois modifièrent les résolutions prises. Ainsi,
les prélats et les nobles, en prononçant en
matière d'aides et de subsides, ajoutaient à
cette décision cette restriction : A condition
gué le tiers état suive, et autrement pas. Les
états de Brabant étaient convoqués ordinaire-
ment deux fois par an, au printemps et dans
l'automne ; mais, en réalité, ils siégeaient en
permanence par des délégués qui résidaient à
Bruxelles toute l'année. Cette délégation, com-
posée de deux nobles, de deux prélats et des
deux députés de la capitale, était renouvelée
par l'élection tous les trois ans.
Les chefs des grands fiefs, au nombre do
vingt-neuf, et ceux des douze principaux mo-
nastères du Brabant siégeaient de droit. C'é-
taient, pour les premiers : l'abbé de Gembloux,
qui portait le titre de comte et avait le premier
rang parmi la noblesse; puis les ducs d'Arsthot,
d'Ursel et d'Hoboken, les marquis d'Assch,
d'Ittre et d'Ayseau, les comtes de Liberchies,
de Dongelberg, de Croï, de Hombeek et de
Tilbourg, et les barons de Moriensart, de
Bautersem , d'Hoghvorst, de Vremde, de
Schoonhone, de Herenth, de Carloo, d'Hul-
denberg, de Lichtaert, de Schilde, de Saint-
Peters-Leuw. de Gentines, de Pelenberg, de
Hove, de Duffel, de Limelette, de Perck et de
Molenbais. Le clergé avait pour représentants,
'indépendamment de l'abbé-comte de Gem-
bloux : les abbés d'Afflighem, de Saint-Ber-
nard, de Vlierbeck, de Villiers, de Saint-Ber-
nard, de Saint-Michel d'Anvers, de Grimber-
ghen, de Parc, d'Heylissem, d'Everboden, de
Diligern,deSainte-Gertrude et de Tongerloo.
Jusqu'au xvr* siècle, aucun évoque ne siégea
sur les bancs du clergé, par cette raison que
le duché de Brabant, en majeure partie, dé-
F
endait du diocèse de Liège; mais, en 1559,
archevêque de Malines et les évêques de
Bois-le-Duc et d'Anvers, créés sur la demande
de Philippe II, y prirent place comme repré-
sentants de tel ou tel monastère de leurs nou-
veaux diocèses. Etaient députés des chefs*
1180 BRAB
BRAC BRAC
BRAC
tilles : le premier bourgmestre et le premier
pensionnaire de Louvain ; le premier bourgmes-
tre, le premier échevin et le premier pension-
naire de Bruxelles; le premier bourgmestre,
et le premier échevin d Anvers, un conseiller
K
ensionnaire, entin un receveur général dans
s district de chaque chef-ville. Ainsi donc,
les trois villes souveraines du Brabant étaient
seules représentées aux états. La population
des campagnes, trop ignorante encore pour
ambitionner sa délivrance des liens féodaux,
plus doux d'ailleurs, plus paternels en quel-
que sorte qu'ils ne l'étaient dans les autres
pays, venait à l'appel du beffroi se ranger
sous la bannière des cités reines, alors toute-
fois qu'elles ne servaient point de milice aux
seigneurs contre leurs sujets.
Le rôle politique des états généraux fut
moins actif qu'on ne pourrait le supposer pour
ces époques troublées. C'est que les fortes
institutions communales absorbaient en quel-
que sorte l'activité des esprits. Sous l'absolu-
tisme espagnol, alors que la vie communale
s'éteignit un moment, tes états de Brabant,
réunis à ceux de Flandre, appuyèrent éner-
giquement l'insurrection des dix-sept pro-
vinces; mais les dramatiques incidents de
cette lutte trouveront leur place naturelle à
l'occasion de la Hollande, dont elle assura
l'indépendance.
BRABANT
BRABANT MÉRIDIONAL, province admi-
nistrative de la Belgique, comprise entre
celles d'Anvers au N., de Liège et de Lim-
bourg àl'E., de Hainaut et de.Namur au S.,
et de Flandre orientale à l'O. Superficie,
328j323 hectares; 772,728 hab. Le sol, assez
accidenté au sud, vers les'limites du Hainaut,
s'abaisse et devient uniforme au nord ; il est
arrosé par la Dyle, la Senne, la Tendre, et
sillonné par plusieurs canaux, parmi lesquels
ceux de Louvain et de Bruxelles sont les plus
importants. Les produits agricoles de cette
province sont très-abondants et consistent
surtout en colzas, lin, chanvre et houblon.
L'industrie, très-florissante , compte de nom-
breuses fabriques d'étoffes de laine, de lin et
de coton, savon, faïence, produits chimiques,
verreries et raffineries de sucre, distilleries et
brasseries. Le Brabant méridional est divisé
en trois arrondissements : Bruxelles, Louvain
et Nivelles.
BRABANT
BRABANT SEPTENTRIONAL ou HOLLAN-
DAIS, province du royaume de Hollande,
bornée au N. par les provinces de Hol-
lande et de Gueldre , à l'O. par celles de
Zélande, au S. par les provinces d'An-
vers et.de Limbourg, et à l'E. par le Lim-
bourg hollandais. Superficie 440,000 hectares;
414,470 hab. Le sol, plat, bas et marécageux,
est très-peu boisé; tes tourbières, les landes
et les marais couvrent la plus grande partie
de son étendue. Les principales rivières sont :
la Meuse, l'Escaut oriental et la Diest: parmi
les nombreux canaux qui traversent la pro-
vince, le plus important est celui de Bréda.
Malgré l'humidité, cette contrée est générale-
ment salubre, et 1 agriculture y esttrès-avan-
I cée; on y récolte du seigle, de l'avoine, du
blé noir, du colza, du lin et du chanvre;
élève de bétail et d'abeilles. L'industrie est
développée : on y trouve de nombreuses fa-
briques de draps, étoffes de laine, toiles, po-
teries, tanneries, brasseries, etc. Cette pro-
vince se divise en trois arrondissements : Bar-
le-Diic, Bréda et Eindhoven.
BRABANT
BRABANT (ducs d e ) , princes souverains
dont la tige remonte à Gerberge, fille de
Charles de France, duc de la basse Lorraine,
qui épousa Lambert l e , comte de Mons et de
Louvain. Voici les noms de ces princes : —
HENRI le Guerroyeur, premier duc de Brabant,
porta d'abord le titre de comte de Louvaùij
partit en 1183 pour la Terre sainte avec Gui
de Lusignan et Raymond, comte de Tripoli,
fit un second voyage en Palestine en 1197, à
son retour combattit les comtes de Gueldre
et de Hollande, puis l'évêque de Liège, maria
sa 611e à l'empereur Othon et le suivit à la
bataille de Bouvines. IL mourut à Cologne en
1235. — Il eut pour successeur HENRI II, son
fils, surnommé le Magnanime, qui mourut en
1248, et se signala par la douceur de son gou-
vernement. — HENRI III, le Débonnaire, cul-
tivait la poésie et composa quelques chansons
françaises. Il mourut en 1261. — JEAN I " , le
Victorieux, lui succéda au préjudice de son
aîné Henri. Il épousa Marguerite de France,
fille de saint Louis, marcha an secours de
Jeanne de Navarre avec son beau-frère Phi-
lippe le Hardi, fit reconnaître l'innocence de
la reine de France Marie de Brabant, accusée
d'avoir empoisonné le prince Louis, conquit
le duché de Limbourg après avoir tué de sa
main Henri, comte de Luxembourg, et mou-
rut en 1294 d'une blessure qu'il avait reçue
dans un tournoi. — JEAN II, le Pacifique, pu-
blia l'ordonnance du bien public, qui assurait
les libertés et privilèges des villes du Bra-
bant. Il institua aussi, par la charte de Cor-
temberg, le conseil souverain de cette pro-
vince, et il mourut en 1312. — JEAN III, le
Triomphant, vit son alliance recherchée par
Philippe de Valois, et mourut en 1355. Sa
fille Jeanne, qui avait épousé Wenceslas,
frère de l'empereur Charles IV, prit ensuite
le titre de duchesse de Brabant; mais elle eut
à soutenir une longue lutte avec le comte de
Flandre. —ANTOINE, devenu duc de Brabant
du chef de sa mère, héritière de la duchesse
Jeanne, fut tué à la bataille d'Azincourt en
1415. — JEANIV, son fils, épousa Jacqueline
de Bavière, sa cousine, qui fit ensuite casser
son mariage pour épouser le duc de Gloces-
ter. 11 en résulta des troubles et des guerres
qui durèrent longtemps, Jean IV mourut en
1427, et laissa son duché à son frère, qui
mourut lui-même sans postérité en 1430. Le
Brabant fut alors réuni aux Etats de Philippe
le Bon, duc de Bourgogne.
BRABANT
BRABANT (Jean-Baptiste), homme politique
belge, né Namur en 1802. De 1831 à 1848, il
a été un des chefs du parti catholique dans
les assemblées représentatives de la Belgique,
et il a figuré avec quelque éclat dans toutes
les discussions importantes. Il s'est retiré de
la vie politique après 1848.
BRABÉION
BRABÉION s. m. (bra-bé-ion — du gr. bra-
beion, sceptre). Bot. Genre d'arbres, de la fa-
mille des protéacées, comprenant une seule
espèce, qui croît au Cap de Bonne-Espé-
rance.
BRAB
BRAB AN TE s. f. (bra-ban-te — rad. Bra-
bant). Comm. Sorte de toile de lin qui se
fait aux environs de Gand, Bruges, Bruxelles,
Anvers, Ypres et Utrecht.
BRABEUTE
BRABEUTE s. m. (bra-beu-te — du gr.
brabeus
}
arbitre). Antiq. gT. Officier grec qui
présidait aux jeux et distribuait les prix aux
vainqueurs.
BRABYLE
BRABYLE s. m. (bra-bi-le). Hortic. Petite
variété de prune sauvage.
BRAC
BRAC s. m. (brak). Usité dans la locution
familière De bric ou de brac, De façon ou d'au-
tre : DE BRIC ou DE BRAC, il faut que je l'aie.
il On dit aussi DE BRIC ou DE BROC, H Usité
aussi dans le nom composé BRIC-A-BRAC. V.
ce mot.
— Chass. Se dit quelquefois pour BRAQUE,
— Ornith. Espèce de calao d'Afrique.
— Jeux. Nom d'un jeu de cartes d'origine
française, dont l'invention ne date que d e .
quelques années : Faire une partie de BRAC
Faire un BRAC.
— Encycl. Le brac dérive du besigue, dont
il ne diffère qu'en ce que la quinte d atout ne
vaut que 150 points, au lieu de 250, et la réu-
nion des deux valets de carreau et des deux
dames de pique, que 80 points, au lieu de 500.
La partie s engage entre trois personnes,
mais deux seulement tiennent les cartes, celle
qui a le moins de points cédant chaque fois la
place à la troisième. On joue à 60 ou 80 je-
tons, à chacun desquels on attribue une va-
leur de convention, 10 points par exemple. On
procède comme au besigue; mais voici com-
ment on règle les comptes à, chaque coup.
Le joueur A a fait 380 points, le joueur B n'en
a que 230, donc le premier en compte 150, dif-
férence des deux nombres, et il prend dans
le corbillon, où ils ont été déposés, les 15 je-
tons qui la représentent. Quand il ne reste
plus que quelques jetons, s'ils ne suffisent pas
pour solder le compte du joueur qui l'emporte,
le perdant est tenu d'en donner le complé-
ment, s'il l'a. S'il ne l'a pas, le gagnant prend
seulement ce qui reste.
BRACARI,BRACARI, peuple de l'ancienne Espagne
Tarraconaise, au N. du Douro; leur capitale
était Augusta Bracara, aujourd'hui Braga, et
leur territoire comprenait les provinces de
Minho et Tras-os-Montes, dans le Portugal.
BRACBANTUM
BRACBANTUM et PAG US BRACBATENSIS,
noms latins du Brabant.
BRAÇAL
BRAÇAL s. m. (bra-sal). Forme ancienne
du mot BRASSARD.
BRACCATA
BRACCATA ou GALL1A BRACCATA, déno-
mination donnée par les Romains à la Gaule
Narbonnaise, à cause de l'espèce de pantalons
larges (braccœ) que portaient les habitants.
BRACCESCO
BRACCESCO DAGLI ORZI NOVI (Jean),
prieur des chanoines réguliers de Saint -
Segond, qui s'adonna à la philosophie hermé-
tique ; était né à Brescia, et vivait au milieu
du xvie siècle. Il commenta l'alchimiste arabe
Geber, dans deux traités en italien qui furent
traduits en latin par Grataroli, et qui furent
aussi publiés à Lyon, en 1548, sous ce titre :
De Alchemia dialogi duo.
BRACC1 (Dominique-Augustin), archéologue
italien, né a Florence en 1717, mort en 1792.
Il était prêtre, et membre de la Société royale
des antiquaires de Londres; Il se fit connaître
d'abord en publiant sa Dissertazione sopra un
clipeo votivo spettante alla famigtia Arda-
buria, trovato l'anno 1760, nelle vicinanzi
d'Orbitello (Lucques, 1781). On lui dut ensuite
un ouvrage plus considérable intitulé : Com-
mentarii de antiquis sculptoribus qui sua
nomina inciderunt in gemmis et cameis
y
cum
pluribus monumentis ineditis (1784-1786, 2 vol.
în-fol.)
BRACCI
BRACCI ( Pietro ) , sculpteur romain du
xvme siècle. Il a exécuté un grand nombre
d'ouvrages qui se trouvent, pour la plupart, à
Rome, et dont les principaux sont : les Tom-
beaux de Benoit XIV et de Marie-Clémentine,
reine d'Angleterre; la Statue colossale de saint
Vincent de Paul; Saint Jean-Baptiste devant
Hérode, bas-relief qu'on voit à Saint-Jean de
Latran; des Anges de bronze à Sainte-Marie
Majeure, etc. On trouve dans ces ouvrages une
conception hardie et une exécution habile ;
mais ils^se ressentent, quant au style, du mau-
vais goût de l'époque.
BRACC1ANO, bourg des Etats de l'Eglise, à
30 kilom. N.-O. de Rome, près de la rive oc-
cidentale du petit lac du même nom ; 1,800 hab.
Eaux thermales et bains; beau château des
Torlonia, ducs de Bracciano.
Braccîano, un des rares endroits habités
dans le désert de la campagne romaine, eut
jadis une grande importance. Au xve siècle,
les Orsini y firent bâtir un château gothique
en lave noire, qui leur servit souvent de re-
fuge au milieu de cette époque de troubles et
de violences. Les Odescalchi en sont proprié-
taires depuis le.siècle dernier, et jouissent des
droits féodaux qui y sont encore attachés. Il
Tout près se trouve le lac de Bracciano, qui
occupe le fond d'un cratère, et compte 22 milles
de tour et 300 m. de profondeur. Son nom an-
tique de Sabatinus vient d'une ville de Sabate,
qui a été engloutie par le lac dans un trem-
blement de terre.
BRACGIO
BRACGIO s. m. (bra-tchio — mot ital. qui
signifie bras). Métrol. Mesure de longueur
usitée en Italie, et valant, selon les localités,
de 0 m. 5,298 a o m. 6,481. Il On dit aussi
BRACE
BRACE s. m. (bra-sc). Bot. Nom que les
Gaulois donnaient à une variété d'épeautre,
et qu'on lui donne encore dans les Abruzzes,
où elle est cultivée pour l'alimentation du
pays.
B R A C È L E s. m. (bra-sè-le). Ancienne pièce
d'armure qui couvrait le bras.
BRACCIOBRACCIO DI MONTONE (André), fameux
condottiere italien, né en 1368 à Pérouse, de
la puissante famille patricienne des Forte-
bracci, chassée avec toute la noblesse par une
révolution démocratique. Il fit longtemps la
guerre pour divers princes et Etats d'Italie,
s'empara de sa cité natale avec ses bandes, et
exerça avec assez de modération le pouvoir
qu'il avait acquis par la violence. Il tenta de
même la conquête de Rome, enleva la ville en
1417
;
en fut chassé par Sforza, le rival de toute
sa vie militaire, mais garda, sous la suzerai-
neté de l'Eglise, la possession de plusieurs
villes. Passé au service de Naples, il fut vaincu
et blessé devant Aquila, et se laissa mourir
de faim pour ne pas survivre à sa honte
(H24). Les mercenaires formés à son école et
ceux de Sforza furent divisés pendant' long-
temps encore en deux factions militaires sous
les noms de Bracceschi et Sforzeschi, et per-
pétuèrent, en embrassant les partis opposés,
la rivalité de ces deux célèbres condottieri.
BRACCIOL1NI (François), poète italien, né
à Pistoie en 1566, mort en 1646. Il embrassa
l'état ecclésiastique et devint secrétaire du
cardinal Ant. Barberini. Il a laissé : la Crocc
racquistata (1605, in-8°), poëme héroïque dont
le sujet est la reprise de la vraie croix sur les
Perses par Héraclius, et que quelques critiques
italiens ont prétendu placer après le poëme du
Tasse : lo Scherno aegli Dei (1618, in-4o),
poëme héroï-comique assez fade, où les dieux
du paganisme sont ridiculisés ; un poëme en
vingt-trois chants sur l'élection d'Urbain VII,
et divers autres qui ne justifient pas mieux la
renommée qu'eut le poëte de son vivant.
BRACCIOL1N1, savant italien. V. PoGGiO.
BRACELÉ,
BRACELÉ, ÉE adj. (bra-se-lô — rad. bra-
celet). Archit. Orné de bracelets, de moulures
ou de sculptures en forme de bracelet : Co-
lonne, colonnette BRACELÉE.
BRACHKBRACHK e t BRASSE.
BRACELET
BRACELET s. m. (bra-se-lè — du lat. bra-
chium, bras, qui avait donné d'abord l'ancienne
. forme brachelet). Ornement qui se porte au-
tour du bras, le plus souvent près du poignet;:
Un
BRACELETBRACELET d'or, d'argent, de perles, de co-
rail, de cheueux. Les esclaves romains portaient
des
BRACELETSBRACELETS de fer. Il passa ses bras autour
de cette taille, qui aurait tenu dans un BRA-
CELET. (E. Sue.') Les bras nus étaient chargés
de ces énormes BRACELETS d'or, ornement par-
ticulier à Constantinople... (Th. Gaut.) Godrun
et les autres capitaines païens jurèrent, sur un
BRACELETBRACELET consacré à leurs dieux, de recevoir
fidèlement le baptême. (Am. Thierry.) Pour
des
BRACELETSBRACELETS d'or, Tarpéia livra aux Sabins
la citadelle de Borne. (L.-J. Larcher.) A l'é-
poque de la fondation de Borne, les guerriers
sabins ornaient leur bras gauche de lourds
BRACELETSBRACELETS d'or. (Bachelet.) -
La femme de Joconde
Le voyant près de s'en aller.
L'accable de baisers, et pour comble lui donne
Un bracelet de façon fort mignonne;
En lui disant : • Ne le perds pas,
Et qu'il soit toujours à ton bras,
Pour te ressouvenir de mon amour extrême :
Il est de mes cheveux, je l'ai tissu moi-même;
Et voilà de plus mon portrait
Que j'attache & ce bracelet. » •
Vous autres, bonnes gens, eussiez cru que la dame
Une heure après eût rendu l'âme:
Moi, qui sais ce que c'est que l'esprit d'une femme,
Je m'en serais à bon droit défie.
Joconde partit donc; mais ayant oublié
Le bracelet et la peinture.
Par je ne sais quelle aventure,
Le matin même il s'en souvient,
Au grand galop sur ses pas il revient.
Ne sachant quelle excuse il ferait à sa femme.
Sans rencontrer personne, et sans être entendu,
Il monte dans sa chambre, et voit près de la dame
Un lourdaud de valet
LA FONTAINE.
— P a r anal. Objet quelconque affectant la
forme d'un anneau enfilé dans un cylindre :
Les tiges de beaucoup de graminées sont divi-
sées par des nœuds ou BRACELETS qui indiquent
des cloisons intérieures.
— Techn. Lingot d'or ou d'argent allongé
et roulé. Il Poignet en cuir ou en étoffe que
les ouvriers qui polissent et brunissent les
métaux se mettent au bras gauche, pour ne
point se blesser.
— Archit. Espèce d'anneau dont on orne
quelquefois le fut des colonnes et des colon-
nettes d'une grande hauteur. On place ordi-
nairement des bracelets aux points où le fût
touche à de longues lignes horizontales. Dans
les monuments de l'époque ogivale, ces orne-
ments sont composés de baguettes ou de
tores. Dans ceux de la Renaissance et des
temps postérieurs, ils sont plats, peu saillants,
et couverts de sculptures en creux ou en re-
lief. Quelquefois aussi, ils sont formés d'in-
crustations de différentes couleurs.
— Art milit. Bracelets de banderole de
drapeau. Courroies de buflle qui pincent la
bande d'un drapeau, et sont arrêtées au
moyen de deux coutures verticales, n Bracelet
d'aide de camp, Pièce de soie frangée que
l'aide de campporte attachée au bras, comme
signe distinctif.
— Ascét. Anneau de fer maillé et hérisse
de pointes, que l'on portait au bras pour se
mortifier.
— Ornith, Anneau coloré situé au-dessus
et près du talon de certains oiseaux.
— Encycl. L'usage du bracelet remonte à la
plus haute antiquité ; il paraît avoir été connu
de tout temps par les Egyptiens, la plupart
des statues de la déesse Isis portent des bra-
celets aux bras et aux pieds. On peut voir, au
inusée du Louvre, une collection de bracelets
égyptiens; deux,entre autres, sont de la plus
grande beauté et tout en or; ils étaient ornés
de pierreries, et leur grande dimension no
E
ermet pas de les attribuer à des femmes,
es autres, comme les bracelets assyriens,
sont faits de grains de corail, de malachite,
d'onyx ou d'autres pierres semblables, enlilés
ensemble, et qui s'attachaient autour du poi-
gnet, absolument comme de nos jours. Nous
savons par Hérodote que les Ethiopiennes
portaient des bracelets d'argent. La Bible
parle de bracelets en plus d'un endroit, et, de
divers passages on peut conclure que, chez les
Hébreux, les hommes et les femmes en por-
taient également. Lorsque Juda rencontre
Thamar, sa belle-fille, dans un endroit écarté,
et que, la prenant pour une courtisane, il veut
obtenir ses faveurs, celle-ci lui demande en
échange son bâton, son anneau et son brace-
let. Lorsque Saul se fut perce de son épée, un
ennemi le dépouilla des bracelets dont ses
bras étaient ornés, et s'empressa de les porter à
David; enfin, lorsque, après la sortie d'Egypte
et la publication des tables "de la loi, il fallut
édifier le tabernacle et fabriquer des vases.su-
crés, le peuple hébreu donna tout ce qu'il pos-
sédait d or et de bijoux : « Hommes et femmes,
dit Y Exode, offrirent leurs bracelets, leurs bou-
cles d'oreilles et leurs anneaux. » Le texte so
sert de deux mots différents, armillas et dex-
tralia, qui signifient : l'un, les bracelets h l'usa ge
des hommes; l'autre, les bracelets portés par
les femmes. Au reste, cet ornement était usité
chez tous les peuples orientaux, où la pompe
et le luxe jouent un si grand rôle. Quinte-
Curce, décrivant le costume de Porus, dit:
• Sur des soleils d'or on voyait incrustées des
pierres précieuses ; ses mains et ses bras étaient
couverts de pierreries.» Ammien-Marcellin
rapporte également que les Perses ornaient
de pierres précieuses leurs colliers et leurs
bracelets, et que les souverains de ce pays
donnaient de très-riches bracelets aux ambas-
sadeurs envoyés auprès d'eux. Il n'est pas
sans intérêt de remarquer que, pendant long-
temps, le bracelet fut non-seulement porté par
les hommes aussi bien que par les femmes, mais
encore qu'il fut plus spécialement l'attribut
et la prérogative des premiers. Ce ne fut que
tard, et au sein des sociétés plus civilisées,
qu'il devint un objet de parure pour les fem-
mes. Il commença par être un signe distinctif
du pouvoir, le privilège du commandement,
l'attribut de la valeur. C'est même de cette
dernière signification que lui vient le nom
à'ariiiilla, qu'il portait en latin, d'après l'éty-
mologie suivante que lui donne Festus. • Ar-
milla, bracelets d'or que les hommes de guerre
portent par un don des généraux : on croit
que ce nom leur vient de ce que les anciens
appelaient armi les épaules avec les bras;
d où est venu le nom ù'arma, donné aux armes
suspendues aux épaules et aux bras. » Il était
peu de soldats, dans l'antiquité, qui ne por-
tassent de semblables bracnlets ; l'aventure des
Sabins et de la belle Tarpéia rentre trop dans
notre sujet pour que nous ne la rapportions
pas ici. Voici le récit de Valère Maxime :
« Sous le règne de Romulus,SpuriusTurpeius
commandait la citadelle. Sa fille, étant allée
hors des murs puiser de l'eau pour un sacri-
fice, se laissa gagner par Tatius et consentit
à faire entrer avec elle les soldats sabins, à
condition d'en recevoir ce qu'ils portaient à
leur bras gauche : elle leur voyait des brace-
lets et des anneaux d'or d'un poids considé-
rable. Quand les Sabins furent maîtres de la
place et que la jeune fille vint réclamer SOD
salaire, ils amoncelèrent sur elle leurs- bou-
cliers et l'étouffèrent, croyant ainsi acquitter
leur promesse, puisqu'ils portaient aussi leurs
boucliers au bras gauche. » Ce bracelet des
Sabins était justement celui que les Romains
nommaient armilla, et qu'ils portaient au bras
droit, tandis que les Sabins le portaient au bras
gauche ; il était composé de trois ou quatre
enroulements massifs d'or ou de bronze, qui
couvraient une partie considérable du bras.
Romains et Sabins le tenaient des Etrusques.
BRAC
BRAC
BRAC
BRAC 1181
qui furent longtemps la seule nation indus-
trieuse et civilisée de la Péninsule italique.
[j'aventure de Tarpéia avait eu son pendant
en Grèce, selon le récit d'un vieil historien :
lorsque Brennus, roi des Galates, ravageait
l'Asie, il vint à Ephèse avec son armée, et
tomba amoureux d'une courtisane de cette
ville. Celle-ci promit de lui accorder ses fa-
veurs et de lui livrer la ville, s'il lui donnait
des bracelets et d'autres objets de toilette. Le
barbare y consentit, et ordonna à ses soldats
de jeter sur elle tout ce qu'ils possédaient d'or
et de bijoux ; ceux-ci obéirent, et l'avide cour-
tisane périt écrasée sous le poids du métal
qu'elle aimait tant. Il y avait une grande va-
riété dans ces bracilels portés par les bar-
bares. Le musée de Worms possède deux bra-
celets d'airain du travail le plus fin et le plus
délicat, et disposés de manière que, tout en
serrant le poignet, Us remontent à peu près
jusqu'au milieu du bras. Ils sont composés de
douze cercles reliés entre eux et qui suivent la
forme du bras, c'est-à-dire vont en s'agran-
dissant peu à peu. Leur poids est de treize
onces ; ils sont attachés par des courroies mo-
biles, et les divers anneaux qui les composent
rendent, en se choquant, un son éclatant. Le
musée de Cluny, parmi ses bracelets celtiques,
en possède qui se rapprochent de celui dont
on trouve la description dans le curieux ou-
vrage de Bartholinus : De Ar mil lis veterum.
Saxon le Grammairien rapporte une curieuse
anecdote, qui montre bien de quel usage gé-
néral les bracelets étaient pour les hommes.
Un certain Wigon, ayant reçu un bracelet du
roi Rolson, s'empressa d'en parer son bras
droit, et, désirant en obtenir un semblable pour
le gauche, il éleva sa main droite en l'air, ca-
chant au contraire avec une honte feinte la
gauche derrière son dos. Interrogé pourquoi
il agissait ainsi, il répondit qu'il ne voulait pas
la montrer dans cet état de pauvreté, parce
qu'elle eût rougi de se voir sans ornement.
Cette réponse ingénieuse lui valut un second
bracelet.
Les dons de bracelets par les généraux ro-
mains étaient très - fréquents ; Tite-Live ra-
conte qu'après la guerre samnite, Papirius
donna à tous ses cavaliers des bracelets d'ar-
gent pour récompenser leur belle conduite.
A Rome, les troupes auxiliaires et les étran-
gers recevaient comme décorations des col-
liers d'or, tandis qu'on ne donnait aux Romains
que des colliers d'argent; en revanche, les ci-
toyens seuls recevaient des bracelets, récom-
pense qui n'était jamais accordée aux étran-
gers. Mais ces bracelets, ces colliers donnés
comme récompense de la valeur, les Romains
ne les portèrent presque jamais, les gardant
comme souvenir de gloire, et se contentant de
les étaler sur leur poitrine aux jours de céré-
monie et de triompne, comme on peut le voir
dans plusieurs peintures et bas-reliefs. Ils ap-
pelaient même barbares et méprisaient sou-
verainement les Gaulois et les Asiatiques qui
portaient cet ornement féminin ; chez eux,
sous l'empire surtout, s'en parer était une
marque de mollesse et de mauvais goût. Aussi
Suétone dit, en parlant de Caligula : • Ses vê-
tements, sa chaussure et sa tenue en général
;
n'étaient ni d'un Romain, ni d'un citoyen, ni
même d'un homme ; souvent il portait une es-
pèce de casaque peinte et ornée de pierreries,
et se montrait ainsi en public avec des man-
ches et des bracelets; d'autres fois, il était vêtu
de soie et s'habillait d'une jupe. » Martial et
Pétrone se moquent également de la vanité
d'un parvenu qui porte des bracelets pour
mieux étaler sa ricnesse. Suétone parle aussi
d'un bracelet de Néron, qui^ pour ainsi dire, est
historique. Lorsque Agrippme commença à am-
bitionner l'empire pour son fils, elle ne négli-
gea rien pour fixer sur lui les regards et les
espérances des Romains. Elle répandit secrè-
tement le bruit que Messaline et Claude avaient
voulu faire assassiner le jeune Néron, voyant
en lui, pour leur fils, un rival redoutable,
mais que les dieux l'avaient protégé. Au mo-
ment où les meurtriers s'avançaient pour le
frapper, un dragon, sorti de son lit, les avait
effrayés et mis en fuite. En souvenir de cet
incident miraculeux, Agrippine fit porter à
Néron, dans un bracelet d'or, une peau de ser-
pent trouvée près de son lit. Néron resta paré
.de ce bracelet, comme d'un talisman, jusqu'au
jour où il fit assassiner sa mère ; le remords
lui fit alors éloigner de lui tout ce qui lui rap-
pelait ce funeste souvenir, et ce bracelet fut
au nombre des objets dont il se sépara.
• Ce que les Grecs, dit le P. Montfaucon
dans son Antiquité expliquée, appelaient psel-
lion chlidàn ou brachionistèr, et les Latins ar-
milla, c'est-à-dire bracelet, était en usage
chez ces deux nations et chez plusieurs autres.
Nous avons vu un bracelet à trois tours sur
une statue de Lucile, femme do l'empereur
Lucius Verus: d'autres sont tout d'une pièce,
et la plupart de fer; mais ils étaient autrefois
ou argentés ou dorés, et quelquefois d'or pur,
selon Denys D'Halicarnasse. L'un des plus
curieux que nous ayons vus, qui est de fer,
était autrefois couvert d'argent ; il a à l'un
des bouts une tête de bélier. Le plus sin-
gulier de tous est un bracelet tout rond, qui
laisse un vide pour y placer un anneau de
grandeur ordinaire ; dans cet anneau était
une médaille d'argent de l'empereur Hélio-
gabale, avec cette inscription à la tête : Imp.
Antonius pius Aug.; au revers était un homme
tenant une patère sur un autel ; l'étoile, mar-
que ordinaire de cet empereur, s'y voyait
aussi. Les bracelets étaient à l'usage des per-
sonnes de toutes conditions; les hommes en
portaient aussi bien que les femmes. Les Sa-
tins, dit Tite-Live, en portaient au bras gau-
che qui étaient d'or et fort pesants. C'était
une marque arbitraire d'honneur ou d'escla-
vage : on en donnait aux gens de guerre en
récompense de leur valeur. Une inscription
ancienne représente la figure de deux brace-
lets, avec ces paroles : Lucius Antonius Fa-
bius Quadratus, fils de Lucius, a été deux fois
honoré par Tibère César de colliers et de bra-
celets. Quand l'empereur faisait ce présent, il
disait : L'empereur te donne ces bracelets d'ar-
gent. Il y en avait aussi d'ivoire. Ceux de
cuivre ou de fer semblent avoir servi aux gens
de basse condition et aux esclaves. Les bra-
celets étaient aussi une marque de servitude,
comme le prouve un passage de Suétone. Ca-
pitolin, dans sa Vie de Maximin, qui succéda
à Alexandre Sévère, donne par deux fois au
bracelet le nom de dextrocherium. Voici le
passage curieux qui nous vaut ce renseigne-
ment : Maximin était d'une taille gigantesque
(huit pieds un pouce), sa force répondait à sa
taille, et ses membres y étaient proportion-
nés ; il menait lui seul un chariot chargé ; d'un
coup de poing il faisait sauter les dents à un
cheval, d'un coup de pied il lui cassait la
jambe ; il donnait d'autres preuves de sa force
fort extraordinaires, que chacun peut lire
dans Capitolin; mais ce qui importe à notre
sujet est que son pouce était si gros, que le
bracelet ou dextrocherium de sa femme lui ser-
vait de bague, ce qui fait voir qu'on portait
des bagues au pouce comme aux autres doigts.
Les dames grecques, comme les dames ro-
maines , avaient divers bracelets et des noms
pour chacun d'eux. Le psellion des Grecs,
armilla des Latins, se portait sur la partie
charnue du bras, tout près de l'épaule. Ce
n'était pas par vanité seulement que les fem-
mes se paraient de cet ornement; elles le por-
taient ainsi pour une cause hygiénique, croyant
très-favorable à la santé ce contact de l'artère
et du bracelet, dont l'or, selon une opinion de
ce temps, contribuait à enrichir le sang ; c'est
la même croyance qui les déterminait à porter
des bracelets d'or plutôt que des anneaux,
pensant, dit le savant Bartholenus, que, placé
au poignet, l'or aurait plus de communication
avec les veines que l'anneau placé au doigt.
C'est à cette cause qu'il faut sans doute attri-
buer la multiplication des ornements de ce
genre, qui se portaient partout, même aux
pieds, comme on le voit dans nombre de sculp-
tures antiques. L'usage de ce bracelet, appelé
periscelis, était si général, même dans les pre-
miers siècles du christianisme, que saint Cy-
prien, dans son livre du Gostume des vierqes,
dit aux femmes chrétiennes : « Que vos pieds
soient libres d'entraves dorées. » Nous avons
dit, au mot BIJOU, que les bracelets portés au
bras droit se nommaient dextrale ou dextro-
cherium ; que le spathalium se distinguait par
les clochettes qui y étaient attachées; et que
la marque particulière du spinther était de ne
point fermer par un cadenas, mais do rester
en place par sa propre élasticité et la pression
qu'il exerçait sur les chairs. Outre ceux-là, il
y en avait bon nombre auxquels le préjugé
et la superstition populaire attachaient des
effets merveilleux. Dans son Histoire natu-
relle , Pline s'exprime ainsi: «La première
dent qui tombe à un enfant, pourvu qu'elle ne
touche point la terre, donne une amulette qui,
enchâssée dans un bracelet et portée conti-
nuellement au bras, préserve des maux de.
matrice.» Et plus loin : «Selon LaïsetSalpé,
la morsure des chiens enragés, les fièvres
tierces et quartes se guérissent avec de la
laine de bélier noir, imbibée de sang men-
struel, et renfermée dans un bracelet d'argent.
Diotime de Thèbes recommande, dans ce cas,
un petit morceau d'étoffe quelconque, ainsi
trempé dans ce sang et porté dans un bracelet
de fil. B Voici une dernière recette qui n'est
pas moins merveilleuse. « Une langue de re-
nard en bracelet préserve de toute affection
ophthalmique. Les merveilles racontées sur
le lièvre marin ne le cèdent point aux précé-
dentes. Pris en aliment ou en quelque breu-
vage , il est un poison; son aspect même tue
quelques personnes. Une femme grosse, qui
aperçoit seulement la femelle de ce poisson,
est saisie à l'instant de nausées et de convul-
sions d'estomac si violentes', qu'elle avorte.
Le remède est d'avoir en bracelet un lièvre
marin mâle séché dans du sel. »
L'or, l'argent, l'ivoire, le corail, les perles,
les pierres précieuses, étaient la matière em-
ployée le plus ordinairement pour les bracelets,
qui souvent étaient ornés de riches camées;
quelques-uns étaient formés de plusieurs ca-
mées reliés ensemble, usage qui s est conservé
encore à Naples pour les bracelets faits en
lave du Vésuve. Ceux qu'on voit au musée de
Naples et au musée Campana attestent à quel
degré de perfection cette branche de la bijou-
terie était arrivée chez les Romains. Ceux des
classes pauvres étaient en bronze, en fer , en
fruits de toute sorte, surtout en baies rouges
imitant le corail, usage qu'on retrouve encore
chez les paysannes de la campagne italienne.
On en faisait même en dattes enfilées les unes
dans les autres, et recouvertes d'un mince
f
iapier doré-, c'était un de ces bracelets que
es clients pauvres envoyaient à leurs riches
patrons, comme cadeau , à la fête des satur-
nales. Quoique la forme des bracelets variâtà
l'infini, la plus généralement adoptée, celle
qu'on retrouve le plus souvent dans les pein-
tures et dans les statues antiques, est celle
qui représente un serpent .enroulé autour de
lui-même. L'habitude des bacchantes de porter
des serpents autour de leurs bras fournit pro-
bablement aux artistes l'idée de donner cette
forme à leurs bracelets. Les exemples en sont
nombreux dans les statues et dans les peintures
antiques : on peut citer pour exemple une
cariatide de la villa Negroni et la fameuse
Ariane du musée du Vatican, qui a été prise
à tort pour une Cléopâtre, à cause du serpent
enroulé autour de son bras et qui n'est autre
qu'un bracelet. Les ornements de ce genre
trouvés dans les ruines de Pompéi et d Her-
culanum ont presque tous cette forme. Un,
entre autres, est en or et du plus parfait tra-
vail. • Le ciselé, dit le comte de Caylus, ne
peut aller plus loin ; le corps du bracelet est
formé par un serpent qui se replie en cercle
et retourne deux fois sur lui-même. La ri-
chesse de la matière, la beauté de l'exécution,
persuaderaient que cette parure a été celle
d'une femme considérable ; et si l'on ne veut
pas s'écarter de l'idée d'esclavage attachée
au mot bracelet, il faudra dire que l'esclave
qui portait cette parure était jeune et favo-
rite. » L'amour des dames romaines pour leurs
bijoux était tel que, imitant parfois les moeurs
des Germains, décrites par Tacite, elles vou-
laient être inhumées avec leurs ornements les
plus précieux. Scœvola nous a conservé la
disposition testamentaire d'une femme qui
voulut être mise au tombeau avec son collier
de perles et ses bracelets d'émeraude.
Le bracelet était aussi une offrande de la
galanterie et l'objet le plus agréable qu'un
amant pût donner à l'objet de son amour. Dans
plusieurs des comédies de Plaute, les amants
parlent de bracelets qu'ils ont offerts à leurs
maîtresses. Les jeunes filles s'abstenaient de
porter des bracelets, comme chez nous elles ne
portent pas de diamants. Le premier bracelet
était présenté par le fiancé, et était pour ainsi
dire un gage des fiançailles. Dans la Genèse ,
le serviteur d'Abraham apporte à Rebecca des
bracelets d'or, comme présent de son futur
époux.
Les Gaulois, les Celtes et les autres barbares
ui fondirent sur l'empire romain, portaient
es colliers, des anneaux et des bracelets.
C'était par une sorte particulière de bracelets
en bronze que les Huns s'attachaient les uns
aux autres pour s'exercer à vaincre ou à mou-
rir. Diodore de Sicile dit que les Gaulois
trouvent abondamment de l'or dans leurs
rivières; qu'ils l'épurent par le moyen du la-
vage
?
pour l'employer à la parure des femmes
et même à celle des hommes. Il ajoute qu'ils
en font non-seulement des anneaux, ou plutôt
des cercles qu'ils portent aux deux bras et aux
poignets, mais encore des colliers excessive-
ment massifs, et même des cuirasses. Le
nombre des bracelets gaulois qui ont été re-
trouvés et que possèdent nos musées est assez
considérable. Ils sont en or, en argent ou en
bronze. Leur décoration la plus ordinaire est
le filigrane, formé d'un seul fil et contourné
en spirale, ou de deux fils tordus ensemble.
Ils sont ornés de pattes de verre opaque, de
tables de verre rouge, ou même de véritables
grenats. Dans le cabinet des antiques de la
Bibliothèque impériale, on en voit un en or,
assez bien travaillé, et qui a à peu près la
forme de nos ronds de serviette.
On a découvert dans le terroir de la com-
mune de Montans, non loin de Gaillac, un
bracelet gaulois qui remonte à une haute an-
tiquité, et qui prouve que cet objet de luxe
était très-répandu, même à une époque où
l'industrie n était pas fort avancée dans ses
procédés. Il consiste en une lame d'or arron-
die en cercle, forgée au marteau sur l'en-
clume, dont la largeur inégale varie, entre
les lignes parallèles, de six à sept millimètres,
et dont l'épaisseur, tout aussi inégale, varie
entre trois et quatre millimètres. Ce cercle,
ouvert comme le sont la plupart des bracelets
gaulois, s'élargit vers ses extrémités, où il
atteint treize millimètres. Mais le plus ancien
bracelet de l'époque mérovingienne, et le plus
important au point de vue historique, est celui
qui a été trouvé en 1643 dans le tombeau de
Chilpéric. On sait que c'était un usage géné-
ralement adopté chez ces peuples barbares
d'enterrer les morts de haute condition tout
habillés, et avec les armes, les bijoux, les ob-
jets de prédilection qui leur avaient appartenu.
Tacite l'avait raconté dans sa Description des
mœurs des Germains, et les découvertes de
divers tombeaux ont confirmé ses paroles. Le
tombeau de Chilpéric contenait des anneaux,
des fibules et un magnifique bracelet, composé
d'un cercle d'or orné d'un grand camée sur le
fermoir.
Longtemps les rois, les princes, les seigneurs
conservèrent l'usage de cet ornement, avec
lequel les représente mainte gravure ou mi-
niature du temps. Les dames, au contraire,
ne s'en parèrent .que fort tard; toutefois, ce
serait une erreur de croire qu'elles ne portè-
rent pas de bracelets avant le règne de Char-
les VII : on en voit un à la statue couchée sur
le tombeau de la femme de saint Louis, et, dans
le roman de Parthénopex de Blois, l'héroïne a
des bracelets d'or et d'ornicle. Seulement, on
peut dire que cet ornement resta relégué au se-
cond plan à une époque où les médaillons, les
enseignes, les colliers, et surtout les ceintures,
étaient plus à la mode, et, par conséquent, plus
recherchés. La Renaissance fut l'âge d'or de
la ciselure et de la bijouterie ; le moindre joyau
sorti des mains de Benvenuto Cellini ou de ses
émules était une œuvre artistique d'un grand
prix; pourquoi faut-il que si peu soient venus
jusqu'à nous! Dans la collection Sauvageot,
on voit un bracelet
chet tout à fait à part : c'est une simple lame
de métal, et le fermoir est formé par deux
mains qui s'entrelacent. Si tant de merveilles
artistiques ont disparu, la faute en est à la
mode, qui règne en souveraine sur les femmes
et sur les objets destinés à leur parure. La
comtesse de Chateaubriand avait fait fondre
les bijoux qu'elle tenait de François i " , pour
anéantir leurs galantes devises, et pour qu une
rivale ne pût s en parer ; ses contemporaines
mirent également les leurs au creuset, mais
pour un autre motif.
Au goût des ciselures fines et délicates, des
figures artistement modelées, succéda l'amour
des diamants, qu'on savait tailler depuis un
siècle à peine, et dont le règne commençait;
les orfèvres de la fin du xvi« siècle ressem-
blent au peintre contemporain d'Apelles: ne
pouvant faire des oeuvres belles, ils les firent
riches. Durant le xvue et le xvine siècle, les
bracelets-, depuis longtemps déjà exclusive-
ment réservés aux dames, subirent le goût
du jour. Sous Louis XIV, ils prirent ce ca-
chet de grandeur, de majesté et même de
lourdeur qui caractérise tous les arts de
cette époque; au siècle dernier, Us furent des
chefs-d'œuvre de travail délicat, mais sans
aucun mérite artistique ; aujourd'hui, le bra-
celet est une des branches les plus impor-
tantes de la bijouterie moderne, et convient
par excellence à une société où les fortunes
sont égalisées. Chez nos contemporaines,
l'amour de la parure, le désir de plaire, sont
aussi puissants qu'ils le furent jamais; mais il
n'est pas donné à toutes d'avoir des colliers
de perles ou de diamants, tandis que la plus
modeste bourgeoise peut orner son bras a'un
bracelet. Les produits de la bijouterie fran-
çaise sont élégants, ingénieux, légers; mais
ils manquent de ce cachet artistique qui re-
commande ceux de la bijouterie romaine ;
pour le véritable amateur, le joyau le plus
simple, sorti de telle boutique de la Rome
contemporaine, efface l'étalage le plus splen-
dide de nos riches joailliers de la rue de la
Paix. .C'est que sur les bords du Tibre fleurit
encore la tradition d'un art qui n'est pas
éteint, et que de nombreuses découvertes,
celle des nécropoles étrusques entre autres,
viennent sans cesse alimenter. Le musée
Campana a mis sous les yeux de nos artistes
de précieux modèles, où ils pourront puiser
ces principes du goût et du beau, qui ne chan-
gent jamais, et qui, après deux mille ans,
s'imposent encore a notre admiration.
Les" récentes découvertes de l'archéologie
sont venues attester l'antiquité de l'invention
des bracelets, dont l'usage remonte aux épo-
ques antéhistoriques. Dès les premiers jours
du monde, alors que J'homme, nouveau venu
sur cette planète, commence à peine sa lutte
contre la nature, qu'il doit un jour dominer en
maître, le goût de la parure, des ornements,
des distinctions, est déjà né. Durant l'âge de
pierre, quand l'art de fabriquer les métaux
est encore inconnu, on trouve des épingles à
cheveux en os, semblables à celles qui se
portent aujourd'hui-, des colliers de coquil-
lages ou de pierres arrondies. Une fois 1 âge
de bronze arrivé, l'homme profite de sa nou-
velle découverte pour fabriquer des armes et
des ornements ; ces bijoux consistent prin-
cipalement en anneaux, épingles et bracelets,
« Ces bracelets témoignent d'un goût cultivé,
dit M. Desor, dans ses Palaffites, en décri-
vant ceux qui ont été trouvés dans ?e lac de
Neufchâtel. Il y en a de tous les modèles, de-
puis le bracelet simple, composé a'une tige de
bronze avec un bouton semi-cylindrique à
chaque extrémité, jusqu'au large bracelet
couvert d'élégants dessins. Ces derniers sont
moins nombreux. Les plus beaux ont été
trouvés dans une urne que l'on a retirée du
milieu des pilotis de la station de Cortaillod.
Ils étaient au nombre de six, tous intacts, et
les dessins aussi nets que s'ils sortaient de
l'atelier du graveur. D'autres sont composés
de plusieurs fils de bronze tordus, artiste-
ment reliés. D'autres enfin sont de gros cy-
lindres massifs recourbés, se touchant par
leurs extrémités, et ornés également de des-
sins assez simples : c'étaient probablement
des anneaux de jambes. On en voit de sem-
blables autour de la jambe d'un squelette de
femme, déposé au musée de Wiesbaden, et pro-
venant des environs de Hoechst. Bon nombre
de ces bracelets sont tellement petits, qu'à
moins de supposer qu'ils aient été à 1 usage
des enfants, on ne comprend pas comment on
a pu les passer par-dessus un poignet adulte.
Ceci encore semble confirmer l'opinion que la
race de l'époque de bronze était petite. » Sur
-diverspoints du globe, les mêmes découvertes
ont été faites, et M. Lubbock, dans son cu-
rieux ouvrage, l'Homme avant l'histoire, a
démontré que les peuplades sauvages contem-
poraines ressemblent à celles de l'époque
antéhistorique ; que la civilisation y subit les
mêmes transformations ; que chez les plus ar-
riérées comme chez les plus avancées, le
goût de l'ornement et de la parure s'y trouve
développé à un égal degré, et que, chez
toutes, le bracelet existe, soit en coquillages,
soit en pierre, soit en métal, pour celles qui
ont reçu des étrangers l'art de le travailler.
DRÀCEI.U (Jacques), historien, chancelier
de la république de Gènes, né en Toscane,
1182 BRAC
BRAC
BRAC
BRAC
mort en 1460. Il laissa en manuscrit plusieurs
ouvrages estimés qui furent publiés en 1520,
et parmi lesquels on cite : De bello Hispano,
relation de la guerre des Génois contre le roi
d'Espagne Alphonse V, et dont on a comparé
le style à celui des Commentaires de César,
que Bracelli avait pris pour modèle.
BRAGH
BRAGH et mieux BREAK s. m. (brèk —
de l'angl. to break, dompter). Voiture pour
dresser les chevaux : Le chemin de fer a sup-
primé les berlines, les daumonts, les BREAKS,
tous ces pittoresques véhicules qui donnaient à
la fête une physionomie originale. (E. Texier.)
BRAC11 (Pierre DE) , sieur de la Motte-
Montusson, avocat et poBte français, né à
Bordeaux en 1549. Très-jeune encore, il publia
un recueil de sonnets, d'odes, de poëmes des-
criptifs et autres, qui ne manquent ni de grâce
ni de naturel. Plus tard, il traduisit en vers
français YAminte. du Tasse, quelques pièces de
l'Arioste et quatre chants de la Jérusalem dé-
livrée. Il eut pour amis du Vignau et Saluste
du Bartas, poëtes comme lui et ses compa-
triotes.
B R A C H A N T H È M B s. m. (bra-kan-tè-me —
du gr. brachus, court; anthêmôn, fleur). Bot.
Genre de plantes, de la famille des composées,
tribu des sénécionidées, voisin des chrysan-
thèmes, et comprenant une seule espèce.
B R A C H E S . f. (bra-che). Métrol. Mesure de
longueur, syn. de HUASSE.
— Miner. Nom donné aux galeries d'écou-
lement par les mineurs de l'Isère.
BRACHÉLYTRESBRACHÉLYTRES sont en général très-voraces.
(Duponchel.)
— Encycl. Entom. Les brachélytres forment,
selon Cuvier, la deuxième famille des coléop-
tères pentamères. On les u ainsi nommés
parce qu'ils ont des élytres beaucoup plus
courts que leur abdomen; leurs ailes, néan-
moins, sont as.sez longues quand elles sont
développées ; mais, a l'état de repos, ils les re-
plient sur elles-mèines en plusieurs parties.
Les autres caractères sont : forme aplatie et
allongée ; tête large, avec antennes courtes et
mandibules avancées; prothorax court; ab-
domen long; pattes grêles,avec tarses anté-
rieurs dilatés; anus garni de deux vésicules
coniques et velues, d'où .s'échappe une vapeur
subtile sentant le musc ou l'éther sulfurique.
La plupart des brachélytres relèvent en cou-
rant leur abdomen, et quelques espèces le
ramènent sur le dos, au point d'affecter alors
la forme globuleuse. On les trouve dans le
terreau, le fumier, les matières excrémenti-
tielles, les plaies des arbres, les champignons ;
cependant quelques-unes des plus petites es-
pèces vivent sur les fleurs. Ils sont, en géné-
ral, très-agile3, et quoiqu'ils ne fassent pas
souvent usage de leurs ailes, ils peuvent voler
avec légèreté. Les larves ressemblent beau-
coup à l'insecte parfait; elles se changent en
nymphes, comme celles de tous les coléop-
tères, mais on n'a pu jusqu'ici en observer
qu'un petit nombre.
Linné n'en connaissait que vingt-six espè-
ces, dont il formait le genre staphylin; mais
M. Erichson en a décrit près de seize
cents, qu'il divise en onze tribus. Latreille
les avait partagés en cinq tribus, savoir : les
lissilabres, les longipalpes, les denticrures,
les aplatis et les microcéphales. Dans la pre-
mière tribu, il range les oxypores, les astra-
pées, les staphylins, les latnrobies, etc. La
tribu des longipalpes comprend les pœdères,
les stènes, les proboscidiens; parmi les den-
ticrures, il compte les oxytèles, les zizophores,
les prognathes, les coprophiles; la tribu des
aplatis comprend les genres : omalies, lestè-
ves, microjpèples, protéines, aléochares ; et
celle des microcéphales se compose des tachi-
rips, des tachypores, des lomèchuses, dont
plusieurs espèces vivent avec les fourmis
rousses.
BRACER
BRACER v. a. ou tr. (bra-sé). Piler, broyer.
Il Préparer, il Vieux mot.
BRACHÉLIE
BRACHÉLIE s. f. (bra-ké-lî — du gr. brachus,
court). Entom.Genred'insectesdiptères,com-
prenant une seule espèce, qui vit au Cap de
Bonne-Espérance.
B R A C H É L Y T R E adj. (bra-ké-li-tre — du
gr. brachus, court; et de élytre). Entom. Qui
a les élytres plus courts que l'abdomen.
— s. m. pi. Famille d'insectes coléoptères
dont les élytres sont plus courts que l'abdo-
men, et qui renferme les staphylins et beau-
coup d'autre, genres d'insectes très-agiles :
Les
BRACHER
BRACHER s. m. (bra-ché — rad. brachet).
Valet de chiens, u Vieux mot.
BRACHÈRE
BRACHÈRE s. m. (bra-chère; du lat. bra-
chium, bras). Art milit. Syn. de BRASSARD.
BRACHET
BRACHET s. m. (bra-chè). Vén. Chien de
chasse, n Vieux mot.
BRACHET
BRACHET (Théophile), sieur de La Mille-
tière, né vers 159G, joua un rôle important,
sinon glorieux, dans l'histoire du protestan-
tisme. Le peu de succès qu'il obtint au bar-
reau le jeta dans l'étude de la théologie, et il
parvint, grâce à son humeur intrigante, a se
taire nommer ancien de l'Eglise de Charenton.
En 1620, il était député de l'Ile-de-France à
l'assemblée politique de La Rochelle, qui le
prit pour secrétaire et l'envoya en Hollande
avec La Chapellière, pour solliciter des se-
cours des états généraux.
Les circonstances étaient graves ; la guerre
menaçait d'éclater entre protestants et catho-
liques. Tilenus adressa à l'assemblée de La
Rochelle un avertissement concluant à la sou-
mission au roi. Brachet répondit à cet aver-
tissement dans un Discours des vrayes raisons
pour lesquelles ceux de la religion en France
peuvent et doivent, en bonne conscience, résis-
ter par armes à la persécution ouverte (1622,
in-8<>). La chambre de l'édit, séant à Béziers,
condamna ce livre au feu en 1626. Il est di-
visé en trois parties : 1° On veut détruire la
religion protestante en France; 2° l'édit de
Nantes est un contrat; le roi l'ayant violé, la
partie intéressée a le droit de se révolter;
3» point de paix sans l'expulsion des iésuites
et la convocation d'un concile national.
La Milletière fit partie de l'assemblée tenue
à Milhau en 1625, assemblée où furent débat-
tues les conditions de la paix. Arrêté à Paris,
comme agent du duc de Rohan, le'23 juillet
1627, il fut enfermé à la Bastille, d'où il sor-
tit le 3 janvier 1628 pour être dirigé sur Tou-
louse. Le parlement le condamna à mort ;
mais, par faveur particulière du roi, la sen-
tence ne fut pas exécutée. Bien mieux, quatre
ans après, La Milletière fut libéré avec une
pension de 1,000 écus. Dès ce moment, gagné
et vendu, il devint l'agent de la cour auprès
de ses anciens coreligionnaires. Il avait pu-
blié, en 1628, une Lettre à M. /tambours, mi-
nistre du saint Evangile, pour la réunion des
évangéliques aux catholiques (Paris, 1628.
in-12), qui laissait pressentir sa trahison. Il
publia, en 1634, en latin, un écrit plus signi-
ficatif encore, sous ce titre : Discours des
moyens d'établir une paix en la chrétienté par
la réunion de t'E. P. B. (l'église prétendue
réformée), proposé à M. le cardinal de Riche-
lieu (Paris, in-*»>). Cet écrit souleva parmi
les protestants une indignation universelle,
qui s'accrut encore quand La Milletière pu-
blia son Christianœ concordiœ inter catholicos
et evangelicos in omnibus controversiis insti-
luendœ consilium (1636, in-8°). Daillé le ré-
futa, et La Milletière répliqua par un ouvrage
intitulé : le Moyen de la paix chrétienne en la
réunion des catholiques et des évangéliques sur
les différends de la religion (1637, in-8°). Dans
cet ouvrage, La Milletière donnait raison à
l'Eglise catholique sur tous leS points contro-
versés. Le synode d'Alençon lui signifia que,
s'il continuait, « il serait retranché de la com-
munion des Églises réformées. » Mais pou-
vait-il ne pas continuer, puisqu'il voulait se
maintenir dans les bonnes grâces de Riche-
lieu ? U se présenta cependant au synode na-
tional de Charenton, réuni en 1644, et demanda
des juges. On lui en donna deux, auxquels on
adjoignit Amyraut. La conférence n'eut aucun
résultat. Alors le synode ordonna qu'il fût ex-
communié du haut de la chaire, ordonnance
qui fut exécutée le dimanche suivant, 29 jan-
vier 1645, par Théophile Rossel, ministre de
Saintes. Quand La Milletière quitta l'assem-
blée, le président le salua par ces mots de
Jésus : «Fais bientôt ce que tu fais. — Je ne
suis pas Judas, répondit l'apostat. — Non,
monsieur, reprit Garrisoles, car Judas avait
la bourse, et vous la cherchez. » U abjura
publiquement en 1645, et mourut en 1665, em-
portant la haine des protestants et le mépris
des catholiques. Tallemant des Réaux dit de
lui : «C'est un homme d'esprit et qui sait,
mais assez confusément; bonhomme, mais
vain, et qui a quelque chose de démonté dans
la tête. »
On a de lui quarante ouvrages environ.
Nous nous contenterons d'en mentionner quel-
ques-uns, outre ceux que nous avons déjà
cités : Re.sponse à M. Amyraut sur une con-
férence amiable pour l'examen des moyens
par lui proposez pour la réunion avec les ca-
tholiques (Paris, 163S, in-8°) ; Amiable éclair-
cissement avec M. Mestrezat sur la vérité de
la doctrine des catholiques touchant les mérites
et la justification du fidèle (Paris, 1638, in-12) ;
Sommaire de la doctrine catholique du franc
arbitre, de la grâce, de la prédestination di-
vine et de la justification du fidèle (Paris,
1639, in-s°) ; l'a Facilité de réunir et de ré-
former l'Eglise (Paris, 1642, in-S°); la Paix
de l'Eglise fondée sur ta vérité de la foi catho-
lique (Paris, 1646, in-8°); l'Extinction du
schisme (Paris, 1650, in-8°).
BRACHIA,
BRACHIA, nom latin de l'Ile Brazza.
BRACHET
BRACHET (Auguste), écrivain français, né
à Tours en 1844. Il suivit à Paris les cours de
l'Ecole de droit et de l'Ecole des chartes, et
entra de bonne heure a la Bibliothèque impé-
riale, qu'il ne tarda point à quitter pour se
livrer a des travaux purement scientifiques.
Il aborda l'étude des littératures comparées,
en particulier celle de l'histoire du moyen
âge, et débuta par un essai sur la poésie ly-
rique du XÎIIC siècle : Etude sur Bruneau de
Tours, trouvère du xinc siècle (Paris, 1865,
in-8°). Il se livrait en même temps à des re-
cherches de philologie comparative sur l'ori-
gine des langues issues du latin, et publia,
en 1866, une Etude sur le rôle des voyelles
latines atones dans les langues romanes (Leip-
zig, in-8°). Il a collaboré, dès la fondation, à
la Itevue critique d'histoire et de littérature
(recueil destiné à propager chez nous les ré-
sultats de l'érudition allemande), ainsi qu'au
lahrbuch filr Romanische Literatur. En même
temps, il collaborait activement à divers jour-
naux démocratiques, et réclamait dans l'Opi-
nion nationale et dans l'Avenir national la
liberté de l'enseignement supérieur, la ré-
forme des facultés françaises à l'instar des
universités allemandes, et l'introduction dans
notre enseignement des méthodes de l'Alle-
magne. On annonce, du même auteur, comme
devant paraître incessamment, une histoire
de notre langue, sous le titre de : Grammaire
historique de la langue française, et un Essai
sur les réformes de l enseignement supérieur.
BRAC11I (Jacques), médecin italien, né à
Venise, mort en 1737. Il exerça successive-
ment son art dans sa ville natale et à Milan,
et il composa divers ouvrages, notamment :
Pensieri fisico-medici circa gli animali che
muojono nei recipienti vacui d'aria (Venise,
1685) ; Saggio de osservazioni circa alcuni fe-
nomeni del baroscopio (Venise, 1705).
BRACHIAL,
BRACHIAL, ALE adj. (bra-ki-al, a-le —
lat. brachialis, même sens, formé de bra-
chium, bras). Anat. Qui a rapport, qui ap-
partient au bras : Muscle BRACHIAL. Nerfs
BRACHIAUX. Artères BRACHIALES.
BRACHIALEBRACHIALE s. f. (bra-ki-a-le). Fortif.
Pièce de fortification qu'on appelait aussi
BRAIE.
BRACHIDCBRACHIDC s. m. (bra-ki-de — du gr. bra-
chidion, dim. de brachiôn, bras). Hist. nat.
Petit bras ou petit appendice en forme de
bras.
— Moll. Chacun des tentacules de la paire
externe, chez les néréides.
BRACHIDÉ,
BRACHIDÉ, ÉE (bra-ki-dé — du gr. bra-
chiôn, bras; eidos, aspect). Hist. nat. Qui est
en forme de bras : Nageoires BRACHIDÉES.
BRACHINE
BRACHINE s. m. (bra-ki-ne — du gr. bra-
chus, court). Entom. Genre de coléoptères
pentamères, famille des carabiques : Les
BRACHIELLEBRACHIELLE s. f. (bra-ki-è-le — du lat.
brachium, bras). Crust. Genre de lernées.
B R A C H I È R E s. f. (bra-ki-è-re — du lat.
brachium, bras). Usité dans la locution : Bra-
chières de mailles, Manches en mailles ou
anneaux de fer entrelacés, que les chevaliers
du moyen âge ajoutaient à leur haubert
pour défendre les bras, et qui s'étendaient
quelquefois jusqu'à l'extrémité des doigts.
BRACHIÉ,
BRACHIÉ, ÉE adj. (bra-ki-é —du lat. bra-
chium, bras). Hist. nat. Qui est muni de bras
ou d'appendices en forme de bras. Il Qui a la
forme d un bras.
— Bot. Se dit des rameaux qui forment de
chaque côté de la branche ou de la tige des
angles droits, ou très-ouverts, et sont ainsi
disposés en forme de croix : Rameaux BRA-
CHIES.
BRACHINESBRACHINES se trouvent ordinairement sous les
pierres. (Duponchel.) Le BRACHINE pétard se
plait sous les pierres, dans les lieux secs et
chauds des environs de Paris. (Boitard.) En
Afrique, il y a des BRACHINES assez gros pour
brûler sensiblement les doigts de l'observateur
qui s'en empare. (Boitard.)
— Encycl. Une particularité physiologique
permet de reconnaître facilement ces coléop-
tères : l'extrémité de l'abdomen est très-mo-
bile et contient un appareil à l'aide duquel,
lorsqu'ils sont inquiétés, ils lancent une li-
queur corrosive, volatile, accompagnée de
fumée et d'une petite explosion, et pouvant
se renouveler plusieurs fois. Cette liqueur
jaunit la peau sur laquelle elle tombe, et pro-
duit même, quand elle provient d'une espèce
de grande taille, une brûlure assez doulou-
reuse. Quand on excite l'insecte, les glandes
contenant la liqueur se vident peu à peu. et,
après un certain nombre de coups, il n y a
plus d'explosion, mais seulement un peu de
fumée. Les brachines habitent surtout les pays
chauds ; on trouve néanmoins en France quel-
ques espèces qui, au printemps, se rassem-
blent en assez grand nombre sous les pierres.
Leurs noms vulgaires, TIRAILLEUR, PISTOLET,
BOMBARDE,
BOMBARDE, etc., rappellent la propriété décrite
ci-dessus.
BRACHINIDE
BRACHINIDE adj. (bra-ki-ni-de — de bra-
chine et du gr. eiaos, aspect). Entom. Qui
ressemble au brachine.
— s. f. pi. Famille de carabiques, renfer-
mant neuf genres, qui ont pour type le genre
brachine.
BRACHIO
BRACHIO s. m. (bra-ki-o). Mamm. Nom
qu'on donne, dans certaines contrées, aux
petits de Tours..
BRACHIOCÉPHALE
BRACHIOCÉPHALE adj. (bra-ki-o-cé-fa-le
— du gr. brachiôn,bras; kephalê,tête). Moll.
Qui porte des bras sur la tête.
— s. m. pi. Classe de céphalophores dont
la tête est munie
BRACHIOCÉPHALIQUE
BRACHIOCÉPHALIQUE adj. (bra-ki-o-sé-
fa-li-ke — du gr. brachiôn, bras ; kephalê,
tête). Anat. Usité dans la locution : T'ronc
BRACHIOCÉPHALIQUE,BRACHIOCÉPHALIQUE, Tronc artériel qui four-
nit des vaisseaux à la tête et au bras.
BRACHIOCUBITAL,
BRACHIOCUBITAL, ALE adj. (bra-ki-o-
kn-bi-tal,a-le — du lat. brachium, bras; cu-
bitus, coude). Anat. Qui appartient au bras
et au coude.
— s. m. Ligament qui sert d'attache com-
mune au bras et au coude.
BRACHIOLE
BRACHIOLE s. f. (bra-ki-o-le). Bot. Syn.
de BRACHYOGLOTTB. 11 On trouve aussi BRA-
CHIOGLE.
BRACHIODERMIEN
BRACHIODERMIEN adj. m. (bra-ki-o-dèr-
mi-ain—du gr. brachiôn, bras; derma, peau).
Anat. Se dit d'une portion du muscle peaus-
sier.
BRAGHIOLÉ,BRAGHIOLÉ, ÉE adj. (bra-ki-o-lé — dim.
dn lat. brachium, bras). Hist. nat. Pourvu
d'appendices en forme do petits bras. Astérie
BRACHIOLÉE.
BRACHIONBRACHION s. m. (bra-ki-on — du gr. bra-
chiôn, bras). Infus. Genre d'infusoires, con-
fondu autrefois avec les vorticelles : Les BRA-
CHIONS sont longs de deux à quatre dixièmes
de millimètre
t
et vivent dans les eaux stagnan-
tes. (Dujardin.)
BRACHIONCOSE
BRACHIONCOSE s. f. (bra-ki-on-kô-ze —
du gr. brachiôn, bras; oghos, tumeur). Pathol.
Sorte de tumeur qui se forme sur le bras.
BRACHIONÉ,
BRACHIONÉ, ÉE adj. (bra-ki-o-né — rad.
brachiôn). Infus. Qui ressemble à un brachiôn.
D On dit aussi BRACHIONIDE.
— s. m. pi. Famille d'infusoires ayant pour
type le genre brachiôn.
BRACHIONIEN,
BRACHIONIEN, IENNE adj.
tient du brachiôn.
— s. m. pi. Famille de systolides nageurs
cuirassés, ayant pour type le genre brachiôn.
BRACHIOPITHÈQUE
BRACHIOPITHÈQUE s. m. ( bra-ki-o-pi-
t è - k e — d u gr. brachiôn, bras; pithêkos,
singe). Mamm. Genre de singes, comprenant
les orangs et les gibbons, animaux aont les
bras sont très-longs.
B R A C H I O P O D E adj. (bra-ki-o-po-de — du
gr. brachiôn, bras ; pous, podos, pied). Zool.
Dont les bras servent de pieds.
— s. m. pi. Classe de mollusques renfer-
mant les térébratules et quelques autres
genres, dont les pieds sont représentés par
deux bras servant d'organes ae respiration
et de locomotion.
— Encycl. Le nom de brachiopodes a été
créé par Duméril et adopté par Cuvier, pour
une classe de mollusques que Lamarck appelle
conchifères, et dont de Blainville a fait 1 ordre
des palliobranches. Ils ont un manteau à deux
lobes et toujours ouvert; au lieu de pieds,
deux bras charnus, ciliés et rétractiles; leur
bouche est entre les bases de ces bras, et
l'anus sur un des côtés; deux cœurs aorti-
ques, un canal intestinal replié autour du foie,
et des branchies consistant en de petits feuil-
lets autour de chaque lobe de la face interne ;
système nerveux mal connu. Tels sont les ca-
ractères de ces mollusques, qu'on trouve rare-
ment vivants, parce qu'ils habitent le fond de
la mer, mais dont il existe beaucoup d'espèces
fossiles. On les divise en trois genres : lin-
gule, térébratule et orbicule. Quelques natu-
ralistes distinguent encore les genres spiri-
fère, strygocéphale, producte, mage, thécidie,
cranie et calcéole.
BRACHIOPTÈRE
BRACHIOPTÈRE adj. (bra-ki-o-ptè-re —
du gr. brachiôn, bras, et pteron, aile, na-
geoire). Ichthyol. Qui a des nageoires en
forme d'aile.
— s. m. pi. Famille de poissons dont les
nageoires sont en forme de oras.
BRACHIO-RADIAL
BRACHIO-RADIAL adj. (bra-ki-o-ra-di-al
— du gr. brachiôn, bras, et de radius.) Anat.
Qui appartient au bras et au radius : Muscle
BRACHIO-RADIAL.
— s. m. Ligament latéral externe de l'ar-
ticulation huméro-cubitale.
B R A C H I O S T O M E adj. (bra-ki-o-sto-me —
du gr. brachiôn, bras; stoma, bouche.) Zooph.
Dont la bouche est munie de bras prenants.
— s. m. pi. Famille de polypes dont la bou-
che est munie de bras prenants.
BRACHITE
BRACHITE s. m. (bra-ki-te). Hist. relie.
Membre d'une secte de gnostiques du nie siè-
cle, qui admettaient la doctrine de Manès.
BRACHISTOCHRONE
BRACHISTOCHRONE OU BRACHYSTO-
CHRONE s. f. (bra-ki-sto-kro-ne—du gr.
brachistos, le plus court; chronos, temps.)
Géom. Courbe que doit suivre un corps pe-
sant pour parvenir d'un point à un autre dans
le moindre temps possible : Jean Bernouitli
proposa le fameux problème de la BRACHISTO-
CHRONE. (Mag. pitt.)
— Adjectiv. Courbe BRACHISTOCHRONE.
— Encycl. La brachistochrone est la courbe
de plus vite descente, c'est-à-dire celle que
doit suivre un mobile pour aller d'un point à
un autre dans le moindre temps possible. La,
vitesse au point de départ étant nulle, le théo- '
rème des forces vives donne pour la valeur du
produit du carré de la vitesse acquise au bout
d'un temps quelconque, par la masse du mo-
bile, le double du travail de la pesanteur pen-
dant ce temps, ou, en divisant par la masse ;
V ' = 2
f f
r s , — z),
z
t
désignant l'altitude du point de départ, et
z celle du point où se trouve le mobile. La
ds
vitesse V étant exprimée par — , la formule
précédente donne
sl*9 y/z
t
— £*
où s désigne l'arc déjà parcouru par le mo-
bile.
Quelle que soit la courbe suivie par le mo-
bile, si, outre l'axe des z déjà déterminé de-
direction, on prend dans un plan horizontal
deux autres axes rectangulaires, l'élément d$
de l'arc de la courbe sera représenté par
*--•v
/ i +
(=)
, +
(â)'»
BRAC
de sorte que l'expression de dt deviendra
dt
, *VWtW£)'
ng
et le temps entier de la descente le sera par
l'intégrale
' ^.fy/BIEIL
La question est donc de déterminer x et y en
fonction de z
t
de manière que l'intégrale
f
v
/'+fêH»'
dt
soit minimum. Cette question dépend du cal-
cul des variations, et nous n'avons ici qu'à
appliquer les formules établies à l'article in-
diqué par ces mots.
La fonction placée sous le signe I ne con-
tenant que les dérivées premières des fonc-
tions inconnues x et y, par rapport à la varia-
ble indépendante, les équations du problème
se réduisent à
dz
• 0 e t — •
dW
dy
N et N' désignant les dérivées de la fonction
/
dx
par rapport à -j- et à
dy
(
dN
y-, et
dz
dN'
-,—, —.— , les dérivées de ces déri-
dz dz
vées, prises par rapport à s, en y considérant
x et y comme des fonctions de z. De sorte que
les équations précédentes donnent immédia-
tement N = C et N' = C , deux constantes.
N et N', abstraction faite du signe, sont ici
respectivement :
dx
dz
et
N' _
\J{*.
Les équations
-•o[i +
dy
dz
- { ' •
du problèr
dx
Tz
(S'+©']
ne sont donc
= 0
^-'(^(a'+Ë)"]
dz
vkR'+fêr+ffi)
1
]
a.
En les divisant membre k membre, on en
tire
rfx C
équation qui apprend que la courbe cherchée
doit être contenue dans un plan vertical, par
conséquent dans le plan vertical qui contient
les points donnés.
Ce premier résultat permet de simplifier la
question, en prenant pour plan des xz le plan
connu de la courbe, car alors, y devenant
identiquement nul, il ne reste à intégrer que
la seule équation
dx
Cette équation donne
dx
dz
'•Vr.
•C'(z,
«)'
ou, si l'on transporte l'origine des coordonnées
au point de départ, c'est-à-dire si l'on fait
dx-.
J- 7 * dz = t /—ï-dz,
\ I + CM V_L_
• C '
T
On pourrait intégrer directement cette équa-
tion; mais on y reconnaît immédiatement l'é-
quation différentielle de la cycloïde rapportée
k sa base, prise pour axe des x,
dx
dy \ î ,
Sa — y '
toute la différence est que y se trouve changé
en — z, (a brachistochrone étant naturellement
décrite au-dessous de sa base.
La constante C dépend de la position du se-
cond point donné. On la déterminera en expri-
mant que la cycltfde passe par ce second
BRAC
point. C étant connu, on aura le rayon a du
cercle générateur, en posant
ta
La recherche de la brachistochrone sur une
surface donnée, f(x, y, z) = 0, se ramène
aussi simplement à des opérations analytiques
que celle de la brachistochrone plane: mais
alors les intégrations peuvent être plus ou
moins compliquées suivant la nature de la
fonction / . M. Royer (Journal de Liouville,
1848, t. XIII, p . 41) a traité le cas des sur-
faces de révolution, et est arrivé k des résul-
tats présentant-un certain intérêt. L'équation
d'une surface de révolution autour de l'axe
des z étant
F = arM-y
2
— ?(*) = <>,
le calcul donnera aisément pour seconde équa-
tion de la brachistochrone
ydx — xdy = Cds \ z — z
0
.
Si l'on substitue 'k x et k y les coordonnées
polaires p et u, liées par les relations
x « pcosw, y = çsinw,
ydx—xdy se change en r'dft. D'ailleurs,
comme d'après le théorème des forces vives
il en résulte
V*9
ds )/z — z
Q
=
v'dt
l'équation de la brachistochrone devient donc
rM8 = CVd*.
L'aire élémentaire décrite dans le temps dt,
par la projection sur un plan perpendiculaire
à l'axe du'rayon vecteur mené d'an point de
cet axe au point mobile , est donc proportion-
nelle au carré de la vitesse du mobile.
Si les deux points de départ et d'arrivée
appartenaient a un même méridien, la bra-
chistochrone correspondante serait l'aire com-
prise sur ce méridien entre les deux points.
Si la surface de révolution devenait un cy-
lindre, la brachistochrone serait formée de l'en-
roulement de la cycloïde,
BRACHMANE
BRACHMANE s. m. (brak-ma-ne — rad.
sanscr. Brahma). Nom donné à des hommes
de la caste sacerdotale issue de Brahma, et
professant la doctrine des védas ou livres
sacrés : M. le'chevalier de Louville eût été
accablé par le nombre excessif de visites
qu'une folle curiosité lui amenait, comme s'il
eût été un BRACHMANB OU un gymnosophiste.
(Fonten.) Les BRACHMANES forment la pre-
mière des quatre grandes castes parmi les In-
diens. (Reynaud.) Soudain, apercevant l'ami
des
BRACHMAN
BRACHMAN ou BRACHMANN (Louise-Ca-
roline), femme de lettres allemande, née à
Rochlitz en 1777, morte en 1822. Son talent
pour la poésie se montra de bonne heure, et
elle eut pour protecteurs Novalis et Schiller.
Ses premières productions parurent dans
YAlmanach des Muses; elle publia ensuite des
élégies, des ballades, des nouvelles, ou Ton
remarque du sentiment et une teinte de som-
bre mélancolie. Ayant perdu des illusions
dans lesquelles elle plaçait tout son bonheur,
elle se donna la mort en se précipitant dans
la Saale, près de Halle. Schùtz a publié les
Œuvres choisies de Caroline Brachmann k
Leipzig, en 1824.
BRACHIOTOMIE
BRACHIOTOMIE s. f. (bra-ki-o-to-mie —
du gr. brachiôn, bras; tome, section.) Chir.
Amputation du bras.
BRACHODES,
BRACHODES, promontoire de l'ancienne
Afrique septentrionale, à l'entrée de la Petite
Syrte, dont il formait la limite occidentale. Il
était appelé Caput Vada par les Romains, et
les Arabes l'ont nommé Ras Kapudiah. Béli-
saire, dans son expédition contre les Vanda-
les, aborda au cap Brachocles, et Justinien y
fonda une ville qu'il nomma Caput Vada, d'où
est venu le nom moderne de Kapudiah.
BRACHMANES,BRACHMANES, le bandit tomba sur ses ge-
noux. (X. Saintine.) Il On dit aussi BRAH-
MANE, BRAHME OU BRAME, BRAHMIN, BRAH-
MINE OU BRAMINE :
Une souris tomba du bec d'un ebat-huant;
Je ne l'eusse point ramassée,
Mais un brahmin le fit.
LA FONTAINB.
D V . B R A H M A N E .
ERAGHOCÈRE adj. (bra-ko-sè-re— du gr.
brachus, court ; keras, corne). Entom. Qui a
les antennes courtes.
— s. m. p]. Une des deux grandes divi-
sions de l'ordre des insectes diptères, com-
prenant les genres qui ont les antennes
courtes.
BRACHONYX
BRACHONYX s. m. (bra-ko-niks — du
gr. bracnus, court; onux, ongle). Entom.
Genre d'insectes coléoptères tétramères, fa-
mille des charançons, comprenant une seule
espèce, qui habite le nord de l'Europe.
— Ornith. Nom scientifique d'une section
du genre alouette.
BRACHT
BRACHT (Tielman VAN), théologien hollan-
dais, né à Dordrecht en 1625, mort en 1664. il
fut pasteur de la secte des mennonitcSj et il
publia un livre de morale, intitulé : Scholç der
zedeliike deugd (Dordrecht, J657, in-12), qui
eut plus de vingt-cinq éditions. On lui doit
BRAC
aussi des sermons et une espèce de martyro-
loge des mennonites.
BRACHYACANTHE
BRACHYACANTHE adj. (bra-ki-a-kan-te
— du gr. brachus, court ; akantha, épine).
Hist. nat. Qui a des épines courtes.
— s. m. pi. Entom. Genre d'insectes co-
léoptères trimères, démembré du genre coc-
cinelle, et comprenant une dizaine d'espèces,
qui vivent en Amérique.
BRACHYANCALOPTÈNE
BRACHYANCALOPTÈNE adj. (bra-ki-an-
ka-lo-ptè-ne — du gr. brachus, court ; aglca-
lis, brassée; ptênos, volatile). Ornith. Quia
des ailes très-courtes.
— s. m. pi. Famille d'oiseaux dont les ailes
sont très-courtes.
B R A C H Y A S P I S T E s. m. (bra-ki-a-spi-ste
— du gr. brachus, court ; aspis, bouclier). En-
tom. Genre de curculionides, voisin des a s -
tyles.
BRACHYBAME
BRACHYBAME s. m. (bra-ki-ba-me — du
gr. brachus, court ; bamé, pas). Entom. Genre
de curculionides à tarses courts et larges.
BRACHYB10TE adj. (bra-ki-bi-o-te — du
gr. brachus, court; bios, vie). Zool. Qui a la
vie courte.
BRACHYBIOTIQUE
BRACHYBIOTIQUE s. f. (bra-ki-bi-o-ti-ke
— du gr. brachus, court; bios, vie). Dans la
nomenclature d'Ampère, Art d'abréger la
vie.
BRACHYCARPE
BRACHYCARPE adj. (bra-ki-kar-pe — du
gr. brachus, court; karpos, fruit). Bot. Qui a
des fruits courts.
BRACHYCARPÉE
BRACHYCARPÉE s. f. (bra-ki-kar-pé —
rad. brachycarpé). Bot. Genre de crucifères
établi pour un arbrisseau du Cap.
B R A C H Y C A T A L E C T E adj. (bra-ki-ka-ta-
lèk-te — du gr. brachus, court ; katalectikos,
qui finit). Métriq. Se dit d'un vers grec ou
latin auquel il manque le dernier pied: Vers
BRACHYCATALECTE. Il On d i t aUSSi BRACHYCA-
TAI.ECTIQUE.
BRACHYCENTREBRACHYCENTRE adj. (bra-ki-san-tre —
du gr. brachus, court; kentron, aiguillon).
Bot. Qui a de courts aiguillons ou de courtes
épines.
— s. m. Genre de la famille des mélasto-
macées, comprenant une seule espèce.
BRACHYCÉPHALE
BRACHYCÉPHALE adj. (bra-ki-sé-fa-le —
du grec brachus, court; kephalê, tête). Zool.
Qui a la tête courte.
— s. m. Erpét. Genre de batraciens anou-
res, voisin des crapauds, et comprenant une
seule espèce, qui vit au Brésil et a la Guyane.
B R A C H Y C È R E adj. (bra-ki-sè-re — du gr.
brachus, court ; keras, corne). Zool. Qui a les
cornes ou les antennes courtes.
— s. m. Genre de curculionides à antennes
courtes, comprenant un très-grand nombre
d'espèces.
BRACHYCÉRIDE
BRACHYCÉRIDE adj. (bra-ki-sé-ri-de —
de brachycère, et du gr. eidos, aspect). Entom.
Qui ressemble à un brachycère.
— s. m. pi. Division de la famille des cur-
culionides ayant pour type le genre brachy-
cère.
BRACBYCHORÉE
BRACBYCHORÉE s. m. (bra-ki-ko-ré — du
grec brachus. court, et de encrée). Ane. pro-
sod. Pied formé d'une longue entre deux
brèves, comme le mot avenu, il On l'appelle
aussi AMPHIBRAQUE.
BRACHYCHRONIQUEBRACHYCHRONIQUE adj. (bra-ki-kro-ni-
ke — du gr. brachus, court; chronos, temps).
Hist. nat. Qui dure peu.
BRACHYCLADE
BRACHYCLADE adj. (bra-ki-kla-de — du
gr. brachus, court ; ktados, rameau). Bot.
Dont les rameaux sont courts.
— s. m. Genre de plantes de la famille des
composées, comprenant un seul arbrisseau
des Andes de Mendoza.
BRACHYCOME
BRACHYCOME s. f. (bra-ki-ko-me — du
gr. brachus, court; komé, chevelure). Bot.
Genre de plantes, de la famille des compo-
sées, tribu des astérôes, voisin des pâque-
rettes, et comprenant un certain nombre
d'espèces, qui croissent en Australie : Les
BRACHYCOMESBRACHYCOMES sont des herbes vivaces. (J. De-
caisne.) n On dit aussi BRACHYSCOME.
BRACHYCORYNE
BRACHYCORYNE s. m. (bra-ki-ko-ri-ne—
du gr. brachus, court ; korunè, massue). En-
tom. Genre de coléoptères tétramères, de la
famille des cycliques.
BRACHYDACTYLE
BRACHYDACTYLE adj. (bra-ki-da-kti-le
— du gr. brachus, court; dacktulos, doigt).
Zool. Qui a les doigts courts.
B R A C H Y D È R E s. m. (bra-ki-dè-re — du
gr. brachus, court; derê,cou). Entom. Genre
de curculionides, démembre du genre nau-
pacte.
B R A C H Y D É R I D E adj. (bra-ki-dé-ri-de —
de brachydère, e1 du gr. eidos, aspect). En-
tom. Qui ressemble à un brachydère.
— s. m. pi. Tribu de brachélytres ayant
pour type le genre brachydère.
BRACHYÉLYTRE
BRACHYÉLYTRE s. m. (bra-ki-é-li-tre —
du gr. brachus, court j élutron, enveloppe).
Bot. Genre de graminées de la Caroline.
BRACHYGÈNE
BRACHYGÈNE s. m. (bra-ki-jè-ne — du
gr. brachus, court ; genus, menton). Entom.
Genre de coléoptères hétéromères mélaso-
mes.
BRACHYGLOSSE
BRACHYGLOSSE adj. (bra-ki-glo-se — du
BRAC
1183
gr. brachus, court; glissa, langue). Zoul.
Dont la langue est courte.
— Genre de lépidoptères voisin du genre
achérontie, comprenant une seule espèce de
la Nouvelle-Hollande.
BRACHYGRAPHIE
BRACHYGRAPHIE s. t. (brâ-ki-gra-fî —
du gr. brachus, court; graphô, j'écris). Art
d'écrire par abréviations.
BRACHYGLOTTE
BRACHYGLOTTE s. f. (bra-ki-glo-te — du
gr. brachus, court; glôtta, langue). Bot.
Genre de plantes, de la famille des compo-
sées, tribu des eupatoriées : Les BRACHV-
GLOTTES sont toutes indigènes de l'Australie.
(J. Decaisne.)
B R A C H Y G N A T H E S. m. (bra-kigh-na-te —
du gr. brachus, court; gnaihos, mâchoire).
Entom. Genre de coléoptères pentamères,
famille des carabiques.
B R A C H Y G R A P H E s. m. (bra-ki-gra-fe —
du gr. brachus, court ; graphe", j'écris). Celui
qui pratique la brachygraphie.
BBACHYGRAPHIQUE
BBACHYGRAPHIQUE adj. ( b r a - k i - g r a -
fi-ke — rad. brachygraphie). Qui a rapport à
la brachygraphie : Ecriture BRACHYGRAPHI-
QUE.
BRACHYL/ENEBRACHYL/ENE s. f. (bra-ki-lène — du gr.
brachus, court; laina, enveloppe). Bot. Genre
démembré des baccharis, et comprenant cel-
les de ces plantes dont l'involucre est formé
d'écaillés coriaces.
BRACHYLÉPIDE
BRACHYLÉPIDE s. f. (bra-ki-lé-pi-de —
du gr. brachus, court; lepis, écaille). Bot.
Genre d'asclépiadacées, fondé sur un arbre du
Pérou.
BRACHYLOBE
BRACHYLOBE s. m. (bra-ki-lo-be — du
gr. brachus, court; lobos,gousse).Bot.Genre
de crucifères à silicules très-courtes.
BRACBYLOGIE
BRACBYLOGIE s. f. bra-ki-lo-iî — du gr.
brachus, court; logos, discours). Rhétor.
Discours concis; manière de s'exprimer par
sentences et par maximes, il Vice d'élocution
qui rend le style obscur, à force de concision.
Il est signalé par ce vers de Boileau :
J'évite d'être long et je deviens obsour.
BRACHYLOGIQUEBRACHYLOGIQUE adj. (bra-ki-lo-ji-ke —
rad. bruchylogie). Rhétor. Qui a rapport à la
brachylogie.
BRACHYLOPHE
BRACHYLOPHE s. m. (bra-ki-lo-fe — du
gr. brachus, court; lophos, crête). Erpét.
Genre de reptiles sauriens, établi aux dépens
des iguanes, et comprenant une seule es-
pèce, qui vit en Océanie.
BRACHYMÉNION
BRACHYMÉNION s. m. (bra-ki-mé-ni-on
— du gr. brachus, court ; umên, membrane).
Bot. Genre de mousses acrocarpes, compre-
nant deux espèces du Népaul.
ERACHYMÉRE s. m. (bra-ki-mère — du
gr. brachus, court; mèros, cuisse). Entom.
Genre de chrysomelines de Cayenne et du
Brésil.
E R A C H Y N E U R E s . m. (bra-ki-neu-re— du
gr. brachus, court; neuron, nerf). Entom.
Genre de diptères, comprenant une seule es-
pèce des environs de Parme. •
B R A C H Y N O T E s. m. (bra-ki-no-te — du
gr. brachus, court; nâtos,dos). Entom. Genre
de coléoptères malacodermos des Etats-Unis,
créé aux dépens des téléphores.
B R A C H Y O P E s. m. (bra-ki-o-pe — du gr.
brachus, court; ôps, œil). Entom. Genre de
diptères brachystomes.
B R A C H Y O P O D E adj. (bra-ki-o-po-de — du
gr. brachus, court; pous, podos, pied). Hist.
nat. Qui a le pied ou les pieds courts, il On dit
aUSSi BRACHYPODE.
B R A C H Y O T E adj. (bra-ki-o-te — du gr.
brachus, court; ous, ôtos, oreille). Zool. Qui a
les oreilles courtes.
— s. m. pi. Genre de hiboux chez lesquels
les plumes qui figurent des oreilles sont peu
développées.
B R A C H Y P A L P E s. m. (bra-ki-pal-pe — du
gr. brachus, court, et de palpe). Entom.
Genre d'insectes coléoptères pentamères, fa-
mille des palpicornes, comprenant quatre
espèces, qui vivent en Europe, il Genre d'in-
sectes diptères, comprenant cinq espèces, qui
vivent en France.
BRACHYPB
BRACHYPB s. m. (bra-ki-pe — du gr. 6ra-
chus, court ; pous, pied). Zool. Qui a les pieds
courts.
— Ornith. Genre syn. de MARTINET.
— Entom. Genre d'insectes coléoptères t é -
tramères, de la famille des charançons.
BRACHYPÉTALE
BRACHYPÉTALE adj. (bra-ki-pé-ta-le —
du gr. brachus, court, et de pétale). Bot.
Dont les pétales sont courts.
— s. m. pi. Section du genre hélianthème.
BRACHYPHYLLE
BRACHYPHYLLE s. m. (bra-ki-fi-le — du
gr. brachus, court; phullon, feuille). Hist.
nat. Qui a des feuilles courtes ou de courts
appendices foliacés.
— s. m. Mamm. Genre de chéiroptères
comprenant une seule espèce, de l'île Saint-
Vincent.
B R A C H Y P L A T E s. m. (bra-ki-pla-te — du
gr. brachus, court; platus, large). Entom.
Genre d'hémiptères géocorizes, fondé sur une
espèce, de Vanikoro.
B^ACHYPNÉE
B^ACHYPNÉE s. f. fbra-ki-pné — du gr.
brat ïus, court ; pned, je respire). Pathol. Res-
piration courte et pressée.
1184 BRAC
BRAC
BRAC
BRAC
BRACHYPNÉIQUEBRACHYPNÉIQUE adj. (bra-ki-pné-i-ke
— rad. brachypnée). Pathol. Qui a rapport à
la brachypnée.
BRACHYPODE
BRACHYPODE s. m. (bra-ki-po-de — du
gr. brachus, court\pous, pied). Hist. r a t . Qui
a les pieds, le pédicule ou le pétiole courts,
il On dit aussi BRACHYOPODS.
BRACHYPOME
BRACHYPOME adj. (bra-ki-po-me — du
gr. brachus, court; pâma, opercule). Ichthyol.
Qui a un opercule court.
B R A C H Y P O R E adj. (bra-ki-po-re — du çr.
brachus, court, et o\e pore). Hist. nat. Qui a
de petits pores : Bolet BRACHYPORK.
BRACHYPOTE
BRACHYPOTE adj. (bra-ki-po-te —du gr.
brachus, court; potikos, buveur). Méd. Qui
boit peu.
B R A C H Y P T È R E adj. (bra-ki-ptè-re —du
gr. brachus, court ; pteron, aile). Zool. Qui a
les ailes courtes.
— s. m. pi. Famille d'oiseaux de l'ordre
des palmipèdes, dont les ailes sont très-
courtes.
BRACHYPTÉROIXE
BRACHYPTÉROIXE s. m. (bra-ki-pté-rô-
le T- de brachyptère et rolle), Ornith. Genre
d'oiseaux, ayant des affinités avec les brâ-
chyptères t t les rollcs. 11 comprend trois es-
pèces, qui vivent en Afrique.
BRACHYPTÉRYS
BRACHYPTÉRYS s. m. (du gr. brachus,
court; pterux, aile). Bot. Genre d'arbris-
seaux grimpants, famille des malpighiacées,
comprenant deux espèces, qui croissent dans
l'Amérique du Sud.
BRACHYPTRALLE
BRACHYPTRALLE s. m. (bra-ki-ptra-le —
du gr. brachus, court ; pteron, aile, et du lat.
rallus, râle). Ornith. Genre d'échassiers ma-
crodactyles, établi sur une grosso espèce de
râle de la Nouvelle-Hollande.
BRACHYRHYNQUE
BRACHYRHYNQUE adj. (bra-ki-rain-ke —
du gr. brachus, court; rugchos, bec). Hist.
nat. Qui a le bec court ou un court appendice
en forme de bec.
— Entom. Genre d'hémiptères aradiens de
Java, il Genre de curculionides gonatocères.
— Bot. Genre décomposées, voisin des sé-
neçons.
BRACHYSCXEN,
BRACHYSCXEN, I E N N E adj. (bra-kiss-si-
ain, si-è-ne— du gr. brachus, court; skia,
ombre). Géogr. Dont le corps au soleil ne
donne qu'une ombre courte a midi, comme
il arrive pour les habitants de !a zone tor-
ride : Les peuples BRACHYSCIENS.
— s. m. pi. Nom des mêmes peuples : Les
BRACHYSCIENS. Il On les appelle aussi AMPHIS-
CIENS.
BRACHYS
BRACHYS s. m. (bra-kiss — du gr. bra-
chusj court). Entom. Genre de coléoptères
voisin des buprestes.
BRACHYSCOMEBRACHYSCOME s. f. (bra-ki-sko-me). Bot.
Syn. de BRACHYCOMB.
BRACHYSÈMEBRACHYSÈME s. f. (bra-ki-sè-me — du
gr. brachus, court; sema, étendard). Bot.
Genre do légumineuses de la Nouvelle-Hol-
lande, dont deux espèces sont cultivées dans
nos jardins.
BRACHYSTAGHYÉ,
BRACHYSTAGHYÉ, -ÉE (bra-ki-sta-ki-é
— du gr. brachus, court; stachus, épi). Bot.
Dont les épis sont courts.
BRACHYSTEMME
BRACHYSTEMME s. m. (bra-ki-stè-me —
du gr. brachus, court; stemma, bandelette).
Bot. Genre de caryophyliées, comprenant une
seule espèce du Népaul.
BRACHYSTÉMONEadj.(bra-ki-sté-mo-ne—
du gr. brachus
}
court; stêmôn,étamine). Bot.
Dont les étamines sont plus courtes que les
pétales.
%
BRACHYSTERNEBRACHYSTERNE s. m. (bra-ki-stèr-ne —
du gr. brachus, court ; sternon, sternum). En-
tom. Genre de coléoptères lamellicornes, com-
prenant une seule espèce, du Chili, u Autre
genre de la même famille, comprenant une
seule espèce, de Cayenne.
BRAGHYSTOCHRONE. V. BRACHISTO-
CHRONE.
BRACHYSTOMEBRACHYSTOME adj. (bra-ki-stome — du
gr. brachus, court; stoma,bouche). Hist.nat.
Qui a une petite bouche ou un petit orifice.
— s. m. Entom. Genre de diptères tany-
stomes, comprenant deux espèces propres à
Nice et à la Sicile.
BRACHYSTYLE
BRACHYSTYLE s. m. (bra-ki-sti-le — du
gr. brachus, court, et de style). Entom. Genre
de coléoptères pentamères carabiques, com-
prenant deux espèces, d'Amérique.
B R A C H Y S Y L L A B E s. m . (bra-ki-sil-la-be
— du gr. brachus, court, et de syllabe). Ane.
orosod. Pied de vers latin ou grec, composé
5e trois brèves, comme le mot maria, li On
'appelle aussi TRIBRAQUE.
BRACHYTARSE
BRACHYTARSE s. m. (bra-ki-tar-se — du
rr. brachus, court, et de tarse). Entom. Genre
ie coléoptères, famille des curculionides, com-
prenant une vingtaine d'espèces, des deux
continents.
BRACHYTÉLOSTYLÉ,
BRACHYTÉLOSTYLÉ, ÉE adj. (bra-ki-té-
lo-sti-lé — du gr. brachus, court ; telos, fin ;
stulos, style). Miner. Se dit des substances
qui cristallisent en un prisme court terminé
par deux pyramides.
BRACHYTRIÉ
BRACHYTRIÉ s. f. (bra-ki-trl —du gr.
brachus, court). Entom. Genre de coléoptè-
res tétramères longieornes.
BRACHYURE
BRACHYURE adj. (bra-ki-u-re — du gr.
brachus, court; oura, queue). Zool. Qui a la
queue courte.
— s. m. pi. Crust. Division de crustacés
décapodes, comprenant les espèces dont la
queue, plus courte que le tronc, est dépour-
vue d'appendices ou nageoires à son extré-
mité, se reploie en dessous, dans l'état de
repos, pour se loger dans une fossette de la
poitrine, comme chez les crabes, u Se dit par
opposition à MACROURES.
— Encycl. Les brachyures forment une des
grandes divisions de la classe des crustacés
décapodes. On les nomme ainsi parce que
leur queue (abdomen) est plus courte que le
tronc, et se replie en dessous pour se loger
dans une fossette du thorax ; elle est aussi
dépourvue à son extrémité d'appendices ou
nageoires. Les autres caractères sont : cara-
pace et plastron sternai très-larges; première
paire de pattes en serre didactyle; neuf ou
sept branchies lamelleuses de chaque côté du
corps ; fias de ganglions nerveux dans l'abdo-
men ; orifices de 1 appareil femelle situés sur
le plastron sternai. Latreille divisa d'abord
les brachyures en sept sections, qu'il réduisit
ensuite à six. Milne-Edwards en a formé qua-
tre familles, celles des oxyrhynques, des ey-
clométopes, des catométopes et des oxysto-
mes. Le genre crabe, connu de tout le monde,
appartient aux cyclométopes.
BRACIEUX,
BRACIEUX, bourg de France (Loir-et-Cher),
ch.-l. de cant., arrond. et a 17 kilom. S.-E.
de Blois, sur le Beuvron ; pop. aggl. 1,097 hab.
— pop. tôt. 1,135 hab. Vins, grains et four-
rages.
BRACIN
BRACIN s. m. (bra-sain). Brasserie, u Vieux
mot.
BRAC1US PAGUS, nom latin du pays de
Bray.
BRACK
BRACK (Wenceslas), lexicographe, vivait à
Constance vers la fin du xive siècle. Il com-
posa un dictionnaire latin qui présentait les
mots rangés dans un ordre méthodique; ainsi,
toutes les parties du ciel se trouvaient en-
semble, tous les noms de dieux étaient réu-
nis, etc. U paraît que les savants de ce temps
comprirent toute l'utilité de ce dictionnaire
pour faciliter la recherche des mots inconnus
ou sortis de la mémoire ; car il en parut quinze
éditions différentes dans l'espace d'une tren-
taine d'années. U avait pour titre : Vocabu-
• larium rerum Archonium appellatum. Au mot
ANALOGIQUE, nous avons parlé d'un diction-
naire français conçu d'après la môme idée
fondamentale, mais sur un plan plus métho-
dique encore, et qui résout complètement le
' problème de la recherche des mots pour la
, langue française : c'est le Dictionnaire anato-
i gique, par P. Boissière.
|
BRACKEL,BRACKEL, ville de Prusse, province de
: "Westphalie, gouvernement et a 60 kilom.
' S.-E. de Minden, sur la Nethe; 2,880 hab.
BrasserieSj distilleries, vinaigreries. Autrefois
ville impériale.
BRACKENRIDGE
BRACKENRIDGE (Henri), publïciste amé-
ricain, né en 1786 à Pittsburgh. Issu d'une
famille de robe, il apprit dès l'enfance les lan-
, gués française, allemande et espagnole, rem-
plit en Louisiane et dans la Floride des fonc-
tions judiciaires, fit partie du congrès en 1840,
et de la législature de Pensylvauie en 1844.
Parmi ses brochures politiques, on distingue
celle qu'il adressa en 1816 au président Mon-
roë; elle a été traduite par labbé de Pradt.
Parmi ses écrits historiques, on remarque
deux études sur Jefferson et Adams (1820) ;
une Histoire populaire de la guerre de 1814
avec l'Angleterre (1815) ; et, parmi ses œuvres
littéraires, des études de mœurs, ou esquisses
de voyage : la Louisiane (1812) ; Voyage dans
l'Amérique du Sud (1810,2 vol.), cité avec
éloge par de Humboldt; Souvenirs de l'Ouest
(1834, l vol.). Il prépare, dit-on, une Histoire
de l'insurrection américaine.
BRAGOLE
BRAGOLE s. f. (bra-ko-le). Pain cuit sous
la cendre. Il Vieux mot.
BRACKETTBRACKETT (Josué), médecin et patriote
américain, né en 1733 àGreeland, mort en
1802. Il abandonna la théologie et la prédica-
tion pour s'adonner à l'étude de la médecine,
et devint président de la Société médicale de
New-Hampshire. Brackett se signala par son
zèle ardent pour la cause de l'indépendance
américaine, fut nommé membre du Comité
de sûreté pendant la guerre, et mourut après
avoir consacré sa vie à l'exercice de toutes
les vertus.
BRACLAW,
BRACLAW, ville de Russie. V. BRATSLAF.
BRACON
BRACON s. m. (bra-kon). Branche d'arbre.
Il Pièce de bois, il Vieux mot,
— Archit. hydraul. Poutre en potence qui
soutient une porte d'écluse.
— Entom. Genre d'insectes hyménoptères,
famille des ichneumons7comprenant un grana
nombre d'espèces indigènes ou exotiques.
BRACON
BRACON IDE adj. (bra-ko-ni-de — rad.
bracon). Entom. Qui ressemble à un bra-
con. il On dit aussi BRACONOÏDE et BRACONITE,
—s.m.pl. Grouped'insecteshyménoptères,
ayant pour type le genre bracon.
BRACONNAGE
BRACONNAGE s. m. (bra-ko-na-je—rad.
braconner). Action de braconner : Réprimer
le BRACONNAGE. Autrefois, dans ce pays, le BRA-
CONNAGE était passé à l'état de coutume et de
droit. (G. Sand.) L'indigence du gibier, à me-
sure qu'elle gagne, hausse ta prime du BRACON-
NAGE. (Toussenel.) Un préfet ouvre le BRACON-
NAGE) chez les autres, en ouvrant d'avance la
chasse chez lui. (Toussenel.) Le BRACONNAGE
est une école libre de démoralisation, de rapine
et de meurtre, qui fournit tous les ans son con-
tingent de recrues au bagne. (Toussenel.) Le
BRACONNAGEBRACONNAGE est à peu près permanent en An-
gleterre. (h.-J. Larcher.) Autrefois le BRA-
CONNAGE était puni, selon les cas, de l'amende,
du fouet, de la flétrissure, du bannissement, des
galères, de la mort même. (Bouillet.)
— Encycl. V. BRACONNIER.
B R A C O N N É , ÉE (bra-ko-né) part. pass. du
v. Braconner. Se disait autrefois d'un chien
bien dressé : Chien BRACONNÉ.
BRACONNER
BRACONNER v. n. ou intr. (bra-ko-né —
rad. braque, espèce de chien}. Chasser d'une
façon ou en des temps défendus; chasser sans
l'autorisation légale qui porte le nom de
permis : Le père et le fils BRACONNAIENT con-
tinuellement. (Balz.) Hélas! mon Dieu, vous
BRACONNEZBRACONNEZ donc encore, monsieur? Et tes
gardes? et les gendarmes? (E. Sue.) Quant au
garde champêtre, né incorruptible, ne lui de-
mandons que de ne pas trop BRACONNER lui-
même. (A. d'Houdetot.) Un manant, BRACON-
NER sur le gibier des gentilshommes !{y. Hugo.)
On dit que tu laisses un peu BRACONNER les
brigands sur nos terres? (G. Sand.)
— Fam. Prendre, puiser dans ce qui appar-
tient aux autres; chasser, comme on dit, sur
les terres d'autrui : Beaucoup de littérateurs
trouvent que BRACONNER dans les œuvres d'au-
trui est plus facile que de se creuser la cervelle
pour en tirer des idées. (L.-J. Larcher.)
Gabrielle daignait permettre
Qu'on braconnât dans son canton.
BÉRANGER.
— Activ. Chasser ou prendre à la chasse en
braconnant : BRACONNER une pièce de gibier,
un lapin, un chevreuil. On BRACONNE le faisan,
en l'enfumant à l'aide d'une mèche soufrée por-
tée au bout d'un long bâton. ( A. d'Houdetot.)
B R A C O N N E R I E s. f. (bra-ko-ne-rî — rad.
braque). Chenil, il Vieux mot.
BRACONNIER
BRACONNIER s. m. (bra-ko-riié. — Ce mot
vient du nom donné à l'espèce de chien que
nous appelons braque; mais ce n'est p a s ,
comme beaucoup de personnes se l'imaginent,
f
)arce que les braconniers se servent généra-
ement de chiens de cette race, qu'ils ont été
ainsi appelés. En effet, à l'origine, les bra-
conniers n'étaient nullement des chasseurs
en contravention perpétuelle, chassant sur
des terres qui ne leur appartenaient pas,
mais bien une classe de valets ayant pour
fonction de soigner les chiens braques dans
les équipages de chasse. Ce n'est que par
extension que ce mot a été pris dans un mau-
vais sens, et appliqué à ce que nous appelons
aujourd'hui des braconniers. Il n'est oesoin,
pour s'en convaincre, que de jeter un coup
d'oeil sur différents passages de notre an-
cienne littérature. C est ainsi que, dans le
Roman de Garin
t
on lit ce vers cité par
Ducange :
Braconier mestre en fiât H rois Pépin.
Il serait assez étrange de voir le roi Pépin
faire un braconnier maître, dans le sens auquel
nous l'entendons actuellement. Dans le Roman
du Renart, les braconniers sont nommés con-
jointement avec les venors, comeors, etc. On
retrouve la forme brakenier dans les anciens
textes; elle peut nous servir de transition
pour remonter jusqu'au mot BRAQUE). Celui
3
ui se livre au braconnage, qui chasse en
es lieux, des temps ou par des moyens dé-
fendus, ou sans autorisation régulière : C'est
un adroit BRACONNIER. L'affûteur est le plus
redoutable de tous les BRACONNIERS, pour le
garde et pour le gendarme. (Toussenel.) Il y a
contre les BRACONNIERS un préjugé légitime :
le
BRACONNIER,BRACONNIER, de même que le contrebandier,
côtoie de fort près le brigand. (V. Hugo.)
L'économiste qui réclame la liberté illimitée
du commerce sourit au BRACONNIER, qui par-
tage ses principes. (V. Hugo.) il Chasseur qui,
sans violer la loi, poursuit la destruction du
gibier, et tue sans ménagement tout le gibier
qu'il peut : Ce chasseur est un grand BRACON-
NIER. (Acad.) Quels BRACONNIERS! vous avez
dépeuplé tout le pays. (Destouches.)
— Fam. Celui qui prend, qui puise dans
ce qui appartient a autrui : Les célibataires
sont les
BRACONNIERSBRACONNIERS du mariage. (Greuze.)
/ / n'y a pas de lois contre les BRACONNIERS
littéraires. (L.-J. Larcher.)
Auprès de la femme jolie
Combien de braconniers voit-on!
BÉRANOBR.
— Adjectiv. Qui se livre au braconnage ;
?
[ui convient aux braconniers : Ce bon cheva-
ier est
BRACONNIERBRACONNIER comme un garde-chasse.
(G. Sand.) L'humeur BRACONNIÈRE est un des
traits distinctifs du caractère des habitants de
l'Hérault.
— Encycl. Le mot braconnier n'a pas tou-
jours été pris dans un sens défavorable; il
désignait autrefois, comme nous l'avons déjà
dit,les agents de la vénerie qui étaient plus
spécialement chargés du soin de dresser et de
conduire des chiens de chasse d'une espèce
f
tarticulière, remarquables par une quête bril-
ante et une grande finesse d'odorat, tels que
sont les braques. L'état de braconnier était alors
aussi honnête que celui de fauconnier, de lou-
vetier, de perdrisseur et autres, dont il est
[ parlé dans les coutumes et les anciennes
I rdonnances. Les grands seigneurs avaient
presque toujours un certain nombre de bra-
conniers qui étaient autorisés à chasser ; il
leur était seulement interdit d'exiger des
églises, des abbayes ou des laboureurs, quoi
que ce fût pour leur nourriture. Cependant,
d'après l'ancienne charte ou coutume du comté
de Hainaut, le braconnier, lorsqu'il avait pris
un loup, pouvait forcer le cultivateur le plus
voisin à lui donner, comme indemnité ou ré- *
compense, soit un mouton, soit la somme de
30 sols tournois.
La loi n'emploie jamais les termes de bra-
connier, braconnage; mais ils sont admis dans
le langage courant du palais et des officiers
et agents de police judiciaire. Il serait difficile
de fixer l'époque où l'on a donné ce nom à
ceux qui chassent en tout temps et en viola-
tion des lois. Les ordonnances de 1601, 1607
et 1660, non plus que les actes qui ont suivi,
n'ont jamais frappé nommément les bracon-
niers. Aujourd'hui, le sens de ce mot est par-
faitement fixé. Par braconnier, on entend tout
homme qui, à défaut d'une industrie honnête,
chasse sans aucun droit sur le terrain d'autrui,
non par plaisir, mais dans le but de tirer un
bénéfice illicite du gibier qu'il peut dérober.
Les anciennes ordonnances punissent les bra-
conniers et les receleurs de gibier de peines
très-graves, telles que le fouet, la flétrissure,
le bannissement, outre de fortes amendes, et,
en cas de menaces ou de récidive, elles pro-
noncent la condamnation aux galères. Par les
ordonnances de 1515 et 1601,1a peine de mort
était même décrétée pour le troisième cas de
récidive, et lorsque les condamnés bannis
rompaient leur ban; mais cette peine a été
abolie par l'ordonnance de 1669. L'article 12
du titre xxx delà même ordonnance prononce
contre les tendeurs de lacs, tirasses, tonnelles
et autres pièges, la condamnation au fouet et
à 30 livres d'amende pour la première fois;
pour la seconde fois, il prononce la peine du
fouet, la flétrissure et le bannissement pen-
dant cinq uns hors de l'étendue de la maîtrise.
Dans le cas d'attroupement de braconniers,
l'article 4 de la déclaration royale du 9 mars
1780 prononce la peine des galères. Dans cer-
tains pays, les lois contre le braconnage étaient
encore plus sévères: d'après une ordonnance
de Guillaume le Conquérant, on crevait les
yeux à l'homme qui avait tué un lièvre, et l'on
mettait à mort celui qui avait tué un daim.
L'art. 3 de la loi du il août 1789 modifia
sensiblement cet état de choses. Cet article,
après avoir déclaré que le droit exclusif de la
chasse et des garennes ouvertes était aboli,
ajoutait : • M. le président de l'Assemblée
nationale sera chargé de demander au roi le
rappel des galériens et des bannis pour sim-
ples faits de chasse, l'élargissement des pri-
sonniers actuellement détenus, et l'abolition
des procédures existant a cet égard. »
Les législateurs de 1789 étaient allés loin, et,
dans leur désir de mettre le gibier des plaines
et des forêts, comme les poissons de mer et
de rivière, à la portée de tous, ils n'avaient
pas songé que c'était détruire le gibier de
toute la France en quelques années. La loi
du 22 avril i79o vint opposer un frein néces-
saire, indispensable, aux chasseurs et bracon-
niers, qui n'eussent pas laissé un lièvre dans
les bois ni une perdrix dans les guèrets.
Néanmoins, cette loi ne punit pas le bracon-
nage proprement dit, le braconnage n'étant
qu une constante récidive du délit de chasse;
mais, d'après son article 3, les peines édictées
contre les simples délits de chasse sont dou-
blées en cas de récidive, triplées s'il survient
une troisième condamnation, et ainsi de suite,
dans la même progression, pour les contra-
ventions ultérieures, pourvu toutefois qu'elles
soient prononcées dans le courant de la même
année. Mais lorsque le prévenu ne justifie
pas d'un port d'armes, sans égard à la con-
damnation pour délit de chasse, il est aujour-
d'hui condamné à l'amende portée par le
décret du 4 mai 1812, pour délit de portd armes
sans permis ; car le cumul des deux peines peut
et doit avoir lieu. La loi du 3 mai 1814,comme
celle de 1790, ne prononce de peine que contre
les délits de chasse ; mais, en cas de récidive,
elle porte qu'ils peuvent être punis de l'empri-
sonnement , indépendamment de l'amende ;
cette amende peut être portée à 1,000 francs,
et la prison à deux ans, si le délit a été commis
pendant la nuit.
Le braconnage, qui n'est autre chose que la
chasse furtive sur le territoire d'autrui, est la
désolation des propriétaires fonciers, et, jus-
qu'à ce jour, il a été impossible de le détruire.
C'est un audacieux attentat à la propriété du
gibier, à la répression duquel gardes-chasse,
gardes forestiers et gardes champêtres sont
sans cesse occupés. C est une dlme illicite pré-
levée envers et contre tous par des gens qui
souvent en font le plus clair de leurs moyens
d'existence
?
et, dans certaines contrées gi-
boyeuses, il est presque exercé ostensible-
ment par de redoutables malfaiteurs.
C'est pour mettre un terme à cette destruc-
tion permanente du gibier que des associa-
tions se sont fondées en France pour la ré-
pression du braconnage, notamment dans les
départements de la Marne et de la Seine-
Intérieure. D'excellents résultats ont été ob-
tenus. Les moyens d'action de ces sociétés
sont d'accorder aide et protection à tous ceux
qui concourent à la répression de ce délit. Des
gratifications et des récompenses honorifiques
sont données, dans certaines conditions, non-
seulement aux gardes ou agents de la force
BRAC
BRAC BRAD.
BRAD 1185
publique, mais encore à toute personne ayant
concouru à la répression d'uu délit de chasse,
ou fourni les éléments de la poursuite. Des
secours temporaires sont accordés aux gardes
blessés dans l'exercice de leurs fonctions, et
des pensions sont attribuées aux femmes ou
aux orphelins de ceux qui succombent; de plus,
des primes sont payées pour la destruction des
animaux nuisibles.
C'est sur ces bases qu'a été fondée, en 1866,
la Société des chasseurs pour la répression du
braconnage dans les départements de la Seine
et de Seine-et-Oise. Paris étant le centre où
s'écoule la plus forte partie des fruits du bra-
connage, c'est sur ce point qu'il convenait de
centraliser les moyens d'action pour arriver
à un résultat satisfaisant, et ce furent de
grands propriétaires fonciers, qui avaient un
intérêt personnel à défendre leurs bois et leurs
plaines, qui se lirent les fondateurs de ces
diverses sociétés répressives.
Braconnier (LE), opéra-comique en un acte,
paroles de Vanderburch et de Leuven, mu-
sique de M. Gustave Héquet, représenté à
l'Opéra-Comique le 29 octobre 1847. Sur un
livret très-naïf et sans, intérêt, M. Gustave
Héquet a écrit une partition assez agréable.
On y a remarqué un bon quatuor et le duo
entre le braconnier Hébert et Lisa, fille du
garde-chasse. Ce petit ouvrage a été chanté
par Jourdan, Chaix et M
ll(i
Lemercier.
BRAGONN1ÈRE s. f. [bra-ko-niè-re — du
lat. braca, braie). Art milit. Espèce de jupon
en lames horizontales et articulées, qui, dans
certaines armures du xv« et du xvje siècle, dé-
fendait le ventre et le haut des cuisses. On
l'appelait TONNELET quand il était très-
ample et très-arrondi, il On dit aussi BKA-
GONNIÈRE.
BRÂCONNOTBRÂCONNOT (Henri), chimiste français, né
à Commercy (Meuse) en 1781, mort en 1855.
Il a été professeur d'histoire naturelle et direc-
teur du jardin des plantes à Nancy. On lui
doit beaucoup de recherches chimiques d'un
haut intérêt, et qui ont contribué aux progrès
de" l'analyse végétale. Cette analyse lui a
fourni des produits nouveaux auxquels il a
donné les noms d'acide fungique, bolétique,
nancéique, ellagique, absinthique, etc. Il s'est
occupé aussi des alcalis végétaux. Ses nom-
breux mémoires ont été insérés dans les An-
nales de chimie et de physique, le Journal de
physique, le Journal de chimie médicale et
autres recueils scientifiques.
B R A C O N O Ï D E adj. (bra-ko-no-i-de — de
bracon, et du gr. eidos, aspect). Entom. Qui
ressemble à un bracon.
— s. m. pi. Famille d'insectes hyméno-
ptères, ayaut pour type le genre bracon. n On
d î t aUSSi BRACONIDE.
BBACQUEMOND
BBACQUEMOND (Félix-Joseph-Auguste),
peintre et graveur contemporain, né à Paris
en 1833, élève de Joseph Guichard-Lagre-
née, a pris part à toutes les expositions qui
ont eu lieu depuis 1852, excepté à celle de
1803. On a beaucoup remarqué ses portraits
au crayon et au pastel, d'un dessin précis et
d'un modelé savant, entre autres celui d'une
femme âgée (Salon de 1852). Mais c'est sur-
tout comme aquafortiste que M. Bracque-
mond s'est fait connaître; peu d'artistes ma-
nient la pointe avec autant de vigueur et
d'originalité que lui. Parmi ses eaux-fortes,
nous citerons : le portrait d'Erasme, d'après
Holbein; celui de M. Théophile Gautier; le
Tournoi
y
d'après Rubens ; diverses études
d'oiseaux , des Sarcelles, des Canards, Margot
la critique, etc. M. Bracquemond a gravé plu-
sieurs planches pour Y Artiste et les frontispices
de divers livras, notamment des Amis de la
nature, et des Tréteaux, de M. Monselet. Il est
aussi du nombre des peintres qui, de nos jours,
ont remis la faïence artistique à la mode ; il a
exécuté en ce genre une grande quantité d'ou-
vrages, dont plusieurs sont remarquables.
B R A C T É A I R E adj. ( b r a - k t é - è - r e — rad.
bractée). Bot. Qui tient des bractées; qui a
rapport aux bractées. .
— s. f. pi. Genre de plantes, de la famille
des légumineuses, tribu des phaséolées, réuni
aujourd'hui, comme simple section, au genre
clitorie.
BRACQBRACQ (Martin-Joseph), prêtre français et
membre de l'Assemblée constituante, né à
Valenciennes en 1743, mort en 1801. Il était
curé de Ribecourt, près de Cambrai, lorsqu'il
fut envoyé aux états généraux comme repré-
sentant du clergé. Tous ses votes furent mar-
qués au coin d'un patriotisme honnête et
éclairé ; il prêta le serment exigé des ministres
du culte, refusa l'épiscopat et retourna à Ri-
becourt remplir ses fonctions pastorales. A la
fin des troubles révolutionnaires, les habitants
de Ribecourt l'appelèrent à exercer parmi eux
la magistrature paternelle de juge de paix.
BRACTÉAL,
BRACTÉAL, ALE adj. (bra-kté-al, a-le —
rad. bractée). Bot. Qui concerne les bractées.
— Feuilles bractéales, Celles gui avoisinent
le plus les bractées et participent de leurs
caractères.
B R A C T É A T E adj. (bra-kté-a-te — du lat.
bractea, lame, feuille de métal). Numism. Se
dit d'une ancienne monnaie, frappée d'un
>eul côté sur un flan très-mince : Les mon-
mies
BRACTÉATESBRACTÉATES ont été fabriquées, au moyen
âge, danspresque toutes les parties de l'Europe.
— s. f. Monnaie bractéate : Une BRACTÉATE.
Des BRACTÉATES.
— Encycl. Dans les monnaies bractéates,
l'empreinte du seul coin dont il est fait usage "
reproduit le type en relief d'un côté et en
creux de l'autre. On connaît des bractéates du
pape Pascal II et des évèques de Strasbourg.
Aujourd'hui, lorsqu'on veut obtenir l'empreinte
d'un seul des deux coins qui doivent faire une
monnaie ou médaille, on frappe des épreuves
sur flan très-mince, auxquelles on donne le
nom de clichés, et qui ne sont autre chose que
des espèces de bractéates.
Les bractéates étaient en argent, rarement
en or, jamais en cuivre ou en laiton. Du xie au
xivc siècle, elles ont été d'un usage général
dans le nord de l'Europe, où elles servaient
aussi fréquemment de parures. Les plus an-
ciennes sont frappées des deux côtés, ce qui
devint impossible plus tard, à cause de leur
extrême ténuité. On en a trouvé beaucoup dans
les fouilles pratiquées en Allemagne et dans
tout le Nord; mais, chose assez remarquable,
le Danemark est le seul pays * qui ait fourni
jusqu'ici des bractéates d'or.
BRACTÉE
BRACTÉE s. f. (bra-kté — du lat. bractea,
feuille de métal). Bot. Fouilles, ordinaire-
ment colorées, qui naissent avec la fleur de
certaines plantes : Les BRACTÉES du tilleul,
de l'ananas.
— Nom donné autrefois a certaines gi-
rouettes formées dune feuille mince de métal. .
— Encycl. A mesure qu'elles s'élèvent sur
la tige en se rapprochant de la fleur, les
feuilles subissent diverses modifications; elles
diminuent d'étendue, deviennent sessiles, per-
dent leurs découpures et se réduisent même
à l'état de simple écaille. Par suite de ces
-dégradations, ordinairement insensibles, les
feuilles supérieures diffèrent tellement des
inférieures, qu'elles ont reçu des botanistes
un nom particulier, celui de bractées. On en a
un exemple bien connu dans les feuilles ou
écailles qui constituent ce qu'on appelle la
tête ou la pomme de l'artichaut. Presque tou-
jours les bractées sont vertes comme les
feuilles ; quelquefois, cependant, elles affectent
des couleurs éclatantes, qui les font ressembler
àde véritables fleurs ; telles sont, par exemple,
les bractées des immortelles, des bougain-
villées, des euphorbes, etc?Du reste, la forme,
la grandeur, la consistance, la couleur, et, en
général, tous les caractères des bractées sont
extrêmement variables.
On a déjà, vu que les bractées ne sont que
des feuilles transformées ou réduites à de pe-
tites dimensions ; de là le nom de feuilles fia-
rates qu'on leur donne quelquefois ; cependant,
on emploie plus particulièrement ce dernier
terme pour désigner les feuilles qui accompa-
gnent les fleurs sans subir d'altération sensible.
Lorsque les fleurs manquent vers le sommet
de la tige, les feuilles reparaissent avec leur
forme ordinaire; elles forment alors une touffe
qui couronne l'inflorescence. L'ananas et la
couronne impériale fournissent un exemple
très-remarquable de cette disposition.
En général, il n'y a qu'une seule bractée à
la base des ileurs ou de leur pédoncule. Quand
les bractées sont réunies circulairement autour
d'une ou de plusieurs fleurs, leur ensemble
constitue ce qu'on appelle un involucre. Les
pièces qui constituent l'involucre portent, sui-
vant leur nature, le nom de folioles ou â'écail-
tes. Lorsqu'à l'aisselle de chaque foliole naît,
au lieu d'une fleur, un axe portant à son tour
un nouvel involucre qui renferme les fleurs,
le premier est dit involucre universel ou sim-
plement involucre, le second involucre partiel
ou ùwolucelle. Si l'involucre renferme plu-
sieurs fleurs, elles peuvent être disposées sur
plusieurs rangs, comme dans l'artichaut, l'im-
mortelle, la scorsonère, ou sur un'seul,comme
dans la carotte et les euphorbes. Dans ce
dernier cas, on emploie quelquefois le mot de
collerette. Enfin, certains involucres portent
des noms spéciaux. On les appelle calicules
lorsqu'ils entourent le calice d'une fleur uni-
que, comme dans l'œillet ou la mauve. Si les
bractées, imbriquées, se soudent intimement
en formant un corps compacte et dur, on a une
cupule: telle est la petite coupe qui entoure la
base du gland du chêne, telle est encore l'en-
veloppe épineuse qui renferme les fruits du
hêtre et du châtaignier. On donne le nom spé-
cial de spathes à de grandes, bractées qui re-
couvrent entièrement les fleurs avant leur
épanouissement. Le pied-de-veau, l'iris, les
aulx, les narcisses, portent des spathes. C'est
encore parmi les bractées que plusieurs bota-
nistes rangent la glume ou la balle du froment,
de l'orge, de l'avoine, etc.
BRACTÉEN,
BRACTÉEN, ENNE adj. (bra-kté-ain, è-ne
— rad. bractée). Bot. Qui a le caractère d'une
bractée : Foliole BRACTÉENNE.
B R A G T É I F È R E adj. (bra-kté-i-fè-re — de
bractée et du lat. fero, je porte). Bot. Qui
porte une ou plusieurs bractées.
BRACTÉIFORME
BRACTÉIFORME adj. (bra-kté-i-for~me —
de bractée et de forme). Bot. Se dit de tout
organe foliacé qui ressemble à une bractée :
Folioles BRACTÉIFORMES.
B R A C T É O C A R D I É J É E adj. {bra-kté-o-kar-
di-é — de bractée et du gr. (cardia, cœur).
Bot. Qui a des bractées cordiformes. H Mot
hybride dont la forme régulière serait BRAC-
TEOCORDÉ.
BRAGTÉOOAMEBRAGTÉOOAME adj. {bra-kté-o-ga-me —
de bractée et du gr. gamos, mariage). Bot. Qui
a ses bractées soudées l'une à l'autre.
BRACTÉOLAIRE
BRACTÉOLAIRE adj. (bra-kté-o-ïè-re —
rad. bractéole). Bot. Qui a rapport aux brac-
téoles ; qui est muni de bractéoles.
B R A C T É O L E s. f. (bra-kté-o-le — du lat.
bracteola, dim. de bractea, feuille de métal),
Techn. Nom donné aux feuilles défectueuses,
dans les ateliers de batteur d'or : Les BRAC-
TÉOLES servent, avec les rognures, à faire l'or
en coquilles. Les ouvriers disent et écrivent,
par corruption, BACTRÉOLE.
— S'est dit pour Girouette, parce qu'elles
sont généralement fabriquées avec des feuilles
minces de métal.
—• Bot. Petite bractée.
BRACTÉOLE,
BRACTÉOLE, ÉE adj. (bra-kté-o-lé — rad.
bractéole). Bot. Qui est pourvu de bractéoles.
BRACTÉTÉ,
BRACTÉTÉ, ÉE adj. (bra-kté-té — rad.
bradée). Bot. Qui est pourvu de bractées.
BHACTON
BHACTON (Henry DE), le plus ancien des
jurisconsultes anglais,'né au commencement
du xme siècle, dans le Devonshire, fut grand
juge sous le règne de Henri III. Il publia, vers
1240, un traité de législation et de jurispru-
dence : De legibus et cousuetudinibus Anylia?
(Londres, 1640, in-4o), recueil des lois et cou-
tumes de sa patrie, et le premier corps de
droit écrit qu'ait eu l'Angleterre. Cet ouvrage,
où les coutumes anglo-normandes sont éclai-
rées par les principes du droit romain, est écrit
d'un style clair, précis, et bien supérieur à la
latinitébarbare des contemporains. Son auto-
rité s'est conservée pendant longtemps, et on
l'a même invoquée, à tort ou à raison, dans le
procès de Charles I
e r
. La première édition a
paru à Londres en 1569. On estime surtout
celle de 1640, soigneusement collationnée sur
une foule de manuscrits dont les plus impor-
tants n'existent plus.
Hit AD (Jean-Louis), poète français, né en
Lorraine vers 1770. Il fut successivement chi-
rurgien aide-major et limonadier. On a de lui
divers ouvrages eh prose et en vers : Hygie
militaire ou l'Art de gvérir aux armées (1816,
in-8o) ; les Maçons de Cytkère (1812^ ; l'Italie
(1813), etc.
BRADAMANTE,
BRADAMANTE, sœur de Renaud de Mon-
tauban et l'une des héroïnes du poème de Ro-
land furieux. Sous l'armure du chevalier, elle
se distingua entre les plus illustres paladins
par des actions de la plus éclatante valeur.
C'est la Clorindedu Jïoland furieux. Aidée de
la fée Mélisse et de l'enchanteur Merlin, elle
délivra Roger, son amant et l'un des chefs de
l'armée d'Agramant, de la captivité où le re-
tenait l'enchanteur Atlant. Armée de la lance
d'Argail, qui a la vertu de renverser tous ceux
qu'elle touche, elle devient en quelque sorte
invincible. Après de nombreuses péripéties,
elle épouse Roger, qui s'est fait baptiser.
Les écrivains font souvent allusion à Bra-
damante, et aiment à donner son nom à leurs
héroïnes, surtout si elles sont belles et coura-
geuses :
« Tu voudras savoir de point en point l'his-
toire de mes amours avec cette belle Brada**
mante. » T H . GAUTIER.
« On concevra que ce n'est pas trop d'un vo-
lume... pour chanter les aventures de la diva
Madeleine de Maupin, de cette belle Brada-
mante. » T H . GAUTIER.
Bradamaute, tragi-comédie de Robert Gar-
nier, représentée en 1582. Garnier surpassa
de beaucoup ses contemporains, donnant à la
littérature dramatique plus de mesure, plus de
régularité. Sa versification est de meilleur aloi
que celte de ses devanciers. Il régla, le pre-
mier, l'ordre des rimes masculines et fémini-
ines. Bradamante excita l'admiration publique
comme Porcie, Hippolyte, Cornélie, Marc-
Antoine, Cléopâtre, Antigone. Cette pièce est
la première qui ait porté le titre de tragi-
comédie. Ronsard, qui célébra en vers toutes
les illustrations de son temps, ne tarda pas à
célébrer Garnier, ne trouvant pas un assez
digne prix pour sa muse tragique :
Quel son masle et hardy ! quelle bouche héroïque !
Et quels superbes vers entends-je ainsi sonner!
Le lierre est trop bas pour ton front couronner...
Bradamante, fille du duc Aymon et sœur du
fameux Renaud de Montauban, a promis sa
foi à Ro^er, l'un des chefs des Sarrasins, qui,
après s'être converti, est venu à la cour de
Çharlemagne, dont il est un des plus vaillants
chevaliers; mais Aymon lui refuse sa fille,
parce qu'elle lui a été demandée par Léon, fils
de l'empereur Constantin. Roger, au déses-
poir, quitte la France et s'achemine vers la
Grèce pour immoler son rival et dépouiller
Constantin de ses Etats, espérant que le père
de son amante ne s'opposera plus à leur union
lorsqu'il le verra possesseur d'un empire. Après
f
ilusîeurs actions où il se distingue par sa va-
eur, il est fait prisonnier et condamné à mort ;
mais Léon, qui a été témoin de sa vaillance,
ne peut souffrir qu'on sacrifie un si brave che-*
valier, et le tire de sa prison. Cependant Bra-
damante, qui ne veut point consentir à écouter
Léon, obtient de Çharlemagne une ordonnance
portant que sa main sera le prix de celui qui
l'aura vaincue dans un combat.
Donc, comme il fallait vaincre à la course Atalante,
Il faut qu'on puisse vaincre au combat Bradamante.
Le fils de Constantin, connaissant la valeur
de cette fière amazone, implore le secours de
Roger, dont il ignore le nom,et, par conséquent,
l'amour. Roger se croit obligé, par reconnais-
sance, de combattre pour son libérateur et
sous ses armes. Ils arrivent donc tous deux à
la cour de Çharlemagne, où l'on s'empresse de-
publier le ban. Roger, esclave de sa parole,
entre en lice avec son amante et ne manque
pas de déplorer la cruelle nécessité où il est
de se mesurer avec elle. Il triomphe, et bien-
tôt, accablé de tristesse, il se retire dans un
bois. Léon se présente et réclame le prix du
combat. Furieuse d'avoir été vaincue, Brada-
mante exhale sa douleur eu vers empreints
d'une farouche énergie :
Ah ! fille misérable et regorgeant de maux!
O du sort outrageux trop outrageux assauts!
O malheureuse vie en misère plongée!
O mon Ame! ô mon âme à jamais affligée!
Que feraî-je? où irai-je? et que diray-je plus?
Je suis prise à mes rets, je suis prise a ma glu.
Ah! Bradamante, où est ta prouesse guerrière? "
Où est plus ta vigueur et ta force première?
Bras traistre, traistre acier, et pourquoi n'avez-vous
Poussé dans son gosier la roideur de vos coups?
DéjàCharlemagneestsurle point d'accorder
la main de Bradamante à Léon, quand Mar-
phise, sœur de Roger s'y oppose, sous prétexte
d'une promesse de mariage entre Bradamante
et Roger, offrant au surplus de combattre Bra-
damante elle-même, si elle ose se contredire,
et de se mesurer avec Léon, s'il persiste dans
ses projets. On voit que les femmes mises en
scène par le poète ajoutent aux mérites de
leur sexe une certaine valeur guerrière qui
n'aurait rien de rassurant pour le sexe fort,
si elle se généralisait. Voilà Çharlemagne bien
embarrassé! Que fait-il? Il ordonne le combat
entre les deux prétendants à la main de Bra-
damante. Comptant sur la valeur de son che-
valier, qu'il est loin encore de croire son rival,
Léon, qui aurait besoin d'avoir un peu de la
virilité de celle qu'il aime, accepte la partie.
Mais quel est son désespoir en apprenant que
son brave chevalier a disparu! Il le cherche
partout et si bien qu'avec le secours du poète,
il le trouve au fond le plus ténébreux d'une
forêt, où il s'est retiré; frappé de sa tristesse,
il l'interroge. Roger se nomme, et lui avoue
qu'il ne veut plus vivre après s'être privé par
reconnaissance de sa maîtresse. Moitié par
crainte, moitié par générosité, Léon lui jure
de renoncer à la fière Bradamante; il le ra-
mène à la cour de Çharlemagne, où il raconte
ses merveilleuses adventures en présence des
princes, chevaliers et dames. Ces mei'veilleuses
adventures ne font aucune impression sur l'âme
endurcie du vieux duc Aymon ; mais, fort heu-
reusement, arrivent tout exprès de Bulgarie
des ambassadeurs qui viennent déposer aux
pieds de Roger la couronne de leur pays, qu'il
avait sauvé par sa valeur. Le père de Brada-
mante est enfin touché, il accorde sa fille à
Roger. Roger, n'ert doutons pas, aura de beaux
rejetons de cette louve aux puissantes ma-
melles. Mais pour que tout le monde soit con-
tent, Çharlemagne donne sa propre fille Léonor
à Léon. Ainsi finit cette pièce qui marquait un
progrès sur les œuvres dramatiques précé-
dentes, et laissait entrevoir l'idée d'un théâtre
moderne. En traitant des sujets nationaux,
l'art conquérait son indépendance; mais faut-il
appeler art le vague instinct qui s'éveillait
alors, à travers l'in&uence de l'antiquité?
Bradamaute, tragédie de Thomas Corneille,
représentée le 18 novembre 1695. Cette pièce
est la dernière que donna Thomas Corneille au
théâtre. A quelques invraisemblances près,
qu'il a fait disparaître, le plan est le même que
chez Garnier. Ce larcin n a pas beaucoup pro-
fité à son auteur : Bradamante est la plus faible
des faibles tragédies de Thomas Corneille. Le
sujet de Bradamante avait déjà tenté plusieurs
auteurs, qui avaient moins bien réussi que
Garnier, tout en l'imitant. Faut-il croire qu'ils
n'aient pas su en tirer parti? faut-il croire
plutôt que si le théâtre, en son enfance, avait
pu montrer avec succès une telle héroïne, le
goût des Français, en s'épurant, ne pouvait
plus admettre sur la scène une femme guer-
rière, prête à pourfendre quiconque, hors son
amant, aurait 1 audace de prétendre à sa main ?
Ce qu'il y a de certain, c'est que toutes les
Bradamante qui ont été offertes au public ont
été peu goûtées. Nous citerons : la Mort de
Bradamante, tragédie d'un anonyme (1622) ;
Bradamante, tragi-comédie de La Calprenède
(1636). Sans oublier la Bradamante ridicule,
comédie d'un auteur anonyme, non imprimée,
jouée sur le théâtre de Molière en 1664, sorte
de parodie où le sel gaulois et les allusions
égrillardes ne faisaient pas défaut, comme on
doit bien le penser.
Bradamante, opéra en cinq acte s, paroles
de Roy, musique de Lacoste, représenté pour
la première fois à Paris, sur le théâtre de l'O-
f
iéra, le 2 mai 1707. L'illustre nièce de Char-
emagne ne réussit pas mieux à l'Opéra qu'au
Théâtre-Français. Elle n'eut pas d'ailleurs,
pour se faire accepter, une musique digne
d'elle. Cette musique était de Lacoste, chef
d'orchestre de notre première scène lyrique
de 1710 à 1714, et dont les sept partitions, sans
originalité, sont aujourd'hui complètement ou-
bliées. Ne cherchons pas à les tirer de la pous-
sière où elles dorment du sommeil profond ré-
servé aux œuvres médiocres.
BRADDOCRBRADDOCR (Edouard), général anglais,
mort en 1755. Nommé commandant en chef
des troupes anglaises «in Amérique, il arriva
en Virginie en 1755, et se mit à la tête d'une
expédition contre le fort Duquesne. Ayant
atteint Monongahela, il fit ses dispositions pour
investir ce fort. Son avant-garde, composée
d'environ trois cents hommes, fut attaquée à
Timproviste par un ennemi invisible,caché dans
de hautes herbes. Elle se replia en désordre sur
le petit corps d'armée, qui fut bientôt dans la
plus grande confusion. Malgré les efforts de
Braddock, ses troupes, rompues et dispersées
ar un feu terrible, s'enfuirent vers le camp
e Dunbar. Tous ses officiers furent tués ;
quant au général, il fut relevé du champ de
bataille, criblé de blessures dont il mourut
quelques jours après.
BRADANO,
BRADANO, le Bradanus des Romaius, ri-
vière du royaume d'Italie, dans la Basilieate;
elle prend sa source dans les Apennins, au lac
de Pesole, entre Venosa et Aviguano, coule du
N.-O.auS.-E. et, après un cours de 80 kilom.,
sejette dans le golfe de Tarente, au-dessous
de Mattoni.
149
1186 BRAD
BRAD
BRAD B R ^ M
BRADÉ,
BRADÉ, ÉE (bra-dé) part. pass. du v. Bra-
der : Etoffe BRADÉE.
BRADEL
BRADEL s. m. (bra-dèl). Cartonnage ou
reliure à la Bradet, Reliure à dos brisé, dans
laquelle la tranche du livre n'est pas rognée,
et dont le dos et les cartons ne sont couverts
que de papier orné et colorié. Ce genre de
reliure doit son nom à un relieur parisien qui
le mit à la mode, il y a une trentaine d'an-
nées. Il n'est presque plus employé aujour-
d'hui.
B R A D E - M É T I E R s. m. (
l
bra-de-mé-tié —
de brader et métier). Pop. Personne qui ne
tire pas de son travail ou de sa marchandise
le bénéfice qu'elle devrait en tirer : La con-
currence de tous ces BRADE-MÉTIER rend le
commerce impossible, il On dit mieux aujour-
d'hui GÂTE-MÉTIER.
B R A D E R v. ou tr. (bra-dé). Pop. Gaspiller,
consommer ou employer sans utilité; vendre,
céder à très-bas prix, ne pas tirer des choses
tout le bénéfice qu elles peuvent fournir :
Cette couturière A BRADÉ beaucoup d'étoffe en
coupant cette robe. Vous ne vendez pas votre
marchandise, vous la BRADEZ. Vous donnez pour
500 francs un pareil logement ! vous le BRADEZ.
Se brader v. pr. Proprement Se donner à
vil prix, c'est-à-dire se mésallier, épouser
quelqu'un qui ne vous vaut pas, faire un ma-
riage désavantageux : Quoiqu'elle ait une dot,
elle ne SE BRADERAIT pas en m'épousant; je n'ai
pas de fortune, mais j'ai un bon état.
BRADERIEBRADERIE s. f. (bra-de-rî — rad. brader).
Coût. Dans le nord de la France, et spécia-
lement à Lille, Espèce de vente à l'encan et
à bas prix des vieux vêtements hors de ser-
vice : Allons voir la BRADERIE.
— Encycl. Dans le département du Nord,
et principalement à Lille, il existe une cou-
tume assez bizarre, dont l'origine nous est
inconnue. Les enfants, et quelquefois aussi
les grandes personnes, s'emparent, à une épo-
que déterminée, des vieux vêtements hors
d'usage (on a même vu des espiègles dévali-
ser de ses habits neufs, sous prétexte de brade-
rie, la garde-robe paternelle), et vont les ven-
dre à bas prix sur le trottoir de la rue, où les
acheteurs de toute sorte et surtout les pau-
vres ne font pas défaut. C'est ordinairement
dans la rue de Paris, à Lille, que se tient la
braderie. Elle n'a lieu qu'une fois par an, au
commencement de l'hiver.
BRADFORD,
BRADFORD, ville d'Angleterre, comté
d'York, West-Riding, à 50 kilom. S.-O. d'York,
à 260 kilom. N.-O. de Londres; 45,000 hab.
dans la ville, et 105,257 dans la paroisse de
Bradford. Cette ville populeuse, bien bâtie,
est agréablement située à la jonction de trois
belles vallées au S. de l'Aire. Elle renferme
plusieurs églises, dont les plus remarquables
sont celles de Saint-Pierre et du Christ, de
nombreuses chapelles et plusieurs conventi-
cules ; écoles préparatoires ecclésiastiques,
école de sciences appliquées. Commerce et
fabrication très-importante de tissus de laine
et de coton; grandes teintureries, importantes
fonderies de fer, abondantes mines de houille.
Bradford, qui, la première en Europe, a fait
usage dnns ses fabriques de la laine d'alpaca,
compte ~27 manufactures à vapeur et 1,500 mé-
tiers mécaniques occupant plus de 26,000 ou-
vriers. Il Autre ville d'Angleterre, comté de
Wilt, sur l'Avon, à 40 kilom. N. de Salisbury ;
15,745 hab. Vaste et belle église ornée de beaux
vitraux modernes et de plusieurs beaux mo-
numents. Fabriques considérables de draps à
grande largeur très-estimés. Dans les envi-
rons, exploitation de pierres de taille. H II y a,
en Angleterre, plusieurs villages et districts
de même nom; en Amérique, dans l'Etat de
Pensylvanie, sur la frontière de l'Etat de New-
York, on trouve un comté qui porte le nom
de Bradford. Enfin, quelques circonscriptions
communales et quelques villages des Etats-
Unis portent aussi ce nom.
BRADFORD
BRADFORD (Jean), ministre protestant an-
glican, né à Manchester dans les premières
années du règne de Henri VIII, mort en 1555.
Il fut d'abord employé comme commis chez
sir John Harring, payeur général des armées,
• et ne se montra pas plus scrupuleux dans la
tenue de ses comptes que ne l'étaient alors la
plupart de ceux qui maniaient les fonds pu-
blics : les détournements dont il se rendit cou-
pable s'élevèrent à 520 livres sterling; mais
cet acte d'indélicatesse pesait si lourdement
sur sa conscience, qu'il résolut bientôt de
vendre tout ce qu'il possédait pour restituer
ce qu'il avait pris. Il étudia ensuite la théo-
logie, devint chanoine de Saint-Paul, et fut
un des prédicateurs les plus renommés de son
temps. Emprisonné sous la reine Marie, et ac-
cusé d'avoir provoqué une émeute, il fut con-
damné à mort, refusa le pardon qu il aurait pu
obtenir en s'engageant à ne plus prêcher la
religion protestante, et fut exécuté à Smith-
field.
BRADI
BRADI (Agathe-Pauline CAYLAC DE CAT-
LAN, comtesse DE), romancière, née à Paris
en 1782, morte en 1847. Elle reçut les leçons
de M"
1
» de Genlis et cultiva la littérature
pour y trouver des ressources que des revers
de fortune lui rendaient nécessaires. Elle a
donné des romans et d'autres écrits qui no
sont pas dépourvus d'intérêt : l'Héritière corse
(1823), c'est l'histoire tragique de Vanma
d'Ornano; Colonna (1825); Une nouvelle par
mois; les Deux Chaumières (1852); Nouvelles;
le Savoir-vivre en France (1840); Galerie des
femmes célèbres, etc.; ainsi qu'une foule de
nouvelles et d'articles dans la Revue de Pa-
ris, les Cent-et-wi, le Dictionnaire de la con-
versation et autres publications. Citons enlin
ses Lettres d'une dame grecque écrites de Vile
de Corse (1815), qui lui valurent quelques dé-
mêlés avec la police.
BRADIER,
BRADIER, 1ÈRE s. (bra-dié, iè-ro — rad.
brader). Pop. Celui qui brade, qui gaspille,
qui ne tire pas des choses le bénéfice ou l'u-
tilité qu'elles pourraient fournir : Cette cou-
turière est une BRADIÈRE.
BRADING
BRADING , ville d'Angleterre, comté de
Southampton, dans l'île de Wight, à 10 kilom.
S.-E. de Newport, sur la petite rivière de
Brading-Haven; 2,700 hab. Petit port pour
bâtiments d'un faible tonnage ; vieille église
saxonne assez remarquable, avec tombeaux
anciens.
BRADLEY,
BRADLEY, nom de plusieurs villages et ha-
meaux d'Angleterre. Un d'entre eux est sur-
tout connu à cause d'une houillère embrasée.
V. BlLSTON.
BRADLEY
BRADLEY (Richard), botaniste et médecin
anglais, né à la fin du xvne siècle, mort en
1732. Il occupa longtemps la chaire de bota-
nique à l'université de Cambridge, et publia
un grand nombre d'ouvrages, dont les princi-
paux sont : Historia plantarum succulentarum
anglice et latine (1716, in-4°); New improve-
ment of ptanting and gardening (1717, in-8°) ;
A philosophical account of the Works of na-
ture (1721, in-4o); un Traité d'agriculture et
de jardinage, en 3 vol.; Botanical dictionary
(1728, 2 vol. in-8<>), etc. C'est à Bradley que
les colonies anglaises des Antilles doivent
l'importation des cafiers. En outre, il apporta
de notables perfectionnements à l'art de diri-
ger les serres chaudes.
BRADLEY
BRADLEY (James), astronome anglais, un
des savants les plus remarquables du xvme siè-
cle, né en 1692, à Sherbourn, dans le comté
de Glocester, mort à Chalford en 1762. Sa
vie laborieuse, consacrée tout entière aux
observations astronomiques, n'offre aucun
événement saillant. Il professa l'astronomie
à. Oxford, se fit ordonner prêtre anglican, par
déférence aux vœux de sa famille, et fut
pourvu de divers bénéfices; mais il renonça
bientôt à ses fonctions pastorales pour se con-
sacrer exclusivement à la science. En 1718, la
Société royale de Londres le reçut dans son
sein, et il succéda à Halley comme astronome
royal et directeur de l'observatoire de Green-
•\vich. Bradley a dressé les tables des satellites
de Jupiter, mesuré le diamètre de Vénus et
enrichi la science d'une multitude d'observa-
tions neuves. Newton l'appelait le meilleur
astronome de l'Europe. Ses découvertes les
plus importantes sont : l'aberration de la lu-
mière, qui permit d'établir une exactitude
jusqu'alors inconnue dans les observations
astronomiques, et qui, en outre, fournissait la
démonstration complète du mouvement de
translation de la terre autour du soleil ; et la
nutation de l'axe terrestre, d'après laquelle on
explique avec plus de rigueur qu'on ne l'avait
fait jusqu'alors le phénomène de la précession
des équinoxes. C'est à lui aussi que les astro-
nomes doivent la formule empirique de la r é -
fraction. Il se signala également par ses efforts
Ïiour l'introduction du calendrier grégorien.
1 avait laissé 13 vol. in-fol. d'observations;
on en publia seulement deux volumes (1798-
1805), qui renferment 60,000 observations.
Bradley était aussi modeste et désintéressé
que savant et laborieux. La reine désirait aug-
menter son traitement plus que modique; il
la supplia de n'en rien faire, dans l'intérêt de
la science : « Si la place d'astronome royal
valait quelque chose, dit-il, on ne la donnerait
plus à un astronome. »
BRADLEY
BRADLEY (le révérend Edward), dit Cuiu-
bert Bede, romancier et dessinateur anglais,
né en 1827 d'une vieille famille d'ecclésiasti-
ques. Il a fait ses études à l'université de
Durham, est devenu ministre et recteur de
-paroisse, et, à l'exemple de Rabelais, son
illustre modèle-, il écrit des livres amusants
et crayonne des dessins, des charges pour les
journaux comiques ou autres : le Punch, les
London News, le Gentlemen's Magazine, le
Cruikshank's Magazine, etc., auxquels il
adresse des articles humoristiques. Ses ro-
mans ont obtenu un grand succès de librairie :
Verdant Green, peinture exagérée de la vie
universitaire à Oxford ; Medley ; Motley ; Plai-
sirs photographiques; les Provocations de
l'amoureux; Contes de la vie de Collège;
Fables féeriques; Plus intime et plus cher, etc.
Son ouvrage le plus sérieux est un tableau
f
iittoresque, historique, légendaire et archéo-
ogique d'un coin de l'Ecosse, appelé Mull of
Cantyre, qui est le berceau de l'ancienne
royauté écossaise ; ce livre porte le titre bizarre
de Glencreggan (1861).
BRADSBERG,
BRADSBERG, préfecture ou province admi-
nistrative de la monarchie suédoise, dans la
partie de la Norvège appelée Sœndenfields,
sur le Skager-Rack; bornée au N. et à l'E.
par la province de Buskerud, au S. par le
Skager-Rack, à l'O. par celles de Nedenas et
de Sud-Berghenuus ; ch.-l., Skeen ; villes prin-
cipales : Kragerœ, Porsgrund, Brevig, Lan-
gesund. Cette province, qui fait partie du
diocèse de Christiansand, a une superficie de
14,600 kilom. carr.,dont 540 de lacs et marais ;
77,000 hab.
BRADSHAW
BRADSHAW (Jean), avocat et jurisconsulte
anglais, né dans le comté de Derby en 1586.
Ce fut lui qui présida la haute cour de justice
qui condamna Charles I
e r
. Nommé ensuite
président du parlement, il se retira une année
après la mort de Cromwell et mourut dans
l'obscurité. Son cadavre fut un de ceux qu'on
déterra lors de la restauration pour les pendre
et les brûler. Quelques anecdotiers contempo-
rains prétendent que, prévoyant la réaction,
il avait fait répandre le bruit de sa mort et
s'était retiré secrètement à la Jamaïque.
BRADWARD1N (Thomas), théologien an-
f
lais, archevêque de Cantorbéry, confesseur
'Edouard III, né à Hartfield en 1290, mort en
1348. Il était surnommé le docteur profond.
Le plus estimé de ses ouvrages est un traité
De causa Dei contra Pelagium et de virtute
causarum libri très, ad suos Mertonenses (Lon-
dres
;
1618, in-fol.). Il s'y montre partisan ex-
cessif de la doctrine de saint Thomas sur la
grâce et la prédestination, et la Faculté de
Paris le censura. On lui doit aussi : Geometria
speculativa; Arithmetica speculativa; De pro-
portionibus, et de Quadratura circuli.
BRADYBRADY (Robert), médecin et historien an-
glais, né dans le comté de Norfolk en 1643, mort
en 1700. Il fut un des médecins ordinaires de
Jacques II, professa la médecine à l'université
de Cambridge, qu'il représenta dans deux par-
lements successifs.£omme historien, il publia :
Introduction to the old English history (Lon-
dres, 1684, in-fol.), réimprimé plus tard sous
le titre de Complète history of England. Comme
médecin, il est auteur de A letter to doctor
• Sydenham, sur l'influence de l'air sur le corps
de l'homme.
BRADY
BRADY (Nicolas), ministre anglican et poète
anglais, né à Bandon (Irlande) en 1659, mort
en 1726. Quoiqu'il fût partisan de la révolution
qui plaça le prince d Orange sur le trône, il
eut assez de crédit sur M' Carty-, général du
roi Jacques, pour l'empêcher de brûler la ville
de Bandon. On lui doit six volumes de ser-
mons, une traduction nouvelle des Psaumes,
et The JEneis of Virgil translated into verses
(4 vol. in-8°).
BRADY
BRADY (MAZIÈRE), magistrat anglais, né en
1796 près de Dublin. Il fit ses études à l'uni-
versité de cette ville, devint avocat en 1819,
et fut l'un des commissaires que le gouverne-
ment chargea de faire une enquête sur le ré-
gime municipal de l'Irlande en 1833. Nommé
procureur général pour l'Irlande en 1837,
il passa attorney général en 1839 et devint
président de la cour de l'Echiquier en 1840.
Il reçut en 1S46 la charge de chancelier d'Ir-
lande, qu'il a occupée depuis, sauf deux
courtes interruptions, en 1852 et 1858. Membre
du conseil privé, il est vice-chancelier de
l'université de la reine en Irlande.
BRADYPE
BRADYPE S. m. (bra-di-pe— du gr. bradus,
lent; pous, pied). Mamm. Famille d'édentés,
vulgairement appelés paresseux, type de la
famille des tardigrades : L'articulation de
l'astragale avec le tibia n'a pas, chez le pan-
golin , l'obliquité qu'on remarque dans les
BRADYPES. (Cuvier.)
— Encycl. Selon M. le professeur Gervais,
les bradypes forment une famille de l'ordre
des édentés, tribu des tardigrades. Il divise
cette famille en deux genres : les cholèpes
(unau de Buffon), et les bradypes proprement
dits (a! de Buffon). Le bradype est un animal
de la grosseur d'un chat; ses jambes de de-
vant, ou bras, ont le double de la longueur des
jambes postérieures, et il a trois ongles très-
longs à chaque pied; il manque de dents sur
le devant des mâchoires, mais il a des mo-
laires cylindriques et des canines aiguës; il
porte deux mamelles sur la poitrine ; la femelle
ne met bas qu'un petit, qu'elle porte sur le
dos; son corps est couvert d'un poil long qui
ressemble à de l'herbe fanée; il vit d'herbes
et de fruits. On le trouve au Brésil, au Pérou
et dans les parties les plus chaudes de l'Amé-
rique. La lenteur des mouvements de ces sin-
guliers animaux leur a fait donner le nom
vulgaire de paresseux. La largeur de leur
bassin les force à tenir toujours leurs cuisses
écartées; leurs pieds de derrière, articulés
obliquement sur la jambe, ne peuvent s'ap-
puyer que par le bord externe; les doigts sont
réunis; quand ils marchent, ils se traînent en
quelque sorte sur leurs coudes. Aussi se tien-
nent-ils presque constamment sur les arbres,
où ils se cramponnent aux branches par le
moyen de leurs ongles. Linné et de Blainville
les avaient classés à tort parmi les primates.
BBADYPEPSIE
BBADYPEPSIE s. f. (bra-di-pè-psî — du gr.
bradupepsia, même sens). Méd. Digestion
lent© et difficile : Je veux qu'avant qu'il soit
quatre jours vous tombiez dans la BRADYPEPSIE,
(Mol.)
RRADYPODES s. m. pi. (bra-di-po-de —
du gr. bradus, lent ; pous, pied). Mamm. Classe
d'édentés ayant pour type l'ordre des bradypes
ou paresseux. 11 Quelques-uns écrivent BRA-
DYPÈDES ; c'est une forme hybride qu'il faut
rejeter.
BRADYPORE
BRADYPORE s. m. (bra-di-po-re — du gr.
bradus, lent; poreuô, je marche). Entom.
Genre do locustiens renfermant quelques es-
pèces propres à l'Orient.
BRADYSPERMATIQUE
BRADYSPERMATIQUE adj. (bra-di-spèr-
ma-ti-ke — rad. bradyspermatisme). Méd. Qui
a rapport au bradyspermatisme, qui en a le
caractère : Emission BRADYSPERMATIQUE.
BRADYSPERMATISME
BRADYSPERMATISME s. m. (bra-di-spèr-
ma-ti-sme — du gr. bradus, lent; sperma,
semence). Méd. Emission lente du sperme.
BRAEKELEER
BRAEKELEER (Ferdinand DE), peintre belge
contemporain, né h Anvers en 1792, fit de
brillantes études à l'Académie des beaux-arts
de cette ville, sous la direction de Mathieu
van Brée. Il remporta, en 1813, le premier
prix de peinture d'histoire, décerné par la So-
ciété d'encouragement des beaux-arts, et, en
1819, le grand prix de Rome. Après un séjour
de quatre ans en Italie, il revint dans sa ville
natale, où il épousa, en 1827, Marie-Thérèse
Leys, sœur du peintre de ce nom. Il a exécuté
quelc[ues tableaux d'histoire, notamment : la
Furie espagnole, épisode des guerres de reli-
gion à Anvers (1576); la Mort du comte Fré-
déric de Mérode ; la Défense des Anversois
contre le duc d'Alençon, en 1583. Les deux
premiers de ces tableaux se voient au musée
d'Anvers; le troisième appartient au prince
Galitzin, a Saint-Pétersbourg. C'est surtout
comme peintre de genre que M. de Braêkeleer
s'est distingué : il a exécuté, dans la manière
délicate et minutieuse de Gérard Dov, une
foule de petits tableaux composés avec esprit ;
son dessin est soigné; son coloris harmonieux,
mais un peu pâle; ses personnages sont bien
groupés et 1 expression des physionomies est
généralement heureuse. M. de Braêkeleer a
exposé trois fois à Paris : en 1840, la Fête de
saint Nicolas; en 1855 (Exposition univer-
selle), l'Ecole de village (appartenant au musée
des Académiciens d'Anvers), une de ses meil-
leures compositions, et le Jour de la Saint-
Thomas (appartenant au roi des Belges) ; en
1861, la Réconciliation et le Marché. Parmi
les autres ouvrages de cet artiste, nous cite-
rons : le Départ de la jeune mariée (apparte-
nant à M. Oppenheim , Paris) ; l'Ecole de
musique de village (collection de M. Delessert) ;
le Comte de Mi-Carême et le Jubilé de la cin-
quantaine de mariage (musée de Bruxelles) ;
le Petit voleur, la Souris échappée, le Violo-
niste aveugle, le Cabinet de bain, les Espiègles
(collection [de M. Couteaux, a Bruxelles); le
Vieuxmalade(collection de M. Vangeertruyer,
à Anvers), etc. M. de Braêkeleer est chevalier
de l'ordre de Léopold, conservateur des mu-
sées d'Anvers, membre de l'Académie royale
des sciences, des lettres et des beaux-arts de
Belgique, de l'Académie des beaux-arts d'An-
vers, de l'Académie impériale de Saint-Pé-
tersbourg, etc. — Deux de ses fils, MM. Ferdi-
nand et Henri DE BRAÊKELEER, ont obtenu
d'honorables succès comme peintres de genre.
Ferdinand DE BRAÊKELEER, 1 aîné, né à Anvers
en 1829, est mort en 1857. Le plus jeune,
M. Henri DE BRAÊKELEER, a exécuté, entre
autres ouvrages : l'Intérieur de la chapelle du
Saint-Sacrement dans l'église de Saint-Jacques,
à Anvers; l'Intérieur de la chapelle de Saint-
Hubert, dans la même église; le Tailleur; le
Fabricant d'allumettes, etc. Ces divers tableaux
sont passés en Angleterre. — L'école belge
compte encore deux artistes du même nom,
neveux l'un et l'autre de M. Ferdinand de
Braêkeleer; ce sont : M. Adrien DE BRAÊKE-
LEER, peintre de genre, qui a exposé à
Bruxelles, en 1854, la Lecture et la Partie de
musiaue, et M. Jacques DE BRAÊKELEER, dont
une jolie statue, la Fragilité, a figuré à l'ex-
position qui a eu lieu dans la même ville
en 1851.
BRAEL
BRAEL s. m. (bra-èl). Braies, culotte,
haut-de-chausse. n Vieux mot.
BRARMAR,
BRARMAR, village d'Ecosse, comté et à
85 kilom. O. d'Aberdeen, dans les Grampians,
non loin des sources de la Dee ; 1,712 hab. Belle
église, vastes forêts. Ancien château des
comtes de Mar, dans lequel fut déployé l'éten-
dard du prétendant en 1715.
B r M n.
a c
ii ro,(CONFÉRENCE et PAIX DE), entre la
Suède et le Danemark. La conférence eut lieu
en 1541 dans le but de mettre un terme aux
litiges sans cesse renaissants qui, malgré
les traités antérieurs, divisaient les deux
royaumes. Gustave Wasa s'y présenta à la
tête d'une grande flotte; Christian, accompa-
gné d'une nombreuse armée et de ses princi-
paux conseillers. On y déploya une magni-
ficence extraordinaire. Les deux rois s'y
rencontrèrent sous une tente, et, après une
conférence d'une heure, pendant laquelle ils
s'entendirent sur tous les points, et burent à la
santé l'un de l'autre, ils se séparèrent. La paix
de Brsemsebro fut conclue en 1645, avec la
médiation du ministre de Hollande et surtout
du ministre français La Thuillerie, dont la
sagesse, la modération et l'activité contri-
buèrent puissamment au succès des négocia-
tions. La Suède était représentée par le cé-
lèbre Axel Oxenstiern et Jean Skyte ; le
BRAG BRAG
BRAG BRAH 1187
Danemark, par le maréchal du royaume Corftz
Ulfeld et le grand chancelier Sehested. Mais
l'animosité était telle entre les partis qu'il fut
impossible aux plénipotentiaires de communi-
quer autrement que par écrit, et ce moyen
même devenant dangereux, on eut recours à
des intermédiaires. Cette paix assura à la
Suède, pour une durée de trente ans, la libre
franchise du Sund et dans les cinq grandes
provinces situées au sud et au sud-ouest de
son territoire actuel, qui appartenaient alors
au Danemark.
BRAEMT
BRAEMT (Joseph-Pierre), graveur belge,
né à Gand en 1796, mort en 18G4. Devenu gra-
veur de la monnaie roi'ale à Bruxelles, il a
exécuté plusieurs médailles académiques d'un
remarquable travail. Il était membre de là
Société des beaux-arts.de Bruxelles, de l'In-
stitut des Pays-Bas, etc.
BRVENSTED
BRVENSTED (Pierre-Oluf), archéologue da-
nois, né en 1780, mort en 1842. Après avoir
étudié la théologie et la philologie, il partit
pour l'étranger et y fit un long séjour. Il par-
courut l'Italie et la Grèce, recueillant partout
des matériaux archéologiques, dus la plupart
à ses propres découvertes. De retour à Co-
penhague, il fut nommé professeur à l'univer-
sité, ou ses leçons, publiées depuis en deux
volumes, eurent un éclatant succès; mais,
poussé par le désir de revoir /e midi de l'Eu-
rope, il quitta sa chaire et so rendit à Rome
en qualité d'agent danois prè« la cour ponti-
ficale. 11 y publia un écrit intitulé : Sopra un'
inscrisione grœca scolpeta in un elmo di bronzo.
En 1823, il se rendit à Paris et a Londres
pour y préparer ses Voyages et recherches
dans la Grèce, ouvrage magistral, qui parut
de 1826 à 1830, et absorba une grande par-
tie de sa fortune. Breensted a encore donné
une foule de dissertations archéologiques en
latin, en anglais et en danois; il a traduit
aussi YOrestie d'Eschyle.
BRAGA
BRAGA s. m. (bra-ga). Espèce de bière
faite avec du seigle, et dans laquelle on fait
infuser des champignons vénéneux, appelés
fausses oronges : On boit du BRAGA en Sibérie.
BRAGA,BRAGA, la Bracara Augusta des Romains,
ville du Portugal, ch.-l. de la province de
Minho, à 300 kilom. N.-E. de Lisbonne, à
45 kilom. N.-E. de Porto, sur le Cavado;
20,000 hab. Braga est entourée d'une vieille
enceinte de murailles et défendue par un an-
cien château fort; siège d'un archevêque,
primat du royaume, fondé dès l'an 92; belle
cathédrale du xm-
1
siècle; restes de construc-
tions romaines. A 3 kilom. de cette ville,
fondée, dit-on, par les Carthaginois, et ancienne
capitale du royaume des Suèves, on voit le
' sanctuaire du Senhor-Jesus-do-Monte, but de
pèlerinage très-fréquenté.
BRAGA,
BRAGA, fils d'Odin, un des douze grands dieux
du Nord. Il représente l'éloquence, la poésie,
la sagesse. C'est l'Apollon de la mythologie
Scandinave.Saharpe srappelle telyn, son épouse
Iduma, et la poésie, d'après lui, a été nommée
bragar. Les caractères runiques sont inscrits
sur sa langue même, et jamais une expression
commune, une pensée fcnvialè ne peut s'échap-
per de ses lèvres. D'ordinaire, et en cela il
diffère d'Apollon, on ne le figure pas comme
un adolescent, mais comme un homme mûr,
avec une barbe longue et bien fournie. Braga
et Hermode étaient chargés par Odin d'aller à
la rencontre_de ceux qui entraient à Walhalla
et de les recevoir avec le salut suivant :
« Jouissez, leur disait-il, de la paix éternelle
et buvez le met h (le nectar) avec les dieux. »
Pendant les funérailles des rois du Nord, le
successeur restait assis sur un tabouret devant
le trône jusqu'à ce qu'on lui eût apporté la coupe
de Braga (Bragafietl). Alors il se levait, fai-
sait quelque vœu important, et vidait la coupe.
Après cette cérémonie, il pouvait occuper le
trône. Le prince se mettait ainsi sous la pro-
tection de Braga, qui devait l'inspirer dans
ses discours et lui donner le don de plaire au
peuple ; il voulait aussi sans doute s'attirer
par là les louanges des poètes, qui devaient ré-
péter ses hauts faits et ses exploits. Dans
d'autres circonstances, pendant les sacrifices,
après avoir bu à Odin, a Niord et à Frey, on
faisait encore apporter la coupe de Braga,
pour la vider en mémoire de ceux qui étaient
morts dans les combats, et, tout naturellement,
pendant que la coupe circulait, on devait ou
prononcer l'éloge des trépassés, ou chanter
leurs louanges. Braga, l'orateur des dieux, le
meilleur poëte, l'introducteur des héros dans -
le Walhalla, l'inspirateur de toute éloquence
et de toute poésie, est certainement plus mâle
que l'Apollon des Grecs , qui ne vit qu au milieu
d'un peuple de chasseurs et de bergers,
BRAGAD1M (Marc), surnommé Mamugaun,
aventurier candiote, d'une famille vénitienne.
Il se fit d'abord capucin, puis quitta le froc
pour se livrer à l'alchimie. Ayant fait croire
a Jacques Contarini, de Venise, qu'il avait
réussi à transformer le mercure en or, il se
vit d'abord entouré d'une grande renommée,
qui ne dura guère. Il se retira ensuite à Pa-
doue, fut obligé de quitter cette ville à cause
de ses fourberies, et alla faire de nouvelles
dupes en Bavière. Mais le duc Guillaume II le
fit arrêter, et il fut condamné à avoir la tête
tranchée. Deux gros chiens noirs qui le sui-
vaient partout, et qu'on prenait pour des dé-
mons , furent tués en même temps que lui, à
coups d'arquebuse.
BRAGAMAS
BRAGAMAS s. m. (bra-ga-mass). Epée,
glaive, H Vieux mot.
BRAGANCE,
BRAGANCE, ville du Portugal, province de
Tras-os-Montes, à 55 kilom. N.-O. de Miranda,
sur le Fervenza; 5,000 hab. Place forte, en-
ceinte de murailles et défendue par un château
fort; siège d'un évêché suffragant de Braga;
fabrication de soieries et velours. Cette ville
fut érigée en duché, en 1442, en faveur d'un
fils naturel de Jean I
e r
; elle fut le berceau de
la maison de Bragance, qui monta sur le trône
de Portugal en 1640, et d'où sont sorties les
maisons régnantes du Portugal et du Brésil.
BRAGANCE
BRAGANCE (ducs de). La maison de Bra-
gance a pour auteur Jean, duc de Valencia et
de Campos, bâtard de Pierre, dit le Justicier
ou le Cruel, roi de Portugal, lequelJean s'em-
para de la couronne en 1383, a la mort de son
frère Ferdinand, issu de légitime mariage et
au détriment de sa nièce Béatrix, fille de
Ferdinand. La descendance légitime de Jean
occupa le trône de Portugal jusqu'à son ex-
tinction, en 1580. Alphonse, bâtard de Jean,
fut créé duc de Bragance en 1442, et laissa
deux fils, dont l'aîné a formé la branche des
comtes de Vimioso, marquis de Valence. Le
puîné Ferdinand continua la branche des ducs
de Bragance, et eut de son mariage avec
Jeanne de Castro, héritière de Cadaval, Fer-
dinand, qui a perpétué la ligne directe ; Alva-
rès, qui est l'auteur de la branche des marquis
de Ferreira, et Alphonse, qui a formé la bran-
che des comtes dOdemira. Ferdinand II, fils
aîné de Ferdinand 1er, f
u
t décapité en 1483,
par ordre du roi de Portugal Jean II. Il avait
eu de son mariage avec Isabelle de Portugal,
fille du duc de Viseo, Jacques, dont il va être
question, et Denis, souche de la branche des
comtes de Lemos. Jacques, duc de Bragance,
fils aîné de Ferdinand II, obtint les bonnes
grâces du roi de Portugal Emmanuel, et fut
désigné comme successeur éventuel de ce
prince. Il eut pour successeur au titre de duc
de Bragance Théodose, son fils aîné, qui, à son
tour, laissa Jean, premier du nom, connétable
de Portugal, père de Théodose II, qui a con-
tinué la ligne, et d'Edouard, auteur de la
branche des comtes d'Oropesa. Théodose II,
duc de Bragance, fut père de Jean, deuxième
du nom, qui devint roi de Portugal en 1640,
sous le nom de Jean IV, à la suite de la révo-
lution qui arracha ce pays à la domination de
l'Espagne. Jean IV laissa deux fils, dont l'aîné,
Alphonse-Henri, après avoir régné pendant
quelques années, fut interdit comme incapa-
ble, et dont le second, Pierre, d'abord régent,
fut proclamé roi en 1683. Pierre, mort en 1700,
eut pour successeur son fils aîné Jean, roi de
Portugal, sous le nom de Jean V, lequel épousa
Marie - Anne - Josèphe - Antoinette, archidu-
chesse d'Autriche, dont vinrent deux fils,
Joseph et Pierre-Clément, roi de Portugal,
sous le nora de Pierre III, après son mariage
avec Marie ire, fille de Joseph. Joseph, roi de
Portugal mort en 1777, laissa de son mariage
avec Marie-Anne-Victoire, fille de Philippe V,
roi d'Espagne, Marie, qui lui succéda avec
le titre de reine, et qui épousa son oncle,
Pierre III. De ce mariage est issu Jean VI,
roi-de Portugal, fixé au Brésil pendant les
guerres de la Révolution, lequel, mort en 1826,
a laissé deux fils, dont l'aîné, dom Pedro, est
devenu empereur du Brésil, et dont le puîné
dom Miguel, roi de Portugal jusqu'en 1834, a
été renversé du trône au profit de Marie II
(dona Maria), fille de dom Pedro. Nous allons
consacrer un article spécial à chacun des
membres les plus remarquables de cette famille.
BRAGANCE
BRAGANCE (Alphonse, duc DE), fils naturel
du roi Jean I " , fut nommé duc de Bragance
en 1442, pendant la minorité d'Alphonse V. Ce
prince, qui mourut en 1461, n'avait aucune
des brillantes qualités que possédaient ses
frères légitimes. Plein d'ambition, il convoita
l'héritage de ces derniers, et, par sa conduite
astucieuse, il fut l'auteur de la malheureuse
rencontre qui eut lieu entre le sage régent
Pierre, duc de Co'imbre, et Alphonse V, et
dans laquelle le premier perdit la vie.
BRAGANCE
BRAGANCE (Ferdinand II, troisième duc DE),
duc de Quimarens, marquis de Villaviciosa,
comte de Barcelos, etc., donna des preuves
de valeur dans la guerre en Afrique et à la
bataille de Tqro (1477). Il défendit avec ar-
deur les privilèges de la noblesse atteints par
quelques édits de Jean II {1480). «Daignez
écouter nos remontrances, dit-il à ce prince ;
elles sont raisonnables. Abolissez un édit in-
juste, rendezrnous votre confiance, rendez-
nous nos privilèges. » Le roi, qui avait depuis
longtemps une antipathie protonde pour Fer-
dinand de Bragance, refusa de rapporter l'édit
qui obligeait les grands à lui remettre les lettres
patentes de tous les dons qu'ils avaient reçus
de ses aïeux, persécuta les frères du duc et
attendit que l'occasion se présentât de frapper
celui-ci. Cette occasion ne se fit pas attendre.
Ferdinand entretint avec le roi d'Aragon et
de Castille une correspondance qui fut saisie,
et qui le fit accuser du crime de trahison.
Condamné à mort, il eut la tête tranchée en
1483. Homme de guerre habile et homme
d'Etat éclairé, il avait exercé sur la noblesse
une grande influence par ses manières élé-
gantes, ses grandes richesses et ses libé-
ralités. Il avait épousé la sœur de la reine
de' Portugal, Isabelle de Portugal Viseo, qui,
après cette catastrophe, se retira avec ses trois
fils dans le royaume de Castille. — JACQUES,
uatrièmeduede Bragance, fils aîné duprécé-
ent, fut en grande faveur sous le règne d'Em-
manuel, qui le désigna même, en 1498, pour son
successeur éventuel, au cas où il mourrait
sans enfants. — Plusieurs JEAN, ducs de Bra-
gance, mériteraient encore d'être mentionnés;
on les trouvera au mot JEAN.
BRAGANCE
BRAGANCE (dom Constantin DE), prince por-
tugais, fut nommé, jeune encore, vice-roi des
Indes sous le règne de Sébastien. Il enleva la
ville de Deacou au roi de Cambodge, prit Bo-
byar, réduisit le roi de Ceylan à être tribu-
taire du Portugal, et s'empara de l'Ile de
Manar. Il quitta sa vice-royauté en 1561, et
revint finir ses joues en Portugal.
BRAGANCE
BRAGANCE (dom Juan DE), duc de Lafoens,
prince portugais, né à Lisbonne en 1719, mort
en 1806. On le destinait à l'état ecclésiastique,
et sa première éducation fut dirigée dans ce
sens; mais il refusa de s'engager dans les
ordres et préféra S£ livrer à l'étude des lan-
gues, aux exercices du corps, à la poésie
même, pour laquelle il avait des dispositions
très - remarquables. Ses épigrammes et son
refus de suivre la carrière a laquelle sa fa-
mille l'avait voué lui attirèrent la disgrâce du
roi Jacques 1er, son cousin germain. Il se mit
alors à voyager, visita l'Angleterre, où il fut
reçu membre de la Société royale, puis l'Al-
lemagne, et servit comme volontaire dans la
guerre de Sept ans. Pendant tout le règne de
Joseph 1er, il fut encore forcé de rester à
l'étranger, et il fit de nombreux voyages dans
les principales contrées de l'Europe, dans
l'Asie Mineure et en Egypte. Une put rentrer
en Portugal que sous le règne de Marie Ire
(
qui lui rendit l'apanage auquel il avait droit.
Il y fonda l'Académie royale des sciences de
Lisbonne, et devint
?
en outre, généralissime
de l'armée portugaise , grand maître de la
maison royale, etc. Mais en 1801, il résigna
toutes ses fonctions publiques, et ne voulut
conserver que la présidence de l'Académie
qu'il avait fondée.
BRAGANTIE
BRAGANTIE s. f. ( bra-gan-tî — du nom
d'un duc de Bragance). Bot. Genre d'aristo-
lochiées de la Cochinchinc.
BRAGARD,
BRAGARD, A R D E adj. (bra-gar, ar-de).
Hardi, il Gai. Il Bien mis. il Vieux mot.
BRAGARDEMENT
BRAGARDEMENT adv. ( bra-gar-de-man
— rad. bragard). Hardiment. H Gaiement. H
Avec luxe, il Vieux mot.
BRAGELONGNE
BRAGELONGNE (Christophe-Bernard DE),
ecclésiastique et mathématicien français, né
à Paris en 1688, mort en 1744. Lorsqu'il était
encore sur les bancs du collège, il fréquentait
Malebranche, qui se plaisait à s'entretenir
avec lui. A l'âge de vingt-trois ans, il pré-
senta à l'Académie des sciences un Mémoire
sur la quadrature des courbes, et fut nommé
associé libre de cette compagnie en 1728. Etant
entré dans les ordres, il devint chanoine du
chapitre de Brionne, puis prieur de Lusignan.
Il mourut avant d'avoir pu terminer son Exa-
men des lignes du quatrième ordre, dont les
trois premières parties furent insérées dans
le Recueil de l'Académie des sciences.
Bragelonne, ou Dix an s après (LE VICOMTE
DE), roman d'Alexandre Dumas, troisième
Î
iartie de cette trilogie de cape et d'épée dont
es Trois Mousquetaires forment la première
et Vingt ans après la seconde. V. VICOMTE.
BRAGG
BRAGG (Braxton), général américain, né en
1815 dans le comté de Warren (Caroline du
Nord). Elève de l'Ecole militaire de West-
point, il en sortit, en 1837, pour entrer dans
le 3« régiment d'artillerie, avec le grade de
sous-lieutenant. Au moment de la guerre du
Mexique, il était lieutenant. Sa belle défense
du fort Brown ( 9 mai 1846 ) lui valut le grade
de capitaine. Il combattit vaillamment à Mon-
terey ('septembre 1846) et à Buena-Vista
(23 février 1847). puis fut promu major et
lieutenant-colonel. En 1856, il quitta le ser-
vice et rentra dans la vie privée.
Les événements de 1861 l'arrachèrent à ses
loisirs. Il s'empressa d'offrir son épée à Jef-
ferson Davis, qui le nomma brigadier général
et lui confia le commandement des forces con-
fédérées réunies à Pensacola. En février 1862,
il fut promu major général, avec ordre de re-
joindre l'armée du Mississipi, et il établit son
quartier général à Jackson (Tennessee). Il
prit une part brillante à la bataille de Shiloh
(6-7 avril 1862) et fut nommé général, grade
correspondant à celui de maréchal de France,
en remplacement d'Albert Sydney Johnston,
tué le premier jour. Au mois de mai suivant,
il succéda à Beauregard dans le commande-
ment de l'armée du Mississipi. En août 1862,
il quitta son camp de Chattanooga, tourna
l'armée du général fédéral Buell et envahit
le Rentucky. Après avoir enlevé une énorme
quantité de butin et battu le général Mac-Cook
à Perryville (9 octobre), il rentra dans ses
lignes. L'année suivante, les fédéraux, sous
le général Rosecranz, ayant à leur tour en-
vahi le Tennessee, Bragg leur abandonna
Chattanooga et les attira dans la vallée de
Chickamanga, où il leur fit éprouver une san-
glante défaite (19-20 septembre 1863). C'est
alors que Grant, le plus heureux des géné-
raux fédéraux, vint remplacer Rosecranz. Il
remplit les vides de ses cadres, réorganisa
ses troupes démoralisées et vint attaquer Bragg
(23-25 novembre 1863) à peu près sur le même
terrain, théâtre du désastre de septembre.
Malgré la résistance la plus énergique, toutes
les positions des confédérés furent enlevées
tour à tour, et Bragg se retira vers la Géor-
gie, en bon ordre, mais vaincu. Cette défaite
souleva contre Bragg l'opinion publique dans
le Sud, à tel point que, malgré sa confiance
dans les talents et le patriotisme du général
et son amitié pour l'homme, Jefferson Davis
se vit contraint de lui retirer son commande-
ment et de le donner à Joseph Johnston. Avec
une grandeur d'âme qui l'honore, Bragg avait
demandé a servir sous son successeur; mais
le président l'appela près de lui , à Rich-
niond, et le fit entrer dans son conseil, sans
attributions spéciales. Il ne fut chargé d'un
service actif qu'à la fin de l'année 1864, au
moment où le général fédéral Sheerman venait
de s'emparer de Savannah, et où des expédi-
tions formidables menaçaient les seuls ports
qui restassent encore au pouvoir des confé-
dérés. Il fut chargé du commandement des
troupes concentrées à Wilmington (Caroline
du Nord) et aux environs.
B R A G M A R D E R v. n. ou intr. (bragk-
mar-dé — rad. braquemart). S'escrimer du
braquemart. Rabelais a donné un sens ob-
scène à ce mot.
BRAGODURUM,
BRAGODURUM, ville de l'ancienne Vindé-
licie, sur la rive droite du Danube supérieur;
le village de Beuron
?
dans la principauté de
Hohenzollern-Sigmarmgen, est bâti sur l'em-
placement de cette ancienne colonie romaine.
B R A G O N N I È R E s. f. (bra-go-niè-re — du
lat. braga, braie). Syn. de BRACONNIERS.
BRAGOT
BRAGOT S. m. (bra-go). Mar. Nom que
l'on donnait autrefois à celui qui faisait les
exécutions de justice sur les galères.
BRAGOZOs. m. (bra-go-dsô). Pêch. Bateau
pêcheur non ponté, en usage sur l'Adriatique.
BRAGUE
BRAGUE s. f. (bra-ghe — du lat. braca,
braie). Culotte, caleçon, haut-de-chausse:
L'écuyer de Darius tint sa main cachée sous
ses BRAGUES. (P.-L. Courier.) il Partie du
haut-de-chausse qui fermait ce vêtement
par devant, n Vieux dans les deux sens.
— Par ext. Galanterie un peu libre, plai-
santerie gaillarde : Cela sent la BRAGUE. U
Vanterie, fanfaronnade. Il Vieux mot.
— Art milit. Partie proéminente et arron-
die de la cuirasse au-dessous du buste.
Cuirasse à BRAGUE. Cuirasse sans BRAGUE.
V . BRAYETTE.
— Mar. Cordage attaché à l'affût d'un ca-
non et destiné à en limiter le recul, il Cor-
dage qui retient le gouvernail en place et
l'empêche de tourner sur ses ferrures. i| Cor-
dage que l'on dispose autour de l'étrave d'un
navire et au bout duquel on agit à l'aide de
machines pour aider au lancement.
— Techn. Morceau de bois placé au bout
du corps du luth pour en cacher les éclisses.
— Ecom. domest. Même sens que BRAGA.
. BRAGUER v. n. ou intr. (bra-ghé — rad.
brague). Se divertir, se donner du bon temps,
se livrer au plaisir, n Vieux mot.
— A signifié Se pavaner, se vanter.
BRAGUERIE
BRAGUERIE s. f. (bra-ghe-rî — rad. bra-
guer). Plaisanterie, il Gentillesse, il Vanterie,
fanfaronnade. Il Vieux mot dans tous ces sens.
BRAGUET
BRAGUET s. m. (bra-ghè — dimin. de bra-
gue). Mar. Cordage destiné à soutenir le poids
du mât lorsqu'on veut le mettre en clef.
B R A G U E T s. m. (bra-ghè. Mamm. Espèce
de chien appelé aussi BRACHET.
BRAGUETIN
BRAGUETIN s. m. ( bra-ghe-tain — rad.
braguer). Farceur, u Bateleur. || Vieux mot.
BRAGUETTE
BRAGUETTE s. f. (bra-ghè-te). Syn. de
BRAYETTE.
— Mar. Syn. de BRAGUET.
BRAHAlGNEadj. (bra-è-gne,gn mil.). Sté-
rile, impuissant. Syn. de BRÉHAIGNE. il Vieux.
BRAHAM,
BRAHAM, célèbre chanteur anglais, dont le
vrai nom était Abraham, né à Londres en
1774, d'une famille israélite, mort en 1856. Il
perdit ses parents lorsqu'il était encore fort
jeune. Comme il avait une belle voix , le
chanteur Leoni lui donna des leçons, et, dès
l'âge de dix ans, il parut sur le Théâtre royal
dans un rôle d'enfant. Bientôt sa voix d'en-
fant perdit tout son charme, parce qu'elle allait
devenir une voix d'homme, et il fut obligé de
quitter le théâtre. Recueilli dans la famille de
Goldsmith, il continua d'étudier la musique
et devint professeur de piano. Plus tard, il
s'engagea pour une saison à Bath, et chanta
dans les concerts dirigés par Rauzzini, où il
eut beaucoup de succès. En 1796, il parut sur
le théâtre de Drury-Lane dans l'opéra de
Mahmoud, puis il entra au Théâtre-Italien.
Sentant qu'il ne possédait pas encore tous les
secrets* de son art, il résolut de voyager en
Italie: mais il passa d'abord huit mois à Paris,
où il donna des concerts qui eurent une vogue
extraordinaire. Après avoir obtenu des applau-
dissements sur les principaux théâtres d'Ita-
lie, et avoir étudié la composition avec Isola
à Gênes, il se rendit à Hambourg. Des offres
brillantes le rappelèrent ensuite a, Londres,
où, pendant plus de vingt ans, il tint le pre-
mier rang parmi les chanteurs aimés du pu-
blic. Sur la fin de sa carrière, sa voix avait
perdu presque toute sa puissance, et pourtant
il était toujours applaudi, parce que les An-
glais sont plus tenaces dans leurs admirations
que les autres peuples de l'Europe, et peut-
être aussi parce que les grands artistes sont
plus rares chez eux que partout ailleurs. C'est
pour Braham que Weber avait écrit le rôle-
difficile de Huon dans son opéra d'Oôenm. La
musique de Hcendel n'eut jamais d'interprète
1188 BRÀfl
BRAH
BRAH
BRAII
plus habile'que Braham ; il était surtout admi-
rable quand il chantait l'air Deeper and deeper
still, et il arrachait des larmes aux specta-
teurs les moins sensibles. De 1841 a 1843, il
parcourut avec ses deux fils, Hamilton et
George, chanteurs comme lui, les principales
villes de la Grande-Bretagne, et fit encore
de brillantes recettes. Comme compositeur,
il a écrit de jolis airs, dont plusieurs sont de-
venus populaires, comme son Death of Nelson
(la Mort de Nelson), et une dizaine d'opéras :
The cabinet, The English fleet, Thirty thousand,
The devil's bridge-, Zuma, Navensky, etc.
MU HE. V. BRAA.
BRAHE,
BRAHE, souche de la branche danoise, était
conseiller du royaume. Sa nombreuse posté-
rité a donné au Danemark une suite d'hommes
et de femmes illustres, parmi lesquels nous
citerons : l'amiral Georges BRAHE, né en 1515,
mort en 1565, qui sacrilia sa propre vie pour
sauver celle du roi Frédéric II.—Otto BRAHE,
né en 1517, mort en 1571, fut conseiller du
royaume et commandant du château de HeK
singborg.—Sophie BRAHE, née en 1526, morte
en 1643, s'acquit un renom par ses connais-
sances en histoire, en littérature, en astro-
nomie , en alchimie et en astrologie. — Steen
BRAHE,BRAHE, grande et riche famille, célèbre
dans l'histoire du Danemark et de la Suède,
f
robablement originaire de Scanie, et dont
importance commence à se manifester au
xive siècle, sous la reine Marguerite. — Axel
BRAHE,
BRAHE, né en 1547, mort en 1620, ÏHconseiller
du royaume et commandant du château de
Kallunborg. — Georges BRAHE, né en 1535,
mort en 1661, chevalier, conseillerdu royaume,
gouverneur de la province de Hagenskov, fut
surnommé, à cause de sa puissance et de ses
vastes domaines, le Petit roi de Fionie. —
Catherine BRAHE, née en 1657, morte en 1736,
fut la fondatrice de l'institut de jeunes filles
nobles de Bispegaard, qui existe encore au-
jourd'hui, et auquel elle légua une magnifique
bibliothèque, rangée depuis parmi les biblio-
thèques publiques du royaume. La branche
danoise des Brahe s'est éteinte dans la ligne
masculine, en 1786, avec le lieutenant-colonel
Preben BRAHE, et, dans la ligne féminine, en
1789, avec Anna-Elisabeth BRAHE. — Un petit
neveu de Preben Brahe, Axel-Frédérik Bille,
devenu héritier de tous les biens de la famille
Brahe, en ajouta le nom au sien, et s'appela
BILLE-BRAHE.
BRAHEBRAHE {branche suédoise des). Elle des-
cend de Mohammar (1250), conseiller du
royaume et parent du roi Sverkev, et com-
prend parmi ses membres les plus illustres,
outre Birger PEURSSON, père de sainte Bri-
gitte : Israël BIRGERSSON, qui refusa le trône
pour gagner la couronne du martyre, en por-
tant les armes contre les païens d'Esthonie;
— Pierre BRAHE, neveu de Gustave W a s a ,
homme d'Etat considérable, savant et lettré;
— Gustave BRAHB, le feld-maréchal; — Ma-
gnus BRAHE, pair du royaume, gouverneur de
Smaland et président de la haute cour de jus-
tice ; — Nils BRAHE, blessé mortellement à la
bataille de Lutzen, aux côtés de Gustave-
Adolphe; — Nils BRAHE, militaire et diplo-
mate ; — Ebba BRAHE, l'amie de Gustave-
Adolphe, qui épousa le célèbre feld-maréchal
Jacques de la Gardie; — Erik BRAHE, qui
périt sur l'échafaud, en 1756, pour avoir fait
partie d'un*complot ayant pour but de relever
l'autorité royale courbée alors sous l'omnipo-
tence de l'aristocratie. Nous allons donner une
biographie un peu plus étendue des membres
les plus considérables de cette famille.
BRAHE
BRAHE (Ebba, comtesse DE), née en 1596,
morte en 1654. Gustave - Adolphe subit le
charme de sa beauté et de son amabilité. Il
avait formé la résolution de l'épouser ; mais
il céda devant l'opposition de la reine, sa
mère. Quelque temps après, la belle comtesse
épousa Jacques de la Gardie, sénateur et con-
nétable de Suède.
BRAHEBRAHE (Pierre-Abrahamssozi), a p p e l é ordi-
n a i r e m e n t le Corn le P i e r r e , n é en 1602, m o r t
en 1680. Il passa sa jeunesse dans les camps,
où il se distingua par sa capacité et son cou-
rage, et fut l'un des compagnons les plus affec-
tionnés de Gustave-Adolphe. Parvenu à l'âge
mûr, il abandonna la carrière des armes pour
la carrière administrative, qui convenait mieux
à ses goûts et à ses aptitudes. Toutefois, le
chancelier Axel Oxenstiern, auquel ses re-
marquables précédents et le prestige de son
grand nom portaient ombrage, montrant peu
de penchant à le voir prendre une part di-
recte aux conseils de la couronne, le fit nommer
gouverneur général, d'abord en Prusse, puis
en Finlande. Dans ce dernier poste, qu'il rem-
plit à trois époques différentes, il conquit, par
l'éclat de ses services, une grande popularité.
Encore aujourd'hui, lorsque les Finlandais veu-
lent parler de la période la plus prospère de
leur histoire : « C'était, disent-ils, du temps du
comte. » Pierre Brahe établit en Finlande de
nombreuses écoles, et y créa l'université d'Abo,
dont il fut le premier chancelier. Il jeta les
fondements des villes de Kajana, de Christi-
nestad et de Brahestad, et, dans son propre
comté, en Suède, de celle de Grenna. Prodi-
gue de sa fortune quand il s'agissait de l'in-
struction, du bien-être et de la sécurité des
peuples confiés à son administration, il répara,
a ses frais, les forteresses importantes de
Wisingborg et de Kajanaborg, qu'il mit en
état do résister à un long siège, et consacra
h l'entretien du gymnase ou collège de Wi-
singsœ, dont il fut le fondateur, les revenus
de plusieurs de ses domaines. Après la mort
d'Oxenstiern, il fut nommé à la dignité de
drots, la première du royaume, et devint,
comme tel, membre de la régence sous le roi
Charles XI. Pierre Brahe était aristocrate
d'esprit et de cœur, mais aristocrate dans la
noble acception du mot, dévoué avant tout à
son roi et a sa patrie, et n'aimant son ordre
et ses privilèges que parce qu'il les regardait
comme liés intimement à la gloire et à la
prospérité de l'un et de l'autre. Il eut la for-
tune extraordinaire de présider au couronne-
ment de deux souverains, Christine et Charles-
Gustave ; et bien que ses prédilections fussent
pour celui-ci, il n'en fit pas moins tous ses
efforts pour empêcher l'abdication de la ca-
pricieuse reine. Placé à la tète des forces
militaires du royaume en 1657, il remplit cet
emploi avec le même zèle et la même capa-
cité que ceux dont il avait été précédemment
investi. Il mourut à sa terre de Bogensund,
âgé de soixante-dix-huit ans, laissant après
lui une mémoire vénérée pour sa droiture,
son patriotisme, son amour de la vérité, ses
vastes connaissances, son esprit de justice et
sa piété. Son Livre des pensées, renfermant le
récit des divers événements de sa vie, n'a pas
cessé d'être l'objet de l'admiration et du respect.
BRAHE
BRAHE (Magnus), homme d'Etat suédois,
né eh 1790, mort en 1844. Après avoir fait
ses études à l'université d'Upsal, il servit,
avec le grade de capitaine, dans les hussards
et la cavalerie de la garde, puis s'éleva rapi-
dement aux plus hautes fonctions et aux plus
hautes dignités du royaume. En 1820, il fut
envoyé comme ambassadeur extraordinaire à
Saint-Pétersbourg, pour féliciter l'empereur
Nicolas sur son avènement, et accompagna
le prince royal Oscar dans la visite qu'il fit,
quatre ans plus tard, a ce souverain. Brahe
était chevalier de l'ordre des Séraphins, ma-
réchal du royaume, aide de camp général de
l'armée, chet de l'état-inajor général, membre
titulaire ou honoraire de la plupart des Aca-
démies de l'Europe: il était, en outre, l'ami
particulier du roi Cnarles XIV, Jean Berna-
Uotte. D'un extérieur séduisant, d'un carac-
tère chevaleresque, d'une gracieuse affabilité,
il possédait l'estime et les sympathies de tous ;
et si l'envie monta quelquefois jusqu'à lui,
elle ne put empêcher néanmoins qu'il ne fût
unanimement reconnu pour le.premier gentil-
homme de la Suède, non-seulement à cause
de sa naissance et de ses titres, mais encore
et surtout à cause de ses hautes qualités per-
sonnelles. Daus la dernière maladie du roi, en
1844, Magnus Brahe veilla nuit et jour k son
chevet, jusqu'à ce qu'il eût rendu le dernier
soupir, et le suivit six mois après au tombeau.
BRAHE
BRAHE (Tycho). V. TVCHO-BRAHÉ.
BRAHÉE
BRAHÉE s. f. (bra-é — de Tycho-Brahé,
astron. danois). Bot. Genre d'arbres, de la
famille des palmiers, tribu des coryphinées,
comprenant une seule espèce, qui croît sur
les Andes du Pérou.
BRAHILOW,
BRAHILOW, ville de Valachie. V. BRAÏLA.
BRAHIM. V. IBRAHIM.
BRAHMA. Ce mot, qui appartient au san-
scrit, n'est pas, comme le croyait Voltaire, le
nom du fondateur, mais celui du dieu su-
f
irême du brahmanisme. Il appartient, non à
a série des individualités historiques, comme
ceux du Bouddha, de Moïse, de Jésus et de.
Mahomet, mais à celle des concepts religieux,
comme ceux de Jéhovah, d'Ormuzd, de Ju-
piter, etc. Brahma (nom neutre) ou Brahmc
t
Brahm, Parabrahma-, dans la religion brah-
manique, est le Seigneur existant par lui-
même, qui n'est pas à la portée des sens, que
l'esprit seul peut percevoir, qui est sans par-'
ties visibles, la source de tous les êtres, l'être
indéterminé, le principe neutre éternel et inac-
tif dont le développement constitue le monde.
De Brahme ou Brahma (neutre) procèdent les
trois personnes divines, Brahma (masculin),
Vichnou et Siva, lesquelles forment la tri-
mourti ou trinité indienne. Brahma est le dieu
créateur, Vichnou le dieu conservateur, et
Siva le dieu destructeur. On peut citer tel
passage des pouranas, où ces trois divinités
sont représentées comme trois aspects diffé-
rents de la divinité une et suprême. Dans le
Bhagavala-Pourana, par exemple, un pa-
triarche s'adresse à Vichnou , à Siva et à
Brahma , et leur demande quel est d'eux trois
le véritable dieu. Les trois divinités lui répon-
dent : « Apprenez, ô pénitent, qu'il n'y a point
de distinction réelle entre nous; ce qui vous
semble tel n'est qu'apparent. L'Etre unique
paraît sous trois formes parles actes de créa-
tion, de conservation et de destruction: mais
il est un. Adresser son culte à une de ces
formes, c'est l'adresser aux trois ou au seul
Dieu suprême. *
' On doit remarquer que cette Irimourti ou
trinité n'existe en aucune manière dans l'Ecri-
ture sainte du brahmanisme, dans le Véda ;
ses principaux éléments n'y sont pas même
nommés. Siva ne s'y rencontre pas; ce nom,
qui plus tard désigna la puissance mystérieuse
qui fait disparaître les êtres tour à tour, rem-
plaça dans le panthéon indien le lioudra vé-
dique, Ce Poudra, dont le nom vent dire le
Pleureur, n'est pas autre chose que le chef
des Vents, le génie de la tempête gémissante.
C'est un personnage symbolique d'une signi-
fication toute physique, comme la plupart des
autres dieux du Véda. Vichnou, le Pénétrant,
représente la station supérieure du soleil, le
soleil de midi, dont les rayons percent tous les
corps et en pénètrent laprofondeur. L'idée d'un
créateur ou, pour mieux dire, d'un producteur
des choses est encore flottante; elle n'est
point fixée dans le nom de Brahma, qui date
des temps postérieurs. Le mot brahman, avec
son sens primitif, désigne la prière qui accom-
pagne le sacrifice, et il ne semble pas avoir
d'autre signification. Quant à la conception
toute métaphysique d'un principe éternel et
immuable, ou elle n'est pas dans le Véda, ou
bien elle ne fait que commencer à paraître et
ne se présente pas avec un nom l\^e et des
caractères déterminés. « Le symbole et rien
de plus, dit M. Emile Burnouf, telle est la re-
ligion de la période védique. Les symboles de
ces temps anciens ont rarement une valeur
morale ; ils représentent, sous une forme hu-
maine idéalisée, les forces qui engendrent les
phénomènes naturels, soit ceux de la nature
inanimée, cqmmo le feu, la chaleur, la lu-
mière , les mouvements de l'air et des astres,
soit ceux de la vie dans les plantes et dans les
animaux, a — « Si l'on cherche, ditM. Taine, le
trait qui distingue entre toutes les races de la
même souche les Aryens conquérants de
l'Inde, on le trouvera dans leur imagination,
qui est de la plus étonnante fécondité et de la
plus rare délicatesse. Nulle part le mythe n'a
été si transparent ni si abondant. Il semble
que cette race ait été faite pour voir des dieux
dans toutes les choses et des choses dans tous
les dieux. C'est le ciel lumineux qu'ils adorent,
la grande clarté épanouie qui enveloppe et ra-
nime toute chose- c'est la Foudre victorieuse,
le Tonnerre bienfaisant qui fend les nuages et
délivre de leur prison les pluies fertilisantes ; ce
sont les deux Rayons jumeaux qui s'élancent
du bord du ciel pour annoncer le retour de la
lumière; ce sont les Rougeurs du matin, les
Aurores blanchissantes qui sortent de l'ombre
avant le soleil, et, comme une jeune fiancée
devant son époux, découvrent en souriant leur
sein en sa présence; c'est Agni, le feu qui sort
des bâtons frottés l'un contre l'autre, « tout
habillé de splendeur, » aux couleurs chan-
geantes, aux formes innombrables, mais char-
mantes, qui court sur toute la terre, languit et
renaît, a devient souvent vieux et redevient
toujours jeune... » Si ondoyante que soit la
nature, cette imagination l'est autant. Elle n'a
point de dieux fixes : les siens sont fluides
comme les choses; ils se confondent les uns
dans les autres. Varouna est Indra, car le
tonnerre est le ciel foudroyant; Indra est
Agni, car la foudre est le feu céleste. Chacun
d'eux est à son tour le dieu suprême; aucun
d'eux n'est une personne distincte; chacun
d'eux n'est qu'un moment de la nature, ca-
pable, suivant le moment de l'aperception,
de contenir son voisin ou d'être contenu paV
son voisin. A ce titre, ils pullulent et four-
millent. Chaque moment de la nature et chaque
moment de l'aperception peut en fournir un.
On voit des qualités, des attributs divins,
même des attributs d'attributs devenir des
dieux. Le breuvage qu'on offre aux dieux, la
prière, l'hymne, toutes les parties du culte
finissent elles-mêmes par se transformer en
forces divines, en êtres divins qu'on invoque
et qu'on révère, o
Comment de ce naturalisme poétique, de
cette mythologie luxuriante, la conception
panthéiste de Brahma va-t-elle sortir? Elle
devait naturellement se développer au sein du
polythéisme védique, lorsque, grâce à l'essor
d'une civilisation pacifique et à la prépondé-
rance acquise de la classe sacerdotale, la ré-
flexion viendrait à tirer une théologie et une
dogmatique des mythes naïfs des premiers
âges. Le propre du panthéisme est de faire
prédominer l'idée de substance sur celle de
personnalité. Or l'imagination védique, préci-
sément parce qu'elle est en travail continuel
d'enfantement, parce qu'elle multiplie les dieux
d'une manière indéfinie, ne s'arrête pas,
comme l'imagination grecque , à achever son
ouvrage, à déterminer, à circonscrire nette-
ment chacun de ses produits; les dieux védi-"
ques restent, pour ainsi dire, à l'état gazeux;
ils n'ont pas et ne peuvent acquérir la con-
sistance, ta densité qui en ferait des personnes
à caractères distincts, arrêtés, invariables.
La personnification mythologique n'est qu'un
voile transparent pour les phénomènes qu'elle
symbolise et leurs divers aspects. Mais les
phénomènes et leurs aspects n'ont pas de
fixité; ils changent continuellement; nulle
forme définitive, partout et toujours la tra?is~
formation. Cette idée de transformation im-
plique celle de quelque chose.qui se transforme;
et voilà que, tournant le dos aux dieux-per-
sonnes,à l'anthropomorphisme, nous arrivons
au Dieu-substance, abstrait et dégagé de toute
forme, au panthéisme. Ecoutons M. Taine :
o D'abord , on voit, dit-il, les dieux flottants
et nombreux se rassembler sous trois dieux
souverains, Varouna dans le ciel, Indra dans
l'air, Agni sur la terre; puis derrière eux ap-
paraît « la grande âme » qui opère par eux,
anime toutes choses et qui est le soleil. Bien-
tôt la profonde faculté métaphysique, déve-
loppée par le spectacle de la nature tropicale
incessamment renouvelée et coulante, écarte
ce soleil sensible, démêle la puissance idéale
derrière les formes changeantes, déclare
« qu'au commencement il n'y avait que l'être
indéterminé, pur, sans forme; que tout était
confondu en lui, qu'il reposait dans le vide, et
que ce monde a été produit par la force de sa
pensée. » Quel est-il, cet être? Un sourd tra-
vail d'élaboration philosophique et sacerdotale
a fini parle retirer de la nature sensible pour
le mettre aux mains des prêtres. Parmi les
dieux anciens était aussi le Feu allumé par les
brahmanes, qui s'était accrédité avec eux,
mais qui, tout auguste qu'il était, restait trop
palpable pour devenir l'être universel et pur. In-
sensiblement , un de ses noms, Bruhmanaspati,
c'est-à-dire le Seigneur de la prière, devient
un dieu distinct et plus abstrait, chaque jour
plus important et plus absorbant; de celui-ci
se détache un autre Brahma, la Prière, plus
abstrait encore , et qui devient l'être primor-
dial, sans forme, d'où tout découle et qui
contient tout. Voilà la Prière qui s'est con-
fondue avec le principe du monde, avec le
dieu suprême ; c'est que la prière, pour ces
cerveaux exaltés, n'est pas une simple solli-
citation, mais une force contraignante et sou-
veraine. »
Comme on le voit, le dieu Brahma, qui sym-
bolise à l'origine une force morale , la prière,
est postérieur à tous les dieux du panthéon
védique, lesquels personnifient des forces phy-
siques; s'il est monté au premier rang dans
!a spéculation et l'adoration, c'est d'ahord que
le progrès religieux tend à faire prédominer
les forces morales sur les forces physiques;
c'est ensuite que la piété des Aryens indous
a
4
dû facilement et promptement voir dans la
prière la force morale par excellence, celle
qui est universelle et qui doit tout dominer ;
c'est enfin que les brahmanes, qui avaient en
main cette force et qui en recevaient tout lo
pouvoir, n'ont pas peu contribué sans doute à
lui subordonner, h lui sacrifier les dieux
fluides et peu consistants des vieux mythes.
Dans le Manava-Dharva-Sastra (Lois de
Manou),nous voyons le dogme de Brahma com-
plètement dessiné.Voici comment cet ouvrage,
que les brahmanes considèrent comme éminem-
ment orthodoxe, et qui jouit encore dans
l'Inde, auprès des tribunaux, d'une autorité,
irréfragable, raconte la formation du monde :
* A l'origine, l'univers était plongé dans l'ob-
scurité; il était imperceptible, dépourvu de
tout attribut distinctif, ne pouvant ni être dé-
couvert par le raisonnement ni être révélé;
il semblait entièrement livré au sommeil.
Quand la durée de la dissolution fut à son
terme, alors le Seigneur existant par lui-
même [Brahma neutre) et qui n'est pas à la
portée des sens, rendant perceptible ce monde
avec ses cinq éléments et les autres prin-
cipes, resplendissant de l'éclat le plus pur,
parut et dissipa l'obscurité, c'est-à-dire déve-
loppa la nature {pracriti). Celui que l'esprit
seul peut percevoir ayant résolu dans sa
pensée de faire émaner de sa substance les
diverses créatures, produisit d'ataord les eaux,
dans lesquelles il déposa un germe. Le germo
devint un œuf brillant comme l'or, et dans
lequel l'Etre suprême naquit lui-même sous
la forme de- Bratimâ (masculin), l'aïeul de tous
les êtres. Après être demeuré dans l'œuf
une année de Brahma (cette année équivaut
à 3,110,400,000,000 d'années humaines), le
Seigneur, par sa seule pensée, sépara cet œuf
en deux parts, et de ces deux parts il forma
le ciel et la terre; au milieu, il plaça l'atmo-
sphère, les huit régions célestes et le réservoir
permanent des eaux. Il exprima de Y Ame su-
prèmç (Paramatma) le Sentiment (Manas), qui
existe par sa nature, et produisit antérieure-
ment 1 Ahamcâra (le Moi), moniteur et souve-
rain maître. Et avant le Sentiment et la
Conscience, il produisit le grand Principe
intellectuel (Mahat). L'Etre suprême assigna
aussi, dès le principe, à chaque-créature en
particulier, un nom, des actes, une manière
de vivre. Il donna ainsi naissance à une mul-
titude de dieux (devas) essentiellement agis-
sants, doués d'une âme, et à une troupe invi-
sible de génies [sadhyâs)) puis il institua le
sacrifice. Du feu, du bois "et du soleil, il ex-
f
irima, pour l'accomplissement du sacrifice,
es trois Védas éternels, nommés liig, Yadjour,
et Sàma. Il créa le temps et ses divisions, les
constellations, les planètes, les fleuves, les
mers, les montagnes, les plaines, etc. Il fit
naître la dévotion austère, la volupté, le désir,
la colère et la parole. Il distingua le juste de
l'injuste. Pour la propagation de l'espèce hu-
maine, de sa bouche, de son bras, de sa
cuisse et de son pied, il produisit le brahmane,
le kshattriya, le vaiçya et le coudra.
Un peu plus loin, nous lisons que le Sou-
verain maître devint moitié mâle et moitié
femelle ; qu'en s'unissant à cette partie fe-
melle, il engendra Viradj ; qu'il se livra en-
suite à une dévotion austère et donna nais-
sance à Manou, le créateur de cet univers.
Manou, désirant faire naître le genre humain,
après avoir pratiqué les plus pénibles austé-
rités, produisit les saints éminents (Maharchis),
seigneurs des créatures, lesquels sont au
nombre de sept. Ceux-ci créèrent à leur tour
sept autres Manous, les Déyas et leurs de-
meures, et d'autres Maharchis doués d'un
immense pouvoir. Ils créèrent encore les
Yakchas, dieux des richesses, sortes de gno-
mes, les Bakchasas, géants malfaisants, les
Pisatchas, sortes de vampires, les Gandharvas
ou musiciens célestes, les Apsaras, nymphes
célestes, bayadères de la cour d'Indra, les
Asouras ou Titans hindous; les Nagas ou dra-
gons, les serpents, les oiseaux, les différentes
tribus des ancêtres divins, les météores, les
corps célestes, les Kinnaras ou génies fantas-
tiques à cheval, puis les animaux de touto
sorte, les minéraux, les végétaux. Suivant la
doctrine expusée dans le Afanava-Dharma-
Sastra, le monde passe par des périodes &uc-
BRAH BRAH
BRAH BRAH 1189
cessives de création et de destruction. Lorsque
Brahmâ s'éveille, aussitôt cet univers accom-
plit ses actes; lorsqu'il s'endort, alors le
monde se dissout; car, pendant son sommeil,
les êtres animés pourvus des principes de
l'action quittent leurs fonctions, et le Senti-
ment {Manas) tombe dans l'inertie. Et lors-
qu'ils se sont en même temps dissous dans
l'Ame suprême, alors cette âme de tous les
êtres dort tranquillement dans la plus parfaite
quiétude; en sorte que
;
par un réveil et un
repos alternatifs, l'être immuable fait revivre
ou mourir éternellement tout l'assemblage des
créatures mobiles et immobiles.
Ainsi, dans le livre des Lois de Manou,
Brahma est le dieu unique, tour à tour créateur
et destructeur de l'univers; Vichnou et Siva
ne figurent pas dans ce code; comme les Vé-*
das, il ignore la Trimourti, il est antérieur à
cette réunion, à cette fusion des trois divini-
tés qui est de date beaucoup plus récente.
M. Pierre Leroux, cependant, se plaît à re-
trouver la Trinité dans le brahmanisme pri-
mitif, dans le brahmanisme du Manava-Dhar-
ma-Sastra; il la compose de Brahma neutre
ou Brahme, de Brahmâ masculin et-de l'Ame
suprême (Paramatma). « La distinction de
Brahmâ, esprit créateur du monde, et de
Brahma, dieu suprême antérieur au monde,
est, dit-il, si positivement marquée dans tout
ce que nous avons des livres antiques du brah-
manisme, qu'il faut bien la considérer comme
un point incontestable de cette religion. Voilà
donc deux personnes en Dieu : le Dieu éternel
et inconnu, et le Verbe de ce Dieu, Brahmâ le
créateur. Une troisième personne joue aussi
un rôle dans la création, c'est l'Ame de l'uni-
vers, l'Ame suprême, le Paramatma. Quand
Brahmâ, le créateur, sort de l'œuf et va créer
le monde, c'est de l'Ame suprême qu'il exprime
les éléments dont il composera les êtres di-
vers. Cette Aine suprême apparaît, dans Ma-
nou, comme une sorte de réservoir où résident
la sensibilité et ses différentes formes, le sen-
timent personnel et l'intelligence. Brahmâ le
créateur, en se conformant aux lois de Brahma,
l'Etre absolu, puise dans cette âme suprême
les différentes doses de qualités diverses dont
il compose les différents êtres qu'il veut réa-
liser dans le monde. »
Nous avons vu la place qu'occupe Brahma
dans le védisme d'abord , puis dans le brah-
manisme du code de Manou; il nous reste à
considérer ce qu'il est devenu dans le brah-
manisme beaucoup plus moderne des Pouranas.
Uni à Vichnou et à Siva, il forme, comme
nous l'avons dit plus haut, la Trimourti ou
triade divine. Sur la montagne d'or Çaitasa
est le lotus portant dans son sein le triangle,
origine et source de toutes choses. De co
triangle sort le Lingam, dieu éternel qui en
fait son éternelle demeure. Ce Lingam, ou
arbre de vie, avait trois écorces : la première
et la plus extérieure était Brahma, celle du
milieu Vichnou, la troisième et la plus tendre
Siva ; et quand les trois dieux se furent déta-
chés , il ne resta plus dans le triangle que la
tige nue, désormais sous la garde de Siva.
Les trois dieux de la Trimourti indienne pa-
raissent appartenir originairement à trois re-
ligions différentes qui sont venues se confon-
dre et unir leurs cultes en un culte unique; il
est surtout difficile de rattacher le siv\iïsme
aux idées du védisme original. Par l'adjonction
de deux rivaux, Brahma se trouve dépouillé ,
dans le brahmanisme postérieur, d'une partie
de ses attributs. Il est sorti des profondeurs
de son éternité pour créer le monde : sa pre-
mière émanation n'est autre que son énergie
créatrice, qui tout à coup se manifeste dans le
temps; c'est la mère et la matrice des êtres;
elle se nomme Sacli, Parasacti, Maya, la pre-
mière vierge et la première femme tout en-
semble, figurée par l'organe propre à son
sexe. Sacti, comme épouse de Brahma, reçoit
aussi le nom de Saraswati ; c'est l'antique
déesse des Aryas, la Minerve pacifique, pro-
tectrice des beaux-arts. Siva a pour épouse
Parvati, la fille de la montagne, rappelant
l'orgueilleuse Junon. Cette déesse se montre
sous divers aspects : tantôt c'est Dourga, la
Minerve guerrière, secourant le juste qui l'im-
plore, frappant l'impie qui la méconnaît; tan-
tôt c'est Kâli, la sombre Hécate ; dans cette
dernière manifestation, elle est réellement la
compagne du génie destructeur, et se présente
à l'imagination orientale sous d'effrayantes
couleurs. C'est eRe qui apparaît dans les
scènes de carnage et d'horreur, réclamant le
sang des mourants pour en abreuver les vam-
pires qu'elle entraîne à sa suite; tantôt c'est
Bhavàni, la déesse de la fécondité: apparente
contradiction; mais la mort n'est-elle pas une .
des causes de la vie? Vichnou a comme Siva,
comme Brahma, une épouse qui est son éner-
gie créatrice, conçue comme une divinité
distincte de lui-même; c'est Lackmi ou Çri
l
la déesse de l'abondance et du bonheur, qui
rappelle la Cérès des Grecs ; c'est sous les
plus riants attributs, accompagnée de Kama,
l'Amour, dieu immortel dont les flèches sont
empennées de fleurs, qu'elle s'offre au regard
du poète qui la chante. De même que la Vénus
grecque, de même que la Freya Scandinave,
Lackmi naît du sein des ondes.
Vichnou s'est réellement substitué, dans
l'adoration de l'Inde', à Brahma, dont il est le
fils premier-né. Brahma , comme ailleurs J é -
hovah, est oublié dans son repos, car il a
accompli son oeuvre; c'est a Vichnou, le dieu
conservateur, le sauveur de l'espèce humaine,
que s'adressent, comme ailleurs à Jésus, les
hommages et les prières. On le représente
couché sur une feuille de figuier, dans l'atti-
tude de la contemplation, nageant à la surface
des eaux, sous la figure d'un jeune enfant qui
porte son pied vers sa bouche. Souvent aussi,
pendant qu'il repose sur son élément, enseveli
dans ses méditations profondes, sort tout à
coup de son nombril une tige de lotus, et
Brahma paraît sur le calice de cetto belle
fleur, pour accomplir sa création. On a vu que,
suivant la doctrine brahmanique, il y a pour
le monde des époques de destruction et de re-
nouvellement. Il y eut donc, dans la suite des
âges qui nous on't précédés, des époques où la
terre, ou les germes de la vie furent en péril.
A ces époques, il n'a rien moins fallu que
l'intervention d'un dieu pour sauver l'univers;
et tel a été l'objet des avatars ou incarnations
de Vichnou. Ces incarnations sont au nombre
de neuf; il y en aura encore une dixième, mais
elle n'arrivera qu'à la fin de l'âge présent.
ERAHMAIQUE adj. {bra-ma-i-ke — rad.
Brahma). Hist. relig. Qui appartient à Brah-
ma, au brahmaïsme ou à ses adhérents.
B R A H M A Ï S M E s. m. (bra-ma-i-sme — rad.
Brahma.) Hist. relig. Religion, culte de
Brahma: Lesioaïsme, le vichnouvisme et le
BRAHMAÏSME,BRAHMAÏSME, les trois premiers cultes humains,
ont fini, quelques mille ans avant J.-C, leurs
guerres par l'adoption de la Trimourti in-
doue. (Balz.)
B R A H M A L O C A s. m. (bra-ma-lo-ca — rad.
Brahma). Ciel de Brahma.
B R A H M A N A s. m. ( b r a - m a - n a — rad.
brahmane). Commentaire orthodoxe des
hymnes du Véda, faisant, aux yeux des In-
dous, partie intégrante de leur Ecriture
sainte : Les BRAHMANAS sont des livres qui
peupent être, à plus d'un titre, comparés à ceux
des grands docteurs de notre moyen âge.
(Emile Burnouf.) Un BRAHMANA, bien qu'aussi
orthodoxe que la Samhita, ne peut pas être
placé sur le même niveau. (Barthél. St-Hi-
laire.)*
— Encycl. Quelle idée doit-on se faire d'un
Brahmana? Quelle place les Brahmanas oc-
cupent-ils parmi les livres sacrés de l'Inde?
« Le Brahmana, dit M. Barthélémy Saint-Hi-
laire, est une explication orthodoxe de tous
les détails du rituel minutieux que les brah-
manes observent dans les nombreuses céré-
monies de leur culte. Cette explication s'ap-
puie tout à la fois sur les hymnes ou les
formules qui doivent être scrupuleusement
récitées, sur le sens donné aux mots obscurs
ou douteux du texte sacré , sur les traditions
antérieures et sur les légendes. Le Brahmana
est donc légendaire, traditionnel et philolo-
gique. » M. Barthélémy Saint-Hilaire ajoute
que ce caractère multiple des Brahmanas ex-
f
dique l'incertitude qui a longtemps régné sur
a véritable nature de cette sorte délivres, et
sur la définition qu'il convient d'en donner
pour les séparer nettement des autres.
Suivant le commentateur indou Sayana, le
Véda, l'Ecriture sacrée du brahmanisme, se
compose de deux éléments : les Montras et
les Brahmanas ; tout ce qui dans le Véda n'est
pas un Mantra est un Brahmana; et, récipro-
quement, tout ce qui n'est pas un Brahmana
est un Mantra. Il est d'ailleurs impossible de
distinguer d'une manière rigoureuse ces deux
éléments, les traits qui servent à caractériser
l'un pouvant, dans certains cas , appartenir à
l'autre. Ailleurs Sayana établit «que les Brah-
manas renferment deux parties distinctes :
les explications relatives aux sacrifices (Vi-
dhi), et les explications additionnelles (Ar-
thavada). » Un autre commentateur indou,
Madhousoudana, cherchant à compléter ce
qu'a dit son prédécesseur, ajoute aux pres-
criptions liturgiques et aux explications addi-
tionnelles les doctrines du Védanta, dont,
selon lui, les Brahmanas seraient l'écho. C'est
là une opinion inadmissible, car le Védanta
appartient à une époque certainement posté-
rieure à celle.des Brahmanas.
Si des commentateurs indiens nous passons
aux indianistes européens, nous rencontrons
d'abord l'opinion de Colebrooke. Dans son
beau mémoire de IS05, il appelle les Brahma-
nas les suppléments des Védas; il analyse
YAitareya-Brahmana, qu'il prend pour la se-
conde partie du Big-Véda. Seulement, il re-
marque que cette seconde partie est en prose,
au lieu d être en vers comme la première; en
un mot, il traite les Brahmanas comme une
portion essentielle des Ecritures saintes des
Indous. Tout cela est vrai en gros : • Chaque
Véda, si l'on prend le mot Véda dans le sens
le plus large, se compose bien en effet de
deux parties, un recueil d'hymnes (Samhita),
et un ou plusieurs Brahmanas servant, pour
la foi brahmanique, de supplément à ce re-
cueil d'hymnes. L'erreur de Colebrooke est
d'établir une trop étroite union, et de ne
pas mettre une assez grande distance entre
ces deux parties si différentes. » Un Brah-
mana, dit M. Barthélémy Saint-Hilaire, bien
qu'aussi orthodoxe que la Samhita, ne peut
pas être placé sur le même niveau. C'est
comme si l'on mettait les.Pères de l'Eglise sur
la même ligne que l'Evangile ou la Bible, s
Dans son cours sur la littérature indienne,
professé à l'Académie de Berlin en 1851 et
1852, M. Albrecht Weber a donné des Brah-
manas une définition bien plus large que ne
l'avait fait Colebrooke. a Le caractère des
Brahmanas, dit-il, est de servir de lien entre les
hymnes et les actes du sacrifice, de montrer leur
rapport direct et réciproque, en présentant cha-
que rite dans ses détails, et de montrer en outre
leur rapport symbolique, soit en décomposant
et en analysant la formule dans ses diverses
parties, soit en appuyant dogmatiquement
cette relation par des raisons empruntées à la
tradition et a l'a spéculation. Nous y trouvons
donc des prescriptions sur le rituel, des éclair-
cissements sur les mots, des récits tradition-
nels et des théories philosophiques de la plus
haute antiquité. » —aTelest, ajoute M. Weber,
le caractère général et fondamental de tous
les ouvrages de cette sorte; cependant ils
diffèrent beaucoup entre eux, selon qu'ils ont
telle ou telle tendance, et selon qu'ils appar-
tiennent à tel ou tel Véda. » Pour confirmer
cette définition, M. Albrecht Weber a analysé
les Brahmanas joints à chaque Samhita, les
deux Brahmanas du Rig-Véda, VAitareya-
Brahmana et le Kaoushitaki-Brahmana, les
quatre Brahmanas du Sama-Véda, le Brah-
mana du Yadjour-Véda noir, celui du Yadjour-
Véda blanc ou Çatapatha-Brahmana, et enfin
le Brahmana de l'Atharva-Véda.
Après Colebrooke, après M. A. Weber,
M. Max Muller reprit la question ; il l'épuisa
presque entièrement dans son Histoire de
l'ancienne littérature sanscrite. En traitant des
quatre périodes qui, dans son système, com-
posent l'époque védique, il en assigne une
spécialement aux Brahmanas, qui acquéraient
ainsi une importance que jusque-là on ne lenr
avait jamais aussi pleinement accordée.
M. Albrecht Weber avait déjà dit que les
Brahmanas devaient être rapportés à la pé-
riode de transition où le brahmanisme s'orga-
nise définitivement et remplace, le simple vé-
disme. {V. ce mot.) Mais M. Max Muller dé-
termine encore davantage les choses; et,
pour lui, les Brahmanas, venus à la suite des
Mantras et des Tchhandas, forment la troi-
sième période et n'ont plus après eux que les
Soutras, qui les abrègent et finissent par les
remplacer. Dans l'opinion de M. Max Muller,
les Brahmanas ne sont pas ainsi nommés
parce qu'ils traitent, comme on l'a dit souvent,
de Brahma, l'esprit suprême, ou des prières
du sacrifice appelées Brahmani ; le nom des
Brahmanas leur vient uniquement de ce qu'ils
sont composés par les brahmanes ou pour les
brahmanes. Les Brahmanas furent en quelque
sorte les Dicta theologica des diverses asso-
ciations brahmaniques (tcharanas), sur les dé-
tails officiels du culte. Peu à peu ces décisions
et ces règles s'accumulèrent pour former les
corps d'ouvrage qui ont subsisté et sont arri-
vés jusqu'à notre temps. Cependant, quelque
libres que fussent ces décisions des brahmanes
les plus autorisés, elles se renfermaient né-
cessairement dans certaines limites infran-
chissables. Le culte existait bien longtemps
avant eux ; il avait déjà toute son organisa-
tion, qu'on pouvait bien perfectionner encore,
mais qu'on ne pouvait plus changer. Il y avait
notamment trois classes de prêtres consacrés
par le Véda lui-même : les uns (Adhvaryous),
pour faire les préparatifs matériels du sacri-
fice, les autres (Oudgatris), pour chanter les
prières à haute voix, et les autres enfin (Ho-
tris), pour réciter les hymnes à voix basse et
selon les règles de l'ancienne prononciation.
De cette division des prêtres était venue
aussi la division des trois Samhitas du Rig-
Véda, du Sama-Véda et de l'Yadjour-Véda, la
première formant l'étude spéciale des Hotris,
la seconde celle des Oudgatris, et la troisième
celle des Adhvaryous. Les Brahmanas durent
se conformer à cet ordre systématique, et il y
eut trois classes de Brahmanas, comme il y
avait trois classes de prêtres. Seulement, quand
les trois classes de prêtres participent a une
seule et même cérémonie, il est clair que cette
cérémonie est également exposée dans les
trois espèces de Brahmanas.
Ainsi les Brahmanas, par leur objet, par
leur contenu, par les formes mêmes de leur
style, sont des œuvres relativement récentes.
M. Max Muller va jusqu'à dire qu'évidemment
les auteurs des Brahmanas ne comprennent
f
ilus le véritable esprit de l'antique poésie, ni
e sens réel du sacrifice. Ils s'imaginent que
les hymnes n'ont été-composés qu'en vue des
cérémonies, tandis qu'au contraire ce sont
les cérémonies qui ont été adaptées aux
hymnes très-postérieurement. M. Max Muller
cite des exemples des méprises où cette fausse
idée a conduit les brahmanes. Leurs interpré-
tations ridicules ont tout altéré. Quand le Rig-
Véda parle des mains d'or du soleil levant,
c'est là une expression aussi poétique et aussi
naturelle que celle d'Homère, quand il parle
des doigts de rose de l'Aurore. Mais cette mé-
taphore ne suffit pas aux auteurs des Brah-
manas; ils inventent toute une légende où .le
Soleil perd une de ses mains, et où il reçoit
une main d'or à la place. On voit que toute la
f
ioésie des hymnes védiques a disparu dans
es Brahmanas. Aussi, tout en reconnaissant
l'importance de ces ouvrages pour l'histoire
de 1 esprit indien, M. Max Muller n'hésite pas
à les traiter fort mal, et il s'étonne qu'à une
époque aussi reculée, le pédantisme et la dé-
raison en fussent arrivés déjà à un tel point.
« Ces compositions sont, dit-il, comme une
sorte de maladie intellectuelle qui peut attein-
dre les peuples dans leur jeunesse tout aussi
bien que dans leur décrépitude; et il faut les
étudier à peu près comme le médecin étudie
les divagations des .idiots ou le délire des
fous. » M. Max Muller fait remarquer que les
commentateurs indigènes ne s'éloignent pas
beaucoup de ce jugement. C'est ainsi que
Sayana déclare que les Brahme tas sont à peu
près illisibles, à cause de leur prolixité sans
tin et de leur style obscur. Au contraire, les
Soutras lui paraissent corrects, clairs et con-
cis. Un antre commentateur, Koumarila, est
du même avis que Sayana; et il accorde hau-
tement la préférence aux Soutras sur les
Brahmanas; tout est confus dans ceux-ci,
tandis que tout est régulier et intelligible dans
ceux-là. Il y a plus*: l'esprit brahmanique lui-
même, après avoir créé les Brahmanas, en a
été pour ainsi dire honteux; il les a oubliés
peu à peu, et il y a substitué, sous le nom de
Kalpa-Soutras, des abrégés où l'on n'a con-
servé que ce qui tient directement aux céré-
monies du culte, et où l'on a supprimé tout le
reste. Malgré cette substitution, qui rendait
les Brahmanas inutiles, ceux-ci n'en sont pas
moins entrés dans le domaine sacré, n'en ont
pas moins fait partie, comme les Samhitas
elles-mêmes, de la Çrouti, c'est-à-dire de la
révélation divine, tandis que les Soutras n'ont
pas cessé d'être humains, d'appartenir à la
Smriti, c'est-à-dire à la tradition humaine.
Les Brahmanas n'ont pas de noms d'auteurs,
tandis que l'on connaît les noms de ceux qui
ont composé les Soutras. Les Brahmanas sont
des œuvres faites en commun par des. familles
ou des tribus entières; les Soutras .sont des
œuvres individuelles. M. Max Muller accorde
à la période des Brahmanas deux siècles au
moins ; il la place entre l'an 800 et l'an 600
avant notre ère.
M. Martin Haug, qui a publié, en 1863, un
Brahmana tout entier, texte et traduction,
l'Aitareya-Brahmana du Rig-Véda, a abordé
à son tour les questions traitées par M. Max
Muller. Selon M. Martin Haug, tout le monde
dans l'Inde reconnaît aujourd'hui, comme au
temps de Sayana, que le ^éda se compose de
deux parties principales : les Montras et les
Brahmanas, les uns et les autres également
révélés , également éternels. Sans s'inquiéter
des définitions essayées par les auteurs in-
dous, M. Martin Haug en propose une toute
personnelle. La partie du Véda qui contient
des prières sacrées, des invocations à différents
dieux, des vers à chanter durant le sacrifice,
des formules liturgiques, des bénédictions ou
des malédictions à prononcer par les prêtres,
est un Mantra, c'est-à-dire, en remontant à
l'étymologie du mot : a Ce qui fait penser, ce
cjui excite la pensée de l'auditeur et lui donne
à réfléchir. » Quant au Brahmana, il renferma
des explications sur le sens des Mantras, et
énonce des règles pour les appliquer réguliè-
rement; il rappelle les légendes qui se lient
aux différents rites, et enfin il découvre la
puissance cachée de tous les rites divers. Le
Brahmana est donc comme une théologie et
une philosophie primitives des brahmanes. Les
Mantras constituent le fond de toutes ces
théories théologiques, philosophiques et gram-
maticales ; les Brahmanas supposent de toute
nécessité les Mantras, qui ne les supposent
pas. Etymologiquement, le mot Brahmana dé-
rive de brahmane, qui désigne exclusivement
le prêtre de Brahma, adjoint plus tard aux
trois prêtres officiants de l'origine, l'adhvaryou,
l'oudgatri et le hotri. Chacun de ces trois mi-
nistres du culte avait ses fonctions spéciales;
mais il fallait quelqu'un pour surveiller l'en-
semble de la cérémonie et la diriger, de ma-
nière que rien ne pût en vicier le cours, ou en
annuler le salutaire effet. Le brahmane était
supposé doué de toutes les connaissances
théologiques, et il passait pour infaillible,
puisque c'était à lui de redresser ou de pré-
venir les fautes des autres. Les plus distin-
gués des prêtres de cette classe se firent eux-
mêmes des règles pour l'accomplissement
irréprochable du sacrifice; ils eurent sur cha-
que détail leur opinion individuelle, qu'ils dé-
fendirent contre celle de leurs antagonistes,
et, poussés par l'attrait de ces hautes spécu-
lations, ils conçurent des systèmes sur tous
les grands problèmes que présente la vie hu-
maine, sans oublier les accessoires qui la faci-
litent et l'embellissent, la richesse, la puis-
sance, la famille, etc. Les sentences et les
opinions de ces brahmanes sont chacune sé-
parément appelées un Brahmanam, et la col-
lection de ces sentences et de ces opinions a
fini par former les ouvrages qui portent le
nom de Brahmanas. Chaque Véda a son Brah-
mana particulier ; mais, par la force même des
choses, tous les Brahmanas, malgré leurs di-
vergences apparentes, ont une origine com-
mune qui se trahit dans leur style, dans la
nature de leurs sujets et dans la direction
uniforme des spéculations qui les remplissent.
Ils ont dû, selon toute apparence, leur origine
à ces associations où se réunissaient les brah-
manes pour célébrer les longues sessions li-
turgiques (Sattras), où le sacrifice durait non
pas seulement un jour, mais des semaines, des
mois, des années même, comme on le voit par
une foule de passages dans les épopées in-
diennes. C'est dans ces réunions que le culte se
raffina et se chargea peu à peu des détails
exubérants qui en rendent l'accomplissement
si difiieile et si coûteux. Les Brahmanas ont
consigné tous ces détails, mais sans apporter
d'innovations ; la liturgie avait été fixée long-
temps avant eux, et par une pratique assidue
qui a certainement exigé plusieurs siècles.
Comjne ils étaient très-compliqués, les Sou-
tras sont venus plus tard les abréger en les
réduisant à leur partie vraiment essentielle.
Ici M. Martin Haug s'engage dans une discus-
sion approfondie contre le système de M. Max
Muller relativement aux périodes védiques,
1190
BRAH
et il reporte celle des Brahmanas à l'an W00-
120O avant l'ère chrétienne. Par suite, il est
conduit à faire remonter les Samhitas jusqu'à
1500 et 2000 ans avant notre ère. Enfin,
comme il a essayé de distinguer dans le Rig-
Véda des parties plus anciennes les unes que
les autres, il fait débuter la poésie védique
primitive vers l'an 2400 avant l'ère chré-
tienne.
M. Martin Haug termine ses considérations
générales sur les Brahmanas en montrant
toute l'importance qu'attachent les théologiens
indous à ce qui fait l'objet essentiel de ces
ouvrages, au sacrifice. Le sacrifice est re-
gardé dans la dévotion indoue comme le
moyen infaillible d'obtenir la puissance sur ce
monde-ci et sur l'autre, sur les êtres visibles
et invisibles, sur la création entière animée et
inanimée. Savoir l'accomplir dans toutes ses
règles, c'est se rendre maître de l'univers ;
car on ne forme pas un souhait, quelque am-
bitieux qu'il soit, que le sacrifice ne puisse
combler à l'instant même. Le sacrifice ( Yadjna)
est un vaste ensemble dont toutes les parties
doivent être dans la plus parfaite harmonie;
c'est une chaîne où ne doit pas manquer le
moindre anneau; c'est un chemin sans cesse
ouvert pour monter au ciel. Bien plus, le sa-
crifice est une sorte de personne
t
douée des
plus admirables vertus, à qui on pe'ut s'adres-
ser comme on le ferait à un être humain. Le
sacrifice existe de toute éternité; il procède de
l'Etre suprême, du père des êtres (Pradjapati,
Brahma), comme en procède aussi la triple
science, la science des hymnes du Rig-Véda,
des chants du Sama-Véda. des rites du Yadjour-
Véda. La création de 1 univers n'est que le
résultat d'un sacrifice offert par l'Etre su-
prême, le souverain de tout ce qui est. Insti-
tué de tout temps, il est la communication
sainte des mortels et des dieux. Immobile, c'est
au sacrificateur de le mettre en mouvement,
comme s'il s'agissait d'un être animé ; il a ses
pieds, ses mains, ses yeux, sa tête; et sa
forme est parfaite, quand aucune des parties
qui le composent n'a été négligée, et qu'elles
concordent toutes sans exception dans l'unité
systématique que les Richis ont consacrée.
Mais si, par hasard, un fil de ce merveilleux
tissu vient à se rompre, si quelque détail a
été fautif, la valeur du-sacrifice entier est
compromise. C'est pour éviter ces erreurs fu-
nestes que la présence d'un brahmane est in-
dispensable, afin de diriger et de surveiller le
tout; si la faute a été commise, il faut la ré-
parer sur-le-champ par une formule propitia-
toire. De là la puissance prodigieuse accordée
par une superstition aveugle à chacune des
paroles prononcées dans le sacrifice par les
prêtres. On compte les syllabes brèves ou
longues avec une sorte de terreur ; car, si l'on
se trompe, la conséquence peut être affreuse.
La yayatri, composée de trois fois huit syl-
labes, est le plus saint des mètres, c'est celui
d'Agni, le dieu du feu, le chapelain des dieux.
Le trishtoubk, composé de quatre fois onze
syllabes, est le mètre de la force et du pou-
voir royal; c'est le mètre d'Indra, le roi des
dieux. Dans les vers récités à l'honneur d'un
dieu, il faut que le nom de ce dieu soit pro-
noncé, ou du moins qu'on y fasse allusion. Si
Sar hasard on y prononçait, en outre, le nom
'un autre dieu, tout le sacrifice serait man-
qué et stérile. Articuler le nom d'Indra dans
un hymne à Agni, ce serait tout perdre. Ces
soins scrupuleux qu'il est nécessaire de don-
ner aux mots de chaque vers, il faut les éten-
dre aux strophes {stoma) que les vers com-
posent en s unissant les uns aux autres. La
strophe, selon le nombre de vers qu'elle ren-
ferme, est le symbole d'une divinité spéciale,
et non d'une autre. La stance de neuf vers est
le symbole de Brahma; celle de quinze vers
est le symbole d'Indra.
L'importance du sacrifice, dans la religion
brahmanique, nous fait comprendre la haute
valeur que les Brahmanas ont dû nécessaire-
ment acquérir, o Le Brahmana, dit très-bien
M. Barthélémy Saint-Hilaire , n'est pas pré-
cisément une partie du Véda, et il faut tou-
jours le distinguer profondément de la Samhita
qui lui a donné naissance. Mais la Samhita
elle-même ne serait rien sans le Brahmana qui la
complète; elle ne serait qu'une œuvre poétique,
ce ne serait pas une œuvre religieuse et li-
turgique. Réduite à elle seule, elle n'en serait
pas moins belle ; mais elle serait absolument
inféconde. Au contraire, le Brahmana, qui en-
seigne à l'employer, lui confère toute sa force
et son efficacité infaillible. Grâce à lui, elle
participe directement à la vie sociale, et elle
règle à la fois les devoirs religieux de chaque
jour dans les familles, et les rites plus solen-
nels qui intéressent surtout les guerriers, les
rois et les brahmanes. C'est là ce qui a fait,
avec le temps, que les Brahmanas sont venus
se placer auprès de la Samhita, et que, dans
la pratique, ils sont devenus plus nécessaires
encore qu'elle ne l'était. Nous pouvons sou-
rire à bon droit de toutes les conséquences
que le fanatisme attribue au sacrifice; mais
c'est que nous n'y croyons pas; quand on y a
foi comme le monde indou, et qu'on y rat-
tache tant de promesses et tant de menaces,
le sacrifice n'est pas seulement un objet de
culte passionné, c est aussi un objet de ter-
reur; on le redoute autant qu'on le désire, et
le Brahmana, qui apprend à faire tant de
choses pour le bien ou pour le mal, acquiert
alors une influence incomparable. On l'attri-
bue, comme la Samhita sacrée, à Brahma lui-
même. *
BRAH
La science européenne n'a pas les mêmes
raisons que la. dévotion indoue d'accorder
une égale valeur et une origine identique aux
Samhitas et aux Brahmanas; elle voit, dans
les premières, la floraison brillante d'une
poétique et naïve mythologie; dans la se-
conde, le produit ennuyeux et extravagant
d'une superstition développée, organisée, com-
pliquée et desséchée par le travail de la ré-
flexion. On a vu sur ce point le jugement de
M. Max Millier; celui de M. Barthélémy
Saint-Hilaire n'est pas différent. « Que peut-on
tirer de vraiment raisonnable, dit-il, de ce
chaos liturgique et de ce mélange à peu près
inextricable de matières si hétérogènes, et
toutes si stériles? > La dévotion indoue a pu
attacher le plus haut prix à toutes ces misères
du rituel. La superstition pensait y trouver
la satisfaction certaine de tous les désirs de
l'homme, l'accomplissement de toutes ses fan-
taisies. Le sacrifice était une panacée pour
tous les maux, une garantie pour tous les
biens acquis ou recherchés, une assurance
contre toutes les craintes et contre tous les
dangers, soit; mais tout ceci ne peut convenir
absolument qu'à la foi brahmanique, non pas
même telle qu'elle est dans le Véda, mais
telle que l'ont faite les convoitises, et de ceux
qui dirigent la cérémonie, et de ceux qui la
payent en vue du profit supérieur qu'ils es-
pèrent en obtenir. Dans toutes ces innovations
d'un culte compliqué jusqu'à en être imprati-
cable, il n'y a jamais qu'une seule pensée,
l'intérêt des sacrificateurs : brahmanes, kshat-
triyas ou autres. Il n'y a pas une idée un peu
élevée, une idée~ un peu pure. Le côté moral
de la religion n'apparaît jamais; et si l'imagi-
nation déréglée de ces peuples peut y trouver
un élément qui la rassasie, le cœur n'y est
jamais pour rien. »
BRAMENE,BRAMENE, BRAMIN, BRAMEN, BRAME et BRAHME.
— Encycl. Les brahmanes ne furent pas in-
connus aux Grecs. Cinq siècles avant Jésus-
Christ, -le père de l'histoire, Hérodote, parle
de certains peuples de l'Inde qui ne tuent au-
cun animal, ne cultivent point la terre et ne
vivent que des végétaux que la terre produit
d'elle-même, a II vient, ajoute-t-il, dans leur
pays, sans qu'on ait besoin de le semer, une
espèce de grain qui ressemble à du millet; et
quand ils l'ont recueilli avec sa cosse, ils le
font cuire et en font leur unique nourriture.
Aussitôt que quelqu'un d'entre eux est devenu
infirme, il se retire à l'écart dans un lieu dé-
sert, où il demeure tout seul, sans que per-
sonne prenne soin de lui, soit qu'il guérisse,
soit qu'il meure. * Il n'est pas difficile de r e -
connaître dans cette coutume de se retirer au
désert, dont parle Hérodote, la pratique con-
stante des brahmanes, dans les temps anciens,
de se livrer vers la fin de leur vie à la con-
templation solitaire. Ainsi, pour Hérodote, les
brahmanes sont un peuple qui ne mange pas
d'animaux et se nourrit de riz, et dont les
vieillards se retirent dans la solitude. En ces
deux traits, d'ailleurs frappants et caracté-
ristiques, se trouve résumée la connaissance
vague qu'Hérodote avait de l'Inde brahma-
nique.
Plus tard, lors de l'expédition d'Alexandre
le Grand, les Grecs se trouvèrent en rapport
avec les brahmanes et purent observer avec
étonnement leurs abstinences, leurs mortifi-
cations et les pratiques d'un ascétisme très-
éloigné des mœurs helléniques. Ils les dési-
gnèrent sous le nom de gymnosophistai (les
sages nus, à cause de la nudité que s'impo-
saient leurs ascètes. Le nom de brahmanes
passa d'ailleurs, sans altération, dans la lan-
gue grecque sous la double forme de Brakhmai
et de Brakhmanai, le chi grec représentant
l'aspirée sanscrite ha. Nous devons dire en
passant que ce chi grec, reproduit dans notre
français brachmane, a longtemps embarrassé
et dérouté les étymologistes. D après un pas-
sage que Strabon nous a conservé d'Oné-
sicrite, ce philosophe, député par Alexandre,
avait vu quinze brahmanes nus, les uns de-
bout, les autres assis, et dans diverses pos-
tures, qui restaient toute la journée immo-
biles, les yeux fixes, exposés aux rayons du
soleil. Nous savons par le même Strabon c^ue
Mégasthène, qui, trente ans après l'expédition
d'Alexandre, pénétra jusqu'à Patalipoutra, la
Palibothra des Grecs, à la cour du roiTchan-
dragoupta, y trouva deux systèmes religieux
en présence, celui des brahmanes et celui des
garmanes ; ce dernier nom désigne évidem-
ment les religieux bouddhistes,qui s'appelaient
eux-mêmes çramanas (ascètes). Quelques au-
teurs anciens, notamment Pline et Diodore,
ont, à l'exemple d'Hérodote, pris les brahmanes
pour un peuple particulier. Ptolémée est aussi
tombé dans cette erreur; il les appelle Brakh-
manai magoi, les pla^e au pied d'une mon-
tagne nommée Bettigo et leur donne pour
capitule une ville nommée Brachmê.
Tels sont les maigres renseignements que
nous fournit l'antiquité classique sur les brah-
manes; telle est la chétive tradition qui, avec
quelques vagues récits de voyageurs, a dû
BRAH
suffire à l'Europe jusqu'à l'époque où l'étude
de la langue sanscrite et des idiomes de l'Inde,
soulevant en partie le voile qui nous dérobait
ce pays, a produit une sorte de renaissance
orientale analogue à la renaissance gréco-
romaine du xvi^ siècle. Tout ce que nous sa-
vons aujourd'hui des religions et des institu-
tions indoues est le fruit de cette étude, qui
date du commencement du siècle. On peut se
faire une idée de l'ignorance du XVIII" siècle
sur ce sujet en consultant l'Encyclopédie de
Diderot et d'Alembert. J'ouvre le livre aux
articles BRAMA, BRACHMANES et BRAMINES, le
E
remier de l'abbé Mallet; les "deux autres de
iderot lui-même, et voici ce que j'apprends :
• BRAMA. L'un des principaux dieux du
Tonquin, entre la Chine et l'Inde. Il est adoré
par les sectateurs de Confucius.
t BRACHMANES. Gymnosophistes ou philo-
sophes indiens dont il est souvent parlé chez
les anciens. Ils en racontent des choses fort
extraordinaires, comme de vivre couchés sur
la terre, de se tenir toujours sur un pied, de
regarder le soleil d'un œil ferme et immobile,
depuis son lever jusqu'à son coucher, d'avoir
les bras élevés toute leur vie, de se regarder
sans cesse le bout du nez et de se croire
comblés de la faveur céleste la plus insigne,
toutes les fois qu'ils y apercevaient une petite
flamme bleue. Voilà des extravagances tout à
fait incroyables, et si ce fut ainsi que les
brachmanes obtinrent le nom de sages, il n'y
avait que les peuples qui leur accordèrent ce
titre qui fussent plus fous qu'eux. On dit qu'ils
vivaient dans les bois, et que les relâchés
d'entre eux, ceux qui ne visaient pas à la
contemplation de la petite flamme bleue, étu-
diaient l'astronomie, l'histoire de la nature et
la politique, et sortaient quelquefois de leurs
déserts pour faire part de leurs contempla-
tions aux princes et aux sujets. Ils veillaient
de si bonne heure à l'instruction de leurs dis-
ciples, qu'ils envoyaient des directeurs à la
mère, sitôt qu'ils apprenaient qu'elle avait
conçu; et sa docilité pour leurs leçons était
d'un favorable augure pour l'enfant. On de-
meurait trente-sept ans à leur école sans
parler, tousser ni cracher... Quand ils étaient
las de vivre, ils se brûlaient, ils dressaient
eux-mêmes leur bûcher, l'allumaient de leurs
mains et y entraient d'un pas grave et majes-
tueux. Tels étaient ces sages que les philoso-
phes grecs allèrent consulter tant de fois; on
prétend que c'est d'eux que Pythagore reçut
le dogme de la métempsycose. On lit dans
Suidas qu'ils furent appelés brachmanes , du
roi Braçhman, leur fondateur. Cette secte
subsiste encore en Orient sous le nom de bra~
mines.
» BRAMINES. Secte de philosophes indiens
appelés anciennement brachmanes. Ce sont des
prêtres qui révèrent principalement trois cho-
ses : le dieu Fô, sa loi et les livres qui con-
tiennent leurs constitutions. Ils assurent que
le monde n'est qu'une illusion, un songe, un
prestige, et que les corps, pour exister véri-
tablement, doivent cesser d'être en eux-mêmes
et se confondre avec le néant qui, par sa sim-
plicité, fait la perfection de tous les êtres. Ils
font consister la sainteté à ne rien vouloir, à
ne rien penser, à ne rien sentir, et à si bien
éloigner de son esprit toute idée, même de
vertu, que la parfaite quiétude de l'âme n'en
soit pas altérée. C'est le profond assoupisse-
ment de l'esprit, le calme de toutes les puis-
sances, la suspension absolue des sens, qui fait
la perfection. Cet état ressemble si fort au
sommeil, qu'il paraît que quelques grains d'o-
pium sanctifie raient,un bramine bien plus sû-
rement que tous ses efforts... Ils se prétendent
issus de la tête du dieu Brama, dont le cer-
veau ne fut pas seul fécond; ses pieds, ses
mains, ses bras, son estomac, ses cuisses en-
gendrèrent aussi, mais des êtres bien moins
nobles que les bramines. Ils ont des livres
anciens qu'on appelle sacrés. Ils conservent
la langue dans laquelle ces livres ont été
écrits. Ils admettent la métempsycose. Ils
prétendent que la chaîne des êtres est émanée
du sein de Dieu, et y remonte continuelle-
ment, comme le fil sort du ventre de l'araignée
et y rentre... Ils font circuler les âmes dans
différents corps ; celle de l'homme doux passe
dans le corps d'un pigeon ; celle du tyran dans
le corps d'un vautour, et ainsi des autres. Ils
ont, en conséquence, un extrême respect pour
les animaux ; ils leur ont établi des hôpitaux ;
la piété leur fait racheter les oiseaux que les
mahométans prennent... Les extravagances
de la' philosophie et de la religion des bra-
mines n'ont rien d'étonnant. Tout se tient dans
l'entendement humain; l'obscurité d'une idée
se répand sur celles qui l'environnent; une er-
reur jette des ténèbres sur des vérités conti-
fuës ; et s'il arrive qu'il y ait dans une société
es gens intéressés a former, cour ainsi dire,
des centres de ténèbres, bientôt le peuple se
trouve plongé dans une nuit profonde. Nous
n'avons point ce malheur à craindre; jamais
les centres deténèbi'es n'ont été plus rares et
plus resserrés qu'aujourd'hui; la philosophie
s'avance à pas de géant, et la lumière l'accom-
pagne et la suit. »
Comme les articles de Y Encyclopédie, l'ar-
ticle BRACMANES du Dictionnaire philosophique
de Voltaire permet de mesurer le chemin que
nous avons fait, depuis l'époque où il a été
écrit, dans la connaissance des religions, des
philosophies , des races et des langues de
l'Orient, et d'apprécier ce que doivent les
sciences historiques à ces études orientales
BRAH
o^ui ont ouvert un champ nouveau à l'érudi-
tion, apporté des matériaux nouveaux à la
critique, et qui forment, par leur fécondité et
leur portée, une des gloires du xix« siècle.
« BRACMANES , BRAMES. Ami lecteur , ob-
servez d'abord que le père Thomassin, l'un
des plus savants nommes de notre Europe,
dérive les bracmanes d'un mot juif barac, par
un c, supposé que les Juifs eussent un c. Ce
barac signifiait, dit-il, s'enfuir, et les brac-
manes s'enfuyaient des villes, supposé qu'alors
il y eût des villes ; ou, si vous l'aimez mieux,
bracmane vient de barak par un A, qui veut
dire bénir ou bien prier. Mais pourquoi les
Biscayens n'auraient-ils pas nommé les brames
du mot bran, qui exprimait quelque chose que
je ne veux pas dire? Ils y avaient autant de
droit que les Hébreux. Voilà une étrange éru-
dition. En la rejetant entièrement, on saurait
moins et on saurait mieux. N'est-il pas vrai-
semblable que les bracmanes sont les premiers
législateurs de la terre, les premiers philoso-
phes, les premiers théologiens? Le peu de
monuments qui nous restent de l'ancienne his-
toire ne forment-ils pas une grande présomp-
tion en leur faveur? puisque Tes premiers phi-
losophes grecs allèrent apprendre chez eux
les mathématiques, et que les curiosités les
plus antiques, recueillies par les empereurs
de la Chine, sont toutes indiennes... Leurs an-
nales ne font mention d'aucune guerre entre-
prise par eux en aucun temps... Les Hébreux,
qui furent connus si tard, ne nomnientjamais
les bracmanes; ils ne connurent l'Inde qu'a-
près les conquêtes d'Alexandre, et leurs éta-
blissements dans l'Egypte,-de laquelle ils
avaient dit tant de mal... On voit un singulier
contraste entre les livres sacrés des Hébreux
et ceux des Indiens. Les livres indiens n'an-
noncent que la paix et la douceur; ils défen-
dent de tuer les animaux; les livres hébreux
ne parlent que de tuer, de massacrer hommes
et bêtes ; on y égorge tout au nom du Sei-
gneur ; c'est tout un autre ordre de choses...
La doctrine de la métempsycose admise par
les bracmanes vient d'une ancienne loi de se
nourrir de lait de vache ainsi que de légumes,
de fruits et de riz. Il parut horrible aux brac-
manes de tuer et de manger sa nourrice ; on
eut bientôt le même respect pour les chèvres,
les brebis, et pour tous les autres aimaux ; ils
les crurent animés par des esprits célestes
qui s'étaient'autrefois révoltés contre le sou-
verain de la nature, et qui, après avoir passé
cinq mille ans dans un vaste lieu de ténèbres
nommé Ondéra, achevaient de se purifier de
leurs fautes dans les corps des bêtes, ainsi
que dans ceux des hommes. La nature du cli-
mat seconda cette loi, ou plutôt en fut l'ori-
gine : une atmosphère brûlante exige une
nourriture rafraîchissante, et inspire de l'hor-
reur pour notre coutume d'engloutir des cada-
vres dans nos entrailles... Tous les auteurs
anciens attribuent de la connaissance aux
bêtes, et plusieurs les font parler. Il n'est don«
pas étonnant que les bracmanes et les pytha-
goriciens, après eux, aient cru que les âmes
passaient successivement dans les corps des
bétes et des hommes. En conséquence, ils se
persuadèrent, ou du moins ils dirent que les
âmes des anges délinquants appartenaient
tantôt à des bêtes, tantôt à des hommes ; c'est
une partie du roman du jésuite Bougeant, qui
imagina que les diables sont envoyés dans les
corps des animaux. Ainsi, de nos jours, au
fond de l'Occident, un jésuite renouvelle sans
le savoir un article de la foi des plus anciens
prêtres orientaux... Les bracmanes préten-
dent que Brama, leur grand prophète, fils de
Dieu, descendit parmi eux et eut plusieurs
femmes ; qu'après sa mort, celle de ses femmes
qui l'aimait le plus se brûla sur son bûcher
E
our le rejoindre dans le ciel. Cette femme se
rûla-t-elle, en effet, comme on prétend quo
Porcia, femme de Brutus, avala des charbons
ardents pour rejoindre son mari ? Ou est-ce
une fable inventée par les prêtres? Y eut-il
un Brama qui se donna en effet pour un pro-
phète et pour un fils de Dieu? Il est à croire
qu'il y eut un Brama, comme dans Ja suite on
vit des Zoroastre, des Bacchus. La fable
s'empara de leur histoire, ce qu'elle a tou-
jours continué de faire partout. Dès que la
femme du fils de Dieu se brûle, il faut bien
que les dames de moindre condition se brûlent
aussi; de là l'horrible coutume qui oblige les
veuves indiennes à périr volontairement dans
les flammes. Mais commentée trouveront-elles
leurs maris , qui sont devenus chevaux, élé-
phants ou éperviers? Comment démêler pré-
cisément la uête que le défunt anime? Com-
ment le reconnaître et être encore sa femme ?
Cette difficulté n'embarrasse point les théolo-
giens indous ; ils trouvent aisément des dis-
tinguo, des solutions in sensu compost to, in
sensu diviso. La métempsycose n'est que
pour les personnes du commun; ils ont pour
les autres âmes une doctrine plus sublime.
Ces âmes étant celles des anges jadis rebelles
vont se purifiant; celles des femmes qui s'im-
molent sont béatifiées, et retrouvent leurs
maris tout purifiés; enfin les prêtres ont rai-
son, et les femmes se brûlent. »
Nous ne nous arrêterons pas à faire res-
sortir tout ce qu'il y a d'inexact et d'erroné
dans les articles qui confondent les adora-
teurs de Brahma avec les'disciples de Confu-
cius, les brahmanes avec les religieux boud-
dhistes, avec les prêtres de Fô. les doctrines
bouddhiques avec celles du brahmanisme, qui
parlent sérieusement du roi Braçhman, qui
voient dans Brahma une individualité histo-
BRAH BRAH
BRAH BRAH 1191
rïque comme Moïse, Jésus et Mahomet. Ces
articles sont d'ailleurs intéressants , en ce
qu'ils nous montrent l'esprit qui, sur les ques-
tions religieuses, animait leurs auteurs. Le
xvm
e
siècle se plaît à saisir ^e ridicule et
l'odieux des religions, à faire leur caricature
f
lutôt que leur portrait, à prodiguer jusqu'à
abus les mots superstition et fanatisme. Ce
n'est jamais aux instincts nobles et élevés de
la nature humaine, c'est a l'imposture de quel-
ques-uns et à la sotte crédulité du grand
nombre qu'il rapporte l'origine des dieux.
Toute, erreur lui paraît venir d'une source ex-
térieure, d'un mensonge intéressé, impliquer
deux termes, fripon et dupe, quelqu'un qui
trompe et quelqu'un qui est trompé. Il semble
ignorer que chaque homme porte en lui-même,
dans sou imagination et dans ses passions
(peurs, espérances, amours, admirations, en-
thousiasmes ) , une source permanente de
fausses croyances. Il ne croit pas au désinté-
ressement et à la sincérité des prophètes, des
apôtres, des sacerdoces. Il parle de gens in-
téresses à former des centres de ténèbres. Il
voit dans toute mythologie une histoire défi-
gurée avec réflexion et calcul. Son exégèse
ne sort pas de cet étroit èvhémérisme. Nulle
intelligence de l'essor spontané et naïf des
sentiments et des idées qui ont engendré les
mythesj et de la direction que les mythes, une
fois formés, ont dû nécessairement faire pren-
dre à. l'élaboration des dogmes. Rien de moins
apte à comprendre les religions, les philoso-
phies, les morales de l'Orient que ce-bon sens
ironique, que cette raison armée pour une
lutte incessante et qui ne peut quitter des
yeux l'ennemi qu'elle combat; que cet esprit,
modéré et équilibré, ami de la clarté et de la
mesure, éloigné de la grande imagination et
de [la. grande poésie ; que cette pensée réflé-
chie, maîtresse d'elle-même, affinée par l'ana-
lyse ; que cette philosophie confiante en la
base expérimentale et scientifique sur laquelle
elle s'appuie, et dédaigneuse des systèmes et
des constructions métaphysiques. N'imaginant
sur la question de la divinité d'autres solutions
que le déisme et l'athéisme; disposé, pour en-
lever aux Juifs le privilège du monothéisme,
à voir en toute religion positive un déisme
corrompu par l'imposture et l'ignorance, le
xviue siècle, qui n'a pas compris Spinosa,
n'eût pas mieux compris, l'eût-il connu,
l'Orient panthéiste. Parmi les causes qui ont
contribué à nous donner l'intelligence du pan-
théisme oriental, il faut certainement placer
en première ligne l'action profonde exercée
sur la pensée européenne par le grand mou-
vement philosophique de l'Allemagne contem-
poraine.
C'est aux Lois de Manou (Manava-Dharma-
Sastra), livre sanscrit qui jouit encore auprès
des tribunaux," dans l'Inde, d'une autorité irré-
fragable, et qui a été traduit pour la première
fois en français par Loiseleur-Deslongchamps
en 1S33, que nous devons nous adresser pour
nous faire une idée exacte des fonctions, pri-
vilèges et devoirs des brahmanes. Nous par-
lerons ailleurs de leurs doctrines. V. BRAH-
MANISME.
Le mot brahmane, en sanscrit brahmana,
dérive de Brahma, et signifie divin, fils du
dieu suprême, fils de Brahma. Les brahmanes
forment la première des quatre castes hérédi-
taires de l'Inde, la caste sacerdotale. Les trois
autres sont les kshattriyas (guerriers), les
vaiçyas (commerçants, agriculteurs) et les
Coudras (serviteurs). Un grand symbole fut
conçu pour représenter ces quatre castes, dans
leur origine et dans leur hiérarchie. « Pour la
propagation de la race humaine, Brahma, de
sa bouche, de son bras, de sa cuisse et de son
pied, produisit le brahmane, le kshattriya, le
vaiçya et le coudra... Pour la conservation de
cette création tout entière, l'Etre souverai-
nement glorieux assigna des occupations dif-
férentes à ceux qu'il avait produits de sa
bouche, de son bras, de sa cuisse et de son
pied. Il donna en partage au brahmane l'étude
et l'enseignement des Védas, l'accomplisse-
ment du sacrifice,, la direction des sacrifices
offerts par d'autres, le droit de donner et
celui de recevoir. Il imposa pour devoir aux
kshattriyas de protéger le peuple, d'exercer
la charité, de sacrifier, de lire les livres saints
et de ne pas s'abandonner aux plaisirs des
sens. Soigner les bestiaux, donner l'aumône,
sacrifier, étudier les livres saints, faire le
commerce, prêter à intérêt, labourer la terre,
sont les fonctions assignées au vaiçya. Mais
le souverain maître n'assigna aux coudras
qu'un seul office, celui de servir les classes
précédentes, sans déprécier leur mérite. »
(Manou. livre I, distiques 31, 87, 88, 89,
90 et 91.)
D'où vient la supériorité des brahmanes sur
lés trois autres castes? Le législateur se hâte
de nous l'apprendre et de nous dire la haute
idée que nous devons nous faire de leur di-
gnité : « Au-dessus du nombril, le corps de
l'homme a été proclamé le plus pur, et la
bouche en a été déclarée la partie la plus pure
par l'Etre qui existe de lui-même. Par son
origine, qu'il tire du membre le plus noble,
parce qu'il est né le premier, parce qu'il pos-
sède la sainte Ecriture, le brahmane est de
droit le seigneur de toute cette création. En
effet, c'est Lui que l'Etre existant par lui-
même, après s'être livré aux austérités, pro-
duisit dès le principe de sa propre bouche,
pour l'accomplissement des offrandes aux
dieux et aux mânes, pour la conservation de
tout ce qui existe. Celui par la bouche duquel
les habitants du paradis mangent sans cesse
le beurre clarifié, et les mânes, le repas fu-
nèbre, quel être aurait-il pour supérieur?
Parmi tous les êtres, les premiers sont les
êtres animés ; parmi les êtres animés, ceux
qui subsistent par le moyen de leur intelli-
gence ; les hommes sont les premiers entre les
êtres intelligents ; et les brahmanes entre les
hommes La naissance du brahmane est
l'incarnation éternelle de la justice; car le
brahmane, né pour l'exécution de la justice,
est destiné à s'identifier avec Brahma. Le
brahmane, en venant au monde, est placé au
premier rang sur cette terre; souverain sei-
gneur de tous les êtres, il doit veiller à la con-
servation du trésor des lois. Tout ce que ce
monde renferme est la propriété du brahmane ;
par sa primogéniture, il a droit à tout ce qui
existe. Le brahmane ne mange que sa propre
nourriture, ne porte que ses propres vête-
ments, ne donne que son avoir; c'est par la
générosité du brahmane que les autres hom-
mes jouissent des biens de ce monde. (Manou,
livre I, distiques 92, 93, 94, 95, 96, 98, 99,
îoo et 101.)
Il est curieux de voir les précautions minu-
tieuses que la caste brahmanique a prises pour
se maintenir constamment, par l'éducation et
la discipline qu'elle imposait à ses membres,
au niveau de sa haute position, de son émi-
nente dignité sociale. Le brahmane n'est pas
encore né que la loi pense déjà à lui. Il est à
peine conçu dans le sein de sa mère, qu'il faut
offrir en sa faveur un sacrifice pour la purifi-
cation du fœtus (livre II, distique 27). Dès
qu'il est né, et avant même la section de l'om-
bilic, il faut lui faire goûter du miel et du
beurre clarifiés dans une cuiller d'or, en réci-
tant des paroles sacrées (livre II, distique 29).
Il y a certaines conditions pour lé nom qu'on
lui donne : le premier des deux mots dont ce
nom se compose doit exprimer la faveur pro-
pice ; le second, la félicité. Il y a une époque
pour sa première sortie au grand jour, une
époque pour son sevrage. De un à trois .ans,-
il doit recevoir la tonsure, cérémonie qui con-
siste à raser toute la tête, à l'exception du
sommet, sur lequel on laisse une mèche de
cheveux (livre II, distiques 31, 32 , 34 et 35).
Il peut être initié par 1 investiture du cordon
sacré dès l'âge de huit ans et même de cinq;
il ne doit pas l'être plus tard que seize ans,
sous peine d'excommunication. La loi règle
la composition du cordon sacré dont le novice
(brahmatchari) est entouré, de la ceinture, du
manteau, du bâton qu'il doit porter (livre II,
distiques 36, 37, 38, 39 et suivants). Après
avoir reçu l'initiation, le brahmatchari ne doit
plus recevoir sa nourriture que de l'aumône ;
il doit mendier ses aliments. Il ne peut faire
que deux repas par jour, l'un le matin et
l'autre le soir, eu s'asseyant pour manger,
selon les règles indiquées, et en faisant des
ablutions (livre II, distiques 48,49 et suivants).
A seize ans, il passe aux leçons d'un précep-
teur spirituel qui s'appelle le gourou, et qui
devient son second père, encore plus vénéré
que le père que la nature lui avait donné. « De
celui qui donne l'existence, et de celui qui
communique les dogmes sacrés, ce dernier est
le père le plus respectable. Lorsqu'un père et
une mère, s'unissant par amour, donnent
l'existence à un enfant, cette naissance ne
doit être considérée que comme purement hu-
maine. Mais la naissance spirituelle qui lui
vient de son précepteur, suivant la loi, est la
véritable, et n'est point assujettie à la vieil-
lesse et à la mort. » (Livre II, distiques 146,
147 et 148.) Le gourou fait étudier constam-
ment le Véda au novice, et le jeune homme
doit tous les jours, matin et soir, faire ses
prières et lire le livre saint, avec les explica-
tions qui le complètent et l'éclaircissent. Le
brahmatchari doit aussi tous les jours, sans
exception, voir lever et coucher le soleil, et
en même temps qu'il apprend le respect pour
l'écriture sacrée et pour celui qui la lui en-
seigne, il apprend, en outre, à dompter ses
sens. Le gourou ne donne jamais que des le-
çons gratuites ; c'est seulement au moment où
le noviciat est terminé que le disciple peut
offrir à son maître quelque souvenir de sa re-
connaissance (livre II, distiques 245 et 246).
Le noviciat, quelque pénible qu'il soit, dure
au moins neuf ans; il peut en durer dix-huit
ou même trente-six, en un mot tout le temps
nécessaire, selon les intelligences, pour con-
naître à fond les Védas et tout ce qui s'y rap-
porte (livre 111, distique 1). Quand le noviciat
est fini, le brahmatchari peut devenir père de
famille et chef de maison (grihastha), et c'est
la seconde période de la vie du brahmane. Il
.doit faire choix, pour la première union, d'une
femme de sa caste. Pour les unions subsé-
quentes, si le désir le porte à en contracter, la
loi se montre moins exigeante, et la femme
peut être prise dans les autres castes, bien que
ce soit toujours une dégradation plus ou
moins blâmable (livre III, distique 12); La loi
prescrit avec beaucoup d'attention les moyens
que le grihastha doit employer pour vivre et
faire vivre les siens. «Tout moyen d'existence
qui ne fait point de tort aux êtres vivants, ou
leur en fait le moins possible, est celui qu'un
brahmane doit adopter (livre IV, distique 2). »
11 ne doit jamais descendre à un travail ser-
vile (livre IV, distique 6). C'est surtout de
l'aumône qu'il doit subsister, et voilà pourquoi
la loi recommande aux riches cette sainte pra-
tique (livre IV, distique 226), par laquelle ils
ne font que rendre aux brahmanes les biens
qu'ils en ont reçus. Le grihastha doit toujours
consacrer la meilleure partie de son temps à
la lecture du Véda, aux cérémonies innombra-
bles du culte, aux sacrifices qu'elles exigent
et à toutes les prescriptions de la liturgie.
Toutes les impuretés qui peuvent le souiller
d'une foule de manières doivent être constam-
ment effacées par lui selon les rites. Ici se
place l'interdiction faite au brahmane grihas-
tha de manger de la viande. Il est bon de
noter que cette interdiction n'a pas le carac-
tère absolu que lui supposaient les anciens et
qu'on lui prête généralement. Sur l'esprit et
les limites de cette loi curieuse d'abstinence,
écoutons Manou : /
« Voici les règles à suivre pour manger de
la viande ou s'en abstenir : Que le dwidja
(dwidja signifie deux fois né, régénéré, et s'ap-
plique à tout homme des trois premières
castes, brahmane, kshattriya ou vaiçya, qui a
été investi du cordon sacré), que le dwidja
mange de la viande lorsqu'elle a été offerte en
sacrifice ou sanctifiée par les prières d'usage,
ou dans une cérémonie religieuse, lorsque la
règle l'y oblige, ou quand sa vie est en dan-
ger. — C'est pour l'entretien de l'esprit vital
que Brahma a produit ce monde; tout ce qui
existe ou mobile ou immobile sert de nourri-
ture à l'être animé. — Les êtres immobiles sont
la proie de.ceux qui se meuvent; les êtres
privés de dents, de ceux qui en sont pourvus ;
les êtres sans mains, de ceux qui en ont; les
lâches, des braves. — Celui qui ne mange la
chair d'un animal qu'il a acheté, ou qu'il a
élevé lui-même, qu'après l'avoir offerte aux
dieux ou aux mânes, ne se rend pas coupable.
— Que le dwidja qui connaît la loi ne mange
jamais de viande sans se conformer à cette
règle, à moins de nécessité urgente ; car s'il
enfreint cette règle, il sera, dans l'autre
monde, dévoré par les animaux dont il a
mangé la chair illicitement, sans pouvoir op-
poser de résistance. — Un brahmane ne doit
jamais manger la chair des animaux qui n'ont
pas été consacrés par des prières ; mais qu'il
en mange, se conformant à la règle éternelle,
lorsqu'ils ont été consacrés par des paroles
sacrées. — Qu'il n'ait jamais la pensée de tuer
un animal sans en faire l'offrande. — Autant
l'animal avait de poils sur le corps, autant de
fois celui qui l'égorgé d'une manière illicite
périra de mort violente à chacune des naissan-
ces qui suivront. L'Etre qui existe par sa pro-
Ere volonté a créé lui-même les animaux pour
3 sacrifice ; et le sacrifice est la cause de L'ac-
croissement de cet univers; c'est pourquoi le
meurtre commis pour le sacrifice n'est point
un meurtre. — Les herbes, les bestiaux, les
arbres, les animaux amphibies, et les oiseaux
dont le sacrifice a terminé l'existence, renais-
sent dans une condition plus relevée. Lorsqu'on
reçoit un hôte avec des cérémonies particu-.
lières, lorsqu'on fait un sacrifice, lorsqu'on
adresse des offrandes aux mânes ou aux dieux,
on peut immoler des animaux, mais non dans
toute autre circonstance. — Le dwidja qui con-
naît bien l'essence et la signification de la
sainte Ecriture, lorsqu'il tue des animaux
dans les occasions qui viennent d'être men-
tionnées, fait parvenir à un séjour de bonheur
et lui-même et les animaux immolés. — Le
mal prescrit et fixé par la sainte Ecriture et
que l'on fait dans ce monde, composé d'êtres
mobiles et immobiles, ne doit pas être consi-
déré comme du mal; car c'est de la sainte
Ecriture que la loi procède. — Celui qui, pour
son plaisir, tue d'innocents animaux, ne voit
pas son bonheur s'accroître, soit pendant sa
vie, soit après sa mort. — Mais l'homme qui
ne cause pas de son propre mouvement, aux
êtres animés, les peines de l'esclavage et de
la mort, et qui désire le bien de toutes les
créatures, jouit d'une félicité sans fin. — Il n'y
a pas de mortel plus coupable que celui qui
désire augmenter sa propre chair au moyen
de la chair des autres êtres, sans honorer au-
paravant les mânes et les dieux, » (Manou,
livre V, distiques 26, 27, 28 et suivants.)
La seconde période de la vie du brahmane
est accomplie quand il a procréé une famille
et qu'il l'a élevée. « Lorsque le grihastha, dit
Manou, voit sa peau se rider et ses cheveux
blanchir, et qu'il a sous ses yeux le fils de son
fils, qu'il se retire dans une forêt. > (Livre VI,
distique 2.) Voilà le grihastha devenu vana-
prastha (habitant de la forêt). Dans cet état,
il n'a pas encore rompu tous les liens avec le
reste des hommes ; il peut avoir sa femme
avec lui dans sa retraite. « Renonçant aux
aliments qu'on mange dans les villages et à
tout ce qu il possède, confiant sa femme à ses
fils, qu'il parte seul, ou bien qu'il emmène sa
femme avec lui.» (LivreVI,distique3.)Toute
son existence est d ailleurs réglée comme pou-
vait l'être celle du novice; il a emporté avec
lui le feu consacré et tous les ustensiles in-
dispensables aux oblations saintes. Couvert
d'une peau de gazelle ou d'un vêtement d'é-
corce, il doit se baigner soir et matin, porter
ses cheveux longs relevés sur sa tête, et
laisser pousser sa barbe, tes poils de son corps
et ses ongles (livres VI, distiques 4, 6.) Sans
cesse appliqué à la lecture et à la méditation
du Véda, il doit s'abstenir complètement de
viande et ne vivre absolument que de fleurg.
de racines, de fruits mûris par le temps et
tombés spontanément; ce n'est que dans des
cas fort rares qu'il peut recevoir encore l'au-
mône. Sevré de tout plaisir, chaste comme un
novice, il ne doit avoir d'autre lit que la terre,
d'autre abri que les arbres ; il doit s'exercer
continuellement aux abstinences, aux mortifi-
cations, à la prière, jeûner et veiller, exposer
son corps nu aux mauvais temps pendant la
saison des pluies, se tenir debout entre quatre
feux sous le soleil ardent pendant la saison
chaude. S'il a quelque maladie incurable,
« qu'il marche sans s'arrêter dans la direction
du nord-est, jusqu'à la dissolution de son
corps, aspirant à l'union divine, et ne vivant
que d'air et d'eau. » (Livre VI, distiques 14, 21
et suivants.)
A cette troisième période, déjà si dure, en
succède pour le brahmane une dernière bien
plus rigoureuse encore, s'il est possible. Il em-
brasse définitivement la vie ascétique; il de-
vient sannyasi (celui qui a renoncé atout);
yati (celui qui s'est dompté); parivradjaca
(celui qui mène une vie errante). «Lorsqu'un
brahmane a étudié les Védas dé la manière
prescrite par la loi, lorsqu'il a donné le jour à
des fils, suivant le mode légal, et offert des
sacrifices autant qu'il a pu, ses trois dettes
étant acquittées, il peut alors n'avoir d'autre
pensée que la délivrance finale. » (Livre VI,
distique 36.) Alors plus de lecture du Véda,
plus de sacrifices, plus de vestige de la vie
domestique; il quittera sa femme, renoncera
à toute compagnie, n'aura plus ni feu ni do-
micile, vivra absolument seul; il ira mendier
sa nourriture dans le village voisin quand la
faim le tourmentera; il purifiera ses pas en
évitant avec toutes sortes de précautions de
marcher sur un objet impur ; il purifiera l'eau
qu'il doit boire en la filtrant, de peur défaire
périr les animalcules qui s'y trouvent; la nuit
comme le jour, même au risque de se faire du
mal, il marchera en regardant continuellement
à terre, afin de ne causer la mort d'aucun ani-
mal; délivré de tout besoin, détaché de toute
affection, inaccessible à tout désir, ne ressen-
tant aucune crainte et n'en inspirant aucune
à la moindre des créatures sensibles, il n'aura
plus qu'une seule et perpétuelle pensée, celle
de son union avec l'âme suprême, avec l'es-
prit divin, o De même qu'un tronc d'arbre
quitte le bord d'une rivière quand le courant
1 emporte, de même que l'oiseau quitte, selon
son caprice, la branche où il est posé, de même
le sannyasi, affranchi par degrés de toute
affection mondaine et devenu insensible à tous
les contraires, abandonne son corps et est ab-
sorbé pour toujours dans Brahma. » (Livre VI,
distiques 42, 43 et suivants.)
Telles sont les quatre périodes de la vie
d'un brahmane; on voit quelle rigoureuse dis-
cipline la enstt; brahmanique a imposée à ses
membres; quels devoirs pénibles elle a atta-
chés à sa noblesse, à sa primogéniture ; à quel
prix elle a, pour ainsi dire acheté sa domina-
tion. Il faut voir.mninienant comment la loi
indienne a conçu et déterminé les devoirs des
autres castes envers les brahmanes , h quelle
hauteur elle a placé ces derniers dans les res-
pects de tous, en quels termes elle a proclamé
leur inviolabilité. « Un brahmane, âgé de dix
ans, et un kshattriya, à l'âge de cent années,
doivent être considérés comme le père et le
fils; et des deux, c'est le brahmane qui est la
père, et qui doit être respecté comme tel
(livre II, distique 135). — L'homme qui, par
colère et à dessein, a frappé un brahmane, ne
fût-ce qu'avec un brin d'herbe, doit renaître,
pendant vingt et une transmigrations, dans le
ventre d'un animal-ignoble.—L'homme qui,
par ignorance de la loi, fait couler le sang du
corps d'un brahmane qui ne le combattait pas
éprouvera après sa mort la peine la plus vive.
— Autant le sang, en tombant à terre, absorbe
de grains de poussière, autant d'années celui
qui a fait couler ce sang sera dévoré par des
animaux carnassiers dans l'autre monde. —
C'est pourquoi celui qui connaît la loi ne doit
jamais attaquer un brahmane, ni le frapper
même avec un brin d'herbe, ni faire couler du
sang de son corps (livre 'IV, distiques 166,
167, 168 et 169). — Le don fait à un homme
qui n'est point brahmane n'a qu'un mérite or-
dinaire; il en a deux fois autant s'il est offert
à un homme qui se dit brahmane; adressé à
un brahmane avancé dans l'étude des Védas,
il est cent mille fois plus méritoire ; fait à un
théologien consommé, il est infini (livre VII,
distique 85.) — Que le roi se garde bien de tuer
un brahmane; quand même il aurait commis
tous les crimes possibles ; qu'il le bannisse du
royaume en lui laissant tous ses biens et sans
lui faire le moindre mal. — Il n'y "a pas dans
le monde de plus grande iniquité que le meur-
tre d'un brahmane ; c'est pourquoi le roi ne
doit 'pas même concevoir l'idée de mettre à
mort un brahmane (livre VIII, distiques 380,
381). — Dans quelque détresse qu'il se trouve,
le roi doit se bien garder d'irriter les brahma-
nes en prenant leurs biens ; car, une fois ir-
rités, ils le détruiraient sur-le-champ avec
son armée et ses équipages, par leurs impré-
cations et leurs sacrifices magiques. — Qui
pourrait ne pas être détruit après avoir excité
la colère de ceux qui ont créé, par le pouvoir
de leurs imprécations, le feu qui dévore tout,
l'Océan avec ses eaux amères, et la lune dont
la lumière s'éteint et se ranime tour à tour? —
Quel est le prince qui prospérerait en oppri-
mant ceux qui, dans leur courroux, pourraient
former d'autres mondes et d'autres régents
des mondes et changer des dieux en mortels ?
— Quel homme, désireux de vivre, voudrait
faire du tort à ceux grâce aux oblations des-
quels le monde et les dieux subsistent perpé-
tuellement, et qui ont pour richesse le savoir
divin? — Instruit ou ignorant, un brahmane
est une divinité puissante, de même que le feu
consacré ou non consacré est une puissante
divinité. — Doué d'un pur éclat, le feu, même
1192 BRAH
BRAH
BRAH BRAH
dans les places où l'on brûle les morts, n'est
p:^ souillé, et il flambe ensuite avec une plus
grande activité pendant les sacrifices, quand
on y jette du beurre clarifié. — Ainsi, lors
même que les brahmanes se livrent à toutes
sortes de vils emplois, ils doivent constam-
ment être honorés, car Us ont en eux quelque
chose d'éminemment divin. — Si un kshat-
triya se porte à des excès d'insolence à l'égard
des brahmanes, qu'un brahmane le punisse en
prononçant contre lui une malédiction ou une
conjuration magique, car le kshattriya tire
son origine du brahmane. — Des eaux procède
le feu; de la. pierre, le fer; de la classe sa-
cerdotale, la classe militaire; leur pouvoir,
qui pénètre tout, s'amortit contre ce qui les a
rroduits. — Les kshattriyas ne peuvent pas
prospérer sans les brahmanes ; les brahmanes
ne peuvent pas s'élever sans les kshattriyas;
en s'unissant, la classe sacerdotale et la classe
militaire s'élèvent dans ce monde et dans l'au-
tre (livre IX, distiques 313, 314 et suivants)".
— Le vaiçya, après avoir reçu le sacrement
de l'investiture du cordon sacré,- et après avoir
épousé une femme de la même classe que lui,
doit toujours s'occuper avec assiduité de sa
profession et de l'entretien des bestiaux. — En
effet, le Seigneur des créatures, après avoir
produit les animaux utiles, en confia le soin
au vaiçya et plaça toute la race humaine
sous la tutelle du brahmane et du kshattriya
(livre IX, distiques 326,327).—Une obéissance
aveugle aux ordres des brahmanes versés dans
la connaissance des saints livres est le prin-
cipal devoir d'un coudra, et lui procure le
bonheur après sa mort. — Un coudra pur
d'esprit et de corps, soumis aux volontés des
classes supérieures, doux en son langage,
exempt d'arrogance, et s'attachant principa-
lement aux brahmanes, obtient une naissance
plus relevée (livre IX, distiques 334 et 335).—
Servir les brahmanes est déclaré l'action la
plus louable pour un coudra; toute autre
chose qu'il peut faire est pour lui sans récom-
pense (livre X, distique X23). — Les brahmanes
sont déclarés la base, et les kshattriyas le
sommet du système des lois; en conséquence,
celui qui déclare sa faute en leur présence,
lorsqu'ils sont réunis, est purifié.— Un brah-
mane, par sa seule naissance, est un objet de
vénération même pour les dieux, et ses déci-
sions sont une autorité pour le monde ; c'est
la sainte Ecriture qui lui donne ce privilège
(livre XI, distiques 83 et 84). — L'homme qui
a imposé silence à un brahmane doit se bai-
gner, ne rien manger le reste du jour, et
apaiser-l'offensé, en se prosternant avec res-
pect devant lui (livre XI, distique 204). »
On peut supposer que ce n'est pas sans
lutter que les brahmanes sont parvenus à se
rendre les chefs de la société et à y prendre
une position que rien depuis lors n'a pu leur
ravir ni diminuer. Les traditions les plus re-
culées des Aryas nous les montrent soumis à
des chefs militaires, à l'époque où ils envahi-
rent l'Inde et s'y établirent après avoir sub-
jugué les populations indigènes de ce pays ;
quelque pieux qu'ils fussent dès l'origine,
c'était à leurs rois, non à leurs prêtres qu'ils
obéissaient. Dans le grand poëine épique, le
Itamayana, légende d'un héros qui a fait la
conquête du Sud et même de l'île de Ceylan,
ce sont les rois qui conduisent la nation, et
les brahmanes ne sont qu'en sous-ordre. Mais
quand le temps des combats fut passé, que la
conquête fut assurée, que l'activité militaire
n'eut plus d'objet pour l'attaque, ni même
pour la défense, une civilisation pacifique, et
par là même religieuse et théologique, put se
développer dans cet immense espace qui s'é-
tend des sources de l'Indus et du Gange jus-
qu'aux monts Yindhyas ; les kshattriyas durent
nécessairement perdre la suprématie qu'ils
avaient eue jusqu'alors, et laisser prendre à la
caste sacerdotale la direction de la société,
o Plusieurs causes, dit M. Taine, amenèrent
ce grand changement, et entre autres l'alté-
ration du caractère aryen transformé par le
climat. Le soleil de l'Inde est terrible; nul
homme ne peut le supporter tête nue, sauf les
populations indigènes à peau noirâtre. Figu-
rez-vous, sous un ciel étoutfant, une race étran-
gère sortie d'un pays tempéré, même froid.
Les exercices corporels deviennent intoléra-
bles; le goût du repos etde l'oisiveté commence;
l'estomac n'a plus de besoins; les muscles
s'amollissent, les nerfs deviennent excitables,
l'intelligence rêveuse et contemplative, et vous
voyez se former l'étrange peuple que les voya-
geurs nous décrivent aujourd'hui; une sensi-
bilité féminine et frémissante, une finesse de
fierceptions extraordinaire, une âme située sur
es confins de la folie, capable de toutes les
fureurs, de toutes les faiblesses et de tous les
excès, prête à se renverser au moindre choc,
voisine de l'hallucination, de l'extase, de la ca-
talepsie ; une imagination exubérante, dont les
songes monstrueux ploient et tordent l'homme
comme des géants écrasent un ver; aucun sol
humain n'a offert a la religion de semblables
prises. »
Les kshattriyas, du reste, ne cédèrent pas,
sans une résistance énergique le pouvoir su-
périeur qui leur avait d'abord appartenu; un
violent conflit s'éleva entre les deux castes
rivales, et les brahmanes, plus habiles, sinon
\A\is forts que leurs adversaires, finirent,
grâce à l'appui des populations inférieures,
par remporter une victoire complète, victoire
qui a donné a la société indienne la forme
. théocratique qu'elle conserve encore aujour-
d'hui. La légende de Paraçourama, telle que
la donne le poëme géant le Mahabharata, a
conservé le souvenir de cette guerre du sacer-
doce et de l'empire. Paraçourama, le cinquième
fils de Djumadagni, roi de Kanyakoubdja, ap-
paraît d abord avec un caractère d'une féro-
cité implacable. Dans sa jeunesse, il se charge,
seul dans toute sa famille, de tuer sa mère,
sur l'ordre de son père irrité. Plus tard, c'est
lui qui poursuit la vengeance de la race brahma-
nique des Bhrigous, exterminés par les kshat-
triyas, à qui ils avaient refusé leurs trésors.
Bientôt, Paraçourama, hostile déjà aux kshat-
triyas, a contre eux un grief personnel. Ils ont
égorgé son père ; sa fureur alors ne connaît
plus de bornes, et, dans une suite de batailles
victorieuses, il écrase ses ennemis, qu'il fait
disparaître de la surface de la terre. Mais le
sang a coulé à torrents, et le terrible Para-
çourama a pu en former cinq grands lacs, qu'il
a consacrés aux mânes enfin apaisés des Bhri-
gous. Puis, aussi pieux qu'il est cruel, il fait
un splendide sacrifice à Indra, et il donne la
terre entière aux prêtres qui officient. Le
chef de ces prêtres est Kacyapa. Mais les
brahmanes s'aperçoivent qu'ils ne sont pas
assez forts pour maintenir l'ordre dans la so-
ciété dont la direction leur a été remise. Ils
choisissent de nouveaux rois, et ils leur ren-
dent, sans rien perdre de leur autorité, le gou-
vernement dont ils ne peuvent se charger
eux-mêmes. Les rois reçoivent et gardent le
pouvoir à ces conditions limitées: ils sont les
protecteurs de la communauté ; mais ils obéis-
sent aux brahmanes, sans lesqueU ils ne se-
raient rien. Tels sont les traits légendaires de
la lutte des brahmanes et des kihattriyas;
l'histoire pourrait désirer des détails plus pré-
cis et plus étendus. Tels qu'ils sont, ils indi-
quent que la victoire coûta cher à la caste
sacerdotale, et qu'elle ne l'eût peut-être jamais
remportée, si les kshattriyas ne s'étaient di-
visés entre eux, et si l'un des principaux
guerriers de leur propre caste ne s'était fait
le champion de leurs ennemis.
BRAHMANE
BRAHMANE s. m. ( b r a - m a - n e — rad.
Brahma). Prêtre du brahmanisme : Comme
autrefois entre les Guelfes et les Gibelins, une
Querelle s'éleva entre les BRAHMANES et le.s
kshattriyas. (Taine.) C'est assez tard après
la conquête que les BRAHMANES devinrent les
directeurs religieux et les maîtres de la so-
ciété indienne. (Barthélémy Saint-Hilaire). il
On disait au xvme siècle, et l'on dit encore
quelquefois : BRACMANE, BRACHMANE, BRAMINE,
BRAHMANESSE
BRAHMANESSE s. f. (bra-ma-nê-se — rad.
brahmane). Femme ou fille d'un brahmane :
Les
BRAHMANKSSESBRAHMANKSSES «fi brillaient pas auprès
d'Amolia. (Méry,) Je vous ai vue hier, quand
votre
BRAHMANESSEBRAHMANESSE suspendait son bras jaune
à votre bras. (Méry.)
B R A H M A N I Q U E adj. (bra-ma-ni-ke — rad.
brahmane). Qui appartient aux brahmanes
ou à leur doctrine : L'institut BRAHMANIQUE.
(Humboldt.)Z.e .sys/ème BRAHMANIQUE. (Maury.)
Chez la race BRAHMANIQUE, la grammaire
apparaît comme une annexe des Védas. (Re-
nan.)
BRAHMANISER
BRAHMANISER v. a. ou t r . (bra-ma-ni-zé
— rad. brahmane). Convertir à la doctrine
des brahmanes : BRAHMANISER un catholique.
Se brahmaniser v. pr. Adopter les doc-
trines des brahmanes, s'y convertir, ou du
moins s'en rapprocher : Les jésuites, qu'on
avait envoyés dans lInde, finirent par SE BRAH-
MANISER. (T. Delord.) un légat a laterc, le
cardinal de Tournon, envoyé dans l'Inde par
le pape Clément XI, défendit aux jésuites,
sous peine d'excommunication, de continuer à
SE BRAHMANISER. (T. Delord.)
B R A H M A N I S M E s. m. (bra-ma-niss-me—
rad. Brahma). Religion de Brahma : Dans le
BRAHMANISME,BRAHMANISME, Vîchnou est le dieu sauveur, le
dieu actif, le dieu conservateur par excellence.
(A. Maury.) Le BRAHMANISME, c'est levàdisme
altéré, défiguré par les prêtres. (A. Maury.)
Le
BRAHMANISMEBRAHMANISME n'a vécu jusqu'à nos jours
que grâce au privilège étonnant de conserva-
tion que l'Inde semble posséder. (E. Renan.)
Le
BRAHMANISMEBRAHMANISME a ce caractère particulier,
entre toutes les religions, qu'il n'a point de fon-
dateur. (Barthélémy St-Hilaire.) Les lois de
Manou sont le seul livre qui passe pour l'ex-
pression la plus pure du BRAHMANISME véri-
table. (P. Leroux.)
— Encycl. L—DOCUMENTS QUE NOUS POSSÉ-
DONS SUR LE BRAHMANISME. L'Inde n'a vu le
bouddhisme que pendant un court espace de
temps ; elle est avant tout le pays du brah-
manisme. L'histoire de cette religion, qui est
en même temps une institution sociale, et dont
les origines se perdent dans celles des plus
anciens peuples de l'Asie, est intimement liée
à celle du peuple indien. Elle n'a commencé à
être quelque peu connue que depuis la fin du
siècle dernier, c'est-à-dire depuis que l'étude
de la langue sanscrite et des idiomes de l'Inde
a soulevé une partie du voile qui nous déro-
bait ce pays. Jusque-là, on en était réduit aux
renseignements fournis par les observations
directes des voyageurs sur l'état actuel de la
religion et des institutions indoues. Comme
on ignorait le développement de ces institu-
tions, on ne pouvait en avoir qu'une connais-
sance superficielle, .on ne pouvait s'en faire
qu'une idée incomplète et inexacte. On a vu,
à l'article BRAHMANE, quelle était l'ignorance
de Diderot et de "Voltaire sur ce sujet. Un
français, Anquetil-Duperron, eut l'honneur
d'ouvrir avec un courage héroïque la grande
croisade pour conquérir le trésor de la tradi-
tion de l'numanité si longtemps enfouie chez
les brahmanes. Il commença à l'âge de vingt-
trois ans, en 1754, ce qu'il appelait sa mission
de l'Inde, en se faisant soldat, et poursuivit
cette noble mission danslamisère jusqu'à la fin
de sa vie. Il faut voir avec quel enthousiasme
M. Michelet, dans sa Bible de l'humanité,
parle de cette mission qu'Anquetil s'était don-
t née, et de ce voyage à la découverte de
J l'Inde antique : « C'est la gloire du dernier
siècle d'avoir retrouvé la moralité de l'Asie,
la sainteté de l'Orient, si longtemps niée, ob-
scurcie.* Pendant deux mille ans, l'Europe
blasphéma sa vieille mère, et la moitié du
genre humain maudit et conspua l'autre.
Pour ramener à la lumière ce monde enterré
si longtemps sous l'erreur et la calomnie, il
fallait, non pas demander avis à ses ennemis,
mais le consulter lui-même, s'y replacer, étu-
dier ses livres et ses lois. A ce moment r e -
marquable, la critique pour la première fois
se hasardait à douter que toute la sagesse de
l'homme appartînt à la seule Europe. Elle en
réclamait une part pour la féconde et véné-
.rable Asie. Ce doute, c'était de la foi dans la
grande parenté humaine, dans l'unité de l'âme
et de la raison, identique sous le déguisement
divers des mœurs et des temps. On discutait.
Un jeune homme entreprit de vérifier. Anque-
til-Duperron, c'est son nom, n'avait que vingt
ans; il étudiait à la Bibliothèque les langues
orientales. 11 était pauvre et n'avait aucun
moyen de faire le long et coûteux voyage où
de riches Anglais avaient échoué. Il se promit
à lui-même qu'il trait, qu'il réussirait, qu'il
rapporterait et mettrait en lumière les livres
primitifs de la Perse et de l'Inde. Il le jura.
Et il le fit. Un ministre, auquel on le recom-
mande, goûte son projet, promet, ajourne.
Anquetil ne se fie qu'à lui-même. On faisait
des recrues pour la compagnie des Indes; il
s'engagea comme soldat. Le7 novembre 1754,
le jeune homme partit de Paris derrière un
mauvais tambour et un vieux sergent invalide,
avec une demi-douzaine de recrues. L'Inde
d'alors, partagée entre trente nations asiati-
ques, européennes, n'était nullement l'Inde
facile que trouva plus tard Jacquemont sous
l'administration anglaise. A chaque pas était
un obstacle. Il était encore à quatre cents
lieues de la ville où il espérait trouver les li-
vres et les interprètes, quand tous les moyens
d'avancer cessèrent. On lui dit que tout le
pays était rempli de grandes forêts, de tigres et
d'éléphants sauvages. Il continua. Parfois, ses
guides s'effrayent et le laissent là. Il conti-
nue. Et il en est récompensé. Les tigres
s'éloignent, les éléphants le respectent et le
regardent passer. Il passe, il franchit les fo-
rêts; il arrive, ce vainqueur des monstres. Mais
si les tigres-s'abstinrent, les maladies du cli-
mat ne s'abstinrent pas de l'attaquer. Encore
moins les femmes, conjurées contre un héros
de vingt ans qui avait son âme héroïque sur
une figure charmante. Les créoles européen-
nes, les bayadères, les sultanes, toute cette'
luxurieuse Asie s'efforce de détourner son
élan vers la lumière. Elles font signe de
leurs terrasses, l'invitent. Il ferme les yeux.
Sa bayadère, sa sultane, c'est le vieux livre
indéchiffrable. Pour l'entendre, il lui faut ga-
gner, séduire les Parses qui veulent le trom-
per. Dix ans durant, il les poursuit, il les
serre, il leur extorque ce qu'ils savent. Ils sa-
vent très-mal. Et c'est lui qui les éclaire. Il
finit par les enseigner. Le Zend-Avesta per-
san est traduit avec un extrait des Védas in-
diens. »
Anquetil-Duperron avait ouvert la carrière.
Les savants de tous pays s'y élancèrent à sa
suite. La tâche d'ailleurs devenait plus facile,
f
râce à rétablissement solide des Anglais
ans l'Inde. Anquetil avait donné en 177S,
avec le secours des Parses, une traduction
telle quelle d'un des livres sacrés des Indous,
sous le nom à'Ezour-Vcdam (Yadjour-Véda) ;
mais une traduction, même excellente, sans le
texte, ne pouvait fournir aucune donnée posi-
tive à la philologie. C'était le sanscrit qu'il
s'agissait de connaître et de révéler à. l'Eu-
rope. Le premier qui porta son attention sur
ce point fut un Anglais, William Jones. Cet
esprit supérieur, venu à Calcutta en 1783,
comprit qu'un grand avenir pouvait être r é -
servé à l'étude de l'Inde. Il fonda la Société
asiatique du Bengale, dont les Asiatic liesear-
ches ont tant fait pour introduire l'Europe
dans la connaissance de l'Orient ; il mourut en
1794. Il avait entrevu l'immensité des travaux
à accomplir pour connaître véritablement la
littérature indoue. « Sur quelque point de
cette littérature qu'on jette les yeux, disait-il,
l'idée de l'infini se présente aussitôt. La vie
la plus longue ne suffirait pas pour lire tout
ce qui est écrit sur une matière quelconque.
Contentons-nous de choisir quelque point au
milieu de cet océan sans limites. »
Après William Jones, il faut citer, parmi les
savants anglais, Wilford, Colebrûoke, Wilkins
et Wilson.Wilford, étonné et enchanté de trou-
ver dans l'Inde les origines de toutes choses,
fioussa trop loin cette illusion, et, trompé par
es pandits qu'il employait à faire des recher-
v
ches dans les livres indiens, il fut obligé de
rétracter quelques-unes de ses'prétendues
découvertes. Wilkins publia, en 1785, la pre-
mière traduction directe du sanscrit, celle du
Bhagavat-gita, qu'il fit bientôt suivre de celle
de l'Hitopadeça (1787) et de celle de Çakun-
tala (1789). Ces ouvrages donnèrent aux sa-
vants européens les premières notions de
l'Inde et de la langue sanscrite. Colebrooke et
Wilson les développèrent singulièrement, le
premier par différents ouvrages de critique et
d'exposition, le second par la publication d'une
grammaire et d'un dictionnaire qui parut en
1819.
Cependant l'Allemagne et la France pre-
naient une part glorieuse à ce mouvement.
Dès l'année 1808, Frédéric Schlegel introdui-
sait les études indiennes en Allemagnepar son
Essai sur la langue et la sagesse des Indiens^
tandis que Chézy les inaugurait chez nous, les
portait bientôt dans une chaire publique au
Collège de France et préparait à l'Allemagne
elle-même quelques-uns des savants les plus
accrédités dont elle s'honore. Les indianistes
de la Société de Calcutta, les William Jones,
les Wilkins, les Colebrooke, les Wilson avaient
dérobé aux brahmanes la connaissance de leur
langue sacrée,de la langue sanscrite, ignorée
jusqu'alors des Européens; Frédéric Schlegel
révéla les affinités profondes de cette langue
avec celles de l'Europe, posant ainsi les bases
de la philologie comparée, et, par la philologie
comparée ouvrant à l'ethnologie et à la science
des religions des horizons tout à fait nou-
veaux. 11 fit voir que la i*essemblance du
sanscrit avec les langues" anciennes et actuel-
les de l'Europe n'est pas seulement dans les
mots; qu'elle tient au fond même des langues
et aux conditions les plus intimes de leur or-
ganisme; que ce n'est pas là une conformité
superficielle, explicable par des contacts acci-
dentels et par des mélanges, mais une res-
semblance fondamentale qui atteste la com-
munauté d'origine.
Dès que l'importance du sanscrit fut com-
prise, les indianistes se multiplièrent. A la
suite des noms que nous avons cités viennent
se placer ceux de William Schlegel, Bopp,
Benfey, Lassen, Albrecht Weber, etc., en Al-
lemagne ; de Max Mùller, John Muir, Haugh-
ton, etc., en Angleterre; des trois Burnouf,
de Loiseleur Deslongchamps, Langlois, Fou-
caux, Barthélémy Saint-Hilaire, Faucher,
Pavie, etc., en France; de Gorresio, en Ita-
lie. On put lire en plusieurs langues de l'Eu-
rope des traductions exactes des principaux
ouvrages de l'Inde, védas, épopées, codes,
pouranas; on put suivie le développement
de la langue et de la littérature de l'Inde, et
par là même celui des idées et des institutions
indoues.
II. — DES LIVRES SACRÉS DU BRAHMANISME.
La littérature sacrée de l'Inde brahmanique
nous offre en première ligne le Véda, qui est
la Bible des brahmanes; puis le Mannva-
Dharma-Sastra {Lois de Alanou) et les grandes
épopées, le Mahabharata et le Itamayana ;
enfin les Pouranas, Le Véda ne contient le
brahamanisme qu'en germe; les Pouranas
nous le présentent altéré par le vichnouïsme;
c'est donc dans les épopées et surtout dans
le code de Manou qu'il taut en chercher la
véritable expression. Nous parlerons ailleurs
de ces divers ouvrages, dont chacun mérite
une analyse et une étude spéciales. V. BRAH-
MANAS, MAHABHARATA, MANOU (lois de), POU-
RANAS, RAMAYANA, VEDA.
I I I . — D u SACERDOCE BRAHMANIQUE ET DES
CASTES INDIENNES. V. BRAHMANE, CASTE.
IV, — DE LA DOCTRINE BRAHMANIQUE. Deux
grandes conceptions, deux idées maîtresses,
comme dirait M. Taine, constituent la méta-
physique brahmanique; la conception pan-
théiste de Brahma, et le dogme'de la trans-
migration. Nous avons déjà fait connaître la
première, et dit comment le panthéisme brah-
manique avait pu et dû sortir naturellement
du polvthéisme védique (V. BRAHMA). Un dia-
logue intéressant, et dont l'un des interlocu-
teurs est une femme, nous montre l'idée pan-
théiste s'accusant, ou plutôt se formulant
déjà d'une manière très-nette, entre la pé-
riode védique et la période brahmanique, à
l'époque transitoire qui vit poindre la sépara-
tion du pouvoir temporel et du pouvoir spiri-
tuel, et dont les monuments littéraires sont
les brahmanas et leâ soutras. Ce dialogue, que
M. Max Mùller a traduit dans son Histoire de
l'ancienne littérature sanscrite, mérite, pur la
forme comme par le fond, d'être placé sous les
yeux du lecteur.
« Maitreyi, dit Yadjnavalkya, j e quitte ma
maison pour l'habitation de la forêt. Certes,
je dois faire un partage entre toi et mon au-
tre femme Katyayanà. »
Maitreyi, dit : « Mon seigneur, si cette terre
entière
/
pleine de richesses, m'appartenait,
serais-je par là immortelle? •
« Non, répondit Yadjnavalkya; ta vie res-
semblera à la vie heureuse des riches , mais
par les richesses, il n'est aucun espoir d'im-
mortalité. »
Et Maitreyi dit : « Que ferais-je de ce qui
ne peut me rendre immortelle? Ce que mon
seigneur sait de l'immortalité, puisse-t-il me
le dire! »
Yadjnavalkya répondit : a Toi qui m'es vrai-
ment chère, tu dis de chères paroles. Assieds-
toi, je t'expliquerai ce que je sais, et écoute
bien ce que je dis. » Et il dit : « Un époux est
aimé, non parce que vous aimez l'époux, mais
parce que vous aimez en lui l'Esprit divin
{Aiman, l'Etre absolu). Vnu épouse est ai-
mée, non parce que nous aimons l'épouse,
mais parce que nous aimons en elle l'Esprit
divin. Des enfants sont aimés, non parce que
nous aimons les enfants, mais parce que nous
aimons l'Esprit divin en eux. Cet Esprit est
ce que nous aimons quand nous paraissons
aimer les richesses, les brahmanes, les kshat-
triyas, ce monde, les dieux, tous les êtres, cet
univers. L'Esprit divin, ô épouse bien-aimée,
voilà l'unique objet que nous devons voir, en-
tendre , comprendre, méditer. Si nous le
voyons, l'entendons, le'comprenons et le con-
naissons, alors cet univers entier nous est
connu. Quiconque chercherait l'essence du
brahmane (brahmahood) ailleurs que dans
l'Esprit divin serait abandonné par les brab-
BRAH BRAH
BRAH
BRAH 1193
mânes. Quiconque chercherait le pouvoir du
kshattriya ailleurs que dans l'Esprit divin se-
rait abandonné par les kshattriyas. Quiconque
chercherait ce monde, les dieux, tous les
êtres, cet univers, ailleurs que dans l'Esprit
divin serait abandonné par eux tous. Cette
essence du brahmane, ce pouvoir de kshat-
triya, ce monde, ces dieux, ces êtres, cet uni-
vers, tout est l'Esprit divin. Maintenant, de
même que nous ne pouvons saisir les sons
d'un tambour en eux-mêmes, mais que nous
saisissons le son en saisissant le tambour
ou celui qui le bat ; de même que nous ne
pouvons saisir les sons d'une conque en eux-
mêmes, mais que nous saisissons le son en
saisissant la conque ou le souffleur de con-
que; de même que nous ne pouvons saisir
les sons d'un luth en eux-mêmes, mais que
nous saisissons le son en saisissant le luth ou
le joueur de luth; de même en est-il avec
l'Esprit divin. Comme des nuages de fumée
s'élèvent d'un feu allumé par un combustible
sec, ainsi, ô Maitreyi, tous les mots sacrés
ont été exhalés par ce grand Etre. Comme
toutes les eaux trouvent leur centre dans la
mer, ainsi toutes les sensations trouvent leur
centre dans la peau, tous les goûts dans la
langue, toutes les odeurs dans le nez, toutes
les couleurs dans l'œil, toutes les pensées dans
l'intelligence, toute la science dans le cœur,
toutes les actions dans les mains, et toutes les
saintes écritures dans la parole. Il en est de
nous, quand nous entrons dans l'Esprit divin,
comme d'une masse de sel qui serait jetée
dans la mer : elle se dissout dans l'eau qui l'a
produite et ne peut être reprise; mais en
quelque lieu que vous preniez l'eau et la
goûtiez, elle est salée. Ainsi l'Etre grand, in-
fini, illimité, n'est qu'un amas de lumière. De
même que leau devient sel, et que le sel de-
vieut eau, ainsi nous naissons du divin Es-
prit, et nous y retournons. Quand nous avons
passé, il ne reste de nous aucun nom. »
Maitreyi dit : « Mon seigneur, ici tu m'as éga-
rée, disant qu'il ne reste de nous aucun nom,
quand nous avons passé. •
Et Yadjnavalkya répondit ; « Ce que je dis
n'est pas un mensonge, mais la plus haute
vérité ; car s'il en était ici comme s'il y avait
deux êtres, alors l'un verrait l'autre, l'un en-
tendrait, apercevrait et connaîtrait l'autre.
Mais si le seul et divin Soi (the one divine
Self) es( le grand tout, qui et par qui ver-
rait-il, entendrait-il, percevrait-il, ou connaî-
trait-il? »
Dans ce curieux dialogue, qui remonte peut-
être à quinze cents ans avant Jésus-Christ,
nous voyons la question de l'immortalité po-
sée et résolue dans le sens panthéiste de la
réunion de l'invidualité au grand tout. L'in-
stinct de Maitreyi proteste bien en faveur de
la personnalité, et contre cette immortalité
purement substantielle qui ne laisse de nous
aucun nom quand nous avons passé; mais il
est clair que cet instinct est impuissant, et le
sera de plus en plus, à lutter contre la direc-
tion où se porte la spéculation théosophique.
Le panthéisme brahmanique se trouve résumé
dans les paroles suivantes, par lesquelles se
termine le Manaoa-Dharma-Sastra : « Que le'
brahmane, réunissant toute son attention,
voie dans l'Ame divine toutes les choses, vi-
sibles et invisibles ; car, en considérant tout
dans l'âme, il ne livre pas son esprit à l'ini-
quité. L'Ame suprême est l'assemblage des
. dieux ; c'est l'Ame suprême qui produit la sé-
rie des actes accomplis par les êtres animés.
Le brahmane doit se représenter le grand
Etre {Para Pouroucha) comme le souverain
maître de l'univers, comme plus subtil qu'un
atome, comme aussi brillant que l'or le plus
ur, et comme ne pouvant être conçu par
esprit que dans le sommeil de la contempla-
tion la plus abstraite. Les uns l'adorent dans
le feu élémentaire; d'autres dans Manou, sei-
gneur des créatures; d'autres dans Indra:
d'autres dans l'air pur; d'autres dans l'éternel
Brahma. C'est ce qui, enveloppant tous les
'êtres d'un corps formé de cinq éléments, les
fait passer successivement de la naissance à
l'accroissement, de l'accroissement à la disso-
lution, par un mouvement semblable à celui
d'une roue. Ainsi l'homme, qui reconnaît dans
sa propre âme l'Ame suprême, présente dans
toutes les créatures, se montre le même à
l'égard de tous, et obtient le sort le plus heu-
reux , celui d'être à la tin absorbé dans
Brahma. »
Le dogme de la transmigration forme un
des traits les plus saillants de la doctrine brah-
manique. Selon cette loi, tout acte de la pen-
sée, de la parole et du corps, selon qu'il est
bon ou mauvais, porte un bon ou un mauvais
fruit; des actions des hommes résultent ainsi
leurs différentes conditions ; tous les maux
physiques et moraux qui affligent l'humanité
ne sont que la conséquence inévitable des pé-
chés commis dans une existence antérieure.
Le Manava-Dharma-Sastra spécifie cinquante-
deux défauts corporels comme étant des châ-
timents de cette nature ; la distinction des
êtres en dieux, hommes et créatures inférieu-
res ; celle des hommes eu diverses castes est
fondée sur le même principe. Etre né sur un
degré plus ou inoins élevé de l'échelle des
êtres n est pas l'effet du hasard, ni d'une fa-
talité purement physique, ni de la volonté
souveraine d'un l)ieu tout-puissant; mais la
conséquence des mérites qu on s'est acquis ou
des fautes qu'on a commises dans une vie
précédente. Le brahmanisme nous présente
une religion métaphysique en ses principes
11.
fondamentaux, et dégagée de ce que le posi-
tivisme appelle théologie. Le monde, suivant
la doctrine brahmanique, n'est pas mû, gou-
verné par des volontés ou par mievolonté uni-
que ; il est soumis, dans son mouvement et
dans ses changements, à une force abstraite ;
cette force abstraite, c'est le mérite et le dé-
mérite, elle tient sous son empire les dieux
comme les hommes ; il n'y a qu'elle, et elle par-
tout. Rien de semblable ici, comme M. Taine
en fait l'observation, aux idées helléniques,
mahométanes, chrétiennes ou modernes. Il
n'y a point de destin extérieur qui gouverne
la vie des êtres; chaque être, par son vice ou
sa vertu, se fait à soi-même son propre des-
tin. Il n'y a point de lois naturelles qui enchaî-
nent les événements ; les événements ne sont
enchaînés que par la loi-morale. Il n'y a point
de Dieu autocrate qui distribue le bien et le
mal par des décrets arbitraires, ni de Dieu
juste qui distribue le bien et le mal pour ré-
compenser ou pour punir; aucun Dieu ne s'in-
terpose entre la vertu et le bonheur, entre le
vice et le malheur pour les séparer ou pour
les unir. Par sa propre nature, le bonheur
s'attache à la vertu .et le malheur au vice,
comme l'ombre au corps. Chaque action ver-
tueuse ou vicieuse est une force de la nature,
et les actions vertueuses ou vicieuses prises
ensemble sont les seules forces de la nature.
Chaque oeuvre s'attache à son auteur comme
un poids ou comme le contraire d'un poids ;
selon qu'elle est mauvaise ou bonne, elle l'en-
traîne invinciblement en basoul'élèveinvinci-
blement en haut dans l'échelle des mondes, et
sa place, à chaque renaissance, sa destinée -
pendant chaque incarnation, est déterminée
tout entière par la proportion de ces deux
forces, comme l'inclinaison du fléau d'une
balance est déterminée tout entière par la
proportion des poids qui sont dans les deux
plateaux.
Bossuet, voulant expliquer pourquoi le mo-
saïsine semble ignorer l'existence, la destinée
et l'immortalité de l'âme, émet sur le dogme
brahmanique de la transmigration des ré-
flexions qui ne manquent pas de profondeur :
« Dans les temps d ignorance, dit-il, c'est-à-
dire durant les temps qui ont précédé Jésus-
Christ, ce que l'âme connaissait de sa dignité
et de son immortalité l'induisait le plus sou-
vent à erreur. Presque tous les hommes sa-
crifiaient aux mânes, c'est-à-dire aux âmes
des morts. De si anciennes erreurs nous font
voir à la vérité combien était ancienne la"
croyance de l'immortalité de l'âme, et nous
montrent qu'elle doit être rangée parmi les
premières traditions du genre humain ; mais
l'Iiomme, qui gâtait tout, en avait étrangement
abusé, puisqu'elle le portait à sacrifier aux
morts. On allait même jusqu'à cet excès de
leur sacrifier des hommes vivants : on tuait
leurs esclaves et même leurs femmes pour les
aller servir dans l'autre monde. Les Indiens,
marqués par les auteurs païens parmi les pre-
miers détenseurs de l'immortalité de l'âme,
ont aussi été les premiers à introduire sur la
terre, sous prétexte de religion, ces meurtres
abominables. Les mêmes Indiens se tuaient
eux-mêmes pour avancer la félicité de la vie
future, et ce déplorable aveuglement dure en-
core aujourd'hui parmi ces peuples; tant il
est dangereux d'enseigner la vérité dans un
autre ordre que celui que Dieu a suivi, et d'expli-
quer clairement à l'homme tout ce qu'il est,
avant qu'il ait connu Dieu parfaitement. C'était
faute de connaître Dieu que la plupart des
philosophes n'ont pu croire l'âme immortelle,
sans la croire une portion de la divinité, une
divinité elle-même, un être éternel, incréé
aussi bien qu'incorruptible, et qui n'avait non
plus de commencement que de fin. Que dirai-je
de ceux qui croyaient la transmigration des
âmes, qui les faisaient rouler des cieux à la
terre et puis de la terre aux cieux, des ani-
maux dans les hommes et des hommes dans
les animaux, de la félicité à la misère et de la
misère à la félicité, sans que ces révolutions
eussent jamais ni de terme ni d'ordre certain ?
Combien était obscurcie la justice, la provi-
dence, la bonté divines, parmi tant d'erreurs!
Et qu'il était nécessaire de connaître Dieu et
les règles de sa sagesse ayant que de con-
naître l'âme et sa nature immortelle 1 »
On peut ici, tout en considérant les choses
à un point de vue très-différent de celui au-
quel le plaçaient les nécessités de l'apologéti-
que Reconnaître la justesse du coup d'œilde Bos-
suet. Combien, en effet, peut-on dire avec lui,
la justice éternelle et l'éternelle bonté étaient
obscurcies par la conception indienne de l'âme
et de l'immortalité, par le dogme de la trans-
migration 1 Combien la notion de la justice et
de la bonté humaines devait l'être également!
On remarquera d'abord le lien qui unit l'idée
de la transmigration au panthéisme. Le pan-
théisme, c'est la distinction en chaque être
d'un élément substantiel qui est invariable
et d'un élément formel ou modal qui est chan-
geant; c'est l'indétermination, et par suite l'in-
discernabifité des substances; enfin c'est l'u-
nité de substance déduite de cette indéter-
mination et de cette indiscernabiUté. Or la
distinction qu'établit la loi de transmigration
entre l'âme et le corps est absolument iden-
tique à celle de la substance et de la forme.
L'âme, telle que la comprend le brahmanisme,
est, par elle-même, dénuée de conscience et
de mémoire, puisqu'elle ne porte pas la con-
science et la mémoire avec elle. La conscience
pour l'âme, c'est la forme; cette forme, qui
vient de l'union passagère de l'âme avec le
corps, n'a qu'une durée passagère comme
cette union ; par conséquent -, l'essence de
l'âme, ce qui d'elle îeste et survit, c'est la
substance pure, l'être indéterminé, sans forme.
Cette substance auimique reste une et iden-
tique en revêtant de vie en vie les formes les
plus variées, en traversant des états sans fin
d'élévation ou de bassesse. Si la succession
des êtres, leur diversité dans le temps, n'em-
pêchent pas l'unité de substance, pourquoi la
pluralité simultanée des êtres, leur diversité
dans l'espace, y feraient-elle obstacle? Si nous
considérons les âmes, en faisant abstraction
de leurs incarnations et des mérites ou démé-
rites qu'elles ont acquis dans ces incarnations,
il nous est impossible de les concevoir diffé-
rentes les unes des autres, et, si nous les con-
cevons forcément identiques, nous sommes
bien près de les réunir en un foyer" com-
mun, en une Ame suprême.
La loi de la transmigration nous montre
clairement la différence que la philosophie
doit faire entre l'immortalité de l'âme et 1 im-
mortalité de la personne. Le problème du mal
s'est posé à l'esprit des penseurs indous
comme au nôtre; comme nous, ils ont senti
ce qu'il y avait de douloureux dans l'inégale
répartition des biens et des maux sur cette
terre ; mais, tandis que nous le résolvons en
réagissant contre le présent au nom de l'ave-
nir par une sorte d'appel à une vie future, à
une justice future supposée parfaite, ils l'ont
résolu, les yeux tournés vers le passé, par la
foi à la préexistence indéfinie de 1 âme. Tandis
que nous voyons dans la vie présente un com-
mencement, une préparation, qui ne saurait
par elle-même présenter un sens complet, ils
ont vu dans la vie présente la conséquence
d'une suite de vies antérieures. Nous appe-
lons la terre un lieu d'épreuve; ils en ont tait
un lieu d'expiation, ce que le catholicisme
appelle purgatoire. Cette différence dans le
point de départ est fondamentale, et elle ex-
plique toute la distance qui sépare la psycho-
logie religieuse des peuples formés par le
brahmanisme et le bouddhisme, de la psycho-
logie religieuse des peuples occidentaux.
L'âme, d'après la doctrine brahmanique, a
préexisté; elle expie actuellement, en tel
corps, sous telle forme, en telle condition, les
démérites de ses existences précédentes; elle
survivra comme elle a préexisté ; elle survi-
vra pour expier les fautes commises dans la
vie présente, comme elle a expié celles des
vies passées; mais elle ne se souvient ni de
ses existences précédentes ni des péchés qui
les ont remplies ; donc, en ses vies futures,
elle ne se souviendra pas davantage de la vie
présente, des péchés présents ; une loi uni-
forme, une même force enchaînent toutes les
vies de cette âme les unes aux autres. On le
voit, par cela même qu'elle se trouve liée à la
préexistence, l'immortalité de l'âme, telle que
la conçoit le brahmanisme, ne peut être qu'une
immortalité sans mémoire et sans conscience,
c'est-à-dire la négation de la véritable immor-
talité, de l'immortalité de la personne.
En faussant la notion de l'immortalité, la
loi de la transmigration fausse en même temps
celle du mérite et du démérite, de la peine et
de la récompense. Plus de distinction entre le
fait et le droit, entre le réel et l'idéal, entre
la fatalité physique et l'ordre moral. Le mal
physique est considéré, non-seulement comme
la conséquence nécessaire, mais comme l'ex-
pression certaine, le signe infaillible du mal
moral; si bien que les deux idées, ne pouvant
se séparer, finissent par n'en plus faire qu'une
seule. Toute réalité est avouée par la con-
science, tout fait devient l'expression de la
justice et veut être respecté à ce titre ; tout
malheur, toute souffrance, sans qu'on sache
comment ni pourquoi, est mérité par celui
qui l'endure. Le brahmanisme est conduit à
cette monstruosité, de réputer légitime une
expiation qui n'est pas accompagnée de la
connaissance, de la mémoire du démérite ex-
pié. Voilà la conscience devenue la complice
de toutes les fatalités naturelles et sociales ;
elle n'accusera plus rien, ne protestera contre
rien, ne se révoltera contre rien. La loi de la
transmigration immobilise, éternise l'inégalité
des conditions, des classes, des races ; elle
diminue-la distance qui sépare l'homme de
l'animal, mais en augmentant la distance qui
sépare l'homme de 1 homme; elle consacre la
fraternité universelle des êtres vivants, mais
au détriment de la fraternité humaine. A vrai
dire, elle ne connaît pas l'homme, elle ne
connaît que le brahmane, le kshattriya, le
vaiçya, le coudra (v. BRAHMANE, CASTE) ; elle
ne connaît pas les devoirs de l'homme, elle
ne connaît que les devoirs du brahmane, du
kshattriya, du vaiçya et du coudra ; les castes
forment, en quelque sorte, à ses yeux, autant
d'espèces différentes. L'homme de caste infé-
rieur, le coudra, peut-il se plaindre de son
sort, puisque son âme, dans les existences
précédentes, a mérité de renaître en un corps
de coudra? Il n'a qu'à se résigner, et à bien
remplir ses devoirs de coudra en servant les
castes supérieures; c'est ainsi qu'il peut pré-
parer à son âme un rang meilleur dans une
autre vie.
Autre considération. Comme tout mal phy-
sique prend un sens moral, comme la terre
est réputée un lieu d'expiation, l'idée'de sain-
teté s attache tout naturellement à la priva-
tion et à la souffrance volontaires. L'Indou se
condamne à des pénitences terribles pour
n'avoir pas à expier dans une autre vie le
péché qu'il vient de commettre; sans avoir
péché, il s'impose des mortifications cruelles,
afin d'effacer, de compenser les fautes qu'il
pourra commettre dans l'avenir, et aussi afin
de monter après sa mort dans la hiérarchie
des êtres. La vie n'est plus dès lors qu'expia-
tion, expiation involontaire, expiation volon-
taire, expiation préventive et sanctificatrice.
Ce caractère pénal de la vie l'assombrit, la
rend irrémédiablement triste, en inspire le dé-
goût; on finit par la considérer comme un
mal, et par appeler a^vec désespoir la fin de
toute existence personnelle, parce qu'on n'ima-
gine pas l'existence personnelle dans d'autres
conditions. Ce n'est pas à la mort qu'on aspire,
puisque la mort ne délivre pas de la vie, c'est
à la fin des renaissances, c'est à l'absorption
en Brahma. Et c'est ce désespoir, cette ter-
reur des souffrances de toutes sortes dans des
existences successives, qui a donné naissance
au bouddhisme et fait le succès de la prédica-
tion du Bouddda, dont l'objectif est le nirvana,
c'est-à-dire l'anéantissement. V. BOUDDHISME.
BRAHMATCHÂRIBRAHMATCHÂRI s. m. (bra-matt-châ-ri).
Relig. ind. Novice ou étudiant religieux. Se
dit des jeunes brahmanes, depuis l'investi-
ture du cordon sacré jusqu'au temps où ils
passent à l'état de maîtres de maison.
BRAHMAPOUTRA,
BRAHMAPOUTRA, littéralement fils de
Brahma, grand fleuve de l'Asie, dans le golfe
du Bengale, près de la branche la plus orientale
du Gange. Le cours supérieur de ce fleuve est
loin d'être complètement connu. Les Européens
font remonter l'origine du Brahmapoutra au
confluent du Lohit et du Dihong, dans le haut
Assam, au-dessous de Sodiya ; d'après cette
opinion, le cours de ce fleuve estde950kilom. à
travers l'Assam et le Bengale ; il est navigable
depuis son origine, mais d'une navigation dif-
cile à cause des nombreux bancs de sable
mouvants et de la force du courant, augmentée
par la division des eaux qui forment des îles
nombreuses, basses et souvent très-étendues.
Dans son cours; il reçoit un nombre considé-
rable d'affluents, parmi lesquels, les plus im-
portants sont : à droite, le Goddada, qui vient
du Boutan; à gauche, le Goumty, qui traverse
le Tiperah. A 200 kilom. de son embouchure,
il se divise en plusieurs branches ; l'une
d'elles, la Megna, donne son nom au fleuve ;
une autre va confondre ses eaux avec celles
du Gange. Les vallées immenses qu'arrose le
Brahmapoutra sont annuellement inondées à
l'époque des crues , qui commencent en avril
et atteignent leur maximum au mois d'août.
Les eaux, toujours troubles, roulent alors de
la vase, et leur surface est couverte de débris
de végétaux et d'arbres, parmi lesquels flottent
des " cadavres d'hommes et d'animaux. Les
Asiatiques, et parmi eux les brahmines, re-
gardent le Lonît comme la continuation du
Brahmapoutra, qui, dans ce cas, prendrait sa
source dans les glaciers des ramifications
orientales de l'Himalaya ; mais tout porte à
croire que le Dihong, dont le volume est beau-
coup plus considérable, est la continuation
réelle de ce fleuve ; d'après cette dernière
manière devoir, le Brahmapoutra descendrait
du versant septentrional de l'Himalaya qui
forme le plateau Thibétain, et la longueur
totale de son cours serait de 2,600 kiloin.
Le Brahmapoutra, comme fils de Brahma,
est adoré par les Indous qui vont en pèleri-
nage à ses sources, tandis que les Thibétains
se rendent en dévotion à ses embouchures.
Au point où le Gange et le Brahmapoutra
confondent leurs eaux, s'élève, dans l'île de
Ganga-Sagar, l'une des pagodes les plus vé-
nérées qu'il y ait dans toute l'Inde.
BRAHMSBRAHMS ou BRAME s. m. (bra-me— rad.
Brahma.) Hist. rel. Prêtre et docteur do
Brahma : Plus que les BRAMES mêmes, il ai-
mait toute chose vivante. (Michelet.)
Les brahmes par mon ordre entourent la coupable.
C. D E L A V I G N E .
Il Syn. de BRAHMANE.
— Par cxt. Personne versée dans la con-
naissance des langues et de la mythologie de
l'Inde : M. lienan est un BRAHMK armé jus-
qu'aux dents de la science moderne^ et qui en
use. (Stc-Beuve.)
— Brahme de la création^ Nom que les In-
dous donnent à l'éléphant, a cause de son in-
telligence : .Tout animal, et surtout le plus
sa/je, le
BRAHMEBRAHME DE LA CRÉATION, l'éléphant, sa-
lue le soleil et le remercie à l'aurore. (Mi-
chelet.)
Brahmes (LES), tragédie en cinq actes, de
La Harpe , représentée pour la première fois
à Paris, au Théâtre-Français , en 1783. Cette
tragédie peut être regardée comme l'inverse
de Mélanie, du même auteur. On voit, dans
Mélanie, un père forcer sa fille à se faire re-
ligieuse; dans les Brahmes, c'est un jeune
prince qui veut -se faire brame, malgré son
père. De beaux vers et quelques détails heu-
reux n'ont pu sauver cette pièce, dont le fond
n'offre aucun intérêt. A la seconde représen-
tation, La Harpe crut devoir la retirer; elle
est restée célèbre par un irès-spirituel calem-
bour du marquis de Bièvre , qui venait de faire
(jouer avec succès sa comédie du Séducteur.
Le facétieux marquis, qui estimait peu son
talent dramatique, mais qui se montrait très-
fier de ses calembours; exprima sa surprise
par cette exclamation : « Le Séducteur réussit;
les Brahmes (bras me) tombent. »
BRAHMISTEBRAHMISTE adi. (bra-mi-st© — rad-
Brahma). Qui suit le culte de Brahma : Nul
doute que ta population de Cachemire, boud*
150
1194 ERAH
BEAI BRAI
BRA1
diste d'abord, et ensuite BRAIÎMISTE, c'est-à-
dire indoue, n'ait joui d'une indépendance
politique absolue. (V. Jacquem.)
BIUHOÛIS
BIUHOÛIS ou BRAHUIS, nom d'un peuple
qui habite le Béloutchistan , concurremment
avec les Béloutches, dont ils s'éloignent à la
fois par leurs caractères anthropologiques et
linguistiques. (V., pour plus de détails , l'ar-
ticle BiÎLOUTCHiSTAN. ) Les Brahuis se trou-
vent, dans le pays où ils habitent, entièrement
séparés des races voisines , et leur pré-
sence sur ce point de l'Asie est un des pro-
blèmes de l'ethnographie. Lassen l'a étudié,
et y à consacré, dans la Zeitschrift fur die
kunde dis Morgenlandes, des pages intéres-
santes , que les lecteurs peuvent consulter
pour de plus amples renseignements.
Un fait positif et certain, c'est que les Bra-
huis occupaient le Béloutchistan avant les
Béloutches, qui, venus à une époque posté-
rieure, lui ont donné leur nom. Les Brahuis
sont presque exclusivement massés dans les
parties centrales et montagneuses de la con-
trée, et nous ferons remarquer combien cette
position est caractérisque ; car c'est la, en
effet, l'attitude de toute population prirhitive
refoulée par une race envahissante. Les Bra-
huis mènent une vie nomade ; ils sdht extrê-
mement actifs et vigoureux. Leur nodrriture
consiste surtout en viande, qu'ils mangent à
moitié cuite. Plus braves que les Béloutches,
ils sont moins cruels qu'eux, etmoins adonnés
au brigandage. On a des exemples nombreux
de leur douceur, de leur reconnaissance et de
leur complaisance. Ils se divisent, comme les
Béloutches, en un nombre considérable de
khels ou tribus ; une réunion d'un certain
nombre de tentes porte le nom de toman. Le
sentiment dû respect à l'autorité est ^lus dé-
veloppé chez eux que chez les Béloutches.
Excellents archers, us sont toujours en chasse.
Leurs troupeaux se composent de chèvres et
de brebis, dont ils consomment lé lait, le
beurre, le fromage et les toisons. Ils se ma-
rient exclusivement entre eux, et sont mu-
sulmans sunnites.
Les Brahuis, comme nous l'avons dit, sem-
blent «tre les plus anciens habitants du pays,
et cette apparence est confirmée par leurs
propres croyances. D'après une de leurs tra-
ditions, ils prétendent être Originaires d'Àleb,
et être venus dans le Béloutchistan il y à une
vingtaine de générations. Nous n'avons mal-
heureusement aucun document historique cer-
tain qui puisse nous apprendre réellement ce
qu'ils sont. Seule, l'étude critique de leur langue
peut nous conduire à quelques inductions plus
ou moins vraisemblables. C'est ce qu'a tenté
de faire Lassen datfs le beau travail auquel
nous empruntons la plupart des détails donnés
ici. Le premier Européen qui ait recueilli des
renseignements un peu précis sur la langue
des Brahuis est le lieutenant Leech; après
lui vint Masson, qui a publié un précieux vo- '
cabulaire de cet idiome. 11 remarqua que le
brahuiki (c'est le nom indigène de cette lan-
gue) contenait un grand nombre de mots per-
sans et béloutches. et quelques rares vocables
afghans, mais qu'il renfermait en outre beau-
coup de racines appartenant à une souche
linguistique inconnue. Pottinger, dont Lassen
combat généralement les théories, observa
que le béloutche sonnait comme le persan à
une oreille européenne, mais que le brahuiki,
au contraire, s'écartait entièrement dé cette
dernière langue, aussi bien sous le rapport
phonétique que sous le rapport grammatical.
Il y constata en outre l'existence de mots in-
dous, et "des analogies avec l'idiome indien
pendjabi.
Voici un aperçu général sur le brahuiki. Les
Brahuis ont adopté l'alphabet persan, auquel
ils ont ajouté un l spécial, semblable au l
double du dévanagari, et un t aspiré. Le bra-
huiki a une grande tendance, comme les dia-
lectes indiens, à adoucir les consonnes fortes
à la fin des mots. Le système vocalique peut
être représenté par nos lettres : a, i, u, e, o.
Ces cinq sons, à l'exception du dernier, sont
susceptibles de deux valeurs : longue et brève.
L'existence de lettres cérébrales est caracté-
ristique, et rapproche le brahuiki des idiomes
indiens. Les consonnes peuvent être, ainsi
figurées et réparties : gutturales, k, kh, g, gh;
palatales, ch (tch), g\dj)\ cérébrales, t', d' ;
dentales, t, th, d; labiales, p, f, b; sifllantes,
5, sh (ch), z; nasales, m, n, «'. Il faut ajouter,
pour compléter ce tableau phonique, cinq
semi-voyelles, j , r, l, v, w, et une aspirée, A.
Le brahuiki n'indique plus la différence des
genres, s'il l'a jamais connue. Le pluriel et le
singulier sont au contraire distingués l'un de
l'antre par dés terminaisons spéciales. La dé-
clinaison offre un grand nombre de cas. Le
génitif est caractérisé par le suffixe nâ; le
datif et l'accusatif le sont par ê; l'instrumen-
tal par en'e. De plus, l'éloignement d'un en-
droit, la cause sont marqués par la terminai-
son an' ; la présence dans un endroit, par îi et
ati, at et ai, etc. Les pronoms se déclinent
comme les substantifs. Les adjectifs sont in-
variables. Les noms de nombre sont empruntés
au persan, à partir de quatre. (V. le mot
BÉLOUTCHISTAN.) Les trois premiers sont : as-
sit, irai et mûsit. La conjugaison s'écarte en-
tièrement de celle des langues parlées par
les peuples circonvoisins; ainsi, il possède une
forme particulière pour là négation. L'infini-
tif se termine en ning, et est soumis, comme
un véritable nom, aux flexions casuelles.
Nous trouvons, outre une assez grande ri-
chesse dé modes et de temps; une double
forme de futur. Il y a un petit nombre d'ad-
verbes; leurs fonctions sont remplies par les
différents cas des pronoms. Les prépositions
et les conjonctions sont peu fréquentes; du
reste, oti comprend facilement qu une langue
synthétique, comme l'est le brahuiki, puisse
suppléer par ses flexions à ce besoin des lan-
gues analytiques. Quelques-unes de Ces par-
ticules qui sont employées ont été emprun-
tées au persan; nous citerons, par exemple, ou
et lekin, mais (fournies elles-mêmes au per-
san par l'arabe), ki, que; etc. La syntaxe se
réduit a l'emploi convenable des cas, des
temps et des modes, et à quelques règles de
construction.
Le brahuiki, touten conservant bien accen-
tuée sa personnalité, a admis, nous l'avons
dit; une forte proportion d'éléments persans
et même arabes. Cette influence, qui ne s'est
pas exercée par l'intermédiaire du béloutche,
doit être imputée à l'adoption de l'islamisme
E
ar les Brahuis. Lassen constate dans le bra-
uikï de grands rapports avec les idiomes in-
diens. Il rappelle même que le célèbre voya-
geur chinois Hloùen-Thsang, qui visita, ce
pays avàrtt l'islamisme, y trouva alors en vi-
gueur une écriture d'origine indienne. Lassen
ense qu'une comparaison plus complète du
rahuiki avec les idiomes du Dékhan per-
mettrait de mieux déterminer là place qu'il
doit occuper dans la série des langues, et il
est d'avis que cette étude pourrait jeter un
grand jour sur l'ethnographie indienne et sur
les origines des peuples qui constituent ce
groupe.
BRAI
BRAI s. m. (brè. — Hâtons-nous de dire
que ce mot ne vient pas, comnié l'ont pré-
tendu quelques philologues fantaisistes, du
nom delà colonie phénicienne Brutia, qui, au
dire de Pline, produisait en quantité de la
poix d'excellente qualité. Deux autres éty-
mologies plus vraisemblables et plus ac-
ceptables ont été proposées pour co mot :.Ia
première le fait venir de l'italien bratto,
sorte de goudron, qui lui-même se rapporte-
rait à l'allemand bratén, rôtir, brûler; l'autre
opinion, que nous préférons, le fait dériver
également de l'italien, mais du mot braco
ou brago, bouc, vase. Même dans cette hypo-
thèse/nous devrions encore nous adresser
aux langues germaniques pour chercher
l'origine de brago, l'allemand orack ayant le
sens de déchet, rebut. Brack, se transfor-
mant en wrack, wreck, wareck, aurait donné
d'autre part, suivant M. Delàtre, naissance à
notre mot varech, ce que la.mer rejette sur
les côtes, et
;
par extension, l'espèce de fucus
que nous désignons par ce mot. Il est cer-
tain que Irai ou bray, qui correspond à la
forme dé basse, latinité braium, avait primi-
tivement le sens de fange, vase, limon,
bourbe, marais, et qu'on le retrouve, comme
le fait fort justement, remarquer M. Çhevallet,
àans une foulo de noms de lieux et'ide villes,
tels que Cambrai, Mibray, Vibray, etc. En
Normandie, il y a même le pays de Bray
proprement dit, ainsi appelé à cause de la
nature vaseuse et humide du sol. M. Çhevallet
voudrait, lui, y reconnaître une racine celtique
apparaissant dans le breton pri, terre glaise,
argile, limorij dans le gallois priz
t
même sens;
dans l'écossais brogh, boue ; dans l'irlandais
broghaighib, etc.). Suc résineux fourni par le
pin et lé sapin, et qui est employé comme
enduit, particulièrement pour les navires :
La Suède ne vend que du BRAI, du goudron,
des planches, du poisson et des métaux gros-
siers. (Raynal.)
— Comm. Escourgeon, orge broyée pour
faire de la bière.
— Bot. Synonyme de GUI.
" — Encycl. Il est assez difficile d'établir une
distinction bien précise entre le brai et le
goudron. L'un et l'autre sont tirés des pins et
des sapins, comme la térébenthine, et n'en
diffèrent qu'en ce qu'ils sont dès produits plus
grossiers. Celle-ci découle spontanément des
pins et des sapins après qubn y a pratiqué
des incisions, et tant qu'ils sont encore pleurs
de vigueur; plus tard, les mêmes incisions ne
laissent plus couler qu'une matière moins pré-
cieuse, à laquelle ori donne le nom de brai
liquide ou goudron. Le goudron s'obtient en-
core en soumettant le', bois dés mêmes arbres
à. l'action du feu, et alors il peut être consi-
déré comme un produit
T
de la distillation du
bois. Le brai sec n'est que lé résidu de la t é -
rébenthine ou du goudron soumis à l'évapora-
tion ou à la distillation; l'arcanson, la colo-
phane, le barras et le galipot ne sont que du
brai sec préparé d'une certaine manière.
Quant au brai gras, dont les calfats font un
si grand usage pour recouvrir les jointures des
bordages dans les navires, on le prépare en
faisant fondre du brai sec, et en y mêlant du
goudron, du suif et d'autres matières grasses.
Ce produit, comme le goudron, est fourni au
commerce par les Etats-Unis, la Russie, la
Suède, la Norvège ; il en vient aussi du dé-
partement des Landes. On l'expédie en barils
de bois blanc appelés gonnes.
BRAI
BRAI ou BRAY s. m. (brè). Piège pour les
etits oiseaux, composé de deux morceaux
e bois unis par une corde.
BRAI
BRAI ou BRET (lac de), en Suisse, dans le
canton de Vaud, à 12 kilom. N.-E. de Lau-
sanne, dans un beau vallon entouré de hautes
montagnes. Ce petit lac est de forme ovale;
longueur, 2 kiloin.; profondeur, â2 mètres.
Les forêts de plantes marécageuses qui crois-
sent sur ses rives resserrent de jour en jour
son étendue: A son extrémité orientale, on a
retrouvé les ruines de Bromagus, station mi-
litaire roniaine- indiquée sous ce nom dans
l'Itinéraire d'Àntonin.
BRÀIF. s. f. (brè.
T
— Le mot bracca paraît
dériver d'une racine indo-européenne que
nous retrduvoris dans le latin fr'angerè, frac-
tum, avec le sens de rompre briser, parta-
ger. En conséquence, M. Delàtre pense que
le celtique bracca n'a pu signifier dans l'ori-
gine_ que pièce, coupon d'étoffe. « De là, dit-
il, l'italien brachè, le vieux français brague,
braie; « broyer, bandage destiné à contenir
les herriiès; braguette, fente de devant d'une
culotte à l'ancienne mode. Ces dérivés, pense
M. Delàtre, viennent, non pas de la forme
celtique, mais de la formé latine; il est
d'avis en effet que, dans,la majorité des cas,
la plupart des mots celtiques qui existent
dans notre langue sont lires, non pas du
celtique proprement dit, mais du latin. On
peut encore rapprocher, comme nous l'avons
déjà fait, l'anglais breeches, culotte. Bra'
gue a dû avoir un diminutif, braille, d'où se
clébrailler
3
se découvrir la gdrge Ou l'esto-
mac; en provençal des-bracar , c'est-à-dire
ouvrir ses brdgues. Les Allemands ont con-
servé ce niot dans frack, sorte d'habi.tj frac,
et dans frock, froc, la partie de l'habit mo-
nacal qui couvre la tête et tombe sui* l'esto-
mac et les épaules ; frocard, hipihe
i
—péjora-
tif; — défroquer, oter le froc.à quelqu'un;
défrogue,le mobilier et l'argent (ju'un moine
a laissés en mourant, restés,, guenilles. En al-
lemand moderne, frock est devenu rock, par
suite do l'élimination dû f initial, et c'est
de cette forme tertiaire qu'est dérivé notre
rochet, diminutif, sorte de surplis à manches
étroites que portent les évêqùes). Couche,
lange dont on enveloppe les petits enfants,
pour lès empêcher de salir les autres vête-
ments • Changer la BRAIB d'un enfant. I] Ce
mot a vieilli ; on dit plutôt COUCHE aujour-
d'hui, excepte dans quelques départements.
— Fortif. Ceihturede fortes palissades ou de
maçonnerie que les ingénieurs du xvie siècle
construisaient en avant de l'enceinte d'une
place pour en couvrir le pied contre les batte-
ries de l'ennemi. On L'appelait aussi BRAIESSE :
La
BRAIESBRAIES larges, des jambières entourées de
cordelettes... (Th. Gaut.) Julyan et Armelse
mirent nus jusqu'à la ceinture^ ne gardant que
leurs BRAIES. (E. Sue.) if A été employé au
singulier :
L'habit court et brodé, la braie aux plis antiques.
BRIZEUX.
— Loc.fam. 5e tirer d'une affaire les braies
nettes, En sortir sans accident fâcheux : Tu
ne T'en TIRERAS jamais LES BRAÏES NETTES. NOS
libertés auront peine à SORTIR d'ici LES BRAIES
NETTES. (Mol.)
— Bot. Braies de cocu, Syn. vulgaire de
PRIMEVÈRE.
— Rem. En poésie, on peut faire ce mot
de deux syllabes, en prononçant bra-ies :
Un noir pressentiment me fait trembler pour toi,
Et m'annonce, pleine d'effroi,
Que tu n'en sortiras jamais les braies nettes.
G HE RA RDI.
'Cette prononciation, du reste, est la plus
ancienne et la plus conforme à 1 étymologie.
— Encycl. Cost. Le mot latin braccœ, dont
nous avons fait braies, et qui correspondait au .
grec anaxurides, servait à désigner des es-
pèces de pantalons portés par différents peu-
ples de l'antiquité. Les braccœ, ainsi que dif-
férentes autres parties de l'habillement et de
l'armure, telles que Yacinaces, Yarcus, Yar~
milla, étaient communes à toutes les nations
qui entouraient les Grecs et les Romains, de-
puis l'océan Indien jusqu'à l'océan Atlantique.
Aussi Aristagoras, roi de Milet, dans une en-
trevue avec Oléomène, roi de Sparte, décrit-il
le costume de la plupart d'entre eux en ces
termes : « Ils portent des arcs et une courte
épée, et ils vont au combat avec des braies
et la tête couverte avec des chapeaux. » (Hé-
rodote, V, 49.) De là aussi l'expression de
braccati militis àrcus, signifiant que ceux qui
portaient des braies avaient généralement
l'arc pour arme caractéristique. Parmi les
nations que les auteurs anciens nous désignent
formellement comme portant les braccœ, nous
trouvons les Modes et les Persans, les P a r -
thes, les Phrygiens, les Sannates, les Duces
et les Gètes, les Teutons, les Belles, les Bre-
tons et les Gaulois. Quant au mot latin braccœ,
considéré sous le rapport étymologique, il
n'est que la transcription exacte d'un terme
peut-être celtique, que l'écossais nous a con-
servé sous la formé breeks, et l'anglais sous
celle de breeches. Des mots correspondants
sont en usage dans la majorité des langues
du Nord. Les pantalons actuels des cosaques
et des Persans (serwal) diffèrent très-peu de
ceux des peuples barbares de l'antiquité. Les
anciens monuments des Grecs et des Romains
nous ont, en effet, transmis avec une fidélité
scrupuleuse la forme des braies de ces peu-
ples, et c'est même là ce qui les caractérise
et sert à les distinguer nettement des person-
nages grecs et romains. La colonne Trajane,
entre autres, nous montre différents groupes
de Sarmates revêtus des braies nationales ;
ce sont de véritables pantalons asi-ez lar-
ges, qui partent de la ceinturé et tombent
jusqu'à la cheville en faisant des plis assez
nombreux: La forme, du reste, aussi bien que
l'étoffe,, était variable selon les pays et la
mode. Les Perses et les Amazones portaient
ce vêtement collant; on en a trouvé-des
exemples dans la grande mosaïque de Pompei,
qui est actuellement au musée de Naples. Les
nations du Nord, au contraire, portaient le
pantalon large et ample, comme on en a
trouvé des exemples dans les auxiliaires ger-
mains de la colonne Trajane. Il en était de
même en Gaule. Il y avait des pantalons rayés
et bigarrés; que n'eussent pas dédaignés nos
élégants. On trouve sur les peintures des vases
Çrecs des Amazones revêtues d'un costume de
fantaisie, qui eût certainement été imité par
les gandins du boulevard. Les braies étaient
généralement en laine; mais Agathias nous
apprend, cependant,qu'en Europe elles étaient
aussi fabriquées avec de la toile et même du
cuir. II est aussi permis de supposer que les
nations asiatiques employaient au même usage
le coton et la soie. Les braies étaient quel-
quefois rayées (virgatœ), et tramées avec des
fils de différentes couleurs (poikilai). Les
Grecs semblent ne les avoir jamais portées.
Elles étaient également inconnues a Rome
pendant la période républicaine; e t , plus
tard, elles étaient toujours considérées comme
un vêtement barbare (tegmen barbarum, dit
Tacite). Cependant, à une époque plus mo-
derne, elles commencèrent à être introduites
à Rome; mais elles ne paraissent pas y avoir
jamais été beaucoup portées. Nous savons
qu'Alexandre Sévère portait des braies blan-
ches, tandis que celles de ses prédécesseurs
étaient écarlates. Honorius défendit formelle-
ment de les porter en ville. On sait qu'au mo-
ment de la conquête, les Romains donnèrent-
à une partie de la Gaule Transalpine le nom
de Gallia braccata, à cause des longues et
larges culottes que portaient les habitants de
cette contrée: De nos jours, le mot braies
n'est plus guère usité ; pourtant, le vêtement
qu'il désigne n'a pas disparu : les paysans
bretons ont conservé les larges braies, le cha-
peau rond à grands rebords, la veste de toile
ou de serge grise et les longs cheveux, qui
distinguaient leurs ancêtres.
. Braies du cordoitcr (LES), fabliau satirique
du xinc siècle, dirigé contre les mœurs des
moines et des cordeliers en particulier. Cet
ordre, qui existait seulement depuis une tren-
taine d'années, avait déjà été corrompu par son
succ,ès subit et inespéré. Do son temps, Pierre
des Vignes, le chancelier de l'empereur Fré-
déric II, leur reprochait de courir les fêtes et les
noces, et leur demandait s'ils, avaient trouvé
de pareils enseignements dans Baruch ou
dans Michée. Nos trouvères, qui avaient un
langage très-libre et beaucoup d'indépendance
d'esprit, ne devaient pas laisser passer de
semblables abus sans les signaler, eux que
n'arrêtait même pas l'arme terrible de l'inqui-
sition dans les mains des dominicains. Voici le
sujet de ce fabliau, écrit d'une façon très-
vive et très-ingénieuse. Une bourgeoise d'Or-
léans est amoureuse d'un cordelier, qu'elle re-
çoit toutes les fois que son mari est absent.
Un matin, elle réveille ce derni«r de très-
bonne heure, lui disant qu'il fautse lever, s'il
ne veut manquer son compère, avec oui il doit
aller au marché, et à peine le pauvre Biaise est-
il sorti, qu'elle tait entrer son ami le cordelier.
Mais il est bien trop tôt pour partir ; le compère
se moque du mari, qui revient chez lui pour se
coucher. Terreur des deux amants ; le cordelier
se cache en oubliant ses braies auprès du lit.
Quand l'heure de partir est venue, le mari se
lève,et, dans sa précipitation, prend les culottes
du cordelier au lieu des siennes. On pense si
le moine et la bourgeoise sont embarrassés
quand ils s'aperçoivent de cette substitution ;
notre futée cependant ne tarda pas à se ras-
BRAI
BRAI
BRAI
BRAI 1195
iurer : quelle femme a jamais été prise au
dépourvu en pareille matière? Elle récon-
forta donc le cordelier du mieux qu'elle put,
lui dit qu'elle prenait tout sur elle , qu'une
idée lui était venue, et qu'il faudrait que son
mari eût un bien mauvais caractère, si, le soir,
en rentrant à la maison et en lui rapportant
les braies en question, il ne lui faisait pas des
excuses. Sur cette assurance, le cordelier
lit le signe de la croix et rentra dans son cou-
vent. Au lever du jour, notre coquine frappait
a la porte du couvent. Elle manda le prieur
et le pria de lui prêter les braies d'un frère,
qu'elle voulait porter elle-même , disait-elle :
Por fllz ou fille concevoir;
Quar j'avoîe songié por voir
Que ge celé nuit concevroie
Enfant, quand en mon lit auroie
Les braies d'un frère menor.
Le stratagème de la bourgeoise n'est pas si
extraordinaire qu'il pourrait nous le paraître
aujourd'hui ; on avait alors une grande dévotion
pour ces religieux, et il n'était pas de chrétien
qui ne voulût mourir enveloppé de leur robe.
On devine aisément la fin' de l'histoire; le
mari, s'apercevant au milieu du marché que
les braies qu'il porte ne sont pas les siennes,
revient furieux, dans l'intention de tuer sa
femme. Celle-ci lui raconte l'idée qui lui est ve-
nue dans l'esprit; le mari court au couvent, où
le prieur confirme de très-bonne foi le récit de
la dame, et Georges Dandin revient se jeter
aux pieds de son adroite moitié, lui jurant de ne
jamais plus la soupçonner.
Ce conte, né en France, fit son tour d'Eu-
rope, et obtint partout un grand succès. Le
Pogge, Sacchetti, Sabadino et Casti l'ont
imité, et Henri Estienne l'a repris dans son
Apologie pour Hérodote.
Comme on le voit, cette plaisante histoire
appartient essentiellement à notre vieille lan-
gue; c'est un produit de la muse gaillarde et
satirique du moyen âge. Eh bien ! malgré l'an-
tiquité des parchemins sur lesquels son nom
est inscrit, on s'ingénie"journellement à la
rajeunir au détriment de tel où tel qu'on range,
à tort ou à raison, dans la catégorie des ma-
ris prédestinés. Nous soupçonnons fort que
notre Rabelais ignorait ce conte; autrement,
il n'aurait pas manqué de l'enchâsser dans
l'un de ses joyaux avec un épilogue comme il
les savait si bien faire quand le sujet s'y prê-
tait : neuf mois après l'aventure, notre ma-
toise aurait mis au monde un gros garçon
que le bon paysan, en reconnaissance du mi-
racle, aurait certainement appelé Dêodatus.
BRAIEMENTs. m. (brè-man — rad. braire).
Autre orthographe de BRAIMENT, H On disait
aUSSi BRAIRIE S. f.
ERAIER v. a. ou tr. (brè-ié). Broyer, pul-
vériser : BRAIER du chanvre. Il Vieux mot.
BRAIEBRAIE était séparée de la place par le fossé,
et de la campagne par un avant - fossé. H
Fausse braie, Sorte de corridor que les ingé-
nieurs du xvie et du xvue siècle établissaient
à mi-hauteur de l'escarpe, et qui était, muni
d'un mùr crénelé, à l'abri duquel le défen-
seur tirait sur lecnemin couvert. On a aban-
donné cet ouvrage depuis Vauban. parce
qu'on a reconnu qu'il était plus nuisible qu'u-
tile.
— Mar. Morceau de grosse toile ou de cuir
goudronné, que l'on cloue à certaines ouver-
tures d'un navire, pour empêcher l'eau d'y
pénétrer.
— Pêch. Filet que* l'on dispose en enton-
noir au bord de la mer, et qui est soutenu
avec des pieux.
• — Techn. Traverse de bois que Ton met
sur le pailler d'un moulin à vent, pour sou-
lager les meules, tt Instrument avec lequel le
cirier écache la cire.
— typogr. Feuille de papier fort, découpée
comme une frisquette, et qui en fait l'office
pour lé tirage des épreuves, mais qui n'est
pas attenante au tympan et s'enlève avant
la touche, pour être replacée ensuite sur la
forme.
— s. f. pi. Autrefois, Culotte, caleçon, pan-
talon. Se dit surtout aujourd'hui d'un vête-
ment de ce genre que portaient les Gaulois
et divers autres peuples de l'antiquité. On
l'emploie encore de nos jours pour désigner
les larges culottes de toile que portent les
Bretons, assez semblables à celles des zoua-
ves : Le guide montagnard^ dans la force de
l'âge, portait l'antique costume des Gaulois
Bretons, larges BRAIES de toile, serrées à la
taille. (E. Sue.) Une cuirasse de peau d'aurochs,
des
BHAÏLA,BHAÏLA, BRAH1LOW ou IBRAH1LOW,
ville des Principautés
:
Unies, dans là Grande
Valachie, sur la rive gauche du Danube, près
et au-dessus de l'embouchure du Sereth dans
le Danube, à 84 kilom. N.-E. de Bucharest, à
160 kilom. 0. de la nier Noire; 40,000 hab. Port
principal de.s principautés , et la forteresse là
plus importante après Giurgewo. Le port de
Braïla peut facilement recevoir des bâtiments
de 300 tonneaux, et pourrait contenir les plus
grands vaisseaux sans les' difficultés que l'on
rencontre encore à la barre de Soulina, a
l'une des embouchures du Danube. Le com-
merce principal de Braïla consiste dans l'ex-
portation des céréales, des suifs, des peaux
de bœuf et de la laine. Les principaux arti-
cles importés sont : le sucre,
1
le café, l'huile,
le fer, les étoffes de laine et de coton, la bi-
jouterie et les modes. Ajoutops que la pèche
des esturgeons dans la mer Noire est pour
cette ville un élément très-actif de prospérité.
Pendant les guerres du siècle dernier contre
la Turquie, Iqs Eusses assiégèrent et prirent
plusieurs fois Braïla ; en 1774, par le traité de
paix de Kaïnardji,' elle fut restituée aux Turcs,
qui la fortifièrent à l'européenne. En 1828, les
Russes s'emparèrept encore une fois de cette
ville et la rendirent à la Turquie par le traité
d'Andrinople. Dans ces dernières années, les
événements qui ont ameiié l'union des princi-
pautés inoldo-valaques ont accru l'importance
de Braïla, sur laquelle la Turquie n'a conservé
qu'une suzeraineté purement nominale.
BRAIER
BRAIER s. m. (bra-ié — rad. braie). Nom
que l'on donnait autrefois aux ouvriers qui
confectionnaient des braies ou hauts-dc-chaus-
ses en cuir de peaux de' vache, de cerf, de
truie, de cheval ou de mouton : Les braaliers
faisaient les braies en fil, à la différence, des
BRAIEKS , qui les faisaient en cuir. (Èncycl.)
B R A I L s. m. (brall; Il mil.). Oisell. Sorte
de piège pour prendre des oiseaux. Syn. de
BRAÏ OU BRAY.
BRAILLANT
BRAILLANT (bra-llant; Il mil.) part. prés.
du v. Brailler :
Je brûle de vous voir trois ou quatre marmots,
Braillant autour de vou§ . - . . . .' '. .
DESTOUCHES.
La guinguette, sous sa tonnelle
De houblon et de chèvrefeuil,'
Fête, en braillant la ritournelle,
Le gai dimanche et l'argenteuil.
THÉOPHILE (JAUTIER.
BRAILLARD,BRAILLARD, A R D E adj. (b.ra-llard; Il mil.
— rad. brailler). Fàm, Qui braille, parle ou"
cric très-fort et mal à propos : Que cet
homme e$t BRAILLARD / Cette femme est bien
BRAILLARDE. Caraccioli me visite fort assidû-
ment; cet homme est un peu BRAILLARD, mais
il est doux et a de la franchise. (Mme du Def-
frand.) Demosthène lui-même recherchait les
applaudissements des auditeurs BRAILLARDS ,
des démagogues du Pirée. (F.Michel.) Vous
l'avez rencontré plus d'une fois' tapageur et
BRAILLARD, les cheveux en désordre. (E. Ro-
bert.) '
A son portrait, certain rimeur braillard
Dans un logis se faisait reconnaître.
J.-B..ROUSSEAU.
Il Où l'on braille, où l'on crie très-fort : Il
en fut pourtant ainsi pour ta plupart des luttes
BRAILLARDES et sanglantes des deux grandes
révolutions religieuses, le luthéranisme et le
calvinisme. (F. Michel.) L'orgue de Barbarie
abandonnait Paris, la ville turbulente et BRAIL-
LARDE. (F. Michel.)
— Substantiv. Personne qui braille, qui a
l'habitude de brailler : C'est un BRAILLARD ,
une
BRAILLE
BRAILLE s.f. (bra-lle; H mil.). Pêch. Pelle
de bois avec laquelle le saleur "remue les
harengs.
— Econ. rur. Balle -du blé séparée du
" grain.
BRAILLARDE:BRAILLARDE: Voilà un terrible BRAILLARD I
(V. Hugo.)
— s. m. Mar. Petit porta-voix.
— Syn. B r a i l l a r d , t i r a i l l e u r , c r i a r d , cri en r ,
pleurard, pleureur. Le braillard braille sou-
vent; il ennuie par la continuité de ses brail-
lements. Le brailleur braille en ce moment,
il importune, il étourdit par le bruit qu'il fait.
Le criard a l'habitude de crier, comme le
braillard de brailler; le crieur crie actuelle-
ment. Le pleurard a l'habitude de pleurer, il
en est insupportable. Le pleureur est en train
de pleurer. Le braillard et le criard ne pleu-
rent pas ; le pleurard est larmoyant.
BRAILLE
BRAILLE (Louis), professeur à l'Institution
des Aveugles de Paris, ne en 1809 à Coupvrayj
mort en 1852. Fils d'un simple bourrelier, dès
l'âge de trois ans ii commençait a travailler
avec son père; mais l'alêne qu'il ne savait
pas encore diriger avec adresse atteignit
un de ses yeux, causa une inflammation qui
f
agna bientôt l'autre œil, et le pauvre enfant
evint aveugle. Admis h l'Institution des
Aveugles en 1819, Louis Braille devint bien-
tôt un des meilleurs élèves de l'établissement,
et lorsqu'il eut acquis les connaissances géné-
rales , il s'appliqua h l'étude du piano, du
violoncelle et de l'orgue. Ses progrès sur
l'orgue furent tels qu'il remplit avec succès
les fonctions d'organiste dans plusieurs pa-
roisses de Paris. Mais le désir 'qu'il avait
d'être utile à ses compagnons d'infortune le
porta, en 1827, à accepter une place dé pro-
fesseur dans la maison même où il avait reçu
une instruction solide et variée. Là, il se dé-
voua tout entier à ses pquveaux devoirs, et
non'-seulemént il devint un excellent profes-
seur, mais encore' il composa de's ouvrages
pour faciliter son enseignement et créa un.
nouveau système d'écriture, en points sail-
lants, qui permettait aux élèves de prendre
des notes pendant ses leçons, de faire'rapide-
ment leurs devoirs d'orthographe et de style. •
Il trouva même plus tard le moyen d'appli-
quer ce système à la notation musicale. Un de
ses amis, M. Foucault, y ajouta un nouveau
J
)erfectionnement, et le procédé reçut, dans
'école même, le nom de procédé Braille-Fou-
cault. Malheureusement, Louis Braille n'avait
jamais joui d'une santé bien robuste, et une
maladie cruelle vint mettre un terme à, ses
travaux, lorsqu'il n'avait encore que quarante-
trois ans.
BRAILLEMENT
BRAILLEMENT s. m. (bra-lle-man : H mil.
— rad. brailler). Action de parler ou de crier
très-fort et d'une façon importune': Les
BRAILLEMENTS d'un porc que l'on saigne.
BRAILLERBRAILLER v.n. ou intr. (bra-llé; Il mil.—
rad. braire, qui a signifié crier). Parler, chan-
t e r , crier très-haut, sans raison, mal à
propos, d'une façon importune : Il ne chante
pas, il BRAILLE. Je me contente de gémir sans
BRAILLER. (Montaigne.) Cette femme BRAILLE
toujours et ne laisse rien faire aux autres.
(G. Sand.) Il ne convient guère de BRAILLER
un jour de première communion. (G. Sand.) "
Nous n'irons plus dans les coulisses
Brailler en'chœur à. l'Opéra.
* ' BÉRANGER.
Oiille, orateur, entassait des merveilles,
Gesticulait, braillait, s'ôpoumonoait. *
' ANDRIEUX.
— Chass. Se dit d'un chien qui crie, sans
être sur la voie. ' '
— Activ. Prononcer très-haut et d'une mar
nière importune ou ridicule' '; Dès chantres,
aux figures pittoresquemeni triviales, BRAIL-)
LAIENT les psaumes. (Th. Gaut.)
, Despaze, dans l'accès,
Braille ses vers gascons, qu'il croit des vers français.
M.-J. CIIÉNIER.
On conte, on rit. on médit du prochain.
On fait brailler des vers à maltré'ÀIain.
" " VOLTAIRE.
— s. m. Le brailler, L'action de celui qui
braille : L'Angely (le fou de Louis XII), inter-
rogé pourquoi il 1}'allait jamais au sermon,
répondit qu'il h'aimait pas LE BRAILLER, et
n'entendait pas le raisonner. (B. Jujliéri.j
BRAILLER
BRAILLER v. a. ou t r . (bra-llé; Il mil. —
rad.
1
braille). Pêch. Remuer avec 'la braille :
BRAILLERBRAILLER des'kdrengi. ' ' ' '
i
' * • ' '• * ••
BRAILLEUR,BRAILLEUR, EUSD adj. (bra-Ueur, eu-ze ;
Il mil.— rad. brailler). Qui braille, q u i a
l'habitude de brailler : Un'enfant BRAILLEUR.
Une femme BRAILLEUSE.
— Manég. Cheval brailleur, Cheval qui
hennit souvent.
— Substantiv. Personne qui braille, qui a
l'habitude de brailler : C'est un BRAILLEUR.
Diable soit des BRAILLËURS ! (Mol.) Du reste,
grand chasseur, grand fumeur, grand BRAIL-
LEUR, grand amateur de vin de Hongrie et de
fanfares. (J. Janin.)
Bans tous les entretiens on les voit s'introduire,
Ils ne sauraient servir, mais ils peuvent voùs'nuire :
Et jamais quelque appui qu'on puisse avoir d'ailleurs,
On ne doit se brouiller avec ces grands braillëurs.
' MOLIÈRE.
— S y n . B r a i l l e u r , b r a i l l a r d , etc. V. BRAIL-
LARD.
BRAIMENTBRAIMENT s. m. (brè-man— rad. braire).
Cri prolongé de l'âne : C'est une merveilleuse
chose de voir une cavale dresser les oreilles,
frapper du pied, s'agiter aux BRAIMENTS inteU
ligibles d'un âne. (Volt.) il Quelques-uns
écrivent BRAIEMENT, qui est une ancienne or-
thographe : J'entendais le BRAIEMENT des ânes,
le chant du coq, le bruissement des feuilles, le
gémissement alternatif de la nier. (Lamart.)
BRAINE
BRAINE s. f. (brè-ne). Econ. rur. Génisse,
jeune vache.
— Ichthyol. Espèce de poisson de rivière.
BRAINE
BRAINE (Jean, comte DE), trouvère fran-
çais'du xnie siècle. Il était fils de Robert Iï,
comte de Dreux, et il eut pour rivaux en
poésie Audefroy le Bastard et le sire de
Coucy. Il est peut-être l'auteur de la vingt-
septième chanson placée dans le recueil des
poésies de Thibaut, comte de Champagne, et
Lévesque de la Ravalière le cite formellement
comme ayant composé la pièce qui commence
par ces vers :
Pencis d'amers, dolens et correcié,
M'estuet chanter, quand ma dame m'en prie.
BRAINE-L'ALLEUDBRAINE-L'ALLEUD ou LA-LEUDE, ville
d e Belgique, p r o v . d u B r a b a n t méridional,
arrond. et à 10' kilom. N. de Nivelles ; 3,200 h.
Les opérations de la bataille de Waterloo eu-
rent lieu en grande partie sur le territoire de
cette commune.
BRAINE-LE-ÇOMTE
BRAINE-LE-ÇOMTE (Brania comitis), ville
de Belgique, prov. de Hainâut, arrond. et à
28 kilom. N.-E.deMons; 5,500 hab. Filatures
de coton, retorderies de fil à dentelle, bras-
series, tanneries, moulins. Ruines d'une vieille
tour qui domine la ville et dont la construc-
tion remonterait, selon une tradition peu pro-
bable, jusqu'à un brenn gaulois.
BRAINNE
BRAINNE (Charles), littérateur et publi-
ciste français, né à Gisors en 1825, mort en
1864, était petit-neveu du savant évêque
d'Avranches Huet. Après avoir terminé d'ex-
cellentes études au lycée Charlemagne, il
entra à l'Ecole normale et en sortit pour
aller à Clermont-Ferrand eh qualité de pro-
fesseur d'histoire. Promu aux mêmes fonc-'
lions à Orléans, il eut un démêlé avec l'admi-
nistration, et fut désigné pour Alençqn. Cette
disgrâce lui paraissant imméritée, il envoya
sa démission dans un pli portant ces simples
mots : Poiiit d'Alençon. S'étant ainsi lui-même
mis à pied, il rédigea le Journal du Loiret. Ce
n'était point la son début, car," en 1847, il
avait déjà fait ses premières armes,'et publié,
sous ce titre, un volume de poésies. Voulant
témoigner sa reconnaissance au pays' hospi-
talier qui lui avait donné asile après son nau-
fragé universitaire, il fit paraître, en 1851J lès
Hommes illustres de l'Orléanais. En 1854, il
publiait la Nouvelle-Calédonie et le Mémorial
français, en collaboration avec Emile Yan-j
derburch; les H'àmmes illustres de l'Oise, en
1858, et, en 1860, Baigneurs et buveurs d'eaii,
ouvrage écrit au courant de la plume par un
chroniqueur amusant et spirituel, le vade-
mecum des touristes et des baigneurs^
M. Brainne a mis dans ce gracieux in-8° son
humour, son érudition et saverve inépuisable.
M. Charles Brainne collaborait en même
temps à la Presse, à Y Audience, au Nord, h
l'Opinion nationale, et fondait la Correspon-
dance internationale. Il était le véritable type
du journaliste nomade, le Juif errant de la
littérature. Toujours par monts et par vaux,
il promenait son humeur insouciante et son
esprit intarissable partout où l'appelait une
fête de l'industrie ou des arts, une entrevue
de deux souverains ou une simple inaugura-
tion de chemin de fer. Aussi un caricaturiste
l'a-t-il représenté une locomotive sur la tête
en guise de chapeau; ce qui n'empêchait pas
M. Charles Brainne de rédiger avec autant de
prudence que de talent une correspondance
politique adressée à plusieurs journaux de la
province et de l'étranger, et d'envoyer de
temps à autre au Nouvelliste de Rouen des
articles politique^. La campagne industrielle
entreprise par lui dans ce journal, au moment
de' la signature du traité de commerce, et
conduite avec une habileté incontestable, eut
alors un grand retentissement. A l'Opinion
nationale, M. Brainne figurait surtout comme
correspondant ; mais, en même temps, il y pu-
bliait des articles de haute politique, remar-
quables par leur allure vive et spirituelle.
Son style p'est "pas Jq'ujqurs cJVâj.ie,""m'ài's Tes
matières son't'toujours abordées d'une ma-
nière intéressante et elles sont traitées rapide-
ment'et spïrituèîlëmën6 Là vivacité, lVtrait,
le mot ironique se rencontrent naturellement
' sous sa plume. Quant à ses opinions politi-
ques , elles étaient d'accord avec sa vie :
« En avant! en avant! » tel était son cri d<
guerre. Peut-être voulait-il c^ue le progrès
marchât trop à ta vapeur, mais nous ne sau-
rions le blâmer de ce désir, surtout lorsqu'il
l'exposait avec tant de modération.
BRA1NTREE, ville d'Angleterre, comté
d'Essex, à 28 kilom. O. de Colchester et à
71 kilom. N.-E. de Londres, 'près de la rive
droite dû Blaçkwater;' 5,600 hab. Palais dé
l'évêque dé Londres- église renfermant un
tombeau monumental de Collins, médecin dé
Pierre le Grand. Fabrication activé de soie-
ries 'et de crêpes. [1 Ville des Etats-Unis d'A-
mérique Y dans l ' E t a t ' d e Massachusetts,
comté de Norfolk, à 18 kilom. S.-E. de Bos-
ton , sur la baie de Massachusetts; 3,780 hab.
Exploitation de granit. Patrie de John Adams,
second président des Etals-Unis.
BRAINVILLIÈRB
BRAINVILLIÈRB s. f. ( brain-vi-llè-rc ;
Il mil.). Bot. Syn. de SPIGÉUE.
BRAIOLLERBRAIOLLER (SEl v. pron. (bra-io-lé— rad.
braies). Mettre ses braies, sa culotte. Il Vieux
mot.
BRAION
BRAION s. m. (brè-ion). Partie des braies, do
la culotte, qui couvre lacuisse. H Vieux mot.
BRAIRE
BRAIRE v. n. ou intr. (brè-re — du bas
lat. bragire, hennir; se conjugue comme
traire. L'Académie limite, arbitrairement
croyons-nous, ce verbe au présent et au fu-
tur de l'indicatif et du conditionnel, et aux
troisièmes personnes seulement, du moins
dans son sens propre. Il est vrai que les
ânes ne parlent pas, ce qui empêche que
l'on puisse dire je brais, et qu'on ne leur
parle guère, ce qui fait qu'on n'a pas souvent
l'occasion de dire tu brais; mais, en dehors de
ces réalités du langage, la grammaire doit
admettre des fictions qui nécessitent d'au-
tres emplois des mots; c'est une hypothèse
littéraire tout à fait admissible que celle d'un
âne qui parle, et surtout d'un âne à qui l'on
adresse la parole). Crier en parlant d'un âne ;'
imiter lo cri de l'âne, assez heureusement
exprimé par l'interjection répétée : hi-han.
Le cheval hennit, l'âne BRAIT. (Buff.) A Vérone,
à la fête de l'Ane, le prêtre, à la fin de la
messe, au lieu de dire : Ite, missa est, 5e met-
tait à
BRAIREBRAIRE trois fois de toute sa force, et le
peuple répondait en chœur. (Volt.)
— Fam. Parler, chanter ou crier très-fort,
comme fait un âne qui brait; crier en
pleurant : Qu'as-iu à BRAIRE comme cela?
— Fig. Mettre beaucoup d'animation à
dire des sottises : Non, vous ne BRAIREZ pas
y
mon cher et grand philosophe, mais vous frap-
perez rudement lesWelches qui BRAIENT. (Volt.)
Je laisse BRAIRE les ânes sans me mêler de leur
musique. (Volt:) Les hommes faibles hurlent
avec tes loups, BRAIENT avec les ânes, et bêlent
avec les moutons. (Boiste.)
Et puis, viens-t'en me braire,
Viens me conter ta faim, et ta douleur !
LA FONTAINE.
— s. m. Le braire, L'action de braire : Il
avait un rire qui eût tenu du BRAIRE chez un
autre. (St-Simon.)
Il abuse encore d'un mot
Et traite notre rire et nos discours de braire.
LA FONTAINE.
B R A I R È T E s. f. (brè-rè-te). Bot. Nom vul-
gaire de* la primevère.
B R A I S s. m. (brè). Bras, il Çétrpit. Il Vieux
mot,
BRAISE
BRAISE s. f. (brè-ze. — On a rapproché,
non sans raison, le mot français du grec
brazein; mais il ne faudrait pas voir cepen-
dant là, avec certains philologues, l'origine di-
recte et immédiate du mot français; c'est
trop souvent ainsi que, sur un rapport de
ressemblance fugitive, quoique parfois réelle,
on crée des étymologies fictives. Pour prou-
ver que braire vient de brazein, qui veut diro
bouillonner, il faudrait démontrer la filiation,
non-seulement phonétiquement, mais encore
historiquement Nous verrons tout à l'heure
en effet que brazein et braise sont parents, et
même proches parents, mais qu'il n'y a pas
entre eux de consanguinité ascendante ou
descendante, mais simplement collatérale.
Recherchons d'abord dans, les langues néo-
latines, c'est-à-dire dans le groupe dont la
nôtre fait partie intégrante, les formes pa-
rarallèhîs de ce mot qui peuvent s'y rencon-
trer. Diez mentionne avec raison bragia,
brascia et bracia, en italien ; brasa, eu espa-
gnol et en provençal; braza, en portugais.
Tqus ces mots ont "exactement la même va-
leur que le français braise; ils désignent le
charbon en ignition, et, par suite, le charbon
quia été en ignition. Une chose remarquable,
c'est que, dans toutes ces langues, on a forme
avec ce nipt des verbes qui ont tous'le sens
d'enflammer, brûler, etc. Ainsi, l'italien dit
abbragiare, l'espagnol abrazar, le vieux fran-
çais èsbrasèr et lé français actuel embraser.
Dès lors, il est facile de'you'que là signifi-
cation pqmitive du "mot brâkî était étroite-
ment liée'à celle d'igmfcion/ d'incandescence,
tés'recherches ultérieures auxquelles' nous/
allpns nous'livrer le démontreront surabon-
damment' Nous trouvôps d'abord dans la fa-
mille germanique la même racine qui joue un
rôle consid^raDlé;' i|
e s
* fart probable' que
c'est'de là qu'elle a'passé dans ' les'idiomes
romans. En suédois, brasa désigné les tisons
allumés, le" feu'd'une cheminée; en irlandais,
1196 BRAI BRAI BRAK
BRAM
le même mot veut dire un feu ardent. Les
autres langues germaniques nous présentent
le môme radical sous les formes légèrement
différentes de l'anglo-saxon brasian, fondu;
du gothique brinnan, de l'allemand moderne
brennen,etc. Nous retrouverons, du reste, plus
tard ces formes à propos du mot brandon.
Nous avons vu tout à l'heure la singulière
analogie que présente le grec brazein. Arri-
vés à ce point, il ne nous reste plus mainte-
nant qu'à trouver un élément do comparai-
son commun à toutes ces variantes d'un
thème primitif; c'est encore le sanscrit qui
nous le fournira dans sa racine bhradj, rôtir,
brûler, intimement liée à l'autre racine
bhridj, luire, à laquelle nous aurons souvent
affaire. M. Delàtre, dans son ingénieux tra-
vail de comparaison du français avec les au-
tres langues indo-européennes, groupe autour
de cette racine, et plus particulièrement au-
tour de la forme spéciale qui nous occupe,
toute une série de dérivés rayonnant dans
tous les sens, et que nous allons passer avec
lui rapidement en revue. C'est d'abord i r a -
siller, faire griller, reluire : la mer brasille;
puis braser, joindre ensemble deux morceaux
de métal au moyen d'une soudure; brasure,
endroit où a été opérée cette soudure; par
extension lucarne, d'où embrasure. M. De-
lâtre rattache encore à la même branche,
l'anglais brass, airain, laiton, cuivre jaune,
et le français brasgue, mélange d'argile et de
charbon pilé. Du portugais brasa, vient le
nom de pays Brasil, dont nous avons fait
Brésil, le pays où l'on rôtit; c'est exactement,
pour le sens, la forme et l'origine, le mémo
mot que le nom donné par les anciens à la
Phrygie , racine bhridj. Par métonymie,
brésil a désigné une espèce de bois de tein-
ture tiré de ce pays; d où le verbe brésiller,
couper par jpetits morceaux, comme on
coupe ce bois. Nous ne mentionnons que
pour mémoire , et sous de grandes réserves,
les mots bruit, brouillard, brouille, etc. Du
reste, nous reviendrons sur ces mots à leur
ordre alphabétique. Nous acceptons plus vo-
lontiers les idées de M. Delâtre pour le verbe
hrouir, qui désigne particulièrement l'action
corrosive du soleil ou de la gelée blanche sur
la végétation. Nous ajouterons encore à cette
liste Te mot technique broui, qui, en langage
d'émailleur, s'applique au chalumeau dont
on se sert pour diriger la flamme sur la ma-
tière qu'on veut faire entrer en fusion). Char-
bons ardents provenant d'un morceau de
bois ou autre combustible qui a jeté toute
sa flamme : Faire cuire une côtelette sur la
BRAISE. La fiente du bison brûlée donne une
IÎRAISB ardente. (Chateaub.) Une vieille voi-
sine était venue causer avec sa femme, tout en
cherchant de la BRAISE pour allumer son feu.
(G. Sand.) Déchirant un papier qu'il tira de
sa poche, il l'approcha de la BRAISE ardente
qui restait dans le foyer. (Scribe.)
Il me fait voir, sur la braise animée.
Des bots, des mers, un monde, en peu d'instants.
BÉRANGER.
Suivons cette petite fille.
Frais lutin, dont l'esprit en ses yeux noirs pétille;
Où va-t-elie de grand matin ?
Je la vois qui s'arrête; elle sonne à la porte
D'un alchimiste son voisin.
Or, le savant, d'humeur accorte,
Ouvre, lui sourit, et déjà,
Dans l'antre enfuma la voilà.
— Monsieur, voulez-vous bien permettre
Qu'à ce fourneau je prenne un peu de braise, un peu,
Afin d'allumer notre feu? [mettre?
— Volontiers, mon enfant... mais, quoi! rien où la
Attendez qu'on vous cherche un... Je ne Eais. — Oh!
Monsieur, ne bougez pas : je l'emporterai bien [rien,
Là, sur ma main. — Comment, que dites-vous, ma
Sur votre main !... A peine avait-il achevé [belle?
Que, prompt et prompt, mademoiselle
Vous fait, en moins de temps qu'on ne dit un Ave,
Dans le creux de sa main un petit lit de cendre,
Sur lequel aussitôt d'étendre
Sa braise ardente, et zeste! avec un ris moqueur
Elle tire sa révérence
Et court encor... Bon Dieu! dit le docteur.
Que chose vaine est la science!
Moi qui, depuis trente ans et tant,
Médite, spécule, étudie.
Moi, docteur sorbonné, peut-être de ma vie
Je n'aurais eu l'esprit d'en faire autant.
Zônon dit vrai : « Le glus sage n'est guères
Sage en tout, et le plus savant
Ignore, hélas! bien souvent
Les choses les plus vulgaires, •
ETIENNE CATALAN.
— Charbons éteints que les boulangers
retirent de leur four et qu'ils vendent ensuite
au public, qui s'en sert pour allumer du feu :
Acheter de la BRAISE. Allumer du feu avec un
peu de BRAISE.
— Par ext. Objet brûlant :
Le grand désert, sous sa vapeur de braise
Brillait comme un fer chaud que rougit la fournaise.
LAMARTINE.
H Feu du regard : Comme elles dansaient en
revenant de la fê'.e sur cette route poussié-
reuse bordée de cactus et d'aloès, les fauves
gitanas au teint de cigare, aux yeux de BRAISE,
à la hanche provoquante, en tannant de leur
pouce la peau brunie du pandéro! (Th. Gaut.)
— Fig. Ardeur de tempérament : Les Ca-
labraises sont noires dans la plaine, blanches
sur les montagnes, amoureuses partout; Cala-
braise et BRAISE, c'est tout un. (P.-L. Courier.)
— Loc. fam. Etre chaud, ardent comme
braise. Etre très-ardent, très-amoureux :
J'avais déjà les yeux ardents comme la braise.
. SCARRON.
Dans les gardes françaises
J'avais un amoureux
Fringant, chaud comme braise.
Jeune, beau, vigoureux.
V
A
Dé.
Il Donner quelque chose chaud comme braise,
Se faire un malin plaisir d'annoncer le pre-
mier à quelqu'un une mauvaise nouvelle. Il
liendre quelque chose chaud comme braise,
Se venger immédiatement et d'une manière
fort vive : 11'décocha un trait un peu piquant
à son interlocuteur ; mais celui-ci le lui REN-
DIT CHAUD COMME BRAISE. [| Passer sur une
chose comme un chat sur la braise, Passer lé-
gèrement sur un sujet, sur une question,
parce qu'on craint de l'approfondir, parce
qu'on a des raisons pour n y pas insister :
Le garde des sceaux parla peu, dignement, en
bons termes, mais COMME UN CHAT QUI COURT
SUR LA BRAISE. (St-Simon.) il Etre sur la
braise, avoir les pieds sur la braise, Etre im-
patient de dire, de faire quelque chose; dtro
dans une attente anxieuse : Bientôt je sau-
rai mon sort; je suis SUR LA BRAISE. (J. de
Maistre.)
Comment voulez-vous qu'une femme se taise?
Quand je garde un secret, j'«ï les pieds sur ta braise.
DESTOUCHES.
Il Tomber de la poêle dans la BRAISE, Sortir
d'un état fâcheux pour entrer dans une si-
tuation encore pire :
Je tombai par malheur de la poule en la braise.
RÉGNIER.
— Argot. Argent : Pas plus de BRAISE que
dans mon œil. (Mornand.) Est-elle simple! dit
Nicette, je vous demande si vous avez de la
BRAISERBRAISER v. a. on tr. (brè-zé —rad. braise).
Art culin. Faire cuire doucement sur le
fourneau, sans qu'il y ait évaporation, de
manière que les viandes conservent tous leurs
sucs et toute leur saveur : BRAISER un gigot
de mouton.
BRAISE,BRAISE, du quibus. {P. Féval.) Tu lui dis : Je
voudrais être payé; il répond : Pas de BRAISE.
(E. Sue.)
— Econ. domest. Braise chimique, Charbon
artificiel que l'on obtient en mélangeant de
la résine avec do la sciure de bois et de la
poussière de charbon de bois, et qui se vend
généralement sous forme de petits cylindres
ou de briquettes rectangulaires. On la dé-
bite aussi sous la forme de petites planchettes
appelées allumettes-feu ou pastilles ignifères.
— Art culin. Procédé employé pour brai-
ser les viandes, il Braise blanche ou demi-
braise, Braise dans laquelle les bardes de
lard et les tranches de bœuf sont remplacées
par des tranches deveau, qui sont une viande
blanche.
— Techn. Amas de combustible réduit en
charbon, qui se rassemble dans le fond des
atandiers, surtout quand le tirage du four
n'est pas suffisant. Il Faire la braise, Ralentir
le feu, quand la fonte du verre est terminée,
afin que la matière en fusion s'épaississe au
point convenable pour le travail : Pour FAIRE
LA BRAISE, on remplit le foyer d'escarbilles et
même de charbon bien tassé ; on intercepte les
courants d'air autant qu'on le peut, et l'on
évite de toucher au feu pendant le travail du
verre, afin de ne pas ranimer la combustion.
(Francœur.)
— Encycl. Hygiène. Beaucoup de personnes
croient qu'on peut, sans danger pour la santé,
brûler de la braise dans une chambre ou tout
autre lieu fermé, et que les vapeurs du char-
bon sont seules nuisibles; c'est une erreur
funeste qu'il importe d'autant plus de com-
battre que, chaque année, elle coûte la vie à
plusieurs personnes. De temps en temps, ordi-
nairement à l'entrée de l'hiver, le préfet de
police de Paris publie à ce sujet l'instruction
suivante du 'conseil de salubrité : « 10 En
s'exposant aux vapeurs de la braise allumée,
on court le même danger que si on s'exposait
aux vapeurs du charb.on allumé, c'est-à-dire
que les émanations de la braise peuvent cau-
ser presque aussi promptement la mort que
les émanations du charbon ; 20 en consé-
quence, l'usage d'allumer de la braise et de
la laisser plus ou moins consumer dans un
vase, placé au milieu d'une chambre, est des
plus dangereux ; 3° alors même que, par ref-
let de circonstances particulières, cette im-
prudence ne ferait pas instantanément périr
ceux qui la commettraient, elle pourrait néan-
moins déterminer des maladies très-graves et
souvent mortelles; 4° ainsi, toutes les fois
que l'on allume de la braise dans une chambre,
dans une cuisine, etc., pour se chauffer ou
pour tout autre usage, il faut prendre les
mêmes précautions que si c'était du charbon ;
c'est-à-dire qu'on ne doit placer la braise allu-
mée que sous une cheminée, afin que le cou-
rant d'air entraîne la vapeur malfaisante ; il
convient même d'aider au tirage de la cheminée
en ouvrant les portes ou les fenêtres ; 5° il ré-
sulte de ce qui vient d'être dit que vouloir chauf-
fer, soitavec de la braise, soit avec du charbon ,
des chambres ou des cabinets habités qui n'ont
pas de cheminées, c'est s'exposer aux plus
grands dangers: 6° c'est une erreur de croire
qu'un morceau de fer placé sur le braisier en
détruit les mauvais effets. Quelques personnes
s'imaginent que, pour éviter tout danger, il
suffit de quitter la chambre aussitôt que la
braise est allumée, et de n'y rentrer qu après
que la braise est éteinte ; c'est également une
erreur. C'en est une enfin de croire qu'on em-
pêche la braise de produire des vapeurs mal-
faisantes en la couvrant de cendres. »
BRAISIERBRAISIER s. m. (brè-zié — rad. braise).
Ancienne forme du mot BRASIER.
— Techn. Huche où le boulanger met la
braise, lorsqu'elle est éteinte.
BRAISÉ,
BRAISÉ, ÉE (brè-zé) part. pass. du v.
Braiser : Du mouton BRAISE aux carottes. Un
gigot BRAISÉ.
BRAISIER
BRAISIER E s. f. (brè-ziè-re — rad. brai-
ser). Techn. Étouffoir dont les boulangers se
servent pour éteindre la braise tirée du four.
— Art culin. Casserole de forme oblongue
servant à braiser les viandes, munie, dans ce
but, d'un couvercle qui l'emboîte parfaite-
ment, et dont le bord est relevé de manière
à pouvoir contenir de la braise ou des cen-
dres chaudes.
BRAI
BRAI si NE s. f. (brè-zi-ne — rad. brai).
Techn. Mélange d'argile et de crottin de che-
val, dont on se sert pour tremper l'acier.
B R A I S L E R v. n. ou intr. (brè-slé). Braire,
hennir, crier. 11 Vieux mot.
BRA1SNE {Brannacum), bourg de France
(Aisne), ch.-l. de cant., arrond. et à 19 kilom.
M-E. de Soissons; pop. aggl. 1,528 hab. —
pop. tôt. 1,581 hab. —Agréablement situé sur
la rive droite de la Vesle, ce bourg fut le sé-
jour favori des rois de la première race, qui y
avaient un palais. C'est la qu'étaient renfer-
més les trésors de Clotaire 1er. Un château
fort, dont on voit encore les ruines, défendait
la ville; une belle église, fondée au-xn
e
siècle
par un frère de saint Louis, consacrée à saint
Yved, et dont les restes sont encore très-re-
marquables, fut pendant quelque temps une
succursale de Saint-Denis; elle servit succes-
sivement de lieu de sépulture à dix membres
de la lignée royale.
BRA1THWA1T (Guillaume), théologien an-
glais du xvie et du xvue siècle. 11 était profes-
seur à Cambridge, et fut un des quarante-sept
théologiens chargés par Jacques Ie
r
de tra-
duire la Bible en anglais. Les livres deutéro-
canoniques, appelés apocryphes parles angli-
cans, furent ceux auxquels il travailla avec
six de ses collègues.
BRAITHWA1TE (Jean), historien anglais du
xvm« siècle. 11 accompagna au Maroc John
Russel, et publia un Récit des événements poli-
tiques qui eurent lieu dans ce pays après la
mort de l'empereur Muley Ismaël (Londres,
1729). Cet ouvrage, qui a été traduit en fran-
çais, contient de curieux détails sur l'état
physique, politique et moral du Maroc pen-
dant les années 1727 et 1728; il eut un très-
grand succès.
BRAICM,
BRAICM, nom latin du pays de Bray.
BRAK
BRAK adj. m. (brak). Pêche. Se dit du
hareng salé à moitié : Un hareng BRAK.
BRAKEL
BRAKEL (NEDER-), ville de Belgique, pro-
vince de, la Flandre orientale, arrond. et à
14 kilom. S.-E. d'Audenarde. 3,807 hab. —
Nombreuses brasseries et drècheries, moulins
à huile.
BRAKEL
BRAKEL (OP-), bourg de Belgique, province
de la Flandre orientale, arrond. et à 12 kilom.
S.-E. d'Audenarde; 2,351 hab. Tissage de
toile.
BRAKEL
BRAKEL (Jean DE), marin hollandais, né en
1618, mort en 1690. Il entra dans la marine à
l'âge de vingt-deux ans, et s'éleva aux grades
de capitaine de frégate et de contre-amiral.
Il assista aux principales batailles navales de
son temps, se distingua par de nombreux
traits de courage, et fut tué dans la journée
où Tourviïle remporta une victoire signalée
sur les Hottes de la Hollande et de l'Angle-
terre. On voit son tombeau dans l'église de
Saint-Laurent, à Rotterdam.
BRAKENBURG-ou BRAKENBURGÏ1 ( R é -
gnier), peintre et graveur hollandais, né à
Harlem vers 1650, mort en 1702, passe pour
avoir été l'élève de Henri Mommers, imitateur
de Berghem ; mais, suivant la remarque de
M. W. Bùrger, il se rapproche davantage
d'Ad. van Ostade et de Jan Steen, à l'exemple
desquels il a peint des intérieurs rustiques,
des scènes de cabaret, des fêtes de village.
M. Waagen ne craint pas de dire qu'il égale
presque Ad. van Ostade, dans ses meilleurs
tableaux, par l'éclat du coloris, quoiqu'il lui
soit presque toujours inférieur pour la trans-
parence. Sa forme surtout est plus lâchée,
moins précise, son modelé plus faible et son
exécution plus délayée. Les œuvres de Bra-
kenburg sont assez rares ; le Louvre n'en a
pas. La galerie de Vienne en a deux, de belle
qualité, datées l'une et l'autre de 1690: les
Paysans en goguette et la Fête des rois. Le
musée de Berlin a un bon tableau représen-
tant des Villageois écoutant un chanteur am-
bulant. Dans les autres galeries, on remarque :
une Scène de paysans joyeux , à Amsterdam ;
une Scène de médecin, à Rotterdam; la Col-
lecte villageoise, dans la galerie Suermondt, à
Aix-la-Chapelle, etc. En France, nous cite-
rons : un Intérieur d'estaminet hollandais, au
musée de Bordeaux; une Fête villageoise, au
musée de Nancy ; le Joueur de vielle, dans le
cabinet de M
m c
Blachet-Gassier, à Aix, com-
position de douze figures, qui, d après M.Ma-
rius Chaumelin (Trésors d'art de la Provence),
Î
eut être comparée aux meilleures pages de
an Steen,pour la vérité des poses etdes gestes,
l'expression comique des physionomies et l'ha-
bileté de la mise en scène. Il existe une eau-
forte,— très-rare, d'ailleurs,— signée du mo-
nogramme de Régnier Bruckenburg et qui
représente Abraham renvoyant Agar. Quelques
biographes donnent à cet artiste le prénom de
Richard; d'autres veulent qu'il y ait eu deux
Brakenburg : Régnier, élève d Henri Mom-
mers, et Richard, élève d'Ostade.Nous croyons,
quant à nous , que ces deux prétendus ar-
tistes n'en font qu'un.
B R A K E N I E R s. m. (bra-ke-nié). Ancienne
forme du mot BRACONNIER.
BRALION
BRALION (Nicolas DE), théologien et histo-
rien , né à Chars (Vexin), mort à Paris en
1672. Il entra dans la congrégation de l'Ora-
toire, fut envoyé à Saint-Louis de Rome, et y
resta quinze ans, puis revint à Paris, dans la
maison de Saint-Honoré. A Rome, il avait pu-
blié eu italien les Elévations du cardinal de
Bérulle sur sainte Madeleine, et un Choix des
vies des saints de"Ribadeneira. En France, il
fit paraître, outre une dissertation latine sue-
le pallium épiscopal : Vie de saint Nicolas,
archevêque de Mire ; Histoire chrétienne, com-
prenant les vies de Jésus-Christ, de sa mère
et des saints du bréviaire romain ; la Curiosité
de l'une et de l'autre Rome; Histoire de la
sainte chapelle de Lorefte, etc.
BRAKNAS,BRAKNAS, branche de la race africaine,
dont le territoire s'étend sur la rive droite du
Sénégal, depuis le marigot de Matiguen jus-
qu'à Ël-Modinalla. Les Braknas offrent, comme
race, une composition identique à celle des
Trarzas, c'est-à-dire qu'ils se composent d'un
tiers de mulâtres d'origine arabe, descendant
des Beni-Hassen, d'un tiers de mulâtres d'ori-
gine berbère, descendantdes Zénagas, et d'un
tiers de noirs purs, captifs ou affranchis, no-
mades avec leurs maîtres ou patrons. Le roi
est pris dans une branche de la famille des
Braknas proprement dite, avec la sanction
des principales autres branches de la famille.
D'après M. Caille, la population des Braknas
serait de 63,000 âmes, savoir : 23,000 pour les
tribus guerrières, et 40,000 pour les tribus de
marabouts.
BRALLE
BRALLE (François-Jean) , ingénieur, né h
Paris en 1750, mort vers 1832. Il a inventé le
couvoir artificiel pour l'éclosion des œufs, et
dressé le premier plan du Conservatoire des
arts et métiers ; mais c'est surtout sur ses
travaux hydrauliques que se fonde sa réputa-
tion. On lui doit en ce genre : la machine de
la Salpêtrière, celle que font mouvoir des
chameaux au Jardin des Plantes, et la distri-
bution des eaux du canal de l'Ourcq dans la
fontaine des Innocents, opération difficile,
dans laquelle plusieurs de ses collègues avaient
échoué.
BRAM
BRAM s. m. (bramm). Cri. 11 Vieux mot.
BRAMA1I (Joseph), mécanicien anglais, né
à Stainborough, en 1749 , mort à Londres, en
1814. On lui doit une foule d'inventions utiles,
entre autres : une nouvelle espèce de robinet
universellement employé aujourd'hui pour
l'assainissement des cabinets d'aisances ; la
serrure de sûreté qui porte son nom ; la presse
hydraulique; l'appareil au moyen duquel on
fait monter, dans les tavernes et estaminets ,
les liquides de la cave au comptoir: une ma-
chine à imprimer pour numéroter les billets
de banque ; des améliorations dans les pompes
à incendie, la fabrication du papier, les chiiu-
dières à vapeur, etc. Il n'a publié que deux
écrits, dont l'un est une Dissertation sur la
construction des serrures.
BRAMBRAM ANS, bourg fortifié de France (Savoie),
arrond. et à 40 kilom. de Saint-Jean-de-Mau-
rienne; 936 hab. Ce bourg, situé près de l'Arc,
à 1,334 m. d'altitude, renferme trois forts et
une caserne ; les forts, étages sur des pointes
de rochers, interceptent complètement le pas-
sage de la vallée ; 1 un d'eux possède une cha-
elle. La garnison est composée de compagnies
e discipline, à cause des difficultés du ser-
vice.
BRAMANT
BRAMANT (bra-man) part. .prés, du v.
Bramer : Les rennes viennent en BRAMANT
chercher, dans les vallées profondes, de nou-
veaux pâturages. (B. de St-P.) •
BRAMANTE
BRAMANTE (Donato LAZZARI, plus connu
sous le nom de), célèbre architecte italien,
naquit en 1444, à Castel-Durante (aujourd'hui
Urbania), selon quelques biographes ; à Monte-
Asdrualuo, campagne voisine de Fermignano,
selon d'autres. Ces deux endroits sont situés
dans le territoire d'Urbin, et, comme Bra-
mante fut élevé dans cette dernière ville, il a
été appelé quelquefois Bramante d'Urbin.
Quant au nom de Lazzari, qui passe pour
avoir été celui de sa famille, il n'a jamais été
employé par les anciens biographes pour dé-
signer l'illustre artiste. Bramante commença
par étudier la peinture. On ignore quel fut son
maître : les uns nomment Fra Carnevale, les
autres Pier délia Francesca, d'autres Mah-
tegna ; mais ce sont là de simples conjectures.
Vasari se borne à dire qu'après s'être formé à
Urbin, d'après les peintures de Fra Carnevale,
• le Bramante parcourut la Lombardie, travail-
lant dans les différentes villes et s'y perfec-
tionnant par l'étude des œuvres des maîtres
les plus estimés d'alors ; qu'il alla ainsi jusqu'à
Milan, où il fit la connaissance de Bernardino
de Trevi, architecte de la cathédrale, et qu'à
dater de cette époque, il appliqua son génie à
l'architecture. Il s était déjà exercé dans cet
art, si l'on en croit Pagave, et il avait élevé
plusieurs constructions dans la Romagne,
BRAM BRAM
BRAM
BRAN 1197
a v a n t d e v e n i r à Milan. Quoi qu'il en soit,
nous pensons q u e B r a m a n t e était plus estimé
comme peintre que c o m m e a r c h i t e c t e , lorsqu'il
a r r i v a d a n s cette d e r n i è r e ville, v e r s 1476.
Nous n ' e n v o u l o n s pour p r e u v e q u e les n o m -
b r e u x t a b l e a u x qu'il y e x é c u t a , soit à fresque,
soit à l a d é t r e m p e (à tempera). Lomazzo p a r l e ,
a v e c de g r a n d s é l o g e s , des p o r t r a i t s , d e s
compositions s a c r é e s ou p r o f a n e s , q u e l'on
v o y a i t encore de son t e m p s à Milan e t -flans
d ' a u t r e s villes de l a L o m b a r d i e , e t qui, s u i v a n t
c e t é c r i v a i n , r a p p e l a i e n t assez bien la manière
d e M a n t e g n a . L a plupart de c e s peintures o n t
été d é t r u i t e s , e t celles qui subsistent sont t r è s -
dé tériorées. On cite,, p a r m i ces dernières : un
Saint Sébastien, dans l'église de ce n o m , à
Milan; un t a b l e a u d ' a u t e l , dans l'église de
i'Incoronata, à Lodi ; u n e Pietà, d a n s l'église
de S a i n t - P a n c r a c e , à B e r g a m e ; la décoration
d'une chapelle de la C h a r t r e u s e de P a v i e . C e s
d i v e r s o u v r a g e s s e distinguent par u n e g r a n d e
fermeté d'exécution, o L e s proportions, dit
L a n z i , y s o n t r o b u s t e s , e t quelquefois m ê m e
p a r a i s s e n t un p e u t r o p massives ; les v i s a g e s
sont p l e i n s , les t ê t e s de vieillards d'un h a u t
s t y l e ; le coloris e s t vif e t profond, mais n o n
s a n s c r u d i t é . »
Bien qu'il e û t construit plusieurs édifices à
M i l a n , n o t a m m e n t le c o u v e n t de Saint-Ambroise
(devenu depuis hôpital militaire), la coupole
e t l a s a c r i s t i e d e S a n t a - M a r i a d e l l e G r a z i e e t la
p e t i t e sacristie octogone d e San-Satiro, c e fut
c o m m e p e i n t r e q u e le B r a m a n t e d é b u t a à
R o m e , lorsqu'il v i n t dans cette v i l l e , e n 1499,
a p r è s la c h u t e de Ludovic le M o r e , son p r o -
t e c t e u r . Il fut c h a r g é de peindre à fresque les
a r m e s pontificales, a u - d e s s u s de la porte qui
ne s'ouvre qu'à l'époque du jubilé, dans la b a -
silique de S a i n t - J e a n de L a t r a n . Il s'appliqua
e n s u i t e , a v e c la plus g r a n d e a r d e u r , à 1 étude
des m o n u m e n t s a n t i q u e s ; en p e u de t e m p s , il
dessina e t m e s u r a tous ceux qui subsistaient
à Rome e t d a n s les e n v i r o n s , e t p o u s s a ses s a -
v a n t e s r e c h e r c h e s j u s q u ' à N a p l e s . L e cardinal
Olivier Caraffa, qui a v a i t r e m a r q u é ce g r a n d
zèle, confia à B r a m a n t e l a construction du
cloître du c o u v e n t de la Pace, o u v r a g e q u e
l'artiste conduisit a v e c a u t a n t de célérité q u e
d'intelligence e t qui lui v a l u t la protection
d'Alexandre V I . Il fut employé p a r c e pontife,
comme architecte en s e c o n d , a u x t r a v a u x rie
la fontaine de T r a n s t e v è r e e t de la place de
S a i n t - P i e r r e , qui, d e p u i s , ont fait place à des
constructions plus grandioses. Il p r i t ensuite
u n e large p a r t à l'érection de l'église d e s
S a i n t s - L a u r e n t - e t - D a m a s e , e t bâtit plusieurs
p a l a i s , e n t r e a u t r e s celui du cardinal Adriano
di C o r n e t o , — qui a a p p a r t e n u , dans la suite,
aux comtes Giraud e t qui a été a c h e t é e n 1830
p a r le b a n q u i e r T o r l o n i a , — et celui de la
Chancellerie
?
l'un d e s plus v a s t e s édifices de
R o m e . Ces divers m o n u m e n t s , é l e v é s s u r d e s
plans d'une conception g r a n d e e t simple, se
r e s s e n t e n t , dans l'exécution des d é t a i l s , d e la
m a i g r e u r et de l a sécheresse qui c a r a c t é r i s e n t
les constructions de la période p r é c é d e n t e . Ils
font h o n n e u r a s s u r é m e n t a u talent ingénieux
et robuste de B r a m a n t e , mais ils n ' e u s s e n t pas
suffi pour fonder la célébrité de c e m a î t r e . Un
h o m m e de ce g é n i e , c a p a b l e d'exécuter les
plus g r a n d e s choses, a v a i t "besoin qu'il s e
r e n c o n t r â t un a u t r e homme de génie pour les
vouloir e t les c o m m a n d e r . J u l e s I I , à peine
monté s u r le trône pontifical, conçut l'idée de
r a t t a c h e r les b â t i m e n t s d u B e l v é d è r e à c e u x
du v i e u x palais du Vatican. B r a m a n t e , qu'il
c h a r g e a de l'exécution de c e projet, y déploya
b e a u c o u p de g o û t e t de magnificence. Il r é u -
nit les deux édifices par deux ailes de galeries,
formant trois r a n g s de portiques s u p e r p o s é s ,
le premier d'ordre dorique, à l'imitation du
t h é â t r e de Marcellus, le deuxième d'ordre
ionique, le troisième d'ordre corinthien. L ' e s -
p a c e compris entre les deux ailes était un
v a s t e t e r r a i n m o n t u e u x e t d è s plus i r r é g u -
iiers : B r a m a n t e l e divisa en deux c o u r s , qu'il
relia l'une à l'autre p a r u n escalier à double
r a m p e , a v e c deux é t a g e s de colonnes doriques
sur les côtés e t u n e fontaine e n t r e les r a m p e s ;
à l'extrémité de la c o u r s u p é r i e u r e , il é l e v a ,
e n t r e deux petits corps de bâtiments, u n e
g r a n d e niche couronnée d'une g a l e r i e c i r c u -
laire qui porte le nom de belvédère; à l ' e x t r é -
mité opposée de la c o u r inférieure, c'est-à-dire
c o n t r e l e s m u r s du palais v i e u x , il bâtit un
a m p h i t h é â t r e s e m i - c i r c u l a i r e , e n g r a d i n s de
p i e r r e , d'où u n e foule de s p e c t a t e u r s pouvaient
a s s i s t e r a u x j e u x qui se donnaient dans la
c o u r . C e t admirable e n s e m b l e , d'une c o m p o -
sition si i n g é n i e u s e , d'un style si noble dans
les proportions g é n é r a l e s e t si é l é g a n t dans
les d é t a i l s , a m a l h e u r e u s e m e n t subi de n o m -
b r e u s e s r e s t a u r a t i o n s qui l'ont r e n d u p r e s q u e
méconnaissable a u x y e u x du connaisseur
(V. VATICAN). A dire v r a i , plusieurs de ces
r e s t a u r a t i o n s o n t é t é r e n d u e s nécessaires p a r
le peu do solidité des constructions que B r a -
m a n t e avait dû pousser a v e c u n e rapidité
e x c e s s i v e , pour satisfaire à l'impatience de
J u l e s I I . L e pontife r é c o m p e n s a l'artiste de
son zèle e n lui a c c o r d a n t , e n t r e a u t r e s fa-
v e u r s , la direction du sceau à la chancellerie
(offîcio del piombo). I l l'emmena a v e c lui d a n s
^expédition de la Mirandole et l'employa
comme ingénieur militaire. On a p r é t e n d u
que B r a m a n t e a v a i t a b u s é de son crédit a u -
près de J u l e s II pour a c c a p a r e r toutes les
g r a n d e s e n t r e p r i s e s , e t m ê m e d'avoir t e n t é de
discréditer Michel-Ange , le seul rival qui p û t
lui ê t r e opposé. L e fait est qu'il réussit à faire
a v o r t e r le projet d ' u n v a s t e m a u s o l é e qui
devait ê t r e celui d e J u l e s I I e t d o n t les sculp-
t u r e s a v a i e n t déjà été confiées à Michel-Ange ;
il conseilla a u pape d'employer ce dernier a
peindre la chapelle S i x t i n e , e s p é r a n t , dit
V a s a r i , que le célèbre a r t i s t e , qui n ' a v a i t p a s
la pratique de la fresque, refuserait c e travail
ou y é c h o u e r a i t , e t q u e c e t é c h e c r e l è v e r a i t
d ' a u t a n t le mérite de R a p h a ë l , son p a r e n t e t
son p r o t é g é . Sans croire à des intentions aussi
peu g é n é r e u s e s , on peut supposer q u e B r a -
m a n t e , r a i s o n n a n t comme architecte du V a -
tican, d u t mieux aimer faire employer Michel-
A n g e à la décoration de ce palais q u ' à la
s c u l p t u r e d'un t o m b e a u qui n ' a v a i t pour le
m o m e n t a u c u n e destination.
J u l e s I I , a y a n t décidé la reconstruction de
la vieille basilique de S a i n t - P i e r r e , ouvrit u n
concours auquel p r i r e n t part les plus habiles
a r c h i t e c t e s du t e m p s . L e projet de B r a m a n t e
p r é v a l u t et fut mis immédiatement à e x é c u -
tion (1506) ; mais quelle que fût la fougue a v e c
laquelle l'artiste conduisit les t r a v a u x , ils
étaient assez p e u a v a n c é s lorsqu'il m o u r u t
( 1 5 U ) . Il é t a i t r é s e r v é à Michel-Ange de r e -
p r e n d r e cette g r a n d e entreprise e t de la t e r -
miner. L a rivalité qui a v a i t divisé les d e u x
r a n d s artistes n ' a v a i t point altéré, d'ailleurs,
estime qu'ils se p o r t a i e n t . Bien qu'il fît subir
des modifications complètes a u x plans de
B r a m a n t e , M i c h e l - A n g e prétendit n ô t r e q u e
son continuateur. « On ne s a u r a i t nier, dit-il
dans u n e lettre qui nous a é t é c o n s e r v é e , q u e
B r a m a n t e n'ait é t é aussi habile e n a r c h i t e c -
t u r e q u ' a u c u n a u t r e , depuis les anciens j u s -
q u ' à nous. Il a posé l e s fondements de S a i n t -
P i e r r e s u r u n plan simple, n e t e t d é g a g é ,
clair e t bien isolé de toutes p a r t s , de m a n i è r e
à ne porter aucun préjudice au palais. Son i n -
vention fut a d m i r é e , e t il e s t reconnu q u e
quiconque s'écartera d e s dispositions de Bra-
m a n t e , comme l'a fait San-Gallo dans son m o -
d è l e , s'éloignera de l a v é r i t é . » M i c h e l - A n g e
fut p o u r t a n t le p r e m i e r à s ' é c a r t e r de c e s
d i s p o s i t i o n s ; il n e c o n s e r v a q u e l'idée g é n é -
r a l e du projet. V . S A I N T - P I E R R E .
B r a m a n t e a p r o u v é , dit Q u a t r e m è r e d e
Quincy, qu'il n ' a v a i t p a s toujours besoin de
g r a n d s projets pour faire du g r a n d . « Son petit
temple circulaire de S a n - P i e t r o in Montorio
est, pour l a dimension, un d e s m o i n d r e s . m o r -
c e a u x d ' a r c h i t e c t u r e m o d e r n e qu'il y ait. C'est
à coup s û r un d e s plus parfaits. C'n d î n â t le
modèle, ou l a copie e n d i m i n u t i f , d ' u n temple
antique. » P a r m i les a u t r e s édifices de Rome
et d e s E t a t s pontificaux dont l a construction
ou les dessins sont dus à B r a m a n t e , nous c i -
t e r o n s : le palais qui a a p p a r t e n u à R a p h a ë l ,
c h a r m a n t édifice e n b r i q u e , démoli lors de la
construction d e s colonnades d e la place Saint-
P i e r r e , mais dont le dessin est p a r v e n u j u s -
q u ' à nous ; u n a u t r e palais, situé dans la r u e
Giulia que J u l e s II fit aligner p a r B r a m a n t e ,
v a s t e édifice où d e v a i e n t ê t r e c e n t r a l i s é e s
t o u t e s les administrations de R o m e , mais dont
la construction n e d é p a s s a p a s les s o u b a s s e -
m e n t s ; l'église du c o u v e n t de la Quercia, à
V i t e r b e ; la belle église de la Madone, à Todi,
réunion de coupoles habilement g r o u p é e s , e t c .
On a t t r i b u e à B r a m a n t e le dessin de la belle
a r c h i t e c t u r e qui orne le fond de l'Ecole d'A-
thènes , de R a p h a ë l , t a b l e a u où le vieil a r c h i -
t e c t e a été r e p r é s e n t é , p a r son j e u n e e t illustre
ami, sous les t r a i t s d'Archimède.
B r a m a n t e j o i g n a i t à ses talents pour les a r t s
celui de poète e t d'improvisateur ; ses œ u v r e s
poétiques o n t é t é publiées en 1756. Il a v a i t ,
disent s e s b i o g r a p h e s , l'humeur g a i e , les m a -
nières d'un gentilhomme ; il obligeait volon-
t i e r s ceux qui pouvaient avoir besoin de s e s
s e r v i c e s , e t l'on n e s a u r a i t oublier q u e ce fut
lui qui fit venir R a p h a ë l à R o m e e t qui lui
e n s e i g n a l'architecture. Il m o u r u t , e n 1514, à
l'âge de soixante-dix a n s . On lui fit de magni-
fiques funérailles dans l'église de S a i n t - P i e r r e ,
où il fut e n t e r r é .
BRAMANTINO
BRAMANTINO (Bartolommeo SUARDI, dit I L ) ,
p e i n t r e milanais du c o m m e n c e m e n t du xvic siè-
cle. Orlandi p r é t e n d qu'il fut le m a î t r e du
B r a m a n t e ; mais la vérité est qu'il fut son
é l è v e . Il peignit, a u Vatican, sous le pontificat
d e J u l e s I I , d e s portraits qui furent détruits
pour faire place a u x peintures de R a p h a ë l ;
m a i s , a v a n t de les d é t r u i r e , on les
v
fit copier,
p a r c e qu'ils a v a i e n t un m é r i t e réel. B r a m a n -
tino se rendit ensuite à Milan , où il produisit
de b e a u x o u v r a g e s , parmi lesquels on cite
s u r t o u t le Christ mort, appuyé sur les genoux
de la Vierge, fresque qui s u r m o n t e la p o r t e
d e l'église a u S a i n t - S é p u l c r e .
BRAMANTINO
BRAMANTINO (Bartolommeo), peintre e t
a r c h i t e c t e milanais du x v e siècle. L e p a p e
Nicolas V le c h a r g e a de divers t r a v a u x de
p e i n t u r e à R o m e . De R o m e , Bramantino p a s s a
en Lombardie, e t fut c h a r g é d'élever plusieurs
églises dans le Milanais, celle, e n t r e a u t r e s ,
de S a n - S a t i r o . On lui a t t r i b u e aussi la façade
de Saint-Maurice.
BRAMBILLA
BRAMBILLA ( F r a n ç o i s ) , s c u l p t e u r milanais
de la seconde moitié du xvie siècle. Il t r a -
v a i l l a q u a r a n t e années à l a décoration de la
c a t h é d r a l e de M i l a n , où l'on admire de lui les
Quatre Evangélistes, les Quatre Docteurs, les
t r e n t e - d e u x b a s - r e l i e f s de la clôture du c h œ u r ,
e t les a u t r e s figures de bronze ou de m a r b r e .
L e s o u v r a g e s de c e t é m i n e n t artiste sont e x é -
cutés a v e c u n e r a r e perfection.
BRAMBILLA
BRAMBILLA ( J e a n - A l e x a n d r e ) , chirurgien
italien, n é à P a v i e e n 1730, m o r t à P a d o u e en
1800. C'est e n A l l e m a g n e qu'il p a s s a la plus
g r a n d e partie d e sa. v i e ; il . y acquit u n e
c e r t a i n e r e n o m m é e , obtint l e t i t r e d e p r e m i e r
chirurgien de J o s e p h I I , e t fut placé à l a tète
de l'Académie J o s é p h i n e . Il p u b l i a , soit e n
italien, soit en allemand, soit en latin, un assez
g r a n d n o m b r e d ' o u v r a g e s relatifs à la chi-
r u r g i e , parmi lesquels nous citerons : Storia
dette scoperte fisico-medico-anatomico chirur-
?
iche, faite dagli uomini illuslri italiani
Milan, 1780-1782, 2 vol. in-4«), e t Discours
sur la prééminence et l'utilité de la chirurgie,
traduit p a r L i n g u e t (Bruxelles, 1787).
BRAMBILLA. Deux s œ u r s de ce n o m o n t
brillé comme c a n t a t r i c e s a u Théâtre-Italien de
P a r i s . — BRAMBILLA ( M a r i e t t a ) , douée d'une
très-belle voix de contralto, et excellente m u -
sicienne,débuta à N o v a r e en 1 8 2 8 , à v i n g t e t un
ans ; puis elle succéda à la P a s t a , au t h é â t r e Car-
cano de Milan. Depuis cette é p o q u e , l a B r a m -
billa s'est fait e n t e n d r e à V i e n n e , à P a r i s , où
elle obtint d e fort beaux succès (1835 et 1845),
et enfin à L o n d r e s . A partir de c e m o m e n t ,
les r e n s e i g n e m e n t s m a n q u e n t s u r c e t t e a r -
tiste. — S a s œ u r T h é r é s a , é g a l e m e n t c a n t a -
trice d r a m a t i q u e , d é b u t a en 1831 s u r les
petits t h é â t r e s , et p a r c o u r u t ensuite en t r i o m -
p h a t r i c e les principales villes d'Italie. Après
un séjour d e d e u x a n s en E s p a g n e , elle vint
à P a r i s (1846), y fut v i v e m e n t a p p l a u d i e , e t
r e t o u r n a e n Italie.
B R A M E s. m . V . B R A H M A N E S .
BRAMEBRAME de Damiette baigne des villes
considérables et traverse partout des campagnes
fécondes. (Gér. de N e r v a l . )
BRAMEBRAME s. f. ( b r a - m e ) . Géogr. N o m d o n n é
p a r les g é o g r a p h e s e t les o r i e n t a l i s t e s a u x
b r a n c h e s du Nil : La branche ou, si vous aimez
mieux, la
BRAME
BRAME ( J u l e s - L o u i s - J o s e p h ) , h o m m e poli-
tique français, né à Lille en 1808. A p r è s avoir
fait son d r o i t , il devint maître d e s r e q u ê t e s ,
puis m e m b r e du conseil g é n é r a l du d é p a r -
t e m e n t du Nord. E n v o y é a u Corps législa-
tif p a r ce d é p a r t e m e n t en 1857, il a é t é réélu
en 1863. Il fut au n o m b r e des q u a t o r z e d é p u t é s
qui v o t è r e n t c o n t r e la loi de s û r e t é g é n é r a l e
(1858), e t s'est m o n t r é l ' a d v e r s a i r e de toutes
les modifications introduites dans la législation
des d o u a n e s , a p r è s le t r a i t é de c o m m e r c e a v e c
l'Angleterre en 1860. M. J u l e s B r a m e est é g a -
lement l'adversaire déclaré des g r a n d s m o n o -
poles financiers .et industriels. Il en a mainte
fois signalé les a b u s a v e c u n e t r è s - g r a n d e
force.En 1866, lors de la discussion de l'adresse,
M. B r a m e a fait partie du g r o u p e considérable
qui s'est détaché de la majorité pour d e m a n d e r
u n e extension plus l a r g e des libertés publi-
q u e s , e t formulé s e s v œ u x p a r l ' a m e n d e m e n t
connu sous le n o m d ' a m e n d e m e n t d e s q u a -
r a n t e - s i x . M. J . B r a m e a publié u n o u v r a g e
intitulé : YEmigration des campagnes.
BRAMEMENTBRAMEMENT s. m . ( b r a - m e - m a n — r a d .
bramer). C r i d u cerf ou d u d a i m : Un profond
silence régnait dans ces solitudes, et on n'y en-
tendait d'autre bruit que le BRAMEMENT des
cerfs gui venaient chercher leurs gîtes da?is
ces lieux écartés. ( B . de S t - P . ) J'écoutais le
bruit du vent dans la solitude, le BRAMEMENT
des daims et des cerfs. (Chateaub.)
B R A M E R v . n . ou i n t r . ( b ç a - m é — g r . bre-
mein, frémir). A signifié C r i e r , b r a i l l e r , se
l a m e n t e r , e t e s t encore u s i t é e n P r o v e n c e
d a n s le m ê m e s e n s .
— C r i e r , e n p a r l a n t d u cerf, d u d a i m e t d e
q u e l q u e s a u t r e s a n i m a u x d u m ê m e g e n r e :
Le cerf
BRAMAITBRAMAIT la nuit dans les halliers.
(V. H u g o . )
Les cerfs en rut brament et crient.
MAROT.
Pans ce val solitaire et sombre.
Ce cerf qui brama au bruit de l'eau...
TnÉOPIULE.
— P a r e x t . P r o d u i r e u n s o n p l u s ou m o i n s
a n a l o g u e a u cri d u cerf :
Il ne reste plus dans mon âme
Qu'un seul amour pour y chanter;
Mais le vent d'automne qui brame
Ne permet pas de récouter. TH.
GAUTIEtt.
Dans la plaine
Naît un bruit;
C'est l'haleine
De la nuit;
Elle brame
Comme une Ame
Qu'une flamme
Toujours suit.
V. Huoo.
Il C h a n t e r d ' u n e m a n i è r e r i d i c u l e m e n t plain-
t i v e : Le ténor Genovèse BRAME comme un cerf,
dit le prince. (Balz.)
— A c t i v . E m e t t r e u n s o n q u i r e s s e m b l e à
u n b r a m e m e n t :
Il brame un son plaintif sans rien articuler.
DESAINTANGE.
BRAMERBRAMER ( L é o n a r d ) , p e i n t r e hollandais, na-
quit à Delft, en 1596 s u i v a n t quelques a u t e u r s ,
b e a u c o u p plus t a r d selon M. W a a g e n . On
possède p e u de r e n s e i g n e m e n t s s u r s a v i e .
M. Siret dit qu'il visita la F r a n c e et l'Italie,
et q u e , de r e t o u r d a n s s o n p a y s , il y fut pro-
t é g é p a r le p r i n c e F r é d é r i c - H e n r i e t le comte
Maurice de N a s s a u . Il subit l'influence de
R e m b r a n d t e t c h e r c h a à imiter s a m a n i è r e ;
mais il n ' e n saisit q u e les a p p a r e n c e s , dit
M. B ù r g e r . Ses t a b l e a u x , ordinairement de
petite dimension, sont tapotés e t minces d e
s t y l e ; les figurines de R e m b r a n d t o n t l a g r a n -
d e u r et la t o u r n u r e d e s p e r s o n n a g e s v i v a n t s ;
celles de B r a m e r sont d e s m a r i o n n e t t e s a g i -
t é e s c o n v u l s i v e m e n t p a r u n moteur e x t e r n e .
D a n s s e s meilleurs t a b l e a u x , B r a m e r a u n e
t o u c h e fine e t assez spirituelle, quoique t r o p
a c c u s é e , e t u n c l a i r - o b s c u r a s s e z s a v a n t ;
mais le plus souvent, comme le fait r e m a r q u e r
M. W a a g e n , il e s t froid de sentiment e t de
c o u l e u r , opaque e t lourd d a n s le s o m b r e ,
m a i g r e et indécis d a n s s a t o u c h e . S e s p r i n c i -
p a u x o u v r a g e s sont : la Douleur d'Hécube et les
Anges visitant Abraham , t a b l e a u x s u j n é s , a u
m u s é e royal de Madrid; la Vanité e t Te Néant
des choses de la terre, a l l é g o r i e s , a u m u s é e de
Vienne ; la Résurrection de Lazare, a u m u s é e
de Turin ; Siméon dans le temple, l a p l u s
g r a n d e peinture de l'artiste, a u m u s é e - d e
Brunswick ; u n e Descente de croix e t un Phi-
losophe, à R o t t e r d a m ; l a Reine de Saba, Salo-
mon dans le temple et le Christ raillé par les
soldais, à Dresde ; Salomon sacrifiant aux
idoles, a u musée de L i l l e , e t c . L e L o u v r e n ' a
rien d e L . B r a m e r .
BRAMHALL
BRAMHALL (Jean)', théologien a n g l a i s , n é
à P o n t e f r a e t en 1593, mort e n 1677. N o m m é
é v è q u e anglican de L o n d o n d e r r y e n 1634, il
fut p e r s é c u t é par Cromwell, impliqué dans les
troubles d ' I r l a n d e , et forcé de s'expatrier. D e
r e t o u r en A n g l e t e r r e , a p r è s 'la r e s t a u r a t i o n
des S t u a r t s , il fut appelé a u siège archiépisco-
pal d ' A r m a g h , qui lui donnait le titre de p r i -
m a t et de métropolitain d'Irlande. Ses œ u v r e s
complètes o n t é t é publiées à Dublin e n 1677.
Elles sont d e s t i n é e s , pour la p l u p a r t , à défendre
la r é f o r m e c o n t r e l'Eglise r o m a i n e .
BRAMIE
BRAMIE s. f. ( b r a - m î ) . B o t . S y n . U ' H E R -
T E S T E .
BRAMINEBRAMINE s. m . ( b r a - m i - n e ) . V . BRAHMANE.
— E r p é t . N o m d ' u n e c o u l e u v r e d u B e n g a l e .
Il N o m d ' u n é r i x d u m ê m e p a y s .
BRAM1NG ou BRAMINY, r i v i è r e d e l ' I n -
doustan a n g l a i s , prend s a source dans l a p a r -
tie méridionale de la province de B a h a r , e n t r e
dans celle d'Orissa, b a i g n e B o m b r a , et se j e t t e
d a n s l e golfe d e B e n g a l e p a r plusieurs e m -
b o u c h u r e s , a p r è s u n c o u r s de 450 kilom. du
N . - O . a u S . - E .
BRAMINISME
BRAMINISME S. m . V . BRAHMANISME.
CHAMOIS, village de Suisse, c a n t o n du Va-
lais, district e t à 4 kilom. S.-E. de Sion, sur 1s
rive g a u c h e du Rhône ; 395 h a b . A 2 kilom. E .
de c e village, on a d m i r e une des merveilles du
Valais, l'ermitage de L o n g e - B o r g n e , qui s e
compose d'une église, de chapelles, d'un r é f e c -
toire , de c e l l u l e s , e t c . , le tout c r e u s é dans le
roc p a r un seul ermite a u xvic siècle.
BRAMPTON,
BRAMPTON, ville d ' A n g l e t e r r e , comté d e
Cumberland, à 14 kilom. N . - E . de Carlisle,
sur l'Irthing e t le chemin de fer d e N e w -
c a s t l e ; 3,400 h a b . F a b r i c a t i o n très-active d e
g u i n g a m p s , r o u e n n e r i e s , d a m a s ; b r a s s e r i e s ;
a u x e n v i r o n s , v e s t i g e s d'un c a m p r o m a i n .
BRAMPTON
BRAMPTON (William D E ) , m a g i s t r a t e t j u -
risconsulte a n g l a i s , un des q u a t r e j u s t i c i e r s
d'Angleterre qui furent c o n d a m n é s , pour p r é -
varication e t p é c u l a t , sous le r è g n e d ' E -
douard Ier
j
et d é t e n u s , s u i v a n t l ' u s a g e , à
bord des v a i s s e a u x pénitentiaires a m a r r é s d a n s
le port de L o n d r e s . Il y composa, v e r s 1307,
le r é p e r t o i r e des lois a n g l a i s e s , si connu sous
le nom de Fleta (du lieu où il a été c o m p o s é ) ,
recueil succinct du droit national à cette
époque, e t dont l a première édition a é t é don-
n é e en 16S5 p a r Selden.
BRAN
BRAN s. m . ( b r a n — d u p r o v e n ç . bren,
son). P a r t i e la p l u s g r o s s i è r e d u son.
— P o p . M a t i è r e fécale.
— F i g . C a t é g o r i e , r a c e , o r i g i n e , e s p è c e .
Se d i t c o m m e farine, m a i s a v e c u n e i n t e n t i o n
d e m é p r i s m i e u x c a r a c t é r i s é e : C'étaient So-
crate, Plutarque, Rabelais et quelques autres
de même farine et pareil BRAN. (***)
— Bran de scie, Sciure, p o u d r e q u i t o m b e
d u bois, lorsqu'on le scie, e t q u i r e s s e m b l e à
d u son : Le sol était recouvert d'une épaisse
couche de copeaux, de BRAN DE SCIE. (A. de
Goy.) Il Bran de Judas, T a c h e de r o u s s e u r a u
v i s a g e . L a t r a d i t i o n suppose q u e J u d a s e n
a v a i t le v i s a g e c o u v e r t .
— P r o v . Faire l'âne pour avoir du bran, S e
faire p a s s e r p o u r p l u s s i m p l e q u ' o n n ' e s t ,
d a n s l ' i n t e n t i o n d ' o b t e n i r q u e l q u e chose a u
m o y e n de c e t t e r u s e , il O n d i t p l u t ô t POUR
AVOIR DU SON.
— I n t e r j e c t . Bran de ou pour, F i de, j e m e
m o q u e de : BRAN DE vous, BRAN DE VOS c/ystè-
res. ( S a r r a z i n . ) Tenez ceci sewet, et ne le mon-
trez pas à ces maîtres veaux; BRAN POUR eux.
(Béroalde d e V e r v . )
Surtout vive l'amour, et branpour les sergents.
RÉGNIER.
BRANBRAN s. m . ( b r a n . — Mot anglo-saxon q u i
a le m ê m e s e n s ) . A r t m i l i t . Autref. Glaive,
é p é e . Il On é c r i t a u s s i BRANC, BRAND e t B R A N T .
BRANBRAN ( F r é d é r i c - A l e x a n d r e ) , publiciste a l -
l e m a n d , n é à Rybnitz en 1767, mort en 1831.
A p r è s avoir v o y a g é dans divers p a y s , il vint
à H a m b o u r g en 1800, e n t r a dtrrrsla rédaction
d e l a Minerve, publia d e s Mélanges, puis u n e
traduction e n allemand du livre de P e d r o C e -
v a l l o s , intitulé : Exposé des moyens employés
par Napoléon pour usurper la couronne d'Es-
pagne. Cette d e r n i è r e publication lui a t t i r a
des p e r s é c u t i o n s , qui l'obligèrent à quitter
H a m o o u r g . P e n d a n t quelque temps, il r é d i -
g e a le j o u r n a l le Temps, à P r a g u e ; mais
a p r è s la bataille de Leipzig, il revint à H a m -
b o u r g et reprit la rédaction de la Minerve. E n
1816, il s'établit libraire à Téna, e t y fit p a r a î -
t r e un nouvel écrit périodique intitulé : Archi-
ves ethnographiques, qui e u t beaucoup d e s u c -
cès e t d u r a j u s q u ' à son 44© v o l u m e .
BRANCBRANC s. m . ( b r a n ) . Autref. E p é e . V . BRAN.
1198 BRAN
BRAN
BRAN
BRAN
BHANCA,BHANCA, mécanicien et architecte italien du
xviie siècle, no peut-être à. Rome, où il publia,
en 1629, un traité intitulé : la Machine. Il y
décrit, entre autres mécaniques, une machine
mue par un jet de vapeur frappant sur les ai-
les d'une roue, application fort ingénieuse,
mais qui n'a d'ailleurs aucun rapport avec ce
oui se fait aujourd'hui. On lui doit aussi un
Manuel d'architecture (Ascoli, 1629).
BRANCACCI
BRANCACCI ou BRANCACCIO, nom d'une
famille illustre de Naples,qui fournit à l'Eglise
une longue suite de cardinaux et de prélats du
xme au xvne siècle, et d'où sont sortis lès
seigneurs français de Brancas. C'est aussi de
cette souche que sortait probablement Lelio
BRANCACCIO,
BRANCACCIO, chevalier de Saint-Jean de J é -
rusalem, mestre de camp et conseiller de
guerre dans les Etats de Flandre, et auteur
de deux traités stratégiques intitulés : Délia
nuova disciplina e vera arte militare (Venise,
1582) ; / Carichi miliiarij o fucina di Marte
(Venise, 1641).
BRANCADE
BRANCADE s. t. (bran-ka-de — du bas lat.
branca, branche). Nom que l'on donnait au-
trefois à la chaîne avec laquelle on attachait
les forçats.
ERANCADORl PER1NI (Jean - Baptiste) ,
historien italien, né à Sienne en 1674, mort à
Rome en 1711. Il fut membre de l'Académie
Arcadienne, et le cardinal Ottoboni, oui l'avait
en grande estime, le fit chanoine de Saint-
Laurent de Damaso. Il publia un ouvrage
intitulé : Chronologia de' gran mo.estri detlo
spedole del santo sepolcro délia sacra religione
militare di S. Giovanni Gerosolîmitano, oggi
detti di Malta (1709, iri-fol.), enrichi de
soixante-six portraits de grands maîtres, gra-
vés par Jérôme de Rossi.
BRANCAL
BRANCAL s. m. (bran-kal). Ancienne forme
d u n i O t BRANCARD.
BRANCALEONEBRANCALEONE DANDOLO, noble bolo-
nais du xm
c
siècle, fut un de ces dictateurs-
justiciers que les cités italiennes mettaient à
leur tête dans les moments de troubles, pour
réprimer l'anarchie et suppléer à l'insuffisance
des lois. En 1253, les Romains, opprimés par
une noblesse livrée au brigandage, résolu-
rent de confier le pouvoir suprême à un po-
destat, avec la mission terrible d'écraser les
factions féodales. Suivant un usage qui s'est
perpétué, ils investirent de cette magistrature
un homme étranger à la cité, Bruncaleone,
qui assiégea dans les monuments de Rome et
dans leurs châteaux les nobles qui s'y étaient
fortifiés avec des bandes de brigands à leur
solde, lit pendre les gentilshommes aussi bien
que les bandits, et rasa cent quarante forte-
resses. Il limita même |e pouyqir temporel du
pape Innocent IV, fut chassé dq Rome par un
parti ennemi, rappelé deux ans après, et
mourut en 1253, abhorré de la, noblesse, mais
aimé du peuplu, qui lui éleva une colonne de
marbre.
BRANCARD
BRANCARD s. m. (bran-kan — du bas lat.
branca, branché). Espèce de civière qu'on
porte à bras, et sur laquelle on transporte
des malades, des blessés, des choses fragiles :
Déménager ses tableaux au moyen de BRANCARDS.
M. de Villeroy se fit emporter sur un BRAN-
CARD. (St-Simon.) Le roi conduisit la marche,
porté sur ««"BRANCARD. (Volt.) Pendant trois
heures, les BRANCARDS 'allaient et venaient
t
em-
portant leurs fardeaux humains. (Baron de
Bazancourt.) Les nobles avaient seuls le droit
de se faire porter à l'église sur un BRANCARD,
avec un fagot d'épines et de genièvre. (Bache-
let.)
Et le soir on t'a vu, sur un brancard couché,
Pour rendre, en la voilant, ta lâcheté plus sûre,
Grimacer les douleurs d'une feinte blessure.
M ' »
c
DE GlUAKUIN.
Il Litière portée par deux chevaux ou deux
mules, l'un devant, l'autre derrière : Une des
premières volées du canon moscovite emporta
les deux chevaux du BRANCARD de Charles; il
en fit atteler deux autres, une seconde volée
mit le BRANCARD en pièces. (Volt.)
— Chacune des deux prolonges de bois qui
sont au-devant d'une charrette, et entre les-
quelles on attelle le cheval, n Chacune des
deux pièces de bois ou de fer qui relient entre
eux l'avant-train et l'arrière-train d'une voi-
ture à quatre roues et à timon : Le BRANCARD
de gauche. Le BRANCARD de droite, il Ensemble
des deux mêmes pièces d' une charrette ou
d'une voiture : Le BRANCARD, de la voiture s'est
rompu.
— Chemin do fer. Nom des longerons dont
se compose le châssis des voitures.
BRANCARDIER
BRANCARDIER s. m. ( bran-kar-dié —
rad. brancard). Homme de peine qui porte
un brancard, n Cheval qu'on attelle au bran-
card d'une charrette, il Peu usité dans l'un
comme dans l'autre sens.
BRANTAS,
BRANTAS, nom d'une noble famille française,
qui tire son origine de celle des Brancaccio de
Naples. Bufile DE BRANCAS vint le premier
s'établir en France sous le règne de Char-
les VII. Comme il avait soutenu en Italie les
intérêts de la maison d'Anjou, il suivit celle-ci
en Provence et reçut d'elle la baronnie d'Oyse,
le marquisat de Villars et le comté de Laura-
guais.—Gaucher DE BRANCAS, seigneur d'Oyse,
conseiller et chambellan du roi Louis XII,
vivant en 154G,laissa deux fils.—L'aîné,Gas-
pard DE BRANCAS, baron de Céreste, conti-
nua la ligne directe, d'où sont sortis plusieurs
rameaux collatéraux.—Ennemond DE BRANCAS,
le cadet
(
a fprrn^ la, bra.nphe pljis générale-
ment connue sous le nom de Villars. Il épousa
Catherine de Joyeuse, et en eut, entre autres
entants) André-Baptiste DE BRANCAS, connu
plus tard sous le nom d'amiral de Villars. Ce
fut lui qui, à la tête des ligueurs, défendit
Rouen contre le roi Henri IV, et qui, lors de
la pacification, fut nommé amiral de France,
en remplacement du maréchal de Biron. —
Georges DE BRANCAS, marquis de Villars, frère
puîné de
r
Jean-Baptiste, servit avec distinc-
tion sous Henri IV, et obtint du roi Louis XIII,
en 1627, l'érection en duché, sous le nom de
Villars, des terres d'Oyse, de Champtercier
et de Villars. En 1652, de nouvelles lettres
patentes érigèrent ce duché en pairie. Sa
postérité s'est continuée jusqu'à nos jours.
BUANCAS
BUANCAS (Charles DE VILLARS, comte DE),
chevalier d'honneur d'Anne d'Autriche, né
vers 1618, mort en 1681. Dans une lettre
écrite par Bussy au marquis de Trichateau, à
la date du 30 avril 1680, et citée par M. Pau-
lin Paris, nous lisons ce passage : « Le roi
vient de donner cent mille livres à Brancas,
f
iour le récompenser de la charge de cheva-
ier d'honneur de la reine mère, qu'il avait
perdue par sa mort, après l'avoir achetée
vingt mille écus... Ce n'est pas que j'estime
Brancas ; il a de la qualité et de l'esprit, à ce
qu'on dit, mais il a un air important qui feroit
haïr le cavalier du monde le plus accompli;
de plus
?
il est d'ordinaire assez distrait, et
comme il a vu que ses rêveries ont fait rire le
roi quelquefois, il les a outrées pour se faire
un mérite d'une imperfection qui faisait par-
ler du lui, n'y pouvant réussir par de meil-
leures voies, n Bussy calomniait le célèbre
distrait de M
m e
de Sévigné, le Ménalque de
La Bruyère : il « se baignoit dans la con-
fiance », selon l'expression de la spirituelle
marquise. Tallemant des Réaux le qualifie de
« grand rêveur », et l'on sait que l'auteur des
Bistoriettcs ne se payait pas d'apparences. Il
arriva un jour à Brancas de prendre, à l'é-
glise, Anne d'Autriche pour un prie-Dieu et do
s'agenouiller derrière elle. Sa prière se rédui-
sait à ceci : « Seigneur, je suis à vous autant
qu'à qui ce soit; je suis votre serviteur très-
humble plus qu'à personne. » Etant à Rouen,
une roue de son carrosse se rompit. « Prenez
le mien, lui dit d'Héquetot, vous enverrez
quérir le vôtre quanti il sera raccommodé. —
Bien. », répondit-il, et, rentrant danssapropre
voiture, il tira les rideaux après avoir crié :
« Au logis 1 n II y resta une heure entière,
puis, s'apercevant qu'il n'avait pas changé de
place : << Hé l cocher, quel tour me joues-tu ?
n'arriveras-tu d'aujourd'hui?—Hél monsieur,
répondit l'automédon, j'ai mis les chevaux à
l'autre carrosse, il y a longtemps que je vous
attends. » Le jour de ses noces, il alla préve-
nir un baigneur qu'il coucherait chez lui :
o Vous n'y songez pas, lui dit-on. — Si fait,
je viendrai assurément. — Je pense que vous
rêvez, vous vous êtes marié ce matin. — Ah t
ma foi, dit-il, je n'y songeais plus. »